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Combattre lâantisyndicalisme qui vient
Ce numĂ©ro de votre magazine aborde deux thĂšmes qui sont au cĆur de notre combat.
contre
droite et la défense des droits syndicaux.
Ălâheure dâĂ©crire ces lignes, nous sortons dâune nouvelle manifestation, organisĂ©e le 22 mai dans les rues de Bruxelles. Une fois encore, nous avons dĂ©fendu le droit de grĂšve mis Ă mal. Nous avons partagĂ© la colĂšre des Delhaiziens. Nous avons dĂ©noncĂ© le dumping social honteux dont le secteur du commerce, parmi tant dâautres, est victime aujourdâhui.
Ce glissement du discours, cette banalisation dâidĂ©es dangereuses et opposĂ©es Ă lâexercice de la dĂ©mocratie, câest pain bĂ©nit pour lâextrĂȘme droite.
Une manifestation qui venait Ă point nommĂ©. Quelques jours avant celle-ci, nos responsables politiques â toutes couleurs confondues â discutaient au Parlement de la possibilitĂ© dâune loi prĂ©voyant lâinterdiction de manifester â pendant plusieurs annĂ©es â pour quiconque aurait Ă©tĂ© condamnĂ© aprĂšs des « faits » lors dâun « rassemblement revendicatif ». Les « faits » concernĂ©s sont variĂ©s, allant de lâhomicide aux coups et blessures, en passant par des « dĂ©gradations de biens» ou mĂȘme des dommages « sur des marchandises ». Le « rassemblement collectif » quant Ă lui, pourrait ĂȘtre de toute taille, de toute forme, statique ou en cortĂšgeâŠ
Ce qui nous Ă©tonne, câest que la proposition a mĂȘme fait son chemin dans les partis « progressistes » au sein du gouvernement.
Ce qui nous dĂ©sole, câest que des discours traditionnellement trĂšs Ă droite, antisyndicaux, opposĂ©s aux intĂ©rĂȘts du monde du travail, soient tolĂ©rĂ©s, acceptĂ©s, intĂ©grĂ©s par des forces politiques dĂ©mocratiques.
Ce glissement du discours, cette banalisation dâidĂ©es dangereuses et opposĂ©es Ă lâexercice de la dĂ©mocratie, câest pain bĂ©nit pour lâextrĂȘme droite. Nous devons le rappeler : ne pas dĂ©noncer les attaques aux droits fondamentaux, aux droits des travailleurs, câest se rendre complice dâun climat de plus en plus dĂ©lĂ©tĂšre, de plus en plus antisocial.
Thierry Bodson PrĂ©sidentAutrement dit, la loi concernerait tant des individus extrĂȘmement dangereux que des syndicalistes Ă lâarrĂȘt sur un piquet de grĂšve, devant un feu de palettes... Mais ce ne serait pas « contre nous », nous dit-on. Ce serait contre « les casseurs », prĂ©cise-t-on. Il faudrait le croire, faire confiance. Jusquâau jour oĂč ces articles de loi serviront, une nouvelle fois, Ă condamner lâun des nĂŽtres. Pour nous, câest une nouvelle attaque au droit de grĂšve, une nouvelle tentative dâintimidation, un nouveau coup de couteau Ă lâexpression dâun contrepouvoir. Plus simplement, une nouvelle gifle Ă la dĂ©mocratie.
De tout temps, le monde syndical sâest opposĂ© Ă lâextrĂȘme droite. Lâantifascisme fait partie de son ADN. Le syndicat est par consĂ©quent lâennemi naturel des partis dâextrĂȘme droite, qui rĂȘvent de lui porter un coup fatal. Aujourdâhui malheureusement, dâaucuns jouent avec le feu et tentent de rĂ©duire la portĂ©e de nos actions Ă peau de chagrin, sacrifiant les droits fondamentaux des travailleurs sur lâautel des profits des actionnaires. Sâattaquant au passage au contre-pouvoir essentiel que constituent les syndicats. Enfin, menaçant lâensemble de lâaction collective et militante.
Nous sommes Ă un tournant dangereux pour la dĂ©mocratie. Mais nous rĂ©sisterons. FiĂšrement, debout. Contre lâantisyndicalisme qui vient. t
Miranda Ulens Secrétaire généraleàsavoir la lutte
lâextrĂȘme
« LE DROIT DE GRĂVE EST UN DROIT FONDAMENTAL. FAIRE DU POGNON NâEN EST PAS UN »
Les syndicats sont descendus dans la rue en front commun Ă Bruxelles, en ce 22 mai.
La participation a Ă©tĂ© massive. Quelque 25.000 travailleurs et travailleuses en rouge, vert et bleu ont fait entendre leur voix Ă Bruxelles ce 22 mai. LâactualitĂ© du conflit Delhaize et les nombreuses atteintes au droit de grĂšve qui lâaccompagnent ont Ă©tĂ© le dĂ©clencheur de cette mobilisation.
« Les employeurs regardent ce qui se passe actuellement chez Delhaize. Si la dĂ©molition des conditions de travail et de salaire sây concrĂ©tise, dâautres suivront la mĂȘme voie », indique Raf De Weerdt, secrĂ©taire fĂ©dĂ©ral de la FGTB. « La concertation et lâaction sociales sont essentielles pour amĂ©liorer les conditions de travail dans tous les secteurs. Nous voyons de plus en plus de formes de dumping social Ă©merger dans diffĂ©rentes branches de lâĂ©conomie. Comme câest notamment prĂ©vu chez Delhaize, avec le transfert des travailleurs et travailleuses vers des commissions paritaires oĂč les conditions sont moins favorables. »
UNE MANIFESTATION HISTORIQUE
Thierry Bodson, prĂ©sident de la FGTB, parle dâune manifestation historique. « Nây allons pas par quatre chemins. Le droit de grĂšve, un droit fondamental, est en danger aujourdâhui dans ce pays. »
Le prĂ©sident de la FGTB sâen prend vivement au projet de loi proposĂ© par le ministre Van Quickenborne. « Tout le gouvernement, y compris les rouges, les verts et les bleus, vient avec un projet de loi qui va encore alourdir lâarsenal juridique et lâarsenal de rĂ©pression face aux grĂ©vistes et aux piquets de grĂšve. On nous dit que ce projet de loi viserait soi-disant les casseurs, mais dans la pratique, il constitue une attaque directe contre nos droits syndicaux et le droit de manifester. En dĂ©mocratie, le pouvoir doit respecter le contre-pouvoir. Car sans contre-pouvoir, il nây a pas de dĂ©mocratie. Aujourdâhui il sâagit dâune manifestation pour la dĂ©mocratie! »
Les attaques contre les droits syndicaux ne se limitent pas Ă la Belgique. Plusieurs camarades français de la CGT ont tenu Ă ĂȘtre prĂ©sents Ă Bruxelles le 22 mai car il font face au mĂȘme genre de rĂ©pression et dâinterdiction des piquets, aprĂšs 9 semaines de grĂšve dans les magasins Verbaudet.
Contexte. Un projet de loi introduisant dans le code pĂ©nal une nouvelle peine dâinterdiction de manifester sur la voie publique a Ă©tĂ© rĂ©cemment prĂ©sentĂ© au Parlement. De quoi parle-t-on ? En cas de condamnation pour des faits commis Ă lâoccasion dâun « rassemblement revendicatif », les cours et tribunaux peuvent prononcer une nouvelle interdiction de participer Ă de tels rassemblements Ă lâavenir. La peine dâinterdiction peut aller jusquâĂ une durĂ©e de trois ans, et six ans en cas de rĂ©cidive. Câest une nouvelle attaque contre les droits syndicaux.
QUELS FAITS, QUELS RASSEMBLEMENTS?
La notion de « rassemblement revendicatif » est dĂ©finie dans le projet de loi de maniĂšre extrĂȘmement large. On parle de tout rassemblement organisĂ© sur la voie publique, statique ou en cortĂšge, dans le but dâexprimer une ou plusieurs convictions collectives.
Quant aux faits en question ? Le projet de loi Ă©voque certes nombre dâactes particuliĂšrement graves, Ă savoir : les menaces dâattentat contre les personnes ou les propriĂ©tĂ©s, le meurtre, lâhomicide ou les lĂ©sions corporelles volontaires⊠Mais aussi, plus largement, le vandalisme, lâincendie, le graffiti, la dĂ©gradation de biens ou de marchandises⊠Il faut rappeler que pour lâensemble de ces faits, des peines existent dĂ©jĂ et la Justice dispose de tous les outils nĂ©cessaires pour condamner les coupables, le cas Ă©chĂ©ant. Cette nouvelle mesure rĂ©pressive vient ici en complĂ©ment de la peine principale.
La FGTB estime « que ces nouvelles dispositions doivent ĂȘtre supprimĂ©es, et que la restriction du droit de manifester nâest pas conforme aux droits fondamentaux ». Une position soutenue par le Conseil supĂ©rieur de la Justice et lâInstitut fĂ©dĂ©ral des droits humains ont dâailleurs exprimĂ© des avis nĂ©gatifs sur le projet de loi.
INACCEPTABLE SOUTIEN
Thierry Bodson ne mĂąche pas ses mots quand il Ă©voque le projet de loi « Van Quickenborne ». Qui tombe dans un climat antisyndical particuliĂšrement tendu et oĂč lâhostilitĂ© Ă lâĂ©gard
des mouvements sociaux devient de plus en plus perceptible. Pour le prĂ©sident de la FGTB, le soutien au projet de loi affichĂ© par les progressistes au gouvernement est incomprĂ©hensible et le sera Ă©galement pour le monde du travail. « Le premier Ă©lĂ©ment qui me vient Ă lâesprit aujourdâhui, câest le contexte dans lequel ce projet de loi sort. Les droits syndicaux sont en danger. On le voit avec Delhaize, les requĂȘtes unilatĂ©rales, les huissiers et jâen passe. Le jugement qui empĂȘche prĂ©ventivement les piquets⊠Le tout, Ă la veille dâune manifestation, le 22 mai, organisĂ©e prĂ©cisĂ©ment pour dĂ©fendre les droits syndicaux. Et dans ce contexte-lĂ , on soutient, on dĂ©fend â et je parle ici tant des socialistes que des Ă©cologistes â un projet de loi comme celui-lĂ Â ? Il ne faudra pas que ces partis sâĂ©tonnent demain que les travailleurs considĂšrent que ce ne sont plus eux qui les dĂ©fendent. »
DES AVIS DĂFAVORABLES
Le projet de loi ne rĂ©colte pas que lâopposition des syndicats. Dâautres organismes, et pas des moindres, se sont exprimĂ©s sur la question. Lâinstitut fĂ©dĂ©ral pour les droits humains rappelle dâailleurs que « le droit de manifester est une pierre angulaire dâune sociĂ©tĂ© dĂ©mocratique». « Lâinstitut fĂ©dĂ©ral pour les droits humains et le conseil supĂ©rieur de la Justice rendent des avis dĂ©favorables. Ce nâest pas rien. Ce projet de loi vient sâajouter aux dĂ©cisions prises par Annelies Verlinden concernant lâinterdiction prĂ©ventive de manifester, sur simple dĂ©cision administrative. Ăa fait beaucoup. Câest trĂšs clairement le droit Ă la libertĂ© dâopinion qui est bafoué » , poursuit Thierry Bodson.
« En muselant le contre-pouvoir, on muselle la démocratie »
ET LE FEU DE PALETTES?
Il serait beaucoup trop simple de dire que la FGTB dĂ©fend les « casseurs » ou les actes de violence. Thierry Bodson sâen dĂ©fend bien Ă©videmment. Pour lui, câest la dĂ©finition beaucoup trop large comprise dans le projet de loi qui pose problĂšme. « On va dire que jâexagĂšre, mais prenons un exemple. Dans le projet de loi, il y a la notion de âfeuâ. âMettre le feuâ. Quâest-ce que ça veut dire ? Sur les piquets de grĂšve, Ă lâentrĂ©e des entreprises ou des zonings, il arrive que des feux de palettes soient allumĂ©s. Est-ce que ça compte ? Est-ce quâun juge qui nâaime pas les syndicalistes pourra utiliser ce texte de loi pour justifier une interdiction de manifester ? OĂč est la limite ? Souvenons-nous de la notion dââentrave mĂ©chante Ă la circulationâ. On nous disait que cela ne sâappliquerait pas aux syndicalistes. Quelques annĂ©es aprĂšs, plusieurs camarades et moi-mĂȘme avons Ă©tĂ© condamnĂ©s sur cette base. On parle aussi de dĂ©gradations ou destructions âde marchandiseâ. Quâest-ce que câest ? Une fois encore, on place lâintĂ©rĂȘt des entreprises avant celui des travailleurs. »
UN CLIMAT DĂLĂTĂRE
Par ailleurs, un tel projet de loi implique nĂ©cessairement des violations de la vie privĂ©e des militants. Car dans les faits, quâen est-il ? Chaque militant serat-il dĂ©sormais contrĂŽlĂ© sur le terrain, afin de vĂ©rifier quâil nâest pas interdit de participation Ă la manifestation ? Pour Thierry Bodson toujours, ces nouvelles propositions ne font quâassombrir le climat hostile Ă lâĂ©gard des actions collectives et de celles et ceux qui y participent. « On en est dĂ©jĂ aujourdâhui Ă des situations oĂč, quand des manifestants se promĂšnent Ă deux ou trois, quelques heures aprĂšs une manifestation, la police leur demande dâenlever leur veste rouge. Câest avĂ©rĂ©, ça existe, nous avons des tĂ©moignages. Des attitudes comme celles-lĂ crĂ©ent un sentiment anti-manifestation, anti mouvements sociaux. On a une classe politique, aujourdâhui, qui ne comprend pas que la dĂ©mocratie câest pouvoir et contre-pouvoir. Câest simple, en muselant le contre-pouvoir, on muselle la dĂ©mocratie. »
On place lâintĂ©rĂȘt des entreprises avant celui des travailleurs.
Thierry Bodson
AMIANTE Le nombre de victimes pourrait encore augmenter
En Europe, le chiffre de 90.000 victimes annuelles de cancers liĂ©s Ă lâamiante pourrait encore gonfler en raison de chantiers Ă venir et dâune trop faible volontĂ© politique de prendre le sujet Ă bras le corps.
Lâamiante est toujours prĂ©sent dans les bĂątiments des annĂ©es 60 et 70 qui vieillissent, sâeffondrent. Les fibres dâamiante sont inhalĂ©es. Il faut en ĂȘtre conscient.
Eric Jonckeere,Il est urgent de mieux protĂ©ger, rĂ©duire les taux dâexposition, prĂ©venir. Lâappel vient de la CES, la ConfĂ©dĂ©ration europĂ©enne des syndicats, dont fait partie la FGTB. Le 28 avril, journĂ©e internationale dâhommage aux travailleurs dĂ©cĂ©dĂ©s ou blessĂ©s, le syndicat europĂ©en faisait le focus sur les â beaucoup trop â nombreuses victimes de cancers professionnels liĂ©s Ă lâexposition Ă lâamiante.
Ces victimes et leurs familles appellent aujourdâhui les dirigeants europĂ©ens « à offrir aux travailleurs le niveau de protection le plus Ă©levĂ© possible contre lâamiante. »
LâAMIANTE CAUSE DE CANCERS DU POUMON, DE LA PLĂVREâŠ
Les chiffres sont Ă©levĂ©s. Chaque annĂ©e, dans lâUnion europĂ©enne, environ 90.000 personnes perdent la vie Ă cause dâun cancer liĂ© Ă lâamiante. Ce qui en fait la principale cause de dĂ©cĂšs sur le lieu de travail. Lâamiante provoque la majeure partie des cancers professionnels du poumon, et du mĂ©sothĂ©liome, cancer qui touche notamment la plĂšvre.
Contrairement aux idĂ©es reçues, lâamiante est trĂšs loin dâavoir disparu des lieux de travail : entre 4 et 7 millions de travailleurs y sont toujours exposĂ©s en Europe. Et lâon serait loin dâen sortir. Paradoxalement, les travaux de rĂ©novation des anciens bĂątiments viendrait aggraver la situation, sans une prĂ©vention adĂ©quate. « Ce nombre devrait augmenter de 4 % au cours de la prochaine dĂ©cennie », indique la CES, « en raison de rĂ©novations de bĂątiments dans le cadre du Green Deal de lâUE. »
INTERDIT, MAISâŠ
« Lâutilisation de lâamiante est interdite dans lâUE depuis 2005, et plusieurs Ătats membres avaient adoptĂ© des interdictions de lâamiante bien avant cela. Le risque de cancer liĂ© Ă lâamiante reste pourtant rĂ©el. MĂȘme si le matĂ©riau nâest pas activement utilisĂ© et commercialisĂ©, lâamiante intĂ©grĂ© â par exemple dans les tuyaux, lâisolation, les poĂȘles, les appareils de chauffage, les toitures â peut mettre en danger les personnes qui effectuent des travaux dans ces bĂątiments. Ou encore les travailleurs du secteur des dĂ©chets et de lâassainissement. Les grands travaux de rĂ©novation peuvent â en lâabsence de mesures prĂ©ventives adĂ©quates â augmenter involontairement lâexposition en libĂ©rant de lâamiante incorporĂ© dans les matĂ©riaux de construction. » (source : Agence europĂ©enne de lâenvironnement, 2022)
UNE « CHARGE DISPROPORTIONNĂE POUR LES ENTREPRISES » ?
Les syndicats demandent que la limite dâexposition professionnelle Ă lâamiante soit la plus sĂ»re possible : 1.000 fibres/mÂł, comme le recommande la Commission internationale de la SantĂ© au Travail et comme le soutient lâUnion europĂ©enne. Malheureusement, lâintĂ©rĂȘt des entreprises passe une fois encore avant celui des travailleurs. Une telle limitation rĂ©duirait pourtant considĂ©rablement le nombre de dĂ©cĂšs par cancer liĂ©s Ă lâamiante dans les prochaines annĂ©es. « Cependant, la Commission europĂ©enne et le Conseil europĂ©ens soutiennent toujours que ce serait une âcharge disproportionnĂ©e pour les entreprisesâ et veulent une limite dix fois plus Ă©levĂ©e. Cette limite est identique ou supĂ©rieure Ă la limite dâexposition Ă lâamiante actuellement
en vigueur au Danemark, en France, en Allemagne et aux Pays-Bas, ce qui signifie que la limite quâils prĂ©conisent nâapporterait aucun avantage Ă un tiers de la population de lâUE. »
APPEL AUX DIRIGEANTS
Câest donc un appel Ă tous les dirigeants et dĂ©cideurs politiques qui est lancĂ© aujourdâhui: il est temps de prendre des mesures drastiques pour mettre fin Ă ce scandale interminable de lâamiante. « La rĂ©novation indispensable des bĂątiments dans le cadre du Green Deal va entraĂźner une augmentation de lâexposition des travailleurs Ă lâamiante », indique Claes-Mikael Stahl, SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral adjoint de la CES. « Les dirigeants de lâUE ont donc la responsabilitĂ© morale de leur fournir les conditions de travail les plus sĂ»res possibles. En cette JournĂ©e internationale de la mĂ©moire des travailleurs, il est temps que les politiciens tirent les leçons du passĂ© et mettent enfin la sĂ©curitĂ© des gens au-dessus des profits, quel quâen soit le prix. »
TĂMOIGNAGE
Eric Jonckheere, prĂ©sident de lâAssociation belge des victimes de lâamiante (Abeva) et victime, tĂ©moigne.
« Jâai commencĂ© par militer contre lâamiante. Ce nâest que plus tard que jâai dĂ©couvert que jâen Ă©tais aussi une victime. Mon pĂšre est mort dâun mĂ©sothĂ©liome puis ma mĂšre est tombĂ©e malade Ă son tour. Elle nous a fait passer, Ă mes frĂšres et Ă moi, des tests pour savoir si nous avions Ă©tĂ© en contact avec de lâamiante. Nous Ă©tions tous atteints. Mes parents et mes frĂšres ont fini par en mourir. Avant son dĂ©cĂšs, ma mĂšre a intentĂ© une action en justice contre Eternit. Sa volontĂ© Ă©tait de sensibiliser les gens. Lâindustrie a menti sur les dangers de lâamiante et sâest dĂ©placĂ©e de lâEurope vers les pays moins dĂ©veloppĂ©s. Je veux pointer du doigt cette industrie parce quâelle nâagit que pour le profit. La santĂ© de son compte en banque est plus importante que celle des travailleurs.
Lâamiante est toujours prĂ©sent dans bĂątiments des annĂ©es 60 et 70 qui vieillissent, tombent en ruine. Les fibres sont inhalĂ©es. Il faut en ĂȘtre conscient. Ă lâABEVA, nous aidons les familles dans leurs dĂ©marches administratives et judiciaires. Nous apportons notre soutien.
Quant Ă moi, je savais que jâavais de lâamiante dans les poumons, mais on passe Ă autre chose, jusquâau moment oĂč lâon apprend que lâon est le prochain. Tout ce que vous aviez prĂ©vu tombe Ă lâeau, câest comme un tsunami qui vous enlĂšve tout : votre santĂ©, votre travail, vos projets. Et dans mon manque de chance, jâai Ă©tĂ© privilĂ©giĂ©, car je savais dĂ©jĂ que je lâavais en moi, nous nâavons pas perdu de temps avec des tests. Je faisais partie des 5 % opĂ©rables, les mĂ©decins ont tout enlevĂ©. Alors, deux ans plus tard, me voilĂ . » t
Construire la rĂ©sistance syndicale contre lâextrĂȘme droite
En tentant de surfer sur les vagues rĂ©actionnaires et nĂ©o-fascistes qui dĂ©ferlent un peu partout dans le monde, des activistes dâextrĂȘme droite essaient actuellement de (re)constituer une force politique crĂ©dible et unifiĂ©e en Wallonie.
Ces tentatives doivent ĂȘtre prises trĂšs au sĂ©rieux dans un contexte marquĂ© par une prĂ©caritĂ© croissante et une banalisation des idĂ©es dâextrĂȘme-droite et ce dâautant plus que la derniĂšre initiative en date bĂ©nĂ©fice du soutien affichĂ© du Vlaams Belang et du Rassemblement national. Si les diffĂ©rentes mouvances de lâextrĂȘme droite wallonne arrivaient Ă sâunifier, Ă se rendre crĂ©dible et visible, et Ă sâorganiser, elles feraient ainsi sauter un des obstacles qui restreignent actuellement sa progression en Wallonie.
UNE EXTRĂME DROITE WALLONNE MORIBONDEÂ ?
Depuis la disparition du FN belge, la Wallonie est relativement Ă©pargnĂ©e par la montĂ©e de lâextrĂȘme droite observĂ©e ailleurs en Europe, mĂȘme sâil persiste quelques groupuscules en recherche dâun second souffle Ă©lectoral.
Comme lâaffirment Bruno Verlaeckt et Vincent Scheltiens dans leur livre « ExtrĂȘme droite : Lâhistoire ne se rĂ©pĂšte pas⊠de la mĂȘme maniĂšre »1, la faiblesse de lâextrĂȘme droite wallonne tient Ă 3 principaux facteurs :
âą Les propres faiblesses de ce courant : divisions internes, manque de moyens, absence de figure charismatique, profil inquiĂ©tant, pĂąles copies de partis Ă©trangersâŠ
âą Lâexistence - et le respect â dâun cordon sanitaire politique et mĂ©diatique.
âą Mais aussi et surtout la vigilance, la rĂ©activitĂ© et la capacitĂ© de riposte des antifascistes et des organisations syndicales : il sâagit de perturber chaque Ă©vĂ©nement dâextrĂȘme droite, contribuant ainsi Ă ostraciser et stigmatiser cette mouvance.
Ce tableau plutĂŽt positif ne doit pas faire oublier la possibilitĂ© rĂ©elle dâune montĂ©e de lâextrĂȘme droite en Wallonie, par la conjugaison de plusieurs facteurs :
âą Les tentatives de recomposition de lâextrĂȘme droite francophone (jusquâici sans succĂšs).
âą Lâinfluence de lâextrĂȘme droite française (Rassemblement National, GĂ©nĂ©ration identitaire, Civitas...) sur le champ politique francophone.
⹠Le développement des courants confusionnistes et conspirationnistes, particuliÚrement actifs lors de la crise sanitaire (anti-vaccins, corona-sceptiques, libertariens...).
âą Les scores cumulĂ©s des diffĂ©rentes formations dâextrĂȘme droite lors des derniers scrutins, qui peuvent atteindre des niveaux inquiĂ©tants, variant entre 5 et 10%3
âą La normalisation et le poids Ă©lectoral de lâextrĂȘme droite flamande (Vlaams Belang, Schild & Vrienden...), qui pourrait servir de modĂšle de rĂ©fĂ©rence Ă lâextrĂȘme droite francophone.
⹠Une tendance générale au renforcement autoritaire du capitalisme dans sa phase néolibérale (criminalisation des classes populaires, violences policiÚres, répressions antisyndicales, développement des moyens de contrÎle et surveillance des mouvements politiques et citoyens...).
Tous ces Ă©lĂ©ments constituent autant de facteurs qui pourraient â dans un contexte de crise - faire le lit dâun renouveau de lâextrĂȘme droite en Wallonie.
« LE VENTRE EST ENCORE FĂCOND DâOĂ A SURGI LA BĂTE IMMONDE » 2
VIGILANCE SYNDICALE ET ANTIFASCISTE
Il appartient donc aux organisations syndicales de maintenir et dĂ©velopper les deux autres verrous qui ont empĂȘchĂ© et empĂȘchent encore le dĂ©veloppement du nĂ©o-fascisme en Wallonie : le cordon sanitaire mĂ©diatique et politique et la rĂ©sistance antifasciste.
Sur ce second aspect de la lutte, la FGTB wallonne a chaque fois Ă©tĂ© au rendez-vous. Que ce soit Ă Verviers en 2019, Gilly en 2020, LiĂšge en 2021 et plus rĂ©cemment Ă Cuesmes, les militantes et militants ont rĂ©ussi Ă contrecarrer les plans des nĂ©ofascistes, Ă perturber, voire empĂȘcher leurs rassemblements. Cette stratĂ©gie antifasciste rĂ©active et radicale â la seule qui soit rĂ©ellement efficace â doit ĂȘtre amplifiĂ©e et coordonnĂ©e au niveau syndical, dans un contexte oĂč lâextrĂȘme droite va inĂ©vitablement multiplier ses tentatives de dĂ©veloppement.
ParallĂšlement, il faut aussi porter la lutte sur le terrain des idĂ©es en dĂ©construisant et combattant les mensonges et stĂ©rĂ©otypes de genre, dâorigine et de classe vĂ©hiculĂ©s par lâextrĂȘme droite et la droite extrĂȘme. Face Ă la banalisation des thĂšses les plus rĂ©actionnaires qui soient, la tolĂ©rance zĂ©ro sâimpose !
La lutte contre lâextrĂȘme droite ne peut Ă©videmment se concevoir que dans le cadre plus large du combat pour une meilleure redistribution des richesses et une sociĂ©tĂ© plus Ă©galitaire. Car câest en attaquant leurs origines que lâon peut espĂ©rer faire disparaĂźtre lâextrĂȘme droite et ses idĂ©es. Mais ce combat plus large ne doit cependant pas faire lâimpasse sur la nĂ©cessitĂ© de dĂ©velopper une stratĂ©gie syndicale antifasciste spĂ©cifique comme il en existe par exemple ailleurs en Europe4
1 Ăditions du Cerisier â Place Publique, juin 2021, 168 p.
2 Selon lâexpression attribuĂ©e Ă lâĂ©crivain et dramaturge communiste, Bertold Brecht.
3 Score cumulĂ© des listes dâextrĂȘme droite en Wallonie lors des derniers scrutins.
1995 1999 2004 2009 2014 2019
Parlement wallon 6,2Â % 4,8Â % 8,66Â % 4,67Â % 8,59Â % 6,18Â %
Parlement européen * * * 5,57 % 11,32 % 5,13 %
* Comparaison impossible en lâabsence de ventilation rĂ©gionale des rĂ©sultats avant 2009.
4 Par exemple le réseau français « Vigilance et initiatives syndicales antifascistes » (VISA), qui existe depuis 1996.
LâEXTRĂME DROITE EST LâENNEMIE DESÂ TRAVAILLEUSES ET DES TRAVAILLEURS
En novembre 2022, le Centre dâEducation Populaire AndrĂ© Genot (CEPAG) lançait sa campagne antifasciste intitulĂ©e « LâextrĂȘme droite est lâennemie des travailleuses et des travailleurs ».
Cette campagne a vocation à organiser des activités et débats, à proposer des outils audiovisuels et des écrits, et à soutenir les mobilisations antifascistes.
La menace fasciste nâa pas disparu  âelle relĂšve mĂȘme la tĂȘte â presque partout en Europe et dans le monde. Pour le CEPAG, en tant que mouvement dâĂ©ducation populaire, il est toujours indispensable dâagir et de se mobiliser contre lâextrĂȘme droite mais aussi contre tous ceux et celles qui favorisent son Ă©mergence en diffusant ses idĂ©es.
« Faussement anticapitaliste, lâextrĂȘme droite dĂ©fend en rĂ©alitĂ© un modĂšle Ă©conomique inĂ©galitaire. Elle prĂŽne un âcapitalisme nationalâ, prĂ©tendument plus vertueux et authentique que sa version âmondialisĂ©eâ mais qui exploite, en rĂ©alitĂ©, tout autant la classe travailleuse. LâextrĂȘme droite nâest pas lâalliĂ©e mais bien lâennemie des travailleuses et des travailleurs ! », rappelle Vanessa Amboldi, directrice du CEPAG.
Lâhistoire nous prouve que câest en coupant lâherbe sous le pied de lâextrĂȘme droite quâon empĂȘche son dĂ©veloppement ! t
dâextrĂȘme-droite
Rencontre avec SpĂ©ro Houmey et ValĂ©rie Demeulemeester qui ont rĂ©cemment pris les rĂȘnes du groupe militant.
Durant des années, le groupe Réagis a été un groupe militant actif à Bruxelles. Celui-ci a récemment été rebaptisé. Pourquoi ?
ValĂ©rie Demeulemeester : Tout dâabord, il sâagit dâun changement dans la continuitĂ©. Beaucoup de nos membres Ă©taient dĂ©jĂ prĂ©sents dans lâancien groupe. Suite Ă une rĂ©flexion de fond menĂ©e lâan dernier, il est ressorti le besoin de faire reposer nos actions Ă venir sur le dĂ©veloppement de nouveaux outils pĂ©dagogiques. Dans le dessein de ne pas nous arroger la paternitĂ© du travail antĂ©rieur, nous avons souhaitĂ© marquer ce nouveau cap par un changement de nom.
SpĂ©ro Houmey : Le changement de dĂ©nomination rĂ©pond Ă une volontĂ© de crĂ©er une nouvelle dynamique et de relancer nos activitĂ©s dans un cadre rĂ©Ă©valuĂ©. Lâenjeu est de mobiliser de nouveaux militants souhaitant sâinvestir dans la lutte antifasciste. Nous voulons aussi ouvrir le groupe et associer un plus grand nombre de militants Ă nos travaux.
Dans son ancienne mouture, le groupe a produit un travail considĂ©rable axĂ© sur la mĂ©moire de lâhorreur vers laquelle a toujours conduit le fascisme. Existe-t-il une volontĂ© aujourdâhui de plus ancrer les travaux du groupe dans une approche combative face au retour des idĂ©es fascisantes ?
SpĂ©ro : Nous souhaitons perpĂ©tuer lâaspect mĂ©moriel car il faut toujours se souvenir de lâhistoire rĂ©cente et de ses errements. Mais nos rĂ©flexions sont guidĂ©es par la nĂ©cessitĂ© de nous implanter beaucoup plus dans les entreprises et dây transposer la philosophie du groupe. Nous souhaitons travailler au plus prĂšs de nos militants. Il y a donc Ă la fois continuitĂ© et besoin latent de faire preuve dâimagination ainsi que dâinnovation afin de lutter efficacement contre certains discours qui se rĂ©pandent dans la sociĂ©tĂ©.
ValĂ©rie : Je nâai rien Ă ajouter, câest lĂ lâessence de notre engagement.
Quâest ce qui explique la nĂ©cessitĂ© dâencore devoir mobiliser de nos jours dans la lutte antifasciste ?
ValĂ©rie : Le combat existe malheureusement toujours dans nos sociĂ©tĂ©s. LâextrĂȘme droite et le populisme font recette, ce nâest un secret pour personne. Mais lâextrĂȘme droite prend de plus en plus des postures dĂ©tournĂ©es, elle est moins ostentatoire et avance de façon masquĂ©e. Ce qui appelle Ă des rĂ©ponses adaptĂ©es.
SpĂ©ro : Absolument ! Et lâambition affichĂ© par le groupe consiste Ă fournir une grille de lecture et des outils de dĂ©construction des discours dâextrĂȘme droite.
Certes, mais comment déconstruire ces discours ?
ValĂ©rie : Câest un vaste chantier. Nous allons lancer une sĂ©rie de campagnes en direction des entreprises et des services publics. Il y aura des dĂ©bats et des sĂ©minaires de travail sur le fascisme. Notre programme de formation, qui sera clĂŽturĂ© par un forum. Nous allons aussi crĂ©er une boite Ă outils pour rĂ©pondre Ă la nĂ©cessitĂ© de dĂ©construire les argumentaires dâextrĂȘme droite.
SpĂ©ro : Lâobjet de toutes ces dĂ©marches vise Ă donner Ă chacun â dĂ©lĂ©guĂ©, militant ou simple citoyen â des argumentaires permettant de dĂ©construire les discours trĂšs manipulateurs que diffusent aujourdâhui les idĂ©ologues dâextrĂȘme droite.
Comment inviter les militants à vous rejoindre ?
ValĂ©rie : La richesse de notre groupe rĂ©side dans sa double identitĂ©. Celle qui rĂ©vĂšle â comme lâhistorien Johann Chapoutot peut le faire â ce qui se passe autour des discours cachĂ©s de lâextrĂȘme droite comme un Johann Chapoutot peut le faire et celle qui garde vivante la mĂ©moire des horreurs Ă©manant des expression fascisantes.
SpĂ©ro : Câest de la coexistence de ces deux dimensions que rĂ©sulte la force de notre groupe. t
DU « GROUPE RĂAGIS » AU « GROUPE SYNDICAL ANTIFASCISTE »
Un nouveau souffle dans la lutte contre les idéologies
Nos réflexions sont guidées par la nécessité de nous implanter beaucoup plus dans les entreprises.
Spéro Houmey
Dis, câest quoi, lâantifascisme ?
LâĂ©dition de mai-juin de votre magazine porte sur lâantifascisme, la lutte contre lâextrĂȘme droite.
Une lutte qui peut prendre diffĂ©rentes formes, qui dispose de nombreux modes dâaction. Et qui ne se limite en rien Ă la caricature des types en noir, cagoulĂ©s, violents.
Car en fait, câest quoi, lâantifascisme ? Julien Dohet, dans son rĂ©cent ouvrage, rĂ©pond Ă cette question. Il le fait dâune maniĂšre limpide, pĂ©dagogique et accessible Ă tout public. Sous la forme dâune interview â avec ChloĂ© DelabbĂ©, jeune diplĂŽmĂ©e en sciences du travail et aujourdâhui permanente Jeunes FGTB Verviers â lâhistorien, auteur et syndicaliste spĂ©cialiste de la lutte contre lâextrĂȘme droite retrace lâhistoire de lâantifascisme, de ses origines Ă nos jours, et dĂ©taille les multiples facettes de son action. Le tout est prĂ©facĂ© par Jean Faniel, directeur du CRISP.
Lâouvrage sâintĂ©resse Ă toutes les Ă©tapes de la construction de lâantifascisme.
De sa naissance, il y a un peu plus dâun siĂšcle, en 1921. Le mouvement naĂźt en Italie en rĂ©action au fascisme de Mussolini. Ă son Ă©volution en rĂ©sistance antinazie pendant la seconde guerre mondiale. La victoire de cette RĂ©sistance mĂšnera Ă une conception erronĂ©e : celle que le fascisme a disparu en 1945. « Les anciens RĂ©sistants maintiennent cependant la vigilance ainsi que la mĂ©moire. Ce sont eux qui vont incarner lâantifascisme dans les premiĂšres annĂ©es (aprĂšs la guerre, NDLR). », Ă©crit Julien Dohet.
Le livre Ă©voque ensuite les formes plus rĂ©centes de la rĂ©sistance face Ă lâextrĂȘme droite. Ses influences dans les cultures populaires : de la culture punk anglaise Ă lâopposition â notamment musicale â au FN en France, en passant par lâantifascisme dans les stades de foot. Il en dĂ©taille les symboles, du triangle rouge au double drapeau. Ainsi que les modes dâaction, des plus visibles aux plus discrĂštes.
Mouvement hĂ©tĂ©rogĂšne, international, constituĂ© des diffĂ©rentes facettes de la gauche (voire plus), lâantifascisme repose sur un volet Ă©ducatif omniprĂ©sent, ainsi que sur une autodĂ©fense active, nĂ©cessaire face Ă une extrĂȘme droite toujours plus violente. Mais, surtout, il porte un vĂ©ritable projet de sociĂ©tĂ©. Car la lutte contre lâextrĂȘme droite vient avec une vision plus large. « Câest pourquoi, au sein de ce livre, nous avons tentĂ© dâexpliquer les aspects concrets de la lutte pour les plus faibles contre lâinstauration de la barbarie, via la poursuite dâun modĂšle de sociĂ©tĂ© plus juste, horizontal, et solidaire. »
J Retrouvez en pages 30 et 31 lâinterview de Julien Dohet.
Julien Dohet est lâauteur de plusieurs ouvrages sur le thĂšme de la lutte contre lâextrĂȘme droite. Il participe Ă©galement Ă des dĂ©bats et ateliers autour de cette thĂ©matique, pour tous les publics. Pour le contacter : jdohet@setca-fgtb.be
Dis câest quoi lâantifascisme ?
Julien Dohet Renaissance du Livre, 2022
J Disponible en librairies ou sur le site de lâĂ©diteur
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Devoir de mémoire et de vigilance
Le temps Ă©tait particuliĂšrement maussade en ce dimanche 7 mai, mais la pluie nâa pas diluĂ© la motivation. Des centaines de parapluies se sont ouverts devant le podium de la Coalition 8 mai. Un podium chargĂ© dâĂ©motion, installĂ© aux abords du trĂšs symbolique Fort de Breendonk. OĂč tant de prisonniers juifs, rĂ©sistants, opposants politiques, cibles et victimes de lâhorreur nazie, ont souffert ou pĂ©ri pendant la DeuxiĂšme Guerre mondiale. CommĂ©moration.
RECONNAĂTRE LES SIGNES
La Coalition 8 mai se rĂ©unissait pour la deuxiĂšme annĂ©e consĂ©cutive au Fort de Breendonk, dans la province dâAnvers. Afin de rĂ©clamer que le 8 mai, jour de la victoire contre le nazisme, redevienne un jour fĂ©riĂ©, un jour de mĂ©moire, et enfin un jour consacrĂ© Ă la lutte contre lâextrĂȘme droite. LancĂ©e par Ellen De Soete, militante et fille de rĂ©sistante, la Coalition 8 mai rĂ©unit des acteurs du monde syndical, culturel, associatif, universitaire. NĂ© en Flandre, le mouvement grandit peu Ă peu et se diffuse aujourdâhui dans tout le pays. Le 8 mai, des Ă©vĂ©nements seront organisĂ©s dans chaque province. Une victoire. « Associer lâextrĂȘme droite au 8 mai nâest pas anodin. Ma mĂšre rĂ©sistante, mâa plusieurs fois mise en garde Ă la fin de sa vie contre les signes quâelle reconnaissait, depuis les annĂ©es 30. » Car si le devoir de mĂ©moire est essentiel, il doit ĂȘtre associĂ© Ă un devoir de vigilance quotidien.
LâĂVADĂ DU 20 E CONVOI
Pour en parler, Simon Gronowski. Lâhomme de 91 ans monte sur scĂšne entourĂ©s de jeunes gens. Son histoire, il la raconte sans fard. « Les nazis ont tuĂ© ma sĆur et ma mĂšre en 1943, dans une chambre Ă gaz dâAuschwitz. Mon pĂšre est mort en 1945, de dĂ©sespoir. Jâavais
11 ans quand jâai Ă©tĂ© fait prisonnier avec ma mĂšre. » Simon passera une nuit dans les caves de la Gestapo Ă Bruxelles, et quelques semaines Ă la caserne Dossin. Puis sera envoyĂ©, comme tant dâautres, vers la mort dans un wagon Ă bestiau. Il se trouve dans le 20e convoi qui quittera la Belgique Ă destination dâAuschwitz. Mais les circonstances permettent son Ă©vasion. Profitant dâun ralentissement, le petit Simon sautera du train, encouragĂ© par sa mĂšre. Celle-ci, malheureusement, nâaura pas le temps de le suivre. Sa sĆur non plus. Simon parvient Ă sâenfuir seul et ne sera jamais repris.
Pendant 60 ans, il va se taire. Il Ă©tudie, grandit, dĂ©croche son doctorat en droit. Il devient musicien de jazz en autodidacte. Mais aujourdâhui, Simon Gronowski est surtout « la voix de ma mĂšre, de mon pĂšre, de ma soeur ». Il met en garde la jeunesse, au fil de ses interventions, contre les dangers de lâextrĂȘme droite actuelle, tous partis confondus, et « contre les leaders de ces partis, oĂč lâon retrouve des nĂ©onazis et des gens trĂšs dangereux ».
LA CONCERTATION SOCIALE, FRUIT DE LA RĂSISTANCE
La Coalition 8 mai compte en son sein nombre de syndicalistes. Unis, combatifs. Car le mouvement syndical est intrinsĂšquement et
q
historiquement lâennemi de lâextrĂȘme droite. « Les organisations syndicales sont particuliĂšrement visĂ©es dĂšs que lâextrĂȘme droite arrive au pouvoir », indique Thierry Bodson, PrĂ©sident de la FGTB, dans sa prise de parole. « On lâa vu il y a encore quelques mois, avec le saccage du bĂątiment de la CGIL en Italie. En Belgique, on constate Ă©galement la remise en cause du rĂŽle des syndicats, de sa lĂ©gitimitĂ© Ă reprĂ©senter le monde du travail, de la concertation sociale. Il faut rappeler que le Pacte social, la concertation sociale en Belgique viennent de la RĂ©sistance. Fondamentalement, dans une saine dĂ©mocratie, il faut un pouvoir et un contrepouvoir. Ils doivent ĂȘtre respectĂ©s lâun et lâautre pour que cette dĂ©mocratie vive. Et aujourdâhui, il est gravissime de constater le nombre dâattaques au droit de grĂšves, les condamnations de syndicalistes⊠La dĂ©mocratie est en danger. »
AUGMENTER LES INĂGALITĂS = FAIRE LE LIT DE LâEXTRĂME DROITE
Thierry Bodson poursuit. « Alors certainement, ces attaques ne sont pas de la mĂȘme ampleur que ce qui sâest passĂ© ici il y a 80 ans. Mais nous allons dans une mauvaise direction. Nous faisons face, dans ce pays, Ă la restriction de certaines de nos libertĂ©s fondamentales. Il faudra quâil y ait une forte rĂ©action de toute la sociĂ©tĂ© civile. Parce que cette restriction concerne, au-delĂ
des syndicats, lâensemble des mouvements sociaux et citoyens. Et si lâon affaiblit ces mouvements, les inĂ©galitĂ©s risquent dâaugmenter. Lâinjustice aussi. Et avec elle le sentiment quâon se bat souvent pour ne rien obtenir. Câest ce qui nous met face Ă un double danger: une montĂ©e importante des mouvements et des partis dâextrĂȘme-droite, mais aussi la diffusion de propos populistes au sein dâune partie de la droite traditionnelle. Je ne mets pas tout le monde dans le mĂȘme panier, mais il faut reconnaĂźtre que dans certains partis traditionnellement placĂ©s Ă droite, le bouc Ă©missaire, quâil sâappelle âchĂŽmeurâ, âsans-papiersâ ou âmaladeâ est de plus en plus souvent pointĂ© du doigt. »
Les organisations syndicales continueront, mĂȘme dans un environnement hostile, Ă ĂȘtre des acteurs de ce devoir de vigilance.
Pour suivre les événements de 8 mai et soutenir la revendication de faire de cette date un jour férié officiel, rejoignez la J Coalition 8 mai.
En Europe, lâextrĂȘme droite se fĂ©minise
En avril 2022, Marine Le Pen, candidate du parti dâextrĂȘme droite français Rassemblement National (RN), frĂŽle la prĂ©sidence de notre grand pays voisin. Quelques mois plus tard, pile 100 ans aprĂšs la victoire de Mussolini, Giorgia Meloni, cheffe du parti dâextrĂȘme droite Fratelli dâItalia, prĂȘte serment en tant que premiĂšre ministre italienne. Câest un fait : lâextrĂȘme droite en Europe se fĂ©minise. Mais comment ? Et pourquoi ces femmes occupent aujourdâhui des postes clĂ©s au sein de ces partis pourtant misogynes ? Le CVFE (Collectif contre les violences familiales et lâexclusion) a publiĂ© Ă ce sujet une analyse intĂ©ressante signĂ©e Juliette LĂ©onard, Ă©galement militante Jeunes FGTB.
Depuis les annĂ©es 2010, lâextrĂȘme droite change de visage et sâaffiche plus « douce », plus discrĂšte. Une oreille moins avertie nâentendra plus aussi clairement le bruit des bottes. Lâimage sâĂ©loigne des skinheads nĂ©onazi qui scandent des slogans de haine. Aujourdâhui, au premier rang, des profils plus intellectuels, en costume cravate. Ou bien des femmes. Des mĂšres de familles, des « businesswomen », blanches, chics, confiantes.
LA PLACE DES FEMMES
Selon le CVFE, la famille traditionnelle, celle que lâon retrouve dans la devise « travail, famille, patrie », est une composante essentielle de lâextrĂȘme droite. Elle serait la base de toute sociĂ©tĂ©. Un modĂšle Ă suivre. Au sein de celle-ci, les femmes et les hommes occupent des rĂŽles diffĂ©renciĂ©s. La femme sâoccupe du foyer, des enfants. On attend dâelle notamment de transmettre lâhĂ©ritage culturel. Lâhomme reprĂ©sente la virilitĂ©. Cette organisation sociale se fait « au nom de la nature ». Ce qui explique pourquoi certaines catĂ©gories de femmes â comme les femmes trans et lesbiennes, ou issues de lâimmigration â ou certaines idĂ©es Ă©galitaires, comme le fĂ©minisme, sont rejetĂ©es par ces mouvements.
Cette vision se traduit par des actions ou opinions politiques conservatrices. Ă titre dâexemple, lâextrĂȘme droite pointe du doigt le taux de natalitĂ© faible en Europe. Ce dernier serait le rĂ©sultat des politiques liĂ©es au droit Ă lâavortement. Lorsquâelle est au pouvoir, lâextrĂȘme droite dĂ©fend des politiques natalistes, qui prĂŽnent lâaugmentation de la natalitĂ© et le retour des femmes au foyer. En Hongrie, Viktor Orban met en place des aides Ă la naissance. Chez nous, en 2019, le Vlaams Belang vote contre la dĂ©pĂ©nalisation de lâavortement et propose plus tard de le re-criminaliser.
LâEXTRĂME DROITE, DĂFENSEUSE DES DROITS DES FEMMESÂ ?
MalgrĂ© la nature misogyne des partis dâextrĂȘme droite, certains se prĂ©sentent comme dĂ©fenseurs des droits des femmes. Comment ? En appuyant la thĂ©orie que les violences faites aux femmes seraient perpĂ©trĂ©es par des hommes issus de lâimmigration. Et ceci nâest pas nouveau. Nous le constations dĂ©jĂ dans les annĂ©es 80â avec le FN (Front national), en France. Afin de les dĂ©noncer, ils se concentrent sur les violences commises dans lâespace public, comme le harcĂšlement de rue.
Les femmes musulmanes sont, elles aussi, pointĂ©es de doigt. Elles sont soumises au patriarcat, contrairement aux femmes blanches qui sont « libres ». Cet argument permet Ă certaines mouvances dâextrĂȘme droite dâaller encore plus loin et se revendiquer carrĂ©ment fĂ©ministes.
DES FEMMES AUX POSTES Ă RESPONSABILITĂS
Plusieurs femmes occupent dĂ©sormais des postes clĂ©s dans des partis dâextrĂȘme droite europĂ©ens. Nous pouvons citer ici Giorgia Meloni, Marine Le Pen et Alice Weidel, cheffe du parti et groupe politique dâextrĂȘme droite AFD, en Allemagne. MalgrĂ© ces figures fĂ©minines, les hommes dans leurs partis restent largement majoritaires. Les femmes ne reprĂ©sentent respectivement que 14 % des parlementaires de lâextrĂȘme droite allemande, 30 % de lâitalienne et 37 % de la française.
« Je suis une mĂšre, je suis une femme, je suis chrĂ©tienne et on ne me le retirera pas ! » dĂ©clarait Giorgia Meloni lors dâun meeting Ă Rome en 2019. Le Pen, elle, promettait en avril 2022 : « Je vais diriger en bonne mĂšre de famille ». Câest clair : Le Pen, Meloni ou Weidel jouent sur la mise en scĂšne du fĂ©minin. Elles se prĂ©sentent
comme des femmes actives, voire fĂ©ministes. Plus douces, moins agressives, modernes. Le Pen met en avant son divorce. Weirdel, elle, est entrepreneuse, lesbienne, mĂšre de deux enfants. Mais leurs discours restent radicaux et violents. Weidel parle dâimmigration homophobe musulmane. Le Pen compare lâislamisme au nazisme. Les politiques des partis dâextrĂȘme droite sont loin de dĂ©fendre les droits des femmes. Les discours restent misogynes, racistes, antiLGBT+âŠ
Meloni, elle, se prĂ©sente comme la voix de toutes les femmes italiennes. Pourtant, son parti est celui qui compte le moins de femmes au sein du nouveau Parlement italien. Quand elle prend le pouvoir, elle change le nom du ministĂšre de lâĂ©galitĂ© des chances, pour lâappeler dĂ©sormais « MinistĂšre de la Famille, de la NatalitĂ© et de lâEgalitĂ© des chances ». Elle place une femme anti avortement, anti-PMA et anti-mariage pour tous comme ministre de la familleâŠ
UNE STRATĂGIE POLITIQUE
La question quâon se pose : pourquoi ces femmes occupent-elles des postes clĂ©s dans des partis conservateurs, voire misogynes ? Une premiĂšre explication : une tendance gĂ©nĂ©rale. Les femmes occupent de plus en plus de postes Ă responsabilitĂ©s dans les partis politiques.
DeuxiĂšmement, selon Eviane Leidig, post-doctorante Ă lâUniversitĂ© de Tilburg, il y a derriĂšre ce choix une stratĂ©gie de dĂ©diabolisation pour attitrer un nouveau public. « Ce sont surtout des hommes qui votent pour ces partis. Cependant, nous commençons Ă voir que lorsquâils sont dirigĂ©s par des femmes ils attirent davantage dâĂ©lectrices. Câest un des facteurs de leur rĂ©cente victoire ». Lâimage redorĂ©e, notamment grĂące aux mĂ©dias, des femmes de lâextrĂȘme droite, renvoie une image sympathique de ces derniĂšres.
TroisiĂšmement, ces places ont Ă©tĂ© conquises par les femmes dâextrĂȘme droite. Bien quâelles Ă©taient dĂ©jĂ prĂ©sentes, que ce soit dans le parti nazi ou de Franco par exemple, elles sont aujourdâhui plus visibles. Elles ont parfois transgressĂ© les rĂŽles quâon leur avait assignĂ© et ont mĂȘme eu des revendications anti sexistes, voire « fĂ©ministes ». Tout en continuant Ă dĂ©fendre leurs positions rĂ©trogrades contre le mĂ©tissage et pour « la complĂ©mentaritĂ© naturelle entre hommes et femmes ».
POURQUOI LES FEMMES VOTENT-ELLES POUR CES PARTISÂ ?
Selon le CVFE, y a plusieurs raisons qui expliquent ce vote souvent hĂ©tĂ©rogĂšne, bien que majoritairement blanc. PremiĂšrement, la bataille culturelle de lâextrĂȘme droite pour imposer ces discours, notamment Ă travers les mĂ©dias. Notons ici que le cordon sanitaire mĂ©diatique de la FĂ©dĂ©ration Wallonie-Bruxelles joue un rĂŽle important dans la non propagation des idĂ©ologies dâextrĂȘme droite. Ce qui se traduit dans les votes.
DeuxiĂšmement, le contexte de normalisation et banalisation du discours conservateur, notamment Ă cause de figures comme celle de Georges-Louis Bouchez ou lâapplication de politiques antisociales et anti-syndicales. Selon la Ligue des droits humains, en une vingtaine dâannĂ©es, les gouvernements successifs ont mis en application plusieurs points qui Ă lâorigine figuraient sur le programme du Vlaams Blok, prĂ©dĂ©cesseur du Vlaams Belang.
Mais il ne faut pas non plus nĂ©gliger le rĂŽle de lâentourage. En effet, la famille joue un rĂŽle important. Toujours selon lâĂ©tude du CVFE, nombre de militantes dâextrĂȘme droite sont issues de familles conservatrices et ou catholiques/traditionalistes. Elles ont Ă©galement un membre de leur famille ou un compagnon qui fait partie de lâextrĂȘme droite.
Enfin, les femmes votent Ă©galement pour les partis dâextrĂȘme droite pour les mĂȘmes raisons que certains hommes. Parce que leurs reprĂ©sentants ont des discours simples, parlent de « prĂ©occupations quotidiennes » et se prĂ©sentent comme proches du peuple. Cf le dĂ©bat Macron â Le Pen en 2022, oĂč cette derniĂšre apparaĂźt presque comme dĂ©fendant des politiques sociales⊠Les dirigeants dâextrĂȘme droite profitent aussi des crises âĂ©conomiques, migratoires, sanitaires⊠â pour se prĂ©tendre solidaires, mais pas envers toutes et tous, Ă©videmment.
LA PRUDENCE EST DE MISE
Ă une annĂ©e des Ă©lections en Belgique, restons vigilants. Nâoublions pas les raisons qui poussent ces partis Ă promouvoir des femmes au sein de leurs rangs. Nâoublions pas la nature mĂȘme misogyne, raciste, anti droits des femmes de lâextrĂȘme droite. Rappelons que lâextrĂȘme droite ne profite Ă personne. Elle nâa jamais ni initiĂ© ni obtenu dâavancĂ©es sociales. Elle nâa jamais dĂ©fendu les droits des femmes. Elle nâa jamais Ă©tĂ© du cĂŽtĂ© des travailleuses et des travailleurs. Nous avons toutes et tous notre rĂŽle Ă jouer.
Certaines questions peuvent paraĂźtre incongrues tant les rĂ©ponses semblent ĂȘtre Ă©videntes. Celle visant Ă savoir pourquoi le syndicat devrait lutter contre lâextrĂȘme droite en fait partie. Pourquoi ?
LES SYNDICATS, CIBLĂS DEPUIS TOUJOURS
Dâabord, parce que, Ă travers lâhistoire, lâextrĂȘme droite a toujours ciblĂ© les syndicats, « lâennemi intĂ©rieur » par excellence. Cela sâest manifestĂ© par leur interdiction, ou leur dissolution. De nos jours, cela se traduit par des locaux vandalisĂ©s, balafrĂ©s par des signes dâextrĂȘme droite, en Belgique ou ailleurs. Ce nâest pas un hasard si les partis dâextrĂȘme droite essaient rĂ©guliĂšrement â via diverses propositions de loi â de restreindre autant que possible la capacitĂ© dâaction des syndicats.
Par ailleurs, les comportements Ă©lectoraux des partis dâextrĂȘme droite ne sont pas en faveur de la classe laborieuse. Citons le vote sur le salaire minimum au niveau europĂ©en ou celui sur le passage de lâĂąge de la pension Ă 67 ans⊠Ainsi, les valeurs dĂ©fendues par ces groupements dâextrĂȘme droite sont aux antipodes de celles reprises dans la dĂ©claration de principe de la FGTB.
AU-DELĂ DES PARTIS, LES IDĂES
Mais au-delĂ des partis dâextrĂȘme droite, il nous semble essentiel de lutter contre leurs idĂ©es ! Car les idĂ©es propagĂ©es par lâextrĂȘme droite ont percolĂ© dans la sociĂ©tĂ©, sous des formes et des accents diffĂ©rents. Les frontiĂšres entre les partis extrĂ©mistes et les partis traditionnels se sont amenuisĂ©es. Les marqueurs sont devenus plus mitigĂ©s, les dĂ©saccords sont plus modĂ©rĂ©s.
Le dĂ©ferlement sur les rĂ©seaux sociaux de groupuscules xĂ©nophobes (tel que les « Chez nous » sur Facebook) exerce un poids certain sur le dĂ©bat public et incite les partis traditionnels Ă surfer sur cette vague. Ciblant le migrant, le rĂ©fugiĂ©, lâislamiste, le musulman. Les propos, devenus ainsi habilement Ă©dulcorĂ©s et rhĂ©toriquement aseptisĂ©s, passent en contrebande. Ce qui ne facilite pas la tĂąche de quiconque souhaitant sâopposer Ă ces idĂ©es rances.
LUTTER OUI, MAIS COMMENTÂ ?
Tout aussi intĂ©ressante est la question visant Ă savoir comment lutter contre lâextrĂȘme droite et ses idĂ©es. Tout dâabord, la meilleure maniĂšre de contrecarrer cette tendance Ă la normalisation consiste Ă insister sur le respect du cordon sanitaire politique ;
et lĂ oĂč le cordon sanitaire mĂ©diatique nâexiste plus, insister sur sa rĂ©introduction permet de souligner que ces partis ne sont pas dĂ©mocratiques et ne sont pas normaux.
Lutter contre lâextrĂȘme droite et ses idĂ©es implique de systĂ©matiquement Ă©clairer le vampire (car il ne supporte pas la lumiĂšre) : il faut systĂ©matiquement dĂ©voiler les diffĂ©rences entre les propos prĂ©tendument sociaux et les comportements Ă©lectoraux rĂ©els.
Lutter contre lâextrĂȘme droite et ses idĂ©es implique aussi de capter la colĂšre que la situation politique et les injustices crĂ©ent, avant que celle-ci ne se mue en ressentiment.
RĂ-ENCHANTER LE MONDE DU TRAVAIL
La rancĆur et le ressentiment ne sont pas innĂ©s. Il est possible dây remĂ©dier. Non pas en courrant derriĂšre les idĂ©es extrĂȘmes â car le citoyen, le travailleur, lâĂ©lecteur, prĂ©fĂšrera toujours lâoriginal aux pĂąles copies, mais en rejettant le statu quo, en ne poursuivant pas les propositions des partis extrĂ©mistes existants et surtout en prĂ©sentant une persepective dâavenir dĂ©sirable. Une perspective remplie de propositions propices Ă rĂ©-enchanter le monde du travail, de rĂ©ponses aux besoins de protection (sociale) et de sĂ©curitĂ© (sociale) ressentis dans un monde qui bouge.
Pour le dire autrement, il sâagit dâoccuper le terrain. Le nĂŽtre, pas le leur, avec nos accents, nos propositions. Cette occupation du terrain doit viser aussi Ă peser sur lâopinion publique et Ă veiller Ă ce que ce soient nos thĂšmes qui donnent le âlaâ : redistribution des richesses, rĂ©duction collective du temps de travail, transition juste. Bref, plus dâĂ©galitĂ© et moins de dĂ©bat sur « lâidentitĂ© menacĂ©e de lâhomme blanc ». La feuille de route est claire mais le chemin est sinueux et escarpĂ©.
Un billet dâOlivier Starquit, syndicaliste et auteur de plusieurs ouvrages sur la lutte contre lâextrĂȘme droite.
Le syndicat, « lâennemi intĂ©rieur » de lâextrĂȘme droite
LES NOUVEAUX VISAGES DE LâEXTRĂME DROITE
Outil pĂ©dagogique de lâASBL La Cible
IdentitĂ©, remigration, (in)sĂ©curitĂ©, wokisme, ⊠De nombreux mots de vocabulaire utilisĂ©s par lâextrĂȘme droite pour rendre leur discours acceptable. Depuis dĂ©jĂ plus de 10 ans, cette stratĂ©gie de camouflage porte ses fruits. Ă lâaube des Ă©lections, lâimportance de mobiliser nos forces pour contrer lâextrĂȘme droite est dâautant plus dâactualitĂ©Â ! Ce mardi 28 mars, dans le cadre de Mars DiversitĂ© Ă LiĂšge, lâASBL La Cible a prĂ©sentĂ© son outil pĂ©dagogique « Avec lâextrĂȘme droite, la cible, câest toi ! Les nouveaux visages de lâextrĂȘme droite ».
LES PREMIERS PAS DE LâASBL
LâASBL La Cible, crĂ©Ă©e en 2004 par la FGTB LiĂšge-Huy-Waremme, se nomme dâabord « Vlaams Belang », pour couper lâherbe sous le pied du Vlaams Blok quelques semaines avant quâil nâofficialise ce nouveau nom suite Ă sa condamnation pour racisme. Ainsi, lâalgorithme des moteurs de recherche a affichĂ© un site de sensibilisation contre lâextrĂȘme droite. Elle lance ensuite une grande campagne sous le slogan « Avec lâextrĂȘme droite, la Cible, câest toi ! », qui donnera plus tard son nom Ă lâASBL. Au-delĂ de lutter contre des partis dâextrĂȘme droite, elle veut contrer la propagation de leurs idĂ©es et montrer que leur arrivĂ©e au pouvoir aurait des consĂ©quences catastrophiques dans notre vie quotidienne, pour nos libertĂ©s individuelles et collectives.
LES NOUVEAUX VISAGES DE LâEXTRĂME DROITE
En 2023, la campagne fait peau neuve et sâinscrit dans une actualitĂ© alarmante. Depuis quelques annĂ©es en Europe, chaque Ă©lection laisse apparaĂźtre une nouvelle percĂ©e de lâextrĂȘme droite. La montĂ©e Ă©crasante du Rassemblement National en France, la situation inquiĂ©tante avec Fidesz en Hongrie, lâarrivĂ©e de Fratelli dâItalia Ă la PrĂ©sidence de lâItalie ou encore la nouvelle coalition avec les DĂ©mocrates de SuĂšde ne laissent pas indiffĂ©rent·e·s. Aujourdâhui, il paraĂźt indispensable de pouvoir dĂ©crypter, analyser, dĂ©construire les discours de lâextrĂȘme droite, se rendant de plus en plus acceptable.
Ăvitant les rĂ©fĂ©rences historiques qui font dâelle son extrĂ©misme, elle est aujourdâhui plus insidieuse, dĂ©complexĂ©e et sait comment sâemparer des rĂ©seaux sociaux. Un phĂ©nomĂšne appelĂ© la fenĂȘtre dâOverton ou la fenĂȘtre de discours explique en partie pourquoi nous assistons aujourdâhui Ă un retour de lâextrĂȘme droite. Cette fenĂȘtre dĂ©signe le spectre du dicible. LâallĂ©gorie situe lâensemble des idĂ©es, opinions ou pratiques considĂ©rĂ©es comme plus ou moins acceptables dans lâopinion publique de la sociĂ©tĂ©. Une idĂ©e
vue comme inacceptable au dĂ©part va au fur et Ă mesure de sa rĂ©pĂ©tition ĂȘtre normalisĂ©e et acceptĂ©e. Cette fenĂȘtre progresse et permet de changer la perception de lâopinion publique sans quâelle ne sâen rende compte. On peut citer la campagne de Zemmour qui a permis au Rassemblement National dâĂȘtre vu comme plus acceptable ou encore le mot « dĂ©portation » remplacĂ© aujourdâhui par « remigration ». Câest ce quâon peut appeler un changement du cadre Ă©thique selon StĂ©phanie Ardu, travailleuse Ă lâASBL La Cible.
UNE BROCHURE PĂDAGOGIQUE POUR SâOUTILLER
Ă lâaide de cartes dâidentitĂ© de partis, dâun tableau reprenant les principaux Ă©lĂ©ments de langage ou encore dâun lexique, lâoutil veut proposer une sĂ©rie dâactivitĂ©s permettant dâanalyser le message politique et les consĂ©quences quâil peut y avoir sur notre quotidien. Lâobjectif est de fournir des pistes de rĂ©flexion afin de sâapproprier le contenu et proposer une animation sur mesure, Ă sa sauce.
ComposĂ©e dâaspects thĂ©oriques et dâautres plus pratiques, la brochure sâadresse Ă deux publics : toute personne dĂ©sireuse de rĂ©aliser cette animation et les participant·e·s Ă lâanimation. Elle aborde neuf thĂšmes : la diffĂ©rence entre extrĂȘme droite et droite radicale, lâimmigration, la justice, la famille, les mouvements sociaux, la culture, lâenseignement, le solidarisme et lâaxe gauchedroite. Le livret dâillustrations qui lâaccompagne peut ĂȘtre distribuĂ©, le tout Ă©tant Ă©galement tĂ©lĂ©chargeable Ă lâadresse www.lacible.be.
Ă LâAUBE DES ĂLECTIONS 2024
Le syndicat, prĂ©sent sur le lieu du travail, a un rĂŽle majeur de sensibilisation dans la lutte antifasciste. Ă lâapproche des Ă©lections 2024, il est important de rĂ©agir contre la banalisation des partis dâextrĂȘme droite et de leurs idĂ©es. Ă lâheure oĂč la confiance en la dĂ©mocratie reprĂ©sentative sâeffrite, il est temps de se rĂ©approprier les urnes. Et surtout, ne laissons pas lâextrĂȘme droite sâemparer du terrain des idĂ©es. t
Combattre lâextrĂȘme droite dans la vie de tous les jours : le guide pratique
Des messages haineux contre les migrants, la communautĂ© LGBTI+, les femmes, les chĂŽmeurs⊠Nous en avons toutes et tous lu sur les rĂ©seaux sociaux, dans les mĂ©dias, dans lâespace public. LâextrĂȘme droite est omniprĂ©sente. Mais comment faire, en tant que citoyen, pour combattre ses idĂ©es et propos ?
SâINFORMER POUR DĂCONSTRUIRE LES PRĂJUGĂS
Qui nâa jamais Ă©tĂ© tĂ©moin dâun comportement raciste ? Qui nâa pas eu droit Ă des commentaires dĂ©placĂ©s lors dâun repas de famille ? Souvent, par peur de dĂ©clencher une dispute, on se tait. Pourtant, face au racisme, et chacun dans la limite de ses moyens, il faut rĂ©agir. Interpeller, dĂ©noncer, avertir. Afin de mieux pouvoir rĂ©pondre, il est essentiel de sâinformer sur des questions comme lâimmigration, lâĂ©galitĂ© f/h, les droits des travailleuses et travailleurs, etc. De nombreux outils sont disponibles : des livres, des articles ou des sites internet comme celui de lâasbl La Cible J https://lacible.be
La luciditĂ© Ă©tant la premiĂšre forme de rĂ©sistance, il est Ă©galement important de veiller Ă ne pas utiliser les mots de lâadversaire dans notre vocabulaire.
NE PAS LAISSER LA PLACE Ă LâEXTRĂME DROITE DANSÂ LâESPACE PUBLIC
Moins on laisse de place Ă lâextrĂȘme droite, moins ses idĂ©es seront diffusĂ©es. Ces derniĂšres annĂ©es, des organisations et citoyens se sont mobilisĂ©s Ă plusieurs reprises â et avec succĂšs â pour empĂȘcher des meetings de lâextrĂȘme droite dâavoir lieu. Citons le rassemblement du parti « Chez Nous », avec un invitĂ© du Rassemblement National (RN), qui devait avoir lieu dĂ©but fĂ©vrier et qui a Ă©tĂ© annulĂ© grĂące Ă lâaction de la Coalition Antifasciste de Charleroi, dont la FGTB Charleroi fait partie.
Mais vous pouvez aussi agir Ă titre individuel. Si vous percevez un autocollant avec un message haineux dans la rue ou un dessin dâune croix gammĂ©e dans les toilettes dâune station dâessence, ne restez pas les bras croisĂ©s ! Enlevez-le, recouvrez-le, ou collez-y un autocollant antifasciste. Vous pouvez vous en procurer notamment auprĂšs du CEPAG, via le lien suivant J www.cepag.be/campagnes
Face Ă la pollution de lâextrĂȘme droite, qui sâintensifiera sans aucun doute Ă lâapproche des Ă©lections, soyons crĂ©atifs !
Enfin, si vous souhaitez ne plus recevoir des tracts politiques de lâextrĂȘme droite chez vous, vous pouvez Ă©galement commander ici des autocollants pour votre boĂźte aux lettres J http://lacible.be/non-merci-facteur/
RĂPONDRE AUX MESSAGES HAINEUX SUR LES RĂSEAUX
SOCIAUX
En Belgique francophone, il existe un mĂ©canisme qui empĂȘche de mĂ©diatiser lâextrĂȘme droite. MĂ©canisme qui a fait ses preuves : le cordon sanitaire mĂ©diatique. Mais lâextrĂȘme droite a rapidement compris lâenjeu des rĂ©seaux sociaux et y injecte des sommes astronomiques. DĂšs lors, lorsque vous voyez un post de lâextrĂȘme droite sur votre fil dâinfo, nâhĂ©sitez pas Ă notifier au rĂ©seau social que vous ne souhaitez plus le voir.
Mis Ă part les posts des diffĂ©rents partis, les fake news apparentĂ©es aux idĂ©es dâextrĂȘme droite dĂ©ferlent partout sur le net, notamment suite aux partages dâinternautes qui y adhĂšrent. Aujourdâhui, militer contre lâextrĂȘme droite impose donc dâoccuper aussi lâespace numĂ©rique ! Mais comment ? La rĂ©ponse sur J www.clic-gauche.be
PORTER LE TRIANGLE ROUGE
Ăgalement symbole des « huit heures de travail, huit heures de loisirs, huit heures de sommeil », le triangle rouge reprĂ©sente la rĂ©sistance Ă lâextrĂȘme droite. Epinglez-le fiĂšrement sur votre t-shirt ou veste pour faire savoir que pour vous, ses idĂ©es nausĂ©abondes ne passent pas ! Vous pouvez vous procurer des triangles rouges auprĂšs de lâasbl « Territoire de la mĂ©moire », sur J boutique.territoires-memoire.be/fr t
MA SANTĂ NâA PAS DE PRIXÂ !
En janvier 2023, lâinspection du travail dĂ©livrait un rapport sans appel : 159 des 175 entreprises titres-services contrĂŽlĂ©es en 2022 Ă©taient en infraction. Parmi les infractions relevĂ©es, les trois plus frĂ©quentes concernent lâabsence dâune analyse des risques, dâune surveillance de la santĂ© et de contrĂŽle par lâemployeur du domicile du client. Plus grave encore, une entreprise sur deux ne rĂ©alise pas dâanalyse des risques « protection de la maternité ». Inacceptable pour un secteur qui compte 150.000 travailleurs, dont 97 % de femmes !
Cette situation pointĂ©e par le rapport de lâinspection a des consĂ©quences importantes sur la santĂ© des aidemĂ©nagĂšres. Les tĂ©moignages et nombreuses Ă©tudes lâattestent : elles sont exposĂ©es Ă un risque Ă©levĂ© dâincapacitĂ© de travail et donc de souffrir de troubles physiques en raison de leur travail.
DES EMPLOYEURS IMPERTURBABLES
Depuis des mois, les employeurs du secteur nient ces rĂ©alitĂ©s et refusent de reconnaĂźtre le rapport de lâinspection du travail. Rien nâest fait pour pousser leurs membres Ă respecter la loi sur le bien-ĂȘtre. Ils font peu de cas de la santĂ© des aidemĂ©nagĂšres.
Ă dĂ©faut de rĂ©action des employeurs, les syndicats appellent les pouvoirs subsidiants Ă agir. En effet, via les subsides quâils accordent aux entreprises de titres-services, ils disposent dâun levier essentiel pour amĂ©liorer le statut de lâaide-mĂ©nagĂšre.
EN CAMPAGNE AUPRĂS DES MINISTRES COMPĂTENTS
Nous attendons des diffĂ©rents ministres rĂ©gionaux quâils passent de la parole aux actes et quâils prennent leurs responsabilitĂ©s afin de garantir aux travailleuses un emploi de qualitĂ©. La campagne « Ma santĂ© nâa pas de prix » a vu le jour pour mettre la pression sur les diffĂ©rents acteurs. AprĂšs avoir dĂ©posĂ© leurs revendications auprĂšs du ministre Dermagne, nous poursuivrons nos actions devant les cabinets des diffĂ©rents ministres compĂ©tents en Wallonie, en Flandre et Ă Bruxelles.
Les employeurs des titres-services sont-ils au-dessus des lois ?
COMMĂMORATION DU RANA PLAZA
Le 24 avril 2023, dix ans exactement aprĂšs la catastrophe, nous nous sommes rassemblĂ©s au Mont des Arts Ă Bruxelles pour commĂ©morer les victimes du Rana Plaza. Une dĂ©cennie sâest Ă©coulĂ©e et le besoin de changements reste criant : « Un accord concernant la sĂ©curitĂ© a vu le jour mais il sâapplique sur base volontaire, et certaines entreprises refusent de sây soumettre », explique Annelies Deman, secrĂ©taire fĂ©dĂ©rale de la FGTB Textile.
La catastrophe du Rana Plaza nous a ouvert les yeux. Elle nous a montrĂ© les conditions dangereuses auxquelles sâexposent quotidiennement les travailleuses qui fabriquent nos vĂȘtements. Un mois aprĂšs la catastrophe, quelque 200 marques de vĂȘtements ont signĂ© avec les syndicats « lâaccord Bangladesh », aussi appelĂ© « Accord on Fire and Building Safety in Bangladesh ». Cet accord historique pour la sĂ©curitĂ© prĂ©voit des inspections indĂ©pendantes et pousse les marques de vĂȘtements Ă investir financiĂšrement dans la sĂ©curitĂ© des usines. Mais il comporte une faille : les marques de vĂȘtements dĂ©cident elles-mĂȘmes dâadhĂ©rer ou non Ă cet accord.
Lâaccord Bangladesh a permis dâamĂ©liorer la sĂ©curitĂ© de deux millions de travailleuses dans ce pays, câest un fait. Il a dâailleurs Ă©tĂ© Ă©tendu au Pakistan, oĂč environ quatre millions de travailleuses travaillent elles aussi dans des usines insalubres et dangereuses. Mais de nombreuses travailleuses travaillent encore Ă lâheure actuelle dans des conditions dangereuses. Câest clairement liĂ© au fait quâil sâagit dâun accord sur base volontaire : « Câest pourquoi nous continuons Ă mener campagne et Ă sensibiliser les gens. Des mesures importantes ont Ă©tĂ© prises, mais elles ne protĂšgent pas toutes les travailleuses. »
Annelies est catĂ©gorique : « La sĂ©curitĂ© dans les usines ne doit pas dĂ©pendre de la bonne volontĂ© des employeurs. Elle doit leur ĂȘtre imposĂ©e ! Si les employeurs veulent ouvrir une usine, le bĂątiment doit ĂȘtre inspectĂ© et rĂ©pondre aux rĂšgles de sĂ©curitĂ©. »
Outre la sĂ©curitĂ©, les conditions de travail dans les usines doivent Ă©galement ĂȘtre amĂ©liorĂ©es. Les travailleuses y passent de longues journĂ©es et des heures supplĂ©mentaires leur sont imposĂ©es. Les salaires sont extrĂȘmement bas et sont insuffisants pour vivre », sâindigne Annelies. « Nous voulons que tout le monde puisse bĂ©nĂ©ficier dâun salaire vital ».
Il faut instaurer la due diligence, câestĂ -dire que les entreprises doivent ĂȘtre tenues responsables de ce qui se passe au sein de leurs chaĂźnes de production. Ce qui nĂ©cessite un cadre lĂ©gislatif. Au sein du Parlement europĂ©en, la directive europĂ©enne sur le devoir de diligence sera votĂ©e Ă la fin du mois de mai. Une fois quâelle sera approuvĂ©e, les Ătats membres transposeront cette directive dans leur lĂ©gislation nationale. Il sâagit dâun premier pas en avant, mais la proposition pourrait ĂȘtre bien meilleure.
La formation sécurité sur chantiers devient obligatoire dans la construction
Une moyenne de 34 accidents par jour dans le secteur de la construction. Un chiffre problĂ©matique qui dĂ©montre que la sĂ©curitĂ© sur les chantiers nâest pas suffisante. Suite Ă la pression exercĂ©e par les organisations syndicales, dont la FGTB Construction, une nouvelle lĂ©gislation en matiĂšre de sĂ©curitĂ© a vu le jour le 15 avril 2023.
Elle vise à garantir la sécurité sur chaque chantier temporaire ou mobile afin de réduire autant que possible les accidents en identifiant les différents risques et dangers présents sur chantiers. Cette formation est obligatoire non seulement pour les
travailleurs, mais aussi pour les employeurs actifs sur chantier et pour les travailleurs indépendants.
Les employeurs ont un an pour se conformer Ă cette obligation. Ensuite, les travailleurs sur chantier devront ĂȘtre en possession dâune attestation prouvant quâils ont suivi une telle formation ou devront prouver quâils ont accumulĂ© au moins cinq ans dâexpĂ©rience professionnelle sur chantier.
La FGTB Construction, qui Ćuvre au quotidien pour plus de sĂ©curitĂ© sur les chantiers, se fĂ©licite de cette disposition.
La sécurité ne doit pas dépendre de la bonne volonté des employeurs !
Le travail en équipe et de nuit, sans conséquences ?
De nombreuses Ă©tudes dĂ©montrent que le travail atypique, câest-Ă -dire le travail le week-end, de nuit ou en feu continu nuit au bien-ĂȘtre et Ă la santĂ© des travailleurs. La rĂ©cente enquĂȘte menĂ©e par notre centrale, en collaboration avec les Metallos FGTB et Hiva*, renforce cette thĂšse.
* HIVA est un institut de recherche multidisciplinaire de la KU Leuven qui mÚne des recherches scientifiques orientées vers la politique.
Lâanalyse des rĂ©ponses des 4586 participants Ă cette enquĂȘte est sans appel : les horaires de travail atypiques ont des rĂ©percussions sur la santĂ© physique et mentale des travailleurs, mais aussi sur leur vie sociale et familiale. On dĂ©plore notamment une baisse de productivitĂ©, plus dâirritabilitĂ© et mĂȘme des problĂšmes relationnels qui peuvent conduire au divorce.
STOP AUX SUBSIDES POUR LE TRAVAIL EN ĂQUIPES ET DE NUIT
Ces rĂ©sultats ne sont malheureusement pas une surprise et nous poussent dâautant plus Ă faire Ă©voluer les choses. Tout dâabord, nous dĂ©nonçons le fait que les entreprises continuent de bĂ©nĂ©ficier de subsides, trĂšs avantageux, pour le travail en Ă©quipes et de nuit. Ensuite, mĂȘme si nous observons de grandes diffĂ©rences entre les secteurs, des pistes existent pour amĂ©liorer les conditions de travail. Au niveau de lâentreprise, via le CPPT, via le secteur, en nĂ©gociant une convention collective de travail pour la qualitĂ© de lâemploi et via le cadre interprofessionnel.
Aujourdâhui, il y a trop de flexibilitĂ© et nous dĂ©plorons que le cadre lĂ©gislatif ne soit gĂ©nĂ©ralement pas respectĂ©. Il est grand temps de rĂ©Ă©quilibrer la balance.
QUEL EST LâIMPACT DES HORAIRES DE TRAVAIL ATYPIQUES SUR LE BIEN-ĂTREÂ ?
67% ont un mauvais rythme de sommeil
75% dĂ©clarent que leur vie privĂ©e nâest pas en Ă©quilibre en raison des horaires variables
90% estiment ne pas pouvoir exercer leur emploi jusquâĂ 65 ans
Nouvel hĂŽtel pour le Floreal Holiday
DĂ©but mai, le Floreal Holidays a fait lâacquisition de lâHĂŽtel Eden Ardenne*** situĂ© dans la ville pittoresque de NeufchĂąteau.
LâHĂŽtel Eden Ardenne*** vient Ă©toffer le catalogue de destinations du Floreal Holidays. En plus de ses campings et domaines de vacances, vous pouvez dĂ©sormais profiter dâun sĂ©jour relaxant Ă NeufchĂąteau. La vue imprenable sur le lac de NeufchĂąteau et les paysages naturels environnants vous feront passer un sĂ©jour inoubliable.
LâhĂŽtel dispose de chambres modernes et spacieuses pour offrir un maximum de confort. Parfaitement situĂ©, il vous permet dâaccĂ©der facilement aux curiositĂ©s de la rĂ©gion.
La rĂ©duction accordĂ©e aux membres sâapplique aux rĂ©servations pour ce nouvel hĂŽtel du Floreal. Pour plus dâinformations sur les offres ou pour faire une rĂ©servation, rendez-vous sur www.florealgroep.be
Un combat syndical payant
Face Ă un permis dâexploitation arrivant Ă son terme, Liege Airport a introduit en 2022 une demande de renouvellement de ce dernier. Rapidement, certaines communes avoisinantes, mais aussi des associations environnementales et autres comitĂ©s de riverains, ont Ă©mis leurs craintes et critiques lors de lâenquĂȘte publique quant au dĂ©veloppement potentiel de lâaĂ©roport.
Le 26 aoĂ»t 2022, les deux fonctionnaires de la RĂ©gion wallonne en charge du dossier ont octroyĂ© un nouveau permis. Ă la lecture des clauses restrictives â limitation des mouvements et rĂ©duction du volume de bruit â la direction de lâaĂ©roport mais aussi des autres entreprises actives sur le site ou en relation commerciale avec ces derniĂšres et les syndicats sont montĂ©s au crĂ©neau afin de dĂ©noncer les critĂšres trop restrictifs du permis dâexploitation. De nombreux recours ont alors Ă©tĂ© introduits.
Face aux menaces pesant sur lâavenir de lâaĂ©roport liĂ©geois et sur les nombreux emplois directs et indirects, la FGTB MĂ©tal LiĂšgeLuxembourg sâest saisie du dossier et a entamĂ© un combat difficile mais payant. Rappelons que quelque 10.000 personnes sont actives directement et indirectement dans le cadre des activitĂ©s de lâaĂ©roport liĂ©geois au travers de prĂšs de 120 entreprises, 65 opĂ©rateurs logistiques avec un potentiel avĂ©rĂ© de 30.000 emplois dâici Ă 2043.
En décembre, le syndicat a débuté la consultation des différents acteurs politiques de ce dossier afin de les sensibiliser à la problématique des restrictions édictées par le permis accordé.
Le 11 janvier, les travailleurs de LiĂšge Airport ainsi que ceux des autres entreprises du site sont partis en grĂšve afin de soutenir
leurs employeurs dans leur demande de rĂ©vision du permis dĂ©livrĂ©. Dans ce cadre, un millier de travailleurs se sont rendus Ă Namur devant le siĂšge du gouvernement wallon afin de faire pression sur les politiques estimant que le permis dĂ©livrĂ© empĂȘcherait Ă lâavenir toute perspective de dĂ©veloppement de lâaĂ©roport.
Fin janvier, le gouvernement a finalement revu sa copie.
Du cĂŽtĂ© de la FGTB MĂ©tal LiĂšge-Luxembourg, le constat du combat est trĂšs clair, il sâagit dâune rĂ©ussite incontestable. La pression exercĂ©e sur les politiques a Ă©tĂ© maximale et a payĂ© puisque dâune part, le nouveau texte prĂ©voit la possibilitĂ© dâaugmenter le nombre de mouvements cargo jusquâĂ 55.000 par an. Ce chiffre ne comprend pas les vols passagers ni les vols de moins de 34 tonnes. Câest 41 % en plus que le permis dâenvironnement au dĂ©part. Et dâautre part, la rĂ©duction du bruit se fera avec une interdiction progressive des dĂ©collages de nuit pour les avions les plus bruyants (747-400). Ce qui revient Ă une solution ciblĂ©e, donc plus souple quâun coup de lime sur tous les vols.
Il est Ă souligner la mobilisation sans faille de la FGTB MĂ©tal LiĂšge-Luxembourg qui a rĂ©ussi Ă nĂ©gocier tout en affichant sa dĂ©termination et en frappant le poing sur la table quand cela sâest avĂ©rĂ© nĂ©cessaire.
Dans de nombreux pays, le 8 mai est encore un jour férié, un jour de commémoration de la libération et la victoire sur le fascisme.
Faisons à nouveau du 8 mai un jour férié.
CommĂ©morons, ensemble, la victoire de notre classe pour notre libertĂ© / contre lâextrĂȘme droite !
Ensemble, continuons à nous défendre contre ce fléau pour la paix et la solidarité.
https://coalition8mai.be
Des sanctions contre-productives
Le contexte : lâentreprise, implantĂ©e sur 3 sites en Belgique (La LouviĂšre, Manage et Clabecq) et 3 autres en Europe, produit des bobines et des plaques dâacier pour divers usages comme lâautomobile, le bĂątiment et la construction ou encore lâindustrie gĂ©nĂ©rale. Elle emploie environ 1.200 personnes en Belgique sur un total de 2.200 en Europe, sans compter les nombreux emplois indirects.
Bien que les perspectives Ă©taient positives, lâentreprise a Ă©tĂ© frappĂ©e par les sanctions imposĂ©es dans le cadre de la guerre en Ukraine. En effet, si la sociĂ©tĂ© est Ă moitiĂ© publique via Wallonie Entreprendre (ex-SOGEPA), lâautre actionnaire est le groupe mĂšre russe NLMK International. Bien quâune pĂ©riode de transition ait Ă©tĂ© obtenue, les sanctions vont impacter durement les activitĂ©s du groupe en Europe, car elles visent lâimportation des brames dâacier en provenance de Russie, Ă©lĂ©ments essentiels dans la production des plaques et des bobines dâacier.
RIEN DE CONCRET
Les MĂ©tallos Hainaut-Namur ainsi que la FĂ©dĂ©ration du Brabant ne sont pas restĂ©s sans rien faire et ont rencontrĂ© la direction ainsi que lâactionnaire public afin dâavoir des garanties concernant lâavenir de lâemploi et des activitĂ©s sur les diffĂ©rents sites. Ă lâheure actuelle, toujours rien de concret sur la table malgrĂ© diffĂ©rentes pistes envisagĂ©es. Câest donc toute une rĂ©gion qui risque de payer les coĂ»ts dâune politique insensĂ©e de la part de lâUnion EuropĂ©enne.
Bien que lâinvasion et les opĂ©rations en Ukraine soient Ă condamner, il est plus que jamais nĂ©cessaire de revendiquer une politique de paix, loin de toute surenchĂšre guerriĂšre. La guerre profite Ă certains, mais en aucun cas Ă la classe travailleuse, qui doit payer les consĂ©quences Ă©conomiques, sociales et mĂȘme Ă©cologiques de lâescalade militaire en cours.
Si ces sanctions mettent Ă terre les travailleurs de notre pays mais Ă©galement dâautres pays de lâUnion EuropĂ©enne, elles nâempĂȘchent pas les profiteurs de guerre de sâactiver.
En effet, certains concurrents industriels, comme Arcelor Mittal et Eurofer (la fĂ©dĂ©ration europĂ©enne de lâacier), ont fait
pression afin quâil nây ait aucune pĂ©riode de transition et que les sanctions soient effectives immĂ©diatement. Aucun respect pour la classe travailleuse, pourtant lâĂ©lĂ©ment central de la production de richesses de nos sociĂ©tĂ©s.
STOPPER LâHĂMORRAGIE
Il est important de rappeler ici que les organisations syndicales ont historiquement jouĂ© un rĂŽle fondamental dans lâunion entre les peuples de tous les pays, seul moyen de construire une sociĂ©tĂ© oĂč la solidaritĂ© prime sur le capital. Cet engagement historique est nĂ©cessaire encore aujourdâhui pour stopper lâhĂ©morragie sociale en cours.
Câest dâautant plus important que la sidĂ©rurgie est le premier maillon de la chaine de production. Sans acier, on ne fait pas grand-chose.
Les grands défis de demain, notamment sur la question du réchauffement climatique, nous imposent une transition qui nécessitera de construire des infrastructures capables de soutenir ces grands changements.
Contrairement Ă ce quâa dit la NVA, lâacier de NLMK Belgium ne sert pas Ă fabriquer des chars russes. Au contraire, que ce soit dans la construction dâĂ©oliennes, lâaugmentation du nombre de trains, de bus, la rĂ©novation des bĂątiments, etc⊠lâacier et la classe travailleuse sont au cĆur de lâavenir et ces sanctions vont Ă contre-courant de lâHistoire.
Si ces sanctions mettent Ă terre les travailleurs de notre pays mais Ă©galement dâautres pays de lâUnion EuropĂ©enne, elles nâempĂȘchent pas les profiteurs de guerre de sâactiver.
GrĂšve et victoire historiques de chauffeurs routiers dâEurope de lâEst
Des dizaines de chauffeurs dâEurope de lâEst ont, dans un mouvement solidaire sans faille, fait grĂšve pendant plusieurs semaines pour rĂ©cupĂ©rer leurs salaires impayĂ©s. Et ont obtenu gain de cause, malgrĂ© lâenvoi dâune milice privĂ©e par lâemployeur.
Les chauffeurs des sociĂ©tĂ©s de transport polonaises Lukmaz, Agmaz et Imperia â appartenant toutes au mĂȘme chef dâentreprise â ont entamĂ© une grĂšve fin mars en Allemagne, sur un parking Ă GrĂ€fenhausen (BadeWurtemberg). Une grĂšve qui fait suite au non-paiement de leurs salaires. « Le mouvement a Ă©tĂ© entamĂ© de maniĂšre trĂšs spontanĂ©e, suite Ă des informations Ă©changĂ©es par les chauffeurs sur leur groupe Whatsapp », indique Frank Moreels, prĂ©sident de la FĂ©dĂ©ration europĂ©enne du Transport. Deux motivations : des conditions et horaires de travail intenables et surtout des salaires impayĂ©s. « Le tout accompagnĂ© de promesses vagues. » DĂ©pit, ras le bol : les chauffeurs sâarrĂȘtent donc sur un parking Ă GrĂ€fenhausen, un lieu qui leur sert habituellement dâaire de repos.
Au total, environ 70 chauffeurs se sont unis pour rĂ©clamer leur argent et du respect. MalgrĂ© les diffĂ©rences linguistiques ou culturelles. La plupart Ă©taient GĂ©orgiens, Ouzbeks, originaires du Caucase et dâAsie centrale. La FĂ©dĂ©ration internationale du transport (ITF) a soutenu le mouvement en aidant aux dĂ©marches administratives et aux traductions.
GROS BRAS ET VOITURES BLINDĂES
Les premiers jours passent. Lâemployeur ne rĂ©agit pas. « Il a pensĂ© que le mouvement allait sâessouffler et que le travail allait reprendre rapidement. Mais ça nâa pas Ă©tĂ© le cas », poursuit Frank Moreels.
La situation dĂ©gĂ©nĂšre le vendredi 7 avril. La patron de lâentreprise lui-mĂȘme arrive sur les lieux, accompagnĂ© dâagents de sĂ©curitĂ©. Son but : rĂ©cupĂ©rer les camions par la force⊠et mettre dâautres personne au volant. Selon le site de la ZDF, lâon peut voir sur Twitter des photos de lâintervention, oĂč apparaissent une voiture blindĂ©e et des « hommes portant des vĂȘtements de type militaire et des gilets pare-balles ». Le mĂ©dia allemand cite Ă©galement Stefan Körzell, de la ConfĂ©dĂ©ration des syndicats allemands, qui Ă©voque une « menace martiale » et une « troupe de voyous paramilitaires » souhaitant mettre fin Ă la protestation.
Mais les chauffeurs ont montrĂ© une belle rĂ©sistance, et la police est intervenue. « La police Ă©tait prĂ©sente et est parvenue Ă dĂ©samorcer la situation. Dix-neuf personnes ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©es, dont le propriĂ©taire de lâentreprise de transport polonaise. Ils ont reçu lâordre de rentrer en Pologne. »
SOLIDARITĂ⊠ET VICTOIRE
SpontanĂ©ment, la solidaritĂ© a grandi autour du mouvement de grĂšve. « Des riverains, les syndicats locaux, des associations ont apportĂ© de la nourriture et ont rĂ©pondu aux besoins des grĂ©vistes. » Une solidaritĂ© qui permet de tenir le coup et de rĂ©sister. Fin avril, tous les salaires Ă©taient payĂ©s, pour un total de plus de 300.000 âŹ. « Lâemployeur a dâabord payĂ© certains chauffeurs, en imaginant quâils quitteraient la grĂšve et reprendraient le travail. Mais il sâest trompĂ©. Les gars ont continuĂ©, en attendant que tous soient payĂ©s. Câest une trĂšs grande victoire syndicale. Ces gens vulnĂ©rables, pas organisĂ©s au dĂ©part, prouvent que la solidaritĂ© paie. Câest la premiĂšre fois que des chauffeurs de lâEst se mettent ensemble pour contester les abus dont ils sont victimes. Cette grĂšve a quelque chose dâunique. Câest un exemple pour les autres chauffeurs et pour les syndicats. Nous devons continuer Ă encourager ces actions. »
LES DONNEURS DâORDRES DOIVENT PRENDRE LEURS RESPONSABILITĂS
Ces chauffeurs, employĂ©s par diffĂ©rentes entreprises polonaises, conduisaient pour le compte de grandes sociĂ©tĂ©s telles quâIkea, Volkswagen, DHL, LKW Walter, Sennder et CH Robinson. La FĂ©dĂ©ration europĂ©enne du Transport le rappelle : les grands acteurs Ă©conomiques qui utilisent des sociĂ©tĂ©s de transport malhonnĂȘtes doivent prendre leurs responsabilitĂ©s. « Ces acteurs Ă©conomiques dĂ©tiennent la clĂ© du problĂšme. Dans la course effrĂ©nĂ©e aux transports toujours moins chers, lâexploitation, le dumping social et les activitĂ©s criminelles sont le seul moyen dâatteindre les prix beaucoup trop bas qui sont attendus. Il est urgent de mettre un terme Ă cette situation. » En bref : le dumping social dans le transport routier ne peut cesser que si les clients paient un prix dĂ©cent pour ce transport.
Régime permanent de chÎmage économique instauré pour la navigation intérieure
Depuis la pandĂ©mie de coronavirus, nos bateliers et matelots de la navigation intĂ©rieure ont subi de sĂ©rieux coups durs. Fermetures obligatoires, restrictions de toutes sortes et entreprises ayant vu leur modĂšle Ă©conomique mis sous pression ont poussĂ© le secteur â et plus prĂ©cisĂ©ment nos collĂšgues du transport de passagers par voie maritime â pratiquement au bord du gouffre. Heureusement, les aides corona du gouvernement et les efforts de lâensemble des interlocuteurs sociaux au sein du fonds social pour la navigation rhĂ©nane et intĂ©rieure ont apportĂ© un certain soulagement.
Ces efforts ont permis dâĂ©viter les faillites inutiles et de maintenir le niveau du pouvoir dâachat de nos affiliĂ©s. MĂȘme si les volumes de fret repartent Ă la hausse et si les passagers retrouvent progressivement leur intĂ©rĂȘt pour le secteur, les niveaux actuels sont encore loin des chiffres prĂ©-corona. Une fois de plus, les interlocuteurs sociaux ont uni leurs forces et, sur notre proposition, le rĂ©gime temporaire de chĂŽmage corona a Ă©tĂ© converti en un systĂšme permanent de chĂŽmage Ă©conomique. Lâaccord de principe ayant Ă©tĂ© signĂ©, nous attendons la mise en Ćuvre technique du cĂŽtĂ© de lâONEM.
Afin de protĂ©ger les entreprises et leurs travailleurs contre les caprices de la mĂ©tĂ©o, le chĂŽmage Ă©conomique pourra ĂȘtre demandĂ© dĂšs lors que la mĂ©tĂ©o ne permet plus de naviguer. Ă cet Ă©gard, nous ne pensons pas seulement aux tempĂȘtes, aux tempĂ©ratures glaciales ou aux fortes pluies. Il sera Ă©galement possible de demander un chĂŽmage Ă©conomique lorsque le niveau des eaux ne permettra plus de naviguer.
Ainsi, les niveaux des voies navigables urbaines sont plus susceptibles de fluctuer, en fonction des pĂ©riodes de sĂ©cheresse prolongĂ©e ou selon que lâeau en amont est utilisĂ©e pour maintenir le niveau des principales voies navigables. Par ailleurs, les interlocuteurs sociaux de la navigation intĂ©rieure ont convenu de prolonger le systĂšme existant de chĂŽmage complĂ©mentaire. Une indemnitĂ© journaliĂšre complĂ©mentaire sera prĂ©vue, par le biais du fonds social pour la navigation rhĂ©nane et intĂ©rieure, pour tous les travailleurs touchĂ©s par le chĂŽmage temporaire. Il sâagit dâun montant de 13 euros pour les matelots, de 18 euros pour les timoniers et de 21 euros pour les bateliers. Ces montants seront indexĂ©s. Naturellement, ce nouveau rĂ©gime sâapplique uniquement aux entreprises ressortissant Ă la commission paritaire de la batellerie.
J Pour en savoir plus, nâhĂ©sitez pas Ă prendre contact avec Raf Burm, Section Navigation intĂ©rieure de lâUBT-FGTB, raf.burm@btb-abvv.be
Des ouvriers portuaires jeunes et pensionnés se retroussent les manches
ConformĂ©ment Ă la tradition et pour la premiĂšre fois depuis la crise sanitaire, une aide physique sĂ©curisĂ©e a de nouveau pu ĂȘtre apportĂ©e au centre de repos et de soins De Mick Ă Brasschaat. Ce centre avait Ă©tĂ© fondĂ© par lâUBT afin de soigner les ouvriers portuaires atteints de tuberculose pulmonaire pendant leur rĂ©Ă©ducation. Une collaboration entre nos permanents, nos (prĂ©)pensionnĂ©s et nos jeunes a conduit prĂšs de 20 personnes Ă effectuer divers travaux et rĂ©novations dans le centre. Ces mains secourables ont nettoyĂ© les terrasses, ramassĂ© les feuilles recouvrant les chemins, arrachĂ© les mauvaises herbes, dĂ©limitĂ© les places de parking et placĂ© soixante piquets de clĂŽture autour dâun prĂ© afin que le domaine soit prĂȘt pour lâĂ©tĂ©. AprĂšs lâeffort, le rĂ©confort : lâĂ©quipe a profitĂ© dâun drink convivial et a promis de revenir rapidement pour prĂȘter main forte. En tant que groupement professionnel, nous sommes fiers de voir nos membres, toutes gĂ©nĂ©rations confondues, dĂ©montrer une nouvelle fois que la solidaritĂ© nâest pas un vain mot au sein de lâUBT. t
AprĂšs une premiĂšre rencontre avec le Ministre Dermagne, le front commun syndical, la FGTB et les dĂ©lĂ©guĂ©es titres-services se sont rassemblĂ©s devant le cabinet de la Ministre Morreale Ă Namur. DeuxiĂšme arrĂȘt dâune tournĂ©e qui fait le tour de tous les ministres compĂ©tents en Belgique.
«Ma santĂ© nâa pas de prix » nâest pas quâun slogan, câest un rĂ©el cri de colĂšre des aide-mĂ©nagĂšres titresservices. Les visites de contrĂŽle effectuĂ©es en 2022 dans prĂšs de 200 entreprises ont confirmĂ© ce que les syndicats dĂ©noncent depuis de longue date : la santĂ© de ces travailleuses est menacĂ©e par des patrons en quĂȘte de profits.
Les employeurs et leurs fĂ©dĂ©rations font dâailleurs la sourde oreille en refusant de prendre en compte le rapport de lâinspection et de se conformer aux rĂšgles, dĂ©montrant une nouvelle fois que lâaspect financier prime sur la santĂ© des aide-mĂ©nagĂšres.
Ă la fin du mois dâavril, les organisations syndicales, accompagnĂ©es de dĂ©lĂ©guĂ©es, avaient Ă©tĂ© reçues par le Ministre Dermagne pour discuter de lâenquĂȘte de lâinspection et de ses rĂ©sultats. Durant cette rencontre, les travailleuses ont pu relayer leurs expĂ©riences de terrain et celles de leurs collĂšgues, confirmant ainsi les rĂ©sultats accablants de lâenquĂȘte.
Le 16 mai dernier, les organisations syndicales ont cette fois pu sâentretenir avec le cabinet de la Ministre wallonne Morreale. Pour le front commun syndical, le rĂŽle des ministres compĂ©tents est primordial dans un secteur subventionnĂ©. Il a dâailleurs insistĂ© pour que les pouvoirs subsidiants prennent enfin leurs responsabilitĂ©s en obligeant les employeurs Ă respecter les rĂšgles. Il faut que les diffĂ©rents niveaux de pouvoir, fĂ©dĂ©ral et fĂ©dĂ©rĂ©s, arrivent Ă se coordonner pour prendre des mesures communes pour le secteur sur lâensemble de la Belgique. Les travailleurs et leurs reprĂ©sentants plaident pour des mesures contraignantes et punitives, sans quoi les employeurs continueront de balayer dâun revers de la main la santĂ© des aide-mĂ©nagĂšres.
Les organisations syndicales ont Ă©galement mis lâaccent sur lâimportance du suivi mĂ©dical du travailleur. Le travail des aidemĂ©nagĂšres est physiquement et mentalement impactant, mais sans visites mĂ©dicales frĂ©quentes, les troubles rencontrĂ©s par les travailleurs ne peuvent pas ĂȘtre reconnus comme maladies professionnelles.
La santĂ© des travailleuses du secteur doit ĂȘtre prise au sĂ©rieux. Le front commun syndical attend une rĂ©action rapide de la Ministre Morreale, et entend Ă©galement interpeller les ministres flamand et bruxellois compĂ©tents trĂšs prochainement. Nous reviendrons Ă la charge et comptons bien nous faire entendre.
J Suivez lâactualitĂ© de la campagne sur notre page f FGTB Horval Titres-Services !
« MA SANTĂ NâA PAS DE PRIX ! »
Les aide-ménagÚres titres-services rencontrent la Ministre Morreale
Celui qui continue Ă se taire aujourdâhui a tout Ă craindre
La montĂ©e de lâextrĂȘme droite et lâextrĂȘme droite au pouvoir, câest une nouvelle rĂ©alitĂ© Ă laquelle il faut faire face sur notre vieux continent. 78 ans aprĂšs la victoire sur le fascisme en Europe, la lutte idĂ©ologique est, elle, plus que jamais dâactualitĂ©.
Câest la mission de la « coalition 8 mai », plateforme regroupant plusieurs organisations et personnalitĂ©s de la sociĂ©tĂ© civile, dont la FGTB, mais aussi du monde culturel et du monde universitaire. La coalition, comme son nom lâindique, a pour objectif principal de refaire du 8 mai, jour de la victoire sur le fascisme, un jour fĂ©riĂ© officiel en Belgique.
Le 8 mai Ă©tait en fait un jour fĂ©riĂ© dans notre pays jusquâen 1983, mais ce nâest dĂ©sormais plus le cas, contrairement Ă la France. Refaire du 8 mai un jour fĂ©riĂ© officiel serait hautement symbolique : cela permettrait de participer au devoir de mĂ©moire et de renforcer la lutte contre le flĂ©au quâest lâextrĂȘme droite. Le 8 mai doit ĂȘtre un jour fĂ©riĂ© « pour se souvenir, pour mettre en garde, pour dĂ©fendre. En tant que moment de cohĂ©sion sociale et dâexpression collective dâune volontĂ© de paix et de solidaritĂ©. En tant quâappel Ă lâaction. Pour que jeunes et moins jeunes puissent voir oĂč peut mener la haine et quelle bĂȘte immonde est le fascisme. Car ce nâest quâen connaissant son passĂ© et en restant vigilant quant Ă nos libertĂ©s constitutionnelles que lâon pourra effectuer les bons choix aujourdâhui et dans le futur, afin que cette horreur de lâhistoire ne se rĂ©pĂšte jamais ! Car celui qui continue Ă se taire aujourdâhui a tout Ă craindre » (www.coalition8mai.be).
Pour la FGTB Horval aussi, la lutte contre les idĂ©es dâextrĂȘme droite est primordiale et fait partie intĂ©grante du combat syndical. Câest pourquoi il Ă©tait important pour nous de participer aux commĂ©morations organisĂ©es le 7 mai au Fort de Breendonk. Nous revenons en images sur ce rassemblement.
Ne laissons aucune chance Ă lâextrĂȘme droite !
J Vous aussi rejoignez le combat sur www.coalition8mai.be
Nous sommes le 8 mai aujourdâhui⊠Et nous sommes en route vers le Fort de Breendonk. Aujourdâhui, nous ferons la sobre contribution de prononcer pendant 30 minutes les noms de hĂ©ros de la rĂ©sistance parfois oubliĂ©s depuis longtemps.
Sur place, il y a un brouillard Ă©pais et câest surtout la silence qui rĂšgne. Le Fort a Ă©tĂ© la destination finale de la vie de nombreuses personnes. Ces personnes ont Ă©tĂ© capturĂ©es, dĂ©shumanisĂ©es et assassinĂ©es parce quâelles se sont battues contre lâinjustice, et parce quâelles avaient faim ou avaient une opinion diffĂ©rente que celle du rĂ©gime en place.
La lecture commence. Et tout de suite, les mĂ©tiers se distinguent : un serveur, un avocat, un mĂ©tallurgiste, une femme de mĂ©nage, un chauffeur, un employĂ©, un fonctionnaire⊠avec ou sans enfants Ă la maison. Lâun
nâavait que 18 ans, lâautre presque 60 ans. Ils se sont tous battus pour le mĂȘme but : une vie heureuse et honnĂȘte.
Peut-ĂȘtre leurs noms ont Ă©tĂ© prononcĂ©s pour la derniĂšre fois par un ami Ă lâĂ©poque. Ou alors, câest un commandant du camp qui a passĂ© en revue les noms une derniĂšre fois, juste avant la torture ou lâexĂ©cution. AprĂšs tant dâannĂ©es, câĂ©tait lâoccasion de faire revenir leurs noms Ă la vie.
Ce nâest quâune lecture de 30 minutes, mais elle restera gravĂ©e dans nos mĂ©moires.
On ne peut que soutenir lâinitiative de soutenir le 8 mai comme jour fĂ©riĂ©.
La tĂȘte haute contre lâinjustice, toujours⊠Soyez fiers ! t
Filip Feusels, Secrétaire fédéral FGTB Horval
« Les syndicats sont un corps un contre-pouvoir que lâextrĂȘme
Comme Ă©voquĂ© dans les pages ci-avant (dossier p. 13), Julien Dohet, SecrĂ©taire Politique du SETCa de LiĂšge est lâauteur dâun livre consacrĂ© Ă lâantifascisme. Historien, administrateur de lâInstitut dâhistoire ouvriĂšre Ă©conomique et sociale (IHOES), il est Ă©galement un syndicaliste impliquĂ© et passionnĂ©. Il Ă©voque avec nous son parcours et son analyse de lâhistoire des luttes sociales et de lâextrĂȘme Droite.
Julien, tu es un peu notre « expert » SETCa sur le sujet de lâantifascisme. Comment tâes-tu amenĂ© Ă tây intĂ©resser ?
Cela fait plus de 20 ans que je travaille sur lâidĂ©ologie dâextrĂȘme droite. Jâai beaucoup lu, analysĂ© leur communication, leurs mĂ©thodes. On comprend mieux son adversaire en le connaissant. Durant mes Ă©tudes, jâavais dĂ©jĂ rĂ©alisĂ© un travail sur ce sujet. Lorsque jâai Ă©tĂ© diplĂŽmĂ©, jâai commencĂ© Ă mâinvestir aux cĂŽtĂ©s des jeunes FGTB. Câest Ă ce moment que je suis rentrĂ© de plein pied dans le syndicalisme et que jâai commencĂ© Ă militer. On est Ă la fin des annĂ©es 90. Câest une pĂ©riode oĂč lâextrĂȘme droite commence Ă percer et gagne dâailleurs les Ă©lections municipales dans certaines villes en France. Leur idĂ©ologie commence Ă se rĂ©pandre. Les jeunes FGTB menaient dĂ©jĂ des campagnes contre lâextrĂȘme droite Ă lâĂ©poque. Câest lĂ et grĂące Ă ce travail de fond que je comprends mieux le piĂšge que peuvent constituer les discours pseudosociaux de lâextrĂȘme droite.
Câest aussi Ă cette Ă©poque que se crĂ©e lâassociation Territoire de la MĂ©moire Ă la suite du dimanche noir. DĂ©but des annĂ©es 2000, je les rejoins pour y tenir une chronique. Ă la veille des Ă©lections de 2018-2019, il y a aussi un mouvement militant antifasciste qui commence Ă prendre de lâampleur, Ă se restructurer au travers de coalitions de plus grande importance. On sentait un souffle nouveau qui montait. Jâai donc aussi commencĂ© Ă me questionner sur lâantifascisme et sur son histoire. Je voulais montrer que ce mouvement et cette volontĂ© de dĂ©fendre les valeurs dĂ©mocratiques ne venaient pas de nulle part. Jâai constatĂ© quâil nây avait pas dâĂ©tudes sur lâantifascisme de maniĂšre globale en Belgique. Il y avait quelque chose Ă combler. Jâai donc commencĂ© un travail lĂ -dessus, en y apportant un regard historique.
Au cours de ton parcours, quelles Ă©volutions as-tu pu constater dans la communication de lâextrĂȘme droite ?
Ces derniĂšres annĂ©es, lâĂ©mergence des rĂ©seaux sociaux a profondĂ©ment changĂ© la donne. Câest toute la communication politique, la communication interpersonnelle qui a changĂ© avec les rĂ©seaux et donc aussi la leur. Et dans ce domaine, les extrĂ©mistes sont comme des poissons dans lâeau. Ils communiquent Ă©normĂ©ment via les rĂ©seaux sociaux, commentent Ă coups de dĂ©clarations chocs, de fake news, ils attisent les dĂ©bats chauds, font circuler la peur et la haine autour de leurs thĂšmes populistes. Quoi de plus facile ? Les rĂ©seaux sociaux sont gratuits, accessibles Ă tout le monde, rapides Ă utiliser... Cela permet de toucher beaucoup plus de gens plus facilement. Câest dĂ©jĂ un constat que jâavais pu faire Ă mes dĂ©buts, qui coĂŻncidaient aussi avec les dĂ©buts dâinternet. Ă lâĂ©poque dĂ©jĂ , les partis dâextrĂȘme droite Ă©taient sur la balle et avaient dĂ©veloppĂ© rapidement des sites web performants et trĂšs bien conçus. Ătre prĂ©sent sur les rĂ©seaux est une chose. Cela permet dâavoir une audience, dâĂȘtre vu. NĂ©anmoins, ce nâest pas cela qui construit un parti politique. Pour exister, ils ont besoin de contacts rĂ©els avec les gens, ils doivent pouvoir se rĂ©unir, organiser des meetings. On peut dĂ©jĂ lutter contre la communication virtuelle de lâextrĂȘme droite. Mais la lutte se fait aussi sur le terrain, câest essentiel. Et câest lĂ que les antifascistes jouent un vrai rĂŽle.
Est-ce que la prĂ©sence de lâextrĂȘme droite sâest banalisĂ©e dans notre sociĂ©tĂ©Â ?
On sâest habituĂ©s peu Ă peu Ă la prĂ©sence de lâextrĂȘme droite dans la sphĂšre politique et dans la sociĂ©tĂ© et on a, câest vrai, connu une certaine phase de banalisation. Lors du dimanche noir en 1991, lorsque le Vlaams Blok avait fait une entrĂ©e fracassante sur la scĂšne politique belge, rĂ©coltant de nombreux
corps dĂ©mocratique essentiel, lâextrĂȘme droite ne supporte pas
suffrages, lâĂ©tonnement et lâindignation Ă©taient Ă leur paroxysme. Des initiatives et des collectifs sâĂ©taient alors mis en place pour lutter contre la montĂ©e de lâextrĂȘme droite. Ailleurs en Europe aussi, lors de la victoire du parti dâextrĂȘme droite aux Ă©lections lĂ©gislatives dâAutriche en 1999, le scrutin avait Ă©tĂ© vĂ©cu comme un tremblement de terre. Pareil en France en 2002, lorsque JeanMarie Le Pen et son parti du Front National ont remportĂ© le 1er tour des Ă©lections prĂ©sidentielles. AprĂšs cette phase dâindignation, les choses se sont peu Ă peu tassĂ©es et banalisĂ©es et ce, de maniĂšre insidieuse. Lors des rĂ©sultats des Ă©lections qui ont suivi, lâĂ©tonnement Ă©tait moins prĂ©sent si lâextrĂȘme droite rĂ©coltait des voix supplĂ©mentaires. Les dangers de lâextrĂȘme droite, sujet brĂ»lant Ă la fin des annĂ©es 90, ne suscitait plus un tel engouement et semblait ĂȘtre passĂ© sous les radars. La vigilance et lâattention Ă©taient redescendues alors que lâextrĂȘme droite Ă©tait toujours bel et bien lĂ et mĂȘme se renforçait. Mais depuis quelques temps, les consciences se rĂ©veillent Ă nouveau. La naissance de la coalition 8 mai en est un exemple criant
En quoi ce symbole du 8 mai est fondamental ?
Il y a aujourdâhui une mobilisation contre lâextrĂȘme droite qui se restructure et qui prend de lâampleur. Il y a des syndicalistes qui travaillent sur ces question-lĂ . Des collectifs antifascistes plus larges commencent Ă se mettre en place. Il y a une conscience quâil y a une menace et quâil faut agir. La parole se libĂšre. En ligne de mire, il y a les Ă©lections de 2024 et le danger de voir Ă nouveau lâextrĂȘme droite prendre de lâampleur. Le 8 mai 1945, lâAllemagne nazie a Ă©tĂ© vaincue et les atrocitĂ©s du fascisme ont pris un gros coup dâarrĂȘt. Le souvenir de cette victoire a Ă©tĂ© entretenu par un jour fĂ©riĂ© jusquâen 1974, oĂč le gouvernement a dĂ©cidĂ© de le supprimer Ă cause de la crise Ă©conomique. La Coalition du 8 mai, une initiative dâEllen De Soete, demande aujourdâhui la rĂ©introduction du 8 mai comme jour fĂ©riĂ© pour faire front contre lâextrĂȘme droite. Câest important car hautement symbolique. LâannĂ©e derniĂšre, plusieurs organisations et de nombreuses personnes se sont rassemblĂ©es au Fort de Breendonk pour se rallier Ă la demande de la coalition du 8 mai. Cette annĂ©e, nous irons un cran plus loin et de nombreuses actions se tiendront Ă nouveau. La lutte contre lâextrĂȘme droite est lâune
des prĂ©occupations de la FGTB, qui avait dâailleurs votĂ© une motion en ce sens lors de son dernier congrĂšs
Les rassemblements fascistes donnent souvent lieu à des réactions contre les antifascistes.
On est face Ă un problĂšme Ă©thique et politique. Ă chaque fois quâil y a un rassemblement de lâextrĂȘme droite, ce nâest pas interdit parce quâil sâagit de lâextrĂȘme droite mais parce que la tenue de ce meeting entraĂźne une contre-manifestation antifasciste, qualifiĂ©e comme pouvant causer un dĂ©sordre Ă lâordre public. On tourne le problĂšme Ă lâenvers. On utilise le mobile de lâantifascisme pour interdire un rassemblement fasciste. On met ainsi sur un mĂȘme pied, fascisme et antifascisme. Ce nâest pas Ă©quilibrĂ©. Câest un danger pour la dĂ©mocratie. Et câest justement ce que les antifascistes essaient de dĂ©fendre. Les forces de lâordre semblent parfois voir plus de danger dans les antifascistes que dans les fascistes. Cela soulĂšve quand mĂȘme de nombreuses questions. Les syndicalistes, eux aussi, commencent Ă se prendre des attaques et Ă ĂȘtre perçus comme des fauteurs de troubles. On lâa vu rĂ©cemment dans le conflit Delhaize. Câest dâune violence inouĂŻe. Il y a lĂ un basculement qui doit nous interpeller.
Ces derniĂšres annĂ©es, lâĂ©mergence des rĂ©seaux sociaux a profondĂ©ment changĂ© la donne. Câest toute la communication politique, la communication interpersonnelle qui a changĂ© avec les rĂ©seaux et donc aussi la leur. Et dans ce domaine, les extrĂ©mistes sont comme des poissons dans lâeau.
Les syndicats sont souvent la cible de lâextrĂȘme droite. Pourquoi ?
Les syndicats sont un corps dĂ©mocratique essentiel, un contrepouvoir que lâextrĂȘme droite ne supporte pas. LâextrĂȘme droite prĂŽne lâindividualisme dans une sociĂ©tĂ© homogĂšne, lĂ oĂč nous prĂŽnons la solidaritĂ© et une sociĂ©tĂ© ouverte Ă la diversitĂ©. Les organisations syndicales sont la dĂ©monstration que la lutte paie et que tendre vers plus de progrĂšs social est possible. Il y a un travail de fond Ă faire sur le terrain pour conscientiser sur les dangers de lâextrĂȘme droite. Et les dĂ©lĂ©guĂ©s jouent un rĂŽle Ă ce niveau. Câest expliquer les choses, contre argumenter contre les fausses idĂ©es populistes, lutter contre le racisme, le sexisme et contre toute forme de discrimination. Il faut continuer Ă se mobiliser, ĂȘtre prĂ©sent sur tous les fronts. Continuer Ă ĂȘtre vigilants tous les jours.
Delhaize : un conflit emblématique
Au moment oĂč nous rĂ©digeons cet article, le 1er mai est tout juste derriĂšre nous. Un jour historique oĂč nous nous souvenons des combats acharnĂ©s de nos ancĂȘtres, qui ont permis dâobtenir des droits sociaux Ă©lĂ©mentaires, comme lâobtention de la journĂ©e de 8h, du repos dominical ou encore les premiers congĂ©s payĂ©s.
Câest aussi une journĂ©e de lutte et de rassemblement pour rappeler quâil faut continuer Ă dĂ©fendre nos conditions de travail et Ă tendre vers plus de progrĂšs social pour tous. Aujourdâhui, plus que jamais, nous voyons Ă quel point les conditions de travail sont mises sous pression et Ă quel point les travailleurs sont traitĂ©s comme des marchandises.
UN CAPITALISME DĂBRIDĂ
Le cas Delhaize est rĂ©vĂ©lateur de cette situation. Depuis le 7 mars dernier, les travailleurs y mĂšnent un combat acharnĂ© pour dĂ©fendre leurs droits et leurs conditions de travail. Face Ă eux, une direction inflexible qui a dĂ©cidĂ© unilatĂ©ralement dâimposer la mise sous franchise des 128 magasins intĂ©grĂ©s du groupe. Les tentatives de conciliation nâont permis dâaboutir Ă aucune ouverture jusquâĂ prĂ©sent.
Il sâagit lĂ dâun conflit emblĂ©matique, car il est lâexemple mĂȘme dâun capitalisme dĂ©bridĂ© et arrogant oĂč lâon traite les travailleurs comme des marchandises. Une multinationale, dont les actionnaires touchent chaque annĂ©e des millions dâeuros de dividendes, qui nâest pas dĂ©ficitaire, dĂ©cide du jour au lendemain de transfĂ©rer son personnel auprĂšs de petits indĂ©pendants, dont la commission paritaire est bien moins avantageuse.
La dĂ©marche de Delhaize est une restructuration cachĂ©e oĂč lâon parcellise lâentreprise au nom du profit.
Il sâagit dâun conflit emblĂ©matique, car il atteint le summum en ce qui concerne le mĂ©pris de la concertation sociale : la direction refuse tout dialogue et campe sur ses positions. Elle nâhĂ©site pas Ă casser les actions de grĂšve en faisant appel Ă des huissiers et Ă la police, en recourant Ă la justice via lâintroduction de requĂȘtes unilatĂ©rales. Et la justice abonde dans leur sens.
LE DROIT DE GRĂVE EN DANGER
Câest le principe mĂȘme du droit de grĂšve qui est aujourdâhui mis en pĂ©ril. Un droit pourtant fondamental depuis 1866 pour lequel nos ancĂȘtres se sont battus, parfois au pĂ©ril de leur vie. Il est reconnu par la Charte sociale europĂ©enne du conseil de
lâEurope. Les fondements mĂȘmes de notre dĂ©mocratie sont en danger.
Ce conflit est rĂ©vĂ©lateur de la dĂ©gradation et de lâubĂ©risation des conditions de travail. Nous le constatons dans tous les secteurs. Les employeurs en exigent toujours plus. Plus de flexibilitĂ©, de polyvalence, de charge de travail, en voulant en donner toujours moins. Et en tentant au passage dâĂ©carter du jeu les organisations syndicales. Elles sont pourtant une protection essentielle pour pouvoir continuer Ă dĂ©fendre collectivement les droits et les intĂ©rĂȘts des travailleurs, acter cela dans des conventions sectorielles ou dâentreprise.
Seul, un travailleur se retrouve isolé face aux dérives éventuelles de son employeur. Ensemble, on est plus forts pour se faire entendre. Le droit à la représentation syndicale est un droit fondamental.
LE COMBAT PAIE
Les travailleurs de Delhaize ont en tout cas fait preuve dâune immense dĂ©termination et dâun grand courage. Et nous venons encore de le voir rĂ©cemment dans une autre entreprise : ING.
Le 10 fĂ©vrier dernier, notre dĂ©lĂ©guĂ© principal SETCa Ă©tait injustement licenciĂ© pour faute grave par une direction qui nâavait pas hĂ©sitĂ© Ă consulter illĂ©galement les mails de dĂ©lĂ©guĂ©s pour crĂ©er un climat de peur. Le SETCa a introduit un recours en justice auprĂšs de la chambre nĂ©erlandophone du tribunal du travail de Bruxelles. La banque est dĂ©boutĂ©e sur toute la ligne. Nous nous rĂ©jouissons de cette victoire tant la sanction Ă©tait injuste.
Câest bien la preuve que le combat paie. Pour le SETCa, il faut toujours nĂ©gocier si possible et passer Ă lâaction sâil le faut. Dans le cas de Delhaize, nous nâavons dâautre choix que de rĂ©sister. Delhaize nâest pas une entreprise en difficultĂ©. Les travailleurs sont sacrifiĂ©s au profit des actionnaires. Lâenjeu ne se limite pas Ă ces travailleurs ni aux conditions de travail, loin de lĂ . Si nous laissons faire cela aujourdâhui, demain, câest la porte ouverte Ă des dĂ©rives similaires dans dâautres entreprises, dâautres secteurs. Nous ne devons jamais permettre cela. t
Le droit à la représentation syndicale est un droit fondamental.
COLLOQUE
Pas de justice climatique et sociale sans justice fiscale
Lâobjectif du colloque organisĂ© par le RĂ©seau pour la Justice fiscale (RJF) le 16 juin est dâaboutir Ă des propositions afin de faire face Ă la crise aux multiples dimensions que nous traversons et qui se caractĂ©rise par une augmentation de la pauvretĂ© et de lâextrĂȘme pauvretĂ©. Les inĂ©galitĂ©s, y compris celles de genre, ne cessent de sâapprofondir.
Ce contexte accentue le besoin de mettre en place des solutions disruptives permettant dâavancer vers plus de justice sociale tout en respectant les limites planĂ©taires et la biodiversitĂ©, et inversement. Parmi ces solutions, la justice fiscale est un socle essentiel. Elle permet en effet de rĂ©pondre Ă lâurgence de mobiliser des moyens significatifs afin dâagir sur les causes et consĂ©quences de ces crises et de transformer en profondeur notre sociĂ©tĂ©.
Avec des interventions de : Thierry Bodson (FGTB)
âą Christine Mahy (RWLP)
âą Marie-HĂ©lĂšne Ska (CSC)
⹠Nicolas Van Nuffel (Coalition Climat) ⹠Guillaume Lhoest (Equipes Populaires) ⹠Tové Maria Ryding (Eurodad).
Les différentes thématiques qui seront abordées dans les ateliers sont : [1] Réforme fiscale belge ⹠[2] Taxation des multinationales ⹠[3] Transparence fiscale, comptable et financiÚre ⹠[4] ImpÎt sur la fortune ⹠[5] Taxe sur les transactions financiÚres.
Participation gratuite, mais inscription prĂ©alable auprĂšs de puissantd@gmail.com. Mettre « colloque RJF » dans lâobjet du mail, mentionner vos nom et prĂ©nom et les ateliers choisis (1, 2 ou 3,4 ou 5). Date limite dâinscription : le 2 juin.
Maison des Associations Internationales, rue Washington 40 à 1050 Bruxelles (tram 81 au départ de Bruxelles-Midi).
CONCOURS RĂ©alisez votre film sur le handicap
The Extraordinary Film Festival revient cette annĂ©e pour la 7e fois Ă Namur. Il propose une sĂ©lection internationale de films de fiction et de documentaires, centrĂ©s sur les rĂ©alitĂ©s des personnes en situation de handicap. Ce festival tout public, organisĂ© par lâasbl EOP, permet dâinterroger notre rapport au handicap et dâamener une image diffĂ©rente de celle qui est souvent imposĂ©e par notre sociĂ©tĂ©.
La prochaine Ă©dition aura lieu en novembre, mais la seconde Ă©dition du concours « Fais ton court » est dĂ©jĂ lancĂ©e. Lâobjectif est de proposer Ă qui le souhaite, de rĂ©aliser un film court pour montrer, imager et raconter le handicap, de façon crĂ©ative. La deadline du concours est fixĂ©e au 31/07. Les films sĂ©lectionnĂ©s seront montrĂ©s au festival.
J Vous souhaitez tenter votre chance ? Retrouvez toutes les infos pratiques ici : https://teff.be/concours
LUC ET JEAN-PIERRE DARDENNE
Les 13 et 14 avril sâest dĂ©roulĂ©e Ă Virton, au CinĂ©ma Patria, la premiĂšre Ă©dition du festival du film engagĂ© « Action ! », organisĂ© par le CEPPST (Centre dâĂ©ducation permanente et de promotion sociale des travailleurs), la rĂ©gionale du CEPAG en province du Luxembourg. Parmi les films Ă lâaffiche : Tori et Lokita, le dernier film poignant des frĂšres Dardenne, honorĂ© du prix spĂ©cial du 75e Festival de Cannes. DĂ©couvrez quelques extraits de lâinterview des cĂ©lĂšbres rĂ©alisateurs, Jean-Pierre et Luc Dardenne, au micro de Yannick Bovy, pour Syndicats Magazine.
Quâavez-vous cherchĂ© Ă susciter dans lâesprit des spectatrices et spectateurs en rĂ©alisant ce film ?
Luc Dardenne : Nos deux personnages sont des amis. Cette amitiĂ© extraordinaire entre ces deux MENA (Mineurs Ă©trangers non accompagnĂ©s) est la lumiĂšre du film, son foyer, et ça touche les spectateurs. Ăa suscite chez eux un sentiment de rĂ©volte par rapport Ă lâinjustice que ces jeunes subissent et Ă lâĂ©tat dâabandon dans lequel ils sont laissĂ©s par nos Ătats. On essaye de toucher le spectateur au plus profond. Quâil fasse un transfert ; quâil devienne un jeune migrant, quâil vive son histoire, sa souffrance, son dĂ©sir de justice. Quâil devienne lui, ou elle. Mais lâidĂ©e est aussi que les spectateurs se disent : « Les migrantes, les migrants ne sont pas une menace ». Quâils voient en eux des amis, plutĂŽt que de soidisant dangereux migrants/profiteurs qui viennent chercher du travail.
Dans la politique migratoire concernant les MENA, il y a une sorte dâaberration : les Ătats qui adhĂšrent Ă la Convention de GenĂšve, dont la Belgique, doivent protĂ©ger les enfants jusquâĂ leurs 18 ans. Mais Ă 18 ans, câest fini. Sâils nâont pas encore leurs papiers, on leur demande de quitter le territoire. Câest terrible. Certains se tournent alors vers des rĂ©seaux clandestins, alors quâils allaient peut-ĂȘtre dĂ©crocher un diplĂŽme⊠Si le film pouvait avoir une influence vis-Ă -vis des hommes et femmes qui dirigent lâEurope, ce serait formidable.
Jean-Pierre Dardenne : On est dans un contexte hostile par rapport aux migrants. Parmi nos films, celui-ci est le plus dĂ©nonciateur. On dĂ©nonce la situation que subissent ces enfants. Ă la fin du film, Tori dit quelque chose par rapport Ă ce qui est arrivĂ© Ă sa sĆur. Je ne vais pas le dĂ©voiler ici. Mais ce qui arrive Ă Lokita est profondĂ©ment injuste. Câest de la violence administrative. En tant que cinĂ©aste, on ne doit pas se noyer dans les gĂ©nĂ©ralitĂ©s et dans les procĂšs dâintention. Il faut partir dâun cas prĂ©cis, comme celui de Tori et Lokita, pour montrer que les autres enfants ont aussi leur place.
On est dans un contexte hostile par rapport aux migrants. Parmi nos films, celui-ci est le plus dénonciateur. On dénonce la situation que subissent ces enfants.
On vit une pĂ©riode de crises multiples : sociale, Ă©conomique, migratoire, climatique, dĂ©mocratique avec la montĂ©e de lâextrĂȘme droite⊠rĂ©sultant des mĂ©canismes destructeurs du capitalisme. Comme toujours, ce sont les plus dĂ©munis qui en payent le prix fort. Comment vivez-vous cela ? Est-ce un constat dâĂ©chec pour le cinĂ©ma engagĂ©, lâĂ©ducation populaire, les luttes sociales, syndicales, âŠÂ ?
Luc : Je ne pense pas quâon ait perdu la bataille. Si lâon se compare Ă dâautres pays non europĂ©ens, je pense que lâEurope a progressĂ©. En matiĂšre de droits humains, notamment. On a des Ătats politiquement dĂ©mocratiques, mĂȘme si les inĂ©galitĂ©s sociales restent fortes et que le capitalisme nâa fait quâaugmenter depuis les annĂ©es 80.
Mais je ne ferais pas un tableau trop noir. Parce que ça, ça fait les choux gras de lâextrĂȘme droite. Ce qui est particulier aujourdâhui avec lâextrĂȘme droite, câest quâelle a des programmes sociaux qui sĂ©duisent des gens qui furent Ă gauche et qui maintenant votent pour elle. Par exemple, le Vlaams Belang prĂŽne 1.500 euros de salaire minimum. Marine Le Pen parle de pouvoir dâachat. Ils ont rĂ©uni lâaspect social et lâaspect sĂ©curitaire : la peur de lâautre, de lâ« étranger ». Il faut bien rĂ©agir contre ça et ne pas ĂȘtre pris dans leur piĂšge. Je ne considĂšre pas quâon soit battus, mais on ne doit pas non plus se reposer. Il y a toujours des problĂšmes urgents, comme lâaccĂšs au logement, Ă la santé⊠Il faut continuer Ă se battre.
Est-ce que ces circonstances, ces crises successives, vous amÚnent à questionner votre maniÚre de faire des films ?
Jean-Pierre : Tori et Lokita est le film oĂč le cĂŽtĂ© dĂ©nonciateur est le plus visible. Les films que nous
« Il faut continuer à se battre ! »
La situation est grave mais on continue.
On nâa pas peur de lâextrĂȘme droite, on lui dit « merde ».
Luc Dardenne, réalisateurJean-Pierre Dardenne, réalisateur
faisons mettent au centre des personnes invisibilisĂ©es, marginalisĂ©es. Câest un regard sur la sociĂ©tĂ©, sur ce qui fonctionne bien ou pas.
Luc : La situation est grave mais on continue. On nâa pas peur de lâextrĂȘme droite, on lui dit âmerdeâ. Je lâai vu tout Ă lâheure, avec la rĂ©action des jeunes. Il faut rester confiants. âPessimistes par la raison, optimistes par la volontĂ©â, comme disait Antonio Gramsci, intellectuel et thĂ©oricien politique Italien. Nous, en tant que cinĂ©astes, on a besoin de penser que le film quâon fait sert Ă changer quelque chose. Quâil va permettre aux gens qui vont le voir de rĂ©flĂ©chir, de dĂ©couvrir, de vivre des choses quâils nâauraient pas vĂ©cues.
Jean-Pierre : Aujourdâhui lâextrĂȘme droite se bat pour lâhĂ©gĂ©monie culturelle. Ă certains endroits elle lâa gagnĂ©e, provisoirement. Le festival que le CEPAG organise, dans lequel des films comme Tori et Lokita peuvent circuler, est un signe dâespoir. Câest encourageant. Ăa donne la possibilitĂ© Ă toute une sĂ©rie dâĂ©tudiants et dâĂ©tudiantes de dĂ©couvrir des problĂ©matiques auxquelles leur milieu nâest pas forcĂ©ment habituĂ©. Ce sont des chocs importants. Une des meilleures façons de combattre lâextrĂȘme droite.
Fin des annĂ©es 70 vous avez rĂ©alisĂ© des documentaires sur la rĂ©sistance antinazie en Wallonie. Comment voyez-vous le combat antifasciste en Wallonie aujourdâhui ?
Luc : La Wallonie a une longue histoire ouvriĂšre. Un taux de syndicalisation important. Il y avait les coopĂ©ratives, les maisons du peuple, les mutuelles, les syndicats⊠Les gens se voient, se parlent, on discute, les enfants viennent aux manifestationsâŠ
Jean-Pierre : Les mutuelles, les syndicats, le parti, jouent un rĂŽle important. Il nây a pas vraiment la place pour un discours dâextrĂȘme droite, car il y a un rĂ©seau Ă©norme de soutien, de solidaritĂ©. Ce rĂ©seau donne un sentiment de sĂ©curitĂ©, un filet Ă la population. LâextrĂȘme droite sâinfiltre lorsquâil y a des trous dans ce filet.
Que pensez-vous des attaques de plus en plus agressives sur les luttes sociales, syndicales ?
Jean-Pierre : Le syndicalisme a du rĂ©pondant. Mais toutes ces affaires de criminalisation de leur action, câest dâune perversion terrible. Ce sont des procĂšs politiques.
Luc : Les reprĂ©sentants politiques doivent sâassurer que lâon ne puisse pas empĂȘcher lâexercice du droit de grĂšve. Le discours de la droite par rapport Ă la notion de justice sociale est dangereux. Alors quâau niveau de la sĂ©curitĂ© sociale on reste un des pays qui en Europe reste solide, non dĂ©structurĂ©.
Lâengagement, en gĂ©nĂ©ral, est-il lâavenir de lâhumanitĂ©Â ? A-t-on dâautre choix que dâĂȘtre engagĂ©.e ?
Jean-Pierre : Les temps sont difficiles. Dans certains pays europĂ©ens lâextrĂȘme droite est au pouvoir â Meloni en Italie, Orban en Hongrie, etc.
Luc : En tant que citoyen il faut ĂȘtre engagĂ©Â : Ă lâĂ©cole, dans la rue, ⊠Par rapport Ă des problĂ©matiques telles que le logement des migrants par exemple. Câest une maniĂšre de vivre. On doit se tenir au courant et rĂ©agir, au quotidien. Aujourdâhui, quand on veut exclure un enfant migrant et sa mĂšre dâune Ă©cole, il y a des gens qui se mobilisent et qui disent non. Je trouve ça formidable. Ce ne sont pas des militants, mais ils rĂ©agissent contre lâinjustice.
Il y a des gens dans la rĂ©sistance, par rapport au travail, par exemple. Il y a une vraie dĂ©termination et de lâintelligence. Je crois beaucoup Ă la transmission de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration. Les femmes qui se sont exprimĂ©es Ă la radio pour les travailleuses et travailleurs de Delhaize, il y a quelques jours, savent de quoi elles parlent, elles sont dĂ©terminĂ©es. Je suis content dâentendre ce discours. Câest de lâĂ©ducation populaire, le fruit de votre travail. VoilĂ pourquoi le budget pour lâĂ©ducation permanente doit augmenter. t
Rédaction : Syndicats
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Tél. : 02 506 83 11
Geeraard Peeters Ioanna Gimnopoulou
RĂ©dacteurs
Secrétariat : Sabine Vincent Tél. : 02 506 82 45
Service abonnements : 02 506 82 11
Ont collaboré à ce numéro : Santiago Ayllon
Annelies Huylebroeck
Filip Feusels
DĂ©nis Selimovski
Yannick Bovy
Sarah Buyle
Arnaud Dupuis
Nina Fuca
CĂ©line Boogaerts
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Photos : FGTB
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En Wallonie, les mutuelles, les syndicats, le parti, jouent un rĂŽle important. Il nây a pas vraiment la place pour un discours dâextrĂȘme droite, car il y a un rĂ©seau Ă©norme de soutien.
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