La vérité sur les intérêts notionnels.

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BROCHURE

La vérité sur les intérêts notionnels

Février 2008


Introduction Aujourd’hui, peu sont ceux qui nient encore l’effritement du pouvoir d’achat des travailleurs et des allocataires sociaux. C’est la FGTB qui a mis cette question à l’agenda politique. Elle a été la première à partir en campagne pour le rétablissement du pouvoir d’achat et pour une fiscalité plus juste ! Certains partis du gouvernement tentent d’infirmer nos revendications, arguant qu’il n’y a plus d’argent pour des mesures sociales. Mais il reste manifestement des marges budgétaires et des moyens financiers pour des avantages fiscaux aux entreprises. En 2007, grâce à la diminution des cotisations sociales et à d’autres avantages fiscaux (notamment les heures supplémentaires, le travail de nuit/en équipe), les entreprises belges ont engrangé quelques 6,8 milliards €. Parallèlement, les bénéfices des entreprises montent en flèche. La rentabilité des entreprises a été rétablie. Entre 2005 et 2006, leurs bénéfices ont augmenté de 14 %, voire même de 250 % depuis 2001. L’impôt des sociétés, lui, n'a pas connu la même évolution: il a même augmenté deux fois moins vite. Ce manque à gagner est en grande partie dû à la déduction des intérêts notionnels. De toute éviedence, la déduction des intérêts notionnels a fortement influencé la baisse des recettes de l’impôt des sociétés. Pour 2007, le coût de cette mesure fiscale -fortement contestée entre-temps- pourrait s’élever à 2,4 milliards d’euros, au lieu des 500 millions d’€ initialement prévus. Et, ce, sans garantie d’emplois ou d’investissements supplémentaires au sein de l’entreprise. La FEB nous reproche notre « politique sloganesque ». L’organisation patronale plaide en faveur du maintien intégral des intérêts notionnels étant donné que « contre toute attente, ils ont pleinement atteint les objectifs fixés". Certes…Quelles entreprises auraient laissé passer une telle aubaine fiscale? La FGTB demande une évaluation sérieuse des intérêts notionnels, surtout en ce qui concerne ses effets sur la création d’emplois et sur les investissements. C’est pourquoi, la FGTB fait appel à vous: ses délégués syndicaux ! Afin d’étayer notre position relative à une évaluation et une éventuelle révision de la déduction des intérêts notionnels, nous souhaitons nous baser sur des chiffres sérieux, précis et complets. Nos délégués au sein des conseils d’entreprise ont donc un rôle de relais important à jouer. Ensemble, on est plus forts !

Anne DEMELENNE Secrétaire Générale

Rudy DE LEEUW Président


Les intérêts notionnels, c’est quoi ? Le terme est un peu compliqué mais le principe est simple. Avec cette mesure des intérêts notionnels, l'entreprise peut, depuis 2006, déduire de ses impôts des intérêts fictifs, puisque liés à des investissements sur fonds propres. Ces intérêts sont donc désormais déduits de la même manière qu’ils le seraient pour des emprunts faits auprès d’un organisme bancaire. Les sociétés peuvent donc déduire de leur base imposable un certain pourcentage de leur capital à risque. Ce pourcentage (intérêt notionnel) est fixé par exercice d’imposition. Pour 2008, le pourcentage est de 4,307 % pour les grandes entreprises et de 4,807 % pour les PME. La base de calcul pour la déduction du capital à risque est composée du montant des fonds propres (dont le capital social, les réserves, les bénéfices reportés, les subsides en capital). La déduction est opérée sur les bénéfices imposables, après déduction des revenus définitivement taxés, mais avant déduction des pertes antérieures et des investissements. Ne sont sujets à aucune déduction : -la cotisation particulière pour les commissions secrètes ; -les bénéfices tirés des avantages anormaux ou volontaires ; -les bénéfices tirés du non respect des conditions de dispense de la réserve d’investissements. En cas de bénéfices insuffisants, l’intérêt notionnel peut être reporté pendant sept ans. Toutes les sociétés ayant un « statut normal » peuvent bénéficier de la mesure. Il est frappant de constater l'avidité avec laquelle le secteur financier (les banques et assurances) s’est rué sur la mesure. Les centres de coordination, les SICAVS et les SICAFS n’entrent pas en ligne de compte. Il faut savoir que la mesure n’est soumise à aucune condition d’investissement ou de création d’emploi. En instaurant la déduction des intérêts notionnels, le gouvernement voulait : •

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renforcer les fonds propres des entreprises, en atténuant la discrimination fiscale entre le financement par le biais d’emprunts et le financement moyennant des fonds propres. Le paiement du capital à risque n’était, en effet, pas déductible fiscalement, contrairement au paiement du capital emprunté ; rendre notre pays plus attrayant pour les investisseurs étrangers, en baissant le taux d’intérêt effectif en Belgique ; résoudre le problème des centres de coordination des multinationales. Son avantage a été jugé discriminatoire par l’UE et a dû être limité ; Créer 5000 nouveaux emplois.


Réalité et impact budgétaire L’enfer est pavé de bonnes intentions… Les intentions initiales étaient peut-être prometteuses, mais… • •

en réalité, la mesure revient à une baisse de l’impôt sur les sociétés ; bien que les fonds propres des sociétés belges aient augmenté considérablement (+ 48,7 milliards d’euros en 2006 contre 5 milliards en 2005 !), celles-ci ont quand même utilisé la mesure pour une optimalisation fiscale, c'est-à-dire pour payer moins d’impôts. Le ministre des Finances a présenté cette mesure comme un abaissement de l'impôt des sociétés de 33 à 25%; même les secteurs qui, dans le passé, ne pouvaient créer des centres de coordination (désormais interdits par l'Union européenne), comme les banques et les assurances, peuvent désormais bénéficier du système. Les entreprises qui réalisent des bénéfices monstrueux, et qui n’ont pas besoin d’un soutien public, peuvent en bénéficier. Electrabel a, par exemple, encaissé 2,3 milliards €, ce qui constitue une réduction fiscale supplémentaire de quelques 30 millions d’euros ; l’impact de la mesure sur la création d’emplois n’est pas encore connu…il est tout sauf garanti !

Les coûts explosent : le budget trinque. Lors de l’introduction de la mesure, le coût budgétaire était estimé à environ 500 millions €. Mais un certain nombre de critères n'ont pas été correctement estimés (notamment la hausse des taux d'intérêt). Les revenus de l’impôt sur les sociétés sont inférieurs aux estimations faites (c’est le cas pour les revenus 2007). Cette différence est, dans une large mesure, due à la déduction d’intérêts notionnels. Tout cela a inévitablement conduit à l'érosion progressive de l'impôt des sociétés, alors que les bénéfices des entreprises sont en forte hausse. Dans cette optique, le coût total de la déduction des intérêts notionnels pourrait se chiffrer à 2,4 milliards d'euros, presque le quintuple de l'estimation initiale de 500 millions d'euros.

Utilisation impropre de la déduction Evasion fiscale et constructions douteuses… Plus d'une société met sur pied des constructions dans le seul objectif d'éluder l'impôt. Ainsi, au sein d’un même groupe, on crée une nouvelle société, fictive, qui ne poursuit aucun objectif économique, mais uniquement un but fiscal, c’est ce que l’on appelle le “double dip”.

« Double dip » Ce « double dip » est un montage par lequel une société A crée (ou utilise) une autre entité juridique, la société B, qui fera partie d’un groupe et qui, dans les faits, ne sera qu’un intermédiaire financier. En effet, la société B sera utilisée pour contracter un emprunt auprès d’une banque, emprunt qui servira ensuite à augmenter le capital social de la société A. Par


cette construction, le groupe pourra déduire les intérêts liés à l’emprunt (dans le chef de la société B) et les intérêts notionnels liés à l’augmentation du capital social (dans le chef de la société A). Les sociétés holding Dans un groupe de sociétés dont une (la société holding) détient des participations importantes dans les autres sociétés, il est possible d’augmenter le capital à risque de la société holding en vendant les participations avec une plus-value à une société du groupe qui aurait moins de bénéfices imposables ou de fonds propres. Par ce biais, la société vendeuse augmente ses fonds propres sans subir d’impôt (les plus-values sur actions étant non imposables) et augmente ainsi sa déduction pour capital à risque.

Revoir la mesure pour augmenter le pouvoir d’achat Une évaluation et une révision de la déduction des intérêts notionnels s'imposent afin : • •

de détecter les abus et fermer toutes les possibilités d'utilisation impropre de la mesure. Il faut plus particulièrement analyser la "créativité" avec laquelle le secteur financier et les grands groupes l'appliquent; de chiffrer le coût futur du système.

L'évaluation et la révision de la mesure doivent permettre de limiter le coût de la mesure au montant initialement prévu (environ 500 millions €). Les moyens ainsi récupérés devraient alors être affectés à l'amélioration du pouvoir d'achat et à la diminution de la pression fiscale sur les salariés, notamment dans le cadre de l'instauration d'un crédit d’impôt social.

Agir pour plus de transparence : quelques pistes Afin d'appuyer l'action de la FGTB en vue de revoir la déduction des intérêts notionnels, il est intéressant de faire partager les analyses sur le terrain. Nos délégués peuvent recueillir des informations sur le montant des intérêts notionnels et d'autres avantages fiscaux accordés à l'employeur, ainsi que sur l'impact de ces avantages sur la création d'emplois et sur les investissements dans l'entreprise. Que pouvez-vous faire comme délégué ? • • • •

rechercher des informations dans les comptes annuels de l'entreprise (il s'agit des exercices d'imposition 2007 et 2008, donc des revenus de 2006 et 2007) ; mettre le thème à l'ordre du jour du conseil d'entreprise à l'occasion de l'examen des comptes annuels ; soumettre la problématique au réviseur d'entreprise ; adresser éventuellement une demande écrite à la direction.

Quelles questions poser ? •

L'annexe 15 des comptes annuels doit reprendre et expliquer “les principales sources de disparités entre le bénéfice avant impôts, exprimé dans les comptes et le bénéfice taxable estimé, avec mention particulière de celles découlant de décalages dans le temps entre le bénéfice comptable et le bénéfice fiscal (si le résultat de l'exercice en


est influencé de manière sensible au niveau des impôts)" Ces informations, relatives aux exercices 2006 et 2007, sont disponibles via le conseil d'entreprise. Il est aussi intéressant : - de connaître la nature de ces éventuelles disparités ; - de voir s’il y a un lien avec l'utilisation de la déduction des intérêts notionnel et à concurrence de quel montant l'entreprise en a bénéficié ; - de se renseigner sur ce que l'entreprise a prévu de faire avec cet avantage fiscal (par exemple en termes d'engagement de personnel et/ou d'investissements). •

La législation sociale prévoit l'octroi de réductions de cotisations sociales aux employeurs dans certaines circonstances. De même, la réglementation fiscale prévoit des réductions fiscales (exonération du versement du précompte professionnel) en faveur des employeurs, notamment pour les heures supplémentaires, le travail de nuit et le travail en équipes. Il est intéressant de connaître : -

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le montant des réductions de cotisation obtenues en 2006 et 2007 ainsi que le montant des autres réductions fiscales (exonération de versement du précompte professionnel, …); la ventilation des montants des réductions obtenues, selon la nature de la réduction.

Ensemble, on est plus forts !


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