Disney, passeur d'histoires

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Disney

Walt

LE LABORATOIRE DE LA CRÉATION DANS LE TRÉSOR DES CONTES

LES FILMS QUE L’ON NE VERRA JAMAIS

PASSEUR D’HISTOIRES



ÉDITORIAL

© BLANDINE TOP.

par Michel De Jaeghere

Marlene Dietrich et Gary Cooper s’étaient bousculés à ses premières. Eisenstein l’avait désigné comme l’auteur de la plus grande contribution du peuple américain aux beaux-arts. Il avait été reçu par le roi George V, par Mussolini, par le pape. Ses courts-métrages avaient accumulé les oscars. Les Trois Petits Cochons avaient remporté le prix spécial du Festivaldufilmd’Unionsoviétique.Blanche-Neigeavaitétésélectionnéepour la Mostra de Venise en même temps que Le Quai des brumes. Elle avait été coiffée sur le poteau par Les Dieux du stade de Leni Riefenstahl. La vie de Walt Disney réunit tous les ingrédients d’une légende américaine. Une enfance digne de Tom Sawyer, dans un Middle West où l’on dresse encore les gamins à coups de ceinture, entre deux lectures de la Bible, deux escapades à travers champs. Des débuts héroïques placés sous le signe de l’esprit d’entreprise, dans un pays où aucun rêve ne semble inaccessible à qui se retrousse les manches pour donner corps à sa passion ; où une multinationale peut naître d’un prototype bricolé par deux jeunes gens au fond d’un garage. Des succès retentissants qui vous font croire que la gloire est au bout du chemin. Des échecs spectaculaires qui vous conduisent au bord du précipice. Des amitiés indéfectibles, des désamours qui voient ceux qui célébraient hier votre génie vous considérer, décidément, comme un dément. Un apogée qui fait de vous le maître incontesté de votre art, en même temps que le fondateur d’un empire international. La renommée et la fortune, la solitude des grands. Un nom qui devient une marque. Une œuvre plébiscitée sur les cinq continents. Cinquante ans après sa mort, Disney reste signe de contradiction. Ses hagiographes célèbrent le démiurge qui ne s’était pas contenté d’exceller dans son art. Qui l’avait en quelque sorte inventé en donnant aux modestes cartoons qui semblaient destinés à servir d’amusegueule au cinéma naissant, à multiplier d’innocents running gags pour le divertissement des très jeunes enfants, la dignité et l’ampleur d’une discipline artistique à part entière, l’occasion d’un spectacle d’art total, où se conjuguent le raffinement du dessin, l’humour du scénario, la musique, le ballet, l’émotion, le suspense, la poésie, la satire sociale. L’inventeur de personnages qui se sont imposés à notre imaginaire avec plus d’évidence qu’aucun autre héros de fiction. Le créateur de parcs d’attractions qui figurent parmi les sites les plus visités au monde. Le porte-parole de cette morale américaine, faite d’amour du travail bien fait, de loyauté, d’âpreté au gain et de bonne conscience un peu sentimentale par quoi les Etats-Unis sont convaincus de représenter, devant l’histoire, l’empire du Bien. Pour ses détracteurs, il incarne au contraire la propagation d’une culture aseptisée, sans âme, réduite aux plus superficielles apparences pour se conformer aux standards qui en assurent la diffusion mondiale ; la marchandisation de la littérature, de l’histoire et des rêves par la réduction des grands mythes de la civilisation européenne à un déploiement de gadgets aux couleurs criardes d’un distributeur de glaces à l’italienne ; la corruption de la beauté par le kitsch offert à l’admiration des âmes innocentes des enfants ; la défiguration des plus nobles sentiments en une moraline individualiste et larmoyante au service d’une formidable machine à cash. Sans doute y a-t-il dans ces visions antagonistes quelque caricature, quelque exagération. Comme l’a excellemment montré Bertrand Mary dans le beau plaidoyer qu’il a consacré à Disney (Walt Disney et nous, Calmann-Lévy, 2004), l’une et l’autre risquent surtout de nous faire passer à côté de l’essentiel. Dessinateur (très peu), scénariste (beaucoup), producteur de films, forain, Disney fut avant tout un conteur. Ce qui rend décisif son apport à la culture occidentale, c’est le rôle qu’a joué son œuvre dans la transmission, la revitalisation des contes et légendes européens.

Ses parents ne possédaient, hors la Bible, qu’un seul livre : un recueil de contes tirés de Perrault, de Grimm ou d’Andersen. Sa mère les lui relisait sans cesse. Engagé volontaire à seize ans comme ambulancier à la fin de la Première Guerre mondiale, il avait parcouru de long en large le nord de la France et s’y était émerveillé de la patine laissée sur le pays par les siècles. Il ne cesserait plus guère, quand le succès lui en aurait donné les moyens, de voyager en France, en Angleterre, en Italie, en EspagneouenAllemagne, enSuisse, auDanemark.Devisiter leLouvre, la National Gallery ou les châteaux de la Loire, comme pour s’imprégner des paysages, des décors, des monuments, des œuvres qui donnaient chair et vie aux histoires dont avait été bercée son enfance. Il en reviendrait chargé de vieux livres illustrés par Gustave Doré, Beatrix Potter ou Arthur Rackham. La tête pleine d’images d’un monde peuplé par les princesses et les chevaliers, parsemé de châteaux enfouis au cœur de forêts profondes, hanté par les fées et les elfes. Disney avait connu un succès immédiat, foudroyant, avec la création du personnage de Mickey, dont la naïveté, l’enthousiasme, la fraîcheur renvoyaient au public américain une image avantageuse de luimême. Il n’aurait de cesse de s’affranchir de l’identification réductrice de son univers à la simplicité de la souris aux grandes oreilles pour se confronter au patrimoine poétique européen : Blanche-Neige, Cendrillon, La Belle au bois dormant, Merlin l’Enchanteur, les Fables d’Esope et celles de La Fontaine. Il le trouvait autrement exaltant. Ses tout premiers essais avaient été des adaptations du Chat botté, du Petit chaperon rouge et d’Alice au pays des merveilles. Il mit en images Pierre et le loup de Prokofiev. Il eut aimé faire de même pour Le Roman de Renart, Chantecler, La Chevauchée des Walkyries, Don Quichotte. Alors que l’Amérique s’enthousiasmait pour le western, il rêvait de consacrer un film à la vie d’Andersen. Rien de plus révélateur peut-être, que la scène finale de L’Apprenti Sorcier dans Fantasia. Mickey y a vainement tenté d’occuper dignement le rôle principal. Il est renvoyé par son maître d’un ultime coup de balai aux ténèbres extérieures. Disney abandonna dès 1953 son personnage fétiche à son seul rôle d’icône de la marque, en prenant à contre-pied ses propres fans. Blanche-Neige et les sept nains lui avait certes apporté la gloire. Mais Pinocchio n’avait pas trouvé son public. L’insuccès avait englouti ses réserves. Fantasia s’était révélé un désastre. Il avait voulu faire goûter les charmes de la musique classique aux classes populaires. On lui avait reproché d’avoir cédé à l’intellectualisme. Il n’en renonça pas pour autant à faire son miel du trésor des contes, dût-il payer parfois ce choix par l’insuccès et l’incompréhension. On parle avec dédain de ses adaptations, qui auraient simplifié à l’extrême des histoires autrement plus subtiles, plus profondes. La vérité est que, sans lui, nul ne connaîtrait plus guère Cendrillon, Pinocchio ou la Belle au bois dormant que de nom. Qu’il en a rehaussé les figures pâlies de personnages et d’intrigues qui se nouent autour d’elles comme les enluminures d’un incunable. En mettant en scène le duel homérique de Gus, Jaq et Lucifer ou la leçon de musique de Javotte et Anastasie, la pédagogie scoute de Bagheera et Baloo ou le jazz-band de King Louie, il ne s’est pas contenté d’illustrer les mondes disparus de Perrault et de Kipling. Il les a magnifiés en leur redonnant vie avec une énergie sans pareille. Il n’avait eu qu’une éducation élémentaire. Mais cet autodidacte a transmis infiniment plus qu’il n’avait reçu. Il s’est imposé comme un formidable passeur d’histoires, en recueillant un imaginaire qu’il a enrichi de sa verve. Plus encore que par l’originalité, la fantaisie de ses créations, ce qui lui donne sa stature dans le siècle, c’est peut-être son rôle dans la sauvegarde et le renouvellement d’un patrimoine poétique qui aurait, sans lui, disparu corps et biens.


SOMMAIRE

IMAGES D’UNE EXPOSITION

A l’occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Walt Disney, l’exposition conçue par Art ludique-Le Musée plonge jusqu’au 5 mars 2017 le visiteur dans l’art féerique de ses studios d’animation.

9ParJOURNÉES DE LA VIE D’UN MAGICIEN Irina de Chikoff 24 Enfance volée 26 O’Brother 28 Des souris et des hommes 30 La « folie de Disney » 32 Piquet de grève chez Disney 34 Walt Disney presents 36 Black sunday 38 Sur un nuage 40 La mort du Kid

LE LIVRE DES MERVEILLES

44 Le passeur d’histoires par Vianney Ledieu 56 Short stories par Philippe Maxence 60Disney l’enchanteur par Albane Piot 68En avant la musique par Vianney Ledieu 72 Disney way of life par Eugénie Bastié 80 Les Disney qu’on ne verra jamais par Thibaut Dary 84 Et Walt créa Disney par Marie-Amélie Brocard 94 Nine Old Men par Thibaut Dary

UN AUTOMNE AVEC WALT DISNEY

100 Le laboratoire de la création par Albane Piot 104 Plaisirs et lectures par Geoffroy Caillet, Vianney Ledieu, Pierre de La Taille et Marie-Amélie Brocard

REMERCIEMENTS. CE NUMÉRO A ÉTÉ RÉALISÉ AVEC LA PRÉCIEUSE COLLABORATION DE NATHALIE DRAY, DIRECTRICE DE LA COMMUNICATION ET DE LA RSE, THE WALT DISNEY COMPANY FRANCE, OLIVIER MARGERIE, RESPONSABLE COMMUNICATION/PRESSE, THE WALT DISNEY COMPANY FRANCE, RENAUD HAMARD, DIRECTEUR ASSOCIÉ DE LABOITE COM CONCEPT, CHARGÉ DES RELATIONS PRESSE POUR ART LUDIQUE-LE MUSÉE, PIERRE LAMBERT, SWEETY GHUMAN, CHARGÉE DES RELATIONS PRESSE DU WALT DISNEY FAMILY MUSEUM À SAN FRANCISCO, HERVÉ DE VAUBLANC, DIRECTEUR ADJOINT ET DIRECTEUR DE LA PROGRAMMATION AU COLLÈGE DES BERNARDINS, FABIENNE ROBERT, INGÉNIEUR DE RECHERCHE, RESPONSABLE ÉDITORIALE AU COLLÈGE DES BERNARDINS, PATRICIA MOSSÉ, FABRICATION, ET MARIE-LOUISE AUVRIGNON, RELATIONS PRESSE ET COMMUNICATION. EN COUVERTURE : MICKEY DANS L’APPRENTI SORCIER, UNE DES SEPT SÉQUENCES DE FANTASIA, 1940. © 2016 DISNEY. PAGES DE SOMMAIRE, À GAUCHE : © 2016 DISNEY. À DROITE : WALT DISNEY VERS 1932. © THE KOBAL COLLECTION/AURIMAGES. Société du Figaro. Siège social 14, boulevard Haussmann, 75009 Paris. Président Serge Dassault. Directeur général, directeur de la publication Marc Feuillée. Directeur des rédactions Alexis Brézet. Directeur général adjoint Jean-Luc Breysse. Directeur de la rédaction Michel De Jaeghere. Chef de service Isabelle Schmitz. Chef de studio Françoise Grandclaude. Secrétariat de rédaction Caroline Lécharny-Maratray. Rédacteur photo Carole Brochart. Editeur Sofia Bengana. Editeur adjoint Robert Mergui. Directeur industriel Marc Tonkovic. Responsable fabrication Serge Scotte. Responsable pré-presse Alain Penet. Relations presse et communication Marie Müller. LE FIGARO Hors-Série Hors-Série du Figaro. Commission paritaire : N° 0421 C 83022. ISSN : 1951 - 5065. Edité par la Société du Figaro. Rédaction 14, boulevard Haussmann, 75009 Paris. Tél. : 01 57 08 50 00. Régie publicitaire MEDIA.figaro. Président-directeur général Aurore Domont. 14, boulevard Haussmann, 75009 Paris. Tél. : 01 56 52 26 26. Imprimé par Imaye Graphic, 96, boulevard Henri-Becquerel, 53000 Laval. Octobre 2016.

Le Figaro Hors-Série est imprimé dans le respect de l’environnement.




IMAGES D’UNE EXPOSITION

Glissade du jeune lapin Panpan sur la glace d’un lac gelé dans Bambi, 1942. Story sketch, par Marc Davis, crayon de couleur.

© 2016 DISNEY. BAMBI, 1942. © DISNEY.

En donnant au dessin le souffle de la vie, Disney et ses collaborateurs ont fait naître une multitude de personnages et un univers. C’est dans l’antre de ces démiurges qu’Art ludique-Le Musée introduit le visiteur, en présentant jusqu’au 5 mars 2017 trois cent cinquante œuvres emblématiques de leur talent généreux et de leur quête passionnée.


HAWAIIAN HOLIDAY, 1937 © DISNEY. IMAGES : PLAYFUL PLUTO, 1934 © DISNEY.


À L’ABORDAGE !

En 1928, Steamboat Willie, l’un des premiers courtsmétrages animés de Walt Disney, signe à la fois l’acte de naissance de la souris la plus célèbre du studio, bientôt accompagnée de ses amis (Pluto, Dingo puis Donald), et celui du son synchronisé. Pour le spectateur, l’événement de sept minutes tient du miracle : le dessin s’anime, les personnages parlent, l’eau éclabousse l’œil… Bientôt même, les couleurs tourbillonneront. Ci-contre : Vacances à Hawaii, 1937, concept art par un artiste du studio Disney, crayon graphite, crayon de couleur, encre et peinture. Ci-dessus et ci-dessous : Dingo joue au baseball, 1942, story sketches par un artiste du studio Disney, crayon graphite et crayon de couleur.


IMAGES : SLEEPING BEAUTY, 1959 © DISNEY.

AU CŒUR DES TÉNÈBRES

Adapté du conte de Perrault (1697), La Belle au bois dormant (1959) se fait remarquer par son graphisme novateur, conjugué à une inspiration gothique puisée notamment dans les enluminures des livres liturgiques du XVe siècle comme Les Très Riches Heures du duc de Berry, et dans les silhouettes élancées des personnages des tapisseries de La Dame à la licorne. Ci-dessus : la transformation en dragon de la terrifiante fée Maléfique, clou du film, concept art par Eyvind Earle, gouache. Ci-contre : la fée Maléfique avec son corbeau, concept art par Marc Davis, encre et gouache. A droite : le prince Philippe sur son cheval Samson, dessin d’animation par Milt Kahl, crayon graphite et crayon de couleur.



IMAGES : THE JUNGLE BOOK, 1967 © DISNEY.


« IL EN FAUT PEU POUR ÊTRE HEUREUX »

Dernier film réalisé du vivant de Disney, Le Livre de la jungle (1967) s’inspire librement de l’œuvre de Rudyard Kipling (1894), qu’il a largement contribué à populariser. Il raconte les aventures indiennes du jeune et innocent Mowgli, élevé par des loups, et de ses amis, la sage panthère Bagheera (en haut, concept art par Ken Anderson, encre ; ci-dessus, concept art par un artiste du studio Disney, crayon graphite, fusain, encre et gouache) et le débonnaire ours Baloo (ci-contre, concept art par un artiste du studio Disney, crayon de couleur, encre et gouache). Succès commercial à sa sortie, le film est aussi critiqué pour son scénario, jugé trop simple et trop dépendant d’une succession de scènes musicales. L’absence de véritables méchants marque aussi une rupture par rapport aux films précédents, même si le serpent hypnotiseur Kaa et le tigre Shere Khan ont frappé durablement les esprits dans le jeune public.


9 JOURNÉES DE LA VIE D’UN MAGICIEN

27 octobre 1954 WALT DISNEY PRESENTS

Afin de financer son rêve, la création d’un parc d’attractions, Walt Disney se tourne vers la télévision et présente une série d’anthologie, Disneyland.

PHOTOS : © 2016 DISNEY.

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omme tous les matins, Walt prend son petit déjeuner dans le café en face de Burbank. Mais les beignets passent mal. Il a le trac. Onc’ Walt doit enregistrer sa première émission, « The Disneyland Story », sur la chaîne de télévision ABC. Il n’aime pas sa voix et encore moins son accent du Missouri. Mais pour réaliser son rêve, il entrerait même dans la cage aux lions. L’idée d’un parc d’attractions trotte dans sa tête depuis des années. Avec ses filles, il en a visité des dizaines. Aucun, sinon celui de Tivoli, à Copenhague, n’a trouvé grâce à ses yeux. Trop bruyants. Vulgaires. Lui, il entend construire un univers de pure magie. Pour y parvenir, Walt a commencé par créer des nouvelles sociétés indépendantes des studios, pris un emprunt sur son assurance-vie et vendu son ranch de Palm Spring. A Anaheim, il a acheté une orangeraie d’une soixantaine d’hectares. Mais pour financer les travaux, Walt sait qu’il a besoin d’argent, de beaucoup d’argent. Inutile d’essayer avec la Bank of America. Tout comme Roy, avec lequel il est fâché pour la énième fois, Jo Rosenberg ne croit pas à la rentabilité d’un parc d’attractions. C’est alors que Walt a eu l’idée de traiter avec la télévision. Pour qu’elle finance son projet et qu’elle en assume, en même temps, la publicité. Les débuts du petit écran datent des années 1940. Disney a aussitôt compris que ce médium représentait l’avenir, mais les chaînes n’émettaient encore qu’en noir et blanc et il avait refusé toutes les propositions. En 1950, il a pourtant accepté de présenter un show pour Noël. L’audience de NBC a battu tous les records. Il a récidivé l’année suivante et le succès a été identique. NBC guigne le catalogue des films Disney, mais n’a pas accepté de financer la nouvelle « folie » de Disney. Les autres chaînes se sont également dérobées. Seul le président de l’American Broadcasting Company a mordu à l’hameçon. Mais son conseil d’administration renâclait. Ayant réussi à entraîner derrière lui d’autres investisseurs, dont la banque de Dallas, Leonard Goldenson a fini par emporter l’adhésion d’ABC. Walt était aux anges. Il allait pouvoir réaliser sa chimère, atteindre au Graal. Et comme dans la légende de la Table ronde, le roi pécheur serait guéri. De quoi ? Il n’en savait rien au fond. Mais il était convaincu que plus jamais les démons, qui parfois le tenaillent, ne le tourmenteraient. Il a dominé son trac avant de rejoindre les studios. Rejetant le texte qu’on lui avait préparé, il a parlé simplement de son projet, montré une maquette et révélé quelques-unes des merveilles, comme le château de la Belle au bois dormant, qui bientôt accueilleront les visiteurs de Disneyland. Trente millions de téléspectateurs ont suivi de bout en bout son émission. Un record.

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Semaine après semaine, l’audience ne cesse de croître. Elle explose dès la diffusion du premier épisode de Davy Crockett. Le trappeur,héroslégendairedel’Amériqueprofonde,provoqueun véritableséisme.UnquartdelapopulationdesEtatsUnisregarde ses aventures. En pleine guerre froide, les Américains s’identifientàceluiquifonce,droitdevantlui,parcequ’ilsaitqu’ilaraison et ils chantent à tue-tête : « Born on a mountain top in Tennessee… » Quant aux enfants, ils réclament tous une toque en raton laveur. Walt va avoir cinquante-trois ans. Ses cheveux grisonnent. Il a pris du ventre. Des rides strient son visage. Sa toux est de plus en plus rocailleuse et sa nuque, à la suite d’un accident de polo en 1933, le fait atrocement souffrir. Il se gave de calmants et de neuroleptiques. Pour tenir. Pour achever le chantier de Disneyland. Sa terre promise. Et il ne cesse d’expliquer à Roy, réconcilié, à Lillian, à ses filles, à ses amis, à qui veut bien encore l’écouter que son parc, contrairement à un film, restera éternellement vivant. Comme sont vivants en lui les souvenirs de son enfance à Marceline tandis que ses parents, eux, sont morts. Flora en 1938. Elias pendant que Walt parcourrait l’Amérique latine. Après la mort de samère,Walts’étaitclaquemurédanssonbureauplusieursjours. Il n’a pas interrompu sa tournée pour assister aux obsèques de sonpère.Waltneparlejamaisd’euxetsefermecommeunehuître si un de ses frères ou bien sa sœur, Ruth, tentent de les évoquer. Parfois Roy se demande pourquoi le Kid a dressé une muraille de silence entre lui et leurs parents. Mais il n’a jamais trouvé de réponse. Il n’y en a peut-être pas. Ou bien, elle est enfouie si profondément en Walt que lui-même ne pourrait l’atteindre. I. de C.

WONDERFUL WORLD Pour persuader banquiers

et hommes d’affaires de soutenir son projet, Walt Disney (page de droite en 1950) fit réaliser en 1954 un livre présentant Disneyland (ci-dessus, dessin du château photographié comme s’il s’agissait d’un vrai bâtiment).



Le passeur d’histoires PAR VIANNEY LEDIEU

A une époque où les conteurs des villages s’étaient tus, Disney donna aux contes d’autrefois un second souffle dont ils n’osaient plus rêver. S’il s’abreuva à des sources éclectiques, c’est son interprétation du répertoire européen qui assura la postérité de Walt, l’Américain.


LE GRAND

ARCHITECTE

© PHOTO BY ALLAN GRANT/THE LIFE PICTURE COLLECTION/GETTY IMAGES.

Walt Walt Disney Disney devant devant le le château château de de Fantasyland, Fantasyland, dans dans le le parc parc Disneyland, Disneyland, àà Anaheim, Anaheim, en en Californie, Californie, le le 17 17 juillet juillet 1955, 1955, jour jour de de l’inauguration. l’inauguration.

« Tu es impossible. Tu vas tous nous conduire à la ruine. » Roy, exaspéré, claqua la porte de la salle de réunion. Il avait beau être son petit frère, parfois Walt exagérait franchement. Bien sûr, c’était l’artiste de la famille et lui, Roy, ne tenait que la bourse. Mais enfin, son intuition de Mickey Mouse était géniale et rapportait suffisamment d’argent. Quel besoin avait-il de vouloir voir ailleurs quand toute la nation réclamait « Plus de souris ! » ? Mais Walt était un rêveur incorrigible qui n’avait jamais su arrêter de chercher plus loin. Et voilà qu’il voulait adapter maintenant un conte européen. Européen ! Non mais quelle idée ! Ça n’intéressera personne, cette histoire de princesse et de nains ! Au destin des grands hommes préside toujours une femme : une fille, une épouse, une amante, une amie… Pour Walt Disney, cette femme fut sa mère, qui lui lisait, de sa voix de velours, les grands contes du recueil que la famille possédait, seul autre livre toléré à la maison avec la Bible. Bercé de ces histoires, Walt y nourrissait ses rêves et tentait d’échapper à la dure réalité, hantée par la morale rigide et les châtiments corporels de son père. Il les aimait, ces contes que l’on ne racontait plus depuis la Grande Guerre. Les hommes revenus du front s’étaient tus. Et dans leur grand silence, les histoires n’étaient plus racontées qu’aux enfants à l’heure de s’endormir. Le conte était en perte de vitesse et menacé d’oubli. Walt ne l’entendait pas de cette oreille. A l’âge de quatorze ans, il assista à une projection du film muet BlancheNeige de J. Searle Dawley lors d’une séance publique en plein air offerte aux enfants pauvres de Kansas City. La moitié du temps, il se retournait pour voir les visages de ses jeunes camarades fascinés par l’écran. C’est là qu’il conçut l’étrange puissance du cinéma et qu’il comprit comment cet art nouveau pouvait transmettre la magie des contes anciens. Tâche à laquelle il se consacra une grande partie de sa vie. On l’accusa de bien des crimes : trahisons des originaux, édulcoration pour mieux faire vendre, opportunisme… On vit en lui un affreux homme d’affaires prêt à sacrifier la culture européenne à son profit. Mais on oublie souvent qu’à part Blanche-Neige et Cendrillon, la plupart des films d’inspiration européenne furent pour les studios Disney un gouffre financier et n’ont vu le jour que parce que Walt tenait tête à son frère et allait au bout de son rêve. Ironie de l’Histoire, c’est pour cet héritage européen que le grand Walt est essentiellement connu aujourd’hui et que les studios se sont hissés à de tels succès. C’est que l’Oncle Walt se concevait comme un passeur d’histoires, un conteur avant tout. Il excellait en ce domaine, capable de raconter à son équipe une histoire des heures durant, en jouant tous les personnages, modulant sa voix et sa démarche. Walt Disney refusait aux contes un destin « formolisé », où seuls les érudits pouvaient admirer ces œuvres magistrales, bien rangées dans les vitrines de l’Histoire. Les conteurs, au contraire, murmuraient les contes pour qu’ils soient connus du plus grand nombre, pour qu’ils saturent la vie de leurs enseignements, pour nourrir les rêves et tâcher de donner le goût de grandir en devenant meilleur. Alors Walt raconta par le cinéma, contre tout et tous. Il puisa aussi bien dans le patrimoine européen qu’américain, ancien comme nouveau, toutes les inspirations propres à remplir cette noble vocation : « murmureur » d’histoires et passeur de magie.


IMAGES : © 2016 DISNEY.

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Premier grand film des studios Disney, Blanche-Neige est sans conteste un chef-d’œuvre. Nommé parmi les trois films remarquables de l’année 1937, ce long-métrage a été un succès aussi bien artistique que commercial, alors même que l’industrie cinématographique criait à la « folie disneyenne », arguant que personne ne supporterait de visionner un long-métrage animé. L’origine du conte est très ancienne et les frères Grimm en ont publié eux-mêmes plusieurs versions. Disney atténue la violence de certains détails : à l’origine de l’histoire, la marâtre de Blanche-Neige ne demande pas son cœur mais son foie et ses poumons qu’elle dévore lorsque le chasseur les lui remet (ce sont ceux d’un marcassin, ce qu’elle ignore). De même, la version originale comporte non pas une mais quatre tentatives de meurtre de Blanche-Neige. Enfin, la fin du conte des frères Grimm est particulièrement atroce : le prince et Blanche-Neige se vengent de la marâtre en l’obligeant à chausser des escarpins de fer chauffés à blanc et à danser jusqu’à sa mort. On doit à Walt Disney l’ajout du baiser magique qui ramène la jeune fille à la vie. Il l’emprunte à La Belle au bois dormant de Charles Perrault. En outre, il fait en sorte que les deux jeunes gens se soient déjà rencontrés avant la scène finale, là où le conte des frères Grimm ne ménageait aucune place à l’éclosion des sentiments. L’Oncle Walt adapte avec beaucoup d’intelligence et de finesse l’histoire à la sensibilité de son temps. Il est convaincu du pouvoir pédagogique des contes, c’est pourquoi il veut ici exalter l’amour vrai et le courage qui viennent à bout de toutes les adversités. Il édulcore, mais ne gomme jamais tout à fait la violence ; au contraire, elle lui tient à cœur. Le monde de Walt Disney, tout fleur bleue qu’il soit par bien des aspects, n’en est pas moins réel : Blanche-Neige souffre, a peur, a faim, a froid. Tout comme le jeune Walt dans son enfance a eu peur des châtiments corporels de son père. Tout comme il a trouvé en son frère Roy le réconfort qui lui a permis de traverser les heures noires de son jeune âge. Il met beaucoup de lui-même dans ses personnages. Sans trahir pour autant le propos original dans ce qui fait sa saveur : BlancheNeige, une jeune fille innocente, finit par triompher à force de courage et de détermination, comptant sur l’aide de ses amis. Walt refusera toujours de peindre un monde duquel le tragique aurait été banni. Celui-ci a fait partie de son histoire et il fait partie à part entière du monde des contes. L’en amputer, ce serait trahir l’esprit du conte de fées. Et c’est tout ce monde que Walt veut transmettre avec exigence et invention. Pour autant, on ne peut, sans transformations, transposer un conte pour l’adapter à l’écran. Non seulement pour respecter les sensibilités du XXe siècle, mais parce que la matière serait insuffisante pour près d’une heure et demie d’animation. C’est pourquoi il a fallu à Walt Disney étoffer les personnages secondaires : les animaux sont pour Blanche-Neige des compagnons de tout premier ordre au plus fort de ses doutes. Ils occupent une place de choix dans le film. Pas autant,

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toutefois, que les sept nains. Chez Grimm, on sait peu de chose d’eux. Mais Walt a ce trait de génie de les différencier. Chacun a son propre caractère, sa physionomie. Ils sont essentiels à l’intrigue au point qu’ils rejoignent le titre : Blanche-Neige devient Blanche-Neige et les sept nains. Depuis lors, la princesse est devenue inséparable, dans l’inconscient collectif, de ces petits hommes à l’apparence enfantine qui n’en ont pas moins des tempéraments d’hommes mûrs, à part Simplet. En chacun d’eux, Walt a eu le génie de brosser avec facétie et tendresse toute la panoplie du genre humain.


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Il n’était pas facile d’adapter l’œuvre de l’Italien Collodi, tant elle est truffée de personnages secondaires, de rebondissements dans l’intrigue. Le personnage principal en est tout sauf sympathique. Collodi dit de lui qu’il est un « voyou », un « vaurien », une « honte », un « galopin », un « filou », un « coquin ». Il est égocentrique, peu respectueux, paresseux, menteur. Lorsque son « père » Geppetto est mené en prison, accusé de violence sur mineur, il est tout heureux de l’occasion offerte de vivre sa vie comme bon lui semble. Plus tard, Geppetto se ruine en vendant son unique manteau pour lui acheter un livre d’école et Pinocchio préfère revendre l’abécédaire pour pouvoir s’acheter une place au théâtre de marionnettes. Ingrat et égoïste donc. Mal aisé dès lors d’en faire une transposition à l’écran. Pourtant, le grand Walt signe ici l’une des œuvres les plus abouties artistiquement, un joyau de réalisation et d’innovations techniques. Il rend Pinocchio plus attachant, drôle et espiègle. Son parcours est moins chahuté que dans le livre, car il n’est, chez Walt, qu’une jeune marionnette naïve et trop influençable qui doit apprendre à faire la différence entre le Bien et le Mal. Disneyélague,transforme,ajoute,refondet,cefaisant,permetàlamarionnettedepasseràla postérité, bien que l’accueil initial du public ait été plutôt tiède. Le film suscitera en revanche un vrai enthousiasme en Europe au sortir de la guerre. Cela est dû certainement à l’attachante présence de personnages secondaires dont Walt avait le secret. Tout comme les nains dans Blanche-Neige, Disney recherchait des personnages principaux émouvants et des personnages secondaires propres à susciter le rire. C’est le cas du chat Figaro qui vient alléger une atmosphère qui serait pesante sans ses interventions comiques. Mais c’est surtout l’inestimable Jiminy Cricket au destin plus enviable que chez Collodi où il finit écrasé par Pinocchio à sa première apparition. Chez Disney, il en vient à détrôner le héros lui-même quant à sa popularité et, tout comme la chanson principale, devient l’un des emblèmes des studios. L’aspect moral était omniprésent dans l’œuvre originale, peut-être même un peu étouffant, jusqu’en sa formulation finale, lorsque le pantin est devenu un vrai petit garçon et que son papa va mieux : « Quand les sales gosses deviennent de bons petits, ils ont aussi le pouvoir de transformer toute leur famille. » Walt se concentre quant à lui sur l’évolution du comportement du jeune héros. C’est parcequ’ilavoulusauverGeppettoduventredelabaleine(quichezCollodiestunrequinetque l’Oncle Walt a rendu très effrayante, l’appelant d’ailleurs Monstro), et qu’il y a laissé la vie, que le pantin devient un vrai petit garçon. Les épreuves par lesquelles il passe (l’île aux Plaisirs où les enfants deviennent des ânes, par exemple, et que le héros fuit avant l’accomplissement total de la métamorphose) font de ce film un vrai parcours initiatique d’apprentissage de la sagesse.

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Fantasia est un échec tant sur le plan financier qu’auprès du public, qui boude les salles. On taxe Disney d’intellectualisme, lui qui avait voulu vulgariser le grand répertoire classique. Par de sublimes séquences animées, les studios mettent en images les compositions de grands maîtres : Moussorgski, Beethoven ou Stravinsky. Cedernier décriera lefilm avecune morgue incisive, refusant la parenté de cette œuvre avec sa musique. Parmi les inspirations des dessinateurs, on retrouve l’évocation de la mythologie grecque dans des scènes fantasques et pleines de vie, du mystère de l’avènement du monde et de l’extinction des dinosaures, le déroulement des saisons à travers la poésie de Casse-Noisette ou encore la tendresse d’une ménagerie dansante illustrant la Danse des heures de Ponchielli. Il faudra attendre plusieurs années pour que le film soit reçu à sa juste valeur et que l’on mesure son potentiel pédagogique. On se demande souvent en quoi réside le génie de Disney : il ne dessinait guère, n’avait aucune compétence musicale, et n’était pas toujours le réalisateur des films qu’il produisait. Fumisterie donc ? Non, car le génie du maître résidait en son instinct. Arthur Babbitt, un des

animateurs des studios, parle ainsi du « patron » : « En fait, il ne savait quasiment rien dans aucun domaine, mais était doué d’un œil infaillible en matière de montage. Le plus souvent il ne savait pas ce qu’il cherchait, mais repérait tout de suite ce qui ne collait pas dans un travail en cours. Parfois aussi, même s’il ne pouvait pas vous dire ce qui n’allait pas, pas plus que vous indiquer comment l’améliorer, il voyait tout de suite que ça n’allait pas. » Or, cet instinct s’exprime en Fantasia sans retenue. Walt a la conviction que la musique aussi raconte une histoire. Il se saisit de quelques intuitions glanées dans les partitions et dans la mouvance de l’Art déco, qui fait fureur en Europe, et raconte sa propre histoire. Il exalte la nature dans le cycle des saisons (les fées de Tchaïkovski) : le film est saturé d’un animisme bon enfant où s’affrontent la dureté du naturel et le pouvoir de l’homme qui cherche à la dominer (L’Apprenti Sorcier). On retrouve tout du long le schéma harmoniechaos-harmonie cher à Disney, qui a mesuré combienleshistoiresfonctionnentautourdeceprincipe.Cefaisant, Walt ajoute sa propre pâte à l’héritage des conteurs et fait de Fantasia une pierre apportée à l’édifice des contes.

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1 LA BELLE AU BOIS DORMANT 9 5 9

Quoique boudé par le public des années 1950 qui préférait les westerns aux contes de fées, La Belle au bois dormant est un film d’une qualité artistique certaine. Un soin immense a été apporté aux décors néogothiques, du château notamment. A tel point que ce château survivra dans le parc d’attractions de Walt Disney dont il deviendra un véritable emblème. Comme toujours, Disney tâche de rendre comique les personnages secondaires : ici, ce sont les trois fées, Pimprenelle, Flora et Pâquerette, les agents du bien qui s’opposent à la méchante fée. Chez Perrault, les fées étaient sept et chez les frères Grimm douze. Elles ne sont jamais nommées. La personnification est un procédé imputable à Walt Disney, mais dont les studios ont maintenant l’habitude. Cependant, la pâte, cette fois, ne prend pas. Et les fées échouent à faire jouer le ressort comique, toutes sympathiques qu’elles soient. Le film garde une tonalité sombre, néogothique, de laquelle ne ressort que la tension entre le bien et le mal, chère à Walt Disney. Quelques éléments nouveaux sont à ajouter à son crédit : le méchant du film, la fée Maléfique, a marqué pour de nombreuses années l’histoire du cinéma. Son omniprésence et sa transformation en dragon en ont fait un archétype puissant des méchants de film. De même, dans ce long-métrage, Disney développe davantage le personnage du prince qui prend de l’épaisseur et du relief. Il est bien plus charmant que dans les versions d’origine du conte, héritées de la tradition orale (dont l’une des premières transcriptions écrites remonte au XIVe siècle : le roman arthurien Perceforest écrit entre 1330 et 1344), où il profitait du sommeil de la Belle pour l’engrosser. Chez Disney, les amoureux se rencontrent et se désirent avant de commencer une vie commune. Et le sommeil de la Belle ne dure pas cent ans mais à peine une journée puisque le prince met fin à la domination du mal par son courage et sa bravoure.

Adapté du roman du même nom de la Britannique Dodie Smith paru en 1956, le film s’engouffre dans la brèche de La Belle au bois dormant en proposant un méchant qui éclipse tous les autres personnages (et Dieu sait qu’il y en a) : Cruella d’Enfer, une caricature des égéries de la mode qui n’a de cesse de récupérer la peau des jeunes chiots. Ces derniers n’auraient pas pu être reproduits à l’écran sans une innovation technique : la xérographie (technique utilisée pour la photocopie). Les studios Disney sont les premiers à l’appliquer dans le domaine de l’animation. Autre élément novateur : le cadre contemporain du film. Il y a des voitures à moteur, on regarde la télévision. Le quotidien, bien plus proche des contemporains de Disney, explique que la musique prenne peu de place dans ce film. Nul besoin de venir rendre plus concret un univers non onirique et merveilleux, les images parlent d’ellesmêmes. Le film sera élu meilleur film d’animation aux British Academy Film and Television Arts Awards l’année suivante.

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EMBLÈME

Le château de La Belle au bois dormant (en vignette, ci-dessus), parce qu’il évoque à lui seul toute la magie Disney, est devenu l’emblème de la compagnie. Il doit beaucoup aux châteaux de Louis II de Bavière, surtout celui de Neuschwanstein (ci-contre), parfait exemple d’architecture éclectique.


Disney l’enchanteur PAR ALBANE PIOT

Puisant à toutes les sources artistiques d’Europe et d’Amérique, d’hier et d’aujourd’hui, Walt Disney a conçu un univers neuf. Avec un seul objectif : créer l’enchantement.


“Disney veut réinterpréter la grande

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vec ses hautes tours élancées vers le ciel, il est devenu l’emblème de la compagnie, le logo des génériques d’introduction aux dessins animés, le centre névralgique des parcs dès la création du premier Disneyland en Californie, en 1955. A lui tout seul, extrait désormais de son contexte visuel originel, le château de La Belle au bois dormant évoque la magie Disney. Ce pourquoi il avait été créé. C’était le mantra de Walt : tout devait concourir à créer l’enchantement : le mouvement des personnages animés, le scénario, la musique, l’esthétique… Et pour cela, à l’aube des studios Disney, il fallait aller puiser à toutes les sources, celles d’hier et d’aujourd’hui, la nature, croquée le plus possible sur le vif, quitte à faire venir des faons dans les studios, les livres collectionnés par centaines dans la bibliothèque, l’histoire, l’art d’autrefois et celui de maintenant, la culture du Nouveau Monde et celle de l’ancien. A cet effet, après ceux de Blanche-Neige ou de Cendrillon, le château de La Belle au bois dormant avait été l’aboutissement de longues recherches iconographiques, plus que tous les autres l’objet de minutieux collages : on y reconnaît le Louvre de Charles V dans Les Très Riches Heures du duc de Berry, les dessins de Violletle-Duc, des peintures du peintre allemand Carl Friedrich Lessing (1808-1880), les encres de Victor Hugo, l’aquarelle Nocturnal Spires d’Edmund Dulac (1882-1953), les châteaux de Louis II de Bavière, surtout celui de Neuschwanstein, et enfin le château du film Henry V de Laurence Olivier (1944). Le tout intimement mêlé et stylisé pour correspondre à l’esthétique particulière de ce dessin animé. Car depuis Blanche-Neige, son premier longmétrage, Walt Disney entend prouver à tout Hollywood que ses dessins animés peuvent être de l’art. Et chaque nouveau film est, esthétiquement, l’or d’un nouveau creuset. Il a gardé l’anthropomorphisme de ses débuts, des Alice Comedies, d’Oswald the Lucky Rabbit, de Mickey Mouse : un procédé emprunté aux illustrations d’Ernest Griset (1843-1907), de Grandville (1803-1847), d’Honoré Daumier (1808-1879),deBeatrixPotter(1866-1943) dont

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les souris inspireront celles de Cendrillon (1950). La façon dont les arbres s’animent lorsque Blanche-Neige s’enfuit, terrifiée, croyant dans sa frayeur que toute la forêt lui veut du mal, il l’a empruntée au monde de Gustave Doré, ses arbres immenses écrasant les personnages de ses Fables de La Fontaine ou de ses Contes de Perrault, la nature vivante, inquiétante, de ses illustrations de Rabelais, Dante et l’Arioste. C’est l’un de ses dessinateurs, un artiste d’origine suisse, Albert Hurter (1883-1942), « magistral créateur d’imaginaire » selon les propres mots de Walt, qui lui a fait découvrir Heinrich Kley (1863-1945), illustrateur et caricaturiste allemand dont Disney s’est mis à collectionner les dessins d’hippopotames et d’éléphants dansant. Hurter a un talent spécial pour humaniser les objets inanimés d’une manière surréelle et bizarre, et il influencera durablement les longsmétrages produits jusqu’aux années 1950, même après sa mort, par le recours qu’il pratique à l’Art nouveau et au symbolisme. Nombreux sont les dessinateurs venus d’Europe qu’embauche Disney : il veut intégrer les impulsions artistiques de l’Ancien Monde, réinterpréter la grande tradition européenne de l’illustration. Dans cette idée, après Blanche-Neige et les sept nains, et alors que Pinocchio est en chantier, il se lance dans un nouveau projet, un film qui revendique l’ambition d’être une œuvre d’art, une expérimentation, l’illustration par l’animation de huit extraits de musique classique : Fantasia. Pour Une nuit sur le mont Chauve de Modest Moussorgski (1839-1881), le Danois Kay Nielsen reprend le symbolisme d’Arnold Böcklin, son Ile des morts, ou son Château en ruine avec deux aigles tournoyant dans le ciel et les Diables autour d’une éruption volcanique formant des femmes nues de Heinrich Kley ; pour l’Ave Maria de Schubert : L’Abbaye dans une forêt de chênes (1809-1810) et Cimetière de monastère sous la neige (1819) de Caspar David Friedrich. Pour Le Sacre du printemps, en revanche, l’inspiration est américaine, évoquant les déserts orangés de Georgia O’Keeffe et les films fantastiques de Willis O’Brien. Pour Casse-Noisette, l’Anglaise Sylvia Holland miniaturise avec


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© 2016 DISNEY. © TATE, LONDRES, DIST. RMN-GRAND PALAIS/TATE PHOTOGRAPHY. © DUVALLON/LEEMAGE.

tradition européenne de l’illustration.” délicatesse les fleurs, les champignons et les fées sur le modèle de l’illustrateur victorien Richard Doyle, de Grandville ou de Philipp Otto Runge. Pour la Symphonie pastorale de Beethoven, Hurter caricature presque le symbolisme allemand, citant L’Ile des morts de Böcklin, souvent reprise, les Quatre périodes de la journée de Philipp Otto Runge, Dissonance de l’Allemand Franz von Stuck. Pour La Danse des heures (ballet tiré de l’opéra La Gioconda d’Amilcare Ponchielli), les hippopotames en tutu viennent tout droit de chez Heinrich Kley. Et font écho aux éléphants roses de Dumbo, qui sort un an plus tard en 1941 : figures hallucinées, presque abstraites, atmosphère onirique évoquant le surréalisme contemporain et anticipant le projet avorté de collaboration entre Disney et Salvador Dalí pour Destino, en 1946. Perfectionniste, Disney a créé une école de dessinauseinmêmedesesstudios.Etilemmène ses artistes au cinéma : tout, ils doivent avoir tout vu ! Ils lui ont déjà beaucoup pris : Mickey doit son caractère à Charlie Chaplin, Donald aussi dont les Modern Inventions (1937) sont un écho aux Temps modernes (1936), Steamboat Willie est une parodie de Steamboat Bill Jr. de Buster Keaton (1928), The Pet Store, un clin d’œil au King Kong de Merian Cooper et Ernest Schoedsack (1933). Lorsque Disney se lance dans le long-métrage, à mesure que sa culture visuelle et celle de ses artistes s’élargissent, il ne se limite plus à des citations du cinéma américain. BlancheNeige, Pinocchio et Fantasia regorgent d’allusions au cinéma expressionniste allemand. Pour L’Apprenti Sorcier de Fantasia, dont le scénario suit le poème éponyme de Goethe (1797), il a ainsi puisé au Faust du réalisateur allemand Friedrich Wilhelm Murnau, sorti en 1926, au Metropolis de Fritz Lang (1927), calquant la marche en rangs serrés des balais de l’apprenti sorcier sur le rythme mécanique des automates humains de Lang accomplissant leurs aberrantes besognes. Une nuit sur le mont Chauve reprend sans détour la scène du Faust de Murnau durant laquelle Méphisto frappe de la peste le village où réside Faust, transformé dans le dessin animé en un extraordinaire

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MPRUNTS Les studios Disney sont allés puiser à toutes les sources possibles, s’inspirant, pour les châteaux, des Très Riches Heures du duc de Berry (page de gauche, en haut, Octobre avec le Louvre de Charles V, XVe siècle) ou des encres de Victor Hugo (page de gauche, en bas, Le Gai Château, 1897). L’anthropomorphisme a été emprunté aux illustrations de Grandville (ci-contre, cigogne en médecin manipulant un clystère, 1842) ou de Beatrix Potter (ci-dessus, frontispice du Tailleur de Gloucester, 1903), dont les souris inspireront celles de Cendrillon (en haut, 1950).


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OUS EN CHŒUR ! Le retour de leurs chers dalmatiens, et de quatre-vingtsix chiots supplémentaires, inspire à Roger une nouvelle chanson : Dalmatian Plantation (La Maison du rêve). Dans les Disney d’après-guerre, tels Les 101 Dalmatiens (1961), la sanctification du foyer apparaît comme une composante indispensable du happy end.


Disney way of life PAR EUGÉNIE BASTIÉ

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Ses héros et héroïnes ont forgé un imaginaire universel. Par ses films, Walt Disney a répandu aux quatre coins de la planète un folklore mondialisé dont la morale reflète les idées dominantes du temps.


“Le cœur de la ‘doctrine Disney’ est

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PHOTOS : © 2016 DISNEY.

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ibérée, délivrée, je ne meentiraaaiii plus jamais » : qui n’a entendu le refrain obsédant de La Reine des neiges chanté aux quatre coins du monde par des petites filles aux profils aussi variés qu’une affiche Benetton ? Les princesses de Disney, depuis quatre-vingts ans, s’offrent sur l’autel d’une vénération collective et planétaire, témoignant de la puissance et de l’influence d’un homme qui a su, au pied du sapin, sur les cartables des petits garçons et au cœur des jeux des enfants, lentement et sûrement, offrir un imaginaire universel à des générations entières. Considéré par les uns comme un moraliste national pourvoyeur d’imagination enfantine, par les autres comme le symbole monstrueux de l’impérialisme américain et de sa « saccharine sentimentale », Walt Disney aura sans aucun doute distribué planétairement la morale élémentaire et les codes universels de l’American way of life.

COLIS EXPRESS LA DIFFUSION PLANÉTAIRE

Ci-dessus : la cigogne livrant à Mme Jumbo « un bébé aux beaux yeux bleus descendu tout droit des cieux, (…) un nouveau-né d’un jour [qui] ne réclame que [son] amour ». La scène inaugurale de Dumbo (1941) dans laquelle les bébés sont parachutés aux pieds de leur maman est révélatrice du puritanisme qui règne alors dans le cinéma américain. En haut : Un jour mon prince viendra, dans Blanche-Neige et les sept nains, 1937, décor de production, celluloïd, encre et gouache, par Claude Coats.

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DE L’AMERICAN WAY OF LIFE

En 1937, après la sortie de son premier longmétrage, Blanche-Neige et les sept nains, le prestigieux magazine Cosmopolitan qualifia Walt Disney d’« Esope du XXe siècle ». L’inventeur d’une mythologie des temps modernes. Des journaux chrétiens conservateurs louent alors dans ce conte une version renouvelée de la Genèse, Blanche-Neige vivant avec ses nains dans l’Eden originel avant de croquer le fruit défendu, la reine et le miroir incarnant le péché et l’enfer. Le contenu de la morale Disney est celui de la morale traditionnelle protestante WASP au cœur du rêve américain : travail, famille, patriotisme, ruralité, foi optimiste dans le progrès, teintée d’un respect de l’ordre social et d’une vague nostalgie pour le passé. Disney provient lui-même d’une famille classique de cinq enfants, avec une mère au foyer et un père autoritaire. Il a passé son enfance dans une ferme à Marceline, une petite ville de deux mille cinq cents habitants du Missouri, et il est resté très marqué par la vie à la campagne. C’est l’Amérique de Tom Sawyer, rurale et populaire. Le

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retour à la nature et la ruralité heureuse seront des éléments essentiels des premiers grands succès de Walt Disney, Blanche-Neige, Bambi et La Belle au bois dormant étant, à ce titre, emblématiques. Dans un article de 2014 publié dans la revue scientifique Public Understanding of Science, plusieurs chercheurs ont comparé une soixantaine de films Disney, notant un déclin progressif des images de la nature : alors qu’elle occupait 80 % du temps dans les films produits dans les années 1940, elle n’en représente plus que 50 % dans les années 2000. Le puritanisme est aussi de mise. Outre les chastes baisers échangés entre princes et princesses, la scène inaugurale de Dumbo, avec les cigognes déposant les bébés chez leurs parents, est révélatrice de l’austérité morale qui règne alors dans le cinéma américain. De 1934 à 1966, soit pendant l’âge d’or de Disney, le code de censure régissant la production des films établi par le sénateur William Hays, président de la Motion Picture Producers and Distributors Association, est sévèrement appliqué. Aucun film ne doit en outre se moquer de la religion sous toutes ses formes et de toutes les croyances. La Belle et le Clochard s’ouvre au contraire sur la nuit de Noël avec un chant sur « l’esprit d’amour [et] l’enfant qui naît [qui] sont des trésors qu’il faut garder ». Mais le cœur de la « doctrine Disney » est sans nul doute la famille nucléaire (parents + enfants), avec ses naissances, ses morts et ses mariages, rythmant la partition universelle de l’« histoire de la vie » et conçue comme le pivot de l’American way of life. Dans cette famille traditionnelle, les rôles sont bien répartis : à la mère la douceur (la chanson de Wendy dans Peter Pan décrit la maman idéale comme « un visage empreint de douceur », qui « donne à jamais le besoin d’aimer ») ; au père, l’autorité la sévérité et la distance (le père de Wendy dans Peter Pan qui fustige les « billevesées » ou le lointain « Grand Prince de la forêt » dans Bambi) ; aux enfants, le rêve et l’obéissance. Certains notent cependant une évolution : alors qu’avant 1945, la plupart des héros (Pinocchio, Dumbo, Bambi) étaient des orphelins ou des enfants seuls, que Mickey et Minnie,


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sans nul doute la famille nucléaire.” Donald et Daisy formaient des couples refusant explicitement le mariage, après-guerre la stabilité familiale reprend ses droits (tous les couples sont désormais mariés) et la sanctification du foyer apparaît comme une composante indispensable du happy end. On attribue ce tournant au contexte tendu de la guerre froide. Walt Disney était un anticommuniste virulent, et il contribua à forger les contours d’un « peuple » américain opposé aux Soviétiques. Dans son essai The Magic Kingdom : Walt Disney and the American Way of Life, Steven Watts décrit le contenu de la morale Disney comme un « populisme libertarien », qui promeut l’autonomie individuelle, la réussite personnelle, le volontarisme, et réconcilie l’éthique traditionnelle protestante avec le goût pour l’innovation technologique, la fantaisie avec la science, le dégoût du luxe avec la définition du bonheur comme abondance. Plus précisément, Watts présente le monde de Disney comme celui du génie américain, compris comme une capacité à résoudre pragmatiquement les problèmes, avec pour seules armes de solides valeurs individuelles et morales, mais sans le secours d’idéologies collectives jugées mortifères. Les conflits ethniques ou sociaux n’existent pas. La liberté du pauvre, exempt des contraintes sociales, est exaltée. Dans La Belle et le Clochard (1955), la légèreté et la liberté de la rue sont fantasmées contre la « vie en laisse » et le « vieux couplet du toutou tendre et fidèle ». Les pauvres sont gentils, ni jaloux ni agressifs envers les riches. Et le happy end en finit avec l’anarchie : le miséreux rejoint le foyer bourgeois, abandonnant la liberté et le grand air pour les conforts de « la laisse », où la gamelle est toujours au rendez-vous. Bref, Disney n’a rien d’un révolutionnaire, et même l’extravagant Alice au pays des merveilles prend chez lui des allures de vaudeville. Responsable de l’éducation publique en Californie, Max Rafferty le proclame en 1965 « le meilleur de tous les pédagogues » et décrit ses films comme « les seuls sanctuaires de décence et de santé dans la jungle de sexe et de sadisme produite par Hollywood », prodiguant « une éducation compensatrice pour une génération entière

d’enfants américains ». En 1963, alors au faîte de sa gloire, Walt Disney reçoit même de la part de la Freedoms Foundation la médaille George Washington, qui récompense ceux qui promeuvent l’American way of life. L’ex-président conservateur Eisenhower se fend alors d’un discours exaltant Disney comme l’« ambassadeur de la liberté pour les Etats-Unis ». Il loue l’homme d’affaires-cinéaste « pour son bon sens éducatif et son engagement patriotique à faire avancer le concept de liberté sous le regard de Dieu ; pour son dévouement professionnel sans faille aux choses les plus essentielles, la dignité humaine et la responsabilité personnelle ; pour sa supériorité créative magistrale dans la diffusion des espoirs et des aspirations de notre société libre aux quatre coins de la planète ».

SACCHARINE SENTIMENTALE

D’autres voix s’élèvent pourtant, qui, loin de voir dans Oncle Walt un pédagogue indispensable, s’insurgent contre un mystificateur, un « Pangloss » menteur enseignant aux enfants que tout va bien dans le meilleur des mondes. La méthode des classiques Disney est en effet connue : reprendre un conte ou une histoire traditionnelle (Blanche-Neige et Cendrillon des frères Grimm, La Belle au bois dormant de Perrault, Les Aventures de Pinocchio de Collodi, la légende de Robin des Bois, etc.), l’américaniser par un manichéisme bon teint qui divise inexorablement le monde entre méchants et gentils, le doter au final d’une scène de happy end, quitte à modifier l’histoire initiale en en expurgeant le tragique. Dans les contes originaux, Bambi abandonne sa famille pour vivre seul dans la forêt, la Belle au bois dormant est violée dans son sommeil, Peter Pan tue les enfants qui grandissent. « Disney falsifie la vie en prétendant que tout est si doux, (…) si dénué de conflit », écrit Frances Clarke Sayers, experte en littérature enfantine, qui décrit Walt comme un « mutilateur de folklore et d’histoires enfantines », transformant la gravité et le tragique en « saccharine sentimentale ». Publié deux ans après la mort de Walt, en 1968, alors que la jeunesse libertaire s’échauffe aux quatre coins de l’Occident, la biographie de

BELLA NOTTE

Ci-dessus : La Belle et le Clochard partageant des spaghettis, séquence 7, scène 78, 1955, décor de production, celluloïds, encre et gouache. Clochard vante à Lady une liberté de la rue fantasmée, méprisant la « vie en laisse », à laquelle il cédera pourtant à la fin de l’histoire. En haut : Cendrillon dans sa chambre entourée d’oiseaux, séquence 2.5, scène 12, décor de production, celluloïds, gouache, par Claude Coats. Sous l’influence beauvoirobourdieusienne, Cendrillon deviendra le repoussoir emblématique d’une culture patriarcale vouant les petites filles aux tâches ménagères.

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Les Disney qu’on ne verra jamais PAR THIBAUT DARY

est derechef sans appel : le coût d’un longOn ouvre avec CHANTICLEER AND THE FOX reste problématique pour le envie ce placard Notre fibre patriotique pleurera toujours métrage budget du studio, et les financiers, dont ce film dont la beauté et la Roy Disney, tranchent pour le rythme aux trésors, et on amèrement poésie du colossal travail préparatoire d’un film tous les quatre ans, avec pour le referme le cœur laissent pantois. Dans ce projet qui voit le priorité de développer les parcs d’attracjour dès 1937, le goupil du Roman de tions. Chanticleer en fera les frais, abanserré : il contient Renart rencontre le coq de Chantecler, un donné pour la seconde fois. C’est Merlin fabliau médiéval s’associe à une comédie l’Enchanteur qui gagne le droit de vivre. la mémoire des dramatique du début du XX siècle, et la Marc Davis en concevra une forte décepprojets de films hardiesse créative américaine met singu- tion, et Walt Disney, peu fier, orientera lièrement à l’honneur l’héritage littéraire ce collaborateur inspiré vers les équipes abandonnés des français. Dès le départ, la critique interne créatives de Disneyland. Le concept art fuse : récit trop intellectuel, trop compli- animalier délaissé inspirera fortement studios Disney. Bref qué, héros antipathiques. Mais si l’idée est Robin des Bois en 1973. Et en 1991, Don voyage au pays temporairement remisée à cause de la Bluth, transfuge de chez Disney, créera les animateurs Marc Davis et Ken avec son propre studio Rock-o-Rico, très des enchantements guerre, Anderson la reprennent avec gourman- pâle copie de ce qu’aurait pu être le en 1960, se donnant la liberté de réin- magnifique Chanticleer. perdus et des dise terpréter librement les deux sources, sans regrets éternels. s’astreindre à une adaptation exacte. Des LES GREMLINS explorations graphiques nombreuses s’ensuivent, qui habillent les animaux de la basse-cour et de la campagne française dans des tenues bourgeoises ou populaires de la fin du XIXe siècle, au charme irrésistible. Pourtant, l’arbitrage économique

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Qu’est-ce qu’un « gremlin » ? Un « elfe de mauvais sort » ou, plus prosaïquement, un coup de malchance inexplicable. Les pilotes de la Royal Air Force emploient le mot pour maudire leurs mésaventures mécaniques durant la bataille d’Angleterre.

IMAGES : © 2016 DISNEY.

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Nous sommes en juillet 1942, et Walt Disney reçoit une histoire inédite, Gremlin Lore, signée d’un certain Roald Dahl, auteur encore inconnu, et lieutenant de la RAF. Le récit imagine les gremlins, peuple de lutins qui sabotent les avions anglais pour protéger leur forêt que menace un terrain d’aviation. Pour Gus, le pilote héros de l’histoire, l’enjeu sera de les faire changer de camp… Disney s’enthousiasme, et lance la préproduction d’un film, avant que les difficultés ne s’accumulent. D’abord, les « gremlins » n’appartiennent pas à Dahl, mais à la culture populaire, et d’autres studios se lancent dans des projets comparables. Les frères Disney ont alors le toupet de supplier leurs rivaux de ne pas les concurrencer… et ça marche ! Malgré tout, et en dépit de leurs adorables trognes, peut-on rendre sympathiques des saboteurs auprès du public, en pleine période d’effort national ? De plus, dès l’automne 1942, les enquêtes d’opinion révèlent que le public américain se fatigue des films de guerre. Walt Disney se ravise alors : le projet de combiner des prises de vues réelles à de

l’animation cède la place à l’idée d’un film entièrement animé, mais qui, de longmétrage, devient un court. Un livre est publié, des produits dérivés sont diffusés, mais en décembre 1943, Disney écrit finalement à Dahl qu’il renonce. Un échec qui n’empêchera pas ce dernier de figurer plus tard parmi les auteurs de jeunesse les plus adaptés sur grand écran.

DON QUICHOTTE

Le « chevalier à la Triste Figure » imaginé par Cervantès fait partie des héros qui hantèrent un temps les équipes artistiques chez Disney. Comme c’est parfois le cas dans son studio, on commence à préparer un film non pas en écrivant un scénario, mais en explorant des univers visuels. A plusieurs reprises, durant la décennie de la guerre, des artistes se mesurèrent aux moulins à vent, au chevalier dela Mancha etàson fidèleSancho. En 1940, Bob Carr et son équipe livrent des aquarelles détaillées, inspirées par la peinture espagnole, qui dressent un panorama riche de personnages et de décors, et laissent croire à un projet de film en

prises de vues réelles. En 1946, une nouvelle équipe, sous l’autorité de Jesse Marsh, s’y penche à son tour et, dans un tout autre esprit, produit pléthore de dessins au trait vif et schématique, rapidement coloriés, pour accompagner sous forme d’un story-board complet le poème symphonique de Richard Strauss Don Quichotte. En 1951, dans un style encore plus simple, fait de quelques traits noirs et d’ombres de couleur où les

COCORICO ! En 1960, les animateurs

Ken Anderson et Marc Davis ambitionnent de réaliser une comédie musicale en reprenant un ancien projet Disney alliant Le Roman de Renart et Chantecler. Sur les concept arts défile tout un petit monde d’animaux de basse-cour vêtus dans des tenues du XIXe siècle (en haut, à gauche). Au centre : le projet des gremlins, conçu à partir d’une histoire de Roald Dahl. A droite : une des aquarelles inspirées de la peinture espagnole pour le projet de Don Quichotte, vers 1940.

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Le laboratoire de la création PAR ALBANE PIOT

LADY AND THE TRAMP, 1955 © DISNEY. PINOCCHIO, 1940 © DISNEY.

Des balbutiements de l’animation jusqu’aux dernières productions, Art ludique-Le Musée nous invite à découvrir, pas à pas, la création d’une sélection de films Disney. Immersion dans un univers magique !

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« L’ART DES STUDIOS D’ANIMATION WALT DISNEY : LE MOUVEMENT PAR NATURE » ART LUDIQUE-LE MUSÉE

RENDEZ-VOUS GALANT Page de gauche : La Belle et le Clochard, 1955.

Story sketches, par un artiste du studio Disney, encre et feutre. Cette scène mythique du film tient à la justesse avec laquelle les sentiments ont été retranscrits : on oublie que l’on a affaire à deux chiens pour ne plus voir que deux êtres en train de tomber amoureux. Dans Pinocchio, déjà (ci-dessus, concept art, par Gustaf Tenggren, aquarelle, 1940), l’illusion de vie avait été particulièrement travaillée, les expressions et les mouvements de la marionnette en bois rappelant ceux d’un véritable petit garçon.

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u pied de la grosse chenille ondulante et vert fluo qui occupe depuis 2012 l’emplacement des défunts Magasins généraux, entre la gare d’Austerlitz et la BnF, on se dit instinctivement qu’une exposition consacrée à Walt Disney pouvait difficilement trouver meilleur emplacement. C’est là, dans les bâtiments ultralookés des Docks-Cité de la mode et du design, que le tout nouveau Art ludique-Le Musée a élu domicile en 2013 pour mettre en valeur les « créateurs d’univers » : des studios d’animation aux dessinateurs de super-héros, des designers de décors de films à ceux de personnages de BD. Jean-Jacques et Diane Launier, ses fondateurs, y proposent des expositions d’œuvres qui ont marqué l’imaginaire mondial par leur qualité et leur originalité. Autant dire qu’à ce compte, Disney était ici chez lui. « L’Art des studios d’animation Walt Disney : le mouvement par nature » a choisi de présenter au public trois cent cinquante œuvres, en s’efforçant de saisir cette réalité paradoxale : l’aura classique quientoureaujourd’huilesfilmsdeDisney

masquerait presque le fait qu’ils sont tous le fruit d’une créativité résolument visionnaire. Ils ont été et restent des œuvres d’avant-garde, plus que tant d’autres qui revendiquent volontiers ce qualificatif. Un principe fondamental en a soutenu la création : rester rivé au réel ! C’est de l’observation méticuleuse des êtres vivants, du mouvement des choses, de phénomènes variés que jaillissaient les dessins d’études, puis les story-boards et enfin les images peintes sur celluloïds ou lesimagesdesynthèse,matériauxdebase des films d’animation. Pour représenter les remous de la lave en fusion des volcans de Fantasia, les artistes de Disney avaient passé des heures à observer en laboratoire les cercles que dessinent les gouttes de lait en tombant, l’opacité du liquide, la variété des formes créées par les éclaboussures. Pour Bambi, des faons avaient été amenés au studio californien de Burbank et bondissaient sous le nez des dessinateurs pour que ceux-ci puissent saisir au plus près le dessin de leurs formes en mouvement. Pour Saludos Amigos (1942), Mary Blair et les autres avaient visité

Du 14 octobre 2016 au 5 mars 2017 CONCEPTION ET ÉCRITURE : équipe d’Art ludique-Le Musée en collaboration avec la Walt Disney Animation Research Library. OUVERTURE : lundi, mercredi, vendredi de 11 heures à 18 heures ; nocturne le jeudi de 11 heures à 21 heures ; samedi, dimanche et vacances scolaires de 10 heures à 19 heures. Fermé le mardi sauf vacances scolaires. Durant les vacances de la Toussaint : lundi, mardi, mercredi et vendredi de 10 heures à 18 heures ; nocturne le jeudi de 10 heures à 21 heures ; samedi et dimanche de 10 heures à 19 heures. PRIX D’ENTRÉE : 16,50 €, plein tarif ; 13,50 €, tarif réduit (étudiants, demandeurs d’emploi, personnes en situation de handicap) ; 11 €, enfants (4-12 ans) ; 11 €, groupes (à partir de 20 personnes). Réservation groupes : resa@artludique.com VISITES GUIDÉES AVEC UN GUIDE CONFÉRENCIER : sur demande pour les groupes à partir de 15 personnes. VISITE GUIDÉE AVEC UN MEMBRE DE L’ÉQUIPE DU MUSÉE AYANT COLLABORÉ À LA CRÉATION DE L’EXPOSITION : sur demande et dans la limite des places disponibles. Renseignements sur www.artludique.com et au 01 45 70 09 49. Les Docks-Cité de la mode et du design, 34, quai d’Austerlitz, 75013 Paris.

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Plaisirs et lectures PAR GEOFFROY CAILLET, VIANNEY LEDIEU, PIERRE DE LA TAILLE ET MARIE-AMÉLIE BROCARD

L’Art des studios d’animation Walt Disney. Le mouvement par nature Catalogue d’exposition

Par son audacieuse qualité graphique et l’ampleur enthousiasmante de son format, le catalogue de l’exposition Art ludique suscite un sentiment délicieux : celui de remporter avec soi la merveilleuse exposition qu’on aura admirée. A côté de cinq magistraux textes de synthèse, la place presque exclusive accordée aux images – des raretés puisées dans les archives Disney – tire ce catalogue vers le plus bel album dont on puisse rêver. Les doubles pages sont des écrans où se déploient, comme au cinéma, décors, concept arts, story-boards… bref, tout le travail préparatoire ou définitif de l’animation. Un seul exemple : seize pages sont consacrées à La Belle au bois dormant, dont l’esthétique combine un style général inspiré des enluminures médiévales, un terrifiant répertoire gothique pour la représentation de Maléfique et des décors de forêts ombreuses suintant le mystère et le conte, où les arbres empruntent autant aux silhouettes allongées des tapisseries qu’aux lignes épurées du design moderne. L’ouvrage indispensable pour saisir l’essence de l’art de Disney, fascinant va-et-vient entre la réalité et le rêve. GC Art ludique-Le Musée, 284 pages, 36 €. Disponible uniquement dans la boutique du musée.

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The Walt Disney Film Archives. The Animated Movies, 1921-1968 De Daniel Kothenschulte (dir.)

Quand le prestige du magicien Disney rencontre celui des éditions Taschen, le résultat ne fait guère de doute. Ce luxueux album en témoigne, qui se hisse d’emblée au premier rang des publications illustrées consacrées au maître du film d’animation. Au fil des 620 pages de ce premier volume qu’on voudrait appeler « Les Très Riches Heures de Walt Disney », tant sa qualité éblouissante rappelle celle des livres d’heures médiévaux, quelque 1 500 images accompagnées de textes signés par d’éminents spécialistes de Disney retracent l’épopée de l’animation Disney de la période du muet (1921) au Livre de la jungle (1967). En clair, l’âge d’or des studios. En puisant planches concept et storyboards dans les collections historiques de la Walt Disney Company et dans des collections privées, Daniel Kothenschulte, l’éditeur du livre, détaille par le menu le processus de création des films, en mettant en évidence les tâtonnements géniaux qui aboutirent aux silhouettes et aux décors aujourd’hui immortels. Chaque long-métrage (ainsi que les Silly Symphonies et les films musicaux à épisodes) bénéficie ainsi d’un chapitre entier, dont l’ampleur généreuse du format à l’italienne met parfaitement en valeur la riche iconographie.

Un ouvrage magistral, indispensable à tout authentique amoureux de l’art de Disney. GC Taschen, relié, demi-reliure, 2016, 620 pages. Edition originale anglaise et livret avec traduction en allemand, espagnol ou français à 150 €. Edition limitée de luxe à 400 €.

La Véritable Histoire des contes de fées. Ce que Walt ne nous a jamais dit De Julie Grêde

On est un peu confus, on ne sait pas trop où l’on est. Pas de repères, rien de connu, et pour cause : nous sommes… au paradis. C’est du moins ce qu’imagine Julie Grêde. Et dans ce paradis, il est possible de suivre des séminaires universitaires avec des grands noms de l’histoire : psychologie par Sigmund Freud, littérature nordique par Stieg, technique poétique avec le roi Arthur et, bien sûr, un séminaire sur la manière dont Walt Disney détourne les contes par… Walt Disney lui-même. Au fil de nombreux chapitres, l’auteur nous conduit, à un rythme effréné, dans la relecture que Walt Disney fait de son œuvre. Le cours est très vivant. Bien des personnes interviennent : Valérie Benguigui, Robin Williams, le sosie de Bill Gates, Juliette


UN AUTOMNE AVEC WALT DISNEY

savante, sans jamais cesser d’innover. Sous la forme d’un album abondamment commenté, ce catalogue retranscrit en vis-à-vis dessins originaux issus des studios Disney et œuvres d’art classiques. A noter également en annexe les biographies des divers artisans qui permirent à Walt de réaliser son rêve. Un rêve bien inspiré… PdLT Editions de la Réunion des musées nationaux, 2006, 355 pages, d’occasion.

La Boîte à Pandore, « Curieuses histoires », 2016, 251 pages, 17,90 €.

La Face cachée de Mickey Mouse De Clément Safra

Il était une fois Walt Disney. Aux sources de l’art des studios Disney Catalogue d’exposition

Visionnaire et autodidacte, Walt Disney n’en demeure pas moins le dépositaire d’une vaste culture littéraire et artistique mise au service de son art. En 2006, une exposition au Grand Palais présentait ainsi les sources ayant inspiré l’artiste, qui puisa notamment dans la culture et l’imaginaire occidentaux. Des Fables d’Esope (pour ses premiers courts-métrages) au Livre de la jungle (Kipling), adapté en 1967, en passant par Les Aventures de Pinocchio (Collodi) ou les contes de Perrault (Cendrillon, La Belle au bois dormant), Disney fit dialoguer à merveille culture populaire et culture

La souris la plus célèbre du monde se devait d’avoir sa biographie. Ecrite d’une plume alerte et joliment éditée, celle que propose Clément Safra vise à retrouver le héros sous le sigle commercial, en décryptant sa genèse, son évolution physique et morale, le monde fictif dans lequel il évolue : celui des cartoons, distincts des longs-métrages d’animation où Mickey Mouse ne fera qu’une brève apparition (Fantasia, 1940). « Je me sers d’animaux pour instruire les hommes », proclamait La Fontaine dans une phrase placée ici en exergue du chapitre consacré à l’anthropomorphisme de la légendaire souris. C’est bien ce qu’a fait Walt Disney à travers sa créature la plus attachante, championne absolue des valeurs positives d’une Amérique aventurière et entrepreneuse. A son image, en somme. GC Vendémiaire, 2016, 192 pages, 25 €.

L’ombre du Z Le prodigieux succès de la série télévisée

Davy Crockett (1954-1955) devait faire des petits. Ce fut d’abord et surtout l’inoubliable Zorro, dont la production résulta d’un accord avec la chaîne ABC, qui finança en échange le parc Disneyland. Première adaptation pour le petit écran du personnage de romanfeuilleton créé par Johnston McCulley en 1919, l’histoire du jeune noble don Diego de la Vega, redresseur de torts masqué sous le nom de Zorro (« le renard ») dans la Californie espagnole du début du XIXe siècle, a fait l’objet de soixantedix-huit épisodes de 1957 à 1961. Après des débuts hésitants, la série, tournée en noir et blanc par quatre épisodes aux studios Disney de Burbank, bat des records de popularité. Chaque semaine, petits et grands se délectent des aventures du bondissant Zorro (Guy Williams) et de son acolyte muet, Bernardo (Gene Sheldon), et des déboires du ventripotent sergent Garcia (Henry Calvin). Un fan-club est créé, capes et masques noirs s’arrachent dans les magasins de déguisement… D’autres séries d’aventures historiques suivront : Le Renard des marais, avec Leslie Nielsen (1959-1961), inspiré du héros de la guerre de l’Indépendance américaine, Francis Marion ; Daniel Boone (1960-1961), trappeur dans le Kentucky du XVIIIe siècle ; L’Epouvantail (1964), autre justicier masqué, cette fois dans l’Angleterre du roi George III. La plupart ont été largement diffusées en France, entre autres dans la mythique émission « Le Disney Channel », sur FR3, dans les années 1980. GC Zorro, coffret DVD de l’intégrale des saisons (1 à 3), 69 €, ou coffret pour chaque saison autour de 29,90 €.

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© 2016 DISNEY.

(de Roméo)… Et chaque nouvelle heure de cours dévoile de passionnantes anecdotes, de multiples opinions sur un Walt qui prête complaisamment le flanc à la critique, non sans une certaine espièglerie et une haute estime de soi. Car l’humilité, c’est bon pour les vivants : les morts n’en ont plus besoin, dixit Julie Grêde. Un livre très plaisant, facile d’accès et agréable à lire, très informé. On en ressort enrichi, léger et le sourire aux lèvres. Car qui peut mieux nous faire apprécier le grand Walt que le grand Walt lui-même ? VL

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