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AU PAYS
DE L’ENFANCE LA PROVENCE INTÉRIEURE RAIMU, FERNANDEL ET LES AUTRES…
PAGNOL
Editorial
© BLANDINE TOP.
par Michel De Jaeghere
Il aurait pu en rester là. Il avait connu, à trente-trois ans, la gloire avec Topaze. Sa trilogie marseillaise était devenue depuis longtemps un classique. Elle l’avait inscrit dans la lignée de Daudet, de Mistral, de Giono en faisant de sa Provence l’un des territoires de notre littérature. Il s’était imposé comme l’un des premiers maîtres d’un art nouveau : le cinéma parlant. Avait tourné avec Raimu, Pierre Fresnay, Fernandel. Il avait été élu à l’Académie française. A soixante ans, il avait le sentiment que la face solaire de son existence était désormais derrière lui. Ses aventures tumultueuses avec les premiers rôles de ses films, Orane Demazis, Josette Day, s’étaient achevées par un mariage d’amour avec Jacqueline. Il avait eu la douleur incommensurable de perdre, à deux ans, leur petite fille. Les grandes figures de la bande qu’il avait constituée pour transformer, avant-guerre, le tournage de ses films en escapades entre copains entrecoupées de parties de boules étaient mortes ou s’étaient dispersées. La présentation de la plus ambitieuse de ses œuvres, la pièce qu’il avait consacrée à Judas, n’avait pas remporté le succès attendu. Il avait voulu aborder le genre noble, on l’avait renvoyé à la comédie marseillaise, comme en écho au destin du Schpountz. Le sérieux était, alors, l’affaire de Sartre, de Camus et de leurs pièces à thèses. A lui, on ne concédait que le droit de « faire le couillon », fût-ce dans des pitreries qui rapportaient beaucoup d’argent. Il n’avait pas envie d’aller plus loin sur ce chemin. Il avait, comme toujours, mille projets. Traduire Les Bucoliques de Virgile ou démontrer le fameux théorème de Fermat. Résoudre l’énigme du Masque de fer ou rédiger un essai sur le mécanisme de la respiration. Transformer en roman l’intrigue de Manon des sources ou renoncer définitivement à la littérature, au contraire, pour produire, enfin, ses Eléments d’une thermodynamique nouvelle. Aucun d’entre eux ne le retenait avec assez d’évidence pour qu’il se résolve à leur consacrer tout son temps et son énergie. C’estalorsquePagnoleutl’idéed’écriresesSouvenirsd’enfance. Il avait toujours aimé raconter des histoires. Faire subir à sa vie ces infimes variations qu’un Parisien obtus prend pour des galéjades : qui sont les coups de pouce par quoi un Méridional s’affranchit de la plate exactitude d’un constat d’huissier pour enluminer le réel de poésie et atteindre à une vérité supérieure, celle qui, débarrassée du filtre de la médiocrité quotidienne, restitue la saveur, le suc de l’existence. Il y avait, certes, pour lui, quelque chose de redoutable à changer, sur le tard, de moyen d’expression. A passer du tranchant des répliques de cinéma et de théâtre à la linéarité d’un récit. A troquer les ressources infinies de l’imaginaire pour la remémoration de ses propres souvenirs. Mais quelle fiction pourrait lui apporter la même plénitude que la résurrection des ombres familières auprès desquelles son enfance s’était épanouie ? Il avait mis en scène des farces et des drames : des situations, des caractères, une autre comédie humaine. Il avait accordé dans
ses pièces, dans ses films, le sublime à la bouffonnerie, le burlesque à la tragédie, parce que c’est ainsi que lui apparaissait la trame de nos vies. Il avait créé avec Topaze, avec César, Panisse, avec le Schpountz, quelques-unes des figures les plus attachantes de notre répertoire. Conjugué ses dons de satiriste avec l’humanité singulière d’un regard auquel la dérision était étrangère ; dont la générosité, l’indulgence pour nos faiblesses intimes ne semblaient jamais devoir se démentir. Il avait fait le tableau d’une humanité forte en gueule, prompte à l’emportement, au point d’honneur, à l’âpreté, à la querelle, mais capable, aussi, de prodiges de tendresse et de dévouement. Il lui restait à livrer l’ultime secret de son génie : à parler de ce qui avait façonné sa sensibilité et son esprit. Ses parents, ses amis et ses maîtres, les cours d’école où il avait fait ses premiers pas dans la carrière des lettres, les paysages enchantés de son arrière-pays. Ce qui avait fait de lui ce qu’il était devenu. Et soudain, sous sa plume, c’est un monde qui avait pris vie. Sous le « puissant soleil de juillet » qui fait « grésiller les cigales », sur les chemins muletiers qui sillonnent le Garlaban et serpentent entre les bergeries en ruine, dans le bourdonnement des abeilles, le parfum du thym et des lavandes, et tandis que les alouettes huppées jaillissent des térébinthes, il n’avait pas seulement conté les aventures d’un enfant de la ville suffoqué par la beauté de la nature, surpris par la rudesse des mœurs paysannes, enivré par la découverte de l’amitié de Lili des Bellons ; pas seulement bâti le plus émouvant des tombeaux en l’honneur des hussards noirs de la République en même temps qu’exercé, à l’égard de leurs préjugés laïcards ou antialcooliques, la plus tendre des moqueries ; mis en scène nos antagonismes ataviques sans manquer jamais de manifester la même bienveillance à l’égard de nos exaltations successives ; alterné poésie du tableau noir et du certificat d’études avec les splendeurs des parties de chasse entre Taoumé et Tête Rouge en compagnie de l’oncle Jules ; célébré l’amour d’un père et d’une mère, les bonheurs simples de Joseph et Augustine, la lumière qu’une amitié vraie peut procurer, soudain, à l’existence ; donné à entrevoir le chagrin des séparations qui nous laissent, soudain, inconsolables et démunis. En respirant, « les yeux fermés, l’odeur brûlante de [sa] patrie », il avait écrit le plus envoûtant des romans des origines. Fait prendre à sa Provence une dimension universelle en la décrivant avec les couleurs de l’enfance, tour à tour magnifiée par le sentiment d’éternité qu’inspirent, en leurs débuts, les grandes vacances, et voilée, aux premiers orages, par l’angoisse d’un bonheur menacé par le compte à rebours du temps qui passe. Il avait donné à son œuvre son ultime clé de voûte en faisant de sa terre natale la figure même de notre nostalgie du paradis perdu. Ses souvenirs peuvent affecter la modestie d’un simple récit d’apprentissage. En nous parlant de lui, jamais il n’avait mieux paru s’adresser, tête à tête, à chacun d’entre nous, pour lui dire les merveilles et la brièveté de la vie.
DUR A CUIRE
ILLUSTRATIONS : © DUBOUT, WWW.DUBOUT.FR
Ci-contre : « Je courus, avec mon petit sac de croûtons, vers le bord de l’étang. Je choisis d’abord une très belle pierre, grande comme une pièce de cinq francs, assez plate, et merveilleusement tranchante. Par malheur, un garde me regardait : (…) je commençai ma distribution, avec des paroles si plaisantes et si affectueuses que je fus bientôt en face de toute une escadre rangée en demicercle. (…) Je sortis aussitôt ma pierre, et j’eus la joie – un peu inquiète – d’atteindre en pleine tête le vieux père canard. Mais au lieu de chavirer et de couler à pic – comme je l’espérais – ce dur à cuire vira de bord et s’enfuit à toutes palmes, en poussant de grands cris d’indignation. (…) debout sur l’eau et battant des ailes, il me lança toutes les injures qu’il savait, soutenu par les cris déchirants de toute sa famille. » (La Gloire de mon père).
LA BROCANTE ENCHANTÉE
Page de droite : « Mon père avait une passion : l’achat des vieilleries chez les brocanteurs. Chaque mois, lorsqu’il revenait de “toucher son mandat” à la mairie, il rapportait quelques merveilles : une muselière crevée (0,50 F), un compas diviseur épointé (1,50 F), un archet de contrebasse (1 F), (…) sans parler d’objets mystérieux, dont personne n’avait jamais pu trouver l’usage, et qui traînaient un peu partout dans la maison. Ces arrivages mensuels étaient, pour Paul et pour moi, une véritable fête. Ma mère ne partageait pas notre enthousiasme. » (La Gloire de mon père). Ci-contre : la partie de boules sous les platanes du Cours, à Aubagne.
ILLUSTRATIONS : © DUBOUT, WWW.DUBOUT.FR
LAGNEAU INNOCENT
Ci-dessus : « “Et c’est parce que vous vous appelez Lagneau que vous bêlez en classe ? (…) – Oui, m’sieur.” Il avait parlé en toute sincérité ; car c’était bien pour me dire qu’il s’appelait Lagneau qu’il avait bêlé trop fort. La classe rit alors de plus belle : mais Socrate n’apprécia pas un effet comique qu’il n’avait point provoqué lui-même, et prit cet aveu pour une impertinence. C’est pourquoi il foudroya les rieurs d’un regard sévère, puis, tourné vers Lagneau, il dit : “Monsieur, je ne veux pas attrister cette première classe de latin en vous infligeant la punition que mériterait votre insolence. Mais je vous préviens : cette indulgence ne se renouvellera pas, et à votre prochaine incartade, au lieu d’aller batifoler dans les riantes prairies du jeudi, Lagneau restera confiné dans la sombre bergerie de l’internat, sous la houlette du berger des retenues !”» (Le Temps des secrets). Page de gauche : le chemin tortueux qui mène au cabanon des vacances, dans Le Château de ma mère.
9 JOURNÉES DE LA VIE D’UN ÉCRIVAIN
28 février 1895 LES VERTES ANNÉES
Fils d’instituteur, le petit Marcel grandit sous le regard aimant de sa mère. L’été, les collines de Provence lui ouvrent les portes de la liberté.
PHOTOS : © CMF-MPC.
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uand je serai grand, je serai millionnaire ! » Et vlan ! Marcel a reçu une taloche. Il voulait épater son petit frère Paul, mais leur père l’a entendu. Joseph Pagnol n’est pas ennemi d’une juste ambition, lui-même aspire en secret à devenir directeur d’école, mais celle de son aîné ne lui paraît guère honnête. Millionnaire ! C’est un métier ça ? Si Marcel avait dit : « Je serai professeur, ingénieur ou médecin », Joseph se serait rengorgé, mais ce désir d’avoir plus d’argent que nécessaire choque sa morale civique. Le minot, cependant, ne baisse pas la tête : « Je serai millionnaire en inventant des inventions ! » Cette fois, Joseph a souri. Au fond il n’est pas peu fier de son crapaud, comme il aime à l’appeler. Pensez ! A trois ans, le pitchoun, que sa mère laissait au fond de la classe de son mari lorsqu’elle allait au marché, avait appris tout seul à lire ! Joseph, faraud, avait ameuté tout l’établissement. On s’ébaudissait. Seule Augustine s’est affolée : « Son cerveau va exploser ! » Ah, les femmes ! Toujours à s’inquiéter ! Surtout Augustine. Elle est bien jolie avec ses longues tresses brunes, son minois d’ange et ses grands yeux admiratifs lorsqu’elle regarde Joseph, qui a tant d’instruction ! Quant à ses fils, elle semble être leur grande sœur tant elle paraît jeunette. D’ailleurs Marcel et Paul veillent sur leur mère comme si elle était en porcelaine. Quelle fierté ce fut pour Augustine lorsque Joseph qui enseignait à Aubagne où Marcel est né en 1895, puis à Saint-Loup où Paul est venu au monde en 1898, a été nommé à l’école du chemin des Chartreux de Marseille ! Plus qu’une promotion, ce fut un « bond de comète ». Les Pagnol se sont tout d’abord installés dans un appartement de fonction, mais quand la petite Germaine est née, Joseph a obtenu une indemnité de logement et la famille est allée vivre dans le quartier de la plaine Saint-Michel. Augustine courait d’une penderie à un placard, tout heureuse d’avoir tant de rangements. Le problème, c’est que les étés, à Marseille, sont torrides. Soucieux de la santé de sa femme, Joseph a décidé en 1904 de louer une « villa » dans les collines à part égale avec l’oncle Jules. Le mari de Rose, la sœur aînée d’Augustine, n’a qu’un défaut. Il va à la messe et communie même deux fois par mois ! Si ce n’est pas malheureux au XXe siècle de croire encore à de pareilles sornettes ! Il n’y a que la science qui vaille ! La science, c’est le progrès. Et le progrès fera le bonheur de l’humanité ! Quant aux curés, ils pourront aller compter les vagues à l’Estaque avec leur vallée de larmes ! Fils d’un tailleur de pierre qui s’était saigné aux quatre veines pour élever ses six enfants, Joseph est sorti de l’Ecole normale
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à vingt ans. Il est devenu un hussard de la République. Pénétré de sa fonction, il l’exerce comme un sacerdoce. A la maison aussi, tout est prétexte à s’instruire. Même en vacances. A La Treille, les garçons étant toujours occupés à débusquer des insectes, Joseph leur a recommandé de bien les observer. C’est de l’entomologie, leur a-t-il dit. Paul a ouvert la bouche. Marcel, lui, s’est empressé d’aller inscrire ce nouveau terme dans son carnet de notes. Il fait collection de mots. Crapaud aime en particulier « grenade », « vermoulu » et surtout « manivelle » qui rime avec « aile ». D’ailleurs, lorsqu’il le prononce, il a l’impression de s’envoler. Comme Marcel a hâte de partir à la Bastide Neuve ! Là-bas, il peut plus facilement échapper aux sempiternelles dictées de son père. Tandis que Joseph sommeille à l’ombre après le déjeuner, Marcel et son frère s’esquivent pour jouer aux Indiens, organiser des combats de mantes religieuses, mettre le feu à une fourmilière, livrer une sauterelle à des grosses araignées ou encore attraper des limberts par la queue. C’est drôle, elle vous reste dans la main. Le soir, après le dîner, ils n’ont plus que la force de grimper l’escalier à quatre pattes jusqu’à leur chambre où ils s’effondrent sur le lit, ivres de liberté. Marcel se promet toujours de se lever aux aurores pour que la journée soit plus longue, mais il n’y parvient jamais. Et lorsque le soleil le réveille, il grommelle tout en se précipitant dehors. Face à la garrigue, au pic du Taoumé et à la Tête Rouge, il éclate de rire. Puis ferme les yeux. Pour mieux les réinventer. I. de C.
EN FAMILLE
Page de droite : Joseph et Augustine Pagnol entourés de Paul, Germaine et Marcel (à droite), en 1904, à l’époque où Marcel situera l’action de La Gloire de mon père. Ci-contre : la fratrie en 1922, au hameau des Bellons, où les Pagnol louent la Bastide Neuve. De gauche à droite : René, Paul, Germaine et Marcel.
9 JOURNÉES DE LA VIE D’UN ÉCRIVAIN
21 juillet 1941 LE CHÂTEAU DE MA MÈRE
Dans le château qu’il vient d’acheter, Pagnol reconnaît celui qui avait valu une belle frayeur à sa mère. Il va y créer un Hollywood provençal.
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arcel est arrivé en coup de vent dans ses studios du Prado pour annoncer à son équipe qu’il vient de signer l’acte d’achat du château de la Buzine à une dizaine de kilomètres au nord de la route nationale qui relie Marseille à Aubagne. « Et je vais vous dire… » Quand Pagnol prononce ces mots, chacun sait qu’une longue histoire, pleine de rebondissements, va suivre. Mais aujourd’hui, Marcel n’a pas le temps de raconter en détail le jour où sa mère a eu si peur dans le parc de la Buzine, quand le garde avait surpris toute la famille Pagnol traversant sans autorisation la propriété. Pauvre Augustine ! Elle ne s’était jamais vraiment remise de cette humiliation ! Comme Marcel voudrait qu’elle sache que, désormais, son fils est le maître du château et qu’aucune brute ne la terrorisera plus jamais ! Trop tard ! Pourquoi les choses arrivent-elles souvent trop tard ? Josette, elle, est arrivée juste au bon moment dans sa vie ! Elle la partage depuis le jour où elle est entrée dans son bureau rue Fortuny, en janvier 1939. Après sa rupture avec Orane et Kitty, il avait eu une liaison avec Vonette, qui lui a donné une jolie petite fille. Mais leur couple n’a guère tenu. Josette ? Il en est fou. Et il vient enfin d’obtenir son divorce pour pouvoir l’épouser. Ça lui a coûté la moitié de sa fortune ? Qu’importe ! Josette, c’est son étoile ! Blonde, toute frisée, un corpsdedéesse,elleaeubeaucoupd’amants,maisc’estbienfini! Marcel et elle sont amoureux au point d’en être parfois ridicules. Raimu ne le reconnaît plus, tant Marcel est devenu dandy ! C’était bien la peine de se moquer des costumes anglais de Jules, de ses bottines, de ses cravates trop voyantes et de ses chemises en soie ! Maupi,quiajouélepilotedu«fériboite»,assuremêmequeJosette oblige Marcel à changer de caleçon tous les jours ! C’est dire ! Elle a serré ses cheveux dans un foulard. Il a mis une casquette blanche. Ils ouvrent fièrement la lente marche des camions à gazogène qui emmènent tout le « cirque » Pagnol au château de la Buzine. Electriciens, opérateurs, éclairagistes, personne ne manque à la virée vers les collines où Marcel, enfant, passait ses vacances. S’il en a raconté des histoires sur La Treille ! Avec le petit Lili des Bellons et Marius Broquier qui est devenu maçon et qui travaille pour lui ! C’est lui qui a reconstruit la ferme achetée par Pagnol pour tourner Angèle, ainsi que les ruines du village d’Aubignane, pour Regain. Le film, adapté lui aussi d’un roman de Giono, n’a pas eu le succès d’Angèle. En revanche, avec César, Marcel a battu tous les records. On s’est battu à travers toute la France pour pouvoir présenter le dernier volet de la trilogie ! Après, il y a eu Le Schpountz avec Fernandel, qui a perdu tous ses complexes vis-à-vis de Pagnol depuis qu’il est devenu une
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vedette. C’est fou comme les relations entre acteur et producteur-réalisateur sont parfois difficiles. Avec Raimu, en ce moment, ce sont les basses eaux. Ce n’est pas la première fois. Sans doute pas la dernière. Jules n’arrête pas de dire que la trilogie, c’est lui ! Et lui seul ! Il n’a pas manqué de faire sa coquette pour tourner La Femme du boulanger. Mais quand Pagnol a proposé le rôle à Henri Poupon, le Jules, inquiet, a montré patte blanche ! Bordille, va ! Mais quel comédien ! Le plus grand, c’est sûr ! Dans le rôle du boulanger, il a tout cassé ! Pagnol est également en froid avec Giono. Jean est maintenant une sorte de pape pour des fadas qui font tous les ans le pèlerinage de Manosque ! Mais qu’ont-ils tous à perdre la tête ! Passé la grille du parc, Marcel a sauté de son camion. Il tient fermement Josette par la main, comme s’il craignait de la perdre, et se lance dans la visite des dépendances de la Buzine, puis du château lui-même. Ce n’est pas Versailles, mais quand même ! Déjà, les cantiniers des studios du Prado déballent leurs victuailles. Un gigantesque pique-nique est organisé dans le grand salon. On rit. On se serre les uns contre les autres. La guerre ? La France est occupée et c’est bien triste, mais les théâtres et les cinémas n’ont jamais connu pareille affluence. Et les studios de Marcel sont pris d’assaut par les réalisateurs. Au milieu de son équipe, Marcel explique qu’il va créer à la Buzine une Cité du cinéma plus imposante que Hollywood. Josette, qui en a toujours rêvé, bat des mains. I. de C.
LA BONNE ÉTOILE
Ci-dessus : Pagnol et Josette Day au domaine de l’Etoile, près de Cagnes-sur-Mer, acheté en 1942 après la vente de ses studios à la Gaumont. L’actrice sera sa compagne jusqu’en 1944. A droite : le château de la Buzine que Pagnol acquit en 1941 pour créer une Cité du cinéma.
© CMF-MPC.
Chronique du pays perdu PAR THÉOPHANE LE MÉNÉ
Instituteurs, curés, villageois, marins, bistrotiers… le petit monde gouailleur de Marcel Pagnol a la saveur d’une France disparue. Charpin dans Le Schpountz (1938). Il y incarne un épicier provençal, l’oncle Baptiste, qui met en garde son neveu Irénée contre les sirènes du cinéma.
“Pagnol se plaisait à donner une vision
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ors de sa réception à l’Académie française, Marcel Pagnol avait, en prophète, exhumé de sa prodigieuse culture un certain Camille de Sainte-Croix qui écrivait jadis : « Il viendra peut-être un moment où le langage de ces jolies scènes ne sera plus le langage du jour ; mais alors, au lieu de se montrer fanées, fripées, mornes, comme nous apparaissent certains succès artificiels, on leur trouvera un autre charme, non moins précieux, d’évocations justes, et de peintures d’époque. » Le jeune académicien imaginait-il alors que les mots de son devancier sonneraient si juste pour définir le monde auquel il avait lui-même donné vie ?
© CMF-MPC. PHOTOS : COLL CHRISTOPHEL. PAGE DE DROITE : © CMF-MPC.
LE CURÉ ET L’INSTITUTEUR
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On ne saurait parler de Pagnol sans commencer par l’enfance et, par là même, par la figure tutélaire de l’instituteur et par ce qu’on appelait alors l’instruction publique. Car les écoles jalonnent l’œuvre de l’écrivain aubagnais comme les églises le pays. Et c’est alors tout un univers qui refait surface, bien loin de notre Education nationale, avec son lot de misère, de violence et, hélas, de médiocrité. Ce sont des enfants en culottes courtes et en blouses réglementaires qui cavalent sous les marronniers et les platanes, avant que la sonnerie stridente de la cloche ne vienne les faire se ranger, en silence, devant le préau. Ce sont de grands tableaux noirs sur lesquels s’écrivent, à la craie, des mots à l’orthographe irréprochable et à l’impeccable calligraphie. Ce sont des poésies qui se récitent, droit comme un piquet, devant les regards amusés, incrédules ou inquiets des camarades qui rêvent à l’école buissonnière et à la sèche interdite. Ce sont des cahiers d’écolier aux pages un peu jaunies sur lesquelles viennent s’apposer, à l’encre violette, l’histoire de France, d’interminables dictées, des versions latines, des cours de morale ou d’instruction civique, des listes de chefs-lieux, de sous-préfectures, de canaux latéraux et de fleuves côtiers. Ce sont des murs flanqués de grandes cartes en papier carton, abîmées à force d’avoir été frappées par le bâton de l’enseignant, qui dessinent les régions, énumèrent les grandes villes, recensent les reliefs et les spécialités agricoles. Ce sont des barbus
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à lorgnons, costumés d’une jaquette usée et d’un gilet pelliculeux, la main baguée d’une chevalière et le cou pris dans un col de celluloïd jaune, orné d’une cravate à système, qui, juchés sur leur estrade, professent le culte de la République et les méfaits de l’Eglise. Fils d’instituteur (« titulaire à l’école du chemin des Chartreux, la plus grande école communale de Marseille»)etlui-mêmeprofesseur,Pagnolavait, plus que tout autre, intégré le rôle fondamental del’enseignantetseplaisaitàendonnerlavision aristocratique que dépeint La Gloire de mon père : « la bonne graine était projetée aux quatre coins du département, pour y lutter contre l’ignorance, glorifier la République, et garder le chapeau sur la tête au passage des processions ». Mais plus encore qu’un métier noble, l’enseignement constituait alors un sacerdoce. Le curé ou l’instituteur ? C’était la petite guerre française qui se poursuivait en ce temps-là pour la maîtrise des jeunes âmes. Le prêtre n’est jamais loin de l’instituteur dans l’œuvre de Pagnol, dans une sorte de variante cisalpine de don Camillo. On se souvient de l’échange tendu qui ouvre La Femme du boulanger, mettant en présence un jeune curé aux lunettes cerclées d’or et un instituteur qui commence par détourner la tête avant d’injurier littéralement l’homme d’Eglise : « Un chien regarde bien un évêque. M. le curé peut donc parler à M. l’instituteur. » L’instituteur héritait en effet de sa fonction un capital social qui rivalisait largement avec celui du curé : « Après quelques années d’apostolat laïque dans la neige des hameaux perdus, le jeune instituteur glissait à mi-pente jusqu’aux villages, où il épousait au passage l’institutrice ou la postière. Puis il traversait plusieurs de ces bourgades dont les rues sont encore en pente, et chacune de ces haltes était marquée par la naissance d’un enfant. Au troisième ou au quatrième, il arrivait dans les sous-préfectures de la plaine, après quoi il faisait enfin son entrée au chef-lieu, dans une peau devenue trop grande, sous la couronne de ses cheveux blancs. Il enseignait alors dans une école à huit ou dix classes, et dirigeait le cours supérieur, parfois le cours complémentaire. On fêtait un jour, solennellement, ses palmes académiques : trois ans plus tard, il “prenait sa retraite”,
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aristocratique de l’enseignant.”
À L’ÉCOLE DES
HUSSARDS NOIRS
c’est-à-dire que le règlement la lui imposait. Alors, souriant de plaisir, il disait : “Je vais enfin pouvoir planter mes choux !” Sur quoi, il se couchait, et il mourait. » Un temps que les moins de cent ans ne peuvent pas connaître. A cette vision du maître, correspondait celle de l’autorité. Yvan Audouard, qui fut l’intime de Marcel Pagnol, l’a justement souligné : « En ce temps-là, dans l’enseignement, les fonctionnaires étaient aussi des factionnaires, et le lycée d’Etat de Merlusse aussi bien que la pension Muche de Topaze étaient de bien lugubres casernes. » Seules les tordantes répliques de cette pièce de théâtre, qui met en scène un maître d’école au sens civique irréprochable versant peu à peu dans les affaires, peuvent nous faire toucher du doigt ce qu’était, alors, le sens de la discipline quasi militaire, aujourd’hui morte et enterrée. « Halte là ! Qui marche en serre-file ? Rompez ! s’écrie le directeur de la pension Muche. Je pourrais vous considérer comme un otage et vous garder ici ce
soir… N’insistez pas ou je déchire votre titre de permission ! » Quel élève se laisserait aujourd’hui adresser ainsi la parole sans hurler au scandale et inviter les autorités à intervenir ?
LES GRANDES VACANCES
Aux longs mois d’école succèdent les salvatrices grandes vacances, longues promenades au pays lui aussi disparu des « couillonnades », avec la simplicité et le dépouillement comme seuls compagnons. Car Marcel Pagnol, c’est Aubagne plutôt que Saint-Tropez, Marseille et non pas Sainte-Maxime, la vie pastorale plutôt que le tourisme de masse, la promenade sur le boulevard plutôt que la déambulation en bord de plage, la Provence de la III e République déchirée entre « blancs du Midi », dont beaucoup de royalistes légitimistes passés à l’Action française, et républicains radicaux. Dans La Gloire de mon père, Pagnol fait ainsi écho aux débats opposant son père, passionnément radical,
Fils d’instituteur et ayant lui-même enseigné, Marcel Pagnol (sur le tournage de César en 1936, page de gauche, en haut) avait parfaitement intégré le rôle fondamental du professeur et le sacerdoce que constituait ce métier. Dans Merlusse en 1935 (page de gauche, en bas) et dans les trois versions cinématographiques de Topaze (avec Louis Jouvet dans le rôle-titre, en 1932, réalisé par Louis Gasnier, ci-contre, ou Fernandel, en 1951, réalisé par Pagnol, page de gauche, au centre), Pagnol nous immerge dans le monde de l’instruction publique sous la IIIe République.
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LA PROVENCE INTÉRIEURE
Auteuil, le disciple PAR MARIE-NOËLLE TRANCHANT
Enfant de la Méditerranée, nourri de Pagnol, Daniel Auteuil est passé derrière la caméra afin de faire entendre encore l’écrivain.
ACTEUR-RÉALISATEUR
En 1986, avec son diptyque Jean de Florette et Manon des sources, Claude Berri offre à Daniel Auteuil un rôle à sa mesure, aux côtés d’Yves Montand (en haut, à droite). Son interprétation d’Ugolin lui vaudra le césar du meilleur acteur. En 2013, Auteuil adapte les deux premiers volets de la trilogie marseillaise de Pagnol, avec Raphaël Personnaz en Marius (ci-dessus) et Jean-Pierre Darroussin en Honoré Panisse (page de gauche).
PHOTOS : © LUX ROUX/A.S. FILMS-ZACK FILMS-PATHÉ. ©GEORGES PIERRE/RUE DES ARCHIVES.
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’il y a un fidèle de Marcel Pagnol aujourd’hui dans le monde du spectacle, c’est Daniel Auteuil. L’écrivain et le comédien ne sont pas seulement « pays » par leurs origines provençales, mais aussi par leur attachement aux gens simples, aux vertus paysannes anciennes. « L’authentique » fait irréductiblement partie de la personnalité d’Auteuil, que sa brillante carrière n’a jamais converti au parisianisme. Enfant de la Méditerranée et de l’opérette, il est né à Alger lors d’une tournée de ses parents, tous deux chanteurs lyriques. On met son couffin à proximité de la scène. Bientôt, il traînera dans les coulisses, fera de la figuration d’enfants. De plus, il grandit à Avignon, royaume du théâtre. Décidément, la vie le pousse du côté où il montera. Sa première rencontre avec l’auteur de César a lieu dans la Cité des papes. « Pagnol, raconte Daniel Auteuil, je l’ai d’abord connu comme cinéaste. J’ai une quinzaine d’années, on programme une rétrospective de ses films pendant le Festival d’Avignon. J’y vais tous les matins. Chez nous, Marcel Pagnol c’est l’auteur qui a manifesté l’identité de la Provence. Un auteur qui nous appartient. Dans le Midi de ma jeunesse, toutes les influences méditerranéennes nous parlent, depuis le théâtre grec jusqu’à Giono et Pagnol. Il a “pris”, chez les gens : les situations qu’il décrit, les mots qu’il prononce, nous sont familiers. On cite couramment ses répliques. Moi, je le découvre à travers le génie de Raimu, je savoure tous ses interprètes. » Il garde de ces séances matinales confidentielles, parmi quelques rares spectateurs, l’impression d’une initiation, d’un moment fondateur.
« Je ne sais pas encore que son cinéma a influencé le néoréalisme italien, que je vénère. Quand Pagnol tourne, il fait des films sur son époque. Il parle d’un milieu qu’il connaît parfaitement. Il est en prise directe avec la réalité, comme le Visconti de La terre tremble. Nous, nous faisons de la reconstitution, mais pas lui. Et ces drames de la campagne, ces filles-mères, ces garçons tenaillés par l’envie de partir, je les reconnais. » Comme Marius, il rêve d’ailleurs. Lui, il veut monter à Paris, devenir acteur. Comme Marius, il pourrait dire : « Ça me tire ! » Quelques années plus tard, il met son projet à exécution, s’installe à Paris, mène la vie trépidante des jeunes artistes. « Mais la campagne provençale me manque comme elle a manqué à Pagnol, dit-il. Je me mets à le lire assidûment, comme remède à la nostalgie. Surtout les Souvenirs d’enfance – La Gloire de mon père, Le Château de ma mère… –, qui m’apportent les senteurs du pays. » Même s’il rate le Conservatoire, les choses marchent bien pour Auteuil. Son talent comique est vite apprécié. En 1979, il reçoit le prix Gérard-Philipe du
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Au pays de Marcel PAR MATHILDE BRÉZET ILLUSTRATIONS STÉPHANE HEUET
Entre le soleil de l’enfance, les ombres de l’âme et le manège du monde, Pagnol a construit une Comédie humaine aux mille saveurs.
Augustine Pagnol « L’âge d’Augustine, c’était le mien, parce que ma mère, c’était moi, etjepensais,dansmonenfance,quenousétionsnéslemêmejour.» Qu’elle est jolie cette mère sans âge, que l’on rencontre à travers les yeux toujours amoureux de son fils, figée dans une jeunesse éternelle… Au seuil de sa vieillesse, le fils se penche sur la mère et dans le ton attendri et amusé du narrateur des Souvenirs d’enfance, ce n’est pas la femme logiquement âgée de près de quarante ans que l’on découvre, mais une toute jeune fille. Dans le souvenir fantasmé de Marcel, Augustine reste, malgré son mariage et ses trois enfants, la timide couturière brune et rougissante qu’elle était lorsqu’elle quitta son métier pour rejoindre la vie de l’instituteur qui l’avait éblouie. Sa délicatesse physique et morale est soulignée et chérie à chaque page par ce grand fils protecteur qui n’oubliera jamais la terreur causée un jour à cette nature impressionnable par le garde inflexible et mauvaisement zélé qui surprit la petite famille dans le parc du château qu’elle traversait illégalement pour raccourcir le chemin des vacances. Ce jour-là, Augustine s’évanouit, et Marcel pleure de rage. Trente-cinq ans plus tard, le petit garçon est un réalisateur célèbre. Il fait acheter, sans le visiter, un domaine pour créer un complexe cinématographique : le hasard fait bien les choses, car la grande bâtisse qu’il découvre n’est autre que le terrible château des vacances, le château de la peur de sa mère… La voilà vengée. Hélas ! Elle a passé, la jeune femme, et sa peur ne vit plus que dans la mémoire des vivants – on ne console paslesmorts…Marcelresteavecsessouvenirs.«Maisdans les bras d’un églantier, sous des grappes de roses blanches et del’autrecôtédutemps,ilyavaitdepuisdesannéesunetrès jeunefemmebrunequiserraittoujourssursoncœurfragile les roses rouges du colonel. Elle entendait les cris du garde, et le souffle rauque du chien. Blême, tremblante, et pour jamais inconsolable, elle ne savait pas qu’elle était chez son fils. »
ILLUSTRATIONS : © STÉPHANE HEUET.
SOUVENIRS D’ENFANCE
LE PETIT MONDE DE MARCEL PAGNOL
Joseph Pagnol SOUVENIRS D’ENFANCE
Joseph Pagnol est un croisé de la liberté, un grognard de l’égalité, un vétéran de la fraternité, un fantassin du Bien : il est instituteur dans le XIXe siècle finissant. Ses ennemis, il ne les a pas choisis, l’école normale d’instituteurs les lui a désignés : ce sont l’Eglise, l’Alcool, et la Royauté. Trois fléaux. Trois terribles maladies qui assiègent et menacent à toute heure le corps de l’homme, son esprit et la garante de sa liberté : la République. Cet athée aux manières d’ascète ne recherche pas la gloire, il a signé pour une vie de dévouement : il prêchera la bonne parole de la morale républicaine de hameau en bourgade, voire, en fin de carrière, au chef-lieu du département. Peut-être recevra-t-il les palmes académiques en guise de Légion d’honneur. Bref, c’est un membre éminent de la grande armée à laquelle la IIIe République confia son salut et sa prospérité, et qui avait un nom : l’instruction publique. Une race d’homme depuis longtemps disparue… « Ils avaient une foi totale dans la beauté de leur mission, une confiance radieuse dans l’avenir de la race humaine. Ils méprisaient l’argent et le luxe, ils refusaient un avancement pour laisser la place à un autre, ou pour continuer la tâche commencée dans un village déshérité. » Voilà ce qu’on devine de Joseph Pagnol « dans le service ». Mais dans les Souvenirs d’enfance de Marcel, nous le rencontrons dans le privé, en vacances, en canotier et bras de chemise, libre de jouer aux boules et de s’initier à la chasse. Il n’a rien de martial et, hors quelques escarmouches avec l’oncle Jules, il se révèle l’homme le plus paisible du monde. Pour ses enfants, il est à la fois père et professeur, toujours attentif à satisfaire leur curiosité et à éveiller leur esprit : c’est les aimer deux fois. Marcel dira plus tard qu’il lui faisait l’effet d’un dieu.
Le Narrateur SOUVENIRS D’ENFANCE
Et lui, qui est-il, à quoi ressemble-t-il, ce petit Marcel raconté par le vieux Marcel, qui parle de ses parents comme de gamins, avec un brin de condescendance ? Marcel, c’est un écolier en vacances qui fait des « fotes d’ortograffe » et apprend à poser des pièges à lièvres dans la garrigue ; un Sioux qui scalpe le petit frère plusieurs fois par jour et court dans les collines avec l’ami Lili ; une âme chevaleresque qui abandonne fratrie et tribu pour sauver une petite fille en danger ; un redoutable pisteur capable de suivre, plusieurs heures durant, la chasse interdite ; un fils gonflé d’orgueil qui regarde comme le plus beau trésor du monde les deux bartavelles abattues par son père ; un authentique philosophe enfin qui traverse la Provence comme un monde, compte deux mois de vacances comme l’éternité, et que l’arrivée soudaine et inopinée du mois de septembre plonge dans le plus profond désespoir. Ainsi se passe l’enfance de Marcel, « l’Hermitte des Collines »… A le lire, il nous vient aussi, sans les avoir vues, l’amour de ces collines pleines d’herbes chaudes et de soleil, terrain de jeu vaste comme le monde aux mystères inépuisables et toujours renouvelés, collines d’une enfance heureuse… Ses Souvenirs d’enfance, Pagnol les a écrits comme « une petite chanson de piété filiale ». L’œuvre reste, pour tous ceux qui l’ont lue, la mélodie universelle de l’enfance disparue.