Louvre Abu Dhabi

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LOUVRE ABU DHABI | NAISSANCE D’UN MUSÉE Flammarion

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ALBUM DE L’EXPOSITION

Flammarion

Prix France : 9,90  ISBN : 978-2-0813-3196-9

LOUVRE ABU DHABI NAISSANCE D’UN MUSEE

Flammarion

14/03/2014 12:54


Cet album accompagne l’exposition « Louvre Abu Dhabi. Naissance d’un musée » au musée du Louvre, hall Napoléon, du 2 mai au 28 juillet 2014. Cette exposition est organisée par le musée du Louvre et TCA Abu Dhabi.

Commissaire général

Vincent Pomarède

Directeur de la Médiation et de la Programmation culturelle, directeur du département des Peintures, musée du Louvre

Commissaires

Laurence des Cars

Directrice du musée de l’Orangerie

Khalid Abdulkhaliq Abdulla

Commissaire associé pour l’exposition Naissance d’un musée, Autorité du Tourisme et de la Culture d’Abu Dhabi

Le papier de cet ouvrage est fabriqué par Arjowiggins Graphic et distribué par Antalis.

En application de la loi du 11 mars 1957 [art. 41] et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.

À l’exception des préfaces et de l’introduction, les textes de cet album sont issus du travail collectif de Guilhem André, Béatrice André-Salvini, Nourane Ben Azzouna, Marie-Laure Bernadac, Adrien Berthelot, Jean-François Charnier, Anne Coron, Cécile Debray, Sylphide de Daranyi, Dominique de Font-Réaulx, Jérôme Delaplanche, Laurence des Cars, Blaise Ducos, Edhem Eldem, Olivier Gabet, Aurélien Gaborit, Laurent Héricher, Élodie Jeannest, Brigitte Leal, Vincent Lefèvre, Yves Le Fur, Souraya Noujaim, Hélène Vassal, Marina-Pia Vitali, Antenna International et l’Agence France-Muséums.

www.louvre.fr www.editions.flammarion.fr © Musée du Louvre, Paris, 2014 © Flammarion, Paris, 2014 ISBN Louvre : 978-2-35031-477-8 ISBN Flammarion : 978-2-0813-3196-9 No d’édition : L.01EBUN000476

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L’ensemble de la collection acquise pour le Louvre Abu Dhabi jusqu’à la fin de 2012 a fait l’objet de l’édition d’un ouvrage publié en 3 versions (anglaise, arabe, française). 320 pages, 300 illustrations Parution : mars 2013 Une coédition musée du Louvre / Skira Flammarion / TCA Cet ouvrage a accompagné l’exposition présentée à Abu Dhabi, sur l’île de Saadiyat, du 22 avril au 20 juillet 2013.

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Bouteille à vin fanghu方壺 Chine, fin de la période des Royaumes combattants (475-221 av. J.-C.) Bronze à incrustations métalliques H. 49 cm LAD 2010-005

Entre le ve et le iiie siècle avant JésusChrist, sept royaumes se disputent la suprématie en Chine. Cette époque est connue sous le nom de période des Royaumes combattants. Ces rivalités politiques, militaires, mais aussi intellectuelles se traduisent dans le domaine artistique par la production d’objets d’un luxe ostentatoire, comme ce vase en bronze, dit fanghu. Il est incrusté de métal doré. Destiné à recevoir des boissons alcoolisées, il était utilisé dans un cadre purement cérémoniel et attestait la richesse de son propriétaire, sans doute membre d’une grande famille aristocratique. Le décor sophistiqué du vase est formé d’entrelacs dessinant des losanges. Il évoque des représentations très stylisées de la figure ancestrale du dragon, symbole antique de fertilité.

Fibule aquiliforme de Domagnano Italie, seconde moitié du ve siècle apr. J.-C. Or, grenats, coquillage H. 12,1 ; L. 6,4 cm LAD 2009-008

En 1893, un fabuleux trésor est découvert dans la petite république de Saint-Marin, en Italie. Cet aigle en or est sans doute la première pièce mise au jour, si l’on en juge par le léger froissement sous le bec de l’oiseau, trace probable d’un coup de pioche. Ses proportions parfaitement équilibrées et les lignes harmonieuses de son décor polychrome ont rapidement conféré à cet oiseau majestueux le statut de chef-d’œuvre. Il s’agit d’une fibule, sorte de broche qui se portait généralement à l’épaule pour fermer un vêtement. Sa création est datée de la seconde moitié du ve siècle après Jésus-Christ. À cette époque, des tribus barbares originaires de l’est de l’Europe viennent de s’emparer de l’Italie, où elles ont renversé le dernier empereur romain d’Occident. Ce précieux bijou témoigne, par sa forme même, de cette période historique troublée : il associe l’image de l’aigle des mythes orientaux à la croix chrétienne, qui orne le médaillon circulaire en son centre. 16 —

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Bodhisattva debout (Maitreya ?) Pakistan actuel, région du Gandhāra, peut-être Takht-i-Bāhī ou Sahrī-Bahlol, iie-iiie siècle Schiste H. 136 cm LAD 2009-009

Tête de Buddha

Dans le bouddhisme, le bodhisattva désigne celui qui est promis à l’Éveil, cet état de parfaite plénitude qui ne peut être atteint que par l’anéantissement du désir et le détachement des choses sensibles. Les bodhisattvas ont cependant choisi de retarder leur entrée dans le nirvāna pour faire office d’intercesseurs bienveillants entre Buddha et les fidèles. Si Buddha est représenté en costume monastique, les bodhisattvas sont toujours figurés comme des princes, au point qu’on y a parfois vu des portraits idéalisés de souverain. Celui du Louvre Abu Dhabi a été sculpté au tournant du iiie siècle après Jésus-Christ dans une région nommée le Gandhāra, aujourd’hui située au Pakistan. L’art du Gandhāra présente la particularité d’être influencé par la culture grecque, introduite à la suite de l’expédition d’Alexandre le Grand, en 326 avant Jésus-Christ. Le visage de ce bodhisattva et son costume plissé en sont l’illustration.

Chine du Nord (du Henan au Shandong), dynastie des Wei orientaux (534-550 apr. J.-C.) ou des Qi du Nord (550-577 apr. J.-C.) Marbre blanc H. 50 cm LAD 2009-010

Apparu en Inde, le bouddhisme se diffuse progressivement en Chine à partir du ive siècle après Jésus-Christ. Aux ve et vie siècles, les premiers grands centres bouddhiques sont fondés en Chine du Nord, pour certains à l’initiative des souverains. De dimensions gigantesques, ils sont richement ornés de reliefs, de peintures murales ou de sculptures, à l’image de cette tête de Buddha en marbre blanc. Inspirée de la statuaire indienne, elle présente une parfaite symétrie. Les yeux sont marqués de paupières très effilées, s’ouvrant à peine sur les globes oculaires. De telles sculptures sont plutôt rares à cette époque, où l’on trouve plus fréquemment des images de Buddha assis placées dans des niches. 18 —

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Pentateuque Yémen, Sanaa, 1804 de l’ère séleucide (1498) Manuscrit : encre sur papier Coffret-reliure : bois, cuir, métal Texte : H. 21,5 ; L. 19 cm Coffret-reliure : H. 34,6 ; L. 29,8 cm 221 pages LAD 2010-008

est aujourd’hui extrêmement rare : seuls deux spécimens sont connus dans le monde. Le texte biblique est ici disposé en colonnes et en paragraphes. Dans les bibles hébraïques, où tout

décor figuratif est en principe prohibé, le principal élément de décor réside dans la mise en page, qui joue subtilement des effets visuels opposant les surfaces écrites et les surfaces de papier laissées vierges.

Ce précieux manuscrit contient le texte hébreu du Pentateuque, la première des trois parties qui composent la Bible hébraïque. C’est dans le Pentateuque que sont notamment racontés les épisodes de la Genèse et de l’Exode. Le manuscrit offre un magnifique témoignage de la richesse des échanges entre l’Orient et l’Occident. En effet, il a été copié en 1515 au Yémen, sur un papier qui avait très probablement été importé d’Europe. C’est également d’Europe, plus précisément de la péninsule Ibérique, qu’a été importé le coffretreliure en cuir dans lequel est emboîté le manuscrit. Ce type de reliure, qui avait pour fonction de protéger les ouvrages précieux,

Section du Coran Sourates 78-114, avec commentaires (tafsīr, qirā’āt, i‘rāb), 30 feuillets Syrie, Damas (?), seconde moitié du xiiie siècle Papier, reliure moderne H. 47 ; L. 33 cm LAD 2009-011

Ce somptueux manuscrit contient les sourates 78 à 114 du Coran. Il a sans doute été réalisé en Syrie dans la seconde moitié du xiiie siècle, au début de la dynastie des Mamelouks. Contrairement aux autres Coran de luxe qui ne servent habituellement qu’à la lecture et à la contemplation, celui-ci comporte de nombreux commentaires savants sur le contenu de chaque sourate. Le texte coranique occupe le centre de la page. Il est écrit à l’encre marron foncé, mais la formule qui ouvre chaque sourate (« Au nom de Dieu Le Clément, Le Miséricordieux ») ainsi que le mot « Allah » sont inscrits en lettres d’or. Les commentaires sont tracés, quant à eux, en plus petits caractères, à l’encre noire, rouge ou bleue. Les décors, qui soulignent les divisions du Coran en sourates et en versets, suivent des compositions géométriques sophistiquées. Ils représentent l’un des chefs-d’œuvre de l’art de l’enluminure mamelouke. 22 —

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RENAISSANCES ET PREMIÈRES MODERNITÉS La péninsule italienne est le cadre de l’émergence de la Renaissance, mais cette aspiration pour un renouveau des idées et de l’esthétique se manifeste rapidement dans l’Europe entière. Il s’agit non seulement d’une redécouverte émerveillée de l’Antiquité, de ses textes ou du modèle artistique qu’elle représente mais également de l’invention de nouveaux modes de représentation du monde visible grâce à des innovations importantes, comme la perspective ou la peinture à l’huile. Les nouvelles routes commerciales favorisent aussi l’approfondissement des relations entre les civilisations, et notamment les échanges artistiques. On assiste à la circulation des formes et des techniques entre l’Europe, le monde islamique et l’Extrême-Orient. L’une des caractéristiques de ces rencontres est la place accordée aux formes artistiques des objets usuels et décoratifs, destinés à l’élite européenne – princière, aristocratique et bourgeoise. De l’ambition architecturale au décor et à l’ornement, chaque création concourt à l’épanouissement de cette Renaissance culturelle. Cet esprit de magnificence, cette curiosité intellectuelle et ce goût pour les sciences se perpétuent au xviie siècle, où l’éclat des grandes monarchies européennes rehausse encore les réalisations décoratives, quand le luxe devient un enjeu politique et commercial.

Boîte octogonale Chine, dynastie Tang (618-907 apr. J.-C.), milieu du viiie siècle Bois, plaquage d’écaille de tortue, incrustations de nacre et de perles d’ambre peintes D. 38,2 cm LAD 2009-022

La dynastie des Tang est l’une des plus brillantes de l’histoire de la civilisation chinoise, qui connaît en l’espace de trois siècles un véritable âge d’or artistique. C’est ce qu’illustre cette boîte octogonale alliant le luxe de matériaux précieux à la facture virtuose des ateliers impériaux. De fines planchettes en bois de kaya (un conifère japonais) sont revêtues de minces feuilles d’écaille de tortue et incrustées de perles d’ambre peintes. Les motifs ornementaux de

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fleurs, de feuilles, d’oiseaux et de perles sont inspirés de l’art iranien des Sassanides, avec lesquels les empereurs chinois étaient alors en relation. La taille et la forme de la boîte laissent supposer qu’elle contenait un luxueux miroir en bronze. L’ensemble a sans doute été offert en cadeau diplomatique à un membre de la famille impériale japonaise.

GIOVANNI BELLINI (VENISE, V. 1430 – 1516)

Vierge à l’Enfant Italie, Venise, vers 1480-1485 Huile sur bois H. 70,5 ; L. 50,5 cm LAD 2009-013

Au xve siècle, en Europe, les images de Vierge à l’Enfant se multiplient dans les demeures des riches dévots, où elles servent de supports à la prière. Ces représentations, qui symbolisent l’amour maternel, mettent également l’accent sur le dogme de l’Incarnation de Dieu en Jésus-Christ, qui est au centre de la religion chrétienne. Peinte au début des années 1480, la Vierge à l’Enfant de Giovanni Bellini se distingue dans cette production par la grâce des visages, l’élégance des gestes, la force du coloris. D’un point de vue stylistique, le tableau est un parfait témoignage de cette période de transition qu’est la première Renaissance vénitienne.

La tradition de l’icône byzantine apporte au tableau une certaine austérité, l’immobilité des figures, l’intemporalité de la scène. Mais par son usage de la peinture à l’huile, Bellini fait aussi preuve d’innovation. Cette technique, empruntée à la peinture flamande, lui permet de jouer habilement des effets d’ombres et de lumière pour donner volume et modelé aux corps et aux visages, qui semblent prendre vie. Opposant le rouge au vert et le noir au blanc, il travaille également sur le contraste et la complémentarité des couleurs, autant de traits qui ne cesseront d’être perfectionnés tout au long du xvie siècle en Italie. — 29


LA PEINTURE EN INDE ET EN IRAN Toutes les civilisations n’ont pas adopté les mêmes types d’expression picturale. Dans le monde islamique et en Inde, le support privilégié est le livre illustré. Simple enluminure, la peinture peut aussi servir à enrichir le récit écrit, au point d’occuper des pages entières, en écho à la calligraphie. Héritier d’une longue tradition picturale, l’art du livre illustré en Orient se nourrit d’influences variées pour donner naissance à de multiples écoles. Cet art de l’image est évoqué par des œuvres venues de l’Iran perse, de l’Inde moghole et du Rajasthan. À l’exception du Fauconnier, les œuvres présentées ici sont issues de deux grandes collections, celle de l’armateur français Pierre Jourdan-Barry et celle du célèbre cinéaste américain James Ivory. Le Louvre Abu Dhabi, en conservant intacte cette entreprise inspirée de collectionneurs passionnés et avisés, est ainsi en mesure de présenter des pans à la fois complets et originaux de l’histoire de la peinture de manuscrits.

Les miniatures de la collection de Pierre Jourdan-Barry proviennent à la fois d’Iran, d’Asie centrale et d’Inde. Le Prisonnier ouzbek, thème populaire qui renvoie aux victoires militaires safavides, illustre le développement de la peinture-dessin du début du xviie siècle en Iran. Pour ce qui est de l’Inde, la plus ancienne miniature reste encore très proche des modèles persans, tant par le style que par l’ouvrage illustré : l’Akhbar-i Barmakiyan, qui retrace l’histoire de la famille iranienne des Barmakides, soutien des califes abbassides. Mais la collection JourdanBarry contient aussi des œuvres dites Company School, exécutées par des artistes indiens à la demande de commanditaires britanniques dans un style mixte très influencé par la tradition européenne. On y trouve ainsi deux pages provenant de l’album Fraser, réalisé pour documenter les mœurs et coutumes de l’Inde du début de l’ère coloniale. Outre ces deux ensembles, la collection du Louvre Abu Dhabi contient d’autres miniatures comme le Fauconnier, qui dénote une très nette volonté de perpétuer l’héritage persan : pour le futur empereur Jahangir, alors en exil à Allahabad, c’était un moyen de prendre ses distances avec la politique « indienne » de son père, Akbar. Une fois sur le trône, Jahangir favorisera le développement d’une école proprement moghole, qui s’épanouira tout au long du xviie siècle.

Peintures de la collection Jourdan-Barry Prisonnier ouzbek à cheval Iran, début du xviie siècle Encre, couleurs et or sur papier Peinture : H. 20,5 ; L. 17,5 cm Feuillet : H. 27,5 ; L. 18 cm LAD 2012-085 34 —

Aurangzeb à cheval piquant un éléphant en présence de son père, Shah Jahan, et de ses frères, Dara Shikoh, Murad Baksh (Padshahnama) Inde moghole, vers 1670 Encre, couleurs et or sur papier Peinture : H. 24,5 ; L. 35,5 cm Feuillet : H. 27,5 ; L. 39 cm LAD 2012-090

Six villageois dans un paysage Inde, Delhi, vers 1815-1820 Encre, couleurs et or sur papier H. 29,7 ; L. 41,5 cm Company School. Page de l’album Fraser LAD 2012-111

Fauconnier Inde, Allahabad (?), début du xviie siècle Encre, couleurs et or sur papier Peinture : H. 17 ; L. 11 cm Feuillet : H. 35 ; L. 25 cm LAD 2012-006

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MODERNITÉS. LE XIX SIÈCLE

ROGER FENTON

L’orientalisme L’Europe se passionne pour les créations lointaines et l’Orient fascine artistes et amateurs d’art. Mêlant le goût du pittoresque à une connaissance plus historique, les artistes s’en inspirent pour livrer une vision rêvée et fantasmée d’un Orient incarnant un incroyable espace de liberté. Au xixe siècle, les voyages deviennent plus fréquents et la photographie offre la possibilité de documenter le monde dans la fidélité d’un moment donné. Cette fascination permet aux artistes et aux designers du xixe siècle de renouveler leur répertoire technique, décoratif et ornemental et de refonder la question de la couleur et de la lumière.

Égypte, 1858 Épreuve sur papier albuminé à partir d’un négatif verre au collodion H. 18,3 ; L. 28,1 cm LAD 2011-156

(HEYWOOD, 1819 – LONDRES, 1869)

Porteuse d’eau nubienne

Les premiers photographes sont fascinés par cet ailleurs mystérieux et troublant qu’est le Proche-Orient, qu’ils abordent toutefois avec des sensibilités différentes. Le photographe anglais Roger Fenton n’ira jamais au Proche-Orient. Sa vision puise dans l’imaginaire orientaliste de son temps, nourri par la lecture des Mille et Une Nuits. En 1858, il met en scène dans son atelier de véritables tableaux vivants habilement composés. Ces photographies séduisent le public britannique, qui se plaît à y voir des représentations exactes d’un Orient fantasmé.

Le peintre moderne Les profondes transformations politiques, sociales et techniques qui ponctuent le xixe siècle européen façonnent un monde nouveau. Alors que des sujets inédits apparaissent et bousculent le répertoire académique, les artistes les plus exigeants trouvent, hors des codes classiques de représentation, des manières subjectives qui signent autant de visions singulières de leur temps. Avec quelques toiles capitales d’Édouard Manet, de Gustave Caillebotte et de Paul Gauguin, la collection du Louvre Abu Dhabi permet de saisir la naissance de la figure de l’artiste moderne, indépendant du monde artistique officiel, et son corollaire de manifestes et de mouvements qui font l’histoire des avant-gardes des xixe et xxe siècles.

OSMAN HAMDI BEY

(ISTANBUL, 1842 – ÎLE DE GALATASARAY, 1910)

Jeune Émir à l’étude Empire ottoman, Istanbul, 1878 Huile sur toile H. 45,5 ; L. 90 cm LAD 2012-017

Un jeune homme, allongé sur une estrade, est occupé à lire un manuscrit posé sur un coussin. 42 —

La scène semble se dérouler dans un intérieur parfaitement identifié. Il n’en est rien. Tout ici est recomposé. Ce décor imaginaire a été créé à partir d’éléments disparates. Osman Hamdi Bey, l’auteur de ce tableau, s’était fait une spécialité de ce type d’assemblage. Ici, par exemple, les faïences bleues qui couvrent le mur sont directement inspirées

du mausolée du sultan ottoman Mehmed I, construit au xve siècle ; en haut à gauche, la colonnette torsadée évoque plutôt le style baroque ottoman du xviiie siècle. Né à Istanbul en 1842, Osman Hamdi Bey a étudié la peinture à Paris dans les années 1860. Ce tableau est une parfaite illustration de son œuvre : il emprunte à l’Occident la technique

de la peinture à l’huile et le rendu réaliste pour les mettre au service d’une image extrêmement détaillée évoquant l’Orient. Cette imagerie exotique était alors très en vogue auprès du public occidental.

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ÉDOUARD MANET (PARIS, 1832-1883)

Les Gitanos 1862 Eau-forte H. 31,8 ; L. 23,5 cm LAD 2009-038

Le Bohémien 1862 – apr. 1867 Huile sur toile H. 90,5 ; L. 55,3 cm LAD 2009-018.1

Nature morte au cabas et à l’ail 1862 – apr. 1867 Huile sur toile H. 27 ; L. 35 cm LAD 2009-018.2

GUSTAVE CAILLEBOTTE (PARIS, 1848 – GENEVILLIERS, 1894)

Partie de bésigue 1881 Huile sur toile H. 121 ; L. 161 cm LAD 2009-036

Parmi les peintres impressionnistes, Gustave Caillebotte n’est pas celui qui jouit de la plus grande notoriété. Il a néanmoins occupé une place importante dans l’histoire de ce mouvement, non seulement par son œuvre, mais aussi par son rôle de collectionneur et de mécène auprès de Monet, de Pissarro ou de Renoir. 44 —

Avec cette partie de cartes, il s’empare d’un sujet fréquemment représenté dans l’histoire de la peinture depuis le xvie siècle. La version qu’il en livre ici, en 1881, est traitée sous un angle intime et réaliste. La Partie de bésigue – un jeu en vogue au xixe siècle – réunit son frère et plusieurs de ses amis dans un appartement bourgeois parisien, baigné par la lumière naturelle d’une fenêtre invisible. L’atmosphère de la pièce est teintée d’une mélancolie diffuse et silencieuse, parfaitement incarnée par la figure du dandy, fumant,

seul, à l’arrière-plan. Rigoureusement cadré et exécuté dans la sobre gamme bleu-mauve chère à l’artiste, le tableau porte avec force l’une des ambitions des peintres impressionnistes : représenter la vie moderne.

Cette gravure et ces deux tableaux sont les témoins de la révolution picturale engagée par le peintre français Édouard Manet dans les années 1860. À l’origine, Manet n’avait pas peint deux tableaux mais un seul, de plus grand format, intitulé Les Gitans. Mal accueillie par la critique, l’œuvre est profondément remaniée par l’artiste, qui, quelques années plus tard, la découpe en trois fragments. Deux sont aujourd’hui réunis au Louvre Abu Dhabi. La gravure garde, quant à elle, le souvenir de la composition originale, inversée, et permet de

comprendre la disposition initiale de chacun des motifs. Morceaux de tableau devenus euxmêmes des tableaux, ces œuvres montrent la rupture que Manet opère avec la tradition académique, qui imposait qu’un tableau « raconte une histoire ». Par ces fragments isolés, le peintre place désormais le spectateur dans un rapport direct avec le sujet représenté : un sac de paille d’où s’échappent deux têtes d’ail ; le portrait d’un Bohémien, héros radieux d’une vie marginale dont Manet se fait le chantre.

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Cet album accompagne l’exposition « Louvre Abu Dhabi. Naissance d’un musée » au musée du Louvre, hall Napoléon, du 2 mai au 28 juillet 2014. Cette exposition est organisée par le musée du Louvre et TCA Abu Dhabi.

Commissaire général

Vincent Pomarède

Directeur de la Médiation et de la Programmation culturelle, directeur du département des Peintures, musée du Louvre

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Laurence des Cars

Directrice du musée de l’Orangerie

Khalid Abdulkhaliq Abdulla

Commissaire associé pour l’exposition Naissance d’un musée, Autorité du Tourisme et de la Culture d’Abu Dhabi

Le papier de cet ouvrage est fabriqué par Arjowiggins Graphic et distribué par Antalis.

En application de la loi du 11 mars 1957 [art. 41] et du Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992, toute reproduction partielle ou totale à usage collectif de la présente publication est strictement interdite sans autorisation expresse de l’éditeur. Il est rappelé à cet égard que l’usage abusif et collectif de la photocopie met en danger l’équilibre économique des circuits du livre.

À l’exception des préfaces et de l’introduction, les textes de cet album sont issus du travail collectif de Guilhem André, Béatrice André-Salvini, Nourane Ben Azzouna, Marie-Laure Bernadac, Adrien Berthelot, Jean-François Charnier, Anne Coron, Cécile Debray, Sylphide de Daranyi, Dominique de Font-Réaulx, Jérôme Delaplanche, Laurence des Cars, Blaise Ducos, Edhem Eldem, Olivier Gabet, Aurélien Gaborit, Laurent Héricher, Élodie Jeannest, Brigitte Leal, Vincent Lefèvre, Yves Le Fur, Souraya Noujaim, Hélène Vassal, Marina-Pia Vitali, Antenna International et l’Agence France-Muséums.

www.louvre.fr www.editions.flammarion.fr © Musée du Louvre, Paris, 2014 © Flammarion, Paris, 2014 ISBN Louvre : 978-2-35031-477-8 ISBN Flammarion : 978-2-0813-3196-9 No d’édition : L.01EBUN000476

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L’ensemble de la collection acquise pour le Louvre Abu Dhabi jusqu’à la fin de 2012 a fait l’objet de l’édition d’un ouvrage publié en 3 versions (anglaise, arabe, française). 320 pages, 300 illustrations Parution : mars 2013 Une coédition musée du Louvre / Skira Flammarion / TCA Cet ouvrage a accompagné l’exposition présentée à Abu Dhabi, sur l’île de Saadiyat, du 22 avril au 20 juillet 2013.

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