Caillebotte à Yerres, au temps de l’impressionnisme
Remerciements Cette exposition a été réalisée grâce à la Ville d’Yerres et à l’engagement tout particulier de son maire, M. Nicolas Dupont-Aignan, député de l’Essonne, président de la Communauté d’agglomération du Val d’Yerres. Cette exposition a également reçu le soutien du Conseil régional d’Île-de-France et de son président, M. Jean-Paul Huchon, ainsi que du Conseil général de l’Essonne et de son président, M. Jérôme Guedj. L’exposition a bénéficié du soutien des donateurs du fonds de dotation Les Amis de la Proprieté Caillebotte. Les œuvres présentées dans la Propriété Caillebotte à Yerres ont pu être prêtées grâce aux descendants de Gustave Caillebotte que nous tenons à remercier très profondément pour leur engagement et leur générosité. Nos remerciements s’adressent en même temps à M. Casimir Cheuvreux à Paris, M. Jean H. Picard et Mme Balosian-Picard à Montréal, M. James Roundell à Londres, M. Duane Vieth à Bethesda.
Que les musées publics et leurs responsables qui ont consenti le prêt de leur œuvre à cette exposition trouvent ici l’expression de notre gratitude et de nos remerciements : aux États-Unis, l’Indiana University Art Museum, Bloomington et Mrs. Adelheid M. Gealt, Director, ainsi que Mrs Anita Bracalente, Registrar, le Milwaukee Art Museum, Milwaukee et Mr Daniel T. Keegan, Director, ainsi que Mrs Jane O’ Meara, Associate Registrar, la National Gallery of Art, Washington et Mr. Earl A. Powell III, Director, ainsi que Mrs Mary Norton, Curator for the Department of French Paintings, en France, le musée d’Orsay, Paris et M. Guy Cogeval, président, ainsi que Mme Caroline Mathieu, conservateur en chef chargée des prêts, le Musée Marmottan-Monet, Paris et M. Patrick de Carolis, directeur, ainsi que Mme Aurélie Gavoille, attachée de conservation, le musée des Beaux-Arts d’Agen et Mme Marie-Dominique Nivière, conservateur en chef, le musée des Beaux-Arts de Rennes, et Mme Anne Dary, directrice ainsi que Mme Anne-Laure Le Guen, régisseur des œuvres.
Sommaire Cette exposition a reçu de nombreux soutiens et aides qui lui ont été favorables de la part de M. Arnaud d’Hauterives, secrétaire perpétuel de l’Académie des beaux-arts, Institut de France, Mme Marianne Le Pommeré pour son implication, Mlle Marie Lemoine pour son engagement, Mme Sylvie Brame, membre du comité Caillebotte, ainsi qu’à la Ville d’Yerres, Mme Anne Christine Dufour, directrice des affaires culturelles, M. Bertrand Piraux, directeur général adjoint des services, pour leur extrême dévouement, ainsi que M. Gilles Baumont pour son savoir utile. Le catalogue a bénéficié des soins de la maison d’édition Flammarion et en particulier de l’attention de Mme Sophie Laporte, tandis que les textes de l’essai et de la majorité des notices de l’ouvrage sont dus au travail et à l’érudition de M. Dominique Lobstein, la chronologie ayant été établie avec précision par M. Gilles Chardeau. La mise en page a été réalisée avec justesse et sensibilité par Line Célo et Clémence Michon. La muséographie a été conçue avec talent par les architectes de bGc studio, Mmes Iva Berton-Gajsak et Giovanna Comana, l’éclairage étant assuré par Mme Sara Castagne. Le parcours numérique dans la propriété a été élaboré sur un texte de Serge Lemoine avec la collaboration de Gilles Baumont par la société Artefacto.
Nicolas Dupont-Aignan
Préface 7 Serge Lemoine
Avant-propos 9 Serge Lemoine
Partie de campagne 13 Dominique Lobstein
Yerres et Caillebotte 21 Serge Lemoine et Dominique Lobstein
Catalogue des œuvres 43 Serge Lemoine et Dominique Lobstein
Texts in English 137 Gilles Chardeau
Biographie chronologique 155 Serge Lemoine et Dominique Lobstein
Réception critique 162 Bibliographie sélective e 165 Liste des œuvres 166
Catalogue des Ĺ“uvres
·
·
1875 Huile sur toile 81 × 59 cm
L’Yerres, effet de pluie Les origines esthétiques – japonisme et photographie – ayant prévalu à la réalisation de cette œuvre précoce, puisque datée de 1875, ont été largement commentées dans l’essai introductif consacré à la présence de Gustave Caillebotte à Yerres ; nous n’y reviendrons donc pas. Il est cependant encore nécessaire d’insister sur son statut exceptionnel. De fait, elle semble être la première peinture aussi aboutie de l’artiste exécutée à Yerres, seconde confrontation avec un sujet que Caillebotte avait déjà abordé vers 1872 dans Saules au bord de l’Yerres (coll. part., Berhaut, no 3). Ce tableau a probablement été peint depuis une des nombreuses constructions légères qui parsemaient le parc. Le point de vue décentré a favorisé l’originalité de l’angle de vue adopté, relayé, en outre, par le souhait personnel de l’artiste de jouer avec l’espace. En effet, le respect de la perspective telle qu’elle était enseignée aux Beaux-Arts et dans les ateliers aurait dû retenir Caillebotte de superposer une rive limitée par une diagonale très présente et son opposée presque horizontale, l’une tendant vers l’autre d’étrange manière. Un autre élément dans cette image surprend : la barque, dont on ne voit ni le lieu ni le mode d’arrimage, accentue l’horizontalité de la rive opposée, représentée au sortir d’un bras plus ou moins perpendiculaire de l’Yerres ; elle se détache avec insistance sur une rive dégagée, sombre sur fond clair, que l’on s’attendrait plutôt à trouver du côté où est installé le peintre. Tout comme les ronds dans l’eau qu’est censée provoquer une pluie pourtant invisible et la maison sans fenêtres que l’on aperçoit au-delà du rideau d’arbres, cette embarcation participe d’un même insondable mystère. D. L.
98
14
Les Raboteurs de parquet (1876), présenté dans la galerie nationale du Jeu de paume, y était remarqué 5, comme il le reste aujourd’hui au musée d’Orsay, tandis que l’Art Institute à Chicago s’était fort opportunément porté acquéreur en 1964 6 de l’œuvre Rue de Paris, temps de pluie (1877), qui fait toujours sensation dans la salle où elle est exposée, de même qu’à chacune de ses apparitions en dehors du musée. Quant au Pont de l’Europe (1876 ; p. 35), une autre de ses peintures emblématiques acquise dès 1956 par Oscar Ghez 7, elle continue de fasciner ceux qui la regardent. La redécouverte de l’œuvre de Caillebotte a été lente et le fait de quelques chercheurs clairvoyants et obstinés, au premier rang desquels figure Marie Berhaut, qui publie son premier article sur l’artiste en 1948, puis un livre en 1968 et son catalogue raisonné de l’œuvre en 1978 8. L’autre redécouvreur, Kirk Varnedoe, est américain : il fait paraître sa première étude sur Caillebotte en 1974 et lui consacre une monographie capitale en 1987 9. Fait notable, ces deux historiens de l’art ont été des gens de musée : Marie Berhaut fut conservatrice en chef du musée des Beaux-Arts à Rennes, Kirk Varnedoe, conservateur en chef des peintures et des sculptures du Museum of Modern Art à New York et successeur de William Rubin. Les expositions qui vont contribuer à remettre progressivement Caillebotte à la place qu’il mérite se déroulent en 1976 à Houston et Brooklyn 10, puis au Grand Palais à Paris en 1994, avec une rétrospective présentée thématiquement, organisée par le musée d’Orsay, qui sera montrée ensuite à l’Art Institute à Chicago 11 ; c’est à cette occasion qu’Éric Darragon publie son ouvrage sur l’artiste 12. Suivront, dix ans plus tard, une remarquable exposition au musée de l’Hermitage à Lausanne 13, puis en 2008 à Ordrupgaard au Danemark 14 avant que d’être présentée à Brême et à New York, en 2012 à Francfort-sur-le-Main puis à La Haye 15 et en 2013 au Bridgestone Museum à Tokyo. En 2011, j’organisai moi-même au musée Jacquemart-André à Paris une exposition consacrée aux frères Caillebotte, Gustave et Martial, qui mettait en rapport les tableaux de l’un avec les photographies d’amateur de l’autre 16. Caillebotte figure à présent dans toutes les manifestations dédiées à l’impressionnisme, comme l’ont montré dès 1986 l’exposition de Charles Moffett à San Francisco, « The New Painting. Impressionism 1874-1886 17 », et plus tard, celles de 2010 à Giverny 18 et de 2013 à Rouen dans le cadre
5
Ce tableau a été ajouté au legs Caillebotte par les exécuteurs testamentaires de l’artiste, son frère Martial et Auguste Renoir.
6
Ce tableau a quitté la famille des descendants de l’artiste pour le marché américain dans les années 1950 et a été dans la possession du collectionneur Walter P. Chrysler, avant d’être acquis par le musée de Chicago.
7
Ce tableau a été donné par l’artiste à Eugène Lamy, puis est passé en vente publique où il a été acquis par Oscar Ghez, lequel l’a ensuite déposé au musée du Petit Palais qu’il avait créé à Genève. Il appartient à l’Association des Amis du Petit-Palais, créée par le professeur Claude Ghez, qui poursuit des recherches approfondies sur cette œuvre.
8
Le catalogue raisonné de Marie Berhaut publié en 1978 par La Bibliothèque des arts, à Lausanne, a été repris et augmenté par l’auteur avec le concours de Sophie Pietri : Gustave Caillebotte. Catalogue raisonné des peintures et pastels, Paris, Wildenstein InstituteLa Bibliothèque des arts, 1994.
9
Paris, Adam Biro, 1988, pour la traduction française, l’édition originale de ce livre faisant suite à l’exposition de Houston organisée l’année précédente. Cf. infra note 10.
10
Organisée par Kirk Varnedoe et Thomas P. Lee, l’exposition « Gustave Caillebotte. A Retrospective Exhibition » s’est tenue au Museum of Fine Arts de Houston et au Brooklyn Museum de New York, avec un catalogue comportant des textes de Marie Berhaut et Kirk Varnedoe.
15
ill. 1 Gustave Caillebotte, Canotier au chapeau haut de forme (Partie de bateau), vers 1877-1878, huile sur toile, 90 × 117 cm, collection particulière. ill. 2 Édouard Manet, En bateau, 1874, huile sur toile, 97 × 130,2 cm, New York, The Metropolitan Museum of Art, legs de Mrs. H. O. Havemeyer.
28
ill. 3 Léon Matthieu Cochereau, Intérieur de l’atelier de David, 1814, huile sur toile, 90 × 105 cm, Paris, musée du Louvre.
29
ill. 4 Frédéric Bazille, L’Atelier de la rue Furstenberg, 1865-1866, huile sur toile, 80 × 65 cm, Montpellier, musée Fabre.
·
·
1877 Huile sur toile 89 × 115 cm
Périssoires sur l’Yerres Ce tableau, inscrit dans le catalogue de l’exposition impressionniste de 1879, avant ou après les Périssoires sur l’Yerres du Milwaukee Art Center (p. 102), en diffère à tout point de vue. Le calme que créent les lignes de construction et le chromatisme de la version de Milwaukee se trouve remis en cause par la composition et le coloris dans celle – de plus petites dimensions – de Washington, en provenance de la célèbre collection Paul Mellon. En effet, à la superposition des diagonales vues de la berge qui traversent tranquillement le tableau dans sa longueur, Caillebotte a substitué une vision plus dynamique, légèrement surélevée, depuis le centre de la rivière sur laquelle se déplacent les canotiers selon un axe presque vertical dont l’origine se situe dans la rencontre des deux berges en haut et au centre du tableau. Les barques se dirigent vers le peintre ou l’ont même dépassé, comme l’indique l’extrémité de rame qui s’introduit dans la représentation au centre du bord droit. Des vues de profil, Caillebotte passe aux vues de face, ce qui implique certains raccourcis, en particulier pour les barques, et – formule récurrente chez lui – la disparition des visages que dissimule le bord des canotiers. Si, dans la version de Milwaukee, l’artiste ne prenait que peu de libertés avec la tradition perspective, celles-ci sont plus nombreuses dans ce tableau. En effet, les berges se réunissent de manière étonnamment rapide à l’arrière-plan, tandis que la succession des barques est marquée par une diminution sensible de taille, confirmant en cela la connaissance précoce qu’avait Caillebotte de la possible adaptation des effets photographiques à son art. La couleur différencie aussi cette version ; l’air ne circule plus de la même manière et la scène, enfermée dans un écrin d’eau et de verdure, reçoit la lumière d’un ciel que l’on ne voit pas. Le peintre fait appel à des variations sur le vert plus ou moins soutenues, piquetées d’éclats de ciel bleu et de taches d’un jaune vif produites par des rames et leurs reflets qui ponctuent le cours de l’Yerres. D. L.
104