amoureux DES CHATS DICTIONNAIRE
« J’aimerais que le lecteur ouvre, s’il le désire, ce livre un peu au hasard, pour aller de surprises en surprises, de portraits en anecdotes. Qu’il soit complice en somme de cette promenade dans un domaine qui relève aussi de la plus haute civilisation – car l’homme, en un sens, s’est vraiment civilisé quand il a accepté le chat à ses côtés, tel un libre compagnon… » Frédéric Vitoux Voici le chat sous toutes ses facettes : en peinture, au cinéma, dans la musique, dans les livres, sur les genoux d’illustres maîtres ou sous l’objectif des plus grands photographes.
Dans la même collection : Bernard Pivot de l’académie Goncourt
VERSION ILLUSTRÉE
DICTIONNAIRE
amoureux DU
VIN Plon Flammarion
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02/05/13 14:41
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13-X
Prix France : 29,90 € ISBN : 978-2-0812-9783-8
Plon Flammarion
Frédéric Vitoux de l’Académie française
VERSION ILLUSTRÉE
DICTIONNAIRE
amoureux DES
CHATS Plon Flammarion
Frédéric Vitoux est romancier et essayiste. Académicien français, il a publié, entre autres, Bébert, le chat de Louis-Ferdinand Céline, Céline, La Comédie de Terracina (Grand prix du roman de l’Académie française), Les Chats du Louvre, Louvre, et son dernier roman : Jours inquiets dans l’île Saint-Louis.. Son livre Saint-Louis Voir Manet est paru en 2013.
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Page précédente : Un chat nommé Sam, Andy Warhol, 1950. Lithographie coloriée issue de la série Twentyfive Cats named Sam. Ci-contre : Henri Cartier-Bresson, « Notre chat Ulysse et l’ombre de Martine », Paris, 1989.
Sommaire Avant-propos
132
Kitten on the Keys
12
Abyssin
136
La Fontaine
14
Alice au pays des merveilles
140
Léautaud
18
Allure
144
Louis XIV
20
Annonciation
147
Lutrin
26
Baudelaire
150
Maine coon
36
Bébert
152
Malraux
44
Cabaret du Chat Noir
155
Maneki neko
53
Cats
158
Manx
54
Chartreux
160
Moustaches
57
Chat botté (Le)
166
Oiseaux
65
Chat du rabbin (Le)
174
Peines de cœur d’une chatte anglaise
69
Colette
180
Persan
74
Dans un coin du tableau
186
Siamois
80
eau
188
Silence, on tourne !
86
écrivain (Les chats et l’)
196
Sommeil et songe
94
Félix le chat
205
Steinlein
101
Gouttières
209
Sur les genoux…
104
Grosminet
218
Tom et Jerry
110
Hemingway
224
Venise
114
Highsmith
232
Vie (Les chats de ma)
119
Importateurs
240
Yeux
127
Kipling
244
Zen
7
Maine coon
151 Maine coon
Maine coon
150
Je ne suis pas très familier du maine coon et je ne saurais donc vous en parler longuement et savamment. Il m’impressionne tout de même beaucoup par sa majesté, sa robustesse, sa prestance, sa puissance, son élégance de baroudeur, avec ses poils mi-longs qui nous donnent l’impression qu’il porte des pantalons flottants, comme ceux d’un cowboy. Pas question de lui chercher des poux dans la tête. Il aurait les moyens de nous faire entendre raison. De dégainer son colt peut-être. Dans le maine coon, pour tout dire, on ne sait pas très bien s’il faut saluer le dernier des Mohicans ou le premier des trappeurs. En tout cas, c’est un sacré gaillard. Pour chasser les rats et les souris, on ne fait pas mieux. Pour scalper ses ennemis, je ne sais pas. Avec son poitrail assez large, ses pattes puissantes, sa tête un peu carrée, ses grands yeux expressifs, ses poils mi-longs que n’encombre aucun sous-poil laineux et qui ne nécessitent donc aucun entretien, pas de doute, il a l’allure d’une star. Du côté de John Wayne bien sûr et pas d’Audrey Hepburn, pour se contenter d’un exemple… Et le mot coon, à propos, d’où vient-il ? Une abréviation de racoon, qui veut dire raton-laveur ? C’est bien possible. Même si on ne voit pas très bien ce qu’un raton-laveur a à voir avec lui, avec sa démarche altière, sa prestance, son allure d’aventurier. Attention ! Ce n’est pas un tueur, le maine coon. Ce n’est pas Billy the Kid ! Plutôt un doux géant. Un lutteur débonnaire. Un homme tranquille, façon John Wayne toujours, qui a pris tout son temps pour grandir (il n’atteint l’âge adulte que vers trois ans, pas avant) et supporte aussi bien les hivers les plus rudes que la douce chaleur d’un feu de bois dans sa cabane au Canada ! Cela étant, le maine coon dont j’ai été le plus proche et qui répondait au nom robuste de Charlie aimait séjourner, les mois d’été, dans une vaste propriété des collines des Maures, non loin de La Garde-Freinet, qui surplombait de très haut le golfe de Saint-Tropez. La douceur du climat lui convenait à merveille. Il aurait pu être bûcheron ou garde forestier, parmi les chênes-lièges et les châtaigniers. Il se contentait d’un très sage farniente auprès des humains qu’il avait adoptés, Claudia et Serge Lenz, à qui il faisait parfois l’aumône de quelques mulots qu’il déposait très consciencieusement au pied de leur lit, et vivants s’il vous plaît !
Ci-contre
« Dans le maine coon on ne sait pas très bien s’il faut saluer le dernier des Mohicans ou le premier des trappeurs. » F.V. Page suivante
Sur cette photo de Gisèle Freund, Malraux, dans les jardins de la Lanterne, à Versailles, semble dialoguer avec son chat. Pages 154-155
Le célèbre chat japonais maneki neko serait né au temple Gotokuji de Tokyo où a été prise cette photo.
Cabaret du Chat Noir
45 Cabaret du Chat Noir
Cabaret du Chat Noir
44
Le Chat Noir, le cabaret et même la revue de ce nom, animés par les mêmes personnalités autour du peintre Rodolphe Salis, leur fondateur, ont-ils grand-chose à voir avec les chats, les vrais chats, les chats en chair et en os, en peintures, en sculptures, en images, en symboles ou en littérature, qui nous intéressent ? Élargissons notre interrogation : toutes les boutiques, les restaurants, les hôtels ou les bars à l’enseigne des chats, et peu importe la couleur de leur fourrure, mériteraient-ils de figurer dans ce Dictionnaire amoureux ? à l’évidence, non ! Tout de même, je tiens à ce Chat Noir-là qui fut bien plus qu’un cabaret mais devint une légende, un lieu emblématique de la bohème des années 1880-1900 à Paris et même, soyons plus précis, à Montmartre. L’établissement ouvrit ses portes en 1881 à l’adresse du 84, boulevard Rochechouart, dans le 18e arrondissement. Relisons ce qu’en écrivait Maurice Donnay, dramaturge et académicien français, un peu oublié aujourd’hui, mais qui contribua dans sa jeunesse, par les poèmes qu’il récitait ou les tragédies cocasses et parodiques qu’il composait pour le fameux théâtre d’ombre du Chat Noir, à l’animation et à la célébrité du lieu. « La mode était alors aux cabarets artistiques et le Chat Noir avait un air “vieux Paris” grâce à des vitraux de couleurs, grâce à des pots d’étain, des vaisseaux de cuivre, des bancs et des chaises de bois massif, le tout du plus pur style Louis XIII. […] Chaque soir on se réunissait, on récitait des vers, on chantait des chansons ; la renommée de ces fêtes étonnantes se répandit bientôt dans Paris ; bientôt la grosse finance, la politique nantie, la noce dorée vinrent rendre visite à l’insouciante bohème et, le vendredi surtout qui devint le jour chic, on vit au Chat Noir des femmes de l’aristocratie, de la grande bourgeoisie et aussi des horizontales, comme on disait en ces temps verticaux… » En somme, le succès de son établissement fut tel que Rodolphe Salis se retrouva bientôt contraint de s’agrandir. En 1885, il déménagea pour s’installer en grande pompe au 12, rue de Laval (aujourd’hui rue Victor-Massé). Mais revenons aux chats ! Ou plutôt, pour commencer, à l’enseigne du Chat Noir que dessina Adolphe Willette (1857-1926) pour la rue de Laval, et qui représentait l’animal dans un croissant de lune ! L’artiste, qui avait collaboré par ailleurs à la revue « Le Chat
Page précédente
« Pourquoi les chats me paraissent-ils des êtres infiniment supérieurs ? Précisément parce que chacun d’eux est unique. » F.V. Ci-contre
Enseigne du Cabaret du Chat noir, dessinée par Adolphe Willette.
Colette
Ci-contre
Colette avait une passion pour son chartreux. Aquarelle de Jean Texcier, 1926. Page suivante
Colette et son chat tournent le dos aux galeries du PalaisRoyal à Paris.
69 Colette
Colette
68
Quand on pense à Colette (1873-1954), on évoque d’abord la série des Claudine, les romans de sa jeunesse que Willy, son premier mari, n’avait pas hésité à signer lui-même avec un aplomb qui ne cesse de nous confondre, tout comme la soumission de l’intéressée. On repense aussi à la vieille femme à nulle autre pareille, avec ses cheveux bouclés et en bataille, qui contemplait les jardins du Palais-Royal depuis les fenêtres de son appartement où la tenait, immobilisée, une douloureuse arthrite. En bref, Colette nous renvoie à toute une série d’images auxquelles on ne peut manquer d’associer immédiatement la présence de chats : tous ceux qui ont partagé sa vie ou qu’elle s’est contentée de rêver, de décrire et d’exalter, de livre en livre, de roman en confession. Peut-être qu’il y a deux aspects chez Colette. Le côté de sa mère tout d’abord, le côté de Sido, de cette femme qui fut pour elle comme une dispensatrice de bonheur et qui contribua à lui faire aimer la nature, les bêtes et leurs frémissements les plus intimes. Et puis le côté de Willy, le côté parisien, clinquant, brillant, avec ses phrases qui se veulent de si belles phrases, avec tous les adjectifs savoureux, multiples, épuisants, pittoresques qu’elle s’empresse de réquisitionner, avec ce faux naturel qu’admiraient tant les maîtres d’école d’autrefois à la recherche de dictées hyperboliquement écrites à l’intention de leurs élèves. Du côté de Sido, donc, Colette nous émeut par son aisance, par sa proximité avec la nature, par le regard sans mièvrerie qu’elle porte si souvent aux chats. Du côté de Willy, elle nous irrite au contraire parce qu’elle en fait trop, qu’elle surjoue, elle qui se produisit dans sa jeunesse, au music-hall, dans le plus simple appareil, parce qu’elle surécrit, qu’elle se pare de fanfreluches parfaitement inutiles. Tenez ! Je vous citerai une phrase d’elle, une phrase admirable, qui ne cherche pas midi à quatorze heures et qu’elle écrivit en préface à un volume où elle avait rassemblé, en morceaux choisis, ses plus belles pages sur les chats : « Il n’y a pas de chats ordinaires. » Tout est dit. Gabrielle Sidonie Colette se révèle bien là comme la digne fille de sa mère. « Il n’y a pas de chats ordinaires. » Il faut beaucoup de sagesse,
17 Alice au pays des merveilles
Un chat qui sourit, mon Dieu ! Un chat, si je puis dire, qui se paye ouvertement notre bobine ! Un chat qui nous dévisage du haut de son arbre ou du coin de la cuisine, et qui ajoute ainsi son sourire ou son ironie à la folie furieuse de l’univers et des hommes ! Face à la Duchesse, l’héroïne de Lewis Carroll s’interroge à bon droit sur cette particularité-là : « S’il vous plaît, voulez-vous me dire, commença Alice timidement car elle craignait qu’il ne fût pas convenable de parler la première, pourquoi votre chat sourit-il comme ça ? — C’est un chat du Cheshire, dit la Duchesse, voilà pourquoi. » Un peu plus tard, Alice insiste : « Je ne savais pas que les chats du Cheshire souriaient toujours. En fait je ne savais pas que les chats pouvaient sourire. — Ils peuvent tous sourire, dit la Duchesse, et la plupart le font. — Je n’en connais pas qui le fasse, dit Alice très poliment, heureuse de tenir un sujet de conversation. — Vous ne savez pas grand-chose, dit la Duchesse, c’est un fait. Alice n’aima pas du tout le ton sur lequel cette remarque était faite… » Cette formidable trouvaille du simple sourire du chat du Cheshire, Lewis Carroll l’a poussée jusqu’à sa limite extrême. Quand son chat disparaît, s’efface, s’escamote et devient peu à peu invisible, que reste-t-il de lui en dernier ? En d’autres termes, qu’est-ce qui constitue sa quintessence ? Son sourire, justement. Alice n’en revient pas. « Eh bien ! J’ai souvent vu un chat sans sourire, pensa Alice, mais un sourire sans chat ! C’est bien la chose la plus curieuse que j’aie jamais vue dans ma vie. » Oui, ce brave chat du Cheshire s’escamote d’abord. Comme tous les autres chats. Chaque chat possède une faculté incroyable : celle de disparaître et de demeurer introuvable. Il a dû se glisser dans un univers parallèle. Il se matérialisera de nouveau dans le nôtre quand bon lui semblera. Que reste-t-il du chat quand le chat n’est pas là ? Cette ironie indulgente qui flotte encore près de nous. Cette commisération du chat pour les infirmes, les êtres imparfaits que nous sommes, qui ne comprenons pas les ondes, qui ne nous affranchissons pas de la pesanteur, qui tâtonnons dans le noir, qui vieillissons et qui devenons laids. Le chat, le souvenir du chat, c’est un sourire.
Le chat est infiniment prudent, perpétuellement inquiet, réfléchi, calculateur, sédentaire. Au lieu de brusquer sa jouissance, il la prépare, l’entretient, la caresse, la file lentement, avec une véritable science d’amoureux ou d’artiste. Octave Mirbeau
Incroyable élégance de ce chat qui glisse le long de l’escalier. Il y a quelque chose de nonchalant, d’impeccable aussi, dans cette gravure sur bois de Frans Masereel (1928).
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« J’aimerais que le lecteur ouvre, s’il le désire, ce livre un peu au hasard, pour aller de surprises en surprises, de portraits en anecdotes. Qu’il soit complice en somme de cette promenade dans un domaine qui relève aussi de la plus haute civilisation – car l’homme, en un sens, s’est vraiment civilisé quand il a accepté le chat à ses côtés, tel un libre compagnon… » Frédéric Vitoux Voici le chat sous toutes ses facettes : en peinture, au cinéma, dans la musique, dans les livres, sur les genoux d’illustres maîtres ou sous l’objectif des plus grands photographes.
Dans la même collection : Bernard Pivot de l’académie Goncourt
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Frédéric Vitoux de l’Académie française
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Frédéric Vitoux est romancier et essayiste. Académicien français, il a publié, entre autres, Bébert, le chat de Louis-Ferdinand Céline, Céline, La Comédie de Terracina (Grand prix du roman de l’Académie française), Les Chats du Louvre, Louvre, et son dernier roman : Jours inquiets dans l’île Saint-Louis.. Son livre Saint-Louis Voir Manet est paru en 2013.
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