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EXTRAITS POUR DÉCOUVRIR MOLIÈRE Texte original Propositions de mise en scène par Annick Ensergueix
Castor Poche Flammarion
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Avant-propos
Annick Ensergueix enseigne le théâtre aux enfants depuis de nombreuses années. Elle a ainsi eu l’occasion d’apprécier les qualités qui les caractérisent : un très grand sens de l’observation, beaucoup d’humour, mais aussi un sens aigu de l’inventivité, une joie de « rire et de se moquer ». Ce sont justement ces qualités qui ont permis à Molière d’être le génie de la comédie. Les scènes tirées de quelques-unes de ses pièces leur sont donc dédiées. Les décors seront ici presque superflus – comme les costumes, (sauf peut-être pour le Bourgeois gentilhomme et l’Avare) – afin de privilégier le jeu des comédiens en herbe, leur 7
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spontanéité, leur imagination et mettre en valeur l’interprètation et l’intonation. Molière a bâti ses pièces sur le bon sens, la bonne humeur, la générosité, qualités « qui sont le propre de l’homme », émotions que la vie trépidante nous empêche quelquefois, nous les adultes, d’exprimer… Donc ce livre s’adresse aussi aux adultes ! Ils y retrouveront une part de leur âme d’enfant et peut-être des souvenirs de classe… Molière voulait divertir. Le rire y est aisé et épanoui. Et dans ce rire, il ne nous reste pas qu’un bon moment de gaieté. Aujourd’hui encore, Molière sourit de nos travers et ceux des autres. Il le fait en vers ou en prose. Il veut aussi nous mettre en garde : représenté sur scène, le travers saute mieux aux yeux. Cet ouvrage n’est pas exhaustif. Annick Ensergueix a choisi délibérément de raccourcir certaines scènes ou tirades – choix signalé par deux parenthèses (…) – afin que l’ensemble proposé soit homogène dans l’esprit, varié, compréhensible et pas trop long, tout en pouvant être joué ponctuellement. Grâce au comique d’interprétation et de comportement, bien des passages retenus 8
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feront comprendre à l’enfant qu’après tout, sur le plan des émotions rien n’a vraiment changé. Et surtout, nous vivons une époque où apprendre un texte par cœur relève du défi. Défi de mémoire, puis de concentration, de ténacité et d’effort. Mais CHUT ! VITE, EN SCÈNE !…. VOILÀ MOLIÈRE !
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Partie I
Molière chez les médecins
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L’Amour médecin (1665)
À l’époque, la pièce s’intitulait simplement « LES MÉDECINS ». Molière disait que ce « n’était qu’un petit impromptu proposé, fait, appris et représenté en… cinq jours » ! La moquerie envers les médecins fait depuis longtemps partie de la tradition théâtrale, et les quatre médecins mis en scène par Molière sont des caricatures de réels médecins du XVIIe siècle. Tout Paris vient donc en foule pour voir ça ! RÉSUMÉ : l’amour contrarié est à la base de cette pièce. LUCINDE est triste, découragée, mélancolique, « malade » d’avouer à son père SGANARELLE son amour pour CLITANDRE, de peur qu’il le refuse pour gendre. 13
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Son père finira bien sûr par céder – il aime sa fille – mais la servante LISETTE y sera pour quelque chose en faisant front de toute son impertinence.
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Acte I, scène 3 Personnages apparaissant dans la scène : SGANARELLE : père de Lucinde. LUCINDE : fille de Sganarelle. LISETTE : servante.
Lucinde est assise, elle est triste. Son regard est vide. Elle ne fait rien. Lisette fait le ménage. Sganarelle arrive les mains dans le dos et s’assoit pour ne plus bouger. LISETTE, faisant semblant de rien.
Hé bien ! Monsieur, vous venez d’entretenir votre fille. Avez-vous su la cause de sa mélancolie ? SGANARELLE, tout contracté et bougon.
Non. C’est une coquine qui me fait enrager. Sganarelle prend un journal et disparaît derrière. Lisette et baisse le journal. Sganarelle garde sa mine renfrognée. Lisette part vers Lucinde. Sganarelle disparaît à nouveau derrière son journal. LUCINDE, se levant brusquement,
pleine d’amour pour son père.
Mon père, je veux bien… 15
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SGANARELLE, Sganarelle parle à Lucinde
par-dessus son journal, sans la regarder, puis lui tourne le dos.
Ce n’est pas la récompense de t’avoir élevée comme j’ai fait. Lucinde s’est approchée. Lisette l’arrête de la main. LISETTE, conciliante.
Mais, Monsieur… SGANARELLE, boudant.
Non, je suis contre elle dans une colère épouvantable. LUCINDE, tendrement.
Mais, mon père… SGANARELLE
Je n’ai plus aucune tendresse pour toi. LISETTE, au public.
C’est un mari qu’elle veut. SGANARELLE, faisant semblant
de ne pas entendre.
Je l’abandonne. 16
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LISETTE, criant.
Un mari. SGANARELLE, même jeu
(mais il peut croiser une jambe.)
Je la déteste. LISETTE, lui arrachant le journal.
Un mari. SGANARELLE, gardant les mains comme s’il avait le journal, l’œil vide.
Et la renonce pour ma fille. LISETTE, faisant un « coucou » de la main,
devant les yeux de Sganarelle.
Un mari. SGANARELLE, pas de réaction.
Non, ne m’en parlez point. LISETTE, séparant bien les syllabes
(UN-MA-RI).
Un mari. SGANARELLE, pas de réaction.
Ne m’en parlez point. 17
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LISETTE, d’une voix douce,
comme une question.
Un mari. SGANARELLE, pas de réaction.
Ne m’en parlez point. LISETTE, d’une voix assurée,
comme une affirmation.
Un mari, un mari, un mari. Sganarelle s’en va avec son journal ou le laisse sur sa chaise. Lisette regarde Lucinde consternée. Elle a un geste de déception.
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Acte I, scène 6 Personnages apparaissant dans la scène : LISETTE SGANARELLE
Lisette, en scène : angoissée, se tordant les mains, horrifiée, puis peinée, inquiète. Sganarelle, au public, arrivant surpris. LISETTE, faisant semblant de le voir
enfin.
Ah ! malheur ! Ah ! disgrâce ! Ah ! pauvre seigneur Sganarelle ! où pourrai-je te rencontrer ? SGANARELLE, passant de la surprise
à l’inquiétude.
Que dit-elle là ? LISETTE, même jeu qu’au début.
Ah ! misérable père ! que feras-tu, quand tu sauras cette nouvelle ? SGANARELLE, fronçant les sourcils.
Que sera-ce ? LISETTE, même jeu.
Ma pauvre maîtresse ! 19
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SGANARELLE, bas, n’osant pas vraiment
l’interrompre.
Je suis perdu. LISETTE, même jeu.
Ah ! SGANARELLE, faisant un geste vers elle,
puis laissant retomber sa main.
Lisette. LISETTE, même jeu.
Quelle infortune ! SGANARELLE, plus fort. Allant vers elle,
mais elle lui tourne le dos.
Lisette. LISETTE, même jeu.
Quel accident ! SGANARELLE, il la contourne
pour lui faire face.
Lisette. LISETTE, même jeu.
Quelle fatalité ! 20
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SGANARELLE, il commence à pleurer
et s’arrête aussitôt.
Lisette. LISETTE, moqueuse.
Ah ! Monsieur ! SGANARELLE, s’essuyant les yeux
d’un revers de manche.
Qu’est-ce ? LISETTE, en laissant monter le suspense.
Monsieur. SGANARELLE, la pressant.
Qu’y a-t-il ? LISETTE, d’un ton de plus
en plus dramatique.
Votre fille. SGANARELLE, avec de grands yeux horrifiés. Ah : petit cri. ah : grand cri.
Ah ! ah ! LISETTE, d’une petite voix calme.
Elle le regarde du coin de l’œil.
Monsieur, ne pleurez donc point comme cela ; car vous me feriez rire. 21
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SGANARELLE, les mains au visage,
désespéré.
Dis donc vite. LISETTE, face à Sganarelle, désolée.
Votre fille, toute saisie des paroles que vous lui avez dites et de la colère effroyable où elle vous a vu contre elle, est montée vite dans sa chambre, et, pleine de désespoir, a ouvert la fenêtre qui regarde sur la rivière. SGANARELLE, il court partout, criant,
à gauche, à droite, il sort, il rentre. Et finit par s’asseoir, effondré.
Hé bien ? LISETTE
Alors, levant les yeux au ciel : « Non, a-t-elle dit, il m’est impossible de vivre avec le courroux de mon père, et puisqu’il me renonce pour sa fille, je veux mourir. » SGANARELLE, d’une voix à la fois calme
et abattue.
Elle s’est jetée ? LISETTE
Non, Monsieur : elle a fermé tout doucement 22