Atlas du street art

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AMÉRIQUE

DU NORD 6 PRÉFACE 8 INTRODUCTION 394 395 395 396 399 399 399 400

GLOSSAIRE BIBLIOGRAPHIE SITES INTERNET DES ARTISTES INDEX AUTEURS REMERCIEMENTS CRÉDITS PHOTOGRAPHIQUES CRÉDITS ÉDITORIAUX

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16 18 22 26 28 30 34 36 38 40

NEW YORK

44 46 50 54 56

MARK JENKINS  WASHINGTON, D.C. EVAN ROTH  DÉTROIT CALEB NEELON  CAMBRIDGE THE READER  VILLES AMÉRICAINES JETSONORAMA  TUBA CITY, ARIZONA

ESPO FAILE HOW & NOSM KATSU MOMO NEW YORK PAR MOMO NOV YORK RON ENGLISH SWOON

58 60 62 64 66 68 70

SAN FRANCISCO

72 74 76 78 82 84 86

LOS ANGELES

EUROPE

AMÉRIQUE

BNE GESO JURNE SAN FRANCISCO PAR JURNE KR REYES

LATINE 98 100 102 104 106

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MEXICO DHEAR NEUZZ SANER SEGO Y OVBAL

DU NORD 150 152 154 156 158 160

LONDRES

164 166 170 172 174 178 182

PARIS

186 190 194 198

LES FRÈRES RIPOULAIN  RENNES INFLUENZA  ROTTERDAM ZEDZ  AMSTERDAM EROSIE  EINDHOVEN

202 204 208 210 214 216 218

BERLIN

110 LOS CONTRATISTAS  MONTERREY 112 114 116 118 120 124 126

SÃO PAULO

128 130 132 134 136 138 140

BUENOS AIRES

CRIPTA DJAN HERBERT BAGLIONE NUNCA OS GÊMEOS VITCHÉ VLOK

CHU BUENOS AIRES PAR CHU DOMA FASE NAZZA STENCIL TEC

142 BASCO VAZKO  SANTIAGO 144 INTI CASTRO  VALPARAÍSO

AUGUSTINE KOFIE LOS ANGELES PAR AUGUSTINE KOFIE EL MAC REVOK SEVER SHEPARD FAIREY

90 JIEM  MONTRÉAL 92 REMIO  VANCOUVER

SOMMAIRE

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CEPT EINE GOLD PEG LONDRES PAR GOLD PEG PETRO

HONET PARIS PAR HONET INVADER OX TURBO ZEVS

AKIM ARAM BARTHOLL BRAD DOWNEY CLEMENS BEHR BERLIN PAR MARTIN TIBABUZO ( FASE) WERMKE & LEINKAUF

222 STOCKHOLM 224 AKAY 228 NUG 232 234 236 238 242 244 246 248 250 254 258 262 264 268

AFFEX VENTURA  COPENHAGUE COPENHAGUE PAR AFFEX VENTURA HUSKMITNAVN  COPENHAGUE EKTA  GÖTEBORG EGS  HELSINKI HELSINKI PAR EGS EPOS 257  PRAGUE POINT  PRAGUE ZBIOK  WARSAW INTERESNI KAZKI  KIEV HOMER  KIEV VOVA VOROTNIOV  KIEV RADYA  MOSCOU VOÏNA  SAINT-PÉTERSBOURG

EUROPE DU SUD 274 276 280 284 286 290 292 296

MADRID

298 300 302 304 306 310 312

BARCELONE

314 318 320 324 326 328 332 334 338 340

ESCIF  VALENCE DEMS333  ELCHE SAN  MORALEJA LIQEN  VIGO PELUCAS  VIGO NANO4814  VIGO VHILS  LISBONNE 108  ALEXANDRIE MONEYLESS  MILAN FILIPPO MINELLI  BRESCIA

344 346 348 350 352

ATHÈNES

RESTE 270

3TTMAN ELTONO NURIA MORA REMED SPOK SPY SUSO33

ARYZ DEBENS KENOR SIXEART BARCELONE PAR SIXEART ZOSEN

ALEXANDROS VASMOULAKIS BLAQK GPO ATHÈNES PAR GPO

du monde 358 360 362 364 366 368 370

354

MELBOURNE BUFF DISS DABS MYLA LUSH MELBOURNE PAR LUSH MEGGS RONE

372 SYDNEY 374 BEN FROST 376 DMOTE 378 382 384 386

ANTHONY LISTER  BRISBANE IAN STRANGE  PERTH ASKEW ONE  AUCKLAND BMD  WELLINGTON

388 TOKYO 390 ESSU 392 DAL EAST  WUHAN


PARIS

NAISSANCE  1969, Paris (France)  TECHNIQUES  sculpture, mosaïque   STYLE  installation urbaine  THÈMES  Space Invaders, jeux d’arcade vidéo, années 1980

INVADER Devenu artiste de rue par accident, Invader a installé ses images en mosaïque typiques dans plus de 40 villes et 5 des continents du monde. Inspiré par le jeu d’arcade Space Invaders, il a cimenté des milliers de ses compositions, dans un travail presque ininterrompu pendant plus de 10 ans. Depuis 1998, le projet Space Invaders n’a pas seulement recouvert les rues du monde entier de tesselles : chaque mosaïque est également intégrée dans un système de points complexe, précisément calculé en termes de taille, de composition et d’implantation (sur une échelle mobile allant de 10 à 50 points). Invader a ainsi contribué à diffuser ce jeu extrêmement addictif sur toute la planète, en installant ses emblèmes dans des lieux aussi différents que Paris et Katmandou, Londres et Bangkok, Los Angeles et Mombasa. Dans les livres, Invader qualifie aussi d’invasions ses fresques murales, avec des cartes indiquant où les trouver. L’ensemble des projets Space Invaders constitue ainsi une monumentale œuvre d’art, audacieuse autant qu’impressionnante par l’ampleur et l’échelle même des réalisations.

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1  Vienne, Autriche, 2006  2  Paris, France, 2011  3  São Paulo, Brésil, 2011  4  New York, États-Unis, 2007  5  São Paulo, Brésil, 2011  6  Paris, France, 2011  7  New York, États-Unis, 2007

À la différence de la plupart des street artists en activité, la première rencontre d’Invader avec la rue s’est faite lors de sa première installation de mosaïque. Il avait commencé l’art avec des matériaux plus orthodoxes, mais c’est en réalisant ses premiers tableaux en mosaïque – pour mieux traduire l’esthétique numérique qui le fascinait – qu’il comprit l’adéquation parfaite de ce support avec les formes pixélisées qu’il rêvait de reproduire. Choisi par l’artiste, le concept de Space Invaders – dérivé du jeu éponyme et d’images numériques en 8 bits – est devenu « un symbole de notre époque et de la naissance de la technologie ». Récemment revenu au travail de galerie pour créer peintures et sculptures avec le Rubik’s Cube comme médium, Invader n’en continue pas moins de parcourir le monde pour améliorer son score en installant toujours plus de mosaïques. Après les profondeurs océaniques (un récif sous-marin au Mexique) et les hauteurs stratosphériques (dans un ballon, à 35 kilomètres d’altitude au-dessus de Miami), on ignore où il choisira de placer sa prochaine installation, mais le score atteint à ce jour est, d’ores et déjà, très difficile à battre.

EUROPE DU NORD

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BUENOS AIRES

NAISSANCE  1974, Buenos Aires (Argentine)  TECHNIQUES  peinture en bombe, latex, art numérique  STYLE  abstraction, animation  THÈMES  personnages optimistes, motifs géométriques  INFLUENCES  salvajismo, culture  COLLECTIF  DOMA

CHU Julian Pablo Manzelli – alias Chu – est un artiste, graphiste et animateur essentiel dans le mouvement argentin du salvajismo, groupe baptisé ainsi par Tec (ami et collaborateur, voir pp. 140-141) en raison de son esthétique volontairement brute et primitive. Artiste pluridisciplinaire, Chu est à son aise avec un rouleau et un seau de peinture aussi bien qu’avec un ordinateur portable ou une tablette. Bien qu’il ait travaillé pour différents médias de créations dont la chaîne TV Locomotion (2005), célèbre dans toute l’Amérique latine pour ses dessins animés destinés aux enfants, Chu n’en reconnaît pas moins la rue comme terrain de prédilection pour travailler. Ses créations, mêlant des personnages insouciants à des motifs géométriques abstraits, tentent d’insuffler une vie et une couleur nouvelles dans la réalité concrète et souvent brutale de la ville contemporaine. Son esthétique associe la simplicité des formes et l’extravagance extrême des couleurs, et fonctionne à toutes les échelles, petite ou grande. Cette philosophie artistique de la simplicité montre une effervescence visuelle tendant à altérer radicalement notre monde urbain. Chu a été l’un des cofondateurs du collectif pluridisciplinaire DOMA (voir pp. 134-135) dont les membres se sont rencontrés pendant leurs études à l’université de Buenos Aires (Chu y enseignera plus tard pendant 3 ans). La rue a toujours été pour lui un choix évident, parce qu’il se sentait attiré par le pouvoir de l’esthétique du DIY autant que par l’animation : c’était donc un domaine où il pouvait expérimenter et développer ces deux passions en collaboration réciproque. Sa participation au collectif DOMA s’est traduite par une abondance de projets d’animation, d’installations, de créations de personnages et d’expositions, mais l’œuvre personnelle de Chu reste centrale dans sa pratique, avec des interventions urbaines et des fresques. Il a très bien compris la nécessité de tirer avantage des occasions offertes par le monde de l’art commercial, sans se laisser emprisonner dans un genre ou un support particulier. Fils d’un père ingénieur et d’une mère philosophe, Chu essaye de se forger une esthétique dynamique conciliant la logique de la composition et le sens du chaos et du hasard – une esthétique salvaje d’une grande vivacité.

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1  Rosario, Argentine, 2008  2  Córdoba, Argentine, 2010  3  Buenos Aires, Argentine, 2007 (avec Tec, Defi et P3dro) 4  São Paulo, Brésil, 2011  5  Buenos Aires, Argentine, 2010 (avec Tec et Pepi)  6  Buenos Aires, Argentine, 2006

130  AMÉRIQUE LATINE


NEW

YORK À la fin des années 1960, bien peu de New Yorkais songeaient à écrire leur nom – réel ou inventé, assorti de ce qui pouvait paraître un numéro de rue – comme forme de protestation sociale ou comme manifestation artistique, mais l’ambiance devait être fort joyeuse. À dater du jour où le New York Times surprit un garçon grec de Washington Heights qui écrivait « TAKI 183 » partout où son métier de livreur dans Manhattan l’amenait, le jeu fut lancé. Le cercle suivant de jeunes graffeurs découvrit qu’il pouvait pénétrer dans les cours des dépôts et des garages du métro, pour écrire sur des dizaines de wagons en une seule expédition, laissant ensuite au système de transport urbain le soin de diffuser leur nom dans toute la cité. À partir de là, des graffeurs comme Stay High 149, Phase 2, SUPER KOOL 223 et des dizaines d’autres transformèrent leur nom en art, avec un objectif et un principe simple : faire en sorte que ce nom se distingue des autres par le graphisme, la couleur et le style.

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Ces graffeurs des années 1970 ont donné à New York 15 ans d’avance sur le reste du monde dans le domaine du street art : aucune autre ville au monde n’a exhibé une telle profusion d’œuvres d’art rebelles. Et comme le lieu d’exposition était le réseau du métropolitain, cette diffusion ne se limitait pas à un ou deux quartiers spécifiques – comme les cut buildings (bâtiments découpés) de Gordon Matta-Clark dans le South Bronx, qui ont eu besoin de leur propre documentation photographique pour faire vraiment connaître ces réalisations éphémères. Les graffeurs du métro des années 1970, comme Blade et Lee, créateurs d’œuvres tout aussi éphémères, eurent au moins la chance de les voir circuler au grand jour sur les sections aériennes des lignes du Bronx et de Brooklyn, sous les yeux de la ville entière. En 1979, lors de la première exposition solo de Lee dans une galerie italienne, il y eut des signes que le commerce de l’art commençait à s’intéresser au graffiti. Au début des années 1980, deux artistes qui travaillaient aux frontières du graffiti sans être eux-mêmes des graffeurs (sauf au sens le plus éloigné du terme), Keith Haring (voir image 2), et Jean-Michel Basquiat (voir image 3), avaient gagné la reconnaissance du monde de l’art. De vrais graffeurs, dont Crash, DAZE, Dondi et Futura – qui peignaient à la fois sur toile et sur wagon – commencèrent à travailler pour des galeries, exposant par ailleurs dans le monde entier et propageant l’art du graffiti dans de nouvelles villes. Un livre et un film présentèrent le graffiti au monde en 1984. Subway Art, des photographes Henry Chalfant (voir image 1) et Martha Cooper, immortalisent alors les chefs-d’œuvre du métro. Il en va de même pour Style Wars, film de Chalfant et de Tony Silver, qui montre en plus certains graffeurs comme Seen, Case 2, Dondi et Iz the Wiz, parlant de leurs travaux. Fin 1984, le mouvement est mondial. À la fin des années 1980 et dans le même temps, New York avait pratiquement gagné sa guerre contre le mouvement. Le krach boursier

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1  We Drenched the City with Our Names, Henry Chalfant, « Art in the Streets », musée d’Art contemporain, Los Angeles, États-Unis, 2011  2  Crack Is Wack, Keith Haring, 1986  3  SAMO (Jean-Michel Basquiat), v. 1979  4  JA  5  Revs, 2009

de 1987 et les ravages du sida et du crack avaient prélevé leur tribut de morts sur la scène de l’art new-yorkais. Le métro avait déjà essayé de lutter contre les graffitis avec des succès très mitigés, mais les techniques mises au point en 1989 se révélèrent efficaces malgré les efforts réitérés de VEN, de REAS et de SENTO. Reste que les graffitis du temps de TAKI 183, avant même d’envahir les trains, s’étaient développés dans les rues. Les wagons offrant désormais moins de possibilités, les graffitis retournèrent à la rue, avec des tactiques de planification pour saturer la ville, mises en œuvre par des créateurs comme JA (voir image 4), VFR, JOZ et EASY. Au début des années 1990, le duo Cost & Revs (voir image 5) donna au mouvement toute son efficacité dans l’univers artistique des bas quartiers, en lui ajoutant de nouveaux supports : prospectus, sculptures et fresques. Dès 1994, le tandem avait ainsi donné au street art les jambes solides dont il avait besoin pour agir en toute liberté. Espo (voir pp. 18-21), venu de Philadelphie et collaborateur de Revs à la fin des années 1990, commença à décorer les façades des entrepôts de New York avec les majuscules géantes de ses initiales. Utilisant la peinture

à l’huile et ses talents de bonimenteur pour travailler au grand jour sur les surfaces disponibles, il s’intégra dans la tradition picturale de New York, en osmose avec la sienne. Ancien étudiant de la Rhode Island School of Design, Shepard Fairey fit de fréquentes visites dans Lower Manhattan, puis diffusa à l’échelle mondiale un style d’affichiste inspiré de Cost & Revs. Longtemps artiste de New York et du New Jersey, Ron English (voir pp. 38-39) continua de multiplier ses détournements de panneaux d’affichage. Après le choc du 11 septembre, les œuvres de Swoon (voir pp. 40-43), Faile (voir pp. 22-25), MOMO (voir pp. 30-31) et d’autres graffeurs et street artists, se replièrent sur des messages de survie, en prenant bien soin de ne pas entretenir la peur. CN AMÉRIQUE DU NORD

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LOS ANGELES

NAISSANCE  1970, Charleston (États-Unis)  TECHNIQUES  autocollants, affiches, collages à la wheat paste (colle à papier artisanale)   STYLE  street art, art de l’affiche   THÈMES  politique, liberté de parole, propagande   INFLUENCES  Twist, Andy Warhol, Barbara Kruger, constructivisme russe

SHEPARD FAIREY OBEY

Shepard Fairey est l’un des plus illustres représentants du street art. Il a transmuté le statut du collage à la wheat paste et de l’affiche en les faisant passer de la contre-culture punk et skate aux projecteurs des médias nationaux. Avec son image iconique de Barack Obama intitulée Hope (voir image 3), créée spontanément en 2008 pendant la période préélectorale, mais adoptée ensuite par l’équipe de campagne du président, Fairey a atteint une audience inégalée. Cette image a eu un impact au moins égal à celles de Che Guevara ou de Mao Tsé-Toung en leur temps – et Fairey les a du reste utilisées dans sa pratique. L’affiche Hope a fait connaître son nom et son travail à des millions de gens qui n’avaient 8  AMÉRIQUE DU NORD

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1  Campagne André the Giant Has a Posse, 1989  2  Campagne OBEY, 1990  3  Hope, Denver (Colorado), États-Unis, 2008

jamais entendu parler de lui, alors même que Fairey était un artiste actif et connu depuis plus de 20 ans sur la scène de l’art urbain. Autant célébré que condamné pour son esthétique ouvertement politique, sans parler de ses succès dans le monde de l’art institutionnel et de ses relations avec le pouvoir, Fairey est devenu quelqu’un qui divise, un homme de paille pour ceux qui n’apprécient pas les croisements et les métissages entre la sousculture et le discours dominant. Fairey n’en continue pas moins d’exploiter le potentiel de communication de la sphère publique, même si son travail est de plus en plus accepté par les institutions conventionnelles. Sa foi en la « liberté de parole et d’expression sans la bureaucratie », et dans la rue comme « espace de commentaire politique et de critique sociale » signifie que, malgré son succès, il a toujours l’envie dévorante d’afficher son travail dans la ville. C’est la culture skate qui a commencé à stimuler l’imagination du jeune Fairey. Ayant acheté sa première planche à 14 ans, l’association de cette pratique avec la musique punk qui l’accompagnait prit une place prépondérante dans sa vie. En venant s’installer à Providence en 1989 pour suivre les cours de la Rhode Island School of Design, Fairey avait à suivre


MEXICO Une partie du street art mexicain remonte aux racines précolombiennes du pays, mais c’est le mouvement muraliste – lancé par les peintres Diego Rivera, José Clemente Orozco et David Alfaro Siqueiros dans les années 1920 – qui marque ses débuts modernes. Ces fresques – commanditées et entretenues par les autorités du pays pour diffuser leurs messages nationalistes, politiques et sociaux – sont toujours visibles à l’intérieur et à l’extérieur des édifices publics de Mexico. Parmi les plus importantes se distinguent celles de John Gorman, peintes en 1950, qui couvrent les quatre faces de la bibliothèque nationale universitaire, source d’inspiration pour Sego (voir pp. 106-109) et d’autres artistes de la nouvelle école du muralisme mexicain. L’année 1968 établit un lien plus tragique entre la vie étudiante et le street art : le massacre des étudiants révoltés, à Tlatelolco, provoqua dans la capitale une véritable explosion de fresques, de graffitis et d’affiches protestataires. Le graffiti mexicain eut sa période punk dans les années 1970, mais elle ne prit son essor qu’à l’arrivée de la culture hip hop, dans les années 1980. La nouvelle école du muralisme mexicain est l’exception à la règle. En accord avec l’attitude rebelle du genre, de nombreux graffeurs contemporains rejettent les antécédents précolombiens et muralistes. Dhear (voir pp. 100-101) fuit par exemple tout « discours enraciné dans une vue préhispanique du monde », préférant « représenter des phénomènes liés à la nature », et se présente lui-même comme un « fantaisiste naturel ». Dans ses fresques et ses graffitis, tous les personnages et animaux sont susceptibles de se métamorphoser. Les références culturelles de Dhear incluent l’illustration, la bande dessinée et la science-fiction. Elles ont récemment évolué vers des horizons philosophico-religieux plus profondément marqués par les possibilités de transformation des êtres et du moi, conformément au dharma bouddhique. Sego (voir image 2, et pp. 106-109), qui travaille aujourd’hui à Mexico, a ses racines artistiques dans la faune et la flore sauvages de la région d’Oaxaca, tandis que Seher One (voir image 5) s’inspire du surréalisme international, lui-même florissant dans la capitale, et des bandes dessinées japonaises (à l’instar du non moins surréel Dhear). Les œuvres originales et spontanées de Saner (voir image 3 et pp. 104-105) évitent les influences mexicaines et autres, et « constituent leur propre laboratoire, où tout est permis ». Êtres et objets fantasmagoriques fournissent une matière inépuisable aux créations de Dhear, Seher One, Saner et bien d’autres, comme le collectif Mugre. Le côté psychédélique de la plupart des graffitis mexicains est dû aux effets hallucinatoires induits par la mescaline

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1  Neuzz et Zime, 2009  2  Simbionte, Sego, 2009  3  Saner, 2011  4  En America Latina seguimos pintando a cielo abierto, KidGhe et Bisy, 2010  5  Sea Snake, Seher One, 2010

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(extraite du peyotl) plutôt qu’à des influences artistiques extérieures. Limitrophe des États-Unis, le Mexique bénéficie d’une grande facilité d’accès aux bombes de peinture américaines. Dhear en particulier exploite ce matériau de qualité. Neuzz (voir pp. 102-103) travaille à Mexico, mais il a grandi à Oaxaca, dans le Sud-Ouest du Mexique. Ses créations reflètent les histoires entendues dans son enfance au sujet des nahuales, des créatures du folklore capables de se métamorphoser en pumas, jaguars et autres animaux. Les figures masquées des fresques peintes à la bombe de Saner font elles aussi référence aux nahuales : ces pratiques chamaniques viennent de la culture olmèque préclassique (1500-400 av. J.-C.), mais Saner les a modernisées et Neuzz les adaptées pour les rendre accessibles à toutes les générations de citadins. Les têtes de mort – fréquentes dans la culture populaire mexicaine – se trouvent dans les graffitis de Neuzz (voir image 1), Buytronic et d’autres. Le projet Intersticios Urbanos (Failles Urbaines) de Said Dokins et Laura García a attiré à Mexico de grands artistes sud-américains comme le Colombien Bastardilla, l’Argentin Nazza Stencil (voir pp. 138-139), les

Chiliens Bisy, Inti (voir pp. 144-145) et la Brigada Ramona Parra. KidGhe et Bisy notent sur un graffiti (voir image 4) : « En Amérique latine, nous peignons toujours en plein air ». Cela signifie que l’histoire du street art est plus ancienne ici que partout ailleurs dans le monde. Les travaux des artistes basés à Mexico, par leur qualité, confèrent une vie surréelle à ces métamorphoses organiques. RP

AMÉRIQUE LATINE

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MEXICO

NAISSANCE  1981  TECHNIQUE  peinture en bombe  STYLE  graffiti folklorique  THÈMES  histoire indigène, politique contemporaine, folklore mexicain, masques, chasseurs de primes  INFLUENCE  muralisme mexicain   CREWS  DSR, EYOS

SANER EDGAR FLORES

Déployant sa vision personnelle de la vie et de la culture mexicaines sur les murs et dans les rues du monde entier, Saner est un artiste qui aborde les problèmes sociaux et politiques contemporains selon une perspective classique, en intégrant d’anciens thèmes folkloriques à un style fortement postmoderne. Tirant son pseudonyme d’un adjectif anglais signifiant « saint d’esprit » (sur le mode ironique), Saner s’est donné pour tâche de présenter dans son travail la folie du monde actuel, et plus particulièrement les troubles de la société mexicaine contemporaine. Saner est venu au graffiti sous l’influence de ses frères aînés, avant d’aller peindre dans les rues avec les sulfureux collectifs DSR et EYOS, et d’étudier le graphisme à l’université nationale autonome du Mexique (UNAM). Ses influences institutionnelles et clandestines venant à fusionner progressivement, l’inspiration du mouvement muraliste mexicain – dont on trouve de remarquables exemples sur le campus de l’UNAM, à Mexico 104  AMÉRIQUE LATINE

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1  El Secuestrado, Cholula, Puebla, Mexique, 2012  2  El Santo en el rincon, Mexico, Mexique, 2012  3  Los Danzantes, Mexico, Mexique, 2011  4-5  Xolos y un puerco, Cholula, Puebla, Mexico, 2012

– est venue enrichir ces deux voies, en redonnant de l’importance à l’art dans l’espace public, mais aussi à sa puissance d’impact social et politique. Ayant passé du temps dans son enfance à Oaxaca (Mexique méridional), terre natale de sa mère, Saner connaissait également les traditions plus mystiques de cette région. Il réinterprète et intègre ces influences iconographiques dans ses travaux et son folklore personnels, tout en les incorporant aux réalités qui l’entourent, avec des références conscientes à son propre travail. Dans le style qui est devenu sa signature, ses personnages d’allure extrêmement moderne portent des masques d’Amérique centrale, mais ils figurent aussi sans yeux : pour Saner, ils ont été aveuglés par la vie moderne et son œuvre représente une tentative de tirer de leur léthargie les spectateurs et la ville qui l’entoure. En compagnie de chasseurs de primes, autre motif récurrent de ses réalisations graphiques et picturales, ses personnages rôdent dans la ville, en quête d’âmes à habiter. Avec ses teintes chaudes, ses magnifiques motifs et ses récits d’une grande richesse graphique, l’imagerie de Saner, esthétiquement séduisante de prime abord, interroge en fait un côté beaucoup plus sombre de la vie contemporaine. Ses œuvres d’art peuvent ainsi être vues comme les contes moraux contemporains d’une mythologie renouvelée – avertissements et prophéties que les spectateurs doivent décrypter.



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