Spécial été 2008
Pérenne-IT
L’informatique
Jacqueline.Dousson@epfl.ch, EPFL - Domaine IT
Pérenne-IT
verte envahit depuis peu les sites Web et journaux spécialisés, les initiatives fleurissent 1; en pratique, l’informatique verte se décline sur trois axes, correspondant chacun à une période de la vie d’un produit informatique: z la réduction des matériaux dangereux lors de la fabrication du produit; z la réduction des consommations d’énergie pendant l’utilisation; z la promotion du recyclage et de la ré-utilisation des produits.
Verts, de plus verts, ils le sont tous devenus en quelques mois, Dell, IBM, SUN, Apple, Sony et tous les autres, aiguillonnés par Greenpeace qui sort régulièrement depuis août 2006 son Guide to Greener Electronics 2. Ce guide en est à sa huitième édition, et fort de son succès, l’ONG met la barre de plus en plus haut. Greenpeace ne se contente plus de la consommation énergétique du produit fini, mais réclame les chiffres de tous les processus de production; chiffres que, bien sûr, les fabricants ignorent la plupart du temps, mais qu’ils sont à présent obligés de calculer. Depuis deux ans, les résultats sont déjà encourageants, beaucoup de fabricants ont abandonné les produits chimiques les plus toxiques et amélioré leur chaîne de recyclage. Apple a quitté la place du dernier de classe qu’il occupait dans les versions précédentes du rapport, et Steve Jobs en personne a fait une promesse qui intéresse beaucoup Greenpeace: plus aucun produit de la firme ne devrait contenir de phtalates, ni de retardateurs de flamme bromés ou autre substance dangereuse, d’ici la fin de l’année 2008 !
Verte vallée du Silicium
Dans la Silicon Valley aussi, le vert est à la mode ; il semble que pas mal de talents quittent les sociétés high-tech pour aller vers les technologies propres, un peu de conscience citoyenne peutêtre, mais n’oublions pas que le dollar c’est aussi le billet vert 3...
Vivement un baril à 200 dollars ...
DEEE ou Déchets d’Équipements Électroniques et Électriques z un citoyen anglais génère aujourd’hui 17 kg de DEEE par an; un jeune anglais de 21 ans, en estimant la croissance des DEEE de 4% par an (ce qui est optimiste) aura donc fabriqué plus de 3 tonnes de DEEE dans sa vie (www.weeeman.org). z un million d’iPhone 3G vendus pendant le week-end du 11 juillet dernier et tout le monde n’en a pas eu ...
En effet, quand on voit toutes les économies qu’on a réalisées grâce aux efforts récents des constructeurs et éditeurs de logiciels, on imagine sans peine que cela pourrait être le pactole pour peu que le pétrole augmente encore un peu. Deux exemples parmi beaucoup d’autres: z le passage de XP à Vista nous promet d’économiser pour 5 milliards de dollars par an d’énergie, uniquement en proposant par défaut des mises en veille prolongée automatiques et en éteignant l’écran plutôt que de lancer un économiseur d’écran; n’ergotons pas sur le fait qu’il faut parfois changer d’ordinateur pour installer Vista mais regrettons que Microsoft n’ait pas eu cette idée géniale plus tôt ! z avec le projet Big Green, IBM vise à réduire de 40% la facture électrique tout en doublant la puissance ! Virtualisation, PC minimal, réflexions sur le stockage, et surtout nécessité d’une vue globale de tout le cycle des produits IT, on verra dans ce numéro qu’il n’y a pas que les consciences qui se mettent au vert, les solutions arrivent et, c’est le plus important, nos modes de pensée changent. Mais, ne nous réjouissons pas trop vite, nous avons encore beaucoup de progrès à faire pour éviter d’augmenter les millions de tonnes de DEEE que nous envoyons sans scrupule vers d’autres pays pour être recyclés.n
1
The Green Grid: www.thegreengrid.org, Climate Savers Computing Initiative: www.climatesaverscomputing.org 2 Guide to Greener Electronics: www.greenpeace.org/raw/content/international/press/reports/guide-greenerelectronics-8-edition.pdf 3 The Economist (28 février 2008) www.economist.com/business/displaystory.cfm?story_id=10766460& CFID=13242306&CFTOKEN=11425965
FI spécial été – 26 août 2008 – page 2
Pour un auteur
né au milieu du siècle passé et forestier habitué aux planifications centenaires, le titre de cet exposé sonne un peu trop branché ! En effet, aucun des deux concepts n’existait Philippe.Vollichard@epfl.ch, à cette époque. Le premier, né du mariage de l’information et Responsable et coordinateur du développement durable sur de l’automatique, a un peu plus de quarante ans. Le second fête le site de l’EPFL, VPPL tout juste ses 20 ans. Disserter valablement sur cette base apparaît courageux. D’autant que du côté de l’informatique, le marché explose selon la loi de Moore, pendant que la prise de conscience climatique se traîne derrière Al Gore. Le combat des géants ne fait que commencer. D’un côté le green washing plus ou moins sincère des fabricants (fig. 1). De l’autre, le green spleen plus ou moins sincère des militants (fig. 2). Et entre deux, un consommateur prisonnier de sa dépendance et de sa conscience. D’emblée, l’auteur évoqué plus haut, responsable et coordinateur du développement durable sur le campus depuis le début de l’année, propose d’éviter ici le débat purement idéologique, pour privilégier une discussion pragmatique au niveau des actions possibles et pertinentes sur le campus EPFL. Car, faut-il le rappeler, l’EPFL aime l’informatique. Elle l’invente, l’enseigne, l’utilise. Des premiers Cray à Blue Gene, l’EPFL ne peut pas faire l’économie de ces machines un peu folles, certes grandes consommatrices d’énergie, mais qui, à l’instar des animaleries, des salles blanches ou du tokamak, contribuent à l’avancée scientifique. L’EPFL a toujours conclu de grands accords avec les plus grands fabricants, elle s’est forgée une belle réputation dans le calcul à haute ou moyenne performance, et aujourd’hui encore, elle brille dans ce domaine, que ce soit dans les traitements des signaux en tout genre, l’aérodynamique, l’environnemental ou la biotechnologie. Difficile de demander tous ces résultats à faible coût énergétique. Par contre, dans la bureautique ou les machines de production, l’EPFL se doit d’être exemplaire, en améliorant sans cesse ses performances.
Informatique et développement durable
Trois règles: mesurer, mesurer et mesurer
Premier constat: l’informatique à l’EPFL, comme partout, consomme deux fois de l’électricité. Une première fois pour lui faire classer ses 0 et ses 1. Une seconde fois pour refroidir le tout. Au final, 50 % d’alimentation, 50% de climatisation. Deuxième constat: suivant les bâtiments, le type d’exploitation et les époques, la consommation électrique de l’informatique peut osciller entre 30 et 70%. Ainsi, pour bien maîtriser sa consommation, il est essentiel de bien la mesurer. C’est ce que fait depuis de nombreuses années le Service d’exploitation de l’EPFL et plus particulièrement à la fin des années 90 avec le projet DIAGELEC, conduit par François Vuille (avec mes remerciements pour ses contributions à cet article). Il a établi fin 1999 le bilan détaillé des bâtiments de Physique, de Chimie et Mathématiques (Service informatique central compris), qui représentaient à cette époque à eux trois 40% de la Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 3
fig.1 – l’ordinateur qui plante...
Guide pour une high-tech responsable Voici classés les plus grands fabricants de téléphone mobiles, d'ordinateurs, de téléviseurs et de consoles de jeux en fonction de deux critères: leur politique en matière d'élimination des substances chimiques dangereuses et leur engagement à reprendre et recycler leurs produits obsolètes. Ces entreprises sont classées en fonction des informations qu'elles mettent à la disposition du grand public
www.greenpeace.fr/toxic-tech
fig. 2 – les écolos montent les tours dans le vert
Version 8 juin 2008
Informatique et développement durable consommation électrique de l’École (fig. 3). 7'000'000 Bâtiment des Mathématiques Plus récemment, un avec Centre Informatique programme complémen6'000'000 taire, réalisé dans le cadre Total Physique Bâtiment + Halle + PO d’ENERGHO, a permis de 5'000'000 réduire encore la consommation électrique de près 4'000'000 de 20% dans le bâtiment de génie civil par exemple, en 3'000'000 agissant essentiellement sur les aspects lumière et ventila2'000'000 tion. La partie informatique et processus scientifique, par 1'000'000 contre, n’a pas été optimisée dans cet essai, mais l’infor0 matique est directement concernée par les économies réalisées sur la ventilation Bâtiments (fig. 4). Pour les constructions fig. 3 – consommation d’électricité des bâtiments EPFL en 1999 nouvelles, par exemple dans le nouveau bâtiment BC abritant la Faculté Informatique et Communications, où les ordinateurs consomment près des trois quarts de l’électricité du bâtiment, il a été possible grâce à des solutions avancées de contenir grandement les consommations (fig. 5). Dans le rapport des énergies 2006 de l’EPFL, on peut lire: Rapportée à la surface brute, la consommation électrique totale des bâtiments reste stable. Les faibles variations annuelles à la hausse ou à la baisse sont directement liées à l’activité des groupes de recherche utilisant des équipements gros consommateurs d’énergie. Il s’agit notamment du Tokamak au Centre de Recherche en Physique des Plasmas, du turbocompresseur PLUTO dans le bâtiment de Mécanique - halles et du nouveau Centre d’Imagerie Bio Médicale (CIBM). La consommation électrique du Centre informatique (DIT - bâtiment MA), qui avait fortement baissé suite à l’arrêt de l’ordinateur CRAY en 1999, est en progressive augmentation depuis environ 2 ans. Le superordinateur IBM - BLUE GENE et ses infrastructures techniques de climatisation contribuent à cet accroissement de la consommation électrique. À sa consommation électrique, il convient d’ajouter les énergies liées au cycle de vie d’un ordinateur. C’est dans l’excellente étude de Quantification des performances environnementales de l’EPFL réalisée par l’équipe du prof. O. Jolliet Bâtiment GC – Réduction de la consommation d'électricité en 2001 pour le compte du par des mesures d'exploitation simples (2005 – 2006) programme RUMBA-EPFL qu’il faut puiser quelques 25'000 données de base. Ce travail –19% de la consommation totale (25'300 Fr./an) s’est appliqué à estimer la part de consommation d’énergie 20'000 primaire liée à la production Force de matériel informatique et électronique, et a conclu Lum.mes. qu’elle était comparable à 15'000 CVSE l’énergie consommée respectivement par l’eau et le chauffage réunis (fig. 6). 10'000 Enfin, considérant comme le montre ce graphique, –60% de la que l’électricité constitue la 5'000 consommation plus grosse charge de l’EPFL CVSE (ventilation) en matière de consommation d’énergie primaire, on comprend combien il est 0 Situation originale "Phase 1" Energho "Phase 2" Energho important pour le bilan environnemental général de fig. 4 – Réduction de la consommation d’électricité par des mesures d’exploitation simples
kWh / an
Consommation d'électricité des bâtiments de l'EPFL – Année civile 2007
Kwh / sem.
ABRI
ME l
AA
EL g+h
PB
CM
CE
SG
PA
Restaurants
MX f+g
BC
PJ
MX e+h
IN f+j
CRPP h+b
CH abc
PH+PO
CH fghj
TCV
AN
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Informatique et développement durable
Indices énergétiques "Electricité" des bâtiments de l'EPFL 1'600
(Consommation annuelle par m2 de surface brute)
1'500 1'400 1'300 1'200 1'100
MJ / m2.a
1'000 900 800 700 600
Electricité "BC" 264 MJ / m2.an
500 400 300 200 100 0
STT 50/20 ABRI ODY ME l BS AA IN n+m+r EL g+h GC t PB LE CM GC abcd CE CO SG BP PA EL l Restaurants EL a+b MX f+g EL d+e+DIA BC BI PJ GR MX e+h BM IN f+j GC fgh CRPP h+b MX c+d CH abc ME gh PH+PO ME abc CH fghj AI TCV MA + DIT AN
Bâtiments
fig. 5 – positionnement énergétique du nouveau bâtiment BC
3.50E+08 3.00E+08 2.50E+08 2.00E+08 1.50E+08
Faire au mieux !
1.00E+08
Dans la jungle actuelle des bilans énergétiques, environnementaux, carbone ou sociaux, il conviendrait de rappeler quelques axes de travail consensuels sur lesquels persévérer. Quatre axes prioritaires semblent se dégager: z Achats exigeants z Consommations réduites z Cycles de vie rallongés z Recyclages efficaces et reconnus.
0.00E+00
Achats exigeants
Papier Matériel informatique Equipements électroniques
Eau
Chauffage
fig. 6 – Consommation d’énergie primaire non renouvelable EPFL
Les directives d’achat de l’EPFL (dabs.epfl.ch) spécifient à l’article 4, lettre d, de veiller à choisir des solutions qui présentent le meilleur équilibre entre économie et écologie, et à l’article 13, lettre e, le respect de l’environnement avec des solutions qui renoncent, diminuent ou remplacent des produits qui polluent, des solutions respectueuses de l’environnement dans les procédés de traitement, de retraitement ou d’élimination des déchets et les solutions économes en énergie. Cette directive relaie parfaitement la stratégie de développement durable des achats préconisée par la Commission des achats du Conseil des Écoles polytechniques (CEPF). Plus concrètement, les différents Centres d’achat de l’EPFL doivent sans cesse perfectionner leur expertise économique, environnementale et sociale et jouer pleinement leur rôle de prescripteur et de conseiller pour des acquisitions responsables. Introduire des clauses plus explicites sur la consommation énergétique des équipements, par exemple dans les cahiers des charges types proposés Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 5
Transports
Electricité
5.00E+08 Bâtiments
MJ/an
l’EPFL de réaliser d’une part des économies partout où cela est possible, et d’autre part d’utiliser des énergies renouvelables, point qui ne sera pas traité ici. Si on élargit encore ce système au recyclage des ordinateurs et aux conditions sociales de leur fabrication-utilisation-recyclage-démolition, l’affaire gagne encore en complexité.
Informatique et développement durable aux unités, constituerait une mesure efficace. D’autant que les initiatives dans ce sens foisonnent, notamment sous l’impulsion de l’agence américaine de protection de l’environnement (EPA), qui demande au gouvernement d’élargir le programme d’économie d’énergie des ordinateurs, Energy Star, aux centres de données. Tous les systèmes d’information internes sont concernés.
Consommations réduites
Comme déjà dit, les activités de recherche ne doivent pas souffrir de la frilosité énergétique actuelle. On n’invente pas de nouvelles énergies sans énergie, voyez le tokamak! Par ailleurs, la recherche a déjà permis de réaliser des gains extraordinaires sur la consommation des équipements. Par contre, comme on l’a vu précédemment, il faut travailler sur les deux tableaux de la consommation de l’appareil et de son refroidissement. Plus concrètement, et reprenant les excellentes suggestions de David Desscan dans son article FI de février de cette année, il faut continuer à sensibiliser les usagers sur les questions de réglage des paramètres de veille et d’arrêt de l’ordinateur et de ses périphériques en l’absence de l’utilisateur (dit.epfl.ch/page69401.html). Et il faut également favoriser, au niveau des services centraux, toutes les initiatives originales et économes de récupération des rejets thermiques et de refroidissement des ordinateurs. Une intensification des actions sur ces deux fronts permettrait d’obtenir des impacts significatifs, en associant étroitement les étudiants et le personnel aux actions et aux résultats. La question de la mise en réseau des ordinateurs personnels au travers du GRID pourrait interférer, mais ce point n’est pas développé ici. Depuis longtemps au programme d’actions de RUMBA, mais malheureusement en suspens, la réalisation d’économies d’électricité de l’ordre de 150’000 kWh dans les salles d’informatique d’accès public serait relativement aisée, grâce à une gestion automatique des mises en veille et arrêts de stations. Ce projet devrait redémarrer cet automne en étroite collaboration avec les responsables des salles et le programme RUMBA. Enfin, une discussion intense s’est engagée entre les fabricants et les grands centres de données dans le but d’assouplir les spécifications des températures de fonctionnement des ordinateurs. En effet, des modifications même infimes des variations de température autorisées tout au long de l’année dans les salles de serveurs, sans graves conséquences pour la fiabilité des systèmes, pourraient avoir des impacts financiers et écologiques faramineux. Il est important pour l’EPFL d’opérer une veille attentive sur ce point et d’implémenter rapidement toutes les nouvelles dispositions qui vont dans le bon sens.
Cycles de vie rallongés
Les récentes directives EPFL sur le recyclage du matériel IT ont établi une procédure de qualité pour la durée de vie des appareils et il est important que toutes les unités l’appliquent correctement. Ceci étant dit, c’est le Centre de Réparation Informatique (CRI) qui paraît offrir une solution simple et pertinente à la problématique du rallongement du cycle de vie des ordinateurs et des périphériques. Le rôle technique et pédagogique de cette petite équipe de collectionneurs-réparateurs-recycleurs apparaît parfaitement actuel et mérite une attention renouvelée.
Recyclages efficaces et reconnus
Apparemment, la collaboration de l’EPFL avec SWICO RECYCLING permet de résoudre professionnellement cette question.
Article schizophrène Au terme de cette rédaction, le titre apparaît plus que jamais schizophrène. Au point de se questionner sur l’impact environnemental de cet article. Docteur, c’est grave ? Toujours est-il que cette problématique n’est pas prête de s’atténuer et qu’une grande école d’ingénieurs se doit de l’étudier, de l’enseigner et de l’appliquer avec toute l’intelligence contenue dans ses laboratoires et ses services spécialisés. Car l’apparent don d’ubiquité d’Internet, comme libéré de l’apesanteur, commence à se discuter à l’aune des fermes de serveurs consommant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 de la précieuse énergie. Pour diffuser un peu d’intelligence, et beaucoup d’imbécilité. Heureusement, l’EPFL, comme toutes les universités, connaît bien cette schizophrénie, ces splendeurs et misères des technologies, capables du pire et du meilleur, et elle devrait contribuer à sa mesure à inventer et à appliquer des solutions durables. Reste à s’assurer que ces questions sont bien adressées dans tous les processus et auprès de tous les acteurs de notre grande maison, ce que votre serviteur tentera de réaliser avec votre concours ces prochaines années.n
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Tant que
le prélèvement du capital naturel effectué par notre espèce reste inférieur à son renouvellement, le système est durable. En revanche, dès que nous faisons appel à un capital non renouvelable à l’échelle de l’histoire, le système ne peut ni durer longtemps ni, a fortiori, croître éternellement. Jean-Marc Jancovici, Expert en énergie et réchauffement climatique, www.manicore.com Réduire l’impact de l’informatique sur l’environnement ne se limite pas à acheter les matériels verts labellisés comme tels par les constructeurs, surtout dans cette période où le Green IT a le vent en poupe: tout est prétexte pour vendre plus propre. Mais la solution au problème environnemental n’est pas si simple. Nous proposons ici de décortiquer le cycle de vie d’un ordinateur pour démontrer que l’approche doit être globale si l’on souhaite être efficace dans l’action.
Francoise.Berthoud@grenoble.cnrs.fr, Eric.Drezet@crhea.cnrs.fr & Violaine Louvet, louvet@math.univ-lyon1.fr, Groupe de Travail EcoInfo, www.eco-info.org
L’impact de l’informatique sur l’environnement
Les urgences Personne ne peut aujourd’hui nier l’urgence de la situation environnementale. Plusieurs constats montrent l’ampleur du problème. Le plus médiatisé concerne le réchauffement climatique et plus directement les émissions de gaz à effet de serre (CO2 et autres). Il est nécessaire et urgent de réduire d’au moins un facteur 2 les émissions mondiales, et d’un facteur 4 à 5 les émissions des pays développés. Dans une société tertiaire telle que la nôtre, la part de la consommation électrique due aux équipements informatiques bureautiques est de l’ordre de 10 à 25 %. La consommation électrique d’un employé pour le poste bureautique est estimée à environ 878 kWh par an, soit autant que cinq réfrigérateurs domestiques (2007, source: ADEME, www.ademe.fr). Une autre urgence tout aussi cruciale concerne la problématique des déchets; le volume du Mont Blanc: c’est la quantité de déchets qui sont générés tous les ans en France (80% de ces déchets sont incinérés ou enfouis) ! Parmi l’ensemble de ces déchets, même s’ils représentent en poids un pourcentage relativement faible, les déchets électroniques et électriques sont ceux qui ont la plus forte croissance (entre 3 et 5% par an). Lorsqu’ils ne sont pas recyclés, ces déchets dangereux conduisent à des pollutions irrémédiables de nos sols, eaux et air. La situation est extrêmement préoccupante au niveau mondial d’autant plus que la fascination qu’exercent sur les populations le tout numérique et les objets communicants est à l’origine d’un volume de déchets en explosion. En effet, des ordres de grandeur simples montrent à quel point la situation va s’aggraver: z un milliard d’ordinateurs ont été fabriqués en 2007 (Forester 06/2007), dont 490 millions de serveurs (Internet Software Consortium, 07/2007), un milliard de PC sont utilisés aujourd’hui, deux milliards en 2014 (Gartner, 06/2008); z la durée de vie moyenne d’un ordinateur a chuté de 6 ans en 1997 à 2 ans en 2005 (Cdurable.info, 08/2007); z la consommation électrique des centres de données a doublé entre 2000 et 2005 pour atteindre 45 milliards de kWh en 2005 (Université de Stanford, 02/2007). Certes, le Green IT prend de l’importance, illustrant une prise de conscience résultant pour beaucoup de l’augmentation phénoménale des prix de l’énergie, mais c’est à chacun de nous d’agir.
Le cycle de vie d’un matériel informatique Pour comprendre complètement les conséquences réelles de l’usage de l’outil informatique sur notre environnement, il est nécessaire d’en détailler le cycle de vie, c’est-à-dire d’évaluer de manière scientifique et objective les impacts potentiels de ce produit sur l’environnement. Les étapes du cycle de vie sont: z l’acquisition des matières premières, Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 7
L’impact de l’informatique sur l’environnement z z z z
le transport de ces matières premières, sa fabrication et son transport, son utilisation, son élimination.
Ainsi, l’ACV (analyse du cycle de vie) fait l’inventaire de tous les composants utilisés dans l’appareil et leur impute les dépenses énergétiques et matérielles qu’ils ont occasionnées tout au long de leur vie. Même si on ne peut pas agir directement sur chaque étape du cycle, il est de notre responsabilité individuelle d’orienter nos choix et de peser sur les constructeurs pour que des efforts significatifs soient entrepris.
Matières premières, fabrication, distribution
Pour l’ensemble des TIC (Technologies de l’Information et des Communications), une analyse du flux matière (sans tenir compte des aspects énergétiques) montre que seulement 2% du flux matière se retrouve dans l’objet ou son usage (Hilty L.M., Ruddy T.F., Journal of Industrial Ecology, 2003). Les 98% restant sont utilisés pour les processus de fabrication et de traitement de fin de vie. Ces chiffres ne tiennent pas compte des aspects énergétiques dans les différentes phases du cycle de vie, cependant ils nous donnent une idée du poids de la décision d’achat et surtout de l’importance du niveau d’éco-conception des produits (plus les éléments constitutifs des matériels seront réutilisables, meilleure sera l’éco-conception). L’usage des matières premières au cours de la fabrication d’un équipement informatique n’est donc pas à négliger, leur coût est en train d’exploser et leur quantité n’est pas illimitée. Un autre point essentiel: outre l’énergie que leur extraction nécessite (activité minière, transport, enrichissement…), il y a également l’emploi de l’eau quasi incontournable. Et c’est là un autre problème mondial au moins aussi important que le réchauffement climatique. Par ailleurs, plus les équipements électriques et électroniques utilisent de matériaux, moins ils sont faciles à recycler. Les appareils électroniques sont en effet composés d’un mélange complexe de plusieurs centaines de matériaux dont un grand nombre contiennent des métaux lourds (plomb, mercure, cadmium, béryllium) ainsi que des substances chimiques dangereuses, comme les retardateurs de flamme bromés - polybromodiphényles (polybrominated biphenyls, PBB), éthers diphényliques polybromés (polybrominated diphenylethers, PBDE) et tétrabromobisphénol-A (tetrabromobisphenol-A, TBBPA ou TBBA). Un téléphone portable, par exemple, contient de 500 à 1000 composants. Ces substances chimiques dangereuses génèrent une forte pollution et des risques sanitaires pour les travailleurs qui les produisent ou les éliminent. L’exposition au plomb et au mercure des enfants et des femmes enceintes est particulièrement préoccupante. Même à faible niveau d’exposition, ces métaux sont extrêmement toxiques et peuvent porter atteinte aux enfants et aux fœtus. Pour contraindre les fabricants, l’Union européenne a mis en place la directive RoHS (Restriction of the use of certain hazardous substances in electrical and electronic equipment) qui impose une restriction sur l’usage de certaines substances dangereuses. Elle limite l’usage de cadmium, de mercure, de plomb, de chrome hexavalent et de deux types de retardateurs de flamme bromés (PBDE et PBB) dans les produits commercialisés depuis juillet 2006, avec des exceptions spécifiques. Ceci concerne tous les produits électroniques importés sur le marché européen. Cette directive devrait être renforcée d’ici la fin de l’année. Une autre directive européenne datant de 2005, la directive EuP (Energy using Products), va plus loin et établit un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’éco-conception applicables aux produits consommateurs d’énergie. D’autres initiatives voient le jour comme le système EPEAT (Electronic Product Environnemental Assessment Tool) qui définit, des valeurs seuils sur des critères de choix de produits éco-conçus. En partie équivalent à la directive RoHs sur la réduction et l’élimination des substances dangereuses du processus de fabrication, ces critères recouvrent en plus d’autres aspects du cycle de vie de ces matériels. L’administration américaine a imposé ce label pour l’achat de ses ordinateurs en décembre 2007 et le gouvernement canadien tient compte de ce système dans ses appels d’offres. En tant qu’utilisateur, plusieurs actions peuvent être menées à ce niveau. La plus évidente est d’éviter l’achat chaque fois que c’est possible (réparation, réutilisation, évolution, virtualisation, mutualisation). Si l’achat est incontournable, le consommateur peut choisir du matériel: z z z z z
eco-labellisé (fabrication, consommation, recyclage), d’une durée de vie la plus longue possible, avec une garantie en adéquation avec la durée de vie visée, d’une puissance en rapport avec l’utilisation, avec des OS et logiciels peu gourmands et limités au nécessaire. FI spécial été – 26 août 2008 – page 8
L’impact de l’informatique sur l’environnement
Les éco-labels
Il existe différents types d’éco-labels: z Les labels globaux qui couvrent l’ensemble du cycle de vie d’un matériel informatique, de sa conception à son recyclage: w Blue Angel (Blauer Engel), créé en 1977 par le ministère allemand, est la plus vieille certification environnementale dans le monde. w EPEAT, qui a déjà été mentionné. w TCO, d’abord conçu pour distinguer les écrans de bonne qualité et respectueux de l’environnement, cet éco-label suédois couvre maintenant les PC et serveurs, les téléphones mobiles et les imprimantes. w L’Ecolabel européen qui est un éco-label global pour l’ensemble des produits de consommation. z Les labels portés sur les économies d’énergie qui se focalisent sur la consommation énergétique des appareils: w Energy Star, qui est un accord USA/Europe, et qui garantit un produit économe en énergie à la fois en fonctionnement, mais aussi en veille. w 80plus qui impose à une alimentation électrique de délivrer au minimum une efficacité de 80 %. Energy Star, dans sa version la plus récente (V4), inclut le label 80plus. z Les autres labels environnementaux, plus généraux, dont une partie des préoccupations peut s’appliquer aussi à l’informatique (Environnemental choice, Greenguard, PC 3R, CECP). Le label 80plus peut susciter des interrogations. Il faut savoir qu’un grand nombre d’alimentations ont un taux de rendement inférieur à 60%, alors qu’il existe aujourd’hui des alimentations présentant une efficacité supérieure à 90%.
Utilisation
Le coût environnemental de l’outil informatique durant sa phase de fonctionnement est évidemment le plus visible et le plus mis en avant par la vague Green IT actuelle. La consommation énergétique de l’Internet croît annuellement de 20%. L’universitaire de Dresde, Gerhard Fettweis, juge qu’à ce rythme, dans moins d’un quart de siècle, l’Internet à lui seul consommera autant d’énergie que toute l’humanité aujourd’hui (hebdomadaire Wirtschafst Woche, AFP, 05/03/08). D’ici 2010, tout est possible. Soit rien ne change, et la consommation des centres de données augmente encore de 50%. Si de réels efforts sont entrepris, c’est une baisse de 50% qui est envisageable, indique à l’AFP Siegfried Behrend. Cette information souligne un point tout aussi important qui est notre consommation du produit Internet. Il est difficile pour l’internaute de prendre conscience de l’infrastructure mise en œuvre pour lui assurer un service. Pourtant, le milliard de serveurs (Gartner, 06/2008) en service sur la planète ont une empreinte écologique non négligeable et chaque fois que nous les sollicitons, nous les faisons consommer davantage d’énergie et nous participons à l’expansion de leur nombre en augmentant la demande. Dans le même ordre d’idée, l’augmentation des débits sur la toile a engendré immédiatement l’augmentation des besoins en climatisation des centraux hébergeant les nœuds de communication des fournisseurs d’accès. Il y a donc une véritable prise de conscience de l’internaute à développer pour qu’il modère autant son utilisation de l’Internet que son équipement. D’autres données relatives aux grands centres informatiques sont édifiantes. L’électricité représente désormais 30% des frais d’exploitation d’un centre informatique. Et d’après les estimations, le coût énergétique annuel d’un centre moyen devrait encore doubler d’ici 2010. Pour avoir une idée, dans les environs de San Francisco et de la Silicon Valley, les seuls centres informatiques consomment déjà 375 mégawatts par an, de quoi alimenter 75000 foyers. Ces chiffres peuvent sembler étrangers aux petits utilisateurs que nous sommes, mais les mêmes calculs peuvent s’appliquer à la consommation électrique de nos salles serveurs et de nos ordinateurs, périphériques, … de bureau. En effet, un ordinateur en veille utilise encore 20 à 40 % de sa consommation en marche: autant l’éteindre le plus souvent possible. Et le prétexte d’abîmer le matériel par des arrêts fréquents n’est plus d’actualité. Les composants de nos PC actuels (notamment les disques durs) ont été dimensionnés pour être éteints des milliers de fois sans dommages, beaucoup plus que leur durée de vie ! Dans le même ordre d’idée, il faut absolument bannir les économiseurs d’écrans dont le nom est bien mal choisi et qui induisent souvent une consommation quasi équivalente à celle d’utilisation. Pas mal de dispositifs existent pour limiter la consommation énergétique au strict usage de la machine: mode hibernation, veille prolongée. Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 9
Le groupe de travail EcoInfo dont font partie les auteurs de cet article publie tous les mois une lettre d’information Econews pour donner les dernières nouvelles sur les faces cachées de l’informatique, n’hésitez pas à la consulter (www.eco-info.org).
L’impact de l’informatique sur l’environnement Selon une étude menée par Enertech pour le compte de l’ADEME et de la région PACA, une unité centrale fonctionne en moyenne 4004 heures par an, soit 17,8 heures par jour ouvré, et un écran 2510 heures par an, soit 11,2 heures par jour ouvré. Pire encore, les mesures d’Enertech montrent que l’ordinateur n’est effectivement utilisé que 686 heures par an, soit trois heures par jour ouvré. D’après ces chiffres, un ordinateur ne sert que pendant le quart du temps où il est allumé. On voit donc tout le bénéfice à retirer du paramétrage des mises en veille. En cours d’utilisation, l’action la plus efficace en terme de réduction de l’impact environnemental de l’informatique consiste à augmenter la durée de vie de ces appareils (par exemple en nettoyant les éléments: clavier, souris, écran, unité centrale, ou en enlevant régulièrement la poussière à l’intérieur de l’unité centrale) et offrir une seconde vie aux unités centrales ou écrans lorsqu’ils ne correspondent plus aux besoins initiaux. Pour ceux d’entre nous qui ont en charge la gestion d’un parc informatique, la mise en place d’une éco-gestion dans le cadre d’une démarche éco-responsable est question de bon sens. Réutilisation, virtualisation, mutualisation, centralisation riment souvent avec économie (d’énergie mais aussi de coûts). Outre la consommation d’énergie, l’impression est un autre point noir du fonctionnement informatique. L’économie de papier est le premier objectif à atteindre. La production de papier consomme en effet nettement plus d’énergie que celle nécessaire pour l’imprimer. Ainsi, même s’il est important de se préoccuper de la qualité écologique du papier et des cartouches utilisées, le geste environnemental le plus profitable reste la réduction à la source, c’est-à-dire utiliser moins de papier et moins d’encre. Quelques gestes simples permettent d’avoir une action efficace: z n’imprimer que ce qui est strictement nécessaire, z paramétrer les imprimantes recto en impression multipages par défaut, z paramétrer les imprimantes recto/verso en mode recto/verso par défaut, z insérer dans sa signature, sur ses documents un message militant pour la limitation des impressions, z privilégier le papier recyclé, z paramétrer les imprimantes en mode brouillon par défaut, z paramétrer les imprimantes couleur en mode noir et blanc par défaut, z récupérer le papier usagé à des fins de recyclage, z utiliser des cartouches de grande contenance, z récupérer les cartouches d’encre usagées à des fins de recyclage et utiliser des cartouches remanufacturées.
Élimination
La question de l’élimination des matériels informatiques est cruciale. La quantité de produits électroniques mis au rebut dans le monde a fait un bond ces dernières années. De 20 à 50 millions de tonnes d’e-déchets sont en effet générés à travers le monde chaque année. Ils représentent désormais 5% de la totalité des déchets municipaux solides mondiaux, soit presque autant que les emballages plastiques. Compte tenu de leur toxicité, les déchets électroniques sont considérés comme des déchets dangereux. Or une étude du cabinet d’analystes Gartner (06/2008) prévoit qu’en 2008, environ 35 millions de PC seront purement et simplement jetés dans la nature sans précaution au regard de leur contenu toxique. La mise au rebut de ces déchets est cependant en principe précisément encadrée par la règlementation en vigueur: z la convention de Bâle interdit toutes les exportations de déchets dangereux (UC, écrans démantelés) vers des pays en développement (cette convention n’a pas été ratifiée par les US), z la directive DEEE (Déchets d’équipements électriques et électroniques) interdit la mise à la poubelle de ces produits et impose une filière de recyclage différente selon la nature de ces équipements (déchets ménagers ou non). Il est évident que les dispositifs de collecte des PC usagés et les mécanismes de retraitement deviennent une problématique urgente et actuellement complètement sous-dimensionnée, d’autant plus urgente que la croissance rapide du marché va engendrer un nombre de plus en plus important de PC à jeter.
Plusieurs pistes peuvent être adoptées selon l’état du matériel
Il est tout à fait possible de leur offrir une seconde vie, par une réutilisation pour un service moins gourmand en ressources, une réparation ou un don. Malheureusement, la cause n’est pas toujours aussi bonne: en pratique: exportés sous couvert de dons ou de vente à des prix défiant toute concurrence, nombre d’ordinateurs ne sont en fait pas réutilisables et sont abandonnés dans la nature ou brûlés, après récupération des métaux précieux, dénonce l’ONG Basel Action Network, spécialisée FI spécial été – 26 août 2008 – page 10
L’impact de l’informatique sur l’environnement dans les trafics de déchets électroniques et la lutte contre le commerce toxique à l’échelle mondiale. Il convient ici de noter que la convention de Bâle ne protège pas de l’exportation de matériel en état de fonctionnement. Un grand nombre d’appareils électroniques usagés prennent la poussière dans des centres de stockage en attendant d’être réutilisés, recyclés ou détruits. L’agence américaine de protection de l’environnement (Environmental Protection Agency, EPA) estime que les trois quarts des ordinateurs vendus aux États-Unis sont empilés dans des garages et des débarras. Quand ils sont jetés, ils finissent dans des décharges ou des incinérateurs ou, plus récemment, sont exportés vers l’Asie ou l’Afrique. Selon Basel Action Network, 500 conteneurs de matériel informatique d’occasion arrivent chaque mois au Nigeria, l’un des pays d’Afrique qui subissent de plein fouet ce phénomène. Les 75% de ce matériel sont inutilisables et sont détruits dans des conditions nocives pour la santé des populations vivant à proximité des décharges. Les nappes phréatiques sont contaminées par les déchets dangereux, ce qui à terme pourrait s’avérer être une véritable catastrophe pour la santé publique. Certains DEEE sont théoriquement recyclés. Mais attention: la filière de recyclage est en général assez complexe et nécessite plusieurs intervenants spécialisés. Le démantèlement est souvent confié à des entreprises de réinsertion, les divers éléments sont ensuite pris en charge par des entreprises spécialisées dans le recyclage des métaux, plastiques, etc. Il convient de s’assurer du devenir réel du matériel (la qualité du recyclage va dépendre fortement du niveau de démantèlement par exemple).
Conclusion
Immagine – Anna-Lisa Barone
Notre outil informatique a désormais un poids écologique qui n’est plus négligeable. Le sujet est émergent et d’actualité, mais il présente des enjeux économiques et politiques importants qui rendent nécessaire un véritable esprit critique sur les informations qui nous parviennent. Chacun de nous doit apprendre à intégrer cette réalité dans son usage quotidien avec pragmatisme: une démarche basée uniquement sur le recyclage du papier et l’extinction des ordinateurs la nuit, alors que les ordinateurs sont renouvelés tous les 2 ou 3 ans (avec des choix d’OS et de logiciels qui imposent du matériel haut de gamme …) et que chaque utilisateur dispose de son imprimante personnelle … n’est qu’un premier petit pas vers l’éco-responsabilité alors qu’un bond de géant est nécessaire. n
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La problématique des déchets électroniques
Les déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) – ou e-déchets – désignent les appareils fonctionnant grâce au courant électrique devenus obsolètes. Sous cette définition, on trouve non seulement les ordinateurs, téléphones ou téléviseurs dont leurs propriétaires n’ont plus d’usage, mais également toute une série d’appareils devenus indispensables à notre mode de vie, tels que iPod, console de jeux, distributeurs de billets, appareils médicaux, etc. Beaucoup d’appareils moins sophistiqués, tels que le sèchecheveux ou le grille-pain tombent aussi sous cette définition. En résumé, la majorité des biens de consommation qui se sont accumulés dans notre société depuis plus d’un demi-siècle, a commencé à produire son flot d’appareils hors d’usage depuis un certain temps, au point que les DEEE sont aujourd’hui le type de déchet à plus forte croissance dans le monde, culminant à plus de 40 millions de tonnes par année d’après le PNUE 1. Le problème posé par ce type de déchet est apparu quand les municipalités se sont rendu compte qu’elles ne pouvaient pas gérer ce nouveau fardeau qui s’immisçait dans le flux d’ordures ménagères. En plus d’être lourds et volumineux, les DEEE présentent la particularité, par rapport aux autres catégories de déchets, d’être composés d’un assemblage complexe de plusieurs sortes de matériaux: plus de la moitié des éléments de la table périodique de Mendeleïev sont présents dans un téléphone portable! Les DEEE sont donc un mélange de matières valorisables et de matières dangereuses. Le plastique, le verre, les métaux de base tels que le cuivre, l’aluminium ou les ferreux, les métaux précieux tels que l’or, l’argent, le palladium ou le platine, et les métaux spéciaux comme l’indium et le tellure sont autant de bonnes raisons de recycler les DEEE, alors que les métaux lourds (mercure, cadmium, plomb, etc.) et les produits organiques comme les retardateurs de flammes doivent éviter de se retrouver diffusés dans l’environnement.
David Rochat, david.rochat@empa.ch, coordinateur de projet à l’Empa
Gestion des déchets électriques et électroniques en Suisse et dans le monde
La solution proposée par la Suisse Eviter la mise en décharge sauvage Décharge sauvage
Consommateurs
Eviter les DEEE dans les ordures ménagères Décharge incinération
Gestion des déchets municipale
Consommateurs
Maximiser la boucle de matière max
Consommateurs
DEEE 3R: réutiliser, recycler, revaloriser
min. & nondilué
Les objectifs de la filière suisse de gestion des DEEE 1
3 4
2
Décharge incinération
Le problème ainsi posé a poussé plusieurs pays pionniers à mettre en place une filière spécifique de gestion de ce type de déchets il y a près de 10 ans. La Suisse est un des premiers pays à avoir abordé le problème, en mettant en place dès 1994 2 une filière pour les appareils usagés des NTIC 3 et en développant la première loi spécifique aux DEEE 4 en 1996. Les objectifs visés par la filière e-déchets en Suisse sont présentés dans le schéma. La filière suisse repose sur le principe de la responsabilité étendue du producteur, découlant du principe du pollueur – payeur. D’après ce principe, toute entité produisant et mettant sur le marché un bien de consommation en est responsable tout au long de son cycle de vie. Cela veut dire que les marques ou les importateurs de marques d’appareils électriques et électroniques en Suisse, ont la responsabilité d’assurer la gestion dans les règles de l’art de leurs produits en fin de vie. Cela se traduit par l’obligation d’assurer aux consommateurs suisses de pouvoir se débarrasser de manière pratique de leurs
Programme des Nations Unies pour l’Environnement www.swico.ch/fr/recycling.asp Nouvelles Technologies de l’Information et de Communication L’Ordonnance sur la restitution, la reprise et l’élimination des appareils électriques et électroniques (OREA)
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Gestion des déchets électriques et électroniques en Suisse et dans le monde e-déchets au moins gratuitement 5. Les producteurs assurent la viabilité économique de la filière en introduisant une taxe anticipée de recyclage, que le consommateur paye à l’achat d’un nouvel appareil, et qui servira à financer la collecte, le transport, le démantèlement, le recyclage et l’élimination des fractions dangereuses des vieux appareils. Grâce à ce système, près de 70’000 tonnes de déchets sont collectées et recyclées chaque année dans le pays. Il existe aujourd’hui quatre organismes représentant les producteurs d’équipements électriques et électroniques et qui assurent leur gestion appropriée en fin de vie, selon les types d’appareils 6. La Suisse a été suivie de près par les pays nordiques en particulier, et aujourd’hui l’Union Européenne en général cherche à mettre en œuvre et à harmoniser la filière dans l’ensemble des pays membres, grâce notamment à la directive européenne sur les DEEE.
La gestion des DEEE dans le monde en développement
Si les pays industrialisés ont réussi à mettre en place des filières de gestion des DEEE économiquement viables pour tous les DEEE, quelle que soit leur valeur, il en va autrement dans le monde en développement. D’une part, les pays en transition tels que l’Inde et la Chine ont connu une explosion de la demande en équipements électriques et électroniques, à tel point que le nombre d’utilisateurs d’ordinateurs en Chine a augmenté de 1052 % entre 1993 et 2000 par rapport à une moyenne mondiale de 181 %. Dans ces pays, personne n’a mis en place de système de gestion des DEEE, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas recyclés. Au contraire, le système indien, par exemple, s’est développé naturellement à partir d’une économie du déchet préexistante, qui absorbait et valorisait les matières provenant des navires, des véhicules hors d’usage, de la démolition. Avec l’avènement de l’ère des nouvelles technologies, ce secteur économique bien établi commença à absorber les déchets électroniques pour en extraire les différents métaux contenus, afin de les revendre à l’industrie de la métallurgie, jusqu’à ce que certains se spécialisent dans le recyclage de déchets électroniques. Contrairement à la Suisse où le consommateur finance le système de recyclage au moyen de la taxe de recyclage anticipée, en Inde, ce sont les collecteurs de déchets qui payent pour obtenir des équipements hors d’usage afin de les revendre aux recycleurs. Il y existe donc une économie du déchet électronique, où certains secteurs de l’industrie en alimentent d’autres grâce à leurs déchets, créant de la sorte des cycles de matière où quasiment tout est réutilisé. Il en résulte qu’en plus de faire face aux énormes quantités d’e-déchets produits par leur propre société, les Indiens font également face à des importations massives de vieux appareils en provenance principalement des États-Unis et de l’Europe. Néanmoins, le système de recyclage indien possède certaines faiblesses qui sont à l’origine de graves problèmes, notamment du fait que ses motivations ne reposent pas sur des intérêts environnementaux ou sociaux, mais sur le gain 5
Enfant démontant les parties contenant des métaux précieux sur un circuit imprimé
Dissolution des métaux contenus dans les circuits imprimés dans de l’acide nitrique
Ce qui veut dire que le consommateur ne doit pas payer pour se débarrasser de ses déchets, mais qu’il peut au mieux recevoir de l’argent en retour. 6 Plus d’informations sur la filière suisse sont disponibles sur www.e-waste.ch
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Gestion des déchets électriques et électroniques en Suisse et dans le monde
Récupération du cuivre après incinération de câbles à l’air libre
Cette femme gratte le cuivre contenu dans les circuits imprimés après les avoir trempés dans un bain d’acide
économique. De par le manque de législation et de réglementation, le secteur largement informel du recyclage des DEEE ne se réfère à aucune norme environnementale ou sociale. Il en résulte un fort impact social, avec un travail peu rémunéré, parfois pratiqué par des enfants, ainsi qu’un fort impact environnemental, les travailleurs n’étant pas conscients du contenu toxique de ces déchets ou les traitant par des procédés chimiques sans précautions (voir les photos). L’Inde et la Chine ne sont pas les seuls pays en développement à faire face à un problème naissant dû aux DEEE, il en va de même dans l’ensemble du monde en développement. Le problème est d’autant plus alarmant dans les pays les plus pauvres, qui bénéficient de plus en plus de la solidarité numérique, à savoir des envois de matériel informatique neuf ou de 2ème main par des organisations d’aide au développement. L’Afrique est particulièrement concernée par ce phénomène, et on ne compte plus le nombre d’associations et d’ONG qui s’appliquent à numériser le Continent noir . Ces initiatives sont bien entendu nécessaires et bienvenues, mais très peu de ces acteurs du développement se rendent compte qu’il n’existe en général aucune infrastructure pour gérer ces appareils lorsqu’ils ne serviront plus. Il en résulte que des activités de recyclage informel telles qu’observées en Inde et en Chine commencent à apparaître un peu partout dans le monde, avec les impacts environnementaux et sociaux qui en découlent. Heureusement, de nombreuses initiatives internationales ont vu le jour et tentent de remédier à ce problème. La Suisse n’est pas en reste, avec peut-être l’un des premiers programmes de développement cherchant à assister des pays partenaires sur ce problème financé par le Seco 7 depuis 2003. Ainsi, l’expérience helvétique a été exportée en Chine, en Inde et en Afrique du Sud depuis 5 ans par l’Empa 8, qui est aujourd’hui également impliqué dans plusieurs pays africains 9 et sud-américains. L’expérience gagnée au cours des dernières années dans la thématique de gestion des DEEE dans le monde en développement a permis de développer des modèles économiques qui devraient permettre aux plus pauvres d’améliorer leur condition de vie et de travail grâce aux activités de recyclage, tout en réduisant l’impact sur leur santé et l’environnement. Le cas le plus éloquent concerne l’extraction des métaux précieux depuis les circuits imprimés: au lieu de s’adonner à des procédés chimiques humides impliquant de nombreuses substances toxiques, les recycleurs du secteur informel ont été formés à démonter et séparer les fractions optimales qu’ils peuvent revendre à des raffineries de métaux précieux. Ces raffineries ont la capacité technique d’extraire jusqu’à 95 % de 17 métaux différents par un processus pyrométallurgique, alors que le procédé chimique humide ne permet de récupérer qu’à peu près 25 % d’un seul métal, l’or, contenu initialement dans le déchet. Ce modèle économique alternatif permet aux travailleurs du secteur informel d’améliorer leur revenu par un facteur 3, tout en menant un exercice moins dangereux dans leur activité de recyclage.n
7
Secrétariat d’État à l’économie L’institut fédéral de recherche en matériaux et technologies (EMPA) est responsable du contrôle technique de la filière suisse de gestion des DEEE depuis le début. 9 Voir ewasteguide.info 8
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A l’origine,
il y a environ trois millions d’années, arrive l’homme, qui va éprouver le besoin de nouer des contacts sociaux avec ses semblables, puis de partager au niveau commercial et culturel: il développe le langage. Ensuite, se fait sentir le besoin de conserver des traces des échanges entre humains et ce fut la création des images (représentations de la vie, des personnages et des objets), puis l’apparition de l’écriture (échanges commerciaux, archives…), il y a environ cinq mille ans. L’écriture ne fait partie que d’une infime portion de l’histoire de l’humanité. Concernant l’apparition du langage, deux théories s’affrontent. Une première hypothèse déclare qu’il est apparu récemment, entre -100’000 et -35’000 ans, alors qu’une deuxième soutient un développement lent depuis 3 millions d’années. Une chose est sûre, le passage à la bipédie a permis à l’homme d’améliorer son souffle et de développer son larynx. Ce qui lui donnera la faculté d’émettre des sons. Le développement de la taille du cerveau, certainement dû à une alimentation riche en protéines animales, ainsi que la vie communautaire a favorisé cette longue évolution du langage. Par le passé, les relations sociales passaient par des séances d’épouillage, ainsi que par le bavardage. Le bavardage qui compose environ 65% de notre temps de parole permettait de tisser et de renforcer les liens sociaux du groupe.
Laurence.Denoreaz@epfl.ch, EPFL – Domaine IT
Que reste-t-il de nos… mémoires?
Un autre débat important par rapport aux débuts du langage est celui de savoir s’il y a eu au départ une ou plusieurs langues développées en parallèle. On trouve les partisans du polygénisme qui soutiennent que la seule chose commune aux premiers hommes était la faculté de parler et qu’ensuite plusieurs langues auraient germé au fur et à mesure de leurs déplacements vers d’autres groupes d’humains. Alors que d’autres chercheurs lui opposent la théorie du monogénisme, qui déclare qu’une seule langue serait à l’origine de toutes les autres. Une chose est sûre, à cause d’importants changements climatiques en Afrique (sécheresse) il y a bien eu expansion vers l’Asie, d’où la propagation des modes de communication. Le langage est essentiel pour la transmission de la mémoire de la société. Il sert à perpétuer les rites, le savoir-faire et les acquis du passé. Les premiers signes durables de communication sont retrouvés dans des cavernes. Les peintures pariétales apparaissant dans les grottes de Chauvet (32’000 à 30’000 av. J.C.) et Lascaux (entre 17’000 et 15’500 av. J.C.). Le débat est encore d’actualité, s’agit-il d’art ou d’archives que l’on trouve sur les parois de ces grottes ? Peut-être les deux ? Le mystère de ces peintures reste quasiment intact. Quelle est la signification de certains traits ou points retrouvés dans ou autour de ces dessins? Que veulent indiquer les mains négatives retrouvées dans beaucoup de grottes ? Seuls les types d’animaux dessinés (taureaux, chevaux, rhinocéros,…) nous donnent quelques indications quant au climat régnant à cette époque. Après les grottes, un étrange bâton (l’os d’Ishango) datant approximativement de 20’000 av. J.C. a été retrouvé au Congo. Il pourrait être à la base de l’arithmétique que nous connaissons. Puis datant de 10’000 av. J.C., des pierres gravées sont retrouvées en Syrie. On essaie encore de déchiffrer la signification de ces pétroglyphes. S’agit-il du décompte d’un troupeau, du comptage d’une récolte ou simplement de graffitis ? Après la Mésopotamie, le Val Camonica (8300 à 1600 av. J.C.), situé au nord-est de l’Italie, est réputé pour être l’un des premiers centres d’archives de l’humanité. Ses habitants ont régulièrement peint des objets et des scènes de leur vie quotiTablette d’argile (2 400 ans av. J.-C.) en écriture cunéiforme. dienne. On a même retrouvé une pierre sur laquelle est dessiné Image tirée du site: http://lecerveau.mcgill.ca (copyleft) le plus ancien plan cadastral connu. Les Camuniens ont aussi Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 15
Que reste-t-il de nos mémoires? dessiné des personnages, ainsi que des armes. Ce devait être un peuple de guerriers, qui semblait connaître le métal. Les premières traces d’écriture se découvrent en Mésopotamie. Il s’agit de jetons d’argile, nommés calculi par les spécialistes, qui seront placés à l’intérieur d’une bulle-enveloppe et qui symbolisent les quantités de marchandises échangées. Sur la surface de la bulle, on apposera un sceau de validation. Ensuite, les sphères de calculi sont mises à plat sous forme de tablettes. L’argile est utilisée pour l’usage courant et des pierres solides pour les documents officiels. Avec le développement des villes et de structures étatiques, on éprouve le besoin d’établir des inventaires, C’est sur le site archéologique d’Ebla (~2’500 ans av. J.C.) que l’on découvrira de nombreuses tablettes, répertoriant des récoltes et des inventaires de denrées alimentaires, des textes législatifs (comptes-rendus, lois, ordonnances,…), des listes de fonctionnaires, ainsi que, placés à part, des textes religieux et artistiques. On trouve aussi des tablettes en Crète. Ce sont des textes provisoires, car les textes officiels sont gravés sur du bois. Dans les documents marquants des débuts de l’écriture, on ne saurait oublier de mentionner le code d’Hamourabi (cref.u-bordeaux4.fr/doc/cahiers/Degos%201999.pdf), texte législatif, datant de 1750 av. J.-C., gravé dans du basalte et établissant que tous les hommes sont soumis aux mêmes règles, ni l’épopée de Gilgamesh (www.cliolamuse.com/spip.php?article481&var_ recherche=gilgamesh), qui retrace la vie d’un des rois d’Uruk. Au début de l’écriture étaient les pictogrammes (dessins), puis les idéogrammes (complétés par une idée, tels le chinois, l’égyptien et le cunéiforme) qui vont finalement se transformer en phonogrammes (qui représentent un son). Avant d’aboutir, suite à un long processus, aux écritures utilisées actuellement (grecque, cyrillique, arabe, coufique, karmatique, hébraïque, gothique, romaine). L’invention de l’écriture est due au besoin de fixer des messages et de consigner les faits et pensées sur la durée, car la mémoire de l’homme est limitée. Mais il aura toujours cherché à garantir la transmission et l’authenticité des informations. La question essentielle qui se pose actuellement est celle de savoir s’il sera possible de transmettre aux générations futures des informations sur notre époque d’une façon aussi fiable que celle qui nous a permis de connaître l’évolution de l’aventure humaine depuis ses origines.
Heavy-tech-1 – Anna-Lisa Barone
Pour de plus amples informations sur le sujet, vous pouvez consulter les sites suivants: z www.hominides.com z lecerveau.mcgill.ca/flash/index_i. html z www.culture.gouv.fr/culture/arcnat/ lascaux/fr/index.html z classes.bnf.fr/dossiecr/ Un grand merci à Mme Françoise Dubosson, mon professeur à la filière Information documentaire de la HEG de Carouge, qui par ses cours captivants m’a donné l’envie de transmettre plus loin une partie des connaissances acquises. n
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La mise à
disposition d’espace de conservation des données devient un service générique. Ce service peut être même gratuit avec un modèle économique basé sur un financement annexe. Un usager est confronté à une myriade de supports pour conserver ses informations: z mémoire vive, z mémoire permanente, z disque dur de son poste de travail, z mémoire embarquée dans un périphérique (clé USB, iPod, téléphone portable), z disque dur connecté sur son ordinateur, z disque réseau. À l’étendue des possibilités physiques, on doit ajouter une série de critères: z pérennité des données, z présence de sauvegarde secondaire (backup) z capacité de relecture, z ubiquité de l’accès. Du croisement entre support et critère, on peut isoler une catégorie spécifique, le stockage universel par le réseau.
Laurent.Kling@epfl.ch, EPFL – STI
Dépassement de capacité
Accès à l’information
La fulgurante progression d’Internet nous permet de disposer d’un accès quasi universel aux données. La présence physique peut être remplacée par une utilisation à travers le réseau. L’interface Web représente une voie intéressante avec comme bémol le risque accru pour la sécurité. L’authentification reste un élément central du contrôle de l’accès aux données.
Pérennité des données
La conservation est probablement l’élément essentiel du stockage. C’est une évidence, mais chacun d’entre nous a été confronté à une perte de données. À part les erreurs de manipulation, c’est souvent une fiabilité imparfaite de la configuration qui entraîne ces dégâts.
Capacité de relecture
Avec le bagage linguistique suffisant pour le support papier, on n’imagine pas de problèmes pour relire un livre, un rapport ou une œuvre. Par définition, le monde numérique convertit des informations compréhensibles en données binaires. Cette conversion entraîne deux conséquences paradoxales: Absence de perte d’information, au contraire des autres technologies de reproduction, la copie de données numériques n’engendre aucune perte, on peut la reproduire à grande échelle, la déplacer sur différents supports sans défaut de transfert. À ce titre, elle présente un intérêt évident pour l’archivage. Perte de format, l’information numérique est transmise intacte, mais il n’est pas certain que son contenu soit compréhensible. De nombreux formats propriétaire existent, l’utilisateur d’un programme pour l’architecture ne connaît pas la description informatique de ses dessins. Avec l’évolution des programmes, l’utilisateur peut être confronté à l’impossibilité de relecture, car son logiciel actuel ne comprend plus la version obsolète de ses archives. Sur la durée d’une vie humaine, on peut imaginer qu’une information soit passée par: z une carte perforée à ses débuts; z une conversion en caractères IBM EBCD Holerith (6 bits); z un transfert en IBM EBDIC (8 bits); z une conversion en ACSII 7 bits; z une utilisation en ASCII 8 bits IBM PC; z une transcRiption en ASCII 8 bits Macintosh; z une conversion en UTF8; z un courriel en MIME avec un codage BASE64. À chaque étape, il est essentiel de connaître le codage utilisé pour éviter de prendre des vessies pour des lanternes.
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Dépassement de capacité
Le cheminement d’un usager Méconnaissance de la technologie, au départ de l’utilisation d’un ordinateur, la notion de conservation des données est abstraite. En 1984, j’ai eu l’occasion de devoir retrouver un fichier MacWrite 1.0 sur un Macintosh 128. Les documents sont conservés en mémoire avant d’être écrits sur la disquette 3.5" de 400 ko (contenant le système d’exploitation accompagné de MacWrite et MacPaint). Après une vérification détaillée de l’état de surface magnétique, je suis arrivé à la conclusion que le document n’avait pas été écrit sur la disquette. Voici le dialogue avec cette victime d’une interface utilisateur trop simple: Moi – Comment avez-vous travaillé ? Usager – Le Macintosh, il suffit de l’allumer et de l’utiliser Moi – Vous avez sauvegardé le contenu de votre travail ? fig. 1 – Macintosh 128, en 1984 le début Usager – J’ai procédé de la même manière qu’au départ, j’ai écrit mon texte et j’ai d’une informatique conviviale pour tous éteint l’appareil ! Malheureusement, je n’ai pu que lui conseiller de réécrire son document… En 2008, il est certain que si vous éteignez brutalement votre ordinateur, votre traitement de texte favori conservera une sauvegarde qu’il vous proposera d’utiliser au prochain lancement de l’application, vive le progrès ! Fausse promesse, échaudée par une expérience de perte de données, un usager prévoyant envisage un espace de sauvegarde. Une lecture attentive de revue spécialisée lui a permis de découvrir l’acronyme RAID (Redundant Array of Inexpensive Disks). Avec cette information, il décide d’acheter un disque externe miroir RAID 1 de 1000 Go. Ne désirant pas lire le mode d’emploi, il commence à sauvegarder le contenu de son ordinateur portable sur ce média presque sans limites. Dans une seconde étape, la place disponible sur son appareil étant comptée, il utilise son support externe comme espace de travail pour ses montages vidéo. Après 13 mois sans problème, son disque dur semble défectueux. Malgré ses tentatives, il ne peut récupérer son précieux contenu (de conservation, il est maintenant utilisé comme archive). En désespoir de cause, il appelle le service après-vente, imaginez sa fureur quand il apprend que sa sauvegarde n’offre aucune possibilité de récupération. Une lecture attentive du mode d’emploi lui aurait permis de découvrir que le miroir (Raid 1) n’est pas activé d’usine, car la capacité utile est divisée par deux. À l’achat, il était configuré en entrelacer (Raid 0) qui présente d’excellentes performances avec un risque élevé de perte de données en cas d’incident technique sur n’importe quel disque. Solution idéale, après un parcours initiatique douloureux, l’usager aguerri connaît ses besoins: z un support accessible par le réseau depuis toutes les plates-formes, z une capacité raisonnable pour conserver ses données les plus précieuses, z une garantie de récupération en cas d’incident technique (RAID, UPS, sauvegarde), z un coût nul. Probablement, cette solution va exister avec Google Documents, un plug-in dans Firefox permet déjà d’utiliser son compte Gmail comme support de données. Si je rajoute le critère de la confidentialité, Google s’écroule, il me reste à trouver une autre possibilité.
Serveur de fichier sur le réseau ou Network Attached Storage (NAS)
fig. 2 – GMail avec Gspace
L’EPFL possède un système centralisé qui offre un espace de stockage: z complexe, z efficace, z accessible uniquement par le réseau, z coûteux. Du point de vue d’un administrateur système, sans tenir compte du coût, ce NAS est magique, il se comporte comme un disque dur sur le réseau avec des possibilités miraculeuses: z une capacité d’augmentation de l’espace disque sans interruption, z un API conforme à un acteur important du marché, FI spécial été – 26 août 2008 – page 18
Dépassement de capacité z une authentification Kerberos, z une gestion des permissions d’accès évoluée. Comme tout le monde, vous avez deviné que l’API provient de Microsoft avec une authentification Active Directory et une gestion des droits NTFS. Par rapport à sa capacité utile, ce tableau idyllique possède un seul bémol: le prix par téra-octet est élevé.
Le NAS en pratique
À cause du coût, il nous faut gérer l’espace avec précaution. Actuellement, chaque équivalent plein temps de la Faculté STI dispose de 7.1 Go. Les esprits chagrins se moqueront de la faible capacité par usager, ils argumenteront qu’une clé USB de 8 Go dépasse l’espace alloué pour un coût modique. Une clé USB aux amphétamines, cette critique est raisonnée; mais avec le NAS EPFL vous avez en plus la possibilité de: z moduler l’espace mis à disposition, z authentifier l’accès, z assurer la sauvegarde, z dématérialiser le support, z assurer un archivage. À la vue de ces caractéristiques, il paraît évident que le NAS ne peut servir pour: z conserver des données volumineuses, z dupliquer des données sur le NAS, z sauvegarder sa collection complète de fichiers MP3 ou AAC. Au final, il est rationnel de trafig. 3 – Utilisation du NAS pour un institut, 720 Go, 150’511 dossiers et 1’579’928 vailler directement sur le NAS, ce fichiers le 24 juin, 12 h 27 qui permet: z de ne plus sauvegarder l’entier de votre ordinateur, z de ne copier sur le portable que les documents volumineux en cours de travail, limitant les risques en cas de perte ou de vol, z de ne presque pas se soucier de l'endroit où se trouve l’information.
La face cachée du NAS De nombreux artefacts technologiques sont complexes par nature, heureusement masqués à l’usager. Par exemple, un touriste qui prend l’avion ne soupçonne pas l’incroyable hiérarchie humaine nécessaire pour accomplir une activité apparemment routinière. Pour un serveur de fichiers, il existe plusieurs méthodes pour segmenter l’espace mis à disposition: Uniquement des espaces communs, c’est probablement la granulométrie la plus grossière, à la facilité de mise en œuvre répond une série d’inconvénients chroniques: z incapacité de séparer le bon grain de l’ivraie, quelques utilisateurs gourmands (ayant découvert le service en premier) vont utiliser 70 % de l’espace alloué. Une fois occupé, l’entropie va rendre extrêmement difficile de le réduire; z égoïsme, pourquoi se soucier des autres ! z augmentation continue de l’utilisation par l’absence de garde-fous. Dans un cas réel, un usager avait conservé l’entier de son ordinateur, système d’exploitation, applications et fichier temporaires dans un NAS ! Uniquement des espaces privatifs, passant de Charybde en Scylla, on quitte le collectivisme pour retrouver le capitalisme qui représente une solution adéquate à notre désir d’individualité. Pour des raisons pratiques, un dossier de travail est souvent accessible selon un mécanisme complexe. Par Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 19
Dépassement de capacité exemple, mon compte (lkling) dans my.epfl.ch: /l/lk/lkling. Cette logique n’est pas gratuite, elle suit des problèmes techniques comme l’espace maximum sauvegardé en une nuit ou le temps de reconstruction de l’ensemble de la hiérarchie après un crash sévère.
Une hiérarchie humaine
Pour Active Directory, le problème de l’organisation est similaire. En 2000, j’ai tenté d’imaginer un agencement ad hoc différent des structures de l’école. Avec l’aide des usagers, je suis rapidement arrivé à la conclusion que la seule architecture valable est: la hiérarchie administrative du jour. Ce constat est maintenant mis en pratique dans toute l’école pour Active Directory (adieu OU vaches, OU poules ou OU cochon). Par mimétisme, j’ai appliqué le même principe pour le NAS de la Faculté STI. Mon rattachement est: EPFL / STI / STI-SG / STI-IT, avec comme compte: lkling. Dans le NAS, cette hiérarchie devient stisrv.epfl.ch/sti-sg/sti-it/lkling. Dans cette structure, on rajoute un dossier collectif: stisrv.epfl.ch/sti-sg/sti-it/
stiit-commun.
Naturellement, cette logique se retrouve dans les groupes de sécurité dans Active Directory. Si la hiérarchie est stable un jour, il est probable qu’il existe des modifications dès le lendemain. La synchronisation du NAS sur le bottin est identique à celle d’Active Directory décrite dans l’article, SANAS: un disque de 30’000 Go à l’EPFL et une utilisation dans la Faculté STI paru dans le FI5/05, ditwww.epfl.ch/SIC/SA/SPIP/Publications/spip.php?article868.
Un espace limité
Quota EPFL 16'000 14'000
Par principe dans un espace sécurisé, les usagers anonymes n’existent pas. Ainsi, chaque document ou dossier créé dans le NAS possède son créateur. En conséquence, le quota d’un usager correspond à l’ensemble des fichiers qu’il a écrits. S’il Used Quota STI FileSystem STI dépose beaucoup de travaux pour la communauté, il ne sera pas pénalisé, car il est aisé d’augmenter sa limite. De la même manière, l’espace utilisé par une unité est la somme de ses membres.
12'000
Dépassement de capacité,
Go
10'000
lissage de courbe de charge
8'000 6'000 4'000 2'000 0 20.5.05
20.5.06
20.5.07
20.5.08
fig. 4 – évolution de l’utilisation des quotas NAS
En plus de responsabiliser l’interlocuteur, l’utilisation d’un quota individuel permet de réaliser un dépassement de capacité. En effet, l’espace alloué représente le maximum. Au départ, il est certain que cette limite supérieure n’est pas atteinte. En plus, un nombre limité d’usagers a besoin de l’ensemble de son quota (fig. 4). En tenant compte de ces réflexions, la méthodologie actuellement utilisée est la suivante:
Éviter de diviser l’espace disque
En théorie, pour bénéficier au mieux de la diversité du quota utilisé par chacun, il est préférable de ne pas subdiviser l’espace, on pourrait imaginer un système de fichiers (filesystem) unique pour l’ensemble de l’EPFL. En pratique, Il n’est pas raisonnable que la taille d’un filesytem dépasse 1 ou 2 To, car le temps de sauvegarde et de reconstruction devient excessif. Pour la faculté STI, les filesystems d’usagers sont au nombre de 8, un par institut, deux pour les centres, et un pour les services généraux.
Allouer un espace minimum
Toujours en tenant compte que l’utilisation va croître, on pourrait créer un espace nul à sa mise en service. En pratique, cet espace minimum peut être estimé à 1 Go par personne.
Suivre l’évolution de la demande
Avec un serveur classique, la logique veut qu’on crée un filesystem correspondant au volume théorique maximum. Si l’estimation est trop faible, il faut recommencer ce processus par le remplacement du serveur ou son extension. Il est probable que l’espace ne sera jamais complètement FI spécial été – 26 août 2008 – page 20
Dépassement de capacité occupé. Cela est désastreux, car on achète l’ensemble du serveur, pas uniquement la partie utilisée. Avec le NAS EPFL, l’augmentation de la capacité est miraculeuse, l’espace logique est accru par une simple ligne de commande sans interrompre le service et avec une rapidité foudroyante (moins de 5 minutes). En conséquence, le seul travail de l’administrateur consiste à suivre l’évolution de la consommation et à l’augmenter quand cela est nécessaire. Ainsi, le taux d’utilisation de l’espace alloué est élevé.
Allouer un quota virtuel
Quota
800 Go
Utilisation
700 Go 600 Go 500 Go 400 Go 300 Go 200 Go 100 Go
Avec ce mode de gestion, il est aisé d’être proactif 0 Go 20.7.06 20.10.06 20.1.07 20.4.07 20.7.07 20.10.07 sans coût supplémentaire. Voici la comparaison entre espaces alloués, consommés et théoriques fig. 5 – progression d’un institut (fig. 5). Pour s’assurer que seuls les usagers licites utilisent le NAS, le quota par défaut est ridicule, 20 Mo par usager (fig. 6). Cela ne pose pas de problème, car la gestion des quotas est automatisée.
20.1.08
20.4.08
Un archivage de facto
Si l’utilisation d’un espace sécurisé n’est pas la norme, la notion d’archivage est encore plus difficile à faire parvenir aux utilisateurs. Régulièrement, la demande d’accéder aux archives m’est transmise, mais le plus ironique c’est que jamais on ne me contacte pour les créer ! La majorité des usagers suivent un parcours à travers l’EPFL, ils sont souvent étudiants au départ, peuvent devenir assistant - doctorant dans un laboratoire, une fois leur thèse terminée, ils peuvent changer de rattachement. Si l’arrivée dans la structure est simple, le départ est plus complexe, que faire des données présentes ? Pour le NAS-STI, le dossier d’un usager est créé à son arrivée dans l’unité de référence. À son départ, seul son accès au laboratoire est supprimé, mais il reste propriétaire de ses données. Ces modifications d’autorisation se déroulent dans l’espace immatériel d’Active Directory, il n’y a pas de changement physique sur les données. Dans ce cadre, les documents d’un usager sont toujours sa propriété, par contre leurs accès ne sont pas forcément garantis ! En utilisant le NAS pour conserver ses fichiers importants, l’usager crée automatiquement des archives (fig. 7). À son départ, les données sont conservées dans Used 4'000 son laboratoire. En conséquence, et avec son accord, il est facile d’autoriser un tiers à accéder à tout ou 3'500 partie des données. Dans les rapports de l’utilisation du NAS, les 3'000 données archivées ne sont pas décomptées pour 2'500 l’unité.
Responsabiliser l’usager
La visibilité de l’utilisation de l’espace disque est souvent réduite à sa plus simple expression: Sous Windows XP, uniquement la capacité restante est affichée; Sous Mac OS 10, il est aisé d’activer une option qui affiche l’espace des dossiers et de leurs contenus sous une forme hiérarchique (fig. 8). Pour les aficionados de la ligne de commande, dans le monde Unix, Linux et Mac OS:
fig. 6 – quota minimum Archives
2'000 1'500 1'000 500 0 20.7.06
20.10.06
20.1.07
20.4.07
En français, afficher l’utilisation de la hiérarchie courante, puis la trier par ordre décroissant et finalement la présenter écran par écran. Pour obtenir un rapport dans un fichier texte, vous avez deviné: Dans les trois cas, la vision se focalise sur la hiérarchie et pas sur la qualité des données. Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 21
20.7.07
20.10.07
20.1.08
fig. 7 – évolution stockage utile - archive
du -k | sort -nr | more
du -k | sort -nr > utilisation.txt
FileSystem STI
20.4.08
Dépassement de capacité
fig. 8 – Mac OS 10, tri par taille
fig. 9 – WinDirStat
Heureusement, il existe un algorithme qui permet de visualiser l’espace occupé en termes de surface, Tree-map inventé par Brian Johnson et Ben Shneiderman en 1991 [1]. Cette vision géométrique est naturellement plus explicite qu’un nombre ou un arbre hiérarchique. Parmi les nombreux outils qui utilisent cette représentation j’ai sélectionné WinDirStat (windirstat.info/) sous Windows. Après avoir désactiver la pseudo présentation tridimensionnelle, nous avons: z une présentation triple du contenu: w hiérarchique, w par type de fichier, w graphique; z la liste par type de fichier, ce qui permet de vérifier le type d’utilisation du NAS et d’éviter que les vidéos représentent la majorité de l’utilisation; z la capacité de sélectionner un espace utilisé et de découvrir sa position dans la hiérarchie est particulièrement utile; z un logiciel basé sur KDirStat sous Linux; z un logiciel OpenSource ! Par exemple, dans le même espace disque d’une faculté, l’œil repère facilement un rectangle étendu, en cliquant dessus, on obtient sa position dans la hiérarchie accompagnée par son type (fig. 9). Dans ce cas, c’est un fichier généré par le logiciel intégré de sauvegarde de Windows d’une taille de 8 Go ! En sauvegardant l’entier de son volume de travail, l’usager se prive de la possibilité de naviguer dans les différentes versions de ses documents (snapshot) et charge inutilement l’espace qui conserve ces différentes versions. Sur le Macintosh, il existe Disk Inventory X (fig. 10) – www.derlien. com/, qui offre le même principe de fonctionnement que WinDirStat, il est également gratuit et OpenSource. Ces outils de visualisation de l’espace occupé sont également utiles pour n’importe quel support, de la clé USB au disque dur interne en évitant des données à double ou volumineuses. Volontairement, j’ai passé sous silence les produits commerciaux qui offrent peu de fonctionnalités supplémentaires.
fig. 10 – Disk Inventory X sur dossier NAS FI spécial été – 26 août 2008 – page 22
Dépassement de capacité
Changement de technologie, changement de pratique En conclusion, il est essentiel de garder à l’esprit les concepts sur lesquels nous construisons nos méthodes de travail. À l’arrivée du NAS, sans réfléchir j’ai reproduit le comportement habituel: Allouer l’ensemble de l’espace disponible comme système de fichiers. Après réflexion, il m’est apparu que cette méthodologie était erronée, car elle ne tenait pas compte d’un élément essentiel: la capacité d’augmenter à chaud l’espace utilisé sans interrompre le service. Dans une logique de développement durable, il est primordial de remettre notre ouvrage sur le métier, car la vitesse de l’évolution s’accompagne des mêmes modifications dans nos processus. Il est certain que l’énergie utilisée par notre société basée autour de l’information est faramineuse. Pour le futur, les pays émergents vont probablement poursuivre le même chemin que les pays les plus développés et engendrer une progression exponentielle des besoins énergétiques. British Petroleum a récemment publié une étude sur l’état du marché du pétrole en 2007, www.bp.com/genericarticle.do?categoryId=2012968&contentId=7045418. On relève 2 éléments inquiétants: z la consommation mondiale de pétrole a augmenté de 1,1 % en 2007, soit 1 million de barils par jour en plus (bpj); z la production mondiale de pétrole a baissé de 0,2 %, ou 126000 barils par jour, la première baisse depuis 2002.
tonnes/personne en 2007
0.0 0.75 1.5 2.25 >3.0
– – – –
0.75 1.5 2.25 3.0
fig. 11 – La consommation de pétrole par personne en 2007
Cette information peut engendrer deux réactions: z pour répondre aux besoins, construisons de nouvelles raffineries ! z pour limiter nos besoins, changeons nos comportements ! Peut-être faudra-t-il se poser la question de la pertinence de nos modes de travail accompagnée de leurs quêtes frénétiques de l’amélioration des capacités ? [1] Tree-Maps: a space-filling approach to the visualization of hierarchical information structures. Brian Johnson, Ben Shneiderman – Proceedings of the 2nd conference on Visualization’91, 1991 n
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Il fit un pas,
referma machinalement la porte derrière lui, et resta debout, considérant ce qu’il voyait. C’était une assez vaste enceinte à peine éclairée, tantôt pleine de rumeur, tantôt pleine de silence, envelopPhilippe.Lamon@epfl.ch, EPFL – Service Académique pée d’une fumée épaisse qui exhalait une odeur âcre. Les gaz toxiques songea Yves, tout en couvrant hâtivement son nez d’un mouchoir. Il ne connaissait que trop la nature des émanations qui agressaient son odorat et tiraient des larmes de ses yeux. Le paysage de désolation qu’il scrutait ne différait pas de celui de la ville de Guiyu, découvert avec effroi quelques années auparavant, lors d’un reportage en Chine. Les mêmes montagnes de déchets électroniques amoncelés, les mêmes cadavres d’ordinateurs dépecés jonchaient un sol de terre battue poudreuse. Quelques foyers finissaient de consumer de la ferraille dans le jour déclinant. La trentaine bien entamée, Yves travaillait comme journaliste indépendant. Il vendait ses articles à quelques périodiques caractérisés par une honnêteté intellectuelle sans faille dans leur couverture de l’actualité. Militant de la première heure, il sillonnait le monde, l’humanisme en bandoulière, pour sensibiliser l’opinion publique sur le délabrement de la planète en incriminant l’inconséquence des gouvernements occidentaux. Son opiniâtreté lui avait valu de solides inimitiés de la part de nombres de dirigeants qui le percevaient comme un fabulateur quérulent. Il bénéficiait toutefois d’une solide légitimité dans sa profession pour l’intransigeance de ses papiers et recevait l’appui de multiples organisations non gouvernementales avec lesquelles il collaborait de manière régulière. Mal rasé, les sens en éveil, il avait débarqué la veille au Nigéria pour enquêter sur la problématique peu glamour des villes africaines croulant sous les appareils usagés des pays occidentaux. Progressant prudemment dans le fatras électronique, Yves tentait de réprimer la colère qui sourdait en lui depuis son arrivée à Lagos quand s’éleva une voix faible: Pssssst… ! Perdu dans ses pensées, Yves tressaillit en voyant surgir furtivement, entre deux dunes de claviers, une petite ombre. Bien que celle-ci ne fût qu’à quelques pas, il eut toutes les peines à discerner distinctement la silhouette se découpant faiblement dans l’obscurité croissante des lieux. I’m Adebayo and you… ? La mine chafouine, un garçonnet d’une dizaine d’années l’observait attentivement, ravi de l’effet théâtral produit par son apparition. Il portait un T-Shirt défraîchi, trop ample pour sa frêle constitution, et des sandales usées. Nullement craintif, l’enfant s’approcha du reporter un brin déconcerté par tant d’aplomb. Sans autre préambule, Adebayo le prit par la main et l’emmena à travers un dédale de fouillis technologique. Ils croisèrent quelques pauvres hères à l’aspect spectral occupés à manipuler des objets incandescents et à disséquer des entrailles oncours de d’acier. Yves savait que ces derniers, au péril de la santé, s’évertuaient à profaner le cimetière numérique en quête de dérisoires bouts de métal qui leur rapporteraient quelques pièces la meilleure de monnaie. Le journaliste avait d’ailleurs dénoncé dans plusieurs articles les conséquences nouvelle écologiques désastreuses de la destruction de ces déchets pour les populations locales, ainsi que les dramatiques incidences en termes de santé publique. Ces derniers articles n’avaient Voici la nouvelle lauréate de cesse de stigmatiser l’hypocrisie de certains gouvernements occidentaux qui, sous couvert 2008: philanthropique, se débarrassaient de leurs déchets électroniques en les acheminant massiveFange numérique de ment dans les pays pauvres dépourvus d’installations de recyclage. Il fustigeait particulièrement Philippe Lamon. la politique des États-Unis, plus gros producteur de ce type de déchets et seul pays occidental à n’avoir pas ratifié la Convention de Bâle, l’unique traité international visant à juguler le Vous retrouvez les autres transfert de déchets toxiques des pays développés vers les pays en voie de développement. nouvelles retenues par A mille lieues des préoccupations du reporter, Adebayo présenta à son nouvel ami sa le jury à l’adresse: ditanière, anfractuosité creusée dans un amas numérique à l’extrémité de la décharge et éclairée twww.epfl.ch/SIC/SA/ par un pâle falot. Une affiche maladroitement accrochée représentait un footballeur à la SPIP/Publications/spip. chevelure rouge coiffée de manière extravagante qui semblait garder fièrement les lieux. He’s php?rubrique240: the best ! He’s a hero ! s’enthousiasma Adebayo en frappant bruyamment des mains. L’œil pétillant, il expliqua avec une verve sans pareille qu’il s’agissait de son idole Taribo La réponse à tout de West, footballeur ayant réussi dans les plus grands clubs européens. Adebayo montra ensuite Mathieu Ackermann les quelques trophées glanés dans la décharge. Son précieux butin se déclinait en plaquettes Entrepôt de Ken Larpin de disque dur dorées, souris informatiques colorées et touches de clavier éparses qu’il tînt à Bravo à tous ! offrir au journaliste. Entre autres curiosités, Yves aperçut un ordinateur portable recouvert de petits dessins aux couleurs vives élaborés avec soin et renvoyant à un univers enfantin.
Fange numérique
C
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Fange numérique
Quelques milliers de kilomètres plus au Nord, dans une ville de l’Oregon, le petit Jason s’affairait autour de son nouvel ordinateur. Chaque année, lorsque ses parents se décidaient à changer d’appareil en raison de son obsolescence avancée, Jason s’adonnait au même rituel incongru. Il sortait ses feutres et crayons de couleur pour décorer avec application l’ordinateur qu’il trouvait trop terne. Ses parents avaient bien tenté mollement de l’en dissuader, mais avaient fini par céder pour ne pas étouffer les velléités artistiques de leur fils. Satisfait de son œuvre, le garçon se coucha sur son lit et alluma la télévision.n Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 25
Le concours de nouvelles a été sponsorisé par RUMBA, le programme de gestion environnementale de l’EPFL, rumba.epfl.ch
New technology – Anna-Lisa Barone
Cet appareil bariolé tranchait singulièrement avec la froideur gris métallique des autres machines. L’ordinateur devait revêtir de l’importance pour l’enfant, puisqu’il trônait au centre d’un petit autel qui paraissant avoir été érigé dans le but de conférer une aura mystique au repaire du jeune Nigérian. It’s magic ! susurra Adebayo d’un air mystérieux. Le garçon raconta qu’il l’avait trouvé intact dans un brasier au milieu des décombres calcinés d’autres machines. Adebayo interprétait ce fait insolite par une intervention surnaturelle. La machine avait été fabriquée par un sorcier qui en avait fait cadeau à l’un de ses fils. Lassé rapidement par l’inanité d’un tel tas de ferraille, ce dernier avait voulu s’en débarrasser à la décharge, mais l’appareil, protégé des flammes par un sort lancé par son créateur, ne pouvait être détruit comme les autres machines. En outre, il prétendait avec candeur que l’ordinateur était capable d’exaucer des vœux. Il suffisait de songer très fort à l’objet de son désir, d’appuyer sur la touche enter puis de patienter quelques jours pour que le souhait se réalise. Il assura avec force gesticulations qu’il avait déjà éprouvé maintes fois l’efficacité de l’engin: le dernier prodige en date était la guérison de sa tante qui souffrait d’une maladie pourtant incurable. Par ailleurs, la machine était inopérante sur les adultes car ceux-ci ne présentaient pas un cœur assez pur. Seuls les vœux formulés par des enfants s’accomplissaient. Au comble de l’excitation dans son récit et secoué de spasmes, Adebayo affirma que les miracles de la magic machine ne tarderaient pas à être évoqués dans tout le pays. Pour l’heure, il se contentait d’une renommée locale puisque les enfants des quartiers avoisinants se pressaient quotidiennement dans son antre pour bénéficier des services de l’auguste machine. Le garçon interrompit sa narration pour reprendre son souffle. Yves l’observa avec tendresse. Que le merveilleux s’immisçât dans un dépotoir aux vapeurs nocives ne le troublait étonnamment pas. Au fond, Antoine de Saint-Exupéry avait bien rencontré son Petit Prince en plein désert du Sahara. C’était bien l’ingénuité et la folle énergie communicative se dégageant de Adebayo qui le subjuguaient. Il n’avait aucune peine à croire qu’un gosse doté d’une telle faconde puisse électriser ses camarades avec son histoire. Yves tenait assurément en son jeune compagnon le personnage central de son reportage en Afrique sur la fracture numérique. Le titre s’imposa dans son esprit de manière limpide: Adebayo, le petit magicien de la décharge. Il y relaterait l’historiette du gamin en ironisant sur le fait que l’apparition mensuelle de tonnes de matériel électronique obsolète dans la mégalopole nigériane ne relevait, elle, pas de la magie. Inconsciemment, le regard du journaliste glissa sur l’ordinateur thaumaturge. – Make a wish ! lui enjoignit soudain Adebayo en le gratifiant d’un large sourire. – What ? But you have just said… balbutia Yves Reprenant de plus belle son flot de paroles, Adebayo laissa entendre que le charme pouvait opérer sur les adultes ayant conservé une âme d’enfant. Adebayo était persuadé qu’Yves émargeait à cette catégorie. Porté par les bruyantes exhortations de son jeune ami, Yves se résigna à soumettre ses pensées au pouvoir de l’engin déglingué. En utopiste impénitent, il imagina un futur doré pour le gosse, dépourvu des abjections qui jalonnaient sans doute plus que de raison son quotidien. Puis, de manière fidèle au cérémonial édicté, il ferma les yeux, feignit une profonde concentration et pressa la touche idoine sous les incantations de l’apprenti sorcier. Le gosse s’empressa ensuite de le questionner sur la nature de son souhait mais Yves éluda habilement en dirigeant la conversation sur les exploits du footballeur aux cheveux fantaisistes, sujet sur lequel il savait le gosse intarissable. Soudain, un glapissement puissant émis par une voix féminine déchira la vénéneuse tranquillité des lieux. Adebayo stoppa net ses élucubrations, se leva à la hâte et annonça avec un dépit perceptible: – I have to go home now ! – Take care of you, Petit Prince ! murmura Yves en lui offrant en guise de présent le mouchoir de tissu qu’il utilisait pour se protéger de la fumée nauséabonde. – Yip yip yip ! remercia le garçonnet en émettant de petits cris aigus. L’homme sortit du refuge sur les pas du jeune Africain et eut juste le temps de lui frotter affectueusement ses cheveux crépus avant que ce dernier ne s’évanouît avec un rire cristallin dans la nuit opaque de Lagos.
Si,
Mark.Haltmeier@ecodev.ch, Ecodev Sàrl
Le développement informatique au service du développement durable
dans le monde informatique, on utilise couramment le terme de développement, c’est en général pour parler de programmation… Ce, indépendamment du type de langage utilisé, du choix des outils (propriétaires ou non) et de la finalité du système élaboré. Et si ce développement se mettait au service du développement durable? Quelles formes pourrait-il prendre? C’est une des questions qui se sont posées à nous au moment de la création de notre société Ecodev (www.ecodev.ch). Avant de présenter trois projets emblématiques, précisons que le développement durable, au-delà d’un concept devenu à la mode, constitue pour les collaborateurs d’Ecodev une façon d’être et de fonctionner qui imprègne jusqu’aux petits gestes du quotidien. Cumulés, ces actes, à la portée de tout un chacun, peuvent faire la différence entre un développement durable et un qui ne l’est pas. Pour en savoir plus: www.ecodev.ch/dd.
Le choix des outils informatiques Contrairement à ce que l’on serait tenté de penser, le choix de l’outil n’est pas anodin, que ce soit au niveau matériel ou logiciel.
Le matériel: pas aussi inerte que ça!
Comme l’a bien montré la campagne High Tech - No Rights? (www.fair-computer.ch/cms/ index.php?id=137&L=2), les ordinateurs que nous utilisons ont des impacts non seulement environnementaux, mais aussi humains et éthiques, depuis leur assemblage jusqu’à leur élimination. S’engager pour que des changements s’opèrent dans ce secteur est une nécessité. Sur le plan énergétique, afin de réduire notre consommation, nous avons opté, chez Ecodev, pour un serveur de développement particulièrement économe (20W) et partageons photocopieuse, scanner et système de sauvegarde avec trois raisons sociales qui occupent les mêmes locaux que nous. D’autre part, pour couvrir les besoins en électricité de nos postes de travail par des énergies renouvelables, nous avons fait l’achat de vignettes solaires (www.vignettesolaire.ch).
Le logiciel: quelle logic?
Nous privilégions les solutions Open Source, répandues et basées sur des standards, pour des raisons à la fois éthiques, techniques et économiques. Sur le plan éthique, nous les choisissons parce que nous croyons qu’un accès libre et un partage du savoir est à la base du développement et du progrès. Pour étayer la réflexion à ce propos, nous recommandons le site www.livretdulibre.org. Au niveau technique, la disponibilité du code source permet de le corriger, améliorant ainsi la fiabilité et la sécurité des solutions, souvent avec une plus grande réactivité que les éditeurs de logiciels propriétaires. Nous voulons par ailleurs éviter à nos clients d’être captifs de systèmes propriétaires et leur laisser le loisir de changer de prestataires de services en toute liberté. Notre objectif consiste également à développer des solutions multi-plateformes afin de donner à l’utilisateur la possibilité de déployer son produit sur le système d’exploitation (OS) de son choix. Sur le plan économique, l’utilisation de produits Open Source permet de limiter les frais de licence et d’investir une partie de l’argent économisé dans des développements pour améliorer ces logiciels libres. Ces investissements renforcent le tissu économique de la région en donnant du travail à des sociétés de services locales. Le savoir-faire que ces dernières acquièrent est une richesse qui peut bénéficier à de nombreux autres acteurs économiques proches. On favorise ainsi une répartition plus équitable des richesses. À ces critères économiques, éthiques et techniques s’ajoute une composante humaine, à savoir que dans ce modèle communautaire de développement, la FI spécial été – 26 août 2008 – page 26
Le développement informatique au service du développement durable relation entre l’utilisateur et le développeur ne s’apparente pas à une relation de client à fournisseur, mais de personne à personne, privilégiant l’entraide. Nous l’expérimentons avec bonheur quotidiennement.
Le choix du mode de travail Télétravail et flexibilité des horaires, permettant à chaque collaborateur de notre société d’adapter son rythme à ses contraintes (vie de famille, rythme biologique, etc.), sont deux mesures internes relevant de que l’on peut qualifier de solidarité sociale. Au niveau externe, nous développons gratuitement, ou à des tarifs préférentiels, des solutions pour des ONG et associations à buts non lucratifs et aux ressources limitées, et sensibilisons nos clients à l’utilisation, entre autres, de papier FSC (www.fsc.org) pour la publication de leurs bulletins/flyers, etc.
Le choix des produits développés L’accent que nous mettons sur le développement de solutions favorisant la promotion d’un développement durable résulte de la conviction que seule une économie écologiquement et socialement responsable est viable, et du désir de léguer aux générations futures une planète aussi préservée que possible. A titre d’exemples, voici trois produits que nous avons élaborés dans ce souci. 1 Développement durable et habitat (www. quartierecoparc.ch). Ce site, créé en 2004, est une sorte de guide pratique qui fournit aux habitants du quartier Ecoparc (Neuchâtel) diverses ressources pour gérer de façon optimale leur environnement dans une perspective de développement durable. 2 Développement durable au sein des entreprises (www.ecoentreprise.ch). Ce projet, débuté en 2004, consiste en la création d’une application Web sécurisée multilingue permettant aux entreprises de s’autoévaluer à l’aide de check-lists dans les domaines de l’environnement, de la santé, du social, etc. Ce système offre en outre un ensemble d’outils et de ressources qui aident les utilisateurs à améliorer leur fonctionnement interne, notamment en vue d’une certification. 3 Développement durable et mobilité (www.rue-avenir.ch). Le mandat a consisté en la création d’un CMS (système de gestion de contenu) permettant au groupe-conseil Rue de l’Avenir de se présenter et de fournir un ensemble d’informations et de ressources relatives à la mobilité douce, à la sécurité des déplacements et à l’urbanisme de sécurité.
Bilan des choix opérés Un développement qui se veut durable n’est concevable que comme un tout; il relève d’une démarche englobant le passé, le présent et l’avenir, l’ici et le là-bas dans un souci de respect d’autrui et de soi-même. Ce chemin de «pratique de la théorie du développement durable pour que la théorie soit pratique» est, pour le moment, fructueux. Il nous construit et fait écho aux paroles de Gandhi: «Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde».n
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Dans notre laboratoire Paul.Xirouchakis@epfl.ch, EPFL–IGM – Laboratoire des outils informatiques pour la conception et la production
L’informatique au service du développement de produits et d’une production durables
LICP (Laboratoire des outils Informatiques pour la Conception et la Production - Institut de Génie mécanique) nos recherches portent sur le développement de nouvelles méthodes et outils logiciels pour la mise au point de produits et de méthodes de fabrication durables. Nous nous consacrons particulièrement à l’optimisation de ces défis de société: z développement de produits durable, z systèmes de production durables, z optimisation de systèmes de récupération de produits usagés.
Développement de produits
Dans ce cadre, nous développons des méthodes et outils pour aider à la conception de produits tout au long de leur cycle de vie (ECDM: Environmentally Conscious Design and Manufacturing). La démarche ECDM permet d’appréhender de façon globale le cycle de vie des produits, en prenant en compte les aspects technologiques de la conception, de la fabrication, de l’utilisation et de la fin de vie des produits. L’approche ECDM prend de plus en plus d’importance chez les concepteurs et les fabricants, car elle leur permet de minimiser les déchets et d’augmenter notablement la durée de vie d’utilisation des objets manufacturés. Cette tendance pousse les développeurs à concevoir de meilleurs produits du point de vue de leur cycle de vie considéré dans son entier, approche qui rappelle l’analyse appelée du berceau au tombeau.
Systèmes de production durables Dans ce cadre, nous développons des méthodes et outils pour aider un usage durable des ressources et équipements de fabrication. Nous sommes particulièrement intéressés à aider au développement d’un nouveau paradigme de fabrication durable, des systèmes de fabrication à presque zéro déchet, avec ces objectifs (tout au long du cycle de vie du produit): z réduire la consommation d’énergie, les déchets et la pollution, z réduire au maximum les périodes d’inutilisation, z optimiser les stratégies de fabrication pour de nouveaux procédés, matériaux et architectures.
Optimisation des systèmes de récupération de produits usagés
Le but de ce champ d’activité est de développer des méthodes et outils pour optimiser la planification et la prévision des systèmes de recyclage. Les industries sont obligées de collecter et de transformer les produits à la fin de leur vie, tout d’abord en recyclant le produit hors d’usage. Parmi les composants issus de ce recyclage, certains, recupérables, sont nettoyés, remis en état, gardés en stock et ensuite réassemblés pour faire un nouveau produit. Ces procédés de remise en état des produits sont appelés procédés de réutilisaation. De nouvelles méthodes de planification et prévision sont nécessaires, à cause de: z l’incertitude concernant la période et la quantité des produits usagés, z l’incertitude sur la qualité des produits usagés liée à l’utilisation qui en a été faite, z des temps de mise en route et de traitement stochastiques pour les opérations de réutilisation.
FI spécial été – 26 août 2008 – page 28
L’informatique au service du développement de produits et d’une production durables
Green Machines Tools Dans le projet de recherche NEXT en cours, EU FP6, Next Generation Machine Tool Sytems, nous travaillons sur la phase d’utilisation d’un système machine-outil (MTS: Machine-Tool System) en tenant compte des considérations environnementales. Les technologies de fabrication ont évolué afin d’augmenter la productivité et la qualité tout en maintenant des coûts bas. Récemment, la sensibilité accrue aux problèmes environnementaux et de santé a fait que les fabricants et les chercheurs ont joué un rôle proactif en éliminant ou réduisant radicalement l’impact environnemental des MTS tout au long de leur cycle de vie: conception, fabrication, utilisation et fin de vie. Pendant sa phase d’utilisation une machine-outil fabrique d’autres produits. La phase d’utilisation de la machine-outil correspond donc à une phase de fabrication pour un produit. Tout matériau ou excès d’énergie généré en plus du produit final est considéré comme un déchet. La forme et l’état des flux de déchets générés, leurs mécanismes de transport et l’impact de chaque type de déchet dépendent pour une grande part des capacités de la machine-outil à réaliser les opérations de fabrication. En réponse à la forte demande de réduire ou d’éliminer les conséquences néfastes sur l’environnement, des techniques innovantes sont arrivées ces dernières années et l’implémentation de ces techniques a entraîné des changements dans les capacités des systèmes de fabrication. Notre travail se focalise sur la phase d’utilisation des machines-outils pendant qu’elles fabriquent d’autres produits. Ce qui revient à dire que la phase d’utilisation du MTS est liée à la phase de fabrication du produit. Aujourd’hui, les préoccupations sur le développement durable font qu’on ne peut plus prendre de décision sur les systèmes de fabrication sans considérer les impacts environnementaux. Ce travail se focalise sur les conséquences comme la réduction/élimination des substances dangereuses (par ex. le liquide de coupe), la diminution de consommation de ressources (par ex. énergétiques), le développement de processus innovants moins polluants et les changements faits dans les MTS liés à leurs implémentations.n
REVERSE MANUFACTURING: used products restored to new condition User requirement Quality
Minor Quality Upgrade Major Quality Upgrade Reuse Reutilization Material recycling Low-grade recycling Disposal Predictive take-back
Process chain
End of Life
Manufacturing Reverse manufacturing
Materials
Products
Materials
Products
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Use
Disposal
Concilier informatique et écologie ? Raphaël Rousseau, raph@r4f.org & Théo Bondolfi, move@cooperation.net
À l’heure du développement durable, comment un responsable informatique choisit-il les solutions pour ses utilisateurs ? Cette question est la même dans tous les cas de figure, du particulier à la multinationale; la différence est que le particulier ou l’association de quartier n’a souvent pas les mêmes compétences, la même disponibilité ni le même budget pour y répondre ! Dans chaque évolution du parc informatique, intervient la notion de migration. On passe d’un logiciel à l’autre, ne serait-ce que d’une version à l’autre d’un même logiciel. L’investissement lors de ce changement se composera de l’éventuel coût d’achat du nouveau logiciel (ou de la nouvelle version), mais aussi (et surtout) du temps passé à: z l’installer, z récupérer les anciennes données, z se familiariser à cette nouvelle application. Ensuite viendront les coûts d’exploitation (sauvegarde, pannes, hotline...), le tout formant le coût total de possession (en anglais TCO: Total Cost of Ownership) d’un parc informatique. Quels sont les coûts environnementaux réels liés à l’usage d’un ordinateur ? Outre les coûts directs de fabrication du matériel et de l’élaboration des logiciels, il y a de nombreux coûts indirects, par exemple: la perte de temps à cause d’un usage inapproprié des logiciels; les préjudices liés à la perte de données stockées sur un ordinateur qui tombe en panne ou est victime de virus; l’idée qu’il est nécessaire d’avoir son propre ordinateur pour avoir ses programmes et configurations personnels. Cela amène bien des entreprises et foyers à être suréquipés par rapport à leurs besoins réels d’informatisation; la durée de vie d’un matériel est souvent raccourcie si on se cantonne aux logiciels d’éditeurs qui poussent au renouvellement du parc de machines à un rythme accéléré.
Concilier informatique et écologie
z z z
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L’imposture informatique Depuis 1998, des journalistes et experts de la société de l’information ont publié diverses études (articles, livres, rapports) mettant en évidence la surenchère (des performances et des coûts) établie et entretenue par les fournisseurs de matériel et de logiciels informatiques. Ils démontrent que les méthodes commerciales des fournisseurs font stagner le coût d’entrée dans la Le saviez-vous ? société de l’information, sans fournir les fonctionnalités simples qui sont véritablement demandées par la grande majorité des utilisateurs de l’informatique. Libre n’est pas Citons notamment: gratuit z le rapport de l’Institut CEAT - EPFL (dans le cadre du PNR 51) – http://www.nfp51. ch/files/Rapport%20final%202005.pdf; Même si la plupart des logiciels z le livre: L’imposture informatique, Vive l’ordinateur simple et bon marché (1998, libres sont diffusés gratuitement, Closets & Lussato). c’est la liberté qui est au cœur des logiciels libres: liberté d’utiliser, Critères pour une informatique plus écologique d’étudier, de modifier et de redistriVoici les critères sur lesquels évaluer une solution informatique globale afin de répondre buer les logiciels couverts par une aux contraintes des divers types d’utilisateurs: licence logicielle libre. Économique Le modèle économique ne z bon marché et facile à remplacer, coût de maintenance réduit; passe donc pas par la vente de z favorisant les logiciels libres et gratuits (bureautique, Internet, MP3, films …); licences, mais repose sur d’autres z performante et offrant une mobilité complète sans surcoût. leviers, liés à l’expertise du groupe Écologique (formel ou informel) développant z réduisant globalement la consommation d’énergie (à la fabrication et à l’usage); et diffusant le logiciel: formation, z durant plus longtemps, car plus robuste (6 à 8 ans au lieu des 3 à 5 ans standard); hotline, développement sur mesure, z permettant le recyclage des technologies (logiciels libres, poste client de seconde conseil … main …).
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Concilier informatique et écologie Éthique z lancée et suivie par des organisations d’intérêt public, œuvrant pour le bien commun; z facilitant le partage de l’information et la réduction des fossés numériques; z ne contenant aucun moyen de rendre les clients captifs d’un produit. Sécurisée z permet de garder vos documents confidentiels; z dotée d’antivirus performants et d’un système efficace contre le spam; z ne laissant aucune trace informatique sur les stations utilisées. Passe-partout z l’outil doit pouvoir tenir dans la poche (clé USB, disque dur ou téléphone GSM); z s’utilisant sur toute station PC avec Windows (soit 90% des ordinateurs aujourd’hui); z s’adressant à tous les internautes de 7 à 77 ans, avec toutes les fonctions standard.
Des solutions cohérentes existent Nous présentons ici le produit EcoPC, mais d’autres solutions ayant des spécifications proches existent, notamment la Framakey (française) et PortableApps (américaine). La partie émergée de l’EcoPC est matérielle: elle se présente sous la forme d’une clé USB (EcoSatPC) renfermant tout ce qui est important vis-à-vis de son propriétaire: données, configurations et logiciels. La partie immergée comprend des services personnalisés de formation et une présence sur le Web (portfolio électronique/blog/site Web personnel). Lorsqu’on branche l’EcoSatPC sur un poste de travail, une icône vient s’ajouter à la barre des tâches. Il s’agit du menu Démarrer de l’EcoSatPC, qui donne accès aux logiciels et données présents sur la clé. On peut donc travailler sur ses documents avec les logiciels auxquels l’utilisateur est familiarisé. Finie l’époque où l’on devait s’assurer que l’ordinateur qu’on nous prête est bien équipé des bons logiciels et des bonnes versions avant de pouvoir travailler sur un document existant ! La solution se base sur des logiciels libres, aujourd’hui sous Windows uniquement, mais des versions multi-plateformes sont en prévision. Les programmes ont habituellement besoin d’être installés explicitement sur un poste; ceux qu’utilise l’EcoPC sont dits portables, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas (ou plus) liés à un ordinateur donné. On peut donc les placer sur n’importe quel support, notamment une clé ou un disque USB dans notre cas, afin de pouvoir les utiliser directement. Ainsi on peut être mobile tout en gardant sur soi son carnet d’adresses, ses courriels, ses fichiers de traitement de texte, ses documents multimédias, ses préférences, ses signets... Le centre de la solution informatique n’est plus l’ordinateur, mais l’utilisateur et ses données.
Le saviez-vous ? Les logiciels portables se répandent
La Framakey, un produit similaire à l’EcoSatPC, a été distribuée à plus de 200’000 exemplaires en France en 2007: www.01net.com/ editorial/360958/l-ile-de-francedistribue-213-000-cles-usb-auxetudiants-et-professeurs/. Le Conseil régional d’Île-deFrance a équipé les élèves de la région de clés USB faisant tourner des applications portables, dont la suite bureautique OpenOffice. org, le navigateur Firefox, la messagerie Thunderbird, un lecteur audio et vidéo, un lecteur de documents PDF et des applications spécifiques.
Défis sociaux Même s’il paraît évident qu’une solution portable est bien plus écologique, il reste des défis à relever pour l’implantation de solutions portables dans les écoles, les administrations, les entreprises, les foyers ? z la compréhension que ce qui compte, ce n’est pas Mac ou PC, c’est matériel et logiciels libres ou propriétaires; z la volonté des responsables informatiques (public, privé) de mettre moins d’argent dans le matériel, et plus dans la formation à l’usage d’applications libres; z le fait d’investir plus dans la formation des formateurs, et ceci en toute indépendance face aux éditeurs de logiciels (plutôt que de valoriser leurs compétences sur Word, Excel,...).
Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 31
Quels que soient le fabricant et les produits choisis, une solution pérenne passe par une telle architecture
Concilier informatique et écologie
Véronique, 25 ans, part en mission en Europe de l’Est puis en Iran. Partout, elle utilise l’EcoPC, partout ça marche; et pourtant dans bien des contextes, l’usage d’un ordinateur portable n’est pas envisageable (encombrement, fragilité). De retour chez elle en Suisse, bien connectée et équipée, elle continue à l’utiliser et le recommande à d’autres. Le projet EcoPC a remporté deux prix en 2007: z le concours Chevalier de la communication (Comknight); z le prix Entreprendre Région Lausanne (PERL).
Réduire concrètement le gaspillage Comme sur la route où les règles de conduite ont réduit les accidents, les frais et les pollutions, ce qui compte pour l’aisance numérique, c’est surtout de: z comprendre qu’Internet et l’informatique ne sont ni réservés aux informaticiens, ni une source de complication, mais simplement un changement fondamental à adopter dans notre manière d’échanger avec les autres et dans la gestion de l’information; z coopérer pour éviter de réinventer la roue, en accédant à des plates-formes Web (réseau social, formation à distance) afin de réduire les déplacements physiques, favoriser le télétravail, qui sont autant de mesures qui réduisent l’impact des activités humaines sur les écosystèmes naturels; z favoriser l’adoption des bonnes pratiques (adoption de l’eCulture) sur Internet, afin de ne pas perdre de temps, ne pas se démotiver, ne pas rejeter ce nouveau média, ne pas gaspiller de l’électricité et mettre en péril sa santé à cause d’un usage inapproprié.
La Coalition EcoPC Une coalition EcoPC est en cours de formation. Son rôle est d’établir des normes et labels à l’usage des acteurs du monde des technologies de l’information et des clients/ usagers. Elle englobe des acteurs: z du matériel informatique (pour l’achat des clés USB par chaque revendeur), z du développement logiciel, z du support technique pour les utilisateurs, z de la production/diffusion de contenus et de dépannage informatique (pour les revendeurs du produit). Forte de ses 10 ans de travaux et recherche dans les domaines de la communication électronique et de la direction de projets multiculturels décentralisés, sa veille technologique permanente avec son important réseau d’experts, divers partenariats publics et privés pour des expériences pilotes, la fondation suisse Ynternet.org pour l’eCulture est à l’origine de la coalition EcoPC. Son objectif n’est pas de développer ou vendre un produit, mais d’animer une communauté, dont la finalité est le bien commun autour des solutions de communication par voie électronique. Il s’agit plus d’un rôle de prescription que de développement à proprement parler, car les solutions techniques existent et sont en permanente évolution, mais ce sont ensuite et surtout les comportements (individuels et collectifs) qui incarneront (ou pas) les avancées en termes d’écologie, environnementale ou sociale.
Conclusion
Heavy-tech-2 – Anna-Lisa Barone
Success stories
Une solution informatique 100% écologique n’existe sans doute pas et il faudra certainement toujours faire des compromis tant que nous voudrons bénéficier des atouts de l’électronique. Quoi qu’il en soit, il est possible dès aujourd’hui de s’orienter vers des solutions durablement moins énergivores, plus efficaces et plus respectueuses des utilisateurs. Les solutions portables et mutualisées comme l’EcoPC offrent une alternative pérenne qui tend vers un meilleur équilibre entre des besoins toujours croissants et une planète finie. Pour tout renseignement ou besoin d’accompagnement de responsables informatiques, veuillez contacter les auteurs. n
FI spécial été – 26 août 2008 – page 32
Introduction Les climatologues sont formels [1] la question n’est plus de savoir si la température moyenne va augmenter au cours du XXIe siècle, mais de combien elle va augmenter ? Si la température moyenne continue d’augmenter au rythme actuel les effets seront très sensibles et dévastateurs ! La seule alternative pour ne pas dépasser un degré d’augmentation est de diviser très rapidement par 2 les émissions de CO2. La réduction de la consommation d’énergie est une des possibilités. Depuis trois ans, six articles sur la virtualisation ont été publiés dans le Flash informatique [2] ! Ils décrivent les apports de la virtualisation, les différentes techniques, les implémentations proposées par les différents éditeurs et l’infrastructure mise en place par le DIT. Dans cet article, nous allons étudier l’incidence de la virtualisation sur la consommation d’énergie. Dans la première partie, nous présenterons le contexte technique et les métriques utilisés. Dans la deuxième partie, nous évaluerons les bénéfices théoriques attendus. Dans la troisième partie, nous vérifierons les gains réels obtenus et les possibilités d’améliorations. Enfin, nous conclurons sur l’influence de la virtualisation sur les économies d’énergie.
Fabien.Figueras@epfl.ch, EPFL – Domaine IT
La virtualisation aide-t-elle à la réduction du réchauffement climatique ?
Contexte et métriques Dans un centre de calcul, il y a deux sources principales de consommation d’énergie: l’électricité fournie aux ordinateurs et l’énergie nécessaire pour les refroidir. Les ordinateurs consomment de l’électricité pour alimenter les processeurs, la mémoire, les disques durs, les cartes d’entrées sorties et les alimentations. Cette puissance électrique est fournie par une tension constante (240 V ) et un courant variable selon les besoins des machines. L’énergie consommée est en grande partie dissipée sous forme de chaleur qui doit être extraite de la machine pour éviter la surchauffe des composants électroniques. Les machines aspirent de l’air frais à l’aide de ventilateurs internes; cet air froid en refroidissant les composants électroniques se réchauffe puis est rejeté et doit être à nouveau refroidi. Nous admettrons que pour un watt d’énergie consommé par une machine il faut fournir un watt pour la refroidir. Pour obtenir les données, on peut installer des ordinateurs puis effectuer des mesures, ou alors utiliser un outil en ligne fourni par le constructeur Dell [3]. Nous avons choisi d’utiliser cet outil, car on peut simuler beaucoup de configurations très rapidement. Avant de l’utiliser il faut commencer par définir les unités (Metric), la tension maximum du réseau (240 V), l’altitude (400 mètres) et la température moyenne du centre de calcul (25 °C) comme le montre la figure 1. On choisit le type de serveur (par exemple 2970- 3,5 inch) pour un Dell PowerEdge avec des processeurs AMD et des disques 3,5 pouces. On précise les caractéristiques matérielles (type et nombre de CPU, type et nombre de barrettes mémoire, nombre de disques, nombre de cartes PCI et nombre d’alimentations) et le type de charge de travail, faible (Idle), moyenne (Benchmark) ou maximum (Scientific). Une fois ces paramètres fixés, le simulateur donne les informations suivantes: System Heat/Power (btu/h): c’est la puissance à fournir pour refroidir la machine, elle augmente avec la charge du système [4]. Flow Rate (m3/h): débit d’air frais à fournir à la machine, il est constant quelle que soit la charge du système. Total Weight (kg): poids de la machine avec les options matérielles. Total Current (amps): courant consommé, il augmente avec la charge du système. Declared A-Weighted Sound Power Level (bels): niveau de bruit de la machine.
Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 33
fig. 1
La virtualisation aide-t-elle à la réduction du réchauffement climatique ? C13 Power Cord Quantity (cords): nombre de cordons d’alimentation, 2 pour des alimentations redondantes, 1 sinon. Air température Rise (°C): élévation de la température de l’air dans la machine, augmente avec la charge du système.
Deux remarques
z Si on passe de l’unité btu/h à des W/h on retouve bien la puissance électrique consommée par la machine ! z On considèrera aussi la quantité (Flow Rate) * (Air temperature Rise) qui est proportionnelle à la puissance qu’il faut fournir pour refroidir l’air. Pour les calculs on considèrera la consommation de la ressource de la machine à vide R(Idle), la consommation de la machine à pleine charge R(Maxi) et on calculera la consommation au pourcentage R(p) de charge à l’aide de la relation:
fig. 2
R(p)=R(Idle)+(R(Maxi)-R(Idle))*p
Les prévisions On souhaite virtualiser un serveur Dell Power Edge 2970 avec un processeur bi-cœurs AMD à 2,4 GHz, 2 GB de ram, avec deux cartes fibre qui accèdent à des disques FC 36 Go en Raid 5 plus deux disques locaux en Raid 1 avec deux alimentations redondantes. Faisons l’hypothèse que le serveur utilise en moyenne 10 % de sa puissance CPU. Sur la figure 2 nous voyons les simulations pour ce serveur avec un système pas utilisé (gauche) et à pleine puissance (droite). En 2006 pour héberger les machines virtuelles nous avons choisi des serveurs Dell Power Edge 6950 avec quatre processeurs bi-cœurs AMD à 2,6 Ghz, 32 GB de ram, quatre cartes PCI, deux disques durs. Dans les conditions d’utilisation normale, le serveur ne doit pas dépasser 85% de charge CPU et doit héberger onze machines virtuelles. Sur la figure 3 nous voyons les simulations pour ce serveur avec un système non utilisé (gauche) et à pleine puissance (droite). Comparons maintenant la consommation de onze serveurs PE2970 ayant une charge moyenne de 10% à un serveur PE6950 ayant une charge moyenne de 85%. La consommation électrique diminue de 63 % et les besoins en climatisation baissent de 62% ! (fig. 4).
fig. 3
90% 85% 80% 75% 70% 65% 60% 55% 50%
Economie d'énergie théorique PE6950 Charge 85%
Les gains réels BTU/h
m3/h
A
fig. 4
$T °C
$T * débit
Comme pour une machine physique les responsables informatiques peuvent commander des machines virtuelles [5] avec un ou plusieurs processeurs, de la mémoire et FI spécial été – 26 août 2008 – page 34
La virtualisation aide-t-elle à la réduction du réchauffement climatique ? des disques. Les caractéristiques de chaque machine sont enregistrées et une comptabilité fine permet de garantir à l’utilisateur que les ressources demandées sont toujours disponibles. En effet la surréservation de ressources pour les machines virtuelles ne fait pas bon ménage avec un niveau de performance satisfaisant. En utilisant la liste des ressources réservées et en mesurant les ressources réellement consommées, il est aisé de vérifier quel est le taux moyen d’utilisation des ressources. Lors de la rédaction de l’article (mi-juin 2008) 130 machines virtuelles sont hébergées sur 13 serveurs. Le total des ressources CPU réservé est de 178 GHz, la puissance moyenne CPU utilisée sur un mois est de 16 GHz soit un taux moyen de 9,1%. La principale hypothèse que nous avions faite, un taux moyen d’utilisation de 10% des ressources processeurs, est donc valide. Le faible taux d’utilisation des machines virtuelles engendre un taux moyen d’utilisation des serveurs de 5,9% ce qui est bien inférieur à la valeur de 85% prise pour la simulation a priori. Reprenons la simulation avec cette valeur moyenne, on obtient les résultats de la figure 5. En pratique la consommation électrique diminue de 73 % et les besoins en climatisation baissent de 72% ! Peut-on faire moins ? Il semblerait effectivement que l’on puisse encore économiser de l’énergie. Une nouvelle génération de serveurs spécialement dédiés à la virtualisation vient d’être mise sur le marché par le constructeur Dell: la série R805. Ces machines sont plus compactes, ont 2U1 au lieu de 4U et sont équipées de la dernière génération des processeurs AMD à quatre cœurs. Sur la figure 6, nous voyons les simulations pour ce serveur avec un système pas utilisé (gauche) et à pleine puissance (droite). Le R805 consommant environ 10% de moins d’énergie que le PE6950, on pourra donc diminuer les besoins électriques de 83% et ceux en climatisation de 84% ! (voir la figure 7).
Conclusion En utilisant des machines virtuelles plutôt que des machines physiques, nous avons économisé plus de 70% des besoins en électricité et climatisation avec la première génération de serveur. La prochaine génération augmentera encore les économies d’énergie.
95% 90% 85% 80% 75% 70% 65% 60% 55% 50%
Economies d'énergie réalisées PE6950 Charge 5,9% PE6950 Charge 85%
BTU/h
m3/h
A
$T * débit
fig. 6
95% 90% 85% 80% 75% 70% 65% 60% 55% 50%
Economies d'énergie R805 et PE6950
PE6950 Charge 5,9% R805 Charge 5,9% BTU/h
m3/h
A
fig. 7
1 U est une unité de longueur utilisée pour indiquer la hauteur du matériel dans un rack informatique; l’U mesure 1,75 pouces soit environ 4,445 cm
Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 35
$T °C
fig. 5
$T °C
$T * débit
La virtualisation aide-t-elle à la réduction du réchauffement climatique ? La virtualisation offre une solution performante, fiable, hautement disponible, économique et respectueuse de l’environnement aux administrateurs systèmes qui ont besoin d’obtenir rapidement des machines virtuelles.
Références
Prova – Anna-Lisa Barone
[1] Présentation sur l’évolution climatique du Professeur Reto Knutti (ETH) – www.iac.ethz. ch/people/knuttir/presentations/knutti_climate_change_vmware_e_short.pdf [2] Articles Flash Informatique sur la virtualisation: FI2006 L. Kling, A la carte, ou la virtualisation avec VMware ESX – ditwww.epfl.ch/SIC/SA/SPIP/ Publications/spip.php?article1097 P. Fabbri: Les conteneurs Solaris 10 – ditwww.epfl.ch/SIC/SA/SPIP/Publications/spip. php?article1188 FI 2007 F. Figueras: Virtualisation (1ère Partie) – ditwww.epfl.ch/SIC/SA/SPIP/Publications/article. php3?id_article=1264 F. Figueras: Virtualisation (2ème Partie) – ditwww.epfl.ch/SIC/SA/SPIP/Publications/spip. php?article1298 FI 2008 M. Coulmance: Virtualisation au quotidien, en bref – ditwww.epfl.ch/SIC/SA/SPIP/Publications/spip.php?article1465 J.-C. De Giorgi: Installation de VMware Server – ditwww.epfl.ch/SIC/SA/SPIP/Publications/ spip.php?article1492 [3] Calculateur de Dell – www.dell.com/content/topics/topic.aspx/global/products/pedge/topics/ en/config_calculator?c=us&cs=555&l=en&s=biz [4] BTU = British Thermal Unit, unité utilisée pour décrire la quantité de chaleur pouvant être dégagée par une installation chauffante ou réfrigérante. [5] Site Web de gestion des machines virtuelles à l’EPFL – myvm.epfl.ch [6] Production d’électricité en Suisse – www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/08/02/ blank/key/elektrizitaetserzeugung.html n
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On parle
actuellement beaucoup de développement durable, et en particulier d’éco-
nomie d’énergie. Si l’informatique a fait d’énormes progrès, un PC de bureau Laurent.Fasnacht@epfl.ch, consomme toujours environ 100W (sans écran). Pour économiser, EPFL – GNU Generation, gnugeneration.epfl.ch il est clair que nous pouvons choisir des ordinateurs consommant moins et éteindre les machines lorsqu’elles ne sont pas utilisées. Si ces solutions sont simples théoriquement parlant, il s’avère qu’elles ne satisfont pas toujours les utilisateurs. En effet, beaucoup veulent avoir la machine directement prête lorsqu’ils arrivent, et ne souhaitent pas devoir patienter le temps du démarrage. Une solution plus innovante consiste à mettre en place un système de clients légers. Le concept est simple: les ordinateurs sont remplacés par des petites boîtes, économes en énergie, et reliées par le réseau à un serveur, qui héberge les applications et les données de tous les utilisateurs. Les clients légers ne sont responsables que des interactions avec l’utilisateur, tous les calculs étant effectués sur le serveur. Nous avons monté un tel système pour l’Agépoly (Association Générale des Étudiants de l’EPFL), car il fallait 10 postes de travail supplémentaires pour les commissions et nous estimions qu’il était important de proposer un système innovant. S’il existe plusieurs solutions commerciales (notamment proposée par Sun ou NoMachine), nous avons décidé de mettre en place une solution basée uniquement sur des logiciels non commerciaux et du matériel facilement disponible.
Agepolix ou comment économiser de l’énergie, du temps et de l’effort
Matériel Concernant le serveur, nous avons du matériel tout à fait standard (Dell PowerEdge). De fait, il est particulièrement important d’avoir une machine correctement dimensionnée en mémoire vive, car elle aura beaucoup d’applications à exécuter simultanément. Il est probablement raisonnable de compter au minimum 200Mo de RAM par client léger. Dans notre cas toutefois, nous avons 4Go de RAM sur le serveur, ceci nous laisse une certaine marge. Pour les clients légers, nous avons opté pour des ALIX 3c3, fabriqués par PC Engines 1. Ils présentent l’avantage d’être de véritables ordinateurs tout en ne consommant que 5W. De plus, ils ne coûtent pas cher (environ 150CHF). Les ALIX sont très performants également comme machine indépendante en leur ajoutant une carte Compact Flash comme disque dur.
Logiciel Nous avons choisi d’utiliser LTSP 2 pour les clients légers. L’idée de base du projet consistait à préparer une image de démarrage des clients légers à partir de la distribution installée sur le serveur. LTSP est intégrée dans plusieurs distributions 3 et le choix s’est porté sur Ubuntu car les utilisateurs y sont habitués. L’installation est vraiment facile. Il suffit de choisir à l’écran de démarrage que l’on veut installer un serveur LTSP, et de suivre les instructions (il n’y a presque pas de différence avec une installation standard). Ensuite, il faut configurer le DHCP. Le fichier se trouve dans un emplacement non standard (/etc/ltsp/dhcpd.conf). Sur le réseau de l’EPFL, il est fortement conseillé de spécifier explicitement les machines auxquelles le serveur DHCP répondra, afin d’éviter 1
pcengines.ch/alix3c3.htm www.ltsp.org/ 3 wiki.ltsp.org/twiki/bin/view/Ltsp/Ltsp5Status 2
Pérenne-IT – 26 août 2008 – page 37
un ALIX posé sur le serveur
Agepolix ou comment économiser de l’énergie, du temps et de l’effort de polluer le réseau. Voici un exemple minimaliste de fichier dhcpd.conf, qui ne donne que les paramètres pour la machine yyy dans le subnet xxx: max-lease-time 240; default-lease-time 180; subnet 128.178.xxx.0 netmask 255.255.255.0 { option domain-name "epfl.ch"; option domain-name-servers 128.178.15.7,128.178.15.8; option routers 128.178.xxx.1; # LTSP option root-path "/opt/ltsp/i386"; use-host-decl-names on; if substring( option vendor-class-identifier, 0, 9 ) = "PXEClient" { filename "/ltsp/i386/pxelinux.0"; } else { filename "/ltsp/i386/nbi.img"; } # Liste des hosts host yyy.epfl.ch { hardware ethernet 00:11:22:33:44:55; fixed-address yyy.epfl.ch; } deny unknown-clients; }
Il faudra ensuite construire l’image. En résumé, cela se limite aux commandes suivantes: ltsp-build-client --arch i386 ltsp-update-image --arch i386
D’autres commandes utiles sont ltsp-update-kernels pour mettre à jour le noyau pour les clients légers et ltsp-update-sshkeys pour mettre à jour les clés SSH, indispensable si l’adresse IP du serveur a été modifiée ou si les clés du serveur ont changé. On peut également paramétrer précisément comment doivent se comporter les clients dans le fichier /var/lib/tftpboot/ltsp/i386/lts.conf. Je recommande la configuration suivante: LDM_DIRECTX fait que la connexion n’est pas chiffrée une fois que le login est établi. Cela rend le système un peu vulnérable au sniffing, mais c’est nettement plus rapide et efficace. [default] LDM_DIRECTX=True SCREEN_07=ldm
Voilà… après cela vous devriez avoir un système fonctionnel. Il reste bien sûr plein de petites modifications à faire afin d’améliorer le système, mais l’essentiel est fait.
Utilisation des ressources
N’ayant pas encore fait le déploiement des dix clients légers, il est difficile de savoir la charge exacte que cela représentera au niveau du serveur et du réseau. Nous avons toutefois installé l’un d’eux afin de pouvoir le tester en circonstances réelles. Après un peu plus d’un mois d’utilisation par les membres de la GNU Generation et quelques invités, il s’avère que la charge au niveau serveur est négligeable, presque indétectable. Par contre, le réseau est assez fortement sollicité, environ 20Mbps pour un utilisateur d’Internet, X11 ne faisant FI spécial été – 26 août 2008 – page 38
Agepolix ou comment économiser de l’énergie, du temps et de l’effort pas de compression. La bande passante varie assez fortement selon le type d’utilisation; pour la bureautique et le dessin vectoriel, elle est de l’ordre de 1 à 10Mbps. À l’autre extrême, regarder une vidéo sur YouTube consomme dans les 70Mbps. Il faudra donc veiller à assurer une connexion satisfaisante du serveur.
Avantages et inconvénients L’avantage direct de cette infrastructure par rapport à dix ordinateurs normaux est clairement le coût, non seulement d’acquisition, mais également de gestion. En effet il n’y a qu’une seule machine à gérer, le serveur. On économise également beaucoup en terme d’électricité consommée. D’un point de vue plus pratique, les ALIX, n’ayant aucune pièce mobile, sont totalement silencieux et il semblerait que nos utilisateurs en soient très contents. De plus, LTSP fonctionne bien. Il permet notamment d’accéder à une clé USB branchée sur le client léger et le son fonctionne correctement. Concernant les désavantages et difficultés que nous avons rencontrés… nous avons d’abord eu des problèmes pour le démarrage depuis le réseau à cause d’un serveur DHCP un peu trop généreux qui donnait ses paramètres aux ALIX et empêchait ainsi leur démarrage. Du point de vue utilisation, on notera que les ALIX ne sont pas efficaces pour la 3D, car ils n’ont pas d’accélération graphique. De plus, certaines applications particulièrement lourdes peuvent être lentes, en particulier si la bande passante est limitée. En résumé, ce système convient parfaitement pour la bureautique.
Autres sources intéressantes Le guide d’installation rapide de LTSP sur Ubuntu 4 résume les étapes pour l’installation. Il y a également le Linux Magazine France de février 2008 qui a un article sur le sujet. Jeter un coup d’œil au site officiel de LTSP n’est pas sans intérêt non plus. N’hésitez pas non plus à me contacter pour tous renseignements et conseils sur le sujet ou si vous souhaitez tester le système.n 4
Heavy-tech-2 – Anna-Lisa Barone
https://help.ubuntu.com/community/UbuntuLTSP/LTSPQuickInstall
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En 2005,
Vittoria.Rezzonico@epfl.ch, EPFL–SB – Services généraux Informatique & Laurent.Fasnacht@epfl.ch, EPFL – GNU Generation, gnugeneration.epfl.ch
Le projet
Credit: Ana Cecilia Gonzales-Vigil
One Laptop per Child
fig. 1 – Nilton Quispicóndor, 9 ans, est un des enfants de l’Institución Educativa Apóstol Santiago, Arahuay, Pérou, où environ 50 enfants utilisent un prototype XO depuis l’été dernier.
Nicholas Negroponte et Kofi Annan ont dévoilé le premier prototype d’ordinateur pertinent au projet One Laptop Per Child (OLPC), dont le but était de fournir aux enfants des pays en voie de développement le matériel pour entreprendre un saut technologique qui leur serait utile à sortir leur pays de la pauvreté. Un but noble, à l’aide de moyens relativement simples et abordables, ceux-ci étant un laptop aux spécifications ouvertes doté d’un système d’exploitation lui aussi ouvert et des applications destinées aux enfants.
Historique L’idée de créer un PC pour les enfants des pays en voie de développement a germé vers la fin des années 90. Elle se base sur des théories de l’apprentissage. Un PC peut être vu selon cellesci comme un outil pour construire des modèles du monde nous entourant. La conférence 2B1 (1997) a joué un rôle important dans la création du OLPC – cette conférence avait comme but d’abattre les barrières technologiques entre les pays développés et ceux en voie de développement. On peut retenir une remarque de fond faite lors de la conférence 2B1. Les jeunes ont plus de facilité à apprendre à utiliser les ordinateurs que les adultes, il est donc nécessaire que les jeunes des pays en voie de développement puissent avoir accès aux nouvelles technologies de façon à pouvoir interagir avec le reste du monde et à encourager la croissance économique et sociale. C’est aussi lors de cette conférence que le projet Nation.1 1 est né. Nation.1 aurait été un pays en ligne, peuplé et dirigé par des enfants, qui aurait dû représenter les jeunes dans le vrai monde. Les adultes auraient pu accéder à Nation.1 avec un visa. Le projet n’a pas duré longtemps, mais une partie du concept a été recyclée dans le projet OLPC. Nicholas Negroponte était déjà dans le coup. Le projet et l’association OLPC ont été annoncés au Forum économique mondial de Davos en 2005 et ont été créés par des membres du Media Lab du MIT. Mais ce n’est qu’en 2006 que le projet a attiré l’attention, quand Nicholas Negroponte et Kofi Annan ont dévoilé les deux premiers prototypes (appelés Children’s Machine 1). Mais ces prototypes ne fonctionnaient pas encore. Pour cela, il a fallu attendre jusqu’en mai 2006. De plus, un devis a été annoncé: le laptop aurait coûté 100 dollars US en 2008. Negroponte a quand même ajouté que 100$ n’était qu’une limite fixée, mais qu’en réalité il fallait s’attendre à un prix de 135, 140$. Malheureusement, maintenant, il a déjà atteint les 200$, en partie à cause de la dévaluation du dollar. Parmi les acteurs du projet, on peut citer (en plus de Nicholas Negroponte, actif tout le long): z Mary Lou Jephsen (1997-2007) z Intel (2007) z Ivan Krstić (1997-2008) z Walter Bender (1997-2008) Intel, Krstić et Bender ont abandonné le projet à cause de divergences avec Negroponte, le point culminant des disputes étant les raisons pour lesquelles Negroponte a accepté XP comme OS sur l’OLPC 2. Jephsen a quitté le projet pour fonder sa propre entreprise 3.
1
www.wired.com/wired/archive/5.12/negroponte_pr.html blogs.zdnet.com/hardware/?p=1871 3 www.pixelqi.com/ 2
FI spécial été – 26 août 2008 – page 40
Le projet One Laptop per Child Maintenant, avec le nouveau Président Charles Kane, le projet OLPC n’est plus un projet centré sur l’éducation, mais un projet centré sur les laptops 4.
Le Hardware Le matériel est tout à fait standard; il est basé sur un processeur de type AMD Geode LX, allant avec son chip graphique intégré et celui audio (CS5536). De plus, il y a une carte wireless Marvell, et une webcam PCI de très bonne qualité. Concernant la connectique, le XO (premier laptop du projet OLPC) présente 3 ports USB et des jacks pour écouteurs et micro, et il dispose d’un emplacement pour carte SD (fig. 2). La carte mère se trouve derrière l’écran, qui est pivotable. L’écran est remarquable, ce n’est pas un simple écran LCD, mais deux écrans superposés. On peut varier l’intensité du rétroéclairage. Lorsque l'intensité est au mininum, l’écran fonctionne en mode réflectif. Ainsi, lorsqu’on le pose sous le soleil, on voit très bien ce qui est affiché grâce à des miroirs. Cette fonctionnalité est vitale pour les buts du projet OLPC. Le clavier est aussi particulier. Complètement étanche, il ressemble plus à un clavier de jouet qu’à un clavier d’ordinateur mais il n’est pas très confortable à utiliser. Ce choix de design est probablement dû au fait que le XO est destiné aux enfants, qui ne vont pas beaucoup utiliser le clavier pour écrire des longues dissertations. De plus, ce design rend la partie inférieure du XO complètement étanche.
fig. 2 – Vue des ports du XO: côté droit (de l’ordinateur) on voit deux ports USB, côté gauche on trouve un port USB et des jacks audio en plus de l’alimentation. On ne voit pas l’emplacement pour carte SD, caché sous l’écran
Le système d’exploitation et l’interface graphique Le système de base du XO consiste dans une Fedora Core 7 modifiée avec une interface graphique appelée Sugar. Cette interface est conçue pour être utilisée par des enfants qui n’ont jamais touché à un ordinateur. Pour l’adulte occidental moyen par contre, elle paraît complètement anti-intuitive et difficile à utiliser. Dans Sugar, on ne trouve pas un bureau: les activités sont classifiées par tâches et, au lieu des bureaux virtuels auxquels les utilisateurs des principaux window managers sont habitués, on trouve des niveaux de profondeur, accessibles via les touches fonctions. Les niveaux de profondeur sont: L’Internet – On voit ici les accès points et les réseaux auxquels on peut se connecter, ainsi que les autres XOs à proximité (fig. 4). Le voisinage – On voit ici les amis c'est-à-dire des autres utilisateurs XO que l’on connait (fig. 5). Nous-mêmes – Les activités actives apparaissent ici autour du bonhomme qui représente l’utilisateur (fig. 6). L’application courante. Voulez-vous essayer Sugar? Il est disponible dans Ubuntu 8.04, dans le repository universe 5.Voulez-vous vous sentir à la maison? Ctrl-Alt-F1 vous ramène vers une console. 4
www.olpcnews.com/people/leadership/olpc_new_president_laptop_project.html wiki.laptop.org/go/Sugar_on_Ubuntu_Linux
5
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fig. 3 – Utilsation dans la nuit
fig. 4 – Vue de l’internet
Le projet One Laptop per Child
Les applications Le OLPC dispose de plusieurs applications, la plupart éducatives. On peut y trouver un navigateur Web (fig. 7), une application de vidéoconférence, et différentes applications pour apprendre à programmer. De plus, toutes les activités qui se déroulent sur le laptop sont enregistrées dans un journal.
Hacks
fig. 5 – Vue du voisinage
Comme le XO est fait de matériel standard avec des spécifications ouvertes, on ne peut pas vraiment parler de hacks, mais plutôt de marches à suivre pour installer votre distribution de GNU/Linux préférée sur ce laptop. On va brièvement expliquer ici comment installer n’importe quelle distribution Linux sur une clef USB, depuis laquelle le XO va démarrer. On pourra toutefois trouver les guides sur le wiki du projet pour installer diverses distributions, telles que Ubuntu 6ou Debian 7.
Installation de Linux sur la clef USB
Branchez votre clef USB sur votre ordinateur (pas l’OLPC), insérez un CD d’installation de votre distribution préférée et procédez à l’installation. Au moment du partitionnement, sélectionnez la clef USB comme disque d’installation. Procédez à l’installation comme vous le feriez sur n’importe quel ordinateur.
Configuration de X fig. 6 – Vue du login. Le bonhomme au milieu symbolise l’utilisateur, autour duquel on voit les applications actives. Les applications de couleur différente appartiennent à d’autres utilisateurs
Il faut utiliser le pilote amd (ou geode, selon les versions), et spécifier explicitement les options concernant la résolution et la taille de l’écran. Voici à titre d’exemple un exemple de configuration X11 8.
Démarrage
Le système de démarrage du laptop changeant assez fréquemment, il est conseillé d’aller suivre les instructions disponibles ici 9. Il faut toutefois noter qu’il est possible de faire démarrer le système sans reprendre exactement ces données, mais que cela demande un peu plus de connaissances et de temps.
Est-ce une bonne idée?
fig. 7 – Exemple d’application: butineur web
La question est légitime: n’y a-t’il pas mieux à faire pour les enfants des pays en voie de développement, que de leur donner des laptops? En effet, il y a d’autres besoins plus directs, tels que celui d’avoir un gouvernement stable ou de manger à sa faim. De plus, l’achat de ces machines est financé par les gouvernements, qui sont aussi cause de la pauvreté dans certains pays.
6
wiki.laptop.org/go/Ubuntu_On_OLPC_XO wiki.debian.org/howto_debian_olpc & wiki.laptop.org/go/Installing_Debian_as_an_upgrade 8 gnugen.epfl.ch/~fasnacht/downloads/olpc/xorg.conf 7
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Le projet One Laptop per Child Il y a également le risque de détournement. Ces machines sont solides, et pourraient être exploitées à des fins militaires (même si leur couleur vert fluo est dissuasive). Il est possible également que cela ait une mauvaise influence sur ces enfants. Notamment parce que le projet est américain, et que la perception du monde américaine peut ne pas correspondre à leur culture et les influencer. De plus, on ne peut exclure qu’il y ait des abus tels que de la pédopornographie. Si un problème arrive, cela touchera beaucoup d’enfants. On peut aussi critiquer la direction prise par le projet, d'une part parce qu'il y a des enfants pauvres dans les pays développés, et d'autre part parce que le projet n’est peut-être pas aussi éducatif qu’on l'aurait voulu. En effet, Sugar est très différente d’une interface normale d’un ordinateur, alors qu’il serait peut-être souhaitable de leur apprendre comment utiliser un ordinateur normal. Il n’est pas non plus bon de les habituer à utiliser un logiciel propriétaire pour le cas de XP. Par contre, on notera que ce projet a le mérite d’exister, qu’il y a de l’argent dépensé pour des projets concrets, et beaucoup d’efforts consacrés pour que ces enfants aient accès à l’informatique. De plus, les idées novatrices utilisées dans le projet peuvent très clairement être réutilisées pour le grand public. Par contre on ne sait pas si l’idée de départ (éducation des enfants défavorisés) restera en premier plan. Un marché potentiel de plusieurs millions de jeunes enfants étant très tentant, le projet OLPC risque de se transformer en une plate-forme publicitaire. On ne peut pas ignorer le fait que ces enfants, une fois adultes, souhaiteront utiliser quelque chose de similaire à ce qui leur a été offert maintenant. Certains distributeurs de logiciels (les mêmes qui préfèrent que les utilisateurs piratent leur logiciels au lieu d’utiliser des équivalents libres) en salivent juste à l’idée.
Le futur du XO On ne peut pas nier que l’OLPC est le premier d’une longue dynastie d’ultra-portables à bas prix. ASUS avec son EEE surfe sur la vague, HP a sorti le Mini-Note, et même Dell s’y met avec son nouvel ultra portable dont le nom n’a pas encore été dévoilé. Mais si d’un côté l’OLPC est conçu pour être pas cher et pour les enfants, le EEE, le HP et le Dell visent à un bon rapport praticité/prix, en se rapprochant le plus possible d’un laptop standard. En mai, des plans pour un XO de 2ème génération ont été dévoilés. Le XO-2 va coûter 75$ en 2010. Il comportera notamment 2 écrans tactiles, et sa consommation électrique sera fortement réduite 10. Mais le futur du projet OLPC (ou d’un projet similaire) pourrait être ailleurs: Intel a créé le Classmate 11, et une adaptation des EEE ou Mini-Note pourrait aussi donner naissance à un projet similaire. Néanmoins, on ne peut pas nier que le XO a été le premier ordinateur dans son genre: résistant, léger, peu gourmand en énergie et à bas prix. n
9
wiki.laptop.org/go/Ubuntu_On_OLPC_XO#Get_Boot_Folder_and_other_Files_.28Kernel_and_Modules.29_from_XO 10 www.olpcnews.com/laptops/xo2/olpc_announces_xoxo.html 11 www.intel.com/intel/worldahead/classmatepc/
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Sommaire 1 Le dessin d’Esteban Esteban Rosales 2 Pérenne-IT Jacqueline Dousson 3 Informatique et développement durable Philippe Vollichard 7 L’impact de l’informatique sur l’environnement Françoise Berthoud, Eric Drezet & Violaine Louvet 12 Gestion des déchets électriques et électroniques en Suisse et dans le monde David Rochat
flash informatique Les articles ne reflètent que l’opinion de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, n’est autorisée qu’avec l’accord de la rédaction et des auteurs. Abonnement à la version électronique du FI en envoyant un courrier à: fi-subscribe@listes. epfl.ch Rédacteur en chef: Jacqueline Dousson, fi@epfl.ch Mise en page & graphisme: Appoline Raposo de Barbosa Comité de rédaction: Omar Abou Khaled, Aristide Boisseau, Jean-Daniel Bonjour, Patrice Fumasoli, Jean-Damien Humair, Laurent Kling, Pierre Kuonen, Daniel Rappo, Vittoria Rezzonico, François Roulet, Christophe Salzmann, Predrag Viceic & Jacques Virchaux Impression: Atelier de Reprographie EPFL Tirage: 4000 exemplaires Adresse: Domaine IT EPFL, CP 121, CH-1015 Lausanne 15 Adresse Web: dit.epfl.ch/FI-spip Téléphone: +41216932246 ou 7
15 Que reste-t-il de nos… mémoires? Laurence Denoreaz 17 Dépassement de capacité Laurent Kling 24 Concours de la meilleure nouvelle Fange numérique Philippe Lamon 26 Le développement informatique au service du développement durable Mark Haltmeier 28 L’informatique au service du développement de produits et d’une production durables Paul Xirouchakis 30 Concilier informatique et écologie Raphaël Rousseau & Théo Bondolfi 33 La virtualisation aide-t-elle à la réduction du réchauffement climatique ? Fabien Figueras 37 Agepolix ou comment économiser de l’énergie, du temps et de l’effort Laurent Fasnacht 40 Le projet One Laptop per Child Vittoria Rezzonico & Laurent Fasnacht
Les dessins en pages 11, 16, 25, 32, 36 & 39 Anna-Lisa Barone
FI spécial été – 26 août 2008 – page 44
ISSN 1420-7192