Flash informatique 2010 - no spécial été - Société 2.0

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31.08.2010

http://dit.epfl.ch

SPÉCIAL ÉTÉ 2010

SOCIÉTÉ

2.0

p/a EPFL - Domaine IT - CP 121 - CH 1015 Lausanne 15 - tél. +41 21 69 322 11

sommaire en page 51


SPÉCIAL ÉTÉ 2010

Jacqueline.Dousson@epfl.ch

31 août 2010

2.0

Qu’évoquent pour vous ces deux chiffres qu’on retrouve un peu partout depuis quelques années ?

z quelque chose du côté des phénomènes Facebook, Twitter ou YouTube, tous ces réseaux sociaux que les ados privilégient à l'e-mail perçu comme ringard ? z un buzz utilisé par le marketing pour faire croire que leurs produits sont tout à fait innovants ? z un terme de fanatiques de technologie ? z … C’est un peu de tout cela mais bien autre chose encore ! Découvrez en lisant ce numéro: w comment la géolocalisation change notre rapport aux autres; w comment des citoyens s’emparent des données publiques pour faire un monde plus ouvert et participatif, comment certains utilisent les réseaux sociaux pour résister; w comment utiliser son smartphone de manière active, notamment à travers le projet OpenStreetMap; w comment les institutions, les bibliothèques utilisent ces nouveaux outils; w le monde étonnant des Fab Labs; w des applications locales; w … w et cela sans occulter les dangers inhérents à toute technologie.

Les lecteurs du FI ont pris l’habitude de voir les articles tagués de 1 à 3 piments: tout public, public averti, expert. Ce numéro spécial se veut une invitation à emprunter des chemins de traverse, à découvrir de nouveaux paysages; tous les auteurs ou presque ont joué le jeu, pas de technique, pas d’algorithmes, pas de références trop technologiques, pas de morceaux de code. C’est donc un numéro tout public, même si sa lecture peut se faire à plusieurs niveaux - certains se contenteront de découvrir un monde nouveau, les autres installeront de nouvelles applications sur leur smartphone, d’autres encore iront plus loin en collaborant à l’un des nombreux projets cités dans ce journal.

Quelques pistes de lecture Le 5e écran, les médias urbains dans la ville 2.0 par Bruno Marzloff

L'édition électronique par Marin Dacos

Laissez-vous surprendre et bienvenue dans le monde d’aujourd’hui ! Partager et découvrir

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31 août 2010 Publié Flash Informatique | 7 Commentaires | pervasivité | crowd-sourcing

Commentaires

Informatique, libertés, identités par Daniel Kaplan

Riche numéro que ce FI spécial été, qui montre bien que dans sa dynamique même, le Web ne se contente plus d'inviter le lecteur à devenir acteur mais qu'il transforme tout usager du Web 2.0 en un producteur potentiel de données et tout objet technique (même le livre) en service... . . . . . . . . . . . . .................................. .................................................................. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Rédigé par : R T | 31 a oû t |

Impressum Les articles ne reflètent que l’opinion de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, n’est autorisée qu’avec l’accord de la rédaction et des auteurs. Abonnement à la version électronique du fi en envoyant un courrier à: fi-subscribe@listes.epfl.ch

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Rédacteur en chef: Jacqueline Dousson, fi@epfl.ch Mise en page & graphisme: Appoline Raposo de Barbosa Comité de rédaction: Aristide Boisseau, Paulo de Jesus, Patrice Fumasoli, Jean-Damien Humair, Laurent Kling, Julia Paolini, Vittoria Rezzonico, François Roulet,

The Shockwave Rider par

Christophe Salzmann, Predrag Viceic & Jacques Virchaux Impression: Atelier de Reprographie EPFL Tirage: 4000 exemplaires Adresse Web: dit.epfl.ch/fi-spip Adresse: Domaine IT EPFL CP 121, CH-1015 Lausanne 15 Téléphone: +4121 69 32246 & 32247


Analyse

Réseaux sociaux et géolocalisation

promesses et enjeux Olivier.Glassey@unil.ch responsable de recherche à l’Observatoire Science, Politique, Société (UNI-Lausanne)

A growing number of innovative services are based on geolocalized social networks organized on large scale real-time spontaneous sharing of personal data. These initiatives raise the question of knowing what are the users’ motivations to contribute and how their involvement could challenge our privacy. Un nombre grandissant de services innovants se basent sur des réseaux sociaux géolocalisés organisés à partir du partage volontaire d’informations à grande échelle en temps réel. Comment analyser ce qui motive la contribution des usagers à ces dispositifs et quelles influences peuvent avoir ces derniers sur notre sphère privée ?

Savoir en un clin d’œil quels sont vos amis qui se trouvent à proximité, bénéficier en quelques secondes des bons plans fournis par les milliers de visiteurs qui vous ont précédé dans cette ville que vous ne connaissez pas, avoir accès à des offres commerciales ou encore utiliser la ville comme un immense terrain de jeux grandeur nature, etc. Le partage à grande échelle et en temps réel de données personnelles géolocalisées foisonne de promesses, mais aussi de questions délicates quant aux formes de protection de la sphère privée encore à inventer. Retour sur ces innovations émergentes à partir de la perspective de l’usager.

qui s’est profondément implanté en quelques années dans nos habitudes communicationnelles. L’intégration de plus en plus généralisée sur ces appareils de l’accès à Internet et des fonctionnalités de géolocalisation ouvre des possibilités de convergences qui restent encore largement inexplorées dans la réalité des pratiques. Les études sur l’utilisation du Web mobile indiquent que les réseaux sociaux en ligne sont clairement la destination privilégiée des internautes mobiles 1. Dans ce contexte, de nombreuses initiatives ont été lancées pour produire une nouvelle génération de services visant à articuler les dynamiques propres aux réseaux sociaux en ligne avec les outils de géolocalisation en temps réel offerts par la téléphonie mobile 2. Ce type de couplage qui renforce le rôle des smartphones comme des outils de navigation sociale possède le potentiel de redessiner en profondeur non seulement nos usages des technologies de l’information, mais bien l’ensemble de nos pratiques quotidiennes. Sans entrer dans un exercice toujours hasardeux de prévision des évolutions futures, les principales expériences en cours nous offrent l’opportunité d’explorer certaines des dimensions saillantes des formes possibles de ces usages et des enjeux qui en découlent.

Au croisement de deux tendances fortes Du point de vue de l’usage des technologies de l’information, les dernières années sont marquées par une double évolution. La plus récente de ces évolutions s’incarne dans la montée en puissance des réseaux sociaux qui constituent une des manifestations les plus reconnues de ce que l’on nomme souvent le Web social. Elle s’inscrit plus largement dans l’ensemble des dispositifs qui contribuent à faciliter et, dans une certaine mesure, démocratiser les processus de mise en ligne et de partage d’information. Dans leur ensemble, les technologies du Web 2.0 ont conduit, sous une grande diversité de formes et de formats, à la massification des échanges en ligne en les faisant passer dans le quotidien de centaines de millions d’usagers. Le second changement capital, à peine plus ancien si l’on considère la temporalité des pratiques sociales et non pas celle des innovations techniques, est celui de l’usage de la téléphonie mobile

Gowalla: liste de lieux d’intérêt sur le campus

Avez-vous fait votre check-in ? Pour aborder les logiques de la mise en œuvre des réseaux sociaux géolocalisés, il convient de commencer par l’élément fondateur de ce type de dispositifs: les modalités de l’annonce de la position des membres de la communauté. Si la possibilité de localisation existe techniquement de manière automatique depuis longtemps

1

Aux USA 30% des utilisateurs de smartphones accèdent aux réseaux sociaux en ligne avec leur téléphone, au Royaume-Uni Facebook est classé avant Google comme destination privilégiée (source: GSMA/ComScore, Janvier 2010) 2 Par exemple, Foursquare, Loopt, Gowalla, Wikitude, Geonote etc.

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Réseaux sociaux et géolocalisation: promesses et enjeux pour les opérateurs, cette dernière reste souvent à activer male propose le sociologue Bruno Latour3, d’un processus de manuellement par les usagers au sein de ces communautés. Cette térialisation plutôt que de virtualisation. Les réseaux sociaux en distinction est importante, car elle renverse, sans la remplacer, ligne et leurs déclinaisons mobiles rendent précisément visibles, la logique classique de la traçabilité collectivement subie en la stockables et manipulables des informations de type social qui subordonnant à une action volontaire et partagée. Elle permet n’étaient le plus souvent que des objets éphémères, des paroles aussi de poser la question de savoir pourquoi les usagers de ces dont le proverbe nous rappelle à juste titre la volatilité. Ce sont systèmes divulguent volontairement des informations relatives à précisément ces bases de données sociales titanesques accessibles leur positionnement. Ainen temps réel et les condisi, les utilisateurs de ce tions de leurs exploitations type de services comme qui suscitent les convoiFoursquare s’annoncent, tises des experts en maraffichent et partagent keting et les craintes des leur présence en effecdéfenseurs de la sphère tuant une opération apprivée. pelée check-in. Les gisements informaDe nombreux commentationnels que représentent teurs étaient et demeudes données de cette narent sceptiques à l’idée ture forment également d’un système dépendant un des attraits principaux du fait que les usagers acpour les usagers de la géotivent leurs localisations. localisation sociale. Alors Les check-in traditionnels que la localisation type que nous connaissons GPS ne constitue qu’une qu’ils se déroulent dans infrastructure nécessaire, un aéroport ou dans un l’essentiel du contenu est hôtel ne constituent pas, fourni par les utilisateurs. typiquement, une parCes derniers enrichissent et tie de plaisir. Alors pour augmentent la représenquelles raisons les utili- affichage Web (www.4qsearch.com) des commentaires laissés par des membres de Foursquare tation cartographique du sateurs s’infligeraient-ils pour la gare de Lausanne monde avec les informavolontairement ce type tions qu’ils souhaitent pard’action ? tager avec leurs proches ou avec l’ensemble de la communauté qui gravite autour d’une apPour comprendre cette motivation, il convient d’abord de resiplication spécifique. Ces vastes processus distribués de marquage tuer cette pratique dans le cadre plus large des nouvelles habigéographique qui contextualisent socialement une information tudes de communication. Le micro-blogging que ce soit sous la géographique s’avèrent être le point crucial des différentes soforme de chat, SMS, Tweets, ou encore la mise à jour des statuts lutions présentes sur le marché. Les opérateurs de ces offres dédes profils des réseaux sociaux offrent autant d’activités qui enploient à cet égard un arsenal de dispositifs visant à encourager couragent les micros dévoilements en temps réel de nos activités la production et surtout le partage de ce type d’informations. Les quotidiennes. Ces formes morcelées et éparses d’affichage de soi utilisateurs les plus assidus de ces systèmes dans un lieu donné en ligne constituent une des dimensions emblématiques de prase voient attribuer, par exemple, le titre virtuel et honorifique de tiques de plus en plus répandues au sein desquelles il est postulé maire de cet endroit. Ce type de récompense symbolique ainsi que comme normal de fournir en quasi-permanence des informations les multiples badges ou points reçus en fonction du nombre et personnelles. Les pratiques de micro-dévoilements s’inscrivent de la variété des contributions géolocalisées construisent un unipour l’usager dans une perspective qui n’est pas forcément techvers ludique au sein duquel l’émulation entre les participants doit nologique. Ce qui importe d’abord, c’est le maintien de la relation conduire à l’accroissement des informations mises en ligne. sociale qu’il ou elle entretient avec ses cercles de connaissances. Un des attraits forts de l’usage des réseaux sociaux géolocalisés ne Considérées plus généralement, les dynamiques à l’œuvre à ce nise trouve pas tellement dans ce qu’il permet de créer, mais dans ce veau ne sont pas sans rappeler les questions qui traversent depuis qu’il permet de préserver: le contact avec les autres. En ce sens, et quelques années le Web social. Comment bénéficier au mieux des en partant du point de vue des usagers, il convient de relativiser apports volontaires de plusieurs milliers de contributeurs pour en l’idée de virtualisation des rapports interpersonnels qui passent faire un bien commun (qui, en l’occurrence et à la différence d’inipar les technologies de l’information. En effet ces dernières sont tiative comme Wikipédia, devient aussi un bien privé) ? De quelle vécues comme autant de prolongements d’activités de sociabilités manière mettre en place des systèmes endogènes permettant à la classiques. Il est d’ailleurs sans doute plus juste de parler, comme communauté des utilisateurs d’évaluer les contributions des usa3

Interview pour l’émission Place de la toile, France Culture, 20 novembre 2009

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Réseaux sociaux et géolocalisation: promesses et enjeux gers afin de favoriser les contenus considérés comme constructifs et filtrer les contributions indésirables ? Il n’y a en l’occurrence aucune raison de penser que ces plates-formes soient à l’abri des usages abusifs que permettent les médias sociaux (fausses informations, dénigrements, atteinte à la sphère privée, harcèlement, concurrence déloyale, etc.) avec, facteur aggravant, les effets accrus liés à localisation spatiale.

Cette nécessaire et inévitable réinvention ne doit cependant pas conduire à négliger le potentiel créatif de ces formes de communications localisées. De tels dispositifs permettent, par exemple, de donner une nouvelle dimension au concept de lieu. Avec de tels dispositifs de partage, ce dernier ne s’épuise pas uniquement dans sa dimension physique mais se déploie au travers de l’ombre informationnelle que ses visiteurs génèrent. De nombreuses expériences explorent les modalités de la réinvention du génie des lieux en utilisant les contributions diverses (messages, graffitis, photographies digitales) afin de faire émerger et évoluer en continu l’identité sociale d’un lieu par l’entremise des représentations et des pratiques associées à ces espaces.

Big Ben vu à travers l'application Wikitude World Browser

Entre tyrannie de la visibilité et réinvention de l’esprit du lieu Au-delà des usages abusifs, la possible généralisation de ce type d’innovations sociotechniques nous conduira sans doute à repenser les modalités de construction de notre rapport aux autres. Dans la trivialité du quotidien comment réagirons-nous quand nous pourrons constater électroniquement que nos amis se retrouvent pour une fête à laquelle nous ne sommes pas conviés ? Les réseaux sociaux en ligne mettent à plat et souvent à mal la richesse et la diversité de nos rôles sociaux en les écrasant dans la même interface. À leur instar, les plates-formes de géolocalisation demeurent encore souvent unidimensionnelles et ne répliquent que de matière très limitée et mécanique les différents modes d’affichage et de dévoilement de nos identités sociales. À terme aurons-nous toujours la liberté de renoncer à être visibles dans ces plates-formes sans que nos pairs en déduisent que nous avons quelque chose à cacher ? La construction historique de la sphère privée s’est fondée à partir de multiples soustractions au regard d’autrui de pratiques individuelles et collectives. En réaction à la possible tyrannie de la visibilité qui émerge des communautés de géolocalisation, plusieurs initiatives ont été lancées par des concepteurs désireux de susciter le débat autour des implications potentielles des fonctionnalités offertes par ces dispositifs. Par exemple, Avoidr & utilise le même type d’information, mais propose un service qui vous avertit à l’avance que vous entrez dans une zone où se trouve une personne que vous ne souhaitez pas rencontrer. Renversant la logique de la géolocalisation sociale le site Please Rob Me. pleaserobme.com/ propose d’identifier le moment le plus propice aux cambriolages en indiquant quand les personnes sont éloignées de chez elles. Ces services dits antisociaux anticipent le vaste chantier des gardes fous technologiques, légaux et éthiques que la généralisation de ces systèmes demandera à nos sociétés d’inventer.

Il est certes bien trop tôt pour dresser ici une sorte de bilan sur les formes et l’ampleur que connaîtront ces évolutions. L’étude de ce nouveau champ d’expérimentation sociotechnique implique de ne pas se limiter à une vision cumulative, qui consisterait à considérer ces nouvelles plates-formes comme la résultante mécanique de la simple addition de fonctionnalités déjà existantes. Les synergies que ces systèmes autorisent dans l’agrégation de dynamiques sociales, temporelles et spatiales constituent un domaine véritablement original et elles offrent, à n’en pas douter, un terrain d’exploration fertile pour les sciences sociales et celles de l’ingénieur. n

GLOSSAIRE

&

Avoidr: www.avoidr.org/ – cette application Web basée sur Foursquare vous aide à éviter vos amis.

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Analyse

OpenStreetMap, plate-forme collaborative mondiale François Van Der Biest, Francois.Vanderbiest@camptocamp.com, Camptocamp SA, géomaticien Stéphane Brunner, courriel@stephane-brunner.ch, Camptocamp SA, analyste développeur

We’re creating a map of your area. It’s fun, it’s free, and you can help ! Nous créons une carte de votre quartier. C’est amusant, gratuit et vous pouvez nous aider ! Cet article présente le projet OSM & dans ses grandes lignes, avec un focus sur la situation courante. Il expose également un certain nombre d’enjeux actuels, tels que la collaboration avec les administrations et collectivités, la réponse humanitaire, l’évaluation de la qualité des données, et la constitution d’un écosystème commercial autour du projet.

De quoi s’agit-il ? Sur le wiki du projet, on peut lire en substance ceci: OpenStreetMap est un projet qui vise à créer des données géographiques libres. Le projet a démarré parce que la plupart des cartes que l’on imagine gratuites sont assorties de restrictions techniques ou légales, ce qui empêche les gens de les utiliser d’une façon créative, productive, ou d’une manière encore inexplorée. À titre illustratif, on trouvera en figure 1 un rendu actuel des données OSM sur le périmètre de l’EPFL.

fig. 1 – l’EPFL, telle que représentée sur OpenStreetMap au 1er juillet 2010. Source: openstreetmap.org 3500

B

3000 2500 2000 1500

A

1000 500 0 03-2008 02-2008

07-2008 10-2008 06-2008 09-2008 Ajout

Sources de données

04-2009 05-2009

Effacement

08-2009

12-2009 03-2010 11-2009 02-2010

06-2010

Modifications

fig. 2 – nombre d’actions journalières moyennes (ajouts/effacements/modifications) sur la région lausannoise, depuis février 2008. Repère A: publication par l’EPFL des orthophotos sur son étendue, suite à la conférence Géoperspectives 2009 et la mapping party associée goo.gl/YEgU. Repère B: publication des orthophotos de la ville de Lausanne par un serveur WMS hébergé chez Camptocamp SA

Le projet s’alimente essentiellement à partir des traces GPS de ses participants. Le travail du contributeur consiste donc à digitaliser de l’information géographique en suivant ses traces (ou celles contribuées par d’autres utilisateurs), et à ajouter les données attributaires qui conviennent. Plusieurs logiciels permettent de s’acquitter de cette tâche avec plus ou moins de facilité selon le degré d’expérience de l’utilisateur: JOSM, Potlatch, Merkaartor, MapZen… Les images aériennes mises à disposition du projet OpenStreetMap constituent également une source importante de données. Historiquement, l’accord avec Yahoo (fin 2006) a permis la création rapide de données vectorielles sur les régions pourvues d’imagerie en haute résolution. L’exemple de la région toulousaine en est l’illustration parfaite, goo.gl/HozU 1.

1

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Plus récemment, les serveurs WMS & mis à disposition avec les données de la ville de Lausanne, de l’EPFL, du Système d’Information du Territoire Genevois (SITG) et du Système d’Information du Territoire Neuchâtelois (SITN) ont également contribué à accroître le degré de complétude du jeu de données OSM dans leur extension. On en trouvera une parfaite illustration avec la figure 2, qui présente la densité de contributions à OSM sur la région lausannoise au cours des 30 derniers mois. Plus concrètement, le tableau en figure 3 présente l’avancée de la carte OSM en plusieurs endroits de la région lausannoise sur une période d’un an, entre 2009 et 2010. Pour finir, il faut mentionner un contexte favorable à la libération de données2, ce qui permet

Nous avons utilisé dans cet article le racourcisseur d’URL fourni par Google: goo.gl. Attention à respecter la casse des caractères pour atteindre le bon site. 2 En témoigne par exemple la récente publication par l’Ordnance Survey (agence cartographique nationale anglaise) de plusieurs jeux de données auparavant commercialisés, cf goo.gl/tLfH.

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OpenStreetMap, plate-forme collaborative mondiale souvent de réaliser des imports massifs de données dans la base OSM. Ces données proviennent soit de services de l’Etat (ex: données TIGER aux États-Unis), soit de firmes privées (ex: données AND sur les Pays-Bas), de collectivités (ex: communauté urbaine de Brest, goo.gl/J1iJ), ou encore, plus récemment, d’un cabinet de

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géomètres experts vaudois - Olivier Peitrequin SA, goo.gl/peLD. En même temps, les outils permettant de réaliser ces importations se démocratisent et deviennent de plus en plus simples d’emploi: citons par exemple les logiciels QuantumGIS, FME, et OGR2OSM.

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fig. 3 – illustrations de l’enrichissement de la base de données OSM sur la région lausannoise au cours des douze derniers mois, grâce à la mise à disposition d’orthophotos sous licence libre

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OpenStreetMap, plate-forme collaborative mondiale

Portée du projet Le projet s’intéresse à toutes les voies de circulation, édifices, équipements, commerces, itinéraires, mais aussi à l’occupation du sol, au réseau hydrographique et aux limites administratives. L’ensemble des objets dignes d’intérêt pour le projet sont réunis au sein d’une seule et unique page du wiki OpenStreetMap, goo.gl/Qfd2. Les adresses postales sont également l’objet d’une saisie manuelle, que ce soit à travers les éditeurs habituels, ou une interface dédiée, goo.gl/KN6e. Le constat actuel, que partagent un grand nombre de contributeurs, est que le projet ne vise plus à construire une carte libre du monde, mais une base de données géographiques libres à l’échelle mondiale. La carte disponible sur la page d’accueil du site est un reflet de ce constat sur les zones denses, goo.gl/spYG. À la différence d’un projet SIG  & classique, dans lequel les couches thématiques sont distinctes et activables indépendamment les unes des autres, fig. 4 – contributions respectives des utilisateurs lors de la carto-partie de septembre 2008 à Bradford (UK). Source: wiki.openstreetmap.org/wiki/File:Bradford-party-traces.png il n’existe qu’un rendu agrégé de tous les thèmes sur le site du projet. Pour autant, les couches de données sont individualisables via une sélection attributaire sur des recoupements non nuls, à la fois en termes d’objectifs et de les données vectorielles source de la carte. Les rendus personnalipersonnes, et qu’un rapprochement entre les deux est actuellesés sont donc tout à fait pertinents et possibles (ex: goo.gl/RSBf). ment en cours (goo.gl/dDfH).

Projet: historique, croissance

Evaluation de la qualité

Si le projet a démarré en août 2004, et a connu très vite un fort essor en Grande Bretagne, il n’en est pas de même sur le continent, où il a fallu attendre 2006 voire 2007 pour assister à l’émergence des communautés locales. Actuellement, le projet compte plus de 270’000 utilisateurs (dont 10% réellement actifs), qui ont créé 53 millions de chemins et enregistré 1.8 milliard de points GPS. La croissance de la base de données est impressionnante, goo.gl/he7Y, et la devise keep it simple stupid adoptée par les concepteurs de l’infrastructure de données sous-jacente y est probablement pour beaucoup.

Une étude réalisée par Muki Haklay de l’University College de Londres montre qu’en mars 2010, 70% de la Grande Bretagne possède une couverture routière comparable à celle du jeu de données commercial Meridian 2 (goo.gl/lJiT). Dès 2009, ce même chercheur qualifiait la qualité du jeu de données OSM comme beyond good enough pour un grand nombre d’usages (goo.gl/AuLg). Des études similaires sont en cours en France et en Suisse, mais nous n’avons pas encore eu communication des résultats complets. On remarquera souvent une hétérogénéité forte de la couverture des données OSM: les zones fortement peuplées sont souvent cartographiées avec un niveau de détail dépassant de loin la concurrence directe, alors que les zones rurales peuvent être lacunaires. À propos de qualité, on reproche souvent à OSM son absence de métadonnées: est-ce réellement un frein important ? Sans aucun doute, car certains usages requièrent un certain niveau de qualification du jeu de données. Il y aurait là une opportunité pour les agences cartographiques nationales de créer de la valeur à cet endroit, en qualifiant le jeu de données OSM relativement à leurs jeux de données de référence. Mentionnons enfin que, si la communauté OSM semble globalement opposée à qualifier chaque nouveau tronçon de route ajouté en fonction de la précision du relevé, ces questions restent dans l’air du temps et il ne serait pas étonnant de voir la problématique ressurgir sous une forme ou une autre avec peutêtre une amorce de solution. La communauté allemande a, par exemple, déjà mis en place une ébauche de contrôle qualité en crowd-sourçant  & la comparaison du jeu de données OSM avec des orthophotos (exemple sur Haiti en référence, goo.gl/xAO7).

Participants et bénéfices Les études montrent que le contributeur moyen est un trentenaire mâle technophile. Les auteurs du présent article ne dérogent pas à la règle et ne se permettront donc pas de contredire;-) En terme de bénéfices à participer à cette communauté, les contributeurs OSM citent souvent la mise à disposition de données libres, souvent pour leur usage propre (via GPS, Webmapping, ou autre). La participation à une communauté technique dynamique de type Web 2.0 est également un intérêt fort. Les contributeurs ont l’occasion de se rencontrer à l’occasion de carto-parties pendant lesquelles ils se répartissent sur un petit territoire bien délimité et cartographient les lieux (fig. 4). Il faut également mentionner la rencontre annuelle dite State of the Map qui a eu lieu au mois de juillet 2010 à Gérone, en Espagne (goo.gl/d2CR). Notons juste, pour conclure ce point, que les communautés française et francophone de OSM et de l’OSGeo & ont

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OpenStreetMap, plate-forme collaborative mondiale

Ecosystème La licence sur les données OSM (actuellement Creative Commons BY-SA) ne restreint pas l’usage du jeu de données OSM aux usages non-commerciaux. C’est une des raisons du succès de OSM: le projet s’attire les bonnes grâces d’entreprises partenaires, qui vendent du service ou des produits dérivés de ces données. Ainsi s’est créé, petit à petit, un écosystème de sociétés gravitant autour du projet OSM. Les plus connues sont Cloudmade, Geofabrik, ITO & Camptocamp (liste complète: goo.gl/YV7o).

Usages Les données OSM servent à créer des cartes papier, bien sûr (à travers le magnifique MapOSMatic goo.gl/mDYn), mais également des guides de voyage, tel le WikiTravel Paris, goo.gl/uQsm. L’usage majoritaire reste tout de même la création de cartes numériques, disponibles sur le Web 3, sur assistant personnel, téléphone portable, GPS et autres dispositifs électroniques (cf l’article de Jean Daniel Bonjour, dans ce même numéro). L’usage mobile de ces données est en plein essor, et on voit surgir des applications très innovantes, à l’image de celles qui proposent la réalité augmentée des données OSM.

fig. 5 – utilisation des données OSM sur le terrain, en Haïti, par le Fairfax County Urban Search & Rescue Team. Source: wiki.openstreetmap.org/wiki/ File:OpenStreetMap_on_a_Garmin_in_Haiti.JPG

Tous ces nouveaux usages sont rendus possibles par l’absence ou la faiblesse des coûts d’entrée: des projets qui auraient auparavant été tués dans l’œuf au regard du tarif des licences sur les géodonnées bénéficient ainsi d’une prime à l’intelligence. Le mouvement cloud-computing participe de cette dynamique, puisque il propose également un service sans coût d’entrée. La conjonction actuelle des deux fait que le domaine est très productif. L’infrastructure et les données OSM ont également prouvé leur utilité lors de la crise qui a touché Haïti en ce mois de janvier. De nombreux témoignages venant du terrain (goo.gl/tqTW) ont confirmé à quel point le projet OSM a aidé à sauver des vies (fig. 5). Il faut remercier à ce titre non seulement les contributeurs OSM qui ont aidé à constituer ce jeu de données d’une valeur inestimable, mais également les fournisseurs de prises de vue aériennes,

qui ont fait preuve d’une grande réactivité (26 heures entre le tremblement de terre et la mise à disposition des premières images sous licence libre). Sur le plus long terme, le groupe de travail H.O.T. & est en train d’accompagner la remise en état de l’infrastructure de données spatiales du pays. Pour conclure sur ce point, il est pertinent de présenter une initiative très récente de la société Spot Image, très probablement inspirée des événements de Haïti. À travers son API YouMapps, goo.gl/XPwS, la société souhaite mettre à disposition de la communauté OSM des images choisies parmi leur catalogue. Il ne fait aucun doute que ce genre d’initiative va dans le sens d’une plus grande interaction entre les communautés et les sociétés, avec une stratégie gagnant-gagnant.

Perspectives Pour la première fois, une plate-forme collaborative mondiale existe pour l’information géographique. À cet égard, il faut remercier les concepteurs de OSM de ne pas avoir imposé un modèle de données a priori, mais au contraire, d’avoir encouragé la description des particularismes locaux, grâce à un modèle extrêmement souple. Cette souplesse permet de faire cohabiter un grand nombre d’exigences. Si la dynamique en faveur de OpenStreetMap est si forte, c’est probablement parce qu’il existe actuellement une lame de fond en faveur de l’information géographique libre et de la réutilisation des données publiques. OpenStreetMap se veut le creuset permettant d’agréger les données géographiques libérées. L’étude des tendances du Web montre bien cet engouement: il suffit de consulter Google Trends, goo.gl/cVxi ou encore Twitter, goo.gl/ HdaN sur le sujet Open Data. À l’avenir, il faut donc s’attendre à une contribution accrue des organismes publics, au fur et à mesure que se mettront en place des partenariats public-contributeurs, à l’exemple de ce qui se passe sur l’agglomération de Brest, en France. La valeur du jeu de données OSM croît d’autant, et permet à un écosystème d’entreprises innovantes de se développer, ce qui, en retour, ne manque pas de profiter à la collectivité. C’est du moins l’équation, telle qu’elle est envisagée par la majorité des contributeurs du projet. n GLOSSAIRE

&

crowd-sourcing: mot construit en référence à l’outsourcing qui consiste à externaliser certaines tâches, le crowd-sourcing consiste à utiliser la créativité, l’intelligence et le savoir-faire d’un grand nombre d’internautes. H.O.T.: Humanitarian OpenStreetMap Team, http://hot.openstreetmap.org/: initiative basée sur OpenStreetMap pour l’intervention humanitaire et le développement économique. OSGeo: Open Source Geospatial Foundation – fondation visant à promouvoir les logiciels et données libres en géomatique. OSM: OpenStreetMap, goo-gl/Hso0. SIG: Système d’Information Géographique. WMS: Web Map Service – protocole standard utilisé par des services web pour communiquer des données géographiques sous forme d’image.

À titre d’exemple, il existe un groupe de travail visant à intégrer les cartes OSM dans les articles géoréférencés de Wikipedia, cf goo.gl/wEsn.

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Comment faire ?

Utiliser OpenStreetMap et l’enrichir avec un smartphone Jean-Daniel.Bonjour@epfl.ch, EPFL - Faculté ENAC, responsable IT ENAC

(Almost) everyone now uses a GPS, generally based on non free maps. This article shows how, with a smartphone, you can use the world free map OpenStreetMap and improve it for the benefit of all. Tout le monde (ou presque) utilise aujourd’hui un GPS, basé sur des cartes généralement payantes. Cet article montre comment, à l’aide d’un smartphone, on peut utiliser la carte mondiale libre OpenStreetMap ainsi que l’enrichir soi-même pour le bénéfice de tous.

Après la mode du PDA et du baladeur numérique, voici venue celle du smartphone (téléphone intelligent) ! Désormais connecté en permanence, l’usager d’un tel équipement peut s’immerger dans cette société 2.0 (bloguer, twitter, contribuer à des wikis…) depuis n’importe où et n’importe quand, pour le meilleur comme pour le pire ! Cet article illustre, par quelques applications subjectivement choisies, comment utiliser de façon mobile des données géographiques à l’aide d’un smartphone, mais aussi devenir acteur dans ce domaine en contribuant au projet OpenStreetMap (OSM, www.openstreetmap.org), voir article de François Van Der Biest et Stéphane Brunner dans ce numéro.

Caractéristiques et utilité du smartphone

fig. 1 - smartphone Android affichant ici l’application GPS Status

Avec le lancement de l’iPhone (mi-2007) puis l’avènement de la plate-forme Android de Google (premier AndroPhone en automne 2008), le marché des smartphones a définitivement conquis le grand public. Rappelons qu’il s’agit d’appareils de poche (fig.1), à

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interface tactile et vocale, combinant les fonctionnalités de téléphone mobile, assistant numérique personnel (PDA), baladeur numérique, caméra photo/vidéo, récepteur GPS (sur iPhone depuis la version 3G en été 2008, sur tous les AndroPhones dès l’origine), et s’appuyant sur un système d’exploitation complet doté notamment de possibilités étendues de connectivité Internet (par WiFi ou téléphonie 2G (GPRS/EDGE), 3G (UMTS/HSDPA)). Plates-formes de développement à part entière, les smartphones ont vu l’éclosion de dizaines de milliers d’applications en à peine 2-3 ans. On ne s’étonnera donc pas de trouver actuellement des centaines de logiciels spécifiquement orientés vers la visualisation cartographique, le positionnement et la navigation. Dans ces différents domaines, le smartphone est devenu l’équipement mobile de prédilection, éclipsant le bon vieux récepteur GPS dédié: z précis et de bonne dimension (3 à 4"), l’écran d’un smartphone moderne permet l’affichage de cartes détaillées; z la haute capacité de stockage (mémoire flash/SD de plusieurs GB) permet le stockage local et la consultation offline de cartes couvrant de grandes étendues; z communiquant et connecté, le smartphone offre en tout temps et tout lieu l’accès online aux cartes et photos aériennes locales, la recherche par proximité ou par adresse, l’affichage de points d’intérêt (POI, avec liens directs vers sites Web), et le calcul d’itinéraires; z sa puissance (processeurs de 500 MHz à 1 GHz) satisfait aux exigences des applications de navigation (affichage perspective 2.5D et en temps réel, guidage par synthèse vocale…); z outre le récepteur GPS embarqué, des capteurs d’orientation (boussole magnétique numérique et accéléromètre) permettent l’orientation automatique de la carte et ouvrent le champ aux applications de réalité augmentée; z last but not least, le smartphone est, en sa qualité de téléphone, toujours à portée de main (dans la poche) contrairement à un récepteur GPS classique. Lorsque la réception des signaux GPS est mauvaise ou impossible (à l’intérieur d’un bâtiment, ou dégagement insuffisant vers le ciel), le smartphone est capable de localiser approximativement l’usager par triangulation à partir de l’emplacement connu des antennes du réseau téléphonique cellulaire ou des points d’accès WiFi. Par ailleurs, le fait de disposer d’une connexion Internet sur un smartphone permet d’améliorer la réactivité du GPS grâce à la technique A-GPS (Assisted GPS): les éphémérides des satellites GPS sont automatiquement téléchargées via Internet pour plusieurs jours en avance, et le premier fix à froid & du récepteur GPS est quasiment instantané (au lieu d’une quarantaine de secondes pour un récepteur classique dans de bonnes conditions). Les rares inconvénients du smartphone sur le récepteur GPS spécialisé résident essentiellement dans sa plus faible autonomie en


Utiliser OpenStreetMap et l’enrichir avec un smartphone batterie et une plus grande vulnérabilité aux mauvaises conditions météorologiques (froid, humidité, intempéries…). Dans la suite de cet article, nous nous concentrerons sur quelques applications interagissant avec OSM et disponibles sur smartphones. S’agissant d’applications sur PC (de bureau, portable ou netbooks), on renvoie le lecteur au wiki OSM, wiki.openstreetmap. org/wiki/Software/Desktop. Nous distinguerons trois grands domaines d’utilisation (certaines applications remplissant souvent plusieurs de ces fonctions): z affichage de cartes et vues aériennes; z recherche et localisation d’adresses et points d’intérêts, détermination d’itinéraires, voire navigation en temps réel; z enregistrement sur le terrain de traces GPS et autres informations utiles en vue de cartographier ultérieurement les lieux visités. Dans chacun de ces domaines, on pourrait encore distinguer les applications selon leur mode de diffusion: open source (licences GPL 2/3, LGPL, Apache…), fermées/propriétaires mais gratuites (free), ou fermées et payantes. Le wiki OSM recense les principales applications selon les plates-formes: z sous Android, wiki.openstreetmap.org/wiki/Android (AndroPhones); z sur iPhone, wiki.openstreetmap.org/wiki/IPhone (et iPod Touch, iPad); z pour le vieillissant Windows Mobile, wiki.openstreetmap.org/ wiki/WinPDA; z pour les équipements mobiles en général, wiki.openstreetmap. org/wiki/Software/Mobilephones.

Affichage de cartes La fonction première des applications cartographiques consiste à afficher des cartes et/ou vues aériennes, permettre de zoomer et se déplacer dans celles-ci (on parle de carte glissante) ainsi que repérer la position courante de l’utilisateur. Il est essentiel de bien distinguer les deux modes d’accès suivants: online (mode connecté): l’information est automatiquement téléchargée par le smartphone, ce qui permet d’accéder à la cartographie du lieu où l’on se trouve sans rien devoir installer au préalable; le trafic réseau peut cependant être important, gratuit avec une liaison WiFi mais payant en mode téléphonie (d’où l’intérêt de disposer d’un abonnement comprenant un forfait de données adapté); certaines applications permettent, en connexion WiFi, de récupérer localement (mettre en mémoire cache) les portions de cartes d’une zone donnée ou correspondant à un itinéraire, de façon à pouvoir y accéder ensuite sur le terrain en mode déconnecté; offline (mode déconnecté, usage stand-alone): les informations doivent avoir été préalablement acquises et enregistrées sur le smartphone (mise en cache). Il faut aussi différencier deux types de données ou formats de stockage fondamentalement différents: raster (bitmap, matriciel): la carte est découpée en une multitude de facettes contiguës (tuiles, carreaux) préalablement générées par les moteurs de rendu cartographique à différentes échelles (avec différents niveaux de détails et modes de symbolisation); ce format est généralement utilisé pour les cartes

complexes (topographiques…), les représentations ombrées du relief, et bien entendu les images aériennes; vecteur (objet): les éléments de la carte sont décrits sous forme d’objets géométriques (nœud, ligne, surface… et attributs); le volume de stockage est généralement beaucoup plus faible qu’en mode raster; ce format convient bien aux cartes routières et rend notamment possible la recherche par adresse, le calcul d’itinéraires…; il permet aussi différents types de rendus et styles d’affichage (carte de jour/nuit, activer/désactiver certains types d’objets…). OruxMaps, www.oruxmaps.com/, sous Android, est un bon exemple d’application gratuite permettant à la fois l’affichage de nombreuses cartes raster en mode connecté (en particulier OSM Mapnik/Cyclemap, Google Maps/Earth/Terrain, Microsoft/Bing Maps/Earth/Hybrid…) ou déconnecté. Dans ce second cas, les tuiles doivent être préalablement générées par l’utilisateur avec l’application Java Mobile Atlas Creator (sous PC/Mac/Linux), mobac. dnsalias.org/. La figure 2 présente l’utilisation offline de la carte SwissTopo 1:25000. Pour une zone rectangulaire englobant toute la Suisse (79’000 km2), la carte sauvegardée aux niveaux de zoom 12/13/14/15 génère 130’000 tuiles occupant env. 3 GB. D’autres logiciels permettent un stockage plus compressé, voire même en base de données SQlite (BigPlanet…). Parmi de nombreuses autres alternatives sous Android, l’application RMaps, robertdeveloper. blogspot.com/2009/08/rmaps.html est particulièrement légère. Sur iPhone et sous Windows Mobile, relevons l’application GPSTracks.com, www.gps-tracks.com/ qui donne l’accès aux cartes OSM Mapnik/Cyclemap et permet également d’afficher les cartes topographiques suisse, allemande et autrichienne gratuitement en mode connecté, mais de façon payante en mode déconnecté (tarif 50 ct pour 30 km2 pour la carte SwissTopo au 1:25000).

fig. 2 - carte nationale SwissTopo affichée dans OruxMaps

MapDroyd, www.mapdroyd.com/, sous Android, est un remarquable exemple d’application gratuite permettant d’utiliser en mode déconnecté la carte OSM sous forme vectorielle, et de s’y repérer (voir fig. 3). Pour l’ensemble de la Suisse, celle-ci n’occupe que 20 MB de stockage sur le smartphone. L’Europe entière ne consomme que 1.2 GB, et l’Amérique du Nord/centrale/du Sud 1.5 GB, le tout pouvant donc être facilement stocké en mémoire flash sur le smartphone. Très fluide, le zoom à 2 doigts adapte intelligemment le niveau de SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Utiliser OpenStreetMap et l’enrichir avec un smartphone détail et le graphisme des objets (symbolisation cartographique). Comme application analogue sur iPhone, voir True Maps. MapDroyd se décline aussi dans une version guide de ville sous le nom TravelDroyd, www.traveldroyd.com/. L’application est gratuite, mais les données de chaque ville doivent être acquises indépendamment (TravelBooks, au prix de 1 à 2 euros/ville, puis mises à jour gratuites). Elle s’appuie sur la cartographie OSM complétée de courbes de niveau, intègre les articles Wikipedia concernant la ville (multilingue et géolocalisés sur la carte), et implémente la recherche d’itinéraires (pédestre, motorisé), le tout en mode déconnecté. Sur iPhone on peut citer les applications similaires OffMaps, www.offmaps.com/ ou Mobile-Streetmaps, mobilestreetmaps.com/.

Sans disposer d’application cartographique spécifique sur son équipement mobile, il est aussi possible d’afficher la carte OSM en mode connecté depuis un navigateur Web en se rendant sur le site OpenTouchMap, http://www.opentouchmap.org/ (pour iPhone/iPodTouch/iPad, Android et certains Blackberry). Il s’agit d’une version de la carte glissante OSM adaptée aux dispositifs à interface tactile (gestes tels que: drag, pinch, tap, double-tap), s’appuyant sur les librairies javascript TouchMapLite et panoJS. Si le navigateur Web supporte l’API de géolocalisation (voir implémentation sous firefox, www.mozilla.com/en-US/firefox/geolocation/), il est même possible de centrer la carte par rapport à la position courante de l’utilisateur.

Recherche d’adresses, détermination d’itinéraires et navigation

fig. 3 - carte OSM mondiale (ici site EPFL) dans MapDroyd

Lorsque l’on est en mouvement, toutes ces applications permettent, comme sur un récepteur GPS routier, d’activer le mode de suivi de déplacement (auto-follow): une flèche indique alors la position courante ainsi que la direction du mouvement, et la carte glisse automatiquement pour que l’utilisateur reste centré. De plus, sur les appareils équipés d’une boussole numérique (tous les smartphones Android, l’iPhone à partir du modèle 3GS sorti mi2009), la plupart des applications permettent d’orienter automatiquement la carte (que ce soit en mode vecteur ou raster) selon l’orientation du smartphone (pour faciliter la lecture de carte et le repérage dans le terrain) ou la direction du mouvement.

La recherche par adresses et points d’intérêt (par attributs ou par proximité), le calcul d’itinéraires et la navigation temps réel (turnby-turn) avec affichage 2D/2.5D font partie des fonctionnalités de base de tout équipement GPS de navigation routière. Les sociétés développant ces équipements (TomTom, Navigon, Garmin…) ont récemment porté leurs applications sur smartphones, mais cellesci sont la plupart du temps très coûteuses (applications ellesmêmes, puis mises à jour des cartes). Elles présentent cependant l’avantage de travailler en mode déconnecté, n’engendrant aucun frais de communication (sauf pour les services spéciaux en temps réel tels que informations sur le trafic routier via Internet…). À l’opposé, Google Maps sur smartphone (implémenté sous la forme d’applications spécifiques sur iPhone, Android…) travaille en mode 100% connecté, dans la pure tradition des services cloud de Google. L’usage est gratuit, les fonctionnalités de recherche d’adresses et calcul d’itinéraires d’excellente qualité, et l’utilisateur n’a aucun souci de mise à jour des cartes. Sont ensuite apparues sur smartphone les possibilités d’affichage de photos panoramiques Google StreetView (décembre 2008, avec orientation automatique grâce à la boussole et l’accéléromètre) et tout récemment Google Maps Navigation (en Europe depuis juin 2010, gratuit, disponible pour l’instant sous Android seulement), véritable application de navigation avec guidage par synthèse vo-

fig. 4 – menu principal et menu contextuel de gvSIG Mini Maps (ici avec cartes OSM)

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Utiliser OpenStreetMap et l’enrichir avec un smartphone cale multilingue (prononciation tout-à-fait correcte des noms de rue !). Les solutions de navigation alternatives sont généralement basées sur les données OSM, et la plupart du temps implémentées en mode connecté. Prenons l’exemple de gvSIG Mini Maps, https:// confluence.prodevelop.es/display/GVMN (version mobile du SIG open source et multi-plates-formes réputé gvSIG, www.gvsig.org/ Web/home/portal-gvsig-fr/), qui se décline en une version Android et une version pour smartphones équipés de Java. La figure 4 en présente les possibilités principales. gvSIG Mini Maps permet d’afficher de nombreuses cartes et images aériennes préconfigurées (OSM Mapnik/Osmarender/ Cyclemap, Cloudmade, Google Maps/Satellite/Terrain, Yahoo Maps/Satellite/Hybrid, Microsoft-Bing Maps/Satellite/Hybrid…), mais il est également possible d’accéder aux cartes fournies par des serveurs WMS (Web Map Service, spécification de l’Open Geospatial Consortium) choisis par l’utilisateur ! Si l’on souhaite mettre en mémoire-cache des portions de cartes ou d’images aériennes (afin d’y accéder ultérieurement en mode déconnecté), on peut à choix: z sur le smartphone lorsque l’on dispose d’une liaison WiFi: simplement afficher aux différents niveaux de zoom souhaités les zones concernées (les tuiles correspondantes étant automatiquement mises en cache); z sur un PC fixe, avec l’application gvSIG et l’extension Phone Cache, https://confluence.prodevelop.es/display/GVMN/Phone +Cache: télécharger aux niveaux de zoom souhaités le secteur concerné, et transférer ces informations (tuiles) sur la carte SD du smartphone. La recherche d’adresses et points d’intérêts s’effectue en mode connecté et fait appel au service Name finder, gazetteer. openstreetmap.org/namefinder/ basé OSM. Il existe plusieurs services de routage (calcul d’itinéraires) basés OSM, gvSIG Mini Maps utilisant le service YOURS &. Le résultat vient se superposer sur la carte ou image aérienne raster (fig. 5).

fig. 5 – calcul d’itinéraire dans gvSIG Mini Maps (ici superposé sur une vue aérienne Google)

AndNav2, www.andnav.org/ est une application de navigation routière bien connue du monde Android. Son évolution est intéressante: la première version (AndNav1) était fermée, se basait sur Google Maps et se limitait à l’affichage cartographique et la planification d’itinéraire. La seconde version (AndNav2) s’appuie sur les données OSM, permet de naviguer avec guidage audio en mode déconnecté, et elle est passée sous licence open source dé-

but 2010. Sur iPhone, voir par exemple Skobbler, www.skobbler. co.uk/mobile basé OSM. Les développeurs de MapDroyd viennent de mettre sur le marché l’application NavDroyd, www.navdroyd.com/ (US$ 5), également basée OSM, qui permet la recherche d’itinéraire et la navigation 2D/2.5D en mode offline. Une fois l’application acquise, les cartes peuvent être téléchargées et mises à jour gratuitement en connexion WiFi pour le monde entier. Pour illustrer le problème posé par les données cartographiques non libres (contrairement aux données libres OSM), mentionnons l’application de navigation Nav4All, www.nav4all.com/ qui s’appuyait sur la cartographie Navteq devenue filiale de Nokia mi-2008. Les développeurs de cette application gratuite, conçue pour des centaines de modèles différents de téléphones et téléchargée par 27 millions d’utilisateurs, ont été mis en demeure par Nokia début janvier 2010 de cesser le développement et la distribution de ce logiciel dans les trois jours, www. thefirstmobilephonenavigationwar.com/.

Enregistrement de traces Il nous faut finalement aborder la dimension Web 2.0 de la cartographie ! Équipé d’un smartphone, l’utilisateur a tout ce qu’il faut sur lui pour devenir cartographe (moyennant un tout petit peu d’expérience). Existe-t-il ensuite plus grande satisfaction que de voir apparaître sur la carte mondiale, dans les innombrables services Web basés OSM (voir l’impressionnante liste, wiki.openstreetmap.org/wiki/List_of_OSM_based_Services) et sur son smartphone, la portion de territoire que l’on a soi-même cartographiée ? ! Le but de ce chapitre n’est pas de vous apprendre à cartographier dans OSM (voir à ce sujet l’abondante documentation disponible sur le wiki OSM, en français, wiki.openstreetmap.org/wiki/FR:Main_ Page ou en anglais, wiki.openstreetmap.org/wiki/Main_Page) mais de présenter rapidement quelques outils utiles sur smartphone pour acquérir sur le terrain l’information nécessaire afin de compléter/éditer la carte mondiale une fois de retour à la maison. L’information primaire qu’il est nécessaire d’acquérir, ce sont des traces GPS, c’est-à-dire des lignes (succession de points définis par leur longitude et latitude) correspondant aux itinéraires parcourus (route, chemin…) ou contours des objets à cartographier (rivière, bordure de forêt…). Ces traces ne seront pas directement affichées dans la carte mondiale, mais vous serviront à créer/éditer ces objets par un procédé de type décalque. Il faut en outre obligatoirement associer à chacun de ces objets un (éventuellement plusieurs) attribut non graphique (appelés tags ou map features, wiki.openstreetmap.org/wiki/Map_Features) servant à structurer la carte et représenter ces objets avec la symbologie appropriée (catégorie de route, type de bâtiment…). Il est donc également nécessaire de saisir ces informations lorsque l’on est sur le terrain, et le smartphone offre, là aussi, beaucoup de souplesse: z saisie de notes écrites: ici se trouve une cabine téléphonique… z enregistrement de commentaires audio: à partir de là, limitation de vitesse à 50 km/h… z photos: panneaux avec noms de rue…; informations qui doivent bien entendu être géolocalisées (reliées à des coordonnées géographiques), ce que fait automatiquement l’application sur un smartphone équipé d’un GPS. SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Utiliser OpenStreetMap et l’enrichir avec un smartphone Vous partez faire une randonnée en vélo ou une balade en montagne: voici les différentes étapes du processus qui vous permettront de cartographier les lieux parcourus: 1 Au début de votre parcours, lancez votre application et attendez quelques secondes pour que le GPS vous localise avec précision, puis démarrez le mode d’enregistrement de trace. Il peut être utile de désactiver l’affichage de la carte en arrière plan lorsque celle-ci est obtenue en mode connecté (pour ne pas engendrer de coûts de communication). Sur iPhone, en attendant la version iOS 4 (juin 2010) du système qui deviendra partiellement multitâche, vous ne pouvez plus rien faire d’autre sur votre appareil tant que l’application d’enregistrement de trace est active (sauf écouter de la musique et recevoir des appels téléphonique). Android, quant à lui, ne présente pas cette limitation (multitâche dès sa conception). 2 Mettez ensuite votre appareil en mode veille (extinction écran) pour économiser la batterie, et commencez votre balade ! Dans ce mode, le logiciel continue d’enregistrer la trace mais ne télécharge pas le fonds de carte. L’intervalle d’enregistrement automatique de points s’effectue selon les préférences de votre application (critères distance ou temps…). 3 Tout le long du trajet, chaque fois qu’il se présente quelquechose de significatif sur un plan cartographique (changement de catégorie ou de nom de route, point d’intérêt…), arrêtezvous précisément au bon endroit et saisissez, dans votre application, une note écrite, un commentaire audio, ou prenez une photo. 4 Selon la capacité de votre batterie, envisagez de suspendre l’enregistrement de trace et d’éteindre votre smartphone lorsque vous faites une longue pause. La capacité de stockage (taille des fichiers traces) n’est par contre aujourd’hui plus une limitation sur smartphone. 5 De retour chez vous, déchargez vos fichiers de traces/waypoints GPS sur votre ordinateur. Si ceux-ci sont dans un format propriétaire, exportez-les au format standard GPX (GPS Exchange Format, format lisible basé XML, utilisé par OSM et par les logiciels de cartographie associés). Le processus d’édition OSM peut alors débuter. Si vous êtes parti pour un long trek de plusieurs jours, certaines applications permettent de télédéposer ses traces directement sur OSM (ou dans d’autres systèmes propriétaires tels que Google Maps, EveryTrail, MapMyTracks, FaceBook…). La plupart des logiciels d’affichage de cartes permettent d’enregistrer des traces (p.ex. OruxMaps vu plus haut), mais certains sont plus appropriés à une saisie OSM tel que OSMTracker (voir interface de saisie de

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tags dans la figure 6), sous Windows Mobile, wiki.openstreetmap. org/wiki/OSMtracker ou Android, code.google.com/p/osmtracker-android/. Certains sont spécifiquement dédiés à cette tâche, tel AndAndo, andando.javielinux.com/ (voir fig. 7). D’autres sont orientés activités sportives (vélo, jogging…), implémentant par exemple des graphiques de vitesse, profils d’altitude, consommation de calories… (par exemple RunKeeper, runkeeper.com/). Il serait même possible d’éditer en-ligne la carte OSM depuis votre smartphone (par exemple avec le logiciel Vespucci, code. google.com/p/osmeditor4android/), mais cela est assez pénible et déconseillé vu le manque de précision d’une interface tactile. On se limitera donc sur smartphone à des opérations non graphiques telles que modifier des attributs, éditer des points d’intérêt et l’on utilisera un ordinateur classique pour le reste.

Conclusion (toute provisoire…) La géolocalisation, le géoréférencement, la navigation… sont des domaines très en vogue aujourd’hui et dont l’évolution est extrêmement dynamique. Les plates-formes mobiles (netbooks, smartphones, tablettes…) se développent également à un rythme soutenu. Notre sélection d’applications ne pouvait être que limitée et subjective (avec une préférence pour l’open source, ce qui est normal lorsque l’on s’intéresse à OpenStreetMap), mais vous trouverez facilement d’autres applications qui vous conviendront tout aussi bien… sans compter le fait que dans six mois la situation aura encore énormément évolué ! Nous espérons que, d’ici-là, vous ne serez plus seulement consommateur mais aussi acteur dans le monde de l’information géographique libre ! n

fig. 7 – enregistrement de trace dans AndAndo, avec notes, commentaires audio et photos

GLOSSAIRE

fig. 6 – définition de tags, prise de notes, photos et commentaires audio dans OSMTracker

&

Fix à froid: durée nécessaire pour obtenir une première position lorsque le récepteur GPS n’a pas été utilisé depuis plusieurs heures. Celle-ci dépend principalement du nombre de satellites visibles et de la qualité de réception de leurs signaux. Voir TTFF (Time to first fix). en.wikipedia.org/wiki/Time_to_first_fix. YOURS (Yet another OSM Route Service): www.yournavigation.org/.


Analyse

Société 2.0 – un pas en Noosphère ? Gabriel Minder, ggminder@bluewin.ch Académie suisse des sciences techniques SATW et Cercle de lecture Teilhard de Chardin, Genève

It is suggested that with Society 2.0 humanity has entered the Noosphere predicted by Teilhard de Chardin, with the Lake Leman region constituting a major hub. Il est suggéré qu’avec Société 2.0 l’humanité est entrée dans la Noosphère prédite par Teilhard de Chardin et que la région lémanique en constitue un pôle majeur.

En parlant de Web 2.0 et de Société 2.0 il convient d’évoquer la Noosphère ou nappe pensante universelle proposée par le grand penseur jésuite à l’expression résolument libre que fut Teilhard de Chardin (Auvergne 1881- New York 1955). Il s’est attaché à décrire dans toute leur diversité, avec méthode scientifique et expression poétique, les aspects essentiels de l’Homme du 20ème siècle, tels que vécus par lui dans les deux guerres mondiales: la première où il fut brancardier au front franco-allemand, la seconde comme paléontologue en Chine. Joël de Rosnay fut l’un des scientifiques qui développa le concept de Noosphère et marquera certainement le Web 3.0 (sémantique). Essayons donc d’esquisser les caractéristiques communes à cette Noosphère et à Société 2.0: a la Noosphère s’inscrit dans la continuité évolutionniste de la Géosphère et de la Biosphère; b elle est empreinte de convergence entre la Pensée personnelle individuelle et la Pensée collective, ou mieux encore hyperpersonnelle (spiritualité évolutionnaire); c elle pointe vers le Sommet Oméga de cette convergence, marquée, selon Teilhard, par la Pensée chrétienne et un Christ cosmique. Quant à Web 2.0, élément fondamental de Société 2.0, on y trouve de manière similaire: a l’usage multidisciplinaire de la Géosphère, par exemple le sable (silicium) pour stocker les composants de la Pensée, ainsi que l’or et le cuivre pour les connexions, jusqu’aux éléments de Biosphère, tels les génomes récemment programmés artificiellement (bio-composants auto-reproducteurs); b la synergie de l’individuel et du collectif (blogs et réseaux sociaux); c d’immenses points d’interrogation aussi, en raison de l’évaporation graduelle de nombreuses valeurs établies au long des siècles par les civilisations successives. Ce qui ressort de cette évolution, c’est le grand besoin actuel de progrès en matière d’utilisation de l’information, à commencer par la formation secondaire.

À titre d’exemple représentatif pour la France, cette voie est principalement et clairement tracée par la FADBEN & dans le Module de formation à l’information-documentation publié dans le cadre de la réforme du lycée, le 12 janvier 2010 (www.fadben.asso. fr/spip.php ?article107):

Ces dernières années, les réflexions menées autour de la réforme des lycées ont fait apparaître la nécessité de former tous les élèves à la culture de l’information. En juin 2008, les points de convergence sur les principes directeurs de la réforme du lycée précisaient que «tout au long de sa scolarité, le lycéen doit pouvoir se préparer à devenir étudiant en développant la capacité de recherche documentaire et la maîtrise du travail en groupe» … En parallèle, les rapports sur l’éducation aux médias recentrent le professeur documentaliste dans sa fonction enseignante spécifique concernant les médias et la culture de l’information. Ces recommandations répondent aux enjeux de culture de l’information soulevés par l’UNESCO. Aujourd’hui, il faut maîtriser l’information pour participer à la société du savoir, à travers la formation permanente, le développement de la citoyenneté, ainsi que l’intégration sociale, professionnelle et culturelle des individus. Dans la formation dispensée au lycée, le Socle commun de connaissances et de compétences intègre déjà en partie ces enjeux. En octobre 2008, la FADBEN proposait de créer un enseignement à la culture de l’information sous la forme d’un module cohérent, inscrit dans les cursus de tous les élèves de la 6ème à la Terminale, sous la responsabilité des professeurs documentalistes en collaboration pédagogique avec les autres enseignants.

Depuis 2007 en France, l’IABD & fait état de l’actualité concernant l’Internet (ACTA, Déclaration de Wellington, www.iabd.fr/ spip.php ?article8). Quant aux grandes organisations internationales, citons les rapports fournis par une vingtaine d’entre elles en mai 2010 à la Commission Science et Technologie de la CNUCED (Genève), le rapport 2010 de l’UIT Measuring the Information Society, et des rencontres planifiées sur les Technologies convergentes telles que Informatica 2011 à La Havane. En physique fondamentale et en cosmologie, les réseaux GRID et LPCC du CERN, où le Web fut inventé en 1990, représentent en 2010 un puissant

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Société 2.0 – un pas en Noosphère ? support mondial à la fois pour la recherche et pour l’enseignement (lpcc.web.cern.ch/LPCC/). Mais c’est surtout au niveau universitaire qu’il convient de poursuivre ce développement. L’EPFL et son nouveau Rolex Learning Center, rolexlearningcenter.epfl.ch/, peuvent y jouer un rôle capital, comme l’exprime Patrick Aebischer, Président de l’EPFL et membre de l’Académie suisse SATW: «Le Rolex Learning Center illustre parfaitement notre École, où les frontières traditionnelles entre les disciplines sont dépassées, où les mathématiciens et les ingénieurs rencontrent les neuroscientifiques et les microtechniciens pour imaginer les technologies qui amélioreront notre quotidien. Nous invitons le public à découvrir cet espace afin qu’il comprenne que travailler dans le domaine scientifique, c’est participer au progrès de la société». Dans cet esprit universaliste, le CERN affiche même l’ambition de rapprocher sciences et arts (Collide – a cultural revolution), une sorte de Renaissance 2010 en droite ligne de celle de Léonard de Vinci il y a 500 ans !

Dès 1940, depuis Pékin, Teilhard de Chardin annonçait la Noosphère (ou nappe pensante) dans l’un de ses ouvrages les plus célèbres: Le Phénomène humain (Ed. du Seuil, 1955). La Société 2.0 peut être vue comme un pas marquant en Pierre Teilhard de Chardin, S. J. (Auvergne 1881 Noosphère, en direction du New York 1955) Wikipedia Point de convergence Oméga, l’antipode d’Alpha (Big Bang), selon la vision spirituelle de Teilhard. Après ses études en Angleterre, à la Sorbonne et au Caire, ce membre de l’Institut de France devint le paléontologue mondialement connu pour ses découvertes en Chine et à travers l’Asie (Homme de Pékin, Homme de Java). Dans le cadre de la Noosphère, il situa aussi l’Ascension de l’Occident, ce qui lui valut, à la fin du 20e siècle, d’être affectueusement surnommé Pape de l’Internet aux USA. De son vivant, le Vatican qu’il respecta toujours à sa manière, interdit son œuvre non-scientifique. De 1955 à 1976, celle-ci fut publiée à titre posthume en 13 volumes par Jeanne Mortier, son exécutrice testamentaire, puis par de prestigieux comités internationaux sous le patronage de l’ex-Reine Marie-José d’Italie résidant à Meinier/ Genève. Ce n’est qu’en 1996 que Jean-Paul II déclarait «plus qu’une hypothèse» la théorie de l’évolution.

En guise de conclusion, voici deux vues très schématiques: 1. La région lémanique offre des atouts probablement inégalés en matière de coopérations multidisciplinaires mondiales, notamment: w Genève, pôle mondial de développement durable et de coordination humanitaire; w Lausanne, Nyon, Aigle, pôles de sports intensément médiatisés;

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w Gland, pour la conservation de la nature, www.iucn.org; w Tolochenaz, pour la technologie médicale de pointe, www. medtronic.ch; w L’EPFL, la Haute École francophone la plus internationale au monde (Francophonie: Congrès 2010 à Montreux) et les Universités romandes; w Le CERN, pôle des réseaux mondiaux GRID et LPCC servant l’infiniment grand (avec ESO, Chili) comme l’infiniment petit (avec Gran Sasso, Italie) et constituant ainsi un immense cloud computing sur les trois niveaux: matériel, données et informationnel; w La vingtaine d’agences spécialisées des Nations Unies coopérant dans le monde entier avec plus de 200 ONG internationales; w L’OMC avec ses réseaux concernant les matières premières et les ressources humaines; w Le World Economic Forum avec toutes ses rencontres périodiques régionales; w Les banques internationales qui gèrent une part substantielle des avoirs de la planète; w Les centres religieux autour de Genève: Le Grand Saconnex et Bossey (œcuméniques), Chambésy (orthodoxe); w L’Internet Society, www.isoc.org, le SAWI Lausanne et ses cours Web 2.0 www.sawi.com/fr/Nos_formations/SMCM. 2. L’EPFL et son Rolex Learning Center constitueront donc une base éminente de formation documentaire en matière de Société 2.0 notamment sur les trois plans précités (avec exemples déjà existants de coopérations mondiales) sans oublier la notion de Bibliothèque 2.0, à savoir: Géosphère (sciences naturelles) avec associations et institutions spécialisées: z exemples: environnement naturel, sols et roches, climat, catastrophes naturelles; z intégration dans le monde oriental, à travers l’EPFL Middle East et son soutien au projet RAK, visant à y adapter une formation miroir de Lausanne, couvrant notamment l’énergie, les transports et la sécurité informatique; Biosphère (sciences de la vie) avec des entreprises multinationales et des centres universitaires: z questions fondamentales (exemples: génomes, Life 2.0) et appliquées (exemple: projet météorologique WIFA en faveur de l’agriculture africaine); Noosphère (à travers Société 2.0) avec des centres universitaires et religieux: z formes de gouvernance mondiale dans les domaines essentiels à la survie planétaire; z évolutions spirituelles, libérées de cloisonnements et préjugés. n

GLOSSAIRE

&

FADBEN: Fédération des Associations de Documentalistes de l’Education Nationale (France). IABD: Interassociation Archives, Bibliothèques et Documentation.


Analyse

Open Gov Simon Perdrisat, perdrisat@gmail.com Développeur Drupal, actif dans plusieurs communautés Open Source et passionné par leurs dynamiques

A new kind of government based on the organization of open source projects to increase the participation of every citizen with the intention to truly represent the majority. Une nouvelle forme de gouvernement qui s’inspire de l’organisation des projets open source pour intensifier la participation de chaque citoyen dans l’intention de représenter réellement la majorité.

Open Government

verts et flexibles, mais surtout qui utilisent les outils de communication de demain.

Un gouvernement honnête L’open gov se veut totalement transparent et réellement démocratique. L’open gov est un ensemble d’outils et de méthodes d’organisation issu d’une philosophie promouvant l’ouverture et la transparence. L’open gov utilise les outils informatiques tels que les platesformes Web collaboratives. L’open gov n’est pas un régime politique en soi, mais permet de créer des régimes politiques nouveaux. L’open gov se veut rapide, performant, faiblement polluant et extrêmement peu coûteux. L’open gov permet aux citoyens de: z partager des idées; z collaborer sur des idées et voter pour celles qu’il aime; z signaler un problème (bug) de la société; z participer aux décisions;

En assemblant leurs rêves individuels, les gens créent une réalité qui surpasse largement leur imagination initiale. L’accès et le partage du savoir sont des valeurs centrales de notre culture. Grâce à leur énergie et leur collaboration, les hommes ont créé en quelques années l’encyclopédie la plus consultée de tous les temps, Wikipedia. Linux, un des logiciels les plus complexes, fut conçu grâce à la contribution de milliers de développeurs passionnés. De même pour Firefox, le célèbre navigateur qui propulsa le Web dans la dynamique qu’on lui connaît aujourd’hui. Les exemples ne manquent pas. La démocratie & elle aussi devait être un projet collectif élaboré par la majorité. Pourtant, que penser de Copenhague ? De nos systèmes de santé ? Des bonus bancaires ? De la délocalisation des entreprises ? Des OGM ? Que penser également de G20, G8 ou même de l’ONU – ces systèmes au sein desquels nous n’avons rien à dire, mais qui décident pour tous. Soyons francs, la majorité n’est pas représentée. Trop souvent, nos chefs de gouvernement plient sous la pression d’une extrême minorité qui fait valoir ses intérêts. L’open government ou open gov s’inspire de l’organisation de projets communautaires qui ont su utiliser l’énergie du groupe sans s’étouffer dans la polémique. Des projets ou- l’open gov centralise les outils, mais l’organisation n’est plus hiérarchique, mais distribuée (image créée par opte.org.)

SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Open Gov

Guide pratique 2020 Osez l’open gov pour votre démocratie Pré-requis C’est le gouvernement lui-même qui doit oser l’open gov. Faire partie du gouvernement vous aidera à promouvoir l’open gov. Intéressez-vous aux projets open source & et surtout à ses outils de communication, sources d’inspiration de l’open gov.

Revoyez votre IT «Quite simply, we can’t significantly improve the efficiency and effectiveness of the federal-government without fixing IT."» Peter Orszag, directeur de l’Office of Managment and Budget du gouvernement Obama. L’IT & joue un rôle primordial dans l’open gov. Assurez-vous d’avoir des ressources et équipes qui savent manier et créer des plates-formes Web simples, performantes et attractives. Les outils devront continuellement évoluer pour répondre aux nouveaux besoins. Les logiciels développés étant open source, les citoyens pourront proposer des modifications. À son début, l’open gov doit transférer énormément de données de vieux systèmes fermés sur les nouvelles platesformes. Heureusement, l’informatique permet de traiter rapidement un grand nombre de données pour un coût dérisoire.

Construisez votre open gov Le gouvernement en place doit mandater une petite équipe capable de créer les services Web. À l’avenir, les services seront créés de manière collaborative par les citoyens.

z avoir accès à toutes les informations détenues par le gouvernement et l’administration; z avoir accès à l’ensemble des actions faites sur l’open gov.

L’open gov - which will save us all L’open gov est la possibilité de gérer et entreprendre les décisions qui nous sont utiles, de prendre la parole et retenir les idées les plus intéressantes. Jamais par le passé nous n’avons eu la chance de pouvoir organiser et traiter tant d’informations. Ceci n’est pas sans risque, mais ce n’est pas en fermant l’accès aux données que nous nous assurons qu’elles sont correctement protégées. Le stockage de données doit s’accompagner d’une politique stricte. Actuellement, Google, Facebook et d’autres sociétés privées ont pris les devants et emmagasinent des quantités folles de données personnelles sans aucun contrôle. Ces entreprises en savent bien plus sur chacun de nous que notre propre gouvernement.

Distribuez une identité numérique Un serveur d’identification l’OpenGovID permet aux gens de se connecter avec leur propre identité. Le spam, les actes illégaux, les appels à la haine, l’usurpation d’identité ou l’utilisation d’identités multiples doivent être évités. Connaître l’auteur de modifications est donc vital. Certaines actions pourront rester anonymes, un vote par exemple. l’OpenGovID permet cependant de vérifier qu’une personne ne vote qu’une fois par sujet. L’OpenGovID peut identifier des personnes physiques et morales. Il peut également être utilisé par des logiciels non officiels telles que la poste ou des boutiques online.

Capturez les idées

Avant tout, concevez OpenGovUserVoices, une plate-forme Web pour capturer les idées et les feedbacks des citoyens. Les membres du gouvernement utiliseront aussi cette plateforme pour présenter leurs idées. Les utilisateurs peuvent commenter les idées et amener des contre-propositions. Les idées dépassant un certain seuil de popularité doivent être soumises au vote à l’ensemble de la population de manière automatique.

Déployez des services Les autres principaux services (des plates-formes Web) peuvent être facilement identifiés et doivent être mis en place rapidement. Ne cherchez pas à créer des plates-formes parfaites, mais visez la simplicité; il est toujours possible d’évoluer selon les besoins. De nouveaux services peuvent être développés par chacun et intégrés au service officiel si la majorité de la population le souhaite.

Des exemples dans le monde En Suisse, le gouvernement a récemment mis au point le SuisseID &. Lors de sa campagne, Obama utilisa le Web pour informer ses électeurs, mais aussi pour connaître et répondre à leurs questions et opinions. Sur le site change.gov les citoyens pouvaient poser des questions, proposer des idées ou voter pour les idées d’autres utilisateurs. Une fois élu, il étendit l’idée à la Maison Blanche et tous les services du gouvernement américain. Il l’appela open gov. Un nouveau parti sera officiellement lancé le 11.11.11, le parti Wiki Démocratie de Québec, projet de société que chacun peut améliorer. Il consiste en un wiki et un groupe Facebook.

Sources z www.michelleblanc.com/2009/01/19/obama-ouvre-la-voiedu-gouvernement-20/

z www.whitehouse.gov/open/innovations/vaii z www.whitehouse.gov/open/about

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Open Gov

OpenGovUserVoices est la plus importante, elle permet de prendre les idées et les feedbacks des citoyens. OpenGovVote permet de voter sur les sujets. OpenGovDev centralise la création et le développement de plates-formes. OpenGovStats centralise les données statistiques du pays. OpenGovLaw contient les textes de loi et leurs historiques complets. Les utilisateurs doivent pouvoir commenter et proposer des modifications des textes dans l’esprit d’un wiki. OpenGovDocs stocke les documents, guides, etc. OpenGovAdminData contient toutes les données de l’administration et leurs historiques. OpenGovAdminForm permet de créer des formulaires, de les soumettre, de récolter les données et finalement de les stocker dans OpenGovAdminData; évidemment, les champs connus par OpenGovAdminData sont remplis automatiquement, l’utilisateur n’ayant qu’à vérifier l’exactitude des données.

La démocratie aux citoyens À ce stade le pays est géré par ses citoyens qui décideront eux-mêmes du modèle de société et du futur de l’open gov que vous avez initié.

z z z z

vecam.org/article800.html www.whitehouse.gov/open/around www.wikidemocratiequebec.net www.suisseid.ch/

Outils de collaboration z z z z

wikipedia.com uservoice.com/how_it_works https://github.com stackoverflow.com

Web 2.0 z www.ted.com/talks/seth_godin_on_the_tribes_we_lead. html n

GLOSSAIRE

&

IT: Information Technology regroupe les techniques utilisées dans le traitement et la transmission des informations, principalement de l’informatique, de l’Internet et des télécommunications. démocratie: régime politique dans lequel le peuple est souverain et détient le pouvoir collectivement. open source: logiciel dont la licence permet la libre redistribution, l’accès au code source et aux travaux dérivés.Ce type de logiciel est majoritairement maintenu par des communautés. SuisseID: système d’identité électronique sécurisé (carte à puce ou clé USB) lancé en mai 2010. La SuisseID est la première preuve d’identité électronique sécurisée en Suisse permettant une signature électronique valable juridiquement et une authentification sécurisée.

brainstorm.ubuntu.com utilise IdeaTorrent un logiciel d’innovation qui laisse les personnes d’une communauté soumettre leurs idées, voter pour celles-ci et faire des brainstormings.

SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Analyse

Citoyens connectés Nicolas Marronnier, nicolas@socialmediaclub.fr Editorial Content and Operational Manager, Social Media Club France

The explosion of social media and of personal publishing tools has given ordinary citizens the means, potentially at least, to participate in the public debate. The availability of expression tools results in the contribution of the technologies of mobile communication, sharing and mobilization on line, to an empowerment of citizens and to a renewal of the tools of militant political action. L’explosion des médias sociaux et des outils de publication personnelle ont donné à des citoyens ordinaires les moyens, au moins potentiellement, de participer au débat dans l’espace public. Les technologies, par le biais de la mise à disposition d’outils d’expression, de communication mobile, de partage et de mobilisation en ligne, participent donc d’un empowerment & des citoyens et d’un renouvellement des répertoires d’action politique et militante.

Les technologies au service de l’activisme & et de la mobilisation Il parait intéressant de rappeler premièrement que l’exploitation des technologies par des activistes a tout d’abord pris la forme de détournements, de réappropriation des outils pour dénoncer leur utilisation première. Ainsi, dès 1996, les Surveillance Camera Players, www.notbored. org/the-scp.html, organisaient des représentations théâtrales publiques devant des caméras de vidéo-surveillance, afin de protester contre leur prolifération en milieu urbain. La dénonciation des dérives de la société de surveillance reste prégnante dans les réalisations des activistes en ligne. En témoigne le projet du collectif anglais Irational, www.irational.org, qui en 2000 mit en place un dispositif de délation citoyenne de la délinquance, pluggé & à un flux de vidéosurveillance de la ville de Glasgow diffusé sur leur site. Notons que cet outil a réellement été mis en place au Texas et en Europe: les sites Texas Border Watch, texasborderwatch.com/ et European Border Watch, www.europeanborderwatch.org/fr_goal.html proposent aux internautes de signaler par e-mail et en temps réel tout immigrant clandestin repéré sur le flux vidéo mis à disposition en ligne, dans une inquiétante logique de crowd-sourcing de la surveillance… Outre le message porté par ces dispositifs artistiques en ligne, ces réalisations sont vite apparues comme de formidables outils au service des citoyens désireux de déjouer les mécanismes de surveillance mis en place sur l’espace public, donnant lieu à un véritable maptivism & visant à répertorier les outils et mécaniques de surveillance mis en place par les autorités.

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Cet article est paru sur le blog du Social Media Club France socialmediaclub.fr, le 3 juin 2010. Le Social Media Club France est un cercle de réflexion sur les nouveaux médias, rassemblant journalistes, éditeurs, professionnels de la communication et des relations publiques, entrepreneurs, chercheurs, bloggeurs, responsables marketing et, plus largement, tout professionnel passionné par les médias et leur évolution. C ’est le chapitre français du Social Media Club (SMC). Le Social Media Club France organise des débats participatifs, et a réalisé un livre blanc sur les grands enjeux associés aux médias sociaux (librement téléchargeable sur socialmediaclub.fr/livre-blanc-2008-2009/). Les ingénieurs de l’Institute for Applied Autonomy mettent par exemple à disposition sur leur site Isee, www.appliedautonomy. com/isee.html des plans des grandes villes américaines afin qu’en s’y référant, tout habitant en quête de discrétion puisse éviter les caméras de surveillance lors de ses trajets quotidiens. Ricardo Dominguez et son collectif d’artivists The EDT (Electronic Disturbance Theater) ont, quant à eux, développé l’outil Transborder Immigrant Tool, bang.calit2.net/xborderblog/ ?p=96, (cf. image): une application mobile pour les candidats à l’immigration mexicains utilisant les technologies de géolocalisation afin d’éviter les patrouilles à la frontière. Ricardo Dominguez parle de cet outil comme d’un dislocative media, utilisant la géolocalisation non pas à des fins d’autosurveillance monitorée (je renseigne les autres du lieu où je me trouve) par exemple Foursquare, foursquare.com mais pour mieux contrer la surveillance des autorités. De façon plus générale, ces exemples illustrent également la notion de sousveillance proposée par le militant Steve Mann, en.wikipedia.org/wiki/Steve_Mann: elle met en lumière le phénomène de surveillance des surveillants au travers de contre-outils visant à surveiller les systèmes de surveillance eux-mêmes et les autorités qui les contrôlent. Des individus collectent ainsi des données sur leur environnement de surveillance et les mettent à disposition de tous en ligne.


Citoyens connectés

Vers des data.gov généralisés

D’une part, les fonctionnalités 2.0 offrent une multiplicité d’outils d’expression en privilégiant les micro-formats: écrire sur les médias digitaux n’équivaut pas forcément à rédiger un billet de blog, mais peut se manifester par différentes procédures simplifiées (ajout aux favoris, bouton j’aime …) et néanmoins faire sens. D’autre part, l’outil mobile peut être un puissant vecteur d’organisation du fait de sa masse critique d’utilisateurs: si le chiffre de 1,7

Ces initiatives d’artistes et d’ingénieurs, activistes de la cause mais non engagés en politique, sont à l’origine d’un élargissement du champ politique aux problématiques liées à la surveillance mais surtout aux données publiques et à leur transparence. En témoigne la création de la plate-forme data.gov, www.data.gov, aux USA qui, dans un souci de transparence, met à disposition les données publiques dans des formats réutilisables par les citoyens. On attend toujours un projet de ce type de la part de l’administration française… En attendant, des initiatives citoyennes voient le jour, et des civic hackers se chargent d’utiliser les outils des NTIC pour enrichir la vie citoyenne. Le code informatique, les données (publiques ou personnelles) et leur mise en visibilité sont leurs armes. Le site www.nosdeputes. fr en est un bon exemple. Les membres du collectif Regards Citoyens, à l’origine du site, ont mis à l’été 2009 leurs capacités techniques au service de la création d’un dispositif de mise en visibilité de l’activité parlementaire, en récupérant, mettant en forme et synthétisant les données publiques issues des séances de l’Assemblée Nationale française. L’activité de chaque député est donc suivie quotidiennement et l’internaute a ainsi accès à une plate-forme centralisant toutes les données et informations sur la présence, les prises de paroles et la nature des travaux législatifs des représentants. L’objectif premier est de créer un outil d’aide au citoyen, non partisan, reflétant objectivement l’activité des élus. Mais comme page du site nosdeputes.fr permettant aux électeurs français de suivre les activités de leur député. le fait justement remarquer Tangui Morlier, cofondateur de Regards Citoyens, cet outil est milliard d’internautes à travers le monde est déjà impressionnant, également la condition préalable à un empowerment du citoyen, on dénombre 4,6 milliards d’abonnés mobiles, dont 60% dans les comme en atteste la possibilité de dialogue avec les élus, par le pays émergents… Comparés aux 3 milliards des médias TV et rabiais de commentaires a posteriori de l’activité des parlemendio, ces chiffres en font donc le premier média personnel. taires, mais surtout la création de la plate-forme Simplifions la Cet outil individualisé d’expression peut donc s’avérer être un forloi 2.0 , www.regardscitoyens.org/avec-%C2%AB-simplifions-lamidable canal alternatif dissident au service d’une mobilisation loi-2-0-%C2%BB-participons-a-la-coproduction-legislative/ qui aussi bien locale qu’internationale. encourage les débats a priori, autour des projets de loi en discusLa mobilisation de 2001 aux Philippines qui a conduit à la désion à l’Assemblée. mission du président Estrada illustre à merveille ces possibilités. L’usage du SMS étant extrêmement répandu dans ce pays (2 milOutils globaux pour mobilisations locales lions de SMS/jour), le collectif TXTPower, www.txtpower.org/ a su utiliser au mieux les capacités de coordination des citoyens via le Pour finir, au delà de l’observation et de la participation aux démobile pour organiser manifestations et rassemblements afin de bats parlementaires, les technologies représentent également un protester contre le pouvoir en place. véritable arsenal au service de la mobilisation et de l’activisme & En Egypte, également, le groupe du 6-Avril, mouvement informel citoyen. Les technologies du Web 2.0 et du mobile fournissent en œuvrant contre les censures et pour la liberté d’expression, est effet des armes pour pouvoir s’impliquer dans la politique non un collectif articulé par les technologies digitales dont les outils plus par la simple et traditionnelle distribution de tracts, mais ont permis à ses militants de mettre en place, en cas d’arrestation dans une logique beaucoup plus individualiste, par des actions d’un des leurs, un réseau d’alertes et une hotline pour donner les aussi simples que d’envoyer un SMS ou un tweet en temps réel à moyens à chacun d’organiser sa défense et de contacter au plus des militants également connectés, permettant ainsi de déclenvite un avocat. cher de véritables actions dans le monde réel. SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Citoyens connectés Outre-Atlantique, lors des récentes élections américaines, on a vu pour la première fois apparaître sur Twitter l’usage du hashtag (#votereport), canal sémantique permettant de discuter autour d’un évènement particulier et qui a mis en lumière la facilité de centraliser la production de rapports sur les irrégularités dans les bureaux de vote. Enfin, des dispositifs plus sophistiqués voient le jour. Articulation de la sousveillance et de la mobilisation, l’application Ushahidi, www.ushahidi.com permet par exemple l’envoi par SMS ou e-mail de rapports géo-localisés sur une carte mise en ligne et actualisée en temps réel. L’outil permet le crowd-sourcing de la communication de crise en cas de catastrophe naturelle, mais aussi, dans la même veine que le VoteReport aux USA, le monitoring d’élections dans les pays susceptibles d’être touchés par la fraude, comme ce fût le cas lors des élections au Kenya dès 2007 avec une mise en visibilité en ligne (via un mapping) des problèmes constatés par les citoyens. C’est en Iran que cette mobilisation en ligne a eu le plus d’écho au delà des frontières et où les technologies ont permis (en partie) de donner à la mobilisation une dimension internationale. Les informations diffusées par les manifestants étant relayées dans leurs GLOSSAIRE

&

activisme: engagement politique privilégiant l’action directe. empowerment, terme anglais traduit par autonomisation ou capacitation,

pays respectifs par la diaspora, les journalistes ou simples citoyens du monde entier ont pu suivre les évènements et se tenir informés de l’avancée des manifestations. Mieux encore, une véritable solidarité technique transnationale s’est mise en place sur les réseaux pour permettre aux militants iraniens de faire sortir leur contenu (photos, vidéos…) du pays en toute sécurité par le biais de proxies sécurisés. Ne cédons toutefois pas à un techno-euphorisme naïf (la révolution sera tweetée ! !): les réseaux restent surveillés et les pouvoirs oppressifs ont très bien compris les enjeux (et les dangers les concernant) en terme de communication et de circulation de l’information liés à ces nouvelles technologies Web et mobile. La pervasivité & des informations due à la puissance de propagation des micro-formats et l’étendue du mobile-scape, espace transnational limité par la couverture du réseau et tramé par les flux de données en constante circulation, expliquent donc l’utilisation récurrente de ces nouveaux outils aux quatre coins du monde. Les technologies demeureront sans nul doute les armes pacifiques utilisées par des citoyens désireux de s’organiser au service d’une cause, de faire fléchir un gouvernement, ou simplement de défendre leur droit le plus élémentaire: s’exprimer librement. n

c’est la prise en charge de l’individu par lui-même, de sa destinée économique, professionnelle, familiale et sociale. maptivism: action d’utiliser les données géographiques pour des activités militantes.

pervasivité: mot inventé pour décrire le fait d’être connecté, relié en permanence. plugger: vient bien sûr de l’anglais, et signifie connecter.

Actualités

Le réseau social arrive en ville Manuel.Acevedo@epfl.ch CEO et fondateur de MadeinLocal.com

Meet your friends in the city with your MadeinLocal iPhone-Android app ! Sortir avec ses amis en ville avec l’application iPhone-Android MadeinLocal !

MadeinLocal homepage

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Nous assistons aujourd’hui à une révolution silencieuse. En effet, l’arrivée des smartphones altère les rapports entre le citoyen et sa ville et nous n’avons pas encore pris conscience de l’importance de ce changement. Tout d’abord, nous vous proposons d’étudier les deux différences les plus remarquables entre un smartphone et un ordinateur. D’une part, notre téléphone nous donne accès à Internet partout et en tout temps et en deuxième lieu il connaît ma position en ville (GPS). Dans ce contexte, l’Internet mobile peut désormais répondre à des besoins soudains de la vie quotidienne. Par exemple, trouver les meilleurs restaurants du quartier que l’on visite, découvrir les événements de la ville dans laquelle on vit ou encore savoir lesquels de mes amis sortent en ville ce soir. Très rapidement, on a vu émerger de nombreuses applications qui donnent des informations sur les restaurants les plus proches comme AroundMe entre autres, ou encore les restaurants de la ville sur les pages jaunes mobiles, etc. Mais nous pensons que ces applications donnent des résultats sous-optimaux, car les commerçants locaux sont des entités que l’on ne peut juger que subjectivement. Et par conséquent, seuls les commentaires des clients peuvent départager les meilleurs commerçants.


Le réseau social arrive en ville

fig 1 – ville et amis, tel est l’assemblage de MadeinLocal

fig 2 – location based Messaging System

Il existe également des applications participatives comme Restorang qui offrent un classement basé sur les commentaires de la communauté. Mais ici aussi, la plus grande prudence est de rigueur, car il est courant que les commerçants eux-mêmes créent plusieurs comptes pour altérer la classification des meilleurs restaurants. MadeinLocal, une start-up EPFL, primée avec un Innogrant EPFL et le Prix d’Entrepreneurship de l’École Hôtelière de Lausanne, offre une solution plus efficace et plus fiable grâce aux techniques suivantes: z Pondération dans le calcul des commentaires afin d’accorder plus d’importance à ceux dignes de confiance, c’est-à-dire ceux des experts les plus fiables et représentatifs qui sont les amis de l’utilisateur. Ceci implique que les commentaires malveillants visant à biaiser le classement ont une moindre influence sur le classement. z Usage de la carte comme interface optimale pour limiter le périmètre de recherche que l’on souhaite utiliser. Il devient donc possible de chercher, en fonction de ses souhaits, un restaurant proche si on a peu de temps ou plutôt le meilleur restaurant de toute la ville si on a prévu de prendre son temps le soir venu. z Filtrage avancé pour sélectionner les résultats par spécialité culinaire, par prix, par équipement WiFi, etc. z Possibilité d’envoyer des messages server push gratuits pour donner rendez-vous à ses amis dans les endroits les plus populaires. z Possibilité de devenir maire de ses établissements favoris et d’avoir un rapport ludique avec sa ville. z Interface utilisateur simple et intuitive. On commence à apercevoir ici l’utilité d’un réseau social mobile. Mais allons un pas plus loin et voyons comment l’Internet mobile altère la manière de communiquer avec ses amis. En effet, Facebook est la référence actuelle en matière de réseau social, mais en fin de compte, ne pourrait-on pas utiliser le réseau virtuel pour retrouver ses amis dans la vie réelle ? C’est précisément ce que

MadeinLocal fait pour simplifier ses sorties avec ses amis. Je n’appelle pas tous mes amis pour leur dire où je vais sortir, mais je publie plutôt un statut géolocalisé pour mettre cette information à disposition d’une partie ou de la totalité de mes amis. De plus, la publication d’un commentaire ou d’un statut géolocalisé depuis la ville est une façon simple, à la portée de tous, de promouvoir le commerce de proximité et particulièrement ceux qui tiennent à offrir une qualité de service irréprochable. Cette qualité de service est récompensée par les commenfig 3 – vitrine d’un commerçant sur taires des clients satisfaits qui Android déterminent le classement des meilleurs établissements. Du point de vue technique, il est intéressant de constater qu’une application comme MadeinLocal utilise une multitude de technologies différentes: Ruby On Rails pour la partie serveur et le site Internet s’avère être un bon choix, car ce framework est idéal pour faire évoluer le code et accueillir de nouvelles fonctionnalités très rapidement, Axel une librairie javascript développée au laboratoire MEDIA de l’EPFL pour la saisie d’informations structurées sémantiques. MadeinLocal utilise également les interfaces GoogleMaps et Facebook pour enrichir l’expérience utilisateur, Objective C pour l’application iPhone et Java pour l’application Android. Cette combinaison de technologies met en évidence la flexibilité qui est demandée au programmeur pour tirer le meilleur profit de chaque monde. En résumé, nous pensons que le Web 2.0 est d’abord utile pour le citoyen qui souhaite trouver les meilleurs bars, restaurants et événements de la ville de manière fiable. Il invite à profiter de la vraie vie avec ses amis et il contribue à promouvoir un commerce local qui privilégie la qualité de service offerte par les commerçants. Et vous, ça vous dirait de faire partie de la communauté grandissante de MadeinLocal comptant déjà plus de 1700 membres ? Nous vous invitons à découvrir MadeinLocal sur votre iPhone, sur Android ou sur www.madeinlocal.com. Application iPhone: itunes.apple.com/en/app/madeinlocal/id362547812 Application Android: www.androidpit.com/en/android/market/apps/app/com.madeinlocal.android

Vidéo Youtube:

www.youtube.com/watch#!v=dZYeGnHFueM n

SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Analyse

L’hameçonnage & social ou vol d’identité 2.0

Predrag.Viceic@epfl.ch, EPFL – DIT, chef de projet au KIS et concepteur de my.epfl

This article discusses some new threats to privacy arising from social networks and provides some thoughts on identity theft, social scamming, phishing and spamming. L’article recueille un florilège de techniques de fraude informatique utilisant les réseaux sociaux comme médium de propagation. Il décortique les mécanismes utilisés par les cybercriminels et esquisse leurs motivations. Il ne propose pas de solutions, mais se permet de griffonner quelques maigres avertissements au réseauteur …

Si l’on croit une étude récente du magazine PCWorld (2009), un tiers de réseauteurs ont au moins trois informations exploitables visibles sur leur profil, 59% ne savent pas qui peut voir leurs informations personnelles, 36% avouent qu’ils ne cachent aucune donnée personnelle et 28% d’entre eux acceptent les demandes d’amis & des inconnus. Si de plus, nous admettons que, selon cette même étude, un tiers des réseauteurs utilise le même mot de passe pour tous leurs comptes en ligne, nous comprenons aisément pourquoi plus de 20’000 logiciels malicieux ont attaqué ou ont été déployés via les réseaux sociaux en 2008, c’est le chiffre fourni par Kaspersky Lab, l’entreprise russe spécialisée en sécurité informatique. Nous sommes loin de la morale éducative, ne parle pas à des inconnus, n’accepte pas leurs bonbons, ne dis pas ton nom ni adresse, et autres commandements de la litanie qui a bercé notre enfance. Ceci peut s’expliquer par le prétendu anonymat de l’individu dans le flot d’informations présentes sur la toile. Après tout, tout le monde publie des informations personnelles sur le Net, n’est-ce pas précisément là le gage de l’innocuité de la démarche ? La confiance que nous avons dans cet anonymat est-elle réellement justifiée ? Pour mieux esquisser les contours de la problématique, je commencerai par décrire les méthodes les plus courantes utilisées par les cyberarnaqueurs.

Nigerian 419 Tout le monde connaît la fameuse arnaque nigériane. Depuis des années, celle-ci s’est propagée par les courriels et consiste, dans sa version générique, à proposer une conséquente somme d’argent en échange d’un travail. Afin de récupérer l’argent, la victime est invitée à avancer une certaine somme au titre de frais quelconques. Il va sans dire que cette avance est perdue à jamais, et les fraudeurs volatilisés dans le cyberespace.

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La version 2.0 de l’arnaque est beaucoup plus subtile et très difficile à détecter. Elle consiste à usurper l’identité de quelqu’un sur un réseau social, et d’envoyer une demande d’aide, financière, à sa liste d’amis. L’exemple donné, celui d’un employé de Microsoft résident de Seattle, a tout d’une légende urbaine, mais peut parfaitement servir d’illustration. Ledit résident de Seattle, réseauteur à ses heures perdues, s’est donc réveillé un beau matin, pour constater qu’il ne peut plus se connecter sur son profil Facebook. De plus, il constate, que le dernier message de son profil  & indique qu’il a des soucis à l’étranger, et qu’il a besoin d’une certaine somme d’argent pour rentrer. Cette somme peut lui être versée sur un compte Western Union… Ne pouvant plus se connecter sur son profil, il ne peut pas modifier le message. Totalement réveillé à présent, notre héros essaie d’utiliser le profil de son épouse, qui est aussi son amie en ligne, pour afficher sur son mur & que tout est en ordre et qu’il est victime d’une arnaque. Le seul problème, les fraudeurs ont pensé à enlever le statut d’ami à son épouse. Pour épicer le tout, il n’avait aucun autre moyen de contacter ses amis en dehors de Facebook…

Widget  Warrior Les arnaques nigérianes sont, en quelque sorte, du caviar parmi les arnaques. Elles demandent de la préparation, beaucoup de travail, de nombreux contacts avec la clientèle, impliquent plusieurs corps de métiers, du comptable au faussaire. De l’autre côté, nous avons les arnaques du type Widget Warrior, dont le seul objectif est de propager un code malicieux sur le plus d’ordinateurs possibles, en se servant des réseaux sociaux. Les bénéfices obtenus avec ce type d’arnaques sont moins évidents, mais leur impact est potentiellement beaucoup plus large. La recette est très simple. En un, programmez un widget  & super cool, qui, par exemple, vous permet de trouver vos admirateurs virtuels. Ensuite, introduisez un code malicieux dans cet indispensable fleuron de la programmation. Pour finir, poussez à la distribution du widget à tous vos amis, ainsi qu’aux amis de vos amis et ainsi de suite. Voilà, le tour est joué. À la différence du mail, aucun filtre antipolluriel & n’empêchera la distribution de ce cadeau à travers la toile. De plus, le widget est proposé par une connaissance, un ami, et, est donc au-delà de tout soupçon. Le code malicieux s’installera sur l’ordinateur de la personne visionnant la page et ensuite communiquera avec ses pairs sur d’autres ordinateurs des personnes également désireuses de connaître leurs admirateurs virtuels. Un réseau de machines zombies & est né.


L’hameçonnage social ou vol d’identité 2.0

Koobface Virus À la différence des arnaques du type Widget Warrior, dans lesquelles les réseauteurs servent de vecteurs de propagation, les infections du type Koobface virus se font de manière automatisée. Le mode de fonctionnement est simple. Le virus, dès son installation sur un ordinateur, utilise le navigateur Web pour se connecter sur le profil du propriétaire de l’ordinateur. Ensuite, il poste sur le mur un message incitant tous ses amis à aller consulter une vidéo mégamarrante (comme celle du chat qui tombe de la fenêtre…). Le site de la vidéo demande la mise à jour d’un composant logiciel quelconque, par exemple Flash, et voilà, le tour est joué. Le code malicieux est installé et peut recommencer son manège.

Communauté manipulée (Contrived community) Contrairement à l’arnaque nigériane et aux deux méthodes de propagation de vers à travers les réseaux sociaux, l’arnaque de la communauté manipulée n’en est pas forcement une. Je vous laisse juger: un individu crée une communauté en ligne, p.ex Informaticiens EPFL, volée 2002. Ensuite, il invite toutes les personnes concernées à faire partie de la communauté. Enfin, il s’applique à récupérer le plus d’informations possible sur les membres de la communauté ainsi créée. Le seul hic est que notre individu n’a rien à voir avec les Informaticiens EPFL, volée 2002 ! Son seul but est de créer un yearbook de la volée, avec les noms, photos, etc., et de le vendre aux personnes inscrites. Malin, non ?

Vol d’identité Les fraudes décrites précédemment permettent de façon assez directe d’engranger les bénéfices, en recevant les versements d’argent de la part des victimes, ou en constituant un réseau d’ordinateurs infectés pouvant être utilisé pour les attaques de deni de service distribuées (DDOS &) contre les infrastructures informatiques des organisations, entreprises et même des états. Le vol d’identité est toujours la première étape du processus. Ce vol peut consister à compromettre uniquement les données d’authentification, ou au contraire, à récupérer le plus d’informations possible sur la victime. Le vol d’identité peut également être un objectif en soi. Ainsi, les données récoltées, comportant les noms, dates de naissance, amis, hobbies, animaux de compagnie, etc., peuvent ensuite être vendues à divers organismes criminels. Ceux-ci peuvent utiliser ces données de diverses manières. Les polluriels & personnalisés peuvent être créés, semblant venir d’un ami ou d’une connaissance ou comportant une foule de données personnelles ajoutant à leur véracité. Ces informations peuvent également être utilisées pour deviner les réponses aux questions personnelles utilisées lors du changement de mot de passe d’un compte en ligne (animal de compagnie, nom de jeune fille, etc.). En avril 2010, 1.5 million de comptes Facebook auraient été piratés par le dénommé Kirllos, selon le Verisign iDefense Group. Ces comptes auraient été mis en vente pour la modique somme de 25 USD à 45 USD, par tranche de 1’000 profils. 700’000 comptes auraient trouvé preneur, toutefois sans confirmation, selon Rick

Howard, le directeur de Verisign Cyber Intelligence. L’entreprise derrière Facebook a nié l’importance des dégâts et dit avoir localisé Kirllos,… en Russie. Indépendamment de la véracité ou non de cette histoire, elle est parfaitement crédible et montre les probables schémas d’attaque et de dissémination des données récoltées. Les histoires comme celle-ci deviendront la norme dans les années à venir, et sont une évolution logique des polluriels plus traditionnels, relativement bien arrêtés par les systèmes de filtrage de courriels actuels.

Un système automatisé de vol d’identité sur les réseaux sociaux Les réseaux sociaux regorgent d’informations personnelles sur les millions de réseauteurs. Les concepteurs de ces sites l’ont compris et s’évertuent à mettre en place les mécanismes rendant la collecte automatique de ces données difficile. Ainsi, les sites fourniront les informations personnelles uniquement aux amis de l’utilisateur. Ainsi, on restreint le nombre de personnes ayant l’accès aux informations. Les cybercriminels utilisent différentes méthodes, relevant souvent de l’ingénierie sociale &, pour rentrer dans le cercle des ayants droit. Le défaut de toutes ces méthodes est qu’elles nécessitent beaucoup de temps et ne sont pas très rentables, sauf dans les économies où l’heure de travail est très bon marché. Un système qui arriverait à automatiser la pénétration du cercle de confiance des réseauteurs serait une arme redoutable, mais est-il faisable ? Malheureusement, oui. Une étude récente faite à l’EURECOM propose de construire, pas à pas, un système automatisé de vol d’identité sur les réseaux sociaux. Le but de l’attaquant est simple: récolter le plus d’informations personnelles sur un large échantillon de réseauteurs. Comment ? En devenant ami  & avec un grand nombre d’utilisateurs des réseaux sociaux afin d’obtenir l’accès à leurs informations confidentielles. L’étude propose deux types d’attaque sur les réseaux Facebook, XING, StudiVZ et MainVZ. La première consiste à cloner un compte existant sur le réseau. L’homonymie dans les noms et prénoms étant très courante, les sites des réseaux sociaux ne peuvent l’interdire. Le programme malicieux récupère ensuite la photo du profil authentique et la rajoute sur le profil falsifié. Il invite ensuite les amis et les contacts du propriétaire du profil cloné à devenir ses amis dans le nouveau profil, en prétextant une erreur de manipulation qui lui aurait fait perdre l’usage de l’ancien compte. Les informations personnelles des nouveaux contacts deviennent ainsi disponibles. C’est le tour de la victime suivante ! Il est important de constater qu’à partir d’une information publique partielle, à savoir nom, prénom, la photo et la liste des contacts, le programme a pu devenir l’ami des contacts du réseauteur et pénétrer ainsi leur cercle de confiance. La seconde attaque est très similaire à la première. Au lieu de cloner un profil existant sur un réseau social, le code malicieux clone un profil existant sur un autre réseau. Ainsi, la supercherie est encore plus indécelable, car la demande de contact du programme pirate est très crédible dans les yeux de ses victimes. Après tout, quoi de plus naturel que d’avoir les mêmes listes d’amis sur des réseaux différents ?

SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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L’hameçonnage social ou vol d’identité 2.0 La seule difficulté restant à surmonter se trouve en amont, comment pirater le CAPTCHA & ? L’étude mentionnée utilise les algorithmes très simples de détection de bord et de recherche de correspondances entre les formes ainsi obtenues et les jeux de caractères dans les différentes polices et tailles. Comme les systèmes d’authentification déployés sur les sites en ligne proposent souvent plusieurs essais à l’utilisateur, même des méthodes rudimentaires se sont avérées redoutablement efficaces. Les résultats de l’étude sont stupéfiants. En moyenne, 40’000 profils ont pu être collectés par jour, ramenant le chiffre total à 5 millions de profils avec les informations de contact, et 1.2 million de profils contenant les informations complètes sur leurs propriétaires. L’acceptation des demandes de contact par les profils supposément connus par la victime était de plus de 60% ! En comparaison, pour les invitations faites par les profils choisis au hasard, sans lien avec la victime, c’était moins de 30%.

Quel avenir ? Il serait illusoire de croire que les cyber mafias ne déploient pas déjà ce genre de systèmes automatisés à travers les réseaux sociaux. Je vous épargnerai les conseils que nous connaissons tous et qui pourraient se résumer à la litanie du début de cet article. Néanmoins, il est important de savoir que nous ne pouvons pas éviter que les données personnelles que nous dévoilons sur la toile deviennent visibles et exploitables. Il est regrettable que les grands sites de réseautage donnent l’impression d’assurer la sécurité des informations personnelles mises en ligne, alors que c’est faux et techniquement impossible à garantir. Le plus judicieux reste de considérer les données ainsi fournies comme publiques et de les dévoiler avec parcimonie et en connaissance de cause. Les grands frères vous regardent.

Références z Beware: Identity Thieves Harvest Social Networks, PCWorld, www.pcworld.com/article/167511/beware_identity_thieves_ harvest_social_networks.html

z All your Contacts Are Belong to Us: Automated Identity Theft Attacks on Social Neworks, www2009.org/proceedings/pdf/ p551.pdf n

GLOSSAIRE

&

CAPTCHA: un captcha est une forme de test de Turing permettant de différencier de manière automatisée un utilisateur humain d’un ordinateur. La vérification utilise la capacité d’analyse d’image ou de son de l’être humain. Un captcha usuel demande que l’utilisateur tape les lettres et les chiffres visibles sur une image distordue qui apparaît à l’écran. DDOS: attaque par déni de service par exemple en bloquant un serveur de mail par l’envoi d’un très grand nombre de messages. demande d’ami: action de rajouter quelqu’un dans son cercle de confiance sur un réseau social. filtre antipolluriel: logiciel détectant et supprimant les polluriels. hameçonnage (phishing, parfois filoutage): c’est une technique utilisée par des fraudeurs pour obtenir des renseignements personnels dans le but de perpétrer une usurpation d’identité. ingénierie sociale: (social engineering) c’est une forme d’escroquerie utilisée en informatique pour obtenir un bien ou une information. Cette pratique exploite l’aspect humain et social de la structure à laquelle est lié le système informatique visé. Utilisant ses connaissances, son charisme, l’imposture ou le culot, le pirate abuse de la confiance, l’ignorance ou la crédulité de personnes possédant ce qu’il tente d’obtenir. machine zombie: en sécurité informatique, une machine zombie est un ordinateur contrôlé à l’insu de son utilisateur par un pirate informatique. Ce dernier l’utilise alors le plus souvent à des fins malveillantes, par exemple afin d’attaquer d’autres machines en dissimulant sa véritable identité. mur: dans Facebook, c’est la partie du profil permettant au réseauteur d’afficher une information d’actualité le concernant. polluriels: le spam, pourriel ou polluriel est une communication électronique non sollicitée, en premier lieu via le courrier électronique. Il s’agit en général d’envois en grande quantité effectués à des fins publicitaires. profil: compte sur un site de réseautage. widget: petite application pouvant être rajoutée dans l’interface d’un site Web.

Berlin Alexander Platz, juin 2010

26 flash informatique


Anaylse

Livre électronique – l’avenir du livre ou un gadget ? Frederic.Rauss@epfl.ch EPFL – DIT, rédacteur-chroniqueur

à la page du livre, car nous pourrons toujours rester connectés à nos 8000 amis Facebook - ils auront augmenté le quota d’ici là. Oui, parce que reconnaissons que c’est quand même un peu angoissant cette solitude qu’impose la lecture, cet état de recueillement. Pas de quoi s’éclater ! Mais avec le K1dlll 12, tout le monde lira avec application, c’est-à-dire en faisant autre chose. Nous La lecture est-elle vraiment la première préoccupaserons tous des DJ culturels. Nous podcasterons, downloaderons, tion des fabriquants de livres électroniques ? L’intiaspirobreakingerons, snifferons le savoir en onde, en vapeur, en mité de la lecture est-elle compatible avec le livre cumulo-nimbus ! Nous allons en entendre parler du K1dlll 12, électronique ? avec ses forums, ses blogs sur le sujet. Ceci pourra donner lieu à des phrases comme: - Tu te rends compte, j’ai toute La recherche du temps perdu sur mon K1dlll 12. Quel gain de place ! Il ne m’a pas fallu plus de deux L’esprit ou la lettre ? minutes pour la télécharger. Le texte ou le gadget ? C’est Marcel qui va être content. Et dire que la vieille Europe résiste à ce progrès à travers ses éditeurs. Mais je vous assure que L’avènement du livre électronique me laisse perplexe. Je regarde ça ne devrait plus durer très longtemps, car nous savons bien que une vidéo sur laquelle une commerciale américaine explique de tout ce qui vient des États-Unis ou du Japon ne se discute même manière rétro-fulguro éclairée, avec un accent de cowgirl, compas: il faut faire comme eux - ne vous demandez jamais pourment je pourrai dorénavant lire Hugo, Baudelaire, Proust, Bobin quoi, faites-le, c’est tout, c’est sur un écran de calculatrice. comme ça, ça rapporte plein Quel bonheur ! Seize niveaux de pognon, c’est donc une raide gris qui vont mettre de son amplement suffisante. De la couleur dans mes lectoute manière, la contestation tures. Capacité de stockage: européenne ne devrait pas 15’000 livres, mais on nous durer, un de Gaulle du papier prédit qu’on pourra bientôt ne se présentant pas à l’hoen mettre le double. L’objet rizon, et en matière d’appel, nous permettra aussi de lire mon opérateur de téléphonie nos courriels et pourquoi pas mobile ne tardera pas à me de téléphoner, enfin d’orgaproposer pour mon K1dlll 12, niser toute sa vie sur cette l’intégrale des Lais de Mapetite plate-forme de 280 rie de France et la sonnerie grammes nommée K1dlll 12. Roland sonne de l’olifant, Oui, nous en sommes au si je m’abonne d’ici la fin de douze, au cas où vous n’aul’été. Les bibliothèques tohuriez pas vu passé le un. Ah, buesques, les empilements de vous venez d’acheter le papier menaçant de s’écrouler onze ? Tant pis pour vous, le sous le poids de la passion de douze est beaucoup mieux. lire, dénoteront un individu Et on ne vous parle pas du arriéré et poussiéreux, qui treize. Mais oui, nous allons n’est pas à la page. La minialire beaucoup plus grâce turisation de la culture sera à toute cette prodigieuse tendance: minimaliste, invitechnologie. Nous allons sible, elle permettra à celui développer une véritable qui ne s’y consacre pas de ne intimité avec nos auteurs fapas être stigmatisé. Chacun voris - je note bien favoris d’entre nous sera susceptible et non pas préférés. Et puis Franz Eybl, Lesendes Mädchen, 1850, . 53 × 41 cm, de dissimuler un bout de la on se sentira moins seul face commons.wikimedia.org/wiki/File:Franz_Eybl,_Lesendes_Mädchen.jpg

Is reading really the primary consideration of the producers of electronic books ? Is the intimacy of reading compatible with the e-book ?

SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Livre électronique – L’avenir du livre ou un gadget ? Bibliothèque Nationale de France sous son veston. De même, un intérieur dépourvu de livre ne sera plus le signe d’une inculture notoire, mais d’un goût sûr. Un K1dlll 16 sera négligemment posé sur la table en verre du salon. Un ou deux livres d’art choisis avec soin contrebalanceront cet idéal de platitude. L’hôte, connaisseur, vous dira qu’il peut lire les poètes que vous aimez sur son K1dlll. Et il vous fera voir le poème Sensation de Rimbaud. Ce qui est beau, c’est de pouvoir l’afficher pour éventuellement le lire. Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers, mon K1dlll dans la poche… . Les nostalgiques du temps d’avant pourront filer chiner chez des bouquinistes des téléchargements ralentis par le temps. Eux aussi auront dû surfer sur la vague engooglisante. Ils y trouveront une vieille édition des œuvres de Marc Lévy. Le charme tiendra à l’affichage qui simulera une page jaunie. Le K1dlll13 quant à lui aura intégré un petit vaporisateur qui diffusera l’odeur d’un vieux livre. Puis viendra un jour où on tournera la page du K1dlll 12, 13 ou du Megapplebook 8, et on reprendra un livre dont on caressera sensuellement la couverture. Quand je lis un vrai livre, je suis parfaitement relié. Je suis en contact avec la matière première appropriée, chaleureuse, souple. Ce petit accordéon de papier n’a pas de prix, si ce n’est celui du commerce que j’ai développé avec lui, durant les heures où je l’ai pris dans la paume de ma main pour partir en terres humaines, descendant ou remontant les sentiers d’encre en marge desquels je laisse parfois une note, pour plus tard ou jamais, pour marquer que je suis passé par là. Entouré de silence et de calme, il requiert toute mon attention. Si je m’échappe de la page, c’est pour regarder autour de moi et en moi, pour suivre le cours d’une rêverie. Et non pour consulter un statut Facebook, une nouvelle ou mes courriels. Mon livre dans la main me suffit - souvent même il me comble. Je suis conquis par la redoutable simplicité de l’objet. Je me divertis sans me disperser, car je suis dans le champ du monde et non dans la rumeur fadasse de la toile. Bien sûr, je ne peux pas partir me balader en transportant 1’500 bouquins avec moi. Mais ça tombe bien, je n’ai besoin que d’un seul d’entre eux. Les tranches des livres qui s’alignent sur les rayonnages de ma bibliothèque sont autant de connaissances, voire d’amis, avec lesquelles j’ai noué un commerce plus ou moins intense. Des tranches comme des périodes qui disent mon enfance, mes goûts de toujours, mes interrogations et mes métamorphoses. Et ces livresamis, j’ai besoin de les voir, j’aime les toucher, revoir des annotations qui ont parfois plus de vingt ans. J’aime le chuchotement d’une page qui tourne, le vrai bruissement, pas la contrefaçon électronique - je déteste ce qui simule. La page d’un livre électronique n’a pas le froissé d’une histoire. Au fil du récit, aussi gros puisse être l’ouvrage, je me perds rarement. J’ai un savoir du bout des doigts qui me permet de feuilleter les pages pour retrouver un passage et je me souviens même souvent de quel côté du sentier je le retrouverai, à gauche ou à droite. Face à ma tablette électronique, j’en suis tout à fait incapable. C’est comme un faux livre qui serait vide derrière. Je le retourne, je cherche où sont les étapes

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parcourues et je ne vois que le logo du fabricant. Magie ! M’aurait-on dupé ? Bien entendu, le livre électronique n’est pas tout à fait qu’une affaire de marketing. On ne lira pas moins bien sur une tablette – qui rendra service à nombre de personnes qui n’auraient pas accès à ce savoir pour diverses raisons – un handicap, un accès aux ouvrages rendu difficile pour des raisons géographiques. Ma surdité à cette technologie ne vient pas de son utilité, mais du discours autour de l’objet, qui me laisse songeur. Un livre n’est pas un produit comme les autres, même si, aujourd’hui, on les trouve dans les supermarchés - Balzac entre les pampers et les produits ménagers. Évoquer ce qu’un livre peut faire techniquement reste très différent de ce qu’il peut apporter humainement. Je me demande si le livre-outil ne participera pas à la montée de la désalphabétisation ? Est-ce que ce ne sera pas un écran de plus qui viendra nous mécaniser et nous couper de nos ressources organiques. Il y a déjà tellement d’interférences et de fritures sur notre ligne psychique. Le fait que ce soit un appareil électronique fausse notre rapport à la lecture, l’automatise. La somme des fonctionnalités n’éclaire pas la compréhension d’un texte. z Ne fait-on pas plus joujou que de vraiment lire ? z La perte du contact avec la matérialité du livre, le papier, son poids, son odeur, son toucher, ne risque-t-elle pas de rendre encore plus virtuelle la lecture qui fait elle-même intervenir l’imaginaire ? z À cause de la technologie, le rituel de la lecture ne risque-t-il pas de se fondre parmi les dizaines d’autres maniclettes électroniques qu’on réalise quotidiennement ? En la technicisant, j’ai peur qu’elle ne devienne une saveur froide parmi d’autres. Lire n’est pas une activité comme les autres, elle porte en elle des enjeux pour notre espèce qui sont bien trop importants pour que ce soit les seuls économistes qui s’en occupent - comme la santé d’ailleurs. Et je ne suis pas sûr que la lecture soit la priorité des gens qui sont chargés d’inventer ces outils technologiques. Nous verrons bien si la révolution numérique comporte de véritables enjeux d’humanité ou si elle est uniquement commerciale. Si elle ouvre la porte à de vrais talents et est le ferment d’une authentique créativité. Ou si elle ne fait que de participer au grand mouvement de décentrement en cours dans notre société de la dispersion. n


Analyse

Les nouveaux défis des bibliothèques Laurence.Denoreaz@epfl.ch EPFL - Domaine IT et étudiante ID à HEG-Carouge

New opportunities and challenges are offered by the Web 2.0 technologies. With their help, libraries can strengthen their position in this knowledge society. Les nouvelles opportunités et défis offerts par les technologies du Web renforcent la position des bibliothèques dans la société 2.0.

Parmi les missions des bibliothèques, on trouve entre autres, la conservation, la recherche et la diffusion de documents, la transmission des connaissances, l’accès à la culture et à la littérature pour tous, auxquelles s’ajoute impérativement celle d’être à l’écoute des besoins de ses usagers. Avec les nouvelles technologies, une nouvelle dimension s’est mise en place: il s’agit maintenant de s’approprier les outils du Web pour aller à la rencontre de ces mêmes usagers, de les former à ces outils et de leur donner les clés pour accéder et utiliser au mieux les ressources à disposition. Les bibliothèques doivent fournir des renseignements fiables et pertinents à l’usager et lui permettre de s’y retrouver dans la pléthore d’informations à disposition. Le professionnel du domaine est le trait d’union entre l’offre à disposition et le public. Les outils du Web participent à cette action et peuvent permettre de valoriser les fonds de l’institution. Avec l’avènement d’Internet, de grandes questions se posent aux bibliothèques: z Le public est-il en diminution ? z Comment conserver son public ? z Comment reconquérir les anciens usagers ? z Faut-il attirer un nouveau public ? Selon les études officielles concernant les pratiques culturelles publiées en 2009, autant en France (synthèse 1997-2008) qu’en Suisse (étude nationale de 2008, la précédente étude datant de 1988), la fréquentation des bibliothèques par les usagers est restée plutôt stable. En Suisse: pour 2008, on constate un taux de 36% pour les loisirs et de 21% pour la formation, sur un total de 44% de visites des personnes interrogées. Il est à remarquer que la fréquentation en Suisse est très régulière, la moitié des usagers se rendant plus de sept fois par année dans une bibliothèque. Par contre en France, le taux était de 31% en 1997 et a baissé à 28% en 2008. Lire des livres

Ne pas lire de livres

Se rendre dans une bibliothèque

41,4%

2,4%

Ne pas se rendre dans une bibliothèque

39,9%

16,3%

source: Lire des livres et se rendre dans une bibliothèque (2008) – www.bfs.admin. ch/bfs/portal/fr/index/news/publikationen.Document.131952.pdf, page 16)

Aller en bibliothèque en Suisse selon la finalité et le profil sociodémographique: taux de fréquentation (2008) Sexe Femme Homme

41%

20% 21%

31%

Âge 15 – 29 ans 30 – 44 ans 45 – 59 ans Dès 60 ans

19% 15% 23%

4%

Région linguistique Suisse alémanique Suisse romande Suisse italienne Niveau de formation Secondaire I Secondaire II Tertiaire

40% 36%

37%

20% 22% 20%

35% 32%

19%

5%

32%

11%

43%

27%

Revenu du ménage Modeste Moyen Elevé

30%

14% 15%

35% 25%

Dimension ville-campagne Villes Campagne

22% 17%

Suisses Autres

39%

36% 37%

20% 21% 10%

20%

41%

28%

Nationalité

0%

46% 49%

30%

40%

50%

60%

Se rendre dans une bibliothèque pour les loisirs Se rendre dans une bibliothèque pour le travail ou la formation

source: www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/news/publikationen.Document.131952.pdf, page 15

Les facteurs qui semblent influer sur ce phénomène sont: z l’âge: w en France, on assiste à une baisse de la lecture, journaux et livres confondus par les jeunes, w alors qu’en Suisse, ce sont plutôt les jeunes qui fréquentent les bibliothèques pour les loisirs, 65 % des usagers ont moins de 30 ans, alors que les 60 ans et plus ne sont plus qu’environ 25% à s’y rendre. z le sexe: w les hommes lisent en général moins de livres que les femmes dans les deux pays, w et en Suisse, les femmes se rendent plus volontiers en bibliothèque. z le niveau de formation et le revenu sont encore plus significatifs, car plus ils sont élevés et plus la fréquentation est forte; z le lieu d’habitation montre une différence minime; z la nationalité n’a également que peu d’influence selon les deux études consultées. SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Les nouveaux défis des bibliothèques

SwissInfoDesk (www.nb.admin.ch/dienstleistungen/swissinfodesk/index. html?lang=fr) Le guichet virtuel de la Bibliothèque nationale suisse, grâce au fonds extrêmement riche de la BN fournit des informations de qualité, dispensées par des spécialistes de l’information compétents. Pour l’usager indépendant, des informations sont répertoriées sous neuf thèmes principaux, répartis ensuite en sous-niveaux pour faciliter la recherche. On y trouve un index des sujets et des personnes. Tout cela en trois langues (allemand, français et anglais). Le guichet travaille en partenariat avec des bibliothèques suisses et partage des renseignements avec la Deutsche Internetbibliothek, et le service Si@de (Services d’information à la demande), ainsi que le réseau francophone de services de questions-réponses lancé par la Bibliothèque Nationale de France . Les demandes de recherche peuvent être envoyées via un formulaire en ligne http://ead.nb.admin.ch/web/forms/sid/ sid-fr.html). Un service de veille documentaire est aussi disponible. Ces différents services peuvent être payants suivant le temps consacré à la recherche. De ces différents chiffres, on peut déduire que la présence en bibliothèque est restée pratiquement identique, même en France, où le taux de fréquentation n’est pas très élevé et inférieur à celui de la Suisse, et que le niveau d’éducation et le salaire des personnes ont une grande importance sur la motivation à se cultiver ou à utiliser les prestations offertes par les bibliothèques. Il n’y a donc pas lieu de s’inquiéter, le public est toujours là. Les outils du Web peuvent être une opportunité à ajouter aux offres des bibliothèques pour augmenter la satisfaction de leur public, leur proposer des formations et leur offrir des instruments innovateurs. Le fait qu’en Suisse, le public jeune est plus assidu en bibliothèque que le plus âgé pourrait signifier que les bibliothèques ont su mériter leur public. Serait-ce dû au fait que les bibliothèques suisses sont allées à la rencontre de leurs usagers, et plus particulièrement grâce aux nouvelles technologies qui plaisent tant aux jeunes ? Quelle est la finalité de la fréquentation des bibliothèques en Suisse ? Sur la proportion de 44%, seul 2,4% des personnes n’ont pas lu de livres. Cela semble démontrer que bien peu de personnes utilisent les autres services d’une bibliothèque. Une motivation supplémentaire pour développer un autre genre de services. Il faut cependant rester prudent, car l’étude est faite sur un échantillon de 6564 ménages et on peut s’interroger si cela est le reflet d’une complète réalité. De plus, il faut encore se demander si tous ceux considérés comme non-lecteurs ne lisent pas plutôt des quotidiens gratuits et pratiquent la lecture en ligne ou encore achètent des livres plutôt que de les consulter ou les emprunter en bibliothèque. 1 2

L’évolution actuelle montre que l’usage des écrans et d’Internet bénéficie d’une hausse constante. Auparavant, la classe moyenne regardait la télévision et maintenant, ce sont les plus jeunes, friands de nouvelles technologies et les personnes des milieux favorisés qui ont pris le relais avec les nouveaux écrans devenus le support privilégié de nos rapports à la culture1. En effet, avec un écran (téléphone mobile intelligent, assistant personnel, ordinateur personnel, liseuse,…) on peut avoir accès à de multiples prestations (journaux, livres, informations sur le Web, musique, photos,…). Depuis la fin des années 90, on assiste à un essor important des possibilités de consommation, de stockage et d’échange de contenus audiovisuels 2. Est-ce cela qui incite les bibliothèques à se rendre visibles sur le net ? Une autre interrogation est de savoir pour quelle raison les gens fréquentent les bibliothèques ? pour la lecture ou pour d’autres prestations ? Certaines offres peuvent aller de la possibilité d’accéder à des archives et des documents papier, à une exposition ou à une conférence ou aux périodiques et journaux payants, en passant par l’Internet gratuit. Cette énumération n’est pas exhaustive. Un des soucis fréquents des bibliothécaires est l’appropriation de leurs locaux par les usagers qui viennent plutôt les utiliser comme salle de travail que pour les ressources à disposition. Voici une liste descriptive d’outils et d’environnements connus et moins connus, utilisés par des bibliothèques à travers le monde, répartis selon trois axes:

Les briques de base Les réseaux sociaux z Facebook fondé en 2004, avec plus de 400 millions de membres. Il est ciblé grand public et présent sur les sites de bibliothèques réputées, dont la British Library, la BNF (Bibliothèque Nationale de France),… z Ning qui existe depuis 2005 (développé en 2004) est avec plus de 43 millions de membres, un potentiel rival de Facebook.

www.ning.com/search?sf=hp&q=library

Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique. Éléments de synthèse 1997-2008, p.2 Idem, p1

30 flash informatique


Les nouveaux défis des bibliothèques Il permet de créer son propre réseau indépendant, de partager des photos et des vidéos, d’échanger avec d’autres professionnels via des chats, forums de discussion et des blogs, d’organiser des événements,… De nombreuses bibliothèques et leurs collaborateurs, surtout aux États-Unis y ont adhéré et utilisent les services à disposition. Le revers de la médaille est que ce réseau est payant. Mais cela peut aussi être synonyme de sérieux. Sans oublier pour la communication entre professionnels les réseaux Linkedin (plus de 65 millions de membres) et Viadeo (30 millions de personnes).

Les flux RSS Ils affichent les mises à jour d’un site au fur et à mesure de leur diffusion. Ils permettent d’être renseigné sur l’actualité et les activités de la bibliothèque.

Les blogs Ils sont souvent implantés en complément du site Web de l’institution, ils permettent de communiquer avec les usagers et de leur transmettre des informations sous une forme organisée, de type journal de bord, par exemple pour présenter les nouveautés. Parfois, ils servent aussi de page d’accueil. L’usager peut participer en ajoutant des commentaires, mais ne peut pas modifier les informations initiales.

Les wikis Les wikis (mot hawaïen qui signifie rapide) incitent à la collaboration entre utilisateurs en les laissant modifier les pages mises à disposition sur un site Web dynamique. Certaines pages de sites de bibliothèques fonctionnent sur le modèle Wikipedia, cela permet à l’usager habitué à ce style de mise en page d’être attiré et de retrouver plus facilement des informations.

www.nypl.org/help/rss-feeds

Jeux sérieux ou Serious games Ces applications informatiques combinent un aspect sérieux, de type pédagogique ou informatif et le côté ludique des jeux vidéos. Elles utilisent la simulation ou la reconstitution de situations, parfois complexes dans un but d’apprentissage. Pour apprendre par exemple où se trouvent physiquement les ressources dans une bibliothèque: fr.wikipedia.org/wiki/Jeu_s%C3%A9rieux.

La bibliothèque Universitaire Paris Descartes sous forme de wiki: wiki.univ-paris5.fr/wiki/Biblioth%C3%A8que

Les tags Les tags sont des mots-clés créés par une personne (usager ou collaborateur) et associés à des informations. Ils servent à décrire le contenu d’un objet (texte, image,…). On peut parler d’indexation personnalisée ou de folksonomies &, qui permettent de classer et de retrouver des références avec des éléments reflétant des concepts similaires.

eps.library.cmu.edu/rooms/documents/libraries-and-collections/Libraries/ etc/index.html

SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Les nouveaux défis des bibliothèques

Et encore permettre à l’usager

z YouTube et Dailymotion: pour déposer ou visualiser des vidéos;

z de poser des questions en tout temps (messagerie standard: e-mail ou instantanée: chat); z de mieux cibler sa question grâce à des formulaires en ligne; z d’accéder aux informations via son téléphone portable (sms, applications spécifiques); z de gérer et d’accéder à ses comptes e-mail et de messagerie instantanée et à son réseau social grâce à un seul outil (Meebo, Digsby,…).

Les plates-formes interactives génériques de communication z flickr: pour partager indexer et/ou rechercher des photos;

la Bibliothèque nationale de France se montre sur Dailymotion: www.dailymotion.com/BNF

z Twitter: pour l’envoi rapide et gratuit de messages brefs;

z Slideshare: pour télécharger et partager des documents (Word, PowerPoint, PDF et vidéos) z Les Podcasts pour diffuser ou écouter des émissions audio ou vidéo; z et évidemment toutes les plates-formes de réseaux sociaux.

l’ETHZ est présente entre autres sur Twitter: twitter.com/ETHBibliothek

la médiathèque du Valais et ses widgets: www.mediatheque.ch/

la Library of Congress publie des images de ses fonds sur Flickr: www.flickr.com/photos/library_of_congress/

32 flash informatique


Les nouveaux défis des bibliothèques

Les outils pour classer et organiser z le partage de signets: sauvegarder, classer et partager ses favoris sur un site Web avec d’autres utilisateurs, en accès ouvert ou restreint, delicious.com;

férés, mais aussi leurs différents comptes e-mails, réseaux sociaux, moteurs de recherche, messageries instantanées, photos, vidéos, podcasts ainsi que tous les autres services qu’ils utilisent et apprécient sur le Web. www.netvibes.com/netvibesfr. z le catalogage de livres: pour cataloguer avec des informations issues d’Amazon, de la Bibliothèque du Congrès, et plus de 200 autres bibliothèques dans le monde. Trouver des personnes ayant les mêmes goûts littéraires. Pour animer des groupes de lecture et pour importer le contenu dans un OPAC &, www.librarything.fr.

La situation à l’EPFL et à l’ETHZ

delicious.com/aaid.delicious

z le partage de références bibliographiques: pour découvrir gratuitement de nouvelles ressources parmi les publications académiques et partager celles-ci avec ses pairs. Aussi pour découvrir qui lit les mêmes articles et vous permettre de stocker et retrouver des fichiers PDF, www.citeulike.org; z la création de pages personnalisées: permettre aux usagers de rassembler au même endroit leurs widgets, sites et blogs pré-

Dans les deux écoles polytechniques suisses, un site Web donne les informations nécessaires quant aux services offerts par leurs bibliothèques respectives. Ces services diffèrent selon les ressources humaines et logistiques à disposition, ainsi que selon leur politique de gestion. Pour des informations plus précises, il est conseillé d’aller directement sur le site de chaque bibliothèque. À l’EPFL (library.epfl.ch/), de nombreuses ressources en ligne sont disponibles : z un guichet virtuel (library.epfl.ch/info/); z un service de questions via email (questions.bib@ epfl.ch); z des accès au service Nebis, le réseau de bibliothèques et de centres d’information en Suisse (www.nebis.ch/index_f.html); z Infodoc, qui est une liste de discussion sur l’information scientifique, la documentation et les bibliothèques à l’EPFL (library.epfl.ch/ lib/?pg=infodoc); z des formulaires électroniques pour des demandes de prêt (library.epfl.ch/pret-inter/?pg=book) et pour la fourniture de documents (library.epfl.ch/ pret-inter/?pg=article). À l’automne 2010, un nouvel outil sera mis en place à la bibliothèque de l’EPFL pour remplacer le catalogue actuel. Cet outil intégrera bon nombre des fonctionnalités 2.0 décrites ci-dessus. Pour sa part, l’ETHZ (www.library.ethz.ch/en/Home2) offre grâce à son nouveau portail, un système de requêtes basé sur une technologie de moteur de recherche de Ex Libris Primo. Les services suivants parmi d’autres sont désormais disponibles: z des news; z un blog; z une visibilité sur Facebook et Twitter; z l’accès à NEBIS; z des formulaires en ligne pour diverses prestations.

les bibliothèques publiques de Dublin sont sur Netvibes: www.netvibes.com/dublincitypubliclibraries#Home

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Les nouveaux défis des bibliothèques

En guise de conclusion En parallèle à la masse d’informations à disposition, on assiste à une prolifération des outils permettant de la traiter. Il s’agit de trouver le bon équilibre permettant de respecter l’image de l’institution et de satisfaire aux exigences des usagers. Et d’agir en tenant compte des ressources humaines, logistiques et financières à disposition. Dans le monde des bibliothèques, le Web 2.0 est un outil fantastique, qui offre un cadre de travail générique et suffisamment souple pour permettre à toutes sortes d’activités de se développer. Les métiers de l’information et des bibliothèques évoluent en parallèle à cet outil et aux besoins de leurs utilisateurs. Les acteurs du domaine (professionnels et usagers) doivent avancer sur la même route et collaborer étroitement. C’est par cette collaboration et cette liberté de référencer par chacun des informations qu’est née la folksonomie &, indissociable du Web 2.0. Dorénavant, le bibliothécaire n’est plus le seul à détenir les clés de la connaissance, il doit savoir écouter, répondre aux attentes et organiser les échanges de manière à continuer à fournir des prestations fiables et minutieusement organisées.

Bibliographie z Une partie des cours suivis lors de ma deuxième année de spécialiste en information documentaire à la HEG de Carouge. z Association des professionnels de l’information et de la documentation. Les fils RSS [en ligne]. Paris, ADBS. w w w. a d b s . f r / l e s - f i l s - r s s - 4 3 0 8 1 . h t m ? R H = O U T I L S _ RECHWEB&RF=1214300108671 (consulté le 28 juin 2010)

z Bibliothèque nationale suisse BN - Des questions sur la Suisse – SwissInfoDesk. Site de la Bibliothèque nationale suisse [en ligne]. www.nb.admin.ch/dienstleistungen/swissinfodesk/index. html?lang=fr (consulté le 3 juillet 2010) z Chaimbault, Thomas. Tag - bibliothèques 2.0. In: Site Vagabondages [en ligne]. Mis à jour le 8 juin 2010. www.vagabondages.org/tag/biblioth%C3%A8ques%202.0 (consulté le 26 juin 2010) z Donnat, Olivier. Les pratiques culturelles des Français à l’ère numérique. Eléments de synthèse 1997-2008. In: Enquête sur les pratiques culturelles des Français – Les résultats de l’enquêtes 2008 [en ligne]. www.pratiquesculturelles.culture.gouv. fr/doc/08synthese.pdf. (consulté le 27 juin 2010) z Ecole centrale de Lyon. Veille et travail collaboratif avec le Web 2.0: partage de signets et de références bibliographiques. Bibliothèque Michel Serres [en ligne]. 02 décembre 2008. bibli. ec-lyon.fr/documents/2008-12_web2.0_socialbookmarking

(consulté le 27 juin 2010) z Gazo, Dominique. Le web 2.0 et les bibliothèques 2.0. In: Site de Association Internationale Francophone des Bibliothécaires et Documentalistes [en ligne]. Modifié le 9 mars 2009. aifbd.org/index.php?option=com_content&view=article&id=6 1&Itemid=96 (consulté le 26 juin 2010)

z Habarou, Corinne. Blogs et wikis en tant qu’applications phares du Web 2.0. Quelles utilisations dans l’enseignement et la recherche ? In: Unité Régionale de Formation à l’Infor-

34 flash informatique

mation Scientifique et Technique de Paris. urfist.enc.sorbonne. fr/sites/default/files/file/docsch/New_Blogs_wikis_2009_V_ definitive_v5.pdf (consulté le 26 juin 2010)

z Office fédéral de la statistique OFS. Les pratiques culturelles en Suisse. Enquête 2008. Lecture. In: Statistique suisse – Publications [en ligne]. 30.06.2010 www.bfs.admin.ch/bfs/portal/ fr/index/news/publikationen.Document.121625.pdf (consulté le 30 juin 2010) z Office fédéral de la statistique OFS. Les pratiques culturelles en Suisse. Enquête 2008. Premiers résultats. In: Statistique suisse – Publications [en ligne]. 23.06.2009. www.bfs.admin. ch/bfs/portal/fr/index/news/publikationen.Document.131952. pdf (consulté le 26 juin 2010)

z Scott, Douglas. Speak Quietly: Ramblings About Libraries, Writing, and Everything in Between. In: Speak Quietly [blog] speakquietly.blogspot.com/2010/04/virtually-yours-online-tools-your.html (consulté le 28 juin 2010). n

GLOSSAIRE

&

OPAC: catalogue de bibliothèque informatisé sous forme de base de données indiquant la disponibilité des documents. folksonomie: système de classification collaborative décentralisée spontanée, basé sur une indexation effectuée par des non-spécialistes (définition Wikipédia : fr.wikipedia.org/wiki/ Folksonomie).

La couleur 2010


Actualités

Ucalenda 2.0 ou le premier réseau social 100% estudiantin Raphaël Héraïef, raphael@ucalenda.com, fondateur de Ucalenda

Presentation of Ucalenda, the first calendar of university events aiming to promote academic events taking place in the universities of Romandy. Présentation de Ucalenda, le premier calendrier des évènements universitaires cherchant à promouvoir les nombreux évènements liés aux campus universitaires romands.

La naissance du site Récemment, un groupe d’étudiants a eu l’idée de pallier au manque de communication sur les évènements leur étant dédiés en créant le premier calendrier 100% universitaire. Ils souhaitaient mettre à portée de souris toutes les informations concernant les nombreux spectacles, concerts, conférences et autres pièces de théâtre mis sur pied par les bouillants universitaires romands. De cette idée a surgi Ucalenda, un site Internet basé sur une interface se voulant conviviale, permettant d’accéder rapidement aux informations relatives à l’ensemble de la vie culturelle du campus. C’est ainsi qu’en Septembre 2009 a vu le jour la première version de ucalenda.com, donnant accès à un vaste calendrier d’évènements. Un filtre permettait de choisir une ou plusieurs catégories, telles que le style de soirée ou l’université à laquelle celle-ci était rattachée. Il suffisait alors de choisir un évènement pour avoir accès à une information détaillée. Ces informations se trouvaient agrémentées, après coup, de photos des participants aux évènements prises par l’énergique équipe de Ucalenda. Très rapidement, un sondage a révélé que les internautes demandaient une plus grande interactivité du site. De cette demande a surgi la nécessité de migrer vers le Web 2.0.

La géographie devient ainsi prépondérante dans l’organisation de Ucalenda. La séparation des informations n’empêche bien évidemment pas un étudiant de Lausanne de consulter les concerts tenus à Fribourg quand il le souhaite, et vice-versa. Mais c’est certainement la réponse à la première problématique qui a engendré le plus de changements sur ucalenda.com. Les utilisateurs ont à présent la possibilité de créer un compte et d’afficher certaines données, telles que leur université ou une photo. Ce compte donne accès à un service de messagerie permettant aux utilisateurs de communiquer entre eux. Il est également possible de signaler publiquement sa présence à un évènement, donnant lieu par la même à la création d’un historique personnel des soirées et spectacles fréquentés. Les plus férus de Web 2.0 auront également la possibilité d’indexer les images sur lesquelles ils apparaissent afin de les montrer sur leur profil, ainsi que de les télécharger en grand format. Un des objectifs de Ucalenda est de créer le premier réseau social exclusivement réservé aux étudiants universitaires. Dans les faits, un utilisateur naviguant sur la page dédiée à son université aura accès à un calendrier tel que celui présenté à la figure ci-contre. Le menu de gauche lui permet de filtrer les évènements selon ses intérêts. Déplacer la souris sur les annonces fait apparaître un court descriptif de l’évènement sous forme de bulle. Une fois le choix effectué, il est possible d’accéder aux informations complètes, de s’annoncer comme prenant part à l’évènement, de découvrir qui y sera présent et de laisser des commentaires. Bref, tout le nécessaire pour mettre encore plus en mouvement le monde estudiantin.

Passage au Web 2.0 Une nouvelle version du site, entièrement remodelée, a été lancée en Mai 2010, afin de répondre aux exigences des internautes, mais également pour mieux gérer la grande quantité d’évènements présents en Suisse Romande. Pour surmonter la seconde problématique, ucalenda.com s’est doté d’une nouvelle page d’accueil ayant pour vocation d’aiguiller le visiteur vers un site dédié à son université, site contenant les informations des évènements spécifiques à celle-ci.

page principale de Ucalenda

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Ucalenda 2.0 ou le premier réseau social 100% estudiantin

Ucalenda technical aspects From a technical point of view, the site is built using the latest technologies from the Microsoft stack (C#, ASP.Net MVC and SQL Server) and has been developed by Signum Software. Ucalenda Website has been designed from the ground up with innovation in mind and Signum Framework, the open source framework built by this company, is what makes this innovation possible. The core idea of Ucalenda is a calendar for academic events, so our user knows what’s going on around his university. As Ucalenda grew in popularity a more social perspective became necessary and now the site is meant to turn into the main social Web for university students in Europe. The main challenges that we faced building the site were developing all the features that users take for granted in a social Website including Photos, Comments, Tags, Profiles  , Messages, and Attendance to events in record time. We also have to provide the compelling user interface which users expect, making massive use of AJAX and new technologies like HTML 5.0 and Silverlight. We could try to find something already done and adapt it to our needs, but the ideas we had for the future made us see that we needed to take full control of the platform in order to make it a reality. On the other side we had a very tight schedule: we had to be ready for Balélec (May 2010). Signum Framework allowed us to have a completely functional site with the basic features for the deadline, including the backend (the administrative part of the Web), while keeping full control of the whole site, enabling us to implement the features that will make Ucalenda different. For example, once you get into ucalenda.com main page and you choose a university, you are redirected to one of the universities virtual sites. Every site has its own language and timezone, its own calendar of events for the university, top events, albums and even the search bar is aware of the Ucalenda se veut également un lien entre les nombreuses associations des campus universitaires romands. Le site leur offre une plate-forme de promotion pour leurs multiples évènements en leur donnant la possibilité de publier elles-mêmes les informations les concernant. L’information est ainsi directement publiée par vos associations préférées.

Améliorations futures Dès la rentrée, Ucalenda ajoutera au côté fun de son réseau un aspect plus sérieux lié aux études. Il sera en effet possible de partager ses notes de cours ou ses résolutions d’exercices grâce au site. Un système d’aide à la préparation aux examens sera également disponible durant ces périodes de révisions acharnées. Ucalenda deviendra à la fois un réseau social et professionnel estudiantin. L’évolution se situera également au niveau géographique, puisque Ucalenda s’étendra au reste de la Suisse, puis à plusieurs pays d’Europe, dont l’Espagne. Cette extension laisse entrevoir de

36 flash informatique

current university. If an event has a comment made by a user of another university, and you want to see his profile, you will change to the university the user belongs to. This allows us to create a centralized global social Web that gives local information which is actually useful. Also, as we move forward, Ucalenda content will need to be produced by users, but at the same time we want to keep Ucalenda as a public open space that is useful for students daily. In order to do so we are preparing a complex hierarchy of roles, like anonymous user, registered user, moderators, photographers, editors and administrators. All of them are allowed to see and do different things. Also, the users can have a public profile or not, and can be confined so they are only allowed to change entities within their organization or university. Keeping all this complexity manageable, so we can produce innovation in the future in a reliable way, is a tough problem. By using Signum Framework we have total control of the platform, including the ORM (Object-to-relational Mapper), the query system (full Linq provider), the validation infrastructure (mainly declarative using attributes) and the user interface, using ASP.Net MVC and Ajax, putting up in a excellent position for the challenges in the horizon. We have a lot of ideas for improvements and new features; here is an advancement of the kind of things you could expect to see in Ucalenda soon: z We are planning to include friendship relationships between users, so we can enrich our privacy settings. z Also, we are studying different ways to relate users by groups or circles of interest, and allow users and organizations to have their own space to speak about themselves (using our own implementation of WikiMarkup) or create their own events. grands défis pour maintenir un réseau social estudiantin européen cohérent basé sur des évènements locaux.

Une équipe active Derrière Ucalenda se cache un groupe d’étudiants multidisciplinaires, se partageant les fonctions de promoteurs des évènements, relations publiques, photographes ou modérateurs. Chaque université du réseau dispose de sa propre équipe, toujours disposée à recruter de nouveaux membres motivés, afin de couvrir au mieux les évènements et d’être au plus proche des associations. Bien entendu, rien de tout cela ne serait possible sans un travail de développement informatique minutieux. Les plus curieux trouveront les détails techniques de ucalenda.com dans l’encart, exposés par le développeur principal Olmo del Corral.

Pour plus d’informations z info@ucalenda.com z www.ucalenda.com n


Comment faire ?

Utilisateur 2.0 Laurent.Kling@epfl.ch, EPFL - Faculté STI coordinateur informatique

Web 2.0, a new start between users and computing experts. Web 2.0, un nouveau départ entre utilisateurs et informaticiens La Révolution française est le point de départ d’une révolution des idées et des droits. Adoptée le 28 août 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen est une des pierres du corpus qui a permis de bâtir notre civilisation.

Internet, une citoyenneté universelle Pour l’informatique, l’ancien régime est celui des technocrates qui pensent pouvoir définir dans le secret des alcôves l’organisation du travail et la manière de présenter l’information. Il y a 30 ans, en 1980, l’informatique individuelle se composait d’espèces maintenant éteintes (uniquement les nostalgiques se souviennent du TRS 80 de RadioShack). Pour les aficionados, le PC reste à inventer (en 1981) et le Macintosh est encore dans les limbes (il n’apparaît qu’en 1984). Déclaration des droits de l’homme et du citoyen

l’informatique sérieuse en 1980, un IBM 370-195

À cette époque, l’informatique était représentée par les gros systèmes du type de l’IBM System/370, qui est né en 1970 ! Naturellement, uniquement une caste d’initiés avait accès au Saint des Saints, la salle machine. Les programmeurs se distinguaient par leurs paquets de cartes perforées où la quantité d’informations pouvait encore se mesurer physiquement –une carte représentant une ligne de programme–. En 1990, notre monde moderne prend forme, les trois grands écosystèmes actuels existent:

z les gros systèmes, pardon centres de calcul, z les ordinateurs individuels PC et Macintosh, z Internet, sans le Web, mais avec déjà la messagerie et les News. La gestion informatique se décomposait entre l’informatique sérieuse, celle pratiquée dans les centres de calcul et celle nettement plus empirique des ordinateurs individuels. Naturellement, les frontières étaient en réalité moins étanches. Internet, pour les privilégiés qui avaient accès à ce médium, était déjà un formidable instrument de communication. Il offrait la possibilité de lire les News, de poser une question naïve, et d’obtenir presque immédiatement un RTFM, Read The Fucking Manual, que la décence me fait traduire en veuillez lire le manuel avant de poser la question. Une fois cette étape essentielle franchie, interagir avec une communauté ouverte sans frontière permettait de dialoguer en direct. Soumettre un bug au concepteur d’un logiciel et obtenir le lendemain par e-mail une version corrigée, bref le rêve.

Web 2.0, une nouvelle citoyenneté En 2004 se cristallise la notion de Web 2.0 souvent associé à Ajax. En simplifiant, le Web 2.0 offre aux usagers la liberté d’interagir avec les sites Web et dépasser le stade de lecteur pour atteindre le rôle d’acteur. La conséquence immédiate de cette nouvelle maSPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Utilisateur 2.0 nière d’interagir est de propulser chaque usager en décideur de technologie. Il butine, teste les fonctionnalités, intègre ses données et demande à son responsable informatique comment sauvegarder son contenu ou créer la colle pouvant réunir l’ensemble de ses outils réels et immatériels. Après quelque temps, la relation avec l’informaticien prend une tournure étrange, de prestataire de service nous devenons intégrateur de solutions personnalisées, une gageure ?

Un modèle de service en mutation Dans le monde classique, le responsable procède de cette manière pour un projet informatique: z il identifie un besoin, z il met en place un groupe de travail, z un cahier des charges est défini, z un appel d’offres est ouvert, z les soumissionnaires fourbissent un assemblage de leurs technologies, z le comité choisit l’heureux élu, z le cahier des charges en adéquation avec le matériel va déterminer une définition du service SLA (Service Level Agreement), z le service est mis en place, z une phase de test est réalisée, z le service est ouvert aux usagers, z la documentation est mise en ligne. Cette démarche semble parfaite, elle possède un inconvénient intrinsèque, le temps. Au minimum, un tel processus se déroule sur 1 à 2 ans. Le cycle de vie des composants est particulièrement court, un changement tous les 6 mois, une évolution technologique majeure toutes les 18 à 24 mois ! Le risque majeur ne se situe plus dans la qualité du résultat, mais dans son adéquation avec les demandes actuelles.

Informaticien ou oracle Dans l’antiquité grecque, confronté à ce problème de stratégie, j’aurais volontiers interrogé les pythies et offert quelques offrandes pour m’assurer que le choix était bon. En 2010, je vais essayer de comprendre l’évolution de deux produits, Sidekick et iPhone.

Kin One, un projet avorté en 42 jours

Sidekick offrait une architecture intéressante en 2002, les données sont conservées dans l’appareil, avec une copie disponible dans les serveurs de la société. En conséquence, une perte de l’appareil ne compromettait pas les données de l’usager. Le 10 octobre 2009, T-Mobile le fournisseur d’accès américain distribuant Sidekick, avertit les usagers qu’il ne fallait pas éteindre l’appareil aux risques de perdre l’ensemble des données. Cet avertissement cachait une situation nettement plus grave, la corruption de données de 800’000 utilisateurs. Le processus de consolidation des actifs immatériels de Danger dans l’infrastructure de Microsoft se solda par la perte des données, news.bbc. co.uk/2/hi/technology/8303952.stm. Danger - Sidekick Danger - Sidekick 2 Danger - Sidekick 3 Danger - Sidekick XL Danger - Achat par Microsoft

Sidekick est peu connu, son histoire est singulière Une startup, Danger –un nom prémonitoire– met sur le marché en 2002 un terminal mobile qui intègre un clavier complet, une utilisation horizontale et un accès à Internet avec la technologie GSM, bref un précurseur des portables ultra compacts et de l’iBook ! En avril 2008, Danger est racheté par Microsoft. Un des projets compris dans l’escarcelle est un client entièrement graphique intégrant les outils sociaux (Facebook, Twitter et mySpace) et la messagerie. Microsoft décide de réécrire l’entier du code en utilisant sa propre technologie .net, entraînant un retard de 18 mois, le résultat fut le feu Kin, annoncé en grandes pompes le 12 avril et abandonné en catimini le 30 juin 2010 !

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Microsoft - Sidekick 2008 Microsoft - Sidekick LX 2009 Microsoft - Pertes des données Microsoft - Kin Microsoft - Abandon de Kin T-Mobile abandonne Sidekick Apple - iPhone, iOS 1.0 Apple - iPhone 3G, iOS 2.0 Apple - iPhone 3Gs, iOS 3.0 Apple - iPhone 4s, iOS 4.0 2002

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cycle de produit chez Sidekick et iPhone

La comparaison du cycle de vie est éloquente, Apple offre une double évolution, matériel et logiciel chaque année. Cerise sur le gâteau, les produits antérieurs peuvent être mis à jour. L’usager possède la garantie de posséder un appareil avec les dernières fonctionnalités, naturellement en tenant compte des limites technologiques de chaque modèle.


Utilisateur 2.0

Informaticien et Kai zen La gestion de projet informatique n’est pas aussi éloignée qu’on l’imagine de celle de l’industrie. Le Japon est doublement éloigné, par la distance aux matières premières, et par celle de ses clients. Avec ces contraintes, une qualité maximale n’est pas un objectif supplémentaire, mais un principe élémentaire, reste à trouver la méthode optimale. Ingénieur chez Toyota, Taiichi Ōno est le père de cette révolution du contrôle qualité comprise comme un tout. Cette méthode se décompose en une méthodologie Kai zen qu’on peut traduire en amélioration continue. Pour éviter des retours, donc des pièces défectueuses, il est nécessaire d’assurer la qualité la plus élevée possible au départ. Naturellement, cette qualité n’est pas obtenue immédiatement. C’est l’entrée dans un cercle vertueux d’améliorations successives, l’individu situé au cœur du dispositif retrouve sa place primordiale. Ce concept se décline selon 5 axes (source WikipediaTaiichi Ōno): z zéro délai, pas d’attente entre chacune des phases de production, z zéro stock, pas de production d’élément superflu, z zéro papier, par la suppression de la bureaucratie interne, z zéro défaut, aucune pièce défectueuse, z zéro panne, un entretien préventif du matériel évite la panne et la paralysie qu’elle entraînerait. Pour un informaticien, ces éléments sont familiers, voici ma transcription: z zéro délai, le travail est en flux continu, une séance par semaine au maximum, les comités sont bannis, z zéro stock, pas de fonction superflue, uniquement les fonctions primordiales, z zéro papier, chacun est responsable de son code, pas de division du travail, z zéro défaut, les bugs sont éliminés dès le départ, les modules doivent être testés, z zéro panne, les données pouvant être corrompues, le contrôle de qualité est intrinsèque, la documentation doit toujours être disponible. Au départ, ces principes semblent impossibles à suivre, Steve Jobs a récemment livré deux des secrets de l’efficacité d’Apple: pas de comité, une séance par semaine !

Quelles caractéristiques pour un système de production idéal Régulièrement, il faut remettre en chantier son environnement de travail pour bénéficier de l’expérience et de l’éclosion des nouveaux produits. Cycle de développement: z offrir très rapidement un outil fonctionnel, z intégrer des mises à jour rapides, z être résilient, c’est-à-dire capable de résister à des états erronés, z documenter automatiquement son action. Langage de programmation: z offrir une syntaxe agréable à lire (et relire), z disponible dans 3 plates-formes (Macintosh, PC Windows et Linux), z être interprété (ne pas nécessiter de phase obligatoire de compilation), z intégrer la technologie objet, z disposer d’une communauté active, z disposer d’un environnement de développement intégré (IDE, Integrated Development Environment). Après quelques essais et la lecture de comparatifs, Python m’est apparu comme un candidat crédible, il fallait cependant le mettre à l’épreuve des faits.

Une charge de travail doublée ? En fin de vie d’un produit et devant la nécessité de mettre en place son successeur, il existe le risque de devoir faire deux fois le travail: z maintenir l’existant, z créer son remplaçant. 1.5 Pas de projet F, début 2007, car surcharge

1.0

Projet D, début 2006

Projet C

0.5

Projet B

Python, un langage Kai zen ? Mon travail à la jonction entre structures administratives et outils informatiques me confronte régulièrement à la gestion des utilitaires. À titre d’exemple, voici la démarche utilisée pour synchroniser les usagers et le stockage: 2002: création de la synchronisation entre Active Directory et le bottin de l’EPFL avec un langage propre à Windows, VB script. 2005: intégration de la gestion du stockage dans cet outil. 2009: fin de vie de la synchronisation Active Directory, quid du stockage ?

Projet A

0.0

2005

2006

2007

2008

2009

1.5 Libre

Projet F, début 2007

1.0

Projet D, 2006-2007

Projet C

0.5

Projet B, abandon 2007

Projet A, abondon 2008

0.0

2005

2006

2007

2008

2009

abandonner des projets pour en accepter des nouveaux

SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Utilisateur 2.0 En acceptant les nouveaux projets, il est certain que rapidement la charge de travail devient intenable, il existe deux solutions: z abandonner progressivement les projets peu utilisés, un cas de conscience, z augmenter les ressources, très hypothétiques. Pour éviter ce piège qui n’est pas supportable sur longue période, j’ai opté pour une approche Kai zen: z limiter le travail au minimum, uniquement les fonctionnalités essentielles, z se concentrer à la réalisation de celles-ci, z passer au processus d’amélioration suivant, c’est-à-dire pour la série de fonctionnalités suivantes, z abandonner les projets obsolètes. Cette méthode évite une période transitoire trop importante qui paralyse le système et engendre un stress élevé ! Pour l’usager, la démarche est transparente, il ne se rend pas compte des changements. De son point de vue, qu’importe la quincaillerie si le service ne se modifie pas, l’évolution technologique devient transparente. Python offre des clés parfaites pour cette approche: z raffinements successifs dans l’utilisation des fonctions, z approche entièrement objet, z vérification rigoureuse à l’exécution du code, z une richesse de bibliothèques de fonctions particulièrement impressionnante, on a parfois le tournis devant tant de prodigalité. Comme exemple d’application, ma dernière amélioration est la possibilité d’envoyer à chaque usager un rapport personnalisé de son utilisation du stockage, un projet souvent repoussé faute de temps. J’avais décomposé cet apport en deux phases: z envoyer un mail personnalisé sans caractère accentué, en ASCII 7 bits, z si possible, envoyer un mail avec des caractères accentués avec MIME. Le pseudo-code est: lire le fichier source intégrant les mots-clés à remplacer, générer la liste d’équivalence, remplacer chaque motclé. Avec Python, la version Ascii: f = open(tpl_file, "r") # Read the entire contents of a file at once. tpl = f.read() # create the Template object from the file mail_template=Template(tpl) … values = {’name’:record.name, ’institut’:record.institut, ’labo’:record.lab, ’labo_strip’:labo_strip} # transform the template mail = mail_template.safe_substitute(values)

La seule différence pour la version étendue est l’ouverture du fichier, le reste du code est le même: f = codecs.open(tpl_file, "r", encoding="utf-16")

Le temps dévolu au codage est limité au strict minimum, permettant d’offrir une amélioration continue du processus.

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Augmenter la réactivité Dans ce monde en constante mutation, la notion de service devient plus importante que les outils employés. En général, le citoyen ne désire pas connaître les arcanes sous-jacents, encore moins les incantations magiques nécessaires au fonctionnement. Son unique désir est de disposer d’un service simple et fiable. Voici une version allégée du cycle de vie d’un service: z les citoyens communiquent leurs désirs, leurs envies, peut-être existe-t-il un site Web 2.0 qui propose une ébauche du service souhaité, z un service est défini, la description est immédiatement disponible, z avec les technologies disponibles, il est créé dans une version minimale, z la documentation complète est mise en ligne avec un espace de dialogue, z le service est ouvert aux usagers. Le processus est répété pour assurer une évolution constante du service. La technologie utilisée pour mettre en place le service n’est pas visible, elle peut se modifier pour tenir compte de l’évolution sans conséquence pour l’usager.

Web 2.0, un nouveau départ Pour les informaticiens La possibilité de cacher l’infrastructure est un progrès indéniable. L’architecture technologique rigide présentée directement aux utilisateurs se métamorphose en un service dont l’interface Web est la seule manifestation de son existence. Par reliquat de l’absence de confiance dans nos méthodes et nos outils, nous créons des goulots d’étranglement par la validation manuelle. Le paradoxe existe que celle-ci déclenche souvent un processus automatisé. Le contrôle manuel ne devrait être utilisé que pour les exceptions, pas pour le fonctionnement normal. Avec des processus entièrement automatisés, nous gagnons une plus grande autonomie en limitant au maximum les activités de faible valeur ajoutée pour mieux nous concentrer sur les éléments de haut niveau. Notre travail se trouve valorisé par la mise à disposition immédiate des usagers des services et nous permet de nous concentrer sur leurs améliorations continues. Dans ce modèle d’améliorations continues, nos services peuvent mieux coller aux désirs des usagers qui sont nos premiers clients.

Pour les utilisateurs Avec la pratique quotidienne du butineur, telles des abeilles nous passons de fleur en fleur de la connaissance et effectuons une danse complexe dans les réseaux sociaux pour indiquer les outils qui sont le plus utiles. Cette manière de procéder est nouvelle, nous devenons acteurs de nos activités informatiques et cessons d’être des otages de la technologie. Il est probable que nous sommes toujours sensibles aux charmes des sirènes du marketing, mais avec un avantage immédiat, la capacité de comparer et d’exprimer notre avis. Cette démocratie retrouvée doit permettre un dialogue plus fécond et éviter d’arriver dans un cul-de-sac par l’absence de communication entre les clients et les prestataires de service. n


Analyse

Tout change mais rien n’est jamais vraiment nouveau Stephanie.Booth@gmail.com, climbtothestars.org experte en réseaux sociaux et animatrice du blog Climb to the Stars

We learn from the past that we very soon stop fearing technological innovations and that we quickly integrate them into our everyday life. Un regard vers le passé nous apprend que les innovations technologiques s’intégrent rapidement dans notre quotidien et que nous cesserons de les craindre. C’est l’heure des grands changements. Tout le monde en parle, partout. On se réjouit ou on se désole, mais on ne manque pas de relever que nous vivons une période charnière dans l’histoire de l’humanité. Deux point zéro, c’est partout. Web 2.0, Gouvernement 2.0, Economie 2.0, RP 2.0, Entreprise 2.0, Tourisme 2.0, École 2.0, clairement, la Société 2.0 est bien là. Pour ma part, je me méfie. Pas du changement, mais de notre tendance fondamentalement humaine à nous penser au centre de l’univers – et par extension, à jeter sur notre époque un regard bien myope, manquant de recul, et qui nous porte inévitablement à conclure que cette époque que nous vivons est destinée à marquer l’histoire de l’humanité. Loin de moi l’idée que les changements apportés à notre société par la révolution numérique ne sont pas importants. Mais ces changements sont plus graduels qu’on aime à le dire. En lisant les journaux, on découvre que d’un jour à l’autre les blogs sont partout, ou Second Life, ou Facebook, ou Twitter. Mais ce n’est pas si simple. Notre discours sur la réalité ne fait que la refléter imparfaitement. Prenons donc un peu de recul par rapport aux sujets liés aux avancées technologiques qui nous préoccupent maintenant. L’utilisation de Facebook ou d’autres médias sociaux à la place de travail, par exemple. La porosité croissante entre vie professionnelle et vie privée – et la soi-disant disparition de cette dernière. Beaucoup des problématiques auxquelles nous sommes confrontées avec l’arrivée d’Internet et des médias sociaux leur sont préexistantes. Et bien souvent, les réticences que nous observons face aux nouvelles technologies ne sont pas tant liées à la nature de celles-ci, qu’au simple fait qu’elles représentent un changement. Et nous les humains, si on veut être honnête, on n’aime pas trop le changement. La technologie à la place de travail est, je trouve, une excellente illustration de ce fait. Vous souvenez-vous de l’arrivée des ordinateurs dans les bureaux? De l’arrivée d’Internet? De l’e-mail? De l’arrivée des téléphones mobiles personnels dans l’espace professionnel? Au départ, on est bien raide: la technologie est acceptée pour une utilisation strictement professionnelle, on bride, on réglemente, on sévit. Avec les années, on se rend compte qu’au final, les gens font quand même leur travail, que leur Blackberry

leur permet de répondre aux appels et e-mails professionnels à toute heure du jour et de la nuit (après, il faut voir si c’est une si bonne chose que ça!) et on finit par se détendre. Bien sûr, on se détend différemment dans différents contextes professionnels, en fonction de la nature du métier exercé. Aujourd’hui, on s’inquiète de l’utilisation privée de Facebook que font les employés durant leur temps de travail. Deux problématiques sous-jacentes ont tendance à être absentes du débat: z le fait que Facebook, bien que destiné à une utilisation privée à la base, est en fait aussi utilisé professionnellement par de nombreuses personnes: un réseau social en tant que tel n’est qu’un outil, et l’interdire parce qu’il peut servir à des fins privées paraîtra un jour aussi absurde que nous le paraîtrait aujourd’hui une interdiction du téléphone ou de l’e-mail; z une conception du travail comme une mise à disposition par l’individu de ses ressources (manuelles ou intellectuelles) à un employeur durant un certain nombre d’heures par jour ou par semaine – alors que souvent, ce qui importe vraiment est le travail accompli. Si on s’éloigne un peu de la place de travail, un thème qui revient régulièrement ces temps est celui de la vie privée. À trop s’étaler en ligne, celle-ci serait menacée de disparition.

J’imagine que les générations précédentes ont dû supporter en pestant l’invention de la télévision, du téléphone, du cinéma, de la radio, de la voiture, du vélo, de l’imprimerie, de la roue et ainsi de suite, mais on pourrait penser que nous avons maintenant compris: 1 tout ce qui existait déjà à notre naissance est tout à fait normal; 2 tout ce qui a été inventé entre notre naissance et nos trente ans est incroyablement excitant, créatif et avec un peu de chance on pourrait en faire notre profession; 3 tout ce qui a été inventé après nos trente ans est contre nature, c’est le début de la fin de la civilisation telle que nous la connaissons, bien qu’en fait nous finissions par l’apprécier après une dizaine d’années. Appliquez cette règle aux films, musiques, traitements de texte et téléphones portables et vous connaîtrez votre âge.

Douglas Adams How to Stop Worrying and Learn to Love the Internet. 1999. www.douglasadams.com/dna/19990901-00-a.html SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Tout change mais rien n’est jamais vraiment nouveau Tous ces thèmes qui nous préoccupent prennent une couleur légèrement différente si on prend un peu de recul historique – nul besoin de faire un cours d’histoire complet, voyons déjà où on va avec un peu de bon sens: z toute l’histoire nous montre que nous sommes plutôt réticents face à l’innovation; on n’aime pas le changement; il est normal qu’une nouvelle technologie ou qu’un changement de société en cours soit mal perçu, tant par les autorités en place (professionnelles, politiques, morales...) qu’à titre individuel (The Myths of Innovation &); z à l’apparition de l’appareil photo (début du XXe) nombreux sont ceux qui se sont écriés qu’il ne serait plus possible d’aller où que ce soit sans se faire photographier, et que notre vie privée en pâtirait (ça nous fait bien rire, maintenant); z la vie privée elle-même n’est pas quelque chose d’objectif: historiquement, on n’en a pas toujours eu une – ce qui fait partie de la vie privée évolue avec le temps et les cultures; z la communication de masse qui a dominé durant ces 200 dernières années peut tout à fait être analysée comme une anomalie dans l’histoire de l’humanité, et le développement d’Internet et des médias sociaux comme une re-normalisation de la situation (The Cluetrain Manifesto &).

Nous avons toujours dû, en tant que société, faire face aux innovations technologiques. Peut-être bien que le rythme de l’innovation s’accélère aujourd’hui et que nous sommes bousculés plus fréquemment qu’auparavant. Il serait donc d’autant plus important de bien comprendre les mécanismes en jeu face au changement, pour éviter d’attribuer à la nature des technologies dont il s’agit des maux qui ne sont en fait que le fruit de notre résistance (naturelle et légitime) à la nouveauté. n

GLOSSAIRE

&

The Cluetrain Manifesto: Le Manifeste des Évidences, manifeste de quatre-vingt quinze thèses publié en 1999: Les marchés en réseau commencent à s’organiser plus vite que les entreprises qui les ont traditionnellement ciblés. Grâce au Web, ces marchés deviennent mieux informés, plus intelligents et plus demandeurs en qualités qui font défaut à la plupart des entreprises. (www.cluetrain.com/manifeste.html); beaucoup de ces thèses ont été reprises par le monde du marketing. The myths of Innovation: Berkun Scott, 2007, O’Reilly

Brèves

La délivrance du texte Sur la longue échelle de l'histoire de la lecture, ces dernières décennies sont décisives ! Pas tant pour l'avenir du livre qui en a vu bien d'autres depuis le XVème siècle (production massive de livres grâce à l'invention de Gutenberg) que pour l'avenir de nos modes de lecture et donc de nos modes de construction. Tous les acteurs de la chaîne du livre sont concernés au cœur même de leur métier et il ne se passe pas plus d'une semaine sans que l'on puisse lire un article important concernant le livre numérique. La lecture numérique a commencé avec la lecture sur écran cathodique depuis belle lurette, avant même l'arrivée d'Internet. Depuis la fin des années 1980 le nombre d'objets techJeff Koterba, 29-07-2010, The Omaha World-Herald niques offrant du texte à lire et à écrire n'a fait que grandir... des téléphones aux smartphones en passant par les liseuses et les écrans de nos ordinateurs, de nos consoles de jeux ou de nos téléviseurs (quelques 4,5 milliards d’écrans numériques illuminent nos vies). Nous lisons – écrivons de plus plus en plus, les textes n'ont pas besoin d'être longs pour être tout à fait parlant (cf Twitter)... Cette lecture numérique devenue tellement importante dans notre quotidien est en train de chambouler nos méthodes de travail et d'apprentissage en même temps qu'elle modifie notre cerveau. Ce sujet réclamera certainement un numéro d'un prochain FI spécial été dont on ne sait pas encore sous quelle forme il sera … RT Quelques pistes pour en savoir plus: z www.livre-paca.org/index.php?show=dazibao&id_dazibao=110&type=5&article=1604, sur l'apprentissage z tachedencre00.wordpress.com/2010/01/02/compte-rendu-de-lintervention-de-thierry-baccino-lors-du-colloque-les-metamorphoses-numeriques-du-livre, Thierry Baccino – Les lectures numériques : réalité augmentée ou diminuée ?

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Actualités

LIFT France 10 Jacqueline. Dousson@epfl.ch EPFL–Domaine IT, Rédacteur du Flash informatique

Some information on the very 2.0 content of the Lift France conference recently held in Marseille. Quelques pistes, très 2.0, découvertes lors de la conférence Lift France qui vient d’avoir lieu à Marseille.

À propos de Lift La première conférence Lift a eu lieu à Genève en 2006. Elle fut suivie de plusieurs autres à Genève, en Corée et depuis 2009 en France. Son but est de s’intéresser aux interactions entre les innovations technologiques et les transformations sociales; Lift ne se veut pas une conférence académique état de l’art mais c’est, comme l’a rappelé Daniel Kaplan, (fondateur de la FING, Fondation Internet Nouvelle Génération, organisateur de LIFT France 10), un lieu de rendez-vous de gens qui sont en train de faire concrètement des choses inattendues, hétérodoxes à partir de la technologie. Aller à une conférence Lift, c’est donc accepter d’être surpris. Effectivement, deux jours de conférence LIFT m’ont donné l’impression d’avoir fait un voyage dans le futur. Des concepts et surtout des réalités dont j’ignorais l’existence me dessinent ce que pourrait être le monde de demain. Bien sûr, parmi les presque 600 participants, beaucoup avaient déjà pratiqué cette culture de la contribution et du faire soi-même que permettent les outils 2.0, et ce fut donc pour eux un lieu d’échanges fructueux, l’occasion de voir en vrai un scanner 3D dont tout le monde parle dans les communautés FabLabs, ou d’approcher des personnes dont ils suivent quotidiennement les blogs. Les questions pouvaient être envoyées directement par tweet … malheureusement, le réseau dans la salle du théâtre de la Criée de Marseille n’était pas à la hauteur de l’attente des participants … Le thème de Lift 10 à Marseille était Comment le Web peut changer le monde réel ?, résumé par la jolie formule dot.Real. Je ne développerai ici que deux thématiques: l’accès aux données publiques et les Fab Labs.

Rendez-nous les joyaux de la Couronne La problématique de l’accès aux données publiques (Open Data) a été bien introduite par Michael Cross, journaliste au Guardian et un des auteurs de l’article Give us back our crown jewels qui a donné naissance à la campagne Free our data &. Outre la possibilité offerte aux développeurs de créer des applications innovantes à partir de ces grandes quantités de données, le libre accès aux

données publiques permettrait de faire des économies considérables à l’administration elle-même; en effet certains services paient pour utiliser les données d’autres services d’une même administration (dans le domaine géographique ou météorologique par exemple). Quatre ans après le début de la campagne, la situation a bien évolué en Angleterre, malgré des oppositions d’agences gouvernementales comme Ordnance Survey, organisme chargé de la cartographie en Grande-Bretagne. Sous la pression gouvernementale, Ordnance Survey a rendu publique toute une partie de ses données: OS OpenData (www.ordnancesurvey.co.uk/ oswebsite/opendata/). Parmi les applications créées depuis la mise à disposition de certaines données publiques, un outil sympathique pour qui connaît la ponctualité des chemins de fer britanniques: traintimes.org.uk qui donne en temps réel la position de tous les trains sur le réseau. L’intervenant suivant était Jarmo Eskelinen, président du Forum Virium à Helsinki: il a repris la phrase de Tim Berners-Lee: Nous voulons des données brutes et nous voulons des données maintenant et a surtout précisé la différence entre informations et données. Le citoyen a déjà accès à des données environnementales, météorologiques, cadastrales, mais ce sont des données transformées et visibles d’une seule façon, celle choisie par le détenteur des données. L’accès aux données ouvertes, c’est toute autre chose, c’est pouvoir accéder à la source originelle des données afin de les réutiliser, en les croisant éventuellement avec d’autres. Par ailleurs, il semble que la mauvaise qualité des échanges d’informations entre les entreprises et les institutions coûte très cher au niveau européen. Ce constat est particulièrement vrai dans le secteur public où les agences travaillent difficilement entre elles et dans ce continent très subdivisé où les données sont particulièrement éparpillées. Donc, rendre accessibles les données à travers un format ouvert c’est aussi faire des économies ! A Helsinki, deux cents bases de données ont été ouvertes au public et un concours d’idées (Apps4Finland) a été lancé sur le modèle de Apps for Democracy &. Parmi les applications développées, un arbre qui permet de visualiser où va l’argent des impôts. Et en dehors de la Grande-Bretagne et des pays nordiques, où en est-on ? Hugues Aubin, (h.aubin@agglo-rennesmetropole.fr) nous a présenté avec beaucoup de conviction son expérience à Rennes. Son équipe a regardé avec envie du côté des USA et de l’Angleterre; un site comme www.data.gov représente sans doute aujourd’hui le plus grand repositoire de données publiques au monde. Mais au niveau local en France les données (coordination des feux rouges, utilisation de l’eau potable, cadastre, etc.) sont souvent prisonnières de processus isolés, gérées par des logiciels propriétaires. Les données publiques, même quand elles sont en partie accessibles sur un site Web, sont loin d’offrir tout leur poSPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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LIFT France 10 tentiel: ce n’est possible que quand elles sont accessibles, dans un format ouvert et utilisable par une API. L’ouverture des données publiques permet l’éclosion de beaucoup de nouveaux services locaux, parfois de niche (c’est-à-dire ne concernant qu’une petite partie du public), souvent basés sur des mashups &, qui peuvent associer des données publiques à des données en provenance de sites commerciaux.

l’ouverture des données publiques permet l’éclosion de nouveaux services représentés ici par les différents jardins

nées pour créer et aussi une attente des habitants de plus en plus habitués à utiliser leurs smartphones dans leur quotidien. La vidéo de la présentation de Hugues Aubin est accessible ici www.ustream.tv/recorded/8106670 et www.ustream.tv/recorded/8106856 et les slides de sa présentation ici: www.slideshare.net/Huggy/opendata-program-of-rennes-metropolitan-are.

Hacker space, tech shops, Fab Labs, ou comment se réapproprier les objets À l’origine de ces lieux (car ce sont des espaces bien physiques), il y a l’intention de créer des objets adaptés à nos besoins, de refabriquer le monde. Le concept de Fab Lab (contraction de Fabrication Laboratory) est né au MediaLab du MIT, dans la lignée d’un cours How To Make (Almost) Anything. Un Fab Lab est donc un atelier qui propose des machines professionnelles à commande numérique (une découpeuse laser, une fraiseuse, …), atelier qui s’inscrit dans une communauté qui échange ses expériences, les modèles 3D, les logiciels. Souvent les objets fabriqués

Les premiers résultats sont déjà là, avec l’ouverture en mars 2010 par Keolis (société responsable des transports à Rennes) des données brutes concernant les stations de vélos de la ville et les bus. Et en deux mois, il y a déjà 11 applications développées pour smartphones dans différents domaines, réalité augmentée, visualisation de la station de vélo la plus proche, etc.: data.keolis-rennes.com/. Octobre 2010: la ville de Rennes qui continue sur sa lancée innovatrice lance un concours pour des applications autour des données publiques, les critères sont la créativité, l’utilité, l’utilisation par le grand public, etc. Parmi les freins que Hugues Aubin a identifiés: z l’aspect financier: l’accès aux données publiques est parfois payant pour des sociétés commerciales (par exemple des opérateurs télécoms) et les rendre accessibles à tous entraînerait une perte financière pour les services concernés. Mais en réalité, seul un petit pourcentage des données est concerné, rien n’empêche de libérer le reste; z l’aspect juridique, une piste de réflexion: Open Data Common, pour encadrer l’usage des données publiques; www.thingiverse.com/thing:2030 z et surtout l’aspect culturel: il faut apprendre aux gardiens des informations à sont équipés de composants électroniques standard. Les nomabandonner une partie de ce qu’ils croient être leur pouvoir. breux Fab Labs de par le monde obéissent à une charte (fab.cba. Certes beaucoup de travail reste à accomplir dans le domaine de mit.edu/about/charter/); c’est un réseau mondial de laboratoires l’Open Data, notamment pour une accessibilité directement par locaux (on est en plein dans le Penser global, agir local), qui laisles utilisateurs (par des widgets à intégrer facilement dans un blog sent la place à l’innovation. Certains industriels ne s’y trompent par exemple) sans passer par des développeurs d’applications; pas, qui suivent de près ce qui se passe dans les Fab Labs, c’est mais l’expérience rennaise a montré qu’il existait localement une là qu’ils voient se dessiner les interfaces homme-machine de derichesse de développeurs potentiels qui n’attendent que les don-

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LIFT France 10

Fab Wall (photos extraites de Flickr - galerie de nodesign.net)

main, naître des prototypes. Les aspects sociaux et éducatifs des Fab Lab sont évidents, cela a été bien mis en évidence par les différents intervenants. C’est aussi une solution pour les pays en voie de développement, plusieurs personnes en provenance d’Afrique ont assisté au workshop Fab Lab. Des Boot Camp sont organisés régulièrement pour apprendre à mettre sur pied un Fab Lab (à quand un Fab Lab à l’EPFL ?). Parmi les orateurs de cette session, Adrian Bowyer, l’inventeur britannique de la RepRap. La RepRap est une imprimante 3D, objet assez extraordinaire, qui permet de créer des objets en plastique (en collant des feuilles de plastique découpées selon des coordonnées 3D). Des sites (comme www.thingiverse.com/ tag:reprap) rassemblent des jeux de coordonnées 3D accessibles à tous (ça va du beurrier, à des briques Lego, en passant par des bijoux … et même une cathédrale gothique). La RepRap a ceci de particulier, c’est qu’elle peut presque se répliquer, en réalité elle est capable de fabriquer la moitié de ses pièces, le reste pouvant être facilement acheté, le tout pour environ 350 euros !

Très répandu dans les pays anglo-saxons et du nord de l’Europe (35 aux Pays-Bas qui vont accueillir en août la sixième conférence internationale sur les Fab Labs), le phénomène est moins répandu dans nos contrées. Mais l’esprit est là et se manifeste sous d’autres formes: un exemple, les démarches de l’agence nodesign (www. nodesign.net/). Jean-Louis Fréchin veut réconcilier art, industrie et technologie, et il voit dans les Fab Labs une occasion à saisir pour les petites industries européennes en plein marasme économique. Le Fab Lab permet d’inventer les objets du XXI ème siècle, qui peuvent être ensuite produits par les entreprises, tout en gardant la notion de personnalisation par le consommateur. Il a présenté le projet FabWall, le papier peint augmenté qu’il a mené avec une fabrique de papiers peints. L’idée est d’imprimer sur le papier peint, des tags, qui peuvent avoir des formes et des couleurs variables; quand ensuite on les lit avec un smartphone, on peut lancer sur celui-ci une application: défiler des photos de vacances, lire un poème, afficher la température extérieure, les possibilités sont infinies. Si vous êtes intéressé, ce papier peint fabriqué par la société Lutèce sera disponible fin 2010 (www.lutece-gpfb.com/).

Conclusion

Adrian Bower présente une réplication d’une RepRap par elle-même ! ( source: blog.reprap.org)

J’aurais pu parler aussi d’autres thèmes fondamentaux abordés lors de cette conférence: z comment créer de la connaissance à partir de l’immense quantité de données qui sont à notre disposition; puces RFID, téléphones, GPS, cartes bancaires, tweets, blogs, photos géolocalisées - tout est source de données, cette problématique correspond à ce qu’on appelle Web puissance 2 dont on n’est qu’aux prémisses!

Un exemple de ce qu’on peut faire de ces données: une étude menée par Fabien Girardin pour optimiser les flux de visiteurs dans le Musée du Louvre, en captant la présence des télé-

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LIFT France 10 phones portables dans le musée pour mesurer en temps réel le niveau d’occupation des différents bâtiments.

z et la question permanente: et nos données privées ? droit à l’oubli, perception des risques, projection contrôlée de soi sur les réseaux sociaux, comment avoir une vie publique sur le net tout en sauvegardant sa vie privée – toutes ces questions mériteraient bien sûr qu’on s’y attarde.

Invitation à la lecture Si vous voulez en savoir plus sur cette conférence, je vous invite à lire les excellents comptes-rendus sur le site www.Internetactu.net, site d’actualité consacré aux enjeux de l’Internet; InternetActu. net est une production de la Fing (Fondation Internet Nouvelle Génération, fing.org). n

GLOSSAIRE

&

Apps for democracy: projet créé en 2008 par la ville de Washington, sorte de concours Lépine pour les applications mobiles dans les domaines des services publics. Son directeur technique Vivek Kundra est devenu conseiller aux nouvelles technologies du gouvernement

Obama. Plus de 50 applications ont été développées lors des deux éditions de concours. Free our data (www.freeourdata.org.uk): campagne lancée en 2006 par le journal The Guardian, sur le principe que les données publiques sont gérées par des administrations payées par les impôts des contribuables et doivent donc pou-

voir être accessibles à ceux-ci. Le journal a repris ce thème chaque semaine, jusqu’à ce que le gouvernement soit sensibilisé par la question et modifie la législation. Il s’agit bien sûr de données anonymes ou anonymisées. mashup: application composite dont le contenu provient de la combinaison de plusieurs sources d’information.

Actualités

https://secure-it.epfl.ch septième épisode

Le Net est parfois un monde d’illusions, n’en soyez pas le jouet ! The Net can be a world of illusions, don’t fall for them ! Sur le Net, développez votre sens critique. Toute information (et sa source) doivent être considérées avec prudence et circonspection! When on Internet, use your critical skills. All information and its source must be considered with caution and circumspection !

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Analyse

– solution HTML5 pour visionner des documents Miguel.Moreira@rero.ch, chef du projet Multivio

This article presents a Swiss open-source solution for displaying digital documents available in the Web directly in the Web browser. Cet article présente une solution open source suisse pour la consultation, directement à l’intérieur du navigateur, de documents numériques disponibles sur Internet

La consultation de documents sur Internet fig. 1 – la plate-forme Infoscience

Les internautes, en tant que consommateurs de contenus, ont l’habitude de retrouver des documents facilement accessibles sur la toile, souvent même sans se poser la question de leur provenance – un clic sur un lien leur suffit, même s’il provient simplement d’une liste de résultats sur un moteur de recherche, l’important étant, pour eux, que le document s’affiche à l’écran. De leur côté, les fournisseurs de ces mêmes contenus ont des besoins spécifiques par rapport à la façon de les organiser et de les mettre à disposition. Si pour un auteur (un chercheur, par exemple) il est relativement aisé de rajouter un lien sur sa page Web personnelle menant à son article, pour une école ou une bibliothèque il s’agit de le faire pour des collections entières de documents qui doivent être disposées de façon systématique sur une plate-forme dédiée, permettant aux internautes de rechercher et de naviguer aisément le long de ces contenus.

Les serveurs de documents numériques

fig. 2 – la bibliothèque numérique RERO DOC

Les limitations des interfaces de consultation traditionnelles

À l’heure actuelle, ces documents se trouvent, dans la très grande Pour cela ces institutions emploient des logiciels ou des services majorité des cas, sous forme de fichiers PDF. Lorsqu’un utilisateur capables non seulement de mettre les documents à disposition souhaite consulter un tel document il clique simplement sur le des usagers, mais aussi de les organiser par collections et de gérer lien correspondant et le fichier s’ouvre devant lui à l’aide d’un loles métadonnées correspondantes, c’est-à-dire les informations giciel dédié, par exemple Adobe Reader, Aperçu (Mac OS) ou KPDF qui décrivent chaque document, tels que le titre, les auteurs, la (Linux), installé sur le poste de l’utilisateur, parfois sous forme date, la maison d’édition, etc. Cela revient donc à constituer ce de plugin externe rajouté au navigateur. Ce qu’on appelle couramment un serveur de dogeste est devenu tellement courant qu’on n’y cuments ou une bibliothèque numérique. Ces On distingue ici les termes dopense même pas. Et le même principe s’apservices sont munis d’un catalogue bibliocument et fichier. Alors que ce plique pour d’autres types de fichiers que le graphique permettant des opérations de redernier désigne spécifiquement PDF, chacun d’entre eux faisant appel à un cherche ou de navigation (browsing) le long un fichier informatique (PDF, outil approprié. des collections. C’est l’exemple de la plateJPEG, MPEG, TIFF, etc.) le preforme Infoscience de l’EPFL, infosciences.epfl. mier désigne plutôt une resLes fichiers multiples ch (fig. 1) et de la Bibliothèque numérique source documentaire, telle Cette approche est relativement satisfaisante RERO DOC, doc.rero.ch (fig. 2). Des milliers de qu’un livre, une thèse ou un pour les documents individuels, composés serveurs de documents existent actuellement article, qui peut être composée d’un seul fichier. Mais elle est limitée en préau niveau mondial et de nouveaux se metde plusieurs fichiers. sence de documents structurés et composés tent en place régulièrement. SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Multivio – solution HTML5 pour visionner des documents de plusieurs fichiers, comme des périodiques, collections, livres multivolumes et autres types de regroupements, obligeant l’utilisateur à ouvrir séparément chacun d’entre eux sans pouvoir les mettre en perspective.

L’obligation de télécharger le fichier complet

Une telle solution évite le recours à des logiciels tiers et permet de présenter des documents structurés de façon conviviale et optimale du point de vue du transfert de données.

Le projet

Un autre problème associé à l’approche du téléchargement simple se manifeste lorsque la taille du contenu à télécharger est considérable, et ceci, de deux manières: 1. dans le cas où l’utilisateur ne possède pas une ligne Internet à haut débit (temps d’attente trop long) et 2. lorsque les données téléchargées sont taxées au volume, comme c’est habituellement le cas pour les dispositifs mobiles (Smartphones) reliés à une connexion fournie par un opérateur de téléphonie. Il est courant de voir des fichiers PDF de 100 Mb et plus à télécharger, notamment lorsqu’il s’agit du résultat de numérisation de documents imprimés. De quoi faire exploser bon nombre de forfaits mensuels avec un ou deux téléchargements !

Multivio est cofinancé par RERO et la Confédération puisqu’il est l’un des 20 projets faisant partie de E–lib.ch: Bibliothèque électronique suisse, www.e-lib.ch, projet de coopération et d’innovation de la Conférence universitaire suisse pour la période 2008-2011. À noter que l’EIA-FR & participe au développement dans le cadre d’un accord avec RERO. À la fin de la période prévue de financement (avril 2011) le projet se poursuivra selon le modèle open source traditionnel. Multivio n’est pas le seul projet à se développer dans ce domaine. Citons comme exemples similaires, mais répondant à des besoins un peu différents, DFGViewer, dfg-viewer.de et l’outil Quick View intégré récemment par Google dans les résultats de son moteur de recherche.

La perte du résultat de recherche

Mode de fonctionnement

Lorsque le document à consulter a été retrouvé à la suite d’une opération de recherche dans le catalogue respectif, l’expression recherchée devrait être présentée et mise en évidence à l’intérieur du document à l’endroit où elle a été retrouvée, permettant à l’utilisateur de s’y diriger directement. Or, avec l’approche du téléchargement simple il est obligé, une fois le document ouvert, de répéter la même opération de recherche, cette fois-ci dans le logiciel de consultation employé.

Multivio: une solution open source Avec l’objectif d’améliorer la consultation d’objets numériques, RERO & a lancé en 2008 le projet Multivio, www.multivio.org. Son but est de développer une application Web permettant d’être couplée avec des serveurs de documents et de fonctionner comme couche de présentation de contenus numériques à l’intérieur du navigateur. L’application est conçue comme un module indépendant, mais pouvant s’adapter au contexte dans lequel il s’intègre.

fig. 4 – un exemple de résultat de recherche sur RERO DOC

Prenons un exemple pour illustrer le mode de fonctionnement de l’application: la bibliothèque numérique RERO DOC propose désormais à ses utilisateurs la possibilité de consulter ses documents à l’aide de Multivio (de façon expérimentale). La figure 4 montre un extrait de liste de résultats de recherche sur RERO DOC où l’on peut voir, associés au premier résultat, à la fois le lien direct vers le fichier PDF et un lien multivio. Le lien Texte intégral correspond à la situation usuelle, c’est-à-dire l’ouverture du fichier PDF selon la méthode configurée sur le poste de l’utilisateur. Le lien multivio, lui, montre le même document, mais à l’aide de l’interface Multivio directement intégrée dans le navigateur et utilisant des technologies de base: HTML + JavaScript + CSS. Aucun plugin ou application externe n’est requis dans ce cas. fig. 3 – l’interface Multivio

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Multivio – solution HTML5 pour visionner des documents En regardant le deuxième résultat dans la même figure on s’aperçoit que le document en question (un article, en l’occurrence) est composé de deux fichiers PDF. Dans ce cas de figure, le lien multivio offre à l’utilisateur la possibilité de consulter les deux simultanément comme s’il s’agissait d’un seul, ce qui est logique compte tenu du fait qu’ils font tous les deux partie du même document. Multivio peut être utilisé de façon indépendante comme outil pour visionner le contenu d’un seul fichier ou alors couplé à une source de contenus (un serveur de documents) qui fait appel à lui dès qu’il s’agit de présenter un document à l’utilisateur.

Le cas le plus intéressant: les contenus composés Le contenu à présenter peut être simple ou composé. Voici comment ces deux cas se distinguent.

Fichier isolé

MODS, www.loc.gov/standards/mods et MARC21, www.loc.gov/ marc, essentiellement des métadonnées bibliographiques, mais qui peuvent contenir aussi des liens d’accès au contenu numérique, sous forme de liste. Par exemple, lorsqu’une thèse de doctorat est composée de fichiers différents pour le corps principal du document et pour les annexes, comme des données expérimentales ou des démonstrations multimédias, les métadonnées qui décrivent l’ensemble de la thèse contiendront la liste de fichiers en question (fig. 5, à droite). Il existe aussi des formats de métadonnées structurelles, dont METS, www.loc.gov/standards/mets est l’exemple le plus commun, qui permettent de décrire la structure interne d’un document et à partir de points spécifiques de cette structure pointer vers des fichiers de contenu numérique. Cette approche est couramment utilisée pour décrire des livres numérisés, en assemblant les images obtenues à partir de l’opération de scanning selon une structure logique, comme le montre la figure 6.

L’URL source, celui qui est fourni au départ à l’application, mène directement à un fichier (PDF, image, vidéo ou autre); c’est le cas le plus simple (fig. 5, à gauche). Multivio convertit alors simplement le fichier en un format directement lisible par le navigateur (ex: un PDF est décomposé en images de façon optimale), analyse sa structure interne si elle est présente (table des matières) et extrait son contenu textuel pour permettre des opérations de recherche. Le contenu est ensuite présenté à l’utilisateur.

fig. 6 – la structure d’un document décrite avec le format METS

Indépendamment de ce qu’il reçoit en entrée – contenu simple ou composé – Multivio explore la structure interne du document et le type de contenu de chacune des sous-parties est automatiquement détecté, s’il n’est pas indiqué explicitement. fig. 5 – la structure d’un fichier simple et celle d’un document composé

Fonctionnalités

Document composé Au lieu de mener vers un fichier, l’URL source pointe sur une fiche des métadonnées qui décrivent l’ensemble du document et qui elles-mêmes contiennent les URL des fichiers de contenu. Dans ce cas de figure, Multivio explore l’ensemble de ces URL, récupère les fichiers correspondants, fait les traitements nécessaires sur chacun d’entre eux (voir ci-dessus), les met ensemble selon une organisation logique et présente le tout à l’utilisateur de façon homogène, permettant sa consultation ainsi que la navigation et la recherche à l’intérieur.

Métadonnées comme point de départ Les formats de métadonnées les plus couramment utilisées pour la description de documents sont: Dublin Core, dublincore.org,

fig. 7 – une partition de F. Chopin (avec un PDF par instrument) affichée avec Multivio

SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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Multivio – solution HTML5 pour visionner des documents La première version publique de Multivio (0.2.0) permet la consultation de fichiers PDF et images, supporte la navigation de structures hiérarchiques, affiche les miniatures des pages et permet de faire zoom sur le contenu affiché.

Les technologies employées

La phase officielle du projet se déroule jusqu’à mars 2011. L’équipe de projet travaille aux fonctionnalités manquantes, notamment: z la recherche textuelle dans les documents; z le support de formats de contenu dynamique (audio, vidéo); z le contrôle d’accès à des documents protégés; z l’élargissement de la palette de formats de métadonnées supportés; z l’amélioration de l’intégration de Multivio avec différents types de sources de contenu, dont notamment la possibilité de personnaliser son aspect visuel.

L’essentiel de la couche client est développé avec SproutCore, www.sproutcore.com, un framework JavaScript très performant et qui permet de tirer parti de fonctionnalités spécifiques à la norme HTML5 &. SproutCore permet aussi la création aisée d’interfaces tactiles. Accessoirement JQuery, jquery.com, un autre framework JavaScript, est utilisé comme appoint pour certains aspects particuliers de l’interface utilisateur. La couche serveur est développée en Python et intègre certaines librairies logicielles dédiées à des tâches spécifiques, par exemple Poppler, poppler.freedesktop.org, pour la manipulation de fichiers PDF et PIL, www.pythonware.com/products/pil, pour le traitement d’images. Selon les besoins futurs de Multivio en termes de types de contenu à traiter d’autres librairies pourront y être intégrées.

Serveur et client: chacun son rôle

Caractéristiques principales

L’application est composée d’une couche serveur et d’une couche client. Le client est un ensemble de fichiers statiques HTML, JavaScript et CSS qui sont chargés dans le navigateur de l’utilisateur et qui contiennent l’ensemble de la logique de l’application, fonctionnant sur une page Web unique. Celle-ci fait appel au serveur uniquement pour le traitement de contenus, par exemple la demande de la structure du document, d’une page particulière d’un document textuel ou d’un niveau de zoom particulier pour une page en cours de visionnement. En résumé le serveur fait le travail le plus lourd ou celui qui, au stade actuel de la technologie, ne peut pas être exécuté par un navigateur. La séquence habituelle d’opérations lors de l’utilisation de Multivio est montrée dans la figure 8.

Open source Le code source de Multivio est disponible à l’adresse www.multivio.org sous licence open source GPLv3, www.gnu.org/licenses/gpl. html, tant la couche client que la couche serveur. La participation communautaire à l’extension de l’application sera la bienvenue.

Modulaire et extensible L’architecture de Multivio a été conçue dès le départ pour être ouverte et modulaire, avec l’objectif de permettre le plus facilement possible d’étendre ses fonctionnalités à l’avenir sans bouleverser la structure de base de l’application. Sont notamment visés le support de nouveaux formats de fichiers de contenus et de types de métadonnées, ainsi que l’ajout de nouvelles composantes à l’interface utilisateur.

Support de structures arbitraires

1 L’utilisateur demande à consulter un document. 2 Le navigateur transmet la demande au serveur Multivio. 3 Celui-ci récupère le contenu et les métadonnées (si elles sont présentes) à partir de la source de contenus. 4 Les contenus sont retournés en brut depuis la source. 5 Le serveur effectue les opérations nécessaires, notamment: parsing & de la structure initiale à partir des métadonnées, extraction de la liste de fichiers qui forment le document et extraction de la structure interne de chacun de ces fichiers (ex: les tables des matières des fichiers PDF); il rassemble enfin le tout dans une structure unifiée. 6 Envoi du contenu à l’utilisateur sur son navigateur de façon optimisée et fragmentée (uniquement le contenu requis et selon le besoin). fig. 8 – séquence d’opérations lors de l’utilisation de Multivio

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Multivio est ouvert à tout type de structure hiérarchique, indépendamment du langage avec lequel elle est décrite. Chacun peut donc créer une procédure de parsing pour extraire de ses propres données une arborescence qui puisse être présentée à l’utilisateur. La syntaxe structurelle de Multivio est très simple. Le modèle de données central, appelé CDM & est constitué essentiellement d’une liste de fichiers et d’une arborescence dont chaque nœud pointe vers l’un des fichiers de la liste ou vers une position spécifique à l’intérieur de l’un d’entre eux, et ceci en format JSON, www.json.org. Des informations plus détaillées à ce sujet peuvent être obtenues sur www.multivio.org.

Légèreté Le contenu à afficher est optimisé par la couche serveur, si nécessaire. Multivio est ainsi capable d’afficher des contenus de très grande taille: il a été testé jusqu’à environ 1 GB de fichiers PDF contenus dans un même document, présentés simultanément (virtuellement) à l’utilisateur de façon très légère, puisque seul le contenu nécessaire est envoyé sur le poste client. Par exemple, pour un fichier PDF, les pages sont envoyées à mesure que l’utilisateur demande à les visionner, et de même pour la liste de miniatures des pages ainsi que pour les parties les plus profondes de la structure du document.


Multivio – solution HTML5 …

Serveur Multivio public RERO met à disposition depuis avril 2010 un serveur de démonstration de Multivio à usage public demo.multivio.org, permettant le feedback de la part des utilisateurs et des institutions intéressées. Ce démonstrateur permet à chacun de tester Multivio avec ses propres documents, soit manuellement à l’aide d’un petit formulaire acceptant une URL, soit directement depuis son propre catalogue ou serveur de documents, à l’aide d’une URL paramétrable qui actionne l’appel à Multivio. L’utilisation du serveur public est entièrement libre, avec comme seules réserves l’absence de garantie de support et de disponibilité du service ainsi qu’une limitation dans la taille des documents admis. Les institutions intéressées peuvent installer et paramétrer leur propre instance, si elles le souhaitent, mais cette instance publique leur offre désormais une solution d’interface de présentation pour leur serveur de documents.

Pour plus d’informations z www.multivio.org z info@multivio.org. n

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Le réseau social arrive en ville

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Analyse Réseaux sociaux et géolocalisation – promesses et enjeux 3

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OpenStreetMap, plate-forme collaborative mondiale

&

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Simon Perdrisat

CDM: Core Document Model .

Citoyens connectés

EIA-FR: École d’ingénieurs et d’architectes de Fribourg, www.eia-fr.ch.

HTML5: norme pas encore entérinée mais déjà partiellement implémentée dans plusieurs navigateurs, qui offre des fonctionnalités telles que le support natif de contenus multimédias dans HTML/JavaScript (évite le recours à des plugins externes) et le stockage local de données dans le navigateur du client.en.wikipedia.org/wiki/HTML5.

parsing: technique qui consiste à analyser un flux de caractères, fourni en entrée. Il est utile pour tester l’existence de données, pour manipuler un flux de données et pour extraire des informations choisies de ce flux de données.

Tout change mais rien n’est jamais vraiment nouveau

RERO: réseau de bibliothèques de Suisse occidentale, www.rero.ch.

20

Nicolas Marronnier

L’hameçonnage  social ou vol d’identité 2.0

27

Frédéric Rauss

Les nouveaux défis des bibliothèques

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Livre électronique – L’avenir du livre ou un gadget ?

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Gabriel Minder

Open Gov

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Francois Van der Biest & Stéphane Brunner

Société 2.0 – un pas en Noosphère ?

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Multivio – solution HTML5 pour visionner des documents 47

Miguel Moreira

Comment faire ? Utiliser OpenStreetMap et l’enrichir avec un smartphone 10

Jean-Daniel Bonjour

Utilisateur 2.0

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Brèves La délivrance du texte

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Richard Timsit

Prochaines parutions No Délai de rédaction Parution 7

02.09.10

21.09.10

8

23.09.10

19.10.10

9

04.11.10

23.11.10

SPÉCIAL ÉTÉ 2010 – SOCIÉTÉ 2.0 – 31 AOÛT 2010

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ISSN 1420-7192


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