Curiosa
Curiosa : Ouvrage presque toujours licencieux, voire érotique. Parfois illustré. Dit aussi du « second rayon ». Bien souvent censuré en son temps, et publié sous pseudonyme. « L’enfer » de la Bibliothèque nationale conserve quelques milliers de ces livres inavoués et pendables de toutes les époques.
Remy de Gourmont
Physique de l ’amour Vue à cette lumière des mœurs animales, la débauche perd tout son caractère et tout son sel, parce qu’elle perd toute son immoralité… Il n’y a pas une luxure qui n’ait dans la nature son type normal.
L
e plus curieux ouvrage de Remy de Gourmont est sans aucun doute sa Physique de l’amour. Sous-titré « essai sur l’instinct sexuel », il s’agit plus prosaïquement d’un ouvrage sur la sexualité… des bêtes ! Quoi ! le poète de la charnelle Simone, l’héritier de Barbey d’Aurevilly et de Laclos, auteur d’œuvres sensibles comme Sixtine ou le Songe d’une femme, serait devenu le temps d’un ouvrage le froid observateur des coutumes animales ? Méfiance ! Remy de Gourmont cultiva les paradoxes et les masques : parler de la sexualité des animaux, n’est-ce pas la plus subtile manière d’aborder ce que les convenances font taire de celle des hommes ? Physique de l’Amour est l’œuvre d’un sceptique. Une méthode pour ne pas être dupe de nos instincts, où Gourmont invite le lecteur à tirer les leçons d’un étonnant bestiaire érotique. Curiosité ou curiosa ? Difficile de trancher. L’ouvrage contient en tout cas des passages d’un érotisme décalé, et d’un humour très cru… Darwin était en effet bien trop pudibond, nous explique l’auteur. Littéralement, le temps est venu d’appeler un chat un chat ! Physique de l’Amour, comme toute physique qui se respecte, est fondée sur quelques lois et axiomes fondamentaux. La première règle est de « situer la vie sexuelle de l’homme dans le plan unique de la sexualité universelle » et ainsi d’« agrandir la psychologie générale de l’amour ». Quasi révolution copernicienne : l’homme n’a plus de raison d’être traité différemment des autres animaux. Il n’est plus « au sommet de la nature » mais « dans la nature, l’une des unités de la vie, et rien de plus ». Partant de là, Gourmont remet à plat notre conception de la sexualité ; il s’y s’adonne en lecteur de Schopenhauer, en physiologiste convaincu, en sceptique et en érudit.
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Le frisson esthétique › N°6