le musée du monument au support minimal

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FLORENT GIRELLI

le musée

du monument au support minimal

école nationale supérieure d’architecture de paris-belleville

02/2012



mémoire réalisé sous la direction d’Alain Dervieux & Jean-Paul Midant. au sein du séminaire Arts, Flux, Architecture. à l’ENSA de Paris-Belleville.

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le musée, un instrument à dématérialiser

musée(s) nom masc. * éthym. : - latin museum, - grec mouseîon

- Vient du grec museion, temple et lieu consacré aux Muses, divinités des arts. Ce terme désigne le premier « musée » construit à Alexandrie vers 280 av JC par Ptolémée Ier Soter, fondateur de la dynastie grecque des Lagides en Egypte. C’est un ensemble faisant office à la fois de sanctuaire et de foyer de recherches intellectuelles :

- Au plan matériel, Il comprend une grande salle de colloque, des portiques,

et un cénacle pour les repas. De façon tout à fait accessoire, est installée la première collection d’oeuvres d’art.

- Au IIème - Ier siècle av. J.‑C.), il héberge surtout un collège d’érudits

philologues, pensionnés par le mécénat royal, dispensés des soucis de l’existence pour se consacrer à l’étude. Les savants qui le fréquentent (philosophes péripatéticiens, philologues, mathématiciens, astronomes, géographes, poètes) peuvent utiliser la fameuse bibliothèque, ainsi que les jardins botaniques et zoologiques, l’observatoire astronomique ou le laboratoire d’anatomie. Ils y observent la nature et les textes. Lieu de recherche et d’étude, le museion, reprend les préceptes du lycée d’Aristote en Grèce et fera d’Alexandrie le principal foyer intellectuel de l’Époque hellénistique. Mais avec l’incendie de la Bibliothèque d’Alexandrie, le monument « museion » disparaît et avec lui, les pratiques qu’il abrite. - Lieu, édifice où sont réunies, en vue de leur conservation et de leur présentation au public, des collections d’œuvres d’art, de biens culturels, scientifiques ou techniques. - En apposition, avec ou sans trait d’union à un nom de lieu, indique que ce lieu est remarquable par l’abondance de monuments, de vestiges anciens, etc. : «Arles est une ville-musée.»

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0 prologue

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Au

Chichu

Museum

de

Naoshima,

au Japon, construit par Tadao Ando, contempler trois des Nymphéas de Claude Monet dans la salle qui leur est dédiée restera un évènement inoubliable, une expérience fondatrice. Cela reviendrait à la fois à comprendre le sentiment d’une muséographie parfaite. Le rapport ultime entre oeuvre, espace et lumière. La justesse de la mise-en-scène se rend au service de l’interprétation profonde d’une évocation de la peinture. Le temps s’arrête.

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introduction

introduction Cette expérience vécue est bien la source inéluctable d’une réflexion menée sur les musées, leur portée, ce qu’il représente et par conséquent ce qu’ils sont susceptibles de devenir. Alors, comment exposer trois des oeuvres classques les plus importantes ? Comment montrer trois des tableaux les plus prisés et convoités de l’histoire de l’Art ? Doit-on attiser la curiosité des visiteurs du Monde entier jusque sur cette île lontaine ? et si oui, en quoi le renouvellement des activités muséales enthousiame le public ? Pour cela, il est d’abord primordial de dresser le portrait de la condition des musées à l’heure actuelle. Pour se faire, il faut décrypter ce qu’ils sont ? D’où viennent-ils ? et surtout vers quoi mutent-ils ? Des réponses apportées, un regard sur des cas marquants ou exemplaires dans le passé sera posé afin de déterminer quels sont le rôle et les prestations de ce programme actuellement ? De manière analytique, qui est donc capable, chez nos contemporains, d’entretenir ce juste rapport scénographié ente Art et Architecture ? Comment la dématérialisation d’une muséographie se construit-elle avec économie jusque dans le détail d’une embrasure ? Enfin, quels sont les objectifs potentiels d’un instrument médiateur et réflecteur de l’Art et de la Société ? Et finalement, pourquoi le musée doit-il, à l’avenir, s’ouvrir au Monde et devenir un objet mnimaliste de la culture ?

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le musée, un instrument à dématérialiser

1 2.1 2.2 3

sommaire

diagnostic d’une nouvelle muséographie A. Le Nouveau Musée: Monument, Instrument ou entreprise ? B. Le musée, un Programe à part entière C. Musée en Mutation

symptômes, aura et objectifs du nouveau musée A. Le Cas Withney à New-York B. Le Cas Guggenheim à Bilbao C. Prestations Contemporaines

construire pour l’art

A. Gigon & Guyer B. Kirchner Museum à Davos C. Extension du Musée des Arts à Winterthur

objectifs pour le public du musée A. Le «Musée Instrument» ou l’Anti «Musée-Monument» B. Le Musée Minimal

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I

annexes

A. Art & Artefact : The Museum as Medium (J. Puthman) B. Le Processus Créatif (M. Duchamp) C. Mutations contemporaines des musées : un espace public à revisiter ? (IDETCOM) D. Toward a New Museum, The Monographic Museum (V. Newhouse) E. Toward a New Museum, Wings That Don’t Fly (Some That Do) (V. Newhouse)

II

bibliographie

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1 diagnostic d’une nouvelle musÊographie

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Dans cette performance Marina Abramovic (yougoslave, née en 1946) est assise en silence à une table , face à une chaise vide, dans l’atrium du MoMa (NYC, USA). Elle y reste chaque jour, pendant les heures de musée, pour toute la durée de l’exposition de sa rétrospective personnelle : The Artist is Present. Le musée estime qu’elle siégea 716 heures et 30 minutes, emportant le record d’endurance lors d’une performance artistique. Elle utilise son propre corps comme sujet, objet , et médium, exploitant les limites physiques et mentales de sa propre existece.

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le musée, un instrument à dématérialiser

A

le musée : monument, instrument ou entreprise?

Boîte en Valise (Portable Museum), Marcel Duchamp, 1941.

En effet, il est indéniable que l’introduction des nouvelles technologies dans les domaines de la conservation a constitué un apport considérable. Les tâches de l’inventaire, de l’édition et celles liées à l’organisation des expositions s’en sont trouvées sinon allégées du moins facilitées, et le contrôle des objets patrimoniaux confiés à l’institution peut prétendre à plus de rigueur. La recherche scientifique, elle aussi, bénéficie largement des avantages qu’offre l’informatique: les nouveaux moyens d’investigation permettent de la conduire sur de plus vastes champs et d’en accélérer les procédures. Les musées disposant aujourd’hui de banques de données sur ses collections autorisent une diffusion électronique des informations les concernant. Cela signifie qu’au-delà des grandes dimensions de beaucoup d’atriums ou d’espaces d’exposition des musées les plus récents qui permettent de spectaculaires installations, la transmission d’images via internet tend également à une muséographie hors-les-murs, voire sans mur.

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Mais bien que les nouvelles technologies aient fortement contribué à faire du musée un instrument de culture de plus en plus public, elles ne sont pas la seule cause de la modification de son rôle dans Ia société. D’autres facteurs - économiques, culturels au sens le plus large du terme - sont entrés en jeu, qui ont propulsé les musées au rang d’objets de consommation. L’importance prise par l’information, tous médias confondus, l’accélération de sa diffusion et l’ampleur de son champ d’action ont contraint les musées à devoir constater que leur seule existence matérielle ou institutionnelle ne suffisait plus à garantir leur survie ni à légitimer leur présence. En a découlé une inflation spectaculaire des structures, des activités et des missions de l’institution dont témoignent les musées du monde entier. De nouveaux secteurs ou services ont été créés, l’administration des musées s’est fortement alourdie, les activités se sont diversifiées; aux missions principales, de conservation, d’étude et de publication, d’exposition, définies autrefois par le Conseil international des musées (ICOM)» se sont ajoutées de nouvelles missions orientées vers les exigences du public (ou ce que l’on définit comme telles), et tant le maintien de l’institution que la réalisation de son programme d’activité requièrent des moyens financiers de plus en plus importants. Enfin, face à cette situation, le musée est entraîné à offrir toujours plus, à un public toujours plus large, pris dans la concurrence dictée par les lois de l’économie qui veulent que, sans développement, une entreprise ne puisse que régresser et donc mettre son existence en danger. Ainsi, ce sont non seulement les missions fondatrices du musée, mais bien ses objectifs qui ont aussi changé. Le musée est à même de conférer à sa ville une renommée et un prestige qui contribueront à l’expansion économique de celle-ci. Preuve en est: la création, depuis la seconde moitié du XXe siècle, d’un nombre considérable de musées dont les chantiers ont été confiés aux architectes les plus réputés. Or, force est de constater que les grands musées historiques, tels le Louvre ou le British Museum, pour ne prendre que ces exemples, qui ont participé à cette inflation par des extensions ou de nouveaux aménagements monumentaux, ont dû le faire pour s’adapter au changement de société mais qu’ils ont pu le faire de façon aussi spectaculaire en raison de l’importance historique et de la qualité de leurs collections. L’histoire proche nous montre que l’invention des musées, aux XVIIIe et XIXe

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le musée, un instrument à dématérialiser

page suivante : Jean Widmer, Etudes préliminaires pour le logo du CGP, 1974-1977. page suivante : Jean Widmer, Etudes préliminaires pour le logo du CGP, 1974-1977.

siècles, résulte d’un besoin de conserver les témoignages du passé ressenti dans des temps de changements politiques, économiques et sociaux qui mettaient en péril les valeurs sur lesquelles se fondait la mémoire collective; autrement dit, que la collection d’objets se substituait peu à peu au monument commémoratif faute de valeurs communes à célébrer. C’est ainsi que les premiers musées ont adopté des architectures imposantes, palatiales, qui affirmaient leur qualité de monument. Au tournant du XXIe siècle, la nouvelle société que construit la mondialisation se trouve devant un dilemme: comment conjuguer des identités particulières avec l’identité globale imposée par la médiatisation et les impérialismes économiques. Doté des nouvelles technologies comme il l’est aujourd’hui, le musée du XXIe siècle

page suivante : Jean Widmer, Etudes préliminaires pour le logo du CGP, 1974-1977.

est devenu, de monument stable qu’il était à l’origine, un instrument rapide d’une grande efficacité. Doit-il pour autant devenir, au sein de la vaste société des loisirs, une entreprise

page suivante : Jean Widmer, logo du CGP, 1977-.

culturelle qui confondrait moyens et objectifs et dont la finalité serait sa propre promotion en termes d’économie de prestige. Ou doit-il s’employer à préserver, avec les outils modernes dont il dispose, et sa mission de collectionner les objets qui constitueront le patrimoine de demain ?

page suivante : boutons de manchette à l’éfigie du CGP vendu à la boutique du musée.

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le musée, un instrument à dématérialiser

B

le musée,un programme à part entière

page suivante : plan original du British Museum, London, 1753. page suivante : British Museum, London, 1890.

Après l’ensemble des constatations faites dans la partie introductive diagnostique, et les premières réponses extraites de sparagraphes précedents, se focaliser sur l’architecture des musées contemporains est l’occasion d’un nouveau questionnement: Le musée est-il avant tout son propre faire-valoir ou celui des oeuvres qu’il recèle ; à défaut d’être les deux à la fois? L’histoire de l’architecture, et l’histoire des musées en particulier, nous éclaire sur l’origine de certaines conceptions muséales. Dérivé du grec museion, le terme de musée désigne étymologiquement le temple des Muses, soit temple des Arts. Cette étymologie explique du reste le succès remporté, durant la première moitié du XIXe siècle, à la faveur du néo­classicisme, par les formules de façades en forme de temple grec, avec pronaos et péristyle, comme l’attestent de très nombreux exemples: le Musée Fridericianum de Kassel, la Glyptothèque et l’ancienne Pinacothèque de Munich, le British Museum et la National Gallery de Londres, le Musée des beauxarts d’Édimbourg ou, le Musée Rath de Genève. Lorsque Mario Botta assimile le musée à une cathé­drale, ne ferait-il que reprendre en compte le sens primitif du museion, son rôle symbolique et spirituel dans la cité ? Les musées, dont on fait traditionnellement remonter l’origine au courant prérévolutionnaire de la fin du XVIIIe siècle, eurent pour but premier de donner à voir au public des oeuvres d’art jusque-là réservées à la seule délectation d’une élite. Cette activité nouvelle, liée à des exigences pédagogiques et scientifiques, nécessita de nouveaux lieux, même si certains musées investirent des locaux qui ne leur étaient pas initialement dévolus. Héritière de la tradition des collections privées, la typologie du musée combina à ses débuts plusieurs types de salles d’exposition tradition­nelles dans les châteaux et

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du concept au bâtiment

palais des riches particuliers: la petite salle ou cabinet dérivant de la Schatzkammer ou Wunderkammer pour les petits objets précieux et merveilleux, la galerie pour les statues, la vaste salle haute pour les grands tableaux, la rotonde sous coupole pour les chefs-d’ceuvre, dérivée du Panthéon romain et renvoyant au prototype muséo­ graphique de la Tribuna des Offices à Florence. L’agencement de ces divers espaces caractérisa la première génération de musées: Simon Louis du Ry y recourut pour le Musée Fridericianum de Kassel, Leo von Klenze pour la Glyptothèque et l’Altes Pinakothek de Munich, Karl Friedrich Schinkel pour l’Altes Museum de Berlin, Robert Smirke pour le British Museum de Londres. De tout temps la question de l’éclairage fut au centre des débats sur l’architecture des musées; les qualités de l’éclairage latéral et de l’éclairage zénithal furent longtemps très étudiés. Dans un premier temps, la multiplication des patios permit de gagner des prises de jour en façade. Par la suite, les verrières, rendues possibles par la nouvelle technologie de la fonte (puis du fer) et du verre, ouvrirent une large voie aux ressources de l’éclairage zénithal, des premières esquisses peintes par Hubert Robert pour la Grande Galerie du Louvre, ou construites par Raphaël Stern au Braccio Nuovo du Vatican, aux grandes salles de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg dessinées par Leo von Klenze. L’avènement de l’éclairage artificiel (gaz puis électricité), dans la seconde moitié du XIXe siècle, devait complexifier la question et nourrir des réflexions toujours actuelles sur la combinaison d’éclairages naturels et artificiels. Cette quête de la lumière idéale balise aujourd’hui encore le travail de nombreux architectes, comme Annette Gigon nous en apporte la preuve au Musée Kirchner de Davos ou dans l’extension du Musée des beaux-arts de Winterthur.

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En matière de scénographie, la série l’emporta pendant longtemps sur la mise en valeur de l’objet isolé ; la présentation esthétique a durablement dominé toute idée de présentation pédagogique. Les objets de collection servi­rent parfois à produire de nouvelles oeuvres: ils furent enchâssés dans des décors taillés à leurs mesures, sertis dans des niches, noyés dans des peintures murales ou intégrés à des façades, comme à la Villa Farnèse de Rome. Les principes d’exposition évoluèrent cependant des miscellanea baroques aux classifications scientifiques par écoles et par maîtres, obéissant à une chronologie. Encouragé par l’empereur d’Autriche Joseph II, l’érudit et marchand d’art bâlois Christian von Mechel fut l’un des premiers à imposer en 1781 des conceptions taxinomiques dans les salles du Belvédère supérieurs. Néanmoins, l’ambition de tout montrer présida encore souvent aux conceptions muséographiques du XIXe siècle et l’on put voir des murs tapissés de tableaux sur plusieurs rangées, des statues pressées en ligne sur leur socle, des objets amoncelés dans les vitrines. Long et discutable aussi fut le chemin de la prolifération exagérée à l’iso­lement quasi clinique, sorte de mise en quarantaine, des objets d’art. Le XIXe siècle a eu la réputation d’être le siècle des musées et de la muséographie, réputation que le XXe siècle va sans doute lui ravir par le nombre et les innovations de ses réalisations. Less spécialistes contemporains semblent avoir retourné et épuisé toutes les questions relatives à ce thème: sophistication des éclairages, diversité des scénographies, contextualisation des présentations, choix des parcours, décloisonne­ment des espaces, croissance illimitée, recyclage d’anciens lieux, etc... De nouveaux impératifs ont surgi: - la conservation et ses exigences, quan­tifiables en lux, degrés Celsius ou Fahrenheit et taux d’hygrométrie; - la sécurité et ses nécessités; - l’étude des objets entraînant la multiplica­tion des bureaux, laboratoires, locaux d’archives, bibliothèques, photo­thèques. Construire un musée aujourd’hui, c’est prendre en charge une série de paramètres devenus inévitables. L’instrument, doté de puissants moyens techniques, a largement pris le pas sur le monument qui peut parfois apparaît comme la pointe visible de cet iceberg culturel.

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du concept au bâtiment

Les conceptions muséales du XIXe siècle ont fait les frais de modernisations parfois radicales, même s’il subsiste quelques dinosaures pratiquement inchangés, qui permettent de se faire une idée des anciens principes muséographiques. Construit en 1900 par le Marcel Bourgnon, le Musée du Caire demeure un rare exemple de vaste capharnaüm dans lequel se côtoient un très grand nombe d’oeuvres, de plusieurs natures, de différentes époques (vitrines vieillottes, en bois, sans éclairage ni climatisation). Dans la nef centrale, là où le vide d’étage est le plus important, d’immenses monuments habitent un univers désuet où les étiquettes jaunies ne sont pas d’une grande utilité. Le masque d’or de Toutankhamon et quelques pièces maîtresses de son trésor bénéficient d’un aménagement récent tout au fond et au centre du Musée. Serait-ce le début d’un inéluctable processus de rénovation ? Cependant, avec ses allures victo­riennes, sa muséographie vieillie, ses cohortes de visiteurs, le Musée du Caire n’est-il pas devenu pièce de musée lui-même ? A force de sauvegarder à tout prix, on visite un musée où l’on vient peu pour apprendre, mais plus pour s’immerger dans la culture des pharaons. La mutation est à l’ordre du jour, et sans doute est-il indispensable de se questionner sur ce thème. Le vent de la rénovation a déjà soufflé sur nombre de musées occidentaux. Comme d’autres bâti­ments, les musées ont payé leur tribut à la modernisation. On s’en est pris aux mobiliers d’exposition, aux principes Vue depuis l’entrée du Musée, Musée égyptien du Caire, Égypte

Mercredi 16 juin, au musée égyptien du Caire, Egypte. technicienne restaurant un sarcophage de la deuxième période intermédiaire.

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décoratifs, aux circulations, aux typologies. Faute de véritables moyens, les transformations se sont parfois faites au coup par coup (une salle par-ci, une salle par-là, au gré des personnes responsables. D’ancienne configuration spatiales ou scénoraphies cohérentes ont été altérés, sans que les anciens dispositifs aient été remplacés par un système qui leur fût supérieur. Aujourd’hui, le musée s’affirme plus que jamais comme un programme d’une complexité croissante, situé au carrefour entre symbolique et fonc­tionnalité, une problématique des origines mêmes, selon Édouard Pommier, où «la réflexion sur ce type d’édifice [...] commence sous un double concept : celui du fonctionnel et celui du sacré, deux concepts entre lesquels on ne voit nulle contradiction». Sans doute la tâche de l’architecte constructeur de musée réside-t-elle encore essentiellement dans la maîtrise des tensions entre ces deux pôles. Le musée est une réalité dans notre vie quotidienne. C’est un besoin de la collectivité. Le musée joue un rôle proche de celui, autrefois, de la cathédrale. À différents niveaux, le musée nous parle de ce besoin de spiritualité res­senti par la collectivité, ce besoin de se confronter à des valeurs. Les gens visitent les musées pour tenter de dialoguer avec des propositions soumises par les artistes ou transmises par le passé. Ce double territoire autour du musée est un enjeu intéressant. Car ces réflexions que la collectivité essaie de formuler sur la réalité par le biais du musée lui permettent de prendre conscience de ce que la société exprime à travers le filtre des artistes. Le musée devient alors le miroir de la société contemporaine; mais il est aussi un lieu de mémoire très important. Le territoire de la mémoire est, vraisemblablement, le territoire sur lequel l’archi­tecte travaille aujourd’hui. Cependant, le territoire prété à un architecte est avant tout un territoire physique, un contexte, une masse urbaine. Cette réalité géographique parle toujours d’un passé, d’un vécu, d’un territoire de la mémoire. C’est autour de ce territoire que l’architecte cherche à susciter des réflexions sur les besoins de l’homme d’aujourd’hui, en les lui rappelant ou les évoquant.

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le musée, un instrument à dématérialiser

C

musée en mutation Rien ne saurait mieux nous aider que l’expérience. Soit par le biais de l’architecture, ou, par le choix des expositions, du public et de la communication des musées. Car, au fond, il est des questions simples que l’on peut se poser: Pourquoi construire des musées? Quelle est leur mission? À quoi servent-ils? On peut répondre tout aussi simplement en rappelant que les musées ont été

page suivante : Cabinet de curiosités de Ole Worm, ‘’Museum Wormianum’’, 1655.

(depuis les cabinets de curiosités) et sont aujourd’hui des lieux de connaissance et de recherche. Ils jouent un rôle essentiel de médiation entre la population et son patrimoine culturel. Les musées sont donc des lieux de rencontre. Rencontre entre la culture et le public, mais également rencontre entre les personnes autour de la culture. À ce titre, ils sont un des piliers importants sur lesquels repose la politique culturelle (la Ville de Genève, par exemple, leur consacre plus du tiers de son budget culturel). Toute culture, au sens anthropologique du terme, s’inscrit dans une tradition, des pratiques et une vision du monde (ou de la société). Les musées constituent et préservent la mémoire de ces cultures. Ils fournissent des repères. Ils témoignent des continuités et des ruptures qui marquent l’évolution d’une culture et de ses pratiques. Grâce au travail de leurs collaborateurs d’une part et au travers du regard des visiteurs d’autre part, ils permettent de comprendre et de donner un sens à cette évolution. Et ainsi de relier le passé au présent et à l’avenir. La création contemporaine se nourrit des rapports que les artistes d’aujourd’hui entretiennent avec les œuvres du passé. Cette distance favorise le regard critique et permet le renouvellement constant de la connaissance et de la création. Se pose alors une autre question: Comment inscrire le musée dans une conception populaire de la culture?

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musée en mutation

Pendant longtemps, les musées ont été des lieux réservés, protégés. Leurs missions étaient concentrées sur la conservation des œuvres et des objets ainsi que sur la recherche. Ils vivaient en vase clos, peu soucieux de s’ouvrir à d’autres publics que celui intéressé à l’étude de l’art ou tout simplement sensibilisé aux plaisirs esthétiques. L’objectif n’était pas de promouvoir le partage le plus large possible des connaissances accumulées dans le musée, mais de développer et de conserver ces connaissances. Cette situation s’est progressivement transformée sous pression de la société contemporaine en pleine mutation. Sur le plan politique, la promotion de l’accès de tous à Ia culture qui est un principe fondamental de la démocratie, a joué un rôle décisif. Mais les musées sont également des outils culturels qui ont un coût. Sur le plan financier, il s’agit d’abord de garantir les ressources qui en assurent le fonctionnent. Or aujourd’hui, ces ressources dépendent, pour l’essentiel, des collectivités publiques. Les musées sont par conséquent amenés à défendre leur rôle et leurs missions en faisant mieux connaître les bénéfices qu’en retire la collectivité. Le défi consiste donc à développer les capacités de médiation et de communication des musées. Ils doivent aller à la rencontre du public, s’intégrer davantage à la vie sociale et culturelle de la cité et de la région tout en continuant à développer leurs missions essentielles de conservation et de recherche. Les musées doivent évoluer avec la société, s’adapter aux exigences que leur impose la nécessité d’être tout à la fois pourvoyeurs de repères (historiques, artistiques, scientifiques) pour la collectivité et générateurs de connaissances et de créativité. Le programme Musée doit être, à ce titre, exemplaire. Ses collections sont considérables et touchent à de nombreux domaines, qui vont de l’Antiquité à nos jours. Une des premières responsabilités du musée est d’assurer la conservation et la mise en valeur de ses fonds. C’est une responsabilité permanente et qui s’inscrit dans la continuité de la mission scientifique qui incombe à tout musée .

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L’objectif a été de mettre en place une politique d’ouverture, d’animation, de communication. Le Musée constitue un pôle d’attraction important suivant la richesse de ses collections, aussi bien que par la diversité et la qualité des expositions qui y sont conçues et présentées. Ce sont là des atouts qui doivent lui permettre de renforcer son rayonnement et sa notoriété auprès du public, bien sûr, mais également de figurer au rang des grands musées d’art européens. Les partenariats qu’il a su créer avec d’autres institutions renommées, si nécessaire, (le Louvre, le British Museum, le Musée de l’Ermitage, etc.) vont dans le sens de cette reconnaissance internationale. Pour résumer, l’avenir du musée semble résider tout à la fois dans sa capacité à développer une politique d’ouverture au public et à renouveler en permanence son offre culturelle tout en valorisant les fonds dont il est le dépositaire. Ce triple défi : - ouverture vers la cité, - renouvellement permanent de l’offre culturelle et, - valorisation des collections, c’est aussi celui que nous voulons relever en construisant un nouveau Musée. Cette réalisation est en effet appelée à prendre une signification majeure dans une cité et une région marquées par une exceptionnelle ouverture au monde. La suite devrait apporter quelques éléments d’appréciation pour le futur.

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1 symptômes, aura et objectifs du nouveau musée

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Depuis les années 1990, le nombre de constructions de musées ne cesse de s’accroître et le public grandissant se réjouits de toute sorte d’évènements. A l’image du cinéma, certaines expositions trouvent leur succès dans le monde entier, supportées pr des campagnes de promotion organisées par les musées. Bénéficiare d’un regain de popularité mais ayant renoncé à leur élitisme, ces institutions rivalisent avec les parcs à thème et autres loisirs de masse afin de gagner les faveurs des visiteurs. Toutefois, la raison majeure de cet enthousiasme réside peut-ëtre tout simplement dans l’architecture. Nombre de visiteurs viennent autant pour l’édifice que pour les objets présentés.

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symptômes, aura et objectifs du nouveau musée

A

le cas withney à new-york

page suivante : Withney Museum, Marcel Breuer, New-York (USA)

Ainsi, la bataille menée depuis vingt ans à New York contre l’extension du Whitney Museum of American Art, qui a été réalisé par Marcel Breuer en 1966, met autant en cause le besoin d’espace que le changement d’identité architecturale du musée. Les riverains d’Upper East Side et la commission de préservation du patrimoine de la ville ont réussi à empècher l’agrandissement proposé par Michael Graves, qui aurait nécessité la démolition de plusieurs maisons datant du XIXe siècle. Ce projet aurait noyé l’édifice de Breuer sous un assemblage brutaliste et postmoderniste. Ayant compris qu’il ne «décollerait» jamais, la direction du Whitney a fini par l’abandonner. En 1998, le musée a simplement étendu ses bureaux, ses salles de conférences et sa bibliothèque en investissant deux maisons voisines, élégamment rénovées par Richard Gluckman, maître du minimalisme discret. Personne n’a rien remarqué et le musée a poursuivi sa route. Cependant, il a rapidement eu besoin d’espace supplémentaire pour abriter sa collection permanente qui s’était accrue de plus de soixante-cinq pour cent en dix ans. En 2001, la polémique a refait surface lorsque le Whitney a annoncé un nouveau projet d’extension par Rem Koolhaas, architecte guère connu pour sa sensibilité à l’histoire ou aux associations de quartier. Le Whitney a renoncé à ses plans en 2003, pour annoncer l’année suivante un

page suivante : Withney Museum, Marcel Breuer, New-York (USA) plan / coupe

nouveau projet, plus modéré, de Renzo Piano. Ce dernier propose d’implanter à l’arrière du bâtiment de Breuer et des maisons rénovées par Gluckman un délicat cube de verre, plus haut que le musée et relié à celui-ci à chaque étage par une passerelle lumineuse. Reste à savoir si le projet de Piano deviendra un jour réalité. Mais le Whitney n’est pas le seul musée à s’être empêtré dans des projets d’extension. Ainsi le Guggenheim Museum de New York a eu ses propres démélés

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symptômes, aura et objectifs du nouveau musée

Solomon R. Guggenheim Museum, Frank Lloyd Wright, New-York (USA), 1959.

avec les défenseurs du patrimoine, les critiques, les intellectuels et les associations de riverains. Lorsque les plans de Charles Gwathmey et Robert Siegel ont été présentés en vue de l’agrandissement de l’édifice emblématique de Frank Lloyd Wright. Nombre

Solomon R. Guggenheim Museum, Gwathmey & Siegel, New-York (USA), 1992.

d’entre eux ont comparé la structure de Gwathmey et Siegel à un réservoir collé à l’arrière d’une cuvette de toilettes. L’extension finalement construite est un édifice plus mince et discret, revêtu d’un placage en pierre calcaire. Cependant, beaucoup estiment l’œuvre de Wright gâchée à jamais.

Qu’est-ce alors que la fabrication d’un projet d’extension avorté par la société, si ce n’est la matérialisation d’un échec à la fois architectural et théorique sur la mutation des musées ?

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symptômes, aura et objectifs du nouveau musée

B

le cas guggenheim à bilbao

Guggenheim Museum, Frank Ghery, Bilbao (E), 1997

En 1997, ce phénomène a pris son essor avec l’ouverture quasi simultanée du Guggenheim de Frank Gehry à Bilbao, et du Getty Center de Richard Meier, à Los Angeles. Les musées, plus que tout autre type de bâtiment, sont ainsi devenus les baromètres architecturaux de notre temps.

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symptômes, aura et objectifs du nouveau musée

page précédente : Guggenheim Museum, Frank Ghery, Bilbao (E), 1997

Le Guggenheim Bilbao de Gehry a profondément changé la perception que le public a des musées. Avec son succès fulgurant, la nouvelle antenne du Guggenheim Museum de New York a démontré qu’un édifice pouvait à lui seul redynamiser une

Guggenheim Museum, Frank Ghery, Bilbao (E), 1997 esquisse

institution et revitaliser une ville et sa région. D’autres institutions et municipalités en mal de renouveau ont tenté de répéter «l’effet Bilbao», en commandant un musée à un architecte reconnu afin de renforcer leur image et de favoriser un regain économique. Peu importe que le succès du Guggenheim soit dû à la conjonction d’un programme, d’un site et d’un client. Les directeurs de musées ont voulu croire que l’édification d’une œuvre architecturale significative suffirait à garantir la venue du public. Depuis l’inauguration de Bilbao, des musées ont fleuri aux quatre coins du globe. De toutes tailles et configurations, ils répondent à tous les goûts imaginables et traitent des thèmes les plus divers. Comme le souligne l’historienne Victoria Newhouse dans son excellent ouvrage Towards a New Museum (Vers un nouveau musée). «Un aspect intrigant de la prolifération actuelle des musées réside dans la «muséification» de presque tous les phénomènes connus de l’humanité, depuis le Norsk Bremuseum (musée des Glaciers)». Dans le domaine des beaux-arts, les collections sont plus spécialisées que jamais. Un musée généraliste présente moins d’intérêt que d’autres institutions qui se consacrent exclusivement à l’art moderne, l’art contemporain ou l’art populaire ou encore à la peinture, la sculpture et la photographie. On voit apparaître davantage de musées monographiques dédiés à un seul artiste, tels que le Museum Tinguely de Mario Botta, à Bâle, en Suisse, ou le Museum Liner de Gigon et Guyer, à Appenzell, consacré aux peintres Carl August Liner et Carl Walter Liner, père et fils. Ces musées bénéficient de l’aura de certains prédécesseurs comme, aux États-

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Unis, l’Andy Warhol Museum de Pittsburgh, une habile réhabilitation de Richard Gluckman, ou la splendide Cy Twombly Gallery de Renzo Piano, à Houston. Les mécènes privés encouragent également cette floraison, en érigeant de magnifiques bâtiments pour leurs propres collections. En 2004, en Allemagne, la Sammlung Frieder Burda a investi l’édifice épuré de Richard Meier à Baden Baden, tandis que la Langen Foundation inaugurait son spectaculaire bâtiment signé par Tadao Ando, près de Düsseldorf. En outre, certaines grandes institutions multiplient leurs antennes. Ainsi, le plus célèbre en la matière reste le Solomon R. Guggenheim Museum de New York et sa nombreuse progéniture. Ses antennes de Berlin (un bâtiment de Richard Gluckman) et Venise (la Peggy Guggenheim Collection aménagée dans l’ancienne maison de la niéce du fondateur, Solomon Guggenheim) présentent les collections du musée à travers le monde. Son annexe de Las Vegas, fruit d’une étrange association avec le musée de l’Ermitage de SaintPétersbourg, reste encore ouverte alors que la partie gérée par La Fondation Guggenheim a fermé ses portes début 2003. Avec sa structure en acier Cor-Ten, le Guggenheim Hermitage Museum réalisé par Rem Koolhaas s’intégre de manière surréaliste à l’hôtel casino Venetian. Enfin l’antenne de Bilbao, conçue par Frank Gehry, reste la plus grande réussite de la Fondation Guggenheim à l’étranger. Elle a en effet permis de transformer cette simple ville industrielle du Pays Basque spagnol en une grande destination culturelle. On peut alors se demander si une telle profusion d’établissements n’atténue pas le prestige des musées, ou si, au contraire, en démocratisant et en démystifiant ces institutions, elle les rend accessibles à un plus large public. Par ailleurs, Les musées à sites multiples sont confrontés au problème de la répartition de leur collection. En faisant un tour du monde des musées, le visiteur peut retrouver une même exposition à différents endroits. Toute institution qui posséde une collection et en a la volonté et les moyens peut faite construire un musée. Mais une fois l’édifice terminé, Le public viendra-t-il ?

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symptômes, aura et objectifs du nouveau musée

page suivante : Guggenheim Museum, Frank Ghery, Bilbao (E), 1997 esquisse page suivante : Guggenheim Museum, Frank Ghery, Bilbao (E), 1997 plans

Pour certains établissements atypiques, cela reste à prouver. Parmi les bâtiments les plus remarquables, construits ces dernières années, la plupart sont des bâtiments neufs. Toutefois, Les quelques extensions, en particulier celle du Museum of Modern Art (MoMA), réalisée par Yoshio Taniguchi, témoignent de la nécessité pour de nombreux musées de s’agrandir, que ce soit par manque d’espace ou pour se moderniser, afin de rester attractifs à l’échelle internationale. Des projets tels que la pyramide du Louvre d’Ieoh Ming Pei, qui consistent plus à réorganiser qu’à transformer radicalement des bâtiments existants, peuvent susciter davantage de controverses qu’un musée totalement nouveau. Si Pei avait voulu adjoindre des ailes supplémentaires au palais du Louvre, que serait-il arrivé ? D’ailleurs, dans Towards a New Museum, Victoria Newhouse analyse quelques-uns des projets d’extension les plus complexes et les plus controversés dans un chapitre au titre provocateur: «Wings That Don’t Fly (And Sorne That Do)». L’historienne remarque très justement: «Quelle que soit la difficulté que représente la construction d’un musée, son extension peut s’avérer plus problématique encore. Si un agrandissement est généralement perçu comme la conséquence directe du manque de place, d’autres paramètres sans rapport peuvent influer sur la décision d’entreprendre un projet aussi coûteux. Ainsi Richard Oldenburg, directeur du MoMA de 1972 à 1994, fait remarquer d’une part que les nouvelles personnes en place veulent généralement des propositions innovantes, et d’autre part que l’extension physique d’un musée constitue un moyen pour ses administrateurs ou son directeur d’imprimer leur marque.»

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symptômes, aura et objectifs du nouveau musée

C

prestations contemporaines

page précedente : Chichu Museum, Tadao Ando, Nasohima (J), 2004

page précedente : Guggenheim Museum, Frank Ghery, Bilbao (E), 1997

Dans le cour du XIXe siècle et pendant une bonne partie du XXe, la mission scientifique de conservation ainsi que - de pus en plus - mission pédagogique était bien définie et reconnue dans la société. Des associations privées et les pouvoirs publics ont alors mis à disposition les moyens nécessaires pour permettre d’accroître et de compléter les collections et également d’édifier les espaces nécessaires à leur présentation dans un cadre adéquat. Connaissant aujourd’hui une véritable renais­ sance, l’architecture muséale faisait donc partie, à cette époque, des mandats nobles de la construction. Les conservateurs se caractérisaient comme des collectionneurs, et brillaient par leurs connaissances et leur savoir. La collection était leur principal souci. Le visiteur était le bienvenu au musée, mais sans plus. De nos jours, un musée ne peut plus s’affirmer par la seule qualité de ses fonds et la recherche scientifique qu’ils induisent. Il doit produire des «événements», notamment des expositions temporaires, au titre porteur, fortement évocateur, faisant référence aux «âges d’or», et aux «trésors». Il doit également bénéficier d’une architecture suffisamment spectaculaire pour créer, à elle seule, l’»événement». Soucieux d’attirer un maximum de public par des expositions toujours plus ambitieuses et extraordinaires, les musées ont élargi leur offre d’eux-mêmes. Devant cette profusion, le public conditionné n’enregistre plus que les manifestations remarquables. En quête de succès, les musées ont quelque peu négligé le principe fondamental selon lequel une exposition n’a de sens que lorsque sa nécessité se justifie scientifiquement. Les musées agissent en véritables concurrents sur le «marché de la cul­ture».

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Dans cette course au succès, les médias et le public font office de jury commentateur de prestations, de façon plus ou moins fondée. Comme pour une chaîne de télévision privée, souvent seule l’audience compte et la fréquentation devient la valeur boursière, qu’il s’agisse de subventions publiques ou de soutiens privés. Quant aux sponsors, dont la mission est d’analyser en détail leur rendement à l’investissement, ils vont investir en premier lieu dans des manifestations qui sauront susciter la plus grande audience et qui contribueront ainsi à valoriser leur image de marque et à assurer leur publicité. Le prestige de telles expositions temporaires a également pour effet d’influencer les décisions politiques qui priment le succès, en matière de subventions et d’investissements des pouvoirs publics. Aujourd’hui, les musées font partie de l’industrie des loisirs et des divertissements et ils sont appelés à financer une partie de leurs dépenses eux-mêmes, que ce soit par la recherche de sponsors, les recettes des droits d’entrée ou la vente dans leurs boutiques et librairies de produits dérivés, tels que les catalogues, les affiches, etc. Les dirigeants des musées sont devenus, souvent à leur corps défendant, de véritables entrepreneurs. Leur formation d’historien de l’art, d’archéologue ou d’historien, ne suffit plus pour faire face à ces exigences complexes. Il convient ainsi de maintenir le musée en mouvement, de capter l’attention et de garder la confiance des sponsors et celle du public, et d’éviter de retomber dans le musée « pous­siéreux » du XIXe siècle. Il n’y a guère de discussion de fond à propos des véritables devoirs d’un musée, de sa politique de collection et d’exposition, ou encore de sa place dans la société. Le grand public migre vers des lieux d’exposition qui n’ont pas de col­lection propre et qui offrent en priorité une culture d’événements, qui se veut divertissante et séduisante, fondée sur les méthodes les plus modernes de marketing et de communication. Les musées traditionnels se voient ainsi contraints de définir à nouveau clairement leur position face au public. Leur atout reste sans conteste la collection, et souvent le

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symptômes, aura et objectifs du nouveau musée

bâtiment lui-même, dont la beauté architecturale a cependant, dans de nombreux cas, pris de l’âge et, de ce fait, perdu de son attrait. La politique d’exposition d’un musée n’a de sens que lorsque la relation avec ses différents corpus d’oeuvres est sauvegardée et qu’elle contribue à leur développement et au travail scientifique autour du thème choisi rappelant que le véritable champ d’opération de l’histoire de l’art reste le musée. Cet ins­trument d’enrichissement ne pouvant être opérationnel que par le travail permanent de l’inventaire de la collection. Des expositions ainsi conçues et motivées remporteront un succès authentique auprès du public, le meilleur exemple en étant, depuis pas mal de temps déjà, le programme de la National Gallery de Londres. Il s’agit de développer et de faire avancer la culture et d’accomplir une mission de culture et de forma­tion. Prendre en charge le public de demain et élargir les services pédagogiques afin qu’ils soient capables d’offrir un programme captivant aux différents publics et aux visiteurs de tous âges, et de lier en quelque sorte le public au musée, de l’intéresser à son contenu. Les musées – petits et grands – sont devenus des entreprises qui doivent être structurées et organisées de façon très rigoureuse, et amenées à développer des stratégies et à dessiner des images institution­nelles dans la perspective du futur. Comme les entreprises privées, ils doivent disposer de toutes les ressources et de tous les instruments nécessaires pour atteindre leurs buts. Or les ressources économiques et humaines nécessaires ne peuvent être approuvées et obtenues que lorsque des accords sur les objectifs existent entre les institutions et les pouvoirs financiers dont elles dépendent et que les instruments permettant de les atteindre ont été définis: fils conducteurs, objectifs énoncés en matière de

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politique d’acquisition et de collection, plans financiers, plans directeurs en matière de dévelop­pement des collections, des bâtiments, des ressources humaines, etc... Un musée doit-il donc inlassablement se réinventer lui-même?

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2.2 construire pour l’art

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Après l’ensemble de ces remarques tentons de décrire comment deux des catégories de musées les plus cruciales se traitent, se formalisent et se mettentelles en oeuvre pour se construire.

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construire pour l’art

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A

gigon & guyer

Annette Gigon et Mike Guyer, architectes suisses, sont implantés à Zürich. Le travail de ces associés de longue date est connu pour le rationalisme de leurs choix et la simplicité des solutions techniques employées à des fins de réalisations optimisées. Dans leur partique, il est courant que les formes constructives se superposent avec des typologies et des concepts familiers. Ce questionnement permet à ces archétypes d’être développés et appliqués. Il est probable qu’une profonde exploration de l’art, des matériaux et des relations entre forme et signification proccurent à l’architecture de Gigon et Guyer une force picturale mettant en exergue tradition et expérience(s) personnelle(s). A la vue de la pertinence de cette approche architecturale, le rapprochement du sujet de cette éude et de deux de leurs projets s’est imposé.

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construire pour l’art

B

kirchner museum à davos

page précédente : Kirchner Museum, Gigon & Guyer, Davos (CH), 1992. page précédente : Liuner Museum, Gigon & Guyer, Apenzell (CH), 1998.

Le concours pour le Musée Kirchner à Davos (CH) a eu lieu en 1989 et la construction s’est achevée en 1992. Il s’agit d’un musée de type monographique, destiné à accueillir l’oeuvre d’Ernst Ludwig Kirchner. Toutefois, il n’était pas question de construire des espaces autour d’oeuvres déterminées de l’artiste. La collection est, en effet, suffisam­ment importante pour permettre la réalisation annuelle de nouvelles expositions en faisant appel à ses seules réserves. Après Dresde et Berlin, Kirchner vécut et travailla durant vingt ans à Davos. Ayant reçu une formation d’architecte, il aurait été légitime de se projeter dans la vision que l’artiste aurait eu de son propre musée. Cependant, il faut considéré qu’il y a un piège à éviter, et qu’on ne peut se substituer à l’artiste. Un musée qui se serait inspiré de son style aurait été en conflit avec son oeuvre et aurait certainement discrédité son travail. Il ne s’agissait pas construire un bâtiment à l’image métaphorique de son style. L’interrogation principale porte alors sur la manière dont l’art — et en particulier l’art de Kirchner – devait être exposé. Dans un premier, ont été privilégié les salles d’exposition très simples des musées du tournant du siècle. Puis on retrouve ailleurs, des espaces neutres – autrefois voués à l’artisanat – transformés en galeries, plutôt qu’une architecture opulente, inutilement sophistiquée. Cette préférence pour des espaces essentiels découle en particulier des prises de position du conservateur allemand de la fin du XVe. siècle, Alfred Lichtwark, et s’inspire des textes de l’artiste Rémy Zaugg sur les phénomènes de la perception de l’art. Mais Richard Serra, qui exprimait le souhait de voir ses oeuvres présentées dans des espaces neutres, ou Georg Baselitz, qui affir­mait de manière péremptoire que les salles d’exposition devraient se limiter à un plancher, quatre parois, un

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construire pour l’art

plan masse, Kirchner Museum, Appenzell.

éévation ouest, côté rue, Kirchner Museum, Appenzell. page suivante: éévation sud, côté parc, Kirchner Museum, Appenzell. page suivante: coupe transversale, Kirchner Museum, Appenzell.

coupe longitudinale, Kirchner Museum, Appenzell.

plan rez-de-chaussée, Kirchner Museum, Appenzell. page suivante : plan élevé, Kirchner Museum, Appenzell.

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construire pour l’art

vue générale, entrée, Appenzell. page suivante : circulations lobby seuil exposition

plafond diffusant la lumière et une porte pour y accé­der, ont du également insprirer dans cette voie. Influencés en définitive par l’art minimal et l’art conceptuel – tendances artistiques qui tracent une ligne étroite entre les expressions artistiques et non artistiques –, les salles sont libres de toute ajout d’architecturale afin de ne pas tenter de concurrencer l’art, ni de renforcer son effet. Les espaces d’exposition du Musée Kirchner sont par conséquent réduits à leurs éléments constitutifs: parois, sol et plafond, diffusant la lumière. Les salles sont des prismes orthogonaux. Le sol est réalisé en parquet de chêne massif. Les parois sont dressées au plâtre et peintes en blanc pour offrir un fond calme aux tableaux. Quant au plafond, il est composé de plaques de verre dépoli, portées par des profils métalliques. Un espace aménagé au-dessus de ce plafond vitré, dont la surface est identique aux salles d’exposition, a pour fonc­tion de distribuer une lumière du jour régulière; cependant l’éclairage n’est pas zénithal, mais provient de fenêtres disposées latéralement, dont les vitrages sont également dépolis, afin de rendre la lumière plus diffuse; quant à son intensité, elle est réglée par des stores à lamelles. Ce dispositif tient compte des conditions climatiques propres à Davos. Grâce à cet espace pourvu de fenêtres latérales, l’intensité de la lumière n’est pas tributaire, par exemple, de la neige qui recouvre abondamment les toits en hiver. La qualité de l’éclairage des salles, régulière et sans créa­tion d’ombre, s’apparente ainsi à celle de la lumière du jour, par temps couvert. La fonction de l’espace destiné à distribuer la lumière est par conséquent comparable à celle des nuages qui, par leur effet de «brise-lumière», tamisent l’éclat du soleil. De plus, selon les oeuvres

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construire pour l’art

page suivante : coupe détaillée, façade, toit.

expo­sées – sur papier ou sur toile –, la quantité de lumière peut être réglée par des stores à lamelles. Les prismes des salles d’exposition ont été placés libre­ ment entre les arbres préexistants du parc environnant. Cette disposition reprend en quelque sorte la structure urbaine de Davos, avec ses bâtiments à toits plats juxtaposés. Les cubes des salles d’exposition, construits en béton, défi­nissent également le volume complexe de l’espace d’ac­cueil. Le sol brut ainsi que le plafond sont réalisés en béton. Ils contrastent avec les salles dont les parois intérieures sont habillées de plâtre en les soulignant.

page suivante : détail, façade.

Ces espaces d’exposition, introvertis, sont réservés à la contem­plation des oeuvres. lls contrastent avec le hall de distribution que le visiteur doit obligatoirement traverser

page suivante : détail, plainte.

pour passer d’une salle à l’autre. Ce lieu intermédiaire accueille le public qui peut lire la biographie affichée de Kirchner, acheter des publications ou regarder à l’extérieur par les fenêtres qui s’ouvrent sur la rue, sur le petit parc entourant le Musée et sur le paysage. Il est ainsi possible de découvrir les lieux, les sujets et les thèmes qui ont marqué l’oeuvre de Kirchner – le paysage, la cité, la vie. La façade en verre enveloppe et relie, les quatre grands prismes occupés par les salles d’ex­position. Elle joue et compose avec une lumière brillante et claire, celle des Alpes de la vallée de Davos. Ainsi, les différents traitements des surfaces vitrées – transparent, mat ou brillant – ont des fonctions diverses permettant ou non la transmission de la lumière et au point de vue. Premièrement, les vitrages isolants dépolis des espaces aménagés au-dessus des salles filtrent la lumière naturelle, la rendent diffuse pour éclairer de manière indirecte

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construire pour l’art

page suivante : lecture.

les salles d’exposition. Deuxièmement, les vitrages transparents du hall d’accueil offrent aux visiteurs une vision à l’extérieur, et permettent aux passants de regarder à l’intérieur du musée. Troisièmement, des plaques de verre dépoli, dotées d’une texture, habillent les murs en béton externe des salles d’exposition. Elles cachent l’isolation ou la laissent apparaître en transparence, selon l’angle d’observation. Le toit, considéré comme la cinquième façade du bâtiment, est recouvert non pas du gravier habituel, mais de débris de verre pilé et recyclé, qui constitue en quelque sorte le dernier «état» du verre. L’emploi de ce matériau à la place du gravier est possible car, présentant le même poids que la pierre, il tient par gravité. C’est donc finalement jusque dans les moindre détails mis en oeure chez Gigon et Guyer à Davos que l’on retrouve la transposition ou la traduction de leur vision, à la fois de l’Art, mais aussi de comment l’exposer. Cette posture pourrait être définie comme respectueuse, par le soin qu’elle prend de mettre en valeur un objet pour

page suivante : lobby, plainte.

le communiquer dans les meilleures conditions d’interpétation. C’est ici que réside le coeur et l’aboutissement d’une réflexion et d’un avis sur l’Art et le Musée face à son public.

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construire pour l’art

C

extension du musée des arts de winterthur

page suivante : façade, Kunstmuseum, Gigon & Guyer, interthur (CH), 1995.

Conçu en 1915 par les architectes Rittmeyer et Furrer, le bâtiment abrite, depuis l’origine, outre le Musée des beaux-arts, la bibliothèque munici­pale et le Musée d’histoire naturelle. Les collections du Musée se sont à tel point développées qu’il devenait impossible d’organiser des expositions temporaires tout en présentant les fonds du Musée. Une extension du bâtiment, dont devaient également profiter la biblio­thèque et la collection de sciences naturelles, fut envisagée à plusieurs reprises au cours du XXe siècle, sans aboutir. Aussi l’Association des Amis des Arts a finalement pris l’initiative de collecter de l’argent parmi ses membres afin de fiancer l’agrandissement du Musée des Beaux-Arts le plus économiquement possible. La Ville donna son accord à une extension soutenue par des fonds privés à la condition que la durée d’existence de la nouvelle construction n’outrepasse pas les dix ans et que les places de parking, qui représentent une source de revenu pour la Ville, puissent être conservées. Le concours pour l’extension du Musée des beaux-arts a eu lieu en 1993, et le bâtiment, d’environ 1000 mètres carrés, qui a été terminé en 1995, est une construction provisoire, réalisée de manière très économique. L’extension est accrochée à la manière d’un wagon au bâtiment histo­rique avec lequel elle n’a qu’un point de contact minime à travers le couloir d’accès. Après avoir traversé les salles du musée d’origine, les visiteurs arrivent à ce lien entre ancien et nouveau bâtiment. C’est une passerelle pourvue de marches qui conduit à l’extension située à un niveau infé­rieur. Ce passage entre le musée historique et la construction neuve est habillé de plaques de bois reconstitué, comme les encadrements profonds du bâtiment ancien. Ici, comme à Davos, les salles d’exposition sont traitées avec la plus grande simplicité, afin de ne pas distraire le visiteur de la contemplation des oeuvres – et

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construire pour l’art

façade historique du Kunstmuseum de Winterthur.

page suivante : plan masse, Kirchner Museum, Appenzell. page suivante : élévation côté est, Kirchner Museum, Appenzell. page suivante : coupe longitudinale, Kirchner Museum, Appenzell.

également de réduire au maximum les frais de réalisation. Mais, contrairement au Musée Kirchner, il n’y a pas d’espace d’accueil. Pour conserver les surfaces de parking existantes, le sol des salles d’exposition a été sur­élevé. Les salles rectangulaires sont reliées directement les unes aux autres, ce qui rend le plan très éco­nomique et efficace. La surface totale de 1000 mètres carrés est divisée en neuf salles de six volumes différents, dont trois sont pourvues de larges baies vitrées latérales. Par contre, la lumière zénithale pénètre, par le toit en redans orientés au nord, dans toutes les salles, dont la surface au sol oscille entre 60 et 140 mètres carrés. Suivant leur longueur, le nombre de redans change. Elles peuvent en

page suivante : plan, Kirchner Museum, Appenzell.

compter trois, quatre ou cinq sections. Obtenir des surfaces lisses, sans joint, permet d’éviter l’apparence d’une construction provisoire dans les salles. Perception susceptible de perturber la contemplation des oeuvres. Les parois sont donc réalisées en plaques de plâtre massives et le sol est en béton coulé sur le chantier. Les embrasures des portes d’une salle à l’autre sont disposées en alternance dans le sens de la longueur afin que le visiteur effectue un parcours sinueux, alors que, dans le sens transversal - pour permettre un raccourci -, les ouvertures sont alignées. La finalité de cette disposition «mouvementée» est de ralentir la vitesse de circulation. Par souci d’économie, il a fallu renoncer à tout sys­tème de régulation de la lumière, par exemple à l’aide de lamelles ou de stores. Les fenêtres ont donc été simplement dimensionnées avec une très grande attention afin que, même par grand soleil, la

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construire pour l’art

page suivante : coupe longitudinale, extension du Kunstmuseum, Winterthur.

page suivante : coupe transversale, extension du Kunstmuseum, Winterthur. page suivante : coupe longitudinale, extension du Kunstmuseum, Winterthur.

lumière qui pénètre à l’intérieur ne soit pas excessive. Les vitrages sont dotés d’un film mat, destiné à diffuser la lumière. Chaque façade est percée d’une simple fenêtre qui constitue un point de repère facilitant l’orientation du visiteur dans les neuf salles d’exposition. L’obligation d’aboutir à un projet économique et limité dans sa durée de vie, conjuguée à l’objectif de ne pas souligner l’aspect éphémère du bâtment dans les espaces d’exposition, conduit à une construction à double référence. L’extension st une sorte de combinaison entre un bâtiment industriel et un musée. La structure portante est réalisée en squelette métallique léger, dans lequel s’intègre, comme en une construction massive, l’aménagement intérieur (parois en plâtre non porteuses et sols en béton flottants). Le revêtement des façades externes contraste avec l’inté­rieur du Musée par le choix des éléments préfabriqués écono­miques de taille réduite, favorisant montage et démontage rapides. Ces matériaux manufacturés courants, issus de la construction industrielle, satisfont, l’obligation du moindre coût et du provisoire, mais ils se réfèrent également aux sources du mécénat de Winterthur - l’industrie et le commerce.

page suivante : éclairage zénithal, salle d’exposition, Kunstmuseum, Winterthur. page suivante : éclairage zénithal, salle d’exposition, extension Kunstmuseum, Winterthur.

Constituée de caissons de tôle perforée zinguée, protégés de la pluie par un vitrage industriel, cette enveloppe se prolonge avec des franges de verre jusqu’au sol. Elle enferme l’étage réservé au parking et assure au Musée ce rapport au sol aérien. Cela lui confère une légèreté visuelle. Les éléments en verre sont posés ici avec des joints ouverts, afin de garantir la ventilation naturelle du garage. Des caissons industriels identiques habillent le plafond du parking tout en contribuant à l’isolation phonique.

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construire pour l’art

page suivante : enveloppe en verre, extension du Kunstmuseum, Winterthur. page suivante : enveloppe en verre, parking du Kunstmuseum, Winterthur. page suivante : coupe détaillée, façade, extension du Kunstmuseum, Winterthur.

Les redans, les passerelles et les escaliers de secours sont en saillie par rapport au volume prismatique du bâtiment et sont alors habillés de tôles d’acier zinguées comme pour mieux les différencier. Les fenêtres se définissent comme de larges joints — ou fentes — pris entre les éléments allongés et étroits en verre coulé. Conçues comme des caissons, elles présentent une double structure constituée d’un verre extérieur simple, situé dans le plan de l’habillage de la façade, et d’un verre intérieur isolant qui peut être ouvert.

page suivante : issue et escalier de secours, façade, extension du Kunstmuseum, Winterthur.

Entre ces deux vitrages se trouve, à l’abri du vent, un store à rouleau en guise de protection solaire. La transparence des fenêtres donne aux passants la possibilité de jeter un coup d’oeil dans le Musée, de jour comme de nuit. Une nouvelle fois, le travail d’Anette Gigon et Mike Guyer fait preuve à la fois de rigueur, d’attention, de précision et de retenue. Cepedant, même si dans une démarche vers l’Art similaire au projet du Kirchner Museum, l’extension du Kunstmuseum de Winterthur se distingue probablement par la destination différente de ce musée. Il s’agit dun musée d’Art, devant être capable de recevoir des oeuvres diverses, d’époque différentes, pour des exposition variées ; et non d’un musée monographique à la scénographie déterminée (voire définitive). Le résultat est l’adaptation de leur vision de l’exposition de l’Art. Les efforts de Gigon et Guyer se concentrant sur la mise en valeur objective des oeuvres présentées, notamment dans le tavail sur la lumière.

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3 perspectives pour le public du musĂŠe

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Pour des raisons qu’il paraît inutile de développer ici, nous sommes attachés aux institutions accumulatrices, celles qui rassemblent (les documents, les livres, les objets, les outils, les machines etc...). La science même, la réflexion est toujours née à travers ce travail de regroupement, qu’entraînent la mise en ordre et la classification. Bibliothèque, jardin botanique, zoo, hôpital, centres multiples, partout l’inventaire mène ou a mené à l’invention.

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perspectives pour le public du musée

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anti “musée-monument”

page précédente : The Maybe, Cornelia Parker & Tilda Swinton, The serpentine Gallery, London (UK), 1995. Une enveloppe peut en contenir une autre, aniel Buren, musée Rath, Genève, 1989.

Il est vrai que cette théorie de la collection s’est heurtée à de graves objections. Mais le musée des oeuvres d’art - plus que les autres organismes accu­mulateurs est le plus attaqué de tous (de plus en plus «monument» et non pas «instrument»). S’il enferme bien les oeuvres, le conservateur les noie du fait de l’agglutination, de l’addition. Il les banalise, fortifiant ainsi le passé, et rejette d’autant plus la nouveauté. Parallèlement, que reste-t-il de la vie d’une plante ou de l’énergie d’un animal lorsque l’une entre dans l’herbier et que l’autre est naturalisé? Il ne nous reste que le secondaire - tout, sauf ce qui constitue la vie. D’ailleurs, la maison qui rassemble les oeuvres de l’art implique une sorte de suspension dans le temps : elle comprend des grilles, des mises sous verre, des

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barrières, des vitrines, de nombreux dispositifs qui assurent la fixation, l’immobilisme. Le silence s’ajoute à cette atmosphère figée. Aussi n’est-il rien dans le musée qui n’ait suscité la critique, le rejet. Les artistes comme les scientifiques mettent en cause les tech­niques classificatrices, tant ils insistent sur la variété, le changement, la singularité de n’importe quel spécimen. Afin d’invalider le «musée-monu­ment», ont été privilégiés l’immense, l’ultrapesant, ce qui ne peut plus entrer dans le temple de la mémoire ou des muses - ou encore, à l’op­posé, le précaire, l’éphémère, ce qui s’autodétruit - ou encore certaines performances s’opposant à la capture, à l’accrochage. Le body art ou même le land art résistent à ces prédispositions de l’ordre de la nature ou du format d’une oeuvre. Ainsi, le plasticien colore tout d’un coup la rivière ou métamorphose la place centrale d’une ville. Tout finit par se passer en dehors du musée et surtout contre lui, tant cette sorte de boîte uniformise ce qu’elle retient. En tout état de cause, le musée s’auto-disqualifie: actuellement, se créent des musées de n’importe quoi. En outre, les rapprochements opérés dans les collections ne sont possibles qu’au prix de conventions. Dans «La Prose du monde», Merleau-Ponty rejoint le choeur des critiques: «L’idée nous vient de temps à autre que ces oeuvres n’ont tout de même pas été faites pour finir entre ces murs sévères, pour le plaisir des promeneurs du dimanche, des enfants du jeudi, des intellec­tuels du lundi. Ce recueillement de vieilles filles, ce silence de nécropole, ce respect de pygmées n’est pas le milieu vrai de l’art; tant d’efforts, tant de joies et de peines, tant de colères, tant de travaux n’étaient pas destinés à refléter un jour la lumière triste du Musée du Louvre.» Cependant, nous opposons trois remarques décisives à toutes les remarques négatives, en faveur du «musée-monument»: - Le célèbre «Ready-Made» de Marcel Duchamp nous prouve le pouvoir esthétisant et sacralisant du seul musée: à la limite même, ce n’est pas l’ceuvre d’art qui entre au musée, c’est le musée qui de lui-même rend artistique ce qu’il accueille.

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perspectives pour le public du musée

Un urinoir, un porte-bouteilles (ustensile des plus communs) se métamorphosent en une sorte de micro-architecture; ils perdent leur fonctionnalité. Nous devenons sensibles à leur morphologie – simple, rigoureuse. Le «Ready-Made» montre le pouvoir morphogénétique et anamorphosant du musée. C’est pourquoi il n’et pas vrai que le musée arrache l’ceuvre du seul lieu qui lui convenait et où elle rayonnait. C’est le transfert de l’objet à l’oeuvre qui lui confère sa nouvelle aura. Une calebasse africaine exposée perd sa valeur d’usage comme sa valeur d’échange. Elle se met à exister pour elle-même. Et les musées qui n’exposent que des outils ou des ustensiles de la vie quotidienne seraient les plus visités. Un musée «désanctuarisé», profane, à la limite de l’iconoclasme, de la minimalité, de l’anti-somptuosité, de l’austérité ? Le Vitra Design Museum, près de Bâle, spécialiste du seul objet, construit par Frank Gehry, nous donne à voir des chaises ou des sièges. Il les sauve de la médiocrité ou de l’»indistinction «. - Autre remarque en faveur du musée : on a reproché à cette institution de l’accrochage et de l’étalage de ne pouvoir assumer l’immense ou l’im­perceptible, ce qui la limitait. Le land art de Christo, qui enveloppe des ponts, des ruines, des collines les recouvrant de vastes toiles -, ne nargue-t-il pas ce qui reste attaché aux dimensions standards? En effet, Christo se soucie de photographier et de filmer ces «enveloppements» particulièrement éphémères. De même, le «très diminué», le quasi infini sera aussi ressaisi, recapté pour être transmis. «L’esthétique classique, écrit Malraux, allait du fragment à l’ensemble; la nôtre, qui va souvent de l’ensemble au fragment, trouve dans la repro­duction un incomparable auxiliaire.» Et François Dagonnet de dire: «Ce n’est pas une oeuvre qui entre au musée, c’est le musée qui fait entrer en lui le méconnu ou l’in­signifiant. Le musée métamorphose.»

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- Enfin, ce qui a été parfois reproché au musée devrait plutôt servir à le revaloriser. En effet, le musée sert la Communauté en conservant un bien qui appartient désormais à tous. Nous vivons dans des sociétés l’individualistes où règne le culte d’une propriété-patrimoine qui n’appartient qu’à son détenteur. On doit prendre soin de la mémoire culturelle (et cela du paysagesà l’objet) - au bénéfice de la contemplation de tous, et non pour la jouissance d’un propriétaire privé.

Alors, défendre le musée et l’exposition d’oeuvres ne revient-il pas à savoir quels critères adopter au moment d’une exposition ?

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perspectives pour le public du musée

B

le musée minimal

page suivante : Extension du Kunstmuseum, Gigon & Guyer, Winterthur (CH), 1995.

Au XVIIIe certains préconisent une présentation des oeuvres non ordonnée encourageant une pédagogie de la dispersion «en parterre de fleurs». De cette façon le visiteur pourra, de lui-même, établir des rapports et élaborer ses propres principes de compréhension, ou d’admiration. Mais, au même moment, d’autres souhaitait une présentation méthodique. Un critique d’art remarquait récemment : «Accrocher en ligne, dans une salle très grande, un nombre considérable de natures mortes de format réduit n’est pas la meilleure façon de les présenter. L’abondance et la jux­taposition accentuent le caractère répétitif de l’ceuvre et la réduisent à son plus petit commun dénominateur. L’attention faiblit aussi pour cause de saturation du regard...» Où trouver la juste séquence ? Nous ne savons pas sur quel critère il faut se guider: ou bien les tableaux du même peintre, ou bien un ensemble thématique qui permet de comparer les semblables, ou bien ce qui a été produit à la même date. Mais ce qui précède relève plus du «musée-monument» que du «musée-instrument» - un musée enfin rendu à la vie, aux exercices, à un certain «travail». Nous entrevoyons alors plusieurs possibilités. D’abord, le musée critique devrait s’attacher aux oeuvres qui se sont opposées. Que se dressent les luttes entre les écoles! Que le musée ne joue pas à l’exposition victorieuse! Il faudrait même favoriser alors une interactivité. À cet effet, des questions seraient posées au visiteur. On entend permettre sa participation. Voici un tableau non attribué: de quelle école relève-t-il? Il est vrai que cette épreuve implique un peu le scolaire, sinon l’érudition. Mais nous pourrions interroger autrement: dans cette oeuvre, où se loge principalement l’innovation ? Allons plus loin: quelle est, en gros, la thématique

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théorique sous-jacente à l’exposition? Avez-vous noté ces exclusivités? Il est souhaitable que le visiteur, à la fin, puisse exprimer des reproches; le musée critique les appelle. Le musée itinérant sinon mobile luttera par définition contre l’immobilité. Supposons des expositions réduites, centrées autour d’un thème (la mort, l’arbre, etc...). Chacun le sait: moins on voit, mieux on voit. Nous souhaiterions qu’après la visite du musée le spectateur puisse s’interroger sur les modèles qui ont servi les artistes - de là, si le thème est l’arbre, un détour vers le jardin botanique proche s’impose. Le musée doit lutter contre l’enfermement sur lui, sa sclérose. Il resti­tuera les liens avec le dehors qui a servi à l’édification du dedans. Il faut ne pas séparer les deux registres - l’art et le milieu. Il va de soi que si nous visitons un musée de l’objet ou de la machine, nous devrions pouvoir assister au fonctionnement de l’engin, à un moment donné, à la mise en marche et à son résultat. Il importe toujours de rompre avec la passivité d’une oeuvre dans son contexte. Il s’agit ici d’établir (ou de rétablir) le lien perdu entre le culturel et l’ensemble du milieu où il s’est développé. Une des solutions consisterait à pratiquer le «musée zéro» - un musée qui n’exposerait rien, comme en 1970, où les «objecteurs» ont annoncé une exposition de leurs dernières oeuvres - le public se presse - mais il n’y eut aucun accrochage. Rien à voir, afin de combattre l’illusion du musée». À défaut de cette thérapie radicale, songeons à des moyens homéopathiques: construisons au moins le musée minimal. Il conviendrait surtout d’entourer l’oeuvre de ses esquisses (les essais, les ratures éventuelles, les préparatifs). Le critique est très attaché aux «manuscrits», au moindre changement d’un mot ou à la suppression d’une phrase. Nous pourrions y ajouter, éventuellement, le travail (en filigrane) de quelques prédécesseurs qui déjà devinaient le changement afin d’examiner des traces les plus infimes possibles. Un instrument est un outil. Il permet un travail. Un musée critique, un musée nomade, un musée quasi zéro, par ces trois moyens nous espérons échapper au pire: le «musée-monument», statufié et saturé.

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A

Art & Artefact : The Museum as Medium James Putnam (2001 & 2009); Thames & Hudson Inc., New-York (NY, USA).

Dans «Art et artefact: le musée en tant que média», James Putnam explore les interconnexions entre la pratique de l’art contemporain et de la muséologie à travers une vaste enquête sur les interactions des artistes avec le musée. Art et Artefact est magnifiquement illustré, avec la plupart de toutes les œuvres d’art mettant en vedette discuté dans le livre de Putnam. Le thème central du livre est d’examiner l’influence de la pratique muséologique sur l’art contemporain. Depuis le début du 20e siècle, les artistes ont été fascinés et intrigués par l’institution muséale. Ils ont imité et critiqué la tradition muséologique - la vitrine, le socle, le désir d’ordre et classer - pour exposer la manière dont les arrangements de taxonomie et forme plus large des pratiques muséales notre compréhension de la valeur et la signification des objets dans les collections. Les exemples vont de Marcel Duchamp «musée portatif», Mark Dion art fouilles archéologiques, des parodies politiques de Hans Haacke, à réinstallations Fred Wilson, juste quelques uns des artistes qui ont examiné les processus rigides de collecte, de catégorisation et d’exclusion du musée. James Putnam est plus connu pour «Time Machine» organise en 1994 au British Museum. Cette exposition ambitieuse invité des artistes contemporains comme Andy Goldsworthy, Stephen Cox et Marc Quinn pour répondre aux objets anciens provenant des collections égyptiennes du BM cartes Art et Artefact sur cette tendance récente et croissante dans les projets de collaboration impliquant l’art contemporain et des musées;. Par exemple le V & A et le Musée des sciences les deux ont leurs propres programmes de l’art contemporain.En introduisant l’art contemporain dans le musée, des expositions telles réunir le passé et le présent dans quelque chose de nouveau.

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Structure Le livre est divisé en six chapitres, une tentative de «l’ordre» de la production artistique prolifique de ces 40 dernières années. L’introduction fournit une contextualisation historique et une préface au thème de Putnam. Il retrace la fascination de l’artiste avec le musée de la Wunderkammer du XVIe siècle, le cabinet de curiosités, qui est soutenu avoir été le précurseur et d’inspiration pour l’art l’assemblage surréaliste, par exemple célèbre de Duchamp objet trouvé. Dans le premier chapitre, Putnam considère «l’effet musée», en regardant le travail des artistes qui se sont appropriés et appliqués à leurs propres créations les principes suivis par les musées pour les commandes et affichage de leurs collections, à la fois dans des expositions et de stockage. Putnam étudie en particulier l’utilisation croissante de dispositifs d’affichage traditionnelle du musée comme la vitrine, armoires à tiroirs, des bocaux de spécimens et des étiquettes descriptives. Tout au long de ce chapitre, Putnam explore les différents thèmes que l’artiste ont abordé dans leurs œuvres. Appareils Musée ont été utilisés par les artistes de différentes manières, d’examiner et de réévaluer les jours, comme dans de Jeff Koons Le Nouveau ‘, une série qui explore les parallèles entre art et la culture de masse, et d’Arman «Le Plein», une collection de objets trouvés dans les rues de Paris; d’élever le banal, comme dans la collecte de Karsten Bott des brosses à dents utilisées, et le travail de Mark Dion et Neil Cummings et la préservation de l’éphémère, par exemple dans les archives de fiction de Christian Boltanski de la mémoire humaine. Dans le deuxième chapitre intitulé «l’art ou un artefact», Putnam célèbre la nature obsessionnelle de l’artiste en tant que collectionneur. Les objets de collection de l’artiste sont souvent trouvés et articles sans valeur, transformés en œuvres d’art sous la forme d’une installation qui parodie le traditionnel musée de la taxonomie. Putnam explore le travail de Jeffrey Vallance, Susan Hiller, Anne et Patrick Poirier, Tracey Emin et beaucoup d’autres pour illustrer cette obsession artistique. Une grande partie du travail de ces artistes est un questionnement politique des systèmes de pouvoir dans l’institution muséale. En imitant la pratique muséologique, des artistes aborder les questions de propriété, la censure, les préjugés et les privilèges, et les liens entre commerce et culture. Leur travail défis de vue officiel de l’institution culturelle de l’histoire, d’exposer les aspects cachés du pouvoir au sein de l’institution, et en encourageant les téléspectateurs

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à la question des systèmes rigides du musée de l’interprétation. Putnam répond à ce travail artistique radicale dans son troisième chapitre, «enquête publique». Le mouvement «critique institutionnelle» soi-disant est examinée d’une manière assez chronologique, de l’œuvre d’artistes tels que Michael Asher, Hans Haacke dans les années 1960, Andrea Fraser et Fred Wilson partir des années 1980. Dans son quatrième chapitre, «encadrant le châssis», Putnam se tourne vers des artistes qui ont utilisé le médium de la photographie à commenter et à critiquer le musée. Dans le chapitre suivant, «conservateur / créateur», Putnam aborde la tendance croissante pour les musées d’inviter des artistes comme commissaires invités. Souvent objets de dessin à partir des collections des réserves et magasins, des artistes choisir, d’organiser, d’afficher et étiqueter les collections du musée, en créant un écran qui traverse les frontières entre l’exposition et l’installation. Leur travail n’est pas soumis aux mêmes conventions réglementées et restreintes et les traditions du musée. Fred Wilson est peut-être l’artiste le plus éminent de créer ce genre de travail. Putnam se réfère également à l’exposition historique d’Eduardo Paolozzi, ‘Lost Kingdoms Magic’ (1987), dans lequel l’artiste réaffiché les collections du Musée de l’Homme avec plusieurs de ses propres pièces. Putnam souligne également le travail du réalisateur Peter Greenaway. Le chapitre 5, «à l’intérieur», va plus loin dans l’idée de l’artiste-commissaire en regardant des expositions de collaboration où l’art contemporain a être installé dans le musée avec l’effet de stimuler le dialogue entre l’ancien et le nouveau, entre l’art, artefacts et les caractéristiques spatiales du musée. Ces interventions artistiques impliquent la juxtaposition d’œuvres d’artistes contemporains avec les collections du musée. Putnam se réfère à Time Machine, l’exposition qui a été un point tournant dans sa carrière professionnelle, regardant aussi à l’œuvre au début par Renée Green, Antony Gormley, Alfredo Jaar, et le retour de plus amples détails

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à Fred Wilson réinstallations. Un épilogue final, intitulé «sans murs» touche Putnam, sur la question de la collecte de l’art interdisciplinaire, comme la performance, la vidéo et le site spécifique de l’art. Analyse La structure du livre imite la taxinomie du musée, comme James Putnam tente de classer les œuvres d’artistes qui ont traité le sujet du musée, une quête ironique de ce qui est franchement Putnam conscients. Les illustrations sont encadrées et «accroché» autour du livre, accompagnées de légendes explicatives vaste comme les étiquettes. Les chapitres sont eux-mêmes «catégorisés» avec l’aide de couleurs en demicercle des vignettes qui apparaissent dans la marge de chaque page. Le livre de Putnam est apparenté à Duchamp «Boite-en-valise» (Portable Museum), et en fait le thème central de l’Art et Artefact est annoncé avec référence à l’œuvre de Duchamp. Les six chapitres offrent un ouvrage de référence sur la relation des recherches approfondies sur des artistes contemporains »avec le musée. Il ya relativement peu de texte, au lieu des nombreuses illustrations et des légendes vaste éloquence réaliser le thème de Putnam. Clés sur la théorie de l’art et le musée par des auteurs tels que Theodor Adorno, Guy Debord et André Malraux sont fait allusion à, mais ne sont pas discutés en profondeur. Au lieu de cela, Putnam permet la pratique de l’art parle pour lui-même. Plusieurs artistes, dont Fred Wilson, peut être trouvée à travers la section différente, soulignant l’ironie inhérente à la classification de Putnam. Cependant, il offre un ouvrage de référence important. Comme les commentaires Corrin Lisa, le livre de Putnam est un ajout crucial à la bourse existante car il fournit des images de nombreux projets en situation irrégulière, y compris, entre autres, «Peut-être» (1995) par Terry Smith, une installation audio avec un seul portrait accompagné d’un choix de plusieurs récits de fiction, et «Le Maybe ‘(1995), une collaboration entre Cornelia Parker et Tilda Swinton dans lequel l’actrice a dormi dans une vitrine en verre dans la Serpentine Gallery. En raison de l’ampleur des artistes visés, le livre est plus descriptif qu’analytique. En tant que tel, à la fin, Putnam ne traite pas entièrement la question de la cooptation de la critique institutionnelle, quel artiste

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Alana Jelinek (2004) a évoqué la «Fabrication de la dissidence»: «Dissidence est utilisé par une organisation astucieuse, ou bien intentionnés individus au sein d’une organisation, avec néanmoins le même résultat net: la création d’une image favorable de l’institution tout en appauvrissant l’impact de l’œuvre d’art à part entière «. En effet, même l’art le plus radical finit souvent dans le musée et de l’effort de Putnam de classer un tel éventail d’artistes, une grande partie de Radical Edge le travail devient émoussée. Toutefois, Putnam parvient à capter l’imagination et la curiosité du lecteur. Grâce au travail des artistes, l’art et reprend l’artefact de l’énergie et la magie du musée. Tout comme les interventions artistiques dans l’archéologie et le musée d’anthropologie, le livre a le potentiel pour impliquer le public de lecteurs différents. Vaste enquête de Putnam sur le terrain est une contribution très importante, offrant une extraordinaire ouvrage de référence pour d’autres études, et prônant une pratique auto-réflexive de conservation.

Référence Alana Jelinek, (2004) «Manufacturing Dissent: institutions d’art contemporain et l’illusion de la critique», disponible à http://www.alanajelinek.com/text/CIF.htm

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le processus créatif

Marcel DUCHAMP, «Le Processus créatif», allocution lors d’une réunion de la Fédération Américaine des Arts, Houston (TX, USA), avril 1957 (texte anglais original, intitulé « The Ceative Act », rédigé en anglais en janvier 1957, publié dans Art News, vol.56, no4, New York, été 1957). Le texte français a été traduit par l’auteur en juillet 1957 afin d’être publié dans Sur Marcel Duchamp de Robert LEBEL (Paris, Trianon Press, 1959). Reproduit dans Duchamp du signe, Paris, Flammarion, 1994, 187-189. Considérons d’abord deux facteurs importants, les deux pôles de toute création d’ordre artistique : d’un côté l’artiste, de l’autre le spectateur qui, avec le temps, devient la postérité. Selon toutes apparences, l’artiste agit à la façon d’un être médiumnique qui, du labyrinthe par-delà le temps et l’espace, cherche son chemin vers une clairière. Si donc nous accordons les attributs d’un medium à l’artiste, nous devons alors lui refuser la faculté d’être pleinement conscient, sur le plan esthétique, de ce qu’il fait ou pourquoi il le fait - toutes ses décisions dans l’exécution de l’œuvre restent dans le domaine de l’intuition et ne peuvent être traduites en une self-analyse, parlée ou écrite ou même pensée. T.S. Eliot, dans son essai Tradition and individual talent, écrit : « l’artiste sera d’autant plus parfait que seront plus complètement séparés en lui l’homme qui souffre et l’esprit qui crée ; et d’autant plus parfaitement l’esprit digérera et transmuera les passions qui sont son élément ». Des millions d’artistes créent, quelques milliers seulement sont discutés ou acceptés par le spectateur et moins encore sont consacrés par la postérité. En dernière analyse, l’artiste peut crier sur tous les toits qu’il a du génie, il devra attendre le verdict du spectateur pour que ses déclarations prennent une valeur sociale et que finalement la postérité le cite dans les manuels d’histoire de l’art. Je sais que cette vue n’aura pas l’approbation de nombreux artistes qui refusent ce rôle médiumnique et insistent sur la validité de leur pleine conscience pendant l’acte de création – et cependant l’histoire de l’art, à maintes reprises, a basé les vertus d’une œuvre sur des considérations complètement indépendantes des explications rationnelles de l’artiste. Si l’artiste, en tant qu’être humain plein des meilleures intentions envers lui-même et le monde entier, ne joue aucun rôle dans le jugement de son œuvre, comment peut-on décrire le phénomène qui amène le spectateur à réagir devant l’œuvre d’art ? En d’autres termes, comment cette réaction se produit-elle ?

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Ce phénomène peut être comparé à un « transfert » de l’artiste au spectateur sous la forme d’une osmose esthétique qui a lieu à travers la matière inerte : couleur, piano, marbre, etc. Mais avant d’aller plus loin, je voudrais mettre au clair notre interprétation du mot « Art » sans, bien entendu, chercher à le définir. Je veux dire, tout simplement, que l’art peut être bon, mauvais ou indifférent mais que, quelle que soit l’épithète employée, nous devons l’appeler art : un mauvais art est quand même de l’art comme une mauvaise émotion est encore une émotion. Donc quand plus loin je parle de « coefficient d’art », il reste bien entendu que non seulement j’emploie ce terme en relation avec le grand art, mais aussi que j’essaie de décrire le mécanisme subjectif qui produit une œuvre d’art à l’état brut, mauvaise, bonne ou indifférente. Pendant l’acte de création, l’artiste va de l’intention à la réalisation en passant par une chaîne de réactions totalement subjectives. La lutte vers la réalisation est une série d’efforts, de douleurs, de satisfactions, de refus, de décisions qui ne peuvent ni ne doivent être pleinement conscients, du moins sur le plan esthétique. Le résultat de cette lutte est une différence entre l’intention et sa réalisation, différence dont l’artiste n’est nullement conscient. En fait, un chaînon manque à la chaîne des réactions qui accompagnent l’acte de création ; cette coupure qui représente l’impossibilité pour l’artiste d’exprimer complètement son intention, cette différence entre ce qu’il avait projeté de réaliser et ce qu’il a réalisé est le « coefficient d’art » personnel contenu dans l’œuvre. En d’autres termes, le « coefficient d’art » personnel est comme une relation arithmétique entre « ce qui est inexprimé mais était projeté » et « ce qui est exprimé inintentionnellement ». Pour éviter tout malentendu, nous devons répéter que ce « coefficient d’art » est une expression personnelle « d’art à l’état brut » qui doit être « raffiné » par le

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spectateur, tout comme la mélasse et le sucre pur. L’indice de ce coefficient n’a aucune influence sur le verdict du spectateur. Le processus créatif prend un tout autre aspect quand le spectateur se trouve en présence du phénomène de la transmutation ; avec le changement de la matière inerte en œuvre d’art, une véritable transsubstantiation a lieu et le rôle important du spectateur est de déterminer le poids de l’œuvre sur la bascule esthétique. Somme toute, l’artiste n’est pas seul à accomplir l’acte de création car le spectateur établit le contact de l’œuvre avec le monde extérieur en déchiffrant et en interprétant ses qualifications profondes et par là ajoute sa propre contribution au processus créatif. Cette contribution est encore plus évidente lorsque la postérité prononce son verdict définitif et réhabilite des artistes oubliés.

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Mutations contemporaines des musées : un espace public à revisiter ?

C

http://www.ocim.fr/mutations-contemporaines-des-musées Colloque organisé à Toulouse les 4 et 5 juin 2009 par l’IDETCOM (université des Sciences sociales Toulouse 1) L’article L-410.1 du Code du Patrimoine définit le musée comme « toute collection permanente composée de biens dont la conservation et la présentation revêtent un intérêt public et organisée en vue de la connaissance, de l’éducation et du plaisir du public ». Cette définition donne du musée une vision patrimoniale un peu figée, qui ne prend guère en compte les substantielles évolutions en cours. Les musées sont confrontés aujourd’hui à des interrogations, voire des mutations majeures concernant leurs modes de gestion, leur statut, leur insertion territoriale, leur relation au public, leurs dispositifs de médiation et de valorisation. Le colloque Mutations contemporaines des musées : un espace public à revisiter ?organisé à Toulouse les 4 et 5 juin 2009 par l’IDETCOM (université des Sciences sociales Toulouse 1) se propose d’analyser ces évolutions dans leurs dimensions institutionnelles, territoriales, historiques ou communicationnelles car il apparaît que c’est le devenir même des institutions muséales qui est en jeu tant au niveau national qu’international. _ Ces mutations sont-elles de nature à opérer une rupture épistémologique dans la définition même du musée ? La réponse à cette question doit se fonder sur une approche résolument pluridisciplinaire s’appuyant sur le droit et les sciences de l’information et de la communication mais également l’histoire, l’économie, la gestion ou la sociologie… Le colloque sera organisé autour de quatre axes de recherche.

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Les logiques institutionnelles et les territoires À travers la création de l’appellation « Musée de France » le législateur par la loi du 4 janvier 2002 a tenté de donner une unité aux institutions qui en faisaient la demande. Il convient d’interroger ce label : quels effets juridiques, quels effets communicationnels produit-il ? Par ailleurs le processus de décentralisation a réactivé d’une part les compétences des collectivités territoriales et d’autre part les rôles des stratégies territoriales en légitimant l’intervention des collectivités territoriales autour du postulat de la proximité. _ Les musées apparaissent comme les fers de lance du développement local. _ Par une architecture conçue comme un véritable processus communicationnel, par les expositions temporaires, les musées deviennentils des marqueurs territoriaux qui identifient les territoires voire qui les recomposent ?

La gestion contemporaine des musées Les musées présentent à un large public des collections qui sont souvent la propriété de l’État ou des collectivités territoriales. Mais le musée est-il l’apanage du secteur public ? Constitue-t-il par nature un service public ? Quels sont les avantages et utilités de confier leur constitution ou leur gestion à des personnes privées ou des établissements publics de coopération culturelle ? Les musées sont de plus en plus soumis à une logique de rentabilité. De quelle autonomie un musée dispose-t-il à cette fin ? Ce nouvel objectif remet-il en cause les missions fondatrices de conservation et d’exposition ? Quels peuvent être alors les stratégies et modes de gestion des collections publiques en matière d’acquisition, de vente ou d’échange face au principe de l’inaliénabilité de celles-là ? Le marketing semble devenir inhérent à cette activité clef pour le secteur du tourisme. Quelle exploitation faire des oeuvres au travers de produits dérivés (affiches, cartes, numérisation…) ? Comment respecter les droits de création et de repentir des artistes ? Quelles précautions prendre quand l’artiste n’est pas identifié ?

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De plus en plus d’auteurs souhaitent par ailleurs placer leurs œuvres dans le cadre des licences creative commons. Quels sont à terme les effets de cette nouvelle pratique sur la définition de l’œuvre elle-même, éventuellement écrite à plusieurs voix et jamais achevée ?

Les nouvelles formes de médiations Les dispositifs de médiations culturelles ont connu de profonds bouleversements ces dernières années. Les thématiques présentées étant de nature toujours plus variée, les musées et les expositions temporaires font l’objet de mises en scène sans cesse renouvelées, qui jouent sur le sensoriel et intègrent fréquemment des dispositifs multimédias. Comment penser l’espace extérieur (architecture et insertion du bâtiment) et intérieur de ces musées (comme une succession de salles ou un cheminement ouvert…) ? Le cadre d’exposition est-il au service des oeuvres exposées ou constitue-t-il en soi une oeuvre autonome, parfois aux dépens des contenus présentés ? Attirer un public toujours plus nombreux, au moyen de dispositifs esthétiques ou ludiques inattendus, semble en effet être la priorité de nombreuses institutions muséales et l’effort d’adaptation aux attentes des publics reste constant. On assiste à une multiplication des méthodes visant à intégrer le public au centre du dispositif. Quel est alors le statut de ce public, tour à tour spectateur ou acteur du dispositif muséal ? Comment s’approprie t-il les dispositifs proposés ? Par ailleurs, comment les dispositifs de médiation culturelle s’inscrivent-ils dans les logiques institutionnelles ? On peut observer de nombreuses interactions entre les dispositifs de médiation culturelle et leur encadrement juridiques. La loi sur le mécénat, dite loi Aillagon du 1er août 2003, a par exemple développé l’implication d’acteurs du secteur privé tels que les clubs d’entreprises et les fondations d’entreprises.

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Ces derniers induisent-ils de nouvelles formes de sociabilité par rapport aux acteurs traditionnels (société d’amis) ? Qu’advient-il, dans ce contexte, du « contrat de communication » implicite entre l’institution et le public ? L’international La mondialisation semble concerner tous les domaines de la culture. Ainsi en va-t-il désormais des musées. Ceux-ci se voient assigner de nouvelles missions en termes de valorisation financière. Les musées se retrouvent ainsi placés au cœur de l’économie de l’immatériel ou considérés comme des « marques ». Cette évolution induit de nouveaux modes de gestion tels que la création de France muséums ou de l’Agence internationale des musées. Le récent Accord entre les gouvernements des Émirats arabes unis et de la France est au cœur des débats sur les enjeux de l’internationalisation des musées : s’agit-il d’une « délocalisation-marchandisation » des musées ou d’une « universalisation des oeuvres d’art » ? En somme, la politique de l’internationalisation de ce qu’on appelle « les musées super stars » pose, entre autres, les questions relatives aux approches de ladite politique et à l’effectivité de la mission universelle des musées. Ces interrogations sont intimement liées aux dispositifs juridiques de l’UNESCO portant sur la propriété des oeuvres d’art, sur la question de leur restitution aux pays sources et sur la diversité culturelle.

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the monographic museum in Toward a New Museum, Victoria Newhouse; 2006 2nd édition, The Monacelli Press (NY, USA), chapter 3 (extraits) chapter 3 The homes and studios of artists such as Peter Paul Rubens, one of the great artistcollectors of the Baroque period, were early models for the museum. More common art repositories were artists’ workplaces with solely their own output, an example that was adapted early in the 19th century as the single­artist museum. Conceptually, these museums enshrine an individual artist, but recent interpretations of the type aren’t necessarily sacred spaces as defined here: abstracted spaces meant to disappear in relation to their con­tents. [...] Historically, the existence of this kind of museum depended on an artist’s gift or legacy of major work plus a variety of related materials. The oeuvre being too extensive for an existing, more general institution to display, the bequest dictates that the artist or the artist’s collectors, admirers or heirs find a museum for it. In the late 1990s, however, a number of monographic museums are opening regardless of the availabilitv to them of prime works. Furthermore, concern that the content is too limited and fixed and does not offer enough to entice visitors back can cause the narre artist to be supplanted as the museum’s main focus by changing exhibitions and other attractions. One of the first monographic museums was Francesco Lazzari’s Gipsoteca Canoviana (1836), which was dedicated to the neoclassical sculptor Antonio Canova. Shortly after Canova’s death in 1822, his half-brother and heir, Mon­signor Giambattista Sartori, decided to build a museum to exhibit what the artist had left in

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his Rome studio. Dissatisfied with existing dis­plays of single works, he wanted to provide a background of plaster casts, clay models and other preparatory material that would help viewers appreciate the isolated, finished marble sculptures with which they were more familiar. [...] The artist wanted small, domestically scaled rooms, lit as his studio was, bath horizontally from one side and vertically. ln 1814 the architect John Soane had incorporated into his Dulwich College Picture Gallery a mausoleum for Sir Francis Bourgeois, the creator of the collection, and the dealer Noel Desenfans and his wife. This model could have influenced Thorvaldsen’s decision to be buried in the courtyard, adding a mausoleum / monument significance to the museum’s inherent nationalist symbolism. From museums built in the spirit of the artist’s studio it was a short step to institutionalizing the studio itself. In 1862, spurred by the death of the woman he loved, the French symbolist painter Gustave Moreau began to plan for the preservation of his ail sketches, drawings and watercolors, which he feared might otherwise be lost. By 1895 Moreau had transformed the two top stories of the Paris townhouse he shared with his parents into exhibition spaces, for which lie bequeathed the initial funding. Moreau’s museum opened to the public in 1903, three years after his death. [...] Picasso had lived for many years in Paris, which is therefore an appropriate location for the museum, and Jean Boufflers Baroque Hôtel Salé, like the pala­tial homes Picasso preferred to live and work in, is a fitting setting for his art. Dominique Bozo was appointed curator of the project, and in 1976 five architects were invited to compete for the commission, eventually awarded to Roland Simounet. The success of Simounet’s project lay in his ability to retain the atmosphere of a historic mansion in an up-to-date museum. He did this by keeping parts of the structure—rococo door frames, flooring, stucco

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and stone ornamentation in some rooms, interspersed with new rooms in gutted spaces. Climate control and illumination are hidden: the light of concealed neon uplifters is reflected onto the walls from chamfered recesses around the edges of suspended ceilings. Only in the rooms that retain their stucco ceilings is there a visible source of artificial light; the chandeliers were designed by Diego Giacometti, whose tables, chairs and other furnishings contribute to the museum’s domestic set­ting. Filtered daylight cornes from existing windows on both the garden and court sides of the building. Ramps in a skylit ground-floor gallery constructed outside the hôtel’s walls lead to exhibition spaces in the basement; the descent offers multiple viewing levels and vistas through interior windows that are par­ticularly interesting for sculpture and that help to animate the space. [...] The homes and workplaces of a number of 19th-century American artists are today open to the public. But the construction, or adaptation, of a building for a single-artist museum is rare in this country compared with the prolifera­tion of such monographic museums in Europe, where they have enjoyed great popularity from the start. The opening in 1993 of a Norman Rockwell Museum in Stockbridge, Massachusetts, designed by Robert A. M. Stern, followed in 1994 by Richard Gluckman’s Andy Warhol Museum in Pittsburgh, in 1995 by Renzo Piano’s Cy Twombly Gallery in Houston and in 1997 by Gluckman’s Georgia O’Keeffe Museum in Santa Fe may signify a new direction.

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wings that don’t fly (and some that do)

in Toward a New Museum, Victoria Newhouse; 2006 2nd édition, The Monacelli Press (NY, USA)

chapter 5 No matter how problematic museum architecture may be, adding to it can prove more so. Museum expansion is generally perceived as the direct result of a need for additional space, but other, often extraneous considerations can influence the decision to take on these consuming and costly projects. Richard Oldenburg, director of MoMA from 1972 to 1994, notes that for one thing, new people usually want new things, and physical expansion is a wav for trustees, or a director, to leave an indelible imprint. That it tends to be easier to find funding for a new wing than for the reslora­don of an existing building encourages opting for the former, sexier project (sometimes combined with restoration) rather than for the more prosaic one. Trustees and museum staff, many with little or no experience as institutional architecture clients, often make their selection of a designer on the basis of questionable considerations. The candidate’s personality or past work (usual­lv residential) for a member of the selection committee are factors that can influence a decision ideally dependent only on an objective assessment of talent and ability. Writing in 1994 about museums, Paul Goldberger remarked: Many became caught up in a frenzy of growth that had some­thing other thon the democratization of art as its goal. Building museums became a badge of success for cities, and for people who had grown rich in the 1980’s. New blood, often newly rich blood, joined old museum boards. Museums got bigger and more expensive to maintain, which in turn required them to find ways of keeping attendante high to pay mounting bills. Many seemed victims of their own success, caught in a spiral of expanding audiences, expanded facilities and the need for ever more money to support them. The lack of architectural integrity that is characteristic of so many expan­sion projects is unexpected in institutions that stand for the highest standards of art preservation and connoisseurship. Repeatedly,

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annexes

museum trustees, direc­tors and staffs have done things to their buildings that would be unthinkable if applied to their collections. The redundant enlargement projects under­taken between 1984 and 1987 by New York City’s four major art museums—the Metropolitan Museum (whose Lila Acheson Wallace Wing, like the other muse­ums’ enlargements, xvas for 20th-century art), MoMA, the Guggenheim and, in its first, unrealized effort, the Whitney—as well as Paris’s Louvre, all sacrificed architecture to expansion.

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II bibliographie

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diagnostic d’une nouvelle muséographie Luca Basso Peressut, Musées: architectures 1990-2000, Actes Sud/Motta, Arles 1999. Douglas Davis, The Museum Transformed: Design and Culture in the Post-Pompidou Age, Abbeville Press, New York 1990. Catherine Donzel, Nouveaux musées, Telleri, Paris 1998. James Putman, Art and Artefact : The Museum as a Medium, Thames and Hudson, New York 2009. (first edition, Thames and Hudson, New York 2001). Nathalie Heinich, L’Art contemporain exposé aux rejets, Jacqueline Chambon, Nîmes 1998. René Berger, Art et communication, Casterman, Paris 1972. René Berger, La Mutation des signes, Denoél, Paris 1972.

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annexes

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Pierre A. Valentino, L’immagine e la memoria: indagine sulla struttura del museo in Italia e nel mondo, L. Periodici, Milan 1993. Marie-Thérèse Coullery, « Les musées et leurs publics», in Unsere Kunstdenkmäler, bulletin 37, n° 3, 1986, pp. 263-266. Jean-Louis Déotte et Pierre-Damien Huyghe (dir.), Le leu de l’exposition, L’Harmattan, Paris 1998. James Putman, ARt and Artefact : The Museum as a Medium, Thames and Hudson, New York 2009. (first edition, Thames and Hudson, New York 2001). Nathalie Heinich, L’Art contemporain exposé aux rejets, Jacqueline Chambon, Nîmes 1998. Laurence Allégret, Musées, Electa Moniteur/Du Moniteur, Milan et Paris, 1987. Nathalie Heinich, L’Art contemporain exposé aux rejets, Jacqueline Chambon, Nîmes 1998.

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construire pour l’art

El Croquis, Annette Gigon Mike Guyer 1989 – 2000, The Variegated Minimal , no. 102, Madrid, 2000 El Croquis, Annette Gigon Mike Guyer, 2001–2008, The Everyday and Its Reinvention, no. 143, Madrid, 2009. Projekte. Gigon / Guyer (De aedibus, no. 7), Quart Verlag, Lucerne, 2004 Gigon / Guyer Architects. Works & Projects 1989 – 2000, edited by Christoph J. Bürkle, Barcelona, Editorial Gustavo Gili, Barcelona, 2000. (German Edition: Gigon / Guyer Architekten. Arbeiten 1989 – 2000, edited by Christoph J. Bürkle, Niggli Verlag, Sulgen, 2000) Jean-Louis Déotte et Pierre-Damien Huyghe (dir.), Le leu de l’exposition, L’Harmattan, Paris 1998.

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le musée, un instrument à dématérialiser

objectifs pour le public du musée

Quels musées, pour quelles fins aujourd’hui ?, La Documentation française, Paris 1983. Marie-Thérèse Coullery, « Les musées et leurs publics», in Unsere Kunstdenkmäler, bulletin 37, n° 3, 1986, pp. 263-266. James Putman, ARt and Artefact : The Museum as a Medium, Thames and Hudson, New York 2009. (first edition, Thames and Hudson, New York 2001). Towards a New Museum, Victoria Newhouse (Expanded edition), The Monacelli Press, 2007.

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02/2012

école nationale supérieure d’architecture de paris-belleville


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