Habiter principalement sa résidence secondaire en station de ski ? une question architecturale post-covid
GOY Florent Mémoire de première année de master Thématique Architecture, Environnement & Cultures Constructives Sous la direction de Romain LAJARGE Année 2020 / 2021
Illustration page de couverture C
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TURO, Val Thorens - Village - 2280m, [illustration], turo_memories_studio, 2020, Crépuscules Alpins.
REMERCIEMENTS
Un grand merci à Romain Lajarge pour son accompagnement et pour ces précieux conseils qui m’ont servi tout au long de la rédaction de ce mémoire. Je tiens également à remercier Carine Bonnot, Anne Berg, ainsi que toutes les personnes ayant participé à l’élaboration de cet exercice. Un grand merci aux personnes interviewées, qui se reconnaîtront, ainsi qu’aux personnes qui ont répondu au questionnaire, sans qui cette recherche n’aurait pas pu voir le jour. Merci pour votre temps et l’intérêt porté à ce mémoire. Enfin, je remercie ma famille et mes amis pour leurs soutiens, leurs encouragements et leurs conseils, dans ce contexte particulier.
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Jury de soutenance
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GANDREAU David LAJARGE Romain ZAWISTOWSKI Marie
SOMMAIRE
INTRODUCTION
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I. Les stations de ski, un lieu attrayant, comme refuge d’une crise
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1. L’engouement pour les stations de ski et l’impact sur la résidence
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2. Un engouement requestionné par la crise du Covid-19
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II. Habitabilité, aller-retour entre résidence secondaire et principale
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1. L’habitabilité, l’homme et ce qui l’entoure
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2. Points de vue et tendances architecturales
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3. Un discours d’habitant sur de l’habité
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4. Le « staycation », nouveau modèle de l’habiter
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III. Étude micro de l’architecture en station, pour une transformation du secondaire au principal
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1. Contexte, diversité et transformation
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2. Résidences secondaires transformables
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3. Résidences secondaires non-transformables
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4. Résidences secondaires sans nécessité de transformation
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CONCLUSION
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BIBLIOGRAPHIE
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WEBOGRAPHIE
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ANNEXES
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INTRODUCTION Lorsqu’on s’intéresse aux résidences secondaires en stations de ski, il faut avant tout distinguer plusieurs types de stations, ou plutôt plusieurs générations. Les premières stations de montagne naissent avec la découverte de celle-ci, grâce à l’alpinisme (exemple Chamonix). Ce phénomène de « conquêtes des sommets » permet un premier intérêt aux montagnes, par une minorité. Peu à peu, vers le début du XIXe siècle, le ski apparaît et laisse place à une première génération de stations de ski avec les ascensions en « peaux de phoques », qui permettent une descente à skis. Cette première génération de stations de ski, les « villages-stations », sont généralement situés à faible altitude (900-1200 mètres), et naissent greffés avec un village existant ou le charme y est authentique. Nous pouvons prendre l’exemple de Chamonix comme évoqué précédemment, mais encore Villard-de-Lans ou bien Morzine. La croissance de ces stations s’est souvent réalisée de façon empirique, sans réel plan d’ensemble. Au début très élitiste, c’est progressivement que les stations se sont ouvertes à un plus grand public. Nous avons aperçu par exemple l’apparition des premières remontées mécaniques dans les années 1930. Les stations ont alors commencé à faire l’objet de réels aménagements architecturaux et urbains. Vient alors la deuxième génération de stations de ski (ou « ex-nihilo »), qui surgit dans la période d’après-guerre. Le plus souvent à partir d’un espace complètement vierge et à partir de 1600 mètres d’altitude. Cette génération vient répondre à de nouveaux touristes hivernaux. En effet, l’augmentation du temps libre (congé payé), le développement des moyens de transport ou encore l’élévation de niveau de vie, engendre un tourisme de masse dans les stations de ski en période d’après-guerre. Nous pouvons notamment citer les stations de Courchevel et des 2 Alpes. Dans les années 60-70, « pour répondre à la fois à la demande croissante du tourisme et à celle du gouvernement (plan neige) » (Site SKI-Planet), surgissent les stations de troisième génération, dite stations « intégrées », aux environs des 1800 mètres d’altitude. C’est une démarche essentiellement basée sur des résidences « ski aux pieds » avec tout à proximité. Les stations intégrées se développent avec une pensée moderniste et sont conçues « pour le bien-être d’un touriste standardisé : des petits appartements destinés seulement aux temps de sommeil » (Site Alti-Mag). Nous pouvons prendre l’exemple de Flaine par Marcel Breuer dans les années 1960, ou encore Avoriaz. Cependant, ces stations, souvent caractérisées d’« usines à ski », tentent de rétablir une image positive, notamment en termes de qualité de vie des hébergements. Par la suite, dans les années 70-80, nous faisons face à une quatrième génération de stations de ski, aussi appelée « station-village ». Ces stations s’inspirent fortement de l’apparence des anciens villages de montagne, ainsi « le modèle du village refait surface mais de manière totalement artificielle, puisque les stations de la quatrième génération sont elles aussi, pour l’essentiel, édifiées en site vierge » (Delorme (F.), 2014, p.14). Le côté « artificielle » amène un aspect plutôt authentique de l’extérieur. Ces stations ont le « charme des villages de montagnes à l’ancienne » (Site SKI-Planet) et ont su s’intégrer dans leur environnement en essayant de le respecter et de le préserver. Les stations de Valmorel ou encore de Valloire font partie de cette génération.
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Particulièrement pour les premières générations de stations, l’aspect saisonnier est prépondérant. Si au début, ce sont les activités estivales qui ont permis au tourisme de montagne de se développer (randonnée, alpinisme etc.). De fil en aiguille et afin de développer une autre saison d’activité, c’est la période hivernale qui a pris le relais. Depuis, l’hiver reste la saison dominante et on assiste alors à un véritable effet de masse en haute saison et un effet de « station fantôme » en basse saison. Cependant, plusieurs enjeux et problèmes viennent remettre en cause ce système de stations. Les résidences secondaires, les habitants permanents, les infrastructures, les friches, le changement climatique, les lits froids etc, amènent à la réflexion quant au devenir des stations de ski, encore instable. Ce qui réunit toutes ces générations, c’est leur localisation excentrée des villes, qui amène un changement d’air, un calme et une certaine liberté, loin des maux urbains. En effet, le cadre de vie naturel en stations, qui mêle loisirs et dépaysement, est l’une des données les plus importantes, permettant un engouement particulier dans ces stations de ski. Les personnes, dont les touristes, se voient attirées par ce cadre montagnard si spécial afin d’y séjourner occasionnellement, tout en gardant leur attachement à leurs résidences principales. Ces usages instaurent une temporalité discontinue, avec une vie rythmée et séquencée en fonction des saisons, qui font proliférer les résidences secondaires. Dans les stations de ski, une minorité de personnes se considère comme habitant permanent, et il est vrai qu’il peut être difficile d’habiter en station. Du fait de la saisonnalité, les commerces et toute la vie de la station sont dictés périodiquement. Nous pouvons donc admettre que les résidences de manière générale subissent un certain clivage. On dissocie alors la résidence principale et la résidence secondaire. L’une, principale, est une unique résidence où l’on habite la majorité de notre temps, avec un cadre plutôt urbain et tout à proximité. Tandis que l‘autre, secondaire, vient en complément de la résidence principale, dans un cadre plutôt rural. Ces résidences sont dites « secondaires », car elles ne sont habitées que durant de courtes périodes, dédiées uniquement aux loisirs, vacances, weekends, etc. Des usages propices aux territoires des stations de ski. La différenciation de ces deux types de résidences est accentuée par le fait qu’elles se situent dans un cadre bien souvent différent, entre milieux urbains et milieux ruraux. De ce fait, nous y habitons différemment, l’habitabilité n’est donc pas la même dans les deux cas. Si on comprend facilement cette distinction, il est cependant plus complexe d’imaginer une inversion de ces deux types de résidences, en habitant principalement sa résidence secondaire. Dans ce sens, ce que nous vivons actuellement avec la crise sanitaire du Covid-19, vient remettre en cause cet ordre primaire et secondaire de la résidence. Cette inversion est alors requestionner et la résidence secondaire devient de plus en plus un vrai sujet actuel d’habitabilité. On considère que les stations de ski sont situées dans des milieux ruraux, en campagne et en montagne, et que par sens, cela induit un endroit plus tranquille que les milieux urbains. Par conséquent, ces territoires sont vus comme un lieu potentiel de refuge en cas de crise : « et la campagne reste pour la ville, malgré ses tentatives d’autarcie, la terre nourricière, le refuge en cas d’épidémie.» (Sansot (P.), 1978, p.12). La résidence secondaire est au cœur des questionnements dans les stations de ski, et ce, encore plus aujourd’hui avec la pandémie de la Covid-19 comme évoquée précédemment. Avec les confinements, le télétravail, la peur de l’autre, est ce qu’au final la résidence secondaire n’est pas la solution à toutes ces problématiques. Aujourd’hui plus que jamais, l’envie de grand air et l’envie de s’éloigner des villes touche tout le monde. Dans ce cas-là, tout possesseur de résidences secondaires en stations de ski, ce sont à minima poser la question de les rejoindre.
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En tant que futur praticien, nous nous devons de nous intéresser à ce sujet, qui fait émerger des nouveaux besoins sociétaux, envers des résidences secondaires qui ne permettent peut-être pas toujours de répondre à cette demande. Cette crise sanitaire et ce contexte si particulier amène un questionnement sur la résidence secondaire en général, bien que le terme « recouvre une grande diversité de biens immobiliers : maison de campagne, maison héritée, chalet à la montagne, mobil home, appartement et immeuble collectif en bord de mer ou en station de montagne » (ATOUT FRANCE, 2010, p.18). En effet, cette crise sanitaire touche tout le monde, et l’habitabilité de nos logements est continuellement mise à l’épreuve, nous le voyons clairement aujourd’hui. Dans ce caslà, la résidence secondaire peut apporter un genre d’échappatoire et avoir un rôle plus adapté que la résidence principale. Pourquoi ne pas imaginer alors habiter principalement sa résidence secondaire en stations de ski ? Pour cela, il faut questionner l’habitabilité de ces résidences, afin de comprendre les possibilités, les envies et les évolutions. Dans ce mémoire, par le prisme de ce contexte actuel particulier, nous nous demanderons si la résidence secondaire en stations de ski est devenue plus habitable que la résidence principale ? À partir de cette problématique de recherche, nous rejoindrons l’hypothèse que oui ces résidences secondaires sont devenues plus habitables que les résidences principales. Compte tenu de l’actualité, nous assistons à une réelle volonté de se réfugier en montagne et plus particulièrement en station de ski. Les enjeux de durabilité des stations, les nouveaux besoins et l’engouement vers la résidence secondaire pourraient influencer son habitabilité. L’induisant sûrement à se transformer en résidence plus habitable et ainsi donner un statut similaire entre les nombreuses villes où l’on habite à l’année et les stations de ski ou la saisonnalité sévit encore beaucoup aujourd’hui. Les statuts de « secondaire » et de « principale » peuvent se voir transposer, encourageant une nécessité de réflexion. Afin de traiter le sujet et répondre aux questionnements émis, il est essentiel de justifier notre terrain d’étude et notre méthodologie. Ce mémoire s’intéresse à un terrain assez large et prend en considération les stations de ski situées dans les Alpes du Nord, un terrain de proximité. Comme nous l’avons vu, les stations de ski se différencient en plusieurs générations, qui ont un rapport à la résidence secondaire parfois nuancé. L’écrit se basera majoritairement sur les stations intégrées, dans une génération qui avait pensé la station uniquement comme résidence secondaire. Mais il est aussi intéressant d’élargir notre point de vue pour comparer les autres générations et avoir une réflexion la plus complète possible. Effectivement, il existe des résidences secondaires dans toutes les stations de ski, mais en ce qui concerne la montagne ; « les Alpes concentrent à elles seules près des trois-quarts des résidences secondaires » (ATOUT FRANCE, 2010, p.22). Avec ce terrain qui regorge de résidences secondaires, un plan de recherche a été établi. Il était important d’avoir le point de vue des professionnels qui opèrent dans ces stations. Plusieurs entretiens ont alors été menés avec des agences immobilières spécialisées dans la résidence secondaire située dans notre terrain d’étude. Sans oublier certains promoteurs et architectes de ce domaine, qu’est l’architecture en montagne. D’autre part, le point de vue des habitants et des personnes possédant une résidence secondaire en station de ski a été quant à lui récolté par le biais d’un questionnaire, qui a obtenu pratiquement 60 réponses. Ces enquêtes nous permettront d’en savoir plus sur l’habitabilité des résidences secondaires en stations, et de comprendre les impacts liés à la crise sanitaire. Elles nous serviront tout le long de cet écrit, afin d’appuyer notre discours et seront évidemment toutes anonymisées. En complément de cela, des études de cas, il sera crucial d’analyser et d’observer certaines architectures de ces résidences, pour comprendre leurs adaptabilités et évolutions. Tout cela dans l’objectif d’aller au bout de notre approche qui cherche à aller au plus près de ces résidences. Enfin, les nombreuses lectures impliquant des théoriciens, géographes, sociologues et auteurs pionniers sur le sujet, ont également servi à la recherche empirique sur le thème. 8
Notre problématique de recherche s’accompagne de tout un tas d’autres questions qui gravitent autour de cette crise sanitaire et de son impact sur la résidence secondaire. Il est essentiel de se demander si l’habitabilité des résidences secondaire à évolué, et dans quel sens ? Si elles permettent éventuellement d’y habiter principalement, à l’année ? Si la crise sanitaire à fait évoluer les besoins les concernant ? Ou encore si la crise à donner envie d’habiter sa résidence secondaire ? Un premier exercice d’initiation à la recherche sur un sujet qui suscite un intérêt particulier aujourd’hui. Qui, espérons-le, essayera de démontrer la véracité de notre hypothèse et servira à faire avancer la recherche, afin d’amorcer la réflexion sur ce thème très actuel. Pour ce faire, afin de répondre à notre problématique et questionnements, nous avons organisé notre développement en trois parties. La première partie s’intéressera aux stations de ski comme un lieu attrayant et comme refuge en cas de crise. Il est important de contextualiser et de démontrer cet engouement pour les stations de ski, en mettant également en avant l’impact que peut avoir cette crise sanitaire sur celui-ci. L’enjeu est de comprendre pourquoi on va là-bas, pourquoi cette question se pose encore plus à présent avec le contexte actuel, et quel en est la conséquence et le lien pour les résidences secondaires. Dans la deuxième partie, nous questionnerons l’habitabilité, plus précisément en station de ski avec la résidence secondaire. En intégrant les points de vue des professionnels et des habitants, par nos enquêtes et toujours avec un regard sur le contexte actuel. L’habitabilité nous amènera une réflexion sur les modes d’habiter, qui concerne également la résidence principale. Cette fois, il sera donc question de comprendre comment on y habite et quelles sont les évolutions en termes de besoins. Enfin, la dernière partie s’intéressera à l’adaptabilité des résidences secondaires en résidences principales. À travers une étude micro de l’architecture, nous analyserons différents projets dans le but d’aborder les transformations éventuelles des résidences secondaires vers des résidences potentiellement principales. Cette étude de l’architecture en station permettra de comprendre comment on pourrait mieux y habiter et de savoir si ces résidences peuvent être utilisées afin d’y habiter principalement.
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I. Les stations de ski, un lieu attrayant, comme refuge d’une crise Dans cette première partie, nous allons nous intéresser aux stations de ski de manière globale. Celles-ci ont depuis toujours attiré un grand nombre de personnes par le cadre de vie qui y est différent de la ville. Le contexte actuel que nous vivons avec la pandémie du covid-19 vient requestionner cette attirance et ce désir de liberté. Il nous faudra contextualiser l’attrait pour les stations de ski et leur capacité plus générale d’être une terre wde refuge en cas de crise afin de comprendre pourquoi nous sommes attirés par ce cadre si particulier. Tout en ayant un regard sur l’aspect résidentiel des stations de ski et sur l’émergence des résidences secondaires.
1. L’engouement pour les stations de ski et l’impact sur la résidence 1.1. Le contexte touristique et les vacances
Lorsqu’on parle des stations en montagne, il nous vient de suite à l’esprit la saison hivernale avec la pratique du ski. Cependant, il faut savoir qu’à ses débuts, « on commença à fréquenter la montagne (en fait, la Suisse et le massif du Mont-Blanc essentiellement) avec des finalités de découverte scientifique et sportive. » (Merlin (P.), 2001, p.8). C’està-dire que le ski et plus particulièrement les stations de ski ne sont apparus que bien plus tard. La montagne était un lieu de découverte et dans ce domaine, on peut évidemment parler de la station de Chamonix-Mont-Blanc. Cette station, dotée d’un climat montagnard et située dans une zone géographique particulièrement difficile, fut un des terrains de la découverte de la montagne. L’alpinisme, la randonnée, par exemple, faisaient partie de ce qu’on appelle le phénomène de la « conquête des sommets » et a permis un premier intérêt pour la montagne. Auparavant, la saison hivernale n’était pas aussi développée qu’aujourd’hui, c’est même la saison estivale qui dominait. La montagne n’était alors encore que très peu connue et il n’y avait pas tout cet attrait touristique actuel. C’est seulement à partir du XIXe siècle que le ski apparaît et laisse place aux premières « ascensions en peaux de phoques » qui ont permis les débuts des descentes de la montagne à skis. L’attrait envers ces stations se répand alors progressivement et celles-ci commencent à se développer, en voyant le potentiel de la saison hivernale. Avec des débuts très élitistes, les stations de ski restaient accessibles à une minorité de personnes. Peu à peu, les touristes furent plus nombreux et l’engouement pour ces stations touristiques commença à être dicté par les saisons. Les stations ayant leurs propres saisons, la fréquentation y était également saisonnière. Cette première génération de stations de ski s’est faite sans réel plan d’ensemble, de manière empirique. Dans les années 1930, on peut noter l’apparition des premières remontées mécaniques en France et la pratique du ski devient alors un peu plus accessible. (fig.1).
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(fig.1). Téléski du Rogoney à Val-d’Isère, France. © Julliard - Royer (DR, coll. Laurent Berne). (Site remontées-mécaniques).
Toujours avec cette population de personnes plutôt restreinte, « la fin du XIXe a pensé la montagne comme un espace délaissé par la civilisation, mettant l’accent sur la misère matérielle et morale des populations auxquelles sont confrontées les élites citadines. En lien avec le développement de la société industrielle, la montagne devient alors un lieu de nature à domestiquer, à civiliser, comme en témoignent les premiers aménagements de l’espace alpin. » (Lyon-Caen (J-F), 2003). Comme énoncé précédemment, d’autres générations de stations de ski ont alors vu le jour, et les stations ont alors commencé à faire l’objet de réels aménagements architecturaux et urbains. Le potentiel de la montagne se dégage de plus en plus et « ce n’est qu’au cours du XXe siècle que le tourisme a gagné progressivement les classes moyennes des pays développés, puis les classes populaires. Il est fréquent de relier cette transformation à l’avènement des congés payés (en France avec la loi de 1936). » (Merlin (P.), 2001, p.8). Le tourisme élitiste se transforme peu à peu en tourisme de masse. En effet, l’avènement des congés payés a permis à une majeure partie de la population de découvrir les bienfaits des vacances. Évidemment, ce n’est pas le seul facteur, et ce n’est pas le plus important. Dans ce registre, on peut également mentionner le développement des moyens de transport et de la mobilité, qui a permis une facilité d’accès quant aux « réalités physiques et géographiques contraignantes » (Lyon-Caen (J-F), 2003), que représente la montagne. L’élévation du niveau de vie fait aussi partie des composantes de ce tourisme de masse. Ce sont ainsi ces « trois éléments qui ont permis le passage d’un tourisme élitiste au tourisme de masse » (Merlin (P.), 2001, p.22) dans cette période d’après-guerre. En ouvrant la montagne a d’autre catégorie de personnes, plus populaire. En conséquence, on peut voir au fur et à mesure que « les clientèles changent, les attentes et les modes de « consommation » touristique évoluent » (Masure (P.), 2004, p.13). Cette massification développera la résidence secondaire dans une logique de pouvoir héberger toutes ces personnes, uniquement à des fins occasionnelles, dictées par les saisons. Aucune résidence secondaire ne sera conçue pour y habiter en permanence et l’habitabilité restera en accord avec cela.
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Lorsqu’on parle de tourisme et de vacances en montagne, et plus particulièrement en stations de ski, il nous est possible de rapprocher ces deux termes en un seul, celui de la rupture : « Le tourisme c’est le voyage, c’est une rupture dans l’espace. Mais cette rupture dans l’espace est aussi la condition d’une rupture dans le temps : le temps du tourisme est le temps du non-travail. Pour les riches Britanniques, inventeurs du tourisme au XIXe siècle, la rupture dans l’espace suffisait à créer une rupture dans le temps. De nos jours, pour la masse des salariés autorisés à une période de non-travail, le temps des vacances est une double rupture de l’espace et des activités. » (Guérin (J-P.), 1984, p.156). Le « voyage » instaurant une « rupture dans l’espace », est conditionné par une « rupture dans le temps », les vacances. En effet, le changement de paysage est très important dans cette notion de rupture et les Alpes du Nord en sont un exemple concret. Les touristes sont ainsi attirés « par la diversité des paysages : l’espace est fractionné et multiplie les ruptures. L’étagement de la végétation, le cloisonnement du relief, multiplient les possibilités. On peut monter aux alpages, pousser jusqu’aux glaciers, ou bien franchir un col et découvrir un autre monde. » (ibid, p.156). En prenant ce terrain comme territoire de rupture, celui-ci devient alors attrayant et attire de nombreux touristes, majoritairement en période de vacances, qui constituent tout de même une occasion de se déplacer. Au vu de cette venue grandissante, les stations de ski se développent et entrevoient l’opportunité d’en obtenir une véritable source économique. Tout cela induit forcément un impact sur le territoire, avec des attentes qui changent, les hébergements et aménagements suivent également ce mouvement. Les stations de ski ont souvent été le territoire d’expérimentation, et sont « considérées comme de véritables laboratoires de recherche, qu’il s’agisse de la réflexion sur de nouveaux modes d’implantations, sur les formes architecturales ou sur l’intérieur même des logements. » (Lyon-Caen (J-F), 2003). En même temps que le tourisme a pu évoluer, nous pouvons donc observer que l’aspect résidentiel dans ces stations s’est également transformé. Avec cette affluence, les hébergements ont dû s’adapter. Forcément, qui dit plus de monde, dit plus de besoins en terme d’hébergement et « les immeubles ont épousé davantage la forme des versants, cherchant à dissimuler leur massivité derrière des sapins plantés à la hâte ; les appartements se sont faits plus grands et plus confortables, les formules de commercialisation de plus en plus ingénieuses pour continuer à attirer une clientèle un moment faiblissante. » (Knafou (R.), 2003, p.58). Des immeubles massifs consacrés uniquement à de la résidence touristique et hôtelière. L’engouement amène également des étrangers, ce qui induit une grande diversité et une pluralité. Il faut plaire à tout le monde pour attirer encore plus de personnes et faire marcher cette économie. Nous pouvons donc distinguer aujourd’hui une diversité réelle dans le secteur de l’immobilier en stations de ski ; « à côté des hôtels, les résidences secondaires se multiplient. D’abord sous la forme de maisons individuelles (chalets en montagne). Puis, pour atteindre une clientèle aux moyens honorables mais plus limités, sous forme d’immeubles collectifs en copropriété. On invente même pour une clientèle plus économe la formule de la multipropriété : on achète un appartement pour une période donnée de l’année (une semaine par exemple) avec des services communs. » (Merlin (P.), 2001, p.26). C’est là qu’intervient la résidence secondaire, résidence souvent habitée pendant de courtes périodes, qui peut être liée aux saisons et destinée majoritairement aux loisirs et aux vacances. Ces résidences sont généralement présentes dans les stations intégrées, ou les modernes viennent les standardiser et les multiplier. Une taille restreinte et conforme aux besoins d’hébergements occasionnels, pas du tout voués à se transformer en hébergement permanent.
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Le tourisme conduit alors des « phénomènes de transition et de reconversion résidentielle des stations et régions touristiques » (Bourdeau (P.), 2009, p.6). Nous le voyons clairement lorsqu’on se déplace en stations, tout n’est que résidence. Alors certes, cela permet à tout l’afflux touristique de pouvoir être hébergé lorsque l’hiver arrive et laisse place à cette saison dominante. Cependant, on remarque énormément de problèmes lorsque la saison forte laisse place au calme et à la désertion. Ainsi, les stations de ski sont au cœur de problématiques qui augmentent de jour en jour, bien qu’ « on ne peut que se féliciter du passage d’un tourisme élitiste à un tourisme de masse et souhaiter que la proportion des personnes qui peuvent partir en vacances s’accroisse encore. Mais cela ne fera que rendre encore plus aiguës l’exiguïté et la fragilité de certains espaces et la nécessité de définir des règles du jeu pour les protéger. » (Merlin (P.), 2001, p.9). C’est sur ce point-là, que les stations de ski, en voulant une activité touristique de plus en plus marquée et en voyant l’engouement se développer, risquent de perdre ce qui faisait leur force à la base. Avec cette massification (fig.2), le tourisme amène plusieurs nouveaux questionnements « voire des menaces qui n’ont été que pleinement perçues que récemment. Il présente plusieurs enjeux qui se combinent et apparaissent souvent contradictoires ; - des enjeux sociaux à travers la progression du temps libre et du taux de départ en vacances ; - des enjeux économiques à travers la croissance des flux de touristes, les recettes qu’ils procurent aux professionnels du tourisme et parfois à d’autres activités, les échanges de devises et les investissements qu’ils supposent ; - des enjeux spatiaux : la localisation des hébergements et des équipements touristiques ; - des enjeux environnementaux : les risques qu’entraine une fréquentation excessive de certains espaces d’autant plus convoités qu’ils sont plus rares. » (ibid, p.12). Cet aspect touristique prône l’engouement des stations de ski ; il est discutable. Afin de ne pas perturber cet attrait envers les stations, il faut prendre en compte les nouvelles problématiques engendrées. En tout cas, cela impose une réflexion quant à des nouveaux enjeux pour les stations de ski. La résidence secondaire et son habitabilité, tous deux conçus pour des besoins particuliers et occasionnels, se verront forcément évoluer en même temps que les stations.
(fig.2). Caricature étalement urbain et conflit d’usage. © J. Ravanel. (Knafou (R.), 2003, p.42).
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1.2. Des stations avec de nouveaux enjeux
Aujourd’hui, les stations de ski sont concernées par de nombreux enjeux. Du fait du tourisme de masse avec par exemple un enjeu économique. La plupart des stations des Alpes du Nord, avec cet aspect saisonnier bien marqué, mettent tous leurs efforts sur la saison hivernale. Celle-ci était si productive économiquement que cela aurait pu suffire à leurs besoins, et non à leurs attentes. Il est clair qu’avoir une vie complètement dictée par les saisons ne profite pas à tout le monde. Les commerçants par exemple, avec l’augmentation des prix, la demande étant très présente en haute saison et presque chaotique en basse saison. Malheureusement, c’était sans compter l’enjeu climatique qui émerge de plus en plus et qui commence à rentrer dans les mœurs des habitants ; « mais les clients en sont parfaitement conscients et ils ne se le cachent pas, et aujourd’hui, nous professionnels on ne va pas leur dire « si si, il y a toujours de la neige » etc. De toute façon le réchauffement climatique est présent et malgré cela la clientèle reste toujours attirée par les stations » (Entretien n°1, Monsieur M.)1. Tout le monde est conscient de ce nouvel enjeu pour les stations, personne ne se voile la face et dans tous les cas, ce serait impossible. Le problème du réchauffement climatique n’est pas quelque chose que l’on peut cacher. Les températures augmentent et le manque de neige est malheureusement bel et bien visible (fig.3), celui-ci se fait ressentir de plus en plus tôt et de manière plus prolongée dans les stations. La période ou la neige est présente subit donc un raccourcissement très net.
(fig.3). Enneigement artificiel des pistes de ski de l’Alpe d’Huez - © Météo-France/Gilbert Guyomarc’h. (Site Météo France).
Nous pouvons ainsi admettre que « le tourisme en montagne doit tenir compte, avec plus d’acuité encore, d’autres facteurs de changements : variations climatiques et environnementales, mobilité des investissements, évolution de l’exercice local de la gouvernance l’obligent à s’adapter avec rapidité dans un cadre incertain. » (Masure (P.), 2004, p.13). Et on comprend alors que les stations, face à ces enjeux, doivent non seulement trouver des solutions, mais surtout avec rapidité et dans un cadre évolutif confus. D’où l’intervention précoce de l’enneigement artificiel, afin de persister et d’essayer de donner aux clients ce pour quoi ils sont venus majoritairement, le ski.
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Cf. Annexe 1, p.100. Retranscription entretien avec Monsieur M., gérant d’une société immobilière de résidences secondaires en stations de ski des Alpes du Nord.
Mais la montagne n’a pas dit son dernier mot, et celle-ci « n’est plus l’apanage des seuls skieurs. Même si la France (Savoie Mont Blanc en tête) est encore la première destination touristique hivernale du monde, avec 57,9 millions de journées-skieurs. Entre réchauffement climatique et étalement des vacances scolaires, les stations de ski parient plus que jamais sur le hors et l’après-ski pour se diversifier. Et les activités de pleine nature, toujours plus variées, sont en forte augmentation. Avec pour objectif de séduire et fidéliser la clientèle, sportive ou pas. Et qu’elle vive une montagne d’expériences. » (Rey (P.), 2013, p.21). Progressivement, les stations des Alpes du Nord tentent de se diversifier et de ne plus miser sur le « tout ski » uniquement. Bien sûr, cela a pour but de « séduire et fidéliser la clientèle », afin d’avoir un engouement démultiplié. Le fait de s’ouvrir à d’autres horizons comme par exemple à d’autres saisons, permet une saisonnalité moins marquée, et un attrait prolongé sur tout le long de l’année. Ce qui conduisait autrefois la résidence secondaire, c’est-à-dire la saisonnalité, la périodicité etc, tend à disparaître. Suscitant éventuellement la réflexion sur une meilleure habitabilité de celle-ci, pour une utilisation pérenne. C’est en tout cas sur cela que misent de nombreuses grandes stations des Alpes du Nord comme par exemple les 2 Alpes, Villard-de-Lans, ou encore l’Alpe d’Huez, qui ne sont plus dans une optique 100 % ski. En ce sens, et dans cette nouvelle approche de « stations 4 saisons », vous avez également des « stations à 1000-1200m qui sont très agréables l’été et qui proposent énormément d’activités. Aussi bien pour les enfants que les plus grands, bien sûr c’est orienté très nature donc c’est de la rando, du VTT etc. Et puis ces stations village ont plus une vie presque à l’année pour la plupart des stations, c’est ce qui fait que ce type de villages devient de plus en plus attractif malgré une faible altitude, et qui présentera avec le futur, un déficit d’enneigement. » (Entretien n°1, Monsieur M.). Il est vrai que dans les fondements, « la pratique du ski, et accessoirement d’autres sports (luge, patinage, hockey, etc.), puis d’autres formes de glisse (le surf sur neige récemment) sont la motivation première. Mais celle-ci peut être associée à d’autres (promenade, sorties nocturnes, activités mondaines, etc.) qui deviennent même principales pour beaucoup des touristes qui fréquentent certaines stations de sports d’hiver. » (Merlin (P.), 2001, p.29). Cependant la pratique diversifiée et cette pluridisciplinarité qui est en train de se développer en stations leur permet d’« être toujours plus attractives et séduire la clientèle, française et étrangère, qui en redemande. » (Rey (P.), 2013, p.21). Comme nous pouvons l’apercevoir sur cette photographie (fig.4), l’installation d’activité telle que la luge d’été dans la station de l’Alpe d’ Huez, est un moyen pour revitaliser l’engouement envers les stations de ski, en toutes saisons.
(fig.4). Activité luge d’été sur les pistes de ski de l’Alpe d’Huez. © michel 2011 – 2012, TS-F2 Eclose. (Site Remontées).
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Dans ce modèle de stations, ou les clients et touristes cherchent à découvrir de nouveaux moyens attractifs pour aller en montagne, on observe une certaine transformation afin d’atteindre cet objectif. Et comme a pu le dire Alain Boulogne2, nous pouvons observer « des stations intégrées qui se désintègrent, alors que dans le même temps, on a des stations villages qui se structurent. Donc les fameuses séparations des première, deuxième, troisième et quatrième générations, à mon avis sont en train de se gommer. » (Boulogne (A.), 2004, p.172). Ce qui faisait au final la diversité de toutes les générations de stations de ski, est peut-être en train de laisser place à une concordance. Cette convergence, vers un attrait plus global envers les stations, est également due aux autres enjeux sociaux, environnementaux, spatiaux et économiques. En effet, cela suscite des réflexions quant à l’environnement. L’espace se fait de plus en plus rare et risque de subir un nombre considérable d’impacts. La fréquentation massive peut clairement amener à une destruction du territoire. L’enjeu spatial est alors une donnée plus qu’importante si on veut que les nombreux équipements et hébergements se développent de manière réfléchie. Dans ce sens, tous les enjeux cités, impactent forcément l’immobilier en stations et notamment la résidence secondaire, résultante de l’attraction. Les résidences secondaires ne sont plus adaptées et ne suivent pas le développement touristique des stations ; « beaucoup de ces bâtiments ont aujourd’hui entre 40 et 50 ans et ne répondent plus aux normes techniques. Leurs typologies ne sont plus adaptées aux besoins du tourisme et de la vie moderne. » (Hudry (M.), 2019, p.88). Cela induit donc également un nouvel enjeu, celui de l’immobilier, pour que celui-ci progresse avec la demande et les besoins, qui ambitionnent plus de confort et d’habitabilité. Il est pertinent de voir si cet enjeu immobilier est provoqué par le tourisme luimême ou bien par une forme de conséquence à celui-ci. En termes de conséquence au tourisme, et dans une suite logique, on retrouve par exemple la notion de « l’aprèstourisme » ou bien encore du « post-tourisme ». Ces termes définissent une « phase durant laquelle les stations et régions touristiques perdent leur activité touristique, soit par abandon définitif, soit par reconversion : résidentialité péri-urbaine ou secondaire, industrialisation, nouvelle activité de loisirs. » (Site Géoconfluences). C’est donc une phase qui découle du tourisme, qui peut induire différentes formes de développement et de « reconversion » notamment dans la résidence secondaire ou encore dans de « nouvelle activité de loisirs », comme nous l’avons vu pour les stations 4 saisons. Dans la réflexion de Philippe Bourdeau, le terme de « post-tourisme » désigne « le dépassement des cadres de pensée, de structuration et de pratique du tourisme à la fois du fait de l’évolution sociétale globale et de l’évolution sectorielle du champ récréatif. Il renvoie à une dynamique de décloisonnement de l’ici et de l’ailleurs, du temps ordinaire et du temps extraordinaire, de l’« habiter » et du « visiter » » (Site Géoconfluences). Ici, nous pouvons émettre une relation entre les termes de « l’habiter » et du « visiter » avec notre problématique. En transposant « habiter » pour la résidence principale et « visiter » pour la résidence secondaire, qui s’entremêlent potentiellement dans cette période « posttourisme ». Ainsi, nous pouvons commencer à émettre certaines hypothèses et scénarios pour les résidences secondaires en stations de ski. À partir de la réflexion de Philippe Bourdeau ainsi que du travail de mémoire de Martin Hudry, on peut voir que les possibilités sont multiples.
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Alain Boulogne, directeur adjoint, responsable Montagne à la mission d’ingénierie touristique de la Région Rhônes-Alpes et ancien maire des Gets (station de Haute-Savoie).
Un premier scénario serait une certaine diminution des flux touristiques, engendrée par les enjeux climatiques cités précédemment par exemple. Les stations de basse et de moyenne altitude se verront démunies et devront trouver une solution plus durable et plus saine que le « tout ski ». Dans ce cas-là, « les prix de l’immobilier risquent de chuter. Il faudra alors faire un état des lieux de ces résidences et se questionner sur l’intérêt de les conserver. Les logements les plus vétustes, situés loin des centres pourraient être détruits et on pourrait alors valoriser ceux qui présentent le plus d’intérêt en les requalifiant pour s’adapter aux nouveaux besoins. » (Hudry (M.), 2019, p.95). Dans le cas d’un autre scénario avec un tourisme 4 saisons, les résidences secondaires pourraient être maintenues mais « devront être rénovées et adaptées aux standards actuels. Une autre offre de logement et d’équipement pourrait être créée pour répondre aux attentes d’une clientèle recherchant une architecture de qualité, durable et basée sur des critères environnementaux élevés. » (ibid, p.97). Toujours dans cette optique d’attrait envers les stations de ski, le développement des résidences secondaires devra se faire en fonction du développement touristique, avec la venue de nouveaux besoins, etc. Si on prend un dernier scénario, celui d’une augmentation du nombre de résidents et de migrations pendulaires. Issues de l’enjeu climatique, les pendulaires, ou plutôt, les personnes qui seraient prêtes à fuir la ville pour renouer avec la nature pourraient induire une « augmentation des besoins de logements permanents, les résidences secondaires qui sont pour le moment inadaptées et en mauvais état pourraient être réhabilitées. […]. La réhabilitation devra passer par des transformations lourdes pour adapter les typologies et remettre les logements aux standards de la vie moderne et aux attentes de ces nouveaux résidents. » (ibid, p.96). Dans chacun de ces scénarios, qui sont issus des nouveaux enjeux des stations, la résidence secondaire voit son avenir changé et quelque peu transformé. Celle-ci tend ainsi vers une meilleure habitabilité, par le biais de transformations et réhabilitations, dans le but d’y habiter durablement. Nous y reviendrons plus tard dans ce mémoire, car c’est par cette entrée que l’habitabilité des résidences secondaires pourrait devenir grandissante. Nous l’avons vu, les nouveaux enjeux sont certainement induits par un engouement réel envers celles-ci. Le tourisme, ou bien les conséquences de celui-ci, possèdent ainsi leurs parts de responsabilité. Sachant que l’« on peut définir le tourisme comme la pratique du voyage d’agrément. » (Merlin (P.), 2001, p.19). Il sera essentiel de définir de quels agréments ou aménités parlent-on, afin de décrypter globalement cet engouement pour les stations de ski.
1.3. Migration d’agrément
Dans cette dernière partie, nous allons nous intéresser au phénomène de migration d’agrément. Phénomène qui nous permettra de comprendre davantage l’engouement vers les stations de ski et ce cadre si particulier qu’elles représentent. Cela permettra également de voir une certaine résultante pour la résidence, et plus particulièrement la résidence secondaire.
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Avant tout, il est important de bien comprendre ces deux termes. La migration est « le fait de changer de domicile pour une durée longue ou définitive. Elle est l’une des modalités de la mobilité. » (Site Géoconfluences). C’est-à-dire qu’elle induit un déplacement, d’un point A à un point B et que ce déplacement est relatif à l’habiter et au fait d’habiter. Pour ce qui est du mot « agrément », c’est en fait relatif à la notion de qualité et de charme, de quelque chose d’agréable. L’ensemble des deux termes tend à envisager un déplacement vers un lieu agréable, pour y habiter, ou du moins y résider pour une certaine période, définie ou non. Si l’on en revient à l’origine, « c’est Laurence A.G. Moss qui, en 1986, a introduit la notion d’« amenity-led migration » pour définir les migrations liées à une recherche résidentielle stratégique privilégiant l’agrément, en opposition à la notion de « productionled migration » qui, elle, est fondée sur des facteurs économiques. La définition qu’il en donne en 1986 traduit un phénomène de société contemporain, à savoir une migration due à un attrait de l’environnement naturel et/ou culturel (les aménités résidentielles) du lieu choisi par les migrants » (Site Érudit, Célia (F.)). Nous avons là une notion d’aménité, qui se définit comme être un « ensemble d’éléments contribuant à l’agrément d’un lieu pour ceux qui y vivent : climat, paysage, ambiance. » (Site Géoconfluences).Dans une visualisation d’échelle et hiérarchiquement, l’agrément serait défini par un ensemble d’aménité, tel que le « climat », le « paysage » ou encore l’ « ambiance ». En 2012, Laurence A.G. Moss « affine cette définition : [Les migrations d’agrément seraient un] mouvement vers ou adjacent aux lieux perçus comme ruraux et offrant un environnement naturel de meilleure qualité ». (Site Érudit, Célia (F.)). Il est donc possible de trouver une application de ces notions sur les territoires de montagnes et les stations de ski plus précisément. La montagne, nous le savons, est un paysage extraordinaire, doté de climat très varié et particulier, il peut y faire froid et y avoir un cadre enneigé sublime en pratiquant les nombreuses activités hivernales (ski, raquettes, luge etc.). Il peut également y faire chaud et avoir un cadre estival champêtre avec tout autant d’activités (randonnée, VTT etc.). La silhouette des montagnes qui s’imposent et vous dépassent, reflète une vision peu commune en milieu urbain. On revient à une notion énoncée précédemment et le fait que la montagne, et plus particulièrement les Alpes du Nord, possèdent une grande diversité de paysages. Si on parle d’ambiance, de ressenti etc, les arguments ne manquent pas. L’effet montagne, si agréable, repose et « les gens sont complètement détendus au bout de trois jours en montagne » (Entretien n°2, Monsieur B.)3. Bien sûr, la neige contribue à donner ce paysage et ce climat particulier, amenant une ambiance presque féerique. Cela n’est pas le seul élément et « la présence de la neige ne saurait suffire à promouvoir la nouvelle et récente vocation de cet espace dit naturel ; il faut lui associer le soleil, un autre élément omniprésent dans le temps et dans l’espace d’altitude. » (Gumuchian (H.), 1984, p.27). Le soleil, on peut le dire, fait converger les pensées, il nous fait ressentir cette sensation chaleureuse que les montagnes nous portent. Surtout lorsqu’on imagine et qu’on admet que « le côté refuge, chaleur, famille, sont vraiment les synonymes de la montagne » (Entretien n°2, Monsieur B.). Ainsi, il est facile de relier tout cela et considérer la montagne et les stations de ski comme un environnement dit « naturel de meilleure qualité ». Les aménités et l’agrément plus généralement, sont donc des notions complètement transposables aux territoires que représentent les montagnes et les stations de ski.
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Cf. Annexe 1, p.106. Retranscription entretien avec Monsieur B., co-fondateur et président d’une société leader d’agence immobilière de résidences secondaires en stations de ski des Alpes du Nord. Spécialisé dans la location de vacances en immobilier de montagne.
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Directeur adjoint de la FFCAM (Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne). Auteur et théoricien sur le tourisme, la montagne et la migration d’agrément.
Autre élément à prendre en compte, la notion de migration, en quoi ce terme peut-il s’appliquer aux territoires des stations de ski ? Comme évoqué dans les parties précédentes, le tourisme et les nouveaux enjeux des stations engendrent un certain questionnement quant à l’aspect résidentiel. Et même parfois des changements et des transformations, concernant l’avenir de la résidence secondaire en stations de ski. La migration d’agrément est un terme qui profite à l’engouement envers les stations de ski et on peut notamment citer Niels Martin4 qui nous dit que « d’autre part, du côté des facteurs de motivation, on pourra citer pêle-mêle le regain d’intérêt des régions de montagne en termes de cadre de vie, la volonté de pouvoir recevoir sa famille dans un lieu agréable, l’état de santé en amélioration grandissante à l’âge de la retraite qui permet d’envisager conjointement la pratique d’activistes sportives et la rudesse plus importante du climat. Enfin, on n’oubliera pas une motivation fondamentale, celle du « retour au pays » pour des personnes qui, ironie du sort, ont justement vécu l’époque de l’exode rural. En observant de plus près les trajectoires de vie des individus de notre corpus, on constate deux types de dynamiques : ceux qui ont « préparé » leur retraite, avec l’achat d’une résidence secondaire en montagne (ou qui la possédaient déjà dans le cas de retours au pays) qui basculera ensuite en résidence principale. Pour d’autres au contraire, l’arrêt de la vie active est l’occasion d’un changement de cap, avec changement d’une résidence pour une autre. Il va bien entendu de soi que la variété des situations dépend en grande partie de la catégorie socioprofessionnelle des individus ; on observera quoi qu’il en soit que, dans la totalité des cas, les personnes avaient « expérimenté » longuement le territoire par le biais de séjours successifs avant de prendre la décision de s’y installer, confortant ainsi notre approche d’un après-tourisme. » (Martin (N.), 2013, p.159-160). (fig.5). Ce discours montre l’attrait et la motivation envers les territoires de montagnes, et intègre la notion de migration d’agrément, implicitement. Tout en mêlant à cela la résidence secondaire comme démonstration de ce phénomène. C’est par la résidence secondaire que passe la migration d’agrément en montagne, et donc en station. La résidence secondaire permet d’y migrer et d’y habiter.
(fig.5). Illustration représentant la migration d’agrément et l’entre deux du « statut de touriste » à celui du « résident permanent ». © Chôlly créations 2012. Issu de la couverture du livre LES MIGRATIONS D’AGRÉMENT : DU TOURISME À L’HABITER (Bourdeau (P.), Daller (J-F.), Martin (N.), (dir.), 2012).
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Il est intéressant de voir que la résidence secondaire est au cœur de ce phénomène qu’est la migration d’agrément. Mais, n’oublions pas le rôle du tourisme dans tout ça. C’est également par la résidence secondaire que passe le tourisme, ou plutôt le tourisme résidentiel. Rappelons que la résidence secondaire et le tourisme sont étroitement liés. « Si le tourisme résidentiel implique des résidences de vacances ou secondaires, il arrive que celles-ci deviennent au fil des années le lieu de vie principal de leurs occupants, marquant ici un premier obstacle au concept, puisque ces derniers passent du statut de touriste ou migrant temporaire à celui de résident permanent. » (Site Érudit, Célia (F.)). Le passage de résidence secondaire à résidence principale peut passer par le passage du « statut de touriste » à celui de « résident permanent » (fig.5). Dans ce sens, lorsqu’on lie le tourisme et la migration d’agrément, on peut constater un certain nombre de personnes « qui décident de s’installer sur un lieu en fonction de leurs loisirs. C’est-à-dire que c’est un lieu en général qu’ils ont visité avant, sur lequel ils ont eu une pratique touristique. Ensuite, ils décident de franchir le pas et de décider d’habiter en permanence sur ce lieu. C’est pour cela qu’on dit du tourisme à l’habiter. Et ce phénomène a été nommé les migrations d’agréments. » (Martin (N.), 2013, 0min 36-1min 03). Dans un regard plus actuel, avec cette situation de crise sanitaire lié au Covid-19, nous pouvons nous rapprocher de Niels Martin lorsqu’il nous parle du fait que les migrations d’agrément remettent en cause les phénomènes plus traditionnels où « l’on choisirait son lieu de résidence par rapport à son lieu de travail et ou on se déplacerait vers son lieu de loisir : cette logique tend à se morceler, pour aller vers des stratégies résidentielles privilégiant l’agrément » (Martin (N.), 2013, p.8). Nous pouvons rapprocher ce que nous disait Niels en 2013 et ce qui se passe actuellement. Aujourd’hui, avec ce contexte de covid-19, la mise en place du télétravail nous contraint à travailler dans le lieu où l’on habite. En ce sens, il est vrai que le travail ne dicte plus notre résidence principale, mais au contraire nous rapproche de notre résidence secondaire. En clair, le télétravail nous incite plutôt à nous éloigner de notre résidence principale et à nous déplacer vers une potentielle résidence secondaire, située en stations de ski, relative aux agréments. C’est une migration d’agrément, et comme nous l’a dit Niels, le fait de privilégier l’agrément, permet cette migration. La migration d’agrément pourrait alors être accentuée par ce phénomène du covid-19 car le fait d’habiter dans le rural, en montagne ou bien en station de ski, pourrait être une « manière de s’extraire, au moins ponctuellement, du stress, de la vitesse et des contraintes de la quotidienneté » (Martin (N.), 2013, p.8). En concluant cette première sous-partie, nous avons pu mettre la main sur l’attrait des stations et les conséquences sur la résidence. Le tourisme à fait émerger le besoin de se loger occasionnellement dans un contexte saisonnier marqué. Cependant, avec les nouveaux enjeux des stations (environnementaux, climatiques etc.), la résidence secondaire tend à une utilisation plus pérenne. Dans ce sens, l’exemple de la migration d’agrément prouve qu’il y a un désir d’aller habiter en stations, et la résidence secondaire en est une des applications. L’habitabilité de celle-ci se verra donc forcément évolué et transformé en fonction de ces nouveaux besoins qui inspire une durabilité. Dans sa démonstration de l’engouement envers les espaces ruraux et la montagne, la migration d’agrément donne lieu à une réflexion nouvelle quant à celui-ci, qui est en quelque sorte requestionner avec ce contexte actuel du Covid-19.
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2. Un engouement requestionné par la crise du Covid-19 Comme nous avons pu le voir dans cette première sous partie, l’engouement envers les stations de ski est réel et les nouveaux enjeux qu’il représente sont plus que jamais d’actualité. Tout cela a également un impact sur les résidences secondaires qui risquent d’aller vers une meilleure habitabilité. Le phénomène de migration d’agrément en est un exemple parfait car il suscite l’envie d’y habiter. Il va être important de voir dans cette partie, en quoi la crise sanitaire du Covid-19 viens ré-actualiser ou plutôt requestionner cet engouement. En regardant également comment cela impactera la résidence secondaire en stations de ski en terme d’habiter.
2.1. La crise sanitaire du Covid-19; phénomène conjoncturel ou structurel Dans cette démarche, il faut avant tout comprendre les différents points de vue autour de cette crise sanitaire, afin de mieux en appréhender les possibles conséquences, notamment sur la résidence secondaire en stations de ski. La pandémie du Covid-19, qui a engendré cet état de crise sanitaire, a commencé en fin d’année 2019 et sévit toujours aujourd’hui, en ce début d’année 2021. Nous ne sommes pas là pour expliquer cette crise ou autre, mais plutôt pour comprendre ce qu’elle a induit dans notre quotidien et dans notre façon de penser et d’habiter. De manière très brève, cette crise nous touche tous, et nous sommes tous concernés. D’autant plus que c’est un phénomène totalement nouveau pour certains d’entre nous. Il y a eu plusieurs conséquences à cette pandémie qui nous ont marqué comme les différents confinements ou toutes autres contraintes auxquelles il a fallu s’adapter. À partir de ces choses-là, on peut déjà voir à l’heure actuelle un impact néfaste sur nous, êtres humains. En témoignent les nombreux effets psychologiques que procurent les confinements. En tout cas, c’est une crise qui affecte la France, et le monde entier plus généralement. Que ça soit économiquement, environnementalement, socialement, sanitairement ou encore physiquement. Par rapport à ces effets, la question divise et nous pouvons observer plusieurs points de vue, dont deux pensées très distinctes. Ce sujet, anime énormément, que ça soit des penseurs, des scientifiques, sociologues ou même dans une grande majorité, des personnes simplement touché par cette pandémie et cette crise.
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Cf. Annexe 1, p.111. Retranscription entretien avec Monsieur G., architecte situé dans la station de Morzine, spécialisé dans l’architecture de montagne.
Certains pensent que cette crise représente uniquement un phénomène conjoncturel. C’est-à-dire qu’elle se rapporte à une situation, à une actualité, liée à des circonstances, qui ne durent qu’un temps. En plus claire, c’est un phénomène conjoncturel s’il y a une occasion, découlant d’une conjoncture et d’une actualité, que l’on saisit. Une fois cette occasion disparue, nous revenons à autre chose. Pour vulgariser un peu cela, nous pourrions dire que cette pensée amène à une réflexion de passage, et qu’une fois la crise passée, elle ne laissera pas de trace structurelle, qui nous définit. Cette pensée, nous avons pu la retrouver notamment auprès d’un architecte enquêté, qui pense que cette crise sanitaire et son impact sont plutôt conjoncturel ; comme toutes les autres crises « les choses viennent et repartent » (Entretien n°3, Monsieur G.)5.
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Dans la pensée économique, on peut également trouver des points de vue conjoncturels sur cette crise qui « n’est pas structurelle comme en 1929 ou plus récemment en 2008 […]. On est dans un choc totalement exogène, avec une possibilité de rebond très fort et pas du tout dans un choc qui nécessite une restructuration de l’économie » (Site The Conversation). Ces propos proviennent de Christian Gollier6 qui a fait part à France Info de cette tendance plutôt conjoncturelle de la crise que nous vivons. Il définit même cela avec le terme « exogène » qui induit une sorte de différenciation extérieure. Par conséquent, qui ne pourrait pas venir perturber l’aspect « structurel » de notre société. Et ainsi que cette crise sanitaire ne nous induise « pas du tout dans un choc qui nécessite une restructuration ». D’autres pensent en revanche que cette crise est structurelle. Il y a de plus en plus de personnes, avec le recul actuel et en voyant comment évolue la situation, qui pensent que la crise et le covid sont de grands changements. Le point de vue structurel implique que ça soit quelque chose qui nous détermine, et qui fasse partie intégrante de notre futur. C’est plutôt relatif à un besoin que ça soit comme ça, et que cette crise impacte profondément les piliers et la structure dans laquelle nous sommes. Concernant cette crise sanitaire, nombreux sont les avis qui pensent que « l’après sera accompagné d’un changement structurel. » (Site Innovapresse, Marton (M.)). Mais il reste cependant « à définir ce que va structurellement changer cette crise » (Site Innovapresse, Marton (M.)). Nous pouvons admettre un réel engouement à s’exprimer à ce sujet. Chacun cherche à savoir si cette crise est plutôt conjoncturelle ou bien structurelle. Bien sûr, ces deux phénomènes n’ont pas le même impact sur les personnes. Mais on observe une véritable « bagarre » intellectuelle (chercheurs, penseurs, etc.) sur la question de ce statut que peut présenter la crise sanitaire. En ce sens, nous devons prendre parti pour prendre part à ce débat. C’est pourquoi nous adopterons la même direction que notre hypothèse de recherche, en disant que nous sommes ici dans une démarche d’une posture plutôt structurelle. C’est-à-dire que cette crise aura un impact quant à ce qui nous détermine. Il est ainsi concevable d’envisager un réel impact structurel sur la résidence secondaire en stations de ski, avec une habitabilité en pleine évolution. Dans ce qui pourrait « structurellement changer cette crise », nous pourrions exprimer le cas de la montagne comme refuge. Rappelons que la campagne, tout comme la montagne, reste « le refuge en cas d’épidémie. » (Sansot (P.), 1978, p.12). En effet, « on pourrait se réconforter en pensant que les peurs ne durent pas et que les aménagements qui y contribuent ne sont que provisoires. Mais il n’en n’est rien. Les peurs s’additionnent au lieu de se soustraire et les états d’urgence ne font pas que perdurer au-delà des événements qui les ont déclenchés : ils impriment sur le territoire une organisation indélébile. » (Landauer (P.), 2020, p.35). En plus d’une démarche structurelle, qui « imprime » quelque chose d’ « indélébile », Landauer nous parle de la peur, ou plutôt des peurs. Des peurs qui « s’additionnent » et qui ne font pas uniquement « perdurer au-delà des événements qui les ont déclenché », mais qui se forgent et qui s’ancrent. La crise sanitaire du Covid-19 instaure de nombreuses peurs. Que ça soit la peur de l’autre, la peur de la ville ou même la peur de mourir. En cela, les conséquences et les impacts de cette crise sanitaire, peuvent « perdurer » et s’ « imprimer » structurellement. Dans cette optique, nous pouvons essayer de faire le lien avec la migration d’agrément qui, nous l’avons vu, pourrait alors être accentuée par la crise sanitaire que nous vivons. Il se trouve « que les gens ont besoin de se retrouver. Je pense qu’il va y avoir un développement de l’été, car les gens découvrent la montagne, et aujourd’hui ils découvrent la montagne sans les remontées mécaniques. Et le retour est extrêmement positif, les gens sont ravis de leur séjour. Il y a d’autres activités que le ski, ils font pas mal de choses. On a eu beaucoup de monde cet été, parce que les frontières étaient plus ou moins ouvertes. Les français sont venu découvrir un petit peu la montagne pas trop loin de chez eux. On a eu un très bon retour, avec un très bel été et avec de belles conditions, les gens se sont aperçu qu’ils étaient bien. Donc je pense que sur le long terme on va tirer bénéfice de tout ça. » (Entretien n°2, Monsieur B.). 22
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Christian Gollier, économiste et directeur de l’Ecole d’économie de Toulouse.
Il y a donc là un réel engouement envers les stations de ski, « les gens se sont aperçus qu’ils y étaient bien », ils « ont besoin de se retrouver ». Avec une approche structurelle, le long terme se voit tirer des conséquences bénéfiques de la crise, qui pousse les personnes à aller se réfugier en stations. Si les personnes se sont rendu compte que le cadre montagnard pouvait être bénéfique, il se peut qu’ils décident d’y rester, amenant éventuellement le fait d’habiter principalement sa résidence secondaire. Aujourd’hui, cette crise est ancrée en nous et elle nous suit partout, elle dicte et structure nos mouvements, nos pensées, et même nos résidences. Nous allons le voir plus précisément dans cette prochaine partie, en établissant le lien avec l’engouement actuel. Dans le but de voir si cet attrait provoque une conséquence réelle sur les résidences secondaires en stations de ski.
2.2. Des résidences secondaires plus habitées ?
Comme nous l’avons évoqué, cette crise sanitaire pourrait avoir des conséquences structurelles. L’engouement plus général envers les stations de ski, et cette initiation au fait d’aller se ressourcer et se réfugier en montagne en cas de crise, permet d’établir un lien avec la résidence secondaire. En effet, l’attrait vers les lieux de montagnes et cette crise, qui pousse à sa réflexion perpétuelle, encourage les personnes à aller dans leur résidence secondaire en stations de ski. Dans cette sous-partie qui va clore notre première grande partie, nous verrons alors si de plus en plus de personnes sont allées habiter dans leurs résidences secondaires, en ces temps de crise sanitaire. Nous avons parlé précédemment du travail, et de l’importance qu’avait celui-ci dans son rapport à la résidence. Avec cette crise, on a vu l’apparition d’une nouvelle forme de travail : le télétravail. C’est-à-dire le travail que l’on effectue à distance, depuis sa résidence. Auparavant, lorsqu’on allait travailler, nous nous dirigions généralement vers un lieu dédié à cette activité. Maintenant, et le plus possible, l’instauration de cette nouvelle manière de travailler nous incite à rester chez nous. Nous l’avons vu, c’était souvent le travail qui nous amenait à choisir tel ou tel lieu de résidence, pour une question de proximité, tout à fait convenable. Il est maintenant intéressant de parler du fait que le travail puisse nous inciter à un déplacement entre résidence principale et résidence secondaire. Dans d’autres pays comme la Scandinavie, « certains chercheurs s’intéressent à la thématique depuis plusieurs années : dans les pays nordiques, la pratique de la résidence secondaire est à la fois ancienne et courante (expliquant l’existence de nombreuses études sur le sujet), d’où les « glissements » opérés avec la reconversion de la « deuxième maison » en résidence permanente. C’est ce que constatent des chercheurs comme T. Flognfeld en Norvège ou D. Muller en Suède : le premier étudie ce fameux renouvellement du rapport résidence principale / résidence secondaire, avec des profils intéressants tels que les « travailleurs du mardi-jeudi », qui se rendent au bureau en ville le mardi matin pour en revenir le jeudi soir, et travaillent à distance le reste du temps. » (Martin (N.), 2013, p.4647). L’auteur évoque les « travailleurs du mardi-jeudi », qui sont des personnes allant au travail dans un cadre plutôt urbain, dans leurs lieux d’activité professionnelle, du mardi au jeudi. Le reste du temps, ces mêmes personnes travaillent à distance. « Ce « doublebureau » peut par ailleurs se trouver tout aussi bien dans le rayon relativement raisonnable d’une ville voisine, mais aussi parfois distant de plusieurs centaines de kilomètres. » (ibid, p.139-140). Le « double-bureau » peut se trouver parfois beaucoup plus loin et « distant de plusieurs centaines de kilomètres ». Cela pourrait donc rentrer dans le cadre d’une résidence secondaire, dans notre cas, située en stations de ski. Tout cela pour montrer que le télétravail induit aussi le déplacement. Et que ce déplacement peut très bien amener à se diriger dans notre résidence secondaire en montagne. 23
Ce discours, nous le retrouvons avec le président de la République Mr Emmanuel Macron, lors d’une interview télévisée en octobre 2020 concernant la pandémie du Covid-19. En nous disant ouvertement que « quand on a une résidence secondaire tout à fait sympathique et qu’on télétravaille, c’est chouette. Quand on a un appartement, que les enfants sont à la maison, qu’on a la promiscuité, ça devient vite très lourd. » (Site Vie publique). Ce discours met en avant le cadre plus agréable d’un télétravail effectué dans une résidence secondaire. Il ne faut pas oublier les deux confinements qui ont eu lieu, période durant laquelle nous ne pouvions sortir de notre résidence que très rarement. Nous le verrons plus tard, les confinements ont eux même induit des déplacements vers des résidences secondaires. Cependant, si nous restons sur le travail, ce sont plutôt les conséquences des confinements qui ont ouvert les yeux de certains ; « à la sortie du confinement et de la crise sanitaire, on peut imaginer un besoin des actifs de s’éloigner des métropoles pour gagner en pouvoir d’achat immobilier et l’acceptation de consacrer plus de temps aux déplacements domicile-travail, à condition de le faire moins souvent » (Fanchon (N.), 2020, p.39). Il est ainsi admissible d’imaginer des personnes qui sont prêtes à « consacrer plus de temps aux déplacements domicile-travail », seulement s’ils le font « moins souvent ». Si nos résidences principales se situent souvent à proximité de nos lieux de travail. Nous pouvons admettre que nos résidences secondaires en stations de ski se situent quant à elles plus loin de tout cela. Par conséquent, ça ne dérangerait pas vraiment si nous devions effectuer des trajets entre nos lieux de travail et nos résidences secondaires en stations. En contrepartie, on peut faire ces déplacements moins souvent, en instaurant un télétravail le reste du temps. Il est donc facile d’imaginer que certaines résidences secondaires en stations de ski ont été plus habitées, rien qu’avec ce rapport au télétravail. Revenons maintenant aux confinements et sur les conséquences de ceux-ci sur le fait d’habiter sa résidence secondaire. Tout d’abord, les confinements nous ont fait prendre conscience que nos résidences principales n’étaient peut-être pas si adaptées à une vie quotidienne. Nous ne parlons pas de la vie quotidienne comme vie de tous les jours, mais plutôt de la vie quotidienne liée à un confinement. Nous restreignant alors à rester plus des trois-quarts de nos journées dans nos résidences, et ce, pendant une longue période. En ce sens, lorsqu’on a redonné la possibilité aux personnes de se mouvoir, on a pu observer que « le déconfinement n’a fait qu’exacerber la tension entre nomadisme et sédentarité. » (Landauer (P.), 2020, p.36). Les déconfinements ont donc été porteurs d’une réflexion plus accrue autour du fait de migrer et du fait de rester. La question de la migration est donc plus que jamais amplifiée par ces phénomènes. « Au mois de mars ils sont tous sortis de la ville pour se réfugier dans leur chalet et être à l’écart de toute la population. On se sent bien dans la nature et on peut se balader plus facilement, en ayant tout de suite un cadre super, plutôt qu’en centre-ville avec les fameux 1 km max de déplacement. Si vous n’avez pas de petit parc à côté..., c’est sympa mais 1 km vous pouvez juste marcher dans la rue. Alors que la en stations, à 1 km vous vous retrouvez en pleine nature. C’était effectivement un retour aux sources. » (Entretien n°4, Monsieur J.)7. Comme on nous le prouve ici, les restrictions vis-à-vis du déplacement ont été mieux vécues en stations de ski. De ce fait, il est normal de voir une migration vers ces stations, qui rendent les instants des confinements plus agréables, ou l’« on se sent bien », dans un cadre « super», permettant de « se balader plus facilement » et de se « retrouver en pleine nature ». Il est alors possible de parler de la migration d’agrément, dès lors, ou nous nous sommes rendu compte que notre cadre de vie urbain devenait lassant et morose, face à un cadre de vie montagnard, agréable et apaisant. En cela, le phénomène de déconfinement nous « offrirait dès lors l’occasion de révéler au grand jour certaines dispositions des territoires que l’on n’avait pas encore su identifier avec une telle évidence. » (Landauer (P.), 2020, p.35).
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Cf. Annexe 1, p.113. Retranscription entretien avec Monsieur J., occupant un bon poste dans le Groupe Atrium, promoteur, constructeur. Groupe immobilier stéphanois, avec un secteur montagne pour de la résidence secondaire en stations de ski.
Effectivement, nous nous rendons compte de la valeur des choses que lorsqu’on les a perdues et ces phénomènes de confinements suivis de déconfinements nous le prouvent. Pour nous, la possibilité de se mouvoir, d’aller se balader dans un espace calme et naturel, d’aller en montagne etc, étaient des choses acquises que nous ne faisions peut-être pas tout le temps. À présent, sachant que nous pouvons à tout moment les perdre une nouvelle fois, nous en profitons, et parfois même à outrance. En effet, il est aujourd’hui courant de quitter les villes pour rejoindre les campagnes ou les montagnes. Les villes sont devenues des lieux de propagation du virus, des lieux de peur, des lieux qui nous emprisonnent en tant de confinements. Parfois même sans aucun lien avec l’extérieur, même pas un balcon. Les rêveries sont alors « le plus souvent campagnardes » (ibid, p.35). Par exemple, l’été 2020 a été une saison forte pour les territoires situés en montagne ; « la montagne a été l’une des destinations gagnantes de la saison touristique estivale 2020. Exit les grandes villes et les mauvais souvenirs du confinement, place aux espaces ouverts et à une nature accueillante. » (Site Magnolia, Astrid Cousin). L’attrait envers la montagne a été très marqué en cette période de crise, et son statut de refuge n’a fait que se développer. Nous avons ainsi pu observer un engouement évident envers les stations de ski, lieux où se situent de nombreuses résidences secondaires. Le mouvement et la migration provoqués par la crise ont cependant été beaucoup discutés. Les avis sur les personnes se confinant à la montagne ont divisé ; « on a beaucoup critiqué ceux qui ont quitté les grandes villes à l’annonce du confinement. Ils en avaient pourtant le droit. Étudiants retournant dans leur familles, amis se regroupant, propriétaires de résidence secondaire choisissant le confinement à la campagne » (Viard (J.), 2020, p.36). Nous pouvons alors admettre qu’une certaine partie de la population s’est vu devenir de plus en plus « birésidente », et « il est à prévoir que la civilisation numérique dans laquelle nous venons brutalement de basculer va renforcer cette population bi-résidente. » (ibid, p.39). La « civilisation numérique » peut intégrer la notion de télétravail que l’on a déjà évoquée. Mais également toutes les tendances à préférer des moyens distanciels, et donc numériques, plutôt que des moyens présentiels, qui ne sont plus possibles en temps de crise sanitaire. Ceci va donc accentuer le phénomène de bi-résidentialité, sachant que « six à sept Français sur dix vivent dans une maison avec jardin. 10 ou 15 % ont une résidence secondaire – où environ un tiers s’est rendu » (ibid, p.43). De ce fait, les personnes possédant une résidence secondaire y sont allées, dans une certaine mesure bien sûr. D’une manière théorique et logique, nous devrions voir des résidences secondaires plus habitées que d’habitude. Les stations de ski offrent un cadre naturel que les personnes ont besoin de retrouver avec cette crise. Ainsi, les résidences secondaires qui s’y trouvent ont dû éprouver le même effet général. Mais alors qu’en est-il des faits ? « Selon Jean-Marc Silva, directeur de France Montagnes, les Français n’ont pas hésité cet été à réserver en dernière minute, voire dernière seconde, offrant à la montagne en période estivale un nouvel essor en raison des contraintes dues à la Covid-19. » (Site Magnolia, Astrid Cousin). Souvent pressé et dans un besoin qui devenait vital de se déplacer en montagne. Il y a eu énormément de réservations de « dernière minute », voire « dernière seconde », ce qui est tout à fait logique lorsque la situation actuelle nous amène à de nombreuses incertitudes quant au futur. Dans le doute d’un reconfinement ou autres « contraintes dues à la covid-19 », nous nous sommes mis à vivre au jour le jour. Profitant des instants présents qui peuvent être restreints à tout moment.
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C’est quelque chose que nous avons tous vécu, que nous vivons tous encore aujourd’hui, d’où l’approche un peu globale que nous prenons dans ce mémoire. L’engouement n’a pas été ciblé sur quelques stations de ski particulières, mais bien sur tout territoire semblable. Par exemple, l’Isère « a enregistré +15 % de fréquentation et tous massifs confondus, le taux d’occupation a atteint 80% malgré l’annulation de nombreux évènements qui a pesé sur certaines stations. » (Site Magnolia, Astrid Cousin). Il y a donc une fréquentation et un engouement en hausse, ainsi qu’une occupation tout de même pas négligeable. En témoigne également ce graphique (fig.6), qui concerne Cimalpes8 et qui reflète l’évolution de la demande adressée pour des transactions ou des locations saisonnières en stations de ski. Nous voyons clairement une hausse de 12 % en vente et une hausse de 139 % en location, pour des biens résidentiels en stations de ski, autrement dit des résidences secondaires. Cette hausse s’est manifestée à la suite du premier confinement et témoigne du regain de l’engouement envers les stations de ski et leurs résidences secondaires, en contexte de crise sanitaire.
(fig.6). Évolution de la demande adressée pour des transactions ou des locations saisonnières. © Cimalpes. (Cimalpes, 2020-2021).
Nous pouvons dire que si « le marché de la location s’en est bien sorti, celui de la transaction a lui aussi bénéficié d’un regain d’intérêt. Malgré le report des signatures authentiques pour cause de confinement, peu de ventes ont été annulées. À l’image des résidences secondaires partout en France, les biens proposés en montagne séduisent davantage d’acheteurs en quête d’un achat plaisir et d’un investissement immobilier, synonyme de valeur refuge. Cimalpes, leader de la vente de chalets et appartements haut de gamme dans les Alpes, a observé sur son réseau, entre le 15 mai et le 15 août, une hausse de plus de 60 % d’acheteurs potentiels par rapport à la même période en 2019. » (Site Magnolia, Astrid Cousin). Ce qui est intéressant, c’est que les résidences secondaires en montagnes « séduisent davantage d’acheteurs » qui cherchent un achat « plaisir » ainsi qu’un « investissement immobilier », qui sont « synonyme de valeur refuge ». Ces données laissent croire que certaines personnes se précipitent pour rejoindre une résidence secondaire en stations de ski. Lorsqu’on demande à Monsieur B. s’il a pu observer des personnes venues habiter en station de ski pendant les confinements, nous avons une réponse sans équivoque ; « on a vu des gens qu’on n’avait jamais vus. On est dans des petits villages donc on se connaît tous, et il y avait des gens qui sont venus se confiner ici. » (Entretien n°2, Monsieur B.). Celui-ci affirme qu’il leur est arrivé, à titre d’exemple, de « louer un chalet à Courchevel 1 mois au mois de Novembre alors que les remontées mécaniques ne sont pas encore ouvertes ».
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Cimalpes, leader dans le commerce de résidences secondaires haut de gamme dans les Alpes.
Et ce discours de professionnels, qui travaillent autour de la résidence secondaire en stations de ski, dans les Alpes du Nord, se retrouve et converge ; « par exemple, on a livré des appartements fin d’année. Il y avait une crainte de confinement qui était assez forte. Du coup les clients voulaient absolument occuper leurs appartements dès que c’était possible, notamment après les fêtes parce qu’il y avait cette crainte du confinement qui planait autour de la tête des Français. Ils voulaient absolument venir pour les fêtes de Noël et Nouvel An voir même plus. Donc là j’ai des clients, j’en ai plusieurs, 2 - 3, qui, depuis le 20 décembre sont dans leur appartement où chalet. Ils sont restés sur place. […] J’ai le cas de Lyonnais qui sont là depuis décembre et qui se projettent de rester là jusqu’à fin Avril, alors qu’ils ne le faisaient pas avant. » (Entretien n°1, Monsieur M.). C’est-à-dire qu’en plus du fait que les résidences secondaires en stations de ski soient plus habitées, c’est quelque chose de nouveau pour certains, car « ils ne le faisaient pas avant ». La crise sanitaire vient changer leurs habitudes et exacerber leurs engouements envers les stations de ski, qui se fait voir comme un nouveau lieu de protection. Nous reviendrons sur cet engouement qui amène les personnes à résider et à fréquenter leurs résidences secondaires différemment, dans notre seconde partie. Si nous allons au-delà du simple fait de venir habiter dans sa résidence secondaire en stations de ski pendant les confinements, on peut imaginer d’ « y vivre plus longtemps que la durée de simples vacances. » (Site Magnolia, Astrid Cousin). Et ainsi voir la montagne comme « une destination pour installer sa famille » (ibid, Astrid Cousin). Finalement, nous avons pu mettre en évidence que les résidences secondaires en stations de ski ont été plus habitées que d’habitude. Cela est directement lié à la crise sanitaire que nous vivons actuellement et à l’envie de se réfugier loin des villes. Instaurant même l’idée d’y habiter plus longtemps que prévu, voire en permanence.
Pour conclure avec cette première partie, la montagne, et plus particulièrement les stations de ski ont connu un engouement touristique généralement grandissant. Avec des nouveaux enjeux environnementaux, climatiques, sociaux, spatiaux et économiques qui vont changer leurs développements et qui vont tendre vers un attrait moins saisonnier, plus durable. Dans tout cela, la résidence secondaire se voit évoluer et aura tendance à s’adapter. Nous avons vu en quoi la migration d’agrément s’appliquait à ces territoires de montagnes et comment ceux-ci peuvent nous donner l’envie d’y migrer, afin d’habiter la résidence secondaire. Par-dessus, s’ajoute la crise sanitaire qui vient renouveler et exacerber cet engouement pour les stations de ski. Dans cette optique, la montagne et la station de ski ne feraient pas uniquement office de cadre de vie agréable permettant de s’éloigner de tous les maux de la ville. Mais bien d’un refuge en cas de crise, qui dans notre cas est sanitaire, et qui pousse à l’isolement, à la migration, dans ces territoires de montagnes. En effet, les résidences secondaires se retrouvent alors plus habitées, en subissant un attrait plus que réel, car aujourd’hui, on verrait « dans la résidence secondaire le refuge d’une société en crise. » (Dubost (F.), 1998, p.8). Cet attrait des stations de ski et des résidences secondaires suscitent des nouveaux besoins les concernant, notamment en termes d’habitabilité si celles-ci venaient à être habitées principalement et plus souvent. En suivant cette logique, on pourrait l’imaginer avoir une meilleure habitabilité, concurrençant les résidences principales situées en milieux urbains, davantage délaissé aujourd’hui. Maintenant que nous avons compris pourquoi on va en stations de ski et l’impact que ça peut avoir sur la résidence secondaire, il va être intéressant de comprendre comment on habite dans ces résidences afin d’en découvrir et d’en questionner l’habitabilité.
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II. Habitabilité, aller-retour entre résidence secondaire et principale Dans cette deuxième partie, nous allons nous intéresser à l’habitabilité des résidences secondaires en stations de ski. En essayant de comprendre ce qui est habitable plus généralement, nous verrons à travers des enquêtes vers quoi cette habitabilité tend en stations de ski et dans la résidence secondaire. Tout en cherchant également à la comparer à celle des résidences principales. Nous confronteront deux points de vue et discours, celui des professionnels qui opèrent dans ce secteur et celui des habitants, qui vivent leur résidence secondaires en stations de ski. Afin de mettre en avant une possible évolution du modèle de l’habiter par ce contexte du Covid-19. Il est important de commencer par explorer ce qui définit l’habitabilité plus généralement, avec une relation de l’homme et ce qui l’entoure.
1. L’habitabilité, l’homme et ce qui l’entoure Ici, nous allons chercher une première approche de ce qu’est l’habitabilité. En interrogeant quelques points de vue sur ce qui peut définir ce qui est habitable et sur ce que cela représente. Afin d’introduire progressivement cette notion à la résidence secondaire en stations de ski, tout le long de cette deuxième partie. Cette notion de ce qu’est l’habitabilité concerne avant tout un rapport entre deux éléments, c’est le rapport entre l’homme et ce qui l’entoure. Un logement sera donc habitable pour l’homme avant tout. Il le sera, car il y a ces deux éléments, qui se mettent en relation et qui induisent l’habitat. Dans ce sens, « l’habitabilité caractérise ce qui permet de répondre aux expressions personnelles de l’habiter. Elle se définit comme une relation entre l’homme et son espace, qui met en jeu des capacités et des pratiques humaines pour une part, des qualités spatiales d’autre part. Les premières conditionnent la formation de l’habitant, les secondes permettent la transformation de l’espace en habitat, qu’il s’agisse de la maison ou de la planète. » (Fourny (M-C.), Lajarge (R.), 2019, p.130). En nous parlant de cette « relation » entre « l’homme et son espace », les auteurs font émerger de ces deux éléments d’un côté des « capacités et des pratiques humaines » et de l’autre « des qualités spatiales ». Ce qui mettrait en relation une certaine attitude humaine, la pratique de vivre, confronté à ce qui les entoure spatialement. Nous pouvons lier cela avec la pensée de Chemetov, relaté par Lenne ; « il y a une praxis et une poesis de l’homme dans son rapport à la protection qu’on lui donne. » (Lenne (F.), 2019, p.54). L’activité, les pratiques de l’homme, et ce qu’elles induisent, une certaine création et transformation, sont liées avec la « protection qu’on lui donne ». Ici, la « protection qu’on lui donne » se réfère à son environnement, son espace, qui se voit alors transformer en habitat par le fait d’y vivre. En quelque sorte ; « le savoir habiter passe par le respect du savoir-vivre. » (Chaljub (B.), 2009, p.6). La notion de relation et de sensation est donc essentielle et l’on pourrait dire que « l’habitabilité est à l’espace ce que l’empathie est à la personne : une capacité à éprouver des situations et des émotions (Rifkin, 2011), à entrer en résonance avec un environnement (au sens large du terme) pour apporter une réponse appropriée au besoin d’habiter. » (Fourny (M-C.), Lajarge (R.), 2019, p.130). L’habitabilité pourrait se référer à « une capacité à éprouver des situations et des émotions », à « entrer en résonance avec un environnement » pour permettre d’ « apporter une réponse appropriée au besoin d’habiter ». En clair, la relation que l’on entretient avec son espace et son environnement, le fait d’être en symbiose avec, nous permet de définir une bonne réponse à l’habiter et une certaine habitabilité. 28
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Le code de la construction et de l’habitation implique des règles à respecter pour la construction, et tout ce qui est relatif à l’immobilier.
Ne pouvant uniquement se référer à cela, il a fallu réglementer et le définir plus physiquement pour mettre en pratique ces relations et sensations. En matière d’habitabilité, c’est là qu’intervient le code de la construction et de l’habitation9 (1954) qui « en a fixé les bornes, avec des normes de sécurité et d’équipement minimal des logements. Ces normes légales définissent l’habitabilité par ses limites, la réduisent en l’opposant à l’insalubrité et conduisent finalement à l’appréhender en creux par une double négation : le « noninhabitable ». Les approches en termes d’habitat ont élargi la grille de lecture en faisant intervenir des critères d’habitabilité tels que le nombre de pièces, la distribution, le degré d’équipement, l’orientation, l’ensoleillement, etc. » (ibid, p.131-132). Ce sont des normes légales qui cernent et qui « définissent l’habitabilité ». Avec une confrontation de l’habitabilité face à « l’insalubrité », souvent en prenant le contre-pied, c’est-à-dire en définissant ce qui est habitable par ce qui n’est pas inhabitable, « le non-inhabitable ». Accompagné de « critères d’habitabilité » physique et plus facilement applicables à l’architecture comme ils peuvent nous les énumérer ; « le nombre de pièces, la distribution, le degré d’équipement, l’orientation, l’ensoleillement, etc. ». Une liste que l’on pourrait aisément allonger en ajoutant par exemple ne serait-ce que l’accessibilité ou encore l’ouverture sur un extérieur, etc. Éléments qui peuvent être assimilés à du confort. Nous utiliserons ces critères physiques principalement lors de nos analyses architecturales afin de comparer l’habitabilité. Ces critères bien que physiques et pragmatiques sont constamment dans une optique de montrer comment la relation entre l’homme et ce qui l’entoure s’applique, et avec quelles données. Nous verrons plus tard avec nos enquêtes liées à différents acteurs dans notre sujet, comment ces critères se présentent en résidences secondaires dans les stations de ski pour en définir une habitabilité, sûrement grandissante. Ce code de la construction et de l’habitation est souvent agrémenté et mis à jour en fonction de notre société et de nos besoins. En effet, compte tenu des enjeux environnementaux actuels (qu’on retrouve en stations de ski), il est possible d’imaginer qu’un cadre de vie naturel tel que représente la montagne, peut être intégré en tant que composante de l’habitabilité. « Vecteur de la relation avec l’environnement en tant qu’ensemble de ressources matérielles et symboliques, l’habitabilité a également été réévaluée au prisme d’un nouveau rapport à la nature. Elle prend en compte la qualité du milieu naturel en tant que dimension concourant à la qualité de la vie, voire à minima à la survie. » (ibid, p.132). L’habitabilité peut donc se référer également au « rapport à la nature », en prenant en compte « la qualité du milieu naturel » induisant ainsi une certaine « qualité de la vie », voire même de la « survie ». Ce terme de survie peut entièrement coïncider avec le fait que la montagne est aujourd’hui vue comme un refuge. On s’y sent dans un environnement sain et habitable, car qualifié comme « milieu naturel » qui engendre une « qualité de la vie ». Cela pourrait s’appliquer et se répercuter sur l’habitat même, comme nous l’énonce Chaljub en relatant les pensées de Raymonde Laluque, René Gailhoustet et Jean Renaudie ; « chaque interaction entre l’être vivant et son environnement fait partie de l’existence, et si cette interaction entre l’être vivant et son environnement fait partie de l’existence, et si cette interaction est riche d’émotions et d’idées, pourquoi l’habitat ne l’exprimerait-il pas ? Pour eux, ce qui dépersonnalise est inacceptable et favorise le mal-vivre » (Chaljub (B.), 2009, p.6). On perçoit là, une nette intention de l’habitat d’exprimer la notion d’ « existence », issue de l’interaction entre l’homme et son environnement qui se trouve « riches d’émotions et d’idées ». À mettre en lien avec la pensée de Paquot ; « la ville habitable est une ville : « amicale avec la nature et le vivant et aimable avec l’humain » (Paquot,2005). » (Fourny (M-C.), Lajarge (R.), 2019, p.133). Ce qui amènerait à dire que ce qui est habitable est également « amicale avec la nature et le vivant et aimable avec l’humain ».
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Nous pourrions prendre la notion « aimable avec l’humain » et la voir également dans le fait que l’habitant, et plus généralement l’humain, est au cœur de ce qui est habitable ; « un élu est un habitant ! Donc, s’il se consulte déjà lui-même, il enrichit le projet et génère une architecture habitée, chargée de sens. » (Bouchain (P.), (dir.), 2013, p.6). Chacun est capable d’enrichir le projet, pour produire une « architecture habitée, chargée de sens », qui définirait quelque chose d’habitable. L’Atelier Kroll pose aussi la question de l’humain dans son architecture, en prenant l’exemple des maisons de retraite ; « faut-il vraiment faire des « maisons de retraite » ? Ne peut-on pas plutôt construire un lieu habitable par des personnes qui un jour deviendront âgées ? » (ibid, p.7). Ce point de vue s’intéresse plus à l’humain en terme général plutôt qu’à une catégorie, ici, une catégorie de personnes âgées. S’exprime le fait de faire « un lieu habitable par des personnes qui un jour deviendront âgées ». Dans cette optique où l’homme représente une composante pour faire un lieu habitable, nous pouvons prendre l’extrême et parler du mouvement moderne, où l’homme est au cœur des réflexions. Cela nous permet d’établir un lien avec la résidence secondaire en stations de ski. Beaucoup de stations se sont développées dans les temps modernes, dans les années 50-70. Notamment les stations intégrées, qui se développent avec une pensée moderniste et qui sont conçues « pour le bien-être d’un touriste standardisé : des petits appartements destinés seulement aux temps de sommeil » (Site Alti-Mag). Principalement dans ces stations, les résidences secondaires étaient abondantes, elles n’étaient pas pensées pour une habitation permanente. Les stations représentant alors de véritables lieux d’expérimentation. Nous pouvons prendre l’exemple de Flaine construit dans les années 1960 sur un site complètement vierge par Marcel Breuer. Notons les différents immeubles de logements secondaires comme « Le Flaine » (fig.7) ou encore « Le Bételgeuse » (fig.8), qui sont tous deux en béton et qui s’inscrivent dans le paysage rocheux de façon radicale. Ces architectures modernes étaient caractérisées de véritable « machine à habiter ». (Bouchain (P.), (dir.), 2013, p.8), en transposant un peu les termes aux architectures de Breuer bien évidemment.
(fig.7). Hotel le Flaine réalisé en 1969 par Marcel Breuer. © Getty Images/Passage. (Site L’Express).
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(fig.8). La résidence « Le Bételgeuse », étroitement associée à l’hôtel « Le Flaine ». © BAD. (Site Best Archi Design).
Si on se réfère à la pensée de Chemetov, celui-ci nous dit que : « ce que l’on reproche en définitive au côté casier de certains logements […] c’est l’appauvrissement des sentiments concernant l’espace, l’ornement et la polychromie. Il y manque tout ce qui stimule : les coins, les recoins, les caves, les greniers, ce qui fait le récit enfantin des maisons. » (Lenne (F.), 2019, p.53-54). Ce côté « casier » peut se retrouver dans les nombreuses résidences en stations de ski construites à partir du milieu du XXe, comme vue avec Marcel Breuer. On pourrait penser que serait plus habitable un logement avec « tout ce qui stimule », comme « les coins, les recoins, les caves, les greniers » etc. À mettre en relation avec les critères physiques de l’habitabilité que nous avons explorés au début. Également, nous savons que pour Gailhoustet ; « l’habitat n’est pas une machine à habiter : la saveur de la vie quotidienne, le secret qu’elle contient méritent mieux que cela. » (Chaljub (B.), 2009, p.6). Il faut admettre que pour la plupart, les résidences secondaires en stations de ski se sont construites avec des besoins d’époques, liés à la notion de tourisme et du « tout ski ». L’architecture évolue et se transforme en fonction des besoins, et ceux-ci tendent à changer ; « ainsi les Alpes, ou plutôt la montagne comme synecdoque de la terre, suscitent petit à petit une nouvelle façon d’interroger l’architecture et donc d’en penser le projet. » (Véry (F.), 2010, p.37). Et comme nous le dit Véry à propos des nouveaux habitants, ils « ne sont plus des citadins venus goûter les « joies de la montagne » ou du ski pour les loisirs, la montagne devient un territoire habitable par tous, ce qui change le programme de cet habitat – lieu de vie et parfois de travail » (ibid, p.36). Nous perçevons clairement la tendance de ce « territoire habitable par tous », qui vient changer les pensées, les besoins, les habitants et par conséquent l’habitabilité des résidences. En définitive, nous avons pu mettre en évidence ici que l’habitabilité pouvait se définir par des ressentis, des sensations, des émotions, un environnement, induisant une relation de l’homme et de ce qui l’entoure. Nous laissant imaginer une subtilité ; l’habitabilité peut être relative et dépend de chaque homme, de chaque environnement et habitat. Cette relation se caractérise par des critères plus pragmatiques et physiques qui s’appliquent aux habitats (taille, équipements, orientation, ouvertures, etc.). Tout cela nous servira de base comparative et permettra de questionner l’habitabilité des résidences pour la suite de cet écrit. Par l’exemple des stations intégrées, certains critères d’habitabilité n’induisent pas un confort optimal, afin d’y habiter principalement. Nous allons ainsi confronter cela avec des témoignages et des réalités d’usages. Dans le but d’éclaircir notre problématique sur le devenir de l’habitabilité des résidences secondaires en fonction de cette crise sanitaire. Avec ces différents points sur ce que peut représenter l’habitabilité, la relation qu’entretient l’homme avec son habitat et son environnement est primordiale pour définir cette notion. Nous allons ainsi nous attarder par la suite sur l’habitabilité du point de vue de certains acteurs primordiaux dans la résidence secondaire en stations de ski. En se basant sur eux, ce qu’ils ressentent, ce qu’ils vivent, ce qu’ils observent, ce qu’ils habitent. Nous commencerons par différents points de vue professionnels qui opèrent dans le secteur, pour en extraire des tendances architecturales actuelles, relatives à l’habitabilité et au confort.
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2. Points de vue et tendances architecturales Au travers des différents points abordés tout le long de cet écrit, nous avons remarqué que la résidence secondaire en station de ski tend à évoluer. Du fait des nombreux enjeux actuels qui gravitent autour de ces territoires de montagne, mais également par l’impact qu’a cette crise sanitaire. Aujourd’hui, ces résidences secondaires sont de plus en plus habitées et la demande et les besoins se voient donc réactualisés. Nous allons essayer de comprendre les tendances architecturales et les critères d’habitabilités actuelles à leurs égards. En se basant sur les enquêtes effectuées envers des professionnels qui côtoient ce type de résidence en stations. Tout d’abord, comme vu précédemment, il faut savoir que les résidences secondaires d’époques ont été construites dans un contexte complètement différent. C’est l’essor du tourisme de masse qui a en quelque sorte dicté ces résidences. Les faisant ressembler pour la plupart à des studios. Ce qui est plus marqué dans les stations intégrées, stations pensées uniquement comme résidences secondaires. L’immobilier des années 70 est différent de celui des années 2000, qui est également différent de celui actuel. Dans les années 70, « on appelait ça des cages à lapins, c’est-à-dire que c’était des studios voir même des studettes comme on les appelait. Ca faisait entre 13 et 18 mètres carrés c’était très rare d’avoir une chambre séparée et quand vous l’aviez c’était du grand luxe » (Entretien n°1, Monsieur M.)10. L’espace y était très restreint, un peu moins de 20 mètres carrés en moyenne, et le confort n’y était pas à son maximum. Cependant, ces logements ont été conçus dans un contexte particulier, avec des besoins différents d’aujourd’hui ; « les immeubles qui ont été dessinés il y a 50 ans ont été dessinés avec une notion du ski qui était bien différente de celle qu’on a maintenant. Ce qui était peut être aussi plus accessible il y a 50 ans, on a commencé avec des 17 mètres carrés, des 30 mètres carrés, des 45 mètres carrés. Les plus grands appartements qu’on avait dans les anciennes résidences faisaient 45 mètres carrés, avec un nombre de couchages très important. Vous aviez le coin montagne, vous aviez 2 à 3 lits superposés, on se servait d’un clic clac convertible dans le salon. » (Entretien n°2, Monsieur B.)11. L’objectif était de loger un maximum de personnes pour leur donner accès aux sports d’hiver, avec un minimum de confort, car l’activité du ski était bien plus importante que le reste. Dans les années 2000, « le marché a évolué forcément par rapport aux attentes des clients, donc ils voulaient un peu plus de confort mais pas non plus partir dans des surfaces un peu délirantes, forcément qui dit surface dit prix de vente élevé. Là on était plutôt sur des appartements avec une chambre 2 chambres, 3 chambres et un appartement avec deux chambres là on était sur des surfaces qui faisaient 50 mètres carrés par exemple pour vous donner un ordre d’idée. » (Entretien n°1, Monsieur M.). Nous voyons que peu à peu, la demande et les besoins évoluent, pour tendre vers plus de confort, vers des logements plus habitables, et non pas des logements uniquement destinée à aller skier. Mais globalement, comme à pu le dire Emilie Bonnivard, députée de Savoie ; « les attentes de la clientèle évoluent et elle ne veut plus de « cages à lapin » comme on en faisait dans les années 70. » (Site Montagnes Magazine). Pour illustrer un peu cela, nous pouvons prendre l’exemple de cette coupe de l’immeuble Le Miravidi aux Arcs 1800, en 1975 (fig.9). Qui représente bien l’idée d’une architecture constituée de pleins de petites cellules, les « cages à lapin ».
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Cf. Annexe 1, p.100. Retranscription entretien avec Monsieur M., gérant d’une société immobilière de résidences secondaires en stations de ski des Alpes du Nord.
11
Cf. Annexe 1, p.106. Retranscription entretien avec Monsieur B., co-fondateur et président d’une société leader d’agence immobilière de résidences secondaires en stations de ski des Alpes du Nord. Spécialisé dans la location de vacances en immobilier de montagne.
(fig.9). Coupe longitudinale de l’immeuble Le Miravidi à Arc 1800, 30 juin 1975. Archives départementales de la Savoie, fonds AAM. © Archives départementales de la Savoie. (Site OpenEdition).
Aujourd’hui, les mentalités et les besoins ont changé, « le ski est un sport haut de gamme et les gens demandent un peu plus de confort. Dans nos appartements, aujourd’hui les gens veulent plus dormir comme ça, il n’y a plus personne qui l’accepte. Donc le lit tirable du salon n’existe plus, le lit superposé aveugle, borgne dans le couloir non plus. Les gens veulent un petit peu plus de confort. » (Entretien n°2, Monsieur B.). Ce modèle d’époque est de moins en moins répandu en station de ski. Tout ce qui se construit en ce moment ne ressemble plus du tout à ce modèle d’habitation touristique. Nous pouvons notamment constater depuis quelques années « qu’il y a vraiment une demande importante sur des grands volumes que ça soit au niveau des appartements ou des chalets. Par exemple pour comparer, l’appartement de 2 chambres faisait 50 mètres carrés, maintenant on est plutôt autour de 70 mètres carrés. Tout ça pour rendre un peu plus habitable notamment la partie séjour, les chambres font entre 10 et 13 mètres carrés, les gens veulent forcément une grande terrasse, un grand balcon et une cuisine équipée, pas séparés mais une cuisine ouverte. » (Entretien n°1, Monsieur M.). Notons déjà quelques critères quant à l’habitabilité aujourd’hui en station de ski, notamment en termes de surface. Les personnes veulent une partie séjour plus grande, et les chambres ont tendance à faire « entre 10 et 13 mètres carrés », ce qui était auparavant pratiquement la taille d’un studio complet. Les terrasses et l’ouverture à l’extérieur font aussi partie des critères indispensables ; « les gens veulent forcément une grande terrasse, un grand balcon ». Cela nous rapproche donc des critères d’habitabilité que nous avons pu voir précédemment avec ce lien à l’environnement. Les équipements s’adaptent et sont mis au goût du jour. Il est maintenant indispensable d’avoir une « cuisine équipée ». Mais attention, toujours dans cette optique d’ouvrir l’espace et d’avoir un agencement moderne, les cuisines séparées ne sont plus d’actualité et les personnes préféreront « une cuisine ouverte ». L’importance du séjour se retrouve également dans les discours ; « aujourd’hui, l’habitabilité c’est la pièce principale. À la montagne on passe très peu de temps dans les chambres. On a une activité qui est le ski donc on se lève plutôt tôt, on va faire du ski, on revient, et on passe une journée tous ensemble le soir au coin de la cheminée ou dans la pièce principale. » (Entretien n°2, Monsieur B.). Nous voyons le critère des équipements revenir. Effectivement, plus un logement va être équipé, plus celui-ci aura de chance d’être plus habitable, car plus confortable. Particulièrement si on compare cela à ce qui se faisait auparavant ; « les cuisines équipées qu’on propose, ça n’a rien à voir avec les cuisines équipées d’il y a une dizaine voir quinzaine d’années. Après il y a tout ce qui est chauffage aussi, aujourd’hui on est sur les nouvelles normes thermiques et phoniques, et cela correspond parfaitement aux attentes des clients en termes d’habitabilité. » (Entretien n°1, Monsieur M.). Ici, on nous parle également des « nouvelles normes », qu’elles soient « thermiques » ou « phoniques », qui font qu’aujourd’hui, une résidence secondaire neuve sera forcément plus habitable par rapport à ces critères et qui « correspond parfaitement aux attentes des clients en termes d’habitabilité. ». 33
Les critères relatifs aux normes environnementales, thermiques, acoustiques etc., font partie du fameux code de la construction et de l’habitation. Lequel nous avons déjà évoqué, et qui met en pratique les critères d’habitabilité. Se mettre dans l’air du temps et s’adapter aux nouveaux enjeux des stations de ski, conditionnent la construction de la résidence secondaire en montagne ; « on aménage vraiment nos biens avec les nouvelles technologies, on essaye aussi de les adapter aux énergies renouvelables, à construire, […] mais à construire le plus vert possible. On a des matériaux maintenant qui nous le permettent, on a des lauzes sur les toits qui sont photovoltaïque pour que les bâtiments produisent leurs propres électricités. Donc, l’avenir il est là aussi, il faut faire quelque chose qui soit neutre le plus possible et aller de l’avant sur cette piste-là. » (Entretien n°2, Monsieur B.). Les enjeux environnementaux prennent une place importante dans ces nouvelles résidences et « il faut faire quelque chose qui soit neutre le plus possible », il faut « construire le plus vert possible ». Dans ce sens, les matériaux doivent également suivre, les principaux sont le bois ou encore la pierre ; « les gens veulent le côté montagne donc on va mettre de la pierre, du bois, à l’intérieur du logement, et ça fait partie des prestations qui sont très coûteuses. On va vraiment être sur l’ambiance du chalet et correspondre à l’harmonie soit de la montagne, suivant ou vous êtes, et ça coûte très cher. » (Entretien n°4, Monsieur J.)12. Le coût commence alors à être abordé et nous allons voir que cela pose certaines problématiques. Si on rapproche tout cela avec le contexte actuel, il y a bien évidemment des critères d’habitabilité de plus en plus exigeants. Les personnes veulent plus de confort, plus d’espaces, ainsi que plus d’accès à un extérieur, comme la mise en avant la crise sanitaire. En termes d’espace, il ne suffit pas d’agrandir naïvement, l’agencement est primordial pour faire un habitat et une résidence secondaire habitable principalement ; « tout dépend de l’agencement. On peut trouver un appartement qui fait 70 mètres carrés, parfaitement agencé et qui est très agréable à vivre. A contrario, vous prenez une vingtaine d’années, qui propose au départ 90 mètres carrés sur le papier, mais qui n’est pas très bien agencé et au final c’est moins habitable si on peut le comparer comme ça. Donc à mon avis c’est différent, forcément il y aura l’agencement qui va impacter l’habitabilité, la surface, les équipements etc. » (Entretien n°1, Monsieur M.). L’architecte que nous avons pu enquêter, Monsieur G.13, situé dans la station de Morzine, nous fait part également des critères d’habitabilité sur ces territoires, comme par exemple « les connexions, les espaces ouverts, les coins privés et intimes ou encore le jardin et les espaces extérieurs. ». Cependant, pour lui, ces critères sont similaires avec les résidences principales. Évidemment, avec la venue du télétravail, l’habitabilité tend à aller dans ce sens, les personnes « ont en tête le télétravail, c’est vraiment la nouvelle donnée. Pour les biens de grande taille, il nous est demandé à chaque fois d’avoir un bureau. Tout le monde travaille, même les gens qui viennent en vacance 1 semaine, 2 semaines demandent maintenant à avoir un coin bureau pour le télétravail. C’est quelque chose qui est entré dans les mœurs. » (Entretien n°2, Monsieur B.).
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Cf. Annexe 1, p.113. Retranscription entretien avec Monsieur J., occupant un bon poste dans le Groupe Atrium, promoteur, constructeur. Groupe immobilier stéphanois, avec un secteur montagne pour de la résidence secondaire en stations de ski.
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Cf. Annexe 1, p.111. Retranscription entretien avec Monsieur G., architecte situé dans la station de Morzine, spécialisé dans l’architecture de montagne.
Cet effet de la crise est plutôt général et intègre aussi bien la résidence secondaire en station que la résidence principale en ville ; « il y a quand même en effet des mentalités et à mon avis l’effet covid on le retrouve plus sur de la résidence principale. Là ce n’est pas notre secteur mais quand on échange avec des professionnels l’objectif aujourd’hui des personnes c’est souvent si ce n’est pas une maison c’est un appartement avec des terrasses et des balcons de grandes dimensions pour profiter de l’extérieur en prévision d’un possible reconfinement. » (Entretien n°1, Monsieur M.). Les personnes ont peur, elles ont besoin de confort et cela se ressent dans la résidence secondaire, qui fait office de refuge dans le contexte actuel. Ces résidences évoluent et s’adaptent avec la crise. Nous pouvons observer des demandes plus accrues pour des espaces de bureaux, des grandes terrasses, des grands séjours etc. Des composantes qui n’étaient pas nécessaires dans les résidences secondaires d’époques, mais qui le deviennent aujourd’hui. Faisant tendre une meilleure habitabilité dans l’objectif d’y habiter plus longtemps. Nous pouvons prendre l’exemple de la station intégrée des Arcs 1800 dans les années 70-80 (fig.10), qui n’avait pas pour objectif et pour besoins, de construire des résidences secondaires avec tous les critères évoqués à l’instant.
(fig.10). Évolution et typologies d’appartements secondaires, Arc 1800, 1969-1985. AAM architectes et Charlotte Perriand. © MG Galerie. (Site MG Galerie).
Nous l’avons déjà légèrement évoqué, l’un des gros problèmes en ce moment en ce qui concerne la résidence secondaire neuve en station de ski, c’est qu’il y a « une tendance, qui est générale, même si particulièrement en montagne, c’est qu’on se tourne de plus en plus vers le luxe. On ne va pas faire aujourd’hui une résidence 3 étoiles, ça n’existe plus dans le neuf. On va au minimum 4 étoiles mais au mieux 5 étoiles. Puisqu’on attire une clientèle de plus en plus aisée, il faut répondre à cette demande. Donc les prix vont avoir tendance à augmenter, vu qu’il va y avoir plus de qualité, plus de coût de construction etc. Donc oui s’il y a un changement, c’est que malheureusement pour la classe moyenne, c’est que l’écart va se creuser de plus en plus. » (Entretien n°4, Monsieur J). Notamment, lorsqu’on évoque les surfaces et le prix au mètre carré en stations de ski.
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Nous savons qu’en montagne, construire, acheter, louer, coûte extrêmement cher et « l’écart va se creuser de plus en plus » puisque c’est ce qui marche au final. « Les clients recherchent l’altitude, il faut être le plus haut possible. En dessous de 1800 mètres les prix vont voler. En général c’est ça, hormis quelques exceptions comme Megève ou ce n’est pas forcément très haut en altitude mais il y a une renommée etc. Mais sinon, comme à La Plagne, en dessous de 1800 mètres d’altitude, les prix tombent largement, de 2 000 à 3 000 euros du mètre carré en moins. Après, ce qui est très demandé, ce sont les pieds de piste, et enfin ce sont les prestations intérieures » (Entretien n°4, Monsieur J.). Ce phénomène est aussi lié à l’altitude car « les prix tombent, de 2 000 à 3 000 euros du mètre carré en moins », lorsqu’on se situe « en dessous de 1800 mètres d’altitude ». Si on parle de surface, forcément elles « ont évolué, après c’est une question de budget aussi il faut qu’on reste en phase aussi c’est-à-dire que beaucoup de gens voudraient grand, mais après c’est le budget qui va limiter, s’ils peuvent ou ne peuvent pas acheter. » (Entretien n°1, Monsieur M.). Nous perçevons ici que la demande cherche de plus en plus d’habitabilité. Cependant, le problème en station de ski, ce sont les prix, et acheter une résidence secondaire actuellement ne serait permis que par des personnes ayant des moyens convenables. Un autre problème s’est répandu en station. À présent, dans n’importe quelles stations de ski dans les Alpes du Nord, nous retrouvons pratiquement les mêmes architectures, les mêmes types de résidences ; « tous les chalets que l’on voit dans toutes les stations de ski de Haute-Savoie par exemple, se ressemblent. Tout est faux, rien n’est traditionnel et pourtant, les touristes regardent les chalets comme s’ils l’étaient. Finalement, même l’habitant local s’y perd » (Entretien n°3, Monsieur G.). Le tourisme de masse et la clientèle aisée amènent des besoins, presque superficiels, qui enlèvent l’authenticité du village de base. Monsieur G., dénonce également une chose qui lui tient énormément à cœur. Ayant grandi à Morzine, il ne reconnaît plus le Morzine d’il y a 20-30 ans. Ce qui montre que la résidence secondaire a énormément évolué, à défaut peut être des cultures constructives locales et de l’authenticité de la station. Pour conclure avec cette sous-partie. Nous avons mis en évidence que les besoins en termes d’habitabilité évoluent et se transforment. En effet, il y a une réelle demande quant au confort, à la grandeur des espaces, à l’agencement, à l’équipement, à la relation à l’environnement (soleil, terrasse, balcons, ouvertures…) etc. Ces besoins sont différents de ceux de l’époque, quand les stations ont commencé à émerger, et ne cessent d’évoluer vers quelque chose de plus en plus habitable. La crise sanitaire du Covid-19 ne fait qu’accentuer cette demande et cette habitabilité grandissante. Ce qui peut également ressortir du point de vue professionnel, est le fait que les stations de ski deviennent des territoires prisés, destinés à une clientèle plus aisée. Amenant l’immobilier et la résidence secondaire à suivre ce même chemin. Il y a ainsi des nouvelles problématiques, la résidence secondaire neuve tend de plus en plus à être dans le haut de gamme, malheureusement pour la classe moyenne. Finalement, la résidence secondaire pourrait petit à petit rejoindre une habitabilité similaire que la résidence principale, afin d’y habiter principalement. Maintenant que nous avons vu cette vision architecturale et cette tendance de l’habitabilité à être plus qualitative. Notamment grâce aux enquêtes effectuées envers des professionnels qui côtoient ce type de résidence en stations. Nous pouvons croiser ce regard avec celui des habitants de résidences secondaires en station de ski.
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3. Un discours d’habitant sur de l’habité
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Cf. Annexe 2, p.118. Questionnaire destiné aux possesseurs de résidences secondaires en stations de ski des Alpes du Nord. 59 réponses obtenues.
Afin de recueillir un discours d’habitant sur de l’habité, nous allons aller aux plus près des personnes qui possèdent une résidence secondaire en station de ski, dans les Alpes du Nord. Pour ce faire, nous baserons notre écrit sur un questionnaire14 destiné à ces personnes. Celui-ci a été distribué sur plusieurs réseaux relatifs aux stations de ski, à ces habitants, aux saisonniers etc, afin d’avoir un nombre suffisant de réponses. La distribution s’est également répandue par le bouche à oreille avec des connaissances qui sont aussi originaires de ces territoires. Contexte de crise sanitaire oblige, et ce n’est pas faute d’avoir pourtant essayé, le questionnaire s’est déroulé numériquement, malgré une envie et quelques tentatives d’obtenir des réponses plus directement sur le terrain. La grande majorité des questions étaient de type ouvert, laissant libre rédaction, seulement quelques-unes étaient de type fermé. Ce questionnaire n’avais pas pour but d’être quantitatif et avait pour objectif de comprendre comment la crise sanitaire avait impacté ces habitants dans leur rapport à leurs résidences secondaires. Mais également de comprendre plus généralement ce qu’ils en pensaient, en émettant un rapport à leur résidence principale, ainsi qu’en leur faisant des exercices permettant de se projeter. Nous avons donc pour cette partie divisée cette approche d’habitant sur 4 sous-parties, reflétant les thématiques du questionnaire. Dans ces différentes sous parties, nous retiendrons les tendances des réponses et citerons quelques exemples de celles-ci, qui sont bien sûr anonymes, et qui seront désignés par un numéro. Ce questionnaire a obtenu environ 60 réponses, bien que ce ne soit pas très quantitatif, ces réponses suffiront à avoir une approche quant à l’habitabilité de la résidence secondaire en station de ski. Cela permettra d’avoir une première vision de l’habitant sur de l’habité et d’imaginer que ces réponses peuvent tout de même représenter un avis partagé, plus global.
3.1. La résidence secondaire, l’envie d’un cadre de vie différent
En premier lieu, l’une des premières questions relatives à leurs résidences secondaires concernait la raison d’y aller. Presque sans surprise, comme nous pouvions l’attendre et comme nous l’avions déjà vu précédemment, c’est majoritairement dans le but d’y passer un court séjour à l’occasion des vacances, des week-ends, etc. Notons également l’importance des résidences secondaires dans le but de passer du temps avec la famille ou encore les amis. Le plus souvent en période hivernale pour le ski, mais les autres saisons sont tout de même présentes avec des activités estivales comme le golf ou encore la randonnée. Compte tenu des nouveaux enjeux climatiques, ces réponses se dirigeront sûrement de plus en plus vers ces activités estivales. Il faut retenir que la résidence secondaire est avant tout là pour passer du bon temps, avec des proches, dans un cadre particulier qui « représente aussi les vacances, quelque part on vend du rêve, c’est des souvenirs en famille et aujourd’hui je pense que la plupart des clients souhaitent aussi retrouver ça. Ce qu’ils ont un peu perdu, notamment depuis mars passé, amplifié par le phénomène covid. » (Entretien n°1, Monsieur M.).
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En ce qui concerne ce qu’ils recherchent lorsqu’ils vont dans leurs résidences secondaires en station de ski, là aussi, les réponses peuvent être mises en lien avec le contexte actuel. Ce qui domine reste la recherche d’activités physiques ou sportives liées au cadre montagnard. Comme énoncé à l’instant, les sports d’hiver, mais également les sports qui se pratiquent hors saison hivernale. Il faut dire que les résidences secondaires en station de ski proposent de plus en plus d’activités, et tendent à se diriger vers le « 4 saisons » pour toucher le plus grand nombre de personnes ; « il y a d’autres activités que le ski, ils font pas mal de choses. » (Entretien n°2, Monsieur B.). Ces loisirs et activités sont vraiment à portée de main pour les consommateurs et habitants. Un des autres aspects qui ressort énormément est le cadre de vie paisible qui y règne. Les territoires de montagnes et les stations de ski représentent avant tout un moyen de se reposer, dans des lieux paisibles qui permettent une sérénité. Les mots qui ressortent beaucoup dans ces réponses sont « le calme », « le repos » ou encore « le bien-être ». Succinctement, les résidences secondaires permettent de se retrouver dans un cadre agréable, où l’on s’y sent bien et en sécurité, loin des maux de la ville. Cela peut être vu comme une sorte d’échappatoire, lorsqu’on va dans notre résidence secondaire en station, on sait qu’on ne va pas être stressé par tout le « brouhaha » de la ville. Un cadre de vie exceptionnel qui se rapproche de celui des vacances comme la plupart ont pu le dire précédemment. Ce cadre de vie calme, reposant, différent, est fortement lié aux sensations de dépaysement que les montagnes procurent ; « le repos, le calme, et le dépaysement » (Réponse n°53). Cette notion de dépaysement est beaucoup ressortie. La résidence secondaire en station de ski apporte un véritable changement d’air, un rythme différent et amène les habitants à se vider la tête, en reprenant les termes des réponses. En allant dans leurs résidences secondaires, il y a une réelle déconnexion, également liée au cadre naturel. La nature, les paysages, les climats sont des éléments importants pour eux, et nous le ressentons dans leurs réponses ; « un autre paysage, un autre climat, un autre rythme quotidien » (Réponse n°43). Effectivement, nous remarquons davantage que les personnes qui vont dans leurs résidences secondaires en station de ski « ont soif de grand air » (Entretien n°2, Olivier BUILLY). Ce qu’on peut retenir des différentes raisons de se rendre dans sa résidence secondaire et ce qu’on y recherche, serait donc un cadre de vie différent. Ils y vont pour passer des moments en famille ou avec des amis, pour les week-ends et les vacances principalement. Les personnes recherchent un dépaysement, ils veulent se libérer l’esprit dans un cadre naturel agréable avec des paysages à couper le souffle. Assurément, les activités physiques et sportives sont à l’honneur dans ces territoires, ce sont des sports (ski, luge, VTT, randonnée, etc.) qu’on ne retrouve nulle part ailleurs et qui sont directement liés à la morphologie et aux climats des montagnes. Un cadre de vie différent, qui incite à une fréquentation évolutive dans un contexte de crise sanitaire.
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3.2. L’évolution de la fréquentation en temps de crise sanitaire
Après avoir permis de comprendre pourquoi les habitants allaient dans leurs résidences secondaires en station de ski. Ce questionnaire va dans un deuxième temps nous apporter une idée quant à l’évolution de leur fréquentation en ces lieux, dans un contexte de crise sanitaire. Nous avions auparavant observé que les résidences secondaires, et un peu plus spécifiquement celles situées en station de ski, étaient plus habitées. Un engouement qui était bien évidemment exacerbé par la crise sanitaire. Maintenant, il va être pertinent de voir si les possesseurs de résidence secondaire en station qui ont été interrogés ont eu une fréquentation différente. Cette partie de l’enquête, en lien direct avec les personnes concernées, va pouvoir vérifier et argumenté cette notion des résidences secondaires de plus en plus habitées. La première question pour cette thématique liée à la fréquentation de la résidence secondaire en temps de crise sanitaire et de confinement était la suivante ; « Selon vous et ce que vous avez pu observer, les confinements ont-ils encouragé les personnes à se réfugier dans des résidences secondaires ? Expliquez pourquoi. ». Pour la grande majorité des réponses, et de loin, celles-ci étaient positives. Bien sûr, ces réponses ne reflètent pas toujours ce qu’ils ont pu faire, mais également des pensées et des observations. Les personnes sont donc plutôt d’accord avec le fait qu’il y est un engouement plus prononcé envers les stations de ski et les résidences secondaires, pendant cette crise et plus précisément pendant les confinements. Les réponses positives ont toujours un lien avec les réponses précédentes quant à l’envi d’un cadre de vie différent, naturel, etc. Certains habitants nous donnent même des exemples de personnes de leurs entourages qui ont expérimenté cela ; « j’ai des connaissances qui se sont rendus là-bas à l’annonce du confinement, pour pouvoir profiter du grand air, et ne pas se retrouver enfermer dans un petit appartement en ville par exemple. Beaucoup de gens y ont vu comme une occasion pour y passer plus de temps et se couper un peu de la vie urbaine. » (Réponse n°13). D’autres réponses peuvent témoigner de cet attrait particulier en ce moment ; « Oulala oui, les volets habituellement fermés toute l’année étaient pour la plupart ouverts » (Réponse n°41). La crise sanitaire a donné l’opportunité de se déplacer dans sa résidence secondaire, notamment le fait de pouvoir faire du télétravail, dans un cadre plus paisible ; « Oui - plus d’espace, jardin, tranquille pour faire du travail à distance » (Réponse n°36). De plus, nous avons pu observer, malgré un avis sur la question, beaucoup d’habitants qui n’ont pas pu mettre en pratique leurs pensées, leurs envies ou leur « rêve » ; « je vivais dans un appartement de 100 mètres carrés et je rêvais de la montagne » (Réponse n°21). Induisant ainsi quelques réponses plutôt négatives, liées à des expériences personnelles ; « ce n’était pas mon cas. L’appartement de Val d’Isère étant plus petit que notre logement à Grenoble, on se voyait mal aller m’enfermer avec nos 2 enfants sans pouvoir même profiter de la montagne. » (Réponse n°44). Nous voyons ici une première contrainte liée à la taille de la résidence secondaire, l’appartement étant « plus petit que notre logement à Grenoble », il y a un début de comparaison avec la résidence principale.
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Dans la majorité des réponses négatives, la négation était induite par les contraintes même du confinement, qui interdisait les déplacements et donc potentiellement de rejoindre sa résidence secondaire en station de ski. Une autre grosse partie des réponses négatives relatait un lien avec la résidence principale. Comme si les résidences secondaires n’étaient pas toujours adaptées pour cela, en fonction du travail, de la place, des enfants ; « pas forcément car tout dépend de l’âge des enfants et des activités des parents. Également cela dépend de la résidence principale (appartement ou maison avec jardin). Les personnes en appartement et pouvant travailler en télétravail ont tendance à partir dans la résidence secondaire. » (Réponse n°2). Il est très intéressant de voir que parfois l’habitabilité de la résidence secondaire ou encore le statut des personnes concernés ne permettent pas d’aller dans la leurs résidences secondaires et d’y rester plus longtemps que prévu ; « les appartements en montagne sont souvent trop petits. Nous avons une maison en montagne, mais sommes restés confinés dans notre maison principale. » (Réponse n°47). Suite à cela, nous allons nous pencher sur une autre question, qui cherche à savoir si avec ce contexte actuel et les confinements, leur fréquentation dans leurs résidences secondaires en station de ski a évolué ? Malgré qu’à la question précédente, une grande majorité de personnes pensaient que oui la crise actuelle allait encourager à se réfugier dans leurs résidences secondaires. Nous pouvons admettre que dans les faits, c’est un peu mitigé. Ce sont 43 réponses sur 59 (environ 80%) qui émettaient un changement de fréquentation dans leurs lieux secondaires. Dans ces réponses, nous retrouvons pratiquement la moitié qui se sont dirigées vers une réponse positive, induisant un changement de fréquentation souvent plus élevé qu’à leurs habitudes ; « avant nous venions uniquement pour les congés scolaires, depuis le confinement nous avons passé 6 mois dans notre résidence secondaire. » (Réponse n°51). Certains ont même décidé de passer un niveau supérieur en achetant plus grand ; « nous sommes venus 2 fois plus qu’avant et nous avons décidé d’investir dans un chalet individuel de 230 m2. » (Réponse n°52). Dans l’autre moitié des réponses exprimant un changement de fréquentation, nous retrouvons des personnes qui sont allées moins souvent dans leurs résidences secondaires en station de ski ; « fréquentation en baisse, les déplacements n’étant pas autorisés. » (Réponse n°26). Cette fréquentation en baisse est souvent due aux restrictions gouvernementales ; « pour ma part, elle a plutôt diminué, les occasions pour se regrouper sont devenues plus rare, et la localisation de ma résidence ne permet pas forcément un approvisionnement en nourriture pratique sur le long terme, étant donné que la durée des confinements n’est souvent pas connue à l’avance. » (Réponse n°13). L’autre partie des réponses, soit les 16 restantes (environ 20%), ont été de dire que la fréquentation dans la résidence secondaire n’avait pas évolué. Elle est restée identique à celle d’avant la crise sanitaire ; « pas plus ou moins qu’avant; ça n’a pas changé mes habitudes. » (Réponse n°43).
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La question suivante était une question de type fermé ; « Êtes-vous allé «vivre» dans votre résidence secondaire pendant les différents confinements ? ». Évidemment, cela ne représente pas forcément une généralité. Cependant, nous voyons tout de même dans le diagramme (fig.11) représentant les résultats, que 46 personnes sur 59 (soit 78%) n’y sont pas allées. A contrario, les 13 personnes restantes (soit 22%) sont allées habiter dans leurs résidences secondaires en stations pendant les confinements. Nous pouvons ainsi déduire qu’une grande majorité de personnes n’est pas allée vivre dans sa résidence secondaire en station de ski lors des différents confinements. Seulement une minorité des personnes sont allées y vivre pendant ces périodes. Ce résultat peut paraître minime, mais montre tout de même que plusieurs personnes ont passé le cap et se sont réfugiées dans leurs résidences secondaires en stations de ski. Ces résultats témoignent simplement du fait que certaines personnes y sont allées pour y résider durant une période plus longue qu’à leur habitude, dans un contexte particulier. Avec seulement 59 réponses au questionnaire, ces résultats peuvent encore fluctuer et ne sont que très peu représentatifs de l’ensemble de la population pouvant être concerné par ce sondage. Retenons néanmoins que pour les réponses positives, cela induit sûrement une habitabilité de leurs résidences secondaires plus adaptées que leurs résidences principales.
Non 46 personnes
Oui 13 personnes
(fig.11). Diagramme des réponses à la question ; Êtes-vous allez «vivre» dans votre résidence secondaire pendant les différents confinements ? Réalisé à partir du questionnaire d’enquête effectué. (Cf. Annexe 2, p.118).
Pour finir avec ce thème qu’est l’évolution de la fréquentation des résidences secondaires en stations de ski. Une dernière question a été posée aux personnes ayant une résidence de ce type, leur demandant s’ils pourraient y résider à l’année. Cette question, plus générale, nous permettra de nous rendre compte si l’engouement et le fait d’habiter sa résidence secondaire pourrait tendre vers quelque chose de plus durable et pérenne. Un peu moins de la moitié, soit 20 personnes (environ 35%) se prétendent prêts à résider à l’année dans leurs résidences secondaires en stations de ski. Pour des raisons évidentes que nous avons déjà énormément évoquées tout le long de cet écrit, comme le cadre naturel, le dépaysement ou encore le confort, qui y est parfois similaire à celui de la résidence principale ; « Oui car nous avons acheté une belle surface à vivre avec toutes les commodités que l’on pourrait retrouver chez soi. » (Réponse n°51). Dans cette catégorie, une part des personnes pourrait y résider à l’année grâce au fait que leurs résidences soient assez confortables et adaptées pour le faire. L’autre moitié des personnes prêtent à le faire, font ressortir l’environnement calme, paisible, naturel ; « oui car l’environnement me plaît et je m’y sens bien. » (Réponse n°12). Donc en ce qui concerne les 20 personnes qui se prétendent prêts à résider à l’année dans leurs résidences secondaires, les raisons sont toutes dues à la bonne habitabilité du logement (taille suffisante, confort, etc.) ou bien au cadre environnemental qui l’accompagne (tranquillité, nature, etc.).
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Pour ce qui est du reste des réponses, ce sont donc 39 personnes (environ 65%) qui ne se prétendent pas prêtes à résider à l’année dans leurs résidences secondaires en stations de ski. Certes, nous pourrions dire de suite dire que dans la majorité des cas, les personnes ayant une résidence de ce type ne sont pas prêtes à y habiter. Cependant, il faut comprendre pourquoi, là est tout l’intérêt des questions ouvertes. Lorsque nous regardons de plus près, on distingue dans cette partie de réponses deux points de vue distincts. Le premier, qui représente environ 2/3 des réponses, correspond à des contraintes de rattachement à la ville. Des contraintes de statut familial avec les enfants scolarisé par exemple, de travail de par la distance, de station qui n’est pas assez active hors saisons, etc. Ces critères ne sont pas du tout liés à l’habitabilité de leur logement secondaire. Les contraintes professionnelles sont assez présentes ; « non, pas possible professionnellement et pas envisageable pour la scolarité de nos enfants. » (Réponse n°14). Cependant, nous pouvons dire que ces raisons sont potentiellement changeables. Au vu de ce qu’on a pu voir dans les parties précédentes qui, reflètent une tendance au télétravail grandissante et de nouveaux enjeux qui permettront d’attirer une clientèle plus fidèle. Ramenant ainsi plus de vie et de durabilité dans les stations de ski des Alpes du Nord. À l’inverse, pour ce qui est de l’autre point de vue, seulement 1/3 des réponses négatives se traduisent par un manque d’habitabilité de leurs résidences secondaires. C’est-à-dire par un manque de confort, un besoin de rénovation ou encore plus majoritairement un manque de place, car souvent trop petit ; « non. Nous sommes 4 et l’appartement serait trop petit pour y vivre en permanence. » (Réponse n°24). Pour cette dernière question relative à l’évolution de la fréquentation des résidences secondaires en stations de ski. Qui cherchait à savoir si les personnes concernées pourraient y résider à l’année, on peut remarquer un découpage avec 20 personnes disant oui et 39 disant non. Malgré cela, nous avons pu observer que l’habitabilité, bien qu’un critère principal et valide dans les réponses positives, ne représente qu’une minorité dans les réponses négatives. Induisant un caractère plus important, en ce qui concerne une bonne habitabilité des résidences secondaires permettant d’y habiter. Et un caractère modeste, en ce qui concerne une mauvaise habitabilité ne permettant pas d’y résider à l’année. Afin de conclure, nous avons pu voir que pour la majorité de personnes interrogées, les confinements et la crise sanitaire ont permis un véritable engouement envers les résidences secondaires en stations de ski. Nous avons également pu observer que leur fréquentation réelle à pour la plupart changé avec ce contexte actuel, mais que ce changement de fréquentation a été presque autant agrandi qu’amoindri. Avec 13 personnes interrogées ayant résidé dans leurs résidences secondaires pendant les temps de confinements. Nous pouvons retenir qu’une partie des personnes concernés ont passé le cap, et ont osé aller habiter la montagne le temps d’un instant, plus long que d’habitude. En allant plus loin et en interrogeant la possibilité d’y résider sur une durée plus longue, à l’année. Nous avons vu que l’habitabilité n’était pas la plus grosse des contraintes. En effet, sur les 20 personnes ayant émient une réponse positive, la majorité expliquait que le confort et l’habitabilité le permettait. Sur les 39 personnes ayant émis une réponse négative, seulement une minorité relevait d’un manque d’habitabilité. Le problème résultait plutôt d’un manque de possibilité lié au travail, aux enfants, et à d’autres contraintes non rapportées à l’habitat même. Notons tout de même que certaines de ces contraintes sont potentiellement en train de changer avec le développement du télétravail, les nouveaux enjeux des stations de ski, et la crise sanitaire du Covid-19. La comparaison avec la résidence principale a été fréquemment soulevée concernant cette thématique du questionnaire d’enquête. Nous allons nous y intéresser davantage afin de dégager les principales différences et problèmes des deux types de résidences.
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3.3. Deux résidences qui se jalousent
Nous avons déjà eu l’occasion de parler brièvement du rapport entre les résidences secondaires en stations de ski et les résidences principales, situées en milieu urbain. Notamment dans la partie enquêtant sur les points de vue et tendances architecturales. Mais également dans cette même partie concernant les habitants et personnes possédant une résidence secondaire en station de ski. Dans cette sous-partie, nous allons donc croiser les avis entre ces deux points de vue en allant piocher dans les deux enquêtes différentes, pour comprendre le rapport principale/secondaire en matière d’habitabilité et d’architecture. Commençons par le point de vue des professionnels que nous connaissons déjà brièvement. Lorsque nous avons demandé à Monsieur B. si les résidences secondaires qu’ils côtoyaient en stations de ski, ressemblaient à des résidences principales, celui-ci nous a répondu que « non elles ne se ressemblent pas, parce que dans une résidence principale on a besoin de beaucoup de rangement, on a besoin d’un vrai office pour la cuisine, on a besoin la plupart du temps peut être d’une cuisine séparée. A la montagne on y séjourne qu’une semaine ou deux donc les mètres carrés ne nous le permettent pas. Comme un bateau, chaque mètre carré doit être pensé. On a beaucoup moins d’espace que ce qui se fait en ville ou dans une maison principale. Donc on n’a pas les rangements, la grosse différence ça va être les rangements, les stockages. On vient ici avec uniquement ses affaires d’hiver, uniquement ses affaires pour la semaine donc tout ce qui est dressing, placards, ne permettent pas d’accueillir les biens qu’on a dans la vie de tous les jours dans notre résidence principale. » (Entretien n°2, Monsieur B.). Ici, nous comprenons le sens de sa pensée, qui est très pragmatique. Pour lui, à la base, les deux types de résidence « ne se ressemblent pas », notamment parce que dans une résidence secondaire en stations « on a beaucoup moins d’espace que ce qui se fait en ville ou dans une maison principale ». Avec moins de place, il est difficile d’imaginer que tous les rangements comme « tout ce qui est dressing, placards » puissent permettre « d’accueillir les biens qu’on a dans la vie de tous les jours dans notre résidence principale. ». Cet avis est plutôt général sur les résidences secondaires en stations de ski, souvent synonymes de « passage » et qui n’ont pas toujours été pensées pour de plus longs séjours. Certaines résidences, comme nous avons pu le voir, ne sont pas optimisées pour y vivre à l’année et « vivre à l’année comme ça, ça serait vraiment compliqué. » (Entretien n°2, Monsieur B.). A l’inverse, dans des résidences secondaires plus actuelles il serait tout à fait possible d’imaginer y habiter plus longtemps ; « dans les nouveaux projets que nous commercialisons, de plus en plus on nous demande de rajouter des celliers, des dressings beaucoup plus grands et les gens envisagent d’y séjourner plus longtemps, ça c’est pour les appartements. Pour ce qui est des chalets individuels, ça ne pose aucun problème. Dans les chalets vous pouvez y vivre à l’année sans aucun problème. » (Entretien n°2, Monsieur B.). Cependant, ce type de biens est plus cher, car souvent neuf et haut de gamme.
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Le rapport entre résidences secondaires et principales se joue également en fonction « d’où viennent les personnes, si vous prenez des personnes qui sont habituées à vivre en appartement par exemple dans des régions comme Paris ou autres. Il est vrai que ces personnes-là ont plus d’habilité à vivre dans des appartements avec des surfaces un peu plus restreintes, notamment en station. Par contre si vous prenez des gens qui vivent à la campagne dans des maisons qui font 300 mètres carrés avec 5000 mètres carrés de terrains. Quand vous leur parlez d’appartements qui font 70 mètres carrés, qui correspondent à un budget d’investissement, ils auront peut-être un peu plus de mal à se projeter pour vivre dedans » (Entretien n°1, Monsieur M.). Nous comprenons parfaitement que suivant notre résidence principale, le rapport à notre résidence secondaire sera complètement différent. Monsieur M. prend en exemple deux cas radicalement opposés avec d’un côté « des personnes qui sont habituées à vivre en appartement par exemple dans des régions comme Paris » et de l’autre côté « des gens qui vivent à la campagne dans des maisons qui font 300 mètres carrés avec 5000 mètres carrés de terrains ». Il est logique que leur rapport avec des résidences secondaires « qui font 70 mètres carrés » qui sont quand même relativement cher et qui représentent « un budget d’investissement » soit complètement différent. Les Parisiens, qui seront plus habitués à vivre dans des espaces restreints pourront davantage se « projeter pour vivre dedans » que des personnes habitués à vivre dans des maisons avec jardins. En ce sens, et essentiellement dans une optique de taille, les chambres dans les résidences secondaires, sont plutôt limitées, « alors que dans une habitation principale, il me semble qu’avoir une chambre un petit peu confortable est important, ou on a des enfants qui vont avoir un espace de bureau pour les devoirs, qui vont avoir un espace de jeux. On va avoir des tailles de chambre qui vont être plus petites à la montagne que dans la maison principale. C’est pareil pour l’espace buanderie, rapidement, on va mettre une machine à laver dans la cuisine ou dans un placard parce qu’elle sert de dépannage. Quelque chose qui ne fonctionnerait pas à l’année. » (Entretien n°2, Monsieur B.). L’interviewé met l’accent sur un aspect important qu’est la place de la chambre dans un habitat. Dans une résidence principale, « avoir une chambre un petit peu confortable est important », car nous ne faisons pas qu’y dormir. La chambre est une pièce de l’habitat qui permet aux enfants et même aux plus grands, d’avoir « un espace de bureau pour les devoirs » ou encore « un espace de jeux » par exemple. Généralement, en montagne et en résidences secondaires, « on va avoir des tailles de chambre qui vont être plus petites », à comparer de celles en résidences principales. Ce besoin différent se ressent également pour l’espace buanderie par exemple, que l’on va se servir essentiellement pour un « dépannage » en résidences secondaires. Ce qui ne « fonctionnerait pas à l’année » ou dans une résidence principale. Encore une fois, ces pensées sont plutôt générales et ne reflètent pas l’ensemble des résidences secondaires en stations de ski, notamment avec le développement des résidences actuelles, qui n’ont rien à envier aux résidences principales. Maintenant, nous allons nous focaliser sur le discours de l’habitant sur de l’habité, en essayant de lier cela avec les discours professionnels que nous avons pu voir tout le long de cet écrit. La question posée aux possesseurs de résidences secondaires en stations de ski cherche à savoir ce que cette résidence secondaire à de différents avec leur résidence principale, en y ajoutant leurs atouts et inconvénients. Sans surprise, la taille et la surface habitable sont un des critères qui revient le plus souvent. Pour la majorité, leurs résidences secondaires sont plus petites que leur résidence principale ; « ma résidence secondaire est un petit appartement de 3 pièces à la montagne alors que ma résidence principale est une maison de 500m2 avec jardin » (Réponse n°54). Nous pouvons ici faire le lien avec ce que nous disait Monsieur M. concernant le cadre de vie principale des personnes. Avec une maison de 500 mètres carré avec jardin, il est difficile de rivaliser lorsque notre résidence secondaire ne possède que 3 pièces. Malgré un cadre naturel en montagne, qui est un des atouts principaux, certaines réponses disaient que leurs résidences secondaires manquent vivement d’espace extérieur, contrairement à leurs résidences principales ; « Principale = maison avec jardin. Secondaire = studio sans extérieur. Tout est dit ... » (Réponse n°1).
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Malheureusement, beaucoup d’anciennes résidences secondaires n’ont pas le privilège d’avoir une terrasse convenable. Ce qui aujourd’hui ne sera plus envisageable, au vu de la demande et des besoins actuels qui placent la terrasse comme élément essentiel dans une résidence secondaire neuve. Cet espace permet d’apprécier pleinement les agréments de la montagne. Une autre tendance dans les réponses est le fait que la résidence principale se situe à proximité de tout et que la vie ne ralentit pas lorsque les saisons changent. La résidence secondaire, suivant la station dans laquelle elle se situe, aura un cadre de vie complètement différent en haute saison qu’en basse saison. Aujourd’hui et malgré les efforts pour y remédier, les saisons dictent encore beaucoup le rythme des stations de ski et on remarque de nombreux manques ; « résidence secondaire, atouts : proche de la nature, accès au piste de ski à pied, ville très jolie, très bonne ambiance, l’intérieur de la résidence secondaire est très montagnard (tout en bois = beaucoup de charme), l’été les randonnées sont aussi accessibles à pieds. Inconvénients : à 45 minutes de mes amis, moins de commerces à proximité. Résidence principale atouts : proche de tout (commerces, docteurs, amis, famille). Inconvénients : l’endroit n’a pas de charme, obligé de prendre la voiture pour aller skier ou marcher. » (Réponse n°11). Effectivement, la résidence principale est le plus souvent « proche de tout » car située en milieu urbain contrairement aux résidences secondaires ou la proximité avec toutes les commodités d’une ville (les commerces, les transports en communs etc) peut être limitée. Rappelons tout de même que dans la majorité des réponses, les personnes favorisent le cadre de vie calme, naturel, dépaysant et paysagé de la résidence secondaire ; « Elle est perdu en plein milieu de la montagne. Du coup elle a beaucoup plus de calme ce qui est idéale pour se ressourcer. Dans la résidence principale on est trop connectés, pas de repos. » (Réponse n°52). Ce qui est quelque chose de très peu, voir pas présent, dans les discours relatifs à la résidence principale ; « Résidence secondaire est à plain pieds, avec petit jardin et vue extraordinaire! Par contre à deux km du village, voiture obligatoire. Résidence principale au milieu d’un village, pas d’extérieur, pas de vue, appartement à l’étage ! Mais très sympa et confortable. Mais commerces d’alimentation, banque, restaurants et médecins à deux pas ! Un vrai plus. » (Réponse n°53). Pour quelques-unes des personnes, et c’est tout à fait compréhensible, il est difficile de comparer les deux types de résidence. Puisque l’utilisation y est différente et chacune d’entre elles a ses propres particularités. Cela peut être mis en relation avec le point de vue de l’architecte Monsieur G., qui trouve que malgré les différences notables, et dans un sens un peu plus général ; « la résidence secondaire et la résidence principale restent des maisons toutes les deux. » (Entretien n°3, Monsieur G.). Pour lui, actuellement, il ne ferait même plus de différence entre les deux tellement que les besoins peuvent être similaires, au final, tout le monde cherche du confort, un lien avec l’extérieur, etc. En guise de résumé de cette sous-partie, nous pouvons admettre qu’entre les deux résidences, les besoins sont différents. Ces différences de besoins se ressentent notamment en termes d’habitabilité. Certaines des résidences secondaires sont inadaptées pour y vivre à l’année. En effet, celles-ci n’étaient prévues que pour de courtes périodes. Notons quand même que d’autres types de résidences secondaires, les plus récentes, permettent potentiellement d’y habiter principalement. Cependant, au-delà de la différence en termes de taille, de rangements, d’environnement, de cadre de vie, de proximité, d’ouverture vers l’extérieur et de tout ce qu’on a pu mettre en avant ici, il est difficile de dire que l’une est mieux que l’autre. Les deux résidences se jalousent et disposent d’atouts et d’inconvénients que l’autre résidence n’a pas.
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3.4. Transformer pour mieux habiter ?
La crise sanitaire ayant déclenché des envies de nouveauté et de changements, il est important de pouvoir se projeter dans sa résidence secondaire si celle-ci venait à se transformer en résidence principale. Les contraintes liées aux différents confinements nous ont permis de nous rendre compte que certaines choses n’allaient pas dans nos résidences principales. Ce pourquoi les résidences secondaires ont fait énormément parler durant cette crise. Dans la recherche d’une échappatoire, d’un environnement plus adapté, dans une période et un contexte compliqué, et « à force de rester chez eux, les Français perçoivent mieux ce qui leur manque au quotidien, et dessinent les contours de leur habitat idéal. Ouvertures vers l’extérieur et la nature, localisation, plus d’espaces communs et privés : une chose est sûre, les futurs propriétaires envisageront différemment leur achat immobilier » (Bokobza (O.), 2020, p.39). En dessinant « leur habitat idéal », avec des critères dû à la situation actuelle, les « futurs propriétaires envisageront différemment leur achat immobilier ». Mais en ce qui concerne les personnes déjà propriétaires de biens immobiliers, qu’en est-il ? Doivent-ils revendre et acheter différent ? Rénover ? Transformer ? Dans ce contexte de crise sanitaire, Viard15 penche plutôt pour une transformation ; « en France, on recense 3 millions de résidences secondaires. Certains citadins vont les transformer en résidence principale et garder un petit pied-à-terre à Paris, à Lyon ou à Marseille. » (Viard (J.), 2020, p.105). Ce sociologue nous émet l’idée quant à une transformation éventuelle des résidences secondaires en résidences principales, tout en gardant « un petit pied-à-terre à Paris, Lyon ou à Marseille. ». Paradoxalement, cela amènerait une certaine inversion sur le statut secondaire ou principal. Pour ce qui est des résidences secondaires en stations de ski, et au vu des prix de l’immobilier qui ne cessent d’augmenter, grands nombres de personnes préféreraient se cantonner à transformer ou encore réhabiliter leurs résidences. Dans cette dernière sous-partie consacrée au discours de l’habitant sur de l’habité, nous avons donné une sorte de petit exercice aux personnes qui ont répondu à ce questionnaire d’enquête. L’exercice consistait à voir plus loin et à imaginer une situation dans laquelle les résidences secondaires devraient se transformer en résidences principales. La question était alors la suivante : « Imaginez que vous ayez carte blanche pour effectuer des travaux dans votre résidence secondaire afin de la transformer en résidence principale et qu’elle soit plus habitable. Que feriez-vous et pourquoi ? ». Une grande partie des réponses à cette question prend en compte ce qu’on a déjà pu énoncer précédemment avec une volonté d’agrandir l’espace, de rendre sa résidence secondaire plus grande ; « un agrandissement et plus de rangements » (Réponse n°7). Nous voyons ici le lien avec la problématique des rangements que Monsieur B. nous avait livré. Dans cette optique, on observe également des tendances pour se tourner davantage vers l’extérieur ; « j’ajouterais un jardin pour créer un espace extérieur » (Réponse n°44). La taille des logements ainsi que des balcons ou terrasses, parfois pas du tout présents, nécessitent des fois juste un agrandissement. Ce sont des éléments qui n’étaient que très peu développés dans les résidences secondaires des années 70. Un agrandissement des résidences secondaires est souvent synonyme de meilleure habitabilité pour la plupart des personnes. En effet, le fait d’agrandir permet de se retrouver avec de la famille ou encore des amis et créer du lien social ; « toute la maison devra être rénovée. Nous ferions des grandes pièces à vivre et plusieurs chambres confortables pour pouvoir y recevoir des amis et la famille. » (Réponse n°46). Dans ces différents cas de transformation, les résidences nécessitent de gros travaux ou bien des aménagements. Par exemple dans le but de relier deux résidences pour en faire une plus grande, ou encore de détruire des murs comme certaines réponses le prétendaient. 46
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Jean Viard est une sociologue, éditeur et homme politique Français.
Une autre partie de réponse se focalise plutôt sur de plus petits travaux. Comme par exemple un aménagement différent, un mobilier plus moderne et actuel, ou bien une nouvelle isolation ; « dans mon cas, il s’agirait simplement de rénovation au niveau de la décoration, de l’aménagement intérieur et isolation, car cette résidence est un peu vétuste mais bien plus grande que ma résidence principale. » (Réponse n°13). Puisque la plupart des résidences sont plutôt anciennes, une remise à niveau thermique et/ou acoustique serait primordiale pour y vivre sur une période longue ; « je referais l’isolation et je moderniserais l’intérieur tout en gardant le côté chalet pour la convivialité » (Réponse n°12). Dans un autre degré de transformation, certaines personnes pensent qu’il n’est même pas nécessaire d’en faire, et tendent plutôt vers de la non-transformation. Soit parce qu’il est « difficiles de faire de grosses transformations sur 25 m2 pour en faire une résidence principale » (Réponse n°24). Ou alors parce que la résidence secondaire est très bien comme elle est, et est suffisamment habitable sur le long terme ; « rien, elle est suffisamment bien aménagée à notre goût pour pouvoir y vivre en permanence » (Réponse n°18). Dans les deux cas observés, il n’y aurait aucune transformation à faire, car les résidences secondaires se situent en quelques sortes dans les extrêmes. Soit l’habitabilité est trop mauvaise pour se transformer, soit elle est très bonne et ne demande pas de transformation. Aussi, nous avons pu voir quelques-unes des réponses, une minorité, relatant d’une transformation déjà effectuée récemment, pendant les confinements. D’autres ont pour projet de le faire bientôt ; « on a pour projet de le faire mais avec ce covid cela va prendre trop de temps » (Réponse n°32). Ceci permet tout de même de mettre en évidence les bienfaits de la crise sanitaire. Celle-ci amène du renouveau, des nouvelles choses se font, dans le but d’avoir une habitabilité comparable à la résidence principale. Pour en finir avec cette grande sous-partie, focalisée sur les discours d’habitants sur de l’habité. Nous avons pu mieux comprendre les quelques tendances que ce questionnaire a permis de récolter. Pour ce qui est de l’envie et de l’engouement pour les résidences secondaires, c’est le cadre de vie différent mêlant activités sportives, nature et calme qui attirent. Cette recherche de cadre de vie particulier est fortement en lien avec la crise sanitaire que nous vivons et amène à une certaine évolution de la fréquentation des résidences secondaires en stations de ski. Dans nos réponses, cette fréquentation s’équilibre et il y a autant de personnes qui y sont moins allé que de personnes qui y sont plus allé. On a pu voir que même une minorité de propriétaires de résidences secondaires en stations de ski ont pu passer le cap et sont allées habiter dans leurs résidences pendant les confinements. Si on pousse la réflexion plus loin en émettant l’hypothèse d’y résider sur une période plus durable comme à l’année, la majorité ne pourrait pas, compte tenu du contexte actuel des stations de ski. Cependant, l’habitabilité n’est pas le critère dominant et laisse une potentielle ouverture. Surtout lorsque celle-ci permet d’habiter sa résidence secondaire principalement, comme certains ont pu nous l’évoquer. Le rapport résidences secondaires et principales est beaucoup ressorti dans le discours des habitants. Ce rapport nous amène au fait que les deux types de résidences se jalousent légèrement. C’est comme si la résidence secondaire voulait piquer la place principale de la résidence actuelle, dans un contexte qui favorise parfois la résidence secondaire. Les deux types de résidences sont différents et le fait de faire passer une résidence secondaire en principale induirait certaines transformations, avec des degrés différents suivant l’état des résidences secondaires. Nous avons pu observer des résidences transformables, d’autres qui sont non-transformables et enfin des résidences qui ne nécessitent pas de transformation. C’est là qu’intervient le contexte de crise sanitaire, qui vient accentuer les phénomènes de changement et d’évolution. Grâce à ce questionnaire d’enquête, nous avons pu vérifier et argumenté par un discours d’habitant concerné, ce que nous avions appris par le discours des professionnels. Ce questionnaire nous a permis de tirer quelques tendances et changements possibles afin de se projeter dans un nouveau modèle de l’habiter, dans les résidences secondaires en stations de ski.
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4. Le « staycation », nouveau modèle de l’habiter Autrefois, nous pensions qu’il était préférable d’avoir pendant les vacances, des respirations qui ne ressemblaient pas à ce que nous avions le reste de l’année. Nous avons pu le voir en étudiant l’aspect touristique en montagne avec le phénomène des vacances. Le cadre de vie particulier et différent attire les vacanciers, en recherche de nouveautés. C’est également ce qui plaît et ce que recherchent les personnes dans leurs résidences secondaires en stations de ski. Pour les habitants, la résidence secondaire est souvent synonyme de détente, de repos, de dépaysement et de vacances ; « nous avons pensé notre résidence secondaire comme un lieu de vacances » (Réponse n°25). Comme nous l’énonce Pierre Merlin ; « la notion de vacances est également liée au motif qui conduit à quitter le domicile. » (Merlin (P.), 2001, p.18). Pour beaucoup, les vacances sont synonymes d’un « ailleurs » et induisent « à quitter le domicile. ». Puisque lorsque nous allons en vacances, nous allons chercher la différence. Différence qui s’est ressentie dans nos enquêtes avec les discours d’habitants sur de l’habité. Les résidences secondaires, associées à un lieu de vacances, sont différentes des résidences principales, qui sont alliées à un lieu de vie. Ainsi ; « l’idéal de l’otium, de la vie sans travail, s’exprime en un lieu qui peut être (ou doit être) différent (altérité) de celui habituel (habitus) du quotidien, qui est étymologiquement le negotium, soit son contraire. » (Bachimon (P.), 2013, p.11). Ici, l’auteur nous explique que le temps libre où « la vie sans travail » se manifeste dans un lieu « qui peut être (ou doit être) différent (altérité) de celui habituel ». Celui habituel représente celui que l’on habite au quotidien. Nous pouvons rapprocher cela avec la notion de vacances, qui induirait à aller vers un habitat différent de celui de d’habitude. En clair, nous étions comme des salariés productifs en ville la majorité de notre temps, mais une à deux fois par an, nous allions respirer une autre vie. Et à ce moment-là, nous n’avions pas besoin du même habitat. C’était le modèle d’avant. Niels Martin nous l’avait évoqué avec le phénomène de migration d’agrément. Phénomène qui consiste à diriger son habitat vers les agréments et qui permettrait un attrait envers les milieux ruraux, montagnards ou encore les stations de ski. Induisant la notion d’y habiter. Avec cette crise, ce phénomène se voit accentué et nous avons pu observer des personnes aller habiter dans leurs résidences secondaires en temps de confinement. En effet, nous avons mis en évidence que la question de « vivre à l’année dans une maison de vacances » (Viard (J.), 2000) se pose réellement. Aujourd’hui, nous sommes plutôt dans un modèle ou lorsque nous sommes en vacances, nous y sommes vraiment bien et nous aimerions vivre toute l’année comme cela ; phénomène de « staycation ». Cette notion de « staycation » tire son origine américaine de par l’addition des deux termes « stay », qui veut dire rester en anglais, et « vacation » qui veut dire vacances. Néanmoins, ce terme « ne devint réellement populaire que suite à la crise financière de 2007-2008. » (Fourny (M-C.), Lajarge (R.), (dir.), 2019, p.288). Nous pouvons de suite faire un rapprochement avec la crise actuelle. Puisque c’est une crise financière qui a fait émerger ce phénomène qui consiste à faire de sa maison, un lieu de vacance. En se basant sur différents théoriciens de ce phénomène, dont Niels Martin ou encore Philippe Bourdeau16, ces deux auteurs donnent la leur; « se dit du choix non contraint de rester chez soi lors de ses congés, en inventant ses vacances à partir d’activités accessibles depuis son domicile. » (ibid, p.288). En cela, habiter sa résidence secondaire en station de ski, peut permettre d’habiter dans un environnement de vacance. Et ainsi, « être touriste chez soi » (Bourdeau, 2013, p.41). En tout cas, il est intéressant d’avoir une réflexion sur l’influence des modes de vie de la résidence secondaire, sur d’autres modèles d’habiter, comme les résidences principales. La question architecturale requestionne la manière de vivre.
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Philippe Bourdeau, Enseignant-chercheur à l’Institut de géographie alpine à l’Université Grenoble- Alpes, spécialiste du suivi des activités de montagne.
Actuellement, avec les confinements, les frontières semi fermé etc, c’est ce que veulent les personnes, ils veulent un cadre de vacances, mais chez soi. Et la résidence secondaire, plus particulièrement en stations de ski dans notre cas, permet en quelque sorte de répondre à cette recherche. Les professionnels et les possesseurs de résidences secondaires nous ont permis de voir une tendance qui émergeait, celle d’y habiter, voire même parfois d’y travailler ; « les gens veulent travailler depuis leur lieu de vacances maintenant. On se doit de trouver des espaces pour ça. » (Entretien n°2, Monsieur B.). Si nous avons assez d’espace dans notre résidence secondaire et que nous nous mettons à travailler dans notre lieu de vacances, est-ce que celui-là correspond toujours à un lieu de vacances ? Sachant que le temps libre des vacances se transforme en temps de travail, qu’est ce qui va alors différencier cette résidence secondaire et notre résidence principale ? Plus grand chose. Dans les résidences secondaires, « les gens veulent y vivre » (Entretien n°2, Monsieur B.). Nous l’avons vu émerger dans le questionnaire d’enquête ; « avant nous venions uniquement pour les congés scolaires, depuis le confinement nous avons passé 6 mois dans notre résidence secondaire. » (Réponse n°51). Les personnes tendent à y rester sur de plus longues périodes ; « j’y allais souvent en famille et entre amis auparavant. Maintenant j’y vais encore plus souvent mais je reste plus longtemps (entre 10 et 15 jours) » (Réponse n°27). Cependant, comme nous le disent Fourny et Lajarge ; « outre une réponse (toute sensée) à des difficultés financières, il semblerait que la staycation soit aussi constitutive d’un mouvement sociétal plus large où la maison est (re)placée au centre des modes de vie contemporain. » (Fourny (M-C.), Lajarge (R.), (dir.), 2019, p.290). Au-delà de la crise actuelle qui peut accentuer ces phénomènes de staycation etc, il y a également un « mouvement sociétal plus large où la maison est (re) placée au centre des modes de vie contemporain. ». Le modèle de l’habiter se trouve alors quelque peu changé. Autrefois, on cherchait des vacances qui ne ressemblaient pas à ce que nous vivions toute l’année, qui induisait également un habitat différent. Aujourd’hui, on est dans un modèle ou on cherche à vivre toute l’année comme en vacances, et en ce sens, la résidence secondaire en station de ski permet ce modèle de l’habiter. À quelques conditions près, certaines transformations, permettant de remettre à niveau les résidences secondaires les plus anciennes et vétuste.
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En conclusion de cette deuxième partie, et au vu de ce qu’on a pu comprendre dans celle d’avant, qui évoquait un engouement exacerbé par la crise sanitaire envers les résidences secondaires. Nous avons pu faire le tour de la question de l’habitabilité dans ces résidences, tout en gardant un rapport à la résidence principale. L’habitabilité des résidences secondaires en stations de ski a énormément évolué depuis les années 70. Cette évolution est due à des besoins et une demande changeante. Les logements de l’époque moderne avaient une certaine forme de multiplicité et de standardisation afin de répondre au tourisme de masse, engendré par l’aventure des sports d’hiver. Aujourd’hui, les territoires des stations de ski nous ont laissé un patrimoine résidentiel qui ne représente plus les besoins actuels, notamment en termes d’habitabilité, avec des critères tels que la taille, l’ouverture vers l’extérieur ou encore les rangements. Avec le contexte de crise sanitaire, l’habitabilité de ces résidences secondaires se voit d’autant plus requestionné. Tandis que les professionnels voient en la résidence secondaire un certains potentiel pour y vivre à l’année, qui peut être cependant parfois limitée (rangements, buanderie, etc.), les habitants concernés sont encore majoritairement restreint pas leurs obligations (travail, famille etc.) ou leurs résidences secondaires, qui ne le permettent pas (taille, rangement etc.). Cependant, ils sont de plus en plus nombreux à avoir cette idée en tête et bon nombre d’entre eux ont déjà pu sauter le pas lors des confinements. Cette crise s’étendant, il y a une réelle appétence à habiter sa résidence secondaire et de vrais changements qui pourraient les rendre potentiellement principales (espace télétravail, plus de rangements, etc.). Les nouveaux maux concernant la ville sont une vraie prise de conscience, mais il est difficile de s’en détacher complètement. En croisant les différents discours obtenus avec nos enquêtes, nous pouvons retenir une chose, c’est que la résidence secondaire évolue et l’attrait de celle-ci fait émerger l’idée d’y habiter. Nous pouvons remarquer une sorte de « bug », car aucune station n’a envisagé que ces villes d’altitude deviennent des villes permanentes. Les usages de ces espaces deviennent des usages courants de l’urbanité. D’un côté, nous avons une appétence nouvelle pour des raisons que nous n’avions pas prévues du fait de cette crise sanitaire, pour venir habiter en stations de ski dans sa résidence secondaire. De l’autre, nous avons des résidences secondaires qui n’étaient pas forcément prévues pour ça, et qui aujourd’hui ne le sont pas tout le temps non plus. Dans cette optique, nous retenons un nouveau modèle de l’habiter, qui renouvelle progressivement l’ancien modèle, qui consistait à chercher dans les vacances quelque chose de différent de notre quotidien. Ce nouveau modèle repose essentiellement sur le staycation, induisant que nous aimerions bien vivre notre quotidien, en vacance. On aimerait vivre toute l’année comme quand on est en vacances, car on y est bien. Et pour cela, la résidence secondaire en station de ski à son rôle à jouer et peut permettre ce modèle de l’habiter. Évidemment, cela passe par différents degrés de transformation, de résidence secondaire en principale. Nous avons pu notamment retenir 3 catégories différentes que nous retrouverons dans notre troisième partie ; les résidences transformables, les résidences non-transformables et enfin les résidences qui ne nécessitent pas de transformation. Maintenant que nous avons pu en apprendre plus sur comment est-ce qu’on habite dans sa résidence secondaire en stations de ski, il va être au tour de comprendre comment est-ce qu’on pourrait mieux y habiter et par quels moyens architecturaux. En gardant à l’esprit qu’il y a des attentes envers le fait d’habiter sa résidence secondaire, mais que celles-ci ne le permettent pas toujours. Nous allons ainsi analyser l’adaptabilité de la résidence secondaire en résidence principale, par le prisme d’études architecturales concrètes. Dans l’objectif de répondre à notre problématique sur une meilleure habitabilité de la résidence secondaire, afin d’y habiter principalement.
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III. Étude micro de l’architecture en station, pour une transformation du secondaire au principal Dans cette troisième et dernière partie, nous allons donc nous pencher sur la question de l’adaptabilité de résidence secondaire en stations de ski en résidence potentiellement principale. Nous avons vu qu’il y avait une certaine envie d’habiter la montagne par le prisme de la résidence secondaire dans un contexte particulier, mais que ces résidences ne le permettent pas toujours. Par le biais d’analyses de résidences, de propositions, de démolition, de différents cas de réhabilitation ou transformation, nous verrons comment permettre à certaines de ces résidences secondaires de devenir plus habitables. Nous étudierons différents projets qui se situent dans les 3 catégories que nous avons retenues précédemment, en fonction de leur adaptabilité. Tout d’abord, les résidences secondaires transformables, avec différents projets de réhabilitation d’anciennes résidences secondaires en résidences plus habitables, pouvant potentiellement servirent de résidences principales. Ensuite, les résidences secondaires non-transformables, qui constituent des résidences impossibles à transformer au vu de projets trop vétustes, sans plus-value ou sans potentiel d’habitabilité à l’année. Et enfin, les résidences secondaires sans nécessité de transformation, qui représentent des projets plus récents et qui peuvent potentiellement servir en tant que résidences principales. Avant de se pencher sur ces questions, nous verrons les différents types de résidence secondaire concernée et une première approche quant à leurs potentiels de transformation. Afin de comprendre à quoi les transformations peuvent s’appliquer et dans quel contexte.
1. Contexte, diversité et transformation Avant de commencer à se focaliser sur l’architecture des résidences secondaires en stations de ski, il nous faut rappeler et comprendre que la résidence secondaire est une notion plus complexe qu’on ne le pense. En effet, aujourd’hui, le terme de résidence secondaire fait partie de notre langage courant et de notre vocabulaire. On désigne une résidence secondaire simplement par son statut de logement qui n’est utilisé que très peu de fois, afin d’y séjourner pour les week-ends, les vacances ou encore les loisirs. En fait, dans cette largeur du terme de la résidence secondaire, celui-ci évoque une réalité bien identifiée, il recouvre une grande diversité de biens immobiliers : « maison de campagne, maison héritée, chalet à la montagne, mobil home, appartement et immeuble collectif en bord de mer ou en station de montagne. » (ATOUT FRANCE, 2010). La globalité du terme résidence secondaire touche en réalité plusieurs types de résidences et d’architectures. Aujourd’hui, en stations de ski, comme nous le faisait comprendre l’architecte Monsieur G. en entretien, nous pouvons observer deux types d’habitats concernant la résidence secondaire. L’habitat individuel, souvent plus confortable, car plus de place, etc., et souvent sous la forme de chalet, traditionnel ou non. Cet habitat nécessitera peut-être moins de transformation qu’un habitat collectif. Nous avons donc également l’habitat collectif, qui vient faire converger les demandes en un habitat, qui permet d’avoir un gain de place à comparer de plusieurs habitats individuels qui logeraient le même nombre de personnes. Les habitats collectifs auraient tendance à être plus petits que des habitats individuels, mais là encore, ce n’est pas toujours le cas. Il existe de tout ; « vous avez des endroits où vous avez des chalets individuels, vous avez des endroits où ce sera plutôt des collectifs, des collectifs avec 2-3 chambres, ou des collectifs avec des appartements de plus grande taille. » (Entretien n°2, Monsieur B.)17. Ces habitats, situés en montagne et en stations de ski, sont dans une perspective claire « de partager du temps en famille, se détendre, se divertir et s’immerger dans l’environnement montagne » (Rey (P.), 2013, p.21). 52
17
Cf. Annexe 1, p.106. Retranscription entretien avec Monsieur B., co-fondateur et président d’une société leader d’agence immobilière de résidences secondaires en stations de ski des Alpes du Nord. Spécialisé dans la location de vacances en immobilier de montagne.
En termes de marché, cette fois, il y en a également deux types, « vous avez le marché à la fois du neuf et le marché de l’ancien. Le neuf comme l’indique le nom c’est de la vente sur plan en principe, on appelle ça de la vente en l’état futur d’achèvement. Soit après on commercialise de la revente, donc là ce sont des appartements qui existent et auxquels sont rattaché un propriétaire qui souhaite revendre. Et à ce moment-là, une agence peut intervenir. » (Entretien n°1, Monsieur M.). Ici, nous comprenons que dans le marché du neuf c’est « de la vente sur plan », concernant le marché de l’ancien, ce sont des « appartements qui existent » avec un propriétaire qui souhaite revendre. Au travers de ces deux cas, on peut de suite prétendre que le marché du neuf n’aura besoin que de très peu de transformation pour basculer en résidence principale. Dans notre questionnaire d’enquête, lorsque nous avons demandé les potentiels travaux pour transformer sa résidence secondaire en résidence principale pour une meilleure habitabilité, nous avons pu avoir ce type de réponse ; « rien notre chalet est neuf ! » (Réponse n°51). A contrario, le marché de l’ancien lui sera plus propice à des transformations. À la même question d’enquête, nous avons pu observer ce type de réponse ; « dans mon cas, il s’agirait simplement de rénovation au niveau de la décoration, de l’aménagement intérieur et isolation, car cette résidence est un peu vétuste […] » (Réponse n°13). Ce qui est tout à fait normal, avec le temps, les logements ne correspondent plus aux critères d’habitabilité actuelle et ne permettraient pas forcément d’y vivre à l’année.
18
Cf. Annexe 1, p.100. Retranscription entretien avec Monsieur M., gérant d’une société immobilière de résidences secondaires en stations de ski des Alpes du Nord.
19
Cf. Annexe 1, p.113. Retranscription entretien avec Monsieur J., occupant un bon poste dans le Groupe Atrium, promoteur, constructeur. Groupe immobilier stéphanois, avec un secteur montagne pour de la résidence secondaire en stations de ski.
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Le White Pearl est un ensemble immobilier de résidence hôtelière, secondaire, 5 étoiles. Situé dans la station de La Plagne.
Maintenant, concernant l’offre, en termes de résidences secondaires en stations de ski, deux types d’offres se distingue ; « c’est-à-dire soit vous avez une offre qui est nommée résidence de tourisme donc dans ce cas-là c’est une résidence avec services donc avec accueil, ménage, spa, piscine, sauna, hammam etc. Donc ce sont toujours des résidences qui sont gérées par des exploitants professionnels. Je dirais, l’intérêt pour les acquéreurs c’est d’avoir à la fois une récupération de TVA, une gestion intégrale de leurs biens et puis un loyer garanti. Ça c’est sur la partie résidence de tourisme et après vous avez une autre offre qui est la copropriété dite traditionnelle. Dans ce cas-là, ce sont des appartements ou des chalets par exemple que les propriétaires achètent et ils font clairement ce qu’ils veulent. Ils peuvent l’habiter à l’année, ils peuvent le mettre en location via une agence etc, ils sont complètement libres. » (Entretien n°1, Monsieur M.)18. Dans ce que nous explique Monsieur M., la résidence de tourisme est une résidence accompagnée de « services », c’est-à-dire qu’il y a des « exploitants professionnels », les gérants, qui incluent des services souvent haut de gamme aux clients temporaires. L’intérêt pour les « acquéreurs » c’est qu’ils ont une récupération de TVA, que des gérants s’occupent de tout. Ils ont également « un loyer garanti », cependant l’occupation du propriétaire y est restreinte ; « qui se limite à 3 voire 4 semaines d’occupations par an. » (Entretien n°1, ibid). Ensuite, nous avons une autre offre qui est « la copropriété dite traditionnelle », ce sont des propriétaires qui ont des chalets ou des appartements et qui en font « ce qu’ils veulent ». Ils peuvent très bien y habiter à l’année. Pour ce qui est des résidences de tourisme, c’est beaucoup plus compliqué. Dans un entretien, Monsieur J. nous donne l’exemple avec deux résidences qui ont deux types d’offres différentes ; « alors pour la résidence du White Pearl, quand il y a un gestionnaire, non. Le gestionnaire, l’objectif c’est de louer, et quand il en perçoit, il va en verser une toute petite partie aux propriétaires. Sur une résidence gérée, non, il ne voudra pas que vous y logiez à l’année. Après sur les résidences secondaires luxe comme l’Alpes d’Huez, on pourrait très bien imaginer des gens qui partent de la ville pour s’y installer. » (Entretien n°4, Monsieur J.)19. Dans le cas du projet White Pearl20, qui est une résidence de tourisme, il n’est pas possible d’y résider à l’année pour les propriétaires. Les gérants, le gestionnaire, « ne voudra pas que vous y logiez à l’année », car si vous y logez à l’année, il n’y aura plus de rentrées d’argent sur des locations. Par contre, dans une résidence de copropriété traditionnelle comme le projet Les Gentianes à l’Alpes d’Huez, c’est tout à fait possible, il n’y a pas de gestionnaire et de services, donc on fait comme bon nous semble. Nous nous attarderons sur ces projets dans les parties suivantes afin de les étudier.
53
En tout cas, pour les résidences de tourisme, les propriétaires ne peuvent pas y loger à l’année, et nous aurions tendance à dire qu’aucune transformation n’est possible. Cependant, les locataires peuvent très bien y loger le temps qu’ils souhaitent, et des travaux restent possibles pour rendre les résidences plus habitables. Parfois, les propriétaires ne veulent même pas y résider quelques semaines dans l’année, laissant la résidence libre. Même si ces résidences secondaires sont des cas un peu à part, nous pourrons tout de même en analyser et étudier des transformations. Pour ce qui est des résidences secondaires en copropriété classique, c’est tout à fait possible et les transformations sont libres, puisque le propriétaire fait ce qu’il souhaite. D’après Monsieur M., c’est sur ce type de bien qu’il y aura de plus en plus de demande ; « aujourd’hui on a de plus en plus de clients qui cherchent ce type de bien, qui souhaitent en profiter quand ils le veulent, venir fréquemment à la montagne. Cela peut correspondre souvent à une clientèle de proximité comme la clientèle Lyonnaise qui se dit “tiens ce weekend j’ai envie de monter en station, je vais dans mon bien, je peux l’occuper”. » (Entretien n°1, Monsieur M.). Dans le cas de la résidence de tourisme et « pour des clients qui souhaiteraient occuper fréquemment leur appartement, c’est un inconvénient. Sinon pour les copros traditionnelles classiques, pour moi il y a pas d’inconvénient lié à ça, après encore une fois l’inconvénient ça sera le budget. Le budget définira l’acquisition qu’ils pourront s’offrir et qui peut-être ne correspondra pas à 100 % à leurs attentes. Ils sont obligés à un moment de faire des concessions. » (Entretien n°1, Monsieur M.). Nous retrouvons là les problématiques liées au budget. Le prix de l’immobilier est exorbitant et ne cesse d’augmenter (fig.12), comme nous avons pu le voir dans la deuxième partie. Faisant des Alpes du Nord le massif le plus cher de France concernant les prix immobiliers des stations de ski. Monsieur J. nous l’a évoqué dans notre entretien ; « les prix, pour moi, vont avoir tendance à augmenter. C’est-à-dire qu’il sera de moins en moins accessible d’être propriétaire en montagne, pour le foyer moyen en France. » (Entretien n°4, Monsieur J.).
(fig.12). Prix moyen/m2 au 1er février 2021. Évolution des prix sur un an. © Meilleurs Agents. (Site Meilleurs Agents).
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Le budget est donc un réel inconvénient quant à l’immobilier en stations de ski, et plus encore dans les Alpes du Nord. Ces prix élevés, incitent également à la transformation d’un existant plutôt qu’à l’achat d’un nouveau bien, dans le but d’avoir plus d’habitabilité. Plus que jamais, les problématiques de rénovations, de réhabilitations ou de transformations, sont au cœur de l’actualité. Aujourd’hui, « le parc immobilier des stations de ski françaises vieillit entraînant une baisse de la fréquentation. Pour remonter la pente, certaines d’entre elles aident les propriétaires à rénover leur logement. » (Site Se Loger). En effet, le parc immobilier des stations de ski « vieillit », et la plupart des biens construits dans les années 70 représentent « des surfaces trop petites, des immeubles qui sont de véritables passoires thermiques, ces résidences ne répondent plus aux attentes des Français et des étrangers. » (Site Se Loger bis). Actuellement, ces résidences ne sont plus au goût du jour et les stations se doivent de rehausser la qualité et l’habitabilité des hébergements. Pour cela, certaines stations « aident les propriétaires à rénover leur logement ». Transformer pour mieux habiter, est de plus en plus actuel et notre démarche d’étude sur ce sujet reflète cette actualité. Avec cette approche actuelle, les pouvoirs publics et les municipalités veulent une politique de « lits chauds », pour remplacer le phénomène des « lits froids », qui gangrène les territoires de stations de ski. Cela dans le but d’avoir plus de monde dans les logements, afin d’avoir plus d’entrées financières quant à la taxe de séjour, qui fait marcher la station. « L’état, le département, les municipalités, essaient de donner le maximum pour qu’on ait le plus de gens qui viennent ici à l’année. Le but de toutes les mairies, c’est de développer non pas 1 saison, mais minimum 2 saisons entre été et hiver, et si on arrive le printemps et automne et ba on aura tout gagné. On habite tous ici à l’année, le but c’est de montrer que la station peut vivre sur les 4 saisons et qu’on a des choses à faire. » (Entretien n°2, Monsieur B.). Ici, Monsieur B. nous fait comprendre que tout le monde essaye de faire en sorte de lutter contre la saisonnalité, en évoquant l’État, le département ou encore les municipalités qui « essaient de donner le maximum pour qu’on ait le plus de gens qui viennent ici à l’année. ». Aujourd’hui, « il y a très peu de foncier en montagne et les municipalités ont une politique de lits chauds, c’est-à-dire que toutes les différentes municipalités veulent être sûres qu’on a un taux d’occupation le plus important possible. » (Entretien n°2, ibid). Tout cela montre bien la volonté d’accueillir sur de plus longues périodes, en partie pour des raisons économiques. Et cela passe forcément, mais pas uniquement, par l’amélioration de l’habitabilité des résidences secondaires. Comme Monsieur B. a pu nous l’expliquer dans l’entretien, les stations de ski ont en moyenne 19 semaines d’ouverture par hiver, et il faut que ces 19 semaines soient occupées à leur maximum pour que économiquement, tout fonctionne. Parfois, les municipalités « l’imposent avec un cahier des charges, des lois montagnes et des résidences hôtelières ou résidences touristiques » (Entretien n°2, ibid). Malheureusement, aujourd’hui, la politique en station de ski mise plutôt sur des résidences de tourisme et pousse à la location. Les résidences principales en stations de ski tendent éventuellement à s’effacer, car elles ne rapportent pas, et ne permettent pas le bon déroulement des stations, dans une économie basée sur le tourisme. Pour en revenir au projet Les Gentianes à l’Alpes d’Huez, qui fait partie des biens privées dans lesquelles nous pouvons faire ce qu’il nous plaît, les logements ont été « vendues à environ 10 000 euros du mètre carré, en un temps record. Mais vraiment record, les gens se battaient, ils me demandaient une négo je disais non, “bon j’achète quand même». Pourquoi parce que c’était libre, et c’est très rare aujourd’hui, vous avez un produit libre vous le vendez très très rapidement. C’est en train de disparaître ou alors si vous trouvez des logements libres, ils ne sont pas en cœur de stations mais aux alentours. » (Entretien n°4, Monsieur J.). Cette politique va amener une rareté dans les résidences secondaires classiques, qui ne sont pas des résidences de tourisme, et donc potentiellement une rareté dans la possibilité d’y vivre à l’année.
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Dans cette première sous-partie, nous avons pu contextualiser et approfondir légèrement le terme de résidence secondaire, qui prend énormément de formes différentes, restant parfois ambiguë. Il faut savoir que le marché des résidences secondaires oppose l’ancien et le neuf, l’offre quant à elle se divise également en deux dans la majorité, avec les résidences de tourisme et la copropriété classique. La problématique économique entre également en jeu et les stations des Alpes du Nord affichent des prix au mètre carré pouvant atteindre des sommets. Contraignant ainsi une habitabilité de la résidence secondaire en fonction des moyens. Nous en savons maintenant un peu plus sur les projets que nous allons étudier et sur leurs potentielles transformations de résidences secondaires en résidences principales, plus habitables. Cependant, gardons en vue la politique des stations, qui n’accompagnent pas vraiment le fait d’habiter à l’année sa résidence secondaire en station de ski. Il va être maintenant intéressant de voir plusieurs exemples, avec différents degrés de transformation, de résidences secondaires en résidences qui pourraient être à usage principal, dans différentes stations des Alpes du Nord. Pour cela, nous allons séparer 3 catégories : les résidences secondaires transformables, les résidences secondaires non-transformables, et les résidences secondaires sans nécessité de transformation.
2. Résidences secondaires transformables Dans un premier temps, nous allons donc nous intéresser aux résidences secondaires transformables. Les résidences faisant partie de cette catégorie sont nombreuses et représentent la plupart du temps des résidences d’époque, construites à l’époque moderne dans les années 70. Comme vues précédemment, ces résidences ne correspondent plus aux attentes d’aujourd’hui. De ce fait, celles-ci entament des processus de réhabilitation ou de rénovation afin de les remettre aux goûts du jour. L’objectif est souvent de les remettre aux normes thermiques, acoustiques, et de les rendre plus confortables et habitables. Ainsi, ces résidences secondaires pourraient devenir de véritables résidences principales, similaires à ce qu’on peut retrouver en milieu urbain. Toujours dans une optique de les rendre plus habitables, la réhabilitation permettrait d’y vivre plus longtemps que seulement quelques semaines dans l’année. Pour cette catégorie, nous allons analyser deux projets. Le premier projet est celui du Phoenix, situé dans la station de Courchevel en Savoie, station de la deuxième génération. Ce projet est une réhabilitation d’un bâtiment existant qui faisait office de logements secondaires. Le deuxième, est un projet théorique de réhabilitation d’un ensemble résidentiel touristique, Le Balcon de Villard, situé dans la station de Villard-de-Lans en Isère, une station de première génération. Ce projet a été mené par les enseignants et étudiants du cycle master 1, thématique Architecture-Paysage-Montagne de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble. Par le biais de ces deux projets, dont un est plutôt théorique, nous étudierons la transformation de l’avant/après, en confrontant ce que nous avons pu voir dans la deuxième partie sur l’habitabilité des résidences secondaires. Afin de voir comment cette habitabilité a évolué avec le projet de réhabilitation, et de comprendre comment cela a permis aux logements d’être plus habitables à l’année, en tant que potentielles résidences principales. Commençons ainsi avec le premier projet, Phoenix. C’est par notre contact avec Monsieur B., pour notre entretien, que celui-ci nous a parlé de ce projet à Courchevel. En établissant un premier lien avec la société PRIAMS, constructeur et promoteur, nous avons pu avoir le contact de Vincent PRAS, responsable de programmes. La société PRIAMS, basée à Annecy en Haute-Savoie, est à l’origine de nombreux projets résidentiels en stations de ski, notamment à Megève, Les Gets ou encore Courchevel dans notre cas. Le responsable de programmes Vincent PRAS a pu nous en dire un peu plus concernant le projet Phoenix. Il faut savoir que le projet se base sur un bâtiment existant.
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En effet, c’était le Club Hôtel MAEVA Les Grangettes 1550 (fig.13), Courchevel village, qui faisait office de résidence de tourisme. Cette résidence datait de 1972 pour être précis, et c’est le maître d’œuvre ATECO qui en était à l’origine. Ces logements touristiques sont pourvus d’un emplacement privilégié permettant un accès « skis aux pieds ».
(fig.13). Club Hôtel MAEVA Les Grangettes 1550, Courchevel village. © Bouctou. (Site laStationdeSki).
Comme nous l’avait renseigné Vincent PRAS, il y avait aux alentours de 90 cellules de logements qui faisaient environ 25 mètres carrés chacune, qui s’apparentaient à des « cages à lapins ». Aujourd’hui, le Phoenix représente 27 logements, de 2 à 6 pièces et « allant de 51 à 245 mètres carrés. Des surfaces magistrales, rares en station et aux prestations de très haut standing avec, en rez-de-chaussée, 250 mètres carrés de commerces, des services hôteliers et un ski-room. Tous les logements disposent de balcons ou terrasses à vivre orientés au sud et sur le panorama ouvert du lac et des montagnes. » (Site PRIAMS). Dans cette présentation du nouveau projet de réhabilitation, les cellules se voient transformées d’environ 25 mètres carrés, au double minimum, allant jusqu’à 245 mètres carrés. Ce critère d’habitabilité qu’est la surface, et que nous avons souvent évoqué comme transformation majeure la plus demandée par les habitants enquêtés, a été ici largement augmenté. Améliorant ainsi le confort et l’espace des logements secondaires. Nous découvrons aussi l’ajout en rez-de-chaussée, de « 250 mètres carrés de commerces, des services hôteliers et un ski-room », qui représentent bien une résidence de tourisme, avec un gestionnaire et des services. Soulignons également l’importance d’exprimer l’ouverture à un extérieur dans cette présentation du projet. L’ensemble des logements disposent à présent « de balcons ou terrasses à vivre orientés au sud et sur le panorama ouvert du lac et des montagnes ». Des terrasses « à vivre », certainement plus grandes que les petits balcons de l’existant. Les qualités de ces terrasses sont mises en avant et prennent en compte le cadre idyllique que permettent les montagnes et l’environnement, relatif à la station de Courchevel. Concernant le Phoenix, le démarrage des études de l’existant a commencé en 2017, la construction, quant à elle, s’est poursuivie en 2018, 2019 et 2020. Maintenant que nous en savons un peu plus sur ce projet, nous allons pouvoir étudier plus précisément les différents documents qui nous ont été transmis généreusement par Vincent, le responsable de programmes. A commencé par les divers plans, coupes et détails de la résidence d’origine. Pour ce qui est du plan d’étage, prenons le R+2 (fig.14) par exemple. Celui-ci se répète et est similaire sur toute la hauteur du bâtiment, mise à part la partie en bas à droite qui ne continue pas plus haut. 57
Nous pouvons distinguer que pour la partie principale, les ouvertures sur les balcons se font au Sud, permettant d’avoir le maximum d’apport lumineux et de profiter des rayons du soleil. La circulation, elle, se fait au Nord, c’est un long couloir, avec quelques ouvertures pour un apport lumineux plus diffus, qui dessert tous les logements de cet étage. Nous apercevons différents accès permettant de circuler verticalement avec des escaliers. Sur ce R+2, on compte pas moins de 13 cellules, ou studios, comme écrit sur le plan. Ces cellules sont toutes identiques, simplement répétées en miroir, et témoignent bien de l’époque moderne. Nous pouvons clairement percevoir la volonté de loger un maximum de personnes, quitte à avoir moins de confort. Dans la coupe (fig.15), on retrouve tous les studios de chaque étage, la trame est simple et efficace. En voyant la coupe, nous pouvons faire un certain rapprochement avec ce qui se dit énormément sur ce genre de logements, qui ressemblent à des « cages à lapins ». Les cellules sont empilées, standardisées, et multipliées. Il y a énormément de similarités entre cette coupe et la coupe que nous avons vu précédemment qui représentait une coupe longitudinale de l’immeuble Le Miravidi à Arc 1800, datant de 1975 (fig.9). Ce n’était pas exactement la même année, ni le même maître d’œuvre, mais c’était tout simplement la même demande, le même besoin. Si on s’attarde maintenant plus précisément sur le studio (fig.16), qui est exactement le même partout, celui-ci fait environ 25 mètres carrés. Disposé en une cellule en tunnel long, de 3,30 mètres de largeur, sur 8,30 mètres de longueur, et avec un petit balcon de 1,45 mètres de profondeur. Pour ce qui est de la paroi donnant sur l’espace de circulation horizontale, elle ne fait que 10 centimètres d’épaisseur, les parois qui séparent chaque studio, elles, ne font que 15 centimètres. Aujourd’hui, ces parois ressemblent plus à des cloisons légères plutôt qu’à des murs séparateurs de logements. C’est-à-dire qu’en plus de vivre dans un espace plus que restreint, le confort thermique et acoustique ne doit vraiment pas être au rendez-vous. Lorsqu’on rentre dans ce studio, on trouve à notre droite une petite kitchenette, à notre gauche se trouve une salle de bains compacte, avec le lavabo, les toilettes ainsi qu’une baignoire. Enfin, en avançant, nous arrivons sur l’espace de vie ou nous pouvons dormir, poser quelques affaires dans un rangement, et manger sur une table avec vaisselier. Les espaces y sont restreints, peu confortables, et sont de véritables passoires thermiques et acoustiques. Cependant, même si aujourd’hui, cela ne représente plus la demande, ça la représentait à l’époque, quand les sports d’hiver se sont développés. Ces studios n’étaient clairement pas conçus pour y vivre à l’année, mais plutôt pour quelques jours.
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(fig.14). Plan R+2 original, Club Hôtel Courchevel 1550. © ATECO. (issu de Vincent Pras).
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(fig.15). Coupe Est-Ouest original, Club Hôtel Courchevel 1550. © ATECO. (issu de Vincent Pras).
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(fig.16). Plan detail de studio original, Club Hôtel Courchevel 1550. © ATECO. (issu de Vincent Pras).
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Puisque que nous avons analysé la résidence d’avant, nous pouvons dire que son habitabilité était quelque peu réduite, ne pouvant permettre d’y habiter à l’année, à la manière d’une résidence principale. Nous utiliserons toujours le niveau R+2, qui nous servira de plan référent, sachant que les différentes opérations sont très similaires sur tous les niveaux. En regardant le plan de démolition (fig.17), nous pouvons distinguer que tout ce qui est de couleur rouge va être démoli, ce qui permettra une transformation. Du côté des balcons, toutes les menuiseries extérieures, les séparatifs et tous les gardecorps sont enlevés. Les isolants intérieurs et extérieurs subissent le même sort, ainsi que toute la paroi des cellules côté circulation. Tout cela sera naturellement à refaire lors de la réhabilitation pour présenter des améliorations. Ici, ce qui est démoli désigne les contraintes qui ne permettent pas la bonne habitabilité des futurs logements. Les parois qui séparaient auparavant les studios sont démolies et sciées à certains endroits, afin de faire rejoindre certains de ces studios. Nous remarquons cependant que la trame générale de l’ancienne résidence est conservée. Il est déjà possible, uniquement avec ce plan de démolition, de deviner combien d’appartements seront ensuite dessinés. Ce qu’on peut apercevoir sur le plan de réhabilitation R+2 (fig.18). De la gauche vers la droite, se trouve alors un premier appartement, qui se compose de 3 anciens studios, mais aussi de l’espace de circulation qui les desservait. Ensuite, séparé par la cage d’escalier, un deuxième appartement, qui reprend également 3 anciens studios. Puis, on enchaîne avec 2 appartements un peu plus petits, car ils reprennent non pas 3, mais 2 anciens studios chacun. Et enfin un cinquième et dernier appartement pour ce niveau, qui se compose de 3 anciens studios, avec la partie de circulation et l’extrémité du bâtiment en plus. Si on fait les calculs, en comptant uniquement les surfaces à l’aide des anciens studios, on a environ 85 mètres carrés pour l’appartement le plus à gauche. Disons un peu moins pour le suivant avec environ 80 mètres carrés, car il ne possède pas l’espace de circulation en plus. Les 2 plus petits appartements sont aux alentours de 50 mètres carrés chacun, et enfin le plus à droite environ 115 mètres carrés. Avec des appartements de cette taille, il est tout à fait possible d’imaginer y habiter principalement, même dans les deux plus petits appartements d’environ 50 mètres carrés, qui sont bien plus grands que n’importe quels logements étudiant par exemple. En ce qui concerne l’isolation, on voit qu’elle a été rajoutée à l’intérieur et à l’extérieur pour certains endroits, venant ainsi ajouter du confort dans les appartements. Les balcons peuvent maintenant être considérés comme de vraies terrasses à vivre, leurs surfaces ont doublé voire triplé. Permettant de profiter pleinement de cette exposition plein Sud et des bienfaits de l’ensoleillement. Si on zoome un peu plus sur un des appartements (fig.19). Prenons par exemple celui à droite de la cage d’escalier, nous distinguons plus clairement l’isolation qui a été ajoutée, même sur les cloisons intérieures. La paroi séparant les appartements de l’espace de circulation horizontale fait maintenant 24 centimètres et peut donner une vraie intimité aux usagers. Ce sont ainsi 3 anciens studios de 25 mètres carrés environ qui laissent place à cet appartement de presque 80 mètres carrés. Doté d’une terrasse de plus de 14 mètres carrés et de séparatifs, plus imposants, donnant vraiment une impression intime d’être chez soi, et non pas chez le voisin. Lorsque nous rentrons dans cet appartement, nous arrivons sur une grande cuisine qui ouvre sur l’espace séjour. L’appartement dispose de 2 chambres doubles, 2 salles de bains, avec un coin montagne de deux lits superposés. Nous pouvons également apercevoir un petit espace buanderie et plusieurs espaces de rangements, qui permettent d’accueillir plus d’affaires qu’avant. Induisant pourquoi pas, d’y habiter plus longtemps. Au vu de toutes ces transformations, nous pouvons dire que les studios ont laissé place à de véritables appartements. Ils sont intimes, confortables, lumineux, équipés, ouverts vers un grand extérieur et avec des rangements. Ces appartements s’apparentent maintenant plus à des résidences principales dans un habitat collectif et ont tous les critères d’habitabilité que l’on a pu voir dans notre deuxième partie. Une transformation de résidence secondaire en résidence potentiellement principale, plus habitable que les résidences secondaires antérieures. 60
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(fig.17). Plan de démolition R+2, Club Hôtel Courchevel 1550. © PRIAMS. (issu de Vincent Pras).
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All.40cm
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(fig.18). Plan réhabilitation R+2, le Phoenix. © PRIAMS. (issu de Vincent Pras).
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61 (fig.19). Détail d’un logement R+2, le Phoenix. © PRIAMS. (issu de Vincent Pras).
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Cf. Annexe 3, p.124. Éléments cités et utilisés issus du Dossier ENSAG Blacons de Villard-deLans.
Maintenant que nous avons vu un exemple de cas concret comme il en existe plusieurs. Nous allons analyser un projet d’étudiant, celui des étudiants du cycle master 1, thématique Architecture-Paysage-Montagne de l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble. Cet exercice de projet avait pour but de s’immerger au cœur d’une réhabilitation d’un ensemble résidentiel touristique et secondaire, situé à Villardde-Lans. C’est sur l’ensemble résidentiel « les Balcons de Villard » que se sont attardé les étudiants. Cet ensemble résidentiel s’organise en une copropriété de plus de 800 logements et une centaine de commerces. Il « est implanté à 1155m d’altitude, 150m au-dessus du bourg de Villard-de-Lans et surplombant le hameau des Pouteils. La résidence, « Balcons de Villard », a été édifiée au début des années 70 par des initiatives privées qui cherchent à tirer parti de la proximité immédiate du départ des pistes de ski du domaine skiable de Villard-de-Lans structuré autour de la « Côte 2000 » » (Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans)21. Nous sommes ici dans un cadre et un contexte un peu similaire avec le projet d’avant. Ils ont tous deux été construits dans les années 70, avec une volonté de « tirer parti de la proximité immédiate du départ des pistes de ski », qui dans notre cas se situent sur le domaine de Villard-de-Lans. C’est l’architecte Jean Schneider qui est à l’origine de cet ensemble immobilier (fig.20), conçu comme « une barre » qui est fragmentée en quatre bâtiments relativement proches les uns des autres ; Petite Moucherolle ; Grande Moucherolle ; Les Aloubiers ; Les Arolles.
(fig.20). Le pied des pistes et l’ensemble immobilier Les Balcons de Villard. © LDL. (Site Le Dauphiné Libéré).
Cet exercice de projet s’inscrit dans un contexte et une politique d’encouragement à la réhabilitation du parc immobilier de loisirs en montagne. Nous avons déjà vu cet aspect d’encouragement à la réhabilitation avec la politique des « lits chauds » afin de rehausser les qualités des hébergements secondaires et touristiques en stations de ski. Concernant cet ensemble résidentiel des Balcons, il y avait déjà eu une étude pour un projet d’amélioration thermique et de valorisation du patrimoine en 2014. Cependant, « en raison de la présence d’amiante dans certains matériaux, le coût prévisionnel des travaux s’est avéré très important, dépassant totalement les possibilités financières des copropriétaires. À ce jour, le projet est resté sans suite. Depuis, la copropriété a décidé de reprendre les réflexions et les études avec pour objectif d’explorer des solutions adaptées aux modes d’habiter et de fréquentations contemporaines. Une commission « réhabilitation » a été constituée dans ce but par le syndicat des copropriétaires. » (ibid).
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Nous voyons que les choses sont en train de bouger petit à petit afin d’ « explorer des solutions adaptées aux modes d’habiter et de fréquentations contemporaines ». Ce qui laisse entendre que ces résidences secondaires ont des modes d’habiter, au pluriel, et que leurs fréquentations évoluent. À l’échelle des bâtiments, cet exercice de projet servira donc « aussi bien l’amélioration des performances thermiques et du confort, que des accès à chaque partie d’immeuble. » (Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans). Intéressons nous à présent aux plans originaux que nous avons pu avoir grâce au dossier du projet des étudiants. Le plan (fig.21) est celui du niveau R+1 du bâtiment Les Arolles, faisant partie de cet ensemble résidentiel des Balcons de Villard. Il est déjà possible de distinguer cette grande « barre » de bâtiment, fractionnée en 5 différentes parties. De gauche à droite et comme nous l’indique le plan, la partie tout à gauche est la partie H, s’en suit la partie I, puis la partie J, la K et enfin la L, à l’extrême droite. En termes d’organisation et de programme, les parties H, I, J et K sont uniquement dédiées aux studios. La partie de droite, L, contient également des studios, mais avec une moitié de surface consacrée aux rangements d’affaires de ski, avec des casiers, un espace boite aux lettres et un monte-charge. Dans chacune des 5 parties, la circulation horizontale se fait au centre du bâtiment, par un couloir, qui dessert ensuite les studios de la partie concernée. Les parties ne sont pas jointes et sont séparées par un mur plus épais. La circulation verticale quant à elle, se fait par une cage d’escalier avec un ascenseur, par partie. Dans ce plan d’ensemble, on remarque également que les deux longueurs du bâtiment sont pourvues de balcons. L’orientation est telle que la façade en haut du plan à une exposition Nord-Est, avec une vue sur l’environnement naturel. L’autre façade, en bas du plan, est orientée Sud-Ouest, et aura un meilleur ensoleillement, avec la vue sur le domaine skiable et les espaces de parking (fig.20). En zoomant sur une partie consacrée aux logements, comme la partie K (fig.22) par exemple. Nous comprenons mieux l’organisation intérieure. On observe cinq studios, chacun dédié à une personne, ainsi que trois cellules, chacune dédiée à deux personnes. Il y a un premier type de cellules pour deux personnes situé aux deux extrémités de cette partie, qui rassemble à deux studios uniques mis bout à bout. L’autre type de cellule pour deux personnes est simplement deux studios côte à côte qui se rejoignent. Les murs principaux, qui séparent les logements et qui organisent l’intérieur, font 15 centimètres d’épaisseur. La largeur des logements est la même pour tous, 3 mètres. Approximativement, en moyenne, chaque studio fait aux alentours de 24 mètres carrés, avec quelques fluctuations au vu de la forme du bâtiment. Les logements doubles font donc environ 50 mètres carrés. C’est similaire à ce que nous avons pu voir dans le projet précédent. Là encore la période est pratiquement la même, et la ressemblance témoigne d’une même demande, du même besoin. De la même manière, les studios individuels s’organisent avec une petite salle de bain compacté, une kitchenette, quelques rangements et l’espace de vie, qui ouvre sur un petit balcon d’environ 1,40 mètres. Les logements doubles, eux, ont une chambre séparée du séjour, des toilettes séparés de la salle de bain, et des espaces légèrement moins restreints. Dans l’ensemble, et puisque nous n’avons pas d’autres plans d’étages, nous pouvons penser que ces organisations sont similaires dans les étages supérieurs, à quelques différences près seulement. À l’image du projet précédent, les logements sont très étroits, semblent peu confortables et ont une aptitude thermique, acoustique et intime très limitée. En l’état, ces logements secondaires ne sont pas idéalement habitables à l’année et nécessiteraient une réhabilitation.
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(fig.21). Plan R+1, résidence Les Arolles, Les Balcons de Villard, 1971. © Jean Schneider Architecte. (issu du Dossier ENSAG Balcons de Villardde-Lans).
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(fig.22). Zoom détail sur les cellules, partie K, résidence Les Arolles, Les Balcons de Villard, 1971. © Jean Schneider Architecte. (issu du Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans).
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En ce qui concerne la réhabilitation du projet, l’exercice s’intéressait un peu moins à la réhabilitation propre des logements. Mais plutôt sur les accès et parcours qui gravitent autour de ces logements ainsi que sur l’enveloppe des bâtiments, qui auront tout de même des influences en matière d’habitabilité. Les étudiants se sont répartis en trois groupes avec des particularités différentes. Nous allons nous intéresser à un groupe en particulier, le groupe « Les balcons toutes saisons »22. Comme l’expliquent les étudiants concernés, ce projet « a pour objectif de dynamiser la station au cours des quatre saisons. L’avenir repose sur un accroissement du nombre de personnes habitant au Balcon toute l’année, voire une densification. C’est pourquoi, le projet vise à rendre la station plus accessible s’intégrant ainsi dans la transition écologique. Au-delà, dans un temps futur, le Balcon de Villard pourrait être un quartier de Villard-de-Lans. » (Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans) Nous voyons bien là une volonté de développer la station de ski sur les 4 saisons, ce qui va donc attirer de plus en plus de personnes, voulant habiter dans l’ensemble résidentiel des Balcons « à l’année ». Ils vont même voir plus loin que ça en imaginant un temps futur ou « le Balcon de Villard pourrait être un quartier de Villard-de-Lans. ». Le projet rentre donc parfaitement dans l’optique de ce mémoire et de cette partie. Après analyse, les étudiants se sont rendu compte de l’importance des sols artificialisés, qui sont utilisés pour la circulation et le stationnement des véhicules. Dans une démarche écologique et afin de réduire progressivement la place et l’impact des voitures dans la station, les étudiants ont alors repensé les accès et le parcours. Par exemple, ils ont intégré 3 pôles différents, qui se situent à des endroits cruciaux de la mobilité ; - Le pôle 1, en vert sur le plan (fig.23), est un pôle d’échange multimodal, une sorte de rotule, accompagné d’une barrière végétale afin de mieux desservir les commerces. - Le pôle 2, en bleu sur le plan (fig.23), est un pôle de bien-être, installé dans l’actuelle garderie. - Le pôle 3, en rouge sur le plan (fig.23), est un pôle dédié à l’enfance avec un parcours d’accrobranche, un jardin d’enfants et la nouvelle garderie à l’intérieur d’un ancien commerce. Ces pôles sont placés à des endroits stratégiques afin de dynamiser l’ensemble résidentiel dans une optique de futur village, et d’accroissement de résidents permanents. De la même manière, les entrées dans les bâtiments sont mutualisées et facilitées, permettant les accès PMR par exemple. Cette simplification des accès permet à tout le monde d’accéder aux différents logements, à la manière d’un habitat collectif en ville. Par la suite, chaque corps de bâti a été requalifié. Par exemple La Grande Moucherolle, immeuble le plus à gauche et le plus haut (fig.20), servira maintenant de locaux avec des services complets. Des espaces de qualités seront aménagés avec une forte relation au paysage environnant grâce à de grandes ouvertures. Ces locaux seront destinés au travail, mais également au télétravail comme les étudiant l’ont précisé. Plusieurs terrasses seront ajoutées, avec des espaces de réunions, de conférences, de travail partagé, etc.(fig.24). En ce qui concerne Les Alloubiers et Les Arolles, les longues « barres » de logements qui font suite à La Grande Moucherolle (fig.20). Certains des espaces exposés au Nord seront utilisés pour de nouvelles pièces à vocation collectives (fig.25). Tous les rangements destinés uniquement au ski se verront ajouter différents rangements pour les activités 4 saisons. Avec l’ajout d’espaces communs (bibliothèque, atelier de bricolage, espace de jeux pour enfants, cuisine collective, etc.) sur les côtés Nord, les habitants pourront « habiter la façade Nord, ainsi revalorisé. » (ibid). Ces espaces permettent également « d’envisager les circulations comme des lieux plus conviviaux via la création de nouveaux liens au sein de la copropriété en libérant l’espace des appartements. » (ibid). 66
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Équipe 1 « Les balcons toutes saisons » ; Gaël BONNET, Ophélie EBERSOHL, Claire FUCHS, Manon GIMBERT, Mathilde GRAVIER, Salomé JACQUOT, Boris PEQUENO .
(fig.23). Plan des différents pôles, Les Balcons de Villard. © Équipe 1. (issu du Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans). Cf. Annexe 3, p.124.
(fig.24). Plan RDC supérieur, La Grande Moucherolle, Les Balcons de Villard. © Équipe 1. (issu du Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans). Cf. Annexe 3, p.124.
(fig.25). Plan RDC Nord, Les Arolles, Les Balcons de Villard. © Équipe 1. (issu du Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans). Cf. Annexe 3, p.124.
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Si on s’attarde à présent sur la réhabilitation des façades dans le cadre de l’exercice de projet, les étudiants ont divisé les transformations en trois parties ; les façades Sud, les façades Nord et pour finir la façade Ouest de La Grande Moucherolle. Pour les façades Sud, les balcons de La Grande Moucherolle, des Alloubiers et des Arolles seront agrandi pour donner des possibilités d’usages variés avec des espaces généreux (fig.26). Ce « prolongement des balcons conduit à réaliser des « casquettes solaires » réduisant les apports lumineux directs plein sud et donc les surchauffes en été. En hiver, le soleil étant plus bas, lumière et chaleur pénètrent aisément dans chaque appartement. » (Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans). Il est prévu d’ajouter des plantes résistantes au gel sur certains appartements, seulement ceux qui sont occupés de façon permanente (fig.27). Amenant progressivement une façade végétale, agréable, filtrante et permettant une meilleure intimité. Les autres appartements, occupés partiellement (fig.27), auront des moucharabiehs, afin de filtrer la lumière, mais aussi des séparatifs entre chaque balcon. Dans une logique environnementale, des panneaux photovoltaïques et thermiques seront installés sur le toit pour assurer une production d’électricité et d’eau chaude en permanence. À propos de l’isolation, et « pour réduire les ponts thermiques, une isolation complète sera réalisée lors de l’extension du balcon du nez de dalle, du balcon et sa sous face ainsi que les murs de refends (intérieur/ extérieur). Ce dispositif permet également d’encapsuler les parties de l’immeuble comprenant des matériaux à base d’amiante, présents en sous face des balcons. Cette technique peut être déployée pour les façades de tous les immeubles. » (ibid). L’objectif pour les façades Nord est d’abord de réduire les ponts thermiques. Puis les pièces de vie seront agrandies, en essayant « d’apporter le maximum de lumière naturelle et diffuse à l’intérieur des appartements. » (ibid). Pour régler les problèmes d’exposition et d’habitabilité au Nord de ces façades, une façade « double peau » (fig.28) en verre autonome produira une extension des appartements avec un espace supplémentaire pour les habitants. La façade Ouest de La Grande Moucherolle « est conçue également de manière différente car à l’ouest le soleil se déploie selon une courbe plus rasante. Les balcons sont conservés en l’état, agrémentés de lames de bois verticales et orientables selon la courbe du soleil, soit pour filtrer, soit pour occulter, selon la convenance. » (ibid). Afin de permettre une mobilité douce au sein des Balcons de Villard, un projet de transport par câble est mis en place, « de manière à faire évoluer l’utilisation de la voiture et les pratiques sportives extérieures, laissant place à une urbanisation future, tout en facilitant les liaisons avec Villard-de-Lans. » (ibid). Au final, au travers de tout ce que nous avons pu observer sur ce projet de réhabilitation, notamment, le travail sur l’enveloppe (fig.29), les façades, les accès, les parcours, l’aménagement d’espaces collectifs, etc. L’habitabilité de cet ensemble résidentiel secondaire se voit valorisée. Malgré une réhabilitation qui ne touche pas de manière directe les studios que nous avons déjà analysés, ces transformations permettent un point de vue différent de celui du projet Phoenix. Des transformations différentes certes, mais avec un même objectif, celui d’augmenter l’habitabilité des résidences secondaires. En complément à ce projet de réhabilitation de l’ensemble résidentiel des Balcons de Villard, nous pourrions très bien retranscrire les méthodes de transformation des studios vus avec le projet Phoenix. En rejoignant certains studios, en démolissant les parois trop fines, en ajoutant une isolation thermique et acoustique etc. Afin d’obtenir des plus grandes surfaces habitables, un meilleur confort, et une plus grande intimité.
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Évidemment, il ne s’agit pas là d’une « solution » déjà toute trouvée, mais simplement d’une évolution possible des travaux des étudiants, qui avaient pour directive de ne pas s’attarder sur une réhabilitation des logements. En s’inspirant de ce que nous avons déjà vu précédemment. Pour rebondir sur l’exercice de réhabilitation des étudiants en master thématique Architecture-Paysage-Montagne, durant les deux années précédentes, 2017 et 2018, les exercices constituaient également des réhabilitations d’immeubles résidentiels touristiques (Tignes, les Aravis). Mettant en avant cette problématique plus qu’actuelle. Comme le disent les étudiant qui sont à l’origine de ce projet « Les balcons toutes saisons » ; « le projet s’inscrit donc dans la perspective de la transition écologique et énergétique avec une vision d’un nouveau quartier de Villard-de-Lans, proposant un cadre de vie idéal pour la vie quotidienne, plus qu’un projet de réhabilitation d’une station. » (Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans). Avec ce projet, il était intéressant de voir la réhabilitation avec une échelle plus grande que celles des logements. Finalement, l’ambition est la même et aspire une occupation permanente des résidences secondaires des Balcons de Villard. Nous pouvons prétendre à une transformation vers des résidences plus habitables à l’année et donc potentiellement principales.
(fig.26). Extension des balcons, Les Balcons de Villard. © Équipe 1. (issu du Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans). Cf. Annexe 3, p.124.
(fig.27). Exemples d’aménagements des terrasses en fonction du temps et de l’occupation, Les Balcons de Villard. © Équipe 1. (issu du Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans). Cf. Annexe 3, p.124.
(fig.28). Système double-peau, Les Balcons de Villard. © Équipe 1. (issu du Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans). Cf. Annexe 3, p.124.
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(fig.29). Exemple d’évolution de l’enveloppe, Les Alloubiers et Les Arolles, Nord-Est, Les Balcons de Villard. © Équipe 1. (issu du Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans). Cf. Annexe 3, p.124.
Par le prisme de ces deux projets analysés, nous avons pu explorer différentes possibilités de transformation de résidences secondaires en résidences plus habitables. La réhabilitation du premier projet avec le Phoenix, nous montre que tous les critères d’habitabilités peuvent être améliorés. C’est par la transformation que ces critères, comme la taille des logements, le confort général, l’isolation etc, ne sont désormais que de mauvais souvenirs. La résidence réhabilitée accueille maintenant de véritables appartements, similaires à des résidences principales. Prouvant que même des résidences secondaires non vouées à être transformées en résidences principales, le sont. Avec l’exercice, un peu plus théorique, que nous ont proposé les étudiants de Grenoble, nous avons vu une réhabilitation différente qui se focalise très peu sur les logements en tant que tel, mais plutôt sur un travail général d’enveloppe, d’accès et de parcours. Cet exercice avait un but clair, se projeter dans une station 4 saisons de Villard-de-Lans, reposant sur un accroissement d’habitants permanents et dirigeant progressivement ce territoire comme un véritable village plus durable et pérenne. Ces résidences qui nécessitent une transformation afin d’être plus habitable, sont donc pour la plupart des résidences datant des années 70, qui ne correspondent plus aux attentes d’aujourd’hui. C’est pourquoi celles-ci tendent de plus en plus vers des réhabilitations ou rénovations. Comme avait pu le dire Bouchain sur les pensées de Simone et Lucien Kroll ; « ils étaient prêts à s’occuper de ces lieux, à les « soigner » comme le ferait un médecin […] Venir après un architecte pour tenter d’habiter l’inhabitable, tout en tirant la leçon de cette expérience ratée : pas de table rase, pas de négation du passé. » (Bouchain (P.), (dir.), 2013, p.8). L’architecture moderne, caractérisée de « machine à habiter » sont des habitats qu’il faut « soigner », afin de pouvoir « habiter l’inhabitable », sans forcément passer par une « table rase », mais plutôt en réhabilitant et en prenant en compte le « passé ». Ce qui n’est pas toujours le cas, nous le découvrirons dans la partie suivante. Malgré tout, ces transformations ne sont pas encore assez présentes pour généraliser ces résidences qui sont maintenant plus habitables, et à usages potentiellement principales. Potentiellement principales, car malgré une bonne habitabilité, nous remarquons certaines lacunes comme des espaces de bureaux et quelques fois trop peu de rangements. Nous allons nous intéresser à présent à un cas différent, ou la transformation d’un existant n’est pas la solution adoptée. 70
3. Résidences secondaires non-transformables Lors de notre enquête auprès des habitants qui possèdent une résidence secondaire en station de ski, nous avions imaginé un exercice de projet. Afin de déterminer quelles transformations pourraient rendre ces résidences plus habitables et les amener à être de vraies résidences principales. Une faible catégorie de personnes nous avait clairement exprimé le fait qu’aucune transformation ne pourrait permettre cela ; « je ne changerai rien. La résidence secondaire serait difficilement adaptable en résidence principale, étant bien plus petite que ma résidence principale.» (Réponse n°38). Pour ces personnes, c’est la taille trop restreinte qui ne permet pas de faire de transformation ; « difficiles de faire de grosses transformations sur 25 m2 pour en faire une résidence principale » (Réponse n°24). Il est évident que la taille des logements contraint énormément la possibilité de faire des transformations. À l’inverse, comme nous l’avons constaté précédemment, il est possible de réhabiliter des logements trop petits, en les faisant se rejoindre. Mais cela à un inconvénient, c’est qu’il réduit le nombre de logements, ce qui n’est donc pas possible à faire dans une copropriété classique. Si on exagère un peu, cela reviendrait à abandonner son logement afin d’en faire un plus grand, à partager. Évidemment, il existe tout un tas d’autres raisons de ne pas pouvoir transformer une résidence secondaire en résidence principale. Au vu d’une certaine vieillesse générale du parc immobilier secondaire en station de ski, il se peut que nous fassions face à des cas vraiment extrêmes. Qui ne pourraient pas être transformés. En effet, si celui-ci est beaucoup trop vétuste, qu’il est trop détérioré et qu’il ne permet pas une réhabilitation, il faudra alors le démolir pour reconstruire de meilleures résidences à la place. Ces dernières, dans l’air du temps et de la demande, seront plus habitables que les précédentes et pourront esquisser des résidences permanentes. Dans certains cas, c’est tout simplement une question économique. Une démolition peut-être une manière plus simple et amenant plus de plus-values qu’une transformation, réhabilitation, etc. Dans chacun des cas, cela apporte tout de même des résidences plus habitables, car complètement neuves. Mais les résidences n’ont pas réellement été transformées d’une résidence A (existante et pas habitable à l’année) en une résidence A’ (résultante, habitable à l’année). Mais elles sont plutôt passées d’une résidence B (existante et non transformée) en une résidence C (nouvelle et habitable à l’année). Pour permettre de mieux comprendre cela, nous allons analyser un projet de ce type, qui se situe dans la station d’Alpes d’Huez, en Isère, station de deuxième génération. Tout d’abord, si nous avons la chance d’étudier ce projet, c’est grâce à nos enquêtes, et aux différents contacts que nous avons pu nous faire à cette occasion. Le projet se situe donc à l’Alpes d’Huez, station située dans les Alpes du Nord, en Isère. Si ce projet est dans cette partie, c’est qu’il n’a pas été transformé. Auparavant, c’était un hôtel de résidences touristiques et secondaires, L’Hôtel Les Gentianes (fig.30). Cet hôtel a été construit en 1964, et après 56 années d’activités, celui-ci a fermé en 2020 pour laisser place à la Résidence Les Gentianes. Malheureusement, nous ne pourrons pas analyser les plans d’origine de l’hôtel, faute de ne pas les avoir. Mais nous pouvons tout de même imaginer l’habitabilité de ces logements. L’hôtel d’origine contenait environ 14 chambres, dispatchées en plusieurs typologies différentes. Les logements allaient de 2 à 5 personnes et certains avaient des balcons. Le principal atout de l’hôtel était sa localisation, il se trouvait à 5 minutes des pistes de ski et des principaux commerces, avec une vue imprenable sur le massif des Écrins et le glacier du Jandri. L’espace du Rez-de-chaussée contenait plusieurs usages, l’accueil, un bar, un service de location de vélos, une salle de jeux, etc. Étant donné que c’était un hôtel, les chambres n’avaient pas vocation à servir de vrais logements et avaient le minimum nécessaire pour quelques nuits confortables (TV, salle de bains, WC, lit simple ou double, etc.).
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Il est vrai qu’avec son statut d’hôtel, on ne peut pas apparenter totalement cela à des résidences secondaires comme nous avons pu en observer. Malgré tout, ces cellules étaient destinées pour la même demande que des résidences secondaires, et permettaient de résider quelque temps en station, pour les week-ends, les vacances et les loisirs. En cela, et en partant du fait que l’hôtel ne représente pas un potentiel d’habitabilité à l’année, nous la considérerons comme résidence secondaire, un peu particulière.
(fig.30). Hôtel Les Gentianes. © ATRIUM. (issu de Monsieur J.).
L’hôtel Les Gentianes ferme donc ses portes une cinquantaine d’années après sa création pour laisser place au projet de la Résidence Les Gentianes (fig.31). Pour ce nouveau projet, c’est l’agence Busquet Architectes qui s’est occupée de la conception, des plans, etc. À la maîtrise d’ouvrage, on retrouve le groupe ATRIUM, un groupe immobilier qui s’occupe de plusieurs secteurs, comme la promotion immobilière. Nous avons pu enquêter Monsieur J., qui occupe un bon poste au sein du groupe ATRIUM. Celui-ci nous a alors expliqué un peu le projet en nous donnant les plans et autres documents relatifs à la nouvelle résidence, pas encore construite. L’achat de l’ancien hôtel s’est effectué le 18 décembre 2020 et une opération de désamiantage s’est déroulée en ce début d’année 2021. La démolition de l’hôtel est par contre planifiée pour début avril 2021. La concernant, elle n’était pas inévitable comme on pourrait penser au premier abord, lorsqu’on parle de démolition. Monsieur J. nous explique qu’ils auraient pu faire une rénovation, mais ça n’aurait pas été suffisant et moins bien que s’ils rasaient tout pour reconstruire à neuf. Il nous explique par exemple que s’ils avaient effectué une rénovation, cela aurait simplement permis de faire 5 à 6 appartements, à la place des 11 qui seront bientôt disponibles. Évidemment, l’enjeu économique rentre en compte, il nous explique qu’en vendant aux alentours de 10 000 euros du mètre carré, il y avait une réelle plusvalue avec une démolition plutôt qu’avec une transformation. Pour pouvoir satisfaire la demande grandissante de résidences secondaires, les appartements de haut standing sont à présent composés de plus grandes surfaces, avec de vraies grandes terrasses. Et ça, l’existant n’aurait pas pu le permettre. Concernant le fait qu’ils n’avaient pas les plans de l’hôtel d’origine, c’est tout simplement car lorsqu’on construit un immeuble neuf en rasant l’existant, on ne s’intéresse pas tellement à savoir comment était aménagé l’intérieur. Nous nous intéressons par contre à ce qu’on pourrait construire à la place, et on le vérifie grâce au PLU de la station de l’Alpes d’Huez par exemple. C’est lui qui va donner les règles de la nouvelle construction. Dans ce cas-là, ils avaient le droit de construire à la même hauteur que l’ancien hôtel, ils étaient par contre limités à 12 logements maximum. Comme Monsieur J. nous l’avait expliqué, les appartements font partie d’une copropriété classique et sont tous partie en un temps record, alors que la livraison se fera au 4e trimestre 2022. Effectivement, ces biens résidentiels sont de plus en plus rares et le seront davantage dans les prochaines années, de ce fait, ils attirent toutes les convoitises. 72
(fig.31). Insertion 3D nouvelle Résidences Les Gentianes. © ATRIUM & ATJ Graphics. (issu de Monsieur J.).
Cette nouvelle résidence pourra donc bénéficier de cet emplacement privilégié qui se situe à même pas 300 mètres des pistes et relativement proche de toutes autres activités proposées par la station. Avec cette situation plus que confortable, tous les appartements bénéficient « d’une terrasse avec vue dégagée et une exposition Sud. Ils sont aménagés et équipés avec des matériaux haut de gamme offrant confort, qualité et esthétisme. Vous bénéfierez d’un garage, d’une cave et d’un casier à skis. » (Site Groupe Atrium). Concernant les terrasses, et si on compare uniquement par le biais des photos (fig.30/fig.31), cette fois si tous les appartements en auront une, et bien plus grande que celles à l’origine, qui s’apparentaient à des petits box pour s’aérer. Avant de prendre part aux plans d’appartements, nous allons regarder plus généralement l’organisation par étage et comment s’est faite la répartition de ces logements allant du T2 au T6. Tout d’abord, le rez-de-chaussée se compose de 4 appartements, allant de 41,2 mètres carrés pour le plus petit, un T2, jusqu’à 83 mètres carrés pour le plus grand de l’étage, un T5. Ces 4 résidences secondaires bénéficient de leur emplacement en rez-de-chaussée, avec une terrasse et jardin allant de 27,2 mètres carrés pour le plus petit espace et 40,8 mètres carrés pour le plus grand. Passons à présent au niveau R+1, qui se compose également de 4 appartements secondaires. La plus petite résidence, toujours un T2, fait 41,7 mètres carrés, et la plus grande, un T5, fait 102,6 mètres carrés. Pour les extérieurs, cette fois sans jardin évidemment, ils sont légèrement plus petits qu’au rez-de-chaussée et s’affichent avec un minimum de 13 mètres carrés et un maximum de 20,1 mètres carrés. Le dernier niveau, le R+2, contient quant à lui seulement 3 résidences secondaires, avec pour minimum un T2 de 52,5 mètres carrés, et pour maximum un T6 de 119,2 mètres carrés. Cette fois, les terrasses vont de 16,6 mètres carrés à 28,8 mètres carrés. Si on fait une moyenne des 11 résidences secondaires issues de ce futur projet, nous arrivons aux alentours de 74 mètres carrés pour la résidence, avec une moyenne de 24 mètres carrés pour la terrasse. En termes de surface, ce sont donc des résidences secondaires plus que confortables qui sont proposées. Notons aussi que chaque résidence se voit attribuer un garage au niveau R-1, un sous-sol qui n’était pas existant et qui n’aurait pas pu être fait sans démolition. La circulation verticale dans la résidence se fait par une cage d’escalier ainsi qu’un ascenseur, qui donne pour chaque étage sur des rangements liés aux différentes activités que peut proposer la station de l’Alpes d’Huez. Dès l’abord, ces résidences secondaires munies d’un garage et avec des surfaces plus que convenables pour la situation géographique, ont de quoi s’apparenter à de vraies résidences principales d’un habitat collectif. Nous allons maintenant voir ce qu’il en est en termes d’habitabilité, c’est pourquoi nous analyserons 2 de ces résidences secondaires pour explorer et jauger ce qu’ils représentent. Pour ce faire, nous prendrons 2 appartements qui ont des surfaces très différentes, le plus petit et le plus grand, afin de comparer les deux extrêmes.
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Commençons avec la résidence la plus petite en termes de surface (fig.32). Elle se situe au rez-de-chaussée, avec environ 41,2 mètres carrés et 29,8 mètres carrés de terrasse et jardin. Nous remarquons d’entrée que le logement peut accueillir au moins 3 personnes. Avec une chambre double qui fait plus de 10 mètres carrés ainsi qu’un petit coin montagne permettant d’accueillir 1 personne supplémentaire. Des rangements sont situés dans ces deux pièces, mais ne semblent peut-être pas suffisants pour une résidence principale. En effet, ceux-ci sont prévus comme résidences secondaires, pour y séjourner quelques semaines voire quelques mois. Cependant, la résidence dispose d’un espace séjour de 15 mètres carrés très convenable doté d’une cuisine équipée, d’une table à manger, et d’un espace salon qui ouvre directement sur cette grande terrasse plus jardin de presque 30 mètres carrés. L’espace extérieur est complètement exposé au Sud et permet de profiter des bienfaits du soleil. L’appartement n’étant pas trop profond, la lumière venant de la façade Sud est bien suffisante pour avoir une bonne diffusion. L’extérieur est également desservi par la chambre double et nous pouvons voir une isolation extérieure sur la paroi séparant l’intérieur de l’extérieur. Qui dit bâtiment neuf dit également réponse aux normes thermiques et acoustiques actuelles qui rendront forcément un meilleur confort et une meilleure intimité, à comparer de ce qui se faisait dans les années 70. Nous pouvons également imaginer l’accès aux PMR (Personnes à Mobilités Réduite), de par l’entrée qui fait 95 centimètres et les différentes icônes qui montrent les possibilités des PMR. De plus, la cloison séparative entre la salle de bain équipée et les toilettes sera collée sur un revêtement dépourvu de tous passages réseaux secs ou humides, permettant une réversibilité du logement aux normes PMR. La résidence sera habitable par tous. Au final, malgré une vocation secondaire qui se distingue quand même (coin montagne, rangements, etc.), nous pourrions totalement imaginer y habiter à l’année et s’y sentir bien. De plus, l’aspect haut de gamme que représentent ces résidences permet un confort réel, même s’il peut être vu comme légèrement superficiel pour certains. Nous allons à présent nous intéresser à la résidence avec la surface la plus grande (fig.33). Cette résidence secondaire dispose de 119,2 mètres carrés, un T6 spacieux accompagné d’une grande terrasse de 28,8 mètres carrés, orienté plein Sud. En hauteur et avec cette orientation, la vue sur le massif des Écrins et le glacier du Jandri nous immerge aux cœurs des montagnes. Cette terrasse à l’avantage d’être accessible directement depuis une des deux chambres double disponibles dans l’appartement. L’autre chambre double dispose elle aussi d’un espace extérieur, un petit balcon. Ces deux chambres de plus d’une dizaine de mètres carrés chacune ont donc toutes deux un accès sur un extérieur. Cependant, la chambre 1, avec le plus petit espace extérieur, à l’avantage d’avoir un énorme espace de dressing d’environ 12 mètres carrés. Caractéristique non-négligeable pour accueillir toutes les affaires que l’on pourrait avoir dans sa résidence principale. De manière générale, l’appartement contient beaucoup de rangements à comparer d’autres résidences secondaires que nous avons pu analyser. Nous pouvons observer des espaces entièrement dédiés à cela du côté de l’entrée avec le cellier par exemple. Les chambres sont accompagnées de deux salles de bains équipées avec toilettes qui sont également accessibles depuis les autres espaces de vie. Un espace séjour avec cuisine ouverte très spacieux donne sur la grande terrasse et amène sur un espace salon. Les espaces de vie sont donc principalement tournés vers l’extérieur et profitent de l’environnement alentour que suggère la montagne et la station. Nous pouvons noter également une donnée très importante en ce moment, comme nous le disaient les différents professionnels, un espace bureau, accompagné d’un espace TV pour se détendre et passer du temps en famille. Le bureau est également une caractéristique de plus en plus demandée dans des résidences secondaires et reste indispensable pour pouvoir travailler ou télétravailler en habitant principalement sa résidence en station de ski. De la même manière que l’autre appartement, celui-ci est vêtu d’une isolation extérieure et renforce ce côté privé, cocon, que nous apprécions lorsqu’on est chez soi. Un chez-soi qui peut être celui de tout le monde, grâce à l’ascenseur commun et à l’adaptabilité aux PMR. Dans son ensemble, cette résidence secondaire est totalement réversible en résidence principale.
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(fig.32). Plan appartement T2 et situation au rez-de-chaussée, Résidences Les Gentianes. © ATRIUM & Busquet Architectes. (issu de Monsieur J.).
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(fig.33). Plan appartement T6 et situation au R+2, Résidences Les Gentianes. © ATRIUM & Busquet Architectes. (issu de Monsieur J.).
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Cette analyse du projet Les Gentianes dans la station de l’Alpes d’Huez, met en avant une face différente concernant la transformation des résidences secondaires. Par cet exemple, nous avons vu que le choix de la transformation n’était pas toujours une solution envisageable. Le projet ne s’inscrit pas dans une logique de réhabilitation, mais vient remplacer un ancien bâti existant, qui ne correspondait plus aux attentes et besoins actuels. Par une démolition et une reconstruction de résidence, le parc immobilier en station repart sur des bases nouvelles qui correspondent de plus en plus à une envie d’habiter principalement sa résidence secondaire. La nouvelle résidence Les Gentianes nous offre des résidences secondaires plus habitables. Dans l’ensemble, et de par l’analyse de deux appartements, nous voyons qu’il est maintenant possible d’habiter principalement sa résidence en station de ski. Évidemment certains sont plus confortables ou alors simplement plus grands. Avec des atouts non-négligeables pour habiter sa résidence secondaire à l’année comme la capacité de rangement, l’espace bureau, etc. Cela dépendra du budget que les personnes sont prêtes à investir. Comme nous l’avions expliqué en ce début de partie 3, les prix de l’immobilier en station sont en train d’exploser, et particulièrement dans les Alpes du Nord. La résidence secondaire se voit d’un côté tendre vers une habitabilité qui n’est plus la même qu’autrefois, qui permet d’y habiter en permanence. De l’autre côté, nous avons des prix au mètre carré qui dépassent tout entendement. Il est difficile de trouver des mètres carrés à moins de 2 500 euros, et la moyenne dans les Alpes du Nord se trouve aux alentours de 5 000 euros du mètre. Dans ce sens, « même les chalets délabrés s’achètent à prix d’or dans le but de démolir pour reconstruire. Et pour les appartements, décrocher dans cette fourchette de prix relève de l’impossible sauf à acheter dans une résidence des années 1970, une « cellule » de 16 m², énergivore, mal entretenu, au dernier étage sans ascenseur, exposée nord ! » (Site Se Loger ter). La notion de « démolir pour reconstruire » est réelle et fait partie des solutions pour rehausser la qualité des hébergements en stations de ski. Dans ces prix qui nous dépassent et ces biens qui ne sont pas vraiment abordables pour une majorité de personnes, il faudrait acheter dans une des nombreuses résidences de l’époque moderne. Caractérisées d’ « énergivores », de très vétustes, de peu confortables, avec une orientation qui laisse à désirer et des surfaces restreintes, pour espérer des prix plus corrects. Les critères qui contraignaient auparavant le fait d’habiter à l’année dans sa résidence secondaire sont aujourd’hui minimes et ces résidences s’apparentent de plus en plus à un habitat principal. Nous allons le voir par la suite en nous intéressant aux résidences secondaires plutôt neuves, qui ne nécessitent pas de transformation afin d’y habiter principalement.
4. Résidences secondaires sans nécessité de transformation Dans cette ultime partie, nous allons nous intéresser à la dernière catégorie d’adaptabilité de la résidence secondaire. Celle des résidences secondaires qui ne nécessitent aucune transformation afin de devenir pourquoi pas des résidences principales. Cette catégorie représente des résidences secondaires plutôt récentes, qui sont donc en accord avec les besoins d’aujourd’hui. Du fait d’une demande de plus en plus axée sur le confort et sur des possibilités de séjour de plus en plus long, nombreuses des résidences secondaires se retrouvent comparables à des résidences principales. En effet, les stations de ski ne sont plus dans une optique 100 % quantitative, mais prône de plus en plus la qualité et le confort d’hébergement secondaires. Tout cela dans le but d’attirer une véritable clientèle, de plus en plus fidèle et qui vient dynamiser les stations. Le temps moderne des « cages à lapins » est révolu et plus aucune résidence de ce type ne sont construites actuellement. Aujourd’hui plus que jamais, le confort passe avant tout et les habitants doivent se sentir bien, comme chez eux, dans cet environnement aussi spécifique que demandé. 77
Comme nous avons pu le montrer avec nos enquêtes destinées aux professionnels, les résidences secondaires détiennent une vraie carte à jouer en ce moment avec le contexte lié au Covid-19. Elles attirent de plus en plus, et sont de plus en plus habitables face à une demande d’y habiter en permanence grandissante. Nous avons également vu que les problématiques financières allaient être davantage présentes et allaient venir creuser l’écart, malheureusement pour la classe moyenne. En clair, il sera encore plus difficile d’être propriétaire en station de ski et ça, les personnes l’ont bien compris. Une certaine « raréfaction de l’offre neuve » (Site Challenges) se révèle. De ce fait, la qualité prime sur la quantité, tout en maintenant cette hausse de prix, et en induisant à construire des résidences secondaires qui s’apparentent à de véritables résidences principales. Pour illustrer cette catégorie, nous analyserons deux projets de résidences secondaires dans la station de Morzine, en Haute-Savoie, station de première génération. Ces deux projets sont assez récents et pourront témoigner de l’habitabilité des résidences d’aujourd’hui. Nous nous intéresserons dans ce cas-là à un habitat individuel ainsi qu’un habitat collectif regroupant plusieurs appartements. Ces projets sont tous deux situés dans les Alpes du Nord et sont issus de l’agence Deffert-Baud Architecture, spécialisé dans l’architecture de montagne et implanté en cœur de station. Commençons avec l’habitat individuel, ou autrement dit, le Projet 18-01 (fig.34) qui affiche une surface plancher d’environ 254 mètres carrés. Ce projet, situé à Morzine, s’inscrit dans une temporalité récente, du commencement en 2018 jusqu’en 2021 pour la finalisation. Facile d’imaginer que le projet a évolué avec la crise sanitaire. Le projet prend place dans un environnement naturel, en bordure de pré, et s’implante dans la pente. La conception du bâtiment en deux volumes « permet à la fois d’accompagner la dénivellation du terrain avec un minimum d’aménagement et aussi d’organiser les espaces intérieurs : un volume aval pour les espaces de vie et de réception et un volume amont pour les espaces de nuit et de détente. » (Site Deffert-Baud). Comme nous pouvons l’observer (fig.34), les deux volumes viennent rappeler la pente naturelle du terrain. L’organisation des espaces intérieurs se fait également part ces deux volumes. Tout d’abord, celui que nous voyons au premier plan, en aval, destiné pour les « espaces de vie et de réception », s’ouvre énormément à l’environnement alentour. En second plan, le deuxième volume, qui lui est destiné à des espaces plus intimes comme « les espaces de nuit et de détente ». De plus, dans ces deux volumes principaux, la verticalité est une caractéristique importante, se dégage alors une grande hauteur sous charpente apparente qui laisse place à des espaces généreux. Cette verticalité, nous la retrouvons en liaison des deux volumes précédents ; la cage d’escalier. Caractérisé comme la colonne vertébrale du projet, tous les espaces de l’habitat individuel s’organisent autour. Au sommet de ce volume vertical que nous pouvons apercevoir entre les deux pans de toit, un bandeau vitré, qui « permet une vision panoramique sur toute la vallée de Morzine. » (ibid). Cet élément central amène donc une certaine « bella vista » sur toute la vallée de la station, comprenant le cadre montagnard et une vue imprenable. À propos des ouvertures sur l’extérieur, le volume des espaces à vivre, en aval, offre une « expérience de vie en immersion avec la nature environnante » (ibid). En effet, grâce à d’immenses baies vitrées, l’environnement est mis en avant. De part un simple visuel extérieur (fig.34), nous remarquons que le bois brute est utilisé comme matériau principal, pour les façades, mais également pour la couverture des toits. Ce « matériau vivant avec un aspect évolutif au fil du temps est associé avec le gris anthracite comme unique couleur pour marquer un contraste fort avec celui-ci. » (ibid). Un matériau « vivant », qui prend de la patine avec le temps, en accord avec la cadre environnant et permettant une association contrasté avec « le gris anthracite ».
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(fig.34). Photographie générale de la résidence, deux volumes joints, Projet 18-01. © Deffert-Baud Architecte. (Site DeffertBaud).
Nous allons à présent nous intéresser aux différents plans de cette résidence secondaire, en essayant d’en retirer une habitabilité permettant d’y vivre en permanence. Penchons-nous premièrement sur le niveau 0 (fig.36). Ce niveau, en partie enterré, sert de porte d’entrée au bâtiment. Nous remarquons d’emblée la capacité d’accueillir 4 véhicules ; 2 places de stationnement sont disponibles à l’extérieur, et 2 places supplémentaires sont quant à elles à l’intérieur d’un abri couvert. Idéal pour recevoir des amis ou même de la famille. Qu’importent leurs moyens de transport vu qu’à côté de cet abri couvert se trouve un local à vélo. Nous aurions pu nous attendre à un local à ski comme cela se fait énormément en résidence secondaire, mais le local à vélo permet une dimension plus lointaine. La résidence secondaire n’est pas dans une optique de résidence occasionnelle à des fins uniquement liées aux sports d’hiver, on imagine bien là une volonté de correspondre à tout type de saisons et de mobilité, afin de donner la possibilité d’habiter principalement la résidence. L’entrée dans l’habitat se fait également par ce niveau, non loin de l’abri. En arrivant à l’intérieur, nous nous retrouvons face à nous la cage d’escalier qui permet la circulation verticale. Sur notre gauche, un espace TV de plus de 12 mètres carrés, pour la détente et pourquoi pas passer du temps avec des amis. Puis se trouve un petit espace sanitaire avec une douche et des toilettes, idéal pour le retour du ski. Des espaces de rangement sont également disposés sur la droite de l’entrée. Une grande buanderie d’environ 10 mètres carrés se place à côté de la cage d’escalier. Un aspect important qui n’est ni négligé ni négligeable afin d’habiter cette résidence à l’année. La buanderie dans une résidence secondaire est souvent inexistante ou bien rajoutée à la hâte afin de « dépanner », ce qui n’est pas le cas ici.
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Si nous nous attardons à présent sur le plan de niveau 1 (fig.37), nous pouvons mieux nous rendre compte de ce que nous avons pu évoquer précédemment. En effet, sur ce volume en aval, les espaces de vie s’organisent autour de cet axe vertical que représente la cage d’escalier. L’idée de s’ouvrir énormément sur l’extérieur est également très visible sur ce plan, de par les nombreuses baies vitrées et ouvertures. Le terrain recouvrant la partie arrière du bâtiment, tous les espaces de vie se retrouvent alors dirigés vers la partie avant, face à la vue. Cela est également renforcé par la présence de 2 terrasses amenant un contact direct avec l’extérieur. Une première terrasse d’environ 24 mètres carrés complètement ouverte est accessible depuis le séjour et la cuisine, avec une orientation pleins Sud. Une seconde est disposée en lien direct avec le salon, orienté à l’Ouest. Cette terrasse d’environ 11 mètres carrés est quant à elle abritée, permettant de mettre en place un mobilier extérieur protégé des intempéries. Ces deux terrasses sont de véritables atouts et confortent cette relation à l’environnement souhaité par les architectes. En arrivant à ce premier niveau depuis les escaliers, nous arrivons face à une cheminée monumentale (fig.35) qui rappelle le gris anthracite de l’extérieur. Nous avons une première partie à droite, constituée du séjour d’environ 32 mètres carrés, complètement desservie par la cuisine ouverte, munie d’un îlot central (fig.35). Ces deux espaces sont en lien direct avec la terrasse orientée au Sud. De l’autre côté, nous retrouvons un grand salon d’environ 27 mètres carrés, donnant sur la seconde terrasse. Des espaces de vie de grande qualité avec des volumes ouverts et des connexions atypiques, s’organisant autour de cette circulation verticale. Comme nous le voyons (fig.35), cette circulation permet une sorte de palier d’observation qui surplombe les espaces de vie. Certains murs sont en béton brut et certains sols sont en béton ciré, renforçant « l’idée d’un écrin minimaliste pour une nouvelle expérience d’une vie en montagne. » (Site Deffert-Baud). Tous ces matériaux, accompagnés du bois de la charpente apparente, rendent un intérieur en accord avec son extérieur, brut, minéral et végétal. Les espaces de vie profitent d’une lumière et d’une vue difficilement retrouvable en milieu urbain. Pour ce premier étage, nous retiendrons une habitabilité digne d’une résidence principale, avec de grandes surfaces et des volumes ouverts sur l’extérieur.
(fig.35). Photographies intérieur, espace cuisine, séjour et circulation verticale, Projet 18-01. © Deffert-Baud Architecte. (Site Deffert-Baud).
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(fig.36). Plan niveau 0, Projet 18-01. © Deffert-Baud Architecte. (issu de Monsieur G.).
(fig.37). Plan niveau 1, Projet 18-01. © Deffert-Baud Architecte. (issu de Monsieur G.).
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Concernant le niveau intermédiaire (fig.39), nous arrivons dans le deuxième volume, en amont, consacré aux espaces un peu plus privés et intimes comme les chambres. La cage d’escalier dessert directement une espace de rangements et amène vers 2 chambres et un dortoir. Une première chambre se situe à notre droite, c’est la chambre parentale. Celle-ci fait environ 15 mètres carrés et dispose d’une salle de bains de 5 mètres carrés équipée d’une baignoire et d’un lavabo. Outre les rangements disponibles, un balcon de presque 4 mètres carrés est accessible en face du lit double et offre une vue plein Sud. De l’autre côté, la deuxième chambre, une chambre d’ami, assez similaire en termes de surface, avec un coin bureau et un balcon profitant cette fois de la lumière diffuse du Nord. Cette chambre ne rejoint pas directement une salle de bains. Cependant, des toilettes et une salle d’eau sont situées entre les deux chambres, vers la cage d’escalier centrale. Un dortoir de plus de 7 mètres carrés permet également d’accueillir deux autres personnes. Si on monte à présent au niveau 2 (fig.40), nous pouvons trouver un dernier étage faisant partie de ce deuxième volume en amont. Le programme y est presque semblable qu’au demi-niveau étudié précédemment. En arrivant au sommet de la cage d’escalier, il faut déjà s’imaginer la vue panoramique sur la station de Morzine, permise par un bandeau vitré. De la même manière que précédemment, les espaces sont divisés en trois parties. Avec à droite, dès notre arrivée, une chambre double de plus de 15 mètres carrés, avec un bureau et toujours le petit balcon au Sud. De plus, une salle d’eau rejoint directement cette chambre. Du côté gauche, on retrouve une chambre, le balcon au Nord, l’espace bureau et également une salle d’eau directement accessible. Petite particularité, cette chambre (fig.38) dispose d’une mezzanine amenant une possibilité de rangements supplémentaires d’environ 9 mètres carrés, dont la plupart inférieurs à 1,80 mètres. Évidemment chacune des chambres bénéficient d’armoires et de divers mobiliers pour accueillir toutes les affaires d’une résidence principale. Entre ces deux chambres très qualitatives, nous pouvons percevoir des toilettes communes et enfin la « cerise sur le gâteau », un espace de détente de presque 9 mètres carrés ; le sauna. Pour résumer l’habitabilité des espaces plus privés qui constituent ce volume en amont, nous pouvons clairement dire que ces espaces sont totalement similaires à ce qu’on pourrait trouver en résidence principale. Les différents jeux de niveaux amènent une optimisation de l’espace, tout en gardant la qualité des chambres. Le lien à l’extérieur est omniprésent et les équipements (douches, baignoire, toilettes, sauna, bureaux, etc.) apportent une vraie plus-value à cette résidence secondaire.
(fig.38). Photographie intérieur, chambre niveau 2 avec mezzanine et salle d’eau, Projet 18-01. © Deffert-Baud Architecte. (Site Deffert-Baud).
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(fig.39). Plan niveau 1,5, Projet 18-01. © Deffert-Baud Architecte. (issu de Monsieur G.).
83 (fig.40). Plan niveau 2, Projet 18-01. © Deffert-Baud Architecte. (issu de Monsieur G.).
Après avoir analysé ce Projet 18-01 de l’agence Deffert-Baud Architecture, nous avons une meilleure vision de ce que peut être une résidence secondaire en station de ski récente. En effet, cette résidence secondaire est complètement neuve et correspond totalement aux modes d’habiter et aux besoins actuels (grand air, nature, dépaysement etc.). Les rangements y sont très présents, l’ouverture vers l’extérieur se ressent énormément (multiples terrasses et balcons, baies vitrées, etc.), les espaces sont grands et d’une véritable qualité. L’habitat peut accueillir plusieurs véhicules, et même des vélos grâce au local prévu à cet effet, mais est aussi imaginé pour le ski (hall avec rangements, douche, etc.). Notons également la présence d’espaces bureaux dans certaines chambres et l’espace buanderie qui sont des éléments nécessaires afin d’habiter sa résidence en permanence. Nous pouvons imaginer qu’avec la temporalité très récente de ce projet, la crise sanitaire du Covid-19 a pu peaufiner ou engager certaines demandes (peut-être nouvelles) liées à cette crise. La seule petite remarque serait le nombre de chambres, qui peut paraître en déséquilibre. Il ne faut pas oublier que l’espace dortoir peut très bien être revu pour un espace ordinateur ou encore un espace de jeux par exemple. Au final, de part cette résidence secondaire, nous voyons qu’il est très clairement possible d’habiter principalement sa résidence secondaire en station de ski, le confort et l’habitabilité le permettent. Nous allons maintenant nous pencher sur le deuxième projet, situé également dans la station de Morzine, en Haute-Savoie. La temporalité de ce projet est légèrement moins récente que le projet précédent, mais permettra tout de même de nous rendre compte du confort et de l’habitabilité actuelle. Ainsi, c’est en 2016 que débute la conception de ce projet appelé la Résidence Le Pleney (fig.41). S’ensuit le permis de construire aux alentours de l’année 2017 et enfin la construction qui a également suivi dans l’année 2018. Au départ, cet emplacement en carrefour de 2 routes comprenait le magasin de ski « Pleney Sports » et la crêperie « Chez Martine ». Ils ont tous deux été démolis afin de construire et d’ajouter un nouveau bâtiment d’habitation collective. L’ensemble dispose à présent de 2 étages de stationnements souterrains privés avec plusieurs places de parking et différents locaux de rangements. Des places handicapées sont disponibles et la circulation se fait par une cage d’escalier ainsi que par un ascenseur, permettant un accès PMR aux habitations. Le rez-de-chaussée est quant à lui destiné pour accueillir des commerces, notamment les commerces issus du bâtiment existant. Le véritable ajout a été les 3 étages d’habitations, consacré à de la résidence secondaire. Afin de rester dans notre sujet, nous ne nous intéresserons pas aux parties en sous-sol et au rez-dechaussée commercial. Nous nous attarderons uniquement sur les 3 niveaux d’habitations, regroupant 3 appartements secondaires. Nous le voyons ainsi, dans cette implantation en carrefour de route, il y a un appartement par étage. Qui bénéficient donc d’une orientation et d’une vue pluriel. Le projet est construit en harmonie avec le bâtiment voisin et cherche une continuité concernant une file d’arches en pierre, permettant entre autres un abri pour l’arrêt de transport en commun touristique. De la même manière que le projet précédent, le bois brut est le matériau principal pour les façades supérieur, qui vient contraster avec de la pierre au rez-de-chaussée. Ce contraste sépare en quelque sorte les différents usages du bâtiment, ce choix « permet à la fois de marquer la répartition intérieure des fonctions « publiques » et « privées » et aussi d’inscrire le bâtiment dans une tradition constructive locale. » (Site Deffert-Baud bis). Une « tradition constructive locale », qui met en relation le bâtiment avec son environnement et ses ressources.
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(fig.41). Photographie générale, Résidence Le Pleney. © Deffert-Baud Architecte. (Site Deffert-Baud bis).
Pour ce qui est de la première résidence secondaire (fig.43), située au niveau 1, celleci s’étend sur une surface habitable d’environ 150 mètres carrés. Disposant évidemment de places de stationnement en sous-sol, la circulation peut s’y faire depuis cet endroit ou bien par l’entrée principale des habitations, au rez-de-chaussée. L’ascenseur permet au PMR d’accéder à toutes les habitations, qui sont également aux normes d’accessibilité. Les appartements sont disposés en « U » autour de la circulation verticale, et les entrées se font dans le creux. Lorsqu’on arrive à l’entrée de ce premier appartement, nous arrivons dans le hall puis à notre droite se trouve l’espace séjour de plus de 15 mètres carrés. Cet espace est relié directement par le salon avec une surface d’environ 25 mètres carrés, mais également par la grande cuisine équipée de 11 mètres carrés et un petit cellier accueillant un lave-linge et un sèche-linge. Le séjour est donc entouré par le salon et par la cuisine, qui offre un grand espace de vie très ajouré. Effectivement, cet espace est très lumineux par les nombreuses ouvertures et baies vitrées et donne accès à une grande terrasse de presque 25 mètres carrés. Nous retrouvons ici l’ouverture vers l’extérieur, tant cher aux yeux des acquéreurs. Cette première partie de l’appartement correspond à l’angle donnant sur l’extérieur et la rue. L’autre partie concerne les espaces plus privés, situés à l’angle opposé, faisant un siège à la première partie. Dans les espaces intimes, se trouvent 4 chambres, qui vont de 11 à 13 mètres carrés. Chacune de ces chambres dispose d’une salle de bains et de toilette privative, qui vont de 4 à 5 mètres carrés, en arrondissant. Du fait de leur positionnement en bordure de bâti, 3 de ces chambres bénéficient d’un accès à un extérieur. La chambre 1, accessible depuis le séjour, est pourvue d’un balcon de plus de 4 mètres carrés ainsi qu’un dressing. La chambre 2, quant à elle, bénéficie d’une terrasse de pratiquement 10 mètres carrés, exposée plein Sud. De même que la première chambre, la chambre 4 dispose d’un petit balcon, contrairement à la chambre 3 qui en est dépourvue. Entre celle-ci et la chambre 2, se trouve un sauna de presque 7 mètres carrés. 85
Au final, en revenant sur les différents points abordés, et important en termes d’habitabilité, pour ce qui est de l’ouverture sur l’extérieur et de la mise en avant de l’environnement en station, cette première résidence rentre parfaitement dans les clous. Les espaces de vie sont grands, ouverts et desservent facilement les espaces intimes. Les chambres sont tout confort, avec des rangements, des salles de bains, et même des espaces extérieurs pour la majorité. Tous les équipements sont présents et ne sont pas disposés de manière restreinte ou non réfléchis. Une première résidence secondaire tout à fait capable d’accueillir des habitants de façon permanente. En ce qui concerne la deuxième résidence secondaire (fig.44), située au niveau 2, cette dernière s’étend sur une surface habitable plus petite que l’appartement précédent, avec environ 135 mètres carrés. Dans son ensemble, l’appartement est très similaire à celui situé au niveau inférieur, que ce soit la disposition, la circulation, le confort, les équipements ou encore la capacité. Avec par exemple des grands espaces de vie qui s’ouvrent sur l’extérieur, 4 chambres dont 3 avec extérieurs, et salle de bains privative pour chacune. Du fait d’une surface moins grande, les chambres et quelques extérieurs sont plus petits. Cependant, cette résidence est dépourvue de sauna, mais ce n’est pas ce qui va enlever sa capacité d’habitabilité pour de longues périodes. De même que les autres habitats, nous trouvons une accessibilité PMR et des places de stationnement, stockages, en sous-sol. Nous pouvons donc faire le même constat que pour la résidence précédente, l’appartement permet amplement un usage permanent, afin d’habiter principalement sa résidence secondaire en station de ski. Comme nous pouvons l’observer (fig.42), l’intérieur nous immerge dans un environnement brut et minéral. En effet, le bois et la pierre apportent cet aspect naturel, en concordance avec la nature environnante. L’utilisation de ces matériaux est à part égale, nous allons à présent voir ce qu’il en est pour la dernière résidence, au niveau 3, qui devrait nous montrer une magnifique charpente en bois brut.
(fig.42). Photographies intérieurs, appartement 2, Résidence Le Pleney. © Deffert-Baud Architecte. (Site Deffert-Baud bis).
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(fig.43). Plan niveau 1, appartement 1, Résidence Le Pleney. © Deffert-Baud Architecte. (issu de Monsieur G.).
87 (fig.44). Plan niveau 2, appartement 2, Résidence Le Pleney. © Deffert-Baud Architecte. (issu de Monsieur G.).
Si on s’intéresse à présent à la dernière résidence secondaire, située au niveau 3 (fig.46), on observe une organisation similaire, mais avec une surface habitable encore plus réduite, d’environ 118 mètres carrés. Les espaces sont donc légèrement plus restreints, mais sont tout de même confortables. Du fait de ce rapetissement, le séjour et la cuisine prennent une forme différente, mais apportent les mêmes qualités architecturales, liées aux circulations et aux ouvertures sur l’extérieur. À ce niveau, il y a 3 chambres doubles, dont deux avec des petits balcons. Cependant, malgré une surface réduite, les rangements sont tout de même assez présents et les salles de bains sont là aussi privatives pour chaque chambre, etc. Étant au dernier niveau, la charpente apparente offre une qualité et une hauteur sous plafond plus importantes. Seulement quelques endroits sont situés en partie basse de la charpente, comme par exemple une partie de la chambre 3 et les rangements sous la charpente. Nous pouvons observer (fig.45) cette charpente qui appuie sur ce côté chaleureux que procurent l’ensemble des matériaux. Comme au niveau inférieur, une cheminée monumentale amène une qualité. Nous pouvons également voir les grandes ouvertures et la vue dominante sur les différents massifs de la station. Particularité de cette résidence, une double hauteur nous amène sur une mezzanine avec une surface habitable de pratiquement 28 mètres carrés (fig.47). L’accès à cette mezzanine s’effectue par le séjour, arrivé en haut, nous retrouvons une chambre double de 12 mètres carrés, avec un dressing, une salle de bains avec baignoire et toilette, ainsi qu’un petit lit pour enfant en supplément. Finalement, cette résidence est tout aussi habitable à l’année que les deux autres.
(fig.45). Photographies intérieurs, appartement 3, Résidence Le Pleney. © Deffert-Baud Architecte. (Site Deffert-Baud bis).
Il est maintenant temps de résumer et de conclure cette sous-partie qui concernait les résidences secondaires sans nécessité de transformation afin d’y habiter en permanence. Au travers de deux projets récents regroupant plusieurs résidences secondaires en habitat individuel et collectif, nous avons pu mettre en évidence que cellesci sont tout à fait habitables à l’année. En effet, ces résidences ont de grandes surfaces, sont très confortables, et ont une relation à l’environnement presque omniprésente. Les équipements (lave-linge, cheminée, lave-vaisselle, sauna, etc.), les rangements, les stationnements, ou encore les terrasses, procurent de véritables critères d’habitabilités permanents. Il est vrai que dans l’ensemble, certains éléments représentatifs nous prouvent que ce sont des résidences secondaires (local ski, nombre de chambres important, indépendance sanitaire, etc.). Mais ces éléments ne sont en rien des problèmes pour y habiter en permanence. La demande actuelle qui est de potentiellement pouvoir habiter sa résidence secondaire comme sa résidence principale est pleinement comblée par les constructions récentes que nous offrent les stations des Alpes du Nord.
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(fig.46). Plan niveau 3, appartement 3, Résidence Le Pleney. © Deffert-Baud Architecte. (issu de Monsieur G.).
89 (fig.47). Plan niveau 3.5, appartement 3, Résidence Le Pleney. © Deffert-Baud Architecte. (issu de Monsieur G.).
Pour conclure avec cette dernière et troisième partie, nous avons d’abord pu mettre en avant la complexité qui gravite autour des résidences secondaires en stations de ski. Ce terme représente énormément de formes et de typologies d’habitats différentes, qui s’étalent sur un marché du neuf et de l’ancien, induisant des habitabilités différentes. En ce qui concerne l’offre, ce sont des habitats individuels et des habitats collectifs, qui sont majoritairement divisés en deux avec la résidence de tourisme et la copropriété classique. Dans chacune des différentes facettes que peuvent prendre les résidences secondaires, l’adaptabilité afin de se rapprocher d’une résidence principale est différente et spécifique. Dans tout cela, nous avons mis en avant les problématiques financières et économiques situées en stations, qui affichent des prix de moins en moins abordables. De ce fait, l’accès à une résidence secondaire très confortable n’est pas facile. Nous avons également observé la volonté des stations de rehausser la qualité de vie de leur parc immobilier, sans pour autant vouloir transformer toutes les résidences secondaires en habitations permanentes. Par le biais de nos travaux d’enquêtes précédents et par la nécessité de s’approcher au plus près de l’architecture des résidences secondaires, nous avons pu catégoriser l’adaptabilité de celle-ci en résidence principale. Tout cela au travers d’études et d’analyses architecturales. La première catégorie représentait les résidences secondaires transformables en résidences potentiellement principales. Nous avons pris l’exemple de deux projets qui ont effectué certains changements afin d’aller vers une meilleure habitabilité. En général, c’est le marché de l’ancien qui nécessite ce genre de transformation, basé principalement sur des agrandissements de surface, une ouverture à l’extérieur, des remises aux normes thermiques et acoustiques, etc. Ce sont des résidences qui à la base n’étaient pas forcément vouées à se transformer en résidence principale, mais qui, dans les faits, ont pu être adaptables. On parle alors de réhabilitation d’un existant, qui ne permettait pas d’habiter principalement sa résidence secondaire. Puis, il y a eu la deuxième catégorie, ou la transformation d’un existant n’est pas la solution adoptée. Ce sont les résidences secondaires non-transformables. Elles représentent des résidences impossibles à transformer au vu de projets trop vétustes, sans plus-value ou sans potentiel d’habitabilité à l’année. Se voyant souvent dans l’obligation de tout raser. Cela a été le cas pour le projet analysé à l’Alpes d’Huez, qui va laisser place à de nouvelles résidences secondaires permettant d’y habiter à l’année. La recherche de plus-value et de confort prime parfois sur le potentiel de réhabilitation et se conclut avec une démolition d’un existant et des résidences neuves, qui sont généralement plus adaptées pour une habitation permanente. Effectivement, les constructions neuves sont plus adaptées à cela, car elles émergent avec les besoins actuels, c’est ce que nous avons pu mettre en évidence dans la troisième catégorie ; les résidences secondaires sans nécessité de transformation. Dans cette catégorie, nous nous sommes intéressés aux constructions récentes, en accord avec la crise sanitaire et cette envie grandissante d’habiter sa résidence secondaire. En prenant l’exemple de plusieurs résidences secondaires, d’habitat collectif et individuel, nous avons remarqué de véritables évolutions quant à l’habitabilité aujourd’hui. Des résidences secondaires construites récemment, comparable à des résidences principales. Au vu de tout cela, nous avons démontré que les résidences secondaires tendent à devenir plus habitables pour ainsi ressembler à des résidences principales. Cela passe par différents éléments et typologies de transformations, regroupant des réhabilitations, des rénovations, des démolitions ou tout simplement des constructions récentes. Assurément, cela donne davantage la possibilité aux usagers de pouvoir habiter principalement leurs résidences secondaires, à présent comparable à leurs résidences principales. Cependant, cela amène d’autres questionnements comme le devenir des résidences principales qui pourront subitement voir leur statut s’inverser. Notons tout de même que certains éléments rattachent les résidences secondaires à leur localité en stations de ski (nombres élevés de chambre, buanderie trop petite, etc.), qui peuvent parfois apporter quelques flottements. Ne dérobant cependant rien au fait de pouvoir y habiter à l’année.
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CONCLUSION Au terme de cet écrit, il est maintenant temps de conclure ce mémoire. Nous le savons, avec cette crise sanitaire qui nous touche tous, l’habitabilité de nos résidences est plus que jamais requestionné. D’après l’architecte Alexandre Ruiz ; « le Covid-19 marque un point de rupture, il montre qu’on est arrivés à bout de ce qu’on pouvait faire en terme de rentabilité, et maintenant il va falloir penser au confort, parce qu’on a du subir au quotidien tout ce qui ne fonctionne pas. » (Site Neonmag). En ce sens, la crise du Covid-19 marque une rupture dans notre rapport au logement, et peut être perçue comme une crise de l’habitabilité. Effectivement, avec les différentes contraintes de confinement, notre regard face à nos habitats a changé et nous nous sommes mis à habiter nos résidences comme nous ne l’avions jamais fait. Dans ces conditions restreintes, les stations de ski des Alpes du Nord sont une des applications et manifestations de cette crise de l’habitabilité. L’envie de grand air, de liberté, d’être loin de tout, correspond à ces territoires de montagne. Ainsi, les résidences secondaires permettent cet échappatoire et sont vues comme de véritables refuges. Celles-ci peuvent alors avoir un rôle plus adapté que notre cadre habituel de résidence principale en ville. Par le prisme de ce contexte actuel particulier, nous nous étions demandé si la résidence secondaire en stations de ski est devenue plus habitable que la résidence principale ? Avant notre développement, pour essayer de répondre à cette question de recherche, nous avions émis une hypothèse. En prenant un parti affirmatif quant à celleci. Ce premier exercice d’initiation à la recherche avait pour objectif d’amorcer la réflexion sur ce thème suscitant un intérêt particulier aujourd’hui, qu’est la résidence secondaire en stations de ski. Le but était donc de démontrer la véracité de cette hypothèse en amenant un développement autour de cette question de recherche. Questionnant plus globalement la capacité d’habiter principalement sa résidence secondaire dans un contexte spécial. La résidence secondaire en station de ski évolue avec son temps, mais aussi avec la demande qui y est assimilée. Compte tenu des nouveaux enjeux induits par les changements climatiques, les stations de ski tendent vers une durabilité. L’heure est au confort, et l’habitabilité des résidences secondaires se voit évoluer. Avec la venue de la crise sanitaire du Covid-19 et une envie de grand air, l’engouement pour les stations de ski n’a fait qu’accroître. Les résidences secondaires se sont retrouvées plus habitées, jusqu’à se poser la question d’y habiter principalement. Au vu peut-être d’une meilleure réponse à leurs besoins et d’une ambiance naturelle attirante, à l’image de la migration d’agrément.
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En s’intéressant plus spécialement à l’habitabilité des résidences secondaires, nous avons pu observer un certain écart entre ce qu’elles permettent réellement et cette nouvelle demande. Dans nos enquêtes, une minorité de personnes ont pu expérimenter le fait d’habiter sa résidence secondaire pendant les différents confinements. Malgré cette avancée, la majorité des personnes sont encore trop rattachées à leur situation urbaine et certaines résidences ne permettent pas d’y habiter principalement. Souvent relatif à un parc immobilier globalement vétuste, lié à une demande d’époque en rapport avec l’aventure des sports d’hiver, notamment dans les stations intégrées. Un patrimoine résidentiel qui ne représente plus les besoins actuels, notamment en termes d’habitabilité. Cette habitabilité est par exemple caractérisée par des surfaces trop petites, trop peu de rangements, de mauvaises isolations thermiques/acoustiques, pas assez d’ouvertures vers l’extérieur, etc. Finalement, l’habitabilité représente quelque chose d’assez relatif, intégrant un rapport entre l’homme et ce qui l’entoure, son environnement, ses besoins. À côté de cela, les professionnels enquêtés assurent une habitabilité évoluée en fonction des besoins (espace bureau, plus grandes surfaces, équipements, ouvertures à l’extérieur, etc.), qui tend à permettre d’habiter principalement sa résidence secondaire. Bien entendu, cela dépend énormément du budget, sachant que les prix en stations dans les Alpes du Nord ne cessent d’augmenter, atteignant des sommets. Ces questions architecturales liées à une appétence nouvelle pour venir habiter en stations de ski requestionne la manière de vivre, et le modèle d’habiter. Autrefois, nous avions un modèle de l’habiter qui consistait à chercher dans les vacances, un environnement différent, avec un habitat différent, une coupure. Actuellement, amplifié par cette crise sanitaire, nous sommes plutôt dans un modèle ou nous aimerions bien vivre toute l’année comme quand nous sommes en vacances, c’est le modèle du « staycation ». Ainsi, les résidences secondaires en stations de ski sont au cœur de ce modèle d’habiter. Face à cela, les stations de ski tendent vers une durabilité, elles essaient de fidéliser la population en rehaussant la qualité de vie des hébergements. Dans un contexte particulier où les stations prônent de plus en plus une politique de « lits chauds ». Favorisant ainsi une meilleure habitabilité certes, mais à des fins touristiques, nuançant l’objectif d’y habiter à l’année. Les résidences secondaires ont alors un certain potentiel d’adaptabilité, elles se transforment, afin de devenir plus habitables. En étudiant ces transformations, par le biais d’analyses architecturales, nous avons pu voir que la réhabilitation était de mise. Lorsque celle-ci n’est pas possible ou rentable, des démolitions laissent place à de nouvelles résidences secondaires, désormais habitables en permanence. Effectivement, les constructions récentes, prenant en compte ce contexte particulier, ont une habitabilité plus adaptée, mais tout de même comparable à des résidences principales. Au terme de ce développement global sur les résidences secondaires dans les stations de ski des Alpes du Nord, une certaine réponse à notre problématique de recherche peut donc se distinguer. Nous nous rendons compte que finalement, la réponse n’est pas si évidente ou du moins si catégorique, que ce que nous avions pu énoncer dans notre hypothèse. La résidence secondaire n’est pas devenue plus, ou moins habitable que la résidence principale, c’est en réalité quelque chose d’assez relatif. Les critères d’habitabilité sont relatifs à l’homme, dans sa relation à ce qui l’entoure, appuyé par des besoins, qui ont aujourd’hui changés. Dans un sens, nous pouvons valider le fait que l’habitabilité des résidences secondaires en stations de ski a évolué et tend à devenir de plus en plus conforme à ce que nous recherchons, avec une meilleure habitabilité. Permettant maintenant d’y habiter principalement. Malgré le fait que certaines d’entre elles ne le permettent pas encore, leurs adaptabilités le permettront de manière sûre. Jusqu’à atteindre une habitabilité comparable à celles des résidences principales. Notamment par différentes transformations ou réhabilitations, les amenant presque équitablement au même rang que les résidences secondaires récentes. Ces résidences secondaires sont tout aussi habitables que des résidences principales. Elles le sont simplement autrement, différemment, avec des avantages comme des inconvénients dans les deux cas.
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Bien que les propos soient très nuancés, notre hypothèse de départ se voit dans une certaine limite se valider. Effectivement, si nous prenons ce vers quoi toutes les résidences secondaires vont tendre, comme en est l’exemple des réhabilitations ou des constructions neuves. L’habitabilité de ces résidences secondaires est assimilable à celle des résidences principales, mais ces résidences secondaires offrent une meilleure réponse à nos besoins actuels, liés à cette crise du Covid-19. L’habitabilité n’est pas devenue meilleure en tant que tel dans les résidences secondaires, elle est simplement devenue comparable, mais toujours distincte, à celles des résidences principales, qui sont aujourd’hui moins conformes à la demande actuelle. Nous pouvons tout de même évoquer les limites de cela, avec un certain « bug » . En distinguant les envies grandissantes de chacun, et leurs potentialités réelles face aux prix, à leur appartenance à la ville ou encore à leurs résidences secondaires, ne permettant pas toujours d’appliquer ses besoins et cette demande. Habiter principalement sa résidence secondaire en station de ski se développera conjointement avec l’évolution d’une meilleure habitabilité, déjà bien engagé dans ce contexte particulier. Cet écrit montre une approche plutôt prospective et générale envers cette problématique, complètement assumée et justifiée par l’actualité qui nous concerne tous, et le fait d’être dans un monde en perpétuelle évolution. Ce travail de recherche, en guise d’amorce sur ce sujet très actuel, pourrait se développer sur des terrains plus définis, en s’intéressant à des stations bien particulières. Ou même pourquoi pas à d’autres environnements que la montagne comme le littoral, qui pourraient avoir des problématiques et contraintes similaires. C’est pourquoi cette recherche ne peut être exhaustive et nécessiterait des analyses plus resserrées et spécifiques dans un temps futur, ou l’habitabilité et les besoins ne vont cesser d’évoluer.
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Se Loger bis : https://edito.seloger.com/actualites/regions/dans-les-alpes-les-lits-chaudsvont-succeder-aux-lits-froids-article-1185.html, consulté le 25/02/2021, site présentant un article Dans les Alpes, les « lits chauds » vont succéder aux « lits froids », 2014, écrit par Elisabeth Lelogeais. Se Loger ter : https://edito.seloger.com/conseils-d-experts/acheter/residence-secondairela-montagne-en-pour-tous-les-gouts-et-tous-les-budgets-article-24146.html, consulté le 07/03/2021, site présentant un article Résidence secondaire : la montagne en a pour tous les goûts et tous les budgets, 2018, écrit par Elisabeth Lelogeais. SKI-Planet : https://www.ski-planet.com/fr/actualites-ski/142/les-types-de-stations-de-ski. html consulté le 05/01/2021, site présentant les différents types et générations de stations de ski en France. The Conversation : https://theconversation.com/covid-19-crise-conjoncturelle-oustructurelle-148451, consulté le 18/02/2021, site présentant un article sur le covid-19 à propos du potentiel conjoncturel ou structurel de cette crise, écrit par Michel Rocca. Vie publique : https://www.vie-publique.fr/discours/276714-emmanuel-macron-14102020covid-19-couvre-feu, consulté le 17/02/2021, site présentant une retranscription d’une interview télévisée de M. Emmanuel Macron, président de la République à propose de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, réalisé le 14/10/2020.
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ANNEXES ANNEXE 1 : Retranscriptions d’entretiens avec les professionnels
PERSONNES INTERVIEWÉES Sexe
Anonymisation
Société
Statut
Domaine d’application
Méthode d’entretien
Entretien n°1
Homme
Monsieur M.
Immobilier de résidences secondaires
Dirigeant Fondateur
Montagne Alpes du Nord
Téléphone
Entretien n°2
Homme
Monsieur B.
Immobilier de résidences secondaires
Président Co-fondateur
Montagne Alpes du Nord
Téléphone
Entretien n°3
Homme
Monsieur G.
Agence d’architecture
Architecte Co-fondateur
Montagne Haute-Savoie
Rendez -vous Agence
Entretien n°4
Homme
Monsieur J.
Promoteur Constructeur
Responable commerciale
Montagne Alpes du Nord
Téléphone
Retranscription entretien n°1
Monsieur M.
12/02/2021
40 min
FG : Florent Goy MM : Monsieur M
FG : Aujourd’hui, je rencontre Monsieur M. et nous allons parler des résidences secondaires en station de ski dans cette situation de crise sanitaire covid-19. Le but de cette interview est avant tout de savoir l’impact qu’a cette crise sur l’immobilier en station et plus précisément sur la résidence secondaire, tout en essayant de questionner leur habitabilité. Il me semblait intéressant d’échanger avec des professionnels qui opèrent dans le secteur des stations de ski. Bonjour Monsieur M., je vous laisse vous présenter, présenter votre profession et expliquer brièvement ce qu’est votre société ? MM : Oui, donc Florent, la société à été créé en 2015. Nous sommes commercialisateurs de biens neufs haut de gamme en stations, principalement sur le secteur haut de gamme voir très haute gamme sur certains produits. Ensuite nous avons une autre casquette si on peut le dire comme ça, c’est-à-dire que nous sommes consultants aussi. Consultants pour les promoteurs qui souhaitent s’installer notamment en station et qui voudraient aborder le sujet immobilier de montagne haut de gamme pour pouvoir répondre aux attentes de la clientèle, qui recherchent notamment ce type de biens.
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FG : J’ai cru comprendre que vous étiez le dirigeant de cette société. Est-ce que vous en êtes à l’origine ? Et pourquoi avoir misé sur les résidences secondaires en station de ski ? MM : Alors en effet j’ai créé la société en 2015. Pourquoi parce qu’en fait j’ai travaillé uniquement en station de ski donc là ça va faire 23 ans. 23 ans que je suis dans l’immobilier notamment en station. Donc j’ai travaillé au départ pour une agence immobilière qui proposait à la fois de l’ancien et du neuf donc uniquement toujours sur la vente et donc ça a duré environ 4 ans. Ensuite j’ai travaillé pendant 13 ans pour le groupe MGM constructeur, qui aujourd’hui, on pourrait dire, est le leader à la montagne, sur la construction de résidence de tourisme et de copropriété traditionnelle haut de gamme en station. Donc 13 ans chez MGM, où j’ai pu avoir différents postes comme commercial, après, responsable commercial et j’ai fini pendant 5 ans en tant que directeur commercial du coup. Voilà, gestion des ventes, marketing etc. FG : Comme vous l’avez dit, vous avez une certaine relation avec des promoteurs, architectes, constructeurs etc, comment marchez-vous ensemble ? MM : Oui alors il y a plusieurs partenariats possibles. C’est soit on est simplement commercialisateur, c’est à dire qu’un promoteur lance un programme immobilier en station et à ce moment là on devient vendeur si vous voulez pour être précis donc nous sommes commercialisateur donc on commercialise les biens des promoteurs, ça c’est je dirais le partenariat basique. Et sinon on peut avoir un partenariat complet de A à Z, c’est-à-dire avant le lancement d’un programme, on va travailler avec des architectes, des promoteurs, pour définir la typologie du produit, l’ensemble du programme que ça soit aussi bien au niveau des prestations, des finitions, de la typologie des appartements, de l’approche marketing commerciale adoptée, en fait qui fait quoi. On peut piloter je dirais l’intégralité de toutes ces missions avec les promoteurs donc c’est assez vaste. FG : Donc vous faites un petit peu ce lien entre la partie construction et la partie habitation? MM : C’est ça ! Oui complètement et c’est ce qui permet de mieux commercialiser forcément, quand on a été en amont du programme, du projet, et qu’on a défini les besoins de la clientèle. Lorsqu’on a le client en face de nous on sait lui expliquer le pourquoi, pourquoi on a choisi telle ou telle typologie, pourquoi tel programme etc. Et c’est ce qu’apprécient en principe les acquéreurs. FG : Comment a évolué la demande durant cette crise sanitaire ? Est-ce qu’elle a été plus forte ? Moins forte ? Dans quel secteur et type de résidence ? MM : Alors il y a plusieurs choses déjà, sur le marché de la montagne en station on peut définir qu’il y a plusieurs marchés c’est-à-dire que vous avez le marché à la fois du neuf et le marché de l’ancien. Le neuf comme l’indique le nom c’est de la vente sur plan en principe, on appelle ça de la vente en l’état futur d’achèvement. Soit après on commercialise de la revente, donc là ce sont des appartements qui existent et auxquels sont rattaché un propriétaire qui souhaite revendre. Et à ce moment-là, une agence peut intervenir. Donc nous on est vraiment spécialisé sur le neuf, sur la partie marché immobilier. Après si on parle en terme d’offres en stations, pareil vous avez deux types d’offres. C’est à dire soit vous avez une offre qui est nommée résidence de tourisme donc dans ce cas-là c’est une résidence avec services donc avec accueil, ménage, spa, piscine, sauna, hammam etc. Donc ce sont toujours des résidences qui sont gérées par des exploitants professionnels. Je dirais, l’intérêt pour les acquéreurs c’est d’avoir à la fois une récupération de TVA, une gestion intégrale de leurs biens et puis un loyer garanti. Ca c’est sur la partie résidence de tourisme et après vous avez une autre offre qui est la copropriété dite traditionnelle. Dans ce cas là, ce sont des appartements ou des chalets par exemple que les propriétaires achètent et ils font clairement ce qu’ils veulent. Ils peuvent l’habiter à l’année, ils peuvent le mettre en location via une agence etc, ils sont complètement libres. Aujourd’hui on a ces deux types d’offres en station. 101
FG : Et donc est ce qu’en ce moment il y a eu une demande un peu plus forte que d’habitude dû à la crise ? MM : Alors oui, sur la crise sanitaire, elle n’a fait qu’accentuer la demande sur les produits type classique c’est-à-dire sans bail, sans engagement de location, sans obligation. Déjà c’était une offre préalable avant la crise sanitaire qui était déjà une offre restreinte et une demande importante en station donc on avait déjà cet effet de marché et en plus la crise sanitaire elle est venue un peu encore augmenter cette demande. Par contre l’offre n’a pas changé elle est toujours aussi restreinte. Aujourd’hui on a de plus en plus de clients qui cherchent ce type de bien, qui souhaitent en profiter quand ils le veulent, venir fréquemment à la montagne. Cela peut correspondre souvent à une clientèle de proximité comme la clientèle Lyonnaise qui se dit “tiens ce weekend j’ai envie de monter en station, je vais dans mon bien, je peux l’occuper”. Alors qu’en résidence de tourisme, c’est une occupation qui est beaucoup plus limitée, qui se limite à 3 voire 4 semaines d’occupations par an. FG : D’accord, donc oui cette crise a permis aussi aux personnes de s’imprégner de la montagne comme refuge, ça explique aussi cet intérêt pour les résidences secondaires. MM : C’est ça alors en fait elle a fait qu’amplifier ce phénomène là. Après il y a eu aussi ce phénomène de l’été passé où là beaucoup de personnes sont venues à la montagne l’été, alors que c’était pas forcément leur destination de prédilection sur les années précédentes. Aujourd’hui la montagne a vraiment une carte à jouer de ce côté-là avec cette nouvelle clientèle qui n’est pas forcément je dirais demandeuse de ski, de neige, mais qui pourrait avoir un attrait sur la montagne l’été. On constate que beaucoup de stations de type villages ont cartonnées en termes de location l’été passé, c’était impressionnant, presque 2 fois plus de monde que d’habitude. FG : Oui en ce moment certaines stations se dirigent vers un statut multi-saisons, face au manque de neige, aux enjeux climatiques etc.. MM : Exactement et puis c’est vrai que là en station, plus on monte en altitude plus les saisons sont marquées, c’est-à-dire que là à 2000m d’altitude ce sont des stations orientées à 100 % ski et l’été ce sont des stations où il y a peu de monde du fait déjà de l’altitude. Quand vous êtes au dessus de 2000m comme par exemple Val Thorens à 2300m, l’été quand vous avez 15 degrés c’est compliqué donc c’est vrai que c’est pas forcément attrayant pour une certaine partie de clientèle par contre vous avez des stations à 1000-1200m qui sont très agréables l’été et qui proposent énormément d’activités. Aussi bien pour les enfants que les plus grands, bien sûr c’est orienté très nature donc c’est de la rando, du VTT etc. Et puis ces stations village ont plus une vie presque à l’année pour la plupart des stations, c’est ce qui fait que ce type de village devient de plus en plus attractif malgré une faible altitude, et qui présentera avec le futur, un déficit d’enneigement. Mais les clients en sont parfaitement conscients et ils ne se le cachent pas, et aujourd’hui, nous professionnels on ne va pas leur dire « si si, il y a toujours de la neige » etc. De toute façon le réchauffement climatique est présent et malgré cela la clientèle reste toujours attirée par les stations. Puis après ça représente aussi les vacances, quelque part on vend du rêve, c’est des souvenirs en famille et aujourd’hui je pense que la plupart des clients souhaitent aussi retrouver ça. Ce qu’ils ont un peu perdu, notamment depuis mars passé, amplifié par le phénomène covid. FG : Quels sont les besoins actuels de votre clientèle par rapport à vos biens résidentiels ? Est-ce que cette demande a été plus spécifique et plus pointue en terme de confort, de bien être etc ?
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MM : Alors c’est vrai que si on compare l’immobilier des années 70, l’immobilier des années 2000 et l’immobilier d’aujourd’hui, dans les années 70 on appelait ça des cages à lapins, c’est-à-dire que c’était des studios voir même des studettes comme on les appelait. Ca faisait entre 13 et 18 mètres carrés c’était très rare d’avoir une chambre séparée et quand vous l’aviez c’était du grand luxe, dans les années 70-80. En 2000 le marché a évolué forcément par rapport aux attentes des clients, donc ils voulaient un peu plus de confort mais pas non plus partir dans des surfaces un peu délirantes, forcément qui dit surface dit prix de vente élevé. Là on était plutôt sur des appartements avec une chambre 2 chambres, 3 chambres et un appartement avec deux chambres là on était sur des surfaces qui faisaient 50 mètres carrés par exemple pour vous donner un ordre d’idée. Et puis depuis 4-5 ans là on constate qu’il y a vraiment une demande importante sur des grands volumes que ça soit au niveau des appartements ou des chalets. Par exemple pour comparer, l’appartement de 2 chambres faisait 50 mètres carrés, maintenant on est plutôt autour de 70 mètres carrés. Tout ça pour rendre un peu plus habitable notamment la partie séjour, les chambres font entre 10 et 13 mètres carrés, les gens veulent forcément une grande terrasse, un grand balcon et une cuisine équipée, pas séparés mais une cuisine ouverte. Forcément les surfaces ont évolué, après c’est une question de budget aussi il faut qu’on reste en phase aussi c’est-à-dire que beaucoup de gens voudraient grand, mais après c’est le budget qui va limiter, s’ ils peuvent ou ne peuvent pas acheter. Après, la crise sanitaire à impacté involontairement si on peut dire, pour des clients qui arrivent à un certain âge, se projettent ou sont déjà en pré-retraite, qui ont énormément de temps. J’ai le cas par exemple d’un client, qui a été à la retraite là tout début Janvier. Il avait acheté son appartement début d’année passée et en fait c’est une personne qui vient aujourd’hui entre 2 mois voir 3 mois l’hiver et l’objectif c’est d’occuper un maximum son appartement. La volonté voilà c’est un peu de fuir les villes et d’être bien dans son appartement. Donc c’est vrai qu’au début il ne cherchait pas forcément très grand et l’effet covid a fait qu’il a pris un appartement qui faisait 15 mètres carrés de plus. Après c’est parce qu’il pouvait aussi, c’est une question de budget. j’ai un autre client c’était pareil au départ il cherchait un 4 pièces un appartement qui devait faire 80 mètres carrés et au final il y a eu une opportunité qui s’est présentée, il s’est dit que c’était peut-être aussi un outil de transmission pour les enfants, en plus en même temps il allait pouvoir venir en montagne avec eux et s’ ils veulent travailler en télétravail depuis l’appartement ce sera beaucoup plus agréable. Du coup ils sont partis sur un duplex qui fait 125 mètres carrés. Après c’est du cas par cas on peut pas en faire une généralité non plus avec l’effet covid, mais il y a quand même en effet des mentalités et à mon avis l’effet covid on le retrouve plus sur de la résidence principale. Là c’est pas notre secteur mais quand on échange avec des professionnels l’objectif aujourd’hui des personnes c’est souvent si ce n’est pas une maison c’est un appartement avec des terrasses et des balcons de grandes dimensions pour profiter de l’extérieur en prévision d’un possible reconfinement. FG : Qu’est-ce que les résidences secondaires que vous côtoyez ont de différent avec des résidences principales ? Pour vous les atouts et inconvénients des deux ? MM : Alors c’est difficile de dire les inconvénients des uns et des autres parce que c’est vrai que nous on est plutôt sur le marché de la résidence secondaire. Par contre je pourrais dire quand on compare la résidence de tourisme et la copropriété dite traditionnel, notamment en montagne, effectivement il y a des inconvénients mais aussi beaucoup d’avantages comme je vous l’ai dit, la récupération de TVA, le fait que tout soit géré, que le loyer soit garanti, avec des services très haut de gamme proposés etc. Mais à côté de ça, l’occupation du propriétaire est restreinte. C’est vrai qu’aujourd’hui pour des clients qui souhaiteraient occuper fréquemment leur appartement ça c’est un inconvénient. Sinon pour les copros traditionnelles classiques, pour moi il y a pas d’inconvénient lié à ça, après encore une fois l’inconvénient ça sera le budget. Le budget définira l’acquisition qu’ils pourront s’offrir et qui peut-être ne correspondra pas à 100 % à leurs attentes. Ils sont obligés à un moment de faire des concessions.
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FG : Donc vivre dans une résidence secondaire en station de ski reste quand même possible. Après c’est sûr qu’il faut les moyens de suivre et que le travail suive etc. MM : Oui voilà exactement. Il y a aussi d’où viennent les personnes, si vous prenez des personnes qui sont habituées à vivre en appartement par exemple dans des régions comme Paris ou autres. Il est vrai que ces personnes là ont plus d’habilité à vivre dans des appartements avec des surfaces un peu plus restreintes, notamment en station. Par contre si vous prenez des gens qui vivent à la campagne dans des maisons qui font 300 mètres carrés avec 5000 mètres carrés de terrains. Quand vous leur parlez d’appartements qui font 70 mètres carrés, qui correspondent a un budget d’investissement, ils auront peut être un peu plus de mal à se projeter pour vivre dedans. Aujourd’hui, le phénomène que je vois pour les personnes qui se projettent, pas forcément d’y vivre à l’année, mais d’y vivre presque 6 à 8 mois de l’année. Là j’ai eu deux clients récemment, on est sur des appartements qui font 100-120 mètres carré et l’autre acquéreur a acheté un chalet de 230 mètres carré vous voyez. Donc le grand confort, c’est une maison. FG : Vous qui côtoyez souvent des résidences secondaires, comment pourriez-vous définir ce qui permet qu’elles soient habitables ou non ? MM : Ba le critère habitabilité ou habitable, c’est pareil, aujourd’hui quand on parle de surface ça veut tout et rien dire. Ca c’est relatif à l’immobilier. Après tout dépend de l’agencement. On peut trouver un appartement qui fait 70 mètres carrés, parfaitement agencé et qui est très agréable à vivre. A contrario, vous prenez une vingtaine d’années, qui propose au départ 90 mètres carrés sur le papier, mais qui n’est pas très bien agencé et au final c’est moins habitable si on peut le comparer comme ça. Donc à mon avis c’est différent, forcément il y aura l’agencement qui va impacter l’habitabilité, la surface, les équipements etc. C’est vrai qu’aujourd’hui quand on prend les cuisines équipées qu’on propose, ça n’a rien à voir avec les cuisines équipées d’il y a une dizaine voir quinzaine d’années. Après il y a tout ce qui est chauffage aussi, aujourd’hui on est sur les nouvelles normes thermiques et phoniques, et cela correspond parfaitement aux attentes des clients en termes d’habitabilité. FG : Avez-vous constaté des clients qui sont venus « habiter » dans leur résidence secondaire pendant les confinements ? MM : Oui bien sûr, complètement. Par exemple, on a livré des appartements fin d’année. Il y avait une crainte de confinement qui était assez forte. Du coup les clients voulaient absolument occuper leurs appartements dès que c’était possible, notamment après les fêtes parce qu’il y avait cette crainte du confinement qui planait autour de la tête des Français. Ils voulaient absolument venir pour les fêtes de Noël et Nouvel An voir même plus. Donc là j’ai des clients , j’en ai plusieurs, 2-3, qui, depuis le 20 décembre sont dans leur appartement ou chalet. Ils sont restés sur place. Après voilà ça correspond quand même à une certaine typologie de client, soit ils sont à la retraite soit ce sont des gérants de très grosses sociétés donc ils peuvent faire du télétravail à distance. J’ai le cas de Lyonnais qui sont là depuis décembre et qui se projettent de rester là jusqu’à fin Avril, alors qu’ils ne le faisaient pas avant. Ça a changé les mentalités, les envies, et puis l’objectif c’était quand même de voir leurs enfants qui font également du télétravail, tout le monde est regroupé. Ça leur permet de rester en famille dans le chalet qu’ils viennent de s’offrir. Et ça c’est une évolution complètement liée au covid.
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FG : Pensez-vous que cette crise sanitaire va avoir un impact sur le long terme pour le secteur de l’immobilier en station de ski ? Ou bien que celui-ci va s’arrêter une fois la crise terminée ? MM : A mon avis, forcément il y aura une évolution des mentalités, une évolution du ski à la montagne aussi. Comment repenser l’hiver en station sans penser uniquement au ski.Ca c’est sûr. Après l’évolution aussi par rapport au client, est ce qu’ils continueront à venir, à faire du télétravail etc, là c’est plutôt lié à l’évolution des entreprises, du télétravail notamment qui est imposé. Donc il y aura une évolution de ce côté là. Après en terme d’offre, ça ne changera pas forcément, l’habitabilité ne changera pas forcément par rapport à cela. Aujourd’hui, les critères qui sont demandés correspondent aux critères de l’immobilier, les gens veulent de la surface, des terrasses, des balcons, bien exposés pour pouvoir profiter, ils veulent être proche de commodités donc c’est déjà lié à l’immobilier si vous voulez. Après je dirais que lorsque ça va repartir, quand le contexte sanitaire sera un peu plus positif, peut être que là on aura d’avantages d’investisseurs, peut être encore un peu plus de demandes. Il y a une certaine inquiétude au niveau économique qui peut rendre fébriles certaines personnes qui ont beaucoup de cash de disponible sur leur compte bancaire, qui ne travaillent pas forcément. Ils se disent “aujourd’hui il faut peut-être mieux sécuriser ce cash qui dort sur un compte et l’investir dans de la pierre, en se faisant plaisir avec la famille etc”, plutôt que de le laisser sur un compte, on ne sait pas. Comme il y avait eu la crise en Grèce, où tous les particuliers qui possédaient plus de 100 000 euros sur leurs comptes avaient été confisqués par le fisc Greque. A mon avis on n’en arrivera pas là mais je sais que j’ai plusieurs clients qui me l’ont évoqué. Et les banques envoient des documents chaque année sur lesquelles il est bien spécifié que jusqu’à 100 000 euros, l’argent sur leur compte est bien garanti, mais au-delà, c’est la question qui reste en suspens vous voyez. Donc peut être qu’il y aura un effet de marché qui fera encore plus de demande sur la montagne. FG : Oui c’est vrai que cette situation donne aussi l’opportunité d’oser venir se réfugier en montagne en résidence secondaire. MM : Ouais, complètement. Puis les gens, j’en fait partie hein, on est privé de liberté, bon après il y a toujours pire, mais c’est vrai qu’aujourd’hui quand vous ne pouvez pas aller au restaurant, aller voir vos amis, partir en vacances à l’étranger. Ça impact mentalement les personnes et ils ont envie de rêves, de liberté, d’échappatoire. Et la résidence secondaire à une belle carte à jouer dans les prochaines années. Il y aura surement un effet boost, un effet lié au covid. FG : Très bien merci, on a fait un peu le tour des questions. Avez-vous quelque chose à rajouter ? MM : Non , je pense qu’on a fait un peu le tour du marché de la montagne et de l’effet covid notamment sur l’immobilier des résidences secondaires en station de ski. FG : Oui, en tout cas encore merci à vous pour le temps que vous m’avez accordé et pour toutes vos réponses et toutes informations que j’ai pu recueillir grâce à vous. C’était vraiment intéressant. MM : Avec plaisir, tant mieux ! Ya plus qu’a comme on dit.
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Retranscription entretien n°2
Monsieur B.
15/02/2021
30 min
FG : Florent Goy MB : Monsieur B
FG : Aujourd’hui, je rencontre Monsieur B. et nous allons parler des résidences secondaires en station de ski dans cette situation de crise sanitaire covid-19. Le but de cette interview, c’est avant tout de savoir l’impact qu’a cette crise sur l’immobilier en station et plus précisément sur la résidence secondaire, tout en essayant de questionner leur habitabilité. Il me semblait intéressant d’échanger avec des professionnels comme vous qui opérez dans le secteur des stations de ski. Bonjour Monsieur B., je vous laisse vous présenter, présenter votre profession et expliquer brièvement ce qu’est votre société ? MB : Bonjour Florent, je suis Monsieur B., je suis le président et co-fondateur des agences immobilières. On a 11 agences immobilières dans 6 domaines et on est spécialisé dans la location de vacances. On fait 3 000 séjours par an et on accueille plus de 25 000 vacanciers. Sur notre partie transactionnelle, on en fait à peu près 200 par an, dans l’immobilier de montagne. FG : J’ai pu comprendre que vous étiez le co-fondateur et le président de cette société, pourquoi avoir misé sur les résidences secondaires en station de ski ? MB : Pour une chose extrêmement simple, d’abord c’est la qualité d’y vivre, à titre personnel, vivre à la montagne. Et puis on a la chance que le ski représente dans l’imaginaire collectif quelque chose d’assez extraordinaire. C’est la famille, les gens travaillent très dur toute l’année pour pouvoir venir s’offrir une semaine de ski à la montagne. A la montagne on est en famille, on fait des activités qu’un grand père avec son petit fils sont en mesure de passer, comme passer la journée ensemble sans aucun problème. Le côté refuge, chaleur, famille, sont vraiment les synonymes de la montagne, c’est quelque chose qui est vraiment important quand on va dessiner des appartements. C’est vraiment le refuge de la famille dans une période hivernale parce qu’il y a l’été, mais 90% des personnes viennent à la montagne pour l’hiver pour l’instant. C’est voué à se développer, ça se développe de plus en plus mais au début on vient dans une station de ski. Et les gens viennent en famille se regrouper et j’ai trouvé que la relation humaine était intéressante. On le voit bien, les gens sont complètement détendus au bout de trois jours en montagne et maintenant c’est très intéressant. FG : En allant sur le site internet de la société j’ai vu que vous aviez une certaine relation avec des promoteurs, architectes, constructeurs etc, comment marchez-vous ensemble ?
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MB : On est à la recherche de foncier, qui est la base. Il y a très peu de foncier en montagne et les municipalités ont une politique de lits chauds, c’est-à-dire que toutes les différentes municipalités veulent être sûres qu’on a un taux d’occupation le plus important possible. Les stations de ski ont en moyenne 19 semaines d’ouverture, par hiver. Il faut que ces 19 semaines soient occupées à leur maximum pour que d’un point de vue économique tout le monde travaille. C’est pour ça qu’on incite à la mise en location et du coup les municipalités nous donnent des terrains en disant “attention, apportez nous la preuve que vous allez en faire des « lits chauds ». Sinon, ils l’imposent avec un cahier des charges, des lois montagnes et des résidences hôtelières ou résidences touristiques. Lorsqu’on a un terrain, on va regarder en fonction du village sur lequel il se trouve quelle est la demande. Vous avez des endroits où vous avez des chalets individuels, vous avez des endroits où ce sera plutôt des collectifs, des collectifs avec 2-3 chambres, ou des collectifs avec des appartements de plus grande taille. Du coup, nous on fait le cahier des charges ensemble, et on se dit « ba voila ce que les gens recherche » et on le dessine avec eux. FG : Comment a évolué la demande durant cette crise sanitaire ? Est-ce qu’elle a été plus forte ? Moins forte ? Dans quel secteur et type de résidence ? MB : Alors pour la location, bien sûr, c’est très très dur. On a 90% de chiffre d’affaires en moins par rapport à une année normale. Il n’y a que 10% d’occupation de nos lits actuellement. Par contre, ce qu’on a vu c’est que l’année dernière au 15 Mars, on a dû fermer nos stations. Quand on a pu revivre un petit peu normalement au début du printemps en Juin, on a eu un report important et l’activité transactionnelle s’est très bien comportée. Les gens ont soif de grand air, ils ont soif de se retrouver en famille ou de léguer à leurs enfants quelque chose et on a très bien travaillé. Il y a une forte demande d’acquisition à la montagne. FG : Quels sont les besoins actuels de votre clientèle par rapport à vos biens résidentiels ? Est-ce que cette demande a été plus spécifique et plus pointue en terme de confort, de bien être etc ? MB : Oui les gens veulent y vivre. Ils ont en tête le télétravail, c’est vraiment la nouvelle donnée. Pour les biens de grande taille, il nous est demandé à chaque fois d’avoir un bureau. Tout le monde travaille, même les gens qui viennent en vacance 1 semaine, 2 semaines demandent maintenant à avoir un coin bureau pour le télétravail. C’est quelque chose qui est entré dans les mœurs. Suivant la catégorie, quand on est sur du très haut de gamme, les gens arrivent mieux à s’organiser et carrément passer 2,3 semaines, voir 1 mois. Il nous est arrivé de louer un chalet à Courchevel 1 mois au mois de Novembre alors que les remontées mécaniques ne sont pas encore ouvertes. Il y a une clientèle parisienne qui vient travailler ici. A La Tania, par exemple, il y a une offre aussi de coworking ou vous pouvez louer un appartement à plusieurs avec un espace dédié pour travailler. Donc oui il faut le prendre en considération, les gens veulent travailler depuis leur lieu de vacances maintenant. On se doit de trouver des espaces pour ça. FG : Oui donc vous avez bien constaté quand même certains clients qui sont venus habiter dans leur résidence secondaire pendant les confinements. MB : Ah oui oui oui. Pendant les confinements on a vu des gens qu’on n’avait jamais vu. On est dans des petits villages donc on se connaît tous, et il y avait des gens qui sont venus se confiner ici.
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FG : Qu’est-ce que les résidences secondaires que vous côtoyez ont de différent avec des résidences principales ? Pour vous les atouts et inconvénients des deux ? Est ce qu’elles se ressemblent ? MB : Non elles ne se ressemblent pas, parce que dans une résidence principale on a besoin de beaucoup de rangement, on a besoin d’un vrai office pour la cuisine, on a besoin la plupart du temps peut être d’une cuisine séparée. A la montagne on y séjourne qu’une semaine ou deux donc les mètres carrés ne nous le permettent pas. Comme un bateau, chaque mètre carré doit être pensé. On a beaucoup moins d’espace que ce qui se fait en ville ou dans une maison principale. Donc on a pas les rangements, la grosse différence ça va être les rangements, les stockage. On vient ici avec uniquement ses affaires d’hiver, uniquement ses affaires pour la semaine donc tout ce qui est dressing, placards, ne permettent pas d’accueillir les biens qu’on a dans la vie de tous les jours dans notre résidence principale. FG : D’accord donc si on voit un peu plus loin que les confinements etc, vous pensez que c’est difficilement possible de vivre à l’année dans une résidence secondaire en station de ski ? MB : Si on prend les appartements ancienne génération, ils vont être difficilement aménageables à cause des rangements. Pourquoi, parce que dans 70 mètres carrés on va mettre 3 chambres, ça va être des petites chambres, mais avec tout le confort. Ce que nous demandent les clients aujourd’hui c’est d’avoir une salle de bain par chambre, même si elle est minuscule, avoir leur indépendance et avoir un placard pour les affaires de la semaine. Vivre à l’année comme ça, ça serait vraiment compliqué. Les biens sont bien spécifiques. Par contre, dans les nouveaux projets que nous commercialisons, de plus en plus on nous demande de rajouter des celliers, des dressings beaucoup plus grands et les gens envisagent d’y séjourner plus longtemps, ça c’est pour les appartements. Pour ce qui est des chalets individuels, ça pose aucun problème. Dans les chalets vous pouvez y vivre à l’année sans aucun problème. FG : Vous qui côtoyez souvent des résidences secondaires, comment pourriez-vous définir ce qui permet qu’elles soient habitables ou non ? Les critères d’habitabilité ? MB : Aujourd’hui, l’habitabilité c’est la pièce principale. A la montagne on passe très peu de temps dans les chambres. On a une activité qui est le ski donc on se lève plutôt tôt, on va faire du ski, on revient, et on passe une journée tous ensemble le soir au coin de la cheminée ou dans la pièce principale. Donc les chambres ont un intérêt qui est très limité. Alors que dans une habitation principale, il me semble qu’avoir une chambre un petit peu confortable est important, où on a des enfants qui vont avoir un espace de bureau pour les devoirs, qui vont avoir un espace de jeux. On va avoir des tailles de chambre qui vont être plus petites à la montagne que dans la maison principale. C’est pareil pour l’espace buanderie, rapidement, on va mettre une machine à laver dans la cuisine ou dans un placard parce qu’elle sert de dépannage. Quelque chose qui ne fonctionnerait pas à l’année. FG : Quelle différence entre les résidences secondaires construites au 20e siècle il y a environ 50 ans avec celles que vous proposez aujourd’hui, les résidences haut de gamme ? Comment les résidences secondaires ont-elles évolué et pourquoi selon vous ?
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MB : On est monté en gamme. Les immeubles qui ont été dessinés il y a 50 ans ont été dessinés avec une notion du ski qui était bien différente de celle qu’on a maintenant. Ce qui était peut être aussi plus accessible il y a 50 ans, on a commencé avec des 17 mètres carrés, des 30 mètres carrés, des 45 mètres carrés. Les plus grands appartements qu’on avait dans les anciennes résidences faisaient 45 mètres carrés, avec un nombre de couchages très important. Vous aviez le coin montagne, vous aviez 2 à 3 lits superposés, on se servait d’un clic clac convertible dans le salon. Aujourd’hui le ski est un sport haut de gamme et les gens demandent un peu plus de confort. Dans nos appartements, aujourd’hui les gens veulent plus dormir comme ça, il n’y a plus personne qui l’accepte. Donc le lit tirable du salon n’existe plus, le lit superposé aveugle, borgne dans le couloir non plus. Les gens veulent un petit peu plus de confort. FG : Oui c’est vrai qu’on parlait beaucoup de “cages à lapins” dans les anciennes résidences secondaires. MB : Oui ahaha. On dormait nombreux aha. Ce qui n’est plus le cas maintenant. FG : Pensez-vous que cette crise sanitaire va avoir un impact sur le long terme pour le secteur de l’immobilier en station de ski ? Ou alors si c’est plutôt conjoncturel, lié uniquement à cet événement actuel ? MB : Non, je pense que les gens ont besoin de se retrouver. Je pense qu’il va y avoir un développement de l’été, car les gens découvrent la montagne,et aujourd’hui ils découvrent la montagne sans les remontées mécaniques. Et le retour est extrêmement positif, les gens sont ravis de leur séjour. Il y a d’autres activités que le ski, ils font pas mal de choses. On a eu beaucoup de monde cet été, parce que les frontières étaient plus ou moins ouvertes. Les français sont venus découvrir un petit peu la montagne pas trop loin de chez eux. On a eu un très bon retour, avec un très bel été et avec de belles conditions, les gens se sont aperçus qu’ils y étaient bien. Donc je pense que sur le long terme on va tirer bénéfice de tout ça. FG : Oui car la crise elle vient donner aussi une opportunité et l’occasion de s’ouvrir à la montagne et d’en profiter. MB : Bah disons que, voilà, sanitaire, car on a pas du tout de baisse de prix, la demande est là et on n’a pas non plus une offre qui va se démultiplier. Il y a quand même énormément de choses qui ont déjà été construites, il n’y a pas beaucoup de terrains en montagne et on ne peut pas les pousser pour en faire. L’un dans l’autre, au contraire ça nous permet d’offrir à plus de monde, en tout cas, locale, française, belge, des gens qui peuvent venir en voiture découvrir ce qui est joli et voilà ça se passe plutôt pas mal. FG : On a fait un peu le tour des questions que je me posais, avez-vous quelque chose à ajouter ? MB : Non ba après en terme d’architecture c’est surtout les services. Les municipalités sont en train de faire des gros efforts pour qu’ on ait la fibre.Les gens veulent bien venir ici mais ils veulent de la fibre pour pouvoir travailler à distance. On aménage vraiment nos biens avec les nouvelles technologies, on essaye aussi de les adapter aux énergies renouvelables, à construire, bon après c’est votre métier plus que le mien haha , mais à construire le plus vert possible. On a des matériaux maintenant qui nous le permettent, on a des lauzes sur les toits qui sont photovoltaïques pour que les bâtiments produisent leur propre électricité. Donc, l’avenir il est là aussi, il faut faire quelque chose qui soit neutre le plus possible et aller de l’avant sur cette piste là.
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FG : Oui donc c’est vrai que les municipalités vous accompagnent quand même la dessus, dans ces démarches. MB : Ba tout le monde essaye de s’adapter oui, l’état, le département, les municipalités, essaient de donner le maximum pour qu’on ait le plus de gens qui viennent ici à l’année. Le but de toutes les mairies, c’est de développer non pas 1 saison, mais minimum 2 saisons entre été et hiver, et si on arrive le printemps et automne et ba on aura tout gagné. On habite tous ici à l’année, le but c’est de montrer que la station peut vivre sur les 4 saisons et qu’on a des choses à faire. FG : Très bien, on a fait le tour des questions que j’avais à vous poser, je vous remercie énormément pour le temps que vous m’avez accordé. MB : Merci à vous, j’espère avoir pu vous aidez pour votre mémoire.
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Retranscription entretien n°3
Monsieur G.
15/02/2021
2h
Ce résumé est basé sur l’entretien effectué avec Monsieur G. ainsi que des notes issues de celui-ci. L’agence d’architecture se situe à Morzine, station de ski française de première génération des Alpes du Nord. Elle a été créée par le couple d’architectes en 2012. Aujourd’hui, ce sont 5 personnes qui travaillent dans les nouveaux locaux à Morzine. Ces locaux, imaginés par les architectes, sont également destinés à servir de bureaux pour d’autres entreprises. L’agence se concentre principalement sur 3 villages/stations aux alentours, Morzine, Les Gets ainsi que Montriond et est donc spécialisée dans l’architecture de montagne. Au début, après la formation de l’agence, les premiers projets se sont fait grâce au boucheà-oreille dans les alentours. Ces premiers projets étaient uniquement de l’habitat individuel en tant que résidence principale. Puis, au fur et à mesure, l’agence s’est développée et en est venue au ratio actuel avec environ 50% d’habitat individuel en tant que résidence principale et 50% d’habitat individuel en tant que résidence secondaire. Concernant les habitats collectifs, et au vu du cadre de station de ski dans lesquels ils sont, servent d’appartements destinés au secondaire. En ce qui concerne la crise sanitaire, la demande est restée la même, toujours aussi forte, elle n’a pas évolué en fonction des événements. Cependant, celle si s’est simplement transformée d’après Monsieur G.. La fréquentation quant à elle dépend énormément des vacances et des saisons. Par exemple, en Janvier il n’y avait pratiquement personne et actuellement la majorité des Hôtels sont fermés. Ici en station, ça coûte cher, donc il n’y a pas de besoins spéciaux, on paye l’emplacement. Le prix au mètre carré est d’environ 6 000 euros à Morzine, alors qu’en ville moyenne, on peut le retrouver aux alentours de 1 500 euros. Le marché de la location a cependant énormément chuté avec la crise sanitaire, contrairement à celui de l’achat. Monsieur G. nous donne l’exemple d’un couple parisien qu’il connaît qui est venu s’installer il n’y a pas longtemps ici à Morzine, pour le cadre de vie. Il y a énormément d’anglais qui viennent dans cette station, cependant, la crise sanitaire et le brexit par exemple n’ont pas vraiment affecté la demande de son point de vue. Car au final si ce ne sont pas eux qui le font, ce sera quelqu’un d’autre. La résidence en montagne et plus particulièrement la résidence secondaire est considérée comme un placement, un investissement. L’effet de la crise sanitaire arrivera sûrement bien plus tard. Pour lui, les résidences secondaires et résidences principales ne sont pas forcément deux résidences différentes, il n’y a pas vraiment de différence de traitement entre les deux. De l’extérieur, rien ne change, et Monsieur G. insiste sur le fait que c’est plutôt une question de mouvement de population, c’est à dire que s’il veut venir il vient, plutôt qu’une question de transformation du secondaire en principale. Et le travail induit le mouvement. Il prend l’exemple d’un chalet loué pour des skieurs à la semaine, en ce moment, il y aura moins de skieurs touristes mais plus de personnes locales pour y vivre à l’année. Tout cela sans transformation. Sur du logement neuf par contre, on voit un peu plus s’ il y a du changement et le modèle se transforme en fonction de la clientèle. Monsieur G. dénonce également une chose qui lui tient énormément à cœur, ayant grandi à Morzine, il ne reconnait plus le Morzine d’il y a 20-30 ans. Tous les chalets que l’on voit dans toutes les stations de ski de Haute Savoie par exemple, se ressemblent. Tout est faux, rien n’est traditionnel et pourtant, les touristes regardent les chalets comme s’ils l’étaient.
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Finalement, même l’habitant local s’y perd. A force de voir ce type de chalet partout, même lui s’y perd et c’est comme si la copie était devenu le modèle. Il n’y a plus aucune culture constructive locale, Les chalets et les grosses résidences sont principalement en béton, avec des parements bois. Et ce type d’habitat est malheureusement devenu une référence en station de ski. C’est-à- dire qu’environ 9 constructions récentes sur 10 sont issues de ce modèle industriel. Si on prend l’exemple des Gets et de Morzine, les chalets se ressemblent tous, alors qu’à la base, les fermes Getoise et Morzinois sont extrêmement différentes. Pour Monsieur G., la résidence secondaire et la résidence principale restent des maisons toutes les deux. La différence en termes de besoins et d’habitabilité peut tout de même se faire, il donne l’exemple d’un certain régionalisme et d’une certaine imprégnation de site par l’habitat. Comme le fait d’ouvrir au Nord à Marseille et d’ouvrir au Sud à Morzine pour avoir moins froid. Cependant, au final, les personnes cherchent toujours la même chose, ils veulent se sentir bien chez eux, et cela, sans différencier le titre secondaire ou principal. Surtout sur l’aspect extérieur, il est difficile de faire la différence entre les deux lorsqu’on est en station. Pour lui, les critères de l’habitabilité et la façon de vivre sont relativement similaires dans les deux résidences, à quelques exceptions près. Ces critères sont par exemple, les connexions, les espaces ouverts, les coins privés et intimes ou encore le jardin et les espaces extérieurs. Du point de vue de Monsieur G., cette crise sanitaire et son impact est quelque chose de plutôt conjoncturel, comme toutes les autres crises. Les choses viennent et repartent. Le mouvement de la population est aussi dictée par les prix. Lorsqu’une commune affiche des prix au mètre carré plus faible, les personnes s’y pressent et au bout d’un moment les prix sont similaires qu’en stations aux alentours. C’est un peu comme une boucle. Et c’est là qu’on voit le côté paradoxal du tourisme, c’est mauvais car les prix augmentent sans cesse par exemple et en même temps c’est bien car la station se développe et développe son économie. Enfin, il a exprimé une critique des pouvoirs politiques qui ne régulent pas le phénomène. Notamment l’effet du tourisme et le fait qu’il y a de plus en plus de résidences secondaires. Il donne l’exemple de l’Autriche, qui régule la construction d’habitat secondaire dans leur stations de ski, là bas leurs hôtels marchent, pas comme ici dans les stations de Haute Savoie. Le secondaire vient en quelque sorte prendre la place des hôtels. Par exemple, à Chamonix, le maire a essayé de faire avancer les choses à ce niveau, mais rien n’a changé et rien n’a été accepté. Il faudrait par exemple une contrainte qui dit qu’on peut construire une résidence secondaire si on construit 4 logements principaux ou un système de ce genre pour éviter la prolifération de ce type de résidences, qui gangrènent les stations. Mais ici, les gens et les acteurs veulent toujours plus et profiteront toujours d’une situation, en trouvant un excuse du type, « oui ça marche bien en Autriche, mais ça ne marchera jamais ici ». Si aujourd’hui on disait qu’on arrête de construire partout de la résidence secondaire etc, tout continuerait à marcher, c’est juste que les personnes en veulent toujours plus. Il n’y a pas de réel besoin à la construction de tout ça. Finalement, tout cela fait perdre l’authenticité du village originel, tout devient faux et démesuré. Il y avait également cette idée que les constructions de logements collectifs permettent de préserver les espaces naturels alentours, contrairement à si l’on faisait uniquement des maisons ou des habitats individuels, qui prendraient davantage de place. Pour finir, nous avons énormément parlé du thème de mon mémoire, cet entretien m’a permis d’avoir un esprit critique et plus profond sur ce que j’allais faire. J’ai vu l’importance des termes à utiliser et de leur définition. Un regard d’architecte sur un sujet que Monsieur G. côtoyait depuis son enfance, il avait donc peut-être ce recul que je n’avais pas. Nous avons ensuite beaucoup discuté sur les études d’architecture et la différence avec le monde professionnel.
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Retranscription entretien n°4
Monsieur J.
19/02/2021
30 min
FG : Florent Goy MJ : Monsieur J
FG : Aujourd’hui, je rencontre Monsieur J. et nous allons parler des résidences secondaires en station de ski dans cette situation de crise sanitaire covid-19. Le but de cette interview, c’est avant tout de savoir l’impact qu’a cette crise sur l’immobilier en station et plus précisément sur la résidence secondaire, tout en essayant de questionner leur habitabilité. Il me semblait intéressant d’échanger avec des professionnels qui opèrent dans le secteur des stations de ski. Bonjour Monsieur J., je vous laisse vous présenter, présenter votre profession et expliquer brièvement ce qu’est le Groupe Atrium ? MJ : Le groupe Atrium est un groupe stéphanois, qui à l’origine intervenait surtout dans la région de Saint étienne de la loire, où on a créé des logements, des résidences principales, avec des investisseurs plus classiques, des immeubles plus classiques dans la région. Et puis il y a eu une volonté du président, qui s’appelle Monsieur S., de développer au niveau national et il y a eu des opportunités qui se sont créées en montagne, pour créer des résidences hôtelières et de luxe. FG : Ça fait combien de temps que vous êtes dans le domaine de l’architecture de montagne ? MJ : La montagne ça fait seulement 2 ans. 2 ans, mais par contre on y est allé fort. Rien que le programme du White Pearl à La Plagne, fait à lui tout seul, 91 logements. Et puis on a l’Alpe d’Huez aussi qu’on a lancé. Qui est différent car là on est « libre », vous n’êtes pas obligé de louer. FG : J’ai vu notamment que c’était un bâtiment existant pour ce projet à l’Alpe d’Huez. MJ : Alors, effectivement il y un hôtel dessus, mais on le démolit. On ne garde rien, on rase. Atrium si vous voulez c’est la société mère et on a différentes branches en dessous, puisque dans l’immobilier vous devez structurer chaque activité. On fait quasiment toutes les activités de l’immobilier, location ,marchand de biens, c’est pour acheter, rénover et revendre, société de neuf donc on passe par Atrium pour construire. On est agence immobilière aussi, classique, avec Step’immo. Voilà il y a pas mal de structures qui découlent d’Atrium. On a essayé de couvrir tout le marché de l’immobilier, hormis le syndic, qu’on ne pourra jamais faire. A titre personnel, moi je suis directeur commercial du groupe, au niveau France, enfin je dirais même national et européen car on va même en Belgique, on est en Corse aussi, depuis peu. Et donc je m’occupe de la commercialisation des programmes. Actuellement, je suis très concentré montagne puisque c’est l’actualité FG : Et justement par rapport à cette demande en montagne, comment est-ce qu’elle a évolué durant cette crise sanitaire ? Est-ce qu’elle a été plus forte ? Moins forte? Dans quel secteur et type de résidence ?
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MJ : La crise sanitaire à eu un effet autre que l’on pourrait imaginer, c’est à dire qu’en réalité ça a été très compliqué si on parle du chantier, ça a été extrêmement compliqué, avec le mois de mars, tout a été à l’arrêt. Et dans ce genre de résidences, c’est pas comme en ville où je peux livrer avec 3, 4, 5 maxi mois de retard. Là on a un deal avec le gestionnaire, qui est en l’occurrence CGH, vous avez l’obligation de livrer soit entre novembre et décembre, au plus tard au 9 janvier. Si vous dépassez cette date, vous repartez pour une année. Donc ça complique encore plus les choses. Avec le confinement, on a pris 6 mois de retard, j’aurais pu livrer cette année au mois de juin, sauf que CGH ne prend pas au mois de juin. Pour des raisons évidentes puisqu’en fait il va donner un loyer garanti à ceux qui achètent et il veut pas prendre au mois de juin où c’est hors saison. Il va donc devoir payer des loyers et avoir aucune entrée car il n’y aura pas de locations. Donc ils refusent et ils nous prennent en novembre. Du coup on se retrouve avec 1 an entier de retard et ça a un effet très difficile et de surcoût, car un chantier qui prend 1 an de plus de retard, forcément, au taux horaire des entreprises, naturellement ça augmente. Même s’ il y a l’excuse du covid et que c’est quelque chose de légale, je ne dois rien aux propriétaires qui ont réservé, je ne leur devais pas d’indemnité. Mais dans la réalité, même si je vous dois rien, commercialement, vous me demandez quelque chose, ce qui a été fait et j’ai dû offrir pas mal de choses aux gens pour pas qu’ils annulent ou qu’ils s’impatientent. Donc c’est sûr que ça nous a coûté plus cher. Par contre, l’aspect positif du “covid” ou de n’importe quelle crise, comme ça en montagne, c’est que les gens, puisqu’on fait face à une clientèle assez aisée, qui a “du cash sur les comptes”, ont une perte de confiance aux finances, dans les banques etc, donc vont plutôt avoir tendance à venir acheter dans de la pierre. Donc la commercialisation est en règle générale au delà de la montagne, ça a été la meilleure année, je pense pour beaucoup de monde, dans le neuf. On a énormément vendu. C’est positif sur le côté commercial, par contre tous nos chantiers nous ont coûté cher. Donc on ne gagne pas plus d’argent si vous voulez, mais on vend bien. Au White Pearl on a une clientèle qui a pas mal d’argent disponible et qui ne veut pas le laisser sur les comptes car ils ont peur qu’il y est un crack ou autre comme il y a pu avoir en 2007. Ils vont se réfugier dans ce genre de système. Plus concrètement, on n’est pas vraiment rentable en soit, il vaut mieux aller acheter en ville, faire une lois Pinel, par exemple ils ont une meilleure rentabilité. Là c’est plus pour faire de l’amortissement, ce sont des gens qui payent pas mal d’impôt et ils vont venir charger un peu leurs revenus pour qu’ils payent moins d’impôt, c’est un peu le principe du truc. Et puis il y a l’investissement plaisir aussi, au lieu d’acheter une résidence étudiante où vous n’allez jamais y aller vous même, là vous avez quelque chose que vous allez pouvoir profiter vous même, en hiver ou autre saison. FG : Oui la crise a aussi donné l’opportunité aux gens de s’intéresser à la montagne et aux biens résidentiels. MJ : Oui puisque vous profiter du loueur meublé professionnel. Et qu’il y a des avantages fiscaux, en gros les revenus que vous allez avoir ne vous feront pas payer plus d’impôt et viennent charger vos comptes donc vous payerez un peu moins d’impôts. FG : D’accord, et par rapport à cette demande, qui a été assez présente, est ce qu’il y a des besoins différents ? Est-ce que cette demande a été plus spécifique et plus pointue en termes de confort, de bien être etc ? MJ : Alors oui il y a eu une tendance, qui est générale, même si particulièrement en montagne, c’est qu’on se tourne de plus en plus vers le luxe. On ne va pas faire aujourd’hui une résidence 3 étoiles, ça n’existe plus dans le neuf. On va au minimum 4 étoiles mais au mieux 5 étoiles. Puisqu’on attire une clientèle de plus en plus aisée, il faut répondre à cette demande. Donc les prix vont avoir tendance à augmenter, vu qu’il va y avoir plus de qualité, plus de coût de construction etc. Donc oui s’ il y a un changement, c’est que malheureusement pour la classe moyenne, c’est que l’écart va se creuser de plus en plus. Et le White Pearl c’est 5 étoiles.
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FG : Oui j’ai vu les plans, Monsieur M. me les a gentiment donnés et j’ai pu un peu voir à quoi ça ressemblait. MJ : Oui déjà le programme en lui même, voilà les façades etc, je pense que c’est vraiment dénoté de tous les programmes alentour. On a aussi piscine intérieure et extérieure, c’est la première à La Plagne. Vous avez aussi le service 5 étoiles avec les spas, tous les petits à côtés que vous pouvez avoir si vous voulez. Donc la tendance est là, on va chercher du luxe, c’est pour ça aussi que nous, le Groupe Atrium, on va même aller en Corse pour acheter des petits terrains et faire des grosses grosses villas à plusieurs millions d’euros. Car le marché il est là, il n’est plus, en tout cas sur le tourisme, il est plutôt sur le luxe et pas sur le bon père de famille, qu’on retrouve en ville. Il y a quelques années, quand j’ai commencé l’immobilier, on ne mettait pas de cuisine équipée pour louer un logement. Aujourd’hui c’est presque indispensable, tout se tend vers la qualité et le confort de service. FG : Qu’est-ce que les résidences secondaires que vous côtoyez ont de différent avec des résidences principales ? Pour vous les atouts et inconvénients des deux ? S’il y a des besoins différents entre les deux ? MJ : Déjà, le premier truc c’est que résidence secondaire, en règle générale c’est meublé, on apporte tout le mobilier jusqu’au rideaux. Celui qui vient en résidence secondaire veut venir profiter et repartir, il n’a rien à faire, donc il y a un service absolu. D’ailleurs pour être loueur meublé vous devez au moins proposer 3 services au clients. La spécificité c’est ça, vous apporter du service. Et un logement complètement fini, jusqu’au tapis, décorations etc. Il y a aussi quelque chose d’important, c’est que le gestionnaire doit être de qualité. Au-delà de faire confiance à Atrium, les premières choses qu’ils vérifient c’est si le gestionnaires va avoir les reins solides, est ce qu’il est solvable. Car il garantit sur minimum 2 ans qu’il va payer les loyers au propriétaire, qu’il soit loué au pas. Au White Pearl, le gestionnaire est costaud car avec le covid, ils ont loué très peu et pourtant ils ont continué à payer les loyers. FG : Pensez-vous qu’il serait possible de vivre dans une résidence secondaire en station de ski en la prenant comme résidence principale ? Pourquoi ? MJ : Alors pour la résidence du White Pearl, quand il y a un gestionnaire, non. Le gestionnaire , l’objectif c’est de louer, et quand il en perçoit, il va en verser une toute petite partie aux propriétaires. Sur une résidence gérée, non, il ne voudra pas que vous y logiez à l’année. Après sur les résidences secondaires luxe comme l’Alpes d’Huez, on pourrait très bien imaginer des gens qui partent de la ville pour s’y installer. FG : Vous qui côtoyez souvent des résidences secondaires, comment pourriez-vous définir ce qui permet qu’elles soient habitables ou non ? Quelles sont les critères de l’habitabilité en montagne ou plus précisément en station de ski ? MJ : Les clients recherchent l’altitude, il faut être le plus haut possible. En dessous de 1800 mètres les prix vont voler. En général c’est ça, hormis quelques exceptions comme Megève où ce n’est pas forcément très haut en altitude mais il y a une renommée etc. Mais sinon, comme à La Plagne, en dessous de 1800 mètres, les prix tombent largement, de 2 000 à 3000 euros du mètre carré en moins. Après, ce qui est très demandé c’est les pieds des pistes, et enfin ce sont les prestations intérieures, les gens veulent le côté montagne donc on va mettre de la pierre, du bois, à l’intérieur du logement, et ça fait partie des prestations qui sont très coûteuses. On va vraiment être sur l’ambiance du chalet et correspondre à l’harmonie de la montagne, suivant où vous êtes, et ça coûte très cher.
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FG : D’accord, de par votre poste, vous avez une certaine relation avec les clients, est ce que vous avez constaté des clients qui sont venus « habiter» dans leur résidence secondaire pendant les confinements ? MJ : Moi je ne suis pas vraiment concerné car mes produits sont actuellement en construction. Mais oui, je peux le dire par expérience. Il y a beaucoup de monde qui est venu en profiter. Au mois de mars ils sont tous sortis de la ville pour se réfugier dans leur chalet et être à l’écart de toute la population, on se sent bien dans la nature et on peut se balader plus facilement, en ayant tout de suite un cadre super, plutôt qu’en centre ville avec les fameux 1 km max de déplacement. Si vous n’avez pas de petit parc à côté..., c’est sympa mais 1 km vous pouvez juste marcher dans la rue. Alors que la en stations, à 1 km vous vous retrouvez en pleine nature. C’était effectivement un retour aux sources. FG : Et par exemple, mis à par le projet à l’Alpe d’Huez, est ce que vous avez déjà eu l’occasion de réhabiliter d’anciennes résidences, et de les transformer pour qu’elles soient plus habitables ? MJ : Oui bien sûr, on achète des choses “toutes abîmées» ou alors à l’inverse des choses qui ne sont pas forcément abîmées mais où ils avaient fait par exemples pleins de petits studios. Sauf que l’emplacement avec le temps a fait que c’est devenu très prisé. Et on s’est dit ba là au lieu d’avoir pleins de petits studios on va faire que 3, 4 logements, mais des très grands. En mettant toujours un extérieur, une terrasse. Et là vous le revendez beaucoup plus cher et il y a beaucoup de demandes. Il faut aussi s’adapter à la demande, il ne faut pas faire des studios là où il y a des familles, inversement si il y a des personnes un peu moins aisées en location, on va chercher des plus petites surfaces. Il y a un autre marché aussi en montagne qui va vraiment prendre aussi, malgré qu’il ait toujours été en déficit en termes d’offre. Nous on est en train de se mettre dessus, c’est loger les saisonniers, ceux qui travaillent en stations. Qui travaillent soit ils font de la restauration par exemple, mais aussi vous avez les ouvriers comme actuellement sur le chantier, qui pour se loger c’est une vraie galère. Donc on est en train de proposer maintenant pas mal de logements plus basiques en termes de prestations, mais quand même confortables et bien pensés, pour des gens comme ça. Là, il y a un gros marché qui est en train de se développer. FG : Par rapport à cette crise sanitaire est ce que vous pensez qu’elle va avoir un impact sur le long terme pour le secteur de l’immobilier en station de ski ? MJ : Je pense que ça va pousser encore plus à aller dans le haut de gamme, tant par l’immeuble en lui même mais aussi par les gestionnaires. Il va vraiment falloir montrer patte blanche, une vraie confiance aux promoteurs, aux gestionnaires pour qu’en cas de crise et que s’il devait y avoir un nouveau confinement, tout le monde ait les reins solides pour porter les projets et les mener à terme. Donc il va vraiment falloir miser sur la confiance et la garantie. Les prix, pour moi, vont avoir tendance à augmenter. C’est à dire qu’il sera de moins en moins accessible d’être propriétaire en montagne, pour le foyer moyen en France. Après il y aura quand même une crise financière qui va arriver, car tout ça a coûté cher et ça va forcément se répercuter un peu partout dans les différents secteurs. Le marché risque de se renouveler un petit peu mais de trier aussi et de faire qu’il n’y a plus que ceux qui ont vraiment les reins solides qui vont continuer dans ce genre d’opérations.
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FG : Avez-vous quelque chose à ajouter ? MJ : Oui, si vous parlez de la montagne, il faut bien prendre en compte qu’on ne fait pas ce qu’on veut en montagne. Il y a ce qu’on appelle la loi Montagne qui va imposer beaucoup de choses. Notamment, par exemple la loi montagne elle nous oblige à dire “vous ne pouvez pas vendre pour de la résidence principale, vous devez construire absolument pour que ça soit loué.” . La raison est toute bête, toutes les stations ne le font pas mais je vous garantie un truc c’est que plus ça va aller dans l’avenir, moins ça existera de logements privés, ce ne sera que des résidences secondaires touristiques. Car les stations ont constaté qu’ils y avait beaucoup de gens à une époque, on laissait tout faire, ça se construisait des chalets, des appartements et tout, et qu’au final ils n’y allaient que 2, 3, 4 semaines par ans et le reste de temps ils fermaient et ils louaient pas car c’était leurs logements ils faisaient ce qu’ils voulaient. Sauf que le financement de toutes les remontées mécaniques et autres et c’est pour ça que je dis que ça va encore plus augmenter, puisqu’on sait qu’ils n’ont pas ouvert et qu’ils ont perdu de l’argent. C’est monstrueux et on imagine même pas le chiffre que ça représente. Donc pour financer tout ça, ils ont besoin de ce qu’on appelle les lits chauds, des gens qui vont venir régulièrement dans le logement pour payer la taxe de séjour. Et c’est ça qui finance les remontées mécaniques notamment. Il vont faire la loi montagne de plus en plus sur différents secteurs pour obliger ceux qui viennent acheter, de louer un minimum de semaines par an. Il n’y a pas encore de règle mais on va dire au moins 6 à 7 semaines par an. Donc des résidences comme à l’Alpe d’Huez, je les ai vendues à environ 10 000 euros du mètre carré, en un temps record. Mais vraiment record, les gens se battaient, ils me demandaient une négo je disais non, “bon j’achète quand même». Pourquoi parce que c’était libre, et c’est très rare aujourd’hui, vous avez un produit libre vous le vendez très très rapidement. C’est en train de disparaître ou alors si vous trouvez des logements libres, ils ne sont pas en cœur de stations mais aux alentours. FG : D’accord merci ! En tout cas je vous remercie énormément pour le temps que vous m’avez accordé, c’était super intéressant. MJ : Merci à vous c’est avec plaisir !
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ANNEXE 2 : Questionnaire en ligne déstiné aux personnes possèdant un résidence secondaire en stations de ski dans les Alpes du Nord.
Questionnaire
retranscription format texte
Ce questionnaire a obtenu exactement 59 réponses. Celui-ci s’est déroulé en ligne sur Google Forms. Il a été distribué à des professionnels, sur différents réseaux sociaux et groupes avec des personnes concernées par les stations des Alpes du Nord. C’est par le biais de connaissances et du bouche à oreille que la diffusion a pu prendre plus d’ampleur qu’ésperé, permettant ainsi d’avoir un nombre suffisant de réponses pour les analyser. Le questionnaire disposait de 14 questions, dont la plupart étaient des questions ouvertes. Les réponses pouvant être anonyme, celles-ci ont alors toutes été citées avec un numéro.
Échantillon de personnes à interroger : Personnes possédant une ou plusieurs résidences secondaires en stations de ski dans les Alpes du Nord. Présentation : Bonjour ! Je m’appelle Florent GOY, originaire de Haute-Savoie, et je suis étudiant en Master 1 à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble. Dans le cadre de mon mémoire qui a pour grand thème « la résidence secondaire », je m’intéresse à l’habitabilité de ces résidences face aux résidences principales. Avec le contexte actuel du covid-19 et avec les nouveaux enjeux des stations de ski, les résidences secondaires nous poussent encore plus à la réflexion. Je vous remercie de bien vouloir répondre à ce questionnaire qui vous prendra 5 à 10 minutes de votre temps et qui me sera d’une grande aide afin d’élaborer mon mémoire. Celui-ci peut rester ANONYME si vous ne souhaitez pas donner votre Nom et Prénom. N’hésitez pas à faire suivre ce lien à votre famille, vos amis, vos collègues… ou même des connaissances qui ont des résidences secondaires en station de ski, pour que mon étude soit la plus représentative possible. Merci à vous. Commençons ! Mail : florent.goy01@hotmail.fr Téléphone : 07.81.83.19.30
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Questions de filtrage : N°1 : Nom ? Réponse courte.
N°2 : Prénom ? Réponse courte.
N°3 : Tranche d’âge ? 18-29
30-49
59-64
65+
N°4 : Quelle est votre catégorie socioprofessionnelle ? Étudiant
Professionnel
Retraité
Sans emploi
Autre...
Questions d’enquête : N°5 : Dans quelle ville se situe votre résidence principale ? Réponse courte.
N°6 : Dans quelle ville/station de ski se situe votre résidence secondaire ? Réponse courte.
N°7 : À quelles occasions vous rendez-vous dans votre résidence secondaire ? Réponse longue.
N°8 : Qu’est-ce que vous recherchez lorsque vous allez dans votre résidence secondaire ? Réponse longue.
N°9 : Selon vous et ce que vous avez pu observer, les confinements ont-ils encouragé les personnes à se réfugier dans des résidences secondaires ? Expliquez pourquoi. Réponse longue.
N°10 : Avec le covid-19 et les confinements, comment a évolué votre fréquentation dans votre résidence secondaire ? Réponse longue. 119
N°11 : Êtes-vous allez «vivre» dans votre résidence secondaire pendant les différents confinements ? Oui
Non
N°12 : Pourriez-vous résider à l’année dans votre résidence secondaire ? Expliquez pourquoi. Réponse longue.
N°13 : Imaginez que vous ayez carte blanche pour effectuer des travaux dans votre résidence secondaire afin de la transformer en résidence principale et qu’elle soit plus habitable. Que feriez-vous et pourquoi ? Réponse longue.
N°14 : Qu’est-ce que votre résidence secondaire a de différent avec votre résidence principale ? Quelles sont les atouts et inconvénients des deux ? Réponse longue.
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Questionnaire
visuel format Google Forms
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Questionnaire
accès aux réponses
Réponses su Google Forms
Réponses sur Google Sheets
https://docs.google. com/forms/d/e/1FAIp QLSdpBnUqsczUXP bA9xPL2ybVQxYmId -H_o8eo1smopp70mqrOA/ viewanalytics
https://docs.google.com/ spreadsheets/d/17wE801 DLN5MAgTDLa9Lo9ONs soP7a2Z0gg8lYcCMJXI/ edit?usp=sharing
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ANNEXE 3 : Éléments cités et utilisés issus du Dossier ENSAG Blacons de Villard-de-Lans. Dossier ENSAG Balcons de Villard-de-Lans
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éléments globaux
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Dossier Projet « Les balcons toutes saisons »
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textes et éléments graphiques
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RÉSUMÉ Nous le savons, la résidence secondaire en stations de ski évolue avec son temps, mais aussi avec la demande qui y est assimilé. Dans ses débuts, le développement des stations s’est fait de manière empirique, et les besoins d’hébergements ce sont développés autour de l’aventure des sports d’hiver. Mêlé entre un mouvement moderniste et un aspect saisonnier marqué, les stations sont devenues de véritables lieux d’expérimentation. Les touristes se voient alors attirés par ce cadre naturel et montagnard afin d’y séjourner pour les vacances, les weekends ou bien les loisirs. Ces usages, instaurant une temporalité discontinue, n’ont fait qu’exacerber l’ampleur des résidences secondaires. Aujourd’hui, compte tenu des nouveaux enjeux induit par les changements climatiques, les stations de ski tendent vers une durabilité. L’heure est au confort, et l’habitabilité des résidences secondaires se voit évoluer. Avec la venue de la crise sanitaire du Covid-19 et une envie de grand air, l’engouement pour les stations de ski n’a fait qu’accroitre, jusqu’à ce poser la question d’y habiter. Mais alors, est ce que ces résidences permettent cette nouvelle demande ? Cette recherche propose alors un questionnement quant à l’habitabilité des résidences secondaires en stations de ski, dans un contexte actuel particulier. Proposant ainsi une réflexion générale sur la résidence et les stations de ski, en s’intéressant à cette nouvelle demande d’habiter. Dans une optique qui pousse surement à la transformation de résidences secondaires en résidences principales, les enquêtes et analyses architecturales verront les différentes évolutions pour éventuellement habiter principalement sa résidence secondaire. Mots clefs : Stations de ski / Résidence secondaire / Résidence principale / Habitabilité / Crise sanitaire Covid-19.
ABSTRACT We know that the second home in ski resorts evolves with the times, but also with the assimilated demand. In the beginning, the development of the resorts was done in an empirical way, and the needs of accommodation developed around the adventure of winter sports. Mixed between a modernist movement and a marked seasonal aspect, the resorts became real places of experimentation. Tourists are then attracted by this natural and mountainous setting in order to stay there for vacations, weekends or leisure. These uses, establishing a discontinuous temporality, have only exacerbated the extent of second homes. Today, given the new challenges brought about by climate change, ski resorts are moving towards sustainability. It is time for comfort, and the habitability of second homes is evolving. With the arrival of the health crisis of Covid-19 and a desire for fresh air, the craze for ski resorts has only increased, until the question of living there. But then, do these residences allow for this new demand? This research proposes a questioning of the habitability of second homes in ski resorts, in particular in the current context. It proposes a general reflection on the residences and the ski resorts, by being interested in this new demand for mountain living. In a perspective that surely pushes to the transformation of secondary residences into main residences, the surveys and architectural analyses will see the different evolutions to eventually live mainly in their secondary residence. Keywords : Ski resorts / Second home / Main home / Habitability / Covid-19 health crisis