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Sommaire N°448 octobre 2013
2 Diego Aranega
3 LINDINGRE L’édito 4 CHAUZY/LINDINGRE
L’atelier marketing
Colchiques dans les prés
9 FRÉMION La Gazette 13 ARANEGA/THOURON Divers faits divers 14 MARWANNY/PIPOCOLOR marwanny détective
16 BOUZARD Le bon père 20 LEFRED-THOURON Ich bin gland 21 CRIM’ MAG’ 31 Dylan PELOT L’encyclopédie
des films introuvables
33 POCHEP New York 1979 36 Thiriet 2 pages décongelées de chez Thiriet
38 ARANEGA/THOURON Divers faits divers 39 Nouveautés 40 LARCENET Les vraiEs gens 42 lézarts TémoinS comis d’office 43 MO/CDM Philipp Kradow 46 pluttark La terrible vérité
sur les faits divers
48 HOUSSIN en bref 49 HAUDIQUET/LIBON Ça ne s’invente pas 50 Jake Raynal Les nouveaux mystères 55 BERNSTEIN/SPIESSERT Force de rire 56 JC MENU Une brève histoire du rock’n’roll 58 FIORETTO/ISA le supplément La Provence 60 LEFRED-THOURON Ich bin gland 61 PIXEL VENGEUR/MONSIEUR LE CHIEN
l’Editopar Yan Lindingre
L’autre jour, j’étais chez mon marchand de journaux. M’sieur Gilles qu’il s’appelle mon marchand de journaux. Il était en train de scotcher une affichette sur sa vitrine. On y lisait pêle-mêle, en guise d’enluminure d’une photo floue de tronche défoncée, toutes sortes de joyeuses choses comme “supplice”, “bambins innocents”, “panique”, ou encore “cadavre démembré”, et même aussi “je t’en supplie maman, achève-moi ! ”. — Hééééééébé, si c’est pas triste de voir des choses pareilles ! qu’il me dit M’sieur Gilles. Et encore, tout ça c’est rien à côté de ce qu’ils nous ont fait à Claire Chazal. Brisée, qu’elle est, bri-sée ! Comme j’aime bien cette histoire de Claire Chazal, j’esquisse une moue feignant l’ignorance afin qu’il me la conte derechef, à sa fameuse sauce du chef, cette belle affaire. — Claire Chazal ? rétorqué-je donc, avec mon air de “dis-m’en plus, beau marchand de journaux”. — T’es pas au courant ? Elle a encore été sauvagement agressée avec un seau ! — Comment ça, un seau ? — Attaquée au pot de chambre. Maculée de caca qui nous l’ont ! 2 fois en 4 mois, la pauvre ! — Ah oui, du coup elle devait être un peu moins claire, Claire. — Veux-tu ! me lance-t-il, visiblement outré, en me, bien sûr, foudroyant du regard. — Va savoir, elle est peut-être sponsorisée par une marque de papier toilettes. Mon billet que c’est encore un coup des publicitaires. — Rigole pas avec ça ! S’en prendre à une grande journaliste, c’est un sacrilège. Et puis… une belle femme comme ça. Ce serait Arlette Chabot, encore passe, mais Claire Chazal ! Là, je trouve qu’il charrie, le père Gilles. J’aime pas qu’on dise du mal d’Arlette Chabot, surtout quand après, c’est écrit dans un édito de Fluide Glacial.
— Elle s’en remettra, lui réponds-je. Un coup de torchon sur sa frime, un peu de fard à joue et hop ! En prompteur, Simone ! Tant qu’elle présente pas le J.T. en odorama, nous autres l’audimat, on y voit que du feu. — Oh toi, tu t’en fous de tout. Toi et ton journal à la gomme là, Glace Fluviale… — Fluide Glacial ! — Oui, Flûte Gracile… Ah ça, pour raconter des grosses conneries, vous êtes là, mes salauds… Mais les vraies infos, les faits divers, tout ça, ça vous passe au-dessus du béret ! Il tente une citation de Churchill : Parce que les gens, eux ce qu’ils veulent, c’est du cul, du sang et de la mort !!! — Gagnant ou placé… le cul ? — C’est ça, rigole. Rigolo, va, tu sais pas qui te rigolera ! Tiens, regarde plutôt ça. Il dégaine de sous son présentoir un exemplaire de Carnage Info et se met à déclamer tout en s’indignant : “Drame familial dans une famille : elle l’oblige à finir sa soupe et retourne la cuillère contre elle”, “Consternation dans le village : le sodomiseur de poulets n’était autre qu’un… chimpanzé !”, “Echappé d’un cirque, un troupeau de clowns saccage une cordonnerie”, “Croyant bien faire, il brûle des juifs”. Et le pompon : “Stupeur à la Courneuve, le punk votait Bayrou en cachette”. — Non, pas ça ! m’égosillé-je. Pas le punk qui vote Bayrou en cachette !!! — Aaaah, tu vois ! reprend-il triomphant. Voilà ce qui fait mouche ! Voilà ce qui fait gagner de la braise ! Quand tu feras un journal comme ça, on en reparlera. Eh bien voilà, nous y sommes. A présent, je fais un journal comme ça. Alors qu’on en reparle, mais vite, parce que c’est que ce mois-ci !
Bernard Mécrin, photographe
64 FRÉMION/dutreix T’ar ta lacrèm’ 66 ARANEGA/THOURON Divers faits divers 67 BULLETIN D’ABONNEMENT 68 b-gnet/FABCARo Titaboum 69 FRÉMION Lisez plus fort 70 David SOURDRILLE ronald Fuck 71 LEFRED-THOURON pub 72 CASOAR PictO, Cellulo & CIE 74 HUGOT L’affaire Dominici-Bettencourt 76 MR VANDERMEULEN 78 ARANEGA/THOURON Divers faits divers 79 planchon Trouver un emploi 80 MONSIEUR LE CHIEN
Naissance d’un monstre
Les belles cartes postales
84 VUILLEMIN/MARTIN XXXXXXXX Notre prochain numéro paraîtra le jeudi 24 il contiendra un dossier spécial
octobre 2013,
Édika.
Éditions AUDIE S.A.S. au capital de 300 000 € R.C. Paris B 352046197. 87, quai Panhard & Levassor, 75647 Paris cedex 13. Tél. : 01 55 28 12 20. Président et Directeur de la publication : T. Capot. Journal : Directeur de conscience : Alexis. Rédacteur en chef : Y. Lindingre. Rédacteurs en chef adjoints : V. Solé - V. Fruchart. Fabrication : J. Depaulis (01 55 28 12 24). Directeur artistique : Plipo [design]. Marketing & Relations Presse : C. Leriche (01 55 28 12 27). Vente au numéro : G. Ghanem (01 55 28 12 31). Distribution : Presstalis. Service abonnements : 123 rue Jules Guesde, CS 70029, 92309 Levallois-Perret Cedex 19 - tél. : 01 44 84 85 27, fax : 01 42 00 56 92. Abonnements : 1 an, 12 numéros mensuels : 46,80 € 1 an, 12 numéros mensuels + 4 numéros hors-série : 70,40 €. Dépôt légal : septembre 2013. Photogravure Reproscan. Imprimerie Canale à Turin. Printed in Italy. ISSN 0339-7580. Commission paritaire N° 0617K81954. © Éditions AUDIE et les auteurs. redaxion@fluideglacial.com www.fluideglacial.com Albums : Responsable éditorial : V. Solé - Marketing : J. Vermer. La reproduction des dessins, photographies et textes est interdite sans l’autorisation écrite du journal. Les documents non sollicités par le journal ne sont pas retournés.
Ours
82 HOUSSIN Tendre enfance 83 PLONK & REPLONK
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Picto, Cellulo & Cie
DU DI
MARCO À LA UNE
Petit coup de galure au maestro du macabre, Angelo Di Marco, dernier héritier vivant d’une longue dynastie d’illustrateurs de crimes et délits.
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2 pages d’images remixées par Phil Casoar
Une anecdote perso, p o u r c o m m e n c e r. L’été 2001, dans le p e t i t a p p a r t e m e nt qui lui sert d’atelier à Levallois-Perret, j’avais rencontré Angelo Di Marco pour discuter d’une illustration pour un bouquin. Souffrant du dos (un mal répandu chez les dessinateurs !), il travaillait debout à sa table à dessin. Du coup, avec sa gueule de boxeur auréolée d’une tignasse léonine poivre et sel, Angelo semblait se colleter avec son boulot comme s’il dansait sur un ring. Et l’impression n’était pas fausse, car, comme il me le raconta avec sa faconde parigote, il avait tâté de la boxe en amateur dans sa jeunesse. Il se marrait en se rappelant qu’il lui arrivait de se pointer après un combat avec son carton à dessin dans une rédaction, le tarin saignant ou une arcade sourcilière éclatée, ce qui faisait une certaine impression ! Angelo Di Marco est le dernier spécimen d’une espèce en voie d’extinction : l’illustrateur de faits divers. Ces dessinateurs connurent leur apogée en France au tournant des xixe et xxe siècles, avec les fameuses couvertures des suppléments illustrés du Petit Journal et du Petit Parisien, ou de l’hebdo L’Œil de la police, à une époque où la photographie était difficile à reproduire. Chaque semaine, leurs gravures offraient au lecteur sa ration de catastrophes, accidents, meurtres, attentats, exécutions : Bonnot succombant sous les balles des flics, les mineurs de Courrières ensevelis après le coup de poussier, Va i l l a nt m a rc h a nt à l a guillotine, Madame Caillaux revolverisant le directeur du Figaro, etc. Mais c’est en Italie que le genre devint un véritable art populaire. Et c’est un de ces dessinateurs italiens qui fut le
modèle d’Angelo Di Marco, Rino Ferrari — “Un grand bonhomme, un virtuose”, dixit Di Marco. Né en 1911 dans un village de Lombardie, Rino Ferrari avait fait les Beaux-Arts à Milan, se destinant à être peintre sculpteur. La guerre va bouleverser ses projets. Il doit gagner sa croûte en faisant du dessin publicitaire pour les fameux studios de cinéma de Cinecittà, puis s’oriente vers l’illustration de presse. Ferrari commence à bosser pour l’hebdo romain La Tribuna Illustrata puis pour La Domenica del Corriere, supplément du grand quotidien milanais le Corriere della Sera. Les deux “cover-men” de La Domenica étaient alors le vétéran Achille Beltrame, qui mourut en 1945 peu avant la fin de la guerre, et le talentueux Walter Molino. Ce dernier, après la libération de l’Italie, sera mis en quarantaine pour avoir trop docilement représenté “les valeureux francs-tireurs fascistes” en lutte contre les affreux AngloAméricains qui déferlaient sur la Péninsule. Rino Ferrari, qui lui avait participé à la lutte antifasciste dans sa région natale, remplace Molino à la une de La Domenica en 1946. Mais peu après, il part pour Paris avec sa femme Giulia, avec l’espoir de gagner les Etats-Unis. Faute d’argent, le couple restera en France, et Ferrari entre en 1949 à Radar, un hebdo concurrent de Paris Match, mais qui mise davantage sur le dessin que sur la photo. Les splendides lavis de Ferrai, qui visent a u p h o t o ré a l i s m e vo nt devenir l’étendard du magazine.
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RITAL DE NEUILLY
Angelo Di Marco, à cette époque, fait ses débuts dans le dessin d’humour (le premier est paru en 1946 dans Dimanche Paysage — un quidam plongé dans la lecture de Voyage au centre de la terre se dirigeant vers une bouche d’égout). Né en 1927, petit Rital comme Cavanna et Uderzo, Angelo a grandi à Neuillysur-Seine, où il s’est fait virer de la communale pour avoir échangé des crobards de femmes à poil contre des caramels ; à 18 piges, bac en poche, il entre dans une petite académie de dessin sur les conseils de son père, qui peignait de gigantesques réclames sur les pignons des immeubles de Paname. Giovanni Di Marco, un Sicilien qui avait quitté Palerme pour échapper à la misère et au fascisme, aurait bien aimé que son fiston prenne sa relève, mais Angelo préférait les “petits carrés magiques” des illustrés. Il entre chez Opera Mundi, espérant se lancer dans la BD, mais on le confine au lettrage de comics américains. C’est dans Ce Soir et Bravo ! qu’Angelo réalise son rêve, dessinant Le Mystère de la tête couronnée puis Capitaine Ardant (avec Pierre Nord au scénario). Lâchant le dessin au trait, Di Marco s’empare de la technique du lavis en noir et blanc dont il admire la perfection chez Ferrari, pour camper des pin-up bien roulées dans La Vie parisienne. Ces pépées vont attirer l’œil d’André Beyler, le patron de Radar, qui lui commande une bande dessinée au lavis, puis une rubrique titrée “Inouï”, illustrant des faits divers abracadabrants. En 1957, Radar passe à la photo en couverture, et Ferrari s’en va. Quand, au bout de deux ans, le magazine revient au dessin en première page, Di Marco lui succède. Dès lors, Angelo va devenir en France l’homme qui fait claquer le crime à la une comme sur un calicot de baraque foraine. Trois décennies durant, ses vic times révulsées par une terreur panique et ses assassins au rictus cinglé vont se débattre sur les affichettes des kiosques à journaux de tout l’Hexagone. En 1959, Détective fait appel à lui pour dresser le portrait robot du meurtrier d’une jeune femme retrouvée dans la forêt de Saint-Germain-en-Laye. Grâce au dessin de Di Marco, la police appréhende Guy Trébert, “l’assassin au clair de lune”. Quand Radar s’arrête, au début des années soixante, Di Marco renoue avec la BD, puis repique au fait divers en 1968 dans les pages de Détective. Le célèbre hebdo aguiche désormais le lecteur “Il lance un serpent dans la chambre de sa fiancée”. Di Marco dans Qui Police ? Septembre 1979.
“Chasse au voleur sur les toits de Monaco”. Dessin de Walter Molino pour La Domenica del Corriere, mars 1956.
avec des filles à moitié à oilpé en couverture, et finit par avoir quelques pépins avec la censure. Rebaptisé Qui Police ?, le journal remet Di Marco à la une en 1979. Parallèlement, le dessinateur commence à être utilisé au second degré pour illustrer des nouvelles dans Hara-Kiri, ou des reportages plus sérieux du Fig Mag ou d’Actuel, quand les photos font défaut.
Ce qui guide Di Marco, c’est la quête du suspense : il dessine toujours l’instant qui précède le drame, la fraction de seconde où la victime comprend qu’elle va y passer. “Mes dessins étaient du cinéma”, déclarait le grand Walter Molino dans une interview à L’Unità en 1982 ; “Le mot mise en scène est fondamental” explique quant à lui Di Marco à Alain Riou dans Le Nouvel Obs, ajoutant, “Il faut aller au maximum de l’expressif sans renoncer à la véracité”. Pourtant le dessin de Di Marco passe souvent les bornes pour friser le caricatural. Moins racé, moins artiste que Ferrari et ses illustres prédécesseurs, Angelo, venu du dessin d’humour et de la BD, est plus canaille, plus poisseux, mais c’est aussi cette gouaille popu qui fait son charme. L’humour noir plus ou moins volontaire désamorce aussi l’atrocité des crimes ou des drames représentés, crée un filtre qui permet de les contempler comme des tableaux absurdes. Di Marco se pastiche d’ailleurs volontiers luimême, comme lorsque Léandri et Algoud lui ont fait illustrer en 2003 la couvrante d’un Fluide Glacial spécial crime, où l’on voit — horreur suprême ! — un chauffard ricanant comme une hyène démente passer à l’orange devant sa femme et ses enfants !
Fluide Parade 2.0
Fluide Parade, le retour ! Désormais, on demandera chaque mois à deux auteurs de Fluide de causer de ce qui les a bottés, tous azimuts : bouquins, BD, disques, films, dessins animés, expos, pièce d’avant-garde syldave, chorégraphie khmère et cetera.
Romain Dutreix :
“Ma quête du moment : le film en costumes réussi. C’està-dire celui qui montre la réalité de la vie des gens à d’autres époques. Deux m’ont laissé sur le derrière : Moi, Pierre Rivière, ayant égorgé ma mère, ma sœur et mon frère… de René Allio (1975) et La Prise de pouvoir par Louis XIV de Roberto Rossellini (1966). Derrière deux titres potentiellement dissuasifs pour les fans de Vincent Perez, il y a deux vrais films avec des vrais êtres humains dedans, pas des images d’Epinal. Génial.”
Claire Bouilhac : “Côté livres, je relis
GRAND-GUIGNOL
encore Flaubert. J’ai envie de m’acheter Ladivine pour suivre. J’aime lire Marie Ndiayé. Après je suis profondément déprimée mais pendant j’aime beaucoup. En musique, je découvre doucement Laura Mvula, plutôt agréable, j’ai toujours aimé les voix de femmes. Je dessine en écoutant la radio aussi. J’adore par exemple Révolutions médicales sur France Cul, et comme j’ai beaucoup de travail en ce moment, je bosse comme une furieuse en m’épatant sur les progrès de la science. Ah oui, Jake Raynal m’a passé le dernier Rachid Taha ; il y a une chanson hommage à Oum Kalsoum à base de samples, un peu étrange mais pas mal.”
“Paris. Des clochards cannibales dévorent une femme” ; “Le capitaine jette aux requins ses passagers clandestins” ; “Elle achève son mari sur son lit d’hôpital” ; “Il lance un serpent dans la chambre de sa fiancée” ; “Le dompteur jette sa maîtresse aux fauves”. Devant les dessins de Di Marco qui correspondent à ces légendes, on se pince : ces faits divers ahurissants se sont-ils vraiment produits ? La patte grand-guignolesque et baroque d’Angelo, ses compositions théâtrales, ses cadrages extravagants, ses plongées et contre-plongées à flanquer le tournis, tout fait croire à des crimes imaginaires sortis d’une cervelle surchauffée.
PICTO PRESTO
> Di Marco, 20 ans de faits divers, recueil de dessins d’Angelo pour Radar et Détective, paru en 1989 chez Hoebeke, est toujours disponible. En 2004, un passionné avait ouvert un petit musée Di Marco à Troyes, fermé depuis. Son fondateur l’a remplacé par un musée virtuel (http://www.musee-dimarco.com/). On peut y visionner un petit docu, Le Michel-Ange du fait divers. La Domenica del Corriere, il Novocento illustrato (Skira), splendide catalogue (en italien, mais bourré d’images) d’une fabuleuse exposition d’originaux des dessinateurs du Corriere à Milan en 2007. Un blog consacré à Rino Ferrari : http://fantastik2001. blogspot.fr/search/label/RINO % 20FERRARI
“Il croyait l’arme déchargée”. Dessin de Ferrari pour La Domenica del Corriere, août 1958.
Pour l’accroche, on soulignera qu’Un guerrier Dendi (L’Harmattan BD) est la première bande dessinée nigérienne. L’important, c’est que cette BD montre l’Afrique à travers les yeux d’un Africain, ce qui est rare. Dessin brut, propos sincère : Sani, peintre et caricaturiste, raconte sa jeunesse bohème à Niamey, son échec en fac de lettres, ses galères, ses amours et disputes avec Rose, dont la “beauté magnétique” lui a “secoué l’âme”. Casquette d’Apache rasta vissée sur le crâne, ce grand échalas hante les cabarets, picole de la bière de mil et du gin frelaté, poursuit rêves et chimères au cœur de ce pays misérable et quasi désertique, coincé entre Maghreb et Afrique noire. Oscillant entre deux cultures, sortilèges songhaï et lectures de Proust ou d’André Breton, Sani regrette de n’avoir pas hérité de la force guerrière de son père, ancien soldat de l’armée française. Dans la postface, Daniel Mallerin, ex-éditeur parisien que les hasards de la vie ont mené un temps au Niger, explique la genèse alambiquée de cette BD, née non sans “mal aux cheveux” d’interminables palabres autour de bouteilles de “dolo” dans les “maquis” de Niamey.
En 2002, Aurélien Ducoudray, photographe pour une feuille de chou régionale, un peu lassé de couvrir remises de médailles, départs en retraite et matchs de foot de l’équipe locale, saisit l’occasion de partir en Bosnie avec un petit convoi humanitaire. La mission est menée par une pétulante mémé Tartine, Arlette, alors prof dans un établissement privé. Aurélien découvre un pays encore bien sonné par les atrocités du nettoyage ethnique. Dix piges plus tard, le dessinateur François Ravard a mis en images cette vadrouille balkanique de son trait vivant et semi-humoristique. Ça donne la BD Clichés de Bosnie (Futuropolis). Bon, ce n’est pas du Joe Sacco, plutôt les lendemains du conflit bosniaque vus par le petit bout du téléobjectif. Et le récit n’est pas exempt d’approximations – la Bosnie, “ex-république soviétique” ! ? !
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DSK est devenu malgré lui un personnage de feuilleton. Après le livre de Marcela Iacub, et en attendant le film d’Abel Ferrara, voici l’album Mais où est donc passé DSK ? (Hugot – Desinge) de Lerouge, qui s’est amusé à dessiner 13 partouzes grouillantes où il faut retrouver le Casanova des Sofitel parmi un enchevêtrement d’échangistes en chaleur. Ne manque que Dédé la Saumure dans le paysage.