HORS-SÉRIE
100 PAGES HOMMAGE À
GOTLIB EST MORT PAR LINDINGRE RÉDACTEUR EN CHEF DE FLUIDE GLACIAL | 2016
J’ai envie de dire plein de choses sur Gotlib. J’ai envie de dire qu’il était le plus drôle, le plus grand… Mais ça, tout le monde le sait. Comme la plupart d’entre nous, j’ai découvert Gotlib par Gai-Luron, puis les Dingodossiers, puis Hamster Jovial, etc, etc. Son humour de plus en plus fou, de plus en plus génial au fil du temps, était un subtil mélange d’avant-garde américaine, de nonsense britannique et de cette culture de petit prolo de Belleville, de titi parisien, dont il ne s’encombrera jamais de dissimuler l’accent. Mais Gotlib était surtout un humaniste. Et c’est peut-être pour cela que bien qu’étant une figure
CE NUMÉRO EST DÉDIÉ À CLAUDIE, ARIANE ET LILIANE
emblématique d’un art soi-disant mineur, il restera un artiste décidément majeur. Gotlib a non pas fui mais combattu par l’humour une mélancolie qui l’avait par moments taraudé. Marcel, l’enfant caché durant la guerre, ayant perdu son père dans les camps, combattra la bêtise et la folie des hommes à grands coups de fou rire. Il emportera sur son arche d’immenses auteurs tels que Solé, Binet, Edika, Goossens et tant d’autres, capitaine génial d’un vaisseau toujours à flot, Fluide Glacial… Et nous tous à son bord qui le pleurons à chaudes larmes. Nous qui lui devons tout. La mort de Gotlib n’est pas qu’une grande perte pour la culture française. C’est une perte pour l’humanité.
SOMMAIRE 2 LINDINGRE GOTLIB EST MORT 3 GOTLIB ÉDITO 4 G. VIRY-BABEL LE PATRON 6 JACQUES DIAMENT RENCONTRE DU 1er TYPE 7 GOTLIB FLUIDE GLACIAL N°1 10 GOTLIB EN TENUE DE TRAVAIL 11 GOTLIB GOD’S CLUB 23 GOTLIB COUVERTURES DEPUIS 1975 24 LÉANDRI TIENS, J’AI OUBLIÉ DE DÉCONNER 26 LÉANDRI & GOTLIB PHOTO-BÉDÉ 28 GOTLIB PERVERS PÉPÈRE 29 G. VIRY-BABEL GOTLIB’S CLUB 30 JANNIN MY BRAIN HURTS 32 RÉCLAME 33 G. VIRY-BABEL GOTLIB, GOOSSENS : LE CHOC DES MODESTES 34 GOTLIB & GOOSSENS CHAROLLES & BARSACQ 38 GOTLIB LA BELLE OUVRAGE 40 GOTLIB & ARIANE GOTLIEB MAMAN & PAPA 41 HOMMAGES À GOTLIB 77 ABONNEMENT 78 GOTLIB & FRÉMION LA GAZETTE À GOTLIB 80 GOTLIB TOP 12 OF ZE PERFECTE DISCOTHÈQUE OF MARCEL GOTLIB 82 GOTLIB BRILLANT CAUSEUR 83 GOTLIB KUNG-FU GLACIAL 92 GOTLIB & LÉANDRI LES ADIEUX À LA BD 94 LINDINGRE LES ANNÉES PÉPÈRE 95 GOTLIB & BINET GAI-LURON & KADOR 98 LINDINGRE, VIRY-BABEL & GOTLIB IL ÉTAIT UNE FOIS : THE END 99 GOTLIB LA COULPE (EXTRAIT) Éditions AUDIE S.A.S. au capital de 5 400 000 € R.C. Paris B 352046197. 352046197. Siège social : 4 rue Tesson, 75010 Paris. Rédaction : 4 rue Tesson, 75010 Paris. Tél. : 01 40 03 97 40. Président et Directeur de la publication : O.Sulpice. Journal : Directeur de conscience : Alexis. Rédacteur en chef : Y. Lindingre. Rédactrice en chef adjointe : V. Fruchart. Rédacteur en chef adjoint du hors-série : G.Viry-Babel. Fabrication : J. Depaulis (01 40 03 97 49). Directeur artistique : Plipo [design]. Maquette : C. Argouarc’h (01 40 03 97 44), Arthur Gori & Julia Bourdet. Relations Presse : V. Véron (01 40 03 97 41). Vente au numéro : G. Ghanem (01 40 03 97 45). Marketing albums : M.Parisot. Distribution : Presstalis. Dépôt légal : décembre 2016. Imprimerie Léonce Deprez. Printed in France. ISSN 0339-7580. Commission paritaire N° 0617K81954. © Éditions AUDIE et les auteurs. La reproduction des dessins, photographies et textes est interdite sans l’autorisation écrite du journal. Les documents non sollicités par le journal ne sont pas retournés. redaxion@fluideglacial.com
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ÉDITO
PAR GOTLIB | 1977
P
our une fois, un VRAI éditorial, car j’ai une chose à dire. Il me faut la dire toutes affaires cessantes, aussi pénible que soit l’effort à fournir pour cela. Oh, c’est très court, deux ou trois lignes, guère plus. Mais ces quelques mots : ils doivent être dits. Ils vont, j’en suis persuadé, jeter ici une note de gravité, de sérieux auxquels vous, lecteurs de Fluide Glacial, n’êtes certainement pas habitués. Vous ne manquerez pas d’être déroutés, peutêtre même agacés. En effet, c’est bien la première fois que le style de notre magazine, à base d’effets drolatiques ou de cinglante dérision, sera abandonné. Tout du moins l’espace de cette page. Mais qu’on le veuille ou non, c’est dans l’éditorial que les choses importantes doivent être dites au premier chef, même si l’esprit du présent éditorial entre en contradiction avec le ton habituel de notre revue. Je n’aime pas beaucoup l’indignation. Je sais qu’elle n’a jamais rien arrangé. Verbiage, littérature et logorrhée ont toujours piètre mine dans une revue consacrée au dérisoire. Ils font long feu.
Qu’on me comprenne bien : il n’est pas dans mes intentions, comme on dit, de « casser le coup ». Amusement, humour, dérision, hilarité il y a toujours eu, amusement, humour, dérision, hilarité toujours il y aura. Tout du moins, tant que Dieu nous prêtera vie ou tant que les petits cochons ne nous mangeront pas. Touchons du bois. Dieu n’a pas mis fin au prêt, et les petits cochons se sont nourris ailleurs. Donc permettezmoi (avec toutes les excuses que je vous adresse à l’avance pour ce sérieux soudain), permettez-moi de dire ce que j’ai à dire. Ne serait-ce que pour me décharger d’un poids. J’ai depuis trop longtemps bâillonné ma plume et il est nécessaire que je desserre le nœud, juste un moment. Et quel moment plus favorable que celui-ci ? Ce préambule, un peu long je le crains, étant terminé, j’entrerai maintenant dans le vif du sujet en cédant la parole à mon cœur désabusé pour que s’en échappe, en quelques mots lapidaires, l’objet de mon juste désenchantement. J’ai une chose à dénoncer et c’est pas facile. Voici de quoi il s’agit :
LE
PATRON PAR GÉRARD VIRY-BABEL | 2016
par une sorte d’hystérie créative, provocatrice et libératrice, psychanalyso-catharcistique (comme en témoignent les bandes “Œdipus Censorex”, “God’s Club” et bien sûr “La Coulpe”). L’aventure dure trois ans. « En 1974, leur journal L’Écho des savanes déconnait à fond en ce qui concernait sa gestion, se souvient Jacques Diament. Connaissant mes qualités de gestionnaire, Gotlib m’a demandé de mettre mon nez là-dedans pour démerder ce gros bordel et remettre le magazine sur les rails. Je l’ai aidé comme je pouvais mais je ne voulais pas m’impliquer plus avant dans cette aventure mal barrée. » Gotlib lâche l’affaire au numéro 10 mais n’enterre pas son désir de créer un grand magazine d’humour et de bandes dessinées, dans la veine des Mad ou National Lampoon américains.
« Si j’abandonne L’Écho des savanes et que je te propose de monter un nouveau journal avec toi, tu me réponds quoi ? » C’est cette question, posée par Gotlib à son ami Jacques Diament un soir de 1975, qui est le véritable point de départ du magazine Fluide Glacial.
On l’oublie souvent, mais si Fluide Glacial est incontestablement le journal de Gotlib, il n’aurait jamais vu le jour si Diament avait refusé la proposition, et ne l’avait pas secondé durant vingt ans.
Ci-dessus : Photo de Frémion, Gotlib et Léandri
Mais revenons un peu en arrière : depuis 1972, Gotlib, Bretécher, et Mandryka se sont, sous l’impulsion de ce dernier, échappés de Pilote pour créer un magazine de bédé dans lequel ils peuvent enfin donner libre cours à leurs envies. Un seul mot d’ordre : “on fait ce qu’on veut”. Héritier de cette période de liberté et de libération sexuelle consécutive à Mai 68, et en plein dans la mouvance underground, L’Écho des savanes fait un tabac. Gotlib se laisse emporter 4
Lors d’un dîner chez les Diament, sa femme Claudie lui inspire la solution : « Si tu avais eu Jacques avec toi, il ne te serait pas arrivé tout ça ! » Gotlib saute alors sur l’occasion et lance à Diament : « Et si je laissais tomber L’Écho des savanes et qu’on créait un journal tous les deux ? » Diament refuse d’abord mais finit par céder après six mois de harcèlement en règle de la part de Gotlib. Ainsi, il gérera la partie administrative, et Gotlib assurera la partie éditoriale et artistique. Alexis, dessinateur et ami très proche de Gotlib depuis les années Pilote, apportera son soutien artistique et sa signature sur l’acte de naissance du journal. À un événement historique, il faut une date historique. C’est donc le 1er avril 1975 que les futurs « patrons » déposent les statuts de Fluide Glacial chez le notaire. Dès le début, le journal se constitue un ADN fort, qui préfigure une longévité et une stabilité uniques dans le monde de la presse. Sur les fondations financières et administratives ultra-carrées de Diament, Gotlib crée le journal d’humour dont il a toujours rêvé, transformant l’essai de L’Écho des savanes, l’amateurisme en moins : « Un jour, se souvient Gotlib, nous discutions, Diament et moi, sur le papier que
l’on choisirait pour notre numéro Un. Je penchais pour un bristol 125 grammes. Quant à lui, il avait un faible pour un papier genre “ journal” ou “ hygiénique”. Il trouvait ça plus jeune, moins snob et meilleur marché. Au cours de la discussion, je jouais avec un trombone, le dépliant et le tordant nerveusement. Soudain je me suis rendu compte que Diament n’ était plus à la conversation. Les yeux exorbités, il fixait mes mains qui tripotaient le trombone, jusqu’ à ce que ce dernier se casse net en deux. Clak. Livide, il s’est alors levé, a déclaré d’un ton très calme que si c’ était, dès le départ, pour bousiller le matériel, ça n’ était même pas la peine d’avoir la moindre amorce de début de commencement d’idée de projet commun. Et d’une voix dont l’extinction n’avait d’ égale que la gravité, il m’a déclaré “Je retiendrai ce trombone sur ton salaire.” Vous savez ce que c’est, dans toute la fougue de la jeunesse, on commence par bousiller un trombone, et de fil en aiguille, on dépose le bilan. Par la suite, Diament a emmerdé tout le monde pendant deux décennies, et le journal n’a cessé de croître et d’embellir. »
– et une prédisposition à la dépression chronique sont les autres ingrédients qui vont progressivement l’amener à poser définitivement le pinceau (au profit du stylo pour le coup) et remiser la table à dessin, à l’aube de ses cinquante ans. Gotlib était l’âme de Fluide Glacial. Au fil des années, il a recruté parmi les plus grands dessinateurs – et rédacteurs – de la bande dessinée d’humour : Binet, Goossens, Carali, Édika, Léandri, Berberian, Blutch, Gimenez… Et dans leur sillage, Maëster, Gaudelette, Larcenet, etc. La liste est trop longue pour être énumérée ici ! Tous le considéraient comme le Patron, le Maître, ils travaillaient davantage pour lui que pour le journal dont il était l’incarnation. D’ailleurs, les nouveaux auteurs de Fluide Glacial, même s’ils ne l’ont pas connu personnellement, continuent de le vénérer tel un dieu. Gotlib a réussi à dépasser son maître et père spirituel, Goscinny, dans son rôle tutélaire. Sauf qu’en l’espèce, il s’agit de son journal à lui, de l’aboutissement de sa carrière, de son Mad, en quelque sorte !
C’est donc un journal plus mature, plus réfléchi que les lecteurs découvrent en achetant ce numéro 1. Un journal dans lequel Gotlib joue enfin dans la cour des grands. Il est d’ailleurs omniprésent dans les premiers numéros, comme rédacteur (il rédige à la main l’intégralité du rédactionnel des numéros 1 et 2). À mesure que le magazine croît et prospère, Gotlib, très prolifique dans les trente premiers numéros, finit peu à peu par réduire sa présence, jusqu’à ne plus rédiger que l’édito (à partir du début des années 80). « J’ étais le petit gros qui gueule tout le temps, se souvient Diament, j’ étais “Monsieur TVA”, ainsi que me nommait Gotlib. Mais le journal c’ était lui. Il s’est senti complètement débordé, noyé par cette responsabilité. C’est à cause de ça que mon rôle s’est étoffé à la rédaction, pour lui sortir la tête de l’eau. » La fatigue, la lassitude – après vingt ans de carrière hyper-prolifique
GOTLIB EN QUELQUES DATES 1934 Le 14 juillet, naissance à Paris de Marcel Mordekhai Gotlieb. 1939-1945 Gotlib porte l’étoile jaune, son père est déporté.
Si j’ai donné un coup de pouce à d’autres dessinateurs, je n’en retire aucune fierté : Goscinny, qu’on flattait en lui disant qu’il avait fait connaître des gens comme Cabu et moi, répondait : « Si ça n’avait pas été moi, ç’aurait été un autre, ils seraient devenus aussi grands de toute façon. » Affirmer que Goossens, Binet, Blutch ou Larcenet me doivent tout serait le comble de la muflerie. J’étais content de voir arriver des nouveaux morveux, parce que j’aime ce boulot, c’est tout ! J’ai d’autres satisfactions pour nourrir mon narcissisme légendaire : Franquin, qui fut mon maître, a publié dans Fluide Glacial, mon journal, son dernier chef-d’œuvre, son chant du cygne, Idées noires, et j’en suis extraordinairement fier. Gotlib
1965-1973 Entre à Pilote - Dingodossiers (scénarios de Goscinny) puis la Rubrique-à-Brac.
1977 Premier album de Superdupont.
1968-1973 Clopinettes (avec Mandryka) et Cinémastock (avec Alexis).
1981 Apparition de Pervers Pépère.
1971 Création avec Lob de Superdupont.
1954-1961 Rencontre Claudie Liégeois, qu’il épouse en 1962.
1972-1974 Crée L’Écho des savanes avec Mandryka et Bretécher.
1959-1961 Premières bandes dessinées. Découverte de Mad.
1971-1974 Hamster Jovial dans Rock & Folk.
1962-1970 Entre à Vaillant : Nanar & Jujube puis Gai-Luron.
Co-scénariste du film Les Vécés étaient fermés de l’intérieur de Patrice Leconte.
1986 Retour de Gai-Luron et dernier album dessiné par Gotlib. 1988 Co-scénariste du film Bonjour l’angoisse de Pierre Tchernia.
1975 Création de Fluide Glacial avec Diament et Alexis et des éditions AUDIE.
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1992 Autobiographie J’existe je me suis rencontré et recueil de ses éditos Écrits fluides, rires glaciaux. 1996 – 2010 Collaborations avec Léandri aux hors-séries thématiques de Fluide Glacial. 2000 Chevalier de la Légion d’honneur. 2005 L’astéroïde 184878 est baptisé « Gotlib ».
1990 Officier des Arts et des Lettres.
2006 Ma vie en vrac, co-écrit avec Gilles Verlant.
1991 Grand Prix de la ville d’Angoulême.
2016 Mort de Marcel Gotlib.
RENCONTRE er DU 1 TYPE
PAR JACQUES DIAMENT CO-FONDATEUR DE FLUIDE GLACIAL AVEC GOTLIB ET ALEXIS | 2016
En tout cas, nous avons passé l’année de troisième l’un à côté de l’autre, assis au même pupitre à deux places car, si j’étais resté le premier de la classe, lui était devenu le deuxième et nous étions placés en fonction de notre classement. Il est d’usage, lorsqu’on raconte l’enfance d’un auteur de bandes dessinées, de dire : « Tout petit déjà, il dessinait dans les marges de ses cahiers. » Pour ce qui concerne Gotlib, on peut dire que tout petit déjà (il avait quand même quinze ans), il dessinait dans les marges de mes cahiers. En effet, profitant de ce que j’avais souvent le dos tourné pour bavarder avec mes voisins, il tournait quelques pages de mon cahier et y dessinait des petits bonshommes tirant la langue. Dessins que je découvrais parfois des semaines plus tard et qui me faisaient m’esclaffer bruyamment. Et prendre la porte immédiatement, à la demande insistante du prof.
Aujourd’hui c’est la rentrée des classes 1950. J’entre en troisième et c’est donc le début de ma quatrième année dans ce petit collège de quatre classes où je retrouve avec plaisir les mêmes copains que les années précédentes. Cette fois, un bruit extraordinaire court : « Y a un nouveau ! » C’est la première fois depuis trois ans ! À cause de la crise du logement, personne ne déménage jamais. Et, effectivement, à l’entrée de la cour, appuyé contre le mur, le cartable entre les jambes, un garçon attend, l’air un peu tristounet de celui qui se retrouve dans un milieu totalement inconnu. Peut-être apitoyé par sa solitude, je me dirige vers lui pour prendre contact, je ne sais pas trop comment. Comme je continue à être toujours le premier de la classe, loin devant tous les autres et que je me sens un peu seul, je lui demande : - C’est toi le nouveau ? - Ouais… - T’es fort ? - Euh…
Et voici que, soixante-six ans plus tard, par ce sale dimanche de décembre 2016, mon unique ami décide, avec un manque total de savoir-vivre, de nous quitter définitivement pour aller rejoindre Gai-Luron, Pervers Pépère, Superdupont, et bien sûr, sa fichue coccinelle, dans leur paradis de l’humour éternel. Voulez-vous que je vous dise ? Je trouve ça dégueulasse.
C’était Gotlib, le futur maître incontesté de la BD d’humour, celui qui, soixante-six ans plus tard, est toujours mon meilleur ami et qui a changé ma vie en me forçant quasiment à créer Fluide Glacial avec lui en 19751, ce qui est devenu ma plus heureuse réussite professionnelle. Ce jour à marquer d’une pierre blanche était le lundi 2 octobre 1950. À l’époque la rentrée des classes avait lieu le 1er octobre, mais cette année-là cette date tombait un dimanche, d’où le report au lendemain.
Ci-dessus : Illustrations de l’édito du Fluide Glacial n°96, sept. 1984 Ci-contre : Photo de Delporte, Solé Gotlib et Diament
Et depuis ce jour, Gotlib m’a toujours dit qu’il s’était senti agressé par ma question, comme si je lui avais proposé de se battre. C’est seulement il y a deux ou trois ans qu’il m’a avoué qu’il ne s’était jamais senti agressé, qu’il avait très bien compris ma question mais qu’il m’avait toujours dit cela pour me faire marcher. Et moi qui l’ai cru, j’ai porté cette lourde culpabilité pendant plus de soixante ans ! Ayez donc confiance en vos amis, voici ce que cela vous rapporte ! 1
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Cette histoire est racontée en détail dans l’ouvrage de Jacques Diament Fluide Glacial, Gotlib… et moi, Éditions L’Harmattan.
CHRISTIAN BINET
NEAL ADAMS
FRÉDÉRIC
BEIGBEDER La mort de Gotlib est une catastrophe nationale. Gotlib, le dessinateur des bandes dessinées les plus drôles de ma jeunesse, les Dingodossier et la Rubrique-à-Brac dans Pilote… Une BD tellement libre et inventive. Marcel Gotlib a révolutionné la bande dessinée en France en y ajoutant du sexe, dans Fluide Glacial, avec notamment le personnage de Pervers Pépère. Quand on est adolescent, on a besoin de repères. Eh bien moi, ce fut mon pervers repère à qui j’ai toujours essayé de ressembler. Et quand aujourd’hui j’ai enfin réussi à devenir un vrai Pervers Pépère, paf !!! Marcel Gotlib meurt ! Gotlib était un pur génie comique qui a influencé tous les dessinateurs depuis 50 ans. Un exemple de son humour : depuis des années, il était malade. Et quand on allait sur son site, on y trouvait : « ma vie, mon œuvre, mes analyses d’urine ». C’est pas magnifique ?
PHILIPPE
DRUILLET « Je n’ai strictement rien à dire sur Marcel… à part que je l’aimais tellement. »
(Ndlr : Ah si, c’est magnifique !)
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LE PATRON EN TENUE DE TRAVAIL.
LES SPÉCIALISTES DE L’HUMOUR SONT UNANIMES : « AUJOURD’HUI, ON NE POURRAIT PLUS FAIRE ÇA… » 10
BEL/LUX. 7.30 € - CH. 12.50 CHF - DOM. 8.00€ - TOM. 1020 XPF