RMF 64
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Crise climatique et communautés locales www.fmreview.org/fr/numero64
juin 2020
Résilience, adaptation et apprentissage : les réfugiés maliens et leurs hôtes mauritaniens Fouda Ndikintum et Mohamed Ag Malha Les réfugiés maliens de Mbera, en Mauritanie, sont arrivés avec les compétences et les expériences qu’ils avaient acquises dans leur pays d’origine pour gérer les effets du changement climatique, et apprennent de nouvelles compétences en exil. Tant les réfugiés que les communautés d’accueil en bénéficient. La Mauritanie accueille actuellement 60 511 réfugiés ayant fui le Mali en 2012. Originaires du nord du Mali, ils vivent aujourd’hui dans le camp de Mbera et en périphérie, dans le sud-est de la Mauritanie.1 C’est l’insécurité croissante qui les a poussés à quitter leur région d’origine. Toutefois, avant de fuir, la plupart d’entre eux subissaient déjà les conséquences négatives du changement climatique durant plusieurs décennies, voire davantage. Par exemple, depuis 1973, la sécheresse frappe le nord du Mali tous les 10 ans environ. Comme ces réfugiés maliens sont principalement des éleveurs, ils sont souvent partis en exil avec leur bétail. La demande en ressources naturelles dans leur communauté d’accueil, telles que l’eau et les pâturages pour le bétail, exerce une pression accrue qui est encore davantage exacerbée par le changement climatique. L’environnement naturel souffre également d’autres activités telles que la collecte de bois de chauffe et l’utilisation d’eau à des fins domestiques et agricoles. Heureusement, les réfugiés n’ont pas seulement apporté leurs besoins, mais aussi des solutions avec eux. Après avoir dû affronter eux-mêmes les conséquences néfastes du changement climatique dans leur pays d’origine, ils sont mieux armés pour affronter ces défis et atténuer certains d’entre eux dans leur communauté d’accueil. Les réfugiés reconnaissent leur disposition à apprendre de leur nouvelle situation s’est développée alors qu’ils cherchaient eux-mêmes des solutions aux graves conséquences du changement climatique dans leur pays.
Décider de partir : points de basculement
Plusieurs réfugiés maliens établis aujourd’hui dans le camp de Mbera avaient auparavant déjà été forcés d’abandonner leur lieu de vie à cause du changement climatique, même s’ils étaient restés dans leur pays. Face aux impacts négatifs du changement climatique, leur réponse immédiate a été et demeure le recours à des innovations autochtones pour tenter de renforcer leur résilience, par exemple, en utilisant différents
types de paillis pour conserver l’eau du sol ou en entourant les jarres avec des peaux d’animaux pour que l’eau reste fraîche. Le sentiment de communauté joue également un rôle central dans la survie, les membres les plus résilients tendant une main généreuse aux plus vulnérables. Toutefois, quand les stratégies d’adaptation innovantes d’une communauté arrivent à la limite de leurs possibilités, les populations commencent à envisager de partir. Le point de basculement survient lorsque, en plus de l’échec des stratégies d’adaptation, les relations commencent à souffrir et que la sauvegarde des intérêts individuels et familiaux prend le dessus sur la générosité envers les autres. La décision de partir est généralement prise après consultation, et il peut alors s’ensuivre un vaste exode de la plupart des membres de la communauté. Les décisions peuvent également être prises individuellement, par exemple par des jeunes ayant atteint l’âge de la maturité qui s’estiment obligés de subvenir à leurs propres besoins. Aux antipodes, certains préféreraient mourir sur leurs terres plutôt que d’aller vivre ailleurs. Enfin, d’autres envisageraient de chercher refuge dans un pays voisin, mais à la seule condition que la religion principale soit la même que la leur.
Faciliter l’intégration
Grâce à l’existence d’une culture démocratique, d’affinités nationales, d’une ethnicité commune et de liens familiaux des deux côtés de la frontière, les communautés d’accueil sont prédisposées à accueillir à bras ouverts les personnes forcées de se déplacer. Les autorités mauritaniennes adoptent depuis plusieurs décennies une politique de porte ouverte à l’égard des réfugiés maliens et ont même demandé aux Mauritaniens d’accueillir les réfugiés et de les considérer comme leurs frères et sœurs. L’élevage de bétail et, dans une moindre mesure, de petits ruminants est l’activité la plus importante entreprise par la majorité des réfugiés maliens. En outre, le troupeau