Revue des Migrations Forcées 64

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RMF 64

Traite et trafic des ĂȘtres humains

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juin 2020

Trouver des solutions Ă  la traite dans l’industrie du sexe : il est temps de reconnaitre la contribution des travailleuses du sexe Borislav Gerasimov Les efforts pour combattre la traite dans l’industrie du sexe doivent respecter les dĂ©cisions et les actions des travailleuses du sexe, et les reconnaĂźtre, ainsi que leurs organisations, comme des parties prenantes lĂ©gitimes du mouvement de lutte contre la traite. La lutte contre la traite a connu une forte augmentation depuis l’adoption en 20001 du Protocole des Nations Unies visant Ă  prĂ©venir, rĂ©primer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants. Les efforts contre la traite ont attirĂ© des millions de dollars de financement et d’activitĂ©s de la part de divers acteurs, parmi lesquels on compte maintenant des institutions gouvernementales, des organisations internationales, des organisations de la sociĂ©tĂ© civile, des groupes de dĂ©fense des droits des femmes ou des droits des migrants, ainsi que des mouvements sur les droits du travail, des syndicats, des groupes religieux, et mĂȘme des entitĂ©s Ă  but lucratif2. Ces groupes s’impliquent dans un aspect ou plus des trois « piliers » du travail de lutte contre la traite tel qu’il a Ă©tĂ© dĂ©fini par le protocole des Nations Unies : prĂ©vention, protection et rĂ©pression. En 2009, la SecrĂ©taire d’État amĂ©ricaine, Hillary Clinton, a ajoutĂ© un quatriĂšme « pilier » – partenariats – soulignant ainsi la nĂ©cessitĂ© d’une coopĂ©ration et d’une coordination plus efficaces entre les acteurs. Depuis lors, ce quatriĂšme pilier a Ă©tĂ© institutionnalisĂ© par le biais de plusieurs groupes de travail nationaux et internationaux rĂ©unissant des parties prenantes. À noter toutefois, l’absence flagrante des organisations reprĂ©sentant les intĂ©rĂȘts des travailleuses de l’industrie du sexe au sein de cette rĂ©ponse institutionnalisĂ©e. L’exclusion des travailleuses du sexe et de leurs organisations au cours de l’élaboration des politiques qui les concernent n’a rien de nouveau. EnracinĂ©e dans des perceptions traditionnellement moralisantes et rĂ©probatrices des travailleuses du sexe, cette exclusion a Ă©tĂ© rĂ©cemment plus influencĂ©e par la conceptualisation du travail du sexe par les penseuses fĂ©ministes du Nord global qui considĂšrent qu’il s’agit d’une forme de violence Ă  l’égard des femmes Ă  laquelle il est impossible qu’elles puissent vĂ©ritablement consentir de maniĂšre significative. De telles perceptions ont donnĂ© au travail de lutte contre la traite sa forme actuelle et ont contribuĂ© Ă  renforcer la marginalisation des travailleuses du sexe et

ce, au prix d’un impact nĂ©gatif considĂ©rable sur leur existence, leur travail et leur bien-ĂȘtre3. Une Ă©tude publiĂ©e en 2018 par l’Alliance mondiale contre la traite des femmes (Global Alliance Against Traffic in Women – GAATW4), sur laquelle se fonde cet article, documente les stratĂ©gies que les travailleuses du sexe et leurs organisations emploient pour prĂ©venir et combattre la violence, la coercition et l’exploitation dans l’industrie du sexe, y compris dans les cas de traite Ă  des fins de prostitution. Elle dĂ©montre clairement que ces personnes doivent ĂȘtre considĂ©rĂ©es comme des partenaires dĂ©terminantes dans la lutte contre la traite5.

La connaissance est pouvoir

Bien qu’opĂ©rant dans diffĂ©rents contextes, les reprĂ©sentantes d’organisations de travailleuses du sexe avec lesquelles les chercheurs de GAATW se sont entretenus adoptent la mĂȘme approche pour soutenir les travailleuses du sexe. Ces organisations gĂšrent toutes un espace qui fonctionne comme centre d’accueil et dans lequel les membres de la communautĂ© peuvent partager des repas, Ă©tablir des liens d’amitiĂ© et discuter des questions qui les prĂ©occupent. Les membres peuvent Ă©galement obtenir accĂšs Ă  un ensemble de services qui vont des cours de langue Ă  des groupes de soutien, en passant par un accompagnement psychologique et des services de santĂ©. Toutes les organisations mĂšnent Ă©galement des activitĂ©s de sensibilisation des travailleuses du sexe – Ă©coute, conseil, intervention et services d’orientation en fonction des besoins individuels. En ThaĂŻlande, par exemple, l’organisation Empower organise des cours de ThaĂŻ et d’Anglais pour les travailleuses du sexe. Ces cours sont utiles non seulement pour travailler avec les clients (par exemple pour nĂ©gocier les services et les prix, et Ă©viter les malentendus), mais aussi pour celles qui dĂ©cident de quitter l’industrie et changer de travail. Toutes les organisations fournissent des conseils juridiques aux travailleuses du sexe, directement ou par le biais d’une rĂ©orientation,


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