CORRESPONDANCE FRANÇAISE

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LA RIVISTA «COMMERCE» E MARGUERITE CAETANI

di Sophie Levie IV CORRESPONDANCE FRANÇAISE

PAUL VALÉRY LÉON-PAUL FARGUE VALERY LARBAUD

Édition présentée et annotée par

Direzione
SOPHIE
LEVIE et ÈVE RABATÉ
FONDAZIONE CAMILLO CAETANI ROMA
EDIZIONI DI STORIA E LETTERATURA

Archivio Caetani

Fondazione Camillo Caetani Roma

Collana a cura di Caterina Fiorani
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LA RIVISTA «COMMERCE» E MARGUERITE CAETANI

Direzione di Sophie Levie IV

CORRESPONDANCE FRANÇAISE

PAUL VALÉRY LÉON-PAUL FARGUE VALERY LARBAUD

Édition présentée et annotée par SOPHIE LEVIE et ÈVE RABATÉ

ROMA 2017

EDIZIONI DI STORIA E LETTERATURA

Prima edizione: aprile 2017

ISBN 978-88-6372-918-4 eISBN 978-88-6372-919-1

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SOMMAIRE

Le commerce de la revue, par Ève Rabaté

Note sur la présente édition

Abréviations

I. Marguerite Caetani et Paul Valéry, Correspondance (1921-1945)

II. Marguerite Caetani et Léon-Paul Fargue, Correspondance (1922-1931)

III. Marguerite Caetani et Valery Larbaud, Correspondance (1921-1935)

Index Commerce (1924-1932)

Index des noms

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017 ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

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LE COMMERCE DE LA REVUE

« C’est une terrible responsabilité de surcharger l’œuvre d’un écrivain de ces sortes de documents “extérieurs”. Ils intéressent tout juste le biographe, – et encore »1.

Valery Larbaud exprime ainsi ses réticences face à la publication de la correspondance privée d’écrivains. Prenons pourtant le risque de nous mesurer à cette « terrible responsabilité ». En effet, les lettres échangées entre Marguerite Caetani (1880-1963), la fondatrice et mécène de Commerce, et les trois écrivains désignés comme co-directeurs de la revue, Paul Valéry (18711945), Léon-Paul Fargue (1876-1947) et Valery Larbaud (1881-1957), offrent aussi bien l’illustration vivante de la fabrique d’une revue que le témoignage d’amitiés croisées et unies par l’amour des belles lettres. Marguerite Caetani est Américaine de naissance et Européenne de cœur. Installée à Paris depuis 1902, mariée en 1911 à Roffredo Caetani, prince de Bassiano et descendant d’une illustre famille italienne, elle incarne l’une des personnalités cosmo polites caractéristiques de l’entre-deux-guerres2. L’histoire des revues, tout comme l’histoire littéraire, compte peu de femmes, mais Marguerite Caetani en est l’une des rares exceptions à plus d’un titre. Mécène éclairée et géné reuse, elle-même n’écrit pas mais pousse ses amis écrivains à le faire, et mérite tout à fait d’être qualifiée de « femme de revues »3. Elle encourage également

1 Larbaud, Journal, édition définitive, texte établi, préfacé et annoté par Paule Moron, Gallimard, 2009, mercredi 31 janvier 1934, p. 1103 et p. 1224. Larbaud dissuade ainsi la Société Les Cent Une, qui le sollicitait pour écrire une préface, de publier les lettres de Rilke avec une jeune Vénitienne. Elles furent publiées en 1941 à Milan sous le titre Lettres à une amie vénitienne, et furent rééditées en 1985.

2 Pour plus d’informations sur la vie de Marguerite Caetani, voir la préface de Sophie Levie qui offre une biographie très complète dans l’ouvrage qui forme un diptyque avec ce volume : Brisset/Levie. Une biographie consacrée à Marguerite Caetani écrite par Laurie Dennett est annoncée pour 2016.

3 Anna Boschetti explore l’expression « homme de revue » dans « Qu’est-ce qu’un “homme de revue” ? » dans « Des revues et des hommes », La Revue des revues, n° 18, 1994, p. 51.

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017

ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

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les peintres (Vuillard, Bonnard…), s’intéresse de près à la musique – elle est la jeune élève des cours de chant du ténor Jean de Reszke ; son mari, filleul de Liszt, est lui-même compositeur, et ils se rencontrent à l’opéra – mais c’est dans le domaine littéraire qu’elle laisse durablement son empreinte, avec les revues Commerce (1924-1932) puis Botteghe Oscure (1948-1960).

Publier ces lettres, qui livrent un matériau de tout premier ordre pour reconstituer l’histoire de la revue Commerce, nous paraît donc essentiel. Les documents sont rares, les témoignages étonnamment peu nombreux au regard du carnet d’adresses de Marguerite Caetani et de l’éclat de la revue à l’époque. On peut imputer ce silence relatif à la discrétion de la princesse, qui détestait se mettre en avant et n’apparaît jamais aux sommaires de Commerce4. Les lettres permettent de combler la voix manquante de Commerce  : elles l’ani ment et donnent une incarnation très vivante à une revue qui entend illustrer le commerce des lettres et faillit s’appeler, aux dires de Valéry, Échanges ou Propos. Face au chic un peu austère et indéchiffrable de la sobre couverture, elles dévoilent en contrepoint une part des coulisses de la revue.

La correspondance commence au début des années 1920, peu de temps après l’installation des Bassiano à la Villa Romaine de Versailles, où ils reçoivent de nombreux artistes le dimanche. Valéry, puis Larbaud et Fargue, deviennent des invités réguliers et forment le noyau dur qui va fonder Commerce. Les premières lettres évoquant la fondation de la future revue témoignent d’un élan certain et reflètent une complicité amicale d’hommes et de femmes qui se lancent dans un projet commun. Mais, d’emblée, on est dans la modération et la discrétion. Pas de publicité, pas de manifeste, pas de proclamation bruyante : « Mon idée serait que nous n’ayons pas l’air d’être tournés vers le public, et comme debout sur une scène. Mais que nous paraissions comme entre nous, le public étant autorisé à regarder par la fenêtre.. »5 (Valéry, lettre 35).

L’euphorie des premiers instants cède vite le pas aux affres de l’attente avant la publication du premier numéro : annoncé dans La NRF pour le 5 juillet 1924, il ne paraîtra finalement qu’au début du mois de septembre après un été très tourmenté. Adrienne Monnier (1892-1955), l’une des « mères » de Commerce (lettre 170), amie proche des trois écrivains et gérante de la revue, ne veut plus travailler avec Fargue dont les retards et les affabulations l’ont épuisée tout l’été. L’automne est bien incertain. Les manœuvres de Fargue pour faire transférer aux co-directeurs la propriété légale de la revue finissent

4 Son nom n’apparaît qu’une seule fois, lorsque Rudolf Kassner lui dédie un texte.

5 Les deux points sont de Valéry, qui en fait souvent usage.

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par échouer ; Larbaud, qui avait mis sa démission en jeu, accepte de pour suivre l’aventure mais refuse d’avoir des liens directs avec son ancien grand ami. Un nouveau gérant est trouvé après bien des hésitations. Il faut attendre le 27 novembre 1924 pour la fondation de la Société Anonyme Commerce, au capital social de soixante mille francs (soit plus de quarante mille euros), dont Marguerite Caetani est l’administratrice unique. Elle a dû faire preuve d’une diplomatie et d’une ténacité remarquables pour porter le projet, surmonter les diverses brouilles, relancer des écrivains déjà très sollicités par ailleurs, et produire tous les trimestres un cahier de grande qualité. Les numéros sont presque toujours en retard par rapport à la saison qu’ils indiquent, mais ils paraissent6. La revue est ébranlée à un seul moment, au tournant de l’année 1927-1928, avec la publication d’un conte surréaliste de Benjamin Péret dans le cahier XIII, qui scandalise les forces conservatrices au premier rang des quelles Paul Claudel. La « nouvelle fondation » n’a en définitive pas lieu, et Commerce garde la même présentation jusqu’à l’ultime cahier XXIX de 1932. Cette stabilité à un moment où les revues ont tendance à ne guère dépasser le premier numéro s’explique en partie par l’attrait financier que représente une publication dans les cahiers trimestriels. Claudel lui-même ne s’en plain dra pas, et reconnaîtra que Commerce n’est pas seulement de bonne tenue mais aussi une revue qui « paie » bien. La question d’argent est rarement abordée de front. Les directeurs sont extrêmement bien rémunérés, sur tout pour une fonction essentiellement honorifique. Ils touchent cinq mille francs7 par an, les collaborations (textes et traductions) étant payées en plus. Valéry multiplie les euphémismes en remerciant la princesse pour « un petit papier de cette forme qui demanderait un grand papier de thanks » (lettre 55) ou pour « le petit papier » (lettre 71). Il bénéficie d’un traitement de faveur financier : un an après la fondation de Commerce, la princesse lui propose des « honoraires supplémentaires », qu’elle n’estime n’être que « maigre justice » étant donné que la revue doit beaucoup à l’éclat de son nom (lettre 51). Fargue quant à lui voit rapidement ses appointements doubler : « Dix mille francs par an comme directeur et cinq mille pour chaque texte que vous donnerez – Cela vous va-t-il ? Mais je vous prie de ne pas en parler à personne car je ne peux pas faire de même pour les autres directeurs » (lettre 146). Dans une seule lettre, elle éclate contre le poète, trop gourmand et trop paresseux : « Il y a bien des hommes qui arrivent à vivre convenablement sur

6 Il n’y a qu’une interruption, en 1925, où l’on passe directement du cahier de printemps au cahier d’automne, puis à la fin de la revue en 1931 et 1932 quand les finances de la prin cesse sont en difficulté à cause de la crise américaine.

7 Soit environ trois mille cinq cents euros.

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moins que ce que vous avez reçu de Commerce pendant la dernière année » (lettre 130). C’est la publication du futur Vulturne qui a demandé le plus de peine à la princesse. Il paraît finalement en deux parties, dans les cahiers VII (printemps 1926) et XIV (hiver 1927) sous le titre « Esquisses pour un para dis » I et II. Fargue temporise sans cesse, et finit par être payé bien des fois pour ce même texte. Quant à Larbaud, sa fortune personnelle le met à l’abri du besoin mais lui rend d’autant plus nécessaire une reconnaissance de son travail, et il s’inquiète parfois de bien être rétribué pour la revue. Cependant, en janvier 1931 il accepte sans hésiter de renoncer à ses émoluments quand Marguerite Caetani peine à financer Commerce  :

En ce qui concerne « Commerce », je comprends la situation dont vous me parlez, et je saisis sans aucune hésitation cette occasion de vous témoigner ma gratitude et mon attachement pour la revue en renonçant à mes honoraires de co-directeur pour cette année. Je souhaite que les choses s’arrangent et que la solide situation littéraire de la revue lui permette de se faire aussi une solide situation financière au cours des années qui viennent. Il serait bien dommage qu’elle sombrât. Et soyez remerciée pour les sacrifices que vous avez faits et que vous faites pour elle ! (lettre 264)

La princesse prend en charge tout l’aspect matériel mais, bien plus qu’une mécène, elle est au cœur de Commerce. Ces trois correspondances successives, qui se font écho mais ne se mêlent pas, sont un bon miroir du fonctionnement de la revue, avec une direction totalement centralisée par Marguerite Caetani. Les trois directeurs ne dirigent pas vraiment : c’est elle qui demande conseil, consulte, et tranche en dernière instance.

Ces lettres appartiennent aussi au domaine privé – pour autant que la dis tinction puisse avoir du sens concernant des écrivains dont la vie est consa crée à la littérature. Si la publication de correspondance constitue toujours, en soi, une sorte d’effraction, point de révélation intime dans ce volume. Les amateurs d’indiscrétions seront déçus : les lettres que la princesse a certainement échangées avec celui qui fut son amant au début de la revue, Alexis Leger ou Saint-John Perse en littérature, n’ont pas été retrouvées8 Valéry, Fargue et Larbaud jouent tous trois des codes chevaleresques quand ils s’adressent à la princesse. La formule récurrente de Valéry, « Je vous baise les mains », est redoublée par l’emploi de l’italien « devotissimo loro ». L’« infortuné et respectueux serviteur » (lettre 4), « le fatigué et dévoué » se jette « à [ses] pieds » (lettre 56). Larbaud emploie également le lexique cour

8 Seules deux lettres sont conservées dans les Archives Caetani, et publiées dans le volume Brisset/Levie.

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tois en plaisantant à propos de la décoration que Fargue vient de recevoir en juillet 1925 : « Voilà les trois Directeurs de Commerce armés chevaliers, – vos dévoués chevaliers » (lettre 190). Fargue use même de plusieurs for mules de reconnaissance ambiguës, comme dans une lettre retrouvée dans les papiers de Saint-John Perse : « j’éprouve un besoin immédiat, impérieux, de vous dire combien je vous aime. On ne perd que trop de temps, on ne se parle jamais assez, on a la manie de se séparer, on se retrouve, on se quitte encore, et on se découvre souvent trop tard » (lettre 158).

Marguerite Caetani apparaît comme une amie attentionnée et généreuse et Larbaud ne manque pas de le lui rappeler : « Nous vous devons tous beau coup ; et L.P. Fargue, sans vous, n’aurait peut-être plus rien produit, gâchant son génie dans les conversations et la paresse » (lettre 249). La princesse s’in quiète pour leur santé et recommande fréquemment son médecin, le Docteur Chauvet. Elle achète des aquarelles de Fargue, puis des coupes que le poète a dessinées, et les couvre tous de cadeaux. Larbaud reçoit souvent des livres ; Valéry la remercie avec humour, se décrivant comme « l’homme qui a deux cous » (lettre 14), ne sachant plus comment exprimer sa reconnaissance :

J’ai envie de me mettre dans cette sphère de verre, et de tirer de moi je ne sais quel extrait dont je vous enverrais un flacon.. / Ce ne serait pas, peut-être, un cadeau qui vous conviendrait, – mais, en vérité, je ne trouve plus dans mon cerveau, par les méthodes normales, de remerciements à vous écrire. Je vais devenir très prudent, et quand j’irai vous voir, je me garderai de considérer quoi que ce soit chez vous, de peur de le recevoir le lendemain. (lettre 15)

On est loin du langage potasson et des contrepèteries malicieuses que les trois amis échangent dans la librairie d’Adrienne Monnier. Le ton est plus mesuré, plus contenu, mais l’attachement certain. Au français un peu hésitant de la princesse empreint d’italianismes, se mêlent des fragments en anglais, en italien, auxquels font écho avec un plaisir évident Valéry et Larbaud qui jouent eux aussi avec les trois langues. Valéry écrit même parfois entièrement en italien, pour remercier le prince du cadeau d’un rasoir (lettre 23) ou le féli citer pour son opéra Hypatia (carte 57). Roffredo Caetani, grand et bel homme séducteur qui d’après Roger Fry ressemble à un Lord anglais, est totalement en retrait dans l’histoire de Commerce. Valéry seul, qui a le même âge que le prince et a réellement tissé un lien avec lui, lui adresse presque systéma tiquement ses amitiés, et s’adresse parfois à lui seul. Son nom apparaît très peu sous la plume de la princesse à part pour la représentation de son opéra, motif récurrent dans la correspondance : la relation des époux Bassiano est distendue, et Commerce est la revue de la princesse exclusivement.

Les lettres dessinent une topographie intime et révèlent leur mode de vie au fil des adresses. C’est dans l’imposante Villa Romaine, avenue Douglas

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Haig à Versailles que Marguerite Caetani échange la plus grande partie de sa correspondance, mais elle séjourne également dans de nombreuses maisons de villégiature dans lesquelles elle ne manque pas d’inviter ses amis écrivains, en été la Villa Mon rêve à Benerville ou la Villa Païta à la Baule-les-Pins, pendant les mois d’hiver dans le Midi, la Villa Mercédès à Beaulieu, la Villa Feuillée à Menton, ou encore la Villa Caldana à Cannes. Elle se partage entre la France et l’Italie à partir des années 1930, alternant entre Versailles et Rome avec la Villa Caetani, Via Tre Madonne, avant l’installation définitive au Palazzo Caetani, Via Botteghe Oscure, et comme pied à terre parisien l’appar tement de la rue du Cirque. Valéry demeure toujours au 40 rue de Villejust, où il invite la princesse à voir les tableaux de sa voisine et « cousine Rouart », Julie Manet (lettre 5). Mais il écrit souvent de La Graulet à Bergerac dans la famille des Pozzi, de chez son frère à Montpellier, ou encore quand il est à Giens chez la comtesse de Béhague. Fargue reste dans le Xe arrondissement de Paris, du 156 rue du Faubourg Saint-Martin au 37 rue Château-Landon en 1926, même s’il vit l’expropriation de sa maison et de la fabrique familiale, causée par les travaux d’agrandissement de la gare de l’Est, comme une douloureuse déchi rure. On imagine Larbaud recevant la princesse dans son appartement pari sien au 71, rue du Cardinal Lemoine, lui faisant les honneurs avec ses troupes de soldats de plomb (lettre 7) et l’accueillant dans son « Jardin Fleuri », ou lui écrivant de sa bibliothèque à Valbois. Larbaud voyage beaucoup et lui écrit souvent d’Italie des lettres qui ressemblent parfois à s’y méprendre aux périples relatés dans la « Lettre d’Italie » (Commerce, III, hiver 1924) ou « Le Vain travail de voir divers pays » (Commerce, VI, hiver 1925).

Chacun a son style, sa voix propre. Nous avons choisi de respecter l’ordre des écrivains tels qu’ils apparaissent sur la page de titre de la revue : «  CommerCe, cahiers trimestriels, publiés par les soins de Paul Valéry, Léon-Paul Fargue et Valery Larbaud. »9 En effet, l’échange épistolaire débute avec Valéry, et c’est autour de son nom que se constitue Commerce. La fondation de la revue est liée à plusieurs projets lancés par Gaston Gallimard et par Natalie Clifford Barney pour aider Valéry après la mort de son protecteur Édouard Lebey. Marguerite de Bassiano rencontre Valéry grâce à Natalie Barney, Américaine comme elle. En février 1921, après un premier rendez-vous manqué, celle-ci transmet à la princesse une carte que Valéry lui a écrite, signée « Ed Teste » : « Excusez moi

9 La correspondance avec Jean Paulhan, qui a joué d’une certaine façon un rôle de directeur officieux, figure dans le volume édité par Laurence Brisset et Sophie Levie. Les lettres échangées avec Saint-John Perse comme on l’a évoqué ont vraisemblablement été détruites.

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de vous écrire si mal et si vite. Mal et Vite, voilà ma devise. »10 La présentation a finalement lieu en avril, marquant le début d’une longue amitié.

Les lettres de Valéry, pleines d’esprit et d’humour, sont majoritaires dans la correspondance avec Marguerite Caetani (soixante-sept lettres contre dixneuf de la princesse). Elles s’échelonnent de 1921 à 1945 : il y en a presque autant qui sont écrites hors de la période Commerce que pendant la paru tion de la revue, ce qui confirme que Commerce est loin d’être leur unique sujet de conversation. C’est tout un pan du Paris artistique et mondain qui transparaît à travers leurs lettres : ils se donnent rendez-vous à l’opéra Boris Godounov, assistent ensemble à une pièce de Cocteau, ou se retrouvent à déjeuner chez des amis communs comme Charles de Polignac…

Valéry est considéré comme le chef de file de Commerce. Pourtant, il se retrouve co-directeur sans l’avoir vraiment voulu. Sa « Lettre sur les Lettres », très attendue par les autres fondateurs de Commerce pour faire office de manifeste, n’est jamais écrite. La lettre qu’il envoie à la princesse le 23 avril 1924 apporte toutefois des éléments décisifs sur l’orientation esthé tique de la future revue :

L’essentiel serait d’acquérir une autorité, en prenant dans le monde des Lettres, ou sur les confins de cet horrible monde, une position stratégique singulière, – celle de gens absolument libres d’esprit, qui n’ont plus à se faire connaître, à tirer des coups de revolver sur les réverbères, et qui n’ont pas, d’autre part, d’attachement à un système quelconque.. etc. (lettre 35)

À propos de la publication du jeune Jean Prévost, il défend l’idée d’une « politique » littéraire de Commerce (lettre 56). Son rôle de conseiller est cependant limité. Valéry est un directeur qui s’implique peu : « Le texte que vs m’avez envoyé est.. as you like it. /Difficile di prenderlo, /Difficile di lasciarlo / Mais après tout nous en publierons bien d’autres !! » (lettre 44) Il échoue à faire publier Régnier, Royère, ou encore le manuscrit de Catherine Pozzi remis sans nom d’auteur. Pourtant, ce n’est pas homme à tenir rigueur à la princesse des textes qu’elle lui a refusés :

Je suis profondément touché de votre lettre. Il y avait du regret dans la mienne ; mais vous pouvez être assurée que mes sentiments à votre égard n’en étaient pas le moins du monde affectés. L’amitié simple et certaine admet la différence des avis. On peut même se disputer un peu. (C’est plus « vivant ») surtout quand il s’agit d’un sommaire de Revue ! (lettre 63)

10 La lettre de Natalie Clifford Barney à la princesse qui comprend le petit mot de Valéry date du 15 février 1921 (Archives Caetani).

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Catherine Pozzi lui reprochera d’ailleurs de ne pas avoir assez lutté pour faire accepter son texte… Il donne finalement deux traductions (Thomas Hardy et Edgar Poe) et dix-huit contributions à Commerce, souvent en pré-originale avant la publication en recueil, et parfois même des textes déjà publiés. Valéry se peint régulièrement malade, débordé, « vieux cheval fatigué » accablé de travail : « Je mets à vos pieds les débris de P.V. » (lettre 33), « Je suis éreinté. Sans aucune force. Maledetto inverno11. Je n’arrive à remonter sur le vieux cheval P.V. » (lettre 44). Il est très sollicité et lutte pour faire face à tous ses engagements. La dualité entre l’homme public et l’homme privé apparaît bien : la valse des rendez-vous mondains et des mul tiples conférences se conjugue à la hantise du travail à faire. Il remercie la princesse pour sa « bonne lettre si pleine d’amitié agissante et d’affectueuses idées » quand elle lui propose de l’aide pour dactylographier ses notes (lettre 46). Les lettres se raréfient à partir des années 1930 quand Marguerite Caetani s’installe en Italie, mais il n’y a pas de rupture dans leurs relations. Elle se confie à lui après la terrible disparition de son fils Camillo sur le front albanais en 1941, et les dernières lettres sont celles de deux amis vieillissants heureux de se retrouver.

Les lettres échangées avec Fargue se concentrent sur une petite dizaine d’années : la correspondance débute en 1922-1923 et s’achève en 1931. Fargue est sans conteste l’épistolier le plus affectueux ; son ton est vite ami cal et intime. Il se montre attentionné envers les enfants, et n’oublie jamais de saluer les chiens. Fargue est fidèle à sa légende d’homme imprévisible et procrastinateur. Ainsi, lorsqu’il vient passer des vacances avec toute la famille à Benerville en 1923, il repart subitement à Paris avant de revenir encore en Normandie. De même, quand il retrouve Valéry à Benerville en septembre 1924, il retarde sous divers prétextes le moment de son arrivée : « Et vous vous doutez de ce que c’est qu’une fin de mois, pour un “com merçant”. Je vous raconterai tout ça, car ça ne manque pas de pittoresque dans l’embêtant » (lettre 109). Ses lettres sont souvent pleines de poésie et de verve épique : « Ici, il fait un temps livide où la chaleur se gonfle comme une éponge, avec de grands bruits sourds, des feuilles de tôle gondolées dans le ciel, et des averses épaisses comme les colonnes de verre des chevaux de bois » (lettre 122).

Le hasard a permis de retrouver peu avant la mise sous presse de cet ouvrage vingt-quatre télégrammes de la princesse à Fargue, qui font bien

hiver ».

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11 « Maudit

apparaître le climat d’effervescence intellectuelle et artistique de l’époque. Ils comprennent une myriade de noms d’artistes, d’écrivains mais aussi de pianistes comme Ravel, Viñes et Stravinsky, et de peintres comme Segonzac ou Marie Laurencin. La princesse donne à Fargue de nombreux rendez-vous dans des restaurants à la mode, au Ritz ou chez Foyot mais aussi chez Ciro, aux Ambassadeurs ou encore au Jardin de ma sœur.

Si Fargue prend au départ très au sérieux son rôle de directeur, il n’est pourtant pas un auxiliaire très efficace. Son rôle de conseiller est discu table : il oublie d’écrire une petite note sur Büchner, se trompe d’enveloppe au moment de prendre contact avec un auteur… Mais c’est tout de même lui qui fait le lien avec André Breton, et il finit par donner dix-neuf contribu tions à Commerce, ce qui pour ceux qui connaissent le poète constitue une forme d’exploit. Fargue écrit d’ailleurs à Marguerite Caetani : « Vous êtes et vous serez la seule qui ait obtenu ce résultat. Je veux que vous puissiez en être fière » (lettre 148). C’est en alternant réprimandes et récompenses que la princesse, qui a dû montrer encore plus d’énergie que pour Valéry, a réussi à arracher les textes de Fargue. Le tout premier poème publié par Fargue, en février 1893, ne s’intitulait pas pour rien « Idée de Retard »12… Ses manus crits ne sont jamais prêts, et il multiplie des promesses qu’il ne tient pas. Ses lettres ressemblent parfois à de petits romans, quand il explique quel « magnifique ensemble tragicomique » l’a empêché de finir son texte (« Du Balzac, pas moins », lettre 145).

S’il est le plus drôle, il est aussi le plus quémandeur. Les lettres qu’il envoie à Marguerite de Bassiano constituent de vrais morceaux de prose poétique qui ne dépareraient pas dans Commerce :

Je viens de passer quelques journées bizarres. J’avais une mine superbe. J’étais tout rouge. J’ai circulé drôlement, d’abord dans la rue, ensuite dans ma chambre, puis je me suis couché avec un thermomètre, et je montais. De temps en temps, une grande barre fine tapait dans ma tête sur une enclume de cristal avec une limpidité étonnante. (lettre 126)

Mais cette lettre est surtout l’occasion d’expliquer pourquoi son texte n’est pas prêt :

J’essayerai cependant de refaire le Paradis terrestre, qui est décidement une chose manquée. Je ne le vois plus, de quelque façon que je le regarde. Ça ne me sonne pas aux oreilles, ça ne me surprend pas jusqu’au bout, comme quand je suis content. Je crois que je l’ai trop travaillé, c’est comme un dessin qu’on a fatigué, ça glisse, le

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Voir Barbara Pascarel, « Idée de retard », L’ Art littéraire, février 1893, n° 3, in LéonPaul Fargue. Bibliographie des écrivains, Meminia, 2000, p. 29-30.

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crayon ne mord plus. Je crois aussi que je l’ai mal conçu, dans de mauvaises condi tions, complications des débuts de Commerce, brouilles avec la rue de l’Odéon et avec Larbaud, etc., etc. Enfin, ça n’a pas marché : à ce mal, un seul remède : laisser reposer la chose, lui donner de la cave, la reprendre un peu plus tard. Malheureusement, je n’ai rien d’autre qui vaille à vous donner.

Fargue y développe également la nécessité de maintenir un souffle dans la revue : « Il faut tout de même qu’une revue fasse appel à la “variété” de son époque, à des choses diverses et bonnes dans leur genre, il faut qu’elle vive. » Après un échange assez nourri de 1923 à 1928, les lettres se raréfient, tout comme la copie de Fargue dans Commerce. On lui attribue une note anonyme simplement signée « Le Parisien » dans Comoedia le 24 avril 1932, très critique envers Commerce lors de la disparition de la revue13. La drôlerie du poète aux mots délicats parfaitement ciselés, tout comme son angoisse de l’expropriation, les tracas liés à ses procès constants, ses difficultés de tréso rerie, le soin qui va jusqu’à la maniaquerie pour peaufiner son texte avant de l’envoyer à l’impression, sont autant de facettes parfois contradictoires que renvoient ces lettres.

La correspondance échangée avec Larbaud de 1921 à 1935 constitue l’en semble le plus important du corpus. C’est une amitié sans faille que nous découvrons au fil de ces cent vingt-deux lettres. La distance formelle du « Madame » initial succède vite, à l’été 1923, au « Chère amie ». La der nière lettre, écrite par Georges Jean-Aubry, est émouvante car Larbaud n’est plus capable de prendre la plume directement. Contrairement à Valéry et à Fargue, les liens sont resserrés sur les deux épistoliers. Marguerite Caetani et Larbaud évoquent de nombreux amis communs, mais pas du tout le tour billon de sorties dans le Paris mondain que fréquentent Valéry et Fargue. Larbaud mène une vie plus retirée, plus sédentaire paradoxalement pour ce grand voyageur, surtout depuis qu’il a rencontré Maria Nebbia et cessé de voir Fargue, noctambule terriblement chronophage. La princesse n’en voie pas le même type de lettres à Larbaud qu’aux deux autres directeurs. Avec Larbaud, les lettres sont bien plus longues, et sont très riches pour l’établissement des sommaires de Commerce, proches en cela de certaines lettres échangées avec Paulhan. Le rôle de clé de voûte de Larbaud appa raît clairement : c’est lui qui s’investit le plus, indéniablement. Ces lettres

13 Paulhan s’en désole dans une lettre à Larbaud du 9 mai 1932. Lettre de Jean Paulhan à Valery Larbaud, 9 mai 1932, Choix de lettres, par Dominique Aury et Jean-Claude Zylberstein, revu et annoté par Bernard Leuilliot, tome i : 1917-1936, La littérature est une fête, Gallimard, 1986, p. 243 et p. 471.

xviii

confirment l’application que met Larbaud quand il s’engage dans un projet, et vu le temps qu’il a consacré à Commerce on comprend sans peine qu’il ne se soit jamais engagé, à part pour La Revue européenne, dans une autre revue. Larbaud est le seul qui traite vraiment de Commerce cahier par cahier. Valéry et Fargue évoquent en général leur propre contribution, pas toujours prête ; Larbaud, au contraire, non seulement rend sa copie dans les temps mais répond aux appels au secours de la princesse et lui soumet sans cesse de nouveaux manuscrits. Elle le remercie continuellement des multiples ser vices rendus : « Soyez un ange encore une fois de plus » (lettre 177), « Vous êtes vraiment un ange de vouloir bien faire ce chapeau » (lettre 184), « Vous avez été un véritable ange comme toujours » (lettre 201), « Il me semble avoir compris que vous allez être un ange pour la mille et unième fois et le traduire » (lettre 227), et les exemples sont légion.

Son nom figure dans vingt-trois numéros sur vingt-neuf, souvent plu sieurs fois dans le même cahier aussi bien pour des textes de lui que pour des traductions. Larbaud avec trente-trois contributions est l’écrivain le plus publié de Commerce, et il s’engage pour faire connaître ou traduire d’autres auteurs, parmi lesquels deux écrivains français encore méconnus, Maurice Scève et Antoine Héröet. Le domaine anglais de Commerce lui doit beaucoup puisqu’il traduit ou présente (parfois les deux) Thomas Browne, Nathaniel Hawthorne, Robert Herrick, Archibald MacLeish, Liam O’Flaherty, Edith Sitwell, Sir Thomas Wyatt – sans oublier la présentation de fragments d’Ulysse de Joyce traduits par Auguste Morel. Il traduit aussi de l’italien (Emilio Cecchi, Bruno Barilli et Ricardo Bachelli) et de l’espa gnol (Ricardo Güiraldes et Alfonso Reyes).

La correspondance entre Marguerite Caetani et Larbaud est une conver sation de lettrés autour d’une revue et des goûts littéraires de chacun : on lit tous les conseils, toutes les suggestions de l’écrivain, et ces lettres nous dévoilent aussi le roman de ce que Commerce aurait pu être, si Larbaud avait eu toute latitude… car il est loin d’avoir toujours gain de cause mais continue inlassablement à proposer des noms à Marguerite Caetani. Leur échange est donc le plus nourri, le plus roboratif, parfois même légèrement indigeste avec de longues énumérations de noms et de projets. La revue Commerce grâce à Larbaud a pu jouer un rôle de « découvreur », et la prin cesse en est bien consciente : « je vous suis infiniment reconnaissante de tout ce que vous avez fait en qualité d’accoucheur ! » (lettre 225). Certains passages sont éclairants sur l’œuvre de Larbaud, qui se confie rarement sur sa vie privée mais se dévoile sur ce qu’il est en train d’écrire. Il esquisse par exemple sa théorie littéraire des sources à propos de Shakespeare tout en demandant le secret à la princesse (lettre 204).

LE COMMERCE DE LA REVUE xix

FRANÇAISE

Leur amitié, profonde, va bien au-delà de Commerce. Marguerite Caetani lui écrit ainsi : « Vous m’avez écrit une si gentille lettre il y a quelque temps qui m’a infiniment touchée – Votre amitié est une bien belle chose dans ma vie » (lettre 258). Larbaud n’est pas en reste : « Chère amie, je suis honteux d’avoir écrit si longuement. Pardonnez-moi. Mais c’est le plaisir de causer avec vous. Merci pour tous vos encouragements, qui me sont très précieux, et qui me font du bien » (lettre 249). La princesse occupe un rôle important dans le Journal de Larbaud, comme en 1931 : « Comme amitié féminine, celle de la Pcesse de B. me suffit, fortifiée d’année en année depuis près de dix ans ; je n’en désire pas d’autre, n’en conçois même pas d’autre possible pour moi… »14 Amitié et littérature se mêlent intimement pour le grand travailleur qu’est Larbaud :

Lorsque je pense à elle un grand désir de travailler me vient. Ma chère princesse, si bonne, si délicate ; quelle consolation, quel réconfort elle m’apporte au milieu des ennuis que me donnent les « vilains de lettres ». C’est pour lui prouver mon amitié que je voudrais pouvoir travailler15.

Une lettre de Marguerite Caetani souligne la surprenante magie de la lettre pour son destinataire, fragile « miracle » qui donne corps à une absence, que nous aimerions pouvoir partager avec les lecteurs de cette correspondance :

Vous écrivez les plus charmantes lettres au monde puisceque quand on a vos lettres on imagine qu’on vous voie qu’on entend votre voix que vous êtes là tout près. Que peut-on demander de plus à une lettre. Il faut être magicien pour accomplir un pareil miracle. (lettre 171)

Larbaud, Journal, éd. citée, p. 852.

Ibid., p. 869-870.

CORRESPONDANCE
xx
Ève r abaté
14
15

NOTE SUR LA PRÉSENTE ÉDITION

Provenance des lettres

Ce volume, qui fait partie d’une série commanditée par la fondation Camillo Caetani de Rome, comprend 280 lettres, cartes postales et télégrammes échan gés entre Marguerite Caetani et les trois directeurs de la revue Commerce, Paul Valéry, Léon-Paul Fargue et Valery Larbaud. Les lettres reçues par Marguerite Caetani proviennent majoritairement des Archives Caetani. Les lettres écrites par Marguerite Caetani figurent dans différents fonds d’archives.

Correspondance de Marguerite Caetani avec Paul Valéry : 86 lettres, cartes postales et télégrammes

19 lettres de Marguerite Caetani à Paul Valéry dont 14 lettres et télégrammes à la Bibliothèque Nationale Richelieu, Dépar tement des manuscrits occidentaux, Fonds Paul Valéry (Paris) dont une copie figure aux Archives Caetani (Rome)

4 lettres et 1 télégramme à la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet (Paris)

67 lettres de Paul Valéry à Marguerite Caetani dont 63 lettres et cartes postales aux Archives Caetani (nous avons retiré une lettre de Valéry à Natalie Clifford Barney, et une lettre à Adrienne Mon nier classée par erreur parmi les lettres à Marguerite Caetani)

4 lettres à la Fondation Saint-John Perse (Aix-en-Provence)

Les lettres sont toutes inédites à l’exception de 16 lettres publiées par Ada Speranza Armani, Un anneau de corail. Lettere di Paul Valéry a Marguerite et Roffredo Caetani, Rome, Bulzoni, 1986.

Correspondance de Marguerite Caetani avec Léon-Paul Fargue : 72 lettres, cartes et télégrammes

55 lettres, cartes postales et télégrammes de Marguerite Caetani à LéonPaul Fargue aux Archives Fargue

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017

ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

LA PRÉSENTE ÉDITION

17 lettres de Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani (nous avons retiré une lettre de Lucien Fabre signée « L.F. » classée par erreur parmi les lettres écrites par Fargue) dont 16 aux Archives Caetani

1 à la Fondation Saint-John Perse (la seconde lettre est un feuillet dacty lographié d’une lettre dont l’original se trouve aux Archives Caetani)

Correspondance de Marguerite Caetani avec Valery Larbaud : 122 lettres et cartes postales

86 lettres de Marguerite Caetani à Valery Larbaud (nous avons retiré une lettre écrite par Walter Berry à Larbaud). Elles se trouvent à la Mé diathèque Valery Larbaud de Vichy sous les cotes B-33 à B-119. Nous indiquons les cotes mais nous rétablissons l’ordre chronologique. Une transcription dactylographiée et annotée de quarante-huit de ces lettres se trouve à l’Institut Mémoires de l’Édition Contemporaine (IMEC), réa lisée par Maurice Saillet. Nous ne suivons pas toujours l’ordre chronolo gique qu’il propose ; nous reprenons parfois ses annotations inédites en indiquant seulement Saillet.

36 lettres de Valery Larbaud à Marguerite Caetani dont

31 lettres aux Archives Caetani

4 lettres et 1 carte postale à la Fondation Saint-John Perse

Critères d’édition

Toutes ces lettres sont manuscrites, sauf mention contraire. Les lettres ne sont pas souvent datées. Nous avons indiqué entre crochets et en italique la date quand nous pouvions la reconstituer, et avec un point d’interrogation la date la plus probable. Nous avons fait le choix d’insérer les lettres indatables au sein d’une série avec une hypothèse cohérente. Si Larbaud date toujours précisément ses lettres, c’est loin d’être le cas pour Marguerite Caetani et Fargue, qui ne donnent que très rarement des indications précises. Pour Valéry, des enveloppes retrouvées avec les lettres ont parfois pu nous guider. Nous avons toujours indiqué une date en début de lettre, que nous avons systématiquement alignée à droite, et nous avons toujours placé à droite la signature à la fin de la lettre. Dans le corps de la lettre figure uniquement ce qui est manuscrit ; nous avons signalé en note les adresses imprimées, les divers en-têtes et les renseignements fournis par les enveloppes.

Nous avons choisi de respecter au maximum la lettre originale. Si l’épisto lier souligne, nous soulignons à l’identique. Nous avons également respecté le texte manuscrit pour les titres des ouvrages, des revues et des contributions à

NOTE SUR
xxii

la revue (qui apparaissent toujours entre guillemets dans les notes). Les parti cularités orthographiques de chacun ont été conservées. Marguerite Caetani ne maîtrisait pas parfaitement le français et nous n’avons pas jugé bon de corriger ses fautes (elle écrit par exemple « assai » pour « assez », « manus cript » pour « manuscrit »), et utilise une ponctuation très expressive, que nous avons maintenue. On voit au fil des lettres que sa maîtrise du français s’accentue. Nous avons conservé les deux points de suspension de Valéry, ainsi que son italien en indiquant quand il y a de petites erreurs. Nous avons traduit en note les nombreuses expressions en italien et en anglais. Ève Rabaté a rédigé les notes que Sophie Levie a relues.

Remerciements

Nous adressons naturellement tous nos remerciements aux membres de la fondation Camillo Caetani de Rome, Bruno Toscano, Caterina Fiorani et Massimiliano Tortora, qui ont porté ce projet et l’ont soutenu en nous ouvrant les Archives Caetani.

Nous tenons également à remercier les responsables et les conservateurs des différentes archives et fondations pour leur accueil et leurs conseils lors de nos différentes visites, de la Médiathèque Valery Larbaud de Vichy, de la Fondation Saint-John Perse à Aix-en-Provence, de la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet à Paris et de la Bibliothèque Nationale Richelieu à Paris éga lement, ainsi que de l’Institut Mémoires de l’Édition contemporaine à Caen. Nous sommes très reconnaissantes envers les ayants droit qui ont généreu sement autorisé la publication de ces lettres, Martine Boivin-Champeaux, Laurent de Freitas, Maurice Imbert et Claude Malhuret. Nous tenons à remercier particulièrement Michel Jarrety pour ses conseils qui ont grande ment éclairé la correspondance de Valéry, et Laurent de Freitas qui a fait bien plus que nous ouvrir les archives de Fargue. Nous n’oublions pas Laurence Brisset, Anita Concas, Martine Chosson, Roy Groen, Carolien Moonen, Paul Op de Coul, Barbara Pascarel et Sophie Robert pour leur aide précieuse.

Amsterdam et Paris, juin 2015 Sophie Levie Ève r abaté

NOTE SUR LA PRÉSENTE ÉDITION xxiii

ABRÉVIATIONS

AC Archives Caetani

AF Archives Léon-Paul Fargue

BLJD Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet

FSJP Fondation Saint-John Perse

IMEC Institut Mémoires de l’Édition contemporaine

MVL Médiathèque Valery Larbaud

Barolini

Bohnenkamp/Levie

Helen Barolini, Their other side. Six American Women and the Lure of Italy, New York, Fordham University Press, 2006.

La Rivista “Commerce” e Marguerite Caetani, I. Briefwechsel mit Deutschsprachigen Autoren, herausgegeben von Klaus E. Bohnenkamp und Sophie Levie, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2012.

Brisset/Levie

La revue Commerce et Marguerite Caetani, V. Correspondance française. Marguerite Caetani, Jean Paulhan et les auteurs français, édition présentée et annotée par Laurence Brisset et Sophie Levie, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2016.

Cahiers Jean Paulhan

Cahiers Jean Paulhan n° 5, édition établie et annotée par Jacqueline Paulhan, Luciano Rebay et Jean-Charles Vegliante, Gallimard, 1989.

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017

ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

Fargue, Poésies

Goujon

Léon-Paul Fargue, Poésies, Gallimard, 1963.

Jean-Paul Goujon, Léon-Paul Fargue, poète et piéton de Paris, Gallimard, 1997.

Hommage à Commerce Hommage à Commerce, Lettres et arts à Paris, 1920-1935, Catalogue de l’exposition tenue au Palazzo Primoli de Rome sous le Patronage de l’Ambassade de France en Italie, du 5 décembre 1958 au 30 janvier 1959, Roma, Istituto Grafico Tiberino, 1958.

Jarrety Michel Jarrety, Paul Valéry, Fayard, 2008.

Karaïskakis/Chapon Georges Karaïskakis et François Chapon, Bibliographie des œuvres de Paul Valéry publiées de 1889 à 1965, Librairie Auguste Blaizot, 1976.

Larbaud, Journal

Valery Larbaud, Journal, édition définitive, texte établi, préfacé et annoté par Paule Moron, Gallimard, 2009.

Larbaud, Œuvres

Valery Larbaud, Œuvres, notes de Georges Jean-Aubry et Robert Mallet, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1957.

Larbaud/Monnier/Beach

Valery Larbaud, Lettres à Adrienne Monnier et Sylvia Beach : 1919-1933, édition annotée par Maurice Saillet, IMEC, 1991.

Larbaud/Paulhan

Valery Larbaud – Jean Paulhan, Correspondance 1920-1957, édition établie et annotée par JeanPhilippe Segonds, Paris, Gallimard, 2010.

Levie Sophie Levie, Commerce, 1924-1932 : une revue internationale moderniste, Roma, Fondazione Camillo Caetani, 1989.

Levie/Smith La Rivista “Commerce” e Marguerite Caetani, III Letters from D.S. Mirsky and Helen Iswolsky to Marguerite Caetani, edited by Sophie Levie and G.S. Smith, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2015.

ABRÉVIATIONSxxvi

Mousli

La NRF

Paulhan/Ungaretti

ABRÉVIATIONS

Béatrice Mousli, Valery Larbaud, Flammarion, coll. « Grandes Biographies », 1998.

La Nouvelle Revue Française.

Correspondance Jean Paulhan – Giuseppe Ungaretti, 1921-1968, Paris, Gallimard, 1989 (Cahiers Jean Paulhan n° 5).

Rabaté

Rypko Schub

Valéry, Œuvres

Ève Rabaté, La Revue Commerce. L’ esprit « clas sique moderne » (1924-1932), Paris, Éditions Classiques Garnier, 2012.

Louise Rypko Schub, Léon-Paul Fargue, Genève, Droz, 1973.

Paul Valéry, Œuvres, édition établie par Jean Hytier, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », tome i, 1957 ; tome ii, 1960.

xxvii

I

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY CORRESPONDANCE (1921-1945)

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017

ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Samedi [18 juin 1921] 40 Rue de Villejust

Chère Princesse, Gide n’est pas à Paris, et en vérité je ne sais pas où il est actuellement –Mais quant à moi, je serai très heureux de revenir à Versailles où votre grâce me fait l’honneur de me convier encore.

J’espère que cette fois le prince ne sera pas absent 2. Veuillez bien lui pré senter mes souvenirs les meilleurs et recevoir l’hommage de mes sentiments les plus respectueusement dévoués

Paul Valéry

Lettre 1.

1 Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Maréchal Douglas Haig / Versailles ; cachet de la poste du 18-6-21.

2 Valéry s’adresse parfois à Marguerite et à Roffredo Caetani (1871-1961) en même temps. Il est certainement le directeur le plus lié à l’époux de la princesse, qui est né la même année que lui.

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017

ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

1

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Samedi [23 juillet 1921] 40 Rue de Villejust

Chère Princesse,

Je serai très heureux de déjeuner Mardi en votre compagnie, et je suis très sensible à l’honneur que vous me faites de penser à moi, en passant à Paris.

Je mets à vos pieds tous mes hommages les plus amicalement respectueux, Paul Valéry

3

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

[1er août 1921]

Chère Princesse,

Je vous envoie les hommages et les respects de l’échappé de Paris qui respire enfin devant la mer. Ne m’oubliez pas auprès du Prince, et me croyez Il devotissimo Servo Loro2

P. Valéry

Lettre 2.

1 Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Hôtel Ritz / Place Vendôme / Paris ; cachet de la poste du 23-VII-1921.

Lettre 3.

1 Carte postale indiquant : « Lundi 1er août 1921 / Villa St. Pierre. / Route de Pleumeur / Perros Guirec / Côtes du Nord ». Légende de la carte postale : « treStrigneL. – Intérieur de la Grotte ».

2 « Votre très dévoué Serviteur ». Valéry émaille souvent ses lettres de mots italiens ou anglais.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE4
2

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Vendredi 16 7bre 21 40. rue de Villejust

Chère Princesse,

Je suis rentré à Paris très fatigué, et même très souffrant. J’ai eu quinze beaux jours, et quinze horribles, à la mer, d’où je reviens en très mauvais état. Je suis désolé de ceci, et je le suis aussi de ne pouvoir même songer à venir vous faire une visite à Blonville.

C’est pour moi un véritable chagrin, qui s’ajoute à mes ennuis, car vous savez quel plaisir j’ai à me trouver dans votre maison.

Veuillez dire au Prince mille amicales choses et me croire, votre infortuné et respectueux serviteur

Paul Valéry

Lettre 4.

1

Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / L’Abbaye / Benerville / par Blonville / (Calvados) ; cachet de la poste du 16.IX.1921 (et 17-9 21 au verso).

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 5 4

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Mercredi [12 octobre 1921] 40 Rue de Villejust

Chère Princesse,

Je me sens un peu mieux, (sans être encore un homme dans le genre de Dempsey)2, et j’emploie ce peu de force à vous dire combien j’ai été sensible aux aimables choses que vous avez bien voulu m’écrire. J’y ai mis quelque retard, car le travail absorbait nécessairement ce que la fatigue et le malaise voulaient lui abandonner. Il faut m’excuser, et même me plaindre, de ne pas vous avoir répondu un peu plus vite.

Je déjeunerai bien volontiers avec vous quand vous voudrez, et avec qui vous voudrez, mais non cette semaine. Mais je me permets de vous deman der à vous même s’il vous serait agréable de venir prendre, dans ce modeste chez moi, un peu de thé. La principale attraction que je puis vous offrir, et qui excuse ma proposition, serait une visite à l’étage au-dessus du mien, où habite ma cousine Rouart, fille de Berthe Morisot, et la nièce d’Edouard Manet3. Il y a là de magnifiques choses, que Vuilliard4 connaît bien.

Vous n’auriez qu’à m’indiquer le jour qui vous conviendrait. (pas le jeudi). Ma femme sera très heureuse de vous faire les honneurs de chez elle. Lettre 5.

1 Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Versailles / S. et O. ; cachet de la poste du 12-X-1921.

2 Valéry fait certainement référence au boxeur américain Jack Dempsey (1895-1983), champion du monde dans la catégorie poids lourds de 1919 à 1926, inventeur du « mouve ment Dempsey » ou « Dempsey roll » et surnommé « le tueur de Manassa ».

3 Julie Manet (1878-1966), qui habitait également rue de Villejust, est la fille de Berthe Morisot (1841-1895) et d’Eugène Manet, le frère d’Édouard Manet (1832-1883). Elle épouse Ernest Rouart, lui-même peintre et collectionneur. Valéry la désigne comme sa « cousine Rouart » car Julie est la cousine de sa femme, Jeannie Gobillard. Notons que les familles Valéry et Rouart sont très liées puisque la fille du poète, Agathe, épousera Paul Rouart.

4 Il s’agit du peintre Édouard Vuillard (1868-1940), dont Valéry, qui n’est pas toujours très sourcilleux avec les noms propres, orthographie mal le nom. Vuillard, qui fut amou reux de la jeune Marguerite Chapin, avait réalisé de très beaux panneaux pour elle dans son appartement parisien de la rue de l’Université. Voir Gloria Groom, Édouard Vuillard. Painter – decorator, Patrons and Projects, 1892-1912, New Haven, Yale University Press, 1994.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE6 5

Veuillez, chère Princesse, ne pas oublier de me rappeler au souvenir de votre mari, et recevoir l’hommage de mes amitiés très respectueuses.

Paul Valéry

6

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Vendredi [21 octobre 1921] 40 Rue de Villejust

Chère Princesse,

Nous serons très heureux, ma femme et moi, de venir déjeuner Mardi à la Villa Romaine. J’écris à Gide pour qu’il se joigne à nous. Mais je ne réponds de rien, car c’est l’être le plus mobile du monde, et il suffit de le voir à Paris un jour, pour être à peu près sûr qu’il est ailleurs, le lendemain. Veuillez agréer tous mes souvenirs les plus respectueux, chère Princesse.

Paul Valéry

Lettre 6. 1

Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue

Douglas Haig / Versailles / S. et O. ; cachet de la poste du 21-X-1921.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 7

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Mardi [13 décembre 1921] 40 Rue de Villejust

Chère Princesse,

J’ai essayé tous ces jours-ci de vous téléphoner, mais sans aucun succès. Le fil ne voulait pas de moi. Je commence d’aller mieux. Pas infiniment mieux, mais enfin mieux…

Ma femme me charge de vous dire que si vous voulez venir samedi vers 3 heures, voir les tableaux 2, elle sera très heureuse de vous les montrer, et de vous offrir un peu de thé.

Veuillez me rappeler au souvenir de votre mari et recevoir, chère Princesse, mes hommages les plus respectueux et les plus amicaux

Lettre 7.

1 Carte lettre adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Versailles ; cachet de la poste du 13-XII-21 Paris XVIe (et 14-12 Versailles Seine et Oise de l’autre côté de l’enveloppe).

2 Voir la lettre 5 qui évoque leur voisine et « cousine Rouart ».

CORRESPONDANCE FRANÇAISE8 7

Paul Valéry à Marguerite Caetani

Mardi [ fin 1921, 1922 ?]1

Chère Princesse,

Vous trouverez sous ce pli une carte de Nathalie et ——— la réponse de Morand 2 .

Quant à moi, je suis un peu embarrassé sur le choix du moyen de transport. N. Barney m’écrit qu’elle viendra me prendre avec sa gondole. (2 places only) Et Fabre3 viendra ici attendre votre voiture. Mais j’arrangerai ceci de mon mieux avec Nathaly.

Toutes mes amitiés les plus vives et les plus respectueuses

Envoyez toujours l’auto chez moi à 12h30

P. Valéry

Lettre 8.

1

Cette lettre pourrait être écrite entre 1921 (après la première rencontre de Valéry et de la princesse) et 1924, au moment où Valéry prend ses distances avec Fabre. D’après Michel Jarrety, il s’agit certainement de la fin de l’année 1921 ou de 1922, car Valéry voit Natalie Barney moins souvent à partir de 1923.

2 Valéry fait référence à l’Américaine Natalie Clifford Barney (1876-1972), dont on a vu le rôle clé puisque c’est elle qui a présenté Valéry à Marguerite Caetani. Il évoque ensuite l’écrivain Paul Morand (1888-1976).

Lucien Fabre (1889-1952), écrivain et ingénieur un peu oublié aujourd’hui, est très présent au début de Commerce. Il est alors proche de Valéry, qui a préfacé en 1920 son ouvrage Connaissance de la déesse édité par la Société Littéraire de France. Fabre sera l’un des actionnaires de la Société Anonyme Commerce à hauteur de mille francs (Voir Levie, appendice II, p. 237-239). Une lettre de lui non datée à la princesse signée « L.F. » et attri buée à tort à Léon-Paul Fargue, conservée à la Fondation Saint-John Perse (FSJP), montre qu’il est dans la confidence et dans les dessous de Commerce. Une autre lettre de lui de 1923, toujours signée « L.F. », sous forme de petit poème est à tort classée parmi les lettres de Fargue à Marguerite Caetani dans les Archives Caetani. Sa publication dans la revue, envisagée à plusieurs reprises, n’a finalement jamais abouti. Valéry prend ses distances avec lui en 1924 sans que l’on sache précisément pourquoi.

3

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 9 8

Paul Valéry à Marguerite Caetani

Dimanche [3 septembre 1922] Chez M. Artus1. – Villa Hélène Cabourg. Calvados

Chère Princesse,

Je voudrais bien savoir comment vont vos enfants, et si le beau temps qu’il fait aujourd’hui vous a ramené la tranquillité de l’esprit ? Je voudrais une autre chose – c’est que vous ne pensiez pas que mon souvenir du séjour que j’ai fait à Bénerville 2 me soit moins agréable à cause de ces indisposi tions et de vos tourments. Les tourments font une partie si constante de ma vie que c’était pour moi une chose tout à fait naturelle que de partager les vôtres. Je connais beaucoup mieux les thermomètres, et les angoisses, et les variations des médecins, que les divertissements et les jeux 3 ..

Je suis ici dans une villa très entourée d’arbres, très bourgeoise, et cossue. Artus m’a conduit ce matin voir l’église de Dives qui est assez belle. Nous avons fait quelques pas sur la digue d’Houlgate qui n’est plus très peuplée. Il y avait quelques personnes assez élégantes, une mer verte et blonde et une lumière gaie. Cabourg me semble moins chic. Mais je commence à peine à le connaître.

Voici qu’on m’appelle pour le goûter ; le goûter précède la Citroen. Je vous prie, chère Princesse, de me donner quelques nouvelles et surtout de bonnes nouvelles, de vos enfants.

Si le Prince, qui est le plus aimable des hommes, n’est pas parti pour Paris, veuillez lui dire combien j’ai été touché de son immense amabilité à mon égard. Je ne lui reproche qu’une chose, – mais c’est un reproche très sérieux, – c’est que je n’ai rien vu d’Hypatie. Il est vrai que les circonstances ont troublé tous les projets possibles..

Lettre 9.

1 Valéry a séjourné à Cabourg chez le dramaturge Louis Artus (1870-1960) qu’il avait rencontré en mars 1918, du 2 au 6 septembre 1922, juste après être resté quelques jours chez les Bassiano à Benerville (Jarrety, p. 418, p. 526).

2 Paul Valéry s’est en effet rendu à Benerville avec les Bassiano du 25 août au 2 sep tembre 1922 (Jarrety, p. 526).

3 Les deux points de suspension sont de Valéry et nous avons décidé de les maintenir à chaque fois.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE10 9

Je vous remercie de tout mon cœur, l’un et l’autre, de votre gracieux accueil, et je vous prie de recevoir tous les souvenirs de votre véritable et respectueux ami

Paris – Jeudi [26 octobre 1922]

Chère Princesse,

Votre lettre me revient de Bergerac 2, d’où je suis rentré hier soir, encore bien fatigué..

Et je repars demain pour Londres3 ! – Je n’en ai aucune envie, mais enfin il le faut !

Je vais là-bas pour inaugurer une plaque sur la maison où Verlaine a habité. Puis je ferai une conférence chez Lady Colefax4. Je serai logé chez Madame Alvar5 14 Holland Park..

Lettre 10.

1

La mention « 26-10-22 » apparaît en haut à droite, mais elle peut avoir été ajoutée ultérieurement.

2

La mère de Catherine Pozzi, Thérèse, possède une propriété à la Graulet à côté de Bergerac. Valéry a rencontré en juin 1920 Catherine Pozzi (1882-1934), qui est la fille du médecin Samuel Pozzi, elle-même écrivain et remarquablement cultivée, avec laquelle il a une liaison intense et douloureuse jusqu’en janvier 1928. Leur correspondance est publiée (Catherine Pozzi – Paul Valéry. La flamme et la cendre, Correspondance, édition de Lawrence Joseph, Gallimard, 2006). Valéry se rend à la Graulet du 17 au 24 octobre 1922 en prétextant auprès de sa femme une invitation chez « les Pozzi » incluant les frères de Catherine (Jarrety, p. 528).

3 Valéry se rend à Londres le 27 octobre 1922 à l’invitation de Georges Jean-Aubry (Jarrety, p. 529-532).

4 Valéry fait une conférence le 31 octobre chez Lady Arthur Colefax (1874-1950) sur « La poésie et le langage », en présence de plusieurs personnalités prestigieuses (Jarrety, p. 530-531).

5 Madame Alvar va en effet héberger Valéry au 14, Holland Park et promène Valéry « dans une Rolls somptueuse » : « C’est certainement par Jean-Aubry qu’elle a entendu parler de Valéry, car cette riche et charmante cantatrice d’origine suédoise a l’habitude de recevoir, à Londres ou à la campagne, des musiciens français » (Jarrety, p. 530).

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 11
10

Je pense être de retour vers le 5 novembre et j’irai vous voir le plus tôt possible.

Je vous prie de faire au cher prince toutes mes amitiés, et de recevoir toutes mes pensées les plus respectueuses

Scusi la fretta6.

Chère Princesse,

J’allais vous écrire quand m’est arrivé votre télégramme. Hier encore je pensais moi-même à vous demander à déjeuner ce dimanche. (Vous voyez que je ne me gêne pas). Mais je dois au contraire partir pour la Suisse1, vendredi. J’y resterai une huitaine de jours. Il s’agit de parler à Genève, Lausanne, Neuchâtel et Zurich. Me voici passé conférencier ! C’est une incarnation bien inattendue. Il est écrit que ma vie sera toujours imprévue !

J’arrive à peine de Londres, où je me suis très bien porté. Je craignais beaucoup d’y aller, car je sors à peine d’un détestable automne. J’ai été très malade à la campagne, pendant des semaines.

Londres m’a été très agréable. J’ai inauguré la plaque sur la maison de Verlaine, et fait une conférence chez Lady Colefax 2. Je vous conterai cela !

A Bientôt, chère princesse, je suis désolé de ne pas pouvoir venir dimanche à Versailles. Dites mille choses pour moi au prince et recevez avec toutes mes amitiés, l’hommage de mes respectueux sentiments

6 « Excusez la précipitation ».

Lettre 11.

1

Valéry donne plusieurs conférences en Suisse en novembre 1922, à Genève, à Lausanne, puis à Zürich, et le 18 novembre à Neuchâtel (Valéry, Œuvres, tome i, 1957, p. 46). Il prend le train pour Genève le 10 novembre (Jarrety, p. 531).

2 Voir la lettre précédente.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE12
11

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Mercredi – Paris [22 novembre 1922]

Chère Princesse,

J’arrive. Et mon premier soin est de vous remercier de votre charmante lettre que j’ai reçue en Suisse. Je ne pouvais pas y répondre, car on ne m’a pas laissé une minute pour respirer… Et puis je ne savais pas exactement la date de mon retour. Mais enfin me voici, et je viendrai bien volontiers dimanche déjeuner avec vous2. J’espère que notre Prince y sera.

Je vous envoie mille amitiés respectueuses et tous mes hommages fervents

Paul Valéry

Chère Princesse,

Je ne sais plus comment vous remercier. Je suis honteux, ravi ; je proteste, et j’agite ces invincibles mouchoirs, ce foulard miraculeux..

Je ne suis pas content de vous, et je suis content de cette soie délicieuse ment choisie, car l’homme n’est que contradictions ! Comment faire ? – Je ne puis que vous baiser les mains qui ont choisi, et je le fais en murmurant.

Ce que je fais sans murmurer, c’est de vous adresser mes vœux les plus vrais, et même les plus naïfs, pour cette Xmas.

Lettre 12.

1 Carte postale en couleur adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Versailles / S. et O. ; cachet de la poste du 22-11-1922. La carte postale représente le Théâtre du Grand Hotel Curhaus / Davos.

2 « Le mardi 21 [novembre 1921], il rentre de Suisse enthousiasmé » (Jarrety, p. 534). Le déjeuner du dimanche a donc lieu le dimanche 26 novembre.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 13 12
13

Le prince et vous avez été si bons et si affectueux pour moi, que je désire de tout mon cœur que le destin vous traite comme vous me traitez. Si j’étais Lui, – tout le monde serait content !

Je n’oublie pas vos admirables enfants. Je voudrais seulement qu’ils ne deviennent pas trop vite plus grands que moi…

Avec mes respects – et de tout cœur

Paul Valéry à Marguerite Caetani

Mardi [décembre 1922 ?]1

Chère Princesse, Je suis désolé de vous avoir téléphoné l’autre soir. Le foulard est retrouvé depuis ce matin ! Je l’avais laissé dans une maison de philosophe 2 en reve nant de Versailles..

Mais vous, vous en avez trouvé un autre !! I don’t have two necks. I am not the Imperial Eagle, (not more than a simple eagle3 –) !

Je ne sais comment faire avec ces foulards ? (D’autant plus que ce sont des cache-nez)

Faut il renvoyer le n° 2 ? – Faut il le mettre les jours pairs, et l’autre, les jours impairs ? Faut il vous remercier ?

L’homme qui a deux cous vous baise les deux mains à la fois

Lettre 14.

1

L’évocation du foulard semble faire le lien avec la lettre précédente.

2 Jarrety suggère que la « maison de philosophe » est peut-être celle de Léon Brunschvicg que Valéry serait allé voir en sortant de chez les Bassiano à Versailles.

3 « Je n’ai pas deux cous. Je ne suis pas l’Aigle impérial, (rien de plus qu’un simple aigle) ».

CORRESPONDANCE FRANÇAISE14

Chère Princesse,

..Et voici la machine à faire le café.

J’ai envie de me mettre dans cette sphère de verre, et de tirer de moi je ne sais quel extrait dont je vous enverrais un flacon..

Ce ne serait pas, peut-être, un cadeau qui vous conviendrait, – mais, en vérité, je ne trouve plus dans mon cerveau, par les méthodes normales, de remerciements à vous écrire. Je vais devenir très prudent, et quand j’irai vous voir, je me garderai de considérer quoi que ce soit chez vous, de peur de le recevoir le lendemain.

Mais vous êtes une fée, et vous devineriez mes tentations aussi facilement que vous les satisfaites. Que faire ?

Je mets mon foulard, je pleure dans un mouchoir surnaturel, je fais du café dans le globe de Charlemagne. Êtes-vous content de ce curieux spectacle ?

Vous voyez que je touche à la folie, je vais dire, comme D… – que je prends un café de.. avec un foulard de.. (Mon Dieu que Cocteau était drôle.) J’aime cette – Antigone 2 .

Je ne sais plus finir. Je vous envoie mille reproches, et toutes les respec tueuses amitiés du monde.

Je serre les mains de mon cher Prince.

Lettre 15.

1

L’original de la lettre se trouvait dans les papiers d’Iris Origo, très proche de la prin cesse. Les Archives Caetani en possèdent une copie.

2 Valéry fait référence à l’Antigone de Jean Cocteau (1889-1963), représentée au théâtre de l’Atelier le 20 décembre 1922. « D… » est certainement Charles Dullin (1885-1949) qui interprétait Créon. Voir Jean Cocteau, Théâtre, I, NRF, Gallimard, 1948, p. 11. On trouve plusieurs références à la folie de Créon, à son aveuglement comme par exemple lorsqu’Anti gone lui dit « Maintenant, si tu me traites de folle, tu pourrais bien être fou » à la p. 19, mais pas de passage qui fasse référence de façon plus évidente à ce qu’écrit Valéry.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 15 15

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Dimanche [5 février 1923]

Très chère Princesse, Je viens de chercher quelque chose pour vous dans l’éternel désordre de mes papiers. J’ai trouvé deux minces brochures – Aurore2, et la Conquête alle mande3, – dont le seul intérêt est dans leur extrême rareté. Je vous les appor terai dimanche prochain. Mais je trouverai, j’espère, d’autres petits souvenirs.

Tout ne sera jamais que rien, auprès de l’affectueuse sollicitude que vous me montrez. Je ne puis pas, je ne dois pas vous dire l’état profond of my sad self.

Car je suis dans un moment où je ne sais plus ni penser raisonnablement, ni parler avec d’autres que moi-même. Je suis honteux de vous dire tout ceci, et de vous remercier si étrangement.

Mais je voudrais que vous sentiez combien une âme très malheureuse est plus reconnaissante dans son silence qu’une âme qui peut s’exprimer, et qui est libre de ses pensées.

Le prince Roffredo, et vous, me faites voir une amitié à laquelle je ne sais comment répondre. Mon cœur le sait, mais moi, je ne sais pas.

P.S. Jacques Blanche4 viendra (seul) déjeuner dimanche chez vous, mais je n’ai rien convenu avec lui au sujet du petit voyage. Demain, je transmettrai à Fabre votre invitation.

Lettre 16.

1 Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Versailles / S. et O. ; cachet de la poste du 5-II-1923 (Paris. Gare Saint Lazare).

2 « Aurore », qui paraît en tête de Charmes, a paru dans Le Mercure de France le 16 octobre 1917, puis en plaquette : « Cette plaquette n’est pas un tirage à part, mais une recomposition typ. du poème paru dans Le Mercure de France » (Karaïskakis/Chapon, p. 24).

3 La Conquête allemande (Une conquête méthodique), (La conquête allemande, essai sur l’expansion germanique : The New Review, 1897, janv., n° 92, p. 99-112). Tirage à part du texte paru dans Le Mercure de France, 1er sept. 1915, n° 417, p. 51-66. En 1924, ce texte fait l’objet d’une nouvelle édition sous le titre : Une conquête méthodique (Karaïskakis/Chapon, p. 13-15).

4 Jacques Émile Blanche (1861-1942) peint le portrait de Valéry : « ce mois de février (1923) est surtout dévolu à Blanche qui continue à peindre son portrait commencé l’année précédente » (Jarrety, p. 539).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE16 16

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Vendredi [9 février 1923]

Chère princesse,

Je suis désolé d’apprendre que vous êtes malade. Je fais tous mes vœux pour que vous vous soyez bientôt rétablie. Il faut faire grande attention pen dant la convalescence. J’espère aussi que vos enfants ne seront pas atteints à leur tour.

J’ai prévenu Fabre et J. Blanche. Si je pouvais avoir des nouvelles de votre état, je serais bien content. Mon amitié est avec vous et avec le Prince qui a eu la vilaine surprise de vous trouver malade, en revenant de Rome.

Je lui envoie mes souvenirs les meilleurs, et à vous tous mes souhaits les plus respectueusement affectueux

Paul Valéry

Je pars mercredi soir pour Bruxelles, où je vais tenir des propos poétiques2.

Lettre 17.

1 Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Versailles / S. et O. ; cachet de la poste du 9-II-1923.

2 Valéry part le 14 février pour Bruxelles et tient une conférence sur la poésie pure, une autre sur Baudelaire (Œuvres, I, p. 46).

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 17 17

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Vendredi [16 février 1923]. Bruxelles

Tous mes souvenirs, mes respects, mes amitiés and chiefly my best wishes for your health. I am awfully lecturing. What strange bussiness2 !

19

Marguerite Caetani à Paul Valéry

Villa Romaine Lundi [5 mars 1923]

Cher Ami,

La troisième de Boris sera le Mercredi 211 – J’espère que cela vous ira – ça serait un si grand plaisir pour moi de l’entendre avec vous –

J’écris en même temps à Fabre2. Quel être rare et charmant – Presque digne d’être votre ami – Vous savez que le Dimanche ainsi que le Lundi, Mardi,

Lettre 18.

1 Carte postale de Bruxelles, adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Versailles / Seine et Oise / France ; cachet de la poste du 18-2-1923. Reproduction de Rubens, Les Miracles de Saint-Benoît, Musée de Bruxelles. Jeannie et Paul prennent le train pour Bruxelles le 14 février, et visitent le musée le lende main (Jarrety, p. 540).

2 L’anglais de Valéry est un peu étrange et peut être compris de différentes manières : « surtout mes meilleurs vœux pour votre santé. Je donne des conférences d’une façon hor rible / comme un fou. Quel étrange métier ! »

Lettre 19.

1 Marguerite Caetani évoque l’opéra Boris Godounov de Modeste Moussorgski avec Fédor Chaliapine (1873-1938) dans le rôle titre, monté en 1908 au Palais Garnier. Le « Mercredi 21 » est certainement le mercredi 21 mars 1923.

2 Voir la lettre 8.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE18 18

Mercredi, Jeudi, Vendredi, Samedi vous avez toujours votre place à notre table if ever the spirit moves you in that direction3 – A bientôt très cher Valéry Mes amitiés les plus sincères

Marguerite Caetani

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Mercredi [7 mars 1923]

Très chère Princesse,

Je pense bien être à Boris avec vous le 212, mais je suis malheureusement obligé de réserver 1 chance sur 100 de n’y être pas. J’aime beaucoup ce Boris que j’ai entendu deux fois déjà avec Chaliapine.

Ce que vous me dites de Fabre me fait un immense plaisir. C’est un garçon de premier ordre dont le seul défaut est d’être aveugle en ce qui me concerne. Je suis son erreur !

J’envoie toutes mes amitiés à Versailles où elles vont si souvent, et je vous baise respectueusement les mains

3 « Si jamais le cœur vous en dit ».

Lettre 20.

1 Carte lettre adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Avenue Douglas Haig / Versailles / Seine et Oise ; cachet de la poste du 7-3-1923.

2 Voir la lettre précédente mentionnant déjà l’opéra Boris Godounov avec Fédor Chaliapine.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 19
20

Chère Princesse,

Je reçois votre télégramme au moment où j’allais vous écrire moi-même pour savoir de vos nouvelles. Je pensais d’ailleurs que nous nous verrions à Boris1. Mais je vois que vous êtes encore trop fatiguée.

Je suis désolé d’apprendre cela, et je le suis d’autant plus que je ne sais si je vous verrai avant mon départ. Je dois partir dimanche ou lundi pour le Midi 2 .

Depuis que je ne vous ai vue, j’ai eu une quantité absurde de choses à faire, et je n’ai pu trouver un jour pour aller à Versailles entre deux trains. Il a fallu m’occuper de Shakespeare3, mettre la dernière main aux épreuves de mes Dialogues4, et à celles de la préface d’Euréka 5.. Et surtout cette terrible correspondance, inutile, odieuse, inévitable !

Je serais bien fâché de partir sans avoir vu le Prince ni vous ; vous m’avez donné la douce habitude de votre amitié et de cette simplicité de cœur qui est, au fond, le plus grand soutien de l’esprit.

Je me permets de vous demander si je puis venir improvvisamente6 déjeu ner avec vous samedi. Je vous télégraphierais si ce jour, le seul qui me reste libre, je pouvais venir.

Lettre 21.

1 Voir les deux lettres précédentes sur Boris Godounov

2 Valéry prend en effet le train lundi 26 mars 1923 avec Catherine Pozzi pour passer un mois à Vence (Jarrety, p. 541).

3 Valéry a peut-être eu l’intention un jour de traduire Shakespeare sans que cela ne se concrétise. Ainsi, l’année suivante, en mars 1924, lorsque Jacques Copeau qu’il rencontre dans le train de Paris à Bruxelles lui demande de traduire pour son théâtre une pièce de Shakespeare, Valéry choisit Macbeth, mais la traduction envisagée n’aboutit pas (Œuvres, I, p. 47).

4 Eupalinos ou l’Architecte, qui a déjà été publié aux Éditions de la NRF, achevé d’impr. 30 sept. 1921, est à nouveau publié « précédé de L’âme et la danse », Éditions de la NRF, achevé d’impr. 8 avril 1923 (et réédité peu après avec un achevé d’impr. du 31 oct. 1924, puis réédité ensuite à plusieurs reprises, voir Karaïskakis/Chapon, p. 48-57).

5 « Au sujet d’Eurêka », publié en revue dans La Revue européenne, n° 3, 1er mai 1923, p. 6-18 (voir Œuvres, I, note p. 1757). Charles Baudelaire, Eurêka par Edgar A. Poe, ornements, dessinés et gravés sur bois par Alfred Latour, introduction de Paul Valéry, Éditions d’Art Édouard Pelletan, 1923, achevé d’impr. 25 avril 1923, préface de Valéry intitulée Au sujet d’Eurêka (Karaïskakis/Chapon, p. 74).

6 « À l’improviste ».

CORRESPONDANCE FRANÇAISE20 21

Recevez, très chère Princesse, tous les hommages de ma respectueuse amitié, et dites au cher prince tous mes souvenirs les meilleurs

Paul Valéry

Paul Valéry à Roffredo Caetani

Vence – Alpes Maritimes Lundi [ fin mars – avril 1923 ?]1

Caro amico, Ho ricevuto stamane un pacchettino che lasciò a casa mia un sconosciu to. Sarà qualche Barbiere di qualità, (di qualità, di qualità) che mi fece regalo di quest’ottimo rasoio ?

Forse qualche lettore delle mie rime o della prosa mia, che vuol farmi capire, sotto un chiarissimo simbolo, che ho meritato le armi del Raseur ?

In ogni modo, sono soddisfattissimo, poiché l’arma taglia pulitamente e fa la faccia chiara e netta, la pelle dolce, e l’uomo fresco.. (che ne aveva un gran bisogno).

Tante grazie al sconosciuto ben noto, ed alla squisita consorte del sopradet to. Non numero più le loro gentilezze, e non so troppo dire in italiano tutte le parole che vorrei per esprimere tutto la mia riconoscenza e l’amicizia mia 2

Paul Valéry

Lettre 22.

1 La lettre pourrait dater de 1923 ou de 1924 car Valéry séjourne à Vence chez Catherine Pozzi ces deux années, mais elle date plus vraisemblablement de 1923. Il est plus plausible qu’on lui fasse suivre le paquet depuis Paris en 1923, année où il passe un mois à Vence, qu’en 1924, car en 1924 il n’est pas chez Catherine Pozzi de façon aussi durable et se déplace beaucoup. En outre « je ne peux plus mesurer leur générosité » renverrait au foulard et à la cafetière évoqués peu avant. Valéry arrive à Vence le lundi 26 mars pour un mois, et se trouve à Montpellier le 30 avril (Jarrety, p. 541-543).

2 « Cher ami, / J’ai reçu ce matin un petit paquet qu’un inconnu a déposé chez moi. Serait-ce quelque Barbier de qualité (de qualité, de qualité) qui m’a fait cadeau de cet excellent rasoir ? / Peut-être quelque lecteur de mes rimes ou de ma prose, qui voudrait me faire comprendre par un symbole très clair, que je mérite les armes du Raseur ? / En tous les cas, je suis extrêmement satisfait, parce que l’arme coupe parfaitement et laisse le visage

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Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Vendredi [18 mai 1923]

Bien chère Princesse, Fabre 2 m’écrit que vous m’invitez à déjeuner dimanche, mais je ne puis pas venir, et je vous adresse tous mes regrets. Je n’ai que peu d’heures devant moi pour préparer mes trois conférences de la semaine prochaine3 – pour lesquelles je n’ai encore rien fait, et je suis d’ailleurs très fatigué. Je l’étais déjà dimanche dernier. Il a fallu que je finisse cette semaine un long poème pour la N.R.F.4 Je l’ai achevé comme j’ai pu. Maintenant ce sont les confé rences ! Je voudrais que le théâtre brûlât avant mardi !

Je vous assure que je n’en puis plus. J’ai l’impression de me consumer comme une bougie.

Mais, du moins, une bougie éclaire – et je n’éclaire rien !

Excusez-moi, je baise vos mains avec tout le respect et l’amitié que je me sens pour vous

clair et net, la peau douce, et l’homme frais.. (qui en avait grand besoin). / Grands mercis à l’inconnu bien connu, et à l’exquise épouse de cet homme. Je ne peux plus mesurer leur générosité, et je n’arrive pas trop à dire en italien tous les mots que je voudrais pour expri mer toute ma reconnaissance et mon amitié. »

Lettre 23.

1

Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Versailles / Seine et Oise ; cachet de la poste du 18-5-1923.

2 Lucien Fabre, dont on a déjà mentionné la présence importante au commencement de Commerce. Voir la lettre 8.

3 Lundi 21, mercredi 23 et vendredi 25 mai, Valéry donne trois leçons au VieuxColombier consacrées à « la poésie pure au XIXe siècle » sur l’invitation de Jules Romains (Jarrety, p. 544).

4 Le « long poème pour la N.R.F. » est certainement « Étude pour Narcisse », La NRF, n° 117, juin 1923, p. 853-856.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE22
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Jeudi [24 mai 1923]

Chère Princesse,

Votre lettre au crayon1 est pour moi une véritable poésie toute d’amitié et de simplicité charmantes, que j’ai lue avec un sentiment de profonde recon naissance. Je n’ai pas encore répondu à cette lettre qui m’a si doucement touché, car je n’ai pas eu mon esprit à moi depuis ces trois derniers jours.

Ces conférences2 m’ont énervé, agité et préoccupé stupidement.

Enfin, je n’en ai plus qu’une à faire. Hier, je crois que je n’ai pas mal parlé. Reste demain !

La semaine prochaine, je dois « causer » encore, mais privately, – chez la Princesse de Polignac3 – J’espère que ce sera moins fatigant. Je dirai ce qui me passera par la tête, (si j’ai encore une tête, et s’il y passe quelque chose !) Ce temps, d’ailleurs, est atroce..

Je ne peux pas venir dimanche à Versailles, mais je compte bien vous enva hir pour deux jours, vers la fin de la semaine prochaine. Si la conférence chez la P. de Polignac a lieu Jeudi, et si elle n’en demande pas une autre tout de suite après, je vous demanderais l’hospitalité. Vendredi et Samedi – 1° et 2 juin. – ??

Vous voyez que je ne me gêne pas !

Mais si je puis venir, je veux que vous, ni le prince, ne changiez rien à vos projets, ni à vos habitudes. Vous me considérerez comme un objet bizarre, inutile et mouvant…

C’est ainsi que les mouches font partie mobile de notre mobilier !

Je vous charge de mille choses bien amicales pour le cher Prince Roffredo – et je vous baise les mains avec toute l’amitié et toute la reconnaissance de votre respectueux P.V.

Lettre 24.

1 La lettre n’est pas retrouvée.

2 Voir la lettre précédente qui évoque les trois conférences du Vieux-Colombier.

3 Valéry va en effet « causer chez la Princesse de Polignac » le 8 juin 1923, comme il le mentionne dans la lettre suivante. La princesse Edmond de Polignac, née Winnaretta Singer (1865-1943), française par sa mère et américaine par son père Isaac Singer qui perfectionna la célèbre machine à coudre ; veuve en 1901 d’Edmond de Polignac. Femme très cultivée et mécène avisée, elle tenait un salon réputé à Paris et aida un grand nombre de musiciens. Voir Laure Benaroya, Winnaretta Singer-Polignac, princesse et mécène, Zurfluh éd., 2010.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 23 24

Allez vous au bal Beaumont. ?

Je n’ai ni le courage, ni le costume pour y aller. Mais il y a mille histoires autour de ce bal, et je vous raconterai ces histoires quand nous nous verrons4.

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Mercredi [30 mai 1923]

Chère Princesse,

Je vois décidément que je ne puis pas aller à Versailles cette semaine encore ! –

Je vous raconterai les raisons extravagantes qui me font trotter tout le jour, et tous les jours ! Je me sens devenir imbécile, – pris dans une étrange machine qui vous saisit aimablement par le petit doigt et vous change en idiot automatiquement.

Heureusement nous déjeunons ensemble samedi chez Charles de Polignac 2. Je vous raconterai mes aventures singulières. Depuis 3 ans, il m’arrive tout ce que je n’avais jamais prévu.

Toutes mes amitiés au prince, et tous mes respects affectueux à la prin cesse. J’ai bien envie et grande hâte de vous revoir tous les deux.

Je fais une conférence le vendredi 8 juin chez la Princesse de Polignac3.

4 Il s’agit d’une invitation du comte Étienne de Beaumont (1883-1956), dans l’hôtel Masseran au 2, rue Duroc, au fameux bal baroque sur le thème de « L’Antiquité sous Louis XIV ». Voir Ornella Volta, « Léon-Paul Fargue : paroles et musique », Ludions, n° 8, p. 7.

Lettre 25.

1 Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano, Villa Romaine, Avenue Douglas Haig, Versailles, S. et O. ; cachet de la poste du 30-5-1923.

2 Charles de Polignac (1884-1962) est le neveu de la princesse Edmond de Polignac évoquée dans la lettre précédente.

3 Voir la lettre précédente.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE24
25

Bien chère Princesse,

Samedi [4 août 1923] 40 Rue de Villejust

Je relis votre lettre, et j’y réponds très mélancoliquement. Je pars demain matin pour l’Auvergne1 où je dois emmener ma femme et mon plus jeune enfant. I must, je dois. Il faut que je fasse cela pour leur santé. Le petit a eu coup sur coup scarlatine et varicelle, et a besoin absolument de se fortifier. Ma femme n’a pas été bien cette année. Le médecin conseille ou commande le changement d’air et la cure.

Et quant à moi, non sono affatto bene. Non mi spiego lo stato strano che mi sento2. La moitié de mon temps se passe dans une agitation nerveuse insupportable et le reste dans une tristesse et une fatigue immenses.

C’est un grand chagrin pour moi que de ne pas venir à Blonville y retrou ver des amis si bons et si simplement affectueux. Ce chagrin est augmenté du sentiment que je vous désappointe. Vous voyez, je n’ai pas répondu tout de suite à votre lettre, et je m’y prends au dernier moment, au milieu des malles. Je n’avais pas le cœur de vous dire que je ne venais pas. Je m’étais promis de me plonger dans la mer, de faire un peu de peinture à ma façon, – en cachette ! – Tout cela est en fumée, et je pars désolé dans une autre direction.

Croyez que vous n’y perdez pas grand chose. Je me sens muet et comme opprimé par je ne sais quel poids que j’ai sur la vie. Mon travail même se réduit à des éclairs de pensée qui ne foudroient que moi-même. Je suis très préoccupé de ce côté là aussi.

Je m’excuse de vous dire entre nous tout ceci, et je ne l’ai fait que pour que vous compreniez mon ennui et mon état, avec cette bonté si vraie et si lucide qui est la votre. Veuillez dire au cher prince Roffredo tous mes regrets, et tous mes souvenirs de ses attentions et de ses exquises prévenances, et croyez bien, chère Princesse, à ma grande tristesse, et à ma profonde et respectueuse amitié Paul Valéry

Lettre 26.

1

La lettre est donc écrite avant son départ pour l’Auvergne en août 1923 (Jarrety, p. 555).

2

« En fait je ne vais pas bien du tout. Je n’arrive à m’expliquer à moi-même l’état étrange dans lequel je me sens ».

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 25 26

Chers amis,

J’ai reçu vos affectueuses lettres, j’ai reçu ce matin votre télégramme, et je vous envoie tous mes regrets de ne point vous revoir lundi à Paris.

Mais je suis ici chez d’excellents amis, depuis 10 jours2, et à peine arrivé, je suis tombé malade assez sérieusement. J’ai eu un peu de congestion au poumon, et je suis encore bien fatigué. Je ne sors pas, et je ne travaille pas, étant trop faible pour faire quelque chose.. Je vous écris de mon lit.

Je pense que vous êtes tout à fait rétabli, mon cher Prince. Votre lettre m’avait beaucoup attristé, elle était sombre et comme découragée. Il est vrai que je l’ai lue avec des yeux qui n’étaient pas trop gais. J’ai l’impression que l’univers entier est dégoûté de lui-même, et chacun de soi même. Et dire que je déteste la malinconia3..

J’apprends avec plaisir que vos enfants sont enfin revenus à la santé. Peut-être pourront-ils encore profiter de quelque soleil sur la plage, mais ici je regarde la pluie et la pluie.

Chère Princesse, j’ai peur que ce Davis4 ne vous ait écorchée. C’est pour moi une joie de savoir que ce manuscrit qui me rappelle quelques jours assez ivres de travail et de vouloir, est entre vos mains. Mais il ne faudrait pas

Lettre 27.

1

Chez les Pozzi. Voir la lettre 10. Nous respectons la mise en page de Valéry.

2

La lettre date du jeudi 6 septembre ou du 13 septembre 1923, environ dix jours après le vendredi 31 août, date de son arrivée en Dordogne chez les Pozzi (Jarrety, p. 556).

3 La « mélancolie ».

4 Jarrety indique que l’allusion à Ronald Davis est étrange puisqu’il ne peut s’agir que de la publication en fac-similé de La Soirée qui sera achevée d’imprimer en janvier 1924. Il faut supposer que Marguerite a acheté à Valéry le manuscrit qui va servir à l’impression, ou plutôt acheté à Davis le manuscrit que Valéry a fait pour lui, car le vrai manuscrit de travail est à la BNF. Mais les dates ne coïncident pas tout à fait car en septembre, le livre n’est

CORRESPONDANCE FRANÇAISE26 27

l’avoir payé trop cher. Je tâcherai de compenser cela. Excusez moi de ne pas écrire plus long. Je suis épuisé par ces quelques lignes – Devotissimo loro5. P. Valéry

Marguerite Caetani à Paul Valéry1

Dimanche [septembre 1923 ?]

Cher ami

Je viens de voir Elizabetta Henraux 2 qui m’a donné une lueur d’espoir de vous voir ici avant notre départ à la fin du mois. Elle m’a dit que vous lui avait écrit que vous espériez les voir ce mois-ci sur la Manche ! Nous espé rons de tout cœur que cela veut dire que vous avez l’intention de nous faire une visite et même d’y travailler.

Chez nous vous trouverez le calme absolu et vous savez j’espère que chez nous vous êtes chez vous. Fargue est encore là3 et si vous venez vite vous le trouverez j’espère. Votre fils nous a fait une petite visite hier. Nous étions bien contents de le voir. J’espère que votre petit garçon s’est tout-à-fait remis. J’étais désolée de savoir qu’il avait été malade

Mes amitiés bien affectueuses cher Valéry et à bientôt !

sans doute pas encore fabriqué. C’est donc plutôt un accord de principe entre Marguerite Caetani et Davis.

5 « Votre très dévoué ».

Lettre 28.

1

En-tête imprimé : «  mon rêve » / benervi LLe par bLonvi LLe / (Ca LvadoS). La lettre est conservée à la BLJD sous les cotes VRY MS 14264 et VRY MS 14265.

2

Elisabetta de Pecollelis (1892-19xx) est depuis 1914 l’épouse de Lucien Sancholle Henraux (1877-1926), peintre, grand collectionneur d’art et conservateur au Louvre. Valéry les retrouve à Benerville quand il s’y rend l’été suivant en 1924.

La lettre date certainement de septembre 1923 car Fargue est allé voir les Bassiano à Benerville, en septembre 1923 et deux jours en septembre 1924, alors que Valéry y était déjà depuis huit jours (du 12 au 22 septembre). Valéry y séjourna le 25 août 1922 jusqu’au 2 septembre (Jarrety, p. 526), mais pas Fargue d’après les informations dont nous disposons.

3

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 27
28

Paul Valéry à Marguerite Caetani [septembre 1923 ?]

Le Graulet à Bergerac Dordogne1

Chère Princesse,

Je suis bien en retard avec vous ; c’est que j’ai eu la malchance d’être assez malade, et je suis encore très fatigué. Rien n’est plus ennuyeux que de se trouver souffrant hors de chez soi. Pour être en mauvais état, il faut être à l’aise et ne pas se préoccuper de l’ennui que l’on donne à ses amis.

Il a fallu en même temps que je travaille, et que je m’efforce de faire quelques articles que j’avais promis.

Ce travail s’est ressenti de ma fatigue. Je me trouve en grand retard et je ne sais trop comment je pourrai donner un article sur Mallarmé 2, et deux autres essais que l’on attend 3 ?

Je vais rentrer à Paris, d’où je repartirai presque aussitôt, si mon état me le permet, pour Londres où je dois donner deux conférences4. Quelle vie agitée après tant d’années immobiles ! Je ne me reconnais plus !..

Je pense que vous êtes encore au bord de la mer et que cette saison vous a été bonne et douce. Il me tarde de vous revoir et de revoir notre prince. Il y a si longtemps que je n’ai pas échangé mon mauvais italien contre le sien qui est si agréable à mes oreilles ! – Dites lui que je me suis amusé à répondre dans cette langue à une lettre que m’a écrite le directeur du Convegno. Ce Convegno veut que j’aille parler à Milan5. Je le veux bien, mais je ne sais si je pourrai..

Lettre 29.

1 Nous respectons la mise en page de Valéry. Il séjourne chez les Pozzi en Dordogne du 31 août 1923 au 5 octobre (Jarrety, p. 556).

2 Valéry est en train d’écrire deux articles sur Mallarmé destinés aux Nouvelles littérai res et au Gaulois (Jarrety, p. 556).

3 Il peut s’agir de l’autre article sur Mallarmé évoqué dans la note précédente, et des pages sur Pontus de Tyard qui paraîtront dans La Muse française en février 1924.

4 Valéry est à Londres le 14 octobre 1923 et donne une conférence sur Hugo puis une conférence sur Baudelaire (Jarrety, p. 557-558).

5 Valéry se rendra à Milan en avril 1924, et donne deux conférences à l’Istituto del Convegno, le 9 avril sur Baudelaire et le 11 sur « Léonard et la modernité » (Jarrety, p. 566).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE28 29

Au revoir, chère Princesse, je vous envoie ce que j’ai de mieux en fait de souvenirs, d’hommages et de profonde et respectueuse amitié.

Paul Valéry

30

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

[19 octobre 1923] Londres, 14 Holland Park W.II

Chère Princesse,

Je ne serai pas revenu Dimanche, car je n’en ai pas encore fini avec Londres. Je loge avec Ravel, et je l’entends qui siffle pendant qu’il se rase2. C’est charmant !

A bientôt. Toutes mes amitiés al caro Principe et mes baise-mains à la chère et excellente Princesse

Paul Valéry

Lettre 30.

1

Carte postale adressée à Madame la Princesse de / Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Versailles S. et O / France ; cachet de la poste du 19-10-1923. La carte pos tale représente une « Menad in Frenzy » (« Ménade en délire »).

L’introduction biographique des Œuvres indique à la date du 16 octobre 1923 une citation extraite des Cahiers très proche de cette lettre : « À Londres, il descend chez Mme Alvar qui reçoit beaucoup d’artistes “… Ravel siffle en se rasant dans la chambre à côté. Compose-t-il ?… Moi je ne fais aucun bruit avec mes réflexions entre la houille grasse qui fume et flambe, et mon tabac… Ma main armée devant moi obéit aux mots…” » (Œuvres, I, p. 46).

2

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 29

31

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Xmas 23 [24 décembre 1923]

Amis princiers, Je vous envoie tous les vœux de mon cœur. J’avais l’idée de vous les adresser sotto forma di canzone, ma sono tanto stanco e la testa così piena di vuoto, che non posso mettere due parole assieme 2. Impossible de rimer la moindre niaiserie. Je supporte bien mal ce sale hiver ! –

Recevez donc tout nus et sans ornements mes amitiés, mes souhaits et mes souvenirs les plus affectueux

32

Marguerite Caetani à Paul Valéry1

Jeudi [27 décembre 1923]

Cher Ami, C’était en vérité Fargue qui m’accompagnait l’autre matin. Il venait de passer la nuit de Noël avec nous et nous étions désolés de ne pas vous trouver. Roffredo et moi serions si heureux de vous voir un de ces jours, on vous voit si peu à present et j’ai peur que vous allez echapper bientôt vers le Midi –J’espère avoir quelques amis intimes seulement cinq ou six Samedi le 5 Jan. à déjeuner. J’espère que vous viendrez. Si on pourrait vous tenter d’une façon ou d’une autre à passer le week-end ! –

Lettre 31.

1 Enveloppe adressée à « Le Prince et Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Versailles / S. et O. » ; cachet de la poste du 24-12-1923.

2 « Sous forme de chanson, mais je suis tellement fatigué et ma tête est si pleine de vide que je n’arrive pas à assembler deux mots ».

Lettre 32.

1 En-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (téL 13-28).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE30

Si vous venez Samedi et si Gide est ici voulez vous l’inviter pour déjeuner ce jour-là en lui disant que j’aurais si grand plaisir à le revoir ?

A bientôt j’espère cher Valéry Affectueuses amitiés

Paul Valéry à Marguerite Caetani

Dimanche [30 décembre 1923]

Chère Princesse amie,

Je ne puis pas venir déjeuner le 5, pour cet affreux motif, que je fais, ce jour là, une conférence à 2h1.. Et même j’espérais vous y voir.. non pour m’entendre, mais pour entendre Mme Croiza que j’ai décidée à dire des vers de Ronsard 2. J’ai voulu essayer d’une cantatrice pour dire, car j’ai assez d’entendre hurler ou gémir les actrices.

Puis-je m’inviter à déjeuner avec vous le lundi 7 ? (deux œufs et une tranche de ham). J’aurais tant de plaisir à vs voir tous les deux un peu intimement, car je vais partir bientôt et je suis accablé de choses, de gens, et de fatigue. D’ici au 5 je travaille ma conférence. Ensuite j’ai à régler mille affaires. On devient fou à Paris, et ma santé est très ébranlée par ce sale hiver3. Je mets à vos pieds les débris de P.V. et vous charge de toutes mes amitiés pour le Prince.

Gide est à Cuverville4.

Lettre 33.

1 Valéry accepte de faire partie du comité célébrant le quatrième centenaire de la nais sance de Ronsard, et donne une conférence le samedi 5 janvier 1924 sur « L’esprit de la Pléiade », à laquelle assiste d’ailleurs le prince de Bassiano (Jarrety, p. 559-560).

2 Claire Croiza (1882-1946) « a fait ses débuts de mezzo-soprano en 1908 à l’Opéra de Paris dans le Samson et Dalila de Saint-Saëns, et elle est en train de devenir la plus presti gieuse interprète des mélodies françaises » (Jarrety, p. 559).

3 Valéry a eu trois semaines de grippe depuis son retour de Londres et n’a presque pas pu travailler.

4 Cuverville désigne la maison ou plutôt le château de Gide en Haute-Normandie qui appar tenait à sa femme Madeleine Rondeaux ; il y séjourna souvent et y accueillit de nombreux amis.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 31
Marguerite di B.
33

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

[23 janvier 1924]

Montpellier – 1 Rue Fournarié 2

Chère Princesse – Me voici en tournée. Maigre pianiste. Et mon nom sur les murs me fait songer à être Cortot3.. Je vous envoie tous mes regrets de vous voir si peu – et mes grandes amitiés avec mes hommages. Je pense que le prince est bien rentré de Londres et je lui adresse tous mes souvenirs aussi.

Paul Valéry

35

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Mercredi. [23 avril 1924]

Chère Princesse,

J’ai reçu votre lettre seulement avant-hier, et j’ai eu tellement à faire entre les uns et les autres, (et ma conférence, et la visite échevelée de Rome,)2 que je

Lettre 34.

1 Carte postale adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Avenue Douglas Haig / Versailles / Seine et Oise. La légende indique : environs de Ganges (Hérault) / Saint gui Lhem-le-déSert – Vue générale. Cachet de la poste du 23-1-1924.

2 C’est l’adresse de Jules, le frère de Valéry, à Montpellier.

3 Valéry se compare plaisamment au célèbre pianiste Alfred Cortot (1877-1962). La revue L’ Âne d’or organise au cinéma Pathé de Montpellier le 22 janvier sa première confé rence de l’année, sur le même thème qu’à Bruxelles, « À propos de Baudelaire et de sa postérité » (Jarrety, p. 562).

Lettre 35.

1 Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Francia / Versailles Seine et Oise. Papier avec en-tête imprimé penSion white / paLazzo Simonetti / 11, via vittoria CoLonna / roma 26. Cachet de la poste du 23-4-1924, Roma.

2 Valéry est accueilli à Rome le 14 avril par Giuseppe Ungaretti, qui se montre très hospitalier. Il passe plus d’une semaine à Rome et y rencontre Mussolini. Valéry donne deux

CORRESPONDANCE FRANÇAISE32 34

n’ai pu vous répondre. J’ai vu beaucoup de monde ici, peu de musées, peu de palais ; et j’ai laissé le pape tranquille. Enfin ma tâche est finie et je vais par tir. J’ai encore quelques bavardages à distribuer dans le Midi de la France3 et peut-être – à Madrid4 – ! Tout ceci très fatigant, mais pas beaucoup plus que Paris, où je n’ai ni une heure à moi, ni un refuge pour y être seul et libre.. Mais parlons de Commerce5. Si j’avais pu assister aux séances du Comité secret6, j’aurais demandé que notre dessein fut précisé, et que toutes les dispositions fussent prises pour distinguer absolument cette publication de toutes revues possibles. Car il y a maintenant un si grand nombre de revues qu’il n’importe pas d’y ajouter une unité..

L’essentiel serait d’acquérir une autorité, en prenant dans le monde des Lettres, ou sur les confins de cet horrible monde, une position stratégique singulière, – celle de gens absolument libres d’esprit, qui n’ont plus à se faire connaître, à tirer des coups de revolver sur les réverbères, et qui n’ont pas, d’autre part, d’attachement à un système quelconque7.. etc.

Je pense que nous aurons le temps d’en reparler à mon retour, fra qualche settimana8

Je ferai de mon mieux pour vous donner une lettre sur les Lettres9, comme vous voulez bien le désirer, quoique je ne sache où prendre le temps de l’écrire, vu les engagements, (que je ne remplis pas,), les ennuis etc.

conférences au Circolo di Roma, le 16 avril sur Baudelaire et le 22 – celle que Valéry évoque dans sa lettre – sur Léonard de Vinci. Il découvre Rome, visite rapidement le Musée du Vatican et est touché par le jeune Emilio Cecchi (Jarrety, p. 567-569).

3 À son retour en France Valéry donne une conférence à Toulon le 2 mai.

4 Valéry arrive à Madrid le 16 mai et y donne deux conférences, puis se rend à Barcelone (Jarrety, p. 570).

5 C’est la première lettre qui fait référence à Commerce.

6 L’expression « Comité secret » est souvent reprise dans la correspondance. Elle figure déjà dans une lettre de Larbaud à Valéry du 12 avril 1924 (« À l’unanimité le Comité (secret) – c’està-dire : la Princesse, Mlle Monnier, le Prince, Fargue, Leger et moi », Bibliothèque Nationale Richelieu). Valéry l’utilise également dans une lettre à Larbaud du 20 avril, avec la précision : « que je propose de baptiser : le plus secret conseil » (Paul Valéry, Lettres à quelques-uns, Gallimard, coll. « L’Imaginaire », 1952, p. 151-152). Valéry fait ainsi un clin d’œil à la nouvelle de Larbaud « Mon plus secret conseil… » publiée en 1923 dans le recueil Amants, heureux amants…

7 Ces quelques lignes sont capitales pour l’orientation esthétique de la revue et prennent une dimension de manifeste, d’autant plus éclairantes qu’aucun manifeste n’a jamais été inséré dans Commerce. Valéry exprime nettement son refus de toute affiliation à une mode ou à un courant quel qu’il soit. Voir Rabaté, chap. « Orientation initiale : élitisme et inti misme », p. 55-83.

8

« Dans quelques semaines ».

L’annonce publicitaire de La NRF du 1er juin 1924 (n° 129) indique au sommaire du futur premier cahier de Commerce « Lettres sur les Lettres » de Paul Valéry. Il est question

9

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 33

Je ne crois pas qu’il faille annoncer la Revue dans la presse bruyamment, et la définir d’avance. Je suis d’avis qu’il n’est pas utile de mentionner les noms des « directeurs » sur la couverture…

Mon idée serait que nous n’ayons pas l’air d’être tournés vers le public, et comme debout sur une scène. Mais que nous paraissions comme entre nous, le public étant autorisé à regarder par la fenêtre10..

Mais tout ceci demanderait la discussion orale et la présence réelle. Je vous baise les mains, chère Princesse, en vous chargeant de toutes mes amitiés romaines pour le Prince, et de mes souvenirs pour Fargue, Larbaud, Léger – si vous les voyez ces jours ci

Paul Valéry

Je quitte Rome demain – Si vous aviez à m’écrire, le mieux serait d’écrire à Paris.

Cher délicieux et Rare Poète Pablo, J’espère de tout mon cœur que vous allez beaucoup mieux et que votre main ne vous fait plus mal. Le rendez-vous demain est Le Doyen, Champs Elysées une heure2. Je crois si vous voulez être un ange et donner le vrai sprint dans

d’une « Lettre sur les lettres », que la princesse attend avec impatience, à de nombreuses reprises, mais en définitive Valéry ne l’écrira jamais. Le premier cahier de Commerce s’ouvre cependant par une « Lettre » de M. Teste (p. 7-26).

10 Valéry, tout comme les autres directeurs de Commerce, va très loin dans le refus de toute publicité et prône une revue absolument confidentielle. Valéry écrit non sans humour à Larbaud le 20 avril : « J’aurais bien voulu que nous fondassions une revue où il n’y aurait pas eu à écrire. / Vous sentez quel avantage ! Lecteur, auteur, tout le monde content » (Paul Valéry, Lettres à quelques-uns, p. 151. On voit en tout cas la dimension intimiste, et le rôle du dialogue et de l’échange dans la genèse de la revue.

Lettre 36.

1

La lettre se trouve à la BLJD sous la cote VRY MS 14261.

2

La lettre date donc de juin 1924 car Valéry rejoint Paris le 31 mai 1924, et y reste en juin (Jarrety, p. 571).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE34

la bonne direction à notre Commerce il faudrait tâcher de faire votre Lettre sur Les Lettres3, d’autant plus qu’elle est annoncée dans la Nouvelle revue française et on en a pas mal parlée. Je crains que si vous ne la donniez pas nous aurons l’air pas très serieux. Au fond c’est si facile pour vous cher Pablo ! –J’aime tellement ce nom pour vous. Ça donne une certaine intimité sans que ce soit tout à fait votre petit nom. Affectueuses amitiés

Marguerite di Bassiano

Vendredi. [22 ou 29 août 1924]

Chère Princesse,

J’étais sur le point même de vous écrire quand votre lettre m’est arrivée. Je n’ai encore rien reçu de Fargue, mais j’ai appris par Mlle. M. elle même que les choses n’allaient pas, et qu’elle songeait à se retirer de la combinaison1.

Je n’ai pas très bien compris le pourquoi. Mais comme je n’ai pas assisté à la constitution de Commerce, que je ne sais pas le rôle exact de Mlle. M. dans l’administration, et que d’ailleurs – comprendre ou ne pas comprendre, that was not at all the question, j’ai attendu les événements. Je ne sais trop chez qui nous pourrons aller nous réorganiser ? –

Je pense toujours aller vous voir un peu à Deauville-Benerville-Blonville2. Mais je regarde trois choses – d’abord le ciel. Humph ! Secondo : le travail très

3 Voir la lettre précédente.

Lettre 37.

1

Le premier numéro dont la publication était prévue pour le début du mois de juillet n’a toujours pas paru. Fargue rechigne à donner son texte, et a épuisé Adrienne Monnier, qui annonce à la princesse à la fin du mois d’août qu’elle veut se retirer de la gestion de Commerce. C’est donc un moment de crise : le sort de la revue paraît bien incertain.

2 Valéry n’avait à l’origine pas tellement l’intention d’y aller mais à ce qu’il écrit à sa femme le 30 août, il a compris que la princesse attendait de lui son aide : « Lettre furiosa de la princesse B. Rupture avec Monnier – et en somme je vais être obligé d’aller à Benerville. Ce Commerce est un guêpier. Je vois qu’il va falloir diriger !! diriger F. ! » (Jarrety, p. 580).

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 35
37

lourd qui est là et qui me pèse beaucoup. Tertio – bien des affaires, ennuis et soucis qui m’ont fait rentrer à Paris, et auxquels se joint sottement une sorte de rhumatisme bien gênant. Frutti del tempo e dei anni 3. Mais j’espère toujours, et je voudrais que ce soit à peu près avec les autres « directeurs » –Enfin, je m’en vais voir ce que seront les jours qui viennent ! Je vous charge de mille amitiés pour le cher Prince et je mets à vos pieds tous mes hommages les plus amicaux qui ne demandent qu’à venir se pré senter eux mêmes

Paul Valéry

[ajout en bas de la feuille à côté d’un trou de cigarette] Please do excuse the injured paper4.

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Vendredi. [5 septembre 1924]

Chère Princesse,

Je vous remercie du télégramme que vous m’avez envoyé, et comme vous aurez vu par le mien, j’espère vivement aller passer quelques jours à Bénerville auprès de vous. Si je n’en suis pas encore sûr, c’est que je suis engagé ici dans mille choses toutes ennuyeuses, – un travail assommant et très urgent, des difficultés ou des soucis de tous genres, et de plus, mon état de santé qui n’est pas du tout satisfaisant. Je me sens très très fatigué. Je n’ai pas eu de repos, cette année ci ; et je ne vois pas quand je pourrai tout oublier et me laisser un peu vivre comme une bête. La tête, l’estomac, rien ne veut plus travailler. Enfin, je ne suis pas à mon aise.

Voilà un monsieur que je ne voudrais pas vous amener à Bénerville. Ce n’est pas un invité agréable. Je me donne encore deux ou quatre jours pour voir

3 « Fruits du temps et des années ».

4 « Je vous prie d’excuser le papier abîmé ».

Lettre 38.

1

Cachet de la poste du 5-IX-1924, Paris / Gare Saint-Lazare. Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Mon Rêve / Bénerville, Blonville, Calvados.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE36
38

comment mon corps se comporte, et pour orienter quelques affaires traî nantes, et je me déciderai à venir ou à rester suivant mon état..

Nous avons beaucoup à causer au sujet de Commerce. Le retrait de Mlle Monnier demande des mesures nouvelles. J’en ai parlé un peu avec Larbaud, et je pense voir Fargue aujourd’hui.

Quant à Fabre 2, je lui ai montré votre télégramme, mais il est retenu à Paris par l’arrivée de son père dont il venait précisément de recevoir l’avis. Donc, chère Princesse, peut-être à bientôt. J’aurais tant de plaisir à me retrouver chez vous ! Mais faites des prières et des enchantements contre la pluie. On devient fou ici de pluie et de parapluies. Mille souvenirs bien amicaux au cher Prince et à vos pieds, mes hommages très affectueusement offerts

Paul Valéry à Marguerite Caetani

Mercredi. [10 septembre 1924]

Chère Princesse,

Je pense partir vendredi pour Trouville où j’arriverai vers quatre heures1 En ce cas, je vous télégraphierai.

En attendant de vous voir, je vous écris ce qu’a dit hier Mlle Monnier. J’ai été la voir selon votre désir, et je lui ai demandé si elle se chargerait du 2me numéro.

Elle m’a répondu qu’elle ne désire pas continuer son concours à la Revue pour un seul numéro. Elle accepterait de continuer aux conditions actuelles pour les 3 numéros de l’année commencée, et moyennant un engagement écrit.

Elle ajoute, d’autre part, qu’il lui est impossible de fournir un travail sérieux en collaboration avec Fargue, et qu’elle ne veut plus avoir de relations

2 La mention du nom de Lucien Fabre dans ce contexte de crise confirme son impor tance aux débuts de la revue.

Lettre 39.

1 Valéry rejoint Benerville le vendredi 12 septembre 1924, et y reste dix jours.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 37
39

avec lui. En conséquence, si elle continuait à s’occuper de la Revue, les déci sions du comité lui seraient transmises par les autres directeurs2.

Voilà ses intentions actuelles et textuelles. Le fond de toute cette affaire est obscur. On le devine sans le distinguer. L’histoire de l’imprimerie est le prétexte3. Et on ne nous dit que des vérités visiblement incomplètes.

En attendant, les bruits les plus divers courent Paris à ce sujet. On raconte par exemple que « Commerce » a été fondé contre la NRF4. On a imprimé, dans un journal, que je cessais d’avoir Gallimard comme éditeur, etc. etc.

D’autre part, voici quelques remarques et réflexions que je vous adresse. Hier, j’ai demandé à Mlle M. communication de l’état de la vente. J’ai l’im pression que les choses vont très bien, et j’ai été surpris du nombre des abon nées, – quoique bien des personnes de notre connaissance n’y figurent pas…

Ces abonnements étant pour la plupart déjà versés, il serait fâcheux, et même désastreux, que la revue cessât d’exister avant d’avoir donné ce qu’elle a promis, – c.à.d. au moins les 4 numéros. Il faut donc assurer ces numéros, malgré les crises intérieures et les cataclysmes intimes, pour ne pas avoir à manquer de parole à ceux qui ont souscrit et payé.

Donc, nous avons beaucoup à parler sur cette question Commerciale ! Il faut que le bateau flotte et navigue, quoique nous ne sachions pas clairement sur quelles eaux il est maintenant ballotté.

A vendredi, sans doute, très chère Princesse, recevez toutes mes amitiés avec le Prince et l’hommage de mon affection très respectueuse

2 Adrienne Monnier finit par se retirer totalement de la gestion de la revue, mais semble avoir hésité et il faut plusieurs mois pour que la situation se clarifie.

3 Voir la lettre 103 dans laquelle Fargue ne redoute pas d’affirmer que «  l’imprimeur n’imprimait pas »…

4 Ces rumeurs de concurrence se retrouvent par exemple dans un article du Journal lit téraire intitulé « Scission » : « On sait que les piliers de la Nouvelle revue française sont MM. Paul Valéry, Léon Paul Fargue, Valéry [sic] Larbaud, André Gide et l’alter ego de ce dernier, M. Rivière. Nous devrions dire que ces messieurs étaient les piliers puisque MM. Valéry, Fargue et Larbaud viennent de fonder une revue Commerce. On ne publiera dans ce recueil ni la prose de M. Gide, ni celle de M. Rivière. / Et l’on prétend que la nouvelle revue fran çaise ne fera plus paraître d’œuvres de MM. Valéry, Fargue et Larbaud. » (article recueilli dans les papiers de Maurice Saillet à l’IMEC, datant certainement du 8 septembre 1924).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE38

40

Marguerite Caetani à Paul Valéry1

[11 septembre 1924]

Sommes ravis vous avoir demain avons télégraphié Larbaud le priant venir avec vous Stop Conseillerais Ecarter toute collaboration avec Gallimard et Monnier2 Stop Fargue et Larbaud ont suggeré librairie Floury3 Affectueuses amitiés.

41

Marguerite Caetani à Paul Valéry1

Samedi. [ fin septembre 1924]

Très cher Ami

Quelle complication ! La pauvre femme je la plains de tout mon cœur mais pour nous c’est certainement très ennuyeux –

Qu’allons-nous faire ? Je ne vois trop. Je suppose que Sylvia B. ne se chargerait pas de ça pendant la maladie de l’autre 2 ? Qu’en pensez-vous ?

Lettre 40.

1 Il s’agit d’un télégramme, adressé de Deauville à pau L va Léry 40 rue de vi LLejuSt pariS ; cachet de la poste du 11-9-1924.

2 Il est question du changement de gérant après le retrait d’Adrienne Monnier. Ce sera finalement Ronald Davis du deuxième numéro jusqu’au cahier VIII.

3 Henri Floury (1862-1961) est un libraire et un éditeur, qui a eu le courage de faire imprimer Toulouse-Lautrec. Il ferme sa librairie sise au 1 boulevard des Capucines en 1929 et s’installe alors boulevard Saint Germain en se consacrant à l’édition exclusivement, puis se retire en 1938.

Lettre 41.

1 En-tête imprimé : «  mon r êve » / benervi LLe par bLonvi LLe /(Ca LvadoS).

2 Marguerite Caetani fait allusion à Adrienne Monnier, tombée malade après l’été mou vementé qu’elle a passé pour s’occuper de l’élaboration du premier cahier de Commerce, et à sa compagne Sylvia Beach (1887-1962).

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 39

Pauvre Commerce ! Espérons que sa carrière qui s’annonce si brillante et qui débute dans un orage continuera dans la paix.

Il me semble que l’envoie des numéros qui restent du n° 1 est une chose si simple à faire que M lle Simone3 pourrait s’en occuper. Ne croyez-vous pas ?

Pour n° 2 puisque vous Larbaud Fargue et moi sommes tous à Paris, il me semble que entre nous we could manage I really think so – We will be back in Versailles the evening of the 1st and I will communicate with you at once. I received a letter from4

42

Marguerite Caetani à Paul Valéry

Mardi [octobre novembre 1924]

Cher Valéry, j’ai dit hier au téléphone à Fargue –« Vous savez mon cher il n’y a que Valéry qui ne m’a pas causé des ennuis dans toute cette imbroglio de Commerce, il n’y a que lui qui a toujours été délicieux et plein de tact et tout fait pour faciliter les choses – et je lui suis profondément reconnaissante » et je vous le répète parceque c’est la vérité. Larbaud ne voulait plus que son nom apparaisse plus sur la couverture de Commerce1, alors hier je suis allée le voir et il a consenti que les choses restent comme elles sont à la condition qu’il ne doit jamais se réunir avec Fargue !! Pauvre Fargue ! –

On me dit que Ml le M. fait une guerre acharnée contre « Commerce » dans laquelle elle est aidé par Gal…… qu’elle désirerait reprendre Commerce sans

3 « Mlle. Simone » désigne certainement la comédienne Simone Guye qui travaillait à la librairie d’Adrienne Monnier.

4 « Nous pourrions y arriver je le crois vraiment – Nous rentrons à Versailles le 1er au soir et je prendrai contact avec vous à ce moment-là. J’ai reçu une lettre de » La lettre est inachevée.

Lettre 42.

1

Voir la lettre 175 de Larbaud dans laquelle il refuse énergiquement que la revue devienne la propriété légale des trois directeurs et propose de donner sa démission.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE40

Fargue 2 !!! etc., etc., etc. – Tout ceci me rend très combative et plus décidée que jamais to stick to our ships3 – et j’espère vous aussi –

J’espère vous voir un instant vendredi et je vous enverrai une dépêche à ce sujet quand je saurai mes obligations pour vendredi.

Votre reconnaissante et affectueuse

43

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Jeudi [entre 1924 et 1930]2

Chère amie

Nous serons huit, -otto -eight, -8 -VIII.

Si vos voitures ne nous contiennent pas, dites nous de prendre le train.

Je vous baise les mains

Paul Valéry

Directeur de Commerce

PS J’ai remis à Fréret3 mon paquet

2

Même si c’est excessif, cela montre que bien des rumeurs de concurrence ont dû cir culer, comme la lettre 39 qui rapportait les « bruits » de Commerce fondé contre La NRF En tout cas, l’idée d’une alliance entre Gallimard et Monnier pour reprendre Commerce est peu crédible. Adrienne Monnier a peut-être un temps caressé l’idée de prendre à son compte à Commerce, tout en ayant conscience qu’elle n’a pas du tout les moyens financiers de la princesse.

3 Marguerite Caetani entend « garder le cap ».

Lettre 43.

1 Cette lettre se trouve à la FSJP.

2 Cette lettre pourrait dater de n’importe quelle année, de 1924 à 1930 environ, mais semble plus probablement écrite aux débuts de la revue.

3 Fréret est l’assistant de l’imprimeur Levé ou Levet, directeur de la Société générale d’imprimerie et d’édition au 71 rue de Rennes, qui se charge de la publication de Commerce

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 41

Paul Valéry à Marguerite Caetani

Mardi [29 décembre 1924]

Chère Princesse,

Je ne veux pas laisser finir l’année sans vous envoyer tous mes vœux pour vous et pour tous les vôtres. Vous êtes tous plus aimables les uns que les autres – !

Je suis éreinté. Sans aucune force. Maledetto inverno1. Je n’arrive à remonter sur le vieux cheval P.V.

Le texte que vs m’avez envoyé est.. as you like it 2 .

Difficile di prenderlo, Difficile di lasciarlo3.

Mais après tout nous en publierons bien d’autres !!

Savez vous que Gide a été opéré de l’appendicite avant hier4 ?

A quand, chère Princesse ? – Je n’en sais rien.. Ce pauvre organisme vs envoie mille souhaits et mille amitiés au Prince et à vous.

Lettre 44.

1 « Maudit hiver ».

2 « Comme il vous plaira. »

3 « Difficile de le prendre / Difficile de le laisser. »

4 L’opération de l’appendicite de Gide a eu lieu le 27 décembre 1924. Voir la lettre d’An dré Gide à Paul Valéry du 26 décembre 1924 dans laquelle il annonce son opération pour le lendemain. Valéry lui-même souffre d’une forte grippe, assortie de difficultés pulmonaires, qui explique l’expression « maudit hiver ». Voir André Gide – Paul Valéry, Correspondance 1890-1942, nouvelle édition établie, présentée et annotée par Peter Fawcett, Les Cahiers de la NRF, Gallimard, 2009, p. 874.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE42 44

Paul Valéry à Marguerite Caetani

Vendredi – [ janvier 1925]

Chère Princesse amie, Merci du petit Commerce qui est bien arrivé dans le sleeping de votre lettre couleur paille1.

Je ne donne rien à Davis, bien entendu. Quant à Madame Teste, elle est en train et même en bon train 2. Inutile de déranger le Mnss. trouvé dans une cervelle3, qui a le grand défaut de demander encore beaucoup plus de travail (1000 fois ou 2000 fois plus) que la lettre de Madame Emily T.

Je pense que Davis 4 vous a parlé du manuscrit parce qu’il a une envie satanique de le reproduire, et qu’il se fiche de l’état de ce texte. Mais moi je ne puis pas le donner ainsi…

A demain, chère Princesse – je vous baise les mains en vous remerciant de vos vœux et de votre amitié.

Lettre 45.

1

L’allusion n’est pas claire. Il ne peut s’agir du deuxième cahier de Commerce puisque la lettre d’Émilie Teste n’est pas encore finie donc le cahier n’est pas encore publié. On peut émettre l’hypothèse que la « Lettre » du premier cahier (reprise sous le titre Lettre de Paul Valéry, Bruxelles, J.E. Goossens, achevé d’imprimer du 20 juin 1925, puis Lettre à un ami, Paris, Éditions du Capitole, achevé d’imprimer du 30 octobre 1926, et enfin Lettre d’un ami, voir Œuvres, II, p. 1394 – Karaiskakis/Chapon, p. 91), a été publiée en tirage à part hors commerce par Ronald Davis. À moins que cela ne désigne un chèque.

2 « Madame Teste » fait référence à la « Lettre » attribuée à Émilie Teste (Commerce, II, automne 1924, publié le 24 janvier 1925, p. 7-30).

3 Manuscrit trouvé dans une cervelle est le titre envisagé d’un conte dont l’écriture remonte à La Soirée avec Monsieur Teste, « écrit en 1898, souvent repris au cours des années suivantes, et demeuré inachevé », qu’Agathe Rouart Valéry a publié en 1956 sous le titre d’Agathe. Voir Valéry, Œuvres, tome ii, 1960, p. 1386-1393.

4 Ronald Davis, le gérant après le retrait d’Adrienne Monnier, est un éditeur spécialisé dans les éditions bibliophiliques à faible tirage, qui édite des tirages à part de Commerce en plaquettes de luxe très prisées des écrivains. Il a ainsi publié en plaquettes plusieurs textes de Valéry.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 43 45

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Dimanche [15 février 1925]

Chère Princesse amie, J’ai trouvé, au retour d’Alsace2, votre bonne lettre si pleine d’amitié agissante et d’affectueuses idées. La proposition que vous me faites me touche profondé ment car c’est pour moi une grande et difficile question que celle de mes notes accumulées3. Je n’arrive pas à découvrir le moyen de les rendre utilisables. Il faudra cependant que j’y pense sérieusement quand je reviendrai du Midi4.

Ce que vous me proposez si gentiment pourra me servir – je pense – Mais le travail en question devant nécessairement être long, – être surveillé de près –(car il y a bien des choses griffonées ou énigmatiques dans mes cahiers, – et cer taines fort délicates –), je ne sais comment je pourrais le faire faire à distance ? –

Je vais réfléchir à ces problèmes, – ce ne sont pas les problèmes qui me manquent jamais ! – mais je ne puis vous dire combien vous m’avez touché par cette nouvelle preuve d’amitié. Je vous baise les mains et je vous prie, chère Princesse, de dire mille choses au Prince de ma part, s’il est revenu de Rome.

[ajout de Valéry à côté d’un trou de cigarette] Excuse, please, that smoker’s test 5 .

Lettre 46.

1

La lettre est glissée au sein de deux enveloppes, dont une adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Versailles ; cachet de la poste du 16-2-1925, Paris/Place Chopin (et de l’autre côté : 17-2-25, Versailles Banlieue Ouest).

2 Le 9 février 1925, Valéry a donné une conférence à Strasbourg (Jarrety, p. 590).

3 La princesse lui propose un secrétaire pour l’aider à dactylographier ses notes. Valéry a puisé dans l’immense ensemble de ses cahiers pour en extraire des textes, qu’il publie d’abord dans Commerce puis en recueil quelques années plus tard : « Littérature » paraît dans Commerce, XX, été 1929, puis chez Adrienne Monnier, Les Amis des Livres, en 1929, et chez Gallimard en 1930 (Œuvres, II, note p. 1422) ; et « Moralités » est publié dans Commerce, XXIV, été 1930, puis est repris chez A. Monnier, avec frontispice et ornement de Marie Monnier, en mai 1931, et chez Gallimard en mars 1932 (Œuvres, II, note p. 1421).

4 Valéry quitte Paris le 1er mars 1925 et ne regagne la capitale que le 20 avril après avoir séjourné à Giens chez Martine de Béhague, à Roquebrune chez les Bussy puis chez son frère à Montpellier (Jarrety, p. 593-597).

5 « Veuillez excuser la preuve du fumeur ».

CORRESPONDANCE FRANÇAISE44 46

Paul Valéry à Marguerite Caetani

Samedi [1924 à 1927, avant juillet 1927]

Chère amie, Agathe me dit que vous êtes venue ce matin1. Je suis désolé de vous avoir manquée. Mais il fallait courir dès le matin à cent endroits. J’ai bien reçu votre lettre et son âme (Merci) mais point de dépêche.

Excusez-moi de n’avoir pas répondu plus tôt. Ce moment est infernal. Je ne sais où donner de la tête. Pour achever le désordre, les ouvriers dans la maison, et la confusion de mes papiers, déjà grande dans le temps normal, devenue insurmontable2.

Je ne vois pas du tout ce que je puis pour Commerce. Je n’ai rien de rien, et rien de possible. Et j’ai un besoin immédiat de repos absolu, mes nerfs étant à bout. Tout ceci vous sera ennuyeux à entendre – mais vraiment je suis dans l’absolue impuissance de faire un article. Que n’ai-je mon temps et mon esprit ! Desolatissimo

Suo P.V.3

Lettre 47.

1 Agathe, la fille de Valéry, habite encore chez ses parents : la lettre est donc antérieure à son mariage qui a eu lieu en juillet 1927.

2 Cette mention de papiers en désordre fait écho à la lettre 46 où la princesse lui propose les services d’un secrétaire pour l’aider à trier ses notes.

3 On pourrait traduire l’italien de Valéry par « Votre très désolé », « Votre P.V. ». L’expression est récurrente dans ses lettres.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 45 47

Paul Valéry à Marguerite Caetani

C’est entendu pour Mardi, chère Princesse, mais le travail ? – Il faudrait que je sois rentré de bonne heure, car si je ne me lève pas avec le jour, mon ouvrage ne se fait pas.

Je vous baise les mains dévotement

49

Paul Valéry à Marguerite Caetani

Montpellier – 1 Rue Fournarié1 Herault

Mardi [entre le 6 et le 20 avril 1925]

Chère Princesse,

Je suis désolé de ne pouvoir vous rien promettre pour le n° 4, à cause de la date si proche. Je n’ai rien.. Et pas le temps de rien faire d’ici là. Il me faudrait au moins jusqu’à la fin du mois de mai ! D’autant plus que je ne puis disposer ici de mes notes et esquisses.

J’ai, de plus, des engagements qui me pressent de toutes parts, au point que je ne puis rien faire pour moi, – et au point de me tourmenter sans répit. Ma santé, cet hiver, et d’autres ennuis m’ont obligé d’abandonner mon « Descartes »2 dont je n’ai pu donner qu’un fragment sans importance – !

Lettre 48.

1 Cette lettre date vraisemblablement de la période Commerce mais rien ne permet de la dater plus précisément.

Lettre 49.

1 Valéry est chez son frère le 6 avril 1925, et reste deux semaines à Montpellier (Jarrety, p. 595).

2 « Fragment d’un Descartes » est publié dans La NRF, 1er mai 1925, p. 834-840. On lit après la signature la précision suivante : « Ce fragment d’une étude, qui n’a pu être menée

CORRESPONDANCE FRANÇAISE46 48

J’ai écrit à Davis que s’il voulait, on pourrait mettre dans Commerce IV la petite préface pour sa traduction de M. Teste3. – C’est tout ce que j’ai trouvé !

Quant à la traduction de Johnston, Ford4 etc. on me suggère le nom de Jean Schlumberger5 qui pourrait faire très bien ce travail, – s’il y consentait. C’est Mme Bussy6, sœur de Lytton Streachey, et traductrice de Gide en Anglais qui me donne cet avis que je vous transmets..

Je pense rentrer à la fin de ce mois. Moins rétabli que je ne l’espérais, car j’ai souffert du froid et des – soucis – dans ces jours de Midi.

Je vous écris sous la lampe, à deux heures ! Il fait noir et il tonne et il grêle !

A bientôt, chère Princesse, le bacio le mani con tanto affetto e rispetto7.

à son terme, sert de préface à une édition du Discours de la méthode, en préparation chez Helleu et Sergent » (Œuvres, I, p. 1798).

3 Le cahier IV du printemps 1925 (paru avec beaucoup de retard en juillet) comporte finalement bien la préface qu’il a écrite pour accompagner la traduction que Ronald Davis vient d’effectuer de La Soirée (achevé d’imprimer du 30 avril 1925). La Soirée avait déjà été traduite en anglais par Miss Barney aux États-Unis dans The Dial, et Valéry « a cédé aux sirènes financières de Davis » en acceptant une nouvelle traduction (Jarrety, p. 597).

4 Les noms de Johnston ou de Ford n’apparaissent en définitive jamais aux sommaires de Commerce

5 Jean Schlumberger (1877-1968) a seulement rédigé la « Note sur Un miracle de NotreDame » dont il a adapté le texte pour Commerce dans le cahier XXVII, son manuscrit « Ceci est mon testament » ayant été refusé en 1927.

6 Valéry fait référence au peintre Simon Bussy (1870-1954) et à son épouse Dorothy (1865-1960), qu’il rencontre à la fin du mois d’avril 1923. Les Bussy sont devenus de grands amis de Gide depuis la fin de la guerre. Dorothy est la sœur aînée de Lytton Strachey (1880-1932) (et non Streachey comme l’écrit Valéry), l’un des fondateurs de « Bloomsbury Group » ; elle est devenue rapidement le professeur d’anglais de Gide, puis sa traductrice et amie.

7 « Je vous baise les mains avec toute mon affection et mon respect ».

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 47

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

et j’apprends qu’il n’est pas à Paris ces jours ci. Attendons.

2° J’ai reçu hier soir la visite de Jean Royère 2, qui m’a apporté des vers. Je désirerais que ces vers soient insérés dans le prochain n° où ils feront 3 ou 4 pages

Je crois que Fargues et Larbaud le désireront aussi.

– Le même Royère m’a remis un long poème de John Antoine Nau, homme de valeur mort en 19183. Ce poème est long et n’est pas excellent. Mais au contraire, les petites proses que Royère m’a remises en même temps sont à insérer, je crois.

Si je pouvais saisir Léger je lui demanderais son avis sur ces petites proses, mais Léger est invisible, insaisissable désormais. Il faut l’en féliciter et nous plaindre4.

Lettre 50.

1

La lettre se trouve à la FSJP. Il manque le début de la lettre. Elle est publiée dans le recueil d’hommage Honneur à Saint-John Perse, avec comme date décembre 1925, mais elle est trafiquée, et publiée avec une autre falsification dans les Œuvres de Saint-John Perse (Saint-John Perse, Œuvres complètes, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1972), ce qui incite à douter de la date indiquée. Voir aussi la lettre 52.

2

Le poète symboliste Jean Royère (1871-1956), ami de Fargue et de Larbaud, fondateur de plusieurs revues comme La Phalange puis Le Manuscrit autographe, n’a malgré l’avis de Valéry jamais été publié dans Commerce. Voir la lettre de Royère à Larbaud du 30 avril 1925 : « J’ai revu ce matin Paul Valéry avec qui j’ai eu une conversation très affectueuse. Il m’a demandé pour Commerce un inédit de Nau. Je vais le lui envoyer. J’ai retrouvé huit Eurythmies truculentes ou mièvres […] J’en ai parlé à Valéry qui me les a demandées pour Commerce. Je vais les lui envoyer » (MVL). La lettre suivante de Royère à Larbaud date du 4 mai 1925 : « J’ai vu hier au soir Paul Valéry chez lui et nous avons causé longuement et amicalement. » La lettre 50 a donc très probablement été écrite le 4 mai également.

3 Contrairement à l’avis de Valéry, John-Antoine Nau (1860-1918), très lié à Royère qui l’accueillit dans La Phalange, premier lauréat du prix Goncourt en 1903, et connu pour avoir exploré les mers, a été publié dans Commerce, avec « Au mouillage » dans le quatrième cahier daté du printemps 1925.

4 Cette lettre est un exemple saisissant de réécriture et de falsifications successives aux quelles Alexis Leger s’est livré. La version de l’Honneur à Saint-John Perse est transposée en lettre de Valéry adressée à Leger et donne l’impression que le directeur de Commerce s’en

CORRESPONDANCE FRANÇAISE48 50
[

Marguerite Caetani à Paul Valéry

Vendredi [ fin avril à début mai 1925]

Cher Ami

On me dit que Madame Claudel est absent en ce moment alors ça serait peutêtre le moment de l’inviter1.

Voulez-vous que nous disions Bar des Champs Elysées (63 Av. des Chs Elysées) le jour que vous fixerez avec lui. Nous inviterons Fargue, Larbaud,

remet entièrement à lui alors qu’il écrivait en réalité à Marguerite Caetani : « Si je pouvais vous saisir, je vous demanderais votre avis sur ces petites proses, mais vous êtes invisible, insaisissable désormais ! Il faut vous féliciter et nous plaindre … » (Honneur à Saint-John Perse, Gallimard, NRF, 1965, p. 794). Cette même lettre est de nouveau citée dans l’édition de la Pléiade, supervisée, sinon entièrement composée, par Alexis Leger, et cette fois les modifications sont différentes. La lettre est identique à celle de l’Honneur à Saint-John Perse, à une variante près : « … Si je pouvais vous saisir, lui écrivait-il déjà en 1925, au sujet de la rédaction d’un numéro de Commerce, je vous demanderais votre avis sur mes petites proses, mais vous êtes invisible, insaisissable désormais. » Par une simple transposition de déterminant possessif, Leger donne ainsi l’impression que Valéry cherche conseil auprès de lui pour savoir si ce qu’il est en train d’écrire pour Commerce est satisfaisant. Saint-John Perse, Œuvres complètes, éd. citée, p. 1139. Nous soulignons. La lettre se trouve après une note indiquant que Leger a toujours aidé Valéry de son mieux et lui a même ménagé « l’ac cès à des organismes internationaux comme la « Coopération intellectuelle », ce qui est complètement faux, et une note dans laquelle il donne l’impression d’avoir créé Commerce (Rabaté, p. 199-200).

Lettre 51.

1 La princesse tient beaucoup à la participation de Claudel et mène une offensive de grande envergure en sollicitant tous les artisans de la revue pour intéresser Claudel à Commerce. Dans une lettre du 10 mai 1925 il accepte avec plaisir son invitation. Ses efforts sont payants puisque Claudel publie à cinq reprises dans Commerce et donne des contri butions importantes, la première étant « Le Vieillard sur le mont Omi » dans le quatrième cahier du printemps 1925.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 49
Je vous envoie, chère Princesse, mille amitiés qui l’une après l’autre vous baisent les mains
P.V-
51

Rilke et j’espère que Léger pourrait venir. Est-ce que Madame Parr2 est ici ? Vous pourriez peut-être demander à C3. Maintenant aux affaires serieuses. « Commerce » a l’intention de vous offrir en reconnaissance de la promesse de sa seconde année d’existence 5000 frs comme Directeur plus 1000 pour chaque article que vous donnerez et qui n’est pas écrit exprès pour Commerce, comme par example la Préface pour le livre de Davis4 – et 2000 pour chaque article dans le genre de la lettre de Emilie Teste5 – à être décidé entre nous et je désire que la question des hono raires supplementaires aux 5000 frs reste entre nous pour des raisons que je vous expliquerai à vive voix6. Je trouve que la nouvelle proposition est maigre justice vue le succès de Commerce du en si grande partie à votre nom –Mille bonnes amitiés et à très bientôt –

Marguerite de Bassiano

52

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Mardi [mardi 12 mai 1925 ?]

Chère Princesse 2

C’est entendu pour Samedi, – j’attendrai la voiture à l’heure accoutumée.

2 Audrey Parr (1892-1940), surnommée « Margotine », est une grande amie de Claudel.

3 Il s’agit bien sûr de Claudel.

4 La « préface pour le livre de Davis » est « Préface pour une nouvelle traduction de La Soirée avec M. Teste », Commerce, IV, printemps 1925, p. 95-102, évoquée dans la lettre 49.

5 « Lettre », Émilie Teste, Commerce, II, automne 1924, p. 7-30.

6 Cinq mille francs représentent environ trois mille cinq cents euros, sachant que le titre de directeur implique essentiellement la publicité véhiculée par le nom de l’écrivain sur la couverture des cahiers. Mille francs impliquent environ sept cents euros par article, et mille quatre cents euros par article écrit spécifiquement pour la revue. Valéry bénéficie donc de conditions extraordinaires de la part de la princesse (Rabaté, p. 136-138).

Lettre 52.

1

La lettre se trouve à la FSJP.

Cette lettre est un second exemple de falsification par Saint-John Perse, après la lettre 50. La lettre de Valéry à la princesse se trouve à la FSJP parmi la correspondance que Marguerite a cédée à Leger. Elle figure également dans le recueil d’hommage Honneur à Saint-John Perse,

2

CORRESPONDANCE FRANÇAISE50

Je suis ennuyé de votre opposition à la publication des vers que vous savez. Je crois bien que Larbaud et Fargue tiendraient assez à leur insertion. Et quant à moi, le refus me place dans une situation assez délicate. R.3 [ne croira que biffé ] digérera difficilement qu’une revue qui a pour directeurs trois confrères dont il est plus ou moins l’ami le traite comme un débutant !! Alors, à Samedi avec Claudel4 !

Je vous baise bien affectueusement les mains

Excusez papier et enveloppe

53

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Paul Valéry

Jeudi [12 juin 1925]

Chère Princesse,

Je pars demain soir pour Toulon et samedi pour Naples2. Je regrette de manquer le déjeuner dominical avec Rilke et Paulhan 3. Dites leur beaucoup de choses de ma part.

Je ne sais encore si je rentrerai par terre ou si je resterai à bord ce qui me conduirait jusqu’à la fin de ce mois.. J’ai accepté ce voyage pour me tirer un peu de Paris qui est si fatigant et si agité..

dans la section « Alexis Leger diplomate », datée de 1925, et est tronquée de façon à appa raître comme une lettre de Valéry à Alexis Leger. La phrase, « Je suis ennuyé de votre opposition à la publication des vers que vous savez », donne l’impression que c’est Leger, et non pas la princesse, qui s’oppose à la publication de Régnier et donc que c’est lui qui décide de tout (Rabaté, p. 198-199).

3 R. désigne Henri de Régnier (1864-1936).

4 Claudel vient déjeuner à Versailles pour la première fois le samedi 16 mai 1925 (puis le dimanche 31 mai).

Lettre 53.

1 En-tête imprimé : 40, rue de vi LLejuSt.

2 Valéry s’embarque à Toulon le 13 juin et fait un voyage en Méditerranée (Jarrety, p. 605).

3 Rilke est à Paris à partir du 7 janvier 1925, jusqu’en août.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 51

Au revoir, chère Princesse, je vous baise les mains très affectueusement et vous charge de toutes mes amitiés pour mon ami le Prince.

54

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Dimanche [28 septembre 1925] Le Mesnil à Gargenville 2 S et O

Chère amie princesse, Je n’ai pas eu le temps, la tête, de vous écrire. Si vous saviez combien je m’ennuie avec ce maudit travail que je ne puis faire, et fais en le défaisant ! –Voilà bientôt deux mois perdus à prendre et à repousser ces papiers qui me donnent le mal de mer – Je ne veux plus rien promettre !..

Mais qu’est ce que c’est que cette Caresse3 ? Je n’ai aucune idée, aucun souvenir d’avoir écrit un poème sous ce nom ?? Si ce sont des vers très anciens je ne puis pas les réimprimer. Mais il faut que nous causions de tout ceci. Je rentrerai à Paris avant le 5, je pense et je vous verrai au plus tôt..

Mille choses à ce cher Prince et à vous toutes mes affectueuses pensées.

Lettre 54.

1 Carte lettre adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa St. Nicolas / Bénerville par Blonville / Calvados ; cachet de la poste du 28-9-[année illisible] à Argenville ; au verso Blonville s/mer Calvados 29-9-25.

2 Le Mesnil est la propriété de Julie Rouart. Les Valéry y ont beaucoup séjourné au début du siècle. À partir des années vingt, Valéry n’y fait que de brefs passages mais sa femme y séjourne souvent plus longuement (Jarrety, p. 295).

3 Jean Paulhan avait envoyé à la princesse le 22 septembre 1925 un poème de Paul Valéry recopié par ses soins intitulé « La Caresse ». Voir Brisset/Levie, lettre 10. Voir éga lement la lettre suivante.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE52

Paris, Dimanche [4 octobre 1925]

Chère Princesse,

J’ai reçu un petit papier de cette forme qui demanderait un grand papier de thanks2, et la lettre qui le contenait était si gentille qu’il faudrait un volume pour y répondre.

Mais la poésie ! – Elle n’est pas bonne du tout, et de plus il est impos sible de la publier. Maintenant je la reconnais, elle a paru dans les Ecrits Nouveaux, three years ago, – et je ne l’ai pas mise dans « Charmes »… Mauvaise et pas inédite3 !

Il faut que je vous trouve quelque chose – mais je ne sais quoi. Je suis rentré à Paris de plus en plus empoisonné par le mauvais travail et les choses et les hommes. Je deviens idiot et presque méchant sur mes pages vides à remplir malgré moi.

Toutes mes amitiés al caro Principe4. A vous, chère Princesse mes plus affectueuses pensées et tous mes remerciements di cuore5.

Lettre 55.

1 Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas Haig / Versailles, Seine et Oise ; cachet de la poste du 4-10-1925 à Paris.

2 Valéry la remercie donc pour un chèque.

3 La « poésie » est certainement « La Caresse », dont Valéry dans la lettre précédente dit ne pas se souvenir. Valéry confond les dates quand il écrit « three years ago » : le poème a paru dans Les Écrits nouveaux, non pas en 1922 mais en 1918 (n° 8, 1er juin 1918, Paul Valéry « Deux petites pièces : L’Insinuant. La Caresse », voir Œuvres, I, in Pièces diverses de toute époque : La Caresse p. 162, note p. 1680).

4 « Au cher Prince ».

5 « Chaleureux ».

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 53 55

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Lundi [entre juillet et novembre 1925]

Chère Princesse, Merci de la communication. J’écrirai à Rilke 2 dès que j’aurai un atome de temps. Cet être charmant et si essentiellement poète m’inspire une affection qu’attriste son état si incertain et ce que je devine de fragile et de pénible dans sa personne secrète..

Fargue m’a communiqué les textes de J. Prévost3. Il faut que nous insé rions ces quelques pages où il y a de la vigueur, une volonté de précision frappante et une grande et rare honnêteté de l’esprit. L’insertion me paraît indiquée, due, et même nécessaire.

Personnellement, j’y tiens beaucoup. Politiquement, c.à.d. au point de vue de la politique de « Commerce », elle a de l’importance. Je vous assure qu’il serait assez fâcheux de refuser cette contribution, et je vous expliquerai di viva voce le pourquoi.

Je vous quitte pour replonger dans l’ennui d’écrire ce qui m’ennuie. Je suis horriblement fatigué et ne songe qu’à fuir. Mais. –

A vos pieds, le fatigué et dévoué, P. V___y

Lettre 56.

1

Une enveloppe du 12 février 1928 dactylographiée adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Feuillée / Menton-Caravan / Alpes Maritimes et au verso « Académie Française » accompagnait la lettre, mais il est impossible que ce soit la bonne enveloppe.

La lettre comporte un autre feuillet avec quelques mots : « Voilà.

Voilà. P. V. »

2

Rappelons que c’est Valéry qui a présenté Rilke aux Bassiano en janvier 1925.

3 Jean Prévost (1901-1944) publie « L’Homme à la montre » (Commerce, V, automne 1925, p. 135-138), qui deviendra un chapitre de Plaisirs des sports. Valéry apprécie le jeune homme qu’il a rencontré au début de l’année 1925. La princesse a finalement accepté de le publier, mais il ne s’agit pas des pages que Fargue lui avait transmises. Valéry tout comme Fargue défend la publication de Prévost en mettant en avant des termes stratégiques. Voir les lettres 122 et 126 de Fargue qui défend lui aussi la publication de Prévost malgré les réticences de Marguerite Caetani (voir aussi Rabaté, p. 239).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE54 56

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Lietissimo di sentire Hypatia decisamente ricevuto all’ opera Goethiana. Mando al principesco autore ed amico, e alla gentilissima Consorte Fervidi complimenti e congratulazioni del loro amico Pagolo Valerj (al quale anche il secco Teste aggiunge parole breve ma calde)2

[28 octobre 1925]

Lettre 57.

1

Il s’agit d’une petite carte comprenant une aquarelle en couleur comportant comme indication « Weimar Opera ; Hypatia von Roffredo Caetani ». Voir la reproduction dans le cahier central. Un ajout au bic bleu indique « 28-10-1925 ». Un télégramme de Marguerite Caetani à son époux du 26 octobre 1925 indique qu’Hypatia est accepté à Weimar. La Première aura lieu le 23 mai 1926.

2 Valéry écrit en italien : « Je suis très heureux d’apprendre qu’Hypatia a été accepté par l’opéra Goethiana. J’envoie à son auteur et ami princier, ainsi qu’à son exquise épouse, les compliments et félicitations fervents de leur ami / Pagolo Valerj / (auquel se joint l’aride Teste en peu de mots mais chaleureux) ».

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 55 57

Paul Valéry à Marguerite Caetani

Giens, Var

La Polynésie1 –ce mercredi [24 février 1926 ]

Chère Princesse,

Si figuri che Miss Wh. mi ha mandato ieri solo la sua lettera.. that she had missed last Sunday to bring me here 2 .

Voilà. Quant à moi, je compte partir vendredi pour Monaco où je fais ma conférence samedi vers 5 h. à la salle qui est sur le port3. Je logerai au Palais – et je pense quitter ce Walhall dimanche pour aller passer peu de jours à Roquebrune – Cap Martin, chez les Hanotaux4.

Ensuite.. je reprendrai la route de l’ouest et j’espère vous voir au passage à Beaulieu 5 .

– Mais, hélas, je n’ai rien pour Commerce ! J’ai beau travailler énormé ment, je n’arrive pas à me libérer de tous mes engagements et j’ai traîné ici 2 ou 3 choses impossibles ni à finir ni à laisser. Quel métier que d’écrire !

La fin atroce du pauvre Henraux m’a fait une immense peine6. Après lui,

Lettre 58.

1 Valéry se trouve à Giens, chez la comtesse de Béhague depuis le mercredi 17 février 1926, (Jarrety, p. 629). Il s’y est rendu pour la première fois en mars 1925 et aime à y retour ner régulièrement (Jarrety, p. 492 ; p. 593).

2 Valéry écrit d’abord en italien puis en anglais : « Imaginez-vous que Miss Wh. m’a envoyé seulement hier sa lettre, qu’elle avait oublié de m’apporter dimanche dernier. » « Miss Wh » désigne la romancière Edith Wharton (1862-1937).

3 Valéry gagne Monaco le vendredi 26 février 1926, et donne une conférence le samedi 27 février, conférence que Marguerite Caetani aimerait publier. Il exprime son agacement à sa femme : « La princesse me fatigue avec Commerce  » (Jarrety, p. 630). Voir la lettre suivante.

4 Valéry réside chez eux à Roquebrune depuis le lundi 1er mars. Gabriel Hanotaux (1853-1944) est un homme politique, diplomate et ministre, et historien, élu à l’Académie française en 1897. C’est lui qui recevra Valéry sous la Coupole, après l’avoir soutenu dans sa campagne. Il reçoit à plusieurs reprises Valéry dans sa villa « La Villula » à Roquebrune.

5 Valéry fait une escapade pour aller déjeuner avec les Bassiano à Beaulieu le jeudi 4 mars (Jarrety, p. 630).

6 Le nom d’Henraux est difficile à déchiffrer, la dernière lettre est barrée. Il s’agit de Lucien Henraux décédé en 1926. Voir la lettre 28.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE56 58

j’ai encore perdu 2 amis excellents7 – ce qui fait cinq cet hiver ! Tous char mants, dévoués.

Quelle tristesse ! Je suis parti accablé.

A bientôt, chère Princesse. Speriamo in Toscanini8. Ce cheval d’orchestre peut donner la victoire ! –

Je vous baise les mains très affectueusement

59

Paul Valéry à Marguerite Caetani

Paul Valéry

[début avril 1926 ]

Montpellier 1 Rue Fournarié1 Herault

Chère Princesse, Voici une lettre de M. Labaude 2, conservateur des archives de Monaco,

7 Le décès de Frank Flausch eut lieu en février, celui de Boylesve en janvier 1926 (Jarrety, p. 629).

8 « Plaçons nos espoirs en Toscanini ». Dans la seconde moitié de novembre 1924, Roffredo Caetani est à Milan pour parler avec Umberto Giordano (compositeur italien) sur la possibilité d’une représentation d’Hypatia à la Scala. Giordano lui promet de parler à Toscanini, qui dirige alors la Scala (Paul Op de Coul).

Lettre 59.

1

Après un long séjour à Giens au début de l’année 1926, Valéry passe quelques jours à Montpellier chez son frère avant de retourner à Paris le 9 avril (Jarrety, p. 631).

Léon Labaude, le président de la Société des conférences de Monaco, le sollicite pour publier le texte de la conférence qu’il a donnée en février 1926. Valéry s’y était déjà rendu en 1924 et le prince souhaitait de nouveau faire imprimer la sténographie de sa conférence, mais le projet en définitive n’aboutit pas (Jarrety, p. 645). La lettre de Léon Labaude est très certainement celle qui se trouvait avec la lettre 195 de Larbaud à Marguerite Caetani du 17 septembre 1925, qui est bien plus vraisemblablement adressée à Valéry qu’à Larbaud. Voici la lettre : « Monaco, le 20 Mars 1926 / Cher Monsieur, / Je ne sais pas si vous êtes rentré à Paris ; dans le doute, je ne vous envoie pas encore la sténographie de la conférence que vous avez si brillamment donnée à Monaco. Mais si je vous écris aujourd’hui, c’est à la demande du Prince Pierre, qui a reçu il y a déjà une douzaine de jours, le n° 1 de Commerce, exemplaire au nom de la Princesse de Bassiano, que celle-ci lui a adressé. Le Prince ignore s’il peut garder

2

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 57

qui me pose une question dont vous pourrez donner directement la réponse soit à lui, soit au Prince Pierre3.

Je suis ici pour quelques jours encore. Pas trop bien. Fatigué, et morale ment assai giù4.

J’espère que tout va bien à Beaulieu 5, faïence bleue. Ici, il pleut et j’ai la cervelle sans force.

Mille amitiés au prince cher et à vos enfants et tous mes affectueux sen timents à vos pieds

60

Marguerite Caetani à Paul Valéry1

[début avril 1926 ]

Entendu pour Aragon 2 Je ne ferai rien avant votre retour

Vous prie me télégraphier à quelle date a peu près je pourrais avoir votre conference Amitiés & Buona Pasqua. Marguerite di B

cet exemplaire ou s’il doit le renvoyer. Pourriez-vous prendre des informations à ce sujet ? Cela permettrait au Prince de donner à la Princesse de Bassiano une réponse correspondant aux intentions de celle-ci. / Nous avons été, comme vous l’avez vu, extrêmement heureux de vous avoir à Monaco et nous espérons bien vous revoir ici. / Veuillez me croire, Cher Monsieur, votre bien cordialement dévoué / Labaude » (En-tête imprimé : Palais de Monaco / Archives. Il s’agit peut-être du 10 mars, le chiffre est peu lisible).

3 Le Prince Pierre de Monaco (1895-1964), neveu de la princesse Winnie de Polignac, invite Valéry à donner une conférence à Monaco le samedi 27 février 1926 (Jarrety, p. 630).

4 « Très bas ».

5 Les Bassiano sont à Beaulieu et Valéry les y a rejoints une journée le jeudi 4 mars.

Lettre 60.

1 Il s’agit d’un télégramme qui se trouve à la BLJD sous la cote VRY MS 14266, adressé de Versailles à Paul Valéry.

2 Valéry a laissé passer la première publication d’Aragon dans Commerce avec « Une vague de rêves » (Commerce, II, automne 1924, p. 91-122), mais à présent malgré sa souplesse coutumière il n’en est plus question. La princesse adresse à Valéry un télégramme le 30 mars 1926 à Montpellier : « Pouvons-nous publier une chose d’Aragon ? » (Archives de la famille Valéry). Le télégramme conservé à la BLJD permet d’imaginer le net refus du directeur de Commerce (Jarrety, p. 579 et note 14 p. 1256 ; Rabaté, p. 297).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE58

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

[mai 1926 ?]

Chère Princesse,

Je ne puis venir demain à Versailles. Mes jours sont encombrés !

– Mais parlons affaires !

Davis2 a dû sentir le vent. En somme, il devance vos intentions. Il faut donc voler vers Tronche3.

Mais qui s’occupera du prochain N° ? Quant à moi, je désire beaucoup vous donner pour ce N° ma préface aux Lettres Persanes de Montesquieu4 (qui vient de paraître5 en édition très coûteuse qui vaut 1000 F aujourd’hui) – et que j’aimerais donner à un public moins bibliophile et un peu plus nombreux. – C’est, je crois, un morceau assez singulier.

Si vous le prenez, je le porterai à Davis ou.. à Tronche ! –

J’ai parlé à mon fils de votre aimable idée 6. Il s’en est montré naturel lement très touché, et m’a chargé de vous remercier de tout son cœur. Le pauvre garçon travaille comme un nègre ; il manie des millions c.à.d. des chiffres, et passe des nuits à calculer les caprices des spéculateurs.

Je crois qu’un petit tapis ferait plaisir au petit ménage. Je suis désolé de ne pouvoir être là ce soir et d’être pris demain.

Lettre 61.

1

Enveloppe adressée à « Madame la Princesse de Bassiano / PV » (il n’y a pas d’adresse).

2 Ronald Davis, au 160 rue du faubourg Saint-Honoré, a assuré la gestion de Commerce après la démission d’Adrienne Monnier, du cahier II au cahier VIII. Il démissionne à son tour au printemps 1926, mais sans heurt : Davis décide de se retirer de lui-même ayant compris l’insatisfaction de Marguerite Caetani.

3 On pense sérieusement à Jean Gustave Tronche (1884-1974), ancien directeur com mercial de la NRF, et l’époux de Suzanne Bonnière, première associée et amie d’Adrienne Monnier, pour succéder à Davis. Ce sera finalement Louis Giraud-Badin qui prendra sa suite.

4 La préface est en effet publiée dans Commerce sous le titre « Au sujet des Lettres persanes » (Commerce, VIII, été 1926, p. 7-27).

5 L’ achevé d’imprimer des Lettres persanes étant du 28 avril 1926, la lettre date sans doute de mai.

6 Il s’agit certainement du cadeau de mariage de Claude, qui travaille chez un agent de change et s’est marié le 21 novembre 1925 (Œuvres, I, p. 49).

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 59 61

C’est tous les jours ainsi. A partir de 11 heures du matin je n’existe plus pour moi

Je vous baise bien affectueusement les mains, chère amie très excellente. P. V. 62

Chère et bonne amie,

Je viendrai dimanche à Versailles avec grand plaisir. Je serai si content de vous revoir et de me tirer un peu des énormes soucis et ennuis qui m’ac cablent ici.

Povera testa mia 2 ! Je n’en puis plus – et quel méchant été !

J’attendrai la voiture à l’heure accoutumée si vous voulez bien me l’envoyer.

L’animal de la Fable ne peut ou ne veut lâcher sa proie.

Toutes mes amitiés de cœur à Roffredo et à vous.

Lettre 62.

1 Il est impossible de dater précisément cette lettre. Il y a seulement l’indication du « méchant été », et l’allusion à « L’animal de la Fable » établit peut-être un lien avec la lettre suivante.

2 « Ma pauvre tête ! »

CORRESPONDANCE FRANÇAISE60

Margencel 2 Dimanche [12 septembre 1926 ]

Chère Princesse

Voici « Agnès »3 que le courrier m’apporte ou me rapporte.

J’ai reçu aussi votre chèque dont je ferai parvenir le montant à l’auteur aussitôt que possible et dont je vous remercie pour lui.

Je suis profondément touché de votre lettre. Il y avait du regret dans la mienne ; mais vous pouvez être assurée que mes sentiments à votre égard n’en étaient pas le moins du monde affectés. L’amitié simple et certaine admet la différence des avis. On peut même se disputer un peu. (C’est plus « vivant ») surtout quand il s’agit d’un sommaire de Revue !

Mais le fond est bon, chère amie, je le savais.

Et le mien n’est pas très mauvais.

Je suis heureux d’une circonstance qui me donne l’occasion de vous dire toute mon affection.

Quant à la Fable – ce rien – l’animal ne me répond pas 4. Il est sans doute absent ou fait l’absent. Je le re-re-re-interpelle par ce courrier. Je suis encore fort fatigué – et pense rentrer à Paris vers la fin de cette semaine – demain, j’attends ici la visite de Rilke5.

Lettre 63.

1

La lettre se trouve à la FSJP.

2 Valéry réside depuis le 16 août dans le chalet d’Anthy prêté par Julien-Pierre Monod sur la rive française du lac Léman, dans la commune de Margencel.

3 La nouvelle « Agnès » que Catherine Pozzi a écrite et confiée à La Revue de France ne pour rait être acceptée qu’avec des coupures. Indécise, Catherine Pozzi envoie le manuscrit à Valéry alors qu’il est à Anthy et lui demande de trancher pour elle. Valéry propose alors à Marguerite Caetani le manuscrit sans donner l’identité de l’auteur. La princesse n’accepte de le publier dans Commerce que s’il est de Valéry. Marguerite Caetani n’est pas tout à fait convaincue par le texte, et elle redoute surtout qu’on pense qu’elle en est l’auteur s’il est publié de façon anonyme. Ce refus blesse Catherine Pozzi qui estime que Valéry ne l’a pas suffisamment défendue. Pourtant, Valéry propose ensuite le manuscrit à Jean Paulhan qui le publie volontiers dans La NRF du 1er février 1927 sous l’énigmatique signature « C.K. » (Rabaté, p. 168 ; Jarrety, p. 648, p. 661-662).

4 L’allusion reste obscure et figure également dans la lettre précédente.

5 Rilke (mort en décembre 1926) vient lui rendre visite lundi 13 septembre 1926 (Jarrety, p. 647-648).

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 61 63

Je vous prie de croire, chère Princesse, à mes profondes amitiés. Ce qui veut dire que je pense toujours à vous avec affection et plaisir et envie de faire plaisir. Et merci !

Marguerite Caetani à Paul Valéry1

le 9 Mars [1927]

Cher Ami, Helas ! Je vois qu’il y a peu de chance de vous voir ici 2 avant notre départ le 19. Mais alors ne partez pas vous-même au moment de notre retour à la Villa Romaine ! Ça serait trop triste.

Roffredo est ici, mais il part demain pour Rome et rentre à Versailles en même temps que nous.

He is going to lay the corner-stone of our villa, where we hope you will pass many happy days with us3 !

La première de « Hypatia » est remise à la fin Avril à Düsseldorf4. Y vien drez-vous ? C’est un voyage très facile et une ville très agréable a ce qu’il paraît.

Je vois avec chagrin que vous ne donnerez rien pour le cahier de Printemps5 ! Est-ce que par hasard en fouillant tant soit peu dans votre immense bagage lit

Lettre 64.

1

En-tête imprimé : Golf Hotel / Beauvallon s/Mer / Var. La lettre est inachevée.

Les Bassiano sont alors à Beauvallon par Sainte-Maxime, comme le confirme l’en-tête imprimé de la lettre.

2

« Il va poser la première pierre de notre villa, où vous viendrez passer nous l’espérons de nombreuses journées heureuses avec nous ! » Roffredo Caetani va ainsi faire construire la Villa Caetani, Vicolo Tre Madonne à Rome. Voir Carla Benocci, Villa Tre Madonne. L’ Ambasciata del Belgio presso la Santa Sede e l’eredità spirituale di Giulio III, papa toscano, Roma, Editoriale Artemide, 2010.

3

4

La première de l’opéra Hypatia  du prince a finalement lieu à Düsseldorf le 10 juin 1927. Valéry n’y assistera pas malgré l’invitation des Bassiano.

5 Valéry donne en définitive « Essai sur Stendhal (à propos de Lucien Leuwen) », Commerce, XI, printemps 1927, p. 7-69.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE62

téraire vous ne trouverez pas quelque chose qui pourrait être notre vieux texte pour le prochain cahier6 ?

Larbaud traduit un fragment de Urn-Burial de Sir Thomas Browne avec une charmante lettre de Coleridge comme préface mais c’est si difficile que je crains fort qu’il ne sera pas prêt à temps7.

Il traduit aussi 2 poèmes de Mac Leish8 pour le même numéro. Je vous serais infiniment reconnaissante

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Mardi [10 mai 1927 ?]

Princesse,

J’ai reçu votre bonne lettre et vous remercie pour le Stendhal 2. Je n’ai pas encore vu le n° de Commerce. Il est à Paris sur ma table, – et je ne retrouve rai ma table que dans 8 jours3.

J’ai pu voir une fois M me B 4. qui va toujours fort mal. C’est une vie étran gement douloureuse que celle ci.

6

Cet appel de la princesse n’est pas suivi d’effet immédiat, mais a peut-être contribué à la recherche de textes d’Edgar Poe qui seront traduits et annotés par Valéry dans le cahier XIV.

7 Marguerite Caetani désigne la contribution de Sir Thomas Browne, Commerce, XXI, automne 1929, « Chapitre V de Hydriotaphia », p. 197-215, précédé par une lettre de S.T. Coleridge traduite par Larbaud, « Opinions sur Sir Thomas Browne », p. 189-195, le tout introduit par une « Note sur Sir Thomas Browne » de Larbaud, p. 187-188. La contribution s’est donc en effet longtemps fait attendre puisqu’il en est déjà question en 1927.

8 Commerce publie deux « Poèmes » d’Archibald MacLeish, XII, été 1927, p. 44-51, « Return » et « Gobi », tous deux en anglais et en français en vis-à-vis, traduits par Larbaud en effet (MacLeish figurait déjà au sommaire du cahier V de l’automne 1925).

Lettre 65.

1 En-tête imprimé : La petite Campagne / teL : 425 graSSe

2 Valéry désigne ainsi « Essai sur Stendhal », Commerce, XI, printemps 1927, p. 7-69.

3 Valéry séjourne chez Mme Mühlfeld à Grasse du 22 avril au 17 mai (Jarrety, p. 669-670).

4 Mme B. est sans doute la philanthrope Florence Blumenthal (1875-1930), l’épouse du banquier américain George Blumenthal et fondatrice de la « Fondation américaine pour la pensée et l’art français » assortie du Prix Blumenthal, décédée à cinquante-cinq ans.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 63
65

Je lui ai parlé des inédits de Poe5, et lui ai demandé qu’elle nous en donne la primeur. Mais elle n’est plus de cet avis ! Elle veut faire elle même une publi cation très restreinte et très luxueuse de ces fragments. Figurez vous qu’elle a acquis encore des autographes pour 75000 dollars ! – Et sur l’un d’eux, (ironie immense du sort) – Poe avait écrit au bas : I am poor. Il n’y avait pas à insister. D’ailleurs son état pitoyable m’était même pénible à considérer. Peut-être changera-t-elle d’avis ; mais pour le moment, il n’y a pas à compter sur ces textes si précieux.

Je regrette de ne pas voir Roffredo le 15 – (mais je serai encore ici où je tra vaille questo maledetto discorso6 – avec un ennui et une peine infinis !) – mais je lui adresse tous mes vœux pour la représentation de Dusseldorf7. Hypatia peu à peu se fera connaître, en apparaissant ici et là aux oreilles de ceux qui entendent.

Au revoir, chère Princesse amie, je retourne à ma table de torture… Voila cinq ans que je ne fais rien pour Votre affectionné

66

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

[ fin mai – début juin 1927]

Chère Princesse,

Hélas, je ne puis pas venir demain, je pars dans un instant pour passer la journée à la campagne avec la famille – ou plutôt les familles – car il faut

5 Des inédits de Poe seront finalement publiés sous le titre « Quelques fragments des Marginalia  » traduits et annotés par Valéry dans Commerce, XIV, hiver 1927, p. 12-41.

6

« Ce maudit discours » est une référence probable à son discours de réception à l’Aca démie française (Œuvres, I, p. 51).

7 Valéry rate donc la représentation de Hypatia à Düsseldorf le 10 juin 1927, évoquée dans la lettre précédente.

Lettre 66.

1

La lettre est cernée d’un liseré noir de deuil, à la suite du décès de sa mère le 18 mai 1927.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE64

combiner bien des choses avant ce mariage qui se fera dans la même cam pagne en juillet 2 .

Quel ennui que vous partiez déjà mercredi ! – Je suis enchaîné jusqu’à samedi prochain par un travail insensé !

Dites à Kassner3 combien je regrette de ne pas le voir !

A Roffredo et à vous j’envoie encore tous mes remerciements di cuore 4 et mes voeux pour Dusseldorf. Revenez bientôt et contents.

Paul Valéry

67

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Vendredi [mi-août 1927]

Chère amie princesse, Je pense à la Baule 2. A la Baule, je pense !

Mais pas tout de suite. Je suis enchaîné ici 3, et crève de fatigue, de rage et d’ennui. J’espère pouvoir bouger en septembre – et si je bouge, bouger vers vous.

2 Le 13 et le 16 juillet 1927 a lieu le mariage de sa fille Agathe avec Paul Rouart (Jarrety, p. 680).

3 L’écrivain autrichien Rudolf Kassner (1873-1959), introduit auprès de la princesse par Hofmannsthal et Rilke, est devenu un grand ami de Marguerite Caetani et un familier de Commerce.

4 « Chaleureux ».

Lettre 67.

1 La lettre est cernée d’un liseré noir de deuil.

2 Marguerite Caetani passe l’été 1927 à la Villa Païta à la Baule les Pins. Valéry rejoint les Bassiano à la Baule au Grand Hôtel des Palmiers le mercredi 21 septembre (Jarrety, p. 689).

3 Valéry est de retour à Paris le 1er août, jusqu’au jeudi 11 août. Il part le soir en train pour quatre jours chez Edmée de la Rochefoucauld à Montmirail, et y fait pendant l’été plusieurs brefs séjours (Jarrety, p. 684).

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 65

Commerce très beau4. Le Fargue, épatant. Quant à M. Mauron 5 – le prix Blumenthal6 ne sera donné qu’en juin prochain.

La lettre est très curieuse7. Ce qu’il donne à la Revue est bien. Pas très neuf, en somme.

Mes jeunes mariés sont revenus8 et vont s’installer dans leur appartement. Toutes mes affectueuses amitiés. Tante cose al Maestro9.

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Mardi [ fin 1927]

Chère Princesse, Quel bel oiseau de feu ! et vêtu de serpent. Vous me donnez un plaisir enfantin – d’autant plus goûté que je suis enfantinement dans ma chambre depuis hier – Un peu de grippe y est enfermée avec moi. Le nez et le cerveau, dialogue socratique ! –

4 Valéry fait référence au cahier XII de l’été 1927 de Commerce, avec Fargue « La Drogue » en tête, p. 7-20 ; Charles Mauron, « Poèmes », p. 55-74.

5 Charles Mauron (1899-1966) qui a donc contribué au cahier XII de Commerce avec ses poèmes, avait également traduit pour la revue un chapitre du roman que Virginia Woolf était en train d’écrire sous le titre « Le Temps passe », Commerce, X, p. 91-133. Critique littéraire s’appuyant sur la psychocritique, il est d’abord plus connu comme traducteur de l’anglais que pour ses poèmes.

6 Florence Blumenthal a créé après la Première Guerre mondiale la « Fondation améri caine pour la pensée et l’art français », dont Valéry est juré, et qui distribue pour deux ans une bourse à des écrivains et des artistes français, d’un montant initial de six mille francs (environ trente cinq mille euros) qui atteint dix mille francs en 1926 (Jarrety, p. 470).

7 Il désigne ainsi la lettre de Mauron pour la fondation Blumenthal.

8 On ne sait pas quand Agathe rentre de voyage de noces après son mariage en juillet 1927 (voir la lettre précédente) mais la lettre date certainement au plus tard de la mi-août. On peut supposer un voyage de quinze jours ou trois semaines.

9 « Tous mes vœux au Maître ».

Lettre 68.

1 La lettre est cernée d’un liseré noir de deuil.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE66
68

Paulhan m’a adressé le texte de la note à publier concerning the New Commerce2. Je crois qu’il vaut mieux ne pas insister sur le changement de politique. C’est une modulation à trouver. J’y pense dès que je pourrai penser.

Mais en attendant mon cerveau est changé en fontaine, mes idées sont des ruisseaux et mes rimes des quintes !

J’espère que vous n’êtes pas sous la neige et que les citrons sont tièdes autour de vous3

Toutes mes amitiés et mes vœux pour votre cher mari et pour les enfants (qui sont plus grands que moi)

A vous mes affectueuses pensées et tous mes remerciements.

2 Une « nouvelle fondation » a été envisagée après le scandale suscité par la publication du conte de Benjamin Péret « La Brebis galante » dans le cahier XIII. Le « texte de la note à publier concerning the New Commerce », rédigé par Paulhan, se trouve dans les lettres de Paulhan à Valéry à l’IMEC : « La première série de Commerce a pris fin en automne MCMXXVII. L’on s’y était proposé de réunir à quelques écrivains justement renommés les représentants des jeunes écoles, et ceux-là mêmes à qui la maladresse pouvait tenir lieu d’authenticité : l’on n’hésitait pas à accueillir les plus extrêmes ou les plus désespérés. / Commerce à l’avenir montrera plus de rigueur ». Cette note n’a finalement jamais été publiée dans Commerce. Il est reproduit dans l’Hommage à Commerce, p. 38, avec une note indiquant qu’il a été trouvé dans les papiers de Valéry, et qu’il est « fort caractéristique à la fois pour l’écrivain et pour la revue ». C’est pourtant à tort qu’il est attribué à Valéry.

Paulhan n’est lui-même pas très convaincu puisqu’il écrit à Valéry : « Madame de Bassiano m’a demandé d’écrire, et de vous soumettre, le brouillon ci-joint (Je ne pense pas qu’il soit bien nécessaire, ni qu’une revue ait jamais tout à fait raison de déclarer qu’elle a eu tort) ».

Aucun d’eux en effet ne veut annoncer publiquement un remaniement de Commerce, qui risquerait d’apparaître comme un aveu de faiblesse et comme une victoire des surréalistes.

3 Marguerite Caetani se trouve alors à Menton.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 67

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Paris, le 2-1-1928

Chère Princesse,

Je ferai de mon mieux. Mais je ne puis promettre plus que ma santé et mon esprit ne m’accordent. Je suis véritablement fatigué, et avec ce peu de forces, il faut tenir tête à bien des choses.

Je vous envoie toutes mes affectueuses pensées, mes amitiés à tous P. Valéry

70

Marguerite Caetani à Paul Valéry

Samedi. [ février 1928]

Cher Ami – J’espère que vous avez bien reçu ma lettre contenant un chèque envoyé il y a 5 à 6 jours. J’ai reçu hier une dépêche de Fréret1 me disant qu’il

Lettre 69.

1 Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Feuillée / Menton / Alpes Maritimes. Cachet de la poste peu lisible. Il s’agit d’une petite carte postale, dont l’en-tête : La Haye, Maestricht, est rayé et « Paris » est ajouté à la place, le 2.1.1928. Au verso figure la même adresse / expéditeur : A.A.M. Stols / etc.

Expéditeur : A.A.M. Stols, Editeur des Analecta ex mss. Pauli Valerii. 16 Pijnboomstraat | 16 Place St. Amour

La Haye | Maestricht

Valéry utilise donc une ancienne carte postale datant d’un séjour en Hollande de décembre 1925, au cours duquel Valéry avait rencontré à Amsterdam l’éditeur Alexandre Stols (Jarrety, p. 625-626). Stols édite des éditions de luxe de Valéry qui alimentent la polé mique au moment où l’écrivain subit une campagne de presse très hostile.

Lettre 70.

1 Fréret est le maître imprimeur chez Levé, dont il est très souvent question dans les lettres.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE68 69

attendait toujours vos épreuves. Cher ami je vous supplie de les lui rendre le plus vite possible et aussi de lui donner le poème anglais de Hardy avec votre traduction 2 .

Fargue m’a promis de donner son Paradis3 cette semaine. J’aurai le Leopardi4 la semaine prochaine mais comme nous le mettrons à la fin cela nous retardera pas. C’est vous cher ami et Fargue qui nous retardent à present.

Tout ceci est si difficile pour moi de combiner à distance que je vous prie de m’aider. Il m’est impossible d’aller à Paris ces jours-ci comme j’espérais le faire et il faut que nous paraissons vers le milieu de Mars –

Est ce que par hasard votre fils aimerait venir occuper cette maison à notre départ (vers le 20 Mars)5 jusqu’au 1er Mai ?

Bien affectueusement, M. de B.

71

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Mercredi [29 février 1928] Chère amie, J’ai bien reçu le petit papier et vous remercie bien vivement. Je m’excuse de ne pas l’avoir fait plus tôt. Mais ma vie est un enfer et je résiste à peine à tout ce qu’il faut que je donne et fasse – !

2

Les épreuves que l’imprimeur attend sont celles de la traduction et annotation de « Quelques fragments des Marginalia » d’Edgar Poe par Valéry, Commerce, XIV, hiver 1927, p. 12-41. Le cahier s’ouvre sur le dernier poème écrit par Thomas Hardy (1840-11 janvier 1928), « Abatage d’un arbre », donné en version anglaise et avec la traduction de Paul Valéry en vis-à-vis, p. 6-9.

3

En effet, le cahier XIV publie enfin la seconde et dernière partie du futur Vulturne, « Esquisses pour un paradis (fin) », p. 183-228.

4 Il s’agit de la contribution de Leopardi, « Pensées », Commerce, XIV, hiver 1927, p. 147-180, traduit et introduit par Ungaretti, dans ce même numéro.

5 Le « 20 » est peu lisible et pourrait également être le « 21 mars ».

Lettre 71.

1

Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Feuillée MentonGaravan / Alpes Maritimes ; cachet de la poste : Paris Place Victor Hugo / 29 FEV 28.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 69

J’ai retouché le Hardy2. (Entre nous ce poème est vraiment quelconque !)

J’ai complété les notes du Poe3 et ajouté qq. hardiesses (!)

De ce pas, je vole chez Levée4 –

– Merci pr. l’offre charmante de la villa 5. Je ne pense pas que mon fils puisse en profiter, car il va, je crois, reprendre la route de Paris.

J’ai pensé à moi-même, et à utiliser la coquille que vs abandonnez. Mais tout calcul fait, je crois que c’est impossible.

Merci cependant et grand merci.

Mille amitiés à Roffredo et à vos grands enfants.

J’ai oublié de vous dire que pendant mon séjour à Bruxelles, il a fallu voir S. M. la reine6. J’ai dû faire téléphoner à la baronne Grenier7 – mais elle n’était pas de service et je ne l’ai pas vue.

Bien fidèlement et affectueusement à vous, P. Valéry

2 Valéry évoque le cahier XIV de Commerce, cahier que Marguerite Caetani voulait « superlatif » après la crise de « La Brebis galante », pour lequel il a donné plusieurs contri butions. Il traduit à la demande de la princesse le dernier poème écrit par Thomas Hardy. Voir la lettre précédente.

3 Edgar Poe, « Quelques fragments des Marginalia  », traduits et annotés par Paul Valéry, Commerce, XIV, hiver 1927, p. 12-41.

4 Valéry joue sur le nom de l’imprimeur Levé.

5 Voir la proposition de la lettre précédente.

6 Le 17 février 1928, à Bruxelles, Valéry est reçu par la reine Elisabeth à Laeken (Jarrety, p. 709).

7 La baronne Grenier est Giovanella Caetani Grenier (1875-1971), sœur de Roffredo et épouse du baron Béric Grenier (1865-1920), diplomate belge.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE70

Marguerite Caetani à Paul Valéry1

Bien cher ami J’espère que vous avez de meilleures nouvelles de votre fils2. J’attends toujours le petit mot pour Chauvet3. Je passerai vous voir un instant samedi 1015 peutêtre me la donnerez vous à ce moment là – ainsi que le Poe ! Au lieu de donner le « Paradis » de 40 pages Fargue a donné un poème intitulé Prose de 8 pages4. Vous verrez que j’ai bien besoin de Poe !

Bien affectueusement

Lettre 72.

1

La lettre se trouve à la BLJD sous la cote VRY MS 14262.

2

Dans ses agendas, Mme Valéry évoque la venue du Docteur Robert Debré le 27 février, ce qui veut dire que leur fils François est malade. La lettre date certainement du 8 mars, et on peut supposer que la princesse, qui énonçait dans sa lettre précédente avoir renoncé à son projet de faire un aller-retour à Paris malgré la difficulté d’organiser la publication de Commerce à distance, a finalement décidé de passer quelques jours à Versailles, avant de quitter définitivement Menton le 20 ou le 21 mars. Valéry part le samedi 17 mars pour Lyon ce qui confirme que la princesse lui donne rendez-vous le samedi 10 mars.

3 Le docteur Stephen Chauvet (1885-1950), grand collectionneur d’art traditionnel africain et océanien, est le médecin de famille des Bassiano, que la princesse recommande à plusieurs reprises dans ses lettres. Paulhan met de côté pour elle des articles qu’il a écrits. La princesse propose ainsi aussi bien à Larbaud qu’à Eliot d’aller le consulter au 35, rue de Grenelle.

4 Fargue a promis le « Paradis » depuis fort longtemps. Le «  poème intitulé Prose de 8 pages » ne correspond à aucune publication de Commerce concordant avec les dates, et c’est finalement bel et bien la seconde partie du « Paradis » qui figure dans le cahier XIV.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 71 72

73

Marguerite Caetani à Paul Valéry1

Samedi [10 mars 1928]

Cher ami

Je suis un peu enrhumée et je crois plus prudent de ne pas sortir ce matin. Roffredo est au lit très enrhumé ! –

Je vous prie de dire au chauffeur si je peux venir prendre le Poe Lundi matin à la même heure 2. Dites lui aussi je vous prie comment va votre fils3. Mille affectueuses pensées

M. di B

74

Paul Valéry à Marguerite Caetani

[ fin mars 1928]

Chère amie princesse,

Le Poe est assez avancé. A peine la machine à café sera arrivée, il ira à grande vitesse1. Mais je voudrais bien l’augmenter sur épreuves – La vue de la traduction imprimée excitera les notes à se compléter. Donc, puis-je faire composer par Levée2 ce qui est déjà fait, et lui dire qu’il s’attende à composer ensuite les versos des pages (car je place au recto le texte de Poe ?) Et pourriez

Lettre 73.

1 La lettre se trouve à la BLJD sous la cote VRY MS 14263.

2 Marguerite Caetani attend encore « Quelques fragments des Marginalia  » de Poe.

3 Voir les lettres précédentes.

Lettre 74.

1 Valéry s’installe à « La Polynésie » de Giens chez la comtesse de Béhague à partir du 23 mars, pour plusieurs semaines. Il évoque toujours la traduction et l’annotation de « Quelques fragments des Marginalia  » de Poe. Le cahier de l’hiver 1927 de Commerce est donc sorti avec un très grand retard, sans doute en avril seulement.

2 On voit que Valéry décline indifféremment plusieurs orthographes pour l’imprimeur Levé.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE72

vous lui dire de faire ce que je lui demanderai ? Aussitôt que j’aurai votre réponse, je les mettrai en train.

Merci de votre bonne lettre – si amicale. je suis toujours bien fatigué, surmené, préoccupé3. Mes 2 garçons sont toujours en état ennuyeux. Si Chauvet est dans le Midi, pourrait il au pas sage voir mon fils à Agay, à l’Hôtel les Roches Rouges 4 ? Affectueusement à vous Votre ami éreinté

P. Valéry

75

Marguerite Caetani à Paul Valéry

Villa Païta

La Baule-les-Pins (Loire-Inf.re) le 25 Août [1928]

Cher Ami, Voici pour la 5ème année de Commerce avec gratitude et espoir. Si vous voyez Claudel1 pourrez-vous dire un mot pour « Commerce » ? Ne viendrez vous pas nous voir vers le 5. Sept. quand Roffredo revient de Rome ? J’espère que vous avez aimé « Colline » de Giono2. Mille choses affectueuses

Marguerite di B.

3 L’hiver a été particulièrement difficile avec la rupture définitive avec Catherine Pozzi et la vaste campagne de presse menée contre lui.

4 Sa femme est en vacances depuis la fin du mois de mars à côté d’Agay, à Mas-CampLong, avec ses fils François et Claude qui sont tous deux souffrants ; Valéry les y retrouve le 13 avril 1928 (Jarrety, p. 715).

Lettre 75.

1 Paul Claudel, fâché par la publication du conte de Benjamin Péret, ne donne rien à Commerce avant le cahier XIX du printemps 1929 (« Conversations dans le Loir-et-Cher »).

2 Jean Giono (1895-1970), « Colline », cahier XVI, été 1928, p. 121-210. La publication de ce jeune écrivain encore méconnu eut un grand retentissement et impressionna favora blement les critiques.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 73

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

[10 mars 1929] Giens – Var2

Merci, chère amie, – merci. Je suis ici jusque vers la fin du mois – et j’en avais besoin !

Devotissimo suo3,

Chère amie,

P. Valéry

77

Paul Valéry à Marguerite Caetani

[1929, avant l’été ?]1

J’espère que votre rhume sera peu de chose. J’ai été dimanche à Versailles2 – non, c’était lundi ! – et sur le point d’aller vous faire visite, mais le temps a fait défaut.

J’ai demandé à Brémond 3 un texte. Il me l’a promis vaguement. Il faudra revenir à la charge. Quant à moi, je pourrais bien vous donner un paquet de

Lettre 76.

1 Carte postale adressée à Princesse de Bassiano / Villa Caldana / Cannes / Alpes Maritimes ; cachet de la poste 10-3-29 Hyères – Var. Légende : SITES DE PROVENCE / 17. – Littoral de Marseille / MARTIGUES. – Le Quai Brescon.

2 Valéry est alors à Giens chez la comtesse de Béhague.

3 « Votre très dévoué ».

Lettre 77.

1 La lettre est difficile à dater précisément. Elle peut avoir été écrite avant l’été 1929 ou avant l’été 1930.

2 Il s’est peut-être rendu chez Charles Du Bos qui habitait au 11 bis rue des Réservoirs à Versailles.

3 Valéry ajoute un accent au nom d’Henri Bremond. Cet homme d’église est aussi écrivain et Académicien. Il a ouvert un débat sur la « poésie pure », et ses Entretiens avec Paul Valéry

CORRESPONDANCE FRANÇAISE74 76

notes4 – dans 8 jours – le temps de choisir – mais je préfère de beaucoup les donner pour le numéro de Juin. J’attends les copies d’un nouveau cahier et mon choix sera plus facile.

Je subis toujours mon traitement5 qui semble agir. Il n’est pas drôle à subir, mais j’espère qu’il améliorera cette mauvaise gorge nerveuse – et fumeuse !

Toute mon affectueuse amitié et mes vœux contre le rhume !

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

[ juillet 1930 ?]

Chère amie, Je rentre de Genève 2 et je vais repartir pour qq. jours. J’ai un immense besoin de repos !

sont publiés en 1926, précédés d’une préface d’Henri Bremond (1865-1933). Bremond n’a en définitive jamais été publié dans Commerce.

4 Il pourrait s’agir de « Littérature », Commerce, XX, été 1929, p. 15-65, ou de « Moralités », Commerce, XXIV, été 1930, p. 7-66.

5 Luc Durtain (1881-1959), de son vrai nom André Nepveu, est un poète proche d’Adrienne Monnier, de Jules Romains et du Groupe de l’Abbaye, mais aussi un médecin qui soigne ses amis écrivains parmi lesquels Valéry à la gorge irritée « par des pointes de feu » (Jarrety, p. 503).

Lettre 78.

1 En-tête imprimé : Société des Nations / League of Nations.

2 Valéry s’est rendu tous les ans à Genève en juillet depuis 1926 (sauf en 1927). C’est la mention de la mise en vente des Fragments en octobre ou novembre chez Adrienne Monnier qui permet de déduire qu’il s’agit sans doute de l’année 1930. La Commission Internationale de Coopération Intellectuelle, fondée en 1922 dans le cadre de la Société des Nations, donne naissance à des commissions nationales : Valéry va faire partie du Comité National Français de Coopération Intellectuelle, dont la véritable fondation a lieu le 30 septembre 1924 (Jarrety, p. 591-592), ce qui explique l’en-tête imprimé de la lettre. Valéry fait également partie de la sous-commission consacrée aux Lettres et Arts (Jarrety, p. 611). Il s’intéresse particulièrement aux questions de traduction. Un Institut de Coopération intellectuelle sié geant à Paris est également inauguré en janvier 1926 et dirigé par Julien Luchaire. En juillet 1930, il est un temps question que Valéry dirige l’Institut après la démission de Luchaire mais cela n’aboutit pas (Jarrety, p. 760-761).

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 75
78

Excusez-moi de ne pas vs avoir remerciée de votre envoi. J’espère que vous ne voyez pas d’inconvénients à ce que je fasse faire par Levée un tirage à part de mes Fragments, que je compte mettre en vente chez Adrienne Monnier vers octobre ou novembre3 ?

Si vous le permettez, ayez l’obligeance de m’écrire un mot.

Je vous envoie toutes mes amitiés et vous souhaite une belle saison. Ma che caldo 4 !

79

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

[1929 à 1931]

Chère princesse,

Je vous attendais – ! Désolé de ne pas vous voir !

Amphion 2 n’est pas encore pour Commerce. (Justement Honegger m’a écrit hier à ce sujet – Je vous expliquerai)

3 Les « Fragments » désignent sans doute la contribution de Commerce, « Littérature », XX, été 1929, p. 15-65, ensuite publié chez Adrienne Monnier (Les Amis des Livres) en 1929 (achevé d’imprimer le 10 septembre), puis chez Gallimard en 1930, repris in Tel Quel (voir Œuvres, II, note p. 1422). Une autre contribution tirée des cahiers de l’écrivain, publiée dans Commerce puis reprise par Adrienne Monnier est « Moralités », Commerce, XXIV, été 1930, p. 7-66, puis repris chez A. Monnier, avec frontispice et ornement de Marie Monnier, en mai 1931, et chez Gallimard en mars 1932 (Œuvres, II, note p. 1421).

4 « Mais quelle chaleur ! »

Lettre 79.

1

Enveloppe comportant seulement « Madame la Princesse de Bassiano » (d’une écri ture qui montre que la lettre a été écrite très rapidement).

2 Le projet remonte à juin 1928. Il aboutit à « Amphion », dont la première a lieu à l’Opéra de Paris le 23 juin 1931 sur une musique d’Arthur Honegger et interprété par Ida Rubinstein. Il n’y aura que deux représentations et les critiques sont presque toutes négatives, particulièrement envers le jeu d’Ida Rubinstein. Le texte de Valéry paraît dans Commerce (« Amphion », Commerce, XXVII, printemps 1931, p. 6-50). Le texte abrégé par endroits est également publié en recueil chez Rouart Lerolle et C° en 1931, sous le titre Amphion –

CORRESPONDANCE FRANÇAISE76

Mais je vais tâcher de vous trouver des notes – pour ce numéro3. Je viendrai vous demander à déjeuner la semaine prochaine. Amitiés bien affectueuses

P. Valéry

80

Marguerite Caetani à Paul Valéry1 [1931 ?]

Tachez venir ici immédiatement Kassner2 et nous serions si ravis, Marguerite Raffredo

Mélodrame – Musique d’Arthur Honegger – Livret de Théâtre (Œuvres, I, p. 1707). Une lettre de Honegger à Valéry du 25 juin 1929 apprend qu’il veut lui montrer la partition à peu près terminée.

3 Valéry propose de façon récurrente de « trouver des notes » puisées dans ses Cahiers pour Commerce

Lettre 80.

1 Télégramme envoyé de Rome à pau L va Léry / 40, rue de vi LLejuSt / pariS. Il est classé dans les Archives Caetani avec une enveloppe comportant comme cachet 20 - 3 / 1931, pariS p L. viCtor hugo, mais ils ne vont pas forcément ensemble.

2 Rudolf Kassner est à Rome à la Villa Caetani du 9 mars 1931 à la fin du mois. Voir Bohnenkamp/Levie, note 4 p. 230.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 77

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Chère Princesse et chère amie, Voici le pli pour Contù 2. Et mille fois merci de vous en charger.

Je suis désolé de ne pas vous voir avant votre départ. Mais je suis si occu pé ! – et si ennuyé.

Mon fils aîné a été si souffrant cette nuit que sa femme nous a appelés à une heure du matin et nous avons couru chez lui. J’en viens et j’y retourne. Il est mieux après cette nuit si mauvaise.

Et j’étais au travail ce matin à 6 heures !

Je suis éreinté. C’est là ce qu’on appelle vivre. Il faut fabriquer fiévreuse ment un Goethe quelconque pour Samedi 3 !

Voilà. Je vous charge de mille choses pour Roffredo et pour vos enfants. Tout affectueusement à vous.

Lettre 81.

1 En-tête imprimé : hoteL Continenta L / pariS / faCe aux tui LerieS

2 Il pourrait s’agir de Rafaele Contu dont la traduction en italien d’Eupalinos ou l’Archi tecte avec un commentaire de Giuseppe Ungaretti est publiée en 1932.

3 Valéry ne participe finalement pas au numéro d’hommage à Goethe de La NRF du 1er mars 1932, mais il a accepté d’être le vice-président du Comité d’organisation du centenaire de la mort de l’écrivain que préside Paul Painlevé. Il prononce le samedi 30 avril 1932 un discours commémoratif dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne (Jarrety, p. 813).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE78 81

Marguerite Caetani à Paul Valéry1

Dimanche [octobre ? 1936 ]

Cher Ami,

Je regrette tant de ne pas vous voir avant votre départ 2 mais j’espère ça sera pour aussitôt votre retour. Roffredo y sera à ce moment-là si vous ne restez pas trop longtemps.

Voici le nom de notre cousine qui habite près de Cracovie et faites la savoir le plus tôt possible si vous y allez

Komarno est le nom de la propriété. C’est une si charmante personne qui serait si ravie de vous voir et vous être utile si possible.

Bien affectueusement,

Lettre 82.

1

En-tête imprimé : 4 Rue du Cirque, VIIIe. Marguerite Caetani, après la vente de la « Villa Romaine » de Versailles et son installation à Rome, aménage un appartement rue du Cirque jusqu’en 1957, ce qui lui permet de faire encore de fréquents séjours parisiens.

2 Valéry est en Pologne du 28 octobre au 3 novembre 1936. Il se rend à Varsovie puis à Cracovie (Jarrety, p. 973).

3 Karolina ou Karla Lanckoronska (1898-2002) a étudié l’histoire de l’art et devient la première femme en Pologne à être Professeur d’histoire de l’art en 1935. Pendant l’Occupa tion allemande, après un séjour en prison à Berlin, elle est envoyée dans le camp de concen tration de Ravensbrück et en est libérée un mois avant la fin de la guerre. Voir Bohnenkamp/ Levie, note 10 p. 241. Valéry déjeune avec elle à Cracovie le lundi 2 novembre 1936.

4 Le mot est peu lisible. Karla Lanckoronska est diplômée de l’Université de Lemberg (Lwów).

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 79 82

Marguerite Caetani à Paul Valéry1

Rome le 2 Février [1941]

Cher, cher ami. Je sais bien que vous aurez de la peine quand vous saurez que Camillo que vous avez connu bébé sur la plage de Benerville a été tué au front en Albanie le 15 Décembre 2. Je n’ai que du désespoir et de l’amertume dans mon pauvre cœur et je sais que vous comprenez. Roffredo et Lelia3 sont pathétiques à voir. Si ce n’était pas pour Lelia quelle raison aurais je à vivre –J’ai pensé si, si souvent à vous et j’ai tant désiré vos nouvelles – personne ne pouvait m’en donner que de vagues – ce qui ne me satisfaisait nullement. Je vous prie de m’écrire et de me dire tout de vous et de votre famille. Peutêtre verrez-vous Sabine Ch. R.4 ces jours-ci à Paris je l’espère. J’espère y aller avec Lelia au Printemps pour bien des raisons et pas la moindre certes de vous revoir et quelques chers amis. Ecrivez-moi vite. Je sais que ma lettre mettra envi ron 3 semaines et la votre à moi une semaine – ne me demandez pas pourquoi –Peutêtre le savez vous. Je me réplonge dans vos œuvres à présent – tout ce que j’ai ici.

Oh combien j’aimerais pouvoir causer avec vous ou du moins vous écou ter – longuement – combien j’en ai besoin. J’espère que ce n’est pas vrai – le bruit qui courait ici de la mort de Gide ?

Je vous envoie ma bien tendre et fidèle amitié et j’attends avec impatience vos nouvelles

Marguerite di B. Lettre 83.

1 La lettre est cernée d’un liseré noir de deuil.

2 Camillo, né en 1916, a été tué le 15 décembre 1940 sur le front albanais. Il faisait partie des officiers italiens envoyés avec leurs troupes pour envahir l’Albanie sans être suffisamment équipés, sacrifiés sans scrupule pour provoquer la guerre avec la Grèce. Helen Barolini s’ap puie sur le témoignage de John T. Whitaker, correspondant de guerre américain de l’époque, qui raconte que Camillo, son plus cher ami italien, bien qu’il déteste le fascisme, se retrouve à combattre absurdement dans une guerre qui lui est étrangère. Barolini, p. 203.

3 Lelia, née en 1913, épouse Hubert Howard en 1951 et meurt en 1977 sans avoir eu d’enfant. Helen Barolini, ibid., p. 226.

4 Il s’agit probablement de Sabine Charles-Roux, l’épouse de François Charles-Roux, ancien ambassadeur auprès du Saint-Siège, que Valéry avait rencontré pour la première fois en avril 1924 alors qu’il était conseiller au Palais Farnèse.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE80 83

Paul Valéry à Marguerite Caetani1

Paris, le 21 février 1941

Ma pauvre amie, J’ai appris hier par l’amie Beauvau 2 l’immense malheur qui vous a frappée ! J’en suis resté saisi.. Ce matin, arrive votre lettre, quand j’allais vous écrire. Pauvre Camillo3 que vous aviez tant soigné et que j’ai vu, enfant magnifique grandir à la Villa Romaine ! Je pense de tout cœur à vous, à Roffredo et à Lelia. Dites-leur combien je partage leurs sentiments. Quelle époque ! J’ai l’impression que je vis mon cinquième siècle – car j’ai vu cinq fois changer le monde, l’esprit, les mœurs, les perspectives depuis l’âge de 16 ans. – !

Je ne sais pas ce que vont devenir à présent les Lettres et les arts. Je travaille beaucoup. Cet été, j’étais à Dinard avec 6 femmes de ma famille, dont ma fille – enceinte qui a eu un bébé en septembre – et sa petite fille4. – Quand j’ai été rassuré sur le sort de mes fils et de mon gendre que la guerre a épargnés, je me suis mis à écrire pour me remplir les jours et l’esprit d’autres choses que d’événements. J’ai improvisé, chose rare chez moi –. Et il en est sorti deux fragments de pièces – très différentes, mais qui appartiendraient (si cela avait un avenir) – à un ensemble que j’ai modestement appelé le IIIme Faust5 !

Lettre 84.

1

En-tête imprimé : Centre universitaire méditerranéen de Nice.

2 La princesse Mary Grace de Beauvau-Craon (1896-1970), épouse de Charles-Louis (1878-1942), née Gregorini.

3 Voir la lettre précédente sur la mort de Camillo.

4 Valéry est à Dinard avec sa famille du 23 mai au 21 septembre. Il se trouve à Dinard avec Jeannie, la sœur de sa femme Paule Gobillard, sa fille Agathe avec sa fille aînée Martine et enceinte de son deuxième enfant, Madeleine la femme de Claude, ainsi que deux bonnes (Jarrety, p. 1071). Son petit-fils Vincent Rouart naît le 1er octobre. Voir Œuvres, I, p. 65.

5 Cet ensemble a été publié en édition de luxe en 1941 sous le titre Études pour « mon Faust » avec des illustrations de l’auteur interprétés en gravure sur bois par Pierre Bouchet, puis repris sous le titre Ébauches de Mon Faust dans La Table ronde en 1944, et enfin avec le titre définitif « Mon Faust (Ébauches) » chez Gallimard en 1945 et en 1946 pour l’édition courante (Œuvres, II, note p. 1411-1412). Ce qu’écrit Valéry dans son Avis « Au lecteur / de bonne foi et de mauvaise volonté » est très proche de la lettre à Marguerite Caetani : « Or, un certain jour de 1940, je me suis surpris parlant à deux voix et me suis laissé aller à écrire ce qui venait. J’ai donc ébauché très vivement et – je l’avoue – sans plan, sans souci d’actions ni de dimensions, les actes que voici de deux pièces très différentes, si ce sont là des pièces.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 81 84

J’ai un livre de petits morceaux et d’anciens poèmes qui s’imprime chez Gallimard sous le titre très véridique « Mélange »6. Enfin, pour en finir avec moi, je donne mes dernières leçons au Collège de France7. Après quoi, je serai de nouveau sans profession, et sans retraite, à l’âge de 70 ans. Cet avenir m’inquiète beaucoup. Ma littérature ne m’a jamais nourri, et la vie est devenue fort difficile. Mes fils cherchent encore à se faire une situation, toutes leurs prévisions ayant été ruinées par la guerre..

Le tableau est sombre. Jamais l’avenir plus difficile à imaginer..

Voilà, ma chère et pauvre amie, les nouvelles que vous désiriez. Je suis bien touché de voir que vous avez pensé à moi, sous le coup de cet affreux événement et que vous m’avez fait l’amitié de m’en écrire. Croyez que je suis avec vous de tout mon cœur. J’aimerais tant vous voir moi aussi !

Je suis bien affectueusement à vous

Gide va, je crois, très bien. Il est dans le Midi, à Cabris (Var)8 je crois et a publié quelques petites pages de son fameux Journal9, ces temps derniers.

Dans une arrière-pensée, je me trouvais vaguement le dessein d’un IIIe Faust qui pourrait comprendre un nombre indéterminé d’ouvrages plus ou moins faits pour le théâtre […] ». « Mon Faust (Ébauches) » (Œuvres, II, p. 276).

6 Mélange publié chez Gallimard en 1941 (achevé d’imprimer du 7 mai) mêle en effet des textes très disparates, comme le souligne l’« Avis au lecteur » : « Il n’est pas de livre dont le titre soit plus vrai que celui-ci. Le désordre qui “règne” (comme on dit) dans MÉLANGE s’étend à la chronologie. » (Œuvres, I, p. 285, p. 1718).

7 Valéry pourtant a donné des leçons au Collège de France depuis 1937 jusqu’à l’année de sa mort en 1945.

8 Gide « à l’heure allemande » en 1940 s’installe sur la Côte d’Azur et « demeure tantôt à Cabris chez Loup Mayrisch, tantôt à Nice chez Dorothy Bussy, son amoureuse assagie » (Frank Lestringant, André Gide, l’inquiéteur, tome ii, Flammarion, coll. « Grandes biogra phies », 2012, p. 931).

9 Gide publie des « Feuillets » dans La NRF du 1er décembre 1940 et du 1er février 1940. André Gide, qui a toujours accordé une grande importance à son journal et à sa publication, publie en 1939 son Journal 1889-1939 dans l’édition de la Pléiade, constituant ainsi « un événement littéraire ». Voir Dictionnaire Gide, Pierre Masson et Jean-Michel Wittmann (dir.), « Journal », Martine Sagaert, Classiques Garnier, 2011, p. 210. Son journal devient un best-seller : « Après 1925 […] Gide voue systématiquement son Journal à la publication, mettant au point une véritable stratégie éditoriale : publication en revue d’abord, en volume ensuite, choix de Pages d’abord, texte présenté par blocs temporels plus larges ensuite. », ibid

CORRESPONDANCE FRANÇAISE82

Marguerite Caetani à Paul Valéry

21 Avril [1941]

Bien cher Ami. Vous ne vous doutez pas de la joie que j’ai eue quand j’ai recon nu votre écriture.

Il y a si longtemps que je souhaite vos nouvelles et puis votre lettre était si si bonne et chic1 et affectueuse et m’a apporté un si grand réconfort. Oh oui notre douleur est extrême et semble augmenter avec chaque jour qui passe. J’essaie me consoler un peu en pensant combien sa courte vie a été heureuse surtout ces dernières années. L’année passée en Amérique et le grand voyage qu’il a fait là-bas et aussi depuis2. Je pense et j’avais sa confiance qu’il a été vraiment heureux.

Roffredo et Lelia sont si pathétique et il faut avoir du courage pour eux. Oh si seulement vous pouviez être ici avec nous pour un peu quelle consolation ça serait. Quand vous verrai-je ? Tenez-moi au courant de vos projets je vous en prie. Je suis inquiète au sujet de Paulhan et Groeth 3. J’ai écrit si souvent sans réponse. Que devient P. ? A présent ce que vous me dites de vous m’at triste beaucoup. J’espère être de quelque utilité un jour. J’aimerais tant avoir vos derniers œuvres ! – Ça serait une vraie joie. Je suis heureuse que votre famille va bien et je suis profondément touchée de la sympathie que m’envoie

Lettre 85.

1 Le mot est peu lisible.

2 Camillo était à Harvard pour un an juste avant le début de la Seconde Guerre mon diale, et a beaucoup apprécié sa vie aux États-Unis, à visiter les Chapin à New York et les Biddle à Philadelphie. C’est peut-être pour éviter le scandale d’un enfant non reconnu qu’il aurait eu avec une femme du monde de Boston qu’il a été rappelé en Italie par sa famille pour faire son service militaire à la fin de l’année 1939. Voir Barolini, p. 201.

3 Les scellés posés sur l’immeuble de la NRF par les Allemands le 9 novembre 1940 avaient été levés au début du mois de décembre. Jean Paulhan, qui avait refusé d’aider Drieu la Rochelle à diriger La NRF après la levée des scellés, sera arrêté début mai 1941 pendant quinze jours à Fresnes et libéré grâce à l’intervention de Drieu. Bernard Groethuysen (18801946), grand passeur érudit qui a obtenu la nationalité française en 1937 et a été radié de l’Université allemande en 1938, parvient à rester à Paris pendant l’Occupation allemande. Il meurt en 1946 d’un cancer du poumon.

MARGUERITE CAETANI ET PAUL VALÉRY 83 85

votre femme et votre François. Dites-le leur je vous prie – Ecrivez moi cher, cher ami !

Serez vous dans le Midi ou ne bougez-vous pas du tout ? Je pourrais vous dire tant de choses ! – Nous sommes beaucoup à la campagne et heureusement Lélia et Roffredo travaillent beaucoup. Grâce à Dieu ils ont cela tous les deux ! Mon amitié tendre et fidèle et reconnaissante,

Marguerite

La lettre de Paris [la dernière ligne est illisible] 86

Marguerite Caetani à Paul Valéry1

12 avril [1945]

Très cher Ami. Je suis si heureuse de cette occasion pour vous envoyer ma tendre et fidèle amitié après ces années tragiques de séparation et de silence. J’ai tant pensé à vous et aux votres. J’ai été si inquiète pour vous et malgré que j’ai eu souvent des nouvelles indirectes j’aimerais tant avoir des nouvelles directes –Ce mot sert comme présentation de notre nouvel ambassadeur S. E. Joseph Saragat2 qui désire plus que toute chose vous connaître et c’est une honneur pour moi pouvoir le rendre ce service sachant que vous me serez aussi reconnaissant.

Ecrivez-moi vite je vous prie et racontez-moi le plus possible de vous, de votre vie, de votre travaille. Combien j’aimerais vous voir et que de choses aurions nous à nous dire. De nous je vous parlerai la prochaine fois. A pré sent nous allons bien et on essaie de réparer au plus gros des dommages.

Roffredo et Lelia se joignent à moi pour vous envoyer à vous et aux vôtres tous nos plus affectueux souvenirs.

Marguerite Caetani 3

Lettre 86.

1 En-tête imprimé : paLazzo Caetani / 32 via botteghe oSCure / teLef. 51-033 / roma (18).

2 S.E. Joseph Saragat (1898-1988) est ambassadeur à Paris en 1945-46, puis président de l’Assemblée constituante italienne, et sera président de la République italienne de 1964 à 1971.

3 C’est la dernière lettre conservée de cette correspondance. Valéry meurt peu après, le 20 juillet 1945.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE84
1. Marguerite Caetani dans le studio de Mateo Hernández, Paris, 1936.

2. Paul Valéry à Marguerite Caetani, 16 septembre 1921 (Lettre 4).

3. Aquarelle de Paul Valéry pour Hypatia, l’opéra de Roffredo Caetani (1926).

4. Valery Larbaud à Marguerite Caetani, 29 septembre 1926 (Lettre 218).

5. Paul Valéry à Marguerite Caetani, 22 ou 29 août 1924 (Lettre 37).

6. Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani, 7 janvier 1928 (Lettre 145).

7. Valery Larbaud à Marguerite Caetani, 16 mars 1924 (Lettre 167).

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE CORRESPONDANCE (1922-1931)

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017

ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

II

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

Mercredi [1922 ? début 1923 ?]2

Cher Ami – Quelle mère délicieuse vous avez et j’ai adopté Julienne3. Je la Lettre 87.

1 En-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 La date est incertaine mais le contenu indique que Marguerite Caetani vient de faire la connaissance de la mère du poète. On ne sait pas exactement quand Fargue et la prin cesse se sont rencontrés, sans doute fin 1921 ou début 1922. La première lettre de Larbaud à Marguerite Caetani date du 27 décembre 1921, celle de Valéry à la princesse de juin 1921. Fargue, qui fréquentait les mêmes cercles que les deux futurs co-directeurs, a probablement rencontré la princesse à peu près au même moment qu’eux. Jean-Paul Goujon indique « au printemps 1923, et probablement par l’entremise de Saint-John Perse » (Goujon, p. 201), mais c’est en réalité Fargue qui présente Alexis Leger à la princesse (voir Rabaté, Première partie. La fondation, chap. « Le “patronage” relatif de Saint-John Perse », p. 35-40). Le pianiste Ricardo Viñes écrit à Marguerite Caetani le 26 décembre 1922 en évoquant « l’adorable Tancrède qui est non seulement “si beau, si beau” mais tout autant : si bon, si bon ! » et le futur trio rédactionnel de Commerce : « Et puis, vos convives – les deux Valérys – l’aiment tant + sont si aimés, que ce serait le plus exquis brelan que vous puissiez voir qu’eux et lui autour de vous réunis. » (Archives Caetani). C’est donc au tournant de 1922-1923 que Fargue fut souvent invité et devint un intime de la famille Caetani.

3 Fargue habita toute sa vie avec sa mère jusqu’à la mort de cette dernière. Julienne Jalaly était domestique chez les Fargue et le poète lui était très attaché. Fargue lui consacre notam ment un poème publié dans Ludions (« Air de Julienne », Poésies, Gallimard, 1963, p. 62).

On trouve une autre référence dans la prose poétique « Mirages », premier texte de Fargue dans Commerce sous le titre « Épaisseurs » dans lequel la référence à ses parents et sa mère est très importante (« Ma mère et Julienne sont sorties », Commerce, I, été 1924, p. 184). Fargue évoque souvent Julienne, par exemple dans « Les potassons » (Poésies, p. 302-303).

Goujon note pour la première moitié de l’année 1923 que « le sérieux et l’attention extrêmes que Fargue portait chaque jour à ses “visonins” finirent par avoir raison de la vieille servante Julienne Ja[la]ly, qui, plutôt que de rester auprès de Mme Fargue mère, préféra regagner Argenton-sur-Creuse, laissant le poète plus désemparé que jamais. » (Goujon, p. 200-201).

En réalité, point n’est besoin de convoquer la légende farguienne des « visonins » ou gestes rituels destinés à exorciser les menaces invisibles : Julienne Jalaly décida de se marier au printemps 1923, début juin, dans son village natal de Chaillac, le même que Madame Fargue, et devint Madame Baridat. La lettre est donc écrite avant la fin du mois de mai 1923.

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017

ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

87

trouve vraiment un être exquis et respirant la bonté et la gentillesse. Ceci est pour vos aquarelles qui sont vraiment ravissantes4.

Bien affectueusement

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

M. di B.

[2 mai 1923]

Comptons sur vous et Ravel 2 pour dimanche Fabre3 viendrait vous prendre à midi priere nous rassurer mille amitiés Marguerite Bassiano

4 Marguerite Caetani s’intéresse beaucoup à la peinture ; ses échanges avec les direc teurs ne portent pas que sur la littérature mais souvent également sur des tableaux. Fargue a toujours peint et dessiné, des croquis, des lithographies, paysages… Il a sans doute vendu quelques « Marines » à la Princesse. On en trouve trace dans le catalogue Hommage à Commerce, qui indique parmi les documents exposés lors de l’exposition organisée à Rome en 1958 dans la section consacrée à Fargue des « Marines. aquarelles (Coll. de la Duchesse de Sermoneta) » (p. 28).

Lettre 88.

1 Télégramme envoyé de Paris et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Fargue, passionné de musique, a rencontré Maurice Ravel (1875-1937) en 1903, et leur amitié durera jusqu’à la mort du célèbre compositeur. Voir Claude Coste, « Maurice Ravel par Léon-Paul Fargue, “l’ardente destinée” », Ludions, n° 8, p. 203-208.

3 Voir la lettre 8. C’est Lucien Fabre et non Fargue qui adresse à Marguerite Caetani le petit poème le 29 octobre qu’il signe « L.F. », attribué à tort à Fargue : « Tandis que votre mari / Lit / La missive que je lui / Fis / Que penseriez vous, Princesse / Qu’est-ce / Que vous croiriez si je ne / Me / Donnais la joie d’adresser / Ces / Misérables petits vers / Vers / Vous, charmante, fine et claire, / Chère / A tous ceux dont les goûts sont / Bons ? »

CORRESPONDANCE FRANÇAISE88
88

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[30 mai 1923]

Voulez vous diner avec nous samedi chez Ciro2 a 8 h vous écris aujourd’hui amitiés Marguerite Bassiano

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

[août 1923] Villa Mon Rêve1

Cher et délicieux Ami.

Je suis encore sous l’impression de votre apparition à la Villa Romaine à 6.30 du matin. Comme c’était gentil à vous de venir ! – Nous avons fait un assai bon voyage, seulement sur la fin il a fait un peu trop chaud. Nous avons déjeuné sur l’herbe ou on venait de couper le foin. Quel meilleur parfum y a-t-il ? et nous sommes arrivés vers 12.30. Un record de vitesse pour nous. Il fait un temps exquis et nous passons toute la journée dans nos costumes de bain. Je pense déjà à arranger votre chambre. L’idée que vous allez venir bientôt me fait infiniment plaisir. Vous êtes si féroce à ce sujet que j’ose à peine vous envoyer ce que je vous dois pour mes coupes2 –

Mes amitiés – Marguerite di Bassiano –

Lettre 89.

1

Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Ciro fait partie d’une chaîne de restaurants chics en Europe, à Paris, Londres ou Monte-Carlo, situé à Paris au rez-de-chaussée de l’hôtel Daunou, rue Daunou.

Lettre 90.

1 La Villa « Mon Rêve » se trouve à Benerville dans le Calvados. La famille y passe souvent l’été.

2

Voir la lettre 96. Fargue a fabriqué des coupes d’éclairage, et en a dessiné certaines. Il a relancé la fabrique familiale après la Première Guerre mondiale, ce qui l’a fait vivre ainsi

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 89 89
90

Bien chère amie

Je sentais qu’il fallait que j’aille à Paris : je suis arrivé dans des tas d’em bêtements qui m’ont forcé à courir de tous les côtés et qui retardent mon retour. Je tâcherai de partir demain (Jeudi) par 4h, arrivée vers 7h30, – dans tous les cas, au plus tard, Vendredi matin par 8h, arrivée vers 11h302.

Je suis triste, je m’ennuie de vous tous, ainsi que de Beary et de Blackie3.

que sa mère, et trois puis deux ouvriers, jusqu’à 1925. Au titre de céramiste, Fargue a été membre du jury du Salon des Arts Décoratifs de Paris en 1925. Ces coupes d’éclairage sont des lustres de style Art Déco en verres translucides colorés, que Fargue a fait dessiner par des artistes comme Jules Chéret ou René Guilleré, ou a repris des cartons de Mucha, de son père… La production a débuté en 1920 et a été assez importante jusqu’en 1924. Le poète en a vendu par l’intermédiaire de ses amis, comme Marguerite Caetani qui lui en achète plusieurs, ou encore Joyce qui l’aide à placer ses coupes en 1925, mais aussi dans des maisons de vente, dans les grands magasins, par l’intermédiaire d’architectes, dans des hôtels, théâtres… Voir par exemple la demande de Louis Jouvet alors régisseur du théâtre du Vieux-Colombier dans l’article de Laurent de Freitas, « Louis Jouvet et le théâtre imaginaire de Léon-Paul Fargue », Ludions, n° 14, 2014, p. 281. Si les années 1924 et 1925 ont surtout consisté à écouler les stocks restants, Fargue s’est aussi occupé de la production et ventes de vitraux et carreaux céra miques, des accords avec de nombreux architectes pour l’installation dans des immeubles en construction des vitraux de cage d’escalier, etc., déployant une activité non négligeable jusqu’à 1924-25 malgré ce qui a pu être dit. C’est la notification, en décembre 1924, de son expro priation certaine et rapide qui a porté un frein définitif à l’énergie « industrielle » du poète.

Lettre 91.

1 La lettre est accompagnée d’une enveloppe adresséee à La princesse de Bassiano / Villa « Mon Rêve » / Benerville par Blonville / Calvados ; cachet de la poste du 29.VIII.23 (et au verso 30-8-23).

Fargue a dû faire deux séjours à Benerville en 1923, de mi-aout à septembre 1923, entre coupé d’un saut à Paris pour ses affaires concernant la fabrique. D’après la correspondance avec Adrienne Monnier et Sylvia Beach, Fargue le 13 août 1923 « est à Deauville », puis à Paris le 17 août, et de nouveau à Benerville chez la princesse le 7 et le 11 septembre 1923 (Voir Rypko Schub, p. 164, et Archives Fargue).

2 Fargue séjourne à Benerville chez les Bassiano en 1923, et en compagnie de Valéry en septembre 1924 (Valéry y séjourne du 12 septembre 1924 et rentre à Paris le lundi 22 septembre ; Fargue l’y rejoint les deux derniers jours).

3 Beary et Blackie sont des chiens, que la princesse et toute la famille affectionnaient.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE90
91
[

Quelle drôle d’existence que la mienne. Bien affectueusement à vous.

Léon-Paul Fargue.

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani1

Samedi soir [15 septembre 1923] (s’il arrive une lettre, voulez-vous me l’envoyer ?)

Bien chère amie, je suis arrivé ce matin à 11h½. Je n’ai rien trouvé de trop immédiatement menaçant à la maison. (Ce n’est que pour Octobre). J’avais bonne envie de vous embrasser tous hier, Lélia dans son petit lit, Camillo dans sa chambre 2, vous et le bon grand prince en bas, dans le couloir… C’est bien dommage qu’il y ait « des lois prohibitives de décorum », comme dit l’autre… Enfin c’est quatre baisers que je vous envoie lâchement, à distance, sans oublier des tapes amicales à Beary, à Blackie3, et à la boîte de croquet.

Fargue

Lettre 92.

1 Carte lettre adressée à Madame / la Princesse de Bassiano / Villa « Mon Rêve » / à Benerville, par Blonville s/mer, Calvados ; cachet de la poste du 15 septembre 1923 (et au verso : 16-9-23).

2 Lelia (1913-1977) et Camillo (1915-1940) sont les enfants du couple.

3 Il s’agit des chiens évoqués dans la lettre précédente.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 91 92

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[1er octobre 1923]

Nous rentrons demain à Versailles téléphonez moi comptons sur vous dimancjhe 2 à déjeuner et emmenez qui vous voudrez affectueuses amitiés Marguerite Bassiano

94

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[13 octobre 1923]

voiture sera chez vous demain onze heures trente vous prie passer prendre Marie Laurencin2 Gilbert Charles3 Ricardo Vines4 et j’espere Larbaud et Leger5 si pos sible Telephonez moi ce soir entre sept et neuf amitiés Marguerite de Bassiano

Lettre 93.

1 Télégramme envoyé de Deauville et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Les fautes de frappe, assez nombreuses, figurent dans les télégrammes d’origine et nous avons choisi de les conserver.

Lettre 94.

1

Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Marie Laurencin (1883-1956), peintre et figure emblématique du Paris des années folles, l’ancienne maîtresse d’Apollinaire, fréquente Fargue jusqu’à sa mort, et donnera un tableau à l’Hommage des Feuilles libres consacré au poète de 1927.

3 Il semble que Gilbert Charles soit un ami d’Eugène Marsan, que Fargue a fréquenté au milieu des années 1920.

4 Le pianiste catalan Ricardo Viñes (1875-1943) rencontra Fargue en 1903 et devint son grand ami. Voir Nina Gubisch-Viñes, « Léon-Paul Fargue et Ricardo Viñes : Portraits croisés », Ludions, n° 8, 2002-2003, p. 181-200. Il est aussi très lié à la princesse, et séjourna par exemple une bonne partie de l’été 1923 avec les Bassiano à Deauville.

5 Première mention du nom d’Alexis Leger, Saint-John Perse en littérature (1887-1975), qui s’attribuera rétrospectivement la paternité de Commerce. Voir aussi le télégramme 97. C’est Fargue qui le présente à la princesse et non Leger qui introduit Fargue aux Bassiano, il n’est pas inutile de le répéter.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE92 93

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[19 octobre 1923]

vous prie passer prendre Marie Laurencin et Germaine Tailleferre 8 bis rue Laurent Pichat 2 affectueuses amities Marguerite di Bassiano

96

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[1923]

Très cher Ami,

Je suis avec les Beauvaus2 et ils ne veulent plus attendre. Je regrette tant de ne pas vous voir. La voiture sera chez vous demain matin à 11.30 et je vous sup plie de partir tout de suite et d’aller prendre Valéry, puis Germaine Tailleferre,

Lettre 95.

1 Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Germaine Tailleferre (1892-1983), musicienne, compositrice, est la seule femme du « Groupe des six » avec Georges Auric, Louis Durey, Arthur Honegger, Darius Milhaud et Francis Poulenc. C’est au 8 bis rue Laurent Pichat que résidait Réjane et qu’elle mourut en 1920. Proust y avait séjourné quelques mois en 1919. L’adresse est donc celle du fils de Réjane, Jacques Porel, lié aux trois futurs directeurs de Commerce

Lettre 96.

1 En-tête imprimé : Hôtel Ritz / Place Vendôme / Paris, avec l’armoirie de l’hôtel à gauche.

2 « Les Beauvaus » désigne Charles-Louis de Beauvau, prince de Beauvau-Craon, et son épouse Mary Grace, qui possédaient le château de Craon en Meurthe-et-Moselle, et vivaient à Paris dans le XVIe arrondissement. Voir la lettre 84.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 93 95

puis Abel Bonnard 3 puis Gide4 – Voici pour mes trois autres coupes5. Vous savez que je les accepte seulement à ces conditions.

Amitiés Marguerite di B.

97

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[10 novembre 1923]

perdu l’adresse de Léger voulez vous le prier de venir ici mardi soir avec vous diner et aller ensuite au concert préférez vous diner à Paris ? J’arrange déjeuner pour mercredi n’invite pas Leger s’il accepte pour mardi affectueu sement Marguerite de Bassiano

3 Abel Bonnard (1883-1968) est un poète, romancier, essayiste et homme politique ; il fut élu à l’Académie française en 1932 puis radié en raison de sa participation au gouverne ment de Vichy.

4 Les deux occurrences où André Gide évoque la Villa Romaine des Bassiano dans son Journal ne concernent pas cette invitation (mai 1921 et septembre 1929). Louise Rypko Schub décrit le rituel de la voiture qui fait le tour des invités : « La princesse envoyait généralement sa voiture chercher Fargue le dimanche vers 11h, et le poète avait la mission de passer chez plusieurs amis, Vinès, Ravel, Emile Fabre [pour Lucien], Marie Laurencin, Valery Larbaud, Alexis Léger, Germaine Tailleferre, Stravinsky, Dunoyer de Segonzac, E. Vuillermoz, C. Chanvin, pour les amener également à Versailles. Ainsi, ayant la responsa bilité d’être le premier sur la liste du chauffeur, Fargue arrivait pour le déjeuner parfois un peu avant le café. » (Rypko Schub, p. 163).

5 Les coupes ont déjà été évoquées dans la lettre 90.

Lettre 97.

1 Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE94

98

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[30 novembre 1923]

vous prie inviter Dieu de Larochelle2 stop a cinq heures chez Winner3 samedi nous arrangerons pour dimanche affectueuses amities Marguerite de Bassiano

99

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani1

[1923 ?] à la Princesse de Bassiano son ami L.-P.F

Non gressus eadem quae fuit ante manet 2 …

L.-P.F.

Lettre 98.

1 Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Le nom de Drieu La Rochelle a été involontairement mais joliment mal orthographié…

3 Winner désigne probablement Winnaretta de Polignac dite Winnie. Voir la lettre 24.

Lettre 99.

1 Il s’agit d’une carte postale, avec un portrait au crayon ou au fusain représentant Fargue, accompagné de la mention « A Léon-Paul Fargue / Paul-Émile Bécat / 1919 ». L’inscription au stylo noir « à la princesse… » est ajoutée de la main de Fargue. Le verso de la carte est presque vierge ; ne figurent que les mentions imprimées «  CARTE POSTALE / Correspondance / Adresse », et au crayon de papier « LEON PAUL FARGUE ». L’envoi de la carte postale date sans doute de 1923 ou 1924 : Paul-Émile Bécat a réalisé un autre portrait de Fargue en 1924, et le poète aurait certainement envoyé le portrait le plus récent, d’autant que son style a nettement changé. 2 Fargue cite la première élégie de Maximiem l’Étrusque, attribuée à Caius Cornelius Gallus : « Non habitus, non ipse color, non gressus euntis, Non species eadem, quæ fuit ante,

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 95

CORRESPONDANCE FRANÇAISE

96

100

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[24 avril 1924]

Comptons sur vous à déjeuner samedi midi trois quart au Ritz avec les Melchior de Polignac Berners et Stravinsky2 amities M. di Bassiano

101

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[7 juin 1924]

Vous prie aller directement chez Valéry prendre Valéry madame Pozzi et Moreau 2 et ensuite passer prendre mademoiselle Coronio 60 avenue du Bois3 amities M. di Bassiano

manet », qu’une « Traduction nouvelle par M. Jules Genouille » de 1836 traduit par « Ce n’est plus le même maintien, la même fraîcheur, la même démarche, ni cet aspect qui plaît dans la jeunesse », et que l’on pourrait traduire en étant plus proche du texte latin par « elle n’est plus là, la démarche qui fut la sienne autrefois ».

Lettre 100.

1

Télégramme envoyé de Paris et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Le marquis Melchior de Polignac (1880-1950), le patron des champagnes Pommery, frère de Charles de Polignac, et neveu de la princesse Winnie, accompagné de son épouse Nina Crosby, veuve Eustis. Berners désigne peut-être l’excentrique britannique Gerald Hugh Tyrwhitt-Wilson (1883-1950), connu sous le nom de Lord Berners. La présence d’Igor Stravinsky (1882-1971) témoigne bien de la richesse des fréquentations de la princesse.

Lettre 101.

1 Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Valéry et sa maîtresse Catherine Pozzi. Voir la lettre 20. Moreau est certainement le peintre et graveur Luc-Albert Moreau (1882-1948), ami de Fargue.

« Mademoiselle Coronio » est la fille de Madame Georges Coronio, née Sevastopulo, décédée en 1924 chez elle au 60, avenue du Bois-de-Boulogne. « Mlle A. Coronio » a tra duit La Maison de l’horreur de Caroline Wells, dans la collection « Le Masque » (Librairie des Champs-Elysées) en 1934, et d’autres textes sont traduits chez Gallimard par « D. Coronio », mais nous ne savons pas s’il s’agit de la même personne.

3

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 97

102

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[11 juin 1924]

Marcel Ray déjeune avec nous demain faites possible de procurer aussi ber gerie 2 déjeunons aux ambassadeurs3 amities M. di Bassiano

103

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani1

Jeudi [août 1924]

[ajout en haut à droite] Avez-vous reçu le manuscrit de Iehl 2 ? L.PF

Chère princesse, J’attendais pour vous écrire de pouvoir vous envoyer le numéro de Com merce, car je n’ai à vous donner de moi-même que des nouvelles du genre

Lettre 102.

1

Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Marcel Ray (1878-1951), le grand ami de Larbaud. « Bergerie » est peut-être l’homme politique Gaston Bergery (1892-1974).

3

Le Café des Ambassadeurs, très chic restaurant de l’Hôtel Crillon situé avenue Gabriel, à l’entrée des Champs-Elysées et à côté de la Place de la Concorde.

Lettre 103.

1 La lettre est conservée à la FSJP.

2 Jules Iehl (1875-1951), sous le nom de Michel Iehl puis Michel Yell sera publié à deux reprises dans Commerce dans le cahier II et le cahier XXII. Le romancier d’origine alsa cienne est une figure importante du groupe d’amis constitués autour de Francis Jourdain. C’est lui qui découvrit Carnetin, et qui introduisit Marguerite Audoux dans le groupe des amis de Philippe. Tout en préparant son droit, il était employé à la gare de l’Est, où il était chargé des colis en souffrance. Il sera juge de paix et finalement Conseiller à la Cour d’appel de Poitiers. Correspondance Valery Larbaud – Léon-Paul Fargue, 1910-1946, édition annotée par Th. Alajouanine, Gallimard, 1971, p. 279 et p. 284. Voir les lettres 104 et 111.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE98

ennuyeux. Mais nous avons des retards qui tiennent à la lenteur générale, et d’abord aux remaniements que j’ai faits à mes textes et que je considérais comme nécessaires. Ces changements, faits à diverses dates, représentent bien en tout quatre jours, et je suis large. Mais un changement, tout le monde sait que ça peut se faire séance tenante et en très peu de temps, surtout quand un imprimeur sait que vous êtes pressés et que vous le lui avez répété sur tous les tons. Or, chaque fois que j’allais à l’imprimerie, le tirage n’était pas com mencé. Dans ces conditions, comment résister à la tentation de « parfaire ». Je ne faisais, moi, mes remaniements que parce que l’imprimeur n’imprimait pas, et chaque fois que je lui en ai communiqué ou envoyé un, je n’ai pas manqué d’ajouter : Faites-le s’il est possible.

S’il m’avait répondu : trop tard, nous marchons, j’aurais dit : bien, et j’y aurais renoncé. Ce n’est d’ailleurs pas moi qui ai donné le bon à tirer. Je crois que ce sont d’excellentes gens, mais qui n’ont peut-être pas l’organisation qu’il faut pour aller vite. Quoi qu’il en soit, si j’avais cru ce qu’on m’a dit de leur réputation, jamais nous ne serions allés chez eux, c’est pourquoi, j’avais pensé à Lahure ou Renouard 3 à qui, à tout hasard, j’avais fait faire un devis. Un de mes amis, qui est à la Revue hebdomadaire4, me dit : nous donnons le bon à tirer le lundi, et en six jours, la revue est sous bande, prête à être expédiée. (Et leur revue a plus de texte que la nôtre.) Il en est de même pour la revue universelle, Massis l’a en sept jours à partir du bon à tirer5.

Dernièrement, le chef de fabrication, qui est très sympathique d’ailleurs, me dit : cette fois, nous roulons, et le brochage en cinq jours. C’est là-dessus que je vous ai télégraphié, comptant que nous arriverions à peu près à la date, heureux de vous donner enfin une nouvelle. Je m’étais trop hâté. J’y vais il y a quelques jours, je trouve un directeur désolé : « Mon contremaître, dit-il, me dit qu’il lui faut régler des affaires de famille, qu’il vient d’être nommé tuteur de je ne sais qui, etc. ça va encore nous retarder encore. » Et il me donne le 25 !

Avec ça je vis dans des embêtements de plus bas étage, et dont le moins qu’on en puisse dire est qu’ils sont ignobles. Mais je ne me frappe pas, j’ai « une santé », et si la Revue avait paru, ça me consolerait. Je dois dire (et ceci n’est pas dit pour une justification.) que, de l’avis de tout le monde et

3 Lahure et Renouard sont deux imprimeurs. Alexis Lahure (1849-1929) a repris après 1879 l’imprimerie fondée par son père Charles Lahure au 9 rue de Fleurus dans le VIe arron dissement. Philippe Renouard (1862-1934) est un libraire et bibliographe français. L’imprimerie Renouard se trouve au 19 rue des Saints-Pères dans le VIe arrondissement également.

4 La Revue hebdomadaire est une revue littéraire fondée en 1892 qui a été publiée jusqu’en 1939.

5 Henri Massis (1886-1970) a fondé avec Jacques Bainville La Revue universelle (1920-1944).

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 99

de l’imprimeur lui-même, du moment que nous ne pouvions pas paraître fin juillet, il vaut infiniment mieux que nous paraissions maintenant que, par exemple le 5 ou le 10 août. Il y a un arrêt, une transition dans le va et vient des vacances et beaucoup de gens rentrent à Paris.

Je viens d’aller rue de l’Odéon pour porter votre télégramme à Adrienne Monnier, je ne l’ai pas trouvée à sa boutique et voilà trois jours que je ne la vois plus. Nous sommes d’ailleurs un peu en bisbille pour des raisons qui n’ont rien à voir avec Commerce 6 Acceptez mes excuses et l’assurance de mon affection dévouée. Fargue

104

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

Jeudi. [14 août 1924]

Très cher Ami.

Je vous ai envoyé une dépêche désagréable ce matin et déjà je le regrette. Je ne m’explique pas ce retard dans l’apparition de Commerce mais cela doit être pour une raison que je n’imagine pas et qui est en dehors de votre volonté. J’ai déjà reçu les copies de Fabre 2 et de Yell 3 et je les enverrai sous peu à Mademoiselle Monnier. Nous aurons surement les contributions de

6 Fargue comme Adrienne Monnier sont connus pour les brouilles et fâcheries multiples avec leur entourage. Si Fargue répand des rumeurs de jalousie un peu absurdes (Adrienne serait envieuse de la relation du poète avec sa sœur Marie Bécat), il est certain que l’aventure de Commerce a contribué à mettre de la distance entre eux. La fatigue d’Adrienne à la suite des dictées tardives et des multiples corrections de Fargue pendant l’été est d’ailleurs la première raison qu’elle invoque pour se retirer de la gestion de Commerce.

Lettre 104.

1 En-tête imprimé : « Mon Rêve » / Benerville par Blonville / (Calvados).

2 La collaboration de Lucien Fabre a été sérieusement envisagée (il est même annoncé dans La NRF ), mais il n’est finalement jamais publié dans Commerce. Voir la lettre 8.

3 Le deuxième cahier de Commerce daté de l’automne 1924 publie « Willerholz, Féérie dramatique en trois tableaux (Premier tableau) », p. 127-159, signé Michel Iehl (sa deuxième contribution dans le cahier XXII de l’hiver 1929 le sera sous le nom Michel Yell). Voir la lettre suivante.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE100

Larbaud et Paulhan pour le 1er Sept4. Pour notre second numéro il vraiment 5 essayer d’être d’une exactitude extraordinaire. Je vais écrire dans ce sens à Valéry. La princesse Winnie 6 est avec nous depuis deux jours et reste jusqu’à Lundi. Quand venez-vous ? Rappelez-vous que le 24 jour du Grand Prix la saison finit7. Je vous envoie le reste de ce que je vous dois pour « Commerce » pensant que peut-être cela pourrait vous être utile. Cher Fargue venez nous voir bientôt et préparé à travailler pour Commerce n° 2 !!!! –Avez-vous pensé à ce manuscrit d’un jeune dont j’ai oublié le nom laissé par Larbaud et dont vous avez dit qu’on pourrait faire un choix ? Avez-vous des nouvelles d’Elscamps8 ?

105

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

Princesse de Polignac avec nous jusqu’à lundi essayer de venir demain ven dredi ou samedi amities M A Bassiano

4 Larbaud et Paulhan ont en effet contribué au deuxième cahier de Commerce avec « Lettre à deux amis », p. 59-88, et « Luce, l’enfant négligée », p. 161-164.

5 Il manque « faut ».

6 Voir la lettre 24.

7 Le Grand Prix de Deauville eut lieu le dimanche 24 août 1924.

8 Fargue sert d’intermédiaire pour Max Elskamp, qui publiera dans le cahier IX de l’au tomne 1926 des « Poèmes », p. 63-70. La lettre se termine ainsi, la page ne comportant que deux lignes et le reste vierge, peut-être parce que c’est le deuxième courrier de la journée, et qu’elle lui écrit également un télégramme ce même jour.

Lettre 105.

1 Télégramme envoyé de Deauville et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 101

106

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[21 août 1924]

Tachez venir samedi avec Segonzac 2 merci chere lettre Marguerite Bassiano

107

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[1er septembre 1924]

Valery est à Paris essayer de le persuader de venir ici avec vous & Larbaud passer quelques jours nous vous attendons avec impatience affectueusement M de Bessiano

Lettre 106.

1 Télégramme envoyé de Deauville et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Le peintre et graveur André Dunoyer de Segonzac (1884-1974) est l’un des invités réguliers des Bassiano à Versailles. Il fait partie avec Lucien Fabre des souscripteurs de la Société Anonyme Commerce, à hauteur de mille francs chacun, et c’est lui qui établit le « Rapport du Commissaire sur les apports en nature et les avantages particuliers » lors de la fondation de la Société le 28 novembre 1924. Voir Levie, p. 237-239. Une grande amitié l’unit à la princesse. La fondation Caetani possède soixante dix lettres de lui écrites entre 1921 et 1945.

Lettre 107.

1 Télégramme envoyé de Deauville et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE102

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[17 septembre 1924]

Si Larbaud consent Valery et moi serions disposes amitiés ss nouvel arrange ment Monnier – suis si désolée que vous ayez tant d’ennuis amities vivement vous avoir samedi 2

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani

[vendredi 19 septembre 1924]

Chère princesse, chère amie.

J’arriverai donc demain samedi1, non pas le matin à 11h30, comme mon télégramme vous le disait, mais l’après-midi à 4h30. Cette fois dernier délai. Je ne suis pas fou, j’ai à peine besoin de vous le dire, vous le savez bien dans le fond. Mais je me suis trouvé, à mon arrivée à Paris, aux prises avec des diffi cultés sérieuses et qu’une lettre m’avait fait prévoir : c’est la fin du mois. Et vous vous doutez de ce que c’est qu’une fin de mois, pour un « commerçant ». Je vous raconterai tout ça, car ça ne manque pas de pittoresque dans l’embêtant. Enfin je me suis débrouillé tant bien que mal, j’ai paré au plus pressé, mais pour y parer il fallait du temps. J’ai été gagné par le temps. Je fais une dernière opé ration demain matin vers 10 h, je prends le train à 1h, j’arrive à 4h30 à Trouville.

Affectueusement à vous tous

Léon-Paul Fargue.

Lettre 108.

1 Télégramme envoyé de Deauville et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Valéry séjourne à Benerville chez les Bassiano du vendredi 12 septembre 1924 et rentre à Paris le lundi 22 septembre ; Fargue l’y rejoint samedi 20 septembre. Le télégramme a donc été envoyé mercredi 17 septembre.

Lettre 109.

1 Fargue annonce sa venue pour le samedi 20 septembre 1924 et écrit donc le vendredi 19.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 103 108
109

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[4 octobre 1924]

Voiture sera chez vous demain dimanche onze heures tachez emmener Chanvin 2 amities Marguerite Bassiano

111

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

Villa Romaine Lundi [1924, automne – hiver]

Cher Ami. J’avais des quantités de choses à vous dire hier soir et pas l’occa sion de vous le dire. Voilà –

Pour Iehl1 je trouve que c’est assai bien pour nous seulement – je ne conseillerais pas de publier un fragment comme ça, et je vous prie de lui écrire et de lui demander la suite, et si ça ne fait pas trop long nous pouvons très bien le publier dans les petits caractères, ou dans deux cahiers qui se suivront à courte distance, comme cela peut nous arriver –

Lettre 110.

1 Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Charles Chanvin (1877-1953), proche de Charles-Louis Philippe, est l’un des premiers Potassons, à la fois poète et avocat à la cour d’appel.

Lettre 111.

1 Michel Iehl, « Willerholz. Féérie dramatique en trois tableaux (Premier tableau) », Commerce, II, automne 1924, p. 127-157. Le texte n’est finalement publié que dans un seul cahier, et sans petits caractères, malgré les réticences qu’exprime ici Marguerite. La contri bution suivante figure dans le cahier XXII, hiver 1929, sous le nom de Michel Yell cette fois, « Le Déserteur », p. 47-107.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE104 110

Pour Hugnet 2 je trouve comme du reste vous l’avez dit vous-même qu’il y a des lignes très bien, on sent qu’il est doué et qu’il pourrait faire quelque chose de bien un jour mais dans ce choix de poèmes je ne vois pas3 un poème assai bon pour nous, mais je crois que vous pourriez lui écrire une gentile lettre en l’encourageant et en lui demandant de nous envoyer de temps à autre ce qu’il fait – Pour votre ami des Galleries Lafayette4, il y a du bon certainement Peutêtre pourrions publier une partie avec des coupures. Nous verrons cela ensemble. Je vais dire à Davis de vous envoyer du papier « Commerce » pour toutes les lettres dans ce genre5. Voulez-vous écrire aussi à Cingria, 59 ou 49 rue Bonaparte pour des poèmes6. C’est Max Jacob qui me l’a indiqué mais il dit qu’il ne peut pas lui écrire parceque c’est son ennemi mais qu’il connaît des poèmes admirables de lui –

A très bientôt et je compte sur vous

Bien affectueusement

M. di B.

Mon cousin7 dit qu’il ne lui est pas possible d’arranger les choses pour vous donner des leçons d’auto mais – qu’il faut que vous alliez de sa part (de la Mare et Gibert) à 87 Av. de la Grande Armée, Auto Ecole, ou ils ont des voitures spéciales avec double conduite et que c’est très bien8 –

2 Le nom est peu lisible. Il pourrait s’agir de Georges Hugnet (1906-1974), qui avant de frayer avec le groupe surréaliste a écrit sur le mouvement dada, et qui connaissait notam ment Marcel Jouhandeau et Max Jacob.

3 Il y a un blanc laissé par Marguerite entre « vois » et « pas ».

4 Il s’agit peut-être du décorateur Maurice Dufrène (1876-1965), directeur artistique aux Galeries Lafayette, grand ami de Fargue depuis l’école, et qui écrivit quelques textes. Mais il s’agit plus probablement de René Guilleré (1878-1931), qui créa en 1912 Primavera, l’atelier d’art du Printemps, que la princesse peut confondre avec les Galeries Lafayette. Il publiera d’ailleurs deux fois dans Commerce.

5 Ronald Davis prend la gestion de Commerce à la suite de la démission d’Adrienne Monnier, du deuxième cahier jusqu’au numéro VIII de l’été 1926.

6 L’écrivain suisse Charles-Albert Cingria (1883-1954) n’a en fait jamais été publié dans Commerce. Max Jacob avance en effet parmi plusieurs noms celui de Cingria dans une lettre à Paulhan pour une publication dans Commerce du 26 avril 1926 (et il a pu appuyer sa publi cation à plusieurs reprises). Voir Max Jacob – Jean Paulhan, Correspondance 1915-1941, texte établi et présenté par Anne Kimball, Paris Méditerranée, 2005, avril 2006, p. 112. Cingria habitait au 59 rue Bonaparte.

7 Frédéric Gibert est un cousin français du côté de la mère de Marguerite, née Gibert Chapin ; en arrivant à Paris en 1902, Marguerite a d’abord vécu avec sa famille maternelle.

8 La Société De La Mare, Gibert & Cie a été constituée officiellement en 1925 par Frédéric de La Mare et Frédéric Gibert (construction d’automobiles, cycles, avions et équi pements automobiles), mais l’on peut imaginer que l’activité du cousin de Marguerite existe

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 105

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1 [25 novembre 1924]

vous prie de venir jeudi quatre heures très precises chez M. Dauchez notaire 37 quai de Latournelle 2 amities M. de Bassiano

113

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[5 mars 1925]

Nous comptons sur vous à déjeuner dimanche mille amities M. de Bassiano

déjà en 1924. Frédéric Gibert lui indique une auto école avenue de la Grande Armée, qui se trouve dans le 16 e arrondissement de Paris. Aucune trace ne permet de dire que Fargue ait pris des leçons de conduite. Il affirma à plusieurs époques apprendre, mais ne semble pas avoir su vraiment conduire et il n’obtint jamais son permis. Pendant la guerre en 1940-42, c’est toujours Chériane qui conduisait lors de leurs différents périples en France.

Lettre 112.

1 Télégramme envoyé de Versailles et adressé à Paris 156 rue du Faubourg Saint-Martin.

2 Une lettre de Charles Chanvin à Marguerite Caetani du vendredi 21 novembre 1924 lui donne rendez-vous « Mercredi à 4 heures » donc le mercredi 26 novembre, à l’étude de Maître Dauchez, notaire, 37, quai de la Tournelle, afin de fonder la Société Anonyme Commerce. La présence de la princesse ainsi que celle des trois futurs directeurs est absolu ment requise, les deux souscripteurs, Fabre et Segonzac, pouvant se contenter d’un pouvoir. La première Assemblée générale constitutive a finalement eu lieu le jeudi 27 novembre, jour où Marguerite Caetani donne rendez-vous à Fargue. Lettre reproduite par Levie, p. 237-238.

Lettre 113.

1 Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE106
112

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

Lundi [mars 1925]

Cher Ami

Voila les indications Georg Buchner. 1813-1837. La traduction a été faite par Madame Denise Lévi. On pourrait accentuer le fait qu’il est mort à 24 ans, ayant réuni deux autres drames très importants dont « Woyzeck » de tout premier ordre, un fragment de prose magnifique « Lenz » où il raconte la fin de la vie de Lenz le poète – Etc.

Je vous prie de faire cette petite note de suite et de la porter chez Levé1.

A très bientôt

Bien affectueusement

Lettre 114.

1 « Léonce et Léna » de Georg Büchner est publié dans le cahier III de l’hiver 1924, tra duit par Denise Levé (et non Lévi) et Louis Aragon, p. 145-223. Commerce publie quelques années plus tard une autre œuvre de Büchner, « Woyzeck », dans le cahier XXVII du prin temps 1931, traduit par Jeanne Bucher, Bernard Groethuysen et Jean Paulhan. Marguerite Caetani exprime son mécontentement contre le gérant Ronald Davis qui a oublié d’indiquer les dates de Büchner après sa signature (voir la lettre 185). En tout cas, Fargue n’a pas rédigé la notice demandée : c’est Rilke qui est chargé de l’écrire. Marguerite l’appelle à l’aide dans une lettre datée du début du mois d’avril 1925 : « Il y a dix jours j’ai demandé à Fargue de faire la petite note sur Büchner en lui envoyant toutes les indications. Hier soir je le vois et il me confesse qu’il n’en a rien fait parcequ’il n’est pas au courant de la vie et des œuvres de Buchner ! / J’étais furieuse car il aurait pu me faire savoir cela il y a une semaine. » La réponse de Rilke confirme qu’il l’a bien rédigée. Voir Bohnenkamp/Levie, p. 22-23. La note anonyme figure finalement dans le cahier IV du printemps 1925 : « Georges Büchner – dont le drame Léonce et Léna, traduit par Mme Denise Levé, a paru dans le cahier III de Commerce – est mort en 1837, à l’âge de 24 ans. Ce n’est que quarante ans après sa mort que son œuvre fut connue et aujourd’hui il est admiré comme le grand précurseur de la jeune Allemagne. Citons parmi ses autres œuvres le drame Woyzek et le fragment en prose de Lenz, pleins de hardiesse et d’une incomparable beauté. »

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 107 114

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[1er avril 1925]

Vous prie de m’accuser reception de ma lettre de samedi dernier amitiés M. de Bassiano

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani1

[2 avril 1925]

Bien chère amie, je ne savais comment vous remercier au téléphone, et vous m’avez quitté si vite. Mais je sais bien que vous n’avez pas besoin que je vous renouvelle par des mots la tendre affection que j’ai pour vous et pour les vôtres. Attendez-moi plutôt aux actes. Ma vie absurde et embrouillée ne m’a pas encore permis de faire mes preuves comme je le voudrais, mais que j’y trouve enfin un peu d’équilibre, alors je me ferai mieux comprendre, et vous verrez que votre amitié ne sème pas sur un terrain aride, et que mon cœur n’est pas mauvais.

Léon-Paul Fargue.

Lettre 115.

1

Télégramme envoyé de Paris et adressé à Paris 156 rue du Faubourg Saint-Martin.

Lettre 116.

1 Carte-lettre, adressée à Madame / La Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Versailles (le Chesnais) / Seine et Oise ; cachet de la poste du 2 avril 1925.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE108 115
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Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[11 mai 1925]

Essayez de venir déjeuner au Ritz demain mardi une heure moins quart amitiés M. D. Bassiano

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[5 juin 1925]

Compte sur vous dimanche à déjeuner avec Claudel Berthelot 2 et vous prie de venir en taxi amitiés M. de Bassiano

Lettre 117.

1 Télégramme envoyé de Paris et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

Lettre 118.

1 Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris. 9h.

2 Philippe Berthelot (1866-1934), personnalité majeure du Quai d’Orsay dans l’entredeux-guerres, grand diplomate intéressé par la littérature, qui favorise notamment la car rière de Paul Claudel, ou encore de Saint-John Perse.

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119

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[5 juin 1925]

Cher ami Venez nous rejoindre au jardin de ma sœur2 ce soir après le concert Rubinstein3 amitiés M. de Bassiano

120

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[20 juin 1925]

Vous prie de vous trouver chez la comtesse de Beauchamps 11 rue de l’Uni versité 2 à midi trente demain ou bien venir en taxi apporter devis Lahure3 amitiés M. de Bassiano

Lettre 119.

1

Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris. 17h.35.

2 Le Jardin de ma sœur est un restaurant dansant parisien.

3 Un concert du célèbre pianiste Arthur Rubinstein (1887-1982).

Lettre 120.

1

Télégramme envoyé de Paris et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Nous ne savons pas qui est la comtesse de Beauchamps.

3 Le devis de l’imprimerie Lahure, imprimerie évoquée dans la lettre 103.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE110

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[23 juillet 1925]

Cher ami Je vous prie de me rejoindre à déjeuner demain vendredi midi trente chez les Henraux 2 mille amitiés M. de Bassiano

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani

Mercredi. [19 août 1925 ?]

Bien chère amie

Je suis en train de refaire complêtement le Paradis terrestre1. J’ai été troublé par la multiplicité des points de vue. Que c’est difficile de capturer ce qu’on veut ! Enfin j’espère arriver.

Je vous envoie les choses excellentes et « authentiques » que Jean Prévost m’a données pour Commerce 2 .

Lettre 121.

1 Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Lucien et Elisabetta Henraux. Voir les lettres 28 et 58.

Lettre 122.

1 La première livraison du « Paradis terrestre » ne sera publiée que dans le cahier VII du printemps 1926 sous le titre « Esquisses pour un paradis », p. 5-33 ; et la princesse devra même attendre le numéro XIV de l’hiver 1927 pour faire paraître la deuxième partie, « Esquisses pour un paradis (fin) », p. 183-228.

2 Valéry dans la lettre 56 insiste également pour que Prévost soit publié. Il ne s’agit cependant en définitive pas des pages qu’envoie Fargue, à ce qu’écrit la princesse à Larbaud dans la lettre 196.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 111 121
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Romains n’est pas à Paris3. Quant à Sollier, je lui ai écrit mais je n’ai pas encore de réponse4. Je vais essayer aussi d’avoir Léautaud 5 .

Ici, il fait un temps livide où la chaleur se gonfle comme une éponge, avec de grands bruits sourds, des feuilles de tôle gondolées dans le ciel, et des averses épaisses comme les colonnes de verre des chevaux de bois. Je suis fatigué, j’ai la tête martelée, je dors mal et j’ai grand besoin d’air. Je vais essayer d’aller passer cinq ou six jours à la campagne, dans le Lot6 Dans tous les cas, je serai encore à Paris le Samedi 22 Ct7, et je prends votre rendez-vous au Ritz à 3h tapant.

Vous ne me donnez de nouvelles ni du prince, ni des enfants. Est-ce qu’ils montent à cheval cette année ?

Et est-ce que Beary8 se comporte en bon père de famille ?

Vous me direz tout cela samedi.

Mon affection à vous tous.

Votre

Léon-Paul Fargue

P.S Je vous retourne la lettre de Monnier. Je lui en sais le gré qu’il lui en faut savoir : extrêmement faible. Ce sont « des manières »9.

3 Fargue rencontre Jules Romains (1885-1972) aux environs de 1910, alors que ce dernier a publié en 1908 le long poème La Vie unanime. Il aura souvent l’occasion de le cotôyer auprès d’Adrienne Monnier qui lui porte une grande admiration.

F4 J.-M. Sollier est le pseudonyme d’Adrienne Monnier « qui procède du nom de sa famille maternelle » (Larbaud/Monnier/Beach, note p. 249). Fargue est certainement au courant, mais pas la princesse. Le post-scriptum laisse entendre que Fargue et Monnier sont fâchés.

5 Paul Léautaud ne mentionne pas dans son Journal de sollicitation de Fargue pour Commerce en 1925. La première demande de Fargue pour une publication dans Commerce que consigne Léautaud figure le vendredi 22 octobre 1926 (voir Paul Léautaud, Journal littéraire, Mercure de France, 1986, tome i, p. 1837).

6 Fargue se rendit en effet en Dordogne après le 23 aout 1925, à Couze, aux Eyzies, à Bergerac, où il rejoignit les époux Bécat. Voir Léon-Paul Fargue, Trente lettres aux Bécat, édition établie par Maurice Saillet ; avant-propos et notes par Jean-Paul Goujon, Dolhain, Éd. Complément, 1994, et les lettres inédites de Marie Monnier à Fargue (Archives Fargue).

7 Ct pour « Courant ».

8 C’est le chien de la princesse, évoqué dans les lettres 91 et 92.

9 Nous ne savons pas exactement à quelle lettre Fargue fait référence – Marguerite Caetani écrit en août 1925 pour féliciter Adrienne Monnier de la parution de sa nouvelle revue, Le Navire d’argent, mais il s’agit visiblement d’un épisode de plus dans la fâcherie entre le poète et la libraire.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE112

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[ fin août 19252]

Lundi. Cher Ami. Nous partons demain pour Paris où nous resterons 24 heures mais il faut que je vous voie un moment. Je vous enverrais une dépêché fixant un rendez-vous. Notre séjour ici a été charmant. Mille bonnes amitiés. M. di B.

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

le 2 Sept.[embre 1925]

Très cher Ami, Nous n’avons fait que passer par Paris ne pouvant pas savoir jusqu’au dernier moment le jour que nous aurions des places sur le Sleeping – C’était très agréable là-bas – Ravissant pays et méli-mélo de gens assai amusants. La prochaine fois il faut absolument que vous veniez.

Il y a bon espoir qu’on accepte « Hypatie » a Weimar2 mais Roffredo ne veut pas en parler encore – Hofmannsthal très gentil et ravi et flatté de votre livre3. J’ai pensé beaucoup ces derniers temps comme c’est ridicule et

Lettre 123.

1 Carte postale de Salzbourg adressée à Monsieur Fargue / 156 rue du faubg St. Martin / Paris / Frankreich.

2 Les Bassiano sont allés à Salzbourg du 15 au 21 août 1925 (Bohnenkamp/Levie, note 4 p. 108).

Lettre 124.

1 En-tête imprimé : « Mon Rêve » / Benerville par Blonville / (Calvados).

2 L’opéra du prince Roffredo, Hypatia, a été accepté le 26 octobre 1925, et la première a eu lieu le 23 mai 1926 à Weimar.

3 Les lettres retrouvées entre Marguerite Caetani et Hofmannsthal mentionnent Claudel qu’il admire profondément, Valéry, mais pas Fargue. À cette date Fargue a publié peu de

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stupide que rien de vous ne soit encore traduit, mais « Commerce » facilitera beaucoup cela et j’en fais mon affaire à présent – pour toutes les langues4 !

– La Revista de Occidente de Ortega y Gasset accepte d’être notre agent pour l’Espagne5 ; nous avons l’Allemagne ; pour l’Autriche j’attends ces jours-ci la réponse et si seulement vous aviez la réponse de Guiraldes nous pourrions faire faire de nouveaux prospectus pour le n° 5 en ajoutant quatre autres pays où nous avons des représentants6 – Ce serait bien et je crois très important. Cher Fargue quand venez vous ici et avec « Le Paradis »7 sous le bras ? Votre chambre vous attend et nous aussi, impatiemment. Vous n’avez qu’à nous avertir deux jours à l’avance que vous arrivez et le plus tôt possible. Comme ça nous ferons notre n° 5 ensemble avec les matériaux que nous aurons entre les mains. Ça sera peutêtre notre plus beau numéro ! –Mais cher Ami nous ne pouvons pas mettre ces petits essais de Prévost8. Ce sont de trop petites choses je trouve. Il y a des dizaines de revues ou elles trouveraient leur place mais pas chez nous je vous assure. Il faut pas que nous restions une sélection, un choix, le mieux dans son genre, n’est-ce pas ? autrement nous n’avons pas de raison d’exister –

Ne faisons jamais de remplissage avec des petites choses gentilles et assai bien faites. Il y en a tellement. – Il faudrait que tout ce que nous mettons se distinguent d’une certaine façon et nettement. – Mais pour Prévost n’est-il

« livres » à proprement parler. Le plus récent remonte à 1919 (Poëmes suivis de Pour la musique) si l’on excepte la préface dialoguée avec Larbaud aux poèmes de Levet en 1921.

4

L’idée de faire traduire Fargue n’a jamais abouti. Notons que Marguerite a été bien plus efficace pour Saint-John Perse. En revanche des textes de Fargue sont traduits dans la revue de Jolas transition

5

Le madrilène José Ortega y Gasset (1883-1955), qui sera publié dans le cahier VI de l’hiver 1925 (« Mort et résurrection », p. 171-185) a fondé en 1923 la revue La Revista de Occidente, et en 1924 la maison d’édition du même nom. D’après des bulletins volants retrouvés dans les cahiers de Commerce, on sait que La Revista de Occidente est dépositaire de Commerce en Espagne à partir du numéro V.

6

Un bulletin volant retrouvé dans le quatrième cahier de Commerce (printemps 1925) n’indique que trois dépositaires, « Angleterre : Londres / Amérique : New York / Italie : Milan », et un bulletin retrouvé dans le cinquième cahier (automne 1925) n’en indique que six, les trois précédents auxquels s’ajoutent « Allemagne : Berlin / Autriche : Vienne / Espagne : Madrid ». Alors que la liste des dépositaires s’accroît à chaque numéro, l’Argen tine ne figure toujours pas dans le bulletin du numéro VI (hiver 1925). Cependant dans le numéro VII (printemps 1926) « République argentine : Buenos-Aires » apparaît six fois. Ricardo Güiraldes (1886-1927) est un écrivain argentin, grand ami de Larbaud que ce der nier salue dans sa « Lettre à deux amis » du deuxième cahier de Commerce.

7

La première partie du « Paradis » ne paraîtra pas avant le numéro daté du printemps 1926.

8 Jean Prévost sera finalement publié, mais pas les pages initialement transmises. Voir les lettres 56 et 126.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE114

pas plus-tôt un critique. Je sens ça tellement dans tout ce que je lis de lui et le petit livre que vous m’avez donné est bien mais aride je trouve tiré en lon gueur. Pardonnez-moi et j’ai peut-être tort mais je trouve ces deux pages de ce jeune (Sollier9 s’apelle-t-il ?) autrement intéressantes et originales. – On me dit que Segonzac10 se marie. Est-ce vrai et avec qui ? Quel genre de personne ? – Donnez-moi vite de vos nouvelles et dites moi quand vous pensez venir –Bien affectueusement

Marguerite di Bassiano Je trouve que Prévost fait trop corps avec la N.R.F. et « Le Navire d’Argent »11 pour que nous puissions donner quelque chose de lui qui ne soit pas excep tionnelle. Pensez-y.

6 septembre 1925]

9 Sollier, pseudonyme d’Adrienne Monnier (voir la lettre 122), n’a pourtant pas été accepté, malgré ce commentaire de Marguerite Caetani et en dépit de plusieurs tentatives de Paulhan et de Larbaud.

10 Le peintre André Dunoyer de Segonzac rencontre en 1924 la comédienne Thérèse Dorny qui va partager sa vie, mais il ne l’épouse qu’en 1964. Dunoyer de Segonzac illustre avec des gravures et des aquarelles l’ouvrage de Fargue Côtes rôties, Textes prétextes, Paris, 1949.

11 Le nom de Jean Prévost apparaît presque tous les mois au sommaire de La NRF à par tir de mars 1924, pour des contributions personnelles mais surtout car il y donne de nom breuses notes. Prévost devient le secrétaire de rédaction du Navire d’argent, revue mensuelle fondée en juin 1925 par Adrienne Monnier, qui connaît douze livraisons jusqu’en mai 1926.

Lettre 125.

1

Carte postale adressée à La princesse / de Bassiano / Villa « Mon Rêve »/ Benerville, par Blonville / Calvados ; cachet de la poste du 6-9-25. CADOUIN en Périgord. Légende en haut à droite, à côté de la représentation d’une église : Église de Cadouin / XIIe Siècle.

2 Au-delà de l’évidente boutade, Fargue manifeste en effet des réticences envers la forme romanesque.

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125
Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani1
[
Je n’aime le roman que dans les églises2 Affectueusement
Léon-Paul. (Périgord).

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani

Chère amie

Je me demandais encore où vous étiez, quand j’ai reçu votre dépêche. Impossible d’avoir Versailles au téléphone, une demi-heure, quarante minutes, j’ai lâché.

Je viens de passer quelques journées bizarres. J’avais une mine superbe. J’étais tout rouge. J’ai circulé drôlement, d’abord dans la rue, ensuite dans ma chambre, puis je me suis couché avec un thermomètre, et je montais. De temps en temps, une grande barre fine tapait dans ma tête sur une enclume de cristal avec une limpidité étonnante. Mon médecin m’a dit : nous allons bien voir si c’est la grippe. Vous n’avez pas peur ? Enfin il paraît que ça ne l’était pas. C’est fini. Je réagis comme un paysan, j’ai flanqué ma hotte par terre. Mais je ne suis pas prêt pour Commerce.

J’étais allé à Poitiers à la demande d’un client, pour voir sur place et prendre des mesures, et je me suis dit que j’allais profiter de l’occasion pour aller à Limoges et visiter quelques maisons de céramique et de ver rerie qui, je le sais, ont envie de faire de l’émail et d’avoir notre palette1. J’ai commencé des pourparlers, mais ce n’est pas commode, et il va falloir « suivre ». Vous comprenez bien que j’essaye, par tous les moyens possibles, de nous tirer de la catastrophe et de ne pas sauter. Quand je pense à ce qui nous attend cette année, je suis épouvanté et, comme disait le colonel Ronchonot 2, les bras m’en tombent des mains ! Jugez-en : m’occuper dès maintenant de mon bouquin à la Nouvelle Revue Française3, de sa compo sition, de sa fabrication, de sa cuisine, de façon à le servir le plus tôt possible aux souscripteurs.

Lettre 126.

1 Fargue a hérité à la mort de son père en 1909 de son entreprise de céramique, et s’en est occupé mieux qu’on ne l’a parfois dit.

2 Fargue fait allusion aux Aventures du colonel Ronchonot  par Gustave Frison, illustra teur et caricaturiste.

3 La publication effective d’ouvrages de Fargue à la Nouvelle Revue Française n’aura lieu qu’en 1928-1929.

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– Chercher en même temps un logement et, peut-être, un atelier. Car il n’y a pas de temps à perdre : nous devons déménager fin juin prochain, sous peine d’expulsion, (autorisée en matière d’utilité publique)4.

– Essayer de réaliser une combinaison quelconque, société, association ou autre, avec des gens ayant déjà des locaux, – ou de vendre la mai son, car je ne sais fichtre pas de quoi nous allons vivre.

– M’occuper de mes deux procès5, me déranger, suivre la paperasse rie, surveiller mes adversaires pour les empêcher de se défiler, les contraindre à payer, établir les responsabilités, etc. Tout ça va passer prochainement au tribunal. Le rapport des arbitres est favorable. Mais sait-on jamais ? Et la procédure peut-être longue et coûteuse.

Et bien d’autres machines encore. C’est avec ces pensées que je suis revenu à Poitiers. Là je suis resté deux jours à l’hôtel, tout seul, au lit, ce qui n’était pas folichon, pour reprendre des forces et rentrer à Paris. J’ai dû prendre froid, tout simplement, où, je n’en sais rien. Mais je me sentais déjà mal fichu quand je vous ai téléphoné de Paris.

Vous voyez si j’ai la tête à la littérature ! Paul Bourget et V. Larbaud ont bien raison de dire qu’il n’y a que les gens… indépendants qui soient… libres6.

J’essayerai cependant de refaire le Paradis terrestre7, qui est décidement une chose manquée. Je ne le vois plus, de quelque façon que je le regarde. Ça ne me sonne pas aux oreilles, ça ne me surprend pas jusqu’au bout, comme

4 Fargue devra mettre fin à ses activités industrielles et sera effectivement exprioprié en 1926. Louise Rypko Schub indique qu’« en 1926, la maison qui abrite depuis longtemps les ateliers de céramique est démolie pour permettre l’agrandissement de la Gare de l’Est » (Rypko Schub, p. 143).

5 « Fargue engage procès sur procès pour contrer cette dernière [la Gare de l’Est] afin d’essayer d’éviter le désastre », mais l’expropriation se fait quand même, ibid. Outre son procès lié à la gare de l’Est, Fargue a mené deux autres procès de 1922 à 1925 concernant la fabrique de céramique, un procès à cause d’un prêt de trésorerie par un M. Gourgaud du Taillis, et un autre en rapport avec le brevet de céramique sur verre.

6 La fortune de Larbaud a fait couler beaucoup d’encre, et Fargue lui-même insiste sou vent sur la richesse de son ami (et sa pauvreté à lui), par exemple d’après le témoignage que livre André Beucler avant sa rencontre avec Larbaud : « Le mot “Larbaud” revenait assez souvent dans les propos et je finis par apprendre que c’était le nom d’un voyageur million naire qui possédait le tiers des sources de Vichy, ne se refusait rien, passait sa vie dans les trains de luxe ou les plus grands hôtels et célébrait le plaisir de vivre à grands guides dans les plus beaux endroits du monde » (« L’amitié de Valery Larbaud et de Fargue », André Beucler, De Saint-Pétersbourg à Saint-Germain-des-Prés, NRF, Gallimard, 1980, p. 19-20).

Paul Bourget (1852-1935) est académicien, habitué des salons et grand voyageur, et lui aussi écrivain suffisamment fortuné pour être détaché des contingences matérielles et financières.

7 Il s’agit de l’une des multiples références indiquant que le « Paradis terrestre » n’est toujours pas prêt.

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quand je suis content. Je crois que je l’ai trop travaillé, c’est comme un des sin qu’on a fatigué, ça glisse, le crayon ne mord plus. Je crois aussi que je l’ai mal conçu, dans de mauvaises conditions, complications des débuts de Commerce, brouilles avec la rue de l’Odéon et avec Larbaud8, etc, etc. Enfin, ça n’a pas marché : à ce mal, un seul remède : laisser reposer la chose, lui donner de la cave, la reprendre un peu plus tard. Malheureusement, je n’ai rien d’autre qui vaille à vous donner.

Qu’y a-t-il dans le numéro de Commerce ? Je crois que vous avez tout à fait tort de ne pas publier le Prévost9. On peut ne pas aimer ça, mais ça existe, et ce garçon est quelqu’un. Nous avons publié moins bien que ça. Je serais content que vous demandiez leur avis à Valéry et à Larbaud. Vous plaît-il de le faire ? Ne soyons pas trop difficiles, nous n’aurions bientôt plus rien à publier. Il faut tout de même qu’une revue fasse appel à la « variété » de son époque, à des choses diverses et bonnes dans leur genre, il faut qu’elle vive. Autrement, nous allons « faire mandalins »10, Commerce va rabougrir dans une odeur précieuse, dans ses chambres fermées, dans ses études, ses traductions, etc. Il faut sortir, il faut changer d’air de temps en temps, ne croyez-vous pas ?

Bien affectueusement à vous tous.

8 C’est d’abord avec Adrienne Monnier que Fargue s’est brouillé. Elle lui a en effet demandé de ne plus paraître à la librairie de la rue de l’Odéon. Mais Fargue se brouille également avec Larbaud. Après une décennie d’amitié intense, depuis le coup de foudre amical de 1909 lors de l’enterrement de Charles-Louis Philippe, Larbaud prend progres sivement ses distances avec Fargue, sans que l’on connaisse exactement le motif de leur brouille (Fargue aurait fait la cour à Maria Nebbia, mais il est probable que Larbaud ait eu le sentiment de perdre trop de temps avec son chronophage ami). Une lettre de Larbaud de décembre 1924 consacre leur rupture : « insensiblement, pendant ces dernières années, ton caractère a changé, de telle sorte que j’ai eu de moins en moins de plaisir à te rencontrer et que, sans Mlle Monnier, je t’aurais vu moins souvent. Voilà tout. Incompatibilité d’hu meurs », citée par Rypko Schub, p. 167.

9 Voir la lettre 124.

10 Le néologisme « faire mandalin » évoque le terme « mandarin », comme une incarna tion négative de l’ennui et de l’institution. « Mandalin » est peut-être également inspiré du mot sanskrit « mandala » renvoyant au cercle, à la représentation symbolique de l’univers, dans le brahmanisme et le bouddhisme, selon la définition du Robert. La ressemblance phonique avec le terme d’argot « mandale » invite à de toute façon à ne pas se prendre trop au sérieux.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE118

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[entre 1925 et 1927]

Cher et Délicieux Ami

Peutêtre que ceci 2 vous permettra de passer quelques jours plus tran quilles et ainsi finir Le Paradis3 ! – Je l’espère de tout cœur Bien affectueusement

Marguerite di B.

Très Cher Ami

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

Villa Mercédes / Petite Afrique / Beaulieu – A. M. Dimanche [ fin 1925 ou début 1926 ]

Finalement j’ai reçu les premières épreuves de votre charmant poème qui est plus que digne de commencer notre beau n° 61. Je le trouve exquis, et en dehors de toutes les qualités qu’on attend de vous, j’y trouve quelque chose d’infiniment touchant. Une sensibilité et une tendresse qui le rapproche à « Poèmes » plus que tout ce que vous avez écrit dernièrement. J’ai peut-être tort mais c’est une impression. Ici tout va bien. Je touche du bois. Lélia conti

Lettre 127.

1 En-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 Il est évidemment impossible de connaître le montant du chèque qu’envoie Marguerite, mais on sait qu’elle s’est montrée particulièrement généreuse envers Fargue.

3 Fargue n’en finissant pas de finir le « Paradis », la lettre est très difficile à dater !

Lettre 128.

1 Marguerite Caetani fait référence au futur cahier VI de l’hiver 1925 (sans doute sorti en février 1926) qui s’ouvre sur « Banalité », p. 7-12.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 119 127
128

nue à engraisser. Roffredo s’est arrêté à Paris en revenant de Weimar2 pour finir de revoir sa traduction allemande avec Groethuysen 3 et il a été légère ment grippé et ainsi obligé d’y rester plus longtemps. Il revient ici demain ou le lendemain. N’avez-vous rien à proposer pour le n° 7 ? Il me semble que vous m’avez dit que vous aviez quelque chose. Essayez de dénicher un « jeune » intéressant. J’attends le « Paradis » ! J’ai pensé à vous l’autre jour au Musée de Monaco. Que de choses admirables. Cher Ami écrivez-moi vite et une longue bonne lettre. Vos lettres me font une vraie joie.

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Villa Mercédes / Petite Afrique / Beaulieu – A. M. Samedi [ fin février 1926 ]

Cher Ami. Quelle affreuse chose, la mort de ce pauvre Lucien1 après trois mois de souffrance – Je n’arrive pas à y croire encore. C’était vraiment un si brave garçon et un si bon et loyal ami.

Cette pauvre Elizabetta. Il paraît qu’elle est dans un très mauvais état. Cher Fargue, vous n’avez vraiment pas été gentil de me laisser si longtemps sans vos nouvelles. Vous m’avez écrit une fois depuis que je suis partie, il y aura bientôt

2

Une lettre de la princesse à Hofmannstahl de fin décembre 1925 – début janvier 1926 indique en effet : « Roffredo part demain pour Weimar passer une semaine et j’es père qu’alors tout sera décidé – Je vous ai dit je crois qu’on donnera Hypatia en Avril. » Bohnenkamp/Levie, p. 120.

3 Le prince Roffredo travaille avec Groethuysen à la traduction de son opéra Hypatia, comme le confirme une lettre de Roger Fry à Helen Anrep de novembre 1925, citée dans l’introduction de la correspondance avec les auteurs de langue allemande, ibid., p. Li Lii

Lettre 129.

1 Il s’agit de la mort du grand amateur et collectionneur d’art Lucien Henraux, qui vivait avec sa femme Elisabetta rue Clément Marot. Le couple est comme les Bassiano à Benerville en septembre 1924 ; c’est chez eux que Valéry emmène Rilke déjeuner afin de le présenter aux Bassiano en janvier 1925. Voir les lettres 28 et 58, et Jarrety, p. 581 et p. 586.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE120
Bien affectueusement

deux mois. Nous resterons ici jusqu’à vers le 10 ou le 12 mars. Comme ce cher Levé est long. C’est effrayant. Il faut absolument que le n° 7 paraisse le 15 Avril, le le 8 le 15 Juin et cette fois-ci vous allez m’aider cher ami n’est-ce pas. Je vous prie de me dire si je peux compter sur vous pour la première partie du Paradis le 1er Mars et apeu près combien de pages ça fera 2. Rappelez-vous que vous m’avez dit que j’aurais pu l’avoir pour le n° 6 ! – Et voulez-vous donner le tout au n° 7 ou seulement la 1ere partie et la suite au n° 8 ? – J’aimerais bien avoir vos nouvelles et savoir ce que vous devenez. Ici tout le monde va bien. Lélia continue a engraisser. Toutes les semaines près d’une demie kilo ! – C’est vraiment un climat merveilleux – Je vous écrirai longuement quand vous m’aurez répondu ! Mille amitiés affectueuses.

Marguerite di Bassiano

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[avant avril 1926 ?]

Cher et délicieux Fargue,

Je vous envoie ceci dans l’espoir que cela vous permettra de finir votre poème et je vous donnerai 20002 si vous finissez le Paradis pour le 15 avril, car je considère que jusqu’à présent le travail que vous faites pour Commerce dépasse de beaucoup celui des autres directeurs.

2 Le numéro VII du printemps 1926 s’ouvre – enfin – sur « Esquisses pour un paradis », p. 5-33 ; mais la deuxième partie se fera attendre jusqu’au cahier XIV de l’hiver 1927. En mars ou avril, Jean Paulhan écrit à Valery Larbaud que le numéro est retardé car Fargue corrige sur épreuves le « Paradis ».

Lettre 130.

1 Cette lettre, citée par Rypko Schub (p. 165), n’a pas été retrouvée dans les Archives Fargue.

2 Deux mille francs soit environ mille euros.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 121
130

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

le 26 Mars [1926 ]

Cher Fargue. Il vaut mieux que je sois tout à fait franche avec vous et que je vous dise que ne me sens pas très bien disposée envers vous en ce moment 2 –Malgré toutes les déceptions j’ai toujours voulu compter sur vous quand vous me promettiez une chose, mais maintenant je vois finalement que j’ai eu tort. Si vous regardez un peu en arrière vous vous rappelez que déjà pour le mois d’Octobre vous avez promis le « Paradis » ; puis au mois de Décembre vous avez dit que la première partie était faite, mais que puis-ce que vous aviez d’autres poèmes qui feraient au moins 30 pages ! il serait mieux d’at tendre, et donner la première partie de « Paradis » au cahier du Printemps et ensuite la fin au cahier d’Eté. Moi stupidement je vous ai cru, et je comptais absolûment sur 30 pages à peu près pour le prochain numéro. Je pensais vrai ment que vous me disiez la vérité quand vous m’avez écrit que le 15 mars la première partie serait prête pour l’imprimeur. C’est vraiment bête d’avoir pu encore croire en vous après toutes les fois que vous m’avez manqué de parole. Mais il me semble que si vous pensez un moment à ce que vous avez déjà reçu pour le Paradis – d’avance – (Il y a bien des hommes qui arrivent à vivre convenablement sur moins que ce que vous avez reçu de Commerce pendant la dernière année)3 vous auriez pu depuis mon absence faire un effort sur vous-même et préparer cette chose que je vous ai demandée pour le 15 mars.

Lettre 131.

1

En-tête imprimé : vi LLa romaine / av. d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 La lettre est citée par Rypko Schub, p. 165. Fargue lui promet au moins depuis le début de l’année 1925 le « Paradis ». Marguerite de Bassiano écrit en effet à Larbaud au début du mois de janvier 1925 pour le cahier III : « j’espère que Fargue donnera ses premières 20 pages de son « Paradis terrestre », mais enfin je suis sûre que lui aussi aura bien plus à donner pour N° IV » ; en juin 1925 : « Nous aurons le Paradis de Fargue pour octobre sans l’ombre d’un doute » ; le 16 septembre 1925 : « Vu que Fargue ne sort pas de son paradis encore et nous donne vingt pages au mieux de 70 ou 80 et que cela nous laisse un trou sensible »… S’il contribue à tous les cahiers depuis le début de la revue, il fait attendre Marguerite jusqu’au numéro VII pour lui donner la première partie des « Esquisses pour un paradis » (p. 5-33).

3 Même Marguerite Caetani, qui rémunère habituellement les différents collaborateurs et particulièrement les directeurs de façon très généreuse et pleine de tact, ne peut s’em pêcher d’exprimer son mécontentement. Les directeurs recevaient cinq mille francs par an

CORRESPONDANCE FRANÇAISE122 131

En tout cas à l’avenir si vous voulez que je vous aide on procèdera d’une façon tout autre – et je ne vous fais plus aucun crédit – Quand vous avez votre manuscript vous me l’apporterez et je vous donnerai ce que vous savez bien je donne de tout cœur, mais en ce moment j’ai perdu toute patience avec vous. Vous savez bien que Commerce vous ferait vivre – vous aiderait beaucoup, beaucoup si vous vouliez, mais pour cela il faut que vous preniez tout ce qui concerne la revue plus au sérieux. Je suis sincèrement fatiguée de compter sur vous et chaque fois au dernier moment de devoir tout réorganiser. Je vous assure que ce n’est pas amusant – Il s’agit de vous dire qu’après tout ça vaut la peine même si vous ne le faites pas par amitié pour moi ni par fierté envers notre belle Revue qui vous doit en grande partie son succès et son prestige.

Même les belles pages que vous avez données à Commerce que de peine pour vous les soutirées4 ! Cher Fargue réfléchissez bien à ce que je vous dis et à bientôt

Marguerite di Bassiano

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1 [15 juillet 1926 ]

Voulez vous essayer d’emmener Vuillermoz2 à déjeuner Dimanche amitiés M. de B

pour le simple titre de directeur, soit environ trois mille cinq cents euros, et étaient rému nérés en plus pour leur texte ou traduction.

4 Le mot est peu lisible : s’agit-il de soutirées, extraire ?

Lettre 132.

1 Télégramme envoyé de Versailles et adressé au 156 rue du Faubourg Saint-Martin à Paris.

2 Émile Vuillermoz (1878-1960), compositeur et critique musical, héraut de la modernité qu’incarnaient Fauré, Debussy et Ravel, qui souligna à plusieurs reprises l’influence que Fargue avait exercée sur Ravel. Voir Frédéric Caby, « Quelques regards d’Émile Vuillermoz sur Léon-Paul Fargue », Ludions, n° 8, p. 271-272.

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Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

Villa St. Nicolas / Benerville par Blonville / Calvados le 7 Sept.[embre 1926 ]

Bien Cher Ami. Un petit mot pour vous dire que je viens de recevoir un mot de Valéry me disant qu’il lui est impossible de donner quelque chose pour Octobre et puisceque Larbaud aussi ne donne rien il faut absolument que vous y soit1 –

Ce n’est pas possible de commencer la 3ieme année sans un des Directeurs. Je vous prie de me répondre de suite à ce sujet. Je veux le « Voyage dans une baignoire »2. Vous n’avez rien comme textes pour Octobre. Le petit poète dont vous avez tant parlé3 ?

Répondez vite cher Fargue et faites un effort pour moi – Je sais que cela tombe à un mauvais moment mais je vous le demande comme faveur per sonnelle. Quand venez-vous ici ?

Bien affectueusement

Lettre 133.

1 Marguerite Caetani évoque certainement le cahier IX de l’automne 1926 : le numéro ne comportera en effet aucun texte de Valéry, mais finalement Larbaud y contribue avec « Quelques notes sur Antoine Héroët », p. 184-194. En revanche malgré l’appel pressant de la princesse, Fargue, qui s’est fait longuement attendre pour donner le « Paradis » dans le cahier VII de printemps 1926, ne donne rien aux cahiers VIII et IX, et participe à nouveau seulement dans le cahier X de l’hiver 1926 avec « Second récit du naufrageur », p. 167-175.

2 « Voyage dans une baignoire » ne sera jamais publié dans Commerce, et nous ne connaissons pas de texte de Fargue publié sous ce titre. Cependant, « Voyage dans une baignoire » sera annoncé comme un titre de volume « en préparation » dans les listes « du même auteur » des éditions 1929 d’Espaces et de Sous la lampe chez Gallimard.

3 Ce « petit poète » n’est pas identifié.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE124

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

Villa St. Nicolas Mercredi [8 septembre 1926 ]

Cher Fargue. Ceci est seulement un P.S. à ma lettre de hier pour vous deman der si vous ne pourriez pas mettre la main sur Drieu de la Rochelle1 et voir un peu s’il n’a rien qui pourrait nous convenir ? Essayez. J’attends avec impatience la réponse à ma lettre de hier !! – et aussi pour savoir votre nouvelle adresse2

Bien affectueusement

M. di B.

[18 février 1927]

Ravie et enchantée exquis souvenirs d’enfance2. Vous écris. Mille bonnes amitiés.

Lettre 134.

1 Marguerite Caetani a visiblement mené une double approche puisqu’elle sollicite égale ment Paulhan à la même période. Drieu devait publier un extrait de son essai « Le Jeune euro péen » dans La NRF, mais c’est dans Commerce qu’il parut (Drieu La Rochelle, « Le Jeune euro péen », Commerce, IX, automne 1926, p. 87-104) et rien de ce titre ne fut publié dans La NRF.

2 Contrairement à ce qu’écrit Louise Rypko Schub (p. 144), qui s’appuie sur un projet de bail non signé (Archives Fargue), ce n’est pas en juillet 1926 que Fargue a quitté son appartement, mais le 20 octobre 1926. On ne trouve d’ailleurs dans les Archives aucune lettre adressée au 37 rue Château-Landon avant novembre 1926. La fabrique et l’atelier ont été déménagés en plusieurs étapes jusqu’à la mi-1927.

Lettre 135.

1 Télégramme de Ste Maxime Var adressé à Paris au 37 rue Château Landon.

2 La princesse fait probablement référence à « Trouvé dans des papiers de famille en 1909 », Commerce, XI, printemps 1927, p. 73-131. Il pourrait également s’agir de « Caquets de la table tournante. Second récit du naufrageur », publié dans le dixième cahier de l’hiver 1926, mais la lettre suivante incite à privilégier la première hypothèse.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 125 134
135

Bien Cher Ami

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

Golf Hotel

Mardi [ fin février – début mars 1927]

J’étais ravie de recevoir vos « Souvenirs » et plus ravie encore à la lec ture. Ils sont très beaux et j’aime tant justement cette reserve qu’on sent du commencement jusqu’à la fin. Je les ai envoyés aujourd’hui à Fréret en lui demandant de les composer de suite. Ca ne sera pas vous qui retardera le cahier de Printemps1 !!

Comme je suis heureuse que le « Paradis » avance quand même. Nous l’au rons pour le cahier d’été surement n’est-ce pas2. Je crois que nous pouvons très bien publier « Sainte Russie »3. C’est presque du Swift – Je suis bien heureuse que vous irez en Belgique et en Allemagne mais vous ne me dites pas quand.

Jeudi

Cher Fargue cette lettre a été interrompue par une visite a Cannes pour rencontrer Chauvet4 à déjeuner. Je voulais qu’il examine les enfants. Il les a trouvé magnifiques mais il veut que nous restions encore jusqu’à vers le 15 mars. « Hypatie » sera donné vers le 25 à Düsseldorf5. Vos lettres sont toujours une pure joie. C’est seulement dommage que cette joie soit si espacée ! – Mais quand doit paraître votre numéro des Feuilles Libres6 ? Il faudrait que vous

Lettre 136.

1 « Trouvé dans des papiers de famille » a visiblement été donné dans les temps pour une fois, s’il s’agit bien des « Souvenirs » reçus à la fin du mois de février pour une publica tion dans le cahier XI de printemps.

2 Fargue en réalité ne donne pas la deuxième partie du « Paradis » avant le cahier XIV de l’hiver 1927, mais donne tout de même dans le cahier XII de l’été 1927 « La Drogue » (p. 7-20) et « L’exil » (p. 53-57) dans le numéro XIII de l’automne 1927.

3 « Sainte Russie » est un texte de René Guilleré publié dans le cahier XI du printemps 1927, p. 189-197.

4 Le docteur Stephen Chauvet, médecin de famille des Bassiano, est aussi un grand collectionneur d’art traditionnel africain et océanien. Voir la lettre 72.

5 La première de l’opéra de Roffredo, Hypatia, eut lieu à Düsseldorf le 10 juin 1927 en définitive. L’opéra avait déjà été donné l’année précédente à Weimar, le 23 mai 1926.

6 Marguerite Caetani fait référence au numéro spécial d’Hommage à Léon-Paul Fargue des Feuilles Libres de juin 1927. Voir le numéro spécial de Ludions, Bulletin de la Société des

CORRESPONDANCE FRANÇAISE126 136

envoyiez de ma part à Klee7 un ou deux de vos livres et que vous m’envoyiez son adresse que je n’ai pas. J’ai écrit à Eliot8 et je lui ai envoyé le seul livre de vous que Saucier9 possède et il m’a dit qu’il ferait son possible d’écrire un hommage à temps. Voici pour les « Souvenirs ». Aurevoir cher Ami écrivez-moi bientôt. Bien affectueusement

137

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[21 mars 1927]

Arrivée hier vous prie venir dejeuner Foyot mercredi 12:30 exactement me réjouis vous revoir affectueusement M de B

lecteurs de Léon-Paul Fargue, n° 14, 2014, entièrement consacré au numéro de la revue édi tée par Marcel Raval en 1927.

7 Paul Klee (1879-1940) a contribué à plusieurs numéros des Feuilles libres. Dans le numéro d’Hommage à Fargue figure un feuillet hors-texte séparé, évoqué ainsi dans le som maire : « Hors-texte : L’Ascension, aquarelle de Paul Klee ».

8 T.S. Eliot (1888-1965), cousin lointain de Marguerite Caetani et responsable étranger pour la littérature en langue anglaise de Commerce, ne participe finalement pas au numéro d’Hommage des Feuilles libres. Il écrit à la princesse le 18 janvier 1927 qu’il a reçu une lettre des « Feuilles libres » lui demandant de participer à l’hommage à Fargue ; il aurait aimé accepter, mais comme il ne connaît presque rien de sa poésie, et croit comprendre qu’il doit donner sa contribution presque immédiatement, il a décliné l’invitation (Archives Caetani).

La princesse lui a fait parvenir des ouvrages de Fargue, mais cela n’a pas suffit pour qu’il participe.

9 Roland Saucier (1899-1994) dirigea la Librairie Gallimard, boulevard Raspail, de 1921 à 1964.

Lettre 137.

1 Télégramme de Versailles adressé à Paris 37 rue Château Landon.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 127

138

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[4 août 1927]

Villa Païta / La Baule-les-Pins / Loire-Inf.

Cher Ami. Envoyez vos nouvelles et comment avance le Paradis. Paulhan m’écrit ce matin que tout le monde est fou du dernier « Commerce »2.

Bien affeement M. di B.

139

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[5 août 1927]

Mercredi

Lettre 138.

1 Carte postale représentant « Le Pouliguen / Le Port » adressée à Monsieur Fargue / 37 rue Château Landon / Paris ; cachet de la poste du 4 août 1927.

2 Marguerite Caetani évoque le numéro XII de l’été 1927 qui s’ouvre par le texte de Fargue « La Drogue », p. 7-20.

Cher Ami. Avez-vous pu faire quelque chose pour Breton 2 ? Je ne vais pas à Lettre 139.

1

Carte postale représentant Le Croisic (Loire-inf.) – Marais Salants – Mulons de Sel, adressée à Monsieur Fargue / 37 rue Château Landon / Paris ; cachet de la poste du 5 août 1927.

2 André Breton a déjà contribué à la revue avec « Introduction au discours sur le peu de réalité », Commerce, III, hiver 1924, p. 27-57. Sa deuxième contribution sera « Nadja. Première partie », Commerce, XIII, automne 1927, p. 79-120. Jean-Paul Goujon cite une lettre de Breton à Fargue du 16 septembre 1927 qui montre bien le rôle déterminant de Fargue pour la publication de Nadja dans Commerce : « En septembre, Fargue revoit André Breton, qui lui fait parvenir peu après, pour Commerce, le début de Nadja, accompagné d’une lettre : “… J’ai été très heureux de vous revoir, vous savez l’absolue confiance que j’ai en vous et quelle est pour vous ma très grande affection.” En 1932, Breton lui enverra Les Vases communicants en “très affectueux souvenir”, et nous verrons qu’en 1935 Fargue collaborera à Minotaure, revue surréaliste. » (Goujon, p. 217).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE128

Salzbourg 3 alors venez ici quand vous voudrez.

Affectueuses Pensées. M. di B.

140

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

Villa Païta – la Baule-les-Pins Lundi [août 1927]

Cher Ami – J’ai l’impression de ne pas vous avoir assai dit combien je trouve tout-à-fait épatant « La Drogue ». Je l’aime immensément. Mirsky1 est ici avec nous et lui aussi l’aime immensément. C’est dommage que vous n’êtes pas ici aussi en ce moment. Que faites-vous et où en êtes-vous avec Le Paradis ? Donnez-moi de vos nouvelles. Ça fait presque 4 semaines que je suis ici sans un mot de vous. Ce n’est pas gentil. Valéry m’a écrit l’autre jour me disant que Commerce était très beau et le Fargue épatant – Je crois que c’est un des meilleurs numéros, n’est-ce pas. Paulhan me dit qu’il a le plus grand succès –

Le climat est très doux et agréable mais trop de vent – un vent qui ne cesse jamais –

Personne que nous connaissons –Aurevoir cher ami écrivez vite. Et Breton 2 ? Si vous pouviez porter le Paradis à Fréret avant son départ à la fin du mois je serais bien contente –

3

Elle s’était rendue à l’été 1925 et 1926 au festival de Salzbourg, créé en 1920 par Max Reinhardt et Hugo von Hofmannsthal.

Lettre 140.

1

D.S. Mirsky (1890-1939) est le responsable étranger de la littérature russe de Commerce. Il correspond exactement à l’homme européen et cosmopolite de Commerce  : le prince de l’ancienne Russie, émigré à Athènes en 1920, puis partagé entre Londres et Paris, est un passeur entre l’Est et l’Ouest. Vingt-cinq lettres de lui écrites à Marguerite entre 1926 et 1932 que détient la fondation Caetani sont publiées dans Levie/Smith. Le projet que Mirsky traduise Fargue n’a pas abouti.

2

Voir la carte postale 139 et la note concernant la publication de « Nadja (Première Partie) », Commerce, XIII, automne 1927, p. 79-120.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 129

Marguerite di Bassiano 141

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani

[ajout en haut au milieu de la page]

On m’a installé le téléphone : Nord 01. 38 Donnez-moi le vôtre.

Bien chère amie,

[août 1927]

J’ai trouvé votre carte à mon retour d’un petit voyage de quatre jours, à Lyon, où j’avais été appelé et où j’espérais trouver le moyen de négocier ma maison. Ça ne s’est pas fait d’ailleurs, et je n’avais ni le temps ni le moyen d’y rester aussi longtemps peut-être qu’il l’aurait fallu. Là-dessus, un camarade qui avait une voiture m’a repêché et m’a emmené faire un tour dans le Lautaret, la Vallée de la Romanche, et les Grands-Goulets. En bas, à Grenoble, il fai sait une chaleur torrible (sic). Là-haut, 3000 m, il y avait d’immenses nappes blanches, des glissières de glace qui reflétaient le ciel avec une loyauté par faite, et nous nous battions à coups de boules de neige ! Nous avons cueilli l’edelweiss au sommet du Galibier. C’est une belle petite fleur, fille d’un our son et d’une étoile de mer, et qui porte des gants fourrés, s’il vous plaît1. Et il y a tant de cascades, partout et à toutes les hauteurs, que la montagne en fume !

Lettre 141.

Marguerite Caetani se montre touchée de sa description de l’edelweiss dans la lettre 142. Fargue reprend mot à mot les mêmes termes pour décrire l’edelweiss dans une lettre à Marie Monnier écrite également à l’été 1927 (« ça vous donne envie de solitude, et de cueillir l’edelweiss, fille de l’ourson et de l’étoile de mer, et qui porte des gants fourrés, s’il vous plaît. »). Fargue en effet s’ennuie à Paris et envisage de rejoindre ses amis (« Quel serait votre itinéraire par le Jura ? Et si vous ne pouvez pas rentrer par le Jura, où irez-vous ? Autant de questions à répondre. Enfin j’essayerai de partir le plus tôt possible. […] Je voudrais bien être à la cam pagne », in Trente lettres aux Bécat, éd. citée, p. 25). Goujon cite cette lettre (p. 216) mais pour montrer que Fargue ne profite en fait pas vraiment de la montagne et s’ennuie très vite de Paris.

1

CORRESPONDANCE FRANÇAISE130
J’espère que votre mère va bien. Bien affectueusement

On voit à peine le mouvement de l’eau, tant il est serré et tissé de près et fin comme du blanc de champignon, (et pourtant ça file comme un serpent). On dirait le Vieux de la Montagne qui fume cent mille cigarettes à la fois par toutes ses rides ! Les Grands Goulets, c’est tout-à fait dessins de Victor Hugo, vieux bourgs, villages dégringolants, accrochés dans les rochers, suspendus au-dessus de l’abîme, comme un pâté mal coupé dont la viande va tomber. Et, en bas de tout ça ce sont des usines, électro-métallurgie, phosphates, etc, qui enfoncent dans la montagne des gros tuyaux éléphants, des longues antennes moustiques, pour en extraire le jus. Malheureusement, j’ai voulu faire tout ça trop vite, je n’avais pas le temps, je suis toujours traqué, menacé par des « histoires pendantes », je n’ai jamais l’esprit tranquille ; et puis, j’ai attrapé un coup de soleil, et puis, j’ai bu coup sur coup trois ou quatre grandes boissons glacées, enfin je suis revenu assez malade. A présent c’est fini. Le Paradis va son petit bonhomme de chemin, chi va piano va sano2, mais, lui, il se porte bien3. Mon associé voudrait bien acheter ma maison, mais il voudrait, si je puis ainsi parler, « l’acheter librement », c’est-à-dire ne pas lâcher un sou. Les gens sont vraiment admirables, et je les admire, de pouvoir être ainsi toute la vie, et de s’occuper, minute par minute, de la défense constante de leurs intérêts. –

La Nouvelle Revue Française a annoncé, par une circulaire aux libraires, l’édition de quatre plaquettes de moi pour la rentrée4. (Demandez-la donc à Paulhan, par curiosité, moi je ne l’ai pas.) Mais je voudrais qu’ils me fissent un contrat gentil pour ces volumes de luxe. Malheureusement, jusqu’à présent, on n’en parle pas, et je ne puis obtenir aucune précision à cet égard. (S’ils agissent bien, ils me feront 25% sur les gds papiers, et 20% sur les alfa ; c’est un minimum.)

Ecrivez-moi, ma chère princesse, car je m’ennuie bien de vous tous. Votre affectueux

Léon-Paul Fargue

37. Château Landon 5

Nord 01.38. Téléphonez-moi vers 11h matin

2

L’on pourrait traduire cette expression italienne par « Rien ne sert de courir, il faut partir à point ».

3 Cette mention est écrite entre la publication de la première et de la deuxième partie, et Fargue évoque avec optimisme l’avancée de son travail.

4 Les quatre plaquettes seront bien publiées, mais en 1928 et 1929 : « C’est d’abord une série de quatre belles plaquettes aux couvertures ornées d’un dessin de Léon-Paul Fargue, parues en souscription chez Gallimard : Banalité (17 avril 1928) », puis Vulturne (le « Paradis » tant attendu) le 28 juin 1928, Épaisseurs (20 décembre 1928) et Suite fami lière (9 mai 1929), Rypko Schub, p. 168-171. Voir aussi Barbara Pascarel,  Léon-Paul Fargue, Bibliographie des écrivains, Meminia, 2000, p. 27.

5 Fargue habite au 37, rue Château-Landon à partir du 20 octobre 1926.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 131

Cher Fargue

J’ai essayé plusieurs fois de vous téléphoner et chaque fois on m’a dit que je ne pourrais pas avoir la communication avant 3 hrs et je ne pouvais jamais attendre si longtemps. Ce matin j’ai eu votre numéro dans une demie heure et vous n’y étiez pas ! Je vous prie de me dire si vous avez pu avoir quelque chose de Breton et surtout si le Paradis sera fini ces jours-ci. Il faut absolument que je sache à quelques jours près quand vous pouvez le donner à l’Imprimerie et combien de pages cela fera dans Commerce –Mirsky aimerait beaucoup traduire quelque chose de vous1. Il vous admire profondément et à tous les points de vue –

Nous avons passé des2 jours exquis avec lui et Groeth – Des conversa tions sans fin –Merci de votre charmante lettre. Je ne savais pas avant que l’edelweis était une petite fleur si exquise. Cher ami vous savez combien nous serions ravis de vous avoir ici quand vous voudrez et pour aussi longtemps que vous voudrez. Je n’insiste pas d’avantage car les amusements que nous pouvons vous offrir ne sont pas du tout à votre hauteur, pour le dire poliment ! – Notre n° de téléphone est 208 La Baule. Téléphonez-nous aussitôt que vous serez de retour. Bien affectueusement

Il paraît que vous êtes fiancé3 !

Lettre 142.

1 Mirsky a déjà été évoqué dans la lettre 140.

2 Des, deux ou dix ? Le mot est peu lisible.

3 Fargue n’a pas eu de fiancée officielle. Il s’agit sûrement d’une nouvelle bonne amie du poète.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE132 142

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

[ fin 1927, avant Noël ]

lecteur qu’on placerait en tête du 1er n° de la nouvelle Série 2 – On paraî trait au mois de Février avec un cahier superlativement épatant3 et j’espère comme ça vous aurez le temps de finir le fameux Paradis sur lequel je compte absolûment alors. Il faudrait le texte dans un mois.

Les Groeths4 sont avec nous en ce moment et nous attendons Mirsky pour Noël.

Nous serions ravis de vous voir quand vous voudrez et pour aussi long temps que cela vous seriez possible. Ne viendrez-vous pas ici finir « Le Paradis » ou vos « Souvenirs » encore ? Donnez-moi de vos nouvelles.

Bien affectueusement

Lettre 143.

1

En-tête imprimé : Villa Feuillée / Boulevard de Garavan / Menton-Garavan. La lettre est incomplète ; elle est numérotée 2 en haut à gauche, il manque le premier feuillet.

2 La « nouvelle série » fait référence à la « nouvelle fondation » de Commerce, un temps envisagée après les réactions hostiles ayant accompagné la publication du conte de Benjamin Péret « La Brebis galante » dans le cahier XIII de l’automne 1927.

3 Le sommaire du numéro XIV, que la princesse voudrait « superlatif » (lettre 241), est en effet impressionnant, avec notamment un poème de Thomas Hardy traduit par Valéry, « Quelques fragments des Marginalia » d’Edgar Poe traduits et annotés par Valéry, les « Pensées » de Leopardi traduit par Ungaretti… et, en clôture du cahier, les « Esquisses pour un paradis (fin) ».

4 Il s’agit de Bernard Groethuysen (1880-1946), surnommé Groeth ou Grout, et de sa compagne Alix Guillain (1876-1951), communiste fervente et journaliste à L’ Humanité

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 133 143

Bien chère amie

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani

[ fin 1927 – début 1928]

Je vous avais envoyé un très beau texte d’André Chamson pour Com merce1. Et voilà qu’il me revient ! Absurde : Je m’étais trompé d’enveloppe, et le destinataire, n’y comprenant rien, naturellement, me le renvoie ! Je sais bien que ces choses-là arrivent, mais jamais à moi, car vous savez assez que je suis minutieux et maniaque. J’en suis d’autant plus désolé que je voudrais qu’il passe le plus tôt possible, car je m’intéresse beaucoup à Chamson, qui est un chic type et un travailleur. Je m’étonnais aussi que vous ne m’en parliez jamais, et Chamson, à qui j’avais demandé quelque chose il y a long temps, et qui l’a fait exprès pour nous, m’en demandait des nouvelles avec inquiétude. Je vous fais envoyer aujourd’hui son livre : « Les Hommes de la Route », que j’apprécie beaucoup et qui a eu un succès du meilleur aloi. Je vous supplie de m’écrire vite votre décision. Je vous écris à la hâte en plein travail du « Paradis »2. J’y travaille jour et nuit, à coups de café, car je veux le remettre demain mardi à Fréret, et je ferme ma porte à toutes mes affaires. (Vous devez penser qu’elles m’avaient bien abruti, pour que j’aie fait cette erreur d’enveloppe.)

Lettre 144.

1 André Chamson (1900-1983) ne participera pas à Commerce. Le romancier, proche d’Adrienne Monnier, est en revanche publié plusieurs fois dans Le Navire d’argent  et consacre à la libraire un article, « Le Souvenir d’Adrienne Monnier », dans Le Mercure de France du 1er janvier 1956. La notice de l’Académie française, qu’il rejoint cette même année 1956, indique qu’« il fonda le groupe des “Vorticistes”, dominé par l’esprit de liberté et de curiosité. Dans l’entre-deux-guerres, André Chamson devint une figure notable parmi les intellectuels engagés. Il milita dans les années 30 aux côtés des partisans du Front popu laire, fondant en 1935, avec Jean Guéhenno et André Viollis, l’hebdomadaire Vendredi. »

Les Hommes de la route, paru en 1927 chez Grasset, est le deuxième volet de la trilogie Suite cévenole.

2 Marguerite Caetani doit encore attendre, depuis le numéro VII du printemps 1926, qu’il achève la deuxième partie, enfin publiée dans le cahier XIV de l’hiver 1927 sous le titre « Esquisses pour un paradis (fin) ». Le numéro sortit seulement au printemps 1928 à cause de retards de Fargue mais aussi d’Ungaretti et de Valéry.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE134 144

Paris le 7/1.28

Bien chère amie

Il y avait déjà longtemps que j’avais envie de vous écrire, quand j’ai reçu votre bonne lettre, et votre envoi, qui ne pouvait pas mieux tomber au moment où il est arrivé. Sapristi ! Enfin, comme dit la chanson :

C’est pas l’cadeau

Qu’il faut r’garder

C’est la façon d’le présenter !

Mais comment vous écrire à tête reposée au milieu de tous mes embête ments, qui s’éclaircissent, mais qui ont été bien longs à s’éclaircir. Enfin, la situation se dessine, mais il faut du temps encore pour l’achever et l’encadrer. Je vous raconterai tout cela, car la chose en vaut la peine et constitue un magnifique ensemble tragi-comique. Du Balzac, pas moins. Quoi qu’il en soit, j’ai lutté pied à pied, je me suis instruit, j’ai pris conseil partout où je le pouvais, j’en ai consulté de plus habiles que moi, j’ai appris à me mieux défendre, et je ne suis plus en aussi mauvaise posture qu’il y a quelques mois. Mais que de ruse, que d’avarice, que de mauvaise foi, que d’astuce, que de dureté du riche au pauvre quand il le tient dans ses filets, sous le couvert de Dieu, que de sentiments, qui auraient pu être passables, réprimés et déformés jusqu’au mal par l’ignoble mentalité que subit, ou que s’impose un homme d’affaires !

Lettre 145. 1

Enveloppe adressée à Madame / La Princesse de Bassiano / Villa Feuillée / Boulevard de Garavan / Menton-Garavan / Alpes-Maritimes  ; cachet de la poste du 8* / 9-I / 1928.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 135
Ah ! j’ai bien reçu votre chèque. (Je ne réponds même pas aux questions qu’on me pose.)
Bien affectueusement à vous. Fargue Soyez tranquille, je veillerai sur le numéro. F
145
Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani1

Et avec ça, j’étais patraque : rhumes sur rhumes, fièvre légère, une espèce d’amygdalite, nuits d’insomnie.

Pourquoi m’écrivez-vous quelquefois des lettres désagréables, dont l’impression s’ajoute à mes ennuis2 ? J’ai eu, moi aussi, l’envie de vous dire, affectueusement, tout ce que j’avais sur le cœur, mais je n’en ai pas eu le courage. Je vous aime trop.

Vous me demandez pourquoi je ne suis pas allé vous voir pendant que vous étiez à Paris. Mais je vous avais télégraphié que je vous attendais pour étudier notre n° de Commerce, et vous ne m’avez pas fait signe. J’en ai conclu que vous ne désiriez pas ma présence.

Quant aux changements que vous proposez, euh, je suis bien hésitant, et il faudrait que nous en parlions ensemble3. Notre format actuel est bon, ne trouvez-vous pas ? Tous les gens que je connais le trouvent. Si nous chan geons, nous allons d’abord « dépareiller » notre belle collection. Adopter une couleur, par exemple le rouge ? Ça s’est tellement fait. Mais on trouve très agréables nos couleurs de saison4. J’ai rencontré ces jours-ci Valéry, qui ne m’a pas non plus paru très favorable aux changements, et qui fait ses réserves sur un « avis au lecteur »5. Quels sont ceux qui sont pour l’une ou l’autre décision ? Enfin, tout cela est à étudier.

Malgré mes inextricables tracas, je suis arrivé, je ne sais comment, à corriger les épreuves de mes volumes de la Nouvelle Revue Française 6. Il faut que ça sorte le plus tôt possible, et presque coup sur coup. Le moment est bon. J’ai même pu travailler au Paradis, qui est une machine difficile et qui demanderait un loisir et une égalité d’esprit parfaits. Je voudrais aussi continuer mes « Souvenirs », que tout le monde me réclame. Mais quand ? Et comment ? Justes dieux ! Réglez, puissances suprêmes, réglez ma situa tion industrielle, matérielle, temporelle. Je me charge du spirituel, et même de quelque chose d’autre, et je vous en foutrai, moi, des bouquins ! Et j’ai

2 Il n’y a parmi la correspondance retrouvée qu’une seule lettre de la princesse que l’on pourrait qualifier de « désagréable » – elle manifeste en général au contraire une grande patience et ne ménage pas ses encouragements.

3 Après le scandale suscité par la publication du conte « La Brebis galante » de Benjamin Péret, dans le cahier XIII de l’automne 1927 (p. 131-170), une « nouvelle fondation » de Commerce a un temps été envisagée, mais il n’y aura en définitive aucun changement dans la présentation. Voir la lettre 68.

4 La revue se présente sous la forme de sobres et élégants cahiers de format (24×29) pour les exemplaires ordinaires sur Alfa, qui revêtent une couleur spécifique pour chaque saison, rouge orangé pour l’été, ocre pour l’automne, gris pour l’hiver et vert pour le printemps.

5 Il n’y aura finalement pas d’« avis au lecteur », mais il a en été question. Voir la lettre 68.

6 Il s’agit des volumes publiés chez Gallimard en 1928 et 1929.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE136

encore dans l’espoir de trouver un logement dans un quartier qui me plaise. Ma mère ne peut décidément pas s’y faire7. Elle est réveillée la nuit par toutes sortes de monstrueux camions industriels et de voitures de charroi. Et moi, dès que je sors de ma porte, je suis racolé par des créatures qui me disent des vilaines choses et qui essayent de m’empêcher d’aller chercher une voiture, ou me poursuivent jusque dans le métro, ou me dissuadent, avec des paroles captieuses, de remonter chez moi et de travailler. Mon bistro me compte l’apératif plus cher qu’aux autres, parce qu’il me considère comme le « monsieur » de la région. Le coiffeur, (ce sont deux dames élégantes) me met à la porte quand il y a trop de femmes qui attendent pour se faire couper la tête, (car on est très coquet dans les faubourgs.) L’une même de ces patronnes a quelque goût pour moi. Quand j’arrive à me faire servir, elle vient à côté de moi pour faire la causette et me fait couper affreuse ment par son garçon, qui fait son service militaire dans l’aviation et qui est remarquablement pirate avec la peau des clients. Les misères composent un tableau assez sombre, que la vue presque quotidienne des littérateurs n’est pas pour éclairer. (J’ai rencontré, ces jours-ci, Gide, qui grimace de plus en plus, et essaye de ressembler à Satan, comme le docteur Florand ressemblait à Neptune ou le comte Primoli au Père Eternel.)8

Ma chère amie, j’irais bien vous voir à Menton, mais quand ? Et com ment ? Toujours les mêmes questions qui se posent à moi, pour qui les choses agréables sont les plus difficiles. (Ça me rappelle la belle phrase de Madame Bovary, qui commence à peu près ainsi : « Elle en avait assez de cette vie suffocante. Est-ce qu’elle n’en sortirait jamais. Elle rêvait des grands éper duments (sic) qu’elle ne connaissait pas… etc. »)9 Enfin, nous verrons bien.

7

Fargue, après l’expropriation de sa maison et de l’atelier hérités de son père, est relogé avec sa mère au 37, rue Château-Landon à partir du 20 octobre 1926 ; même s’il s’y sent excentré et malheureux, il ne quittera ce logement qu’après la mort de sa mère.

8 Il s’agit sans doute du Docteur Antoine Léon Florand (1857-1927) peint par JacquesÉmile Blanche vers 1920, médecin à l’hôpital Lariboisière, qui a écrit sur la goutte et l’obésité. Le comte Joseph Napoléon Primoli (1851-1927) est un éminent homme du monde franco-italien, habitué des salons parisiens et connu pour sa barbe blanche.

9 Fargue cite de tête mais ne se trompe pas beaucoup. Il fait référence au chapitre IX de la Première partie de Madame Bovary  : « Est-ce que cette misère durerait toujours ? est-ce qu’elle n’en sortirait pas ? Elle valait bien cependant toutes celles qui vivaient heureuses ! […] elle s’appuyait la tête aux murs pour pleurer ; elle enviait les existences tumultueuses, les nuits masquées, les insolents plaisirs avec tous les éperduments qu’elle ne connaissait pas et qu’ils devaient donner. » Gustave Flaubert, Madame Bovary, Œuvres, édition établie et annotée par Albert Thibaudet et René Dumesnil, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », tome i, 1951, p. 352.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 137

Allons, au revoir, chère amie. Ecrivez-moi. Mais ne viendrez-vous pas bientôt à Paris. Et que se passe-t-il sur la Côte ?

Votre affectueux

Léon-Paul Fargue. P.S. On me dit que les enfants se portent bien. Dites-leur ma bonne amitié ainsi qu’au prince.

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

Cher Fargue,

J’étais bien heureuse d’avoir vos nouvelles et Paulhan m’écrit qu’il pense que vous espérez être bientôt libéré de votre maison1. Je l’espère de tout cœur car vraiment je pense que cela serait la meilleure chose pour vous, n’est-ce pas ? Alors c’est entendu on change rien à Commerce, en tous cas pour le moment, et il faut que le numéro d’hiver paraisse avant la fin Février. Maintenant je désire beaucoup avoir quelque chose de vous je viens vous proposer d’autres conditions de la part de Commerce. Voici. Dix mille francs par an comme directeur et cinq mille pour chaque texte que vous donnerez – Cela vous va-t-il ? Mais je vous prie de ne pas en parler à personne car je ne peux pas faire de même pour les autres directeurs – Ceci commencera dès aujourd’hui et comptera aussi pour le Paradis. Je vous prie de m’envoyer tout-de-suite un petit mot me disant si vous donnerez un texte maintenant (avant la fin du mois) et quoi –

Lettre 146.

Il faut comprendre « être libéré » de la fabrique de céramique. Fargue est alors encore en pourparler avec Gaudin pour une éventuelle association, et une partie du stock Fargue est déjà entreposée chez son futur repreneur. Des statuts ont en effet été rédigés. Voir la lettre 148. C’est à l’automne 1929 que Gaudin rachètera le fonds.

1

CORRESPONDANCE FRANÇAISE138
146

Ça serait beau si vous pouviez donner « Le Paradis » maintenant et la suite des Souvenirs pour le cahier du Printemps2. Qu’en pensez-vous ?

J’espère que votre mère se porte aussi bien que possible par ce vilain hiver et vous comment cela va-t-il ? Pourquoi ne viendriez-vous pas nous voir, quand vous voudrez ? Venez ! –Mille affectueuses Amitiés

Marguerite di Bassiano

147

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

Mercredi [18 janvier 1928]2

Cher Ami Nous comptons sur vous ce Dimanche, Winnie, Stravinsky etc et j’espère les peintres le3 le 29. Falla, Ricardo, Prokofieff4 etc

Cher Fargue je ne veux vraiment pas vous embêter mais il faudrait don ner « Le Paradis » Dimanche en huit le 29 au plus tard. Faites cela je vous en supplie. Le jour que vous me l’apporter je vous donnerai la même somme que je vous ai donnée l’autre jour. Il suffit d’un peu de volonté de votre part j’en suis certaine. Faites ça. C’est si attendu je vous assure et il ne fait pas laisser passer trop d’interval entre les deux parties. Il y a déjà trop5 –

2

La princesse attend toujours le « Paradis », qu’elle aimerait publier dans le cahier de l’hi ver 1927 (ce qui sera le cas, mais avec un cahier d’hiver publié au printemps…) ; ce ne seront pas des « Souvenirs » qui figureront dans le cahier du printemps 1928 mais « Bruits de café ».

Lettre 147.

1 En-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 Le « Dimanche en huit le 29 » indique que la lettre a été écrite mercredi 18. Elle date donc du mercredi 18 janvier 1928.

3 Marguerite Caetani a par erreur écrit deux fois « le ».

4 Winnie désigne la princesse Winnaretta Singer, princesse Edmond de Polignac. La liste qui suit donne une idée des invités de marque des Bassiano, comprenant les meilleurs musiciens de l’époque, les Russes Igor Stravinsky et Sergueï Prokofiev (1891-1953), et les Espagnols Manuel de Falla (1876-1946) et Ricardo Viñes.

5 Depuis la première partie du cahier VII de printemps 1926, sans doute paru à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin, il a fallu attendre en effet l’été 1928 (fin mai ou juin) pour la publication de la deuxième partie dans le cahier XIV de « l’hiver » 1927.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 139

Mettez-vous au travail sérieusement et apportez-le moi le 29. Vous me feriez une immense6 joie – Et nous aurons un magnifique numéro au moment ou paraîtra Vers et Proses7 !! – avec Régnier, Anna de Noailles Benda, Duhamel etc.8 – Vous avez vu l’annonce ? C’est trop beau –Bien affectueusement

148

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani1

Paris, Dimanche. [6 février 1928]

Ma bien chère amie

Que c’est donc difficile d’écrire, Bon Dieu, je veux dire difficile de s’y mettre. Et je veux dire difficile pour moi, pour qui les choses faciles sont très dif

6 L’adjectif « immense » est souligné trois fois. 7 Paul Fort avait dirigé Vers et Prose de 1905 à 1914. Une deuxième série initialement prévue en douze tomes a finalement donné lieu à deux tomes publiés en avril-juin et juillet-septembre 1928, dont Valéry était « directeur de publication ». Pour autant, son rôle ne semble pas remis en cause dans Commerce. Une lettre de Paulhan à Larbaud de 1927 permet de comprendre que Fargue a fait peur à la princesse : « Savez-vous qu’il est arrivé des drames pendant votre absence ? Fargue a brusquement écrit à la princesse, qui en a été effrayée, que si elle ne revenait pas à toute vitesse, Commerce était perdu. / Il songeait à Vers et Prose, que Valéry a accepté de diriger à côté de Paul Fort, et qui se proposerait, dit-on, de vaincre Commerce. À la réflexion, rien n’a paru grave ; Fargue n’était pas peu fier d’avoir si bien tenu son rôle de directeur » (MVL). Si Fargue entretient un climat de rivalité entre revues, la lettre que la princesse envoie à Fargue montre que la reparution de Vers et Prose ne semble pas faire trop de concurrence à Commerce.

8 La NRF du 1er janvier 1928 comporte l’annonce suivante : « Vers et prose / Directeurs : Paul Valéry – Paul Fort / Le premier numéro, janvier 1928, contient des œuvres de Mme la Comtesse de Noailles, MM. Henri de Régnier, Maurice Maeterlinck, Georges Courteline, André Suarès, Francis Viélé-Griffin, Georges Duhamel, Julien Benda, Jules Romains, et des pages inédites de Jules Renard et Marcel Schwob ». Pourtant le premier tome de Vers et prose est finalement daté d’avril-juin 1928.

Lettre 148.

La lettre est accompagnée d’une enveloppe « Hôtel Negresco Nice » adressée à Madame / La Princesse de Bassiano / Villa Feuillée / Boulevard de Garavan / Menton-Garavan / AlpesMaritimes ; le cachet de la poste indique Paris du 6 II 28. Papier avec en-tête : Hôtel Negresco / 37, Promenade des Anglais / Nice ; indication à gauche : Télégrammes Negrescotel – Nice.

1

CORRESPONDANCE FRANÇAISE140

ficiles. Je veux trop en dire, je ne sais pas par quel bout commencer, et je ne démarre pas. Là-dessus, j’entendais vaguement dire que vous viendriez à Paris pour quelques jours, à la fin de Janvier, et j’attendais, me disant que je pourrais vous remercier avec plus d’effusion quand je vous verrais, que dans un froid gribouillage. Enfin, puisque vous ne paraissez pas venir, je le fais par écrit, et de quel cœur ! C’est bien vous la meilleure. Mais vous ne tombez pas sur une brute, et peut-être que je ne vaudrais pas beaucoup moins que vous, si j’avais la vie plus heureuse et l’esprit plus tranquille. Enfin, ce que vous venez de m’écrire me rassure, me donne de l’espoir, l’envie de travailler, me fait croire en moi. Je vous assure qu’il y a des moments où je flanche, qu’il y en avait où j’étais découragé. Depuis que je me sens soutenu par vous, ça va mieux, je sens que tout s’arrangera, que je sortirai des griffes des commerçants, des associés, des créanciers, des huissiers, du chiffre d’af faires, des contrefacteurs, des Compagnies de Chemin de fer, du quartier de la Chapelle, de l’obscurité, de l’hésitation 2. Travailler tranquille, à ce que j’aime, je ne pense qu’à ça. Les projets abondent, et je crois que je vais faire des choses pas trop mal. Vous êtes et vous serez la seule qui ait obtenu ce résultat. Je veux que vous puissiez en être fière. Je sais que je vaux tout de même quelque chose.

Ici, rien de bien nouveau. Je corrige les épreuves de mes livres à la N.R.F.3 Le premier va bientôt sortir, les autres peu après. J’attendrai que le premier ait paru pour publier un article que j’ai fait sur la campagne qu’on fait contre Valéry4. Sinon on dirait que je ferais mieux de produire que de discuter.

2 L’expropriation a été très douloureuse pour Fargue, d’autant que « l’indemnité est nettement insuffisante » (Rypko Schub, p. 144). Louise Rypko Schub cite un brouillon de lettre qui décrit ainsi son nouveau domicile : « C’est tout petit et c’est au diable : rue Château-Landon, au coin du boulevard de la Chapelle, près du rond-point de la Villette ! C’est beaucoup trop loin pour moi, c’est “masqué”, il n’y a même pas de station de voiture » (p. 144-145). Elle n’identifie pas le destinataire, mais il s’agit d’une lettre à René Guilleré du 26 juillet 1926, dans laquelle Fargue cherche encore un autre logement possible, et demande à Guilleré de lui obtenir pour son futur logement des meubles au rabais en tant que « four nisseur » du Printemps. Voir Laurent de Freitas, « René Guilleré, une amitié en poésie », Ludions, n° 14, p. 126-129.

3 Fargue a déjà évoqué les quatre plaquettes publiées à la N.R.F, le « deuxième volume de la N.R.F. » correspondant à Vulturne d’après l’ordre chronologique de publication.

4 La « campagne qu’on fait contre Valéry » s’amplifie à la fin de 1927, avec des offensives menées par Léon Daudet, Gustave Téry, Fernand Vandérem, André Rouveyre, GaltierBoissière… Voir Jarrety, p. 695-700. Fargue le défend en effet dans ses entretiens avec Frédéric Lefèvre aux Nouvelles littéraires, en janvier puis en juin 1929 : « Une chose m’est particulièrement pénible : les attaques contre Valéry. J’admets que les opinions soient libres et qu’on puisse concevoir la poésie, la vie, la vie sociale, tout autrement qu’il ne les conçoit.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 141

Je vais vous donner un texte pour le prochain n°, naturellement. Cette fois, je crois bien que ce sera le Paradis, que je voudrais faire finir épatam ment. C’est difficile à ne pas rater. Enfin, je vous donnerai toujours quelque chose dont je serai content. Si vous jugez que ce n’est pas suffisant, vous n’en tiendrez aucun compte.

En même temps, je suis obligé d’écrire des textes pour grossir mon deu xième volume de la N.R.F., qui n’a pas assez de pages. On m’a démandé aussi de faire quinze pages pour quinze lithographies de Boussingault, sur Paris, mais à quel moment les faire5.

Nous sommes en pleine rédaction des statuts et des bulletins de souscrip tions pour la Société que nous faisons avec la maison Gaudin, puisqu’elle ne veut pas m’acheter ferme ma maison. Nous avons déjà fait un « compromis » de contrat que j’ai étudié avec le plus grand soin6.

Ce soir, je vais voir, dans son petit logement d’Aubervilliers, mon pauvre Baptiste, mon contremaître, qui est malade depuis six semaines7. Ce n’est pas très grave, de la sciatique, mais il lui faut un long repos. Celui-là est une belle nature, un ami dévoué, qu’on a essayé d’acheter, et cher, et qui a tourné le dos à tous les tentateurs. Je lui paye ses semaines comme s’il travaillait, et si jamais j’ai un peu d’argent, il n’en manquera pas.

Mais ce que je ne puis admettre, c’est qu’on ne tire pas son chapeau devant cette intelligence exceptionnelle, au clin d’œil infaillible, à l’agilité peu commune, à son appétit de connais sances, à sa façon de se mouvoir et de s’organiser dans tous les sens, à sa sagesse étincelante, à sa façon de réaliser ce qu’il est. On peut discuter ce qu’il fait, pas sa façon de le faire. […] S’il ne publiait que peu de choses, c’était plus encore par scrupule et par goût de l’inachève ment que par indifférence. Il tendait longuement au définitif. On a soulevé la question des plaquettes. Je n’ai pas besoin de dire que je suis plus content de relire le même poème de Valéry dans dix plaquettes nouvelles que de lire dix paquets différents de cette littérature alimentaire pour prix de La Vie Intense, prix de La Vie en Beauté, prix Bornibus, ou prix de La Morvonnais, dont les fournisseurs nous submergent. » Voir Un désordre familier, Fata Morgana, Georges Monti, Cognac, 2003, p. 36-37.

5 Le projet d’un volume unissant l’œuvre de Fargue à celle du peintre et graveur JeanLouis Boussingault (1883-1943) remonte à 1927. C’est finalement le 25 septembre 1931 qu’est publié D’Après Paris par la Librairie de France pour « Les Amis de l’Amour de l’Art », avec des lithographies de Jean-Louis Boussingault sur le thème de Paris (suivie d’une publication chez Gallimard en 1932 reprenant certains chapitres et le titre lui-même, D’Après Paris). Voir Rypko Schub, p. 173.

6

« Les “matériel et objets mobiliers dépendant” du fonds de commerce sont transportés chez Gaudin & Cie, 6 rue de la Grande-Chaumière, où Fargue peut “recevoir sa clientèle et son courrier” » (Rypko Schub, p. 144). Gaudin rachète le fonds à l’automne 1929. Voir la lettre 146.

« Baptiste était le cuiseur… qui avait particulièrement aimé Léon Fargue » (Rypko Schub, p. 134).

7

CORRESPONDANCE FRANÇAISE142

Pardonnez-moi cet affreux papier à lettres. C’est tout ce qui me reste. Ecrivez-moi vite. Et partagez avez les vôtres la solide affection que j’ai pour vous. Léon-Paul Fargue

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

Mardi [début 1928 ?]

Bravo ! Bravo ! Bravo ! Très cher Fargue – Je ne sais pas si ce n’est pas encore plus réussie que la première partie, ce qui voudrait dire beaucoup.

Je vous envoie ceci avec toute la reconnaissance de Commerce et toute ma reconnaissance aussi. Cher ami est-ce qu’il ne vaudrait pas mieux mettre m--- à la place du mot entier ? comme vous avez mis du reste dans plusieurs endroits. Vous ferez pour le mieux mais je préfèrerais si c’est possible.

J’ai hâte de vous parler longuement dans tous les détails – C’est tout-à-fait épatant – Pourquoi ne l’avez-vous pas fait composer en Italiques ?

Nous avons pris nos places pour le 31 seulement à cause de ce vague de froid. Vous savez que Larbaud a été gravement malade ? Mille pensées affectueuses

M. di B.

Pas trop de corrections sur épreuves n’est-ce pas ?

Lettre 149. 1 En-tête imprimé : vi LLa feui LLée / bou Levard de garavan / m enton garavan

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 143
149

150

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

Villa Païta / La Baule les Pins le 24 août [1928]

Cher Ami. J’ai bien reçu votre carte de St Tropez et je suis bien heureuse que vous ayez pu y aller. J’aimerais bien être là avec vous tous. Je me demande si vous êtes toujours dans le Midi. J’espère que vous viendrez ici quand vous voudrez et pour le plus longtemps possible.

Roffredo est parti hier pour Rome et sera de retour vers le 3 ou 4 Septembre. Viendrez-vous à ce moment là peutêtre ?

J’espère que vous pensez à la suite de vos souvenirs. Je serais si heureuse d’avoir une chose importante pour notre 1er numéro de la 5ième année1 ! –Donnez moi en des nouvelles. Il faudrait le texte pour Fréret pas plus tard que le 10 Sept. Mille Affectueux souvenirs

Marguerite di B

151

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

La Baule le 2 Sept [embre 1928]

Lettre 150.

1 La cinquième année de Commerce correspond donc à 1928. Fargue contribue au cahier XVI de l’été 1928 avec « Souvenirs d’un fantôme », mais Marguerite Caetani fait vraisemblablement référence au numéro d’automne, auquel Fargue ne donne rien.

Cher Ami. Je ne sais pas si vous avez encore reçu ma lettre de l’autre jour. Probablement pas. Ceci n’est qu’un petit mot pour vous prier d’écrire au Claudel1, Lettre 151.

1 Paul Claudel s’était scandalisé de la publication de « La Brebis galante » dans le cahier XIII de Commerce. Marguerite Caetani insiste beaucoup pour avoir un texte de lui et s’adresse

CORRESPONDANCE FRANÇAISE144

80 rue de Passy au nom de Commerce pour le prier de nous donner quelque chose que nous tenons spécialement pour ce prochain cahier qui inaugure notre 5ième année. Ecrivez lui une lettre comme seulement vous savez le faire car il paraît qu’il a déclaré ne vouloir jamais plus rien nous donner.

152

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani1 [13 septembre 1928]

Très chère amie, Vos lettres me rejoignent à Paris, (où je suis revenu mardi,) après m’avoir raté dans quelques villes, à la poste restante. Je viens d’écrire à Claudel 2 , avant de vous écrire. Je ne sais s’il est encore à Paris, mais j’ai mis : faire par venir. A qui donc avait-il dit qu’il ne nous donnerait plus rien ? N’est-ce pas un propos vague ? Enfin je ne fais aucune allusion compromettante dans la lettre que je lui écris.

Ce qui est au point de mes souvenirs d’enfance n’est pas assez important pour figurer dans notre n° de rentrée3. D’ailleurs, il faudra que je les revoie encore. Je vous donnerai plutôt des poèmes que j’ai faits cet été, (Retour,

également à Paulhan. La dernière contribution de Claudel remontait au numéro IX de l’au tomne 1926, « Le Poëte et le shamisen », p. 7-40. Voir la lettre suivante.

Lettre 152.

1

Enveloppe adressée à Madame La Princesse de Bassiano / Villa Païta / La Baule-les-Pins / Loire-Inférieure ; cachet de la poste du 13-9-28.

2 Il faut attendre le numéro XIX du printemps 1929 pour que Claudel confie « Conversations dans le Loir-et-Cher » (p. 7-81) publié en tête du cahier. Si Claudel avait été très courroucé de la publication du Péret, il a souvent tendance à accorder davantage de cré dit moral à Commerce qu’à d’autres revues – et le fait d’être bien rémunéré est un argument supplémentaire en faveur de la bonne tenue générale des cahiers trimestriels.

3 Plusieurs textes de Fargue peuvent être considérés comme des souvenirs d’enfance. Quand il évoque le numéro de rentrée, il fait certainement référence au cahier XVII de l’automne 1928, qui ne contient en effet rien de Fargue. Le prochain texte que Fargue publie dans Commerce est « Vieille France » dans le numéro XVIII de l’hiver 1928.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 145

– Sur un piano Bord, – La Ville Invisible.)4 et que je préfère. Faut-il vous les envoyer ? Je vous les posterais bien à la Baule, mais, il faut bien que je l’avoue, je suis d’une pauvreté exagérée. J’ai trouvé en rentrant mes ennuis qui m’avaient patiemment attendu, les admonestations, les feuilles d’impôts, les créanciers, qui, encouragés par les acomptes que je leur avais versés avant mon départ, réclament leurs reliquats, etc, etc. Enfin, les vacances que j’ai pu prendre, un peu plus longues que d’habitude, m’ont fait du bien. J’ai beau coup circulé en voiture avec des amis, c’est pourquoi j’ai manqué vos lettres.

Guilleré me parle d’un ouvrage allemand des plus intéressant. Il avait pensé que Groethuysen pourrait le traduire5. J’ai oublié le nom, je vous le dirai dans ma prochaine lettre.

A bientôt, affectueusement à vous tous, ma chère amie.

Quoi déjà dans le prochain n° ? Je reçois une carte de Valéry.

4 Aucun poème intitulé ainsi n’a été publié dans Commerce. C’est dans La NRF du 1er novembre 1928 qu’est publié « Sur un piano bord », p. 623-628. « Retour » figure parmi les poèmes de « Sur un piano bord » de La NRF, et sera repris sous le même titre dans la pre mière édition de D’après Paris, Librairie de France, 1931, puis prendra le titre « Intermède » dans l’édition D’après Paris de Gallimard en 1932. Le poème « La Ville invisible » en revanche n’a peut-être jamais été publié. Barbara Pascarel ne les mentionne pas dans sa Bibliographie, et on en trouve aucune trace nulle part.

5 René Guilleré, dont Fargue a préfacé en 1933 Funiculaire dans la collection La Phalange, a été publié à deux reprises dans Commerce (cahier VIII et XI), mais proposé aussi par Larbaud et Paulhan. Cependant, « l’ouvrage allemand » dont Fargue a oublié le nom de l’auteur n’a vraisemblablement jamais été proposé à Bernard Groethuysen, qui a entrepris une bonne part des traductions de langue allemande de la revue.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE146

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

28 sept[embre] 1928 Vendredi

Cher Ami nous serons à la Villa Romaine demain soir. Venez nous voir Dimanche.

Bien affectueusement

M. di B.

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue

Villa Romaine / Dimanche [mai 1929]

Cher Fargue

Voici avec les remercîments de « Commerce » et les miens pour « Signaux »1. Je l’aime bien mais j’attends plusieurs autres choses promises avec impatience ! Pour le cahier d’Eté qui doit paraître le 15 juillet si vous pouvez donner quelque chose 2 je vous prie de le porter à Fréret le plus vite possible, pas plus tard que le 8 juin – Nous allons recevoir quelques amis à déjeuner Samedi le 1er Juin pour la première fois depuis notre retour et nous serions très heureux si vous vouliez venir aussi à déjeuner ou après, comme

Lettre 153.

1

Carte postale de Dinard, représentant La Pointe de la Malouine, adressée à Monsieur Fargue / 37 rue Château Landon / Paris.

Lettre 154.

1 Le court texte en prose « Signaux », publié dans le cahier XIX du printemps 1929, sera repris sous le titre « La Gare » dans le recueil D’après Paris.

2 Fargue ne contribue en fait pas au cahier d’été.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 147 153
154

vous préférez. Voulez-vous inviter de ma part ce Rivière3 que vous avez emme né ici un jour ?

Affectueux souvenirs

Marguerite di Bassiano

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani1

[13 décembre 1930]

37 rue Château-Landon.

[ajout en haut à gauche] Prière de faire suivre d’urgence.

Ma très chère amie, Vous savez bien qu’il m’est pénible de parler de ces choses-là. Mais voici l’entrée de l’hiver, le premier de l’an, nos charges sont lourdes, et je n’ai pas d’argent. On nous menace de nous couper l’électricité, le gaz, le téléphone, etc. Vous savez peut-être que les projets de contrats que j’avais l’année der nière n’ont pas eu de suites, et ne pouvaient d’ailleurs pas en avoir. La néces sité « me tord dans sa tenaille », et je ne sais pas, encore une fois, comment je vais m’en tirer.

Si vous pouviez m’envoyer quelque chose, vous me rendriez plus que jamais service.

Bien affectueusement à vous,

Léon-Paul Fargue. Téléphonez-moi. (Nord 01. 38.)

3 Il pourrait s’agir de Georges-Henri Rivière (1897-1985), fondateur avec Georges Bataille de la revue Documents en 1929.

Lettre 155.

1 Enveloppe adressée à Madame / La Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Avenue Douglas – Haig / Versailles / Seine et Oise ; cachet de la poste du 13-XII-1930.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE148
155

Marguerite Caetani à Léon-Paul Fargue1

le 9 Jan [vier 1931]

Cher Ami. Pardonnez-moi de ne pas avoir répondu plus vite à votre lettre et d’avoir laissé passer le 1er sans vous envoyer mes souhaits. Votre lettre est arrivée au moment même de mon départ de Versailles et depuis mon arrivée ici 2 j’ai passé ces première semaines dans une sorte d’ahurissement essayant d’organiser pour le mieux la vie de Lélia et de Camillo. J’espère que vous avez eu des nouvelles de Giraud-Badin de ma part. Je leur ai écrit de vous envoyer les honoraires pour « Une Violette noire »3. Serez-vous prêt pour le prochain numéro qui est déjà presque composé4 ? Il faudrait que je le sache immédiatement et combien de pages vous donnerez, pour vous laisser la place. Il faudrait votre manuscrit le plus vite possible avant la fin janvier absolument (nous paraîtrons fin Février) autrement il vaut mieux décider à le donner pour le cahier de Printemps. Qu’en dites-vous ? Mais répondez-moi tout de suite à ce sujet –

Je vous envoie mille et mille bons souhaits à vous et à votre chère mère et que la nouvelle année vous apporte toutes sortes de bonnes choses

Lettre 156.

1 En-tête imprimé : Villa Caetani / Vicolo Tre Madonne / Roma / Tel 88+92.

2 La princesse écrit de Rome. Marguerite et Roffredo ont acquis la Villa Caetani de Rome, Vicolo Tre Madonne, en 1924 ; ils y font des travaux à partir de 1927 et y vivent alternativement avec la Villa romaine de Versailles, qu’ils doivent vendre en janvier 1933. En 1934, ils vendent également la maison romaine et s’installent au Palazzo Caetani de Rome.

3 Marguerite Caetani évoque le texte consacré à la mort de Raymonde Linossier, « Une violette noire », publié dans le cahier XXV de l’automne 1930, p. 87-90. Le fait qu’elle ne le rémunère qu’en janvier illustre bien ses difficultés de trésorerie.

4 La dernière collaboration de Fargue à Commerce figure dans le cahier XXVI de l’hiver 1930, « D’un porte-plume à un aimant », p. 127-130, cahier qui n’est en effet toujours pas publié au début du mois de février 1931.

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 149 156

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani1

Mercredi 4/2 31. rue Château-Landon 37. Tél : Nord 01.38

Chère amie, Excusez-moi de ne pas vous avoir écrit plus tôt, mais quand j’ai reçu votre lettre, je me débattais dans une situation critique, je n’avais la tête qu’à m’en tirer, j’avais interrompu tout travail littéraire, et j’aurais été bien en peine de parfaire un nombre de pages quelconque. J’ai souffert, et je souffre toujours de mille choses, à commencer par le manque d’argent, dont je n’ai jamais été aussi gravement incommodé. (Vous me direz que je répète toujours la même chose ; mais comme dit je ne sais plus quel Pierrot de Banville 2, je répète toujours la même chose parce que c’est toujours la même chose.) J’étais tout occupé à parer au plus pressé, fonçant dans tous les sens, à la fois agité et abruti. J’ai couru porter votre lettre chez Giraud-Badin 3, où l’on m’a dit n’avoir pas d’instructions de vous à mon sujet, ce qui a été pour moi une grosse déception. On nous a plusieurs fois coupé le gaz, l’électricité, le téléphone. J’ai été saisi par l’huissier des contributions, et j’ai dû me démener comme un diable dans un bénitier et faire intervenir la Préfecture, à grand peine, pour éviter la vente de mes meubles. Il faut que j’aie de la santé, (tou chons du bois, pourvu que ça dure,) et un tempérament optimiste à toute épreuve, pour résister à ces misères. Cette fois cependant, le moral com mence à baisser, c’est la première fois. Est-ce un signe ? Enfin voilà le sort d’un écrivain propre, qui ne veut pas faire de basses besognes, qui ne veut à aucun prix devenir une machine à écrire, ou un officiel. Il y a des moments où j’ai soupé du métier, où je voudrais faire n’importe quoi, où je regarde vaguement au ciel, où je trouve que les Dieux me devraient bien un miracle.

Lettre 157.

1 Enveloppe adressée à Madame / La Princesse de Bassiano / Villa Caetani / Vicolo tre Madonne / Rome (136) / Italie  ; cachet de la poste du 5-II-1931 (et au verso : 7-II 31-IX).

2 Fargue fait référence au poème de Théodore de Banville (1823-1891), « Pierrot » (qui figure dans « Les Caprices, en dizains à la manière de Clément Marot », Livre troisième du recueil Les Cariatides de 1843).

3 Louis Giraud-Badin (1876-1960) est le gérant de Commerce à partir du numéro IX, de 1926 à la fin de la revue.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE150 157

J’ai beau supporter ces angoisses avec toute la bonne humeur, toute l’ironie, tout le stoïcisme possibles, je ne sais vraiment pas où tout cela me mènera.

La « Violette noire » a pourtant eu beaucoup de succès 4. Elle a été repro duite entièrement par les Nouvelles Littéraires, Candide, la République, et je ne sais plus quelles autres feuilles. Elle m’a valu quelques lettres émues. …Mais tout cela est platonique. Cependant et malgré les conditions maté rielles et morales où je me trouve, j’ai repris (péniblement) la première partie de l’Histoire des Ressorts5, mais je ne serai certainement pas prêt pour le numéro d’hiver. Nous la passerons au suivant, voilà tout. Je voudrais que cette grande machine soit tout à fait réussie, mais il me faudrait, pour cette mise au point difficile, des ressources, une tranquillité d’esprit et des loisirs que je n’ai pas. Enfin, cela ne fait rien et, comme je le sens en moi, comme je l’ai dit et même écrit, je maintiendrai toujours, mais je suis bien seul !

Je trouve que Paris ne fait pas mine de se décrétiniser vite, que ce qu’on pourrait apercevoir de mieux ne se presse pas d’arriver. Quelle civilisation grossière, qui se croit progressive et qui est surtout hâtive, et dont l’infério rité, par rapport à des tas de choses que nous avons aimées il y a vingt-cinq ans, saute aux yeux, malgré tout. Le fin visage de mon pays s’est empâté, ou s’éclaire d’une lumière morbide. Toujours trop de livres, trop de cinéma parlant, trop de sport inutile. J’ai été invité à la présentation d’un nouveau film d’Abel Gance : La fin du Monde6 et, malgré toute la générosité d’esprit que je puis y apporter, je suis persuadé qu’il a lu et relu « Vulturne ». J’en ai vu un autre, qui est tiré de David Golder, le roman de M me Nemirowsky, et où Harry Baur est excellent7. Je crois que c’est l’acteur le plus puissant que

4 « Une violette noire », Commerce, XXV, automne 1930, p. 87-90. Le poème est une forme d’épitaphe à son amie défunte Raymonde Linossier.

5

« L’Histoire des Ressorts », que la princesse annonçait à Larbaud en 1928, n’a jamais été publié par Commerce. La revue Ludions a publié récemment un feuillet autographe inti tulé Histoires de ressorts Notes, dont certains éléments sont réutilisés dans un autre texte, Le Cauchemar au vernissage, paru non pas dans Commerce, mais dans Les Nouvelles littéraires en juillet 1931, avant de figurer dans D’Après Paris la même année. Voir Barbara Pascarel, « Histoires de ressorts », Ludions, n° 10, 2005, p. 76-79. Fargue contribuera une ultime fois à Commerce dans le cahier XXVI avec « D’un porte-plume à un aimant ».

6 La Fin du monde sorti en 1931 est le premier film parlant d’Abel Gance (1889-1981). Ce film de science-fiction évoque l’histoire d’une comète qui menace de détruire la terre. Le film, qui a été énormément coupé, a été très critiqué lors de sa sortie.

7 Irène Némirovsky (1903-1942) a écrit le roman David Golder paru en 1929 ; Julien Duvivier en a réalisé un film en 1931, avec Harry Baur (1880-1943) dans le rôle titre. C’est le premier film parlant du réalisateur. Fargue s’est très tôt intéressé au cinéma, à Méliès et à Chaplin, puis à travers André Beucler et le réalisateur Jacques Tourneur, ami commun avec Charles Chanvin, et les acteurs Michel Simon et Pierre Brasseur, compagnons de nuit du

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 151

nous ayons eu depuis Guitry. Avec ça, toujours trop d’expositions de mau vaise peinture, bien que « la saison ne vaille rien, que les galeries soient hors de prix », et que beaucoup d’entre elles ferment. Il n’y a vraiment que les concerts qui me donnent un peu de repos, mais je n’ai pas le moyen d’y aller souvent. Les rares établissements « de plaisir » qu’il m’arrive de traverser, et où on recommence à jouer timidement des valses, sont à moitié vides. Les gens ont été si fortement étrillés dans leurs placements qu’ils ont une peur bleue pour leur argent, peur d’une guerre, peur d’un tas de fantômes, peur de tout ! Alors, vous pensez si on se fiche des artistes, et de la haute littérature !

J’attends de vos nouvelles avec une impatience dont les événements ne me permettent pas de me rendre maître, car je ne me maintiens à flot que par miracle, et je vous prie de me croire toujours à vous, bien affectueusement.

[ajout au crayon de papier, de Fargue sans doute]

Tél : Nord 01. 38

158

Léon-Paul Fargue à Marguerite Caetani1

Chère Princesse, je vous écris sur ce piteux bout de papier parce que je n’ai que ça qui me tombe sous la main, et que j’éprouve un besoin immé diat, impérieux, de vous dire combien je vous aime. On ne perd que trop de temps, on ne se parle jamais assez, on a la manie de se séparer, on se retrouve, on se quitte encore, et on se découvre souvent trop tard. « Ce n’est

poète. Voir aussi la chronique de Fargue sur le cinéma, « Ombres chinoises », où il estime que « le cinéma a, comme on dit, loupé un jour le virage », in Lanterne magique, (Robert Laffont, 1944), Seghers, 1982, p. 152-161.

Lettre 158.

Il est impossible de dater précisément cette lettre. La fondation Caetani indique qu’elle est citée dans l’article d’Iris Origo du Cornhill. La lettre n’a pas été retrouvée, mais une version dactylographiée se trouve à la fondation Saint-John Perse d’Aix-en-Provence.

1

CORRESPONDANCE FRANÇAISE152

pas toujours le temps qui nous manque, c’est nous qui lui manquons. »2 Parlons-nous donc franchement et sans traîner. Qui sait jamais ce qui peut arriver ? Il faut que les choses soient dites, et vite. Et moi je vous dis l’af fection profonde et respectueuse de votre ami, que rien, même le pire, ne saurait altérer. Si je n’ai pas été gâté par les hommes, je vous ai trouvée, vous. Léon-Paul Fargue.

2 « Ce n’est pas toujours le temps qui nous manque, c’est nous qui lui manquons » : il s’agit d’une célèbre citation de Paul Claudel de Partage de midi, « Ce n’est point le temps qui manque, c’est nous qui lui manquons. »

MARGUERITE CAETANI ET LÉON-PAUL FARGUE 153

III

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD CORRESPONDANCE (1921-1935)

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017

ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

27 décembre 1921.

Madame,

Gaston Gallimard 2 m’apprend qu’il a trouvé un exemplaire de mon livre « A.O. Barnabooth »3. Comme vous m’avez dit que vous en aviez vainement cherché un, je le prie de vous le remettre de ma part. Je crains qu’il ne soit un peu endommagé, mais c’est probablement le seul qu’on puisse actuellement se procurer, et je vous prie de l’accepter en témoignage de ma reconnais sance et de ma sympathie.

Je pense souvent à vos beaux enfants, et particulièrement à la jeune lec trice de mes « Enfantines » 4, votre charmante petite fille5. Je vous prie de vouloir bien me rappeler au souvenir du Prince de Bassiano et d’agréer mes meilleurs vœux et mes respectueux hommages.

Valery Larbaud.

Lettre 159.

1

En-tête imprimé : va LboiS / par Saint pourçain Sur Siou Le / (a LLier).

2 Larbaud a été introduit auprès de la princesse par Gaston Gallimard en 1921 (Mousli, p. 344). L’éditeur et Marguerite Caetani, sans être intimes, se connaissent et se fréquentent occasionnellement, comme on en trouve mention au fil d’autres correspondances.

3 En 1908, Valery Larbaud fait publier à ses frais, sans nom d’auteur, un volume chez Messein tiré à une centaine d’exemplaires réunissant « les œuvres françaises de M. Barnabooth », Le Pauvre Chemisier et les Poèmes, précédés d’une Vie de Barnabooth attri buée à X.M. Tournier de Zamble. Cinq ans plus tard, Larbaud publie en 1913 le Journal d’abord en revue puis en volume : « A.O. Barnabooth : Journal d’un milliardaire », du 1er février au 1er juin 1913 dans La NRF, et la même année en volume aux Éditions de la N.R.F. A.O. Barnabooth, ses œuvres complètes, c’est-à-dire : un conte, ses poésies et son journal intime (Larbaud, Œuvres, p. 1149-1153).

4 Ces nouvelles sont d’abord publiées en revue, dans La Phalange et dans La NRF, puis en volume en 1918 aux Éditions de la N.R.F. (Œuvres, p. 1237).

5 Lelia Caetani (qui porte le même prénom que la mère de Marguerite) est née en 1913, Camillo en 1916.

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017

ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

159

160

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 30 Décembre [1921]

Cher Monsieur

Quelle était ma joie de recevoir enfin Barnabooth 2 et de vous-même.

Je suis très, très touchée et vous remercie de tout cœur. Je vous ai dit que je cherchais ce livre depuis de longs mois et combien j’étais loin de penser qu’un jour je l’aurais reçu de vous. J’espère pouvoir bientôt vous remercier mieux en personne et je vous prie de nous faire savoir quand vous êtes de retour à Paris.

Agréez cher Monsieur avec tous nos meilleurs souhaits l’expression de ma profonde admiration et sympathie.

Marguerite Caetani di Bassiano

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

9 mai 1923. Madame, J’avais beaucoup regretté de ne pouvoir suivre M. Lucien Fabre 2, dimanche dernier ; et s’il m’avait été possible d’aller et de revenir de Versailles dans la même heure, j’y serais allé pour vous saluer et reprendre aussitôt après mon

Lettre 160.

1 B-69 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 Il peut s’agir de l’édition de 1908 tirée à une centaine d’exemplaires sans nom d’auteur sous le titre Les Œuvres françaises de M. Barnabooth, mais aussi de celle de 1913 aux Éditions de la N.R.F évoquée dans la lettre précédente.

Lettre 161.

1 En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine. ve .

2 Voir la lettre 8.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE158
161

travail. Mais dimanche je serai libre, et puisque vous voulez bien renouveler votre aimable invitation, je l’accepte avec le plus grand plaisir. J’attendrai donc Fargue et Fabre dimanche matin. Daignez agréer, Madame, mes respectueux hommages. Valery Larbaud. 162

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Lundi [mai juin 1923]

Cher ami, Vous ne pouvez avoir aucune idée de l’immense plaisir que vous m’avez fait par votre lettre exquise. J’attache un si grand prix à votre sympathie que l’assurance de l’avoir conquise (une petite partie) me remplie de joie –Helas ! le matin même que j’ai lu votre lettre j’ai télégraphié à Ramon de la Serna 2 et le télégramme m’a été renvoyé. Monsieur parti sans laissé d’adresse – J’ai tant regretté d’autant plus qu’il aurait trouvé ici ce jour-là Falla3 et Vines4. J’espère que l’occasion se retrouvera mais avec vous alors !

Ne revenez-vous plus à Paris avant le 8 juillet date vers laquelle nous partons pour Benerville ?

Je serais si heureuse de vous revoir avant de partir. J’attends avec impa tience vos écrits sur Landor5, mais avec une impatience bien plus vive j’attends vos deux œuvres promises pour l’automne.

Lettre 162.

1 B-65 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 L’écrivain espagnol Ramón Gómez de la Serna (1888-1963), l’inventeur du genre de la « gregueria » ou criaillerie. Larbaud, qui le traduisit et l’introduisit en France, fut le grand ami de celui qu’il désignait comme RAMÓN dans ses lettres.

3 Manuel de Falla (1876-1946) est un compositeur et pianiste espagnol, qui vécut à Paris de 1907 à 1914 où il fréquenta Ravel, Debussy, Dukas et Albeniz.

4 Plusieurs lettres de Ricardo Viñes (1875-1943) à la princesse se trouvent aux Archives Caetani, qui évoquent particulièrement les trois futurs directeurs de Commerce en décembre 1922 et en janvier 1923. Ce grand pianiste catalan séjournait souvent à Paris ; il vient régulièrement chez les Caetani, et il est l’ami de Fargue, Larbaud et Valéry avant même la fondation de Commerce.

5 Larbaud s’est longtemps intéressé à Walter Savage Landor (1775-1864) et a failli écrire une thèse sur lui. Dans une lettre à Adrienne Monnier du 28 mars 1922, Larbaud mentionne des

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 159

Merci encore cher Larbaud. J’espère que vous allez tout-à-fait bien et je serais contente, oh si contente, de recevoir de temps en temps une petite carte avec vos nouvelles –Mes amitiés bien sincères

Marguerite di Bassiano

163

Valery Larbaud à Marguerite Caetani

71 rue du Cardinal Lemoine 8 Août 1923.

Chère Amie,

Votre lettre m’apporte une grande tentation, mais je dois la vaincre. Mon traitement m’oblige à me rendre chaque jour chez mon médecin ; et c’est un petit voyage ; du Panthéon à l’avenue de Messine, chaque matin, entre 9 heures et dix heures. C’est pour cela qu’il m’est impossible de quitter Paris, malgré l’envie que j’en ai, – et naturellement si j’en pouvais sortir c’est près de vous que je me rendrais, ne serait-ce que pour vous dire merci de toutes vos bontés.

Mais enfin mon traitement ne se prolongera guère au-delà du 20 Août, et alors si vous êtes encore à Benerville, je m’y rendrai. Du reste, j’ai de temps en temps de vos nouvelles par Lucien Fabre, et je saurai si vous êtes encore à Benerville quand mon médecin me rendra ma liberté ; et alors je vous enverrai un mot pour vous dire que je suis à votre disposition. Ce sera pour moi un bien grand plaisir.

J’ai été si souffrant que c’est à peine si j’ai pu travailler, et l’étude sur la Vie italienne de W.S. Landor, que T.S. Eliot annonçait pour le mois d’Août dans The Criterion sera, je le crains, très en retard1.

pages sur Landor pour The Criterion (Valery Larbaud, Lettres à Adrienne Monnier et à Sylvia Beach : 1919-1933, correspondance établie et annotée par Maurice Saillet, IMEC, 1991, p. 99) et annonce le 22 juin 1923 : « je finirais, en Juillet, l’étude sur W.S. Landor » (ibid., p. 129). Cette étude n’a finalement jamais été écrite mais la collection de biographies romancées paraissant chez Gallimard sous le titre « Vie des hommes illustres » a pendant une dizaine d’années eu à son programme une « Vie de W.S. Landor par Valery Larbaud ». Voir la lettre 163.

Lettre 163.

1

T.S. Eliot écrit à Larbaud le 20 mars 1922 qu’il serait très heureux d’avoir l’honneur de publier quelque chose de lui sur Landor ; il le sollicite à nouveau le 8 novembre 1922 et

CORRESPONDANCE FRANÇAISE160

V. Larbaud.

164

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

6 Novembre 1923.

Chère amie, je suis vraiment bien fâché d’avoir dû manquer cette heureuse occasion que j’avais de vous revoir, de causer avec vous des livres et des écrivains qui nous intéressent, et surtout de vous remercier de toutes vos bontés pour moi. Depuis mon retour de Bretagne2, où pourtant j’ai vécu en me conformant strictement au régime3 qui m’était imposé, j’ai beaucoup souffert ; je suis très affaibli, très amaigri, et ce ne peut être que lentement que mes forces reviendront, et avec elles la possibilité de travailler régulièrement. C’est du moins pour moi un précieux appui dans ma lutte pour la santé que la pensée de l’intérêt que vous me témoignez. Soyez bien certaine que j’y songe toujours avec reconnaissance. Votre ami fidèle et dévoué, V. Larbaud.

le 16 mai 1923. Larbaud le 14 juin espère lui envoyer son « premier article » sur Landor à la fin du mois d’août ; Eliot, qui espérait pouvoir commencer « sa saison d’automne » avec son texte, espère encore en septembre l’avoir pour le numéro de janvier 1924, mais le texte ne sera en définitive jamais remis, et la seule contribution de Larbaud au Criterion est l’essai « The “Ulysses” of James Joyce » publié dans Criterion I : I (Octobre 1922). Voir The Letters of T.S. Eliot, 1923-1925, volume 2, édité par Valerie Eliot et Hugh Haughton, London, Faber and Faber, (1988), 2009, p. 137, p. 202, p. 297-298 et p. 828.

Lettre 164.

1 En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine ve

2 Larbaud a passé le mois d’août en Bretagne et est rentré à Paris le 19 septembre 1923 (Œuvres, p. x Lix).

3 Fargue, dans une lettre à Saint-John Perse, invite le poète à déjeuner à Versailles un dimanche, et évoque notamment « Larbaud, qui arrive de Vichy ; (il est toujours au régime et on lui fait un déjeuner composé de produits Heudebert, de blé hydropique et de pâles serpents palmistes.) » (carte pneumatique non datée mais dont le cachet de la poste indique 1923, FSJP).

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 161
Au revoir, chère amie, et merci encore. Daignez accepter mes respectueux hommages.

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

vendredi 23 Novembre 1923

Chère amie,

Ce sera pour moi une grande joie de vous voir demain ; je serai chez moi tout l’après-midi et vous verrez mon portrait par Pierre Sichel, encore inache vé 2 ; et aussi quelques pièces choisies de ma collection de soldats de plomb3. Fargue vous présentera la compagnie de voltigeurs de Louis XV chargée de vous rendre les honneurs.

Votre fidèle et dévoué,

V. Larbaud.

Lettre 165.

1

En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine ve . La lettre est accompagnée d’une enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Versailles. Le cachet de la poste indique le 23 NOV et au recto 24-[illisible] 23.

2

La correspondance avec cet ami peintre est conservée à la MVL. Pierre Sichel (18991983) peint en effet un portrait de Larbaud en 1923.

La passion de Larbaud pour les soldats de plomb est bien connue. Il accueillait ses invités en leur présentant la compagnie de leur pays. Voir par exemple le texte « Questions militaires » publié à la fin des Œuvres, p. 1117. Dans le numéro spécial d’Intentions qui lui est consacré en novembre 1922 (n° 9), Ramón Gómez de la Serna, Benjamin Crémieux et Pierre de Lanux évoquent tous les soldats de plomb. (Voir Béatrice Mousli, Intentions. Histoire d’une revue des années vingt, Paris, Ent’revues, 1995, p. 55-56).

3

CORRESPONDANCE FRANÇAISE162 165

166

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

27 janvier 1924.

Chère amie, Ce médicament a fait merveille, – et plus encore peut-être la bonté qu’il témoignait. Comment vous remercier ? Il m’est venu une idée, et depuis quelque temps je vous prépare une surprise2. Puisse-t-elle vous être agréable…

Au revoir, chère amie, et croyez à toute ma gratitude, à toute mon affection. V. Larbaud.

167

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

16 Mars 1924.

Chère amie,

Vous m’avez fait une bien agréable surprise ! Dans l’impossibilité où je suis de passer à Londres assez longtemps pour aller régulièrement flâner au British Museum, comme je le faisais avant 1914, je me demandais si jamais je verrais ces livres, – et voici que vous me les donnez. Je ne vois qu’un moyen de vous en témoigner ma gratitude : c’est, après avoir étudié dans le plus grand

Lettre 166.

1

En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine ve

2 Cela pourrait être l’idée d’une dédicace, ce que confirmerait la lettre suivante. Marguerite Caetani sera en effet la dédicataire de la « Lettre d’Italie » publiée dans Commerce, III, hiver 1924 (paru en mars 1925), mais il a pu lui dédier d’autres articles auparavant.

Lettre 167.

1 En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine. ve . Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / avenue Douglas Haigh / Versailles ; cachet de la poste : Paris Gare Saint Lazare 17-III-1924.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 163

détail l’œuvre de Chas-Wells2, écrire l’étude que je songeais à écrire sur lui dès 1910, et vous la dédier, si vous le permettez3.

J’ai lu plusieurs des « Stories after Nature » (titre qui n’a rien de commun avec le livre) et j’ai vu que l’une d’elles, « Beatrice of Genoa », a presque le même sujet que la plus fameuse des scènes de « Joseph and his brethren » 4 . Voilà déjà un point d’appui.

Les lettres de T.L. Beddoes5 doivent être intéressantes. C’est Walter Savage Landor qui a attiré mon attention du côté du « Death’s jest-book » : il a dédié, en 18506, une partie de « Last fruit off an old tree » à la mémoire de T.L. Beddoes, mort l’année précédente, et complètement inconnu.

Ne vous préoccupez pas, au sujet du roman d’Italo Zvevo7 ; j’avais prêté mon exemplaire à un ami, quand je vous en ai parlé ; mais il m’a été rendu, et je vous l’apporterai, la prochaine fois que j’aurai le plaisir de vous voir.

Encore une fois merci, chère amie, et croyez-moi toujours votre fidèle et dévoué

V. Larbaud.

2 Le poète anglais Charles Jeremiah Wells (c. 1799-1879) a publié en 1822 Stories after Nature

3 Larbaud n’a semble-t-il jamais écrit d’étude sur Charles Wells.

4 Joseph and his brethren est un poème dramatique de Charles Wells écrit en 1823. Joseph and his brethren est aussi un oratorio de Georg Friedrich Handel composé en 1743 et repré senté en 1744 à Covent Garden, souvent négligé dans l’œuvre de Handel.

5 Thomas Lovell Beddoes (1803-1849), poète et dramaturge anglais, a écrit Death’s jestbook en 1829.

6 Walter Savage Landor (1775-1864) dont Larbaud a traduit dès 1911 Hautes et basses classes en Italie, a publié The Last fruit off an old tree en 1853.

7 Cette lettre permet de comprendre que la princesse ne connaît pas encore Italo Svevo (1861-1928) et que c’est Larbaud qui lui en a parlé et qui va lui prêter son roman, certaine ment La coscienza di Zeno paru en italien en 1923, dont on envisage de publier des fragments dans Commerce. Voir la lettre 179.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE164

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

25 mars 1924.

Chère amie, James Joyce m’a envoyé, pour que je le relise et le lui rende à notre pro chaine entrevue, un fragment de son nouveau livre, qu’il m’avait lu le jour où il venait de le terminer, et qui peut s’appeler : The Washerwomen’s episode 2 . Je vous l’envoie, un peu en cachette, ou du moins à l’insu de l’auteur, parce que je pense que vous aurez plaisir à le lire, et que je crois qu’il n’en serait pas fâché s’il le savait. J’aurai le plaisir de vous voir avant de revoir Joyce.

J’ai lu presque tous les poèmes de Thomas Wade contenus dans ce pré cieux recueil 3. Je suis en train de lire « The Spirits of the Ocean ». Le grand poème intitulé « The Nuptials of Juno » est nettement influencé par Keats, mais il a une certaine qualité fantastique qui n’est pas de Keats. Cela fait penser à un plafond peint. C’est curieux, comme Beddoes et Wade sont les poètes du fond de la mer. Wells4 est plutôt le poète du désert.

J’ai passé tout un après-midi à lire le livre de Jacques Bacot 5, sans pouvoir m’en détacher. Il a de grands dons descriptifs, bien qu’il ne soit pas poète et

Lettre 168.

1 En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine ve

2 Larbaud fait référence à une copie dactylographiée d’un épisode de Finnegans Wake –ouvrage que Joyce a commencé à écrire en mars 1923 –, Anna Livia Plurabelle, qui paraîtra dans Le Navire d’argent du 1er octobre 1925 sous le titre « From Work in Progress ». Larbaud écrit à Sylvia Beach le 24 mars 1924, la veille de la lettre à la princesse : « Joyce m’a écrit ce matin, m’envoyant un exemplaire de l’épisode d’Anna Livia, ou plutôt de l’épisode des blanchisseuses ; je pourrais presque le réciter maintenant ; cela ressemble tant à un beau poème » (Larbaud/Monnier/Beach, traduit de l’anglais p. 156). Joyce sera le seul écrivain étranger à figurer dans le premier cahier de Commerce.

3 Thomas Wade (1805-1875) est un poète et dramaturge anglais, traducteur de La Divine Comédie. Le recueil dont il est question est Tasso and the Sisters. Poems, paru en 1825. Dans la lettre à Sylvia Beach du 24 mars, Larbaud mentionne avoir reçu un exemplaire du recueil « Le Tasse » de Thomas Wade (p. 157).

4 T.L. Beddoes et Charles Wells sont évoqués dans la lettre précédente.

5 Jacques Bacot (1877-1965) est un historien du Tibet, grand voyageur et professeur au Collège de France, qui a écrit de nombreux livres sur l’Asie. Deux lettres qu’il a adressées à Marguerite Caetani en décembre 1924 se trouvent à la FSJP. Le livre que lit Larbaud, envoyé par la princesse, est Le Tibet révolté – Vers Népémakö, La Terre promise des Tibétains (1909-

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 165 168

qu’il évite avec soin tout ce qui pourrait ressembler à de la poésie. Cela pos sède vraiment de grandes qualités littéraires, et je serais content qu’il donnât des souvenirs de voyage, sans préoccupations géographiques et techniques. Il y arriverait en précisant ses souvenirs.

Je ne sais comment vous remercier de tous ces beaux livres.

J’ai écrit à « St. John Perse » au sujet des propositions de Ronald Davis6. J’espère avoir bientôt une réponse.

Au revoir, chère amie. A Vendredi. Et croyez à toute mon affection. V. Larbaud.

169

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Villa Romaine

Dimanche [27 avril ? 1924]

Très cher Larbaud, J’allais justement vous écrire quand j’ai reçu votre lettre m’envoyant celle de Valéry. J’espère toujours des fautes d’orthographe 2 mais évidemment je ne suis pas encore à la hauteur ! – Valéry m’a écris aussi et je vous apporterai

1910) publié en 1912, comme Larbaud l’écrit à Saint-John Perse le 24 mars : « La princesse m’a donné un exemplaire du livre de J. Bacot, “le Thibet révolté”. C’est tout à fait bien. Il n’est pas poète, mais il arrive à nous donner une idée assez nette de ce qu’il a vu. » (FSJP).

6

La lettre de Larbaud à Saint-John Perse du 24 mars 1924 évoque également l’éditeur Ronald Davis qui « a demandé à la Princesse de Bassiano s’il lui serait possible de tirer cent exemplaires de luxe de “Éloges”, [et la Princesse qui aime beaucoup ces poèmes, voudrait que la chose fût possible] [écrit entre crochets au crayon à papier]. » La publication en pla quette d’Éloges par Ronald Davis n’a sans doute pas abouti, mais ce sera le cas pour « Amitié du prince », le poème du cahier initial de Commerce, publié en édition de luxe avec le manuscrit reproduit en fac-similé, constituant « une sorte de défi pour Gaston Gallimard » (Renaud Meltz, Alexis Leger dit Saint-John Perse, Flammarion, coll. « Grandes biographies », 2008, p. 237).

Lettre 169. 1 B-86.

2 On constate effectivement que l’orthographe de Marguerite Caetani, américaine puis italienne par son mariage, s’améliore progressivement.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE166

sa lettre à notre prochaine réunion que j’espère sera Samedi 3 à Paris car le premier je crains que nous n’aurons pas l’occasion de nous occuper de « Commerce ». Je vous ferai savoir d’ici jeudi qui vous devez aller prendre. Vous nous avez manqué terriblement aux deux déjeuners que nous avons eu depuis votre départ. Il a été décidé que les directeurs de Commerce auront chacun cinq mille francs d’appointement par an4. Cher Larbaud je serai si heureuse de vous revoir.

Affectueuses amitiés

170

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Vendredi [20 juin 1924]

Cher Ami, J’ai eu un immense plaisir à lire et relire votre bel essai 2 et j’en suis très fière pour notre « Commerce » – Vous nous manquez tout le temps et terriblement. Vous êtes vraiment parti trop tôt3. Je trouve que c’était un peu votre devoir d’assister à la naissance de notre enfant – notre enfant qui aura deux mères et quatres pères4. S’il ne prospère pas ça ne sera pas pour manquer de parents ! – Fargue donne ce matin son manuscript et Valéry j’espère aujourd’hui ou

3 On peut supposer que Marguerite Caetani évoque les lettres que Valéry a envoyées de Rome, celle du 20 avril à Larbaud (mentionnant la lettre de Larbaud du 12 « nous avons eu aujourd’hui une nouvelle réunion.. ») et celle du 23 avril à la princesse ; la lettre daterait donc du dimanche 27 avril, avant le rendez-vous du jeudi 1er mai.

4 Soit environ trois mille cinq cents euros, les contributions étant payées en plus à part.

Lettre 170.

1 B-36.

2 Valery Larbaud, « Ce vice impuni, la lecture », Commerce, I, été 1924, p. 63-102.

3 Larbaud est parti en Italie.

4 Les deux mères sont Marguerite Caetani et Adrienne Monnier ; les quatre pères sont les trois directeurs officiels, et le quatrième est soit le prince Roffredo, l’époux de Marguerite, soit Alexis Leger.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 167

demain ainsi j’ai tout espoir que Commerce paraîtra vers le 55 ce que je trouve très important vous ne trouvez pas. A. Monnier m’a lu hier votre « chapeau » pour Joyce6. Le tout sera une magnifique contribution grâce a vous en grande partie. Mardi est ma fête7 et je réunie tous mes amis que j’aime le plus mais il y aura un grand vide.

Aurevoir cher Larbaud

Toutes mes affectueuses amitiés

Marguerite di Bassiano

171

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 7 Août [1924]

Cher Ami, J’ai très, très honte de ne pas avoir jusqu’ici répondu à vos charmantes lettres mais j’attendais toujours dans l’espoir de vous annoncer l’arrivé de notre « Commerce ». Hélas, nous voilà au 7 août et comme seules nouvelles une dépêche de Fargue disant que « Commerce » est au brochage et appa raîtra dans quelques jours. Quel dommage ce retard !

5

Elle pense donc que le premier cahier sortira le 5 juillet 1924, et c’est d’ailleurs la date de l’annonce publicitaire de La NRF. En réalité, Fargue et Valéry ne sont pas du tout prêts et rivalisent dans les retards tout l’été, repoussant la parution du numéro au tout début du mois de septembre.

6 Commerce publie dans son cahier inaugural les premiers fragments d’Ulysse traduits et publiés en français, suivis d’un « chapeau » ou présentation de Larbaud. Larbaud a été le « découvreur-consécrateur-traducteur » de James Joyce, selon l’expression de Pascale Casanova (Rabaté, p. 380).

7 Elle est née le 24 juin 1880, et va donc fêter son anniversaire le mardi 24 juin 1924. Une lettre de Larbaud à Adrienne Monnier du 28 juin 1924 fait référence à la fête de la princesse. L’écrivain lui a composé une « pauvreté bien intentionnée » qu’il recopie dans sa lettre à Adrienne Monnier : « … Sur cette rive poétique / Un Commerçant qui pense à vous / Lève un verre d’aléatique : / Vive notre Princesse à tous ! » (Larbaud/Monnier/Beach, p. 167).

Lettre 171.

1 B-111 ; en-tête imprimé : «  mon rêve » / benervi LLe par bLonvi LLe /(Ca LvadoS).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE168

J’avais tant espéré que ça aurait vu le jour avant la fin Juillet – même le dernier jour – Je crois que le dernier et plus grave retard doit être la faute de Valéry –

En tout cas il faut que nous soyions très exacts pour notre second numé ro. To redeem our honour2 ! –

Vous écrivez les plus charmantes lettres au monde puisceque quand on a vos lettres on imagine qu’on vous voie qu’on entend votre voix que vous êtes là tout près. Que peut-on demander de plus à une lettre. Il faut être magicien pour accomplir un pareil miracle.

Comme j’aime votre papier vert. Je crois que Mlle Monnier à dû vous envoyer quelques exemplaires d’« Anabase »3. C’est moi qui lui ai prié de le faire pensant que peutêtre dans vos pérégrinations vous rencontrerez quelques personnes, peutêtre Puccini peutêtre Italo Svevo 4 a qui on pourrait faire le plaisir de le donner sans naturellement jamais le dire à Léger ! –Nous sommes ici depuis près de dix jours et j’espère bientôt voir arriver Fargue. Quel dommage que vous aussi vous ne pouvez venir nous faire une petite visite ! – Quelle joie ça aurait été pour nous. Vines5 nous manque énormément parcequ’il a passé presque tout l’été avec nous l’année dernière J’attendais malgré moi a le trouver déjà installé ici à notre arrivé –Mille bonnes amitiés cher ami et écrivez-moi je vous prie Marguerite di Bassiano

2 « Pour racheter notre honneur ! »

3 On sait que Marguerite Caetani a joué un grand rôle dans la traduction et la diffusion d’Anabase de Saint-John Perse. En voici une preuve supplémentaire.

4 Larbaud est en Italie et c’est naturellement que la princesse pense à ses amis écrivains italiens. Mario Puccini (1887-1957), écrivain et critique italien, est très lié à Larbaud qu’il rencontre en 1921. Larbaud raconte son périple à ses côtés dans la « Lettre d’Italie ».

5 Voir les lettres 94 et 162.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 169

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Samedi [septembre 1924]

Cher et délicieux Ami,

Il faut que vous veniez nous voir. Je viens d’écrire à Valéry qu’il combine avec vous pour venir ensemble 2 puis-ceque cette année nous n’avons que deux chambres d’amis. Je lui dis aussi que vous et lui vous devriez persuader Melle M. de s’occuper du n° 23 car ça nous est impossible de nous ré-orga niser avant le 1er octobre et il faut que le n° 2 parraisse au mois d’octobre. Il me semble que cela serait la meilleure chose à faire pour le moment et après je suis sûre que nous trouverons très bien à la remplacer. Voulez-vous voir Valéry et essayer cela tout-de-suite ? Vous seriez un ange. Si vous saviez com bien d’échos je reçois du grand plaisir qu’a causé votre charmant article4. De tous les côtés et des gens les plus divers. Il faut bien avouer que Commerce n° 1 est bien épatant. Songez cher Larbaud à trouver des génies5 inconnus pour6 la bonne œuvre. A propos de Renée Bonnefoy7 ?

Pourrait-on faire un choix dans le manuscript que Melle M. m’a montré ?

J’attends avec une impatience extreme votre lettre d’Italie8 et combien je me réjouis d’avance de la lire –

A bientôt j’espère et avec toute mes plus affectueuses amitiés

Lettre 172.

1 B-44.

2 Ce sera finalement Fargue qui rejoindra Valéry les deux derniers jours, tandis que Larbaud ne s’y rendra pas.

3 La gérante Adrienne Monnier se plaint amèrement de son été raté à cause des retards de Fargue. Tombée malade, elle déclare ne plus vouloir s’occuper de Commerce, et pendant plusieurs mois le sort de la revue restera confus.

4 Valery Larbaud, « Ce vice impuni, la lecture », Commerce, I, été 1924, p. 63-102.

5 Mot peu lisible : « génie » ou « geunes » pour « jeunes ».

6 Le mot qui suit, sans doute un verbe, est illisible.

7 René Bonnefoy (1878-1931), vrai nom de René Guilleré en poésie, dont on retient sur tout la création de Primavera, atelier d’art du Printemps, sera publié à deux reprises dans Commerce.

8 La « Lettre d’Italie », qui clôt le cahier III (Commerce, hiver 1924, p. 235-285), a eu un très grand retentissement.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE170 172

Très cher Ami

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Jeudi. [25 septembre 1924]

J’ai attendu si longtemps pour vous écrire dans l’espoir d’avoir quelque chose de définitive à vous proposer, où plutôt dans l’espoir de voir un peu plus clair dans les ténèbres mystérieuses de l’affaire Monnier-Fargue2. A présent je n’y vois pas plus clair, au contraire, mais en ce qui concerne Commerce et en consé quence moi et je crois vous, l’atmosphère s’est bien éclaircie – Valéry est resté dix jours avec nous et Fargue est venu passer les deux derniers et puis ils sont rentrés à Paris ensemble3. Fargue nous a apporté la nouvelle que Melle M. lui a écrit une lettre où elle dit qu’elle tient beaucoup à continuer l’administration de « Commerce » à la condition que Fargue n’aille pas chez elle mais elle veut bien le rencontrer chez lui ou chez Commerce si toute fois cela soit nécessaire ! Nous pensons V. F. et moi que avec votre consentement il vaut mieux accepter et continuer avec Melle M. mais sur un pied bien plus net et business-like, après échange de lettre etc. etc. A présent F. et V. avec le concours de Chanvin4 vont fabriqués ces lettres qui vous seront remises. Je trouve que la première condition à changer est la propriété de la revue qui doit être mise aux noms de vous trois et de moi5. Peutêtre cette bourasque tout au commencement de la carrière de Lettre 173.

1 B-110 ; en-tête imprimé : «  mon rêve » / benervi LLe par bLonvi LLe / (Ca LvadoS).

2 « L’affaire Monnier-Fargue » a en effet failli compromettre la vie de la revue, puisqu’Adrienne Monnier, excédée par les tergiversations de Fargue pendant l’été, ne parle pas à légère de démissionner. La solution envisagée dans cette lettre – qu’elle continue de s’oc cuper de la gestion de la revue sans rapport direct avec Fargue en ce qui concerne Commerce – ne paraît guère convaincante, et Monnier finit par se retirer totalement de Commerce

3 Valéry est arrivé à Benerville le 12 septembre, et il rentre à Paris avec Fargue, qui a passé deux jours avec eux, le 22.

4 Charles Chanvin, ami de Larbaud et de Fargue, est à la fois poète et avocat à la cour d’appel. Il se charge des statuts de Commerce, et s’occupera de la succession de la mère de Larbaud. Voir le télégramme 110.

5 La question de la propriété de Commerce ne va en effet pas du tout de soi, car c’est initialement au nom d’Adrienne Monnier que la revue est enregistrée à la chambre de Commerce de la Seine. Larbaud s’opposera fermement à ce que la propriété soit transférée aux noms des trois directeurs, car il sait bien que ni Valéry ni lui n’auront le temps ou l’envie de s’y consacrer, et il craint une mainmise de Fargue, qui rêve d’apparaître en grand patron

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 171 173

notre revue n’a pas été une mauvaise chose. Je crois que nous avons inauguré cela d’une façon un peu trop amateure vu les caractères de F et de Melle M. et les possibilités inévitables de friction et de susceptibilités –J’espère que maintenant réorganisée notre revue poursuivra son chemin triomphal de succès en succès.

J’étais désolée d’apprendre que vous avez été souffrant et que c’était la rai son que nous avons été privés de la joie de votre visite. J’espère de tout cœur que votre cure à Vichy vous remettra en bonne état et qu’on vous verra à Paris pas plus tard que le 15 Octobre. Nous rentrons à Versailles le 1er octobre. Roffredo me dit que vous lui avez écrit faisant une proposition au sujet de vos honoraires comme directeur de Commerce, proposition digne de votre cœur noble et genereux mais je crois impossible d’application pour bien des raisons que nous discuterons ensemble.

Aurevoir très cher ami et à bientôt j’espère.

Je ne peux pas vous dire l’impatience avec laquelle j’attends votre lettre l’Italie 6

Bien affectueusement

174

Vendredi [24 octobre 1924]

Cher Ami,

Les fondateurs de « Commerce » devront se réunir mardi prochain à 3.30 chez Chanvin2, 30 quai de Bethune pour bien voir les statuts de notre société

de revue. Fargue pensait l’affaire conclue puisqu’il écrit à Adrienne Monnier le 22 sep tembre, le jour où il retourne à Paris, en faisant référence aux nouveaux titres de propriété : « Depuis deux mois j’ai tout fait pour éviter une rupture et pour arriver à un nouvel accord. J’y ai réussi. J’en ai la preuve dans ma poche. / Je peux vous dire maintenant que malgré le mal que vous avez essayé de me faire, et auquel je n’attache d’ailleurs pas plus d’importance qu’il ne faut – je pense que nous allons aboutir » (BLJD). C’est Fargue qui souligne.

6 « Lettre d’Italie », Commerce, III, hiver 1924, p. 235-285.

Lettre 174.

1 B-71 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av. d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL 13· 28).

2 Voir la lettre précédente.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE172

avant de signer définitivement. Comme la présence des trois directeurs n’est pas absolûment nécessaire mardi car la signature aura lieu un autre jour, je tiens particulièrement à votre présence puis-ceque c’est vous qui avez manqué à nos autres réunions. Ne sachant pas exactement si vous voulez vous trouvez là avec Fargue (je sais que lui il voudrait vous voir) je m’arrangerai qu’il n’y soit pas3. A mardi alors cher Larbaud et mille bonnes amitiés

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

Dimanche 26 Octobre 1924.

Chère amie, je vous remercie de votre bonne lettre. C’est donc entendu : j’irai chez Chanvin mardi, à 3.302. Ainsi j’aurai le plaisir de vous voir, et je donnerai beaucoup d’attention à la lecture du projet de société.

Cependant plus je pense à ce projet, tel que vous me l’avez exposé, et moins j’en suis partisan. Je trouve que c’est monter trop grandement cette affaire, et je crains que vous ne couriez trop de risques. La revue, selon moi, devrait rester entièrement entre vos mains3, être votre propriété, une belle maison où vous recevriez qui vous voudriez bien honorer de votre confiance. Cette société, forcément inscrite à la Chambre de Commerce, m’effraie, pour

3

Une lettre de Larbaud à Fargue du 5 décembre 1924 consacre leur rupture, mais on comprend que Larbaud avait commencé à prendre ses distances avec Fargue bien avant.

Lettre 175.

1 En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine. ve . Enveloppe adressée à Madame la Princesse de Bassiano, Villa Romaine, Versailles ; cachet de la poste du 26-24 (et au verso 27-10-24).

2 Voir la lettre précédente.

3 Larbaud exprime beaucoup plus clairement auprès d’Adrienne Monnier ce qu’il ne peut pas dire explicitement à la princesse : « je ne veux pas entrer dans une combinaison d’argent avec Fargue. S’il le faut, je donnerai ma démission de directeur, et me séparerai com plètement de la revue. Ma tranquillité d’abord. Je suis persuadé, comme vous, qu’une affaire où Fargue a un rôle est une affaire ratée » (lettre du 12 octobre 1924, Larbaud/Monnier/ Beach, p. 200).

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 173 175

vous et pour nous. Cela fait d’une chose purement amicale et privée une ins titution publique. J’ai vu déjà, en 1902-19034, une affaire de revue se monter ainsi et finir par des ennuis et des pertes matérielles, précisément pour s’être montée de cette façon.

En vous disant cela je pense à votre intérêt d’abord, et ensuite au mien. Personne ne me conseille et je ne subis l’influence de personne. Mais je crois que je ne pourrai pas entrer dans cette société, et dans ce cas je vous supplierai d’accepter ma démission de co-directeur.

Lorsque je suis entré, avec enthousiasme, dans l’idée de cette revue, mes motifs étaient les suivants :

répondre dans la mesure de mes moyens à toutes les bontés que vous et le Prince avez eues pour moi, vous prouver mon affection et mériter la vôtre ; voir mon nom figurer près de celui de Paul Valéry, – vanité dont je suis fier ; donner à L. P. Fargue et à Saintléger Léger, que je considère comme deux de nos meilleurs poètes, l’occasion de produire davantage ; et enfin, fonder avec vous une revue qui ne ressemblerait à aucune autre, c’est à dire, qui, en dépit de son titre, ne se commercialiserait pas.

Je vous jure que je n’avais pas d’autres motifs, et que je n’ai pas songé un instant à l’aspect matériel de l’affaire. Maintenant, cet aspect passe au pre mier plan, et il m’inquiète. Je ne crois pas qu’une revue telle que Commerce puisse produire des bénéfices sérieux. Et même, son succès sera d’autant plus grand qu’elle s’adressera à une élite plus restreinte. Il suffirait qu’elle produisît de quoi vivre modestement, faire ses frais, rétribuer ses collabo rateurs, et en somme ne vous rien coûter. Toutes ces conditions seraient réalisables à coup sûr si la revue restait entièrement entre vos mains, et vous seriez toujours libre de cesser la publication. Au contraire, une société créera des obligations mutuelles et compliquera toute l’affaire. Et je ne veux, pour rien au monde, m’associer à une combinaison dans laquelle il y a la plus petite possibilité que vous ayez des ennuis ou que vous subissiez une perte matérielle quelconque, si peu importante soit-elle pour vous.

Actuellement, notre seule obligation est : ou bien de rembourser aux abonnés la part correspondante aux trois prochains numéros, ou bien de leur fournir ces trois numéros promis. Je crois que c’est là, déjà, une obligation suffi sante ; et je dirais : avant de rien décider, attendons la fin de la première année.

Mais nous causerons de tout cela Mardi, chez Me Chanvin.

4 Il s’agit d’une allusion à L’ Œuvre d’art international qui publia en mars 1904 son pre mier article « Les anges de la littérature », revue imprimée « aux frais de ses collaborateurs » (Larbaud/Monnier/Beach, note 4 p. 202).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE174

Excusez cette longue lettre, chère amie, en songeant qu’elle m’est dictée par le grand désir que j’ai de voir réussir ce que vous avez si généreusement entrepris, et croyez-moi fidèlement à vous, V. Larbaud.

176

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

22 Décembre 1924.

Chère amie, j’ai un public charmant, attentif, indulgent, et finalement très emballé par L.P. Fargue et St John Perse 2 Amitiés.

V Larbaud.

177

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Mardi. [début janvier 1925]

Très cher ami

On m’a dit que vous êtes allé passer le jour de l’an avec Madame votre mère mais j’espère que vous êtes de retour car j’ai très besoin de vous voir – de votre

Lettre 176.

1 La carte postale se trouve à la FSJP. Carte postale adressée à Madame la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / Versailles, de Liège Le Perron avec une photographie en noir et blanc. Le cachet de la poste est peu lisible mais on lit 1924.

2 Larbaud donne une conférence à Liège en décembre sur « Les poètes difficiles », dans laquelle il évoque ses amis écrivains qu’il estime injustement méconnus.

Lettre 177.

1 B-35.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 175

conseil – et enfin j’ai à vous demander une grande faveur mais puisce que c’est pour Commerce c’est aussi un peu pour vous alors j’ai moins de scrupules.

En passant, Commerce vous envoie ce chèque avec tous ces remercie ments reconnaissants.

Voilà la chose. J’ai terriblement besoin de votre lettre d’Italie pour n° III ! Et puis pour n° IV vous ne donnerez rien si vous ne voulez pas. Voilà toutes les raisons – 1° parce que c’est vous – 2° parceque c’est un sujet italien que Roffredo et moi désirons beaucoup justement pour ce numéro pour des raisons que je vous expliquerai à vive voix. 3° parceque Valéry ne donne rien pour ce numéro, et donnera surement quelque chose pour n° 42, pour lequel nous aurons aussi un essai de Fabre3 sur « le Rire », ou un voyage, tous les deux assai volumineux, et des tas d’autres choses que nous discu terons ensemble – et je crois que deux des directeurs devraient toujours donner quelque chose, au moins pour la première année4 et je ne peux pas insister auprès de Valéry, car il a été vraiment malade et en ce moment ne va pas bien du tout. J’espère que Fargue donnera ses premières 20 pages de son « Paradis terrestre »5, mais enfin je suis sûre que lui aussi aura bien plus à donner pour n° IV. Maintenant pour le texte ancien a donner, si vous ne l’avez pas préparé, Léger a un à suggérer de Tavernier le vieux voyageur6 –Léger donne une chanson7 à condition que notre n° III paraisse avant le 15 février ce qu’il faut absolûment.

2 Paul Valéry en effet ne donne rien au cahier III, et confie « Préface pour une nouvelle traduction de La Soirée avec M. Teste  » au cahier IV, p. 95-102.

3 Lucien Fabre, très présent lors de toutes les réunions instaurant les débuts de Commerce, est même l’un des souscripteurs et actionnaires de la Société Anonyme Commerce, mais son nom disparaît ensuite totalement. Un texte de lui, pourtant annoncé au sommaire du numéro II, « Bassesse de Venise », n’a pas plus été publié que les textes qu’évoque cette lettre. Valéry, qui avait préfacé son livre Connaissance de la déesse paru en 1920, prend ses distances avec lui en 1924, et ses qualités littéraires n’ont sans doute pas été jugées suffisantes par l’équipe de Commerce. Rien de Lucien Fabre n’a jamais été publié dans Commerce. Voir la lettre 8.

4 Les deux premiers cahiers comportent bien une contribution de chacun des direc teurs, mais il manque comme on l’a vu Valéry au sommaire du III.

5 La publication du « Paradis » de Fargue, en deux parties, dans Commerce, demande ra une énergie considérable à la princesse. Voir la correspondance avec Fargue. Le poète contribue aux cahiers II et III, mais seulement avec « Nuées », p. 227-231, puis dans le cahier III avec « Poème », p. 105-109.

6 Le « vieux voyageur » est J.-B. Tavernier (1605-1689), Commerce, III, hiver 1924, « Épître au Roi d’un commerçant français, suivie de Fragments de ses relations de voyage », p. 71-136, avec une brève présentation anonyme (qui est en fait l’œuvre de Groethuysen).

7 Le cahier III s’ouvre par la « Chanson » de Saint-John Perse, p. 7.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE176

J’ai un poème de Eliot que Léger traduit8 – un poème en prose très bien de Vitrac9 que Paulhan m’a envoyé – quelque chose de Breton10 et si vous approuvez un article de Charles Vignier11 et peutêtre quelque chose de Gide (vous savez qu’il a subi une grave opération de l’appendicite l’autre jour ?)12

Pour n° IV nous aurons j’espère du Claudel13 – j’ai rien reçu de Jacob14 – Cher cher Larbaud vous voyez comme nous avons besoin de vous tout de suite ?

Soyez un ange encore une fois de plus. Je vous serais si reconnaissante. Et j’ai encore une autre raison que je pourrais seulement vous dire et qui vous fera rire.

Puis-je vous voir Vendredi ? Malheureusement pour nous, nous avons un déjeuner assommant à subir et nous ne pouvons pas vous proposer de déjeu ner avec nous, mais voulez-vous me rencontrer au salon-de-lecture du Ritz, place Vendôme, vers 4 hs ou si vous préférez (si vous travaillez par example pour « Commerce ») que j’aille chez vous à 4 hr ? Je suis toujours heureuse d’aller vous trouvez entouré de vos troupes15. Nous composerons alors notre n° III où j’espère qu’on devra vous réserver une large part.

Bien affectueusement

Marguerite di Bassiano

Je crois qu’il vaut mieux que je vous dise la raison principale que nous dési rons votre lettre pour n° III. C’est que Roffredo retourne à Rome vers le milieu [la lettre est inachevée]

8 Eliot (orthographié « Elliot), « Poème », « adaptation de Saint-John Perse », Commerce, III, p. 10-11.

9 Roger Vitrac, « Insomnie », Commerce, III, p. 61-68.

10 André Breton, « Introduction au discours sur le peu de réalité », Commerce, III, p. 27-57.

11 Charles Vignier (1863-1934), poète connu dans les milieux symbolistes et décadents pour le recueil Le Centon en 1886, apporté par Valéry d’après Maurice Saillet, ne figure pas au sommaire.

12

L’opération de l’appendicite de Gide a eu lieu le 27 décembre 1924. Gide ne contri buera en fait pas à Commerce avant le cahier IX de l’automne 1926.

13 Le poème de Paul Claudel, « Le Vieillard sur le mont Omi », ouvre effectivement le cahier IV du printemps 1925.

14 Max Jacob figure finalement lui aussi dans le troisième cahier avec « Poèmes », p. 15-23.

15 Voir la lettre 165.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 177

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Mardi [début 1925]

Cher Ami, Je vous renvoie la lettre et le poème de Royère 2. Je trouve vraiment dif ficile de le mettre ayant refusé les poèmes de Fabre. Qu’en pensez-vous ?

J’ai peur de l’allusion que vous désirez faire à moi dans votre lettre3. Si c’était vous – une fois – passe encore mais ça établit un précédent qu’il ne faut pas – je crois –

L’idée me flatte beaucoup mais je crains qu’il faut y renoncer. C’était un vrai plaisir de vous avoir ici dimanche. J’espère que cela arrivera bientôt encore –Surtout reposez-vous bien maintenant. Affectueusement.

Marguerite di Bassiano

Lettre 178.

1 B-66.

2 Voir la lettre 50.

3 Selon son vœu, aucune dédicace ne figure dans la « Lettre d’Italie » du cahier de Commerce, mais on peut lire dans l’édition des Œuvres de Larbaud : « à Madame Marguerite Caetani, princesse de Bassiano » (p. 802). Elle acceptera quelques années plus tard que l’écrivain autrichien Rudolf Kassner fasse précéder son dialogue « Le Christ et l’âme du monde » publié dans le cahier XXII, hiver 1929, de la dédicace « à la Princesse Marguerite de Bassiano », ce qui constituera l’unique référence à son nom dans tous les cahiers de Commerce

CORRESPONDANCE FRANÇAISE178 178

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

6 Février 1925.

Chère amie, Voici la copie corrigée de ma Lettre d’Italie 2. Je pense en avoir les épreuves avant dimanche, elle est entre les mains de Levé. Nous avons déci dé de remplacer le c ou c’ de Milan Begovic’ par « ch »3. Je vous remercie d’avoir pris la peine de me renvoyer le poème de Jean Royère4 et la lettre d’Italo Svevo5. Je viens d’achever la lecture de Senilità. Il l’a publié en 1898 (à Trieste), et c’est déjà le style et les idées de La Coscienza di Zeno. On en pourrait détacher, comme échantillon, trois belles pages qui pourraient s’intituler « Découverte et reconstitution d’un rival inconnu ». Cela fait penser au Proust de « La Prisonnière ». On ne sent pas une seule influence contemporaine dans ce livre. Le style est déjà tout formé, et l’écri vain ne se détourne jamais de son but. Le héros de Senilità, Brentani, est

Lettre 179.

1

La lettre se trouve à la FSJP. En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine. ve .

2 « Lettre d’Italie », Commerce, III, hiver 1924, p. 235-285. Le 25-26 janvier 1925, Larbaud écrit à Adrienne Monnier qu’il est « attaqué d’une fièvre léopardienne, – pas de léopard, non, mais de Leopardi : [s]a “Lettre d’Italie” pour “Commerce”, qui [l]e travaille terrible ment, et [l]e fait vivre la nuit depuis cinq ou six jours » (Larbaud/Monnier/Beach, p. 209).

3 Larbaud dans la « Lettre d’Italie » évoque la visite de Recanati pour y faire revivre Leopardi en compagnie des écrivains Mario Puccini et Milan Begovi| (1876-1948), dont le nom est en fait écrit Milan Begovic dans Commerce. Celui que Larbaud désigne comme yougoslave est un écrivain croate.

4 Jean Royère ne figure finalement jamais dans Commerce

5 Voir la lettre 167 pour la première mention de son nom. Italo Svevo (pseudonyme d’Ettore Schmitz) rencontre Larbaud par l’intermédiaire de Joyce, à soixante-quatre ans, et n’a alors aucun succès en Italie. Joyce se réjouit en effet dans une lettre à Svevo du 1er avril 1924 de ce que Larbaud a beaucoup aimé son roman et va le faire connaître (Italo Svevo, Carteggio con James Joyce, Eugenio Montale, Valery Larbaud, Benjamin Crémieux, Marie-Anne Comnène, Valerio Jahier, a cura di Bruno Maier, Dall’Oglio, Milano 1965, p. 33). Larbaud et Crémieux vont le lancer en France et lui conférer ainsi une renommée internationale. Svevo a écrit deux romans, Una vita (1892) et Senilità (1898), puis La coscienza di Zeno en 1923. Larbaud demande à Svevo dans une lettre de janvier 1925 (écrite en italien) dix à quinze pages de La Conscience de Zeno pour Commerce, et a l’intention de donner à Commerce une brève étude sur son œuvre, étude qu’il donnera, plus tard, plus complète, à La NRF ou La Revue européenne. Svevo ne sera finalement pas publié dans Commerce  : voir la lettre 190.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 179 179

déjà celui de La Coscienza di Zeno. Je ne sais pas ce que Crémieux pensera de Una Vita, mais je trouve Senilità d’une très haute qualité.

Je vous demande toute votre indulgence pour ma Lettre d’Italie. Et si quelque chose vous déplait, n’hésitez pas à me le dire avant que je signe le bon à tirer des épreuves.

Bien affectueusement à vous, V. Larbaud.

180

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Samedi. [début 1925 : de fin janvier à mars ?]

Cher Ami. En toute hâte pour vous remercier de cœur de votre gentillesse qui me touche infiniment. Vous savez très bien que je ne trouverez rien à changer dans votre lettre et si elle avez 50 pages je serai encore plus contente ! –

Je vous prie de me permettre d’envoyer la voiture pour vous demain à midi juste pour venir déjeuner avec Rilke 2 et Valéry3 j’espère. Vous rentrerez tôt et je crois que cela vous reposerait – vous ne croyez pas ?

Si vous aviez pu mettre la main sur Crémieux4, nous aurions pu discuter la question de traduction

Lettre 180.

1 B-73 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL 13·28).

2 Rilke séjourne à Paris à l’hôtel Foyot du 8 janvier au 18 août 1925. Dans son Journal, Larbaud écrit qu’il a rencontré Rilke chez la princesse. Il évoque l’écrivain autrichien en 1934 quand il est question de publier des lettres de lui et d’une dame vénitienne. Larbaud est heureusement surpris que Rilke vienne lui rendre visite chez lui après cette unique ren contre à Versailles, et il lui écrit le 11 mars 1925 qu’il va lui « rendre [sa] si aimable visite » le lendemain (Larbaud, Journal, p. 1106 et notes p. 1225-1226).

3 C’est Valéry qui avait proposé à Commerce les poèmes écrits en français par Rilke publiés dans le deuxième cahier, et l’avait ensuite présenté aux Bassiano en janvier 1925.

4 Benjamin Crémieux a eu un grand rôle pour la littérature italienne de La NRF. La « question de traduction » renvoie peut-être au projet de traduction d’Italo Svevo, aux romans qu’évoque Larbaud dans la lettre 179 ; à moins qu’il ne s’agisse de Leopardi, dont Crémieux traduit des « Poèmes », Commerce, IV, printemps 1925, p. 177-185.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE180

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

22 février 1925.

Chère amie,

Voici les pages de René Bonnefoy2 que j’ai choisies, et que je propose pour Commerce. On pourra y faire des coupures. Mais je crois que c’est une chose à publier.

Voici, encore, le drame de M. Lucien Bec3 dont je vous ai parlé. Je l’ai parcouru. On y pourrait choisir quelques scènes, peut-être un acte.

J’écris à Francis Jammes4. J’écrirai à Waldo Frank et à Carlos Williams5 dès que j’aurai leurs adresses.

J’ai passé une bien bonne journée à Versailles, et cela m’a donné de la joie et du courage au travail pour toute une semaine. J’ai beaucoup de travail en train, et ce n’est pas pour Commerce, malheureusement, mais des choses promises il y a longtemps.

Lettre 181.

1

La lettre se trouve à la FSJP. En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine ve

2 René Bonnefoy, déjà évoqué dans la lettre 172, est clairement refusé par la princesse dans la lettre 183.

3 Voir la lettre 195, où l’on apprend que le drame de Lucien Bec n’a pas été accepté.

4 Larbaud écrit en effet le jour même à Francis Jammes pour lui demander un inédit, et manifeste sa joie dès le 26 février 1925 après avoir reçu un texte de son aîné. Voir Francis Jammes et Valery Larbaud. Lettres inédites, introduction et notes de G. Jean-Aubry, Paris et La Haye, A.A.M. Stols, 1947. Francis Jammes publie « Trois extraits de Ma France poétique » dans le cahier IV, printemps 1925, p. 9-14.

5 Les Américains Waldo Frank (1889-1967) et William Carlos Williams (1883-1963) n’ont en fait jamais fait partie du domaine anglais de Commerce

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 181 181
J’espère à demain très cher ami Affectueusement
Marguerite di B.
Il me semble que le beau vert de votre papier serait tout indiqué pour notre n° 4 ! –

Je vais chercher un texte espagnol pour le numéro IV6. Je dois voir Crémieux mardi soir, et lui parlerai de votre projet7.

Rappelez-moi au bon souvenir du Prince et croyez-moi Bien amicalement à vous, V. Larbaud.

182

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Mardi [24 février 1925]

Cher Ami.

Vous êtes un ange comme toujours. Je vais lire le plus tôt possible les manuscripts. « Les Bienheureux » me font un peu peur ! –

Voulez-vous convenir avec Crémieux d’un jour de la semaine prochaine pour déjeuner avec nous à Paris par exemple Mercredi Jeudi ou Vendredi ? C’était Cummings et W. Carlos Williams à qui je vous avais prié d’écrire, pas Waldo Frank2. Trouvez vous que ce dernier soit assai bon pour nous ? Non, n’est-ce pas ? Pourrait-on demander de la prose à W.C.W. disant que nous essayons de publier le moins possible de poèmes ! – Je trouve sa prose tellement supérieure à sa poésie.

J’étais aussi très heureuse de vous voir Dimanche. N’est-ce pas que Groethuysen 3 est sympatique ? Mille bonnes amitiés

Marguerite di Bassiano

6 Il n’y aura pas de texte espagnol dans le cahier IV. On voit que Larbaud joue d’une certaine façon le rôle de conseiller pour la littérature espagnole, fonction qui contrairement aux autres domaines ne sera jamais attribuée à un écrivain spécifique ; le domaine espagnol avec seulement quatre contributions est d’ailleurs le moins fourni de la revue.

7 Voir la lettre 180.

Lettre 182.

1 B-88 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL 13· 28).

2 Voir la lettre 181. Aucun d’eux ne sera publié dans Commerce.

3 Bernard Groethuysen (1880-1946) fait vite partie du noyau dur de Commerce  (voir Brisset/Levie) ; cette lettre semble indiquer que Larbaud ne le connaissait pas auparavant –pourtant Marcel Ray lui en avait parlé dès 1907.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE182

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Mardi [3 mars 1925 ?]

Cher et délicieux ami

Je voudrais toujours faire ce que vous suggerez mais vraiment dans ce casci je ne vois pas comment nous pouvons donner même des fragments de René Bonnefoy2. Je trouve ça consciencieux et à encourager mais pas assai intéres sant pour Commerce et un genre qui doit être parfait. Ne pourriez-vous pas le faire passer dans une autre revue comme la revue Européenne par example ?

Il faut que nous restions un choix vraiment.

Le mystère3 je trouve vraiment impossible. We must only accept what is really exceptional in its way – Mais heureusement nous nous voyons jeudi Foyot4 1 hr. (Je vous prie de le faire savoir à Cremieux)5 et nous discuterons tout ça.

Bien affectueusement à vous

Marguerite di Bassiano

Lettre 183.

1 B-72 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av. d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL 13· 28).

2 Voir les lettres 172 et 181.

3 Il s’agit certainement de la pièce de Lucien Bec proposée par Larbaud (voir la lettre 181).

4 La princesse donnait souvent rendez-vous au restaurant Foyot, dans le sixième arron dissement, à l’angle de la rue de Tournon et de la rue de Vaugirard.

5 Certainement pour la préparation de la traduction des « Poèmes » de Leopardi, Commerce, IV, printemps 1925.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 183 183

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

[1925, avant juillet]

Très cher ami, Je vous envoie ce volume pour lire ce que M. Courthorpe 2 dit au sujet de Wiat3. En même temps je vous fait envoyer de Londres les œuvres de Wiat en 2 vols et un petit livre de Quiller-Couch4 qui parle de lui peu, mais mieux que personne – ces derniers trois livres pour vous. Si vous ne les recevez pas les livres de Londres avant votre départ peutêtre pourriez vous donner les instructions à votre concierge de vous les faire suivre ? – Vous êtes vraiment un ange de vouloir bien faire ce chapeau. Je vous envoie une liste de poèmes que traduit Morel. Excellente idée de prendre la traduction de Miomandre5 que vous proposez. Existe-t-il un jeune poète Espagnol de valeur ?

Lettre 184.

1 B-85 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av. d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL 13· 28).

2 Marguerite Caetani écrit Courthorpe pour Courthope. W.J. Courthope (1842-1917) était un fonctionnaire et un historien des lettres. Voir Patricia Thomson, Thomas Wyatt, The Critical Heritage, London, New York, Routledge, 1995 ; W.J. Courthope, A History of English Poetry (1895-1905), II, p. 49-66.

3 Sir Thomas Wyatt, « Poèmes », traduits par Annie Hervieu et Auguste Morel, Commerce, IV, printemps 1925, p. 113-126. Larbaud écrit une étude pour Commerce intitulée « Sir Thomas Wyatt », p. 129-145, Commerce, IV, printemps 1925 – cahier publié en réalité en juillet.

4 Arthur Quiller-Couch (1863-1944), écrivain et critique littéraire britannique auteur de nombreux ouvrages.

5 Francis de Miomandre (1880-1959) multiplie les projets malheureux avec Commerce, à la fois pour ses propres textes et en tant que traducteur. Sa collaboration avec La NRF, dans laquelle il n’a plus publié depuis 1911, n’est pas plus fructueuse. Il est peut-être question ici de la traduction du roman de Güiraldes Xaimaca (achevé en 1923) dont un important fragment traduit par Miomandre ainsi qu’une étude de Larbaud sur la littérature argen tine, refusés par Rivière à La NRF en 1924, sont proposés à La Revue européenne, puis à Commerce. Ils seront finalement publiés dans La Revue européenne du 1er mai 1925. Les poèmes de Miomandre ne sont pas acceptés par Commerce ; il doit attendre plus de deux ans pour se voir refuser sa traduction des Comentarios reales de « l’étonnant Inca Garcilaso », et le seul projet auquel Marguerite Caetani tienne vraiment est un « ancien texte » du « grand Archiprêtre » de Hita, qui n’aboutit pas davantage.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE184 184

Ne trouvez-vous pas le poète Russe 6 intéressant ? Je regrette que vous partez pour si longtemps. Bien affectueusement

Marguerite di Bassiano

185

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Mercredi [1er avril 1925]

Cher Ami, Quelle lettre délicieuse même si elle n’était pas d’Italie 2 ! – Je suis enchantée que les Wiat vous ont plû et que vous vous y intéressez avec un si bel enthousiasme. Je pressents que votre chapeau pour lui 3 sera encore plus réussi et délicieux que celui de Herrick4. Si vous continuez le métier de cha pelier comme je l’espère de tout mon cœur quel beau volume tout cela fera un jour5 ! – Quel dommage que vous ne soyez pas ici – J’ai tant de choses à vous dire – D’abord, mais profond secret jusqu’a ce que cela soit sûr, Claudel a dit à Léger qu’il désire donner à Commerce son drame 6 car il tient que

6 Elle fait peut-être allusion à Boris Pasternak ou Ossip Mandelstam, publiés dans le cahier VI.

Lettre 185.

1 B-37.

2 Il s’agit encore d’une référence à la « Lettre d’Italie » qui clôt le cahier III, hiver 1924, p. 235-285.

3

Valery Larbaud rédige en effet un « chapeau » intitulé « Sir Thomas Wyatt », p. 129145, Commerce, IV, printemps 1925, qui suit les « Poèmes » de Sir Thomas Wyatt.

4 Les « Poèmes » de Robert Herrick, publiés dans le cahier II de l’automne 1924, p. 183-188, sont précédés d’une « Préface » de Valery Larbaud, p. 173-180.

5 Larbaud n’a jamais réuni les différents « chapeaux » rédigés pour Commerce, mais le recueil publié en 2003 sous le titre Du navire d’argent reprend l’idée qu’il avait eue de réu nir ses articles mensuels publiés pendant trois ans dans le journal argentin La Nación. Voir Valery Larbaud, Du navire d’argent, trad. de l’espagnol par Martine et Bernard Fouques, éd. Anne Chevalier, Gallimard, 2003.

6 Cela aboutira à la contribution de Paul Claudel « Le vieillard sur le mont Omi », Commerce, IV, printemps 1925, présenté sur une seule page grand format. Claudel dans ses lettres s’estimera très satisfait de la réalisation du « Vieillard ».

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 185

cela soit publié en une seule fois et pour cette raison il ne le donnerait pas à une autre revue. Je suis allée voir Gallimard à ce sujet et il doit parler avec Paulhan et me faire savoir sa décision. Cela serait très bien pour nous et nous le mettrions au numéro de mai. Je vous ferai savoir aussitôt que je reçois la réponse de G. Cher Larbaud laissons Supervielle7 en lui disant que peutêtre une autre fois – et aussi ce paquet de pensées, je les trouve vraiment pas assai intéressants. J’ai si hâte que vous me parliez de Commerce n° 3. Je trouve qu’il est très bien mais il y a des tas de petites incorrections faute de Davis8 – une autre fois je ferai tout ça moi-même La signature de Buchner avec ses dates omis9 ! Qq pour cent des abonnés vont penser que c’est un Allemand qui vit quelque part dans ce monde. Déjeuné hier avec Rilke Paulhan et Léger10. Vous nous avez beaucoup manqués ! –

Ne restez pas absent trop longtemps cher Larbaud et je vous prie de me faire savoir pour quand je peux compter sur votre « Chapeau » – Si possible vers le 15 ?

Bien affectueusement

7

Jules Supervielle (1884-1960) sera finalement publié à trois reprises dans Commerce, mais plus tard (cahier VII, X et XV).

8

Ronald Davis démissionnera peu après, en 1926, et sera remplacé par Louis GiraudBadin (1876-1960) à partir du neuvième numéro.

9

Pour réparer l’oubli de toute indication sur Büchner dans le cahier III, une note est ajoutée à la fin du cahier suivant. La princesse demande à Fargue de la rédiger – en vain –et c’est Rilke qui s’en charge finalement. Voir Bohnenkamp/Levie, p. 22-24. Rilke sollicité par Marguerite Caetani traduira en allemand « Images à Crusoé », traduction imprimée sur une plaquette de luxe tirée à six exemplaires seulement, mais ne traduira pas « Anabase ».

10

La princesse a déjeuné avec eux le mardi 31 mars 1925 au restaurant Foyot (où séjour nait Rilke), ce qui permet de dater cette lettre du mercredi 1er avril.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE186

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

[1925, avril-début mai]

…était si bien à tous les points de vue aussi typographiques. Faisons le Wiat pareil 2

Et puis tout-à-fait à la fin viendra Meister Eckhart avec les caractères plus petits3. Oui j’ai reçu hier votre Septimanie4. Merci cher ami de votre gracieuse pensée. Il faut que vous soyez ici le 12 mai car nous espérons ce jour-là faire une toute petite répétition chez la princesse de Polignac de quelques fragments de l’opéra de Roffredo5 – l’après-midi.

A très bientôt, Affectueusement

J’écris aussi à Crémieux.

Lettre 186.

1 B-33. Lettre dont le début manque.

2 Sir Thomas Wyatt, « Poèmes », Commerce, IV, printemps 1925, traduction Annie Hervieu et Auguste Morel, p. 113-126 ; présentation de Larbaud, p. 129-145. La princesse fait sans doute référence à la contribution de Robert Herrick, Commerce, II, automne 1924, traduit aussi par Auguste Morel et qui comporte des caractères identiques.

3 La princesse évoque le quatrième cahier du printemps 1925. Des « Fragments mys tiques » de Meister Eckhart seront bien publiés dans ce numéro, p. 156-173, mais pas à la fin.

4 « Septimanie » vient de l’ancien nom pour désigner approximativement le LanguedocRoussillon actuel, la région de Montpellier ayant toujours été chère au cœur de Larbaud. Il s’agit d’un assemblage de huit fragments puisés dans des journaux intimes et consacrés à huit villes du Languedoc, d’abord publiés dans la revue montpelliéraine L’ Âne d’or en jan vier 1925, puis en plaquette avec un achevé d’imprimer du 31 mars 1925 – et c’est certaine ment ce que Marguerite Caetani a reçu la veille – avant d’être repris dans Jaune Bleu Blanc.

L’opéra Hypatia de Roffredo Caetani, dont la première eut lieu à Weimar le 23 mai 1926. Voir la lettre 57.

5

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 187 186

187

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Lundi [mai 1925]

Cher Ami,

Le papier est magnifique j’aimerais bien avoir l’adresse pour en com mander pour moi – Hélas nous avons dû remettre la répétition de l’opéra de Roffredo au 17 mai 2 J’espère tant que vous serez encore à Paris –

Valéry m’a promis d’inviter ces jours-ci Claudel à déjeuner3 au nom de Commerce. Ça vous serait indifférent à cette occasion de vous trouver avec Fargue ?

Cher Larbaud je vous ennuie beaucoup au sujet des caractères de votre chapeau4 mais comme Levé avait presque terminé la composition d’après vos premières indications j’ai décidé qu’il valait mieux laisser les petits carac tères – ceci après vous avoir écrit ma dernière lettre.

Je viens de télégraphier à Fréret qu’il y a un malentendu à ce sujet et qu’il doit garder les petits caractères alors je crois que cette fois-ci nous sommes d’accord. Il est bien entendu que les italiques seront les mêmes que pour tous les poèmes.

J’espère sûrement vous voir avant la fin de la semaine. Bien affectueusement

Marguerite di Bassiano

Roffredo passe par Milan et demandera à Gallarati Scotti 5 de prendre Commerce.

Lettre 187.

1 B-43.

2 Le mot est peu lisible. Voir la lettre précédente : la répétition était initialement prévue pour le 12 mai.

3 Le déjeuner avec Claudel est très certainement celui du samedi 16 mai 1925. Voir Brisset/Levie.

4 Certainement le chapeau accompagnant les « Poèmes » de Sir Thomas Wyatt, dans le cahier IV, daté du printemps 1925 mais paru en juillet 1925 seulement, avec un retard tel qu’il n’y eut pas de cahier d’été.

5 Tommaso Gallarati Scotti (1878-1966) est un écrivain et diplomate milanais.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE188

Cher Ami.

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Le 6 juin [1925]

Je n’aime pas du tout penser que vous êtes parti de Paris et que nous ne nous reverrons pas avant l’automne 2 ! Che peccato che non vuol venire passare qualche giorno con noi al mare, ma se si trova a l’isola d’Elba certo è un po distante3 –

Je viens vous demander de faire un petit service à Léger – sans qu’il le sache – encore – car je crois que c’est à vous qu’il préférerait que je m’adresse comme certainement son ami le plus dévoué. Voilà de quoi il s’agit. L’Editeur Russe Povolovsky4 du 13 rue Bonaparte a fait faire une traduction d’« Anabase » qu’il va publier surtout pour envoyer en Russie. Il voulait arranger une entrevue entre Léger et ses traducteurs (ce sont deux poètes Russes) mais comme vous l’imaginez Léger refuse absolûment, surtout en ce moment, de les voir5. Ils auraient désiré dire un petit mot sur Léger comme introduction aux lecteurs Russes. Moi j’ai pensé immédiatement à vous pour cette petite préface 6 qui ne7 sera même pas une préface – deux pages à peine. Personne mieux que vous saurait dire ce qu’il faut et surtout ce qu’il plairait à Léger qu’on dise. Je suis si sûre que je vous fais plaisir en vous demandant ceci que je n’hésite pas.

Lettre 188. 1 B-40.

2 Larbaud envisage en effet de voyager en Italie et de ne revenir à Paris qu’en octobre.

3 « Quel dommage que vous ne vouliez pas passer quelques jours avec nous à la mer, mais comme vous vous trouvez à l’île d’Elbe c’est en effet un peu loin… » Les Bassiano passent l’été à Benerville, bien loin de l’île d’Elbe…

4 La princesse évoque l’éditeur Povolozsky au 13 rue Bonaparte dans le VIe arrondis sement. Povolozsky ou Yakov Evgen’evich Povolotsky (1881-1945), dirigeait la principale librairie russe de Paris ; il publia des livres de 1919 à 1938, dont Anabase.

5 Le poète entend distinguer clairement l’écrivain du diplomate, et refuse la publication de ses œuvres en France à partir de 1925.

6 Larbaud, l’un des premiers admirateurs de Saint-John Perse et qui joua un grand rôle dans sa carrière littéraire, accepte la requête de Marguerite Caetani, et rédige une préface que la princesse proposera ensuite à Paulhan pour La NRF  : « Préface pour une édition russe d’Anabase », La NRF, n° 148, janvier 1926, p. 64-67.

7 La princesse a d’abord écrit « n’en » puis a raturé pour écrire « ne ».

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 189 188

Vous jugerez s’il faut faire une sorte de commentaire du poème sans parler de lui personnellement ou s’il faut faire les deux choses. Il me semble que, vu que c’est pour la Russie où il est absolument inconnu il faudrait peutêtre dire un mot aussi de lui. Qu’en pensez-vous ?

Je suis sûre que vous serez bien inspiré. Excusez cette lettre. J’ai si chaud et je vous écris du jardin. Bien affectueusement,

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Samedi [ juin-juillet 1925]

Très cher ami J’ai lu au moins quatre fois votre article vraiment exquis dans Le Navire d’Argent 2. Chaque phrase est signé de vous et du meilleur vous. Je com prends que vous en avez été content !

Je mets après tout Leopardi au n° 43. Nous avons la place et tout de même il vaut mieux qu’il vienne immédiatement après votre belle lettre4. Claudel est prêt5. Il m’a fait bien travaillé ! – Nous attendons les epreuves de Jammes6. J’ai dû lui faire télégraphier que si nous n’avions pas ses épreuves mardi nous serons forcés de remettre la publication de ses poèmes au numéro d’Octobre. Il faut que nous sortions avant 15 jours. Merci de votre gentile réponse pour Lettre 189.

1 B-42.

2 Valery Larbaud, « Paris de France », Le Navire d’argent, 1er juin 1925, p. 3-22.

3 Leopardi, « Poèmes », traduction de Benjamin Crémieux, Commerce, IV, printemps 1925, p. 177-185.

4 La « Lettre d’Italie » du troisième cahier.

5 Paul Claudel, « Le Vieillard sur le mont Omi », en tête du cahier IV. C’est la seule contribution de Commerce avec ce format atypique.

6 La contribution de Francis Jammes, « Ma France poétique », figure juste après celle de Claudel dans le quatrième cahier, p. 9-14. C’est Larbaud qui a sollicité Jammes pour Commerce

CORRESPONDANCE FRANÇAISE190

« Anabase »7. J’ai dit a Povolovsky8 de vous écrire en détail, mais c’est plutôt à vous de faire ce que vous croyez nécessaire et pour le mieux. Mademoiselle Isvolsky9 qui revoit la traduction en la comparant ligne par ligne m’a dit qu’elle considère la traduction de tout premier ordre et aussi exacte que pos sible et une très belle œuvre au point de vue langue et rythme Russes. Voulezvous me procurez pour le 1er août le vieux texte espagnol que Miomandre traduit10, au 15 août au plus tard, et je vous demanderai votre Retour d’Elbe11 pour les premiers jours de Septembre à moins que vous ne vouliez ne le donnez qu’au mois de Janvier. Vous avez si bien travaillé pour ces 4 premiers numéros que vous avez le droit de vous reposer si vous voulez ! –

Nous aurons le Paradis de Fargue12 pour octobre sans l’ombre de doute –Mille amitiés affectueuses

7 Voir la lettre 188. Larbaud a bien évidemment accepté d’écrire la préface pour l’édi tion russe d’Anabase

8 En réalité Povolozsky.

9 Hélène Iswolsky (1896-1975), écrivain et traductrice, personnalité cosmopolite proche des cercles catholiques parisiens, est la première conseillère et traductrice de Commerce pour le domaine russe. Voir Levie/Smith.

10 Miomandre ne traduira en réalité rien pour Commerce. Voir la lettre 184.

11 Le récit de ce séjour sera publié sous le titre « Le Vain travail de voir divers pays » dans le cahier VI de l’hiver 1925.

12 Marguerite Caetani est bien trop optimiste : la contribution de Fargue « Esquisses pour un Paradis », futur Vulturne, ne sera publiée que grâce à une ténacité exceptionnelle de la princesse pour arracher le texte à Fargue, qui donne finalement son texte en deux parties, d’abord dans le cahier VII du Printemps 1926 puis dans le quatorzième numéro de l’hiver 1927. Voir la correspondance avec Fargue et les nombreuses lettres s’y référant.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 191

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

20 juillet 1925.

Chère amie,

Je vous remercie de votre bonne lettre, que j’ai reçue ici. Je viens de passer une semaine très pénible : ma Mère a pris froid à Valbois et elle est venue à Vichy pour être plus près de son médecin ordinaire. Je l’ai suivie, naturellement. Elle a été très souffrante et elle est encore très affaiblie, bien qu’elle soit guérie de ce rhume. Elle ne pourra pas rentrer à Valbois avant la fin du mois, le 28 ou le 29, et je l’y accompagnerai, puis je partirai pour Paris où je serai certainement avant le 4 Août, et où j’aurai le plaisir de vous voir.

Cela dérangera, j’en ai peur, mes projets de vacances en Italie ; je ne peux guère partir tant que ma Mère n’aura pas repris sa vie normale (et il y a aussi des ennuis à propos des domestiques, qui devraient être arrangés avant que je puisse partir). Il est probable que je prolongerai mon séjour à Paris, – une semaine au lieu de cinq jours, – et que je reviendrai à Valbois. Plus tard, peut-être le 20 Août je pourrai partir, et alors j’irai directement à l’Elbe et rentrerai en France au bout de deux semaines, trois au plus. Il serait trop triste de n’avoir pas foulé la terre italienne cette année.

Pour le numéro d’Automne 2, je croyais que nous donnions Italo Svevo3 (et

Lettre 190.

1

La lettre se trouve à la FSJP. En-tête : 38 avenue Victoria, Vichy.

2 Le « numéro d’Automne » ou cahier V succédera directement au cahier IV du prin temps 1925 en raison du retard pris dans la publication.

Voir la lettre 179. En octobre 1925, Larbaud annonce (en français) : « Nous avons trans porté notre première ligne d’attaque, de “Commerce” au “Navire d’argent” » (28 Octobre 1925, Italo Svevo, Carteggio con James Joyce, Eugenio Montale, Valery Larbaud, Benjamin Crémieux, Marie-Anne Comnène, Valerio Jahier, p. 62). C’est en effet dans Le Navire d’argent du 1er février 1926 que paraîtront des fragments de Senilità traduits par Larbaud, ainsi que des fragments de La Coscienza di Zeno traduits par Marie Anne Comnène (la femme de Crémieux, également amie de Svevo) avec une étude critique de Crémieux. La justification de Larbaud est intéressante : « “Commerce” paraît trop irrégulièrement ; les sommaires sont trop encombrés ; la direction trop affairée, pour que nous ayons avantage à paraître là d’abord. Nous aurions été ajournés de mois en mois. Mais, tout en nous laissant reprendre étude et traductions, Mme de Bassiano nous a demandé de lui laisser l’inédit, c’est à dire la nouvelle à laquelle vous tra vailliez quand nous avons eu le grand plaisir de vous voir en Juin dernier » (ibid.) Finalement Svevo ne sera jamais publié dans Commerce, certainement à cause de l’opposition d’Ungaretti.

3

CORRESPONDANCE FRANÇAISE192 190

peut-être Léopardi ?)4 En tous cas, si nous donnons l’Archiprêtre de Hita 5 en Janvier, nous ne pouvons guère avoir deux numéros « espagnols » de suite. Nous avons eu : Angleterre, Etats-Unis (T.S. Eliot), Irlande (Joyce), Allemagne (Büchner)6 ; ayons maintenant : Italie ; puis Espagne, Catalogne, Amérique du Sud, – avec un vieil Anglais et un vieux Français de temps en temps. Pour le vieux Français j’ai pensé à une chose : publier en entier (3000 vers) le « Microcosme » de Maurice Scève7, que je recopierais moi-même, dont il n’existe pas d’édition depuis le XVIe siècle, et que Ronald Davis pourrait tirer ensuite à 1000 ou 1500 exemplaires et vendre 50 francs.

Je prépare ma traduction des pages de « Senilitá » que nous avons choisies, et je vous l’apporterai. Je suppose que B. Crémieux traduit en ce moment les morceaux de la « Coscienza di Zeno » que nous avons décidé de donner. Cela, je crois, peut faire la partie principale étrangère du numéro d’Octobre. Et pour Janvier nous pourrons avoir, avec l’Archiprêtre de Hita, un poème d’un contemporain Catalan ou Espagnol.

J’attends le prochain numéro que vous m’annoncez, avec les poèmes de Claudel8. Vous êtes vraiment admirable de vous occuper vous-même des détails de la présentation de la revue ! C’est si amical, si brave, et nous vous en sommes bien reconnaissants.

4 Les « Poèmes » de Leopardi traduits par Benjamin Crémieux figurent finalement dès le cahier IV, p. 177-185, comme l’explique la princesse dans la lettre suivante. Leopardi sera publié une seconde fois dans le cahier XIV.

5 Ce projet de traduction de l’Archiprêtre de Hita par Francis de Miomandre, auquel la princesse semble beaucoup tenir, demeure inabouti : après plusieurs délais, Miomandre finit par admettre à Larbaud que « c’est un désastre » (lettre du 7 novembre 1925, MVL).

6 On voit la tentative de Larbaud pour établir un programme précis de traductions selon les domaines ; en réalité l’examen des sommaires témoigne d’une publication empi rique. Les textes étrangers que Larbaud évoque sont : pour « Angleterre », Robert Herrick, Poèmes, traduction de Auguste Morel, préface de Valery Larbaud, Commerce, II, automne 1924, p. 173-180, p. 183-188 ; pour « États-Unis (T.S. Eliot) », T.S. Elliot, Poème, adaptation de S.-J. Perse, Commerce, III, hiver 1924, p. 10-11 ; pour « Irlande (Joyce) » James Joyce, Ulysse, fragments, traduction de MM. Valery Larbaud et Auguste Morel, Commerce, I, été 1924, p. 125-158 ; pour « Allemagne (Büchner) » Büchner, Léonce et Léna, Commerce, III, hiver 1924, p. 145-223. Larbaud ne cite donc pas exactement selon l’ordre des cahiers.

7 Le projet est bien retenu mais pour le numéro suivant : des « Fragments du Microcosme » de Maurice Scève figurent dans Commerce, V, automne 1925, précédés et suivis par des « Notes sur Maurice Scève par Valery Larbaud », p. 211-231. Larbaud avait déjà publié une étude sur Maurice Scève dans La Nación en 1924. Les Éditions de la Porte étroite publient les Notes sur Maurice Scève en 1925, et A.A.M. Stols publie Microcosme avec une préface de Larbaud en janvier 1928.

8 « Les poèmes de Claudel » désignent « Le Vieillard sur le mont Omi » déjà évoqué.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 193

J’ai appris par les journaux la nomination de L. P. Fargue9, et j’en ai été très content. Voilà les trois Directeurs de Commerce armés chevaliers, – vos dévoués chevaliers.

Où est Paul Valéry ? S’il n’était pas à Paris, je lui écrirais pour lui deman der ce qu’il penserait de la publication du « Microcosme » et pour le prier de vous donner son opinion là-dessus10.

Henri Hoppenot11 est rentré, et pour peu de jours à Paris. Je crois que son poème, « Stérile Exil », n’a pas été accepté pour Commerce, et je crois que l’un de nous en a le manuscrit. Il conviendrait de le lui renvoyer : Monsieur Henri Hoppenot, 103 boulevard Malesherbes. Si vous l’avez, envoyez-le moi je vous en prie, et je le lui ferai parvenir avec les excuses de Commerce.

Au revoir, chère amie. A bientôt : probablement le 2 Août (j’arriverai le 1er Août dans la nuit.) Dès mon arrivée je vous enverrai une dépêche.

Je vous prie de faire mes meilleures amitiés au Prince et de me croire Votre fidèlement dévoué,

9 Fargue « arbore le ruban rouge – avant d’y avoir droit – quand il va chez les déco rateurs, avec ses coupes, à la grande surprise de ses amis qu’il rencontre, ainsi décoré » et « avant d’être enfin nommé chevalier de la Légion d’honneur, à titre d’homme de lettres, il présente également un dossier d’industriel céramiste » (Rypko Schub, p. 143). La lettre du Ministère le nommant chevalier de la légion d’honneur est datée du 10 juillet 1925. Larbaud écrit dans le même sens le même jour à Adrienne Monnier « Ah ! enfin ! le voilà décoré, Fargue ! J’en ai été très content. Cela traînait depuis si longtemps » (Larbaud/Monnier/ Beach, p. 235). « J’ai appris par les journaux » montre qu’ils n’ont plus de lien direct, mais que Larbaud continue de s’intéresser à son ancien ami. Dans la lettre signifiant leur brouille en raison de leur « Incompatibilité d’humeurs », Larbaud précisait bien « Cela ne m’em pêche pas de t’estimer, de savoir très bien ce que tu vaux, et d’être très content de voir que tu travailles. Et au besoin, tu me trouveras prêt à t’aider ; en tous cas, jamais contre toi » (citée par Mousli, p. 353).

10 Cette lettre illustre clairement que la princesse servait de lien entre les trois directeurs.

11 La correspondance reflète bien le rôle joué par Larbaud dans la publication de son ami Henri Hoppenot (1891-1977) dans Commerce. Henri Hoppenot, alors en poste à l’Am bassade de la République Française au Brésil à Rio de Janeiro, lui avait envoyé le 29 janvier 1925 son poème « Stérile Exil » : « Je vous envoie également ci-joint un poème que j’avais remis à Adrienne, du temps qu’elle était gérante de Commerce et dont je n’ai jamais pu savoir ce qu’il était devenu », in « Valery Larbaud, Henri Hoppenot, Correspondances », édition de Béatrice Mousli, Cahiers des Amis de Valery Larbaud, n° 35, 1998, p. 36. D’après Renaud Meltz, c’est Saint-John Perse qui lui barre secrètement l’accès à Commerce. Larbaud écrit à Adrienne Monnier le même jour, le 20 juillet 1925 : « Il serait à souhaiter que “Stérile Exil » parut au Navire. J’écris à la princesse. J’avais déjà écrit, mais sans résultat en ce qui concerne le MS. de Hoppenot. Je crois que Hoppenot ferait bien de s’adresser à Fargue. » (Larbaud/ Monnier/Beach, p. 235).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE194

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Vendredi [ fin juillet 1925]

Cher ami. Je suis désolée d’apprendre de mauvaises nouvelles de votre mère mais j’espère qu’elle se remettra bien vite. Nous avons beaucoup à causer au sujet des numéros d’Octobre et Janvier. Vous semblez avoir oublié que nous avons Ungaretti 2 dans ce numéro ci et quand j’ai vu qu’il y avait la possibilité j’ai mis Leopardi car après tout c’était sa place après votre lettre qui a fait sensation en Europe entière. Je suis ravie qu’on va la traduire en italien 3 . Valéry est ici et le sera encore certainement au moment de votre arrivée. J’aurai aussi Héroet4 pour vous – finalement.

À très bientôt cher ami Bien affectueusement

Marguerite di Bassiano

Lettre 191.

1 B-39.

2 Elle fait référence au poème d’Ungaretti, « Appunti per una poesia », p. 17-29, puis aux « Poèmes » de Leopardi, p. 177-185 du quatrième cahier.

3 « Lettre d’Italie », grand succès du cahier III, hiver 1924. La lettre qui évoque le périple à Recanati sur les pas de Leopardi sera publiée en novembre 1933 dans Espero, traduite par Aldo Capasso sous le titre « A Recanati » (Ortensia Ruggiero, Valery Larbaud et l’Italie, Nizet, 1963, p. 317).

4 La « Complainte d’une dame surprise nouvellement d’amour » d’Antoine Héroët, ainsi que « Quelques notes sur Antoine Héroët » par Valery Larbaud ne paraîtront finale ment que dans le cahier IX de l’automne 1926 (p. 173-183 et p. 184-194).

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 195 191

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 17 Août [1925]

Très cher Ami. J’ai bien reçu votre lettre contenant tant de belles choses. Comment vous dire ma joie ! – D’abord les traductions des poèmes sont charmantes et j’imagine le ravissement du petit poète quand il les verra 2 .

Je vous envoie cette lettre de lui en réponse à la mienne lui disant que vous aviez consenti de le traduire. Ça vous fera plaisir je pense. Puisqu’il s’embarque pour l’Amérique le 19 Août il faudrait que je lui envoie une copie là-bas et à vous les épreuves si vous voulez bien me tenir au courant de vos déplacements.

La préface pour Anabase3 je trouve très belle au point de vue général et particulier. Léger doit être enchanté – mais il ne faut pas que cela se perde dans l’édition russe d’Anabase. Il faut que ça soit publiée quelque part. C’est une mise au point trop importante –

J’écrirai à Crémieux4 pour lui demander de m’envoyer sa traduction aus sitôt finie. J’essaierai d’avoir un vieux texte Italien de mon beau-frère5 qui arrive ici demain. J’imagine que vous n’avez pas pu faire copier Microcosme6. Mais ça sera pour une autre fois. Vous avez fait tellement déjà pour la pre mière année de « Commerce » ! – Nous avons le grand libraire Asher à Berlin7 comme représentant Allemand – ce que nous a procuré Groethuysen. Je penserai a un représentant Autrichien pendant que nous sommes à Lettre 192.

1 B-113 ; en-tête imprimé : «  mon rêve » / benervi LLe par bLonvi LLe /(Ca LvadoS)

2 Il s’agit des « Poèmes » de l’Américain Archibald MacLeish (1892-1984) que Larbaud a traduit dans le cinquième cahier.

3 La préface de Larbaud à la version russe d’Anabase, publiée dans La NRF. Voir les lettres 188 et 189.

4

Le projet qui les occupe avec Crémieux est alors celui de traduction de Svevo. Crémieux a déjà traduit Leopardi pour Commerce et traduira encore Emilio Cecchi dans le huitième cahier.

5 Voir la lettre 193.

6 Voir la lettre 190.

7 Un papier volant retrouvé dans le cahier V indique en effet comme dépositaire en Allemagne Asher et Cie, 17, Behrenstrasse, Berlin. Figure également un dépositaire en Autriche, Lechner et Müller.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE196 192

Salzburg8. Nous partons Samedi9 et nous serons ici de nouveau le 1er Sept. Aussitôt que je sais ce que Fargue et Paulhan nous donnerons je vous écrirai. Léger va vous donner l’ayant arrangé un poème Esquimos rapporté par le vieux Toussaint10. Il a du vous en parler. Encore mille mercis cher ami de tout Bien affectueusement

M. di B.

193

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 7 Sept.[embre 1925]

Cher Ami. Votre dernière lettre qui m’a fait tant de plaisir (où vous parlez de Butler et ses livres Italiens etc.) n’est pas allée me trouver à Salzburg mais m’a attendu ici, ce qui était bien plus sage car nous avons découvert qu’une lettre met au moins 4 à 5 jours d’ici à Salzburg !

Nous avons passé cinq jours très agréables. Excellente musique et publique assai amusant comme toujours à ces réunions cosmopolites. Je serais enchantée si vous vouliez demander un inédit à Edith Sitwell 2 . Malheureusement je n’ai pas l’adresse de Thomas Hardy3. Ne pourriez-vous pas la demander à Miss Sitwell ? Arthur Waley4 m’a envoyé pour Commerce

8 Les Bassiano vont assister au festival de Salzburg, festival d’opéra, de théâtre et de musique classique, dont Hofmannsthal est l’un des fondateurs, et où ils le retrouvent.

9 Elle écrit lundi 17 août et pense donc partir samedi 22 août jusqu’au mardi 1er septembre.

10 « Franz Toussaint, trad. du chinois, du persan, du sanscrit, etc. (plutôt farceur –comme le Dr J.-C. Mardrus mais moins de talent) Il s’agit de Nukarpiartekak, recueilli au Groënland par Holm en 1884 » (annotation de Maurice Saillet).

Lettre 193.

1 B-114 ; en-tête imprimé : «  mon rêve » / benervi LLe par bLonvi LLe /(Ca LvadoS)

2 Edith Sitwell (1887-1964), animatrice avec Helen Rootham de l’Anglo-French Poetry de Londres, que Larbaud connaissait bien.

3 Un poème de Thomas Hardy, « Abatage d’un arbre », figurera dans Commerce mais après sa mort seulement en 1928, traduit par Paul Valéry (Commerce, XIV, hiver 1927, p. 6-9).

4 Le sinologue et orientaliste Britannique Arthur Waley (1889-1966), traducteur du chinois et du japonais.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 197

un essai très intéressant sur le Roman en général, mais qui tourne autour de cette traduction qu’il est en train de faire d’un roman japonais du dixième siècle « Genji ». Je le trouve passionnant ce Genji et je voulais justement vous l’envoyez mais il m’écrit que Miss Sitwell vous l’a déjà envoyé dans l’espoir que vous lui trouverez un traducteur. Certainement il faut que cela soit traduit en français, je suis sur que cela aurait un grand success. Je l’ai signalé il y a deux semaines au Directeur de Galignani 5 et il à déjà vendu près de 50 exemplaires. Les détails sur la vie, et l’atmosphère d’actualité que vous donne le style et la conception du Roman sont extraordinaires. Je suis si curieuse d’avoir votre opinion là-dessus. J’ai dit à Waley que ça serait difficile pour nous de publier son article avant que son livre ne paraîsse en français et il comprend ça très bien. Mais de toute façon vous verrez son article et vous en jugerez vous-même.

Vous ne me dites pas combien de temps vous comptez rester à Paris quand vous y retournez le 20. Je désirerais tant vous voir à ce moment-là et nous ne rentrerons à Versailles que vers le 28 ou 29 – Ne pourriez vous pas venir passer quelques jours ici avec nous si ce n’étaient que deux ! – Peutêtre même ce Dimanche 20 Qu’en dites vous ?

Je suis désolée de ce que vous me dites de cette magnifique préface6. Mais que votre volonté soit faite. Il faudrait alors que cela soit publié dans tous les autres pays ! – Gelasio7 m’a promis un extrait des mémoires d’un certain Ruggero Caetani du 17eme siècle où il décrit la peste et Gelasio écrirait une petite introduction. Ce Ruggero était un type très curieux, un genre Casanova.

J’avais espérais l’avoir pour Octobre mais vous voyez ce qu’il m’écrit – C’est dommage – aussi car comme ça j’ai peur d’être obligée de vous demander ces fragments du Microcosme8 ou peutêtre quelque chose de votre Lingendes ou Racan9 ? pour notre texte ancien pour n° 5. – Enfin ce qui vous donnera le moins d’ennuies. Je vous envoie un article assai bien fait sur la littérature

5 La célèbre librairie Galignani se présente comme « la première librairie anglaise éta blie sur le continent ».

6 Si la « magnifique préface » désigne la préface rédigée pour l’édition russe d’Anabase, cela veut dire qu’initialement Larbaud ne comptait pas la publier en France, peut-être pour respecter la confidentialité souhaitée par Saint-John Perse, et qu’il a finalement accepté de la donner à La NRF. Mais il s’agit peut-être d’autre chose.

7 Gelasio Caetani (1877-1934) est l’un des frères du prince. Ce projet finalement n’aboutit pas.

8 Marguerite Caetani reprend la proposition faite par Larbaud le 20 juillet 1925 dans la lettre 190.

9 Honoré de Beuil, seigneur de Racan, poète (1589-1670), Jean de Lingendes, poète (1580-1616). Voir la lettre 195.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE198

contemporaine de mon pays et ou il s’agit de Edna Millay et Sherwood Anderson10 que je considère comme les deux écrivains les plus intéressants du moment. Elle comme Poète, lui surtout comme auteur de nouvelles. Eliot a demandé la collaboration de Anderson et ma sœur11 va maintenant se mettre en rapport avec Miss Millay. La Revista de Occidente12 accepte de nous representer et le secrétaire m’a écrit une si gentile lettre en Espagnole que j’ai compris ! – Il nous reste Barcelone. Comme le côté Etranger de Commerce devient amusant surtout pour vous et moi je crois et nous l’avons pas prévu ou à peine et cela peu devenir très fécond et unique dans son genre.

Je vous noie de papier cher ami aujourd’hui et il me reste encore des choses à dire ! Mais c’est toujours comme ça quand il s’agit de vous écrire Je crois que c’est vous qui avez choisi la meilleure part en allant en Italie. Ici il pleut sans s’arrêter ou presque il fait du vent : ça sans s’arrêter et il grêle – presque.

Bien affectueusement

Marguerite di Bassiano

194

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 16 sept.[embre 1925]

Cher Ami – Je suis désolée que vous avez remis même de quelques jours votre retour à Paris car j’ai très besoin de vous en ce moment, mais comme

10

La poétesse et dramaturge Edna Millay (1892-1950), et le romancier Sherwood Anderson (1876-1941) ne comptent pas parmi les écrivains américains de Commerce. Maurice Saillet note que Larbaud quant à lui « prisait surtout William Carlos Williams et Marianne Moore ».

11 La demi-sœur de Marguerite, l’écrivain Katherine Biddle (1890-1977), de son nom de jeune fille Katherine Garrison Chapin.

12

La Revista de Occidente, fondée par Ortega y Gasset en 1923, qui publiera dans le cahier VI de Commerce, hiver 1925, trad. Jean Baruzi. Une feuille volante retrouvée dans le cinquième cahier indique comme dépositaire pour l’Espagne Revista de Occidente, Avenida de Pi y Margall, n° 7, Madrid. Il n’y a en effet pas encore de dépositaire à Barcelone.

Lettre 194.

1 B-112 ; en-tête imprimé : «  mon rêve » / benervi LLe par bLonvi LLe /(Ca LvadoS)

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 199

FRANÇAISE

nous sommes déjà en retard pour notre numéro d’Octobre je peux bien attendre votre arrivée pour tout mettre à point. Vu que Fargue ne sort pas de son Paradis encore et nous donne vingt pages aulieu de 70 ou 802 et que cela nous laisse un trou sensible j’aimerais un vieux texte important et je me demande si peutêtre Miomandre3 n’est pas peutêtre prêt à présent. Nous lui avons demandé d’abord pour le 15 août je crois. En tous les cas c’est vous qui devez décider cette question. Certainement si vous pouvez le faire sans que cela soit trop ennuieux, je crois que ce serait bien cette fois-ci de donner un vieux texte français, mais au fond cela n’a pas une grande importance. Nous avons le temps pour nous – J’espère – Je trouve que le poème ne vaut pas la peine de le publier.

Pour ce que vous dites de Walt Whitman nous pouvons en discuter ensemble n’est-ce pas ? Il faudrait voir les dessins avant tout mais je crois aussi qu’il ne faudrait pas trop laisser espérer au jeune homme, en lui disant qu’en principe nous ne prenons pas des œuvres de critique 4. Mais nous parlerons de tout cela et au plus tôt j’espère – Je trouve admirable le nom de votre article5. Plein de piquant et de mystère ! – C’est inutile de vous dire comme je l’attendrai avec impatience ! – Nous ne rentrerons pas à Versailles avant le 29 ou 30 –

Bien affectueusement cher Ami

2

Le « Paradis » désigne « Esquisses pour un paradis », contribution finalement publiée dans Commerce, VII, printemps 1926, puis dans Commerce, XIV, hiver 1927. Ce ne sont d’ailleurs pas « vingt pages » que Fargue remettra à la revue : la contribution du cinquième cahier de l’automne 1925, « Tumulte », n’occupe que six pages (p. 17-22), et celle du cahier suivant, « Banalité », que six pages également (Commerce, VI, hiver 1925, p. 7-12).

3 Voir la lettre 184.

4

Le « jeune homme » est Jean Catel (1891-1950), qui a publié en 1929 sa thèse de doc torat sous le titre Walt Whitman, la naissance du poète aux éditions Rieder. Larbaud a très tôt traduit Walt Whitman (1819-1892), qui l’a fortement influencé, et a publié une étude sur lui en 1918. Notons que Le Navire d’argent du 1er mars 1926 est un numéro spécial consacré aux écrivains américains et comporte des pages de Whitman. Sylvia Beach organise avec l’aide de Larbaud une exposition Whitman en 1926.

5 Il s’agit certainement de la contribution « Le Vain travail de voir divers pays » qui figure dans Commerce, VI, hiver 1925, p. 29-79.

CORRESPONDANCE
200

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

Portofino, 17 Septembre 1925.

Chère amie, j’ai reçu à quelques heures d’intervalle, ce soir même, votre bonne lettre du 7 Septembre et votre télégramme de ce matin. Je suppose que votre lettre a dû rester quelques jours rue du Cardinal Lemoine avant de m’être envoyée ici. Quant à la lettre que vous m’annoncez, je vais donner ordre à la poste d’ici de me la faire suivre à Gênes ; car je quitte Portofino demain pour Gênes, où je passerai quatre ou cinq jours seulement avant de quitter l’Italie pour cette année ; mais j’irai directement chez ma Mère, à Valbois, et ne serai à Paris, – pour quelques jours seulement, – que vers le 1er ou le 2 Octobre. Je ne peux guère me dispenser de cette visite à ma Mère, que j’avais laissée un peu souffrante encore en Juillet. Il me faut donc renoncer à aller passer à Deauville les derniers jours de la saison ; je vous remercie de votre bonne invitation et je regrette de ne pouvoir l’accepter ; mais ma rentrée à Paris coïncidera avec la vôtre et c’est à ce moment-là que j’aurai le grand plaisir de vous revoir. Je vous écrirai une fois arrivé chez ma Mère, et je vous dirai exactement la date de mon arrivée à Paris.

Ce que vous me dites du roman japonais et de l’article de son traducteur m’intéresse beaucoup2. J’ai reçu une lettre de Miss Sitwell qui m’annonce l’envoi de la traduction anglaise de ce livre ; je le trouverai à mon arrivée à Paris, car les lettres seules me suivent ici, et j’ai dit qu’on garde les livres qui pourraient arriver en mon absence chez moi.

L’idée de publier un extrait des mémoires de Ruggero Caetani me paraît excellente3. Il est dommage que cela ne puisse pas être prêt pour le n° 5. Mais quelle est la dernière limite pour remettre les textes du n° 5 ? Je n’ai rien de prêt actuellement. Ma Lettre d’Italie n’en est qu’à la toute première

Lettre 195.

1

Une lettre de Labaude accompagnait cette lettre, mais elle concerne en réalité très certainement Paul Valéry : nous l’avons donc déplacée. Larbaud n’est pas allé à Monaco cette année-là mais Valéry, lui, s’y est rendu en février. Voir la lettre 59.

2 Il s’agit de la traduction d’un roman japonais du dixième siècle « Genji » qu’Arthur Waley est en train de traduire, et qu’Edith Sitwell a envoyé à Larbaud afin qu’il trouve un traducteur de l’anglais au français. Voir la lettre 193.

Cet ancêtre de Roffredo, qu’évoque Marguerite Caetani dans la lettre 193, n’a en défi nitive jamais été publié dans Commerce

3

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 201 195

rédaction. (Je l’intitule décidément : Nouvelle (ou Seconde, comme il vous plaira,) Lettre d’Italie.)4 Mes notes sur Lingendes et Racan 5 sont chez ma Mère, à Valbois. Et pour « Microcosme » je ne peux le copier qu’à Paris, où sont les deux seuls exemplaires connus6. C’est à dire que je n’ai rien, avant le début d’Octobre, – mettons le 15 Octobre au plus tôt, pour Commerce. – Peut-être, alors, ces dessins de Walt Whitman et l’article de Jean Catel7 ?

Votre dépêche est arrivée trop tard pour que je puisse aller à la poste demander s’il n’y avait pas une erreur sur le nom que je lis Sollier8. J’irai demain matin. Je ne connais pas ce Sollier. Ou si c’est un Catalan nommé Soller, je ne le connais pas personnellement. Mais je verrai les gens du télégraphe demain matin avant mon départ pour Gênes, et j’agirai en conséquence.

Je vous dirai ce que j’aurai fait, dès demain soir. J’ai en effet reçu un poème assez long de M. Lucien Bec, l’auteur de ce drame chrétien, un peu claudélien d’aspiration, que je vous avais envoyé et qui n’a pas été accepté9 ; et j’ai reçu deux petits poèmes de André Castagnou que je vous enverrai aussi10. Cela demande une enveloppe assez large et forte, qui me manque ici et que je trouverai facilement à Gênes.

Dès mon retour à Paris j’écrirai de nouveau à Edith Sitwell11, une fois que j’aurai vu plusieurs livres qu’elle m’a envoyés, et en même temps je lui demanderai une poésie pour Commerce. Avez-vous lu son dernier recueil

4 La « première » « Lettre d’Italie » est celle publiée en clôture de Commerce, III, hiver 1924. Larbaud évoque ici le futur « Le Vain travail de voir divers pays », Commerce, VI, hiver 1925, p. 29-79.

5 Marguerite Caetani demandait dans la lettre 193 si ses notes sur Lingendes et Racan pouvaient faire l’objet d’une publication dans Commerce. Larbaud avait consacré une chro nique sur Racan dans La Nación du 24 août 1924. Aucune note sur Lingendes ou sur Racan ne sera finalement publiée dans Commerce.

6 Le 2 octobre 1925, Larbaud enverra à Adrienne Monnier la côte du Manuscrit de la Bibliothèque Nationale (Larbaud/Monnier/Beach, p. 244). Voir la lettre 190.

7 Rien ne paraît dans Commerce, qui ne publie de toute façon jamais d’œuvres gra phiques. Voir la lettre 194.

8 Il s’agit du pseudonyme d’Adrienne Monnier, J.-M. Sollier, « qui procède du nom de sa famille maternelle ». (Larbaud/Monnier/Beach, p. 249).

9 Larbaud écrit à Adrienne Monnier le 17 octobre 1925 : « ne vous avais-je pas remis, avant mon départ, un MS (poème) de M. Lucien Bec, 2 (je crois) avenue de Villiers ? » (Larbaud/Monnier/Beach, p. 247).

10 Le 14 octobre 1925, Larbaud demandera à Adrienne Monnier : « Vous ai-je remis des poésies d’A. Castagnou pour Le Navire ? » (Larbaud/Monnier/Beach, p. 245). André Castagnou (1889-1942) n’a en fait jamais été publié ni dans Commerce ni dans Le Navire d’ar gent. On voit clairement, avec Bec et Castagnou, que Larbaud propose à Adrienne Monnier pour Le Navire d’argent ce qu’il n’a pas pu faire accepter par Commerce.

11 Edith Sitwell a publié Troy Park en 1925.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE202

de vers, Troy Park ? Il contient un poème qui m’est dédié. En même temps j’écrirai à Thomas Hardy12. Et pour la Catalogne j’écrirai de nouveau à José Junoy13.

Je continuerai donc cette lettre demain soir à Gênes.

Au revoir, chère amie. Je vous remercie de votre lettre et j’attends celle que vous m’annoncez ce soir.

Votre ami dévoué,

V. Larbaud.

196

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

[ajout de Marguerite Caetani]  Roffredo présentera les 4 cahiers de Commerce à la Reine ces jours-ci et je ne doute pas un instant que ce sera votre « Lettre d’Italie » qui l’intéressera par-dessus tout

Dimanche [octobre-novembre 1925]

Cher Ami. Un tout petit mot pour vous dire d’abord et avant tout le plaisir que j’ai eu à lire vos notes charmantes. Il n’y a vraiment que vous qui puisse faire chose pareille ! Et j’aime beaucoup les fragments2. Vous avez eu là une excellente idée –Je vous prie d’envoyer l’adresse à Davis de M. José-Maria Junoy3 – il jure qu’il ne l’a jamais eu ! – Et puis cher ami je vous prierai aussi de renvoyer vos

12 Thomas Hardy sera finalement publié dans Commerce, traduit par Valéry, mais à titre posthume, juste après sa mort, dans le cahier XIV de l’hiver 1927.

13 Il s’agit de Josep Maria Junoy (1887-1955), poète catalan qui n’apparaît jamais au sommaire de Commerce. Voir la lettre suivante.

Lettre 196.

1 B-76 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av. d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 « Microcosme » et « Notes sur Scève ».

3 Le nom est peu lisible mais c’est celui de l’écrivain Josep Maria Junoy que Larbaud évoquait dans la lettre précédente.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 203

épreuves le plus vite possible car il faut vraiment essayer de sortir à la fin du mois. Voilà ce qu’il y aura avec vous et Scève4 (11), Valéry (1), Fargue (2), Paulhan (3), Ra chrysalide (4) (histoire malgache), Ponge (10), trois petits poèmes, Prévost (9) quelques pages pas celles qu’il avait données à Fargue !, Beucler, poème esquimos (8), Kassner (5), Hoelderlin (10) et Mac Leish (7) avec vos traductions. Je crois que ça fera un beau numéro. Il y aura environ 200 pages.

Lechner5, le meilleur libraire de Vienne à consenti de nous représenter pour l’Autriche.

Davis me dit que « Commerce » à été envoyé à la Bibliothèque Nationale.

Dites-moi ce que vous pensez de Genji6 et si vous pourriez suggérer un traducteur. Je vois Waley mercredi. C’est bien dommage que vous n’y soyez pas – Bien affectueusement – Marguerite di Bassiano

4 Larbaud qui disait qu’il n’aurait rien de prêt pour Commerce avant le 15 octobre a donc finalement envoyé ses notes sur Scève. Marguerite Caetani décrit le sommaire du futur cinquième cahier, qui comptera 231 pages. Elle ajoute des numéros en haut de chaque auteur, et l’ordre des contributions qu’elle donne n’est pas tout à fait exact : Paul Valéry, « ABC », p. 7-14 ; Léon-Paul Fargue, « Tumulte », p. 17-22 ; Jean Paulhan, « L’expérience du proverbe », p. 25-77 ; XXX, « Ra-Chrysalide » (recueilli par Jean Paulhan), p. 81-85 ; XXX, « Nukarpiartekak » (recueilli au Groënland par Holm en 1884), p. 89-91 ; Rudolf Kassner, « Le lépreux », p. 95-122 ; Francis Ponge, « Poèmes », p. 125-126 ; Archibald MacLeish, « Poèmes » (traduction française de V. Larbaud), p. 128-131 ; Jean Prévost, « L’homme à la montre », p. 135-138 ; André Beucler, « Entreprises de fééries », p. 141-168 ; Hölderlin, « Poèmes » (traduction de B. Groethuysen), p. 171-186, suivis d’une documentation sur la folie de Hölderlin réunie par B. Groethuysen, p. 189-207 ; Maurice Scève, « Fragments de Microcosme », p. 215-223 suivis de « Notes sur M. Scève » par Valery Larbaud, p. 211-214 et p. 225-231.

5 En effet, Lechner et Müller, Graben 30 et 31, Vienne I, apparaît bien comme déposi taire autrichien sur une feuille volante déjà évoquée du cinquième numéro.

6 Le roman japonais Genji traduit par Waley, évoqué dans les lettres 193 et 195.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE204

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

[ fin octobre-novembre ? 1925]

Très cher ami, J’ai toujours voulu vous parler de Soupault2. Ne pourrions-nous pas par son intermédiaire avoir de temps à autres des textes des meilleurs surréalistes sans avoir des relations directes avec eux ce qui entraîne toujours des incidents désa gréables ? Voulez-vous tenter le terrain ? Je veux dire surtout Aragon – Je crois que Valéry consentirait à ce qu’on publie un texte d’Aragon (malgré la lettre terrible que vous savez) si on lui présentait quelque chose de vraiment bien de A. Je trouve qu’il a trop de talent pour que nous puissions si facilement l’enrayer de parmi les collaborateurs de Commerce. Voyez ce que vous pouvez faire et je vous donnerai rendez-vous un jour de cette semaine à Paris pour parler de cette chose.

Vous ferez comprendre à Soupault que Commerce pour chaque texte accep té lui donnerait disons 300 fcs ou ce que vous croyez juste.

Mille bonnes amitiés

M. di B. Lettre 197.

1 B-70 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av. d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 Cette lettre est très difficile à dater, et peut avoir été écrite entre 1924 et 1926. Philippe Soupault (1897-1990) a déjà commencé à prendre ses distances avec ses anciens compagnons surréalistes au moment où il dirige La Revue européenne en 1923 aux côtés de Valery Larbaud. Dans ses Mémoires, Soupault évoque en des termes très critiques la revue Commerce, mais se montre fort élogieux envers son ami Larbaud, « érudit extraordinaire, trop généreux et trop modeste », l’un des écrivains qu’il est « fier d’avoir connus, respectés, aimés et admirés » (Philippe Soupault, Mémoires de l’oubli, Lachenal et Ritter, 1981, p. 76). Louis Aragon (18971982) publie dans Commerce, II, automne 1924, « Une vague de rêves », p. 91-122. La lettre pourrait avoir été écrite avant cette publication, mais il est plus probable que ce soit à l’oc casion d’un second projet de contribution d’Aragon, auquel Valéry cette fois s’est fermement opposé (Rabaté, p. 296-297). Voir le télégramme 60. La princesse sollicite également Paulhan qui lui soumet un « projet de lettre » à transmettre à Aragon à l’été 1925 (voir Brisset/Levie).

La « lettre terrible » est peut-être la lettre adressée conjointement à Lucien Fabre et Valéry au début de 1920 par Aragon, dans laquelle il révèle à Fabre que Valéry s’est parfois moqué de lui auprès de ses jeunes amis (Jarrety, p. 580). Quand la princesse écrit « ce qui entraîne toujours des incidents désagréables », elle pourrait faire référence aux lettres polémiques échangées avec Benjamin Péret et publiées dans La Révolution surréaliste du 15 juillet 1925 (n° 4). La princesse dans cette lettre donne rendez-vous à Larbaud à Paris, donc écrit au retour de Larbaud à la fin du mois d’octobre 1925.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 205 197

198

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Mardi [après le 15 novembre – décembre 1925 ?]

Très cher Ami J’espère que vous aurez reçu ma dépêche vous priant de venir déjeuner dimanche prochain.

Si je n’ai pas de nouvelle de vous je renverrai la voiture à midi vous prendre. J’ai tant de choses à discuter avec vous. Paulhan à invité Soupault pour dimanche. Mille amitiés affectueuses

199

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Mercredi [ fin 1925 ?]2

Très cher ami. Je n’ai pas l’adresse de Miomandre ni de Supervielle. Croyezvous qu’il faudrait dire à Suarès que nous désirons son article pour le pro chain numéro et qu’il nous le donne le plus vite possible ?

Lettre 198.

1 B-87 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL 13-28). Nous faisons l’hypothèse que cette lettre suit la B-70. Paulhan étant à Port-Cros jusqu’au 15 novembre, elle doit être écrite après cette date.

Lettre 199.

1 B-80 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av. d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 Cette lettre est très difficile à dater, et pourrait être écrite à la fin de l’année 1925 tout comme à la fin de l’année 1928. Les écrivains mentionnés ne permettent pas de trancher avec certitude. Francis de Miomandre n’a finalement jamais rien donné à Commerce mais il y a eu plusieurs projets avortés. André Suarès (1868-1948) a contribué à cinq reprises à Commerce, dans les cahiers VI, X, XV, XIX et XXII, ce qui ne donne pas une indication suffisante. Plusieurs textes de Jules Supervielle ont été refusés, mais il publie dans trois cahiers, la pre mière fois au cahier VII du printemps 1926, puis dans le cahier X à l’hiver 1926 et enfin dans le cahier XV du printemps 1928. La référence à Hoppenot, publié dans le cahier VI de l’hiver

CORRESPONDANCE FRANÇAISE206

Voulez-vous aussi m’envoyer l’adresse de Hoppenot3 ? J’étais si heureuse de passer un moment avec vous aujourd’hui – Cher Barnabooth – Et dans les joies de la conversation je n’ai pas fini votre manuscript ! Il faut maintenant que j’attende les épreuves ! – C’est terrible – J’ai trouvé tout-à-fait exquis ce que j’ai lu mais je meurs d’impatience de le lire en entier et plusieurs fois et lentement en le savourant –

Aurevoir cher Ami écrivez-moi souvent – Je vais essayer de bien travailler pour Commerce cet hiver à l’étranger pour avoir un bon rapport pour vous au Printemps.

Mille et mille amitiés

200

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Villa Mercedes Petite Afrique Beaulieu. A. M. Avez-vous des manuscripts pour n° 7 ?  le 30 janv.[ier 1926 ]

Très cher Ami J’espère que vous n’êtes pas malade qu’il s’est passé tant de semaines sans que vous m’ayez envoyé de vous nouvelles ! – Je suis un peu inquiète et vous prie de m’envoyer un petit mot aussitôt que vous aurez reçu cette lettre.

1925, privilégie la piste de 1925-1926. Mais la mention de « l’hiver à l’étranger » pose problème car au début de 1926 Marguerite Caetani est à Beaulieu, et en 1928-1929 elle passe l’hiver à Cannes – à moins que ce ne soit une façon d’évoquer le fait d’être loin de la capitale. Si l’expres sion « l’hiver à l’étranger » est à prendre littéralement, la lettre pourrait dater de janvier 1930, alors qu’elle est encore à Menton mais s’apprête à partir le 18 février pour Rome, et que Suarès lui donne « Fiorenza » publié dans le cahier de l’hiver 1929, mais cela semble moins probable.

3 Henri Hoppenot, grand ami de Larbaud, a été bloqué par Saint-John Perse et n’a fina lement publié qu’une seule fois dans Commerce, VI, hiver 1925. Voir la lettre 190.

Lettre 200. 1 B-108.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 207

J’espère que notre beau n° 6 sortira d’ici quelques jours. C’est surtout Suarès2 qui nous a mis en retard et puis il a fini par donner autre chose – une partie de son prochain livre. J’espère que cela vous plaira. Je trouve qu’il y a des choses très bien. Mais l’ensemble de notre numéro est vraiment un des meilleurs – mais – mais chaque fois nous disons cela n’est-ce pas ! – Vous n’avez pas oublié votre promesse de poèmes pour le n° 7 ? Je veux absolûment commencer par des poèmes de vous la prochaine fois et il me les faudrait pour les premiers jours de Mars. J’ai mis après tout le poème de Hoppenot3 dans ce numéro. J’envoie ceci pour avoir plus vite vos nouvelles et aussitôt que j’en aurai je vous écrirai longuement.

Les petits profitent merveilleusement ici –Bien affectueusement

Marguerite di B.

201

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Villa Mercédes Petite Afrique Beaulieu. A.M.

le 17 Fév.[rier 1926 ]

Très cher ami. Vous avez été un véritable ange comme toujours. Que de choses vous avez découvert sur l’état intellectuel des Lisbonniens en si peu de temps2. You are a wizard ! Et vous me promettez d’approfondir

2 André Suarès, « Saint-Juin de la Primevère », Commerce, VI, hiver 1925, p. 83-122.

3 Henri Hoppenot, « Traversée de la ville », Commerce, VI, hiver 1925, p. 203-208.

Lettre 201.

1 B-107.

2 Il faudrait écrire Lisbonnins, Lisbonnais ou Lisboètes. Larbaud séjourne alors à Lisbonne : il écrira trois textes sur le Portugal qui composeront le petit recueil Caderno, qui réunit « Lettre de Lisbonne » publiée dans Le Navire d’Argent du 1er avril 1926, « Divertissement philologique » dans La NRF du 1er juin 1926, ainsi que « Écrit dans une cabine du sud-express » dans Commerce, VII, printemps 1926, p. 37-57, dans lequel il évoque le trajet retour entre Lisbonne et Paris et un livre d’Eça de Queiroz.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE208

d’avantage la question. Vos lettres sont une joie et une délectation comme toujours. J’espère que cet ennuieux de Davis3 vous a finalement envoyé les ex de Commerce dont vous aviez besoin. N° 6 doit être sorti hier ou aujourd’hui. Vous m’écrirez immédiatement n’est-ce pas en me disant ce que vous en pensez. Pas de vers alors si vous ne voulez pas, mais un poème, oh ça absolûment je l’exige, comme administratrice unique ! – mais j’ai de l’espoir de ce que vous me dites.

Tenez-moi au courant je vous prie du progrès poétique. J’ai reçu il y a quelque temps (quand je n’avais pas votre adresse encore) ce poème ( ?) de E.S.4 ici envoyé par Eliot. J’ai répondu à Eliot que nous le donnerons avec plaisir dans Commerce, si vous voulez bien entreprendre la traduction, ce qui me paraît à moi chose bien difficile. Je veux dire la traduction. Comme je trouve que le poème n’est pas très intéressant I thought in saying this we gave ourselves a loop-hole to get out of publishing it if we decide better not.

However it is in your hands to do as you wish 5. Certainement il n’y per sonne d’autre au monde que vous qui pourrait le traduire.

J’ai aussi répété à Eliot que nous aurions voulu quelque chose de Sacheverel6 pour publier en même temps. Nous restons ici jusqu’au 12 Mars à peu près et vous quand reviendrez vous à Paris – Supervielle m’a envoyé quelques poèmes et j’ai choisi un que je trouve très bien7. Avez vous des manuscrits pour « C » – Il nous faudrait tout pour le 10 mars au plus tard –Mille pensées affectueuses

3 Ronald Davis s’occupe de la gestion du deuxième au huitième cahier.

4 Le point d’interrogation est d’elle. Suivent deux initiales en majuscules peu lisibles. Maurice Saillet émet l’hypothèse qu’il s’agit de Roger Fry, « Moustiques », trad. Charles Mauron, Commerce, VII, printemps 1926, p. 147-154. Mais si les initiales sont bien E.S., il pourrait s’agir d’Edith Sitwell dont Larbaud traduira un poème pour le cahier VII. Larbaud avait sollicité Edith Sitwell à la demande de la princesse, mais Marguerite Caetani a très bien pu solliciter Eliot en même temps.

5 « J’ai pensé qu’en disant cela nous nous donnions une porte de sortie pour éviter de le publier si nous pensions qu’il valait mieux ne pas le faire. / Quoi qu’il en soit c’est à vous de décider ce que vous souhaitez faire ».

6 Sacheverell Sitwell (1897-1988), le frère d’Edith, qui lui ne publia jamais dans Commerce.

7 Jules Supervielle, « Whisper », Commerce, VII, printemps 1926, p. 61.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 209

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Très cher Ami. Merci de votre lettre qui m’a fait un immense plaisir. Je suis si heureuse d’entendre tous ces détails que vous racontez si bien sur votre vie à Lisbonne et qui ce trouve en même temps être l’essence et la vie intellectuelle du Pays. Vous faites vraiment une belle propagande pas seulement pour Commerce mais pour la vraie littérature française dans ses plus belles manifestations. Pensez-vous pouvoir en faire quelque chose des poèmes de E.S.2 ? Je me trouve dans une difficulté justement à propos d’une traduction et naturellement c’est a vous que je m’adresse pour sauver la situation. Voilà ! Bontempelli3 m’a envoyé une nouvelle que je trouve assai bien publiable en somme mais abominablement mal traduite. Je lui ai demandé la permission de la faire corriger par un des directeurs, ce qu’il à accordé mais j’ai peur que ce soit entièrement à refaire. En tous les cas voici la traduction française (j’imagine que M. Denis doit être lui-même !) et je lui ai donné votre adresse en lui priant de vous envoyer immé diatement le manuscript Italien. Et puis vous me direz ce que vous en pensez. J’ai montré hier la traduction à Valéry qui est venu déjeuner avec nous. Il trouve aussi la nouvelle bien, mais la traduction à refaire. Il nous donnera pour le numéro VII la conférence qu’il a fait à Monaco l’autre jour4. Des souvenirs de Mallarmé, Huysmans, Verlaine, Degas et quelques poèmes de Degas ! –

Lettre 202. 1 B-106.

2 Les initiales sont peu lisibles, mais il s’agit sans doute d’Edith Sitwell. Voir la lettre précédente.

3 Massimo Bontempelli (1878-1960) ne sera pas publié dans Commerce. L’opposition d’Ungaretti, conseiller pour la littérature italienne, a certainement joué : il écrit à Paulhan le 21 février [1926] que publier Bontempelli en France « c’est donner du crédit en Italie, à une littérature qui est en train de suffoquer, par tous les moyens, tout effort noble ».

Correspondance Jean Paulhan – Giuseppe Ungaretti, 1921-1968, Cahiers Jean Paulhan, p. 63. Ungaretti le critique régulièrement. Ils se battront d’ailleurs en duel en août 1926, duel pen dant lequel Ungaretti fut touché à l’avant-bras. Marguerite Caetani revient sur la question de la traduction de Bontempelli dans la lettre suivante.

4 Valéry ne donne en fait rien dans le septième cahier. Marguerite Caetani n’a pas réussi à obtenir le texte de la conférence donnée à Monaco. Voir les lettres 58-59.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE210 202

Et vous, aurons nous un poème ou une prose poétique ? Il faut que je commence à donner des manuscripts à Levé le 15 Mars et que la revue appa raisse avant la fin Avril autrement notre numéro d’été tombera mal.

Nous partirons d’ici vers le 16 mars. Merci infiniment des journaux et du menu 5 ! Ils vous font vraiment bel accueil – mais jamais autant que vous méritez –

Comme vieux texte la prochaine fois je pense donner « Le Maure de Pierre le Grand » de Pouchkine conte inachevé que la Isvolsky a traduit et que je demanderai à Paulhan de revoir pour le français6.

Cher ami je vous laisse pour le moment et vous écrirai encore bientôt.

Votre reconnaissante et affectueuse

203

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Villa Mercedes le 17 Mars [1926 ] Très cher Ami. Quand j’ai écrit a Bontempelli 2 lui demandant de vous envoyer le manuscript italien de sa nouvelle, il m’a répondu que vous pouvez toujours changer des mots, des phrases même, mais seulement jusqu’a un certain point étant donné qu’il a cédé les droits de traduction, et il faudrait toujours que le nom de M. Denis apparaisse. En même temps il me dit qu’il m’enverra une

5 Larbaud évoque sa conférence à Lisbonne sur les poètes français méconnus et parti culièrement Maurice Scève du 20 février 1926, ainsi que le banquet donné en son honneur dans « Lettre de Lisbonne » (Œuvres, p. 930). Le menu du banquet du 22 février organisé par le « Bristol Club » de Lisbonne est entièrement consacré à Larbaud et à ses revues (il est reproduit dans Larbaud/Monnier/Beach, p. 262).

6 Alexandre Pouchkine, « Le Maure de Pierre le Grand » (version française d’Hélène Iswolsky), Commerce, VII, printemps 1926, p. 157-200.

Lettre 203.

1 B-109.

2 Voir la lettre précédente. Outre l’hostilité d’Ungaretti, la question de la traduction explique également le refus de Commerce

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 211

autre nouvelle qu’il préfère et qui n’a pas été traduite. Je l’ai reçue aujourd’hui et je vous l’envoie immédiatement en vous priant de décider entre les deux. D’abord laquelle préférez vous ? Trouvez vous une ou l’autre assai bien pour Commerce ? Si vous préférez la première la trouvez vous arrangeable au point de vue français ? Si vous préférez l’autre voulez vous être un ange et la traduire et je prends cette occasion pour vous annoncer que Commerce vous prie d’accepter avec ses remercîments reconnaissants cinq cent francs pour chaque traduction que vous faite pour elle.

J’ai bien des échos du succès de notre n° 6 – et vous ? Nous partons d’ici Lundi prochain pour la Villa Romaine où j’attendrai impatiemment vos nouvelles.

Bien affectueusement –M. di B. 204

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

1er Mai. [1926]

Chère amie, je vais beaucoup mieux, et hier je suis sorti dans l’après-midi. Je suis bien content de savoir que la traduction de « An Interview with Mars »2 vous ait paru claire. J’espère qu’elle ne déplaira pas à Edith Sitwell.

J’attends les épreuves de Levé3.

Lettre 204.

1 En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine ve ; la lettre comporte un triangle noir de deuil en haut à gauche, comme toute la correspondance de Larbaud depuis la mort de sa tante le 7 mars 1926. Une enveloppe accompagne la lettre, avec l’adresse écrite en capitales d’imprimerie. Le cachet n’est pas lisible au verso, et peu lisible au recto (27-4 26 ?).

2 Edith Sitwell, « Poème », Commerce, VII, printemps 1926, p. 114-123. Le poème figure dans le cahier en anglais avec la traduction de Larbaud en vis-à-vis. La lettre de Larbaud comprend également deux versions manuscrites de la traduction, le « 3ème brouillon » et un état de la traduction très proche de la version de Commerce.

3 Les épreuves de l’imprimeur pour le poème de Sitwell, mais sans doute aussi pour la contribution de Larbaud « Écrit dans une cabine du sud-express » publiée dans le même numéro.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE212

Je travaille à l’Introduction aux Sonnets de Shakespeare que m’a deman dée Charles du Bos 4. Je crois que je ferai quelque chose de bien. Je suis en train de lire le meilleur commentateur (à mon avis) : le Prof. T.G. Tucker5. Il y a des choses amusantes. Par exemple il dit que CLI ne mérite pas de survivre ! Je suis en train d’élaborer une théorie, – comme tout le monde. Il ne s’agit pas d’Herbertisme ou de Southamptonisme6 (noms de maladies du XIXe siècle), mais des Sources7. Je suis persuadé que plusieurs Sonnets sont des traductions, et, en plus grand nombre encore, des paraphrases de modèles italiens, peut-être espagnols et français (mais très peu.) C’est l’étude de la Délie et de Sir Thomas Wyatt qui m’a conduit là. Oh ! si j’arrivais à découvrir les originaux italiens ! Imaginez quel coup de théâtre. Mais en attendant je vais voir ce qu’il y aurait à observer du côté des Latins, et sur tout d’un Latin.

Au revoir, chère amie. C’est trop aimable à vous de songer à venir au Jardin Fleuri8. A présent, je sors, et vous rencontrerai où vous vous me direz de venir.

Fidèlement à vous, V. Larbaud.

P.S. Que mon travail sur les Sonnets reste entre nous, je vous en prie. Il n’en sortira peut-être rien du tout.

4 La publication a lieu en 1927 aux éditions de la Pléiade de J. Schiffrin, avec le texte anglais et français, dans une traduction d’Émile Le Brun et avec une introduction de Larbaud. L’introduction est achevée en août 1926 ; Marguerite Caetani essaie en vain de la publier au préalable dans Commerce

5 Larbaud renvoie à Thomas George Tucker (1856-1946), qui a publié en 1924 The Sonnets of Shakespeare, Edited from The Quarto of 1609 with introduction and commentary by T.G. Tucker, Cambridge, University Press, 1924.

6 Larbaud fait référence aux diverses interprétations pour retrouver l’identité mysté rieuse du « fair youth » ou jeune homme auxquels les sonnets sont dédiés, la thèse long temps retenue étant le « Southamptonisme » ou les tenants du modèle d’un premier patron de Shakespeare, Henry Wriothesley, troisième Comte de Southampton, l’« Herbertisme » désignant la thèse d’un patron ultérieur, William Herbert.

7 La théorie des Sources est très importante pour Larbaud, et on en trouve maints échos dans Commerce. Voir Rabaté, « Larbaud et la question des sources », p. 611.

8

C’est ainsi que Larbaud désignait la cour intérieure de son appartement parisien au 71, rue du Cardinal Lemoine.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 213
CORRESPONDANCE FRANÇAISE214

une entrevue aveC m ar S9 (extrait de “La mort de venuS”) aux bordS de L’étang au Sein de Cygne, SouS une épaiSSe CouChe de pLumeS, SeuL, un petit SouffLe, froid et morne, Soupire, et LeS viSageS deS enfantS, Cava LCadant Sur Leur S pouLainS, Se Couvrent d’un duvet auSSi rouge que La gorge deS rougeS gorgeS

et SouS LeS minCeS feuiLLeS givréeS d’un duvet de Cygne, où tombent deS yeux d’un dieu Sy Lvain deS LarmeS pareiLLeS à deS per LeS, Se bLottit enCore une fraiSe ou une vioLette eCLoSe petitement Comme une tendre feuiLLe de LupuLine

or La petite pSyChé a trouvé La maiSon ouverte, LeS Serviteur S SortiS, et Le m aréCha L m ar S que faiSait beugLer Sa goutte, et qui viSait aveC Son vieux trombLon tout rouiLLé ne tirant Sur rien. aveC tout Ce fraCaS guerrier, LeS détonationS hiStoriqueS du trombLon Lançaient deS poireS et deS pommeS peLueS Comme deS moSCoviteS, n’atteignaient que LeS ref LetS deS ChandeLLeS, –deS enfantS vêtuS de bri LLantS CoStumeS CriardS, – et fina Lement Se perdaient Chez LeS trépaSSéS. et m ar S S’éCria : « LeS vaiSSeaux deS pirateS m’ ont ramené à La maiSon, et Cette SaCrée goutte ne me LaiSSera jamaiS pLuS Courir Le monde. LeS vagueS aux épaiSSeS muraiLLeS S’éLevaient, hauteS Comme Le Château de windSor, –

9 Nous ne reproduisons pas le « 3ème brouillon » mais seulement les cinq feuillets com prenant la traduction manuscrite de Larbaud qui accompagnaient la lettre.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 215

(eLLeS entouraient deS jardinS), – et LeS auber geS étaient deS CaverneS

où monSieur p itt, en CoStume de Char Lot wagg10 Se mettait à danSer et à rugir, et par Lait aveC emphaSe de CordeS de harpeS CouLeur argent hareng, deS va gueS qui reSSembLent a deS meuLeS de foin brunieS de SoLeiL danS un Songe de L’été ; ou enCore aux Châteaux deS SatyreS, bâtiS de pai L Le d’or, treSSée aveC deS feuiLLeS et deS boutonS d’un Lierre ex CeSSivement noir, et bordée de Laine d’agneau ; et entre CeS Châteaux de foin LeS Sir ÈneS font Chanter tout Le jour LeS Cor deS de Leur S harpeS. et deS marinS danSent La gigue, La m azari nette, Le r igodon, et LeS pLuS rapideS triCotetteS, La tarenteLLe, et deS paSSe p ied, Le paS de Ca LaiS, deS bLueS, et La faSChion, La SChottiSChe, La m anChote de La Savane, et Le trot du mouton, entre CeS meuLeS de foin deS vagueS, SanS S’é tonner Le moinS du monde, tandiS que Le Chant diSCordant, CouLeur ar gent hareng, deS harpeS, Leur fait oubLier qu’iLS Sont noyéS et mortS pour tout de bon. et Sur deS îLotS SoLitaireS deS nympheS auSSi pa réeS que LeS pLuS beLLeS r eineS, en CrinoLineS de tar Latine bLeu marine Se prom Ènent Sur L’herbe rare aux minCeS feuiL LeS de gaze bigarréee qui pouSSe entre LeS feuiLLeS d’hermine de La neige gLaCée.

10 Célèbre acteur de la période 1840-1850, dans un rôle à succès, celui d’un pirate. (Note de l’auteur) [cette note est écrite par Larbaud].

CORRESPONDANCE FRANÇAISE216

et tout CeLa m’eSt déSormaiS infiniment inaC CeSSibLe.

m aiS je vaiS tiSonner La haute fortereSSe du fo yer, et j’y ferai une br ÈChe. » i L dit. et LeS détonationS de Son trombLon Lançaient deS poireS et deS pommeS peLueS Com me deS moSCoviteS

«  tienS ! qu’eSt Ce que Le feu a fait Sortir pour moi de Sa viLLe CréneLée, aveC tout Ce bruit pétiLLant et martia L ? une ombre : un petit Cheva L Sombre, au poiL Long, grognant Comme un our S, pour que j’ai LLe, Sur Son doS, partout : a quebeC, en CaroLine, en gr ÈCe, au Château de windSor et Sur La r iviera. m aiS quand LeS ChandeLLeS Se mettent à CLignoter LeS ChandeLLeS qui Se Chamai LLent, roSe CLinquant, Comme LeS boutonS de roSe, et Soudain oSent de nouveaux ref LetS, et viennent Comme deS en fantS vêtuS

de bri LLanteS CouLeur S CriardeS, en habitS du dimanChe. a Lor S, à quoi CeLa peut iL me Servir ? »

et Ce diSant Le m aréCha L ferma Sa porte aveC vioLenCe et Comme LeS rumeur S d’une guerre gron dant au deSSuS du pLanCher, Ce bruit de CoLÈre parvint à L’enfant pSy Ché, pLuS que jamaiS preSSée de Se remettre en quête du pa LaiS de ve nuS La r eine.

edith SitweLL tra. par m. v. Larbaud

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 217

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Cher Ami – Avec les vifs remerciements de Commerce pour l’étonnante traduction de « Mars »2 et j’ai tout à fait oublié hier de vous prier d’écrire à Claudel à Tokio3 pour le prier de nous donner quelque chose, n’importe quoi, ça ne peut pas être long (il semblait toujours avoir peur de donner une chose trop longue) pour notre premier cahier de la troisième année de Commerce4 c’est à dire possiblement son manuscript pour le 1er Septembre. En tous les cas qu’il nous envoie quelque chose quand il pourra. Je pense qu’il prendra la chose plus au sérieux si vous lui écrivez.

Ungaretti 5 m’écrit qu’il nous envoie un autre Cecchi6, alors avant de déci der il faut voir celui là. Vous me direz n’est ce pas votre opinion du Savinio7 que Paulhan vous aura donné hier et que je vous prierai de m’envoyer, je ne l’ai pas encore lu, et de Kaleïdoscope de Cecchi que j’ai lu. Les manuscrits de Barilli8 il nous envoie le 15 et je vous les passerai immédiatement.

Quel bon moment nous avons passé ensemble hier. Lettre 205.

1 B-64.

2 Il s’agit du poème d’Edith Sitwell, « Une entrevue avec Mars », Commerce, VII, prin temps 1926, p. 114-123. Voir la lettre précédente.

3 Claudel est alors ambassadeur à Tokyo.

4 Le premier cahier daté de l’été 1924 avait paru en septembre ; la princesse prépare le cahier VIII daté de l’été 1926 et en même temps celui de l’automne. Paul Claudel sera bien présent en tête du cahier IX, automne 1926, avec « Le Poëte et le shamisen », p. 7-40.

5 Giuseppe Ungaretti (1888-1970) dont on a déjà évoqué le rôle est le correspondant ita lien de Commerce. Il a contribué à trois reprises à la revue, et a eu une influence importante sur le domaine italien des cahiers trimestriels.

6 Emilio Cecchi (1884-1966), un des fondateurs de La Ronda (revue parue à Rome de 1919 à 1923). Deux textes de lui figureront finalement dans le cahier VIII de l’été 1926, « Aquarium » traduit par Benjamin Crémieux et « Kaléidoscope » traduit par Larbaud.

7 Alberto Savinio (1891-1952), le frère de Chirico, ne sera jamais publié dans Commerce. Voir la lettre suivante dans laquelle Larbaud déconseille absolument la publication.

8 Bruno Barilli (1880-1952), « Trois essais, traduit de l’italien par Mme Maria Nebbia et M. Valery Larbaud », Commerce, X, hiver 1926, p. 145-156.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE218 205

Je regrette de ne plus vous voir avant mon départ et je regrette que vous n’y serez pas à la première à Weimar9. Bien affectueusement

Marguerite di Bassiano

Quand avez vous décidé ce qu’il faut faire pour les notes de Rivière10 vou lez-vous laisser le manuscrit avec Frérét pour notre Cahier VIII ?

206

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

30 Mai 1926.

Chère amie, je pense que vous êtes revenue de Weimar où je ne voulais pas vous adresser une enveloppe aussi lourde que celle-ci, qui contient tant de papiers. J’ai eu par Jean Paulhan de vos bonnes nouvelles et l’annonce du succès obtenu par « Hypathia »2. Je m’en réjouis vivement et je vous prie de transmettre au Prince toutes mes félicitations. Je vous serais reconnaissant de me donner des détails et d’avoir des échos de la presse.

Avant de quitter Paris j’ai reçu votre bonne lettre et le chèque qu’elle contenait ; vraiment c’est trop pour une chose aussi courte que le poème d’Edith Sitwell 3 ! L’appât du gain va me corrompre : je vais trouver que beaucoup de choses sont dignes d’être traduites, qui ne le sont pas ! Mais non, et je vous dis franchement que les deux morceaux de Savinio 4 que vous

9 La première de l’opéra de Roffredo Caetani a lieu le 23 mai 1926 à Weimar. Voir la lettre 57.

10 Jacques Rivière, « 22-25 Août 1914 », Commerce, VIII, été 1926, p. 169-204.

Lettre 206.

1 En-tête imprimé : va LboiS / par Saint pourçain Sur-Siou Le / (a LLier) ; un triangle noir de deuil figure en haut à gauche.

2 Voir la lettre précédente.

3 Edith Sitwell, « Poème » (trad. V Larbaud), VII, printemps 1926, p. 114-123. Voir les lettres précédentes.

4 Alberto Savinio ne sera jamais publié dans Commerce. Ungaretti, qui émet un juge ment nuancé sur l’œuvre de Savinio dans ses lettres à Paulhan, lui écrit en juin 1926 : « Mme

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 219

m’avez communiqués, directement et par l’intermédiaire de Jean Paulhan, ne me paraissent pas traduisibles. Le long chapitre du roman, déjà peu intel ligible par lui-même, devient tout à fait incompréhensible pour qui (comme moi) ne connaît pas les chapitres précédents. Il a quelques traits agréables, à la manière des nouvelles de Paul Morand 5 ; mais l’ensemble est par trop confus. Quant à la courte pièce, « Amor di Gemma »6, elle présenterait vraiment trop mal l’auteur aux lecteurs de Commerce ; elle est d’une indé cence affreuse, déprimante, accablante. Même si elle était entourée d’autres morceaux, elle serait d’une lecture pénible. J’y sens l’influence des petits récits de R. Gómez de la Serna7, mais lui n’aurait jamais traité un tel sujet.

L’Aquarium de Cecchi m’a plu, et j’allais le retenir pour le traduire lorsque j’ai rencontré B. Crémieux, à qui j’en ai parlé, et qui m’a dit que ce morceau n’était pas inédit, qu’il est déjà fameux dans les milieux littéraires italiens, et que lui-même, B. Crémieux, en avait traduit plusieurs paragraphes pour les citer dans un article sur Cecchi8.

Je ne conserve donc que l’autre texte de Cecchi, qui est d’une bonne qua lité. Je traduirai tout, excepté le dernier récit qui me paraît moins heureux que les autres.

Il faudrait peut-être demander à Savinio un autre chapitre de ce roman qui, en somme, me paraît assez original. Par exemple le 1er chapitre, qui serait forcément plus clair pour le lecteur, sinon d’une lecture plus facile.

Je vous avoue que le Magalotti9 ne m’emballe pas beaucoup. Pourtant si j’ai assez de loisir je traduirai l’Arte di goder le stagioni, et des petits mor ceaux comme Le Bevute visuali. En ce moment je suis très occupé par cette Introduction à la traduction des Sonnets de Shakespeare. Je vous signale un bon livre, tout récent, sur la question Shakespearienne en général : « Le de Bassiano n’aime pas les petits contes de Savinio. Elle aime le passage du roman, mais le trouve trop fragmentaire. Savinio enverra aujourd’hui, directement à Mme de Bassiano, le roman complet. » (Paulhan/Ungaretti, p. 75).

5 Paul Morand (1888-1976), diplomate et écrivain ami de Larbaud, est célèbre dans l’entre-deux-guerres pour ses nombreuses nouvelles.

6 Le titre de Savinio est peu lisible.

7 Les « criailleries » de Ramón Gómez de la Serna, grand ami de Larbaud.

8 C’est en fait un autre texte qui a déjà été traduit : le malentendu sera rectifié dans la lettre 209, mais il suscite une mauvaise humeur passagère chez Larbaud.

9 Lorenzo Magalotti (1637-1712) ne sera jamais publié dans Commerce, sans doute en raison du manque d’enthousiasme de Larbaud, contrairement à ce qu’écrivait Ungaretti à Paulhan au début du mois de mai 1926 : « Le Magalotti, est un écrivain du XVIIe. Notre meilleur exotique. Valery Larbaud l’aimera beaucoup » (Paulhan/Ungaretti, p. 70).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE220

Mystère Shakespearien » par M. Georges Connes10 ; Boivin et Cie. éditeurs, 5 rue Palatine, Paris (6 e). Il résume tour à tour, avec beaucoup d’humour, les différentes thèses des Stratfordiens et anti-Stratfordiens, le livre de Frank Harris, la question cryptographique11, etc.

J’ai reçu une réponse de Riccardo Bachelli12, que je ne vous envoie pas, pour ne pas encombrer cette enveloppe déjà énorme. Il me dit : « Per l’Au tunno prossimo spero di aver compiuto quanto lei mi domanda, e le spedirò le liriche copiate debitamente a machina »13. Lui-même reconnaît qu’il vaut mieux qu’il donne un groupe de poèmes. Je garde donc : le texte plus long de Cecchi et le petit livre de Morceaux choisis de Lorenzo Magalotti. Je vous renvoie les autres textes et j’y joins :

Quelques poèmes que Henry Dalby14 m’a chargé de soumettre au comité de lecture de Commerce ;

la dactylographie du texte que j’ai écrit pour le grand album de dessins de Chas-Laborde : Visages de Paris15. On est en train d’imprimer, et je pense que cet énorme livre paraîtra dans six semaines environ. J’ai la propriété de ce texte, mais seulement à partir du 1er Janvier 1927. Je serais content de le publier en revue, car l’album coûte très cher (1200 francs)16 et peu de gens auront lu mon texte. Je vous l’envoie, surtout, parce que je serais content de vous le faire lire et que votre opinion sur ces pages me serait précieuse. On me donnera 15 exemplaires du texte seul, tirés à part, spécialement pour moi. Et naturellement je vous en enverrai un.

10 Boivin & Cie publie le Mystère shakespearien de Georges Connes (1890-1974), profes seur de littérature anglaise à l’Université de Dijon, en 1926.

11 William Shakespeare est né à Stratford-upon-Avon et les « anti-Stratfordiens » consi dèrent qu’il n’est pas le véritable auteur des œuvres qu’on lui attribue. Certains s’appuient sur une « approche cryptographique » avec par exemple une « roue cryptographique » comparant des extraits de Shakespeare à ceux d’autres auteurs. Frank Harris (1856-1931) a écrit plusieurs ouvrages consacrés à Shakespeare.

12 Riccardo Bacchelli (1891-1985), publiera dans Commerce « Trois divinités sur les Appenins », XII, été 1927, p. 145-151, traduit par Larbaud.

13 « Pour l’automne prochain j’espère avoir terminé ce que vous m’avez demandé, et je vous enverrai les poèmes dûment copiés à la machine. »

14 Henri Dalby (1889-1981) est un poète français publié dans la revue Images de Paris, qui paraît de 1919 à 1926.

15 « Rues et visages de Paris », Commerce, VIII, été 1926, p. 31-60, sera le seul texte non inédit de Larbaud dans Commerce. Il paraît en 1926 aux Éditions de la Roseraie à Paris avec vingt eaux-fortes de Chas-Laborde (achevé d’imprimer le 10 juin 1926), puis est réimprimé l’année suivante à la Lampe d’Aladdin en Belgique (achevé d’imprimer : 10 mars 1927 par J.E. Goossens de Bruxelles, Œuvres, p. 1294-1295).

16 Environ six cents euros.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 221

Je pense aussi vous envoyer bientôt votre exemplaire de ma « Lettre d’Italie » à vous adressée, dans la plaquette imprimée à Liège17. Je crois que cette plaquette sera très jolie. Je l’attends d’un jour à l’autre. J’ai vu les bonnes feuilles, et je n’ai pas découvert une seule faute d’impression. J’avais corrigé la faute que j’avais faite en citant de mémoire le vers de Pascoli sur Saint-Marin18.

Au revoir, chère amie ; je voudrais bien avoir bientôt de vos nouvelles et vos impressions du succès remporté à Weimar. Je crains de ne pas vous voir en Juillet, quand je traverserai Paris mais je vous écrirai et je serais heureux d’avoir souvent de vos nouvelles. Je vous prie de faire mes amitiés au Prince et de me croire

Votre fidèlement dévoué, V. Larbaud.

207

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1 le 4 Juin [1926]

Très cher Ami J’avais l’intention de vous écrire quand je vous l’ai télégraphié mais alors je voulais attendre la réponse à ma demande apropos de Visages de Paris et j’ai remis ma lettre – Pardon – Certainement de mon côté j’écrirai immédiatement au directeur de la Roseraie car j’aimerais avoir ce texte qui me plaît infiniment le plus tôt possible pour Commerce. Oh oui je le trouve tout-à-fait charmant. Merci de ce travail minutieux que vous avez fait pour les notes de Rivière.

17 Lettre d’Italie, de Valery Larbaud, À La Lampe d’Aladdin, 14, avenue ReineElisabeth, Liège, 1926 (achever d’imprimer : 26 avril 1926). L’exemplaire n° 1 est adressé à la princesse avec la dédicace « votre fidèle commerçant ».

18 On lit à la page 245 du cahier III de Commerce : « Mais de Rimini, brûlante, ce que Pascoli a si bien nommé / La visione azzurrea di San Marino / offrait une grande tenta tion… » tandis que le texte publié dans les Œuvres indique « l’azzurra vision di San Marino » (p. 808).

Lettre 207.

1 B-81 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28)

CORRESPONDANCE FRANÇAISE222

J’écris à M me R. 2 et je lui dirai que si l’idée de la coupure lui déplaît nous publierons les premières 50 pages n’est-ce pas ? Puis-ceque il me semble impossible que nous puissions avoir Visages de Paris pour le cahier d’été3 (il les faudrait pour le 20 Juin) donnez-vous autre chose ? J’espère avoir quelque chose de Gide4. Il est revenu et j’ai parlé avec lui au téléphone. Quand passez vous par Paris ? J’ai vu Eliot hier qui part demain et puis revient le 15 pour rester une semaine. Il désire beaucoup vous voir et j’espère que ça sera à ce moment là que vous reviendrez. Je le trouve très sympatique et charmant mais pauvre garçon il doit souffrir d’une très mauvaise santé, de son aspect –Roffredo a eu un véritable triomphe à Weimar. Tous les grands critiques sont venus pleins de méfiance et prêts à sauter dessus et au contraire la presse a été presque unanime en sa faveur et absolument unanime a donner une grande importance à l’œuvre. C’est bien dommage vraiment que vous n’y étiez pas. Il y avait une réunion internationale des plus amusantes et intéressantes. Mais la prochaine fois on vous emmènera de force ! – Bien affectueusement

M. de B.

Je vous écrirai dans un jour ou deux au sujet de Cecchi, Barilli 5, etc.

2 Madame Rivière, la veuve de Jacques Rivière (mort en 1925). Commerce publie « 22-25 août 1914 », VIII, été 1926, p. 169-204.

3 « Rues et visages de Paris » est pourtant bien intégré au cahier VIII de l’été 1926.

4 André Gide collabore non au cahier d’été mais au cahier suivant, avec « Dindiki », IX, automne 1926, p. 43-59.

5 Larbaud évoque Emilio Cecchi dans la lettre précédente. Bruno Barilli est publié dans le dixième cahier – à moins qu’elle ne confonde avec Ricardo Bacchelli que Larbaud évoquait également dans la lettre précédente.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 223

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Lundi [ juin ? 1926 ]

Très cher Ami

J’ai été tout-à-fait ahurie depuis mon retour de Weimar par la quantité de différentes choses que j’ai trouvées à faire en même temps et je vous ai fait bien attendre cette lettre promise. Pardonnez-moi. Et j’ai tellement de choses à vous dire que j’esperais toujours secrètement l’annonce de votre arrivée à Paris – Eliot 2 qui vient maintenant tous les quinze jours à Paris me demande toujours quand vous allez venir – Vous savez que quand j’ai écrit au Monsieur de la Roseraie3 il m’a répondu que nous pourrions publier votre article en Octobre – comme cela ne me satisfaisait pas du tout je suis allée le voir un jour avec Fargue et à ce moment-là il m’a adonné la permission de le publier au mois de Juillet. J’en suis fort heureuse.

Je vous prie cher ami de renvoyer les épreuves le plus vite possible car nous devons absolûment paraître à la fin Juillet. Etes vous content du VII ? Voilà une grande et je pense bonne nouvelle. Davis4 est démissionnaire !! J’étais àpeu près décidée que cela ne pouvait plus continuer de cette façon (je recevais des plaintes continuelles de tous les côtés) et à mon retour de Weimar je suis allée le voir et je lui ai dit justement cela et que je n’étais pas très contente etc. etc. mais sans rien dire de définitif et nous nous sommes quittés dans les meilleurs termes. Quelques jours après il m’écrit une très gentile lettre me disant qu’il voulait se retirer de Commerce, ayant compris de notre conversation que je n’étais pas satisfaite de sa gérence5 mais qu’il ferait tout à l’avenir pour aider à continuer le succès6 de la Revue. C’était la meilleure chose qui pouvait arriver en somme et maintenant si vous n’avez

Lettre 208.

1 B-82 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28)

2 Marguerite Caetani écrit quasiment la même chose dans la lettre précédente.

3 L’éditeur de « Rues et visages de Paris ». Voir la lettre précédente.

4 Ronald Davis, qui s’est occupé de la gestion de Commerce des cahiers II à VIII.

5 Le mot est peu lisible. Il s’agit certainement de sa gestion.

6 Le mot est peu lisible. Il peut s’agir du « service » de la revue.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE224 208

pas de raisons contre je pense choisir Tronche7 comme successeur. Voulezvous me dire tout de suite si vous pensez bien de cette décision.

Je ne vois personne d’autre que peutêtre Lanvins8 et on me dit que Tronche est bien plus honnête, dévoué, et active que lui. Paulhan recom mande Tronche très chaudement. Valéry n’est pas contre et n’a personne d’autre à suggérer. J’attendrai votre réponse avant de faire quoi que ce soit de définitif. J’ai certainement une très bonne impression de mes conversations avec Tronche.

Les deux petits livres (surtout le mien) sont ravissants9. J’en suis extre mement fiere – J’attends impatiemment le Cecchi – Il me semble que j’ai oublié la moitié des choses que je voulais vous dire mais cette lettre doit partir – Je trouve les deux textes « Les Mangeurs d’Azur » et « Le Jaune et le Rouge » vraiment pas assai intéressants pour nous et pas traduit des10, Ne pouvez-vous pas lui demander autre chose ? C’est embêtant de publier une chose sous le même titre que ce que M lle Monnier à publié de lui11. Ne trou vez-vous pas ? Je trouve ça très banale – Non ? Oh j’aimerais bien vous voir –Bien affectueusement

M. di B.

On demande Hypatia de Cassel, Dusseldorf, Dantzig et peut-être Franfort, Stuttgart et Buda-Pest ! –

7

Jean Gustave Tronche (1884-1974), administrateur de la NRF de 1912 à 1922. Maurice Saillet indique : « Tronche, ancien directeur commercial de la NRF, avait épousé Suzanne Bonnière, première associée (et amie) d’Adrienne Monnier ». Cette solution ne fut finale ment pas retenue.

8 Le nom est peu lisible : Lanvins ? Saucier ? Maurice Saillet indique « probablement Camille Bloch ».

9 Il s’agit peut-être de l’exemplaire dédicacé de la « Lettre d’Italie ».

10 Le mot suivant est peu lisible : des Fleurs ?

11 Pierre de Lanux publie dans Commerce « Voix dans le vieux Louvre », X, hiver 1926, p. 179-185. Le Navire d’Argent avait publié de lui « Esquisses pour la galerie royale », « Obviously dedicated to V.L. » dans son n° 3, août 1925.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 225

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 9 juillet [1926 ]

Très cher Ami Merci de cœur de votre belle traduction et je regrette infiniment que cela vous a plûtôt ennuié à faire. Figurez-vous que j’ai vu Ungaretti et Crémieux à la N.R.F. l’autre jour et au cours de la conversation nous avons découvert que c’est autre chose de Cecchi que Crémieux avait traduit pas « l’Aqua rium » que vous aviez commencé ! Quel dommage n’est ce pas ? Alors Ungaretti tenait tellement a ce que nous l’ajoutions à Kaléïdoscope que Crémieux a entrepris la traduction et me la rendra Lundi ou peutêtre avant. Je regrette pourtant infiniment que cela ne soit pas fait par vous ! Tant pis. Nous faisons certainement plus honneur à Cecchi en mettant les deux essais n’est-ce pas. Après tout j’ai enlevé la fin de Kaléïdoscope. C’est trop laid vrai ment et je regrette que vous ayez eu la peine de traduire cette partie. Je suis navrée de votre décision de ne plus traduire pour Commerce surtout pour les choses Italiennes. Je crois qu’on trouve bien et facilement pour l’anglais.

Je ne veux pas insister et je comprends parfaitement que l’immense tra vail 2 que vous avez devant vous en ce moment vous empêchent absolûment d’entreprendre un travail secondaire –

Je vous envoie les Barilli 3 – deux que j’ai choisi sur plusieurs qui étaient trop purement des articles de critique, et ce vieux texte que je trouve très beau simplement que vous me disiez ce [que] vous en pensez. Que pen sez-vous de notre n° VII. On en dit le plus grand bien de tous les côtés.

N’est-ce pas pour octobre 26 pas 27 votre « Violette de Parme » 4 ? Je l’espère ! Je serai ici surement jusqu’au 1er Août et peutêtre quelque jours de

Lettre 209.

1 B-84 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av. d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 Elle fait certainement référence à la traduction d’Ulysses de James Joyce.

3 Malgré sa résolution de ne plus traduire d’italien pour Commerce, Larbaud traduit encore à deux reprises Bruno Barilli, « Trois Essais » (avec Maria Nebbia), Commerce, X, hiver 1926, p. 145-156, et dans le cahier XIX « Vieille Parme », p. 203-230.

4 Larbaud envisage d’écrire sur le duché de Parme depuis 1922. Bien qu’il évoque très souvent dans ses lettres les pages qu’il est en train d’écrire sous le titre Violettes de Parme, pages pour lesquelles il se documente beaucoup, le projet n’aboutit jamais ; mais il en détache deux fragments qu’il donnera à Commerce, « Sur le rebut », Commerce, XI, printemps

CORRESPONDANCE FRANÇAISE226 209

plus. Il faut que je vous vois avant de partir. La question Tronche sera déci dée demain j’espère. Je voulais demander à droite et à gauche pour ne pas décider précipitamment et dernièrement on m’a dit que porter Commerce chez Tronche agacerait beaucoup Gallimard – ce qui est peutêtre inutile après tout. G. a été absent ces jours-ci mais je le verrai demain ou Lundi au plus tard et je lui en parlerai. Il me semble la meilleure chose à faire. Je vous télégraphierai aussitôt. Venez vite à Paris !

Bien affectueusement

M di B.

210

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Vendredi [1926, avant le 20 août]

Très cher ami Voulez vous me préciser exactement quand je peux avoir « Fragments et notes sur Heroët »2 et la Préface aux Sonnets de Shakespeare3 ? Et puis vous me direz n’est ce pas aussitôt que vous aurez la réponse de Claudel4 ? Jusqu’au 20 août il vaut mieux m’adresser ici et à partir du 20, Villa St. Nicolas, Benerville par Blonville, Calvados. Quelle dommage que vous ne viendrez pas nous faire une petite visite là-bas !

1927, p. 135-146, et « Le miroir du café Marchesi », Commerce, XIII, automne 1927, p. 61-76. Sa traduction de « Vieille Parme » de Barilli dans Commerce en 1929 participe de son intérêt pour Parme et de son désir d’aider l’écrivain italien alors en grande difficulté financière.

Lettre 210.

1 B-79 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av. d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 Antoine Héroët, « Complainte d’une dame surprise nouvellement d’amour », suivie de « Quelques notes sur Antoine Héroët », par Larbaud, Commerce, IX, automne 1926, p. 173-194.

3 La princesse aimerait pré-publier dans Commerce la préface de Larbaud aux Sonnets de Shakespeare aux éditions de la Pléiade, mais Du Bos refuse. Il en est question dans plu sieurs lettres, notamment la lettre 204.

4 Marguerite Caetani désire vivement publier un texte de Paul Claudel, alors à Tokyo, et les lettres suivantes jusqu’à la lettre 216 abordent cette question et montrent qu’elle a chargé Larbaud de faire l’intermédiaire. Cela aboutira à la publication dans le cahier IX de l’automne 1926 du dialogue « Le Poëte et le Shamisen », p. 7-40.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 227

J’aimerais vous envoyer quelques livres, Santayana 5 etc. Où dois je les envoyer ?

Mille amitiés affectueuses

M. di B.

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 26 Août [1926 ]

Très cher Ami, Je renvoie à la rue Card. Lemoine la traduction – de Pierre de Lanux 2 . Il me semble que ces poèmes ne sont pas assai intéressants pour nous et puis-ceque nous devons nous limiter à deux étrangers (je crois) chaque fois, je trouve qu’il faut choisir parmi les 7 ou 8 importants de chaque pays au moins pour commencer. J’ai connu à Salzbourg un très curieux individu le factotum ou plûtôt l’alter ego de Rheinhart3 tout-à-fait gentil et sympatique et qui veut faire beaucoup de réclame pour Commerce en Amérique où il passe l’hiver. Aussi il connaît tous les écrivains et peut nous procurer des textes. J’attends avec la plus grande impatience la réponse de Du Bos pour votre preface4. Je serais tout-à-fait désolée si nous ne pouvions pas l’avoir. Ne pourriez vous pas envoyer à Levé les notes et textes de Héroët 5 vers le 15 sept. pas plus tard que le 20 en tous cas.

5 George Santayana (1853-1952), écrivain et philosophe américain.

Lettre 211.

1 B-75 ; en-tête vi LLa romaine / av. d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 Pierre de Lanux (1887-1955) n’a en effet jamais traduit pour Commerce, mais il publie ra « Voix dans le vieux Louvre », Commerce, X, hiver 1926, p. 179-185.

3 Max Reinhardt (1873-1943), de son vrai nom Max Goldmann, est un metteur en scène de théâtre autrichien puis américain. Il a créé avec Hugo von Hofmannsthal le festival de Salzburg. Son « factotum ou plûtôt l’alter ego » est certainement Rudolf K. Kommer (18851943), ami et agent de Max Reinhardt aux États-Unis.

4 La Préface de Larbaud aux Sonnets de Shakespeare.

5 Larbaud doit envoyer à l’imprimeur Levé la « Complainte d’une dame surprise nouvel lement d’amour » d’Antoine Héroët, ainsi que ses notes, pour le cahier IX de l’automne 1926.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE228
211

Il faut que nous paraissons entre le 15 et le 20 Oct et Levé à besoin d’un bon mois après qu’il a en mains tous les textes. C’est ennuyeux pour Claudel. Pensez-vous que nous pouvons lui envoyer une dépêche en lui demandant si nous pouvons compter sur un texte pour le 15 Sept. pour notre premier cahier de la nouvelle serie ? Si vous l’envoyiez avec réponse payée à votre adresse à Paris je vous rembourserais après naturellement. Qu’en pen sez-vous ? Gide m’a envoyé un texte assai curieux6 – pas son journal qu’il ne veut pas fragmenter – l’histoire de son expérience avec un petit singe – Je pars demain pour Villa St. Nicolas Benerville par Blonville, Cavados où j’attendrai avec impatience vos nouvelles.

Bien affectueusement à vous

M. di B.

212

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

Villa Bianca

Via Zoagli Rapallo, 1er Sept. 1926.

Chère amie, comme je vous le télégraphie, la dépêche, avec réponse payée, pour Claudel 2, est partie hier de Gênes, et, pour simplifier les choses, j’ai donné comme adresse où me répondre, le Consulat Général de France à Gênes.

6

André Gide, « Dindiki », Commerce, IX, automne 1926, p. 43-59. Il y conte l’histoire du pérodictique « Dindiki », petit mammifère africain rencontré lors de son périple. Gide écrit à la princesse le 22 août 1926 : « Les pages que je vous envoie forment un tout ; elles sont d’un ton presque extra-littéraire qui surprendra peut-être vos lecteurs – mais ne vous déplaira pas, je l’espère » (voir Brisset/Levie).

Lettre 212.

1 Enveloppe avec : Francia / Madame / la Princesse de Bassiano, / Villa Saint-Nicolas, / à Benerville, par Blonville (Calvados). Cachet de la poste 1.9.26.21 Rapallo Genova (et au verso 3.9.26).

2 Voir les lettres 210 à 216. « Le Poëte et le Shamisen », Commerce, IX, automne 1926, p. 7-40.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 229

(Le consul me connaît ; c’est un de mes lecteurs, et chaque fois que j’ai à faire quelque chose au Consulat il me reçoit avec beaucoup d’égards.) Dès que la réponse de Claudel sera arrivée, le Consulat me la fera parvenir ici sous pli recommandé. Je pense donc l’avoir au plus tard après demain matin (vendredi) et alors je vous en transmettrai l’essentiel par télégramme, et le détail par lettre.

Cela fait, je quitterai Rapallo, – que je pensais quitter aujourd’hui, mais la dépêche à Claudel n’est pour rien dans ce retard : je n’ai pas fini de recopier l’article promis depuis 7 mois à la Revue de Paris3, et je veux le finir avant de rentrer en France. Enfin, sûrement lundi, sinon dimanche soir, je serai à Monaco, où je m’arrêterai 3 jours pour voir si je peux trouver des documents pour ma collection de soldats monégasques, qui est très incomplète. – Je ne rentrerai pas à Paris, mais à Valbois, où ma Mère m’attend avec impatience ; et de Valbois, entre le 20 et le 25, je vous adresserai (ou directement à Levé ? comme vous voudrez) le texte d’Héroët avec quelques notes sur sa vie, et sur le texte publié, qui sera la « Complainte d’une dame surprise d’amour » 4. Ce sera tout ce que je pourrai donner à Commerce pour le n° d’automne. Car voici ce que Charles du Bos me fait répondre au sujet de mon introduction à la traduction des Sonnets5 ! – Oui, c’est à Levé directement que j’enverrai le texte de Héroët et de mes Notes.

Je garde le reçu de la dépêche à Claudel jusqu’au moment où j’aurai la réponse. J’ai fait tout mon possible pour être bref : 24 mots, et dix mots de réponse payée. Le total du prix n’en est pas moins formidable.

Je vais à Rapallo vous envoyer la dépêche. Puis je vous écrirai avant mon départ pour Monaco, et après avoir reçu la réponse de Claudel.

Je suis content de savoir que nous aurons un Gide6 pour le prochain numéro.

Si vous avez à m’écrire après avoir reçu ma prochaine lettre, mon adresse la plus sûre sera celle de Paris.

Bien amicalement à vous, V. Larbaud.

Il s’agit de « 200 chambres, 200 salles de bain », qui sera publié dans La Revue de Paris, 1er octobre 1926, p. 500-516, puis repris dans Jaune Bleu Blanc.

Le titre sera en définitive « Complainte d’une dame surprise nouvellement d’amour ».

Voir la lettre 204.

Voir la lettre précédente.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE230
3
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Valery Larbaud à Marguerite Caetani

Rapallo, 7 Septembre 1926. Chère amie, je suis vraiment inquiet, depuis deux jours, au sujet de la réponse de Claudel1. Je n’ai encore rien reçu ; je lis dans les journaux italiens qu’il y a eu ces jours-ci précisément un nouveau cataclysme au Japon ; depuis dix jours ma mère me presse de rentrer à Valbois, selon la promesse que je lui en avais faite, et enfin d’après ce que j’avais calculé en vue de mon retour, je devrais être à Monaco depuis samedi dernier. Je me demande aussi si je n’ai pas fait trop économiquement les choses en ce qui concerne ce télégramme. Je l’ai envoyé « differito » parce qu’on m’a affirmé qu’il arriverait presque aussi vite que s’il était envoyé, si on peut dire, à toute vitesse, et parce que cela ne coûtait que 12 lire 50 le mot au lieu de 25 ; puis, je n’ai payé que 10 mots de réponse (à 25 lire le mot.) Toutefois, mon adresse (Consulat France Gênes) étant courte, je pense que la réponse ne devait rien coûter à Claudel. J’étais un peu démuni d’argent et je voulais aussi éviter le plus possible de dépense à « Commerce » ; et je crois que la réponse viendra. Mais quand ? Alors, voici ce que j’ai décidé : je reste encore à Rapallo demain toute la journée. Si la réponse vient, je vous la transmets aussitôt. Si elle n’est pas venue, comme je ne peux pas rester davantage ici, je pars pour Monaco, mais en m’arrêtant, jeudi matin, à Gênes, où j’irai au Consulat voir si la réponse est arrivée. Si elle est arrivée, je vous la communique aussitôt. Si elle n’est pas arrivée, je laisse au consulat, entre les mains du Consul Général, une enveloppe toute prête timbrée, etc. à votre adresse. Le télégramme, dès son arrivée, sera mis dans cette enveloppe et vous sera expédiée de cette façon.

Mais, encore une fois, j’espère bien l’avoir demain matin, cette réponse de Claudel.

J’ai employé ces derniers jours à finir de recopier la chose dès longtemps promise à « La Revue de Paris » : 200 chambres 200 salles de bains. J’ai copié avec soin, en modernisant l’orthographe, le texte d’Antoine Héroët que j’ai choisi pour « Commerce » : Complainte d’une dame surprise nouvel lement d’amour, et depuis trois jours je me suis mis à revoir, classer, recopier,

Lettre 213.

1 Voir les lettres précédentes.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 231 213

FRANÇAISE

mes Notes sur Héroët. Je donnerai à « Commerce » deux sortes de notes : I. – sur la biographie de Héroët. II.– sur la Complainte d’une dame. Je ne vois pas encore combien de pages cela donnera. La Complainte d’une dame etc. a 310 vers.

J’enverrai le tout (texte et notes recopiées) directement à Levé, dès mon arrivée à Valbois. Car, de Monaco où je passerai trois jours (de jeudi à dimanche), j’irai directement à Valbois ou je serai, je pense, mardi prochain (14 Septembre). J’enverrai donc cela à Levé le 15, le 16 au plus tard.

Je vais porter cette lettre au bureau de Rapallo et demander en même temps si rien n’est venu du Consulat Général de France à Gênes. J’espère que, quand cette lettre vous parviendra, vous connaîtrez déjà la réponse de Claudel. Mon adresse de Paris était trop longue et trop compliquée pour la donner dans la dépêche, – comme aussi celle de Rapallo.

Au revoir, chère amie. Je ne serai tranquille que lorsque je saurai que vous avez reçu cette réponse.

Bien amicalement à vous, V. Larbaud. 214

Valery Larbaud à Marguerite Caetani

Monaco, 10 Septembre 1926. Chère amie, voici le texte de Claudel que ma dépêche et ma carte-lettre de ce matin vous auront déjà annoncé. J’y joins sa lettre, parce qu’elle contient des indi cations pour l’impression. Je corrigerai les épreuves, si vous voulez bien me les faire envoyer à Valbois, et dans ce cas je vous demanderai de me renvoyer la lettre de Claudel. Cela sera vite fait. Je serai à Valbois le 16 Septembre (dans six jours.)

J’ai laissé à Gênes une enveloppe timbrée, adressée à vous, et à votre adresse actuelle, pour qu’on y fasse suivre la réponse de Claudel, s’il a répondu.

De mon côté, je lui écris pour le rassurer et le remercier. Si vous avez le temps, voulez-vous m’envoyer un mot poste restante à Marseille pour me dire que vous avez reçu ceci ? Le texte de Claudel est superbe. Je suis bien content que nous l’ayons.

CORRESPONDANCE
232

En ce moment, je m’occupe beaucoup d’Héroët1 que de la roulette ! Bien fidèlement à vous, V. Larbaud. Je vous rappelle mon adresse de Valbois par Saint-Pourçain-sur-Sioule (Allier)

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Villa St. Nicolas le 13 sept.[embre 1926 ]

Très cher Ami Que d’ennui je vous ai causé par cette sciagurata dépêche à Claudel 2 et en effet inutilement ! Pouvez-vous me pardonner ? En tout cas il verra que nous tenons à lui ! J’espère que ce chèque couvrira vos déboursements vue le change. Vous me direz si non –

Je suis bien heureuse que nous ayons un aussi beau texte de Claudel – Je l’envoie immédiatement à Levé en lui disant de vous envoyer les épreuves à Valbois. Puis-cequ’il dit de mettre les parties soulignées en Italique j’ai jugé bien de dire qu’on l’imprime dans nos grands Romains et puis sur les épreuves vous ferez les modifications que vous voulez –

Oui il vaudrait mieux que vous envoyiez votre Heröet directement à Levé –

Il paraît que le cahier VIII 3 est un énorme succes il est bientôt épuisé ! – Et vous savez bien pourquoi en grande partie il est un tel succes ! – Le

Lettre 214.

1 Il manque certainement le « plus ». Larbaud fait référence à Antoine Héroët. Voir les lettres précédentes.

Lettre 215.

1 B-118.

2 « Cette malheureuse dépêche ».

3 Elle fait référence au cahier VIII de l’été 1926, qui contient notamment « Rues et visages de Paris » de Larbaud.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 233
215

transfer de Commerce est effectué en partie – il faudrait dès à present adres ser toute correspondance à 219 rue St. Honoré et sera complet à la fin du mois4. J’en serai bien entendu. En hâte et bien affectueusement

216

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Villa St. Nicolas. Mardi [septembre 1926 ]

Cher Ami. C’est dommage que vous ne vous ayez pas évité l’ennui d’une deuxième lettre, en répondant tout de suite à M. Soupault 2 que nous sommes déjà fixés et même installés chez Leclerc3. Croyez-vous utile de dire en même temps à Soupault que vous serez toujours disposé à lire des manus cripts en vue de la publication dans « C » de lui et de ses amis ?

Le Claudel fait 34 pages de Commerce4 ! – Tant mieux n’est-ce pas ? Nous avons le Gide de 20 pages5 Puis 10 pages poème de Max Elskamp,

4 Louis Giraud-Badin prend la succession de Davis à partir du numéro IX, et l’adresse de la « rédaction et administration » devient le 219, rue Saint-Honoré.

Lettre 216.

1 B-119.

2 Il est peu probable que Philippe Soupault ait servi d’intermédiaire pour de jeunes écrivains dans Commerce. Voir la lettre 197.

3 La mention « Librairie Henri Leclerc », présente du cahier IX au cahier XIII, est remplacée par « Chez L. Giraud-Badin » à partir du quatorzième cahier de l’hiver 1927. Un bulletin d’abonnement, sous la forme d’une feuille volante conservée dans le cahier XIII de l’automne 1927, indique ainsi : « Rédaction et administration / (Ancienne Librairie Leclerc) / L. Giraud-Badin / Librairie de la Bibliothèque Nationale et de la Bibliothèque de l’Arsenal / 219, rue Saint-Honoré / Paris-Ier ».

4 C’est l’ultime référence au dialogue de Claudel « Le Poëte et le shamisen » qui a tant préoccupé Larbaud et la princesse. Il occupe en effet les pages 7 à 40 du cahier IX de l’automne 1926.

5 Marguerite Caetani annonce le sommaire du cahier IX de l’automne 1926, qui n’est pas encore tout à fait fixé puisque si la contribution de Gide, « Dindiki », figure bien des pages

CORRESPONDANCE FRANÇAISE234

un manuscrit anonyme « Agnès » (journal d’une jeune fille) que Valéry m’a donné – votre Hérouët et une magnifique chose de Kassner « Des Eléments de la Grandeur Humaine » traduit par La princesse de Thurn et Taxis mais que Paulhan est en train de corriger avec Groethuysen6. Ça fait un beau numéro n’est ce pas – Un magnifique et très intelligent eloge de Commerce dans le dernier numéro de la Europäische Revue7. Je vais demander à Groeth de le traduire. Il y a plusieurs personnes à qui on pour rait l’envoyer. Hofmannsthal me l’a signalé. Paulhan et moi nous proposons « Barnabooth » aux 101 Bibliophiles8 comme le 1er livre dont elles devraient s’occuper, je ne sais encore avec quel résultat.

Nous serons à Versailles le 1er 9. J’espère que vous êtes bien reposé déjà de votre voyage.

Mille bonnes amitiés

43 à 59, suivie des « Poèmes » de Max Elskamp des pages 63 à 70, le manuscrit « Agnès » sera refusé par Marguerite Caetani. Ce texte de Catherine Pozzi proposé sans nom d’auteur à la princesse par Valéry, paraîtra dans La NRF de février 1927. Voir la lettre 63. La princesse ne mentionne pas encore Michaux et Drieu la Rochelle. En revanche le cahier comprendra bien Antoine Héröet ainsi que les notes de Larbaud, et la traduction de Kassner.

6 Paulhan et Groethuysen ont tellement revu la traduction initiale de la princesse Thurn und Taxis qu’elle est mécontente de ne plus reconnaître son travail – même si c’est son nom à elle qui figurera dans Commerce comme traductrice.

7 Hofmannsthal lui signale en effet que « le dernier numéro de La Revue européenne (Leipsic, 1er septembre) contient un bel éloge, et intelligent, de Commerce  » dans une lettre du 6 septembre 1926. Il s’agit d’un article de Max Clauß reproduit dans Bohnenkamp/Levie, p. 144.

8

L’association Les Cent Une Bibliophiles, fondée en 1926 par la princesse Schakhowskoy, unit cent une femmes qui éditent des beaux livres illustrés par des artistes contemporains. Le premier ouvrage ne fut pas celui de Larbaud mais Suzanne et le Pacifique de Jean Giraudoux illustré par J.E. Laboureur en 1927.

9 Le 1er octobre.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 235

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

Mardi matin [21 septembre 1926 ]

Chère amie, Levé doit être en possession du texte d’Antoine Héroët et de mes notes. Je lui ai dit de faire la même chose que pour le Maurice Scève en ce qui concerne le choix des caractères2.

J’attends donc les épreuves, que je lui ai dit de m’envoyer ici. En effet, je ne pense guère rentrer à Paris avant le 15 Octobre. Il faut que je termine « Allen » promis depuis si longtemps à la NRF3.

J’ai été sollicité par une bonne traductrice de l’anglais, Mlle FournierPargoire4. Je lui ai indiqué Santayana 5 et prêté les morceaux choisis que vous m’avez donnés.

Je voulais vous signaler aussi le roman qu’est en train d’écrire un Brésilien, Oswald de Andrade. Il y aurait justement pour cela un traducteur du portu gais, M. Jean Duriau6.

Lettre 217.

1 En-tête imprimé : va LboiS / par Saint pourçain Sur Siou Le / (a LLier). Enveloppe à Madame / la Princesse de Bassiano, / Villa Saint-Nicolas / à Benerville / par Blonville (Calvados) ; cachet de la poste 21-9-26 (et au verso 22- ? -26).

2 Antoine Héroët, « Complainte d’une dame surprise nouvellement d’amour », Commerce, IX, automne 1926, p. 173-183. Maurice Scève, « Fragments de Microcosme », Commerce, V, automne 1925, p. 215-223. Ce sont en effet les mêmes caractères pour les deux textes.

3 « Allen », publié dans La NRF du 1er février et du 1er mars 1927, est le seul texte vrai ment important que Larbaud donne à La NRF pendant la période Commerce. Il a sans doute commencé l’écriture de ce livre en janvier 1926 à Lisbonne.

4 Larbaud fait une référence à la traductrice Jeanne Fournier-Pargoire dans son Journal en 1934 en précisant que son activité (alors qu’elle vient de traduire G.K. Chesterton) lui « fait un sensible plaisir » (Larbaud, Journal, p. 1140). Elle ne traduit rien pour Commerce

5 Voir les lettres 210 et 219, où la princesse lui annonce qu’elle va lui envoyer quelques livres de George Santayana.

6 Larbaud essaie à nouveau en juillet 1928 de faire publier dans Commerce Oswald de Andrade (1890-1954) traduit du portugais par Jean Duriau (18xx-1936), sans plus de succès. Six lettres d’Oswald de Andrade écrites à Larbaud en français se trouvent à la MVL, mais ne concernent pas Commerce

CORRESPONDANCE FRANÇAISE236 217

J’apprends que T.S. Eliot a demandé quelque chose à G.B. Angioletti pour Criterion7.

Sibilla Aleramo me parle de poésies inédites qu’elle serait bien heureuse d’offrir à Commerce8.

Je ne sais si « 900 »9 est déjà sorti, mais s’il y a une direction politique, adieu la littérature. Je crois que les Milanais préparent autre chose, un contre-900, je suppose.

J’espère que mes notes sur Héroët ne vous déplairont pas. Le texte luimême est délicieux.

Au revoir, chère amie, et bonne fin de vacances à Benerville. Dès mon retour à Paris, si vous êtes rentrée, j’irai vous voir. Rappelez-moi, je vous prie, au bon souvenir du Prince et croyez moi

Votre affectueusement dévoué,

218

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

Moulins, 29 Sept. ’26.

Chère amie, le plus sympathique de mes Ducs vous souhaite la bienvenue à votre retour à Versailles.

Amicalement à vous V. Larbaud.

7 Dans une lettre du 28 avril 1926 (MVL), Giovanni Battista Angioletti (1896-1961) annonce à Larbaud que T.S. Eliot lui a proposé la chronique italienne de sa revue The Criterion, et lui demande de remplir le même rôle pour Commerce – ce qui ne sera pas le cas. Dix-sept lettres adressées à Larbaud sont conservées à la MVL.

8 Larbaud est très lié à la femme de lettres Sibilla Aleramo (1876-1960), qu’il a rencon trée une première fois en 1912 à Florence et retrouvée à Paris en 1923. Il essaie à plusieurs reprises de la faire publier, sans succès.

9 La revue 900, fondée en 1926 par Massimo Bontempelli avec un comité de rédaction international, est une revue trimestrielle aux orientations fascistes, publiée jusqu’en 1929.

Lettre 218.

1 Carte postale adressée à Madame la Princesse Bassiano / Villa Romaine / Versailles. La légende indique que la carte représente Pierre II, Duc de Bourbonnois, Comte d’Auvergne,

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 237

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Le 8 Oct[obre 1926 ]

Très cher Ami

Je vous ai bien négligé et je vous prie de me pardonner. J’étais si touchée de trouver votre jolie carte qui m’attendait et qui me souhaitait la bien-ve nue à Versailles. C’était une gentile pensée – J’aime beaucoup vos notes sur Heroët – mais il n’y a que vous pour faire des choses pareilles sans bana lité. C’est merveilleux – J’ai si hâte de vous voir pour mille raisons – C’est bien dommage que vous ne soyez pas des nôtres demain – Valéry, Kassner (qui est à Paris pour tout le mois et passera les derniers 11 jours ici chez nous)2 Paulhan, Eliot, Groethuysen – Mais vous ne tarderez plus n’est-ce pas – Commerce est bien installée chez Leclerc et je crois que nous aurons beaucoup de satisfaction chez lui –

Cher ami je trouve le pauvre Castagnou 3 très faible – non ? Je crois que ce n’est pas pour nous. Je remets le manuscrit anonyme (and thereby hangs a tale which you will hear when I see you)4 et à la place5 je mets un récit

etc. Pair et Grand Chambrier de France. L’attachement de Larbaud à Bourbonnais appa raît notamment dans Allen, dont le titre (« à tous ») provient de la devise du duc Louis de Bourbon en 1366 après sa captivité en Angleterre (Œuvres, p. 1266). Pierre II de Bourbon (1438-1503) ou Pierre de Beaujeu, Duc de Bourbonnais et d’Auvergne (1488), est le fils du duc Charles Ier et d’Agnès de Bourgogne.

Lettre 219.

1 B-78 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28)

2 Rudolf Kassner écrit à la princesse le 22 septembre 1926 qu’il a réservé le sleeping pour être à Paris le 6 octobre et qu’il compte être de retour à Vienne à la fin du mois d’oc tobre (Bohnenkamp/Levie, p. 187).

3 André Castagnou (1889-1942), poète, critique littéraire et traducteur, n’a jamais publié dans Commerce

4 « Et à ce sujet c’est toute une histoire que vous entendrez quand je vous verrai ». Il s’agit peut-être d’une référence à Shakespeare, au discours de Jacques dans Comme il vous plaira  (II,7). Le manuscrit anonyme est « Agnès » que la princesse a refusé à Valéry. Voir la lettre 216.

5 Elle reprend le sommaire du cahier IX de l’automne 1926 ébauché dans la lettre 216, mais il correspond cette fois réellement au cahier publié.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE238
219

de Drieu La Rochelle et un texte très bien je trouve d’un tout jeune Belge Michaud6. Tous ces deux textes m’ont été cédés par Paulhan.

Je vous ai fait envoyé les livres de Santayana et deux livres que j’aime beaucoup de Bonamy Dobrée7 à la rue Cardinal Lemoine.

Eliot est désolé de vous manquer encore une fois. Vraiment vous devrez être ici en ce moment.

Mille et mille amitiés

Marguerite de Bassiano

220

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Lundi soir [octobre-novembre 1926 ]

Très cher ami. C’était un vrai plaisir de vous voir hier. Comme Barilli est gen til n’est-ce pas2 ? Je suis si heureuse que vous ayez fait ces traductions. Cher ami j’aimerais bien que vous demandiez directement où par Soupault quelque chose à Breton3 de préférence des poèmes pour tout de suite. Voulez-vous. C’est toujours cette question terrible d’avoir des jeunes et surtout des poètes. Et pensez-y un peu si vous voyez quelqu’un d’autre à qui nous pouvons faire appel. Au commencement de décembre quand vous revenez, il faut composer

6 Pierre Drieu la Rochelle, « Le Jeune Européen », p. 87-104, et Henri Michaux (18991984, orthographié Henry dans Commerce), « Villes mouvantes », p. 73-84. C’est la première publication de Michaux, que la princesse aimait beaucoup et qui publiera dans Commerce à cinq reprises.

7 Le nom est peu lisible mais il s’agit sans doute de Bonamy Dobrée (1891-1974), critique littéraire anglais et professeur à l’université, lié à T.S. Eliot.

Lettre 220.

1 B-83 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28)

2 Bruno Barilli, dont Larbaud a traduit avec Maria Nebbia « Trois essais » pour le cahier X de l’hiver 1926, p. 145-156, et qu’il traduira encore dans le numéro XIX du prin temps 1929.

3 Philippe Soupault se montrait très critique envers Commerce et n’a certainement pas fourni de manuscrits. Voir la lettre 216. André Breton contribue deux fois à Commerce mais c’est grâce à l’entremise de Léon-Paul Fargue.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 239

le prochain numéro. J’ai vu Léger aujourd’hui qui m’a dit qu’il avait un tas de livres a vous envoyer4. Je les déposerai un de ces jours à votre porte.

Je suis ravie que vous reveniez bientôt et que je vous verrai avant mon départ dans le Midi.

Bien affectueusement

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

3 décembre 1926. Chère amie,

Je suis rentré hier soir et j’ai trouvé votre bonne lettre, dont je vous remer cie. J’ai reçu aussi votre dépêche avant mon départ.

Moi aussi j’ai beaucoup de choses à vous dire. Je vous apporterai aussi deux textes de contemporains.

J’ai souffert de névralgies, à Valbois ; et aujourd’hui je suis encore sous la menace d’une crise. J’espère pourtant aller assez bien dimanche pour profiter de votre invitation et ne pas manquer cette occasion de vous voir avant mon départ. Mais si j’allais plus mal demain soir, je vous enverrais une dépêche, et ferais porter à la porte, et recommander, les choses que je dois vous envoyer.

Je vous remercie de l’envoi des livres de Léger2 ; je les ai trouvés à mon arrivée. Ils sont magnifiques, et les dédicaces m’ont fait un très grand plaisir.

Ce serait vraiment bien fâcheux si je ne pouvais aller dimanche à Versailles. Mais si j’avais la fièvre, cela ne serait pas prudent. Si je n’ai pas télégraphié demain soir, c’est que je pourrai venir.

Bien affectueusement à vous,

V. Larbaud.

4 Voir la lettre suivante.

Lettre 221.

1 La lettre se trouve à la FSJP ; en-tête imprimé 71 rue du Cardina L-Lemoine. ve . 2 Voir la lettre précédente. On ne sait pas exactement de quels livres il s’agit.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE240
M. de B.
221

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Jeudi [début décembre 1926 ]

Très cher Ami

Permettez moi de vous remettre les honoraires de la Seconde année avec tous les remerciements et toute la profonde reconnaissance de « Commerce ». Je regrette tant que vous partez2. Nos réunions sans vous me paraissent vrai ment bien incomplètes.

Il faudrait je crois penser à nous procurer un dépositaire à Barcelone3. Vous qui êtes si au courant de ce qui se passe dans le monde littéraire essayez de trouvez un « jeune » intéressant qui puisse remplacer ce mysté rieux Sollier4 pour notre numéro de Janvier5 qui va être magnifique. Vous, Valéry (préface pour Lucien Leuwen) Claudel, Fargue (je pense !) etc. etc.

Vos roses de hier soir sont sur ma table et si jolies encore. Merci encore cher ami de tout Bien affectueusement

Marguerite di Bassiano

Lettre 222.

1 B-77 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av. d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28).

2 Larbaud part pour le Portugal le 18 janvier 1927.

3 Malgré la préoccupation de la princesse, les feuilles volantes retrouvées dans les différents cahiers indiquent deux dépositaires à Madrid, Revista de Occidente et Sanchez Cuesta, mais aucun à Barcelone.

4 J.M. Sollier est le pseudonyme d’Adrienne Monnier, qu’aucun directeur n’a jamais réussi à faire accepter dans Commerce. Maurice Saillet indique qu’il s’agit du texte « Le château du mendiant » des Fableaux, apporté par Larbaud.

5 Les contributions qu’elle évoque pour le « numéro de Janvier » ne correspondent pas au cahier X de l’hiver 1926 mais au numéro XI du printemps 1927, qui comporte bien les trois directeurs, avec en tête l’« Essai sur Stendhal (à propos de Lucien Leuwen) » de Valéry, p. 7-69, puis « Trouvé dans des papiers de famille » de Fargue, p. 73-131, et « Sur le rebut » de Larbaud, p. 135-146. Paul Claudel en revanche, qui a contribué pour la dernière fois au cahier IX, ne donne rien avant le cahier XIX.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 241 222

223

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Golf Hôtel. le 12 Janv.[ier 1927]

Cher Ami.

Je vous renvoie le Bachelli 2 que j’aime bien et le Eça de Queiroz3 que je dois vous avouer je n’aime pas du tout. Cher ami vous l’aimez vous ? Et ne pourrions nous pas discuter ça ensemble quand je retourne à Paris ? Et puis la traduction est si plate, sans charme, je trouve.

I am delighted that you are busying yourself about Paulhan’s decoration. It is like you and I wish you all success 4. J’ai reçu une lettre de Crémieux me disant qu’il n’est pas tenté de traduire Aniante5 et je vous prie de donner ce texte à Marsan en lui priant de le faire. Je trouve qu’il traduit beaucoup mieux que Cremieux. Vous verrez comme il a traduit merveilleusement « Brûlement d’un Hérétique »6. Je suis heureuse que vous parlerez de G. Borrow7. Ça aurait été intéressant pour Commerce, c’est dommage.

Lettre 223. 1 B-103.

2 Ricardo Bachelli, « Trois divinités sur les Apennins », traduit par Larbaud, Commerce, XII, été 1927, p. 145-151.

3 Le Portugais Eça de Queiroz (1846-1900) qu’évoquait Larbaud dans « Écrit dans une cabine du sud-express », Commerce, VII, printemps 1926, p. 37-57, ne sera jamais publié dans la revue.

4 « Je suis ravie que vous vous occupiez vous-même de la décoration de Paulhan. Cela vous ressemble bien, et je vous souhaite tout le succès voulu ». Paulhan est nommé chevalier de la Légion d’honneur le 29 janvier 1927.

5

Le nom est peu lisible. Il pourrait s’agir d’Antonio Aniante (1900-1983), jamais publié dans Commerce

6

La princesse oppose les traductions d’Eugène Marsan (1882-1936) à celles de Benjamin Crémieux, qui tous deux ont traduit de l’italien au français pour Commerce. Elle fait référence à la contribution d’un Anonyme de la fin du Trecento, « Brûlement d’un Hérétique. Histoire de Frère Michel Minorita », traduit par Eugène Marsan, Commerce, X, hiver 1926, p. 189-200.

7 Le nom est peu lisible mais il s’agit de George Borrow (1803-1881), qui a écrit La Bible en Espagne et Les Zincali ou gitans espagnols. Larbaud s’intéresse à lui et à son influence probable sur Carmen de Prosper Mérimée au moment où il écrit une introduction à Mérimée, qui sera publiée sous le titre Carmen et autres nouvelles de Prosper Mérimée avec des dessins de Mérimée et une introduction de Valery Larbaud, coll. « Prose et Vers », Payot,

CORRESPONDANCE FRANÇAISE242

Mais nous aurons « Violettes de Parme »8 pour le 15 Mars n’est ce pas ? Merci de vos bons et affectueux souhaits.

Je crois que vous n’étiez pas à Paris quand Geoffrey Scott9 le jeune écri vain du « Granta » vous a écris. Je lui ai dit qu’il pouvait le faire et que vous auriez été heureux de le voir. Il aurait été très déçu le pauvre. Il doit être tout-à-fait gentil, jugeant de ses lettres.

J’espère que Paulhan a fini la traduction de Nietzsche10 alors nous serons au complet. J’espère tant que nous pourrons sortir à la fin du mois. Savezvous que Suarès11 a commencé par envoyé 92 pages ! ! – Imaginez mon épouvante. Heureusement il m’avait parlé de 40 et alors j’ai vite télégraphié en lui disant que 40 étaient le maximum que nous pouvions accepter et à présent il n’y a que 42 ! –

J’ai bien hâte de retourner à la Villa Romaine, malgré le soleil et malgré ce beau pays. J’espère dans un mois être de retour. Serez-vous à Paris a ce moment là ?

Aurevoir bien chère ami Mille affectueuses pensées M. de B.

Paris, achevé d’imprimer le 15 février 1927 sur les presses de Durand à Chartres (Larbaud/ Monnier/Beach, p. 295-298).

8 Voir la lettre 209 pour ce projet resté inachevé.

9 Le nom est peu lisible. Il s’agit peut-être de Geoffrey Scott (1884-1929), lettré et poète anglais qui écrivit en 1925 une biographie consacrée à Isabelle de Charrière. Granta est une revue littéraire créée en 1889 par des étudiants de Cambridge, qui a donné naissance à une maison d’édition.

10 Nietzsche, « Le Drame musical grec », Commerce, X, hiver 1926, p. 6-45, traduit par Jean Paulhan.

11 André Suarès, « Variables », Commerce, X, hiver 1926, p. 49-87, soit trente-neuf pages.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 243

Bien cher Ami

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

[ janvier février ? 1927] Golf Hôtel Beauvallon par Ste Maxime (Var)

Il y a bien longtemps que je n’ai pas de vos nouvelles. J’espère bien que vous n’êtes pas malade.

Qu’est-ce qui s’est passé pour le ruban de Paulhan 2 ?

Je vous renvoie finalement les poèmes de Gatoff3. Voici ce qu’en dit Mirsky4 : « They are not utterly worthless but distinctly minor and although there might be some point publishing them in Russian there can be no ques tion of translating them for “Commerce” »5.

J’aime mieux que vous ne mentionnez pas Mirsky à Povolovsky6 ou à Gatoff quand vous retournez les poèmes7. C’est bien précieux que nous ayons Mirsky comme « Advisory Board » russe ! – Je pense que notre pro chain cahier sera très beau et très varié. Je n’aime pas beaucoup le Suarès8 mais tant pis. Ecrivez moi vite je vous prie. Depuis le commencement de l’année j’ai eu des quantités de petits malheurs, tout le monde avec la grippe

Lettre 224.

1 B-99.

2 Elle fait référence à la nomination de Paulhan comme chevalier de la Légion d’hon neur le 29 janvier 1927 évoquée dans la lettre précédente.

3 Larbaud a mené en vain une double offensive pour Alexandre Gatoff ou Aleksandr Borisovich Gatov (1899-1972), poète, écrivain et traducteur soviétique. En janvier 1927, Larbaud tente sans succès de faire accepter ses vers dans Commerce et ses articles critiques dans La Revue européenne.

4 Le prince D.S. Mirsky va supplanter Hélène Iswolsky comme conseiller pour la litté rature russe. Voir la lettre 164, et Levie/Smith.

5 « Ils ne sont pas totalement sans intérêt, mais sont clairement mineurs, et s’il peut y avoir du sens à les publier en russe, il n’est pas question de les traduire pour Commerce  ». La lettre d’où provient la citation n’a pas été retrouvée.

6 L’éditeur Yakov Evgen’evich Povolotsky ou Povolozsky déjà mentionné.

7 Il est préférable de ne pas parler de lui à d’autres écrivains russes car à l’époque Mirsky était toujours considéré comme un Russe blanc émigré.

8 André Suarès, « Variables », Commerce, X, hiver 1926.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE244 224

etc. J’espère rentrer à la fin Février, cet exil me paraît bien long ! – Pourriezvous bientôt faire la traduction de « What song the Sirenes sang »9 et c’est sûr « Violettes de Parme »10 pour le cahier de Printemps n’est ce pas ? –Toutes mes amitiés les plus affectueuses M. de B.

Je ne connais pas l’adresse de Lanux. Vous seriez gentil de lui envoyer ceci.

225

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Golf Hôtel Beauvallon Vendredi [1927, avant le 15 mars]

Cher Ami – Un petit mot seulement aujourd’hui pour vous dire que j’espère que vous avez bien reçu le manuscript de Bec, etc. !

Je ne l’aime pas assai pour nous vraiment et puis enfin c’est trop mal écrit et vous ne pouvez pas vous mettre a corriger cela comme une composition d’élèves de l’Ecole Normale. Y en auraient-ils2 de si mal écrit ? Vous pouvez toujours encourager si vous trouvez que cela en vaille la peine ! Vous savez certainement mieux que moi découvrir la promesse cachée sous tant de –3 Moi les me rebutent4. J’attends « C » avec la plus grande impatience et je vous suis infiniment reconnaissante de tout ce que vous avez fait en qualité d’accoucheur ! –

Je suis ravie d’avoir un essai pour le n° XI 5. – pas plus tard que le 15 Mars n’est-ce pas cher ami ?

9

Le titre n’est pas très lisible.

10 Voir la lettre 209.

Lettre 225.

1 B-102.

2 Ces mots sont presque illisibles.

3 La princesse laisse volontairement un blanc après le tiret, et après « Moi les ».

4 Mot peu lisible.

5 « Sur le rebut », Commerce, XI, printemps 1927, p. 135-146.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 245

Il faut rétablir l’équilibre en vu de notre numéro d’Eté qui doit sortir fin juin. Fargue m’a déjà envoyé un manuscript pour le XI – des souvenirs d’enfance tout-à-fait charmants 36 pages dactylographiées !!

Et le poème catalan6. L’avez-vous vu ? Est-il traduit ? Je suis très curieuse – Mac Leish7 m’a écrit qu’il m’enverrai deux poèmes pour choisir ces jours-ci – Naturellement c’est vous qui doit choisir –

Nous rentrerons dans à peu près deux semaines.

Ca serait bien triste de ne plus vous trouver mais alors quand reviendrez-vous ? Bien affectueusement

226

Bien cher ami

Un petit mot en hâte pour vous prier de traduire aussi « Gobi » de Mac Leish. Léger se trouve absolument dans l’impossibilité de le faire 2 Ecrivez-moi à Versailles j’y serai le 17 ou le 20 Mille affectueuses amitiés

6 Nous ne savons pas de quel poème il s’agit, peut-être celui de Junoy évoqué dans les lettres 195 et 196.

7

Archibald MacLeish, déjà publié et traduit par Larbaud dans le cinquième cahier, figure également dans le cahier XII. Le jeune poète américain qui résidait alors à SaintCloud retourne aux États-Unis en 1928 où il est accueilli comme l’un des plus grands poètes de sa génération. Devenu conservateur en chef de la Bibliothèque du Congrès à Washington, il sera l’un des intermédiaires prestigieux de Leger et de ses grands amis lors de l’exil américain de Saint-John Perse.

Lettre 226.

1 B-101.

2 Saint-John Perse a très peu traduit pour Commerce (seulement Eliot et Hofmannsthal), et c’est en effet Larbaud qui traduit les deux poèmes d’Archibald MacLeish du cahier XII de l’été 1927, « Return » et « Gobi », p. 44-51.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE246
Marguerite Caetani à Valery Larbaud1 Beauvallon Samedi [1927]

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Mardi [mars 1927 ?]

Très cher Ami

J’ai stupidement oublié de vous rendre ceci Dimanche. Il me semble avoir compris que vous allez être un ange pour la mille et unième fois et le traduire. Il faut que je vous revoie avant votre départ que je déplore ! –

Bien affectueusement

Marguerite di Bassiano

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Samedi [mai juin 1927]

Bien cher ami Pardonnez-moi d’avoir tardé tant avec ceci ! – Je voulais beaucoup vous voir ces jours-ci pour un tas de raisons et nous avons été enrhumés tous et toute la semaine je ne suis pas sortie jusqu’à hier quand je suis allée voir les broderies de Mme Becat 2. Quand partez-vous ? Moi je pars le 8 et il faut que je

Lettre 227.

1 B-100. Cette lettre est impossible à dater précisément. Elle pourrait avoir été écrite en mars 1927, au retour de la princesse à Paris après Beauvallon, et ferait ainsi allusion au deuxième poème de MacLeish qu’elle demande à Larbaud de traduire.

Lettre 228.

1 B-89 ; en-tête imprimé : vi LLa romaine / av d ougLaS h aig / ver Sai LLeS (teL. 13-28)

2 Marie Monnier Bécat (1894-1976), la sœur d’Adrienne Monnier et épouse du peintre Paul-Émile Bécat, est une artiste brodeuse qui a réalisé plusieurs expositions, dont le cata logue est préfacé en 1924 par Paul Valéry, et en 1927 par Léon-Paul Fargue (préface reprise dans La NRF du 1er juin 1927 sous le titre « Broderies »). C’est l’exposition tenue du 15 mai au 15 juin 1927, que Marguerite Caetani vient d’aller voir. Elle évoque probablement son départ pour Düsseldorf au début du mois de juin.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 247 227
228

vous voie avant. Voulez vous me téléphoner que nous puissions arranger un rendez-vous ou cela vous ennuie ? En tout cas il faut que je vous voie avant mon départ.

Bien affectueusement M. de B. 229

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

26 Juin 1927.

Chère amie, j’espère que votre voyage de retour s’est bien accompli et que vous êtes satisfaite de votre séjour à Dusseldorf 2. Levé a les secondes épreuves de Mac Leish et de Bacchelli, et il a dû envoyer à M. Renauld, le traducteur, les épreuves de l’épisode de Psellos que j’ai choisi 3 . J’ai dû quitter Paris sans voir Claudel, ni Aragon4. Mais j’ai vu Soupault, et il m’a dit qu’il m’enverrait bientôt sa traduction de W. S. Landor5. J’ai lu et je lis encore des manuscrits. Rien pour nous. C’est le désert. Il y aurait peut-être une chose. Ce serait un fragment de la traduction (par Madame Le Saché) de « Il Porto dell’ Amore » de Giovanni Commisso. Le livre a été imprimé aux frais de l’auteur, à tirage très restreint. C’est aussi inédit que le Bruno Barilli6. Si vous pensez que cela peut se faire, j’écrirai

Lettre 229.

1

En-tête imprimé : va LboiS / par Saint pourçain Sur-Siou Le / (a LLier).

2 L’opéra du Prince Roffredo Hypatia est joué à Düsseldorf le 10 juin 1927. Voir la lettre 64.

3

Larbaud évoque le sommaire du cahier XII de l’été 1927. Même s’il ne contribue pas directement, il donne deux traductions, « Poèmes » d’Archibald MacLeish, p. 44-51, et « Trois divinités sur les Apennins » de Ricardo Bacchelli, p. 145-151, et c’est lui qui a choisi l’ancien texte de Michel Psellos, « Deux épisodes du règne de Constantin IX », traduit du grec par Émile Renaud, p. 205-233.

4 On voit tout l’éclectisme de Commerce et l’indifférence aux écoles avec le rapproche ment des noms de Claudel et d’Aragon.

5 Cette traduction ne figure pas dans Commerce.

6 Bruno Barilli figure dans le cahier X puis dans le cahier XIX de Commerce

CORRESPONDANCE FRANÇAISE248

à Madame Le Saché. J’ai toutes les autorisations nécessaires de Giovanni Commisso7.

Jules Supervielle m’a demandé quelle décision avait été prise à l’égard des poésies qu’il a traduites et qu’il a offertes à Commerce8.

J’ai entendu dire beaucoup de bien du Valéry et du Fargue publiés dans le dernier numéro. Mme de la Rochefoucauld et Marcel Ray m’ont écrit du bien de « Sur le Rebut »9. Cela m’encourage pour « Violettes de Parme » dont j’espère pouvoir vous soumettre un nouveau fragment pour le numéro d’Automne10

Il y aurait un vieux texte très intéressant, je crois. C’est le récit, en latin, d’un voyage fait au XIIe siècle par des Danois : Angleterre, France, Portugal (alors musulman) Espagne, Maroc, Baléares, Terre Sainte, Constantinople, Bulgarie, Roumanie, Bavière et Souabe. Ils font la guerre, sur terre et sur mer, sont reçus par les deux empereurs, Orient et Occident, et ils avaient emmené avec eux un Poète ! C’est dans une note des « Phéniciens et l’Odyssée » de Victor Bérard, que j’ai rencontré ces gens-là. La source est un Corpus des Historiens Scandi naves du Moyen-Age, et la note de Bérard est aux pages 96-97 du tome Ier de sa récente réédition de « Les Phéniciens et l’Odyssée » (Armand Colin éditeur.)11

7 Giovanni Comisso (1895-1969), que Larbaud orthographie parfois avec deux « m » comme ici, n’a jamais été publié dans Commerce. Jean-Baptiste Para indique que « ni Larbaud ni Crémieux n’ont pu l’imposer auprès des éditeurs. Une médiocre traduction du Porto dell’a more a probablement constitué le plus lourd handicap », in « Herbes sauvages pour Larbaud et Comisso », p. 107-113, De la traduction. Sur les chemins de saint Jérôme, Presses universitaires Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, 1997, p. 110. La première raison invoquée pour ne pas le publier est d’abord qu’il n’est pas complètement inédit en italien, puis que la traduction est mauvaise. Il est refusé aussi bien par Commerce, par Léon Pierre-Quint pour les éditions Kra que par Paulhan.

8 Jules Supervielle, grand ami de Larbaud, est publié à trois reprises dans Commerce (« Whisper », Commerce, VII, printemps 1926 ; « Oloron-Sainte-Marie », Commerce, X, hiver 1926 ; « La Pampa aux yeux clos », Commerce, XV, printemps 1928), mais le directeur de la revue l’a proposé souvent à la princesse, dès 1925, et a essuyé plusieurs refus. C’est sans doute le cas ici puisque ce n’est qu’à l’automne 1928 que paraît sa traduction de Federico García Lorca dans le cahier XVII.

9 Larbaud fait référence aux contributions du cahier XI du printemps 1927, de Paul Valéry (« Essai sur Stendhal (à propos de Lucien Leuwen) », p. 7-69) et de Léon-Paul Fargue (« Trouvé dans des papiers de famille », p. 73-131), ainsi qu’à son propre texte « Sur le rebut », p. 135-146. Paulhan écrit d’ailleurs à propos de Larbaud qu’il « ne cesse guère d’exposer ses dons ; de les mettre en péril. Il redoute tout ce qui lui paraîtrait beau ou simplement gracieux. Il ne travaille guère que dans le rebut », Jean Paulhan, Œuvres complètes, tome iv, Cercle du livre précieux, 1969. p. 251.

10 Voir la lettre 209.

11 Larbaud fait référence à l’ouvrage de Victor Bérard (1864-1931), Les Phéniciens et l’Odyssée, réédité en 1927 chez Armand Colin. Le « vieux texte » qu’il évoque n’a jamais été publié, mais il correspond tout à fait au type de textes anciens de Commerce

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 249

FRANÇAISE

Je suis curieux de connaître le discours de réception de Valéry12. Ce que les journaux en ont donné, – je veux dire, les journaux que j’ai vu, est très incomplet. Valéry doit avoir envie de se reposer à présent. Cependant il fau dra que je le dérange bientôt pour les démarches nécessaires pour faire déco rer Stols. La chose est en train. Mais il faut que les « édités » de Stols attirent « respectueusement » l’attention du Ministre sur les titres de leur éditeur13.

Je regrette de n’avoir pas vu Claudel, mais d’après sa lettre, il n’avait cer tainement rien à nous donner. Je tâcherai de le voir avant les vacances, et de retenir pour nous ce qu’il prépare ou ce qu’il songe à préparer.

Le mauvais temps m’enferme dans la maison, et je ne le regrette pas trop : je lis les derniers manuscrits qu’on m’avait confiés (j’en avais une pile énorme sur ma table, à Paris) ; je mets ma correspondance à jour et je rédige et range mes « Notes sur Racan »14. Vendredi prochain je serai à Moulins, invité à une séance publique de la « Sté d’Emulation du Bourbonnais », séance qui sera présidée par Antoine Meillet15. Mais je serai à Paris le 9 Juillet (samedi) pour donner une dernière séance de pose à un portraitiste. Je compte partir pour mes vraies vacances, au Grand-Duché de Luxembourg, le 11 (lundi) ou 12 (mardi). Mais si, pour vous voir, je dois retarder ce départ, je le ferai avec grand plaisir.

Je pense rester en Luxembourg jusqu’au 15 Août, et puis je rentrerai à Valbois, où je tiendrai compagnie à ma Mère, tout en travaillant à la traduc tion de Ulysses16. Je n’irai donc pas en Italie cet été.

Au revoir, chère amie. Les nouvelles que vous me donniez dans votre lettre de Dusseldorf m’ont été très agréables et je vous prie de transmettre mes sin cères félicitations au Prince.

Bien affectueusement à vous, V. Larbaud.

12 Valéry est élu à l’Académie française le 19 novembre 1925 au fauteuil d’Anatole France, et tient son discours d’hommage lors de sa réception sous la Coupole le 23 juin 1927, sans citer une seule fois le nom d’Anatole France.

13 Larbaud fit tout son possible pour que son ami éditeur Stols (1900-1973), hollandais qui publia plus de cent cinquante titres français (dont plus d’une quinzaine de Larbaud), puisse obtenir la Légion d’honneur qu’il désirait profondément. Stols l’obtint enfin à l’au tomne 1931. Voir Correspondance Valery Larbaud A.A.M. Stols, I 1925-1951, édition établie par Christiane et Marc Kopylov, Éditions des Cendres, 1986, p. 12.

14 Ses « Notes sur Racan » aboutiront au recueil Les Poésies lyriques et profanes d’Ho norat de Bueil, Seigneur de Racan, texte publié sous la direction de Valery Larbaud et de A.A.M. Stols, Maestricht, Stols éditeur, 1928.

15 La Société d’Émulation du Bourbonnais a été fondée à Moulins en 1845 et existe encore aujourd’hui. Larbaud en faisait partie depuis février 1910. Antoine Meillet (18661936), grand linguiste français.

16 Ce n’est qu’en février 1929 que la traduction française d’Ulysses de Joyce sera publiée.

CORRESPONDANCE
250

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

Hôtel de Luxembourg, à Echternach ; 16 Juillet ’27.

Chère amie, me voici installé pour quinze jours à Echternach, où j’espère avoir de vos bonnes nouvelles. Cette vue est prise de la rive allemande de la Sûre. Bien amicalement à vous,

V. Larbaud.

231

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

[1927, avant le 28 juillet]

Villa Païta La Baule-les-Pins (Loire. Inf)

Bien cher Ami Merci de vos nouvelles qui me font toujours le plaisir que vous savez. Je vous prie de me faire savoir si vous voulez bien traduire « Red Barbara » de O’Flaherty pour au plus tard le 15 Septembre 2. J’espère bien pour l’auteur et pour Commerce que vous le pourrez. Et puis vous m’enverrez le titre de votre contribution pour le 10 Août n’est ce pas ? Nous sommes ici depuis deux jours seulement. C’est trop tôt pour vous dire comment est l’endroit.

Lettre 230.

1 Carte postale comportant la légende : Echternach vu de l’Ermitage, adressée à Madame / la Princesse de Bassiano / Villa Romaine / à Versailles (France).

Lettre 231.

1 B-116.

2 Larbaud accepte dans la lettre suivante. Liam O’Flaherty, « Barbara la Rouge », tra duit par Valery Larbaud, Commerce, XIII, automne 1927, p. 173-193.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 251 230

Le climat en tout cas me paraît bien plus doux que Deauville. Je vous écrirai sous peu avec plus de détails et je vous prie de m’écrire aussitôt que vous aurez vu « Commerce » pour me dire comment vous trouvez l’ensemble. Faites vous envoyer un exemplaire où vous êtes maintenant. Les premiers exemplaires doivent être tirées aujourd’hui 3 .

Bien affectueuses amitiés

Marguerite de Bassiano

232

Valery Larbaud à Marguerite Caetani

Hôtel de Luxembourg Echternach, 28 Juillet. [1927]

Chère amie, je vous remercie de votre aimable lettre, et j’espère que vous avez un beau temps à La Baule. Ici, les nuits sont assez fraîches et un peu humides, mais les journées sont en général très belles ; et le Luxembourg est une espèce d’Arcadie du Nord, avec d’impressionnants décors de pastorales, théâtres de verdure, vallons disposés pour des pompes champêtres. On y pense aux paysages de l’Astrée. Je vais partir pour une excursion à Clairvaux, où je déjeunerai, et prendrai le thé à Luxembourg ; où qu’on aille, on repasse toujours par la Capitale, dans ce pays.

La voiture est déjà devant ma porte. Je réponds à votre question. Le titre du fragment de « Violette de Parme » que je vous enverrai à mon retour à Paris sera :

Le Miroir du Café Marchesi

C’est ce que j’ai trouvé de mieux, comme titre pour ce fragment1.

3 Les exemplaires du cahier XII daté de l’été 1927.

Lettre 232.

1 « Le Miroir du café Marchesi » publié dans Commerce, XIII, automne 1927, p. 61-76, évoqué dans les lettres précédentes.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE252
MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 253

Voici le passage d’une traduction de « Il Porto dell’Amore » de Giovanni Comisso, dont je vous avais parlé. Mario Puccini me dit, – m’écrit, – qu’une nouvelle de lui : « Cristiani », est en lecture à Commerce2.

Oui je veux bien traduire cette nouvelle irlandaise3, et comme je suis ici encore pour une semaine, si vous me l’envoyez ici (Hôtel de Luxembourg, Echternach) je commencerai à m’en occuper avant mon départ, et la terminerai à Valbois.

Ceci n’est qu’une lettre provisoire, chère amie. Dimanche je vous écrirai plus longuement, et en attendant je vous envoie mes plus affectueuses pensées. V. Larbaud.

233

Valery Larbaud à Marguerite Caetani

Echternach 1er Août 1927.

Chère amie,

j’espère que vous avez bien reçu l’enveloppe recommandée que je vous ai envoyée l’autre jour. Que pensez-vous du fragment de Giovanni Comisso, traduit par Madame Le Saché ?

Je vous confirme ce que je vous disais dans ma première lettre. Je suis disposé à traduire « Red Barbara » pour le 15 Septembre. Ce sera mon tra vail de la dernière quinzaine d’Août, à Valbois. Je ne suis plus que pour une semaine à Echternach ; il faut que j’aille tenir compagnie à ma Mère. J’en profiterai pour travailler beaucoup, et ce sera ma part dans la traduction de Ulysses qui m’occupera le plus1. Je ne sortirai de Valbois qu’après avoir terminé cette grosse tâche. « Red Barbara » me servira de prélude.

2 Mario Puccini (voir la lettre 151) malgré les efforts de Larbaud ne sera jamais publié dans Commerce.

3 La nouvelle « Barbara la Rouge » de l’Irlandais Liam O’Flaherty évoquée dans la lettre précédente. Une deuxième nouvelle « L’Aviron » sera publiée à l’automne 1928. Larbaud tra duit ces deux nouvelles sur un petit cahier. Il présente sa traduction de « L’Aviron » sous la forme d’un petit livre manuscrit personnalisé qu’il offre aux Bassiano.

Lettre 233.

1 Larbaud revoit la traduction d’Auguste Morel, révisée par Stuart Gilbert, ce qui ne va pas sans poser des problèmes entre les trois traducteurs.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE254

Le titre du fragment de « Violettes de Parme » sera bien :

Le Miroir du Café Marchesi.

J’y travaille, très difficilement, depuis un mois, après y avoir beaucoup songé, et c’est ma principale occupation en ce moment. J’y passe une partie de mes nuits. Je vous en enverrai une copie à La Baule, en même temps que j’en remettrai une à Levé. Ce sera la première chose que je ferai revenant à Paris. Je fais en sorte que ce morceau n’ait pas l’apparence d’un fragment, et en effet je le traite à part, et il sera probablement modifié quand je le repla cerai dans l’ensemble. Le titre seul le rattache à « Violettes de Parme », mais il est dit que ce miroir a peut-être reflété le visage de Stendhal, en sorte que le morceau peut se prendre comme un tout, isolé.

Le Café Marchesi, à Parme, a été modernisé en 1923 je crois, et ne res semble plus du tout à ce qu’il était encore en 1922, où il avait un caractère très XIXe siècle, début du XIXe siècle. C’est dans une salle de ce vieux café que se passe tout « Violettes de Parme »2.

Je n’ai pas encore vu « Commerce » ; on ne me fait suivre, de Paris, que les lettres. Mais je pense recevoir avant mon départ le numéro que j’ai demandé à Leclerc.

Je vous écrirai ce que j’en pense, avant mon départ d’ici.

J’ai rédigé, sur une belle feuille de papier blanc, la pétition au Ministre des Affaires Etrangères de France, pour la décoration de Stols. Sur les termes, je m’étais mis d’accord avec Paul Valéry. Cette pétition est mainte nant déposée à la succursale de Stols à Paris, 3 cour de Rohan. Son corres pondant s’occupera de réunir les signatures. Valéry désire signer le dernier, et il est probable qu’il amènera avec lui un groupe de quelques-uns « de Messieurs de l’Académie ». Cinq ou six de Messieurs (c’est la formule du XVIIe siècle) feront, dans le défilé de signatures, une arrière-garde, un gros de cavalerie, imposants. Et puis cela sera remis à St. J. Perse, qui « galva nisera » le dossier de Stols, dont nous verrons rougir la jeune boutonnière. Et vraiment, il l’aura bien méritée, cette croix des braves : songez qu’il va publier, – quand nous l’aurons écrit, – un livre de Pierre de Lanux et de moi sur les soldats de plomb ! Un petit livre, naturellement3.

Je suis toujours très content d’être venu en Luxembourg, et c’est de plus en plus le pays de l’Astrée. Je n’ai pas vu la moindre trace d’exploitation dans ces grandes forêts de hêtres, qui semblent être là pour le décor, per bellezza,

2 Ce café se trouvait à Parme et datait du XVIIIe siècle.

3 Ce projet de livre avec Pierre de Lanux sur les soldats de plomb (qui y faisait un clin d’œil dans « Esquisses pour une galerie royale » publié dans le n° 3 du Navire d’Argent) n’aboutit pas.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 255

revêtant de grandes collines qui s’abaissent en pentes douces vers des ruis seaux coulant sans un pli, bleu d’outremer, entre des rives d’un vert-anglais invraisemblable.

Et puis c’est un petit Etat bien organisé, confortable. Pour toutes ces rai sons, j’ai choisi, pour ma correspondance en Luxembourg, du papier rose. Mais j’aurais voulu en trouver du meilleur, plus étoffé, que celui-ci.

Il y a quelques personnes, dans le Grand-Duché, qui suivent d’assez près la littérature française ; mais il n’y a qu’un seul journal rédigé en français pour quatre rédigés en allemand. Le Français est, nettement, la langue aris tocratique. J’ai pensé qu’on pourrait faire le service de Commerce à deux hommes de lettres d’ici4. J’en parlerai à Leclerc.

Au revoir, chère amie, et pardonnez-moi la longueur de cette lettre. J’espère apprendre bientôt que vous êtes satisfaite de La Baule et que vos enfants s’y trouvent bien. Je vous prie de faire mes meilleures amitiés au Prince, et de me croire

bien affectueusement à vous, V. Larbaud.

234

Bien cher Ami Mille mercis de vos deux gentiles lettres et des bonnes nouvelles qu’elles contenaient. Voici « Red barabara » et je suis ravie que vous voulez bien le traduire et que je puisse l’annoncer à O’Flaherty – J’aime beaucoup le titre de votre contribution au cahier d’Octobre2. Paulhan m’écrit qu’on est fou de Lettre 234. 1 B-117.

4 Le Luxembourg en tout cas ne figure jamais sur la liste des dépositaires de Commerce.

2 « Le Miroir du café Marchesi ».

CORRESPONDANCE FRANÇAISE256
Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

ce numéro3. L’avez-vous encore ? Le Kierkegaard est vraiment magnifique et l’ensemble avec la préface de Kassner fait vraiment bien je trouve. J’aime beaucoup votre choix de Psellos. N’est ce pas que le Malraux est bien ? Et le Fargue4 ? – Nous sommes de plus en plus contents du climat ici. C’est dom mage que vous ne puissiez pas venir nous faire une petite visite, mais c’est si loin de votre itinéraire que je n’ose même pas le suggérer – et vous avez tant de besogne devant vous !

Avec la meilleure volonté au monde je ne peux pas fixer le sommaire pour Octobre encore. Ce n’est pas possible alors pour l’annonce du 1er sept nous nous contenterons de mettre les quatre sommaires de la 3ieme année. Paulhan traduit la seconde et bien plus intéressante conférence de Nietzsche5. Vous ai-je déjà dit que nous avons un inédit de Thomas Mann6 ? Je crois que oui – mais pour le cahier de Janvier. Et pour janvier j’aimerais mettre Sir T. Browne avec les extraits de Coleridge n’est ce pas7 ?

Mille pensées affectueuses

Marguerite de B.

3 Voir la correspondance Brisset/Levie.

4 La princesse évoque le succès du cahier XII de l’été 1927. Elle mentionne successive ment Sören Kierkegaard, « Fragments d’un journal », traduit du danois par Jean Gateau, p. 165-202, précédé d’une introduction de Rudolf Kassner, traduit par Alix Guillain, p. 155-164 ; Michel Psellos, « Deux épisodes du règne de Constantin IX », traduit du grec par Émile Renauld, p. 205-233 ; André Malraux, « Le voyage aux îles fortunées », p. 95-131 ; Léon-Paul Fargue, « La drogue », p. 7-20.

5 Jean Paulhan avait déjà traduit pour Commerce « Le Drame musical grec » en tête du cahier X ; la seconde conférence de Nietzsche que la princesse évoque est « Socrate et la tragédie », qui figurera en tête du cahier XIII, p. 6-43.

6 Thomas Mann ne figure finalement jamais dans Commerce, sans doute en partie en raison de l’opposition de Hugo von Hofmannsthal.

7 Il faudra attendre le cahier XXI de l’automne 1929 pour que Commerce publie le chapitre V de Hydriotaphia de Sir T. Browne avec les « Opinions sur Sir Thomas Browne » de S.T. Coleridge.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 257

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

15 Septembre 1927. Chère amie, j’espère que vous avez bien reçu ma dernière lettre, écrite de Valbois au moment où je venais de terminer la traduction de « Red Barbara » et où j’attendais des épreuves de Levé.

Les épreuves ne sont pas encore venues. Je devais remettre la traduction de Liam O’Flaherty le 15, – c’est à dire aujourd’hui. Il m’a été impossible de la faire dactylographier ici, de sorte que je vous envoie le MS sans pouvoir envoyer une copie à Levé ; mais je pense que rien ne presse, puisque mes épreuves du « Miroir du Café Marchesi » ne sont pas encore venues.

Je joins au petit cahier dont je vous avais parlé, le texte de « Red Barbara », pour le cas où vous désireriez le faire imprimer dans la revue, à côté ou en face de ma traduction 2. Je joins aussi une lettre amusante que Liam O’Flaherty m’a écrite, en réponse à une question que je lui avais posée3.

Il fait ici un temps épouvantable : des orages tous les jours, et les nuits sont déjà froides. J’espère que vous avez un meilleur climat à La Baule. Enfin, je reste à la maison, et je travaille, surtout à mes « Notes sur Racan ». Mais je songe aussi au prochain fragment de « Violettes de Parme » pour la revue.

Au revoir, chère amie. Je vous prie de transmettre mes amitiés au Prince et de me croire

Votre fidèlement dévoué, V. L.

Lettre 235.

1 En-tête imprimé : va LboiS / par Saint pourçain Sur-Siou Le / (a LLier).

2 Seule la traduction de Larbaud figure dans la revue (conformément à l’usage pour les textes en prose).

3 Il s’agit certainement de cette lettre de Liam O’Flaherty, conservée aux Archives Caetani : « Dear Valery Larbaud, / Translate it any blooming way you like but the coping stones were, as usual, on the border of the walks. In my story they are obscurely placed in order to make rhythm but you can place them anywhere you wish » (« Traduisez comme cela vous chante, mais les dalles étaient, comme toujours, à côté des sentiers. Dans mon histoire elles sont là pour des raisons obscures comme pour donner du rythme, mais vous pouvez les mettre là où vous voudrez »).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE258 235
MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 259

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

19 Septembre 1927. (matin)

Chère amie, je vais peut-être avoir le grand plaisir de recevoir une lettre de vous en réponse à l’envoi de « Barbara la Rouge », mais le facteur ne s’arrête pas et dans ce cas, je ne pourrai vous répondre que demain. Mais, en attendant, je vous communique deux messages : le premier, de Francis de Miomandre : il me demande ce qu’on a décidé au sujet d’un texte qu’il a depuis longtemps en lecture à Commerce 2 ; le second, de la traductrice du fragment de Giovanni Comisso que j’ai proposé. Elle me dit qu’elle a oublié d’écrire son adresse sur le MS. La voici : Madame Alice Le Saché 36 avenue de la Grande Armée Paris (17e)

Au revoir, chère amie ; j’espère avoir bientôt de vos bonnes nouvelles. Bien amicalement à vous, V. Larbaud.

Lettre 236.

1 En-tête imprimé : va LboiS / par Saint pourçain Sur-Siou Le / (a LLier).

2 Miomandre finalement ne traduira jamais pour Commerce, malgré plusieurs projets. Voir la lettre 184.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE260 236

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Mardi. [septembre – début octobre 1927]

Cher Ami

Si Guiraldes est arrivé à Paris ne voulez vous pas l’emmener Samedi à déjeuner. J’aurais été ravie de faire sa connaissance 2 .

Il faut que je vous demande de prendre le train de midi ou au plus tard midi un quart aux Invalides. Vous y trouverez Paulhan et Madame Pascal 3 , Auric et d’autres amis4.

Hélas j’ai bien peur de ne pas pouvoir vous donner de rendez-vous cette semaine nous sommes si pris ces jours-ci avec cette répétition 5 et notre fête de Samedi.

Si vous restez encore quelques jours peutêtre pourrions nous faire ça la semaine prochaine Mille amitiés

Lettre 237.

1 B-38.

2 Le romancier et poète argentin Ricardo Güiraldes (1886-1927) est un grand ami de Larbaud, qui le saluait ainsi que son épouse Adelina del Carril dans la « Lettre à deux amis » du deuxième cahier de Commerce. Güiraldes effectue en 1927 son dernier voyage en France. La princesse n’aura pas le temps de le rencontrer : atteint de la maladie de Hodgkin, il meurt le 8 octobre 1927.

3 Paulhan et Germaine Pascal, née Dauptain (1885-1976), compagne de Paulhan depuis 1920. Ils ne pourront se marier qu’en décembre 1933, la première épouse de Paulhan, Sala, ayant longtemps refusé le divorce. Germaine travaille comme secrétaire aux Éditions Gallimard depuis mai 1920.

4 Georges Auric (1899-1983), pianiste et compositeur.

5 Sans doute la répétition de l’opéra de Roffredo Caetani Hypatia

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 261 237

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Villa Feuillée / Boulevard de Garavan / Menton-Garavan / A. M. le 11 nov.[embre 1927]

Bien cher ami

Un petit mot aujourd’hui pour vous remercier de votre bonne longue lettre qui était une vraie joie. J’étais si longtemps sans vos nouvelles. J’ai eu bien de la peine pour vous quand j’ai appris la mort de ce pauvre Guiraldes. Vous agissez en ami loyal et dévoué ce que vous êtes plus que personne –Mais vous donnerez une autre partie de Violettes de Parme pour le Cahier de Jan. n’est ce pas ? Il suffirait de l’avoir vers le 20 déc. Je dis aux autres collaborateurs le 1er déc. ! Il y a toujours des « guere »2 avec ce pauvre éditeur de La Haye qui n’est pas Stols3. Il m’a écrit ici en me demandant si c’était bien l’adresse ! Il voulait en être assurée avant d’envoyer le petit livre. Maintenant j’ai perdu son adresse.

Cher ami voulez-vous être un ange et lui envoyer une carte avec mon adresse lui expliquant la chose ? Je suis vraiment bien curieuse de voir ce petit livre –

Cher ami écrivez moi vite et souvent. Je m’ennuie bien ici loin de tous mes amis et à la vie que j’aime tant – Versailles – Paris –

Bien affectueusement

Quelle honneur pour l’académie4 ! –

M de B.

Lettre 238.

1 B-94.

2 Le mot, mis entre guillemets par la princesse, n’est pas lisible.

3 Jean Gondrexon, 58 van Aersenstraat, La Haye, est l’éditeur de 200 chambres, 200 salles de bain, qui paraît en septembre. Larbaud écrit ainsi à Adrienne Monnier le 1er octobre 1927 : « Vous avez dû recevoir de La Haye votre exemplaire de “200 chambres 200 salles de bain”. Gondrexon les a expédiés capricieusement : certains sont en retard. » (Larbaud/ Monnier/Beach, p. 313).

4 La référence à l’académie reste obscure : Larbaud est nommé commandeur de l’Ordre d’Isabelle la Catholique le 1er avril 1927 ; il est chevalier de la Légion d’honneur en 1925. En revanche il n’entra jamais à l’Académie française. Il pourrait s’agir du discours de réception de Valéry sous la coupole de juin 1927.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE262 238

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 29 nov [embre 1927]

Bien cher Ami

Le livre est exquis et je comprends que M. Gondrexon avait peur de l’égarer2 ! Merci aussi de votre si charmante dédicace. Mes projets ne sont pas tout-à-fait certains mais j’espère être à Paris pour peu de jours vers le 7 Déc. Il faut que nous composions le prochain numéro de Commerce et j’ai tant de choses à vous demander et à discuter avec vous. J’aimerais tant avoir quelques Espagnols de temps en temps. Ma sœur vient de Madrid où elle a connu Jimenez qu’elle a trouvé exquis3. Il est si enthousiaste de Commerce. Vous connaissez certainement son œuvre. Est-ce quelqu’un que nous pour rions inviter à C. ? Ma sœur dit qu’il fait tant pour les jeunes poètes mainte nant. Si on l’invitait lui à collaborer à C. on pourrait peut-être lui demander conseil sur ce point si difficile ?

Je regrette que vous avez aimé si peu le Péret – Nous en reparlerons 4 –Aussi tôt mes projets fixés je vous ferai immédiatement savoir. Voici de la part de Commerce pour sa 4ieme année avec reconnaissance infinie !

Bien affectueusement

M. di B.

Lettre 239.

1 B-93 ; en-tête imprimé : vi LLa feui LLée / bou Levard de garavan / m enton garavan.

2 Il s’agit de 200 chambres, 200 salles de bain édité à La Haye par Jean Gondrexon. Voir la lettre précédente.

3 La princesse évoque certainement sa demi-soeur Katherine Biddle. Juan Ramón Jiménez (1881-1958), grand poète lyrique espagnol, prix Nobel de littérature en 1956, qui séjourna à Madrid de 1916 à 1936.

4 Benjamin Péret, « La Brebis galante », Commerce, XIII, automne 1927. Ils auront en effet largement l’occasion d’en reparler car la princesse ne soupçonnait pas du tout le séisme que la publication de ce conte surréaliste allait susciter.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 263 239

240

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Vendredi [2 décembre 1927]

Cher Ami

J’ai été vraiment trop stupide. J’ai tout simplement oublié le chêque pensant l’écrire après avoir fini la lettre !

Excusez-moi –

Je serai à Paris à la fin de la semaine prochaine je pense et vous ferai signe immédiatement. Vous me montrerez les « Océanides »2 ?

Cher ami je vous envoie mille pensées affectueuses

M. de B.

241

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Lundi. [début 1928]

Très cher ami, Je suis tout-à-fait malheureuse au sujet de votre santé et je vous supplie d’aller consulter notre médécin S. Chauvet, 35 rue de Grenelle en qui nous avons entière confiance et qui est vraiment épatant comme diagnosticien 2

Lettre 240.

1 B-91 ; en-tête imprimé : vi LLa feui LLée / bou Levard de garavan / m enton garavan. Le 29 novembre de la lettre précédente étant un mardi, il s’agit du vendredi 2 décembre.

2 Il s’agit probablement de l’édition du livre Le Poème d’Orphée, suivi du Chœur des Océanides, par Raymond de La Tailhède, ornés de trois eaux-fortes par O. Coubine, paru en 1926. Othon Coubine avait illustré Allen en 1927.

Lettre 241.

1 B-34.

2 Le Docteur Chauvet, souvent évoqué. Voir les lettres 72 et 136.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE264

– Je ne suis pas sûre qu’il n’est pas dans le midi en ce moment mais je lui télégraphie pour le savoir et en même temps je lui dirai que peutêtre vous irez le voir – ce qui n’engage rien – Si vous vous décidez comme je l’espère téléphonez à Fleurus 04.24 pour un rendez-vous. Paulhan m’avait écrit à plusieurs reprises qu’il craignait que changer Commerce maintenant au beau milieu d’une série surtout après le Péret ferait des potins inutiles et sans fin et serait une joie pour les sur-réalistes alors voyant que vous n’étiez pas encore de retour à Paris et devant décider immédiatement j’ai prié Paulhan d’aller trouver Léger et discuter la question avec lui. Ils sont arrivés à la conclusion qu’il valait mieux ne rien changer extérieurement à la revue. Seulement être plus sévère à l’avenir et choisir plûtôt d’être moins volumineux si nous ne pouvons pas trouver les textes d’une certaine qualité et surtout ce prochain cahier devra être superlatif. Naturellement je pense à cette neuvième « Enfantine » et je suis si touchée et fière que vous voulez l’écrire pour moi 3. Mais est-ce que votre état de santé vous le permettra ? Il faudrait que ce cahier d’hiver paraisse à la fin Février. Ça serait bien beau si vous pouviez la donner. J’attends les réponses de Valéry et Fargue au sujet de leurs collaborations et je vous les ferai connaître aussitôt4.

J’ai arrêté la composition de « Kaléidoscope » pour le moment car il me semble un peu Rococo pour ce cahier et j’aurai « Il Zibaldone » choisi et traduit par Ungaretti comme vieux texte5. Ça sera très bien n’est-ce pas ?

J’attendrai bien impatiemment une autre lettre de vous qui m’apportera j’espère de meilleures nouvelles Bien affectueusement

M. de B.

3 Larbaud avait assemblé en 1918 chez Gallimard huit nouvelles déjà parues dans La Phalange et dans La NRF en un recueil intitulé Enfantines. L’écrivain a envisagé à plusieurs reprises de publier d’autres Enfantines, mais n’a jamais achevé ce projet. Larbaud avait remis à Gide la nouvelle Gwenny-toute-seule (rédigée en 1912), mais lui avait demandé de ne pas la publier car trop intime : cette neuvième « Enfantine » a été publiée pour la première fois en 1949 à tirage limité.

4 Le texte du surréaliste Benjamin Péret, « La Brebis galante », publié dans le cahier XIII de l’automne 1927, p. 131-170, a suscité l’indignation des franges les plus conservatrices et notamment de Claudel, par sa portée blasphématoire et provocatrice. Une « nouvelle fon dation » de Commerce a failli avoir eu lieu, mais l’idée a finalement été abandonnée. Cette crise est l’occasion de voir que c’est en premier lieu vers Leger et Paulhan que la princesse se tourner pour appeler à l’aide, et ensuite seulement vers les directeurs officiels.

5 Une contribution intitulée « Kaléidoscope » d’Emilio Cecchi a été publiée dans le cahier VIII de l’été 1926, mais cela ne peut correspondre et il s’agit d’une erreur ou d’un projet avor té. Il Zibaldone  désigne les « Pensées » de Giacomo Leopardi, Commerce, XIV, hiver 1927, p. 147-180, traduites par Ungaretti (avec l’aide de Paulhan) et précédées d’une note de lui.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 265

242

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Vendredi [ février 1928]

[En haut à droite]

Si Fréret pouvait avoir votre manuscript le plus tôt possible ! –

Très cher Ami

Je suis si inquiète d’être restée si longtemps sans vos nouvelles, vous sachant pas bien. Je ne sais même pas où vous êtes. M me Pascal m’a écrit que vous avez quitté Paris, j’ai télégraphié à Valbois et la poste à fait dire que vous étiez absent. J’ai dit à Paulhan qu’il pouvait annoncer « Une Neuvième Enfantine » pour notre prochain cahier. J’espère avoir bien fait. Le cahier promet beaucoup –

Hier j’ai reçu un poème inédit de Hardy le dernier qu’il ait écrit. Je l’ai immédiatement envoyé à Valéry en le priant de le traduire. Je lui disais en même temps que s’il ne pouvait vraiment pas de vous l’envoyer et alors cher ami j’espère que vous le ferais. Il faut un grand nom comme traducteur pour associer avec celui de Hardy2.

Je ne vous l’ai pas envoyé directement parceque je ne voulais pas vous demander un autre effort en ce moment si ce n’était pas necessaire. Ecrivezmoi vite je suis bien en peine pour vous.

Bien affectueusement

Lettre 242.

1 B-74.

2 Thomas Hardy est mort le 11 janvier 1928 ; le poème « Abatage d’un arbre » paraît dans le cahier XIV de l’hiver 1927, traduit par Valéry. Voir la correspondance avec Valéry.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE266

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Vendredi [ février-mars 1928]

Bien cher ami, Un tout petit mot en cas que vous n’ayez pas encore écrit à Claudel.

J’oublie si je vous avais demander d’insister auprès de lui pour un poème vue le charactère important que nous voulons donner à ce numéro I de la nouvelle série et puis peutêtre il vaut mieux ne pas trop en parler et que vaguement pour le moment 2 .

J’étais si heureuse de vous voir l’autre jour. Je vous écris avec la fenêtre ouverte au soleil ! Cela ne vous tente pas ?

Bien affectueuses amitiés

M. de B

J’écris à Fréret de conserver les épreuves de « l’Aviron » pour le moment3.

Lettre 243.

1 B-92 ; en-tête imprimé : vi LLa feui LLée / bou Levard de garavan / m enton garavan

2 C’est surtout Claudel qui a violemment réagi à la publication de « La Brebis galante », d’où l’intérêt stratégique d’obtenir un texte de lui pour marquer « ce numéro I de la nou velle série ». Il faudra attendre le cahier XIX du printemps 1929 pour qu’il contribue à nouveau à Commerce.

3 Il s’agit de la deuxième contribution de Liam O’Flaherty, « L’Aviron », qui sera publiée dans le cahier XVII de l’automne 1928.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 267 243

244

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Bien cher Ami, Je viens d’apprendre que vous êtes parti pour Vichy mais j’espère que vous serez de retour bientôt. Je suis ici depuis quelques jours et je désire tant vous voir. Nous sommes très en retard avec le prochain cahier et si vous aviez un texte dans deux semaines cela suffirait. Est-ce possible ? Mais je ne veux absolument pas que vous vous forciez à travailler. J’ai eu tant de peine à apprendre que vous aviez été si gravement malade. Il faut vous remettre tout-à-fait maintenant. Laissez-moi avoir une ligne de vous me disant com ment vous allez.

Bien, bien affectueusement à vous

245

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Samedi [avril 1928]

Très cher ami, J’étais si touchée de votre bonne, bonne et affectueuse lettre. Je ne peux pas vous dire combien.

Je suis ravie que vous pouvez déjà travailler et vous imaginez avec quelle joie j’apprends que ce travail est destiné à « Commerce » ! –

Lettre 244. 1 B-90. Cette lettre ne comporte aucun élément qui permette de la dater avec certitude.

Lettre 245. 1 B-52.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE268

Vous vous étonnez de n’avoir pas encore reçu « C » mais hélas nous ne paraîtrons que vers le 152. Fargue nous a fait perdre terriblement du temps3. Il faut essayer maintenant d’avoir un numéro en réserve. Je suis navrée que vous resterez si longtemps loin de Paris ! C’est bien longtemps à attendre jusqu’à Octobre pour vous voir. J’espère que ces mauvaises crises dont vous me parlez et qui au fond me semblent assai normale après une sérieuse maladie, dispa raitront entièrement et bien vite. Aussitôt que j’aurais une adresse j’aimerais vous envoyer quelques livres pour vous amuser. Cher ami je ne trouve pas le Bertault assai bien4, ni le texte de Miomandre (c’est tellement du sous Fargue)5 ni même peutêtre le Pommier6 – devant nos nouvelles exigeances qu’en pen sez-vous vraiment ? et certainement pas Chamisso7 – J’ai un texte que j’aime assai d’Alvaro que je vous enverrai dans quelques jours8. J’ai un poème d’Eliot pour le n° XV9. Il y a aussi en préparation « Le Cavalier de Bronze » de Pouchkine et une nouvelle de Pasternak, traduit par Hélène Isvolsky et revus par diverses authorités Russes et en dernier lieu j’espère par Paulhan10.

Claudel is a pig11 !! – Do you receive the Criterion and did you see the excellent article on your preface to Shakespeare’s sonnets12 ? Si non je vous l’enverrai – Votre lettre m’est arrivée juste au moment de notre départ de

2 Le 15 avril.

3 Le cahier XIV de l’hiver 1927 comporte, enfin, la deuxième partie du futur Vulturne, publiée sous le titre « Esquisses pour un paradis (fin) » en clôture du numéro.

4 Larbaud dans son Journal indique qu’il a tenté à plusieurs reprises de faire accepter François Berthault (1887-1934, auteur notamment de Cathédrale apparue, chez Gallimard en 1929) par Commerce : « M’enverra son livre avant le 15, et bientôt un MS que je voudrais bien faire passer à Commerce où on l’a déjà refusé deux fois » (Journal, samedi 31 octobre, p. 867).

5 Cette expression pour désigner Miomandre est récurrente.

6 Maurice Saillet indique Supervielle avec un point d’interrogation, mais nous ne savons pas de quel texte il s’agit.

7 Sans doute Giovanni Comisso jamais publié en effet (voir la lettre 229).

8 Larbaud refusera de traduire l’Italien Corrado Alvaro (1895-1956) dans la lettre suivante.

9 Le poème d’Eliot, « Perch’io non spero… », figure en tête du cahier XV du printemps 1928, p. 6-11.

10 Pouchkine, déjà présent en 1926 avec « Le Maure de Pierre le Grand » (cahier VII) est publié à nouveau dans le cahier XVI de l’été 1928. Il ne s’agit finalement pas du texte évoqué dans cette lettre, la traduction d’Hélène Iswolsky n’ayant pas été jugée assez bonne, mais du récit « Le Coup de feu », traduit cette fois par André Gide et Jacques Schiffrin. Voir la lettre 247. Pasternak, qui avait donné des poèmes à l’hiver 1925 dans le sixième cahier de Commerce, ne publiera en fait rien d’autre dans la revue.

11 Marguerite Caetani perd pourtant rarement sa mesure… Son exclamation fait suite à la réaction indignée de Claudel après la publication du conte de Péret.

12 Larbaud a rédigé la préface aux Sonnets de Shakespeare publié dans l’édition de la Pléiade en 1927.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 269

Menton et c’est pour cela que je ne vous ai pas répondu immédiatement. Paulhan est absent pour quelques jours – Valéry est aussi à Giens13 – Fargue je n’ai pas vu encore –Cher Ami je vous quitte pour aujourd’hui en esperant d’avoir très bientôt de vos nouvelles. Je n’oublie pas votre promesse de m’écrire souvent, mais je ne voudrais jamais que cela vous fatigue.

Bien, bien affectueusement

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

Marguerite di B.

38, 10 Via Casaregis, Gênes  ; – 10 Mai 1928.

Chère amie, pendant que je vous écrivais de Monaco, vous m’envoyiez, avec une aimable lettre, les MSS de François Berthault à mon adresse de Paris. Je les ai reçus ici, où je suis arrivé hier matin, et où je passerai une partie de l’été. Ainsi j’ai maintenant une adresse fixe, – enfin !

Il faut que je vous remercie encore de votre télégramme et de votre lettre exprimant votre opinion au sujet de « Deux artistes lyriques ». Cela m’a beaucoup encouragé, et j’ai travaillé avec entrain à l’autre « figure » com mencée pendant ma convalescence, celle de la « Nonnain », et aussi à la 9ème « Enfantine »2

13 Valéry quitte Paris le 14 mars 1928 pour Lyon d’abord, puis arrive le 23 mars à « La Polynésie » et y reste jusqu’au 25 avril (Jarrety, p. 713-715).

Lettre 246.

1 Enveloppe adressée à m adame La p rinCeSSe de baSSiano / vi LLa romaine / avenue d ougLaS h aig / à ver Sai LLeS / (-franCia). raCommandata Spedisce : M. Valery Larbaud / 38, 10 Via Casaregis / Gênes (Italie).

2 « Deux artistes lyriques » est publié dans Commerce, XV, printemps 1928, p. 111-136, celui que Larbaud désigne comme le « n° 1 de 1928 ». « Une Nonnain » sera publié dans le cahier XVII, automne 1928, p. 27-70. Ce texte est inspiré par un souvenir de l’été 1906 : Larbaud, très malade, fut soigné à Valbois par une jeune religieuse. Il n’y eut en revanche pas à proprement parler de « 9ème “Enfantine” ». Voir la lettre 241.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE270
246

J’ai lu et relu la nouvelle de Corrado Alvaro3. Décidément, c’est trop diffi cile pour moi. Il y a des nuances qui m’échappent, des choses d’une subtilité que mon italien ne fait qu’entrevoir. Je préfère donc renoncer à la traduire. Qui le ferait, je ne sais ; Baruzi ? Crémieux4 ? Je vais écrire à Alvaro pour le féliciter et pour lui exprimer mon regret. Voici donc la copie que vous m’aviez envoyée. Je vous enverrai très prochainement les poésies inédites de Ricardo Güiraldes, traduites par moi, dont je vous avais parlé. Il y en aura 7 ou 9, la plupart assez courtes, et je vous demanderai de choisir celles que vous dési rerez donner dans la revue5.

J’écris à Levé et à Leclerc ; ainsi ils auront mon adresse pour m’y envoyer les épreuves, et je ne tarderai pas à recevoir le n° 1 de 1928, que je n’ai pas encore vu, et dont je ne connais que le sommaire publié dans les pages d’an nonces de la NRF. Comme la nouvelle de Liam O’ Flaherty n’y figure pas, je pense que vous l’avez réservée pour le n° II, dans lequel il y aurait donc deux traductions de moi (poésies de Ricardo Güiraldes et « L’Aviron »). Mais vous déciderez de la convenance de cela. En tout cas, si une traduction doit avoir le pas sur l’autre, je vous demanderais que ce soit celle de Ricardo Güiraldes6. Vous l’aurez dans le courant de la semaine prochaine.

C’est fâcheux que Jean Paulhan soit si peu partisan de ce que fait Fr. Berthault7. Sans doute c’est quelqu’un qui cherche encore sa voie, qui n’a pas encore appris à se condenser ; mais par moments c’est rudement bien. Tant pis !

J’attends maintenant avec impatience la lettre « avec toutes les nouvelles de “Commerce” » que vous m’annoncez. A présent que j’ai une adresse fixe j’espère avoir plus souvent de vos nouvelles. Et merci pour les livres que vous m’annoncez. Je me permets de vous rappeler aussi l’article du « Criterion » sur l’introduction aux Sonnets de Shakespeare, dont vous m’avez parlé.

3 Voir la lettre précédente.

4 Joseph Baruzi (1876-1952) a traduit les « Prologues » de Vincenzo Cardarelli (Commerce, VII, printemps 1926) ; Benjamin Crémieux traduit à deux reprises pour Commerce, des poèmes de Leopardi (IV, printemps 1925) et « Aquarium » d’Emilio Cecchi. Aucun d’eux ne traduisit Alvaro, jamais publié dans la revue.

5 Après la mort de Ricardo Güiraldes le 8 octobre 1927, Larbaud multiplie les hom mages posthumes envers son grand ami en publiant des textes dans plusieurs revues (voir Rabaté, p. 452). Commerce publie un ensemble intitulé « Poèmes solitaires », Commerce, XV, printemps 1928, p. 90-107, regroupant neuf poèmes, dans leur version espagnole avec la traduction de Larbaud en regard.

6 La publication de Liam O’Flaherty « L’Aviron » est en effet repoussée au cahier XVII de l’automne 1928.

7 La seule mention de François Berthault, dans la correspondance retrouvée de la prin cesse avec Paulhan, est en 1926. Voir Brisset/Levie.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 271

Il fait un temps magnifique et qui me fait beaucoup de bien. Je mène une existence presque normale, et je me sens moins affaibli. Mais j’ai toujours à suivre un régime très sévère.

Au revoir, chère amie ; n’oubliez pas que j’attends vos nouvelles, qu’elles me font toujours plaisir et m’encouragent dans mon travail ; et croyez-moi bien fidèlement à vous, V. L. 38, 10 Via Casaregis à Gênes. 247

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 19 juin [1928]

Bien cher Ami, J’ai si honte de ce long silence que je ne sais pas où commencer –Ma seule excuse est que j’ai passé un fortnight en Allemagne avec Roffredo Berlin et Dresde pour voir la 1ère de Strauss qui vraiment n’en valait pas la peine et avant de partir j’étais très occupée avec Commerce pour que tout soit à point pour que nous puissions paraître à la fin de ce mois-ci. Aussi il faut que le numéro d’été paraisse à la fin juillet ce qui m’a poussé à vous envoyer la dépêche l’autre jour, mais c’est seulement au cas où vous avez quelque chose de prêt. Je ne veux pas que vous vous fatiguiez pour cela. Paulhan m’a cédé un fragment d’un nouveau roman de Supervielle qui est justement un voyage, très bien je trouve, et cela fait partie de ce prochain numéro ce qui ne l’empêchera pas de faire l’autre voyage pour nous qu’on publiera plus tard 2. Je vous envoie le sommaire que j’espère vous approuverez. Au sujet du vieux texte voici ce qui s’est passé – Hélène Isvolsky a traduit le « Cavalier de bronze » de Pouchkine et Mirsky a écrit une préface sur Pouchkine mais – j’ai trouvé que ce poème ne donnait rien

Lettre 247.

Jules Supervielle, « La Pampa aux yeux clos », Commerce, XV, printemps 1928, p. 139181. Ce sera la dernière contribution de Supervielle à Commerce

CORRESPONDANCE FRANÇAISE272
1 B-41. 2

en traduction et c’était à ce moment-là que je voulais combler le vide et que je vous ai télégraphié – Mais justement ces jours-ci Gide est venu déjeuner et il a proposé de donner un conte de Pouchkine qu’il venait de traduire avec Shiffrin. J’ai trouvé cela une excellente solution et j’ai demandé à Mirsky de changer un peu son essai, ce qui est déjà fait et tout cela paraîtra au cahier d’été3. Je vous renvoie le texte de Miomandre. C’est vraiment trop du sous Fargue non4 ? – Comment êtes-vous vraiment maintenant. Etes-vous satisfait de votre condition, des progrès que fait votre santé ? Je le souhaite de tout mon cœur. J’enverrai 15 exemplaires à Supervielle et 10 à Mme Guiraldes et il pensera à envoyer quelques numéros là-bas en Amérique du Sud 5 – Faut-il envoyer vos ex /s à Gênes ? Cher ami pardonnez moi et écrivez moi bien vite. J’ai demandé le numéro du Criterion à Eliot mais je le demanderais de nouveau. Il réorganise la revue sans lady Rothermere et comme Quaterly6.

Mes bien affectueuses et fidèles pensées

Marguerite di B.

3 Pouchkine figure bien dans le cahier XVI de l’été 1928, mais « Le Coup de feu » rem place « Le Cavalier de Bronze » initialement prévu, car la traduction d’Hélène Iswolsky a fait l’objet de plusieurs critiques. Mirsky écrit ainsi de façon assez condescendante à la princesse qu’il est « très curieux de lire la traduction de Hardy par Valéry, et aussi (quoique dans un autre sens), celle de Pouchkine par Hélène Iswolsky » (Lettre de D.S. Mirsky à Marguerite de Bassiano écrite en anglais, 21 février 1928, voir Levie/Smith). Mirsky, qui avait déjà commen cé à écrire un essai sur Pouchkine pour Commerce en rapport avec ce texte, n’a qu’à retoucher légèrement son article. Dans les treize pages de Commerce, il éclaire la question du style de Pouchkine à la fois poète et prosateur, et aborde aussi bien le roman historique inachevé « Le Maure de Pierre le Grand » publié dans le septième cahier de Commerce, « Le Cavalier de bronze », son dernier grand poème narratif considéré comme l’un de ses chefs-d’œuvre, et « Le Coup de feu », qui constitue l’un des cinq « Récits de Feu Ivan Petrovitch Belkine ».

4

C’est toujours le même commentaire…

La princesse compte envoyer quinze exemplaires des poèmes de Ricardo Güiraldes parus dans le quinzième cahier de Commerce (« Poèmes solitaires ») au franco-uruguayen Supervielle et à la veuve du poète, Adelina del Carril.

5

La revue d’Eliot, The Criterion, est fondée en 1922 et d’abord soutenue par l’aide financière de Lady Rothermere. La Vicomtesse se retirant en 1926, la revue est alors reprise par Faber and Gwyer Publishing (le futur Faber & Faber). Malgré son rayonnement sur la scène intellectuelle européenne, elle est confrontée à plusieurs crises financières et réorga nisations. Elle devient non plus trimestrielle mais mensuelle en 1927-1928, puis de nouveau trimestrielle. En janvier 1928, Eliot évoque dans une lettre à Marguerite de Bassiano la crise que connaît The Criterion et son soulagement face au retrait de la vicomtesse. S’il est sans doute excessif de considérer que Marguerite Caetani finance la revue d’Eliot, comme on peut le lire dans la correspondance annotée de James Joyce, et joue ainsi un rôle analogue à celui de Lady Rothermere, en revanche il est certain que la princesse a apporté une aide financière non négligeable à la revue d’Eliot.

6

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 273

Valery Larbaud à Marguerite Caetani

Gênes, 5 Juillet 1928.

Chère amie, je viens d’avoir l’agréable surprise de recevoir deux livres : Jungle Peace de Wm. Beebe, et The Sea and the Jungle de H. M. Tomlinson, et comme ils me sont envoyés par Galignani1, je crois ne pas me tromper en supposant que c’est encore à votre générosité que je les dois ; et je vous remercie de tout cœur. Je suis encore plongé dans la lecture de « The Road to Xanadu » ; vous m’avez fait connaître là un des plus grands livres de critique littéraire de notre époque 2 .

Pensant toujours vous donner « Une Nonnain » avant la fin de ce mois, j’ai porté à la dactylographe la première moitié de cet ouvrage, qu’elle copiera pendant que je terminerai la copie définitive de la seconde moitié. La longueur sera double de celle de « Deux artistes lyriques ». N’est-ce pas trop long3 ?

Je serai après demain soir à l’adresse que je vous ai déjà donnée, c’est à dire Via della Liggia 45 Sant’Ilario Ligure (Italie)

J’espère y avoir de vos bonnes nouvelles.

Lettre 248.

1 William Beebe (1877-1962), scientifique américain qui entreprit de nombreuses expé ditions pour la Société zoologique de New York, a publié Jungle Peace en 1918. Henry Major Tomlinson (1873-1958), écrivain et journaliste britannique, connu pour ses récits de voyage, a écrit en 1912 et publié en 1920 The Sea and the Jungle. La princesse a fait envoyer ces deux livres à Larbaud par l’intermédiaire de la célèbre librairie Galignani.

2 Larbaud écrit à son ami Marcel Ray le 30 juillet 1928 qu’il est plongé dans la « lecture d’un prodigieux bouquin de critique : The Road to Xanadu, – un cadeau de Mme de Bassiano, dans lequel l’auteur, John Livingston Lowes, de Cambridge (Mass.) montre qu’il a trouvé la source de chaque mot dans The Rhyme of the Ancient Mariner. Jamais on n’a poussé aussi loin la recherche de sources ; c’est prodigieux, et suppose dix ou quinze ans de lectures. / Et montre la parfaite, l’inimitable originalité de ce texte. » Correspondance Marcel Ray – Valery Larbaud, 1899-1937, t. III, 1921-1937, édition établie et annotée par Françoise Lioure, Gallimard, 1980, p. 118.

3 « Une Nonnain » occupe en effet quarante-quatre pages du cahier XVII de l’automne 1928 (p. 27-70), tandis que « Deux artistes lyriques » remplissaient vingt-six pages du numé ro XV du printemps 1928.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE274 248

Merci encore, chère amie, pour toutes ces marques d’amitié, et croyez-moi bien affectueusement à vous, V. Larbaud. 249

Valery Larbaud à Marguerite Caetani

45 Via della Liggia Sant’Ilario Ligure mercredi 25 Juillet [1928]

Chère amie, je reçois votre bonne et grande lettre qui m’a fait un bien vif plaisir. Je vois qu’il faut que j’adresse celle-ci à La Baule, puisqu’elles mettent trois jours pour aller d’ici en France. Je vous souhaite donc la bienvenue dans votre résidence d’été.

Je vous remercie beaucoup de prendre la peine de corriger les secondes épreuves d’« Actualité »1 ; en effet, si elles m’étaient envoyées ici elles pour raient arriver en retard chez Levé. Et je suis très heureux de savoir que ces pages vous ont plu. Elles sont écrites sur un thème que j’ai souvent traité : dans « A. O. Barnabooth », à la fin de « Fermina Márquez », dans « Le vain travail de voir divers pays », and it underlies almost everything I write2. M. Robert Tournaud, dans sa Note de la NRF (Février 1928) sur « Jaune-Bleu-Blanc », l’a vu et l’a très bien dit3. J’ai toute une série de Notes, plus ou moins informes, sur ce thème. Mais je sais que vous aussi pratiquez ce sujet de réflexions : ce que vous m’avez dit un jour au Ritz sur la mode et sur les manteaux de four rure que toutes les femmes autour de nous portaient comme un uniforme, et que vous auriez désiré être habillée de bure, – voilà le thème d’« Actualité » !

Je voulais absolument donner quelque chose à « Commerce » ; la « Nonnain »

Lettre 249.

1

« Actualité », Commerce, XVI, été 1928, p. 23-28.

2 « Et cela sous-tend presque tout ce que j’écris ».

3 Robert Tournaud, « JAUNE BLEU BLANC, PAR VALERY LARBAUD (ÉDITIONS DE LA N. R. F.) ROBERT TOURNAUD », rubrique : « Notes : littérature générale », La NRF, n° 173, février 1928, p. 247-250.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 275

n’était pas prête (sa cornette et sa guimpe encore de travers)4 ; j’ai pris deux de mes Notes sur la Mode et le Temps, et je les ai amalgamées de telle sorte que ces pages en sont sorties. La soudure ne se voit pas ; et vraiment il n’y a pas de soudure. Remarquez que c’est aussi un des thèmes de N. Hawthorne, – surtout dans cette curieuse série de Projets de Nouvelles qui se trouvent en appendice dans un de ses Diaries. Ces Projets sont, – en 2 ou 3 ou 10 lignes au plus, – plus beaux que plusieurs de ses Nouvelles composées. J’ai traduit cette série de Projets lorsque j’avais vingt ou vingt-deux ans ; j’ai offert cette traduction à La Revue Européenne lorsque André Germain m’a nommé membre du comité de lecture de cette revue (je voudrais bien pouvoir donner ma démission) ; on l’a fait copier à la machine, – et on ne l’a jamais publiée. Peut-être y a-t-il des droits d’auteur à payer. Mais vraiment j’aime mieux ces Projets que « The House of the Seven Gables » ou « The Scarlet Letter »5.

La « Nonnain » dort sa sieste d’été. Mais je crois qu’elle vous plaira. Je pense qu’elle fera de 60 à 70 pages de la revue.

Je suis impatient de voir ce numéro d’été. Et c’est un plaisir de penser qu’il y a quelque chose de Jean Paulhan. Et je suis curieux de voir ce que fait ce jeune inédit qu’il a découvert6.

Je n’ai pas encore lu la nouvelle de Jensen7. Je vous écris dix minutes après l’arrivée de votre lettre.

J’espère que « L’Aviron » pourra passer dans le n° XVII ou XVIII. « Barbara la Rouge » a eu beaucoup de succès8.

4 La contribution « Une Nonnain » sera en effet insérée dans le cahier suivant, Commerce, XVII, automne 1928, p. 27-70. En fait contrairement à ce qu’il estime dans la suite de la lettre, elle n’occupera pas «  60 à 70 pages de la revue », mais quarante-quatre.

5 Une contribution intitulée « Idées et germes de nouvelles » de Nathaniel Hawthorne sera traduite par Larbaud et publiée dans le cahier XVIII de Commerce (hiver 1928), p. 101111, précédée de dix pages introductives de Larbaud, « Note sur Nathaniel Hawthorne », p. 89-98. Larbaud préfère en effet les nouvelles de Hawthorne aux grands romans, et écrit ainsi que les fragments publiés par Commerce « portent sa marque, ils ont son accent, ils sont tout chargés de l’énergie que dégagent les meilleurs de ses écrits ; ce sont, en réalité, de petits poèmes » (Commerce, p. 98). Le texte est repris en plaquette chez Fata Morgana en 1979 avec des notes de Jean-Philippe Segonds.

6 Jean Paulhan donne « Sur un défaut de la pensée critique » au cahier XVI de l’été 1928, p. 31-52. Le « jeune inédit qu’il a découvert » est Jean Giono encore inconnu dont le court roman « Colline », p. 121-210, rencontra un immense succès.

7 Aucun texte de Jensen n’a été publié dans Commerce, qu’il s’agisse du danois Johannes Vilhelm Jensen (1873-1950), Prix Nobel de littérature en 1944, ou de l’Allemand Wilhelm Jensen (1837-1911), dont Freud commenta la nouvelle Gradiva.

8 « L’Aviron » fut en effet publié dans Commerce, XVII, automne 1928, p. 81-93. L’autre prose de Liam O’Flaherty « Barbara la Rouge » avait paru dans le treizième cahier.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE276

Il faut que je vous dise (soyez indulgente pour ma vanité) qu’un éditeur m’a déjà écrit pour me proposer de faire une plaquette de luxe de « Deux Artistes Lyriques »9.

Les épreuves d’une splendide édition de « Semaine Sainte », de Gabriel Miró, illustrée par J.G. Daragnès, sont devant moi sur la table. Et cela me fait penser que ce serait bien, si nous pouvions avoir un texte inédit de G. Miró (mais il est encore plus difficile à traduire qu’Alvaro.)10 Il y a aussi un Brésilien que j’aime beaucoup : Oswald de Andrade11. Et un Français que je mets presque sur le même rang que Jules Supervielle (comme Poëte) et de la même génération que lui : Emmanuel Lochac. Vous pouvez voir, de lui, dans le dernier n° du « Manuscrit Autographe », un poème intitulé « Après le dénouement » qui est tout à fait remarquable12. – A propos : je vois se former en Jules Supervielle un prosateur encore supérieur au Poëte de « Gravitations ». Les promesses contenues dans « L’Homme de la Pampa » et « Le voleur d’enfants » se réalisent pleinement. Et comme vous faites bien de l’encourager dans cette voie13 ! Nous vous devons tous beaucoup ; et L.P. Fargue, sans vous, n’aurait peut-être plus rien produit, gâchant son génie dans les conversations et la paresse. Je suis heureusement surpris de voir qu’il y aura encore quelque chose de lui dans le prochain numéro.

Ainsi, vous allez quitter Villa Romaine, et vous rapprocher de Paris14 ? Mais je vous verrai encore à Villa Romaine en Automne. Je ne pense pas rester longtemps à Paris : d’abord il m’est devenu très difficile d’y travailler (la ran çon du succès !!) et puis j’ai peur de l’hiver qui vient. Presque tout le « temps froid » que je pourrai passer loin de la Méditerranée, je devrai le consacrer à

9

C’est Gallimard qui publiera « Deux Artistes Lyriques » en 1929, dans une édition illustrée par seize eaux-fortes d’Alexandra Grinevsky.

10 Valery Larbaud avait traduit avec Noémi Larthe Semaine Sainte de Gabriel Miró publié en 1925 aux Éditions du Sagittaire. C’est seulement en 1931 que parut l’ouvrage tra duit et préfacé par Valery Larbaud, et illustré par Jean Gabriel Daragnès pour « Les XXX de Lyon ». Gabriel Miró en fait ne fut jamais publié dans Commerce

11 Cette nouvelle tentative pour faire publier Oswald de Andrade n’aboutit pas non plus.

12 Emmanuel Lochac (1886-1956) est l’un des jeunes écrivains pour lesquels Larbaud s’engagea ardemment. Il ne parvint pas à le faire publier dans Commerce, mais dans La NRF. Le numéro 15 du Manuscrit autographe de mai-juin 1928 publia en effet, outre des « Bouts de papier » de Larbaud, Emmanuel Lochac avec Après le dénouement (roman) (p. 101-107).

13 Larbaud a toujours plaidé pour son ami Jules Supervielle, qui venait de publier dans le cahier XV du printemps 1928 « La Pampa aux yeux clos » (p. 139-181). L’ Homme de la Pampa  avait paru en 1923, le recueil de poèmes Gravitations en 1925, et le roman Le Voleur d’enfants en 1926, tous chez Gallimard.

14 Les Bassiano ne quittèrent en fait pas la Villa Romaine de Versailles – sauf quand ils furent obligés de retourner à Rome.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 277

ma Mère. Ainsi je compte habiter Valbois jusqu’au début de Janvier, allant de temps en temps à Paris, puis en Janvier je repartirai pour l’Italie.

Un éditeur m’a demandé d’écrire un « Paul Valéry » pour une collection intitulée « Les Quarante », et j’ai accepté15. Valéry le sait. Mais pour écrire cela il faut absolument que je sois en contact avec mon « modèle », à qui j’ai beaucoup de questions à poser. Je vais tâcher d’arranger cela avec lui. Mais je me permets de vous demander votre appui, c’est à dire de l’engager à me donner une semaine. Au besoin je rentrerais en France plus tôt que je n’en avais l’intention, c’est à dire en Septembre.

Puisque vous voulez bien corriger les secondes épreuves d’« Actualité », voici le texte exact d’un passage où il y a peut-être une faute : « …grands magasins, – un infinitif analogue au substantif non précédé de l’article (« Commutateurs ») et qui se trouve chez la plupart des auteurs de ce temps. » Je me demande si l’imprimeur n’a pas sauté ce « et »16.

Chère amie, je suis honteux d’avoir écrit si longuement. Pardonnez-moi. Mais c’est le plaisir de causer avec vous. Merci pour tous vos encourage ments, qui me sont très précieux, et qui me font du bien.

15 Jacques des Gachons dirige la collection « Les Quarante » consacrée aux académi ciens. Larbaud a accepté d’écrire sur le fauteuil XXXVIII de Paul Valéry. L’ouvrage paraît en 1931 à la Librairie Félix Alcan. Larbaud écrit à Valéry le 20 août 1928 pour lui demander s’il veut bien lui rendre visite à Valbois en septembre ou en octobre, afin qu’il puisse réaliser un portrait et une biographie sommaire de lui (« Cela me permettrait de vous montrer tel que vous apparaissez à vos amis, et, par la même occasion, je donnerais de vous une image qui rectifierait les points de vue superficiels ou absurdes que la critique, par stupidité ou par malveillance, essaie toujours de faire passer pour exacts auprès du public, dès qu’un écrivain est en possession d’une grande renommée », coll. part.). Valéry passera deux jours chez Larbaud à Valbois en octobre 1928.

16 C’est en tout cas la bonne version que donne Commerce, à la dernière page de la contribution p. 28.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE278
Bien affectueusement à vous,

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Bien cher ami. Ne viendrez-vous pas du tout à Paris ? C’est tout-à-fait déso lant. Je me réjouissais tant de vous voir cette fin de mois d’Octobre ici. Il fait si doux et la campagne est merveilleuse à voir –

Nous resterons jusqu’a vers le 15 Nov. Je suis loin de vous avoir dit encore le grand, grand plaisir que m’a fait votre « Nonnain » et combien je regrette chaque page enlevé ! puisceque vous m’avez annoncé de 70 à 80 pages de Commerce. Je suis bien fière pour Commerce. Je ne vous ai pas écrit depuis très longtemps je sais mais j’ai eu tant à faire pour finir de com poser ce cahier. C’est toujours plus difficile après les vacances. Je n’arrivais absolument pas et en fouillant les archives de la N.R.F. Ce n’était pas un vieux texte dont j’avais besoin, nous avons un très amusant – une lettre de Frère Jean aux temps de Rutebœuf décrivant les Indes2. C’était un ou deux textes français dont j’avais le plus besoin. Mais ça s’arrange maintenant. Nous avons vous – Fargue – quelques poèmes de Max Jacob, ce vieux texte de très beaux poèmes d’un jeune Espagnol Lorca traduits par Supervielle l’Aviron et je pense mettre une très belle chose de Kassner pour compléter ce cahier3. Gide et Claudel ont promis pour le prochain4 Si vous ne devez pas venir à Paris avant notre départ je ne vous pardonnerai pas si vous ne venez pas nous voir dans le midi –

Nous avons pris une villa à Cannes –

Lettre 250.

1 B-63.

2 Anonyme, « Lettre du prestre Jehan à l’empereur de Rome », adapté et traduit par Louis Chevasson, p. 9-24, précédé d’une introduction d’une page d’André Malraux, Commerce, XVII, automne 1928.

3 La princesse annonce le sommaire du cahier XVII, qui publie en effet « Une nonnain » de Larbaud, la traduction de Federico García Lorca par Supervielle, et « La Chimère » de Kassner ; en revanche Fargue n’est publié que dans le cahier suivant, et Max Jacob n’y figure pas non plus.

4 Si Gide ouvre le cahier XVIII avec « Montaigne », p. 7-48, il faut attendre le numéro XIX pour lire Claudel (« Conversations dans le Loir-et-Cher », p. 7-81).

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 279 250

Je désire tant vous voir. Nous venons d’acheter la Villa Romaine. Je pense que vous approuverez n’est-ce pas ? Je vous envoie le dernier livre de Mrs Woolf qui est très amusant – Le Phare5

Bien cher Ami. J’ai été interrompu ici et j’ai bien honte d’avoir laissé trai ner si longtemps cette lettre.

Enfin Commerce marche et nous sortirons à la fin du mois ou à quelques jours de près6. De Kassner nous donnerons une chose que j’ai traduit dans le temps et que Groeth et Paulhan ont complètement refaite7. C’est très belle et originale je trouve et j’espère tant que cela vous plaira. Je suis si longtemps sans nouvelles de vous.

Nous restons encore jusqu’au 18 ou 20 j’espère avec ce beau temps qui dure comme par miracle. J’aimerais tant vous voir.

Dites moi vite quand vous croyez que je le pourrai.

Bien affectueusement à vous M. di B.

Je fais faire en ce moment un index de ce que Commerce a publié dans ces 4 années pour en faire une sorte de circulaire. C’est vraiment imposant et c’est vous qui avez le plus beau record8 ! – C’est merveilleux, ce que vous avez fait. Voici cher Ami de la part de Commerce – pour la 5ème année

5 Le titre est très difficile à déchiffrer : « Le Phare ? Les 7 hhrs ? Les Heures ? » mais le « dernier livre de Mrs Woolf qui est très amusant » doit être Orlando. Le roman Vers le phare (dont une partie avait été publiée dans Commerce) avait paru en 1927 en anglais et en français, Orlando en 1928, et le 23 octobre 1928 Virginia Woolf écrit à la princesse qu’elle est très heureuse qu’elle ait aimé Orlando (Archives Caetani).

6 Ce mot est peu lisible. Le cahier XVII n’a pas paru à la fin du mois d’octobre mais sans doute pas avant janvier 1929.

7 Marguerite Caetani avait entrepris de traduire « La Chimère » en français quand Rilke lui avait fait connaître l’œuvre de Rudolf Kassner en 1925. Sans surprise, le nom de la princesse n’apparaît pas du tout comme traductrice au sommaire de Commerce.

Marguerite Caetani fait composer un index des publications de Commerce à la fin de l’année 1928. Le nombre des contributions de Larbaud est en effet impressionnant. Voir Rabaté, Annexe 10.

8

CORRESPONDANCE FRANÇAISE280

251

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Samedi. [ fin 1928]

Bien cher Ami

Je vous envoie aujourd’hui par mandat les honoraires pour l’Aviron et pour Hawthorne avec la reconnaissance émue de Commerce 2. Dernièrement j’envoyais les honoraires après la publication et c’est la raison du retard en ce qui concerne « L’Aviron ». Je le regrette. J’attends avec grande impatience votre « Hawthorne »

J’ai été bien peinée de savoir que votre grippe vous a laissé si fatigué. Mais je pense que c’est caractéristique de la grippe cette année d’après ce qu’on me dit. Vous avez certainement besoin du Midi ! –

Cher ami je vous écrirai immédiatement quand j’aurais reçu « Hawthorne ». Je laisse à vous la rédistribution des notes si vous voulez bien sur épreuves –Bien affectueusement

M. di B.

252

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 3 Janv.[ier 1929]

Bien cher Ami Ne vous verrai-je donc jamais ? J’aurais tant de choses à vous dire !

Lettre 251.

1 B-97 ; en-tête imprimé : vi LLa Ca Ldana / quartier mont fLeury / CanneS a m

2 Les honoraires pour la traduction de « L’Aviron » de Liam O’Flaherty (Commerce, XVII, automne 1928) et la traduction de « Idées et germes de nouvelles » de Hawthorne (Commerce, XVIII, hiver 1928).

Lettre 252.

1 B-96 ; en-tête imprimé : vi LLa Ca Ldana / quartier mont fLeury / CanneS a m

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 281

Je pensais aller à Paris vers le 14 janv. pour 4 ou 5 jours mais à présent c’est plus probable que j’irai vers le 1er Février toujours pour 4 à 5 jours –tout le restant du temps je suis ici, où nous espérons tant vous voir –Gide nous a envoyé un essai sur Montaigne très intéressant je trouve. C’est entre les mains de Fréret. Aussi Limbour a finalement envoyé son « Cheval de Venise » que j’espère vous aimerez. Nous aurons un très beau texte presque entièrement in-édit d’un manuscript dans les archives des Affaires Etrangères de M. de Nointel, Ambassadeur sous Louis XIV que Groethuysen à trouvé. Valéry donnera quelque chose je pense – seulement j’ai peur – tou jours une préface 2 – mais dans l’état où il est on ne peut pas trop insister. Il vient de m’écrire une lettre sur son état général qui m’a beaucoup peinée. Quelle a été votre impression ? Pensez-vous pouvoir ajouter quelques mots au Hawthorne ? Ça sera vraiment une chose intéressante pour « C ».

Voulez-vous me donner le plus vite possible le titre exact que vous désirez pour notre annonce ? Vous ne m’avez pas parlé du n° qui vient de paraître ! – Vous ai-je dit que j’ai eu une lettre de Claudel nous promettant une chose importante dans le courant de cette année3 ?

Cher ami j’attends avec impatience une plus longue lettre que vous m’avez promise –

Bien affectueusement

Marguerite di B.

Il y a un certain froid entre Fargue et moi – comme je vous comprends !

2 Marguerite Caetani annonce à Larbaud le sommaire du numéro XVIII de l’hiver 1928 : André Gide, « Montaigne », p. 7-48 ; Georges Limbour, « Le Cheval de Venise », p. 115-149 ; Marquis de Nointel, « Dépêches d’un ambassadeur de France au XVIIe siècle (documents inédits) », p. 209-256. Le texte de Valéry « Léonard et les philosophes », p. 153205, est en effet la préface au livre de Leo Ferrero sur l’esthétique.

3 Claudel figure bien dans le cahier XIX.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE282

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 12 Janv [ier 1929]

Bien cher Ami, Je crains de vous avoir écrit la lettre où je vous disais que je trouvais que les « Notes pour Allen » n’étaient pas tout à fait pour « C » – un peu hâti vement, car depuis je les ai relues plusieurs fois et je les aime beaucoup2. Je vous y retrouve si bien – pas tellement le grand écrivain que la grande per sonnalité qui ne ressemble à personne de notre époque – ne pourrions nous pas les donner au numéro d’Avril ? Pour ce numéro-ci le Hawthorne irait mieux qu’au numéro d’Avril, car dans ce numéro-ci comme étranger nous n’avons qu’un ou deux poèmes de Roy Campbell que j’ai demandé à Morel de traduire3 et dans le prochain numéro nous avons une longue chose de Rémisov que j’aimerais mettre4 – et aussi le Gide est beaucoup plus long que je ne pensais (30 pages !)5 et nous aurons Fargue, Valéry, Limbour et un vieux texte inédit comme je vous l’ai écrit. Un numéro très brillant n’est-ce pas ?

Et votre visite ? Je pensais tellement que vous seriez venu il y a long temps déjà et que nous aurions pu discuter ensemble toute cette question de Commerce – Ne viendrez-vous jamais ?

J’attends avec impatience votre réponse

Bien affectueusement

Marguerite di B.

Lettre 253.

1 B-98 ; en-tête imprimé : vi LLa Ca Ldana / quartier mont fLeury / CanneS. a.m.

2 Commerce n’a pas pré-publié les « Notes pour Allen ». Une seconde édition d’Allen (la première datant d’avril 1927), illustrée par Paul Devaux, parut en 1929, enrichie du Prologue au lecteur et des Notes, et une troisième édition la même année chez Gallimard.

3 Le cahier XVIII de l’hiver 1928 comporte en effet la traduction de Hawthorne et des poèmes du sud-africain Roy Campbell (1901-1957), traduit de l’anglais non par Morel mais par Georges Limbour, p. 68-85.

4 L’écrivain russe Alexeï Rémisov (1877-1957) n’a jamais été publié dans Commerce.

5 « Montaigne » de Gide occupe in fine quarante-deux pages du cahier.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 283 253

254

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Villa Caldana La Californie Cannes Jeudi. [ février mars 1929 ?]

Bien cher Ami Quelle joie de vous revoir après si longtemps. Oui je serai là lundi. Je n’irai que jeudi ou vendredi prochain à Paris2. J’ai eu un peu de grippe ces jours-ci mais très bénigne – Télégraphiez moi l’heure de votre arrivée

Bien affectueusement

M. di B.

255

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Villa Caldana le 18 mars [1929]

Bien cher Ami Merci de votre grande bonne lettre que j’ai reçue au moment de mon départ pour passer une semaine à Paris.

Lettre 254. 1 B-104.

2

La princesse annonçait dans la lettre 252 qu’elle allait passer quatre ou cinq jours à Paris, mais elle est encore à Cannes au moment où Larbaud fait un tour dans le Midi (« Entre le 1er janvier et le début de février, Valery Larbaud réside à Vichy, puis se rend à Lyon, de là à Avignon, Marseille, Cannes et Monaco », Œuvres, p. Li).

Lettre 255. 1 B-105.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE284

J’avais l’intention de vous répondre de Paris mais j’étais si affolée de tout ce que j’ai trouvé à faire et j’ai dû passer presque toutes les journées entières à Versailles que je n’ai pas eu un moment de paix. En rentrant j’ai trouvé votre seconde lettre et ce matin le manuscrit est arrivé. Mais ne l’avons-nous pas déjà eu entre les mains ou en tout cas un qui le ressemble bien. Je ne l’ai pas lu encore. Commerce est vraiment magnifique. L’avez-vous vu encore ? Cher Larbaud donnez « l’Enfantine ». J’aimerais tant l’avoir – Si vous aviez jusqu’au 10 avril ! – Peutêtre la traduction on pourrait voir aussitôt termi née ? Je suis si heureuse que vous en êtes content. J’ai une masse de lettre a écrire alors je vous quitte pour aujourd’hui. Je suis si heureuse que vous vous trouvez bien à Rome. J’espère que l’année prochaine vous serez encore mieux !

Mille affectueuses amitiés

J’aime beaucoup votre Valéry2. Oh oui –

256

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

M. di B.

[ fin avril-mai 1929]

Villa Romaine

Bien cher Ami Voici enfin la lettre ! – Je suis si contente pour le vieux texte. Peutêtre pourrai-je l’avoir pour le 15 juin et le mettre au cahier d’Eté ? Et l’« Enfantine » quand pourrai-je l’avoir ? J’y tiens tellement pour ce numéro. Nous avons un très beau Suarès dans ce Cahier de Printemps (heureuse ment que le Printemps est en retard cette année !) la suite de son « voyage du

2 Il ne s’agit pas encore de l’ouvrage consacré à Valéry qui paraîtra au début de l’année 1931 dans la collection « Les quarante » de Jacques des Gachons, mais de l’article « Paul Valéry » que Larbaud fait paraître dans  La Revue de Paris du 1er mars 1929.

Lettre 256. 1 B-67.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 285

Condottiere »2. Vous l’aimerez certainement. Il est brouillé avec la NRF ainsi que Claudel 3 ! –Avez-vous vu « Nord » la revue de Stols plagiée sur « Commerce ». C’est fort et pas très chic je trouve. Il y a 03 articles que « C » a refusé ! – Si vous ne l’avez pas je vous l’enverrai. Il paraît qu’il y aura une seconde aussi imitée de « Commerce » faite par Ribemont-Dessaignes4 ! – Quel succès – ! –Cher ami je vous écrirai encore bien vite Bien affectueusement

Je voudrais avoir l’Enfantine pour mettre en tête de notre Cahier d’Eté.

2 André Suarès, « Voyage du condottiere », Commerce, XIX, printemps 1929, p. 107-200.

3 André Suarès écrit en effet à Marguerite Caetani le 25 avril 1929, en faisant référence au personnage du Songe d’une nuit d’été : « Tous les clowns ne sont pas aussi bons garçons que Bottom : je crains ceux de la rue de Grenelle qui, pendant la nuit, me jettent des sorts », désignant ainsi la maison Gallimard (voir Brisset/Levie, lettre 215). Paul Claudel avait envoyé à Gaston Gallimard une lettre furieuse le 9 février 1929 après la publication de Paul Léautaud (« J’ai déjà rompu avec la revue de M. Paulhan. Et mon nom ne pourra plus servir à la fois de piment, d’excuse et de couverture aux malpropretés et aux inepties dont l’équipe de pédérastes et de pions qu’il a recrutée remplit sa revue. L’inestimable collaboration de M. Léautaud qu’il a eu le génie de s’assurer consolera ses lecteurs »), et il faudra à l’éditeur toute sa diplomatie pour apaiser le poète. Correspondance Paul Claudel – Gaston Gallimard, 19111954, édition établie, présentée et annotée par Bernard Delvaille, Gallimard, 1995, p. 356.

4 Nord fait partie des nombreuses revues animées par Franz Hellens. Ressuscitant indi rectement Le Disque Vert sous un autre nom, elle est éditée par Stols lors de son premier numéro d’avril 1929. Nord ressemble en effet beaucoup à Commerce par sa présentation et par son esprit : même forme de cahiers trimestriels, même disposition du sommaire à la troisième page et non sur la couverture, même mise en page pour les « anciens textes ». Il est difficile d’identifier les trois textes que Commerce a refusés et que Nord publie dans son premier cahier, qui comporte, outre une « Chronique du Roman » par Georges Thialet, sept textes. Il pourrait s’agir de la contribution d’André Gaillard, « Les Chemins de la Passion », auteur que Paulhan a plusieurs fois tenté de faire accepter dans Commerce, ou du texte d’Henri Michaux « Braadkadbar », dont Marguerite Caetani a refusé certains manuscrits. Voir Sophie Levie « “Ouvert à tous, difficile cependant à ouvrir”. La revue belge Le Disque Vert 1921-1941 », Avant-Garde Critical Studies, Reviews. Zeitschriften. Revues, n° 9, édité par Sophie Levie, Amsterdam, Rodopi, 1994, p. 129. La revue Bifur, commanditée par PierreGaspard Lévy et dirigée par Georges Ribemont-Dessaignes assisté de Nino Frank, connut huit livraisons, parues irrégulièrement de mai 1929 à juin 1931.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE286

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 4 Mai [1929]

Bien cher Ami

Voici les épreuves revues par Barilli qui m’a écrit une lettre enthousiaste que je voudrais vous envoyer mais que je ne trouve pas en ce moment. C’est magnifique votre traduction 2 ! Et merci de tant de choses que vous m’avez envoyées ! surtout le beau « Allen »3.

Il me semble que le « vieux texte » que vous indiquez pourrait être bien intéressant. C’est gentil de penser si fidèlement à Commerce.

Je vous envoie ceci en hâte et vous écrirai bientôt plus longuement.

Bien affectueusement

J’espère de tout cœur que vous êtes complètement rétabli.

M. di B.

Lettre 257.

1 B-51.

2 « Vieille Parme » de Bruno Barilli traduit par Larbaud clôt le cahier XIX, printemps 1929, p. 203-230. Larbaud avait déjà traduit Barilli pour Commerce dans le cahier X de l’hiver 1926.

3 La princesse fait certainement référence à la troisième et définitive édition d’Allen en recueil à la NRF en 1929 (après la première édition en 1927, et la deuxième édition augmen tée des Notes et du Prologue au Lecteur en 1929 aux Horizons de France).

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 287 257

258

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Lundi [septembre ou octobre ? 1929] Villa Romaine

Bien cher Ami,

Je vous ai envoyé une dépêche à Valbois il y a quelques jours vous priant de me dire quand vous viendrez à Paris et la Poste a répondu que vous étiez absent. Je suis très perplexe mais à tout hasard je vous envoie un petit mot pour vous dire que nous restons ici au moins jusqu’à la fin du mois et j’espère tant vous voir – Il y avait encore quelques petites fautes dans Hydriotaphia que Caffi a corrigées. M lle Guillain a examiné le manuscrit à la Bibliothèque Nationale et elle trouve que certainement on trouverait des fragments très intéressants pour Commerce mais ça ressemble assai au Cardan que nous venons de donner alors je pense que pour le Cahier de Printemps on pour rait faire cela et elle se chargerait de faire le choix 2 –Vous m’avez écrit une si gentile lettre il y a quelque temps qui m’a infini ment touchée – Votre amitié est une bien belle chose dans ma vie.

Bien affectueusement

Lettre 258. 1 B-68.

2 Des « Fragments » de Jérôme Cardan traduit par Bernard Groethuysen figurent dans le cahier XX de l’été 1929, publié en fait sans doute en septembre 1929. La princesse évoque le texte de Sir Thomas Browne, « Hydriotaphia », qu’Andrea Caffi avait corrigé et dont la compagne de Groethuysen pourrait choisir des fragments. Larbaud traduira le chapitre V de « Hydriotaphia » pour le cahier XXI de l’automne 1929 (paru en décembre).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE288

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Menton, le 16 Fév [rier 1930]

Bien cher Ami.

Je vous ai laissé trop longtemps sans nouvelle car de cette façon je suis privée de vos nouvelles qui me manquent tellement quand je ne les ai pas très souvent.

J’ai eu beaucoup à écrire pour Commerce ces temps ci et j’ai eu les Groeths en visite. Maintenant nous sommes à la veille de notre départ. Nous prendrons mardi le S.S. « Roma » à Villefranche qui nous portera à Gênes et ensuite à Naples Jeudi matin. S’il fait beau temps ça sera amusant. Le soir même nous rentrons à Rome, Palazzo Caetani via delle Botteghe Oscure et à la fin du mois à notre villa 2. Je me sentirai un peu perdue les premiers temps à Rome. Ecrivez-moi vite.

J’ai envoyé le poème si touchant du Canadien 3 à Leger. Je n’en ai pas encore de nouvelles. Je suis contente que votre merveilleuse traduction a été appréciée – J’espère que votre mère va mieux, et que vous avez pu par tir vers le midi – malheureusement pour moi pas le vrai midi. Voulez-vous s’il vous plaît me donner l’adresse de Reyes4 – Nous avons un beau texte de Jean Giono que nous pourrons mettre dans le numéro de Printemps5.

Lettre 259. 1 B-95.

2 Roffredo et Marguerite de Bassiano ont acheté à Rome en 1924 la « Villa Caetani » ou « Villa Tre Madonne », Vicolo Tre Madonne. Ils y font des travaux à partir de 1927, et y vivent alternativement avec la Villa Romaine de Versailles. Ils doivent vendre la villa versaillaise en janvier 1933 pour des raisons d’argent, et ils vendent également la « Villa Tre Madonne » en 1934 lorsqu’ils s’installent au Palazzo Caetani de Rome, Via delle Botteghe Oscure 32, à la mort de la mère de Roffredo.

3 Ce mot est peu lisible.

4 Le Mexicain Alfonso Reyes (1889-1959) avait publié « Les Herbes du Tarahumara » dans le cahier XX de l’été 1929, avec le texte espagnol et la traduction de son ami Larbaud en regard – mais Larbaud n’a pas reçu à temps une des lettres de Reyes et n’a pas pu intégrer toutes les remarques du poète. La traduction comporte des erreurs flagrantes, qui furent remarquées et mortifièrent Larbaud.

5 Jean Giono n’a finalement contribué qu’une seule fois à Commerce avec « Colline » dans le cahier XVI de l’été 1928, mais d’autres textes faillirent être publiés. Giono se dit

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 289 259

Aurez-vous quelque chose pour ce numéro-là ? Fargue a remis son grand texte « l’Histoire de Ressorts » à ce numéro 6. Gide est à Roquebrune avec Les Bussy. Je l’ai vu plusieurs fois – « Œdipe » n’est pas encore fini7 – Je lis aux enfants l’histoire littéraire de l’Angleterre par Jusserand c’est tout-à-fait charmant. Je vais lire ses autres livres maintenant. Je leur lis aussi Chaucer qui est vraiment exquis8.

Cher ami je vous quitte à présent mais je vous écrirai de nouveau aussitôt arrivée là-bas.

Je vous envoie mille affectueuses pensées

prêt à trouver « quelques contes » pour Commerce (15 août 1928) et accepte de donner à la revue Regains le 25 février 1930 («  Regains ne paraîtra en volume qu’en octobre. Je crois donc que la parution dans le cahier de printemps irait parfaitement bien. »), qui est certai nement le texte sur lequel la princesse croit pouvoir compter (voir Brisset/Levie).

6 Aucun texte de Fargue intitulé « L’Histoire de Ressorts » n’a paru dans Commerce Voir la lettre 157.

7 « Œdipe » sera publié en tête du cahier XXV de l’automne 1930, p. 7-83. Gide l’a composé du 17 juin 1929 à novembre 1930 (Voir André Gide, Œdipe suivi de Brouillons et textes inédits, édition critique établie, présentée et annotée par Clara Debard, Champion, 2007). André Gide, lors de son séjour chez les Bussy dans leur maison « La Souco » à Roquebrune, évoque de nombreuses rencontres mais ne mentionne pas les Bassiano dans son Journal. Il semble même avoir oublié que c’est dans Commerce qu’il a publié « Dindiki » (« Ces derniers temps, les plus étranges coïncidences : à la Société Générale, je vais changer un chèque américain (pour paiement de Dindiki dans je ne sais plus quelle revue). ») à la date du 9 janvier 1930, André Gide, Journal 1889-1939, coll. “Bibliothèque de la Pléiade”, Gallimard, 1951, p. 965. Il note le 23 février : « Pas assez de ferveur pour remettre en fusion mon Œdipe, dont, au début de mon séjour ici, j’avais ressorti les fragments ; tout juste assez d’intelligence pour en percevoir les défauts », ibid., p. 970.

8 Jean Jules Jusserand (1855-1932), historien et diplomate, ambassadeur de France à Washington pendant plus de vingt ans, a écrit de nombreux ouvrages historiques dont Histoire littéraire du peuple anglais en trois volumes. La princesse lit sans doute à ses enfants Les Contes de Canterbury de Geoffrey Chaucer (c. 1340-1400).

CORRESPONDANCE FRANÇAISE290

260

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Lundi [16 mars 1930 ?]

Cher Ami merci merci du ravissant texte 2. Je vous prie de l’envoyer à Fréret pour les modifications. Je pars dans une heure pour Paris alors en toute hâte je vous envoie mes affectueuses amitiés M. di B. Morven le Gaelic est Max Jacob3 !

261

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Le 25 Mars [1930]

Cher Ami

Je ne sais vraiment comment m’excuser mais je pense que si vous aviez pu suivre ma vie de près depuis six semaines vous comprendriez tout de suite mon silence. J’ai veçu dans une confusion indescriptible d’abord trois semaines

Lettre 260.

1 B-57 ; en-tête imprimé : vi LLa Caetani / viCoLo tre m adonne / roma (136) teL 88942.

2 Il s’agit peut-être de « Trois belles mendiantes » qui ouvre le cahier XXIII du prin temps 1930.

3 Max Jacob a publié à trois reprises dans Commerce, d’abord sous son nom dans les cahiers III et VIII, puis sous le nom de Morven le Gaëlique en tête du cahier XXII de l’hiver 1929 (« Poèmes », p. 7-43). À partir de janvier 1927 « des poèmes d’inspiration bretonne, signés sous le pseudonyme Morvan/Morven le Gaélique commencent à paraître.

[…] Pour le choix du pseudonyme, la Saint Morvan, qui se fête localement le 22 septembre, jour où Max Jacob date l’apparition mystique de 1909, semble un élément majeur. » Max Jacob, Œuvres, édition établie, présentée et annotée par Antonio Rodriguez, Paris, Quarto Gallimard, 2012, p. 79. Voir aussi p. 1609-1613.

Lettre 261.

1 B-59 ; en-tête imprimé Villa Caetani / Vicolo tre Madonne / Roma (136) teL. 88492.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 291

au palais passant toute la journée ici et finalement ici dans une sorte de chantier, essayant malgré tout d’organiser la vie des enfants et un peu la mienne 2. Aussi il y a deux jours je reviens d’une semaine passée à Paris pour Commerce – qui paraîtra fin de ce mois. Je désire que le cahier de Printemps paraisse fin Mai et je serais bien heureuse de savoir si vous donnez quelque chose comme je l’espère et de quelle importance3.

Il faudrait le texte avant la fin avril vers le 20 possiblement –Voici enfin ce que « C » vous doit pour 1930 et pour la dernière traduction4

Laissez moi avoir vite de vos nouvelles Affectueusement

2 La princesse, à Rome, est partagée entre le Palazzo Caetani et la Villa Caetani.

3 Le cahier XXII de l’hiver 1929 a paru avec beaucoup de retard entre la fin du mois de mars et le début du mois d’avril 1930. La princesse souhaite que le numéro XXIII du printemps 1930 paraisse à la fin du mois de mai – il sera en réalité publié dans la deuxième quinzaine de juin 1930. Larbaud donnera pour ce cahier « Trois belle mendiantes » qui figurera en tête, p. 7-30. La « confusion indescriptible » dans laquelle elle se trouve pourrait expliquer qu’elle ait oublié qu’elle remerciait Larbaud pour son « ravissant texte » dans sa lettre précédente.

4 Marguerite Caetani lui envoie un chèque correspondant à ses honoraires de directeur de Commerce ainsi qu’à sa traduction, celle de Sir Thomas Browne dans le cahier XXI. Larbaud se montre très inquiet du versement de ses appointements dans ses lettres à Valéry. Il touche habituellement ses honoraires de co-directeur en novembre de l’année précédente, sauf en novembre 1926 (il demande conseil à Valéry le 28 janvier 1927), et à la fin de l’année 1929. Il s’en préoccupe de nouveau auprès de son ami dans une lettre du 10 janvier 1930 ; le 19 mars 1930, il explique à Valéry que la princesse lui a promis en janvier de lui livrer ses honoraires en février ; et c’est seulement dans cette lettre, donc le 25 mars 1930, qu’elle lui envoie le chèque. Ces préoccupations montrent bien que Commerce est, malgré toutes les dénégations possibles, aussi, une affaire « commerçante » pour les directeurs. Précisons toutefois que lorsque la princesse, à la fin de l’année 1930, lui demande de renoncer à ses honoraires, Larbaud accepte bien évidemment. S’il ne donne presque plus de textes à la revue, c’est parce que ses problèmes de santé commencent à s’aggraver.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE292

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

[ajout en haut à gauche] Camillo va bien et il est déjà à Versailles avec Caffi pour commencer ses études2

St. Lunaire Jeudi [ fin août 1930]

Bien cher Ami. Merci de tout cœur de vous être occupé immédiatement de cette anthologie3. C’est du reste fort curieux que vous n’en saviez rien – Si vous n’êtes pas un des prêtres de la N.R.F. La N.R.F. n’a pas de prêtres il me semble ! Je suis tout-à-fait enchantée que vous pensez venir à Paris au

Lettre 262.

1 B-115. La lettre est accompagnée de plusieurs feuillets de la main de la princesse récapitulant les différentes traductions de poèmes de Saint-John Perse, pour lesquelles elle a joué un rôle majeur. La traduction d’Anabase en allemand (que Rilke n’avait pas souhaité entreprendre) par Walter Benjamin et Bernard Groethuysen n’a pas été publiée. Mais la « préface de Hugo von Hofmnansthal (en préparation) » à Anabase, publiée en parallèle dans Die neue Schweizer Rundschau, figure en tête du cahier XX de Commerce (été 1929), sous le titre « Émancipation du lyrisme français », p. 7-11. La traduction en italien par Ungaretti, à laquelle il travaille avec enthousiasme en 1926, est publiée pour la première fois à Turin en 1931 dans la revue Fronte, n° 2.

2 Andrea Caffi (1887-1955), historien et journaliste, recommandé par Ungaretti comme un de ses plus anciens amis, pour être le précepteur de Camillo Caetani, le fils de Marguerite.

3 Plusieurs lettres échangées entre Larbaud et Paulhan au mois d’août 1930 concernent cette Anthologie des Poëtes de la NRF, qui comprend une soixantaine de poètes publiés aux Éditions de la NRF et ne sera publiée qu’en 1936, avec une préface de Valéry. Larbaud explique qu’il n’était pas au courant de la préparation de cette anthologie. Il va répondre avec beaucoup de soin à la demande de la princesse qui le sollicite pour qu’il fasse la sélection des poèmes de Saint-John Perse qui n’a pas le temps de s’en occuper lui-même.

Voir la lettre de Larbaud à Paulhan du 13 août 1930 (Larbaud/Paulhan, p. 193-194), et du 2 septembre qui montre l’investissement total de Larbaud dans cette tâche (« Le choix n’est pas une petite affaire, et je suis tourmenté par la crainte de ne pas faire ce que l’auteur aurait souhaité. Je sens toute ma responsabilité »), ibid., p. 200. Larbaud veut lui donner le maximum de pages (Saint-John Perse aura en effet douze pages) et indique à Paulhan : « Il faut ajouter aussi une bibliographie et la date et le lieu de naissance. […] Pour la bibliographie, j’ai, je crois, tout ce qui existe excepté la traduction allemande ». Les feuillets joints à la lettre de Marguerite Caetani montrent qu’elle a fourni les rensei gnements à Larbaud et qu’elle s’est elle-même beaucoup préoccupée de Saint-John Perse pour cette anthologie.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 293 262

FRANÇAISE

commencement de Septembre. Il y a bien trop longtemps que nous ne nous sommes pas vus. Mais je serais trop déçue si après tout vous ne venez pas –Je serai à Versailles Mercredi de la semaine prochaine et Commerce doit sortir apeu près en même temps. C’est bien triste que votre travail souffre en ce moment et votre santé aussi. Comment ferez-vous cet hiver ? Et votre visite à Rome ? Encore merci cher Ami et à bientôt j’espère. Bien affectueusement

Traductions d’« Anabase » suite4. En Italien. Par Giuseppe Ungaretti préface du traducteur. Torino. Fratelli Buratti (en préparation)

Traduction d’« Eloges »

Traduction en anglais de fragments de « Pour fêter une Enfance » d’« Eloges » d’« Images à Crusoë » par Eugène Jolas. Revue « Transition » Feb.1928

Nouvelle Revue française « Images à Crusoë » 1 Av. 1909 « Eloges » ? 1910 Anabase (fragments) 1 Janv 1924 Hommage à Jacques Rivière ? 1925 ?

Revue Intentions Chanson. Mars 1924 Commerce

« Amitié du Prince » cahier I « Chanson » III

Adaptation de « The Hollow men » de T.S. Eliot III

Editions Gallimard

« Eloges » 6 juil. 1911 « Eloges » 1925

4 Feuillets joints à la lettre.

CORRESPONDANCE
294

« Anabase » 1924

« Anabase » 1925

« Amitiés du Prince » facsimilé exécuté par Jacomet pour R. Davis 28 Déc. 1924

Traductions de « Anabase »

En Russe par G. Adamovitch et G. Ivanoff avec préface de V.L . Paris J. Povolozky, 1926

En Anglais par T.S. Eliot avec préface du traducteur London, Faber + Faber, 1930

En Allemand par Walter Benjamin et B. Groethuysen Leipzig Insel Verlag préface de Hugo von Hofmnansthal (en préparation) 263

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

New Year’s Day [31 décembre 1930]

Bien cher Ami Cette lettre vous apporte tous mes souhaits les plus affectueux pour la nouvelle année et qu’elle puisse vous consoler de ces mauvais mois que vous venez de traverser. Que notre amitié devienne toujours plus sûre et plus pro fonde et que votre œuvre soit enrichie d’une façon incalculable par ce que vous donnerez cette année à « C » j’espère ! A propos de « C » je voulais vous en parler depuis quelques temps, en vous priant de me venir en aide en ce moment si difficile quand « Commerce » est devenu un très lourd poids pour moi – avec la presque totale défection des libraires et un peu plus de réclame que j’ai jugé nécessaire de faire – Cette année la revue ne paye pas même la moitié de l’imprimerie – n’en parlons pas des collaborateurs – Je veux bien et je tiens à cœur de faire tout ce que je peux en diminuant toutes mes autres dépenses au minimum, et j’espère pouvoir tenir coute que coute

Lettre 263. 1 B-56 ; en-tête imprimé : vi LLa Caetani / viCoLo tre m adonne / roma (136) teL. 88492.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 295

mais on est frappée de tous les côtés en ce moment et j’étais persuadée que si vous compreniez la situation telle qu’elle est à présent vous seriez trop heu reux to lessen my burdens2 de la somme que « C » vous donne tous les ans. Je viens de recevoir des nouvelles de l’Amérique d’après lesquelles j’ai bien peur de devoir renoncer temporairement à une partie de mes rentes pour aider aux locataires de passer cette crise épouvantable, car si on les renvoye par cequ’ils ne payent pas on craint de ne trouver personne pour les remplacer.

C’est un bien mauvais moment. Espérons que cela ne se prolongera pas trop. Merci de votre bonne lettre et de vos bons souhaits. Je vous renouvelle les miens et vous prie de m’écrire bien vite.

Votre bien affectueuse

Marguerite di Bassiano

264

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

9 Janvier 1931.

Chère amie, au retour de mon petit voyage en Bretagne j’ai eu le grand plaisir de trouver votre bonne lettre et vos vœux pour la nouvelle année. Je vous en remercie de tout cœur, et je suis bien touché de toutes les marques d’amitié que vous me donnez.

Comme je vous le disais dans ma dernière lettre, je ne vais pas beaucoup mieux qu’en Novembre, et dès que je le pourrai je partirai pour le Midi, mais je ne sais pas encore où j’irai. Ce ne sera guère qu’à la fin du mois, car je m’attends d’un jour à l’autre à être appelé en Bourbonnais par le notaire qui s’occupe des affaires de la succession de ma Mère 2. Cela ne va pas tout seul ;

2 « D’alléger mon fardeau ». Il est sans doute le seul à avoir été ainsi sollicité, et accepte sans hésiter.

Lettre 264.

1 Lettre entièrement cernée d’un liseré noir de deuil. En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine. ve .

2 La mère de Larbaud est décédée le 11 octobre 1930.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE296

le règlement sera plus long que je l’avais pensé, et jusqu’à ce qu’il soit termi né j’aurai de grosses charges d’entretien et d’impôts, sans parler des formi dables droits à payer à l’Etat. Ce sont de gros soucis, et plus pénibles encore dans mon état de santé.

Cependant je tâche de me remettre au travail et j’espère encore pouvoir vous envoyer un texte pour la fin du mois ou les premiers jours de février. En tout cas, je pense qu’une fois dans le Midi je pourrai à la fois me soigner et travailler. Ici c’est à peu près impossible, car aussitôt qu’on me sait ici, je suis harcelé par les démarches d’une foule d’importuns. Je suis obligé non seulement de condamner ma porte, mais de faire croire que je suis absent.

En ce qui concerne « Commerce », je comprends la situation dont vous me parlez, et je saisis sans aucune hésitation cette occasion de vous témoi gner ma gratitude et mon attachement pour la revue en renonçant à mes honoraires de co-directeur pour cette année. Je souhaite que les choses s’arrangent et que la solide situation littéraire de la revue lui permette de se faire aussi une solide situation financière au cours des années qui viennent. Il serait bien dommage qu’elle sombrât. Et soyez remerciée pour les sacri fices que vous avez faits et que vous faites pour elle !

Je n’ai reçu aucun manuscrit intéressant, dans ces derniers temps. En général ce sont les débutants les moins bien doués qui sont les plus impor tuns pour faire lire et vouloir répandre leurs productions. Les meilleurs se cachent. C’est le cas de ce Jacques Audiberti dont je vous ai parlé3. Il n’a jamais songé à envoyer le moindre manuscrit à une revue ; il a fait imprimer à ses frais, et bien difficilement, son recueil, « L’Empire et la Trappe », dont il n’a envoyé qu’un petit nombre d’exemplaires ; et un à moi, sans flatterie dans la dédicace, sans lettre apologétique ou explicative, sans avoir cherché à me voir. Mais j’ai trouvé que ce livre était plein de choses excellentes, et je lui ai écrit. Il m’a répondu, mais sans chercher à me voir, et en ne me parlant que de lui-même, sans un mot d’« admiration », etc. Cela me plaît, et je lui ai demandé des inédits. Je lui ai dit aussi de vous adresser un exemplaire de son livre. Je serais bien content de savoir ce que vous en pensez.

Au revoir, chère amie ; mais où et quand aurai-je le grand plaisir de vous revoir ? Vous m’avez dit que vous seriez ici en Mars, mais il est peu probable

3 Le recueil de poèmes L’ Empire et la Trappe  a été publié à compte d’auteur par la Librairie du Carrefour en 1930. Larbaud mène une campagne insistante auprès de la princesse et de Paulhan pour Jacques Audiberti (1899-1965), totalement inconnu à l’époque. Audiberti pourtant ne sera jamais publié dans Commerce. Pour le rôle majeur joué par Larbaud dans les débuts littéraires d’Audiberti, voir L’ Ouvre-boîte, Cahiers Jacques Audiberti, mai-juin 1979, lettres de Jacques Audiberti à Valery Larbaud.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 297

CORRESPONDANCE FRANÇAISE

que j’y sois. J’y pourrais cependant venir pour quelques jours, et tout juste pour vous rencontrer, si je sais exactement la date de votre retour et la durée de votre séjour. De mon côté je vous écrirai avant mon départ et ensuite de la ville où je serai pour la fin de l’hiver.

Je vous prie de me rappeler au bon souvenir du Prince et de saluer pour moi vos charmants enfants.

Bien affectueusement à vous,

265

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Valery Larbaud.

le 22 Janv.[ier 1931]

Bien cher Ami. Merci vous m’avez écrit une lettre si charmante et affec tueuse. J’espère que vous irez mieux maintenant et je suis navrée de savoir que vous restez si fatigué. Il vous faut le soleil et surtout l’Italie ! – Je serai si heureuse si vous pouvez donner votre texte au prochain cahier. Vous me direz n’est ce pas aussitôt que vous en êtes sûr et de combien de pages ça consiste ?

Ceci est un petit mot seulement mais je vous écrirai de nouveau bientôt.

Bien affectueusement

Marguerite di B.

Lettre 265. 1 B-55 ; en-tête imprimé : vi LLa Caetani / viCoLo tre m adonne / roma (136) / teL. 88492.

298

266

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 18 mars [1931]

Très cher Ami

Pardonnez-moi ! Je désire tant avoir vos nouvelles. Je vous prie de m’écrire un mot me disant comment vous allez. Lélia et moi seront à Versailles vers le 15 Avril. Serez-vous toujours à Paris ? Je l’espère de tout cœur. Je mène une vie très mondaine en ce moment qui m’ennuie un peu. Je vois beaucoup de monde de Ungaretti à Grandi 2 – Beaucoup qui me parlent de vous – Kassner est avec nous en ce moment3.

Cher ami écrivez vite et croyez à la profonde amitié de Marguerite di B.

267

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

19 Avril 1931.

Chère amie, nos lettres se sont encore une fois croisées en route. Je viens de recevoir la vôtre, sans doute à l’heure même où vous receviez la mienne.

Lettre 266.

1 B-58 ; en-tête imprimé : vi LLa Caetani / viCoLo tre m adonne / roma (136) / teL 88492.

2 Le nom est peu lisible mais il s’agit sans doute de Dino Grandi (1895-1988), comte de Mordano, homme politique très influent sous le régime de Mussolini.

3 Rudolf Kassner est à Rome à la Villa Caetani du 9 mars 1931 à la fin du mois.

Lettre 267.

1 Lettre entièrement cernée d’un liseré noir de deuil. En-tête imprimé : 71 rue du Cardina L-Lemoine ve

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 299

Je suis fâché d’apprendre que votre départ se trouve encore retardé de quelques jours, et que ce retard soit dû à de si fâcheuses causes. J’espère qu’au moment où cette lettre vous parviendra la santé du Prince sera com plètement rétablie ; et je vous prie de me rappeler à son bon souvenir. Auraije le plaisir de le revoir à Versailles prochainement ?

Comme je vous l’ai dit, mon traitement doit m’immobiliser à Paris jusqu’à la fin de Juin. J’aurai cependant un intervalle de repos dans le courant de Mai, et j’irai en Bourbonnais pour m’occuper du règlement des affaires que vous savez. Mais je serai de retour avant la fin du mois.

Vous me demandez si j’aurai quelque chose pour le numéro de Printemps de « Commerce ». Je le voudrais bien ; mais voilà plus de sept mois que j’ai abandonné tout travail, d’abord parce que j’en étais incapable, ensuite parce que mon médecin me l’a défendu. Il me dit à présent que je pour rais m’y remettre, mais avec modération. Il m’est bien difficile de travailler « avec modération » ! Cependant je voudrais tant donner quelque chose à la revue 2

Vous me direz quelle est la date limite pour le numéro de Printemps, et alors je verrai si je peux mener à bien quelqu’un de mes projets d’écrits courts, qui serait prêt à la date indiquée.

Au revoir, chère amie ; et enfin : à bientôt. J’espère que vous ferez un bon voyage, et en attendant le très grand plaisir de vous revoir, je vous envoie mes plus amicales pensées.

2 La santé de Larbaud est toujours incertaine, et, depuis le cahier XXIV de l’été 1930, il n’a plus contribué à Commerce. Il donnera seulement une ultime contribution dans le dernier numéro daté de l’hiver 1932. Larbaud a toujours eu du mal à « travailler avec modé ration ». On peut ainsi citer un extrait de ses notes autobiographiques : « Je pense que, non pas la description d’une de mes journées de travail, mais mon travail, le travail, devrait être présenté comme le principe fondamental et déterminant de ma biographie. (“Vivre pour travailler”, encore une fois.) », dans Notes pour servir à ma biographie (An uneventful one), notes et postface par Françoise Lioure, Éditions Claire Paulhan, 2006, p. 60.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE300

268

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Vendredi. [5 février 1932]

Cher Ami. Voulez-vous venir a cette Réunion ce soir Palazzo del Grillo ? J’y serai et si heureuse de vous y voir2 –

Pouvez-vous venir demain ici vers 6 hrs me voir tranquillement ?

Bien des pensées affectueuses

269

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Marguerite di B.

Palazzo Caetani le 10 Mars [1932]

Bien cher ami J’ai à vous remercier de tant de choses – vos lettres charmantes – les articles de journaux – manuscrits ! – Je suis si heureuse que malgré les quelques jours que vous avez dû rester à l’hôtel à vous soigner, vous avez remporté un bon souvenir de Rome et surtout que vous êtes convaincu d’y compter des amis et des admirateurs parmi vos plus dévoués2. Il faudrait une visite annuelle au moins ! – J’espère que vous allez bien tous les deux et que votre voyage se déroule sous les meilleures conditions possible.

Lettre 268.

1 B-54 ; en-tête imprimé : pa Lazzo Caetani. / roma. Ajout au crayon : 5 février 1932.

2 Larbaud est à Rome au début de 1932.

Lettre 269.

1 B-61.

2 Larbaud venait de passer quinze jours à Rome et de visiter le Vatican.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 301

Je pense que le Printemps s’approche enfin. Quelle tristesse pour Léger la mort de Briand 3. Il en sera très affligé. C’est aussi une terrible perte pour la France.

J’irai à Paris dans une semaine ou immédiatement après Pâques mais pour quelques jours seulement. Nous devrions recevoir « Commerce » d’un jour à l’autre4. Vos lettres me font toujours tellement plaisir.

Bien affectueusement à vous deux

Marguerite di Bassiano

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Le 3 juillet [1932]

Très cher ami. Excusez-moi je vous prie de mon long silence et croyez que j’ai si souvent pensé à vous et avec une vraie et profonde affection. D’abord je ne savais pas très bien où vous écrire et ensuite ce qui est bien la vraie raison je ne savais quoi décider pour « Commerce » et je voulais tout de même vous dire quelque chose de certaine –

Je n’ai pas tout-à-fait décidé car je viens d’écrire pour un rapport détaillé et sur ça je déciderai mais hélas je crains bien que je serai forcée de voter pour la suspension au moins pendant quelques temps. Tout est par trop incertain et l’avenir semble si terriblement incertain. Roffredo est en ce moment à Paris essayant en vain de vendre ou louer la Villa Romaine qui est un si lourd poids à porter dans les circonstances actuelles2. Et tout est comme ça. Peutetre dans un an ou deux ça ira mieux. Espérons.

Léger a en mains les manuscrits de vos protégés et je lui demanderai de vous les remettre. Il paraît qu’il est surmené comme jamais avant. C’est tout

3

Aristide Briand est mort le 7 mars 1932.

4 Il s’agit de l’ultime cahier XXIX, même si la princesse ne sait pas encore que ce sera le dernier numéro.

Lettre 270.

1 B-60 ; en-tête imprimé : Palazzo Caetani / 32 Via Botteghe Oscure / Tel. 51-033 / ROMA (18).

2 La Villa Romaine sera vendue en janvier 1933. Voir la lettre 259.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE302
270

de même terrible et combien de temps supportera-t-il cette vie – Ne l’avezvous pas vu ? Si nous vendons la villa maintenant il faudrait que j’aille à Paris. Si non je n’irai qu’en Octobre. J’espère que vous allez aussi bien que possible et en même temps que mes meilleurs souvenirs à votre femme3 je vous envoie mes très affectueuses et fidèles amitiés Marguerite di Bassiano

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

7 Av. Matignon 2 New Year’s Day [31 décembre 1932]

Cher Ami Merci de vos vœux si affectueux que j’ai reçus ce matin et qui m’ont fait bien plaisir.

J’aimerais tant vous voir mais j’ai bien peur que le 20 je serai de retour à Rome. Nous n’avons pas encore vendu la Villa mais nous avons encore un peu d’espoir pour cette semaine.

Je vais peutêtre fixer un minuscule appartement ici pour y mettre toutes les choses que je ne vends pas3. Vous voyez que tout ceci est très vague et sujet à modification qui peutêtre me retiendront encore ici. De toute façon faites moi savoir dès votre arrivée. Il fait un temps de Printemps vraiment ce qui est une chance pour nous en ce moment. Bien cher ami je vous envoie à tous les deux mes très affectueux vœux pour l’année 1933 et l’espoir de vous voir avant de partir.

3 C’est la première mention de Maria Angela Nebbia (1881-1965), que Larbaud avait rencon trée à Gênes en 1922, et qui devint sa compagne jusqu’à la fin de sa vie. Larbaud ne pouvait pré senter Maria Nebbia, déjà mariée mais séparée de son époux, à sa mère, et en souffrit beaucoup.

Lettre 271.

1 B-45.

2 C’est l’adresse du Berkeley, célèbre hôtel et bar-restaurant du VIIIe arrondissement de Paris, lieu de rendez-vous du Tout-Paris chic et cosmopolite.

3 Marguerite Caetani achètera un appartement au 4 rue du Cirque dans le VIIIe arron dissement, qu’elle conservera jusqu’en 1957.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 303
271

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

le 10 sept.[embre 1933 ?]

Bien cher ami, J’ai été si mal pour vous que je ne sais plus quoi vous dire. Je ne com prends plus comment j’ai pu laisser passer tant de semaines et de mois sans vous écrire. Pouvez-vous me pardonner ? J’ai pensé si souvent et avec tant d’affection fidèle à vous. J’espère bien vous voir bientôt. Je suis ici chez Beauvau pour quelques jours2. Les enfants sont avec moi et dans quelques jours je serai à Paris rue du Cirque. Quels sont vos projets ? Je resterai à Paris avec Lélia jusqu’à vers le milieu de Novembre. Je sais que j’ai aussi à vous féliciter d’une nouvelle honneur récente toujours bien audessous de tout ce qu’on vous doit3 ! – Présentez mes meilleurs souvenirs à votre femme et j’espère avoir de bonnes nouvelles de vous bientôt. Bien affectueusement Marguerite di Bassiano

Lettre 272.

1 B-53 ; en-tête imprimé : Château de Craon / Haroué (M. & Moselle).

2 Chez le prince Charles-Louis de Beauvau-Craon, qui possédait le château Craon à Haroué en Meurthe-et-Moselle, dans la région de Lothringen, et résidait dans le XVIe arrondissement de Paris (Bohnenkamp/Levie, p. 107-108). Voir les lettres 84 et 96.

3 La lettre date vraisemblablement de 1933, mais il n’est pas exclu qu’elle soit plus tar dive. L’« honneur récente » pourrait correspondre au 23 août 1933, quand il est promu offi cier de la Légion d’honneur. À moins qu’il ne s’agisse de son élection en tant que membre de l’Académie Mallarmé le 5 mai 1937 – et la princesse s’excuserait de ne le féliciter qu’en septembre.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE304 272

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Palazzo Caetani le 18 Janv. [1934]

Bien cher Ami, Pardon de ne pas vous avoir remercier de suite du charmant petit livre2 mais il y avait un projet sur pied qui ne vient que maintenant de se préciser et je voulais vous en parler en même temps. Voici voulez-vous venir au moment que vous choisirez avant le 15 Mars (Février serait mieux) faire une confé rence sur le sujet que vous voulez pour l’Union Intellectuelle ? Les hono raires sont de mille lires et le voyage payé. Cher ami je serais si heureuse de cette occasion de vous voir, que j’espère que vous ferez tout votre possible de venir3. Encore mille fois merci du petit livre et de vos souhaits. Je vous envoie à vous et à votre femme mes vœux les plus affectueux pour l’année 1934.

Lettre 273.

1 B-62.

2 Le « petit livre » désigne sans doute la publication d’un tirage à part du Gouverneur de Kerguelen en 1933 (Œuvres, p. Liii).

3 Larbaud ne se rendit pas à Rome au début de l’année 1934.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 305 273

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1 Langar The Rectory Where Samuel Butler was born Dec.4.1835

Photo by Valery Larbaud May 1934

275

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Vendredi [1934 ?] Ely. 8 / – 54

Bien cher Ami. Je suis si heureuse que vous êtes à Paris et je désire vous voir le plus tôt possible pour vous parler au sujet de notre galerie 2 dont voici un petit mot qui a paru dans Paris-Soir l’autre jour. Puis-je venir vous voir dimanche matin et à quelle heure pour un quart d’heure ? – J’aurai aussi tellement de joie de vous revoir vous et votre femme j’espère. Merci du char mant petit livre que j’ai reçu à Rome. Mes plus affectueuses amitiés Marguerite di Bassiano

Lettre 274.

1 Il s’agit d’une photographie reproduite comme une carte postale, complétée à l’encre noire de l’écriture de Larbaud. Larbaud introduisit Samuel Butler en France. Il consacre de nombreux articles à l’écrivain britannique, le cite souvent dans son Journal et a passé quatre ans de sa vie à traduire Erewhon, Ainsi va toute chair, La Vie et l’habitude, Nouveaux voyages en Erewhon, Carnets, traductions toutes parues chez Gallimard. En 1934, Larbaud révise sa traduction des Carnets. Samuel Butler est né le 4 décembre 1835 au presbytère de Langar, près de Bingham (Nottinghamshire) et mort en 1902.

Lettre 275.

1 B-49 ; en-tête imprimé : 4, rue du Cirque. viii e .

2 La galerie a certainement un lien avec la Société de l’Art Présent fondée en novembre 1934. Voir les lettres suivantes.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE306 274

Valery Larbaud à Marguerite Caetani1

Grand Hotel des Bains Challes-les-Eaux (Savoie) 12 Juin 1934.

Chère amie, Votre lettre me parvient ici, et aujourd’hui. Je me disposais justement à vous écrire pour m’excuser, et pour vous exprimer mon grand regret de n’avoir pu me rendre à vos aimables invitations.

J’étais en effet très souffrant le jour de l’inauguration ; le lendemain j’ai vu Jean Paulhan qui y était allé, ce qui m’en a donné un compte-rendu. Peu après, mon médecin m’ayant donné congé, nous avons réalisé un projet déjà ancien en allant en Angleterre, où nous avons passé une douzaine de jours. J’ai montré Londres à ma femme, j’ai porté trois des MSS de mes traductions de Samuel Butler à la bibliothèque de St John’s College, et nous sommes allés à Langar, près de Nottingham, photographier la maison natale de S. Butler. (Je vous en envoie ci-joint un exemplaire ; on voit trop bien que c’est une photo d’amateur ; mais je crois que c’est la seule qui existe, jusqu’à présent.)

A peine rentrés à Paris, quand je me disposais à visiter votre galerie, et à vous saluer avant notre départ, ce départ a été précipité par une lettre de mon entrepreneur de Valbois, réclamant ma présence pour les travaux en train.

Une fois débarrassés de cette affaire, nous avons pensé qu’il était trop tard pour revenir à Paris avant notre cure de Challes, et nous sommes partis direc tement de Valbois pour Challes. Voilà comment les circonstances se sont arran gées pour me priver du plaisir de vous revoir, – sans doute avant l’automne.

J’ai eu, d’ailleurs, des échos très favorables du succès de la galerie, et je crois votre généreux effort entouré d’une sympathie et d’une approbation unanimes. Cela me fait un très grand plaisir.

Au revoir, chère amie. J’espère ne pas rester longtemps sans nouvelles de vous. Ma femme, très sensible à votre souvenir, me demande de vous saluer de sa part, et je vous envoie mes meilleures et mes plus amicales pensées.

Lettre 276.

1

La lettre de Larbaud figure dans les Archives Caetani parmi un ensemble de plusieurs destinataires en lien avec l’exposition organisée à Paris par la Société de l’Art Présent.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 307 276

277

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

4, rue du Cirque. viii e . Paris, le 27 Déc. 1934

Cher Ami

Je vous suis infiniment reconnaissante de vouloir bien vous intéresser à la Société de l’Art Présent et de lui accorder votre aimable patronage 2. Je vous fais adresser quelques notices de la Société et j’espère que vous voudrez bien la faire connaître autour de vous.

Meilleures amitiés, Marguerite di Bassiano

278

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

Dimanche [1935 ?]

Bien cher Larbaud, Vous m’avez tout-à-fait abandonnée ! – J’espère que vous n’êtes pas malade ! Paulhan m’a dit il y a quelque temps que vous n’étiez pas bien mais j’ai compris que c’était peu de chose. Vous n’avez jamais été a notre première exposition et maintenant nous sommes au milieu de la Seconde –Je vous prie de venir avec votre femme un après-midi de cette semaine vers 6 heures – Je suis toujours là de 6 à 7 et avant sur rendez-vous. Vous avez

Lettre 277.

1 B-47. La lettre est entièrement dactylographiée, à l’exception de la formule initiale « Cher Ami », de la formule finale ainsi que de la signature.

2 Les statuts de la Société de l’Art Présent, dont s’occupe Marguerite Caetani, ont été faits à Paris le 27 novembre 1934, et se trouvent dans les Archives Caetani. Elle organise des expositions d’art contemporain en Europe.

Lettre 278.

1 B-48 ; en-tête imprimé : 4, rue du Cirque viii e

CORRESPONDANCE FRANÇAISE308

vu les excellentes critiques que nous avons eues ? Je désire beaucoup vous voir. Mille choses affectueuses à vous et à votre femme.

Marguerite di Bassiano 279

Marguerite Caetani à Valery Larbaud1

4 rue du Cirque le 15 octobre [1935]

Bien cher Ami, Je viens d’apprendre d’une lettre de Paulhan, envoyée d’abord à Rome, que vous êtes souffrant et j’en suis absolument navrée, désolée de tout mon cœur. Je prie votre femme de m’écrire un petit mot pour me dire comment vous allez et si je peux vous faire une petite visite. Je vous envoie en atten dant toutes mes amitiés les plus attachées et fidèles.

Marguerite di Bassiano

Lettre 279. 1 B-50. Annotation dans le coin en haut à gauche : Répondu le 19 oct. 1935 / G. Jean Aubry.

MARGUERITE CAETANI ET VALERY LARBAUD 309

G. Jean-Aubry à Marguerite Caetani1

11bis rue Théodore de Banville / Paris XVII 19 octobre 1935.

Madame.

Chargé du soin de la correspondance de mon ami Valery Larbaud, Madame Larbaud me demande de répondre à votre très aimable lettre et de vous en remercier.

Notre ami est malheureusement hors d’état actuellement de recevoir quelque visite que ce soit. Il est couché depuis près d’un mois, et ne parle qu’avec une extrême difficulté. Le médecin qui le soigne nous assure de la possibilité de son rétablissement mais son état reste grave.

On lui a transmis votre aimable pensée et il s’y est montré sensible, comme vous pouvez l’imaginer.

Je vais chaque jour rue du Cardinal Lemoine et je suis à votre disposition, Madame, pour vous donner des nouvelles. Si vous voulez bien me faire télé phoner, le matin, avant 10 heures et demie de préférence.

Veuillez accepter, Madame, mes très respectueux hommages

Lettre 280.

1 À la fin de l’année 1935, alors qu’il se promène dans le jardin de l’immeuble de la rue du Cardinal-Lemoine, Larbaud est frappé par un accident cérébral qui le paralyse et le rend partiellement aphasique. Son état physique s’améliore légèrement, mais il ne retrouve jamais vraiment l’usage de la parole, et ne peut plus mener de véritable travail. Il est soigné par le professeur Th. Alajaouanine. Georges Jean-Aubry (1882-1950), écrivain, traducteur de Joseph Conrad et musicologue, grand ami de Larbaud auquel il avait consacré un ouvrage biographique (Valery Larbaud : sa vie et son œuvre d’après des documents inédits. La jeunesse, 1881-1920, Monaco, Édition du Rocher, 1949), s’occupe de lui avec un dévouement exem plaire pendant les quinze dernières années de sa vie.

CORRESPONDANCE FRANÇAISE310 280

INDEX COMMERCE (1924-1932)

1924

Cahier I – été 1924 – 158 pp.

PAUL VALÉRY, Lettre LÉON-PAUL FARGUE, Épaisseurs VALERY LARBAUD, Ce vice impuni, la lecture St J. PERSE, Amitié du prince JAMES JOYCE, Ulysse – fragments, traduc tion de MM. Valery Larbaud et Auguste Morel

Cahier II – automne 1924 – 188 pp. EMILIE TESTE, Lettre LÉON-PAUL FARGUE, Suite familière VALERY LARBAUD, Lettre à deux amis LOUIS ARAGON, Une Vague de rêve MICHEL IEHL, Willerholz: Féerie drama tique en 3 tableaux (Premier tableau) JEAN PAULHAN, Luce, l’enfant négligée RAINER MARIA RILKE, Poèmes ROBERT HERRICK, Poèmes, traduction d’Auguste Morel, préface de Valery Larbaud

Cahier III – hiver 1924 – 258 pp. SAINT-J. PERSE, Chanson T.-S. ELIOT, Poème, adaptation de S.-J. Perse MAX JACOB, Poèmes ANDRÉ BRETON, Introduction au dis cours sur le peu de réalité ROGER VITRAC, Insomnie J.-B. TAVERNIER (1605-1689), Épître au Roi, d’un commerçant français suivie de fragments de ses relations de voyage

BÜCHNER, Léonce et Léna LÉON-PAUL FARGUE, Nuées VALERY LARBAUD, Lettre d’Italie 1925 Cahier IV – printemps 1925 – 186 pp. PAUL CLAUDEL, Le Vieillard sur le mont Omi

FRANCIS JAMMES, Trois extraits de ‘Ma France poétique’ GIUSEPPE UNGARETTI, Appunti per una poesia MARCEL JOUHANDEAU, Ermeline et les quatre vieillards JOHN-ANTOINE NAU, Au Mouillage PAUL VALÉRY, Préface pour une nouvelle traduction de la soirée avec M. Teste LÉON-PAUL FARGUE, Poème SIR THOMAS WYAT, Poèmes, traduction d’Annie Hervieu et Auguste Morel VALERY LARBAUD, Sir Thomas Wyatt MAÎTRE ECKHART, Fragments mysti ques, traduits et précédés d’un portrait par Bernard Groethuysen GIACOMO LEOPARDI, Poèmes, traduc tion de Benjamin Crémieux

Cahier V – automne 1925 – 231 pp.

PAUL VALÉRY, A B C LÉON-PAUL FARGUE, Tumulte JEAN PAULHAN, L’Experiénce du proverbe XXX, Ra-Chrysalide

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017 ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

XXX, Nukarpiartekak

RUDOLF KASSNER, Le Lépreux

FRANCIS PONGE, Poèmes

ARCHIBALD MACLEISH, Poèmes JEAN PRÉVOST, L’Homme à la montre ANDRÉ BEUCLER, Entreprises de féeries HŒLDERLIN, Poèmes, suivis d’une docu mentation sur la folie de Hœlderlin réunie par B. Groethuysen

MAURICE SCÈVE, Fragments de Micro cosme, suivis de Notes sur Maurice Scève par Valery Larbaud

Cahier VI – hiver 1925 – 208 pp.

LÉON-PAUL FARGUE, Banalité

EDMOND TESTE, Extraits de son Log Book

VALERY LARBAUD, Le Vain travail de voir divers pays

ANDRÉ SUARÈS, Saint-Juin de la Primavère

CHARLES MAURON, Poèmes

HUGO VON HOFMANNSTHAL, Voies et rencontres

LOUIS MASSIGNON, Trois mystiques musulmans

JOSÉ ORTEGA Y GASSET, Mort et résurrection

BORIS PASTERNAK, Poèmes

OSSIPE MANDELSTAM, 1er Janvier 1924 HENRI HOPPENOT, Traversée de la ville

1926

Cahier VII – printemps – 200 pp.

LÉON-PAUL FARGUE, Esquisses pour un paradis

VALERY LARBAUD, Écrit dans une cabine du sud-express

JULES SUPERVIELLE, Poème

ANTONIN ARTAUD, Fragments d’un journal d’enfer…

ROGER VITRAC, Le Goût du sang

EDITH SITWELL, Poème

VINCENZO CARDARELLI, Prologues

ROGER FRY, Moustiques

(1924-1932)

POUCHKINE, Le Maure de Pierre le Grand

Cahier VIII – été 1926 – 204 pp.

PAUL VALÉRY, Au Sujet des Lettres persanes

VALERY LARBAUD, Rues et visages de Paris

MAX JACOB, Poèmes

RENÉ GUILLERÉ, Dans les Espagnes arbitraires

MARCEL JOUHANDEAU, Léda

EMILIO CECCHI, Aquarium-Kaléidoscope LE PÈRE FRANÇOIS (E. Binet), Deux extraits de l’Essai des merveilles de nature et des plus nobles artifices JACQUES RIVIÈRE, 22-25 Août 1914

Cahier IX – automne 1926 – 194 pp.

PAUL CLAUDEL, Le Poëte et le shamisen ANDRÉ GIDE, Dindiki

MAX ELSKAMP, Poèmes

HENRY MICHAUX, Villes mouvantes P. DRIEU LA ROCHELLE, Le Jeune Européen

RUDOLF KASSNER, Des Éléments de la grandeur humaine ANTOINE HÉROËT, Complainte d’une dame surprise nouvellement d’amour Quelques notes sur Antoine Héroët par M. Valery Larbaud

Cahier X – hiver 1926 – 200 pp.

NIETZSCHE, Le Drame musical grec, traduit par Jean Paulhan ANDRÉ SUARÈS, Variables

VIRGINIA WOOLF, Le Temps passe, traduit par C. Mauron

PAUL VALÉRY, Oraison funèbre d’une fable

BRUNO BARILLI, Trois essais, traduits par Mme Maria Nebbia et M. Valery Larbaud

JULES SUPERVIELLE, Oloron- SainteMarie LÉON-PAUL FARGUE, Second récit du naufrageur

P. DE LANUX, Voix dans le vieux Louvre

INDEX COMMERCE
312

XXX, Brulement d’un hérétique, traduit par Eugène Marsan 1927

Cahier XI – printemps 1927 – 197 pp.

PAUL VALÉRY, Essai sur Stendhal (à propos de Lucien Leuwen)

LÉON-PAUL FARGUE, Trouvé dans des papiers de famille VALERY LARBAUD, Sur le rebut BERNARD GROETHUYSEN, Essai sur la pensée de Saint Augustin HENRI HERTZ, Préparatifs de création PIERRE JEAN JOUVE, Quatre fleurs RENÉ GUILLERÉ, Sainte Russie

Cahier XII – été 1927 – 233 pp.

LÉON-PAUL FARGUE, La Drogue GIUSEPPE UNGARETTI, Notes pour une poésie ARCHIBALD MACLEISH, Poèmes, traduits de l’anglais par Valery Larbaud CHARLES MAURON, Poèmes FRANZ HELLENS, Indications peu salutaires ANDRÉ MALRAUX, Le Voyage aux îles fortunées HENRI MICHAUX, L’Époque des illu minés

RICCARDO BACCHELLI, Trois divinités sur les Apennins, traduit de l’italien par Valery Larbaud

SÖREN KIERKEGAARD, Fragments d’un journal, traduits du danois par Jean Gateau et précédés d’une introduction de Rudolf Kassner

MICHEL PSELLOS, Deux épisodes du règne de Constantin IX, traduit du grec par Émile Renauld

Cahier XIII – automne 1927 – 193 pp.

NIETZSCHE, Socrate et la tragédie, tra duit de l’allemand par Jean Paulhan PAUL VALÉRY, Sur Bossuet

(1924-1932)

LÉON-PAUL FARGUE, L’Exil VALERY LARBAUD, Le Miroir du café Marchesi ANDRÉ BRETON, Nadja

GEORGES NEVEUX, Quelle ombre soulève votre main BENJAMIN PÉRET, La Brebis galante LIAM O’ FLAHERTY, Barbara la Rouge, traduit de l’anglais par Valery Larbaud

Cahier XIV – hiver 1927 – 228 pp.

THOMAS HARDY, Abatage d’un arbre, traduit de l’anglais par Paul Valéry EDGAR POE, Quelques fragments des Marginalia, traduits et annotés par Paul Valéry RIBEMONT-DESSAIGNES, L’Évasion MARCEL JOUHANDEAU, Le Marié de village

LEOPARDI, Pensées, traduites de l’italien et précédées d’une note de Giuseppe Ungaretti LÉON-PAUL FARGUE, Esquisses pour un paradis (Fin)

1928

Cahier XV – printemps 1928 – 209 pp.

T.-S. ELIOT, Perch’io non spero …, traduit de l’anglais par Jean de Menasce ANDRÉ SUARÈS, Valeurs PAUL VALÉRY, Préface au livre d’un chinois CHENG-TCHENG, Ma mère RICARDO GÜIRALDES, Poèmes solitaires, traduits de l’espagnol par Valery Larbaud

VALERY LARBAUD, Deux artistes lyriques JULES SUPERVIELLE, La Pampa aux yeux clos LÉON-PAUL FARGUE, Bruits de café

Cahier XVI – été 1928 – 210 pp.

LÉON-PAUL FARGUE, Souvenirs d’un fantôme, fragments

VALERY LARBAUD, Actualité

JEAN PAULHAN, Sur un défaut de la

INDEX COMMERCE
313

pensée critique

POUCHKINE, Le coup de feu, traduit du russe par A. Gide et J. Schiffrin D.-S. MIRSKY, Sur Pouchkine T.-F. POWYS, John Pardy et les vagues, traduit de l’anglais par Charles Mauron JEAN GIONO, Colline

Cahier XVII – automne 1928 – 174 pp. ***, Lettre du prestre Jehan à l’empereur de Rome, texte établi par Louis Chevasson, précédé d’une introduction d’André Malraux VALERY LARBAUD, Une Nonnain

FEDERICO GARCIA LORCA, Le Mar tyre de Sainte Eulalie, traduit de l’espagnol par Jules Supervielle

LIAM O’FLAHERTY, L’Aviron, traduit de l’anglais par Valery Larbaud

RUDOLF KASSNER, La Chimère, traduit de l’allemand par B. Groethuysen et J. Paulhan MARCEL JOUHANDEAU, La Bosco

Cahier XVIII – hiver 1928 – 256 pp.

ANDRÉ GIDE, Montaigne LÉON-PAUL FARGUE, Vieille France

ROY CAMPBELL, Poèmes, traduits de l’anglais par G. Limbour VALERY LARBAUD, Note sur Nathaniel Hawthorne

NATHANIEL HAWTHORNE, Idées et germes de nouvelles, traduit de l’anglais par M. Valery Larbaud

GEORGES LIMBOUR, Le Cheval de Venise

PAUL VALÉRY, Léonard et les philosophes MARQUIS DE NOINTEL, Dépêches d’un ambassadeur de France au XVIIème siècle (documents inédits)

1929

Cahier XIX – printemps 1929 – 230 pp.

PAUL CLAUDEL, Conversations dans le Loir-et-Cher

JEAN PAULHAN, Les Gardiens

(1924-1932)

LÉON-PAUL FARGUE, Signaux ANDRÉ SUARÈS, Voyage du condottière BRUNO BARILLI, Vieille Parme, traduit de l’italien par Valery Larbaud

Cahier XX – été 1929 – 213 pp.

HUGO VON HOFMANNSTHAL, Émancipation du lyrisme français, traduit de l’allemand

PAUL VALÉRY, Littérature

ALFONSO REYES, Les Herbes du Tarahu mara, traduit de l’espagnol par Valery Larbaud G. RIBEMONT-DESSAIGNES, Première épître aux directeurs JÉRÔME CARDAN, Fragments, adaptés du latin, présentés par B. Groethuysen V. ROZANOV, L’Apocalypse de notre temps, fragments

Cahier XXI – automne 1929 – 223 pp.

PAUL CLAUDEL, Le Livre de Christophe Colomb T.-S. ELIOT, Som de L’Escalina, traduit de l’anglais par Jean de Menasce VALERY LARBAUD, Le Patron des traducteurs

SIR THOMAS BROWNE, Chapitre V de ‘Hydriotaphia’, précédé d’Opinions de S.T. Coleridge sur sir Thomas Browne, traduit de l’anglais par Valery Larbaud LÉON-PAUL FARGUE, Mimes

Cahier XXII – hiver 1929 – 245 pp. MORVEN LE GAËLIQUE, Poèmes

MICHEL YELL, Le Déserteur HENRI MICHAUX, Le Fils du macrocépha le ANDRÉ SUARÈS, Fiorenza

PAUL VALÉRY, Petite préface aux poésies de T’au Yuan Ming

T’AU YUAN MING, Oraison funèbre sur sa mort, traduit du chinois par Liang Tsong Taï

RUDOLF KASSNER, Le Christ et l’âme du monde, traduit de l’allemand par Jean Paulhan

INDEX COMMERCE
314

1930

Cahier XXIII – printemps 1930 – 260 pp.

VALERY LARBAUD, Trois belles men diantes

HENRI BOSCO, Dans les petits pays de provence G. RIBEMONT DESSAIGNES, Au-delà du pouvoir

MARCEL JOUHANDEAU, Le Cadavre enlevé

RICHARD ALDINGTON, Le Cœur mangé, traduit de l’anglais par André Beucler et Henry Church

JEAN PAULHAN, Sur une poésie obscure

Cahier XXIV – été 1930 – 194 pp.

PAUL VALÉRY, Moralités

RENÉ DAUMAL, Poèmes

VALERY LARBAUD, Du sel ou du sable OSSIPE MANDELSTAM, Le Timbre égyptien, traduit du russe par D.S. Mirsky et Georges Limbour

ÉCOLE BOUDDHISTE ZEN, ‘Les dix étapes dans l’art de garder la vache’, adap tation française de Paul Petit

Cahier XXV – automne 1930 – 220 pp.

ANDRÉ GIDE, Œdipe

LÉON-PAUL FARGUE, Une Violette noire BENJAMIN FONDANE, Ulysse

LOUIS BRAUQUIER, Panama

JEAN FOLLAIN, Poèmes HENRI MICHAUX, Un certain plume GEORGES MEREDITH, Amour moder ne, traduit de l’anglais par Gilbert de Voisins

Cahier XXVI – hiver 1930 – 211 pp.

PAUL VALÉRY, Allocution

MARCEL JOUHANDEAU, Tite-le-Long LÉON-PAUL FARGUE, D’un porteplume à un aimant GEORGES SCHEHADÉ, Poèmes G. RIBEMONT-DESSAIGNES, Deuxième épître aux serins et même aux rossignols

(1924-1932)

FRANZ KAFKA, Récits, traduits de l’alle mand par Alexandre Vialatte 1931

Cahier XXVII – printemps 1931 – 186 pp. PAUL VALÉRY, Amphion ANDRÉ DELONS, Poèmes JOÉ BOUSQUET, L’Ombre d’une ombre XXX, Un Miracle de Notre-Dame, adapta tion de Jean Schlumberger GEORG BÜCHNER, Woyzeck, traduit de l’allemand

Cahier XXVIII – été 1931 – 229 pp.

PAUL CLAUDEL, Les cinq premières plaies d’Égypte

JACQUES PRÉVERT, Tentative de des cription d’un dîner de têtes à Paris-France G. RIBEMONT-DESSAIGNES, Faust ROBERT DESNOS, Siramour RUDOLF KASSNER, L’Individu et l’homme collectif, traduit de l’allemand par Jacques Decour 1932

Cahier XXIX – hiver 1932 – 197 pp. PAUL VALÉRY, Réponse

VALERY LARBAUD, Le Vaisseau de Thésée T.-S. ELIOT, Difficultés d’un homme d’état, traduit de l’anglais par Georges Limbour

GEORGES GARAMPON, Réveil du début de l’été HENRI MICHAUX, Nous autres GEORGES RODITI, L’Abdication du matin WILLIAM FAULKNER, Une Rose pour Emily, traduit de l’anglais par Maurice-Edgar Coindreau

***, Sinica: Récits de missionnaires jésuites, présentés et précédés d’une introduction par Bernard Groethuysen

INDEX COMMERCE
315

(1924-1932)

Auteur

ANONYME (Moyen Age)

Titres français

Un Miracle de Notre-Dame, comment elle garda une femme d’être brûlée. Adaptation par Jean Schlumberger d’un texte anonyme du moyen-âge

Numéro Pages

XXVII 75-139

ARAGON, Louis (1897-1982)

ARTAUD, Antonin (1896-1948)

BEUCLER, André (1898-1985)

BOSCO, Henri (1888-1976)

BOUSQUET, Joé (1897-1950)

BRAUQUIER, Louis (1900-1976)

BRETON, André (1896-1966)

Une Vague de rêves II 89-122

Fragments d’un journal d’Enfer VII 63-79

Visite à une entreprise de féeries

V 139-168

Dans les petits pays de Provence XXIII 31-47

L’Ombre d’une ombre XXVII 59-73

Panama XXV 113-122

CARDAN, Jérôme (1501-1576)

Introduction au discours sur le peu de Réalité Nadja (première partie)

Fragments [Cardan peint par lui-même: Extraits du livre De Vita Propria (Ed. de 1654) et du livre De Rerum Varietate (Ed. de 1558) adaptés du latin par Bernard Groethuysen. Extraits de livre de Cardan intitulé De Subtilitate Rerum, traduit du latin en français par Richard Leblanc, et publié en 1578. Avec note sur Cardan par B. Groethuysen.]

III XIII 27-57 77-120

XX 107-150

CLAUDEL, Paul (1868-1955)

Le Vieillard sur le mont Omi

Le Poète et le Shamisen Seconde conversation dans le Loir-et-Cher

Le Livre de Christophe Colomb

Les cinq premières plaies d’Egypte

IV IX XIX XXI XXVIII

DAUMAL, René (1908-1944)

DELONS, André (1909-1940)

Poèmes

(inséré) 5-40 5-81 5-98 5-39

XXIV 67-98

Poèmes XXVII 51-58

INDEX COMMERCE
316

(1924-1932)

DESNOS, Robert (1900-1945)

DRIEU LA RO CHELLE, Pierre (1893-1945)

ELSKAMP, Max (1862-1931)

FARGUE, LéonPaul (1876-1947)

Siramour

XXVIII 165-196

Le Jeune Européen IX 85-104

Poèmes IX 61-70

Épaisseurs

Suite familière

Nuées

Poème: ‘Gare de la douleur’ Tumulte

Banalité

Esquisses pour un paradis

Esquisses pour un paradis (Fin)

Caquets de la table tournante: Second récit de naufrageur

Trouvé dans des papiers de famille en 1909 La Drogue

L’Exil

Bruits de café

Souvenirs d’un fantôme Vieille France Signaux Mimes

Une Violette noire D’un porte-plume à un aimant

FOLLAIN, Jean (1903-1971)

FONDANE, Benjamin (1898-1944)

Père René François (E. BINET, 1631)

GARAMPON, Georges (1899- ?)

GIDE, André (1869-1951)

GIONO, Jean (1895-1970)

I

VII XIV X XI XII XIII XV XVI XVIII XIX XXI XXV XXVI

27-59 31-55 225-231 103-109 15-22 5-12 5-33 181-228 165-175 71-131 5-20 51-57 183-209 5-19 49-66 97-103 217-223 85-90 125-130

Poèmes XXV 123-141

Ulysse: Fragments (poèmes) XXV 91-111

Deux extraits de l’Essai des merveilles de nature et des plus nobles artifices VIII 149-166

Réveil du début de l’été XXIX 89-98

Dindiki, ou le Pérodictique potto Montaigne Œdipe, pièce en trois actes

IX XVIII XXV

41-59 5-48 5-83

Colline XVI 119-210

INDEX COMMERCE
317
II III IV V VI

GROETHUYSEN, Bernard (1880-1946)

COMMERCE (1924-1932)

Notice sur J.B. Tavernier Maître Eckhart

Essai sur la pensée de Saint Augustin Jérôme Cardan: Fragments, adaptées du latin et présentées Note sur Büchner Sinica: Récits de missionaires Jésuites pré sentés et précédés d’une introduction

GUILLERÉ, René (1878-1931)

HELLENS, FRANZ (1881-1972)

HÉROËT, Antoine (1492-1568)

HERTZ, Henri (1875-1966)

HOPPENOT, Henri (1891-1977)

IEHL, Michel (? - ?) –voir Yell

JACOB, Max (1876-1944)

–voir MORVEN LE GAELIQUE

JAMMES, Francis (1868-1938)

JOUHANDEAU, Marcel (1888-1979)

III IV XI XX XXVII XXIX

73-142 147-173 147-160 107-150 141-144 139-198

Dans les Espagnes arbitraires Sainte Russie VIII XI 73-79 187-197

Indications peu salutaires XII 75-92

Complainte d’une dame surprise nouvelle ment d’amour IX 171-183

Préparatifs de création XI 161-180

Traversée de la ville VI 201-208

JOUVE, PierreJean (1887-1976)

LARBAUD, Valery (1881-1957)

Willerholz, féerie dramatique en trois tableaux (Premier tableau)

II 123-157

Poèmes Poèmes III VIII 13-23 61-71

Trois extraits de Ma France poétique IV 7-14

Ermeline et les quatre vieillards

Léda

Le Marié de village

La Bosco Le Cadavre enlevé Tite-le-Long

IV VIII XIV XVII XXIII XXVI

31-74 81-124 79-138 137-174 93-161 17-124

Quatre fleurs XI 181-186

Ce vice impuni, la lecture

Lettre à deux amis Préface aux poèmes de Robert Herrick

I II II

61-102 57-88 173-180

INDEX
318

MORVEN LE GAELIQUE (Max Jacob)

LIMBOUR, Georges (1900-1970)

MALRAUX, André (1901-1976)

Lettre d’Italie

Sir Thomas Wyatt

Notes sur Maurice Scève

Le Vain travail de voir divers pays Écrit dans une cabine du Sud-Express

Rues et Visages de Paris

Quelques notes sur Antoine Héroët

Sur le rebut

Le Miroir du café Marchesi

Deux artistes lyriques

Actualité

Une Nonnain Note sur Nathaniel Hawthorne

Le Patron des traducteurs

Trois belles mendiantes

Du sel ou du sable

Le Vaisseau de Thésée

III IV V VI VII VIII IX XI XIII XV XVI XVII XVIII XXI XXIII XXIV XXIX

233-285 127-145 225-231 27-79 35-57 29-60 184-194 133-146 59-76 109-136 21-28 25-70 87-98 105-184 5-30 99-118 15-78

Poèmes XXII 5-43

MAURON, Charles (1899-1966)

MICHAUX, Henri (1899-1984)

Le Cheval de Venise

NAU, John-Antoine (1860-1918)

Le Voyage aux Iles Fortunées Introduction à la lettre du Prestre Jehan à l’empereur de Rome

XVIII 113-149

XII XVII 93-131 7-24

Poèmes Poèmes VI XII 123-137 53-74

Villes mouvantes

L’Époque des Illuminés

Le Fils du macrocéphale (Portrait)

Un Certain plume Nous autres

IX XII XXII XXV XXIX

71-84 133-141 109-123 143-161 99-102

Au mouillage IV 75-92

NEVEUX, Georges (1900-1983) Quelle ombre soulève votre main XIII 121-127

MARQUIS DE NOINTEL (1635-1685)

Dépêches d’un ambassadeur de France au XVIIème siècle (documents inédits)

XVIII 207-256

INDEX COMMERCE (1924-1932) 319

(1924-1932)

PAULHAN, Jean (1884-1969)

Luce, l’enfant négligée

L’Expérience du proverbe

Sur un défaut de la pensée critique (suivi d’une note sur Taine et Rousseau)

Les Gardiens Sur une poésie obscure

PERET, Benjamin (1899-1959)

PONGE, Francis (1899-1988)

II V XVI XIX XXIII

159-164 23-77 29-52 83-96 191-260

La Brebis galante (fragments) XIII 129-170

Poèmes V 123-126

PRESTRE JEHAN Lettre du prestre Jehan à l’empereur de Rome, texte établi par Louis Chevasson, précé dé d’une introduction d’André Malraux

PRÉVERT, Jacques (1900-1977)

PRÉVOST, Jean (1901-1944)

RIBEMONTDESSAIGNES, Georges (1882-1974)

RIVIÈRE, Jacques (1886-1925)

RODITI, Georges (1906-1999)

SAINT-JOHN PERSE (1887-1975)

SCÈVE, Maurice (1500-1560)

SCHEHADÉ, Georges (1910-1989

SUARÈS, André (1868-1948)

XVII 5-24

Tentative de description d’un dîner de têtes à Paris-France XXVIII 41-61

L’Homme à la montre V 133-138

L’Evasion

Première épître aux directeurs

Au-delà du pouvoir

Deuxième épître aux serins et même aux rossignols Faust

XIV XX XXIII XXVI XXVIII

43-78 79-105 49-92 145-181 63-164

22-25 août 1914 VIII 167-204

L’abdication du matin

XXIX 103-107

Amitié du prince Chanson: ‘J’honore les vivants’ I III 103-119 5-7

Fragments de Microcosme V 209-231

Poèmes

XXVI 131-143

Saint-Juin de la Primevère Variables Valeurs

Voyage du condottiere Fiorenza

VI X XV XIX XXII

81-122 47-87 13-58 105-200 125-196

INDEX COMMERCE
320

SUPERVIELLE, Jules (1884-1960)

TAVERNIER, J.-B. (1605-1689)

VALÉRY, Paul (1871-1945)

INDEX COMMERCE (1924-1932)

Whisper

Oloron-Sainte-Marie

La Pampa aux yeux clos

Épître au Roi d’un commerçant français suivi de Fragments de ses relations de voyage

Lettre

Lettre de Madame Emilie Teste

Préface pour une nouvelle traduction de La Soirée avec M. Teste

A B C

Edmond Teste: Log Book (extraits)

Au sujet des Lettres persanes

Oraison funèbre d’une fable

Essai sur Stendhal (à propos de Lucien Leuwen)

Sur Bossuet

Notes sur les Marginalia de Poe

Préface au livre d’un Chinois

Léonard et les philosophes

Littérature

Petite préface aux poésies de T’au Yuan Ming Moralités

Allocution (cinquantenaire des concerts

Lamoureux

Amphion, mélodrame (musique d’Arthur Honegger)

Réponse

VITRAC, Roger (1899-1952)

YELL, Michel –voir IEHL

VII X XV

59-61 157-164 137-181

III 69-142 ?

I II IV V VI VIII X XI XIII XIV XV XVIII XX XXII XXIV XXVI XXVII XXIX

5-26 5-30 93-102 5-14 13-25 5-27 135-142 5-69 45-50 11-41 59-77 151-205 13-65 197-209 5-66 5-16 5-50 5-14

Insomnie Le Goût du sang III VII 59-68 81-111

Le Déserteur XXII 45-107

Auteur Titres anglais

ALDINGTON, Richard (1892-1962)

BROWNE, Sir Thomas (1605-1682)

CAMPBELL, Roy (1901-1957)

Numéro Pages

Le Cœur mangé (traduit de l’anglais par André Beucler et Henry Church) XXIII 163-189

Chapitre V de Hydriotaphia, précédé d’Opi nions de S.T. Coleridge sur Sir Thomas Browne (traduits de l’anglais par Valery Larbaud)

XXI 185-215

Poèmes (Textes anglais et traduction par Georges Limbour) XVIII 67-85

321

COLERIDGE, Samuel Taylor (1772-1834)

ELIOT, T.S. (1888-1965)

FAULKNER, William (1897-1962)

Fry, Roger (1866-1934)

HARDY, Thomas (1840-1928)

HAWTHORNE, Nathaniel (1804-1864)

HERRICK, Robert (1591-1674)

JOYCE, James (1882-1941)

MACLEISH, Archibald (1892-1984)

MEREDITH, Georges (1828-1900)

O’FLAHERTY, Liam (1897-1984)

POE, Edgar Allan (1808-1849)

(1924-1932)

Opinions sur Sir Thomas Browne (traduit de l’anglais par Valery Larbaud)

The Hollow Men (extrait: texte anglais et adaptation de Saint-John Perse) Perch’io non spero (texte anglais et traduc tion par Jean de Menasce) Som de l’escalina (texte anglais et traduction par Jean de Menasce)

Difficultés d’un homme d’état (texte anglais et traduction par Georges Limbour)

Une Rose pour Emily (traduit de l’anglais par Maurice-Edgar Coindreau)

Moustiques (traduit de l’anglais par Charles Mauron)

Felling a tree (texte anglais et traduction par Paul Valéry)

Idées et germes de nouvelles (traduit de l’anglais par Valery Larbaud)

Poèmes (traduits de l’anglais par Annie Hervieu et Auguste Morel, préface de Valery Larbaud)

Ulysse: Fragments (traduits de l’anglais par Auguste Morel et Valery Larbaud, avec note par Valery Larbaud)

Poèmes (textes anglais et traduction par Valery Larbaud)

Poèmes (textes anglais et traduction par Valery Larbaud)

Amour moderne (traduit de l’anglais par Gilbert de Voisins, avec note du traducteur)

Barbara la rouge (traduit de l’anglais par Valery Larbaud)

L’Aviron (traduit de l’anglais par Valery Larbaud)

Quelques fragments des Marginalia (traduits de l’anglais et annotés par Paul Valéry)

XXI 189-195

III XV XXI XXIX

9-11 5-11 99-103 79-87

XXIX 109-137

VII 145-154

XIV 5-9

XVIII 99-111

II 171-188

I 121-158

V XII

127-131 43-51

XXV 163-220

XIII XVII

171-193 79-93

XIV 11-41

INDEX COMMERCE
322

POWYS, T.F. (1875-1953)

SITWELL, Edith (1887-1964)

WOOLF, Virginia (1882-1941)

WYATT, Sir Thomas (1503-1542)

COMMERCE (1924-1932)

John Pardy et les vagues (traduit de l’anglais par Charles Mauron)

Une entrevue avec Mars (extrait de la Mort de Vénus, texte anglais et traduction par Valery Larbaud)

Le Temps passe (traduit de l’anglais par Charles Mauron)

Poèmes (traduits de l’anglais par Annie Hervieu et Auguste Morel)

XVI 99-118

VII 113-123

X 89-133

IV 111-126

Auteur Titres allemands

BÜCHNER, Georg (1813-1837)

MAÎTRE ECKHART (1260-1327)

Léonce et Léna (traduit de l’allemand par Denise Levé et Louis Aragon)

Woyzeck (traduit de l’allemand par Jeanne Bucher, Bernard Groethuysen et Jean Paulhan)

Fragments mystiques (traduits et précédés d’un portrait par Bernard Groethuysen)

GROETHUYSEN, Bernard [siehe unter Büchner, Eckhart und Hölderlin]

HOFMANNS THAL, Hugo von (1874-1929)

HÖLDERLIN, Friedrich (1770-1843)

KAFKA, Franz (1883-1924)

KASSNER, Rudolf (1873-1959)

Voies et rencontres (traduit de l’allemand par l’auteur; revu par Alexis Leger)

Emancipation du lyrisme français (traduit de l’allemand par l’auteur; revu par Alexis Leger)

Poèmes (traduits de l’allemand et suivis d’une documentation sur la folie de Hölder lin réunie par B. Groethuysen)

Deux récits: Premier chagrin, Un Champion du jeûne (traduits de l’allemand par Alexan dre Vialatte)

Le Lépreux (traduit de l’allemand par Jean Paulhan)

Des éléments de la grandeur humaine (tra duit de l’allemand par la Princesse Alexandre de la Tour et Taxis)

Introduction à Sören Kierkegaard (traduit de l’allemand par Alix Guillain)

Numéro Pages

III XXVII

143-223 141-186

IV 147-173

VI XX

139-150 5-11

V 169-207

XXVI 183-211

V IX XII

93-122 105-170 153-164

INDEX
323

NIETZSCHE, Friedrich (1844-1900)

(1924-1932)

La Chimère (traduit de l’allemand par B. Groethuysen et J. Paulhan)

Le Christ et l’âme du monde (traduit de l’allemand par J. Paulhan)

L’Individu et l’homme collectif (traduit de l’allemand par Jacques Decour)

Le Drame musical grec (texte allemand et traduction par Jean Paulhan, avec note par Max Oehler)

Socrate et la tragédie (texte allemand et traduction par Jean Paulhan avec note par Max Oehler)

XVII XXII XXVIII

95-136 215-245 197-229

X XIII

5-46 5-44

RILKE, Rainer Maria (1875-1926)

La Dormeuse II 165-169

Auteur Titres italiens Numéro Pages

ANONYME (Trecento Italiano)

BACCHELLI, Riccardo (1891-1985)

BARILLI, Bruno (1880-1952)

Brûlement d’un hérétique (extrait de His toire de Frère Michel Minorita, traduit par Eugène Marsan)

Trois divinités sur les Apennins (traduit de l’italien par Valery Larbaud)

Trois essais (traduits de l’italien par Maria Nebbia et Valery Larbaud) Vieille Parme (traduit de l’italien par Valery Larbaud)

X 187-200

XII 143-151

X XIX

CARDARELLI, Vincenzo (1887-1959)

CECCHI, Emilio (1884-1966)

LEOPARDI, Giacomo (1798-1837)

UNGARETTI, Giuseppe (1888-1970)

143-156 201-230

Prologues (traduit de l’italien par Joseph Baruzzi) VII 127-143

Aquarium (traduit de l’italien par Benjamin Crémieux)

Kaléidoscope (traduit de l’italien par Valery Larbaud)

Poèmes (traduits par Benjamin Crémieux)

Pensées (traduites de l’italien et précédées d’une note de Giuseppe Ungaretti)

Appunti per una poesia Appunti per una poesia (2) (texte italien et traduction par l’auteur) Note sur Leopardi

VIII VIII

125-133 135-147

IV XIV 175-185 139-180

IV XII XIV

15-29 21-41 141-146

INDEX COMMERCE
324

(1924-1932)

Auteur Titres russes

MANDELSTAM, Osip (1891-1938)

MIRSKY, D.S. (1890-1939)

PASTERNAK, Boris (1890-1960)

POUCHKINE, Aleksandr (1799-1837)

ROZANOV, V. (1856-1919)

Ier Janvier 1924 (traduit du russe par Hélène Iswolsky)

Le Timbre égyptien (traduit du russe par D.S. Mirsky et Georges Limbour)

Sur Pouchkine

Poèmes (traduits du russe par Hélène Iswolsky)

Le Maure de Pierre le Grand (traduit du russe par Hélène Iswolsky)

Le Coup de feu (traduit du russe par André Gide et Jacques Schiffrin)

L’Apocalypse de notre temps: fragments (traduits du russe par V. Pozner et B. de Schloezer)

Numéro Pages

VI XXIV

193-199 119-168

XVI 83-97

VI 187-192

VII XVI

155-200 53-81

XX 151-213

INDEX COMMERCE
325

INDEX DES NOMS

Adamovitch G., 295

Alajouanine Théophile, 98n, 310n

Aleramo Sibilla, 237 et n

Alvar Mme, 11 et n, 29n

Alvaro Corrado, 269n, 271 et n, 277

Anderson Sherwood, 199 et n Andrade Oswald de, 236 et n, 277n

Angioletti Giovanni Battista, 237 et n

Aniante Antonio, 242 et n

Anrep Helen, 120n

Aragon Louis, 58 et n, 107n, 205 et n, 248 et n

Armani Ada Speranza, xxi

Artus Louis, 10n

Audiberti Jacques, 297 et n

Audoux Marguerite, 98n

Auric Georges, 93n, 261 et n

Aury Dominique, xviii n

Bachelli Ricardo, xix, 221 et n, 223n, 242 et n, 248 et n

Bacot Jacques, 165 et n, 166n

Bainville Jacques, 99n

Banville Théodore de, 150 et n

Barilli Bruno, xix, 218 et n, 223 et n, 226n, 227n, 239 et n, 287 et n

Barney Natalie Clifford, xiv, xv n, xxi, 9 et n

Barolini Helen, 80n, 83n

Baruzi Jean, 199n

Baruzi Joseph, 271 et n Bassiano les, x, xiii, 56n, 58n, 62n, 120n, 126n, 197n, 277n, 290n

Bataille Georges, 148n

Baudelaire Charles, 17n, 20n, 28n, 32n, 33n

Baur Harry, 151n Beach Sylvia, 39 et n, 90n, 112n, 160n, 165n, 168n, 173n, 174n, 179n, 194n, 200n, 202n, 211n, 243n, 262n

Beauchamps comtesse de, 110 et n Beaumont Étienne de, 24n

Beauvau les, 93 Beauvau-Craon Charles-Louis prince de, 81n, 93n, 304 et n Beauvau-Craon Mary Grace princesse de (Mary Grace Gregorini), 81 et n, 93n Bebe William, 274 et n Bec Lucien, 181 et n, 183n, 202 et n, 245 Bécat les, 112n

Bécat Marie voir Marie Monnier Bécat Paul-Émile, 95n, 247n

Beddoes Thomas Lovell, 164 et n, 165 et n

Begovic Milan, 179 Béhague comtesse de, xiv, 44n, 72n, 74n

Benaroya Laure, 23n

Benda Julien, 140 et n Benjamin Walter, 293n, 295 Benocci Carla, 62n Bérard Victor, 249 et n

Berners Lord (Gerald Hugh TyrwhittWilson), 97 et n Berry Walter, xxii

Berthault François, 270, 271 et n Berthelot Philippe, 109 et n

La rivista «Commerce» e Marguerite Caetani, Direzione di Sophie Levie. IV. Correspondance française. Paul Valéry, LéonPaul Fargue, Valery Larbaud, Édition présentée et annotée par Sophie Levie et Ève Rabaté, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2017

ISBN (stampa) 978-88-6372-918-4 (e-book) 978-88-6372-919-1 – www.storiaeletteratura.it

Beucler André, 117n, 151n, 204 et n

Beuil Honoré de, seigneur de Racan, 198 et n, 202 et n

Biddle Katherine (Katherine Garrison Chapin), 199n, 263 et n

Blanche Jacques Émile, 16 et n, 17, 137n

Blumenthal Florence (Mme B.), 63 et n, 66n

Blumenthal George, 63n

Bohnenkamp Klaus, 77n, 79n, 107n, 120n, 186n, 235n, 304n

Bonnard Abel, 94 et n

Bonnard Pierre, x

Bonnefoy René (René Guilleré), 170 et n, 181 et n, 183

Bonnière Suzanne, 59n, 225n

Bontempelli Massimo, 210 et n, 211, 237n

Borrow George, 242 et n Boschetti Anna, ix n Bouchet Pierre, 81n Bourget Paul, 117 et n

Boussingault Jean-Louis, 142n

Boylesve René, 57 et n Brasseur Pierre, 151n

Bremond Henri, 74 et n, 75n

Breton André, xvii, 128 et n, 129, 132, 177 et n, 239 et n Briand Aristide, 302 et n

Brisset Laurence, ix n, xii n, xiv n, 182n, 205n, 229n, 257n, 271n, 290n

Browne Sir Thomas, xix, 63 et n, 257 et n, 288n, 292n

Brunschvicg Léon, 14n

Büchner Georg, xvii, 107 et n, 186 et n, 193 et n

Bussy Dorothy et Simon, 47 et n

Bussy les, 290 et n

Butler Samuel, 306 et n, 307

Caby Frédéric, 123n

Caetani Camillo, xvi, 80 et n, 81 et n, 83n, 91 et n, 149, 293 et n

Caetani Gelasio, 196, 198 et n

Caetani Giovanella (baronne Grenier), 70 et n

Caetani Lelia, 80 et n, 81, 83, 84, 91 et n, 119, 121, 149, 157 et n, 299, 304

Caetani Roffredo, ix, xiii, 3n, 16, 21, 23, 25, 31n, 33n, 55n, 62n, 64, 72, 73, 79, 80, 81, 83, 84, 113 et n, 120 et n, 126n, 144, 149n, 167n, 172, 176, 177, 187 et n, 188, 201n, 203, 219 et n, 223, 261n, 272, 289n, 302

Caetani Ruggiero, 198, 201 Caffi Andrea, 288 et n, 293 et n Campbell Roy, 283 et n Capasso Aldo, 195n

Cardarelli Vincenzo, 271n Carril Adelina del, 261n, 273 et n Casanova Pascale, 168n Castagnou André, 202 et n, 238 et n Catel Jean, 200 et n, 202 Cecchi Emilio, xix, 33n, 218 et n, 220, 221, 223 et n, 226, 265n, 271n Chaliapine Fédor, 18n, 19 et n Chamson André, 134 et n Chanvin Charles, 94n, 104 et n, 151n, 171 et n, 172, 174 Chapin les, 83n

Chaplin Charlie, 151n Chapon François, 16n, 20n, 43n Charles Gilbert, 92 et n Charles-Roux François, 80n Charles-Roux Sabine, 80 et n Charrière Isabelle de, 243n Chaucer Geoffrey, 290 et n Chauvet Stephen (docteur), xiii, 71 et n, 73, 126n, 264 et n

Chéret Jules, 90n Chesterton G.K., 236n Chevasson Louis, 279n

Cingria Charles-Albert, 105 et n Claudel Mme (Reine Sainte-Marie-Per rin), 49

Claudel Paul, xi, 49-51, 73 et n, 109 et n, 113n, 144 et n, 145 et n, 153n, 177 et n, 185 et n, 188 et n, 190 et n, 193 et

INDEX DES NOMS328

n, 218 et n, 227 et n, 229-234, 241 et n, 248 et n, 250, 265n, 267 et n, 279 et n, 282 et n, 286 et n Clauss Max, 235n

Cocteau Jean, xv, 15 et n Colefax Lady Arthur, 11 et n, 12

Coleridge Samuel Taylor, 63 et n, 257n Commisso Giovanni, 248, 249 et n, 254, 260, 269 et n Comnène Marie Anne, 192n

Connes Georges, 221 et n Conrad Joseph, 310n Contu Raffaele, 78 et n Copeau Jacques, 20n Coronio Mlle, 97 et n Cortot Alfred, 32 et n Coste Claude, 88n Coubine Othon, 264n Courteline Georges, 140

Courthope William John, 184 et n Crémieux Benjamin, 162n, 179n, 180 et n, 182, 183, 190n, 192n, 193 et n, 196 et n, 218n, 220, 226, 242 et n, 249n, 271 et n Croiza Claire, 31 et n Crosby Nina, 97n Cummings E.E., 18

Dalby Henry, 221 et n Daragnès Jean Gabriel, 277 et n Dauchez Maître (notaire), 106 et n Daudet Léon, 141n Davis Ronald, 26 et n, 39n, 43 et n, 47 et n, 50 et n, 59 et n, 105 et n, 107n, 166 et n, 186 et n, 193, 203, 209 et n, 224n, 234n, 295

Debré Robert (docteur), 71n

Debussy Claude, 123n Degas Edgar, 210

Delvaille Bernard, 286n Dempsey Jack, 6n Denis M., 210

Dennett Laurie, ix n Dobrée Bonamy, 239 et n

Drieu la Rochelle Pierre, 83n, 95 et n, 125 et n, 235n, 239 et n Du Bos Charles, 74n, 213, 228, 230 Dufrène Maurice, 105 et n Duhamel Georges, 140 et n Dullin Charles, 15n Dumesnil René, 137n Dunoyer de Segonzac André, xvii, 94n, 102 et n, 106n, 115 et n Durey Louis, 93n Duriau Jean, 236 et n Durtain Luc (André Nepveu), 75n Duvivier Julien, 151n

Eça de Queiroz José Maria, 208n, 242 et n Eckhart Meister, 187 et n Eliot Thomas Stearns, 71n, 127 et n, 160 et n, 161n, 177 et n, 193 et n, 199, 209 et n, 223, 224, 237-239, 246n, 269n, 273 et n, 294, 295

Eliot Valerie, 161n

Elisabeth, Reine de Belgique, 70 et n Elskamp Max, 101n, 234, 235n

Fabre Lucien, xxii, 9 et n, 17-19, 22 et n, 37 et n, 88 et n, 94n, 100 et n, 102n, 106n, 158-160, 176 et n, 178, 205n Falla Manuel de, 139 et n, 159 et n Fargue Léon-Paul, ix xiv, xvi xix, xxi, xxii, 9n, 27 et n, 30, 33-35, 37-41, 48 et n, 49, 51, 54 et n, 66n, 69, 71n, 87-153, 159 et n, 162, 167, 168 et n, 170-176, 191 et n, 194 et n, 197, 204 et n, 224, 239n, 241 et n, 246, 247n, 249 et n, 257n, 265, 269, 273, 277, 279, 283

Fargue Mme (mère), 87 et n

Fauré Gabriel, 123n

Fawcett Peter, 42n

Ferrero Leo, 282n

Flaubert Gustave, 137n

Flausch Frank, 57 et n Florand Antoine Léon, 137 et n

INDEX DES NOMS 329

Floury Henri, 39n

Fort Paul, 140n

Fouques Bernard et Martine, 185n

Fournier-Pargoire Jeanne, 236 et n France Anatole, 250n

Frank Nino, 286n

Frank Waldo, 181 et n, 182

Freitas Laurent de, 90n, 141n

Fréret R., 41n, 68 et n, 126, 129, 134, 144, 147, 188, 219, 267, 282, 291

Freud Sigmund, 276n

Frison Gustave, 116n

Fry Roger, xiii, 120n, 209n

Gachons Jacques des, 278n, 285n

Gaillard André, 286n

Gallarati Scotti Tommaso, 188 et n

Gallimard Gaston, xiv, 38-40, 157 et n, 166n, 186, 286n

Galtier-Boissière Jean, 141n

Gance Abel, 151

Gateau Jean, 257n

Gatoff Alexandre, 244 et n Gaudin Félix, 138n, 142n

Germain André, 276

Gibert Frédéric, 105 et n

Gide André, 3, 7, 31, 38n, 42 et n, 47n, 80, 82 et n, 94 et n, 137, 177 et n, 223 et n, 229 et n, 230, 234 et n, 269n, 273, 279 et n, 282 et n, 283 et n, 290 et n

Gilbert Stuart, 254n

Giono Jean, 73 et n, 276n, 289 et n Giordano Umberto, 57n

Giraud-Badin Louis, 59n, 150n, 234n

Giraudoux Jean, 235n

Gobillard Jeannie, 6n, 18n, 81n

Gobillard Paule, 81n

Goethe Johann Wolfgang von, 78n

Gondrexon Jean, 262n, 263 et n

Goossens J.E., 43n

Goujon Jean-Paul, 87n, 112n, 128n, 130n

Grandi Dino, 299 et n

Grenier Albéric baron, 70n

Grenier baronne (Giovanella Caetani), 70 et n

Grinevsky Alexandra, 277n Groeth les, 133 et n, 289

Groethuysen Bernard, 83 et n, 107n, 120 et n, 132, 146 et n, 176n, 182 et n, 196, 204n, 235 et n, 238, 282, 288n, 293n, 295

Groom Gloria, 6n

Gubisch-Viñes Nina, 92n

Guéhenno Jean, 134n

Guillain Alix, 133n, 257n, 288 Guilleré René, 90n, 105 et n, 126n, 141n, 146 et n, 170 et n, 181 et n, 183 Güiraldes Ricardo, xix, 114 et n, 184n, 261 et n, 262, 271 et n Guitry Sacha, 152 Guye Simone, 40 et n

Händel Georg Friedrich, 164n Hanoteaux Gabriel, 56 et n Hardy Thomas, xvi, 69 et n, 197 et n, 203 et n, 266 et n, 273n Harris Frank, 221 et n Haughton Hugh, 161n Hawthorne Nathaniel, xix, 276 et n, 281 et n, 282

Hellens Franz, 286n Henraux les, 111 et n Henraux Lucien Sancholle, 27n, 56 et n, 120 et n

Héröet Antoine, xix, 195 et n, 227n, 228 et n, 230-233, 235-237 Herrick Robert, xix, 185 et n Hervieu Annie, 184n, 187n Hofmannsthal Hugo von, 113 et n, 120n, 129n, 228n, 235 et n, 246n, 257n, 293n, 295

Hölderlin Friedrich, 204 et n Honegger Arthur, 76 et n, 77n, 93n Hoppenot Henri, 194 et n, 206-208 Howard Hubert, 80n Hugnet Georges, 105 et n Hugo Victor, 28n

INDEX DES NOMS330

Huysmans Joris-Karl, 210

Iehl Jules (ps. Michel Yell), 98n, 100 et n, 104 et n

Iswolsky Hélène, 191 et n, 211 et n, 244n, 269 et n, 272

Ivanoff G., 295

Jacob Max, 105n, 177 et n, 279, 291 et n Jacomet Daniel, 295 Jalaly Julienne, 87 et n Jammes Francis, 181 et n, 190 et n Jarrety Michel, 9n, 11n, 13n, 14n, 16n, 22n, 25-28, 31-35, 44n, 46n, 47n, 51n, 52n, 56-58, 61n, 65n, 66n, 68n, 75n, 78n, 81n, 141n

Jean-Aubry Georges, xviii, 11n, 181n, 310 et n

Jensen Vilhelm (Wilhelm), 276 et n Jiménez Juan Ramón, 263 et n Jolas Eugène, 114n, 294

Joseph Lawrence, 11n Jouhandeau Marcel, 105n Jourdain Francis, 98n Jouvet Louis, 90n

Joyce James, xix, 165 et n, 168n, 179n, 193 et n, 226n, 250n, 273n Junoy Josep Maria, 203 et n Jusserand Jean Jules, 290 et n

Karaïskakis Georges, 16n, 20n, 43n

Kassner Rudolf, x, 65 et n, 77 et n, 178n, 204 et n, 235 et n, 238 et n, 257 et n, 279 et n, 280 et n, 299 et n

Keats John, 165

Kierkegaard Sören, 257n

Kimball Anne, 105n Klee Paul, 127 et n

Kommer Rudolf K., 228n

Kopylov Christiane et Marc, 250n

Labaude Léon, 57 et n, 58n

Laborde Charles (Chas-Laborde), 221 et n

Laboureur Jean Émile, 235n

Laffont Robert, 152n

Lahure Alexis, 99 et n, 110 et n Lahure Charles, 99n

Lanckoronska Karla comtesse, 79 et n Landor Walter Savage, 159n, 160 et n, 164 et n, 248

Lanux Pierre de, 162n, 225n, 228 et n, 245, 255 et n Larbaud Mme (mère), 175, 192, 201, 202, 230, 254, 278, 296 et n Larbaud Valery, ix xiv, xviii xxii, 33n, 34 et n, 38-40, 48 et n, 49, 51, 57n, 63 et n, 71n, 87n, 92, 94n, 101-103, 112n, 114n, 117 et n, 118 et n, 121n, 122n, 124 et n, 140n, 143, 146n, 151n, 157-310

Larthe Noémi, 277n

Latour Alfred, 20n

Laurencin Marie, xvii, 92-94 Léautaud Paul, 112 et n, 286n Lebey Édouard, xiv Lebrun Émile, 213n

Leclerc, 256, 271

Lefèvre Frédéric, 141n

Léger Alexis voir Saint-John Perse Leopardi Giacomo, 69n, 133n, 179n, 180n, 183n, 190 et n, 193 et n, 195 et n, 265n, 271n

Lestringant Frank, 82n

Leuilliot Bernard, xviii n

Levé Denise, 107 et n Levé (Levet) Henri, 41n, 68n, 70 et n, 72n, 114n, 179, 188, 212 et n, 228230, 232, 236, 248, 271, 275

Levie Sophie, ix n, xii n, xiv n, 77n, 79n, 102n, 107n, 120n, 129n, 182n, 186n, 191n, 205n, 229n, 235n, 244n, 257n, 271n, 273n, 286n, 290n, 304n

Lévy Pierre-Gaspard, 286n

Limbour Georges, 282 et n, 283 et n Lingendes Jean de, 198 et n, 202 et n Linossier Raymonde, 149n

Lioure Françoise, 274n, 300n Liszt Franz, x

INDEX DES NOMS 331

Livingston Lowes John, 274n Lochac Emmanuel, 277 et n Lorca Federico García, 249n, 279 et n Luchaire Julien, 75n

MacLeish Archibald, xix, 63 et n, 196 et n, 204 et n, 246 et n, 248 et n Maeterlinck Maurice, 140n Magalotti Lorenzo, 220 et n, 221 Maier Bruno, 179n

Mallarmé Stéphane, 28 et n, 210 Malraux André, 257n, 279n Mandelstam Osip, 185n Manet Edouard, 6 et n Manet Eugène, 6n Manet Julie (cousine Rouart), xiv, 6 et n, 8n, 52n

Mann Thomas, 257 et n Marsan Eugène, 92n, 242 et n Massis Henri, 99 et n Masson Pierre, 82n Mauron Charles, 66 et n, 209n Meillet Antoine, 250 et n Méliès Georges, 151n Melz Renaud, 166n, 194n Mérimée Prosper, 242n Michaux Henri, 235n, 239 et n, 286n Milhaud Darius, 93n Millay Edna, 199 et n Miomandre Francis de, 184 et n, 191 et n, 193n, 200, 206 et n, 260 et n, 269 et n, 273 Miró Gabriel, 277 et n Mirsky Dmitri, 129 et n, 132 et n, 244 et n, 272, 273 et n Monaco Pierre prince de, 57n, 58 et n Monnier Adrienne, x, xiii, xxi, 33n, 35 et n, 37-40, 43n, 44n, 59n, 75n, 76 et n, 90n, 100 et n, 105n, 112 et n, 115 et n, 118n, 134n, 159n, 160n, 165n, 167-174, 179n, 194n, 202 et n, 211n, 225 et n, 241 et n, 243n, 247n, 262n

Monnier Marie, 44n, 76n, 100n, 112n, 130n, 247 et n

Montaigne Michel de, 282 Montesquieu Charles de, 59 et n Moore Marianne, 199n Morand Paul, 9 et n, 220 et n Moreau Luc-Albert, 97 et n Morel Auguste, xix, 184 et n, 187n, 193n, 254n, 283 et n Morisot Berthe, 6 et n Moron Paule, ix n Mousli Béatrice, 162n, 194n Moussorgski Modeste, 18n Mucha Alphonse, 90n Mühlfeld (Mme), 63n Mussolini Benito, 32n

Nau John Antoine, 48 et n Nebbia Maria, xviii, 118n, 218n, 226n, 239n, 303n Némirovsky Irène, 151 et n Nietzsche Friedrich, 243 et n, 257 et n Noailles Anna comtesse de, 140 et n Nointel marquis de, 282

O’Flaherty Liam, xix, 251 et n, 256, 258 et n, 267n, 271 et n, 276n, 281n Op de Coul Paul, 57n Origo Iris, 15n, 152n Ortega y Gasset José, 114n, 199n

Painlevé Paul, 78n Para Jean-Baptiste, 249n Parr Audrey, 50 et n Pascal Germaine, 261 et n, 266 Pascarel Barbara, xviin, 131n, 146n, 151n Pascoli Giovanni, 222 et n Pasternak Boris, 185n, 269n Paulhan Jean, xivn, xviiin, 51, 52n, 61n, 67 et n, 71n, 83 et n, 101 et n, 107n, 121n, 125n, 128, 129, 138, 140n, 145n, 146n, 177, 186, 189n, 197, 204-206, 210n, 211, 219 et n, 220 et n, 225, 235 et n, 238, 242-244, 249n, 256, 257 et n, 261 et n, 265 et n, 266, 269, 271 et n, 272, 276 et n, 286n, 293n, 307-309

INDEX DES NOMS332

Pecollelis Elisabetta de (Elisabetta San cholle Henraux), 27 et n, 120n

Pelletan Édouard, 20n

Péret Benjamin, xi, 67n, 133n, 136n, 145n, 205n, 263n, 265n, 269n

Philippe Charles-Louis, 104n, 118n

Poe Edgar Allan, xvi, 20n, 63n, 64 et n, 69n, 72 et n, 133n

Polignac Charles de, xv, 24 et n

Polignac Edmond prince de, 23n

Polignac Edmond princesse de (Win naretta Singer), 23 et n, 24 et n, 58n, 95 et n, 101, 139 et n, 187

Polignac Melchior de, 97 et n

Ponge Francis, 204 et n

Porel Jacques, 93n

Pouchkine Alexandre, 211 et n, 269n, 272, 273 et n

Poulenc Francis, 93n

Povolotsky Yakov Evgenevic, 189 et n, 191 et n, 244 et n

Pozzi Catherine, xv, xvi, 11n, 20n, 21n, 61n, 73n, 97 et n, 235n

Pozzi les, xiv, 26n, 28n

Pozzi Samuel et Thérèse, 11n

Prévost Jean, xv, 54 et n, 111 et n, 114 et n, 115 et n, 118, 204 et n

Primoli Joseph Napoléon (comte), 137 et n

Prokofiev Sergej, 139 et n Proust Marcel, 93n

Psellos Michel, 248 et n, 257

Puccini Mario, 169 et n, 179n, 254 et n

Quiller-Couch Arthur, 184 et n Quint Léon Pierre, 249n

Rabaté Ève, xx, 33n, 49n, 51n, 58n, 61n, 87n, 168n, 205n, 213n, 271n, 280n Raval Marcel, 127n

Ravel Maurice, xvii, 29 et n, 88 et n, 94n, 123n

Ray Marcel, 98 et n, 182n, 249, 274n

Régnier Henri de, xv, 51 et n, 140 et n

Reinhardt Max, 129n, 228 et n Réjane Gabrielle, 93n Remisov Alexeï, 283 et n Renard Jules, 140n Renauld Émile, 248 et n, 257n Renouard Philippe, 99 et n Reszke Jean de, x Reyes Alfonso, xix, 289 et n Ribemont-Dessaignes Georges, 286 et n Rilke Rainer Maria, ix, 50, 51 et n, 54 et n, 61 et n, 107n, 120n, 180 et n, 186 et n, 280n, 293n

Rivière Georges-Henri, 148 et n Rivière Jacques, 38n, 219 et n, 222, 294 Rivière Mme, 223 et n Rochefoucauld Edmée de la, 65n, 249 Rodriguez Antonio, 291n Romains Jules, 22n, 75n, 112 et n, 140n Rondeaux Madeleine, 31n Ronsard Pierre de, 31 et n Rothermere Lady, 273 et Rouart Ernest, 6n Rouart Martine, 81n Rouart Paul, 6n, 18n Rouart Vincent, 81n Rouart-Valéry Agathe, 6n, 43n, 45 et n, 66 et n, 81n

Rouveyre André, 141n Royère Jean, xv, 48 et n, 178, 179 et n Rubinstein Arthur, 110 et n Rubinstein Ida, 76n Ruggiero Ortensia, 195n Ruteboeuf, 279 Rypko Schub Louise, 90n, 94n, 117n, 118n, 121n, 122n, 125n, 131n, 141n, 142n, 194n

Saché Alice le, 248, 249, 254 Sagaert Martine, 82n Saillet Maurice, xxii, 38n, 112n, 160n, 177n, 197n, 199n, 209n, 225, 269n Saint-John Perse, xii xiv, 33n, 34, 48-51, 87n, 92 et n, 94 et n, 109n, 114n, 161n, 166 et n, 167n, 169 et n, 174-177, 185,

INDEX DES NOMS 333

186, 189 et n, 194n, 197, 198n, 207n, 240, 246n, 255, 265 et n, 289, 293n, 302

Saint-Saëns Camille, 31n

Santayana George, 228 et n, 236 et n Saragat Joseph, 84 et n

Saucier Roland, 127 et n

Savinio Alberto, 218-220

Scève Maurice, xix, 193 et n, 204 et n, 211n, 236 et n

Schakowskoy princesse, 235n

Schiffrin Jacques, 213n, 269n, 273

Schlumberger Jean, 47 et n

Schwob Marcel, 140n

Scott Geoffrey, 243 et n

Segonds Jean-Philippe, 276n

Serna Ramón Gómez de la, 159 et n, 162n, 220 et n

Shakespeare William, xix, 20 et n, 213 et n, 220, 221n, 227 et n, 238n, 269 et n, 271

Sichel Pierre, 162 et n Simon Michel, 151n

Singer Isaac, 23n

Sitwell Edith, xix, 197 et n, 198, 201 et n, 202 et n, 209 et n, 210 et n, 212n, 217-219

Sitwell Sacheverell, 209 et n Smith Gerald S., 129n, 191n, 244n, 273n

Sollier J.-M. voir Adrienne Monnier

Soupault Philippe, 205 et n, 206, 234 et n, 239 et n

Stendhal (Marie-Henri Beyle), 63 et n, 255

Stols Alexandre A. M., 68n, 250n, 255, 262, 286 et n

Strachey Lytton, 47n

Strauss Richard, 272

Stravinsky Igor, xvii, 94n, 97 et n, 139 et n Suarès Andrè, 140n, 206-208, 243 et n, 244 et n, 286n

Supervielle Jules, 186 et n, 206 et n, 209 et n, 249 et n, 269n, 272 et n, 273, 277 et n, 279 et n

Svevo Italo (ps. Ettore Schmitz), 164 et n, 169, 179 et n, 192 et n

Tailhède Raymond de La, 264n Tailleferre Germaine, 93 et n, 94n Tavernier Jean-Baptiste, 176 et n Téry Gustave, 141n Thialet Georges, 286n Thibaudet Albert, 137n Thomson Patricia, 184n Thurn und Taxis Marie princesse de, 235

Tomlinson Henri Major, 274 et n Toscanini Arturo, 57 et n Toulouse-Lautrec Henri de, 39n Tournaud Robert, 275 et n Tourneur Jacques, 151n Toussaint Franz, 197 et n Tronche Jean Gustave, 59 et n, 225 et n, 227 Tucker Thomas George, 213 et n Tyard Pontus de, 28n

Ungaretti Giuseppe, 32n, 69n, 78n, 133n, 134n, 195 et n, 210n, 211n, 218-220, 226, 265 et n, 293n, 294, 299

Valéry Claude, 59 et n, 73 et n, 82

Valéry François, 71 et n, 73 et n, 82, 84

Valéry Jules, 32n

Valéry Madeleine, 81n

Valéry Paul, ix xii, xiv xix, xxi xxiii, 3-84, 87n, 90n, 97 et n, 101-103, 111n, 118, 120n, 124 et n, 126, 129, 133n, 134n, 140-142, 159n, 166-171, 174, 176 et n, 177n, 180 et n, 188, 194, 195, 201n, 204 et n, 205 et n, 210 et n, 235 et n, 238 et n, 241 et n, 247n, 249 et n, 250 et n, 255, 262n, 265, 266 et n, 270 et n, 273n, 278 et n, 282 et n, 283, 285n, 292n, 293n

Vandérem Fernand, 141n

Verlaine Paul, 210

Viélé-Griffin Francis, 140n

INDEX DES NOMS334

Vignier Charles, 177 et n Vinci Léonard de, 28n, 33n Viñes Ricardo, xvii, 87n, 92 et n, 94n, 139 et n, 159 et n, 169 Viollis André, 134n Vitrac Roger, 177 et n Volta Ornella, 24n Vuillard Édouard, x, 6 et n Vuillermoz Émile, 94n, 123 et n

Wade Thomas, 165 et n Waley Arthur, 197 et n, 198, 201n, 204 et n

Wells Charles Jeremiah, 164 et n, 165 et n

Wharton Edith (Miss Wh.), 56 et n Whitaker John T., 80n Whitman Walt, 200 et n, 202 Whittmann Jean-Michel, 82n Williams William Carlos, 181 et n, 182, 199n

Woolf Virginia, 66n, 280 et n Wyatt Sir Thomas, xix, 184 et n, 185 et n, 187 et n, 213

Zylberstein Jean-Claude, xviii n

INDEX DES NOMS 335

PUBBLICAZIONI DELLA FONDAZIONE CAMILLO CAETANI

Studi e documenti d’archivio Collana diretta da Luigi fiorani

1. S Levie, Commerce, 1924-1932. Une revue internationale moderniste, Roma 1989

2. Ninfa. Una città, un giardino. Atti del Colloquio della Fondazione Camillo Cae tani, Roma-Sermoneta-Ninfa, 7-9 ottobre 1988, a cura di L. fiorani, Roma 1990

3. m. venditteLLi, “Domini” e “universitas castri” a Sermoneta nei secoli XII e XIV, Roma 1993

4. j. hunter, Girolamo Siciolante pittore da Sermoneta (1521-1575), Roma 1996

5. Boniface VIII en procès. Articles d’accusation et dépositions des témoins (13031311). Èdition critique, introductions et notes par j CoSte, Roma 1995

6. L. Caetani, Altri studi di storia orientale. Pagine inedite, a cura di f. teSSitore, Roma 1997

7. S. touSSaint, De l’enfer à la coupole. Dante, Brunelleschi et Ficin. À propos del “codici Caetani di Dante”. Préambule d’e. garin, Roma 1997

8. S. poLLaStri, Les “Gaetani” di Fondi. Recueil d’actes (1174-1623), Roma 1998

9. Sermoneta e i Caetani, Dinamiche politiche, sociali e culturali di un territorio tra medioevo ed età moderna. Atti del convegno della Fondazione Camillo Caetani, Roma-Sermoneta, 16-19 giugno 1993, a cura di L. fiorani, Roma 1999

10. La rivista Botteghe Oscure e Marguerite Caetani. La corrispondenza con gli autori italiani, 1948-1960, a cura di S. vaLLi, Roma 1999

11. p. ghione, v. Sagaria roSSi, L’ Archivio Leone Caetani all’Accademia dei Lincei, Roma 2004

12. Alcuni ricordi di Michelangelo Caetani duca di Sermoneta raccolti dalla sua vedo va e pubblicati pel suo centenario, a cura di g. monSagrati, Roma 2005

13. La rivista Botteghe Oscure e Marguerite Caetani. La corrispondenza con gli autori francesi, 1948-1960. Direzione di j. riSSet. I. Sezione francese a cura di L. San tone e p. tamaSSia, Roma 2006

14. Laboratorio Campanella. Biografia, contesti, iniziative in corso. Atti del conve gno della Fondazione Camillo Caetani, Roma, 19-20 ottobre 2006, a cura di g. ernSt e C. fiorani, Roma 2007

15. La narrativa di Guglielmo Petroni. Atti della giornata di studi della Fondazione Camillo Caetani, Roma, 27 ottobre 2006, a cura di m. tortora, Roma 2007

Quaderni della Fondazione Camillo Caetani Collana diretta da Luigi fiorani

1. r. morghen, Bonifacio VIII e il Giubileo del 1300 nella storiografia moderna, con una introduzione di L. Sandri e una premessa di L. Caetani, Roma 1975

2. a. StiCkLer, Il Giubileo di Bonifacio VIII. Aspetti giuridico-pastorali, Roma 1977

3. p. o. kriSteLLer, Marsilio Ficino letterato e le glosse a lui attribuite nel codice Caetani di Dante, Roma 1981

4. j. hunter, t. pugLiatti, L. fiorani, Girolamo Siciolante da Sermoneta (15211575). Storia e critica, Roma 1983

5. S. Levie, La rivista Commerce e il ruolo di Marguerite Caetani nella letteratura europea, 1924-1932, Roma 1985

6. a gardi, Il cardinale Enrico Caetani e la legazione di Bologna (1586-1587), Roma 1985

7. L. hadermann miSguiCh, Images de Ninfa. Peintures médiévales dans une ville ruinée du Latium, Roma 1986

8. r. zapperi, Un buffone e un nano fra due cardinali. Aspetti della comicità a Roma nell’ultimo Cinquecento, con una nota di L megLi, Roma 1995

Fuori collana

Il salotto delle caricature. Acquerelli di Filippo Caetani 1830-1860, a cura di g. gor gone e C. CanneLLi, Roma 1999

“Il costume è di rigore”. 8 febbraio 1875: un ballo a Palazzo Caetani. Fotografie romane di un appuntamento mondano, a cura di g. gorgone e C. CanneLLi, Roma 2002

Inventarium Honorati Caietani. L’ inventario dei beni di Onorato II Gaetani d’Arago na, a cura di S. poLLaStri, Roma 2006

Palazzo Caetani. Storia, arte e cultura a cura di L. fiorani, Roma 2007

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