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© Fondazione Lucio Fontana by SIAE 2013 pour / for Lucio Fontana © Fondazione Piero Manzoni by SIAE 2013 pour / for Piero Manzoni © Fondazione Palazzo Albizzini Collezione Burri, Città di Castello by SIAE 2013 © Alberto Biasi, Alighiero Boetti, Agostino Bonalumi, Giuseppe Capogrossi, Enrico Castellani, Elisabetta Catalano, Jannis Kounellis, Angelo Savelli by SIAE 2013 © 2013 Dominique Stella Pour son texte / For the text L’éditeur est à la disposition des ayant-droits pour les éventuelles sources iconographiques non identifiées / The editor is available to copyright holders for any questions about unidentified iconographic sources. © 2013 Forma Edizioni srl, Poggibonsi, Italy Aucune partie de ce catalogue ne peut être reproduite ou transmise sous aucune forme et avec aucun moyen électronique, mécanique ou autre sans l’authorisation écrite des propriétaires des droits et de l’éditeur / All rights reserved, no part of this publication may be reproduced in any form or by any means without the prior permission in writing of the publisher. Première édition : avril 2013 First edition: April 2013 ISBN: 978-88-96780-42-8
Table des matiティres Contents
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Bianco Italia Dominique Stella
ナ置vres / Works 28 32 38 44 52 60 66 74 80 90 94 98 106 116 120 132 136 140 146 152 160 166 174 178
Vincenzo Agnetti Pablo Atchugarry Alberto Biasi Alighiero Boetti Agostino Bonalumi Alberto Burri Pier Paolo Calzolari Giuseppe Capogrossi Enrico Castellani Mario Ceroli Gianni Colombo Dadamaino Lucio Fontana Jannis Kounellis Piero Manzoni Fabio Mauri Giulio Paolini Francesca Pasquali Angelo Savelli Salvatore Scarpitta Paolo Scheggi Turi Simeti Patrizio Travagli Nanda Vigo
Bianco Italia Dominique Stella
« Le blanc agit sur notre âme comme un grand silence, absolu pour nous ». (Wassily Kandinsky)
“White acts upon our psyche like a great, absolute silence.” (Wassily Kandinsky)
En peinture, chaque couleur émane d’une force suggestive que la sensation, la tradition, la culture associent à des qualités fondamentales : l’équilibre (bleu), la force ou la colère (rouge), la gaieté (jaune), la plénitude de la nature (vert)… Toutes interprétations contestables mais néanmoins liées à un imaginaire collectif teinté de multiples variantes individuelles et subjectives. Cette vision romantique fut formalisée par Johann Goethe dans un essai écrit entre 1790 et 1823, dans lequel l’auteur fonde sa théorie sur la polarité des couleurs et développe son système à partir du contraste naturel entre le clair et le foncé, basant la notion de couleur sur l’expérience sensorielle spontanée. Si pour la plupart des scientifiques opposés à Goethe, la couleur est révélatrice du monde extérieur, pour lui, elle est révélatrice d’une démarche intérieure. Selon cette approche, la couleur blanche, dans notre monde occidental, est associée à la pureté, à l’innocence, à la chasteté, à la paix, à la spiritualité, à la sainteté et à la vie. L’origine de cette symbolique réside dans le caractère immaculé et absolu de la lumière blanche et dans le fait que le blanc est aussi la couleur de la neige, du lait nourricier… Toutes assimilations émanant davantage d’une tradition instinctive que d’une connaissance objective du phénomène physique qui engendre cette couleur, car en effet, le blanc est, d’un point de vue optique, la synthèse chromatique de toutes les longueurs d’onde visibles. Ce qui explique sans doute le sens qu’on lui accorde en Occident : celui de l’unité, de l’équilibre parfait.
In painting, each color derives from a suggestive power that sensation, tradition and culture associate with fundamental qualities: balance (blue), power or anger (red), cheerfulness (yellow), the fullness of nature (green)… These associations might be questionable, but they nevertheless reflect a collective imaginary, inflected in multiple individual and subjective variations. This romantic vision was articulated by Johann Goethe in an essay written between 1790 and 1823. Goethe grounded his theory on color polarity and developed a system based on the natural contrast between light and dark colors, deriving the notion of color from immediate, sensorial experience. Whereas for most scientists who were opposed to him, color revealed the outside world, for Goethe it disclosed an inner process. According to this approach, in the Western world the color white is associated with purity, innocence, chastity, peace and spirituality, holiness and life. These symbols originate in the immaculate and absolute character of white, not to mention that white is also the color of snow, of nourishing milk… These associations are inherited from an instinctive tradition rather than based on an objective knowledge of the physical phenomenon that creates that color; indeed, from an optical point of view, white is the chromatic combination of all visible wavelengths. Which probably explains the meaning that is attached to this color in the Western world: that of unity, of perfect balance.
Cette identification de la couleur à une forme de représentation consciente fut contestée par les artistes du début du XXe siècle dans une interprétation nouvelle basée sur l’expérience physique et spatiale de la couleur, en rupture avec le chromatisme réaliste. Ce furent notamment les suprématistes qui réconcilièrent l’art avec les lois physiques de la lumière. Conscients des nouvelles données scientifiques basées sur la relativité, ils développèrent un nouveau point de vue sur l’univers qui induit une prise de conscience d’un réel plus vaste, excluant la construction perspectiviste reliée à l’horizon terrestre et privilégiant la dimension intuitive de l’homme. Malevitch est, avec Kandinsky et Mondrian, l’un des fondateurs du Suprématisme et un théoricien de l’art non figuratif. L’art pour l’art est son dogme. Il renie la peinture de représentation et propose des œuvres radicales, définissant sa position dans un manifeste
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This identification of color with a form of conscious representation was challenged by early 20th century artists, who proposed a new interpretation based on a physical and spatial experience of color, as opposed to chromatic realism. Suprematists, in particular, reconciled art with the physical laws of light. Aware of the new scientific data based on relativity, they developed a new perspective on the universe, grounded on an awareness of a larger reality, and rejected tri-dimensional representations, which used the terrestrial horizon and human intuition as a their main reference. Malevich, along with Kandinsky and Mondrian, was one of the founders of Suprematism as well as a theoretician of non-figurative art. Art for art’s sake was his creed. He refused representational painting and created radical works, laying out his views in a manifesto written in 1916. In that essay, he asserted the preeminence of emotion over any other artistic consideration, and rejected all forms of mimetic
Kazimir Malevitch, Composition suprématiste : carré blanc sur fond blanc, 1918, Museum of Modern Art (MoMA), New York, huile sur toile, cm 79,4x79,4 (photo Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Firenze). Kazimir Malevich, Suprematist Composition: White on White, 1918, Museum of Modern Art (MoMA), New York, oil on canvas, in 31,3x31,3 (photo by Digital image, The Museum of Modern Art, New York/Scala, Firenze).
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ナ置vres / Works
Alberto Burri (1915, Città di Castello – 1995, Nice)
Diplômé de médecine en 1940, c’est lors de l’exercice de ses fonctions auprès de l’armée italienne durant la 2nde guerre mondiale, qu’Alberto Burri est fait prisonnier par les alliés et transféré au Texas où il commence à peindre sur les matériaux à disposition comme la toile de jute. À son retour en Italie en 1946, à Rome, il renonce définitivement à la médecine pour se consacrer uniquement à la peinture. L’année suivante sa première exposition personnelle se tient à la Galleria Margherita. Son œuvre relevant déjà d’un langage abstrait, il présente des paysages et des natures mortes aux lignes schématiques. Ses œuvres purement abstraites apparaissent en 1948 et sont intitulées Bianchi et Catrami (Blancs et Goudrons). Les monochromes aux tonalités sourdes présentent des matériaux ravagés à caractère organique. La série des Gobbi (Bossus) incorpore la notion de déformation de la surface, et l’artiste suggère un travail plastique plus fort. En 1951, Alberto Burri participe à la création du Gruppo Origine, avec Mario Ballocco, Ettore Colla et Giuseppe Capogrossi, en opposition à la nature décorative de l’art abstrait. Ses recherches intéressent fortement la critique ainsi que des artistes comme Rauschenberg et Calder, mais c’est la série des Sacchi (assemblage de toile de jute, sacs usagés, souillés) qui lui vaudra la reconnaissance. Plutôt que de figurer la misère, Alberto Burri utilise des fragments de réalité confinant au dénuement, mais surtout expérimente à la surface de ses toiles. Il expose ses œuvres à la Biennale de Venise en 1952 et l’année suivante, il est le seul artiste italien à participer à l’exposition « Younger European Painters » au Guggenheim Museum de New York. A partir de 1957, l’artiste inaugure de nouvelles expérimentations regroupées sous le terme de Combustioni (Combustions) : la flamme devient un outil artistique pour brûler le bois, les matières plastiques ou le métal. A partir des années 60, sa carrière internationale s’intensifie avec des expositions aux Etats-Unis et le Grand Prix de la Biennale de São Paulo. Au début des années 70, les Combustioni trouvent leur prolongement dans le travail sur les Cretti (Crevasses), où cette fois la matière naît d’une dilution de colle vinylique avec de l’eau, de l’argile et de la chaux que l’artiste va jusqu’à répandre, entre 1985 et 1989, sur les décombres d’un quartier de Gibellina en Sicile, ville détruite par un tremblement de terre en 1968.
After graduating from medical school in 1940, Alberto Burri was drafted in the Italian army and was captured by the allied forces before being transferred to Texas, where he started painting on the materials that were available to him, such as burlap. When he returned to Italy in 1946, he definitively abandoned medicine to devote himself completely to painting. The following year his first solo exhibition was held at the Galleria Margherita. Using an abstract language, the artist presented landscapes and still-lives with schematic lines. His purely abstract works appeared in 1948 and were entitled Bianchi and Catrami (Whites and Tars). These monochromatic, muted pieces featured ravaged, organic materials. The series of Gobbi (Swells) featured a deformed surface, suggesting a stronger plastic intervention by the artist. In 1951 Burri was one of the co-founders of the Gruppo Origine with Mario Ballocco, Ettore Colla and Giuseppe Capogrossi, who rejected the decorative effects of abstract art. Their endeavors highly interested art critics as well as artists such as Rauschenberg and Calder, but the Sacchi series (a combination of burlap and used, soiled bags) was what made him famous. Rather than representing poverty, Burri used fragments of reality confining to destitution, but mostly he conducted experiments on the surface of the canvas. He showed his works at the Venice Biennial in 1952 and the following year he was the only Italian artist to participate in the “Younger European Painters” exhibition at the Guggenheim Museum in New York. Starting in 1957, the artist inaugurated new experiments united under the title Combustioni (Combustions): the flame became an artistic tool that was used to burn wood, plastic or metal. As of the 1960’s, his international career intensified as he started exhibiting in the United States and won the Great Prize at the São Paulo Biennial. In the early 1970’s the Combustioni were prolonged in his work on Cretti (Cracks), where the material resulted from the dilution of vinyl glue with water, clay and lime. Between 1985 and 1989, he went as far as spreading that mixture on the debris of the Gibellina neighborhood in Sicily, which had been destroyed by an earthquake in 1968. Portrait d’Alberto Burri travaillant à sa série des Combustioni (Combustions) en 1976 (photo Aurelio Amendola). Portrait of Alberto Burri during the making of the series Combustioni (Combustions) in 1976 (photo by Aurelio Amendola).
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Cretto 1975
Peinture acrylique-vinylique sur cellotex / Acrylic-vinyl paint on cellotex cm 30x33,5 / in 11,8x13,2
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Cretto 1978
Peinture acrylique-vinylique sur cellotex / Acrylic-vinyl paint on cellotex cm 70x57 / in 27,6x22,4
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Giuseppe Capogrossi (1900, Roma – 1972, Roma)
Diplômé de droit en 1922, sa première expérience en peinture consiste en la réalisation de copies de grands maîtres italiens du XVe siècle. Entre 1923 et 1924, il fréquente l’atelier de Felice Carena et les académies de peintures, comme la Casa d’Arte Bragaglia en 1925. Il expose pour la première fois à l’Hôtel Dinesen à Rome, en 1927. Ce sont des petits formats, des paysages, des vues de Rome et son Autoritratto (Autoportrait). C’est aussi l’année de son premier voyage à Paris et le début de son intérêt pour les nouvelles tendances artistiques. En 1930, il expose à la XVIIe Biennale de Venise puis en 1932 à la troisième exposition du Syndicat Fasciste des Beaux-Arts où il présente sept toiles, toujours figuratives. Durant ces années, il renforce ses affinités avec Emanuele Cavalli, se lie à Corrado Cagli et en 1933, à Milan, la Galleria Il Milione présente le travail de nouveaux peintres romains, formalisé la même année comme Scuola Romana (Ecole romaine) par Waldemar George à l’occasion de leur exposition à la galerie Jacques Bojan à Paris. A partir de 1935, le succès de l’artiste est incontestable : il participe à de nombreuses reprises à la Biennale de Venise et à des expositions internationales aux Etats-Unis et en Europe. Le figuratif cède progressivement le pas à l’abstraction géométrique. Il parvient en 1949 au développement d’un nouveau langage obtenu par l’extrême simplification d’un signe principalement formalisé par une sorte de peigne, une lettre « E » aux angles arrondis. Dénué de tout signifiant pour ne plus lui conférer qu’une notion graphique il le dispose sur la toile afin de créer rythmes et variations à l’infini. Présenté pour la première fois à Rome à la Galleria del Secolo en 1950, il le déclinera à travers ses Superfici, jusqu’à la fin de sa carrière. En 1951, l’exposition collective avec Alberto Burri, Mario Ballocco et Ettore Colla à Aurora 41 à Rome marque le début de sa collaboration au Gruppo Origine. Puis en 1952, il rejoint le Gruppo Spaziale, initié par Lucio Fontana, mettant au centre des préoccupations artistiques l’espace, le temps et l’énergie. La singularité de Capogrossi est reconnue au niveau international à partir des années 50 : son travail est présenté à Galerie Nina Dausset à Paris dans l’exposition « Véhémences confrontées » (1951), au Guggenheim de New York (1953), à la Biennale de Venise (1954, 1962), à la documenta de Kassel (1955, 1959), à la Tate Gallery (1964) etc. Giuseppe Capogrossi meurt en 1972 à Rome.
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Capogrossi graduated from law school in 1922 and his first artistic experience was to copy old Italian masters from the XVth century. Between 1923 and 1924 he frequented Felice Carena’s atelier as well as academies such as the Casa d’Arte Bragaglia in 1925. He exhibited for the first time at the Dinesen Hotel in Rome in 1927. The works he presented were small formats, landscapes, views of Rome and a Autoritratto (Self-Portrait). It was also the year of his first visit to Paris and the beginning of his interest in new artistic movements. In 1930 he exhibited at the XVIIth Venice Biennial and in 1932 he was featured at the third exhibition organized by the fascist Fine Arts Union, where he presented seven paintings, all of them figurative. During those years he became closer to Emanuele Cavalli and became friends with Corrado Cagli. In 1933 the Galleria Il Milione in Milan presented the work of new Roman painters, which Waldemar coined Scuola Romana (Roman School) in the wake of an exhibition at the Jacques Bojan gallery in Paris. In 1935 the artist’s success was undeniable: he participated several times in the Venice Biennial and exhibited his work in the United States and Europe. Figuration soon gave way to geometric abstraction. By 1949 he had developed a new language, resulting of the extreme simplification of a comb-shaped sign, a letter “E” with rounded angles. Devoid of all significance, it was reduced to a pure graphic notion, which the artist arranged on the canvas to create endless rhythms and variations. After presenting it for the first time at the Galleria del Secolo in Rome in 1950, he declined it in all his Superfici throughout his career. In 1951, the collective exhibition with Alberto Burri, Mario Ballocco and Ettore Colla at Aurora 41 in Rome marked the beginning of his collaboration with the Gruppo Origine. In 1952 he joined the Gruppo Spaziale founded by Lucio Fontana, which focused on space, time and energy as its main artistic inspirations. Capogrossi’s originality started to be recognized in the 1950’s: his work was shown at the Galerie Nina Dausset in Paris with the exhibition “Véhémences confrontées” (1951), the Guggenheim in New York (1953), the Venice Biennial (1954, 1962), the documenta in Kassel (1955, 1959), the Tate Gallery in London (1964), etc. Giuseppe Capogrossi died in 1972 in Rome.
Giuseppe Capogrossi devant son œuvre Superficie 28 (déjà intitulée Superficie 25, 19501952) à la Galleria del Naviglio, Milan, 13 janvier 1953 (photo Archivio Farabola). Giuseppe Capogrossi with in the back his work Superficie 28 (formerly titled Superficie 25, 1950-1952) at the Galleria del Naviglio, Milan, January 13 1953 (photo by Archivio Farabola).
Superficie 689 1970
Relief blanc avec formes en bois sur panneau avec Tirotex / White relief with wooden forms on panel on Tirotex cm 54x65 / in 21,3x25,6
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Piero Manzoni (1933, Soncino – 1963, Milano)
Piero Manzoni grandit à Milan au sein d’une famille qui fréquente le milieu artistique. A 17 ans, il commence à peindre dans un registre très classique et c’est en 1957 qu’il réalise ses premières œuvres peintes au goudron présentant des empreintes d’objets de la vie quotidienne à la manière de négatifs. La même année, il réalise ses premières toiles incolores, trempées dans du plâtre ou du kaolin, froissées, séchées, vierges de tout signe pictural et désignées sous le terme Achrome à partir de 1959. Il obtient un espace qui n’est le lieu d’aucune image, opérant ainsi une remise à zéro de la peinture, soulignant la matérialité de la toile. En 1959, il expose pour la première fois ses Linee (Lignes) au Pozzetto Chiuso à Albissola Marina : chaque œuvre est constituée d’une ligne tracée à l’encre sur papier atteignant plusieurs dizaines de mètres de long, roulée et enfermée dans un contenant cylindrique. L’artiste ne s’intéresse alors plus à l’objet mais à son contenu, à l’idée même du contenu, laissant toujours place au doute sur la nature et la présence réelle d’un contenu et transformant l’objet en concept. Suivront les ballons gonflés d’air (Fiati d’artista - Souffles d’artiste, 1960) et les boites de conserves renfermant ses propres excréments (Merda d’artista - Merdes d’artiste, 1961). Dans le même temps, il crée la Galleria Azimut et de la revue presque du même nom (Azimuth) avec Enrico Castellani à travers lesquelles ils développent leurs théories avant-gardistes et souvent provocatrices. En 1960, Manzoni participe à de nombreuses expositions : « Miriorama 1 » à la Galleria Pater (Milan) réunissant pour la première fois les artistes du Gruppo T, avec Castellani à la New Vision Center Gallery à Londres, « Monochrome Malerei » au Städtisches Museum à Leverkusen et « Contemporary Italian Art » à l’Illinois Institute of Design de Chicago. Manzoni poursuit son travail de déconstruction : en 1961, il signe des personnes pour les transformer en sculptures vivantes, réalise ses Basi magiche (Socles magiques) conçus comme un piédestal transformant quiconque montant dessus en œuvre d’art et finalement enrichit la notion d’Achrome répétant le procédé à l’infini diversifiant seulement la matière (coton hydrophile, billes de polystyrène, petits pains italiens plastifiés à la fibre de verre etc.). Il participe en 1962 à deux expositions du groupe ZERO à Anvers et Berne et anticipe l’émergence du Land Art en intégrant une dimension environnementale à ses nouveaux projets. Manzoni meurt prématurément d’infarctus avant d’atteindre sa trentième année.
Piero Manzoni grew up in Milan within a family that had close ties with artistic circles. At the age of 17 he started painting in a highly classical style and in 1957 he created his first works made out of tar, presenting traces of every day objects, exactly the way a negative image would. The same year he made his first uncolored paintings, dipped in plaster or kaolin, rumpled, dried and devoid of all pictorial signs. In 1959 the artist started calling these pieces Achrome. He had obtained a space that refused the possibility of an image, getting back to the very basics of painting and emphasizing the materiality of the canvas. In 1959 he exhibited his Linee (Lines) for the first time at the Pozzetto Chiuso in Albissola Marina: each work was made of a line traced in ink on a paper that was several dozens meters long, then rolled and encapsulated in a cylindrical container. The artist no longer was interested in the object but in its content, or rather in the very idea of content. He always left the viewer doubt the nature and very presence of a content, thus transforming the object into a concept. Later followed inflated balloons (Fiati d’artista - Artist’s Breaths, 1960) and cans containing the artist’s excrements (Merda d’artista - Artist’s Shit, 1961). At the same time he founded the Galleria Azimut as well as a journal with almost the same name (Azimuth), along with Enrico Castellani. The artists used both as a medium to develop their avant-garde and often provocative theories. In 1960 Manzoni participated in various exhibitions: “Miriorama 1” at the Galleria Pater (Milan), uniting for the first time the artists from the Gruppo T, a show with Castellani at the New Vision Center Gallery in London, “Monochrome Malerei” at the Städtisches Museum in Leverkusen and “Contemporary Italian Art“ at the Illinois Institute of Design in Chicago. Manzoni proceeded with his deconstruction project: in 1961 he signed his name on actual people to turn them into live sculptures, and created his Basi magiche (Magic Bases), conceived as pedestals that turned anyone who got on them into a work of art; he also enriched the notion of Achrome by indefinitely repeating the procedure, only changing the materials he used (cotton, small balls of styrofoam, small Italian bread rolls frozen in fiberglass plastic, etc.). In 1962 he participated in two exhibitions with the ZERO group in Antwerp and Bern and anticipated the emergence of Land Art by integrating an environmental dimension into his new projects. Manzoni prematurely died of a heart attack before he turned thirty.
Piero Manzoni à Milan en 1962 (photo Uliano Lucas). Piero Manzoni in Milan in 1962 (photo by Uliano Lucas).
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Achrome 1958-59
Toile Ă carreaux et kaolin / Squared canvas and kaolin cm 91x71 / in 35,8x28
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Achrome 1958-59
Toile plissĂŠe et kaolin / Creased canvas and kaolin cm 30x40 / in 11,8x15,7
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