COUP DE CŒUR - Vanessa Gilles

« Un soir, j’ai assis la beauté sur mes genoux – Et je l’ai trouvée amère – Et je l’ai injuriée »

Arthur RIMBAUD

Vanessa Gilles est nîmoise et de ce fait elle est imprégnée depuis sa tendre enfance d’une influence culturelle hispano-andalouse fortement marquée sur le territoire par la présence en Camargue d’une importante communauté gitane. Dans la série de portraits en noir et blanc qu’elle nous propose ici, elle a souhaité se rapprocher – dans tous les sens du terme – au plus près de ces femmes d’origine gitane pour mettre en lumière « l’aura » que dégage ce peuple de nomades sédentarisés, cette vapeur lumineuse qui pour les Anciens accompagnait les dieux sur terre. Photographier les gitans n’est pas un sujet facile. L’artiste a su porter son regard sur une communauté à la marge, secondaire ou négligée et en faire le centre de l’attention, le support d’une poétique personnelle. J’aime ces portraits de gitanes car je suis pris à leur étrange et énigmatique beauté. L’effet trouble de cette beauté me chavire mêlant admiration et malaise. Ce corpus d’images nous dévoile ce que Daniel Arasse aurait pu qualifier « d’affleurement d’une intimité perturbante » qui réveille l’image et son spectateur. Les portraits réalisés par Vanessa Gilles sont des éclairages sur le mystère de la vitalité du peuple gitan et si leur mise en œuvre photographique nous dévoile cette forme de beauté – aussi troublante et difficilement définissable – c’est probablement parce que l’univers gitan n’est pas réductible à sa réalité. Ces photographies vous regardent. Elles vous regardent droits dans les yeux. Qu’elles soient jeunes ou vielles ces visages de femmes expriment dignité, fierté, orgueil, amour-propre et souffrance. Il y a de la gravité dans ces regards : poids, force, noblesse, solennité mais aussi dureté, rigueur, malaise, pesanteur. Ici clarté et noirceur, splendeur et misère vont de pair. La beauté singulière que nous donne à voir l’objectif de Vanessa Gilles est hors normes. Elle est inquiétante et fulgurante, plus authentique et moins superficielle que celle que nous propose au quotidien nos écrans. Ces regards noirs nous interpellent et nous déstabilisent dans nos convictions et nos façons d’être au monde. Des regards qui dégagent une forme de noblesse chargés de mystère et d’imprévisibilité.