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Toulon /Influence B. HORVAT/AFP
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Mourad Boudjellal en toutes lettres
Charismatique et médiatique, l’homme fort du RCT aime parler. D’émotions, de politique, de super-héros. Le président a un avis – tranché! –sur tout. Propos recueillis par Coralie Bonnefoy
A, comme amour «Avec le RCT, J’ai découvert ma ville de l’intérieur. En arrivant, en 2006, à sa tête, je ne soupçonnais pas la puissance de cet amour des Toulonnais pour le rugby. Bien sûr, je connaissais la ferveur de Mayol. Mais j’ai vraiment vu un autre visage de Toulon depuis que je préside le club. Qu’il s’agisse des chefs d’entreprise ou des supporteurs. Je me souviens de la première réunion avec les partenaires, durant laquelle je me suis dit : “Tiens, il y a autant d’entreprises que ça dans ma ville ?” Pour les supporteurs, le lien est si fort qu’il y a parfois confusion entre leur vie et celle du club. Quand je les voyais pleurer en 1992 [NDLR : année où le club remporte son dernier bouclier de Brennus], je ne comprenais pas. Maintenant, oui. Je sais qu’ils revivent, grâce aux victoires du RCT, des moments précieux de leurs vies. Leur donner ou leur vendre du bonheur par procuration, c’est ce qu’il y a de plus beau.» B, comme blasé « Pour la finale de la H Cup, à Dublin, j’étais dans un taxi avec le chef de la sécu. Je ne pouvais pas voir la fin du match, je n’y arrivais pas... [Il rit] Après le coup de sifflet final, le temps n’existe plus pendant deux ou trois secondes. C’est toujours un peu la même chose quand on vit des moments incroyables. C’est comme lorsque l’on rêve et que l’on est persuadé du contraire. Il y a cette torpeur, cet état second. La redescente d’adrénaline ? Oui, j’y pense. Je vais essayer N° 3233 / 19 juin 2013
de gérer. Cela me rappelle les prix que j’ai gagnés au festival de BD d’Angoulême.Au premier, j’étais complètement fou furieux. Au cinquième, j’étais dans un resto à me dire :“Ah, ouais... Super !” Blasé, oui, je le suis vite... » C comme coup de gueule « Je m’étais dit qu’au fil des années mes coups de gueule s’espaceraient, se lisseraient un peu et que je deviendrais un notable. Je crois que je ne n’y arriverai pas. Même si, je le sais bien, les gens sont en désaccord avec moi sur la forme mais partagent souvent le fond. De toute façon, voilà, je suis comme ça. J’ai toujours aimé dire ce que je pensais, même quand ça me revient dans la gueule. Je ne suis pas du genre à courber l’échine. » E, comme étage «Au RCT, je n’ai pas encore fait tout ce que je voulais faire. Disons que, là, j’ai monté la fusée d’un étage et qu’il en reste quatre, puisque je suis encore là pour quatre ans. On n’est pas dans la même dimension de moyens qu’à Clermont ou Toulouse. Mais on montre qu’avec nos petits bras, on peut terrasser Goliath. Cette année, le club va gagner de l’argent, oui. Mon but n’est pas là. C’est de monter le plus grand club possible, tout en conservant son identité. Un jour un banquier m’a dit : “Ce qu’il faudrait, c’est créer un club avec la rigueur du Nord et la créativité du Sud...” [Il rit] Ah mais, ça, je sais bien que ça n’existe pas ! » F comme fierté « Je n’en ai pas. Enfin, si. Celle d’avoir su créer un club qui rassemble des gens venant de partout dans le monde. Un club fondé sur la proximité émotionnelle, plutôt que sur la proximité géographique. Des personnes avec lesquelles on a les mêmes
VICTORIEUX « Donner ou vendre du bonheur par procuration, c’est ce qu’il y a de plus beau. »
émotions, les mêmes rires, les mêmes envies, les mêmes pleurs… Quelle que soit leur couleur de peau, quelle que soit leur sexualité. » G, comme ghettoïsation « Quand j’interpelle Marine Le Pen à Dublin (“ J’espère que Marine en prendra de la graine. Lorsqu’on donne accès à la culture et au savoir aux enfants d’immigrés et qu’on leur fait confiance, ils arrivent à faire quelques petites choses pour leur pays et leur ville. Quand on ne les parque pas, ils peuvent faire de bonnes choses”), je parle de moi, du travail d’un enfant de Toulon. La ghettoïsation, je connais. Le FN, lui, choisit de répondre par du politiquement correct, notamment en prenant bien soin de féliciter les joueurs. Ce qui le rend encore plus dangereux à mes yeux... Le FN, c’est un cheval de Troie avec Marine Le Pen, Collard et les deux ou trois autres qui sont présentables. Quand on me dit qu’un étranger a faim, moi, je ne retiens que le mot faim.