Comité d'éthique de France Télévisions : le bilan 2018

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Bilan du Comité relatif à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes de France Télévisions pour l’année 2018 Composition du Comité d’éthique Le Comité a pris acte de la démission, pour raisons personnelles, de Denis Rapone, élu président de l’HADOPI, et de Michèle Cotta. Ont été désignés par le Conseil d’administration de France Télévisions Séphane Hoynck, maître des requêtes au Conseil d’Etat, le 19 décembre 2018 et Monica Maggioni, journaliste et ancienne présidente de la RAI, le 14 février 2019. Le Comité est donc composé au 31 mars 2019 de cinq personnalités indépendantes : Francis Balle, Christine Chanet, Stéphane Hoynck, Sophie Jehel, Monica Maggioni. France télévisions héberge une présentation de leurs parcours sur son site (http://www.francetelevisions.fr/comite-ethique). Le Comité a demandé à France télévisions de bien vouloir enrichir la page de présentation avec les bilans annuels du Comité et la publication des principales réponses ou des recommandations que le Comité a pu prendre ainsi que Radio France y a déjà procédé sur son site. Réunions du Comité Au cours de l’année 2018 le Comité s’est réuni quatre fois, les 16 janvier, 20 mars, 5 juin, 3 octobre 2018. L’indisponibilité puis le départ de plusieurs de ses membres ont en effet ralenti son rythme de travail et accru le délai de réponse aux saisines. Le Comité s’est réuni trois fois entre janvier et mars 2019 pour compenser ces difficultés et répondre aux différentes saisines reçues. Plaintes traitées au cours de l’année Le nombre de ces plaintes est resté relativement peu élevé jusqu’au mois de mars 2018.Le Comité a reçu jusque-là des plaintes qui portaient pour l’essentiel sur des sujets en dehors de sa compétence, en particulier des plaintes contre des messages publicitaires ou des courriers mettant en cause des émissions de façon peu étayées. Sur l’ensemble de l’année 2018, le Comité d’éthique a reçu 22 courriers ou courriels. Cinq plaintes relevant de son champ de compétence, tel que défini par le législateur, ont retenu son attention du fait des enjeux qu’elles soulevaient. Entre janvier 2019 et mars 2019, le Comité a reçu plusieurs dizaines de plaintes (26) relatives à l’organisation des débats en préparation des élections européennes et plus largement relatives à l’accès à l’antenne sur les chaînes de France télévisions, de la part de sympathisants de l’Union Populaire Républicaine et du Parti Communiste Français. Il a également été saisi d’une plainte relative à une émission de France 2 sur le glyphosate, qui s’est retrouvée au centre d’un large débat public, notamment sur les 1


réseaux sociaux numériques. Seront présentées dans le bilan pour l’année 2018 les grandes lignes des plaintes reçues en 2018. Documentaire sur les « gaspillages » de l’Europe et débat public sur les réseaux sociaux Le Comité a été saisi d’une plainte de la part d’une personne filmée dans un documentaire intitulé «Gros salaires, privilèges et gaspillages. Enquête sur les milliards de l’Europe », diffusé le 21 février 2018, consacré au fonctionnement des institutions européennes, et en particulier du Parlement européen. Cette personne demandait à faire retirer son apparition de ce documentaire considérant qu’elle avait été piégée et que le sens de ses propos y était déformé. Après visionnage de la séquence, le Comité a considéré que les auteurs du documentaire avaient pu, sans formaliser le consentement de la personne, reproduire ses propos qui commentaient les conditions d’exercice de sa profession, dans un lieu institutionnel. Mais le Comité a regretté que le ton de l’émission ait conduit ses auteurs à des approximations quant au fonctionnement de l’Union européenne. Les auteurs ont notamment passé délibérément sous silence le rôle du conseil européen, et donc la responsabilité des Etats dans les décisions européennes, rôle pourtant central dans une des décisions longuement analysées par le documentaire. La pratique constituant à contrebalancer un documentaire à charge contre les institutions européennes au risque de la caricature, par une séquence d’échange en plateau rectifiant les erreurs du documentaire, semble peu conforme aux principes déontologiques tels que formulés dans la charte de France Télévisions, même si elle constitue un moindre mal. Le souci de l’exactitude et de la pédagogie s’agissant de la description du fonctionnement assez méconnu des institutions européennes est suffisamment important pour éviter de conforter la désinformation très présente sur ces sujets notamment sur les réseaux sociaux. L’importance du traitement rigoureux « de l’information d’intérêt public » est rappelée dans les dispositions de la Charte des antennes de France télévisions, (1.3.1, p17). Lors de l’examen de cette émission, il est apparu qu’elle avait suscité un grand nombre de propos hostiles aux institutions européennes et caricaturaux, qui semblaient trouver dans l’émission un appui à leur discours. Le Comité a évoqué ces différentes questions lors d’un échange avec la direction des magazines d’information de France Télévisions et la rédaction en chef du magazine Pièces à conviction. Cet échange a permis au Comité de connaitre le point de vue des responsables de l’unité de programme sur la plainte qu’avait reçue France télévisions, mais également d’évoquer avec eux la question des réseaux sociaux numériques et la possibilité de mettre en place des modalités d’interaction avec les publics sur les principales plateformes, afin de pouvoir rectifier des imprécisions ou répondre à des interprétations réductrices des spectateurs, en poursuivant le débat public sur les espaces numériques et en alimentant son pluralisme. Le Comité a fait part de cette suggestion dans une recommandation adressée le 11 juin 2018 à la présidente de France télévisions (voir annexe). Dans une réponse qu’elle a adressée au Comité, elle a indiqué qu’elle avait trouvé cette suggestion intéressante au regard de la mission de France télévisions « tendant à lutter contre les fausses informations et de nature à renforcer l'interactivité avec les téléspectateurs », et elle a fait part de son intention de « rediscuter avec les responsables de ces magazines et la direction de l’information des décisions qu’ils souhaiteront prendre à ce sujet ».

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Le Comité a pu constater que le groupe s’était emparé de cette piste d’action, notamment en réagissant à la fois sur le site internet de Francetvinfo.fr et sur Twitter à la controverse autour de l’émission Envoyé spécial consacrée au glyphosate le 17 janvier 2019. Cette émission a donné l’occasion au Comité d’engager une réflexion sur la place qui est faite aux « experts » ainsi qu’aux chercheurs lorsque sont évoqués par des journalistes, des animateurs ou des chroniqueurs, dans le cadre d’émissions d’information, des sujets qui prêtent à controverses ou sur lesquels peuvent planer des soupçons de conflits d’intérêt. Plaintes mettant en cause des séquences diffusées dans l’émission « On n’est pas couché », des 7 et 21 avril 2018 A l’occasion de plusieurs signalements émanant de téléspectateurs ou d’associations, le Comité s’est attaché, après visionnage des séquences concernées, à vérifier si elles étaient susceptibles de poser des difficultés du point de vue de l’honnêteté, de l’indépendance ou du pluralisme de l’information, en tenant compte de plusieurs paramètres, qui pourront être enrichis en fonction des sujets dont le Comité se saisira à l’avenir et des interactions avec toutes les parties prenantes intéressées. Parmi les questions que le Comité s’est posées figurent : - le propos est-il présenté comme un fait, une opinion ou une interprétation ? - le propos tenu, l’a-t-il été par un journaliste, un animateur, un chroniqueur ou un invité ? - le propos a-t-il été diffusé dans une émission d’information ou de divertissement ? - dans quel contexte le propos a été tenu et, en particulier, quelle est la durée de la séquence dans laquelle le propos a été inséré ? Le Comité, dans les réponses aux courriers reçus s’est attaché d’une part à défendre la liberté d’expression, qui doit permettre de préserver la possibilité de controverses et d’autre part à mettre en perspective le travail des rédactions, afin de ne pas soutenir une critique des médias caricaturale. C’est ainsi que le Comité a pu estimer que, s’agissant de la participation aux programmes d’intervenants qui ne font pas partie des rédactions, la liberté d’expression et la controverse qu’elle peut susciter ne permettent pas d’éviter que des propos ou des opinions polémiques puissent être tenus, dans les limites fixées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Il a estimé que les responsables de l'émission On n'est pas couché diffusée sur France 2 le 7 avril 2018 n’ont pas méconnu les exigences d’éthique de l’information en diffusant les propos d’un écrivain qui présentait une hypothèse liée à l’histoire de l’Iran qui ne s’appuyait sur aucun des travaux historiques de référence de nature à rendre crédible la thèse défendue. En effet, ces propos, pour lesquels l’auteur n’a pas prétendu s’appuyer sur de tels travaux, n’ont duré que quelques minutes sur un entretien de 50 minutes qui n’était pas centré sur ce sujet, de sorte qu’une discussion contradictoire n’était pas nécessaire. Il a estimé également que, le 21 avril 2018, les propos péremptoires tenus par la chroniqueuse mettant en cause une association qui accompagne les personnes en fin de vie avaient pu être tempérés par l’attitude de l’animateur, qui avait alors sollicité le point de vue d’un invité, ce qui avait permis de les relativiser. 3


Mise en cause de la présentation d’un sondage dans un journal TV S’agissant d’un reportage diffusé dans le journal télévisé de 20 heures de France 2, dans lequel étaient présentés les résultats d’un sondage sur l’adhésion des Français à des thèses « complotistes », une saisine du Comité contestait l’honnêteté de ce reportage en raison de biais supposés de ce sondage. Le Comité a estimé que si le sondage en cause pouvait prêter à controverse, le contenu du sujet qui était développé dans le journal télévisé tendait à démonter les mécanismes d’adhésion à des thèses complotistes, et pouvait avoir un intérêt informatif pour le grand public en dehors même des résultats du sondage. Le Comité a considéré que dans ces conditions, le choix éditorial retenu par la rédaction du journal de France 2 n’était pas critiquable du point de vue de l’éthique du journalisme. Mise en cause d’un expert contraire aux décisions de justice Le Comité a été saisi par un expert devant les tribunaux, auquel a été indûment imputé un "mensonge" sur l’antenne de France 3, alors que les formations disciplinaires compétentes ont confirmé la qualité de ses expertises. Le Comité a transmis à la présidente de France télévisions la décision de justice. Il est important en effet que la rédaction de France 3 en soit informée afin de ne plus réitérer de telles imputations susceptibles de porter atteinte à l’honneur d’une personne et contraires au principe d’honnêteté de l’information. Audition auprès de Madame Delphine Ernotte, présidente de France télévisions Le Comité d’éthique a été reçu par la présidente de France télévisions le 11 avril 2018 pour dresser un premier bilan de ses activités et évoquer de potentielles collaborations, notamment autour de la charte d’antenne de France Télévisions. Audition auprès de la Comission Hoog, pour la création d’un conseil de la presse et des médias en France Le Comité d’éthique a été auditionné le 5 décembre 2018 par Emmanuel Hoog, dans le cadre de la mission de consultation pour la création d’un conseil de déontologie de la presse et des médias en France. Il a expliqué les difficultés auxquelles il était confronté, notamment du fait de la nouveauté de l’institution dans le dispositif d’autorégulation déjà existant à France télévisions, aux côtés des médiateurs, du contrôle de la déontologie et de la directrice de la responsabilité sociale de l’entreprise. Il a défendu l’importance de continuer à développer en France une culture de la déontologie des médias, et le dialogue des médias, et de France télévisions en particulier, avec ses publics. Cet enjeu semble particulièrement important dans le contexte que connait l’information en France aujourd’hui, qui se caractérise à la fois par un fort niveau de défiance vis-à-vis des institutions, une circulation intense d’informations sans lien avec leur valeur déontologique ou scientifique, mais aussi une forte demande de reconnaissance et un haut niveau d’exigence de la part des publics vis-à-vis du service public de l’audiovisuel. Liens avec le Comité d’éthique de Radio-France Des liens ont également été noués avec le Comité d’éthique de Radio-France, à travers sa présidente Françoise Benhamou. Ces liens devraient se renforcer avec la nomination de Monica Maggioni, qui est également membre du Comité d’éthique de Radio-France. 4


Projets de recommandation pour la révision de la Charte des antennes Le Comité renouvelle son intérêt pour travailler avec France télévisions à la révision de la nouvelle rédaction de la Charte des antennes de France Télévisions pour avis, avant son adoption par les instances décisionnelles du groupe. La présidence de France télévisions a confirmé également son intérêt pour cette collaboration. Dans ce cadre notamment, le Comité souhaiterait évoquer les problèmes soulevés par la diffusion dans un journal de France 3, à deux reprises, d’une photo truquée. Dans un cas une photographie avait enlevé (le 15 décembre 2018) la mention « Macron dégage » sur l’un des panneaux brandi par un manifestant « gilet jaune », dans un autre cas, cette mention avait au contraire été ajoutée (le 23 novembre 2018). La rédaction a présenté ses excuses à l’antenne puis sur Twitter. Mais la révélation de ces retouches de photos de l’AFP, que rien ne pouvait justifier, a pu alimenter de nouvelles expressions de défiance dans le public, visibles notamment sur les réseaux sociaux. Il semblerait important de pouvoir renforcer la réflexion des journalistes mais aussi des collaborateurs de France télévisions sur les enjeux déontologiques des images d’information. Etat des moyens mis à disposition du Comité d’éthique Les services de France Télévisions et en particulier ceux de la direction de la réglementation, de la déontologie et du pluralisme des antennes, permettent au Comité de tenir ses réunions. Le Comité dispose d’un appui à France télévisions pendant les séances de travail qui lui permet de recevoir un compte-rendu des échanges qui s’y sont tenus. En dehors de ce soutien, les moyens restent très modestes. Les moyens du Comité devraient prochainement s’améliorer notamment pour renforcer la visibilité de son action sur le site de France télévisions en publiant le bilan annuel, le règlement intérieur et les principales réponses aux saisines, lorsqu’elles peuvent avoir un intérêt informatif pour le public.

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Annexe Recommandation du comité relatif à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes, suite à la diffusion de l’émission Pièces à conviction, « Gros salaires, privilèges et gaspillages, enquête sur les milliards de l’Europe », le 21 février 2018 à 23h25 sur France 3. Le comité a été saisi d’une plainte par une personne qui avait été interviewée dans l’émission. Au-delà des questions personnelles soulevées par la plaignante, auxquelles il a été répondu directement, le comité Honnêteté, Indépendance, Pluralisme de l’information et des programmes de France télévisions a souhaité appeler l’attention du groupe public sur les enjeux d’émissions qui abordent des sujets sensibles - ici le mauvais usage de l’argent public par les institutions européennes - susceptibles d’alimenter des discours extrémistes, comme en témoigne le fil des commentaires publiés sous la vidéo de l’émission sur YouTube. Dans un contexte dans lequel la qualité de l’information est devenue un sujet de préoccupation publique et la méconnaissance des institutions européennes forte, il est particulièrement important de délivrer une information exacte sur les compétences des différentes instances évoquées. Le comité a relevé quelques inexactitudes concernant l’existence d’une « constitution européenne » et les compétences de la commission européenne. Dans une des séquences de l’émission, le rôle du conseil européen dans le processus de décision a été passé sous silence, laissant entendre que la commission avait le dernier mot en matière de réglementation européenne, lui attribuant de ce fait une compétence qui relève de celle des Etats membres au sein du conseil. L’imprécision des termes risque ici de renforcer une conception tronquée du fonctionnement des institutions européennes, à rebours des objectifs mentionnés dans la Charte d’antenne de France télévisions (article 1.3.1). La chaîne a fait suivre l’émission d’un débat permettant un certain nombre de rectification, mais il n’est pas certain qu’il ait pu bénéficier de la même audience, vu son exposition tardive. Suite à la discussion que le comité a pu tenir avec les responsables de l’émission, il est apparu qu’il serait souhaitable de mettre en place des modalités d’interaction avec les publics des réseaux sociaux, sur les principales plateformes, afin de pouvoir rectifier des imprécisions ou répondre à des interprétations réductrices des spectateurs, en poursuivant le débat public sur les espaces numériques et en alimentant son pluralisme.

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