Diversification du métier d'architecte : la réponse au malaise d'une profession ? / 2019

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DIVERSIFICATION DU MÉTIER D’ARCHITECTE : LA RÉPONSE AU MALAISE D’UNE PROFESSION ? Les récentes mutations de la pratique sont-elles des réponses pertinentes à la crise actuelle que traverse la profession ?

ÉTUD. DUCHAMP François UNIT E0932 - MÉMOIRE 4 - MÉMOIRE INITIATTION RECHERCHE

SRC

DE.MEM TUT.SEP

GOUEZOU V. FIORI S.

MARCH ARCH

S10 DEM ALT 18-19 Promo





François Duchamp Master 2 / DEM ALT Année universitaire 2018/2019 Soutenance : Janvier 2019 Directeur d’étude Mémoire : Vincent Gouezou


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DESCRIPTIF : DIVERSIFICATION DU MÉTIER D’ARCHITECTE : LA RÉPONSE AU MALAISE D’UNE PROFESSION ? Les récentes mutations de la pratique sont-elles des réponses pertinentes à la crise actuelle que traverse la profession ?

MOT-CLÉS DIVERSIFICATION D’ACTIVITÉS | PRATIQUES INNOVANTES | COMPÉTENCES ARCHITECTURALES | LIBÉRALISATION ÉCONOMIQUE | MUTATIONS |

RÉSUMÉ L’architecte semble aujourd’hui faire face à une crise profonde dont les origines sont conjoncturelles (crise économique post-2008), mais aussi structurelles (culturelles, législatives et sociales). Cette crise impacte une profession en manque de repères, face aux phénomènes de mondialisation. En parallèle, nous constatons l’émergence de nouveaux modes de pratiques au sein de la profession d’architecte, ainsi qu’une tendance au décloisonnement et à l’incursion des architectes dans des secteurs ne relevant pas traditionnellement de l’’architecture. Ce mémoire se propose d’observer et d’analyser ce changement de paradigme en se focalisant sur l’analyse du contexte actuel, puis des initiatives de diversification en cours dans la profession pour tenter de comprendre dans quelle mesure celles-ci peuvent-elles être vectrice de sens pour l’avenir des architectes.

ABSTRACT Nowadays, architects seems to be facing a deep crisis the origins of which are cyclical (post-2008 economic crisis), but also structural (social, cultural and legislative). This crisis impacts a profession lacking direction, dealing with globalization issues. At the same time, new ways of practice are emerging within the architectural profession, as well as departitioning and incursion of architects into sectors not traditionally associated with architecture. This thesis aims to observe and analyze this paradigm shift by focusing on the current context and the initiatives of diversification underway in the profession and to try to understand to what extent they can be meaningful for the future of architects.

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T able des mati è res

REMERCIEMENTS............................................................................................6 PRÉFACE - AVANT PROPOS.................................................................................... 7 INTRODUCTION......................................................................................................... 8 I.

ÉTAT DES LIEUX D’UNE PROFESSION SUPPOSÉE EN CRISE.................... 10 A. ÉLÉMENTS EXTERNES : ANALYSE PAR LA MÉTHODE « PESTEL » 1. POLITIQUE 2. ÉCONOMIQUE 3. SOCIOLOGIQUE 4. TECHNOLOGIQUE 5. ÉCOLOGIQUE / ENVIRONNEMENTAUX 6. LÉGISLATIF

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B. QUESTIONNEMENTS INTERNES.........................................................................23 1. LA CRISE DE DÉFINITION ET L’ÉCLATEMENT D’UNE PROFESSION 23 2. LA CRISE DE LÉGITIMITÉ 24

II.

UN CAS DE DIVERSIFICATION : L’ARCHITECTE – PROMOTEUR :............... 28 A. DÉFINITION...................................................................................................... 30 B. APPARITION.................................................................................................... 30 QUI ? OÙ ? QUAND ? COMMENT ? POURQUOI ? C. ADAPTATION................................................................................................... 34 LE CONTEXTE LÉGISLATIF D. EXPÉRIMENTATION........................................................................................ 35 ÉTUDE DE CAS

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III.

LES DIFFÉRENTES POSTURES DE LA MUTATION :................................... 36

A. DES VISAGES MULTIPLES................................................................................. 36 1. LES COLLECTIFS D’ARCHITECTES 39 2. LES ARCHIS « STARTUPPERS » 40 3. LES ARCHIS « CATALYSEURS DE COMMUNAUTÉS » 42 B. UNE AMBITION COMMUNE: ADAPTATION ET PERTINENCE................................. 44 1. ADAPTATION AU MILIEU : NÉOLIBÉRALISME ET MONDIALISATION 44 2. MONDIALISATION ET MÉTIER DU LIEU 47 3. LA RECHERCHE DE LA PERTINENCE : COMPÉTENCES CLÉS ET RECENTRAGE 48

CONCLUSION.......................................................................................................... 50 BIBLIOGRAPHIE...................................................................................................... 53

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REMERCIEMENTS Aux amis pour leur présence, leur soutien, leur conseils et surtout leur habileté à me faire rire lorsqu’il est nécessaire de rire ; Merci à Marianne Esposito, Corentin Favreau, Antoine Roche, Tatiana Vergnaud, Joel Beyaert, Axel Emin, François Cheradame, Sophie Meunier, Charles Greffoz, Margaux Vitalis , Antonin Groboul-Paoli et Maximilien Perret. À ma famille, présente et unie malgré les circonstances. Je souhaite également remercier mon directeur d’étude pour ce mémoire, Vincent Gouezou. Merci à toutes ces personnes sans lesquelles ce mémoire n’aurait pas pu voir le jour.

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AVANT PROPOS Pour saisir le « pourquoi » de ce mémoire et ainsi être en mesure d’en tirer le fil d’Ariane, il est nécessaire d’en expliquer brièvement les origines. Mon parcours personnel vers l’architecture a débuté il y a sept ans lorsque élève de terminale, je décidai que je voulais devenir architecte. Me remettre aujourd’hui dans la peau de ce jeune étudiant donne le vertige. Ce parcours a été riche en expériences, enseignements et bouleversements, que ceux-ci soient architecturaux ou personnels. En effet, après avoir découvert cet univers lors d’une première année d’étude effectuée à l’ENSA Paris Belleville, mon approche de l’architecture a toujours été mêlé d’une passion viscérale et de questionnements intenses pour ma future profession. Ces questionnements m’ont poussés à chercher des réponses du côté des « sachant », de ma nouvelle école à Lyon, de mes enseignants qui m’ont fait découvrir différentes postures d’architecte que j’ai pu adopter à certains moments de ma formation, comme un vêtement que l’on essaierai pour savoir si celui-ci nous convient. Ces questionnements m’ont aussi poussés à aller voir ailleurs, loin, comment se pratiquait le métier d’architecte. Au sein d’une agence internationale à Singapour pendant plusieurs mois, puis à Sao Paulo où j’ai vécu, étudié et travaillé pendant un an. Plus proche géographiquement, j’ai aussi eu la chance d’observer depuis plusieurs année le fonctionnement interne d’une entreprise du bâtiment, et de ses relations aux architectes, à travers mon père entrepreneur en menuiserie et aménagement. Plus récemment, j’ai aussi cherché à clarifier d’avantage ma position en effectuant une mission de suivi de chantier et d’assistance à la livraison, pour le compte de SUD Architectes à Lyon. Ces expériences sans, réels liens apparent, ont pourtant toutes nourries ma réflexion personnelle et m’ont mis face à un constat : le métier d’architecte n’est pas unique mais multiple. Arrivé aujourd’hui à la fin d’un cycle, celui de mon cursus universitaire, je m’apprête à en commencer un nouveau, celui de la vie professionnelle. Il m’a donc semblé tout à fait naturel de clôturer ce cycle d’apprentissage et de questionnement par une réflexion formalisée sur la profession vers laquelle je me dirige aujourd’hui, plus particulièrement sur son aspect protéiforme qui m’a fasciné jusqu’à aujourd’hui. Ayant conscience de l’envergure du sujet, mon étude se construira autour d’un fil reliant Passé, Présent et Futur de la profession en se focalisant sur certaines « photographies » significatives de sa diversification. Si elle tend vers l’objectivité elle ne saurait prétendre être totalement impartiale ni exhaustive.

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INTRODUCTION Le mot « Architecte » est apparu pour la première fois il y a plus de 2500 ans. On le retrouve au Ve siècle avant J-C, dans les pages du livre Histoires, de l’historien Grec Hérodote. Son étymologie est composée du préfixe αρχι (archi : chef de) et du suffixe τεκτων (tekton : charpentier, ouvrier du bois). On note toutefois que, pour Hérodote, ce nom désigne plus un technicien de la construction ou un ingénieur. Une autre hypothèse désigne l’arquitekton comme « celui qui commande les ouvriers », d’après une définition du philosophe Platon. Le point de rupture entre cet architecte technicien et maçon vers celui de concepteur que nous connaissons aujourd’hui ne s’opère que bien plus tard, à la Renaissance, avec l’édification du dôme de la cathédrale de Florence par Brunelleschi. Ce dernier souhaite donner un rôle clé à l’architecte dans le processus de construction : celui qui conçoit c’est celui qui décide. Le terme d’architecteur, puis d’architecte, calqué sur l’italien architettore, n’apparaît en France qu’au début de la Renaissance. Cette brève plongée dans l’histoire de l’architecte illustre bien l’évolution constante qu’a suivi ce métier depuis son apparition. Aujourd’hui, si l’on parle toujours d’Architecte en France, ce dernier semble vivre une crise profonde dont le bilan serait conséquent : «La profession se trouve dans une situation économique extrêmement difficile: la commande et les taux d’honoraires ont beaucoup baissé, aussi bien en marché public qu’en marché privé» (Catherine Jacquot, Le Figaro. 17 Février 2016), constate la présidente du CNOA, Catherine Jacquot. Cette crise serait donc économique (post-2008) mais aussi structurelle; l’architecte étant mis à l’épreuve par les évolutions sociétales, technologiques et d’organisation du travail. Il semble bousculé par l’effondrement de ses taux d’honoraires d’un côté, les exigences toujours plus fortes de son métier de l’autre, tiraillé entre sa volonté de démocratisation et son rôle de chef d’orchestre, perplexe sur le contenu même de son expertise. Nous assistons à un questionnement véritable de la part des architectes. Celui-ci est vérifiable dans l’enquête commandée par le Conseil national

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des Architectes à l’IFOP (Institut français d’opinion publique) et menée en 2013 auprès de presque 1 000 architectes. Celle-ci a démontré que plus de la moitié des interrogés considèrent qu’à l’horizon 2030, leurs agences ne pourra s’adapter qu’au prix d’évolutions « importantes et volontaires ». Viennent s’ajouter à ceux-ci douze pourcents qui considèrent que cette transformation devra-t-être « radicale ». Cette volonté profonde de changement semble se manifester dans l’apparition progressive de pratiques novatrices de la profession et à l’investissement de nouveaux secteurs d’activité, parfois externe à la conception architecturale. Supposée profession en crise, l’architecte semble réinventer son métier, allant même jusqu’à en investir d’autres, estce là le renouveau durable de l’architecte ou le signe d’une profession en déclin ? Les modèles de réussite comme celui du starchitecte popularisé au début des années quatre-vingt et qui propose une architecture de la sensation, expression de la personnalité d’un architecte démiurge, semblent aussi être à bout de souffle. En témoigne le palmarès récent du plus prestigieux des prix d’architecture, le Pritzker Price, récompensant chaque année un architecte pour l’ensemble de son œuvre. Depuis 2015 et la consécration posthume de l’allemand Frei Otto, les éditions suivantes ont récompensés des professionnels de faible aura médiatique et dont le travail s’axe fortement sur des propositions face aux enjeux mondiaux contemporains, qu’ils soient sociaux, économiques culturels ou écologiques. De même, l’âpreté d’un métier certes reconnu par le grand public, mais dont les conditions d’exercices, réputées difficiles, se sont dégradées, ont progressivement poussé les architectes à explorer d’autres modèles économiques, questionnant ainsi en profondeur les limites de leur métier. Nous pourrions émettre l’hypothèse, à ce stade de l’étude, qu’une diversification inédite -et aux multiples causes- de la profession soit le signe annonciateur d’une mutation


profonde de l’architecte, de son statut et de son rôle au sein de la société moderne. Ce mémoire d’initiation à la recherche se propose donc dans un premier temps de dresser un état des lieux actuel de la profession d’architecte, supposée en crise. L’analyse sera volontairement large ayant fait le choix d’aborder le sujet depuis deux points de vues distincts : externes et internes à la profession pour plus de pertinence. Après cet état des lieux général il conviendra de focaliser notre étude sur un cas concret de mutation du métier observable. Le choix de l’architecte-promoteur est apparu particulièrement intéressant, car très à rebours de la conception classique de la pratique de l’architecture. Aussi nous décrypterons les raisons de son apparition et les raisons d’être de cette mutation. Cela nous amènera naturellement dans un troisième temps à explorer, d’autres diversifications du métier parmi les plus significatives. À la lumière de ce travail, nous tenterons alors de définir ce qui unit les postures de ces « architectes de la diversification » et formuleront des éléments de réponse -sous la forme d’hypothèses- quant à l’avenir des architectes en tant que profession. D’un point de vue géographique, l’étude, si elle se focalisera sur un contexte français, ne pourra cependant s’y borner strictement tant elle nécessite pour rester pertinente une mise en perspective internationale.

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I. ÉTAT DES LIEUX D’UNE PROFESSION SUPPOSÉE EN CRISE La profession d’architecte traverse une pé riode de crise. Depuis, plusieurs années, en France et en Europe, des voix s’élèvent pour dénoncer la situation économique « extrêmement difficile de la profession » (Catherine Jacquot, 2016). « Bien que ces dernières années la reprise semble poindre, la crise financière de 2008 a sans conteste précipité une mutation de la profession déjà à l’œuvre et dont les études les plus récentes (CREDOC, 2016) confirment désormais l’asthénie globale1. » (Sophie Trelcat, 2017) Cependant, de quelle crise parlons-nous exactement ? Dans le secteur médical, la crise définit une « manifestation violente d’un état morbide, survenant en pleine santé apparente » , en psychologie « moment très difficile dans la vie de quelqu’un, une situation marquée par un trouble profond ». Enfin en économie la crise est une « rupture d’équilibre entre la production et la consommation, caractérisée par un affaiblissement de la demande, des faillites et le chômage ». Si on décèle évidemment le phénomène de dégradation comme étant propre à une crise, on devine aussi la diversité des causes et des aspects qu’elle peut prendre. La crise de la profession d’architecte ne saurait faire exception à ce constat.

1. Sophie Trelcat, Profession architecte, un métier à géométrie variable, Paris, Archiscopie, Juillet 2017, p.5-18 ISBN - ISSN : 0768-5785

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Aussi, on ne peut décrire pertinemment l’évolution récente du secteur qu’en décrivant simultanément plusieurs de ses aspects. Ainsi, ce mémoire se propose de séparer l’analyse en deux parties : la première suit la méthode PESTEL (Politique, Économique, Social, Technologique, Environnemental, Législatif) utilisée en économie pour analyser l’environnement d’une entreprise ou d’un secteur d’activité. Elle posera un regard plus externe sur la situation. La deuxième partie exposera des questionnements d’ordre plus interne à la profession, moins contextuel.


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A. ÉLÉMENTS EXTERNES : ANALYSE PAR LA MÉTHODE « PESTEL »

1. POLITIQUE L’activité des architectes est par définition très corrélée à la bonne santé de l’industrie du BTP. En France, le secteur est un poids lourd de l’économie puisqu’il représente plus de 11% du PIB en 2010 (source INSEE, FBB). Sur le plan politique c’est donc un secteur clé, qui est d’ailleurs fréquemment cité comme indicateur de bonne santé de l’économie française. Paradoxalement, les dépenses publiques en R&D (recherche et développement) dans le secteur sont beaucoup plus faible que la moyenne des autres industries. En effet, si l’on prend uniquement le bâtiment, il représente 0,1% des dépenses consacrées à la R&D pour une moyenne nationale de 2,4%2. Cela représente un frein majeur à l’innovation et in fine à l’avenir du secteur. Récemment, le bâtiment est revenu sur le devant de la scène politique car il est un des principaux acteurs concernés par les enjeux du développement durable. En effet, rien que dans le pays développés, il représente (le bâtiment) environ « 40 % des émissions de CO2, 37 % de la consommation d’énergie et 40 % des déchets produits3.». Le grenelle de l’environnement (Septembre 2007) avait d’ailleurs affiché de fortes ambitions politiques pour l’avenir du secteur. Ceux-ci s’articulaient autour de 4 axes : - L’énergie dans la construction : construction de logements neufs, de bureaux, de bâtiments et d’équipements publics à très haute performance énergétique – au seuil de 50kw/m2 – puis à énergie passive ou positive, rénovation thermique des bâtiments existants avec des programmes en faveur des énergies renouvelables, des politiques d’incitations financières et 2. I. Reinmann, Y. Farge, Leviers a l’innovation dans le secteur du Bâtiment, Rapport intermédiaire, Plan bâtiment grenelle groupe de travail « innovation & recherche », Janvier 2011, p.34. 3. P. Deshayes, 2012. Le secteur du bâtiment face aux enjeux du développement durable : logiques d’innovation et/ou problématiques du changement. Innovations n°37, p.219–236.

une intégration généralisée de bilans carbone… - L’aménagement d’éco-quartiers : lutte contre l’étalement urbain, contre la pollution de l’air et la pollution sonore, études d’impact environnemental pour les nouvelles zones d’urbanisation en relation d’ailleurs à l’enjeu de reconquête de centres-villes en déclin. - La dynamisation de la filière bois : mise en place de normes de construction adaptées au matériau bois, utilisation du bois certifié dans la construction publique. - La réorganisation de l’ingénierie, notamment publique : intégration de clauses environnementales dans les marchés publics, intégration des coûts carbone dans les décisions et projets publics, reconnaissance des partenaires environnementaux selon des “critères objectifs de représentativité “ » (P. Deshayes, 2012) Ces objectifs ont malheureusement dû être réévalués à la baisse après la crise des subprimes (2008) qui a précédé celle de l’Euro et de la dette (2011). Néanmoins, le Plan Bâtiment Durable, lancé en 2009 ainsi que la Global Alliance for Buildings and Construction lancée par Ségolène Royal lors de la COP21 en 2015 réaffirment une volonté de leadership dans le domaine, sur le plan national et international. En dehors de son importance environnementale, le secteur du bâtiment et de la construction revêt une importance économique majeure pour les gouvernements successifs. Ceuxci ont mis en place depuis plusieurs années des politiques volontaristes en faveur de la relance de la construction, en particulier dans le logement (Loi PINEL, accès aux logements sociaux, promotion du logement intemédiaire, abatements fiscaux pour cession de terrains constructibles, etc). La loi ELAN, monument législatif publiée en 2018 supprime l’obligation d’organiser un concours d’architecture pour les organismes d’HLM, les SEM de construction et de gestion

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de logements sociaux, ainsi que pour les CROUS. Il réduit également le rôle des Architectes des Bâtiments de France (ABF). La simplification et l’amélioration des procédures d’urbanisme font partie des objectifs poursuivis par le gouvernement, il est notamment question de dématérialiser les demandes de permis de construire. « Quant à l’allègement des normes techniques, elle participe de la même volonté de faciliter l’acte de construire. » commente Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du Management des Services Immobiliers. Tout comme les mesures concernant les permis de construire : « On passe de l’ère de l’interdiction systématique et de la déresponsabilisation à celle de la permission a priori et de la responsabilité . Jusqu’à présent, une mairie ne délivrait d’autorisation de construire que si le dossier de demande démontrait que le promoteur respecterait un ensemble d’obligations techniques établies pour parvenir au produit final, l’immeuble. Désormais, il sera libre des moyens pour autant que les impératifs de solidité, de sécurité, d’ergonomie soient atteints. En clair, il est présupposé que le maître d’ouvrage prend la mesure des enjeux et que les autorités administratives peuvent lui laisser la liberté de faire comme il l’estime pertinent, l’obligation de résultat se substituant à l’obligation de moyen. C’est une révolution copernicienne, un retournement du gant, une inversion de la logique4 » La loi sur le plan culturel, le projet de loi PAC (Patrimoine, Culture et Création) a elle été adopté en 2016, rendant obligatoire l’intervention d’un architecte à partir 150 m2 (hors bâtiments agricoles) au lieu de 170m2. Le gouvernement a aussi rendu obligatoire l’intervention d’un architecte et d’un paysagiste sur les projets de lotissements, au motif de lutter contre « la France moche ». 4. H., Buzy-Cazaux, 2018. Ces nouvelles mesures (méconnues) qui pourraient doper la construction de logements [WWW Document]. Capital.fr. URL https://www.capital.fr/immobilier/ ces-nouvelles-mesures-meconnues-qui-pourraient-doper-laconstruction-de-logements-1303484 (accessed 1.13.19).

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2. ÉCONOMIQUE Sur le plan économique, les architectes sont confrontés, depuis 50 ans et le choc pétrolier de 1973, à une tendance globale très largement défavorable. Le rapport du Sénat a commandé et publié en 2004 sur les métiers de l’architecture, identifie déjà trois axes de cette évolution défavorable : - le monopole que la loi de 1977 confie aux architectes pour les projets soumis à permis de construire, s’est avéré une garantie assez illusoire compte tenu de l’importance des dérogations apportées à ce principe ainsi que de la fréquence du non-respect des textes ou de leur détournement ; - la diminution du volume de ses marchés traditionnels, conjuguée avec un quasi-doublement de leur effectif depuis 20 ans, a appauvri la profession dans son ensemble ; - enfin, la complexification de la construction, qui a favorisé l’apparition de nouvelles professions de la maîtrise d’œuvre, a contribué à recentrer les interventions des architectes sur les seules missions de conception, voire, dans certains cas, à les cantonner dans l’élaboration des permis de construire au service de projets prédéfinis.

Pour autant, nous sommes en mesure de se demander si les pistes des rapporteurs du Sénat sont réellement les causes de la période de fortes turbulences que traverse la profession, ou plutôt des conséquences de cette dernière. Le caractère éminemment


endogène à la profession des arguments avancés permettent d’en douter. Le texte met cependant le doigt sur un facteur de délitement exogène à la profession : les difficultés d’adaptation d’un métier traditionnellement exercé sous une forme libérale, et porté par une forte commande publique, à un environnement répondant à des logiques de marché (qualifiables de néolibérales mais nous y reviendront. Rem Koolhaas d’affirmer : «Au cours des 30 dernières années, l’architecture a été profondément influencée par la conversion des choses: Thatcher et Reagan, passant d’un État providence à une économie de marché. Les architectes étaient guidés par de bonnes intentions, du moins théoriquement. Avec l’économie de marché, nous nous sommes lentement retrouvés à soutenir, au mieux, des ambitions individuelles et, au pire, des motivations de pur profit. En ce sens, chaque crise constitue peut-être une opportunité. »5

3. SOCIOLOGIQUE Sur un plan démographique, si l’on compare la France à ses voisins européens, cette dernière se classe à la 6e place des pays ayant le plus d’architectes en activité sur son sol.6 Cependant si l’on rapporte ce chiffre au nombre d’habitants, la France possède en moyenne 0,5 architectes pour 1000 habitants, contre une moyenne de 1 architecte pour 1000 sur la totalité des pays de l’UE, soit exactement le double. De même, si l’on compare les deux locomotives économiques européennes que sont la France et l’Allemagne, alors on constate que pour une production sur le marché de la construction (et par habitant) pourtant bien plus faible, l’Allemagne possède trois fois plus d’architectes que la France !

Encore plus étonnant, les architectes allemands, pourtant beaucoup plus nombreux se partageant un marché plus petit, ont un revenu moyen plus de 1,7 fois supérieur à celui de leurs homologues français (revenu préalablement ajusté par parité de pouvoir d’achat / PPA).7

Cette contradiction illustre bien la situation fragile dans laquelle se trouvent les architectes français aujourd’hui. Une autre donnée d’ordre sociologique digne d’intérêt est l’existence d’un ordre régissant la profession. L’Ordre des Architectes définit sa mission comme suit : «L’Ordre des architectes, institué par la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture, est un organisme de droit privé chargé de missions de service public. Doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, il est placé sous la tutelle du ministre de la Culture. L’inscription à l’Ordre 5 D. Budds, 2016. Rem Koolhaas: “Architecture Has A Serious Problem Today” [WWW Document]. Fast Company. URL https:// www.fastcompany.com/3060135/rem-koolhaas-architecturehas-a-serious-problem-today (accessed 1.11.19).

6 Sector study 2016: ACE [WWW Document], URL https:// www.ace-cae.eu/activities/publications/sector-study-2016/ (accessed 12.23.18). 7

Ibid.

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Évolution chronologique des technologies de représentation architecturale depuis le début du XXe siècle à aujourd’hui

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des architectes confère le droit d’exercer la profession et de porter le titre d’architecte. L’Ordre des architectes se compose de 17 Conseils régionaux et d’un Conseil national. » Ce n’est pas un détail, architecte est donc une profession réglementée, dont tous les membres sont tenus à l’inscription à l’ordre si ils désirent prétendre au titre d’architecte. Pourtant une grande confusion existe encore aujourd’hui vis-à-vis de ce titre au sein même de la profession, mais plus encore à l’extérieur. En effet, l’architecte même si il jouit au sein de la société française d’un certain prestige, son image auprès du grand public semble bien plus floue que la plupart des autres professions réglementées ( avocats, expertscomptables, médecins,…). La multiplication des sigles (DPLG, DE, HMONP) n’a rien arrangé et le grand public peine souvent à différencier missions d’architecture, d’ingénierie, d’urbanisme ou de design d’intérieur.

l’héritage culturel bien sûr, mais aussi dans l’éclatement des procédures de passation des marchés, qui ne favorisent pas le travail collaboratif, alors que cette pratique est déjà généralisée dans les pays anglo-saxons. »8 Ces multiples partenaires se concurrencent et travaillent avec des outils distincts et des pratiques professionnelles aussi diverses que variées. Aussi, adopter les méthodes de l’interopérabilité est un véritable défi, car son préalable, le travail collaboratif, n’est pas du tout dans notre culture du bâtiment. Ces méthodes et matières techniques sont nouvelles à la fois pour les architectes et pour tous les professionnels de la maîtrise d’œuvre. Ce qui explique une réserve certaine de tous. Or, l’objectif est de maîtriser la complexité des contraintes contradictoires et ce, dès la conception d’une esquisse! (Celnik & Lebègue, 2014)

4. TECHNOLOGIQUE Les bouleversements technologiques en architecture ont connus ces dernières années une accélération sans précédent. En effet, si l’on considère en premier lieu les outils à destination des architectes, ceuxci ont évolués de manière spectaculaire. Ces évolutions techniques, loin d’être anecdotiques, ont profondément bouleversé la profession et son organisation. En ce qui concerne la représentation architecturale, la profession est passé en moins de 50 ans de l’utilisation du papier et du crayon comme outil de travail principal à celui de l’ordinateur personnel et des « tables à dessin numériques » (logiciels dits de CAO) pour enfin assister à l’apparition du BIM (Building Information Modeling), système de travail collaboratif et d’échange de données autour d’une maquette numérique. L’arrivée du BIM comme innovation de rupture (en opposition à l’innovation incrémentale) chamboule des pratiques bien ancrées en France qui « affronte spécialement une séparation et une étanchéité de ses métiers (architectes, ingénieurs, économistes, entreprises, maîtres d’ouvrage, gestionnaires techniques). Il faut en chercher les causes principales dans

Cette citation fait référence au un revirement majeur qu’a apporté le BIM dans l’approche technologique du métier d’architecte, à savoir celui du passage d’une organisation séquentielle du travail à celle de l’ingénierie concourante. Dans le modèle taylorien ou séquentiel de gestion de projet, le développement des projets est souvent illustré par la métaphore sportive de la course de relais (Takeuchi et Nonaka, 1986). Pour être réalisé, le projet passe de métier en métier : le service R&D conçoit le produit, puis transmet son travail au Service de production pour la mise en œuvre opérationnelle et le démarrage de la production en usine, lequel transmet à son tour le travail au service commercial qui assure l’opération de lancement commercial du produit. Ce type de développement est qualifié de « séquentiel », car une étape ne peut commencer que si celle qui la précède est terminée. Or, dans l’environnement actuel, où le temps compte par-dessus tout (Brown et Eisenhardt, 1997), 8 Celnik & Lebègue, BIM et maquette numérique pour l’architecture, le bâtiment et la construction, Eyrolles, 2014, p. 343

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l’exécution séquentielle des tâches du projet, qui conduit à additionner les durées des tâches et à accroître la durée globale du projet, est devenue une rigidité. Afin de raccourcir les cycles de développement des projets, s’est développé depuis plusieurs années maintenant le modèle du « concurrent engineering » (Clark et Fujimoto, 1991), qui peut être traduit de différentes manières en français : ingénierie concourante, simultanée, intégrée ou encore parallèle9. » (O. MEIER / G. SCHIER, 2012) Ces innovations, si elles sont réelles dans les phases de conception, n’ont pourtant encore que très peu d’effets sur les phases de chantier et de construction. Cependant la technologie d’impression 3D connaît ces dernières années des évolutions spectaculaires et ambitionne de changer ce paradigme, comme l’explique Philippe Morel, Président de la start-up parisienne XtreeE, spécialisée dans l’impression 3D à grande échelle pour l’architecture : La fabrication additive apporte des avantages considérables au secteur de la construction : elle permet d’utiliser moins de béton, de mieux le placer, aux endroits où on en a vraiment besoin, de développer et d’utiliser des bétons plus innovants, qui contiennent moins de ciment. Réduire la quantité de ciment est un enjeu essentiel, puisque c’est l’élément le plus polluant du béton. (…) L’industrie a besoin de se transformer, et la fabrication additive est un des moteurs de cette transformation10. L’impression 3D fera-t-elle dans le futur le lien manquant entre une conception architecturale nécessairement différenciée pour chaque site et une production sur chantier qui a besoin d’industrialiser ces process pour baisser ses coûts et augmenter son efficacité ? 9 Olivier MEIER, Guillaume SCHIER, Management du changement : Changement culturel et organisationnel, Édition Dunod, 2012, ISBN: 978-2100745333, p.66-67 10 XtreeE Imprime du Béton en 3D et Pousse les Limites de la Construction [WWW Document], 3D Printing Blog: Tutorials, News, Trends and Resources | Sculpteo. URL https://www. sculpteo.com/blog/fr/2016/12/07/interview-avec-xtreeeimprimer-du-beton-en-3d-pour-pousser-les-limites-delarchitecture/ (accessed 1.13.19).

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5. ÉCOLOGIQUE / ENVIRONNEMENTAUX «L’architecture change parce que le monde change. Le secteur du bâtiment est aujourd’hui considéré comme un levier important pour résoudre la crise environnementale. Cependant, des décalages s’affirment entre des impératifs urgents et règlementaires d’atteindre des objectifs quantitatifs précis, et la nécessité pour l’architecture d’être pensée en lien avec une nouvelle culture environnementale11.» (Pascale Mira, 2015). Selon l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) le bâtiment représente le premier poste de consommation d’énergie en France avec 44% de l’énergie consommée pour les bâtiments résidentiels et tertiaire. Le secteur se place ainsi loin devant les transports (32% des consommations), l’industrie (21%) et l’agriculture (3%). De plus, le bâtiment représente un peu moins d’un cinquième (19%) des émissions totales de gaz à effet de serre du pays selon le Ministère de la Transition Écologique et Solidaire.

En dehors des frontières nationales, les statistiques sont plus édifiantes encore. Selon les rapports les plus récents, la construction et le bâtiment en général représenterait au niveau mondial plus de 39% des émissions de CO2 et 36% des dépenses en énergie. Ce qui le place directement en première place des secteurs ayant le plus d’impact sur notre environnement et nos consommations d’énergies, loin devant les transports ou même l’industrie. (Source IEA, 2017) Ces chiffres conséquents ont contraints de nombreux gouvernements à mettre en place des mesures pour diminuer l’impact écologique du secteur. En France ces mesures concernent en premier lieu la rénovation énergétique du parc immobilier existant. Le gouvernement, représenté par Nicolas Hulot, a présenté en Avril 2018 un plan d’action pour les prochaines années : Le but du plan est de rénover les bâtiments publics et privés, afin de 11 Penser l’architecture environnementale. Des idées aux formes & des formes aux idées. — Dans quel processus de néomorphisation sommes-nous ? [WWW Document], n.d. URL http://theses.univlyon2.fr/documents/lyon2/2015/mira_p#p=0&a=title (accessed 12.29.18).


Émission globale de CO2 par secteur en 2015

Source : IEA 2017

Consomation globale d’énergie par secteur en 2015

Source : IEA 2017

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réduire leur consommation d’énergie et leurs émissions de gaz à effet de serre. Il prévoit notamment une simplification des dispositifs d’aide existants, qui sont souvent soit ignorés par les Français, soit dissuasifs par leur complexité selon Nicolas Hulot. Le ministre fixe des objectifs chiffrés pour ce plan : rénover 500 000 logements par an, en mobilisant 14 milliards d’euros sur cinq ans, planifiés dans le cadre du Grand plan d’investissement annoncé en septembre par le Premier ministre12. (France Inter, 2018) Chez les architectes, la question de la rénovation énergétique est donc cruciale pour l’avenir car potentiellement apporteur d’affaires majeur. Hors, selon le rapport du CNOA datant de 2018 le taux de pénétration du secteur de la rénovation/réhabilitation par les architectes reste très faible et très minoritaire comparée à celui du neuf. Depuis 2006, la répartition du montant total des travaux entre neuf et entretien/améliorationsemble être stabilisée. Ainsi, 70 % des travaux réalisés par les architectes concernent l’activité de conception de bâtiments neufs. Il faut noter que les données relatives au secteur du bâtiment (hors marchés publics),montrent une proportion inverse : 41 % des travaux portent sur des structures neuves et 59 % sur l’entretien et l’amélioration en 2016 (cf. partie III, section I).Comme indiqué dans le précédent rapport de l’Observatoire de la profession, ces chiffres traduisent une pénétration faible des architectes dans le secteur de la rénovation ou de la réhabilitation de bâtiments existants. (CNOA, 2018) Concernant les constructions neuves, les enjeux sont tout aussi importants tout comme les ambitions annoncées par le gouvernement : 12 Rénovation énergétique : Hulot annonce 32 mesures pour créer un “choc de confiance” [WWW Document], 2018. . France Inter. URL https://www.franceinter.fr/info/renovationenergetique-hulot-annonce-32-mesures-pour-creer-un-chocde-confiance (accessed 12.29.18).

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- la généralisation des bâtiments à énergie positive - le déploiement de bâtiments à faible empreinte carbone, depuis la conception jusqu’à la démolition - Le traitement des déchets de la construction Ces derniers constituent « un enjeu écologique fort dont les architectes seraient en mesure de s’emparer . Le gouvernement a récemment communiqué des ambitions fortes à ce sujet 13» Il semble donc essentiel au vu de tous ces enjeux que les jeunes architectes soient mieux formés dans ces domaines afin de pouvoir répondre au mieux aux enjeux à venir et pouvoir s’inscrire en véritables acteurs du changement, en apportant une expertise transversale tant constructive qu’architecturale. « L’urgence écologique et la crise économique demandent des professionnels capables à la fois de préserver le « déjà-là » et d’assurer la transition durable, énergétique notamment. »14 (Sophie TRELCAT, 2017)

6. LÉGISLATIF Nous avons évoqué précédemment (voir a. POLITIQUE) les mesures législatives gouvernementales entreprise par le gouvernement en faveur du secteur du bâtiment et de la construction. Nous nous intéresserons donc ici au cadre législatif spécifique du métier d’architecte. En France, l’exercice du métier d’architecte a connu au cours du siècle dernier trois bouleversements législatifs majeurs : Premièrement, la loi sur l’architecture de 1940, qui a réglementé la profession et institué l’Ordre des architectes. Deuxièmement, la Loi sur l’architecture de 1977 qui l’a remplacé presque 40 ans plus tard, et qui est encore en vigueur aujourd’hui. La loi de 1977 relative à l’Architecture est 13 Accueil [WWW Document], n.d. . Bâtiment à Énergie Positive & Réduction Carbone. URL http://www.batimentenergiecarbone.fr/ (accessed 12.29.18). 14 Profession architecte, un métier à géométrie variable / Trelcat, Sophie . Editeur : Archiscopie. 07/2017. pp. 5-18 ISBN - ISSN : 0768-5785


structurée autour de deux grands axes que sont : l’intérêt public et la qualité architecturale. L’article premier de la loi de 1977 qualifie en effet “d’intérêt public la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans l’environnement, le respect des paysages naturels ou urbains, ainsi que du patrimoine”. En ce sens elle est considérée comme un texte fondateur -et visionnaire- par grand nombre de professionnels et d’historiens. Elle a posé les conditions de la survie d’une profession post-crise pétrolière de 1973 qui « a entraîné un repli spectaculaire dans la construction, au même moment où la profession, sous l’effet du baby-boom, du progrès de la scolarisation et de la suppression du numerus clausus amorçait un gonflement spectaculaire de ses effectifs15 ». Françoise Fromonot, architecte à l’ENSA Paris-Belleville observe : « Elle a participé à donner envie aux maîtres d’ouvrage, notamment grâce à la création des Conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), et a représenté ainsi un moyen pour faire rayonner l’architecture16 ». Troisièmement, la loi du 12 Juillet 1985 relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’oeuvre privée, dite loi MOP. C’est l’un des principaux textes qui encadrent en France le droit de la construction publique. Elle s’applique dans les relations entre les différents intervenants publics et privés lors d’une construction ordonnée par une entité publique. Cet arsenal juridique a notamment installé l’architecte dans une situation de monopole (inédite en maitrise d’œuvre, hormis le cas ambiguë des géomètres experts) puisque « l’article 3 de la loi de 1977 rend obligatoire le recours à un architecte pour établir le projet architectural faisant l’objet d’une demande de permis de construire ». Difficile à première vue d’identifier les raisons d’une crise d’origine législative en 15 Métiers de l’architecture et du cadre de vie : les architectes en péril [WWW Document], URL https://www.senat.fr/rap/r04064/r04-0643.html (accessed 11.17.18). 16 Loi sur l’architecture: intérêt public et qualité toujours discutés 40 ans après [WWW Document]. Batiactu. 2017, URL https://www.batiactu.com/edito/loi-sur-architecture-interetpublic-et-qualite-toujours-47633.php (accessed 11.30.18).

architecture. Pourtant en réalité la situation est beaucoup plus complexe. En effet, le statut monopolistique de la profession est à nuancer, au vu des nombreuses dérogations accordées à ce principe. La principale étant l’instauration d’un seuil en dessous duquel le recours à l’architecte n’est plus obligatoire. Ce seuil était fixé à 170m2 par la loi de 1977 et a été rabaissé à 150m2 pendant l’été 2016 par la Loi Architecture et Patrimoine. Même avec cet abaissement, Cristina Conrad l’ancienne présidente de l’Ordre des architectes d’Ilede-France n’hésites pas à déclarer « que beaucoup de construction, en l’occurrence près de 60% échappent à l’architecte ». De plus, ce recours n’est pas obligatoire non plus dans le cas de travaux de réhabilitation n’entraînant pas de modifications des façades. Hors le marché de la réhabilitation représente en France entre 59 et 60% du marché du bâtiment en 2017, un gisement potentiel énorme et paradoxalement peu investi par les architectes. L’étude annuelle de l’Ordre des Architectes datant de 2017 n’hésite d’ailleurs pas à qualifier la rénovation de « véritable enjeu de société», et d’ajouter « la réhabilitation et la rénovation énergétique du parc de logements sont encore très insuffisantes en France et se réalisent en grande partie sans architecte. N’oublions pas que le nombre de logements existants est évalué à 35,4 millions dont 20 millions construits avant 197517 ». D’autre part, le caractère incontournable de l’architecte d’un point de vue législatif est rudement mis à l’épreuve par le recours fréquent, même si totalement illégal, à la signature de complaisance. C’est un biais législatif très utilisé permettant à la maîtrise d’ouvrage de réduire la mission de l’architecte à la seule approbation d’un projet prédéfini, sans en apporter aucune expertise architecturale. Cependant, il est intéressant de noter que ce problème est rencontré par beaucoup de professions dites « protégées » ou « réglementées » comme les médecins pour la délivrance de certains traitements par exemple. Les architectes sont aussi confrontés à ce qu’ils décrivent comme la « normalisation de l’architecture ». Nicolas Delon de l’agence 17 CNOA, Archigraphie 3 : une étude économique de la commande d’architecture, Chantal Fouquet, Paris, 2017, p.5

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Encore heureux! n’hésites pas à proclamer que « la norme a remplacé la confiance ». Cette tendance de fond est décriée par de nombreux architectes qui y voient un facteur d’appauvrissement de la qualité architecturale. La quantité de normes se superposant les unes autres (parfois de manière totalement contradictoires) étouffant l’innovation et la créativité au profit d’une standardisation générale de l’architecture. « Les immeubles sont construits avec des matériaux moches, tellement moches qu’ils n’offrent pas la possibilité d’être transformés18 » se désole Nicolas Delon. Le journal Le Monde n’hésites pas à affirmer que la multiplication de ces normes « avec la pression financière » pousse à la fabrication de bâtiments « sur le même modèle, où l’architecture se voit réduite à une variable d’ajustement19 »

18 I. Regnier, 2018. Le profond malaise de la profession d’architecte. Le Monde. 19

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Ibid.


B. QUESTIONNEMENTS INTERNES Décrit de l’extérieur, nous avons dressé un panorama le plus proche possible de la situation actuelle des architectes, pour comprendre quels étaient les facteurs responsables de cette crise supposée de l’architecture, et dans quelle mesure. Aussi, il est maintenant nécessaire pour être pertinent de s’intéresser aux débats qui agitent la profession, aux symptômes de la crise.

1. LA CRISE DE DÉFINITION ET L’ÉCLATEMENT D’UNE PROFESSION Qui est vraiment l’Architecte ? Comme énoncé en introduction, les racines de cette profession remontent à l’antiquité mais son statut et rôle n’ont cessés d’évoluer jusqu’à aujourd’hui. l’Encyclopedia Universalis précise que son autonomie vis-à-vis des autres acteurs de l’environnement construit s’est « amorcée au XVe siècle en Italie et se poursuit jusqu’à la fin de l’ancien régime en France : deux époques déterminantes dans l’histoire du monde occidental20» . C’est en effet durant cette période que l’on amorce une profonde réflexion sur la place de l’individu dans la société. « Il aura fallu quatre siècles pour que s’affermissent les positions de l’architecte face à l’ingénieur, à l’édile, ou au patron (nous utilisons ce terme dans son sens anglais), mais aussi face aux professions corporatives de la construction, tailleurs de pierres, maçons, conducteurs de travaux, charpentiers, et, plus tard, à l’entrepreneur21.» Cette prise de position progressive s’est construite autour de deux axes : « une activité théorique qui correspond au dessin, et une pratique qui confirme leur capacité de maître d’œuvre, capables de conduire ou de superviser l’ensemble des travaux ». Il semble pourtant difficile aujourd’hui de parler de l’architecte comme d’un dessinateur ou d’un conducteur de travaux. Nous l’avons 20 Encyclopedia Universalis, L’architecte, [WWW Document]. URL.http://www.universalis.fr/encyclopedie/architecturethemes-generaux-l-architecte/ (accessed 12.19.17).

vu, les techniques de représentation ayant évolué avec le temps. La pratique du dessin à la main a été peu à peu délaissé au profit de la CAO (Conception Assistée par Ordinateur) moins chronophage, puis du BIM (Building Information Modeling). Le BIM a remis en question la nature même de l’acte de dessin en s’écartant d’une logique de représentation par projection en deux dimensions, pour celle de la modélisation en trois dimension. Concernant maîtrise d’œuvre dans son acception originelle, la situation semble aujourd’hui encore plus trouble. En effet, sous la pression économique et législative, les architectes ont petit à petit délaissé la supervision des travaux à d’autres acteurs du bâtiment, se resserrant autour des activités de conception.

Filippo BRUNELESCHI (1377-1446) archétype de l’architecte savant et bâtisseur de la Renaissance

Alors qui est véritablement l’architecte aujourd’hui ? L’incapacité de la profession à présenter à la société civile un visage unifié au contour clairement défini est symptomatique du malaise des actuel des architectes. « Écartée de son rôle premier de constructeur, la profession se voit donc atomisée, et par là affaiblie » clame la journaliste Sophie Trelcat dans un article d’Archiscopie22. Elle ajoute : « Les poches de résistance s’organisent mais elles restent fragmentées, déconnectées des lieux de décision et peinant à trouver leur viabilité économique » n’hésitant pas à nommer certains acteurs qu’elle juge directement responsables de cette fragmentation corporatiste : 22 Sophie Trelcat, Profession architecte, un métier à géométrie variable. Archiscopie. 07/2017. pp. 5-18 ISBN - ISSN : 0768-5785

21 Ibid.

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- Les grandes « enseignes » architecturales : « les OMA, Herzog et de Meuron, Hadid ou Nouvel fonctionnent pour l’essentiel en vase clos. On ne peut que regretter que l’autorité dont jouissent ces grandes “images de marques“ n’appuie pas les démarches critiques d’une réalité dominée par les multinationales du BTP pour soutenir l’émergence d’alternatives » - Les éditeurs de littérature architecturale et autres supports théoriques : « les ouvrages de réflexion de fond ont quasiment disparu des rayons des librairies et les revues d’architecture, autrefois dirigées par des personnalités de passion et de conviction, ont pour la plupart été rachetées par des financiers. La réflexion et le débat contradictoire ne sont plus au cœur de la ligne éditoriale. »23 Pourtant il nous faut relativiser ce constat, on trouve dans la littérature décriée ci-dessus des articles aux idées très affirmées, dont les auteurs n’hésitent pas à être virulents et critique vis-à-vis de leurs confrères. Une critique fréquemment faite est celle de l’isolationnisme d’une profession, voire même de son mutisme et de ses conséquences : «Les architectes sont restés seuls à défendre leurs travaux comme si cela ne concernait qu’eux à la place d’une communauté plus ou moins étendue. Cette condition les a progressivement éloignés de la réalité de leur travail, au point où ils ont été incapables d’exprimer clairement et immédiatement le rôle ou le besoin auquel répond ce qu’ils produisent »24 (Nicola Di Battista,2014) « Les architectes peuvent peut-être être décrits comme des experts en conception spatiale. Étant donné que c’est précisément cette expertise qui est remise en question aujourd’hui, le secteur doit comprendre ce qu’il a réellement à offrir. » (T. Avermaete & H.Teerds, 2016)

2. LA CRISE DE LÉGITIMITÉ Les architectes sont-ils vraiment légitimes en tant que profession aujourd’hui ? Cette réflexion s’inscrit dans une mouvance contemporaine beaucoup plus large, et très populaire, à savoir la quête de sens dans son activité professionnelle. Le concept de bullshit jobs (traduisible en français par « jobs à la con ») a été inventé et popularisé par les travaux de l’anthropologue américain David Graeber25. Il y explique que la société moderne repose en grande partie sur l’aliénation de la vaste majorité des travailleurs, effectuant des tâches inutiles et dispensable pour la société, mais qui permettent de maintenir de l’emploi. Parmi les raisons à l’origine de ce malaise sociétal, on retrouve la tertiarisation de l’économie, l’instabilité économique, et surtout la division du travail jusqu’à l’absurde qui finirait par aliéner le travailleur et vider le sens de son travail. « C’est une cicatrice qui ballafre notre âme collective. Si la société peut difficilement survivre à une grève d’éboueurs de plusieurs semaines (…) on imagine que son fonctionnement ne serait pas profondément altéré si les juristes d’entreprise décidaient de suspendre leurs activités pendant la même période .»26 Alors pourrait-on finalement se passer des architectes ? La question mérite à priori d’être posée. Si l’on retrouve fréquemment ce débat au sein de la sphère publique, il commence à s’infiltrer au sein même de la profession, fréquemment alimenté par les débats sur la digitalisation du travail et l’apparition de nouvelles technologies disruptives. Des spécialistes reconnus du numérique appliqué à l’urbain tels que Adam Greenfield (Urbaniste, Professeur à UCL et au sein du programme LSE Cities à Londres et fondateur de Urbanscale) analyse les effets de cette digitalisation de la manière suivante : “ Les outils numérique de conception d’espaces menacent les professions d’architecte et d’urbaniste en érodant 25 David Graeber, Bullshit Jobs, Les liens qui libèrent, 2018, ISBN : 979-10-209-0633-5

23 Ibid. 24 Di Battista Nicola, (2014), Again concerning the architect’s responsibility, Domus 03/2014, p12

24

26 CASSELY Jean-Laurent, La révolte des premiers de la classe : Métiers à la con, quêtes de sens et reconversions urbaines, ARKHE, 2017, p.47


Caricature Architecte, Adele

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leur prétention à la souveraineté sur la paternité du plan, du mouvement et de la capacité d’échange. Ce qui arrive aux musiciens peut arriver à tout le monde27

pourrait être interprétée comme des signes troublants de notre incompétence. 28” Phil Bernstein, 2018

Greenfield A., 2013 D’autre part, on peut citer de nombreuses initiatives en cours abondant dans le sens de cette disparition progressives des barrières à l’entrée, tels que le projet de plateforme de construction en opensource WikiHouse. Pour résumer, WikiHouse permet à n’importe qui de pouvoir concevoir, télécharger et « imprimer » des maisons fraisées à la machine CNC. Ces composants peuvent alors être assemblés avec un minimun de connaissance techniques ou de compétences. Son fondateur et architecte Alastair Parvin n’hésites pas à marginaliser sa propre profession en expliquant que « si l’usine est partout, l’équipe de conception c’est tout le monde, alors une seule taille ne convient plus à tout le monde. Cela nous donne l’opportunité de faire pour la conception ce que Linux a fait avec les logiciels ; de les ouvrir. »

Les architectes questionnent aujourd’hui leur profession au vu de l’évolution récente du contexte technologique, sociétal et économique. Certains architectes sortent petit à petit des sentiers battus et explorent de nouvelles manières de travailler, de faire « muter » leur profession. Le chapitre suivant s’attachera à décrire une de ces diversifications du métier, particulièrement signifiante pour notre étude.

On parle ici de du brouillage des frontières entre propriété de l’information et savoirfaire professionel. Qui fait quoi ? Pour qui ? Dans quel but ? Et surtout qui en porte la responsabilité. Il est de plus en plus difficile de répondre à ces questions à l’heure où l’on assiste à une complexification de l’acte de construire et donc de l’acte de concevoir. Et il semblerait que les architectes n’aient pas réussi à se positionner de manière centrale et incontournable dans ce processus, ce qui aurait profité à d’autres acteurs naissants ou installés : «La détérioration des responsabilités de l’architecte en matière de conception, illustrée de manière très frappante par l’émergence de la sousdiscipline de la passation de marché appelée “design management“, voire de notre désolidarisation permanente des moyens et méthodes de construction,

27 Greenfield, A., 2013. Against the smart city (The city is here for you to use Book 1). Amazon Media, New York.

26

28 Bersnstein Phil (2018), The Omniscience and dependency of Practice (Counterpoint), Architectural Design n°253, 03/2018, p.128-133


WikiHouse : construction OpenSource Processus de fonctionnement

WikiHouse : construction OpenSource Kit à découper et assembler

27


II. UN CAS DE DIVERSIFICATION: L’ARCHITECTE – PROMOTEUR : Décrire de manière exhaustive toutes la diversité des mutations en cours au sein de la profession d’architecte est une tâche que je n’ai pas la prétention de pouvoir accomplir au travers de ce mémoire de fin d’études. Aussi, il m’a semblé particulièrement pertinent de m’attacher à décrire de manière plus spécifique une de ces diversifications à l’œuvre aujourd’hui dans le métier. Mon choix s’est porté sur les architectespromoteurs car, au-delà de mon intérêt personnel pour le sujet, ils semblaient représenter un aspect peu traité de la mutation de l’architecte.

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L-Architectes, Ensemble d’habitation, quartier de La Violette, Lausanne, 2012. Opération réalisée en promotion-conception par le trio d’architectes suisses


29


A.

DÉFINITION

Pour parler du cas de l’architecte-promoteur (à première vue néologisme composé de deux entités intrinsèquement éloignées) il convient d’abord de définir les deux termes dont il est composé. Nous passerons rapidement sur la définition de l’architecte, déjà admise à ce stade de l’étude, rappelons simplement qu’il est un professionnel qualifié pour accompagner ses clients dans la mise en œuvre d’un projet d’architecture. Il maîtrise la technique, il crée et il gère des projets. Sa vocation est de participer à tout ce qui relève de l’aménagement de l’espace et plus particulièrement de l’acte de bâtir. En France, l’ordre des architectes donne la définition suivante : « L’architecte est chargé par le client, appelé maître d’ouvrage, de concevoir le projet architectural. Ce projet définit par des plans et documents écrits l’implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l’expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs29. » CNOA, architectes.org Le métier de promoteur, lui, n’est pas une profession protégée et n’est donc régi par aucun ordre qui pourrait en donner une définition « officielle ». Le terme de promoteur aurait été inventé et pérennisé par l’architecte Fernand Pouillon en 1954 pour désigner les « monteurs d’affaires immobilières » de l’époque. La FPI (Fédération des Promoteurs Immobiliers), organisme fédérateur de référence au niveau national indique : Le promoteur est un maître d’ouvrage. Il prend l’initiative de la réalisation du bâtiment qu’il destine à la vente, réunit les financements nécessaires au projet et en assume le risque. Initiateur, responsable et pilote de l’opération, il est celui pour le compte duquel est édifié l’ouvrage.30 On complètera cette définition par celle 29 Quel est le rôle d’un architecte ? [WWW Document], 2006. . Ordre des architectes. URL https://www.architectes.org/quelest-le-r%C3%B4le-dun-architecte (accessed 12.31.18). 30 C’est quoi la promotion immobilière ? | FPI France [WWW Document], n.d. URL https://fpifrance.fr/articles/cest-quoi-lapromotion-immobiliere (accessed 1.13.19).

30

que

donne

le

promoteur

Imodeus

:

Le promoteur immobilier agit en tant que maître d’ouvrage, c’est-à-dire qu’il prend la charge de la réalisation des logements. Ainsi, il a la responsabilité de trouver le terrain constructible évaluer la faisabilité du programme, réunir les financements nécessaires au projet, coordonner les différents prestataires et commercialiser les appartements neufs31.

Le promoteur (personne physique ou morale) est donc nécessairement un maître d’ouvrage, alors que la réciproque ne se vérifie pas forcément : un maître d’ouvrage peut faire appel à un promoteur (extérieur) pour réaliser une opération.

B.

APPARITION

QUI ? OÙ ? QUAND ? COMMENT ? POURQUOI ? Le premier praticien à avoir affirmé théorisé le statut d’Architecte-promoteur est l’américain John Portman en 1954 dans son Livre Architect as Developer . Portman a fondé des entreprises dans les domaines de l’architecture, de la conception urbaine et de l’aménagement intérieur, ainsi que dans la promotion, le financement et la gestion immobilière. Il a excellé dans le développement de programmes mixtes et la conception de centres urbains à travers le monde. Il a agi en tant que planificateur, financier, courtier et promoteur dans bon nombre de ses projets. Cette pratique lui a valu d’être un personnage très controversé par les critiques, lui reprochant de ne pas respecter les règles déontologiques du métier. Cependant, Portman a toujours soutenu que son implication financière au projet donnait à l’architecte plus de contrôle sur la qualité des bâtiments finis. C’est à Atlanta qu’il a effectué la plupart de ses réalisations avant d’être l’un des premiers américains à s’exporter et construire en Chine. L’Architecte-Promoteur même si il arrive tardivement dans l’histoire de l’architecture moderne, a pourtant déjà plusieurs année 31 Objectifpapillon, 2017. Qu’est-ce qu’un promoteur immobilier  ? [WWW Document]. URL https://www.imodeus.com/quest-cequun-promoteur-immobilier (accessed 1.13.19).


Schéma de relations contractuelles d’une opération immobilière classique Source : Périé Architectes

John Portman (1924-2017) l’américain anime une conférence sur sa pratique d’architecte-promoteur, Avril 1982, Youtube.com

31


d’existence -en tant que concept- derrière lui. « Bien que n’étant pas nouveau, le modèle de pratique est rare. La pédagogie architecturale traditionnelle contourne la question de l’argent, préférant se concentrer sur le développement de l’art de l’architecture32. » En France, il semble que ce type d’expérimentations soit encore plus récente qu’aux États-Unis. Nous parlons ici des architectes-promoteurs, à différencier des architectes-constructeurs qui se sont réunis en France depuis 1981 sous le nom des Architecteurs (architectesbâtisseurs à l’époque). Un nombre très restreint d’architectes ont tenté l’aventure de la promotion mais le cas français le plus emblématique reste sans aucun doute celui de l’architecte François Fontès. Ce dernier est à la tête d’un véritable empire du bâtiment -dans son acception largec’est à dire que les activités de sa holding d’entreprise Hugar vont de l’architecture, jusqu’à la promotion et la construction , en passant par les Bureaux d’études techniques, l’ingénierie mais aussi la création de jardins et l’édition de revue d’architecture. Stéphanie Malfilatre, chargée de la communication de François Fontès, confirme : « Le groupe Hugar – qui réalise 140 millions d’euros de chiffre d’affaires – est à la fois une “société d’intermédiation financière“, un bureau d’étude technique et une holding spécialisée dans l’immobilier, l’urbanisme, la construction, l’économie de chantier, la direction de travaux, les logements sociaux, l’architecture et la promotion immobilière... Monsieur Fontès a monté son agence d’architecture en 1975. Afin d’avoir une vision panoramique permettant d’intervenir sur tous les champs de l’immobilier, il a successivement créé plusieurs sociétés : Argos, pour l’urbanisme en 1995, Sefiteg vouée à la promotion de logements en 1989, le BET Symétrie en 1993, puis en 2001 Amétis opérateur et promoteur pour 32 The Architect as Developer [WWW Document], 2018. . DesignIntelligence. URL https://www.di.net/articles/the-architect-asdeveloper-2/ (accessed 1.3.19).

32

l’habitat social qui dispose d’antennes à Nice, Marseille, Lyon et Toulouse. »33 À titre de comparaison, AREP s’est classée première des agence d’architectures françaises de l’année 2018 en termes de chiffre d’affaire (Source BatiActu 2018) alors que celui-ci atteignait « seulement » 80 millions d’euros, soit un peu plus que la moitié du chiffre d’affaire du groupe de François Fontès. Cependant le cas de l’architecte montpelliérain , certainement le plus médiatique des architectes-promoteurs, est un exemple possible de diversification certes intéressant mais qu’il convient de relativiser tant sa position est unique dans le paysage français des architectes-promoteurs composé d’acteurs de taille bien plus modeste. Un autre praticien reconnu à avoir réfléchi à la raison d’être du promoteur dans les opérations immobilières, n’est autre que le parisien Nicolas Michelin. Ce dernier expliquait les fondements de son questionnement en 2014 dans un article du journal Le Monde intitulé « L’architecte qui propose de se passer des promoteurs » : « Je voulais savoir pourquoi les logements sont si chers et comment en faire baisser le prix sans sacrifier la qualité et la surface, les promoteurs nous obligeant sans cesse à les réduire. On fait des trois-pièces de 60 m2, avec des chambres ridicules de 9 m2. 34 » C’est pourquoi en 2014 il décide de mener des recherches afin de « décomposer le prix d’un m2 de logements neuf » et présenter son travail au grand public lors de l’exposition « Histoire du prix du logement : où va l’argent ? ». Et les résultats sont sans appel : Sur 100 euros, 15,20 euros servent à acheter le terrain, 40 euros à payer des travaux, 3,30 euros couvrent les honoraires d’architecte, 24,80 euros représentent les frais de portage (commercialisation, frais financiers et marge du promoteur) et 16,70 euros partent en TVA. 35 On retrouve ce constat à l’origine des 33 Promoteur architecte: quelle compatibilité réglementaire? D’architectures [WWW Document], n.d. URL https://www.darchitectures. com/promoteur-architecte-quelle-compatibilite-reglementaire-a1889. html (accessed 1.4.19). 34 L’architecte qui propose de se passer des promoteurs, Le Monde, 2014. 35 Ibid.


Nicolas Michelin ANMA, Expo Logement Argent Autrement, Décomposition du prix d’une opération immobilière par poste de dépense

33


analyses de l’article « Architectes et promoteurs, stratégies de reconquête »: Le modèle de production du bâti s’est décomposé en une cascade d’acteurs : acquéreurs, institution de prêt, promoteur, planificateur, concepteur, ingénieurs spécialisés, entrepreneur général, maîtres d’états soustraitants, agences d’intérim, courtiers. Conséquences : une multiplication des marges économiques et le constat que celles-ci s’amenuisent jusqu’à devenir très faibles dès que l’on arrive aux métiers d’exécution36 (Architecture d’Aujourdhui, 2016) L’article va plus loin encore dans son analyse, en complétant les idées avancées par Nicolas Michelin, dénonçant le cercle néfaste des relations contractuelles qui relient les acteurs de la conception/construction : On observe aussi une chaine de relations contractuelles ayant pour effet un déresponsabilisation de chacun des acteurs. Lesquels passent la majeure partie de leurs temps à négocier la sécurisation de leur segment d’intervention. Résultat, le coût total de cette intervention a tendance à augmenter, alors même que la qualité finale de la construction se réduit, sous l’effet de la redistribution démultipliée des marges.37

C.

ADAPTATION

Contexte législatif Comme vu précédemment, le statut du promoteur n’est pas protégé et ne dispose donc pas d’ordre. Aussi en France il est régi par l’article 1831-1 du Code civil. Ce dernier indique que le contrat de promotion immobilière est un mandat par lequel une personne dénommée « maître d’ouvrage » (le client) confie la construction d’un ouvrage immobilier à une personne appelée « promoteur immobilier ». L’architecte est quant à lui le seul professionnel de la maitrise d’œuvre ayant une profession protégée par un 36 Architectes et promoteurs, stratégies de reconquête , Anna Hohler, Hors- série L’Architecture d’Aujourd’hui, Profession Architecte, n°414, Septembre 2016, p.72-74 37 Ibid.

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ordre, à l’exception des géomètres-experts. Quelles dispositions s’appliquent donc à un architecte qui souhaiterait exercer l’activité de promoteur. En France, le code des devoirs professionnels de l’architecte stipule que : L’architecte doit éviter toute situation où les intérêts privés en présence sont tels qu’il pourrait être porté à préférer certains d’entre eux à ceux de son client ou employeur ou que son jugement et sa loyauté envers celui-ci peuvent en être altérés38. À priori, la compatibilité des activités de Maitres d’œuvre et de Promoteur ne sont ni évidentes ni même encouragées. C’est d’ailleurs une des raisons qui explique la fébrilité de la profession à s’engager dans cette voie. Les architectes se sont bâtis de manière historique (et à juste titre) sur la séparation absolue entre le Maitre d’œuvre et le maitre d’ouvrage. L’étanchéité absolue de ces deux rôles, censé œuvrer pour garantir la qualité architecturale finale, a quelque peu éclipsée cette forme de diversification du métier. D’ailleurs, si l’on se penche sur l’article 8 du code de déontologie des architectes, il est très clairement formulé : Toute confusion d’activités, de fonctions, de responsabilités dont l’ambiguïté pourrait entraîner méprise ou tromperie, ou procurer à l’architecte des avantages matériels à l’insu du client ou de l’employeur est interdite. Tout compérage entre architectes et toutes autres personnes est interdit. L’architecte doit éviter les situations où il est juge et partie. 39 Cependant, rien dans ces textes n’interdit l’exercice simultané de ces professions, à la condition qu’elles soient séparées dans des entités de forme juridiques distinctes et qu’elles soient déclarées à l’ordre ainsi qu’aux clients de ces sociétés : Ainsi, si l’architecte exerce la profession à titre libéral, il n’aura pas d’autre choix que de créer une société pour pouvoir exercer en parallèle une autre activité. Si l’architecte exerce la 38 Article 8, Code de déontologie des architectes [WWW Document], 2015. . Ordre des architectes. URL https://www. architectes.org/code-de-deontologie-des-architectes (accessed 1.4.19). 39 Ibid.


profession en tant qu’associé d’une société d’architecture, il pourra exercer une activité parallèle soit à titre libéral soit dans le cadre d’une autre société. Toute activité parallèle, dès lors qu’elle a un rapport direct ou indirect avec le domaine de la construction doit être déclarée au Conseil régional de l’Ordre des architectes, en application de l’article 18 de la loi sur l’architecture.40 Nous avons donc mis en lumière certains des avantages recherchés dans cette nouvelle mutation du métier par certains architectes. Cependant cette pratique est encore très peu développée en France et les expérimentations les plus intérréssantes se trouvent chez nos voisins helvétiques.

D.

EXPÉRIMENTATION

ÉTUDE DE CAS En Suisse le cabinet d’architecture L-Architectes, fondé par les trois associées Jeannne Della Casa, Sylvie Pfaelher et Tanya Zein, a entamé ce qu’elles appellent « un mouvement de reconquête ». Les trois femmes sont parties d’un double constat très radical. Premièrement celui que « les architectes baissent désormais pantalon et pavillon, se bornant à jouer le rôle d’illustrateurs 3D destinés à dissimuler de simples opérations spéculatives » 41. Deuxièmement, que « les territoires des couronnes urbaines ne cessent de se dégrader sans que les architectes ne puissent intervenir ». Elles réalisent aussi « qu’en se portant elles-mêmes acquéreurs de terrains, elles ne s’exposent pas à un risque supplémentaire, la valeur de celui-ci demeurant au moins constante » Dans le but de maîtriser au maximum le processus d’intervention elles ont alors décidé de réduire autant que possible la « cascade de sous-traitance » afin de pouvoir consacrer les marges réalisées à la qualité architecturale du projet, ou selon leurs propres termes « mettre l’argent là où c’est important ». Comprendre : pour la qualité du projet. Elles parviennent à obtenir un financement bancaire garanti par des 40 Ibid. 41 Architectes et promoteurs, stratégies de reconquête , Anna Hohler, Hors- série L’Architecture d’Aujourd’hui, Profession Architecte, n°414, Septembre 2016, p.72-74

fonds propres inférieurs à 70.000 euros, une somme qu’elles rassemblent tout d’abord auprès de quelques proches, puis au moyen de promesses de vente. Dès lors elles s’aperçoivent qu’elles sont en capacité d’assumer les rôles de promotion, de planification et de courtage, ce qui leur offre le contrôle de toutes les phases de décision concernant le projet42 Leur démarche lors des opérations qu’elles ont réalisé commence par s’adresser aux élus locaux avec une esquisse urbaine expliquant la démarche du projet. Celle-ci souvent acceptées car plus en adéquation avec les objectifs urbains et sociaux des autorités publiques (après tout les architectes, à l’inverse des promoteurs immobiliers sont formés à l’analyse et à la conception urbaine). Il n’est pas rare par exemple que les trois suissesses renoncent à des droits à bâtir sur les parcelles en question si cela leur permet de formaliser leur projet en « couture avec l’environnement bâti ». Cette stratégie leur a valu de devancer l’offre faite par d’importants promoteurs locaux à la mairie de la commune de Prilly en 2006, et pourtant beaucoup plus alléchante financièrement, pour racheter une des parcelles de la commune. Cet achat a permis de réaliser une opération livrée en 2007 qui comprend la réhabilitation d’une maison existante, la construction de deux nouvelles maisons en bois (9 appartements au total) et la création d’un verger commun. L’article d’Architecture Aujourd’hui à leur sujet affirme « d’abord réticents, plusieurs confrères helvétiques ont emboité le pas de L-Architectes, comme les agences DLA ou Localarchitecture. Cette contamination qualitative et progressive permet de recoudre peu à peu les territoires, en utilisant la matière première de la ville, le logement collectif. Et aux architectes de renoncer à n’être que des « boutiquiers de l’illustration ». Le signe d’une multiplication du statut d’architecte-promoteur en cours ? Il est encore tôt pour le dire, néanmoins des brèches semblent avoir été ouvertes par ces professionnels qui ont montré par l’exemple que d’autres façon d’exercer l’architecture étaient possible, à la condition d’oser l’expérimentation et aller parfois à rebours de l’idéologie dominante. 42

Ibid.

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III. LES DIFFÉRENTES POSTURES DE LA MUTATION : A. DES VISAGES MULTIPLES Les architectes-promoteurs sont loin d’être les uniques représentants de la diversification récente du métier. Dans cette dernière partie nous nous attacherons à passer en revue quelques-unes de ces postures professionnelles qui tendent à s’éloigner de la pratique dite classique en agence, dominante. Il existe une infinité de ces pratiques, et l’objectif ici n’est pas d’être exhaustif. Nous chercherons plutôt à présenter un échantillon limité et le plus représentatifs possibles des mouvances actuelles du métier d’architecte. Cela nous amènera naturellement à nous questionner sur les motivations de ces architectes de la diversification et sur leur pérennité, objet de cette initiation à la recherche.

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Locaux du collectif Ciguë, à Montreuil

« Le Détour de France, une école buissonnière », publié aux Éditions Hyperville

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Affiche de la conférence L’hypothèse Collaborative, 2018


Les collectifs d’architectes Récemment, les collectifs ont fait l’objet d’un fort engouement médiatique dans la sphère architecturale. Les architectes londonien de Assemble sont devenu les premiers représentants de ces collectifs en gagnant le célèbre prix Turner en 2015. Puis, La biennale d’architecture de Venise de 2016 intitulé Reporting from the front organisée par le Chilien Alejandro Aravena a été le témoin de cette évolution et de la volonté commune de ces collectifs : faire de l’architecture autrement et proposer une alternative au modèle dominant. On y voyait de nombreux projets réalisés avec une grande économie de moyens, plus d’intelligence collective, une attention renouvelée à la matière, aux processus, aux usages… bref une volonté d’élargir le champ de l’architecture ! En France, nous avons vu apparaître en quelques années beaucoup de ces collectifs, la plupart du temps sous forme d’organisme à but non lucratif : aaa (Ateliers d’architecture autogérée, Bruit du Frigo, les Saprophytes, Bellastock, le Collectif Etc, le collectif Fil, ou encore EXYZT. Alors quelles sont les spécificités de ces structures ? Premièrement leurs modes de financement. La majorité de ces collectifs se financent (au moins au début) grâce à l’appui de collectivités (conseil régional, conseil départemental, Commission Européenne) sur des projets à l’initiative des collectifs eux même. Il arrive aussi que les projets de ces collectifs s’autofinancent grâce à la mise en places d’économies alternatives (agriculture urbaine, cantine, production de compost,…). Mais se positionner en dehors du circuit des appels d’offre de maîtrise d’œuvre oblige à chercher des financements, publics ou privés, pour chaque intervention. Certains projets auto-initiés reçoivent des aides de fondations philanthropiques, d’autres sont financés à l’aide de levées de fond sur Internet (crowdfunding), mais la recherche de subventions est laborieuse. En revanche, si les modes de financement des projets diffèrent d’un collectif à l’autre, la nature des commandes, elle, évolue souvent à la mesure de leur notoriété.

Aujourd’hui la majorité de nos projets sont issus de commandes directes. Nous sommes encore à l’initiative de quelques projets et répondons également à des appels d’offres (projet de stratégies urbaines pour lesquels nous sommes rarement mandataires). Si nous aimons beaucoup monter nos propres opérations, les commandes directes sont néanmoins intéressante pour deux raisons : elles nous permettent de payer les onze salariés qui composent le collectif et nous offrent surtout une légitimité d’intervention ! 43 Florent Chiappero, cofondateur du Collectif Etc. Une autre caractéristique forte des collectifs est la volonté de ne pas être exclusivement constitué d’architectes dûment certifiés : « Le collectif aaa par exemple se compose d’un réseau de partenaires et collaborateurs fonctionnant autour d’un noyau permanent : ses cofondateurs -Constantin Petcou et Doina Petrescu - travaillent avec des architectes, urbanistes, sociologues, économistes, graphistes, chercheurs, artistes, et même d’autres collectifs (Public Works, My Villages,…) »44 Cependant, c’est bien l’intérêt pour le processus, la recherche d’utilité sociale et de confrontation au « réel » qui est à la source de la volonté de ces jeunes architectes de se regrouper en collectif. « L’architecte vêtu de noir, donneur d’ordres et craignant de se salir sur les chantiers est à notre exact opposé » précise Hugo Haas, porte-parole du collectif Ciguë basé à Montreuil. Cependant, cette ambition n’est pas à l’abri de vives critiques. L’instrumentalisation par d’autres acteurs de la ville ou le risque de tomber dans la répétition et la caricature d’eux-mêmes sont les risques que prennent ces collectifs. Les “hypothèses“ qui s’élaborent depuis le champ de l’urbanisme traditionnel autour de cette mouvance et la survalorisation de certaines formes, figures et recettes qui l’illustrent -la palette, le camping, la fête, le “chantier participatif- tendent paradoxalement à 43 « Le collectif pour le participatif », Anna Hohler, Hors-série L’Architecture d’Aujourd’hui, Profession Architecte, n°414, Septembre 2016, p.92-93 44 Ibid.

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en limiter les champs d’intervention et à marginaliser des approches sur le plan critique et théorique. Ils développent désormais une offre servicielle en reformulation, complémentaire à d’autres, parmi lesquels l’ “urbanisme transitoire“ (entendu comme animation et valorisation foncière), la “concertation active“ (entendu comme animation dans l’espace public ou plan de communication) ou encore l’ “architecture temporaire“ (scénographie, si possible en réemploi). Bref, ils se voient circonscrit à des niches qui au fond révèlent la profonde naïveté ou parfois le profond cynisme de certains commanditaires et praticiens qui se revendiquent de ces pratiques ou de leur rôle d’“entremetteur“. Entre l’étau d’une instrumentalisation par certains et la recherche (naturelle) de rentabilité chez d’autres, ce phénomène d’ouverture à la commande ferme paradoxalement l’accès à d’autres champs de la pratique. 45

Les archis « startuppers » De nombreux architectes se sont récemment intéressés au phénomène start-up quitte à s’en inspirer au sein de leur pratique d’agence d’architecture, ou à l’inverse de transposer leurs compétences et connaissances acquises lors de leur formation d’architectes, au sein d’une start-up. Ce néologisme reste pourtant assez vague, et sert fréquemment de « mot valise ». Alors qu’est-ce qu’une start-up ? Difficile de trouver une définition qui fasse l’unanimité dans la sphère économique et entrepreneuriale, cette dernière semble tout de même s’entendre sur la définition de Steve Blank, un des personnages influent de la Silicon Valley : “A startup is a temporary organization designed to search for a repeatable and scalable business model”

Un certain scepticisme que l’on retrouve chez beaucoup de confrères architectes, mais aussi dans la presse grand public qui n’hésite pas à mettre en garde les nouveaux acteurs de la profession : « Dans le public comme dans le privé, les plus fortes agences françaises restent les plus anciennes (Nouvel, Portzamparc ou Wilmotte), et donc les mieux référencées. Signe qu’à trop être archi-partageurs, archi-modestes, en un mot, « archi cools » (pour reprendre le slogan de la marque d’accessoires Cinqpoints, fondée par une architecte), la jeune garde court le risque de ne pas marquer son temps. 46 »

45 Collectifs d’architectes (?), 2018. . UrbaNews. 46

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Les nouveaux architectes jouent collectif, 2016.

On peut néanmoins compléter cette définition en parlant d’une entreprise innovante qui espère une très forte croissance économique à moyen et/ou long terme, ce qui nécessite la plupart du temps de rechercher des capitaux extérieurs importants à court terme. Cela dans le but de pouvoir financer cette innovation et la R&D (Recherche et Développement) lui étant inhérente. Récemment, face à la crise du secteur et à la baisse de la demande publique, de nombreux architectes se sont inspirés de ce modèle de fonctionnement en faisant le pari de développer leur activité sur ce modèle. C’est le cas de l’agence parisienne XTU (fondée par Anouk Legendre et Nicolas Demazières en 2000). Ces derniers ont décidés d’investir sur l’innovation comme vecteur futur de leur croissance économique. Cependant la recherche et développement coûte cher et « pour faire face à cette


Schéma concept de l’ «Archipreneur». Le site éponyme, se définit comme le média «pour l’innovation d’entreprise et les stratégies créatives au sein du secteur de l’architecture.»

Architect-Entrepreneur Startup Toolkit Méthode pour la création d’une activité d’architecture adoptant les méthodes de création et de dévellopement des startups

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impératif, la plupart des architectes choisissent d’intégrer une branche spécifique au sein même de leur agence ». Aussi, leur branche R&D est totalement intégrée à l’agence et développe des produits à caractère innovant comme le projet SymBIO2 visant « à cultiver des micros-algues sur les façades des bâtiments » et d’autres projets mêlant biologie et architecture. Cependant, si XTU a choisi de développer en son sein les moyens nécessaire pour innover, sa structure interne reste pourtant celle d’une agence d’architecture « classique ». Par classique nous entendons ici : dont la majorité des activités consistent à de la conception architecturale en tant que tel. On ne peut donc pas considérer, les agences comme XTU comme adoptant pleinement la structuration d’une startup. Cependant, des exemples d’architectes ayant «renoncés à la pratique architecturale » pour fonder une startup existent. C’est le cas de Thimoté Boitouzet, architecte et co-fondateur de la startup Woodoo, qui ambitionne de retravailler le matériau bois dans sa structure moléculaire pour le rendre plus fort. Le jeune chef d’entreprise explique pourtant qu’il n’a pas le sentiment d’avoir renoncé à faire de l’architecture : En me dédiant à Woodoo, je ne considère pas avoir abandonné l’architecture. Je fais le même travail, mais à une autre échelle. La formation d’architecte est l’apprentissage d’une rigueur, d’une culture, qu’il faut savoir transcender et transposer à d’autres domaines pour y insuffler ses convictions propres, qu’elles soient écologiques, technologiques, constructives, etc. 47 Le cas de Timothée Boitouzet peut être considéré comme le négatif du précédent (cf. XTU). Ici, il s’agit de transposer des connaissances et une culture acquises lors d’une formation architecturale dans une activité « non architecturale » qui prend la forme d’une start-up. XTU à l’inverse procède de manière à incorporer à son activité architecturale des compétences extérieures « non architecturales » pour en faire un 47 « L’architecte et le microscope», Cécile Brunengo, Hors-série L’Architecture d’Aujourd’hui, Profession Architecte, n°414, Septembre 2016, p.86

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futur levier de croissance de son agence. Les architectes seraient-ils en train de prendre conscience de leur prédisposition naturelles à investir d’autres champ d’action que la conception architecturale ? Le parallèle entre l’architecture et l’univers des entrepreneurs et des start-up est en tout cas d’actualité. En témoigne l’apparition de nouveaux médias spécialisés tels que Archipreneur, entièrement dédié à l’approche « startup » de l’architecture, ou encore entre les lignes de certains des « archistars » les plus reconnus comme le hollandais Rem Koolhaas : Architecture’s greatest value in the future might not even be architecture. Architecture and the language of architecture–platform, blueprint, structure–became almost the preferred language for indicating a lot of phenomenon that we’re facing from Silicon Valley. They took over our metaphors, and it made me think that regardless of our speed, which is too slow for Silicon Valley, we can perhaps think of the modern world maybe not always in the form of buildings but in the form of knowledge or organization and structure and society that we can offer and provide. (Rem Koolhaas, 2016) On ne peut s’empêcher de rapprocher les propos de Rem Koolhaas à l’exemple récent de l’agence Périphériques + Marin Trottin qui (non lauréate sur le site jouxtant l’école d’Architecture Paris Val-de-Seine) s’est distinguée en proposant une opération de crowdfunding inédite. Le financement participatif de ce projet mixte, l’immeuble village « Paris par nous/pour nous », était organisé sous la forme de ventes d’actions. Nous avons recyclé l’investissement pierre / papier. Nous nous sommes présentés comme porteurs de projet : c’était passionnant. L’évolution de notre profession nous permet de porter les projets ; nous nous retrouvons de plus en plus dans le rôle de la startup. (David Trottin, 2017)


Les archis « catalyseurs de communautés » Le dernier cas de diversification du métier que nous aborderons dans cette étude est celui que je regrouperai sous la bannière des architectes « catalyseurs de communautés » ou encore « architectes de la nécéssité48». Tous ces architectes ont le point commun d’avoir une pratique radicale de l’architecture, dans son résultat final mais surtout dans son processus. Parmis ceux-là, on peut retrouver Mike Reynolds, le bureau Norvégien Tyin Tegnetsue, mais encore des architectes comme Francis Kéré, ou Jana Revedin. Les projets qu’ils réalisent sont « peu coûteux, participatifs et soucieux des besoins des communautés concernées. Ils mettent à profit les compétences et matériaux disponibles sur place, associent les populations locales à la construction et s’opposent ainsi à l’architecture du geste architectural, des starchitectes, de la conception numérique et de la technologie intégrée49 » Cette opposition à la pratique dominante de l’architecture (comprendre institutionnalisée, en agence) se manifeste paradoxalement par une posture d’architecte « chef d’orchestre », elle même beaucoup reprochée à l’architecte traditionnel. Cependant le chef d’orchestre est ici d’avantage un « apprenant » qui redistribue par la suite son savoir-faire personnel. Andreas Gjersten (Tyin Tegnetsue) et son associé expliquent à ce sujet qu’ils avaient abordé leur premier projet (un orphelinat en Thailande en 2008) persuadés d’avoir beaucoup à transmettre « avant de se rendre compte de leur grossière erreur : ils avaient au contraire beaucoup à apprendre. C’est à dire apprendre avec les ressources disponibles mais aussi comprendre la nature des structures sociales et ce que pouvaient apporter les artisans locaux. ». Cette nécessité du dialogue et de la compréhension mutuelle comme moteur du projet est très bien expliquée dans les propos de Francis Kéré, architecte Burkinabé, pourtant lui-même issu de la communauté où il souhaitait construire :

l’école avec des matériaux locaux. “J’ai eu du mal à convaincre mon peuple de choisir l’argile comme matériau de construction, car selon leur expérience, une construction en argile ne pouvait pas résister à la saison des pluies, raconte M. Kéré. Quand je leur ai dit que nous allions utiliser de l’argile, ils ont été abasourdis. Ils ne voyaient pas ce qu’il pouvait y avoir d’innovant dans l’argile, et j’ai dû les convaincre. Il ne faut pas oublier que le modèle occidental est notre rêve, mais que nous n’avons pas les moyens, ni financiers ni techniques, de le mettre en œuvre. Mais c’était un bon défi pour moi. Il fallait, pour que le projet soit acceptable pour mon peuple, que je crée un bâtiment moderne, un bâtiment à l’intérieur duquel il ferait frais, qui serait adapté au climat local, en utilisant des matériaux locaux et des techniques traditionnelles. 50 Selon Francis Kéré, c’est ce dialogue permanent et cet échange de compétence qui peut « aider la communauté à se prendre en charge, à la renforcer et à lui faire éprouver une fierté nouvelle. Les gens disent ‘C’est notre œuvre, elle est à nous, elle est moderne et elle nous plaît beaucoup’, raconte-t-il, observant que c’est ainsi que les architectes peuvent jouer un rôle dans le renforcement de l’identité et des liens des communautés » Les exemples de cette architecture « de la nécessité » sont légions et ils semblent se nourrir directement d’un sentiment partagé par de nombreux jeunes architectes, celui de vouloir agir auprès de ceux qui en ont le plus besoin et d’utiliser leur compétences directement sur le terrain, en produisant une architecture riche de sens, capable de catalyser les énergies au sein de communautés d’habitants.

Au début, la communauté doutait beaucoup de la possibilité de construire 48 « Les architectes de la nécéssité», Cécile Brunengo, Hors-série L’Architecture d’Aujourd’hui, Profession Architecte, n°414, Septembre 2016, p.86 49 « Les architectes de la nécéssité», Cécile Brunengo, Hors-série L’Architecture d’Aujourd’hui, Profession Architecte, n°414, Septembre 2016, p.86

Francis Kéré, Construction de l’école de Dango au Burkina Faso 50 Francis Kéré : Unir tradition et modernité [WWW Document], n.d. URL https://www.wipo.int/wipo_magazine/fr/2013/06/article_0002. html (accessed 1.6.19).

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B. UNE AMBITION COMMUNE: ADAPTATION ET PERTINENCE Nous l’avons vu, le métier d’architecte évolue, il mute. Les pratiques se diversifient en réponse à une insatisfaction grandissante face à la pratique du métier en lui-même et à une conjoncture difficile. Les pistes explorées par la jeune (parfois moins jeune) génération d’architectes sont de natures très diverses et semblent parfois s’adresser à des enjeux différents ou même être en opposition les unes aux autres. Pour conclure cette étude, il nous a semblé intéressant de tenter d’en savoir d’avantage sur ce qui unit ces postures, à savoir une quête commune de pertinence et d’adaptation à leur environnement.

Adaptation au milieu : néolibéralisme et mondialisation Au cours des 30 dernières années, l’architecture a été profondément influencée par la conversion des choses: Thatcher et Reagan, passant d’un État providence à une économie de marché. Les architectes étaient liés aux bonnes intentions, du moins théoriquement. Avec l’économie de marché, nous nous sommes lentement retrouvés à soutenir, au mieux, des ambitions individuelles et, au pire, des motivations pures pour le profit. En ce sens, chaque crise représente peut-être une opportunité. Rem Koolhaas, 2016 Ces mots de Rem Koolhaas prononcés lors de la convention de l’AIA (American Institute of Architect) en 2016 sont lourds de sens venant d’un des architectes les plus influents de sa génération. Ils donnent des clés de compréhension importantes de la situation de l’architecture aujourd’hui. Koolhaas s’est positionné très tôt dans ses travaux avec OMA et ses écrits comme un architecte prenant acte dans sa conception de la ville « d’une mondialisation de l’économie comme horizon indépassable ». Selon Olivier Chadoin, sociologue et enseignant à L’ENSAP de Bordeaux, si la posture parfois provocante du néerlandais est contestable à bien des

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égards, elle n’en reste pas moins pertinente : « L’architecture demeure un “art de commande“. Aussi, les glissements qui affectent aujourd’hui les relations entre le monde de la création et le monde marchand y sont sans doute mieux perceptibles que dans d’autres domaines. les valeurs du monde créatif étant désormais elles-mêmes incorporées au monde marchand.51 Notons que l’auteur parle ici d’architecture comme « art de commande » séparant clairement les notions de « monde marchand » (commanditaire, considérations et réalités économiques) et celui de « monde créatif » (implicitement dictés par d’autres lois). On retrouve ce triangle (monde marchand, monde créatif, commande) et ce « glissement » dans les évolutions décrites précédemment dans l’étude comme le cas de l’architectepromoteur ou celui de l’appropriation par l’architecte de l’univers des startups. Les architectes évolueraient donc aujourd’hui dans un environnement néolibéral et mondialisé qui, conjugué à un désengagement public du champ de la construction, aurait encouragé cette diversification à l’œuvre aujourd’hui. Selon Sam Jacob, architecte anglais (Sam Jacob Studio) « la pratique du métier a changé depuis la politique de dérégulation de Thatcher des années 1980, et cela va en s’accélérant ; le temps de l’architecte fonctionnaire est révolu : il est un entrepreneur en compétition constante ». Rappelons que le néolibéralisme est une idéologie qui désigne : Le renouvellement des thèses économiques libérales qui ont inspiré les politiques économiques des pays occidentaux. Ces politiques, devenues dominantes, ont pour objet de créer un environnement propice à l’afflux des mouvements de capitaux — source d’épargne disponible pour l’investissement —, par la dérégulation des marchés, la réduction du rôle de l’État, des dépenses publiques et de la fiscalité (en particulier au bénéfice 51 L’architecture dans la fabrique de la ville néolibérale, 2014, L’Abeille et l’Architecte


Rem Koolhaas, collages, Biennale de Venise 2014

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Margaret Thatcher, prononçant son célèbre slogan «There is no alternative.» (TINA) Ce dernier traduit la pensée selon laquelle le marché, le capitalisme et la mondialisation sont des phénomènes nécessaires et bénéfiques et que tout régime qui prend une autre voie court à l’échec.

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des entreprises), un contrôle strict de l’évolution de la masse monétaire pour prévenir les effets inflationnistes, la privatisation des entreprises publiques et l’abaissement du coût du travail.52 Aujourd’hui, le terme de néolibéralisme est utilisé essentiellement par ses détracteurs pour parler des politiques de Margaret Thatcher (Premier Ministre du RoyaumeUni de 1979 à 1990) et de Ronald Reagan (Président des États-Unis de 1981 à 1989) dans les années 1980, ainsi que des instances internationales comme le Fonds Monétaire International (FMI) ou l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) et la Banque Mondiale. Il peut être résumé en trois caractéristique principales : - une limitation du rôle de l’État en matière économique, sociale et juridique ; - l’ouverture de nouveaux domaines d’activité à la loi du marché - une vision de l’individu en tant qu’»entrepreneur de lui-même» ou «capital humain» que celui-ci parviendra à développer et à faire fructifier s’il sait s’adapter, innover... En France, le « tournant de la rigueur » initié en 1983 par le socialiste François Mitterrand (après l’échec de sa politique de relance du « Programme commun ») marque le passage d’une politique d’état-providence vers celle d’une économie de marché. Cependant le désengagement étatique français sera moins radical que chez ses voisins Anglo-Saxons et le constat de l’architecte anglais Sam Jacob est donc à tempérer en prenant en compte les spécificités françaises : « Si le modèle hexagonal s’apparente de plus en plus au modèle britannique, les dernières avancées législatives permettent de croire qu’en France, le champ public n’est pas encore une ère révolue. Collectifs et conglomérats, entre ces deux opposés, les voies de réinvention du métier sont plurielles53 »

52 Mot clé : Néolibéralisme - Le Monde diplomatique [WWW Document], n.d. URL https://www.monde-diplomatique.fr/ index/sujet/neoliberalisme (accessed 1.9.19). 53 « Architectes et Ubérisation ? Diversification !», Emmanuelle Borne, Hors-série L’Architecture d’Aujourd’hui, Profession Architecte, n°414, Septembre 2016, p.52

Mondialisation et métier du lieu Le phénomène de mondialisation en cours aujourd’hui met l’architecte face à un dilemme : comment pratiquer une profession locale à l’ère globale ? Nous pouvions déjà entendre les architectes français s’inquiéter de l’avenir de leur profession dès 1997 : Déjà, au niveau européen et international, plusieurs tendances se dessinent : glissement de la notion de profession bénéficiaire d’un titre protégé et d’un monopole vers celle de service professionnel rendu privilégiant la compétence ; développement des spécialisations et des équipes multidisciplinaires. Les architectes ne doivent pas s’y tromper. La mondialisation, la globalisation et la libéralisation des échanges économiques, où la notion de service est assimilée à un produit, les oblige à repenser complètement leur profession, de la formation aux modes d’intervention et d’exercice. Faute de quoi, on pourrait voir naître à court terme, dans un certain nombre de pays, une profession à deux, voire à plusieurs vitesses.54 Le Moniteur,Septembre 1997 Cette redéfinition décrite ici comme nécessaire, expose déjà les pistes développées dans notre étude à savoir : - le glissement du statut de profession protégée monopolistique vers une profession de service privilégiant la compétence (exemple de l’architecte « startupper ») - la spécialisation (exemple de l’architecte « de la nécéssité ») la multidisciplinarité (exemple l’architecte-promoteur, du collectif)

de

La prise de conscience en cours de la nécessité d’une redéfinition collective de la position de l’architecte est encouragée par certaines références du milieu comme Phil Bernstein, architecte, enseignant à 54 Architectes Les conséquences de la mondialisation des échanges, 1997.

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Yale et ancien Vice-Président d’Autodesk : Redéfinir le rôle de l’architecture dans l’économie néolibérale est, au-delà de la spéculation, bien au-dessus de notre échelon salarial. En outre, à l’exception d’un petit groupe d’architectes prenant de hautes responsabilités, nous devons travailler à partir des positions qui sont les nôtres. Phil Bernstein, 2018

La recherche de la pertinence : compétences clés et recentrage Le métier de l’architecte a été contraint de chercher en lui-même les réponses à ses problèmes, renonçant ainsi à ce qui a toujours été et est toujours indispensable, à savoir la faculté de représenter pleinement un métier éminemment collectif. De cette façon, les architectes sont restés seuls à défendre leur travail, comme si cela ne concernait qu’eux - comme dans le cas de l’artiste et de l’œuvre d’art - au lieu d’une communauté plus ou moins étendue. Cette condition les a progressivement éloignés de la réalité de leur travail, au point qu’ils soient incapables d’exprimer clairement et immédiatement leur rôle ou le besoin auquel répond ce qu’ils produisent.55 (Domus, Mars 2014) Ce constat, très sévère, met l’accent sur l’une des origines fondamentales de la mutation du métier à savoir : l’impression de perte progressive de la pertinence de l’Architecte. Dans cet ultime chapitre nous nous baserons principalement sur les écrits d’Eric Cesal, un architecte américain diplômé en 2008, année de la crise mondiale des subprimes. Ce dernier a observé que les architectes étaient une des professions les plus durement touchée par la récession économique et ce malgré le fait que « le reste du monde apprend de nos processus en se saisissant de nos meilleurs atouts et en allant vers le succès et la pertinence. Les architectes, de leurs côté, stagnent dans leurs processus et perspectives, ils sont incroyablement vulnérable à 55 Di Battista Nicola, (2014), Again concerning the architect’s responsibility, Domus 03/2014, p12

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l’obsolescence et même à l’extinction ». Aussi, après avoir déchiffré le contexte mondialisé de la mutation actuelle, il est question dans cet ultime chapitre de s’intéresser aux pistes proposées par certains professionnels pour permettre à la profession de se recentrer sur les compétences qui renforcent sa pertinence. Plus que des exemples pratiques (développés plus en amont dans cette étude) ce sont d’avantage des outils théoriques dont il est question ici. Dans son livre publié en 2010 Down detour road : an architect in search of practice. Eric Cesal développe une pensée critique autour de son métier qu’il résume en cinq domaines d’amélioration qu’il estime indispensable à l’architecte d’investir pour s’assurer de rester pertinent dans le futur : - Size and Scope (Taille et Portée) : « Les architectes doivent étendre leur impact en se formant au business du design et de la construction, à la gestion de risques, et à l’élargissement des sources de revenus. » - Stability (Stabilité) : « Nous devons fournir aux jeunes professionnels des expériences de recherche rigoureuses et supporter les recherches qui construisent un savoir généralisé. Aujourd’hui, nous ne savons pas prouver pourquoi un bâtiment a plus de valeur qu’un autre. Nous ne savons pas prouver notre valeur ajoutée. » Connectedness (Connectivité) : « Apprendre l’art du storytelling et du « parler simple » pour que nous puissions incontestablement démontrer la valeur de notre profession. Les architectes isolent notre profession dans un « archispeak » paresseux et complaisant. Dans un monde ou les réseaux sociaux et la désinformation règnent, il est crucial que nous exprimions clairement et efficacement notre message. » - Effectiveness (Efficacité): « Commencer à se doter des compétences et à utiliser les outils de collaboration pour faire des architectes les membres les plus efficaces de chaque équipe. La plupart des architectes ne sont pas formés aux process de collaboration et au outils de « team-building » lors de leurs études.»


- Resiliency (Résilience) : « les architectes doivent s’efforcer de comprendre l’évolution de la concurrence, du rythme et des processus du monde.» 56 Les points développés par Eric Cesal sont des pistes qui, loin d’être isolées, font écho à de nombreux écrits sur le sujet, notamment ceux de Phil Bernstein : « les architectes sont éduqués dans une vision excluant toute compréhension du contexte de la pratique en ellemême, et l’ignorance qui résulte de ce mécanisme associé à un orgueil mal placé, créé un cocktail létal dans lequel l’architecte devient inévitablement complice de causes allant à l’opposé de ce qu’il prétend défendre. 57 » ou de Kata Fodor, co-fondatrice d’Atelier Kite, un studio multidisciplinaire basé à Copenhague, qui explique qu’après ses études elle n’avait « aucun doute quant à la capacité de l’architecture à façonner le futur avec sens, je n’étais simplement pas sûr que les architectes avaient accès à ce pouvoir.58 » Ce constat l’a d’ailleurs poussée à ouvrir Atelier Kite, un studio d’architecture qui adopte une pratique singulière, reprenant certains des principes d’Eric Cesal. En effet, ce « Studio d’activisme architectural » est né de la frustration d’un groupe de jeunes architectes face à « la relation qu’entretien la société avec les challenges complexes à venir ». Ce sentiment d’inadéquation les a poussés à « tester les limites de pouvoir et de liberté dont ils pouvaient jouir en tant qu’architectes, dans un monde de plus en plus rapide59». Aussi, Atelier Kite a intuitivement et collectivement bâti sa pratique autour des axes qui lui semblait pertinent pour acquérir plus de pouvoir d’action : le développement proactif de projets pertinents et documentés, puis le pitch à des clients potentiels soigneusement ciblés auparavant.

56 Future of Architects: Extinction or Irrelevance [WWW Document], 2017. . DesignIntelligence. URL https://www.di.net/articles/futurearchitects-extinction-irrelevance/ (accessed 11.1.18). 57 Bersnstein Phil (2018), The Omniscience and dependency of Practice (Counterpoint), Architectural Design n°253, 03/2018, p.128-133 58 Kata Fodor (2018), Lessons from launching an alternative practice, Architectural Design n°253, 03/2018, p.64-65 59Ibid.

De surcroît, dans un article publié par l’IE School of architecture and Design, intitulé The Skills Architects & Designers of the Future Need (« Les compétences nécéssaires aux architectes et concepteurs du futur ») plusieurs praticiens et théoriciens, se positionnent sur les compétences clés dont auront besoin les architectes dans un avenir proches. Peter Murray, Président du London’s Centre for the Built Environment parle de la communication et du marketing comme d’un « outil dynamique qu’ils (les architectes) ont pour nourrir leur business, et le diriger dans la bonne direction ». Balvinder Singh, architecte associé à BOOSTER & AERDRON y dévelope un raisonnement très pertinent selon lequel les compétences nécessaires seront « à mi-chemin entre les compétences relationnelles (soft skills) et les compétences spécialisées (hard skills) […] Les compétences relationnelles qui ne pourront pas être remplacées par des robots (l’empathie, management, l’éthique, la créativité ou le rapport au conflit) seront de plus en plus recherchées. En parallèle, des domaines tels que le BigData, l’internet des objets, la Smart City seront aussi important. Les softs skills seront de plus en plus recherchées car non réplicables, alors que les hard skills vont devenir de plus en plus spécifiques. ». Caroline Cole, Directeur à Colander Associates Ltd. parle de la « capacité à travailler de manière collaborative » comme de la clé, ainsi que « savoir comment créer de la valeur pour ses clients ». Ces quelques témoignages ne sont pas à prendre comme vérité établie, et ne saurait représenter la diversité des opinions sur la question, cependant cet échantillon témoigne de la volonté sincère de certains architectes soucieux de l’avenir de leur profession de : - comprendre et se recentrer sur les compétences endogènes à la profession afin de les exploiter à leur maximum - explorer de nouvelles pistes, historiquement proches ou non, de la pratique des architectes , déveloper de nouvelles compétences en adéquation avec le contexte technologique et socio-économique.

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CONCLUSION “May he lives in interesting times”. (« Puisset-il vivre à une époque intéressante ») Ce dicton polulaire anglais a été rendu célèbre par John F. Kennedy lors de son discours en Afrique du Sud en 1966, au cours duquel il avait alors ajouté « Like it or not, we live in interesting times » (« Qu’on le veuille ou non, nous vivons à une époque intéressante »). Cette phrase, empreinte d’ironie, désigne les époques de stabilité, de paix et de confort comme paradoxalement les « moins intéressantes ». À l’inverse, les époques les « plus intéréssantes », seraient celles du danger, de l’instabilité et de l’incertitude, mais elles sont aussi comme le soulignera Kennedy « les plus ouvertes à l’énergie créative des hommes que n’importe quelle époque60», C’est la même intuition qui m’a poussé à entreprendre ce travail sur les mutations du métier d’architecte, et a piqué ma curiosité en premier lieu . En effet, dans le cas de notre étude, l’allocution de l’ancien président américain prend tout son sens si on la rapproche de la situation actuelle des architectes. Nous avons mis en évidence la nature de la crise profonde que traverse la profession, secouée par une crise externe et interne. Le métier doit composer avec de nombreux bouleversements : la crise financière de 2008, l’instabilité politique, l’exigence face changements climatiques, aux bouleversements technologiques, pour ne citer qu’eux. Ces changements externes vont de pair avec une réelle crise interne, provenant en grande partie de la difficulté grandissante de l’architecte à affirmer son identité et à définir son expertise. Celle-ci, nous l’avons vu, s’est peu à peu morcelée en une myriade d’acteurs, et le champ d’action et de responsabilité de l’architecte s’est réduit comme peau de chagrin. Les BET (bureaux d’études technique) et ingénieurs ont pris en charge la technique, la gestion 60 Robert F. Kennedy Speeches : University of Cape Town [WWW Document], n.d. URL http://www.rfksafilm.org/html/ speeches/unicape.php (accessed 1.10.19).

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opérationnelle du chantier est le plus souvent déléguée ou externalisée, etc. Les architectes sont régis par des systèmes de règlementation qui doivent leur permettre de participer à la conception et à la construction d’un bâtiment, et cela afin d’assurer le “bien-être public“. Aujourd’hui, cette responsabilité est définie dans son sens le plus étroit : la sécurité publique. Phil Bernstein, 2018 Les architectes ont donc réagi et mis en place plusieurs stratégies de diversification que nous avons d’abord tenté de comprendre en se focalisant sur l’étude de l’une d’elles en particulier. L’étude du cas des architectes-promoteurs est une réponse à ce sentiment de baisse d’influence dans la chaine des acteurs et d’inéquation de la pratique à la réalité. En partant à la conquête d’une compétence historiquement étanche à la sienne (la maitrise d’ouvrage), l’architecte s’est donné les moyens de réaliser pleinement son métier de conception et de maitrise d’œuvre. L’étude du contexte de cette pratique, notamment législatif nous a permis de démontrer que les architectes même si ils bénéficient d’une marche de manœuvre pour l’instant limitée sont en capacité de s’emparer de tels sujets à l’avenir. En attestent les nombreuses autres initiatives de diversification à l’œuvre, qui correspondent, comme nous l’avons mis en évidence, à des postures différentes de professionnels cherchant à donner du sens à leur pratique. Si ces postures sont différentes elles semblent pourtant toutes êtres tournées vers cette quête de la pertinence et de l’adaptation à un contexte à une réalité. De Francis Kéré à Timothé Boitouzet, l’architecte cherche en lui, et dans ce qu’il observe autour de lui, les armes avec lesquels il pourra œuvrer efficacement dans un monde globalisé et complexe à déchiffrer. L’idéologie néolibérale, dominante dans nos sociétés occidentales, poussent les architectes à un questionnement de fond sur leur rôle, et à un recentrage sur leurs compétences acquises ou à développer.


Personnellement, mon questionnement initial en tant qu’étudiant terminant sa formation d’architecte s’est considérablement enrichi de ma recherche. J’en ressors convaincu de la nécessité absolue de valoriser cette diversification en cours au sein de notre filière afin de pouvoir imaginer former des architectes capables de se saisir à bras le corps les enjeux contemporains et d’avoir enfin le pouvoir de « jouer le système contre lui-même61» au service d’une architecture de qualité.

61 Bersnstein Phil (2018), The Omniscience and dependency of Practice (Counterpoint), Architectural Design n°253, 03/2018, p.128-133

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VIDÉO • Vidéo : “Ubérisation” de l’économie du BTP, 2016, BTP.TV

REVUES • Profession Architecte, L’Architecture d’Aujourd’hui, Hors- série, n°414,dir. François Fontès, Septembre 2016

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DIVERSIFICATION DU MÉTIER D’ARCHITECTE : LA RÉPONSE AU MALAISE D’UNE PROFESSION ? Les récentes mutations de la pratique sont-elles des réponses pertinentes à la crise actuelle que traverse la profession ?

MOT-CLÉS DIVERSIFICATION D’ACTIVITÉS | PRATIQUES INNOVANTES | COMPÉTENCES ARCHITECTURALES | LIBÉRALISATION ÉCONOMIQUE | MUTATIONS |

RÉSUMÉ L’architecte semble aujourd’hui faire face à une crise profonde dont les origines sont conjoncturelles (crise économique post-2008), mais aussi structurelles (culturelles, législatives et sociales). Cette crise impacte une profession en manque de repères, face aux phénomènes de mondialisation. En parallèle, nous constatons l’émergence de nouveaux modes de pratiques au sein de la profession d’architecte, ainsi qu’une tendance au décloisonnement et à l’incursion des architectes dans des secteurs ne relevant pas traditionnellement de l’’architecture. Ce mémoire se propose d’observer et d’analyser ce changement de paradigme en se focalisant sur l’analyse du contexte actuel, puis des initiatives de diversification en cours dans la profession pour tenter de comprendre dans quelle mesure celles-ci peuvent-elles être vectrice de sens pour l’avenir des architectes.

ABSTRACT Nowadays, architects seems to be facing a deep crisis the origins of which are cyclical (post-2008 economic crisis), but also structural (social, cultural and legislative). This crisis impacts a profession lacking direction, dealing with globalization issues. At the same time, new ways of practice are emerging within the architectural profession, as well as departitioning and incursion of architects into sectors not traditionally associated with architecture. This thesis aims to observe and analyze this paradigm shift by focusing on the current context and the initiatives of diversification underway in the profession and to try to understand to what extent they can be meaningful for the future of architects.

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Franรงois DUCHAMP ENSAL / 2019


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