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W*
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ÉTUDES SUB
LÉONARD DE VINCI CEUX QU'IL A LUS ET CEUX QUI L'ONT LU PAR
Pierre
DUHEM
CORRESPONDANT DE L'iNSTITUT DE FRANCE PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE BORDEAUX
SECONDE SÉRIE
PARIS LIBRAIRIE SCIENTIFIQUE Libraires de 6,
S.
M.
A. le
HERMANN ET
Roi de Suéde.
RUE DE LA SORBONNE, 6
*9°9
FILS
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MEDM
I
O
2,
ÉTUDES SUR
LÉONARD DE VINCI CEUX QU'IL A LUS ET CEUX QUI L'ONT LU PAR
Pierre
DUHEM
CORRESPONDANT DE L'iNSTITUT DE FRANCE PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES SCIENCES DE BORDEAUX
SECONDE SÉRIE
PARIS LIBRAIRIE SCIENTIFIQUE Libraires de 6,
S.
M.
A. le
HERMANN ET
Roi de Suède.
RUE DE LA SORBONNE, 6
^09
FILS
oFjVIEDMf^' ICHAï
i
i'fcï
glû2
AVANT-PROPOS
Cette seconde série de nos Études sur Léonard de
Vinci
se
compose de quatre pièces. De ces quatre pièces, les deux premières sont publiées ici pour la première fois les deux dernières ont déjà paru dans le Bulletin Italien, entre le mois d'avril 1907 et le mois de ;
décembre 1908. Le Directeur de cette publication, M. G. Radet, doyen de notre Faculté des Lettres, et le Secrétaire de la rédaction, notre très vigilant Bibliothécaire, M. É. Bouvy, nous ont continué
la
plus aimable hospitalité. Quil nous soit
permis de leur exprimer
notre croissante gratitude.
ici
Depuis l'impression, déjà ancienne, de ces études particulier, des
notre
deux premières, bien des
connaissance,
qui
textes sont
eussent pu être
en
et,
venus
à
employés en
la
rédaction de ces articles. Ces textes, nous les avons brièvement
analysés en des notes dont quelques-unes sont assez étendues.
Nous espérons que
les
quatre études
ici
réunies contri-
bueront à jeter quelque jour sur deux époques particulièrement intéressantes
du développement de
la
pensée moderne.
L'une de ces époques coïncide avec c'est alors
qu'à Paris, à Oxford et dans
l'influence intellectuelle de ces
pensée chrétienne renverse alors
que
le
vide, la
le
siècle;
contrées soumises
à la
en dépit du Philosophe
de
et
la Terre, la pluralité
des
infinie.
La seconde époque avoisine sienne née, au début du xiv
du xni e
deux grandes Universités,
mouvement de
grandeur
les
fin
tyrannie du Péripatétisme; c'est
l'on déclare possibles,
son Commentateur, inondes,
la
la
e
l'an i5oo. siècle,
de
La Scolastique Parila
réaction contre
le
Péripatétisme, s'alanguit et s'épuise à Paris et dans les Uni-
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
IV
versités
Allemandes, colonies de notre Université Française;
mais au
même moment,
les
doctrines des Terminalistes pari-
mal reçues jusque-là par les triompher de l'Averroïsme de Bologne siens,
avec
la
Géométrie antique leur infuse
dont témoigne
la
de Vinci résume
Italiens, et
de Padoue;
comme une
Renaissance des sciences en et
finissent le
par
contact
vie nouvelle
Italie.
Léonard
condense, pour ainsi dire, en sa personne,
tout le conflit intellectuel par lequel la Renaissance Italienne
va devenir l'héritière de
la
Scolastique Parisienne. Bordeaux, 12 janvier 1909.
IX
LÉONARD DE VINCI ET
LES DEUX INFINIS
P.
DLHEM.
Q
LÉONARD DE VINCI ET
LES DEUX INFINIS
Bon nombre des pensées que Léonard
manuscrits sont des notes de lecture. Si on
ment, sans chercher à connaître
provoqué
le
grand peintre à
les
les
semées en
a
prend
les
ses
isolé-
circonstances qui ont
formuler, elles peuvent, bien
souvent, paraître banales et de peu d'importance; leur sens
même, si
l'on
demeure obscur. Il en est tout autrement s'enquiert des livres que Léonard a pu avoir en mains, quelquefois,
des discussions qui s'agitaient dans les écoles de son temps.
Replongées alors dans
le
milieu qui les a vues naître, ses
réflexions s'animent et reprennent vie; la phrase qui semblait
morte
et
desséchée, s'épanouit, montrant à nos yeux étonnés
une plénitude de sens que nous ne soupçonnions pas elle nous entr'ouvre, pour un instant, l'âme du penseur génial et nous révèle les problèmes dont cette âme est agitée, les ;
solutions auxquelles elle s'est arrêtée. Ainsi, çà et
gardent
là,
comme
en
ces
manuscrits que
d'inappréciables
trésors,
les
bibliothèques
nous
quelques brèves remarques sur l'infîniment grand
ment
petit.
trouvons et
l'
infini-
Recueillies avec soin et mises à part, ces remar-
ques n'éveillent en nous qu'un sentiment de pieuse curiosité.
Mais
cessons
de
abstraction des
les
considérer
en
elles-mêmes, de
circonstances où elles
faire
ont été engendrées
;
souvenons-nous que leur auteur vivait parmi des
hommes
discutaient avec passion les problèmes de l'infini
qu'avant ces
hommes,
d'autres
avaient agité les
mêmes
;
qui
questions et en
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
4
avaient proposé des solutions variées; enquérons-nous avec soin de ce que disaient les contemporains de Léonard, de ce
que
prédécesseurs avaient
ses
phrases, tout à l'heure
insignifiantes,
si
chacune
tance singulière;
que ces courtes
Voici
écrit.
prennent une impor-
nous montre
d'elles
l'esprit
de
Léonard aux prises avec une des redoutables énigmes qui se posaient à la philosophie de son siècle; et plusieurs nous apprennent quelle réponse avait
A
la vérité,
fixé
pour interpréter de
peu nombreuses,
il
son choix.
la sorte ces
nous faut reconstituer ce
notes brèves et
qu'était,
au début
du xvi' siècle, la théorie de l'infiniment grand et de l'infiniment petit; l'œuvre est immense, car elle exige une étude approfondie d'une foule de traités composés par les grands docteurs de la Scolastique; elle est passionnante aussi, par la
puissance des distinctions logiques et des intuitions méta-
physiques qui ont révélé à ces penseurs leurs doctrines, aussi bien
les
fondements de
que par l'influence féconde de ces
doctrines sur le développement de la Mathématique moderne.
Nous ne pouvons avoir les étroites limites
rable.
la
mener à bien, dans une œuvre aussi considé-
prétention de
de cette étude,
Nous nous bornerons à en tracer
le
plan à grands
traits.
Puisse cette simple esquisse inspirer à d'autres le désir d'achever ce que nous n'aurons
fait
qu'ébaucher.
L'infiniment grand et l'infiniment petit selon Aristote.
Au temps
de Léonard de Vinci, les œuvres d'Aristote four-
nissent aux Universités les
ments
;
les écrits
programmes de
leurs enseigne-
philosophiques que l'imprimerie, encore au
berceau,
commence
plupart,
des
à répandre avec profusion, sont, pour la
commentaires d'Aristote;
il
nous
serait
donc
impossible de comprendre ce qui s'enseigne sur l'infiniment
grand
et l'infiniment
petit
au voisinage de l'an i5oo,
ne recherchions ce qu'en a dit
le Stagirite.
si
nous
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
5
INFINIS
Très sommairement, essayons de retracer l'enseignement du
Philosophe au sujet de
Lorsque Aristote
ment
petit,
se place à
il
.
de
et
l'infini-
un point de vue absolument
mathématicien,
le
remarque essentielle Le mathématicien
1
de l'infiniment grand
traite
de celui qu'a choisi
distinct
une première
et c'est
2 .
seulement de notions abstraites
traite
conçues par sa raison
purement
l'infini
(Itù
vqq vo^aewç);
pose
qu'il
intellectuel
c'est
dans ce domaine de surpasser
possibilité
la
toute grandeur par voie d'addition, toute petitesse par voie de
division il
se
;
Philosophe
le
laisse libre cours à cette fantaisie, car
propose de discourir des
de vue du réel
ininterrompue ser Aristote 3
terme auquel on tend par
petit,
ou
(âçatosatç
Siaipsjiç),
division
la
ne semble guère embarras-
on ne peut marquer une
«
;
questions, mais au point
xpay^atou).
(erà to3
L'infiniment
mêmes
partie
si
petite d'une
grandeur que l'on ne puisse, par division, en obtenir une plus petite
;
toute grandeur est donc, en puissance
»
sible à l'infini,
«
car
n'est pas difficile de
il
existence des lignes insécables. Aristote,
Leucippe
en
la
non-
»
Au
sixième livre des Physiques
du De Cœlo,
aussi bien qu'en divers passages
prouver
prouver
divi-
accable de ses arguments les atomes de
effet,
de Démocrite.
et
(Suvajjiet),
s'efforce
il
de
ne saurait exister de grandeur indivisible.
qu'il
Plus singulière assurément, et plus contraire à nos habitudes
que
d'esprit, est la théorie
Stagirite
le
propose au sujet de
l'infiniment grand. Et, d'abord, (ivîpYÉta)?
une grandeur
Certainement non.
actuellement infini,
infinie peut-elle exister en acte « Il
— hzpyiia
ne peut pas exister de corps èVci
ouv.
(7w;j.a
axs'.pcv
4 .
C'est
»
des axiomes fondamentaux de la philosophie d'Aristote.
i.
On
trouvera
un exposé
witz, Geschichte der Atomistik
très
vom
Aristote et 2.
les
mathématiques
Aristote, t&uffixîjç
Aristote, <ï>ucrix-?iç 4. Aristote, <êu<tix-?)ç 3.
_,
Le
documenté de cet enseignement dans Kurd LassNewton; Erster Band Die Erncurung :
Mittelalter bis
:
der Korpuskular théorie, pp. 79-1 3Zi ; Berlin et Leipzig, 1890. G. Milhaud, Études sur la pensée scientifique chez les Grecs III,
un
— et
Paris, 1906.
àxpoao-sto; xb
àxpoàaew;
F,
tô V, àxpoâdeio; 10 V,
r\
(1.
llf,
ç
(1. III,
ç
(1. III,
chap. chap. chap.
8).
6). 6).
Voir chez
également: Modernes;
les
ÉTUDES SUK LÉONARD DE VINCI
(J
Monde
n'est pas infini;
la
borne, au delà de laquelle
donné en
acte ne peut être
marque la il n'est plus de lieu; aucun volume plus grand que le volume de cette sphère des étoiles en
sphère; nulle ligne droite actuelle ne peut être plus longue (pie le Si
diamètre de cette figure.
donc
permis de parler d'un infiniment grand, ce ne que d'un infiniment grand en puissance. Et que
est
il
pourra être faudra-t-il
entendre par là
1
?
prenne une grandeur, puis Une autre, puis encore une autre; supposons que chacune de ces gran-
Supposons que
deurs soit finie
l'on
de celles qui ont déjà été prises;
et différente
somme
ajoutons chacune d'elles à la cédée; admettons que la fin
et
que, par
môme
de celles qui l'ont pré-
opération puisse se répéter sans
cette addition
indéfiniment continuée, nous
parvenions à surpasser n'importe quelle grandeur assignée d'avance; nous aurons l'infiniment grand en puissance.
Mais cet infiniment grand en puissance n'existe pas plus que l'infini en acte, et il n'existe pas précisément parce que l'infini
Monde est fini, il est des dimensions mêmes du Monde, qu'aucune
en acte ne peut pas
être.
grandeurs, savoir les
Puisque
le
on ne peut pas former une grandeur qui dépasse n'importe quelle grandeur donnée d'avance, «car il faudrait que quelque chose pût être plus 2 » lvt\ yip o Jv tt tou Oùpovsu y.eTÇsv grand que le ciel Lorsque l'on marche, par voie de division, dans le sens des grandeurs décroissantes, on peut, sans être arrêté par aucune addition ne
saurait surpasser;
—
:
.
impossibilité, parvenir à
une grandeur plus
petite
que n'importe
quelle limite assignée d'avance lorsqu'au contraire ;
par voie d'addition, dans atteint
le
on s'avance,
sens des grandeurs croissantes, on
forcément une limite que l'on ne saurait franchir.
Ce que nous venons de constater dans le domaine de la grandeur, nous le constatons, mais en ordre inverse, dans le domaine du nombre* et par ce mot Àristotc désigne exclusivement le nombre entier. ,
i.
3
—
Aristotc, 4>uffixrj;
àxpoâereco; xo
l\
tristote, «h-jai/r,;
àxpoâaswî
r, Ç
(1,
V, ç
xa\ Ç
Aristote,
$ ucrixr)
;
xo ixpoâ<reu>; xo
c
(1. III,
III,
chap. chap.
(I. III,
G). 7).
chapp. 6 et
7).
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX Si l'on
progresse dans
INFINIS
7
sens des nombres croissants, on
le
peut marcher indéfiniment jusqu'à rencontrer des nombres qui surpassent n'importe quelle multitude. contraire, l'ordre des
nombres
Si
l'on suit,
on aboutit
décroissants,
terme que l'on ne peut franchir, car aucun nombre n'est
à
au
un
infé-
rieur à l'unité.
Tel est, dans ses grandes lignes, l'enseignement d'Aristote
au sujet des deux
C'est le
infinis.
du Moyen-Age va broder
thème sur lequel
la
science
les
phrases
ses variations.
II
L'iNFINIMENT PETIT DANS LA ScOLASTIQUE.
De
ces variations,
tout à
nous ne ferons entendre
ne sauraient trouver place en cet
La doctrine de Démocrite
la
Géométrie; fussent en
qui
et
article.
de Leucippe, qui nie
la divisi-
assurément, en tout temps, des partisans;
ses adversaires s'efforçaient
de
que
mille nuances qui les diversifient
fait essentielles; les
bilité à l'infini, eut
ici
ils se
fréquemment de
la
ruiner au
nom
plaisaient à en tirer des conséquences
contradiction
avec
enseignements
les
des
mathématiciens.
semble
Il
qu'il faille regarder
Roger Bacon
comme
l'initia-
teur de cette méthode; en son Opus majus, qu'il adressa en
1267 au Pape Clément IV, Si les lignes sont et le
côté de cette
nombres elles
il
emploie
1
l'argument suivant
composées d'atomes,
même
figure
ont
la
:
diagonale du carré
même
rapport que
les
entiers d'atomes dont ces longueurs sont formées;
sont donc commensurables entre
elles,
contrairement à
ce qu'enseignent les mathématiciens.
L'indication
1.
en
ce
passage
a
été
grandement
Minorum, Opus majus ad Clementem quartum, Romanum, ex MS. Codice Dubliniensi, eu m aliis quibusdam collato,
Fratris Rogeri Bacon, Ordinis
Pontificem
nunc primum p. 9 3.
contenue
edidit S. Jebb, M. D.; Londini, typis Gulielmi Browyer,
MDCCXXXIII
;
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
8
développée par Jean de Duns Scot, en son commentaire aux Quatre Livres des Sentences de Maître Pierre Lombard '.
Duns Scot distingue deux formes de prétend combattre
composé rés les
:
la
doctrine
qu'il
l'une consiste à affirmer que le continu est
à'indivisibilia, c'est-à-dire
uns des autres;
à
l'autre,
d'atomes discontinus, sépaaffirmer qu'il est
composé
de minirna se soudant l'un à l'autre avec continuité. A chacune de ces deux formes, il oppose l'argument de
Roger Bacon
exemple
«
:
arguments analogues; celui-ci par
et d'autres
Des cercles concentriques sont tous rencontrés par
n'importe quel rayon issu du centre;
renfermassent tous
le
même nombre
quent, qu'ils fussent égaux entre eux.
La réfutation géométrique de
la
il
faudrait
d'atomes
et,
donc
qu'ils
par consé-
»
doctrine de
Démocrite,
proposée par Duns Scot, fut aussitôt propagée par ses disciples; elle eut
dans l'École
la
Guillaume d'Ockam lib. 1,
le
plus grande vogue. (i
280-1347), dans ses Quodlibeta (Quod-
donne en abrégé
quaest. 9)
les raisons
mathématiques que
Docteur Subtil avait imaginées à l'encontre des indivisibles.
Un
autre franciscain, disciple de Scot et contemporain
Jean Marbres, dit Jean i32o,
un
sique
d'Aristote,
brillant
le
Chanoine, donnait à Paris, vers
enseignement; dans il
d'Ockam,
ses Questions sur la
l'an
Phy-
reprend 2 sommairement l'argumentation
de son maître. Albert de Saxe en
fait
autant 3 dans ses belles et importantes ,
Questions sur les huit livres des Physiques.
Marsile d'Inghen, qui fut recteur de l'Université de Heidel
H. P. F.
1.
lib.
Duns Scoti Opéra, tomi sexti pars prima, ainsi intitulée Duns Scoti, Doctoris subtilis, Ordinis Minorum, Quœsliones in nunc denuorecognita», annotationibus marginalibus,Doctorum
Joannis
R. P. F. .loannis II Sententiarum,
:
quamlibet quaostionem citationibus exornatae, et seboliis per Gum commentariis IV' P. F. Francisci Lycbeti Brixiensis, Ordinis Minorum regularis observantiae olim ministri generalis, et supplemento R. P. F. Joannis Poncii Hibcrni,ejusdem Ordinis, in Gollegio Hibernorum tbeologia^ primarti professons. Lugduni, sumplibus Laurentii Durand, MDGXXXIX. Lib. Il ilist II, quœst. I\ Utrum angélus possit moveri de loco ad locum motu eontinuo.
(pie celcbrioruni ante
textum
insertis illustrât^.
:
Joannis Canonici Qnestiones super 17// libros physicorum irisLotelis perutiles, [Padoue, \\<>: Venise, 1/481 Viceoce, i485; Venise, 1/187 (deux éditions); Venise, \ quœst. unica. |; libri icutissime qusestiones super libros de physica auscultations ab Alberto de Saxonia m librum \ quœst. I. édita? 1.
;
I
•
;
l
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
berg
9
qui mourut dans cette ville en i3q3, a composé, sur
et
même
INFINIS
ouvrage d'Aristote, des Questions
celles d'Albert
de Saxe.
oppose 9 aux indivisibles Grégoire de Rimini
nommé
A
souvent imitées de
l'exemple d'Albertutius, Marsile
arguments de Duns Scot.
les
était
1
un contemporain
d'Albert de Saxe
en i357 général de l'ordre des Augustins,
à Vienne en i358.
Il
admirait grandement
géométriques du Docteur Subtil contre
les
les
que nous aurons plusieurs
il
atomistes; c'est,
fois à citer
3
;
mourut
raisonnements
moins, ce que nous apprend Jean Majoris dans son l'infini,
le
traité
du Sur
.
Certains ne se contentaient pas de reproduire les arguments
du Docteur Subtil ou de les résumer; ils les étendaient par de nouveaux développements. Tel Thomas Bradwardin, qui mourut en i34g, au moment où le Souverain Pontife ratifiait son élection à l'archevêché de Ganterbury. Il avait composé un super octo libros physicorum i. Qùestiones subtilissime Johannis Marcilii Inguen secundum nominalium viam. Colophon Impresse Lugdini per honestum virum Johannem Marion, anno Domini MCCCCCXVIU. En 1617, ces Questions, jointes à un commentaire des Physiques qui pouvait avoir été composé par Duns Scot, furent données comme une œuvre de Duns Scot sous ce :
titre
:
lib. Physicorum Aristotelis Quaestiones et celeberrima et pervetusta Parisiensium Academia ab ipso Authore publiée ex cathedra perlectae, nunc primum ex antiquissimo manuscripto exemplari abstersis omnibus mendis in lucem editae et accuratis annotationibus illustratae, a R. Adm. P. F. Francisco de Pitigianis Arretino, Ord. Minorum de Observantia Provincial Tusci;e, olim Sereniss. Ferdinandi Gonzaga? Mantuœ et Montisferrati Ducis, Theologo, Suœq. Serenissimae Dominationi, ab ipsomet vivente dicata?. Venetiis, MDCXVII, apud Joannem Guerilium. L'Exposition et les Questions furent insérées au tome II des Opéra omnia de Duns Scot, dont les huit volumes parurent à Lyon, chez Laurent Durand, en 1639 elles y
Jo.
Duns
Scoti, Doctoris subtilis, In VIII
Expositio, in
;
portent ce titre R. P. F. Joannis Duns Scoti, Doctoris subtilis, Ordinis Minorum, dilucidissima expositio et quœstiones in octo Ubros Physicorum Aristotelis. Mais elles y sont précédées d'une remarquable Censura, due au savant P. Luc Wadding, où il est prouvé que ces Questions ne sont pas de Duns Scot, qu'elles se rattachent à l'École nominaliste de Paris, et où Marsile d'Inghen est cité comme un :
de leurs auteurs probables. Marsile d'Inghen, loc. cit.; in lib. VI quœst. 1. 3. Magister Johannes Majoris Scotus. Omnia opéra in artes quas libérales vocant a perspicacissimo et famatissimo uno sanctarum litterarum professoreprofondissimo Magislro Johanne Majoris majori accuratione elaborata atque castigata quam antehac in lucem prodita sint majorique precio comparanda quam quispiam persolvere Colophon Impressum Cadomi per possit si ea ab equo judice pensiculantur. Laurentium Hostingue impensis virorum industriosorum Michaelis Augier prope pontem ejusdem Cadomi commorantis et Johannis Mace e regione Sancti Salvatoris 2.
—
Redonis residentis. (Sans date.) L'allusion à Grégoire de Rimini infînito.
se
trouve au
:
fol.
III,
col. b,
du Propositum
de
ÉTUDES SLR LÉONARD DE VINCI
IO
Tractatus continui dont
premier livre seul nous
le
parvenu
est
en manuscrit; Maximilien Gurlze en a donné une publication
sommaire
En grand
1
.
cet écrit,
dont
publication complète offrirait
la
le
plus
profundus entreprend de réfuter par
intérêt, le Doclor
raisons mathématiques les atomistes des diverses sectes, ceux
un continu fini d'un nombre limité de corps indivisibles contigus les uns aux autres, comme ceux qui le forment d'un nombre limité de points séparés il combat aussi
qui composent
;
ceux
qui
regardent
comme
continu
le
l'ensemble d'une
de points actuellement existants.
infinité
argumenter contre l'atomisme nous
Cette persévérance à
démontrerait à
elle seule, à
défaut d'autres preuves, la persi-
stance des doctrines atomistiques au d'ailleurs,
il
nous
est
facile
de citer
cours du Moyen-Age; les
noms
de docteurs
célèbres qui ont formellement adhéré à ces doctrines.
Au premier rang de disciple
cain,
d'Odon
;
ceux-ci,
immédiat
et
il
convient de citer un francis-
originaire de Ghâteauroux,
de l'ordre des Mineurs;
il
Duns
de
illustre il
fut,
Scot,
Gérard
en i32g, élu général
fut ensuite légat
du pape, évêque
de Gatane en i342, patriarche d'Antioche en i348; en
1
3^9,
il
revint mourir à Gatane.
Ce haut dignitaire de
l'Église avait
adopté plusieurs des
thèses de la Physique épicurienne. Jean le
Chanoine nous
conservé ce qu'il enseignait soit au sujet du vide des indivisibles 3
compose tique,
il
.
2 ,
soit
a
au sujet
Gérard d'Odon soutenait que tout continu se
d'indivisibles s'efforçait
et,
avec une grande subtilité de dialec-
de dissoudre
les
preuves données par
Aristote et par Averroès en faveur de la divisibilité à l'infini.
Le dominicain Robert Holkot, mort à Northampton en professait des opinions analogues à celles de Si
nous en croyons Jean Majoris^
1
,
il
se
i3/jo,
Gérard d'Odon.
refusait à admettre
Maxirailian Curtze, Ueber die Handschrift P. 4° 2, Problematum Euclidis explicatio Gymnasialbibliothek zu Thorn (Zeitschrift fur Malhematik und Physik, XIH'" Jahrgang, i$68, Supplément, p. 85). a. Joannis Canonici Qusestiones super VIH libros physicorum; libri IV quaestio IV. i.
der
Kônigl.
S.
V
Joannes Canonicus,
loc. rit. ; libri VI qutestio unica. Proposition de injînito Magistri Joannis Majoris, fol. III, col.
</.
LEONARD DE VINCI ET LES DEUX
qu'en un espace de temps,
si
court
soit-il,
II
INFINIS
on pût concevoir une
infinité d'instants.
Nicolas d'Outricourt ou d'Àutrecourt, dont soixante propo-
condamnées, en i348, par l'Université de Paris
sitions furent
avait adopté dans sa totalité la
forme plus subtile que Leucippc
et
siècle,
dont s'étaient contentés Démocrite,
celle
disciple
éminent de saint Thomas,
bienheureux Gilles Golonna ou Gilles de base de
la
la
la
le
(i247-i3i6).
Rome
se
2 :
La grandeur peut être considérée de peut
Rome
doctrine soutenue par Gilles de
trouve une distinction essentielle
On
l'atomisme prit une
Épicure; cette forme lui fut surtout donnée par
un moine Augustin,
À
,
Physique épicurienne.
au début du xiv e
D'ailleurs,
1
trois
manières différentes.
considérer, en premier lieu, en tant que pure
grandeur, en faisant entière abstraction
de la matière
en
laquelle elle est réalisée.
On
peut, en second lieu, la considérer d'une manière plus
comme
concrète,
aucunement
spécifier
On
réalisée
peut, enfin,
comme
concrète,
la
la
en une certaine matière, mais sans
nature de cette matière.
considérer d'une manière encore plus
réalisée
en une matière dont
la
nature soit
spécifiquement déterminée.
Ces
trois points
de vue doivent être nettement distingués
lorsque Ton se propose de donner une réponse juste à cette
question
:
La grandeur
est-elle divisible à l'infini?
La grandeur pure et abstraite de toute matière, que
le
Il
géomètre
en
est
la conçoit, est
encore de
même
évidemment de
la
divisible à l'infini.
grandeur
la
grandeur telle
matière, mais en une matière dont la nature
réalisée
en
la
demeure indé-
terminée. Il
en
est
une
tout autrement de la grandeur réalisée en
matière dont la nature est déterminée; cette grandeur ne saurait être divisée indéfiniment sans
de
la
matière où
changement de nature
elle est concrétisée.
Bulaeus, Historia Univers itatis Parisîensis, t. IV, pp. 3o8 seqq. Egïdii Romani In libros de physico auditu Aristotelis commentaria. In fine Mandate) et expensis heredum Octaviani Scoti civis Modoetiensis per Bonetum Locatellum presbyterum. i5o2. Lib. III, text. Co. Go-Gi, fol. 5g, col. b. i.
2.
:
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
12
on pourra imaginer que l'on divise indéfiniment un volume d'un pied cube abstrait de toute matière; on pourra concevoir également que l'on divise à l'infini une quantité de Ainsi,
matière mesurant un pied cube
on ne pourra
l'eau,
la diviser
un
sans qu'elle cesse à
;
mais
cette matière est
si
en parties toujours plus petites
moment
certain
d'être de l'eau, sans
y a un volume encore divisible, mais dont
quelle se transforme en une autre substance;
minimum la
forme
forme de
d'eau dont la matière est
s'altère
par
de cette division
l'effet
de
il
et cesse d'être la
l'eau.
Assurément,
puissante théorie n'a pas été créée de
cette
toutes pièces par Gilles de
de ses prédécesseurs
les
Rome; on en trouve chez
certains
premiers linéaments.
Averroès semble, en divers endroits, admettre des
minima
naturels.
Robert Grosse- Teste, né vers
en
fut,
cette
1
175 dans le comté de Lincoln,
1235,
sacré
évêque de Lincoln;
en
1253;
on
ville
sait qu'il
mourut dans
il
eut pour disciple Roger
donné des huit livres de la Physique d'Aristote un commentaire très concis, puisqu'il remplit à peine quelques Bacon.
Il
a
1
pages, mais où se trouve en
germe plus d'une
idée féconde. Or,
du commentaire consacré au sixième livre, se lit une très brève indication de la théorie que nous venons d'exposer. Mais si Gilles Golonna a trouvé déjà formés les premiers germes de cette théorie, il leur a donné un grand développement; dans ses commentaires à la Physique d'Aristote, il
à la fin
expose cette doctrine à plusieurs reprises 3 ses Questions sur le
De
;
il
generatione et corruptionc*.
Divi Roberti Linconicnsis Super octo libris physicorum brevis
1.
citer incipit. Cet écrit est adjoint à l'ouvrage ainsi intitulé
Thome
Aquinatis
in
reprend dans
la
:
Emptor
Ubros physicorum Aristotelis interpretatio suni
et utilis
summa
féli-
Divi expositio... Colo-
et lector aveto.
et
phon lmpressuin in inclita Venetiarum urbe per Bonetum Locatellum BergomenBem presbyte™ m rnandato et sumptibus beredum nobilis viri Octaviani Scoti civis Modoetiensis anno a nativitate Domini quarto supra millesiinum quinquiesque centesimum. Sexto Idus Apriles. >.. Outre le passage déjà mentionné, cf. Lib. I, text. Co. 17, fol. 7, col.c/;lib. VI, :
:
te* t. Go. i5, fol. 121, col. d.
Egidius cum Marsilioet Alberto De generatione. Colopbon lnipressum Venetiis rnandato et expeosis nobilis viri Luceaotonii de Giunta Florentini, anno Domini Qaestiones super primo De generatione fundatissimi doctoris Domini Egidii ordinis fratrum Heremitarum Sancti Augustini queestio X, fol. 56, col. a. '.*>.
:
;
LEONARD DE VINCI ET LES DEUX
Les
démonstrations
géométriques,
l3
INFINIS
toutes -puissantes
en
faveur de la divisibilité à l'infini de la grandeur abstraite, ne
prouvent rien contre l'existence des minima naturels;
c'est ce
avec infiniment de raison, soutient en ses Quodlibeta Cette opinion, toutefois, n'est pas adoptée par Duns Scot, qui
que
1
Gilles,
prétend 3
,
.
par des arguments géométriques, prouver
existence des Il
minima
la
non-
naturels.
ne paraît pas, d'ailleurs, que
la distinction si
logique que
Golonna a posée ait eu grande vogue dans les écoles du Moyen-Age; parmi les docteurs qui, dans leurs commentaires Gilles
à la Physique d'Aristote,
consacrent
pements au problème des
indivisibles,
pas des
minima de
plus longs dévelop-
les il
en est qui ne parlent
nature; nous n'avons
pu trouver aucune
allusion à cette forme nouvelle de la théorie atomistique en feuilletant les écrits de
Jean
le
Chanoine.
D'autres gardent quelque chose de la théorie de Gilles
Rome, mais en
de
modifiant plus ou moins.
la
La modification paraît légère dans
les
quelques lignes que
Jean de Jandun consacre à cette doctrine en ses Questions sur la Physique
d'Aristote
lignes, elles signifient la divisibilité
3
.
Si
nous comprenons bien ces
qu'aucune limite inférieure ne borne
d'une grandeur, mais que
les
parties obtenues
par la division ne peuvent être séparées du tout et subsister isolément
ne surpassent un certain minimum.
si elles
un peu plus composées au sujet du De
Jean de Jandun qu'il a
parmi ces
est
Questions, dont la
explicite
substantiel orbis
vogue
averroïste de Padoue, et qui furent
l'imprimerie,
il
en
est
si
fut si
les Questions
d'Averroès;
grande en l'École
souvent reproduites par
où Jean de Jandun examine terminée par un certain maximum
est une-'
chaque forme naturelle
dans
si
et
par un certain minimum. Après avoir répondu affirmativement Romani Quodlibeta. Quodlib. IV, quœst. 0, et Quodlib. VI, quœst. 7. R. P. F. Duns Scoti Quxstiones in lib. II Sententiarum. Distinct. II quœst. IX. Opéra omnia, tomi sexti pars prima, p. 238. 3. Joannis de Janduno, philosophi acutissimi, Super octo libros Aristotelis de physico auditu subtilissitnx quxstiones. Venetiis, apud Junlas, MDLI. Lib. sexti i.
/Egidii
2.
quœst. I, fol. 86, col. 6. h. Joannis de Janduno, Quxstiones super Averrois sermonem de substantia orbis; quœstio VIII. An forma naturalis ad maximum et minimum determinetur.
1
à
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
\
Jean
interrogation,
cette
que
difficultés
l'on pourrait lui objecter.
Toute forme naturelle selon
la
examine quelques
de Jandun
est
unie à une matière; cette matière,
doctrine d'Averroès dont Jean de Jandun est le plus
ferme champion, possède nécessairement cette
dimensions;
Irois
matière est donc divisible à l'infini; n'en
nécessairement de
même
de
la
est-il
pas
substance que constitue cette
matière informée?
A
objection,
cette
termes
le
Une substance
:
elle
ne
l'est
pas;
si
du
naturelle,
feu
par exemple, en
occupe un certain volume,
tant qu'elle est quantité, qu'elle est divisible à l'infini;
répond en ces
Averroïste
célèbre
en tant qu'elle
est
l'on pousse jusqu'à
substance naturelle,
un
certain degré la
division de cette substance, sa forme est détruite; le feu, par
exemple, ainsi divisé, se transforme en l'élément, air ou eau,
au contact duquel
il
se trouve.
du feu de la sorte, au moment où la division atteindra ce minimum de grandeur après lequel le feu ne peut plus subsister, ce feu tout entier va se changer instantanément en air ou en eau, ce qui ne saurait être. Ce n'est pas ainsi qu'il faut comprendre l'opération par Mais, dira-ton,
si
l'on divise
laquelle le feu, lorsqu'on en pousse la division assez loin, se
transforme en l'élément au sein duquel
ne faut pas s'imaginer que
seulement lorsqu'on veut
prennent
la
se
trouve plongé.
les parties résultant
sion se transforment tant qu'elles c'est
il
de cette divi-
demeurent unies entre
les
Il
elles;
séparer de ce tout qu'elles
forme de l'élément qui
les
enveloppe
minimum
et qu'elles
de grandeur
s'unissent à lui
:
pour
d'une substance naturelle continue, tant que
les parties
ces parties tics,
de
pas de
il
pour ces par.
n'existe,
naturel qu'autant qu'on les sépare
Burley indique très sommairement
nions de Gilles de
que
n'y a
demeurent unies au tout;
minimum
\\ aller
« Il
Home
et
de Jean de Jandun
1
:
tout.
deux
les «
du
On
»
opi-
peut dire
grandeur en tant que réalisée dans la matière sensible répugne à la division à l'infini, tandis que la grandeur simla
plement réalisée dans i.
la
matière première, non sensible, est
Burleus Super oclu librus jihysicorum. Vcnctiis, lAgi,
fol. 71, col.
I
LEONARD DE VINCI ET LES DEUX
On
divisible à l'infini.
prétation divisible
à
la division
dans
réalisée
dans
la
matière sensible est
seulement de marquer
tant qu'il s'agit
l'infini
des diverses parties; mais cette grandeur réalisée
matière sensible n'est plus divisible à
la
l'infini lorsqu'il
par des coupures actuelles, de séparer
s'agit,
10
peut aussi concevoir une autre inter-
La grandeur
:
INFINIS
unes des autres.
les parties les
Burley néglige, d'ailleurs, de nous faire
»
connaître sa propre opinion.
Pour Ockam
pour chaque substance un minimum naturel au-dessous duquel elle cesse de pouvoir 1
,
il
est vrai qu'il existe
aux agents extérieurs de corruption
résister
forme; mais Dieu pourrait écarter ces agents
et
change de
et la
substance
ne connaîtrait plus de minimum. Albert de Saxe a soumis la théorie de Gilles Colonna à l'analyse
profondément pénétrante dont
usage
cette
2 ;
conserve
il
communément
fait
analyse, inspirée par l'opinion
la théorie
de Gilles de
tement transformée;
et voici
Rome
d'Ockam, ne
qu'après l'avoir complè-
sous quelle forme elle la conserve
Considérons une matière homogène.
Il
est bien vrai
un milieu donné, en des circonstances données, une
:
qu'en
parcelle
de cette matière ne pourra subsister sans corruption, à moins
grandeur ne surpasse un certain minimum. Mais ce minimum dépend du milieu et des circonstances, en sorte que
que la
sa
portion de matière, trop petite pour subsister sans corrup-
tion en
un
certain milieu, peut fort bien
en un autre milieu. et
sans déterminer
vrai de
dire
milieu
qu'il existe
et les
circonstances,
un minimum
tel
Sur ce point,
il
n'est pas
qu'une certaine
homogène considérée ne moindre que ce minimum.
quantité de la substance subsister lorsqu'elle est
inaltérée
donc on parle d'une manière absolue
Si le
demeurer
comme
puisse
sur beaucoup d'autres, Jean Marsile
Physique secundum nominalium viam, adopte pleinement l'opinion d'Albert de Saxe 3
d'Inghen, traitant
la
.
i.
2.
Guilhclmi de Ockam Annotationes
in libros Scntentiaruin, libri II qiuest. VIII. Acutissimce quœstiones super libros de pkysica auscullatione ab Alberto de Saxoaia
editœ. In 3.
librum
I
quœstio X.
Questiones subtilissime Johannis
Marcilii
Inguen super
secundum nominalium viam. Lugduni, i5i8. In librum
1
oclo libros physicorum
quaRst. XIII.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
l()
Abrégé de Physique qu'il a rédigé, selon l'enseignement de L'Université de Paris, pour ses élèves de Heidelberg, Marsilc se borne à dire que « la forme d'une matière homo-
Dans
l'
1
gène peut exemple, matière, est
forme du feu peut
la si
en une matière infiniment
cire produite
petite soit-clle, car
encore du feu
être produite
une
petite;
par
en une portion de
quelconque d'un feu
partie
».
Malgré ces transformations essentielles que lui imposaient les maîtres de la Scolastique, la doctrine de Gilles Colonna, entièrement oubliée,
prise sous sa
forme première, ne
les partisans
des théories de Démocrite la gardèrent avec soin.
fut pas
et
Nous en avons pour garant une phrase de Jean Majoris. avait pris le baccaJean Majoris, de Hadington en Ecosse 2
,
lauréat à Paris en
i45o 3
;
il
fut licencié
et
comme
débuta
En la seconde moitié du xv siècle, il y composa il était, à Paris, régent du Collège de Montaigu de nombreux écrits, entre autres un Proposltum de infinito où maître es arts en
45i
1
4
c
.
;
nous lisons ces lignes 5 « Nous répondrons que :
cet
argument
a
une grande
faveur de l'opinion de Démocrite, selon laquelle
le
force en
continu
composé d'indivisibles, et, si l'on parle au point de vue purement naturel, c'est une opinion que l'on peut soutenir. » Parmi les maîtres de l'École, ceux-là mêmes qui s'accor daient pour admettre que la grandeur est divisible à l'infini,
est
sans restriction d'aucune sorte, se trouvaient encore séparés
au sujet d'autres questions. i. Incipiunl subtiles doctrinaque plene abbrevialiones libri phisicorum édite a prestanlissimo philosophe- Marsilio Inguen doctore Parisicnsi (sans indication d'éditeur, de date ni de lieu d'édition); ixièmc feuillet, coll. c et d. 2. Dans ses écrits, il est souvent surnommé Hadingtoniensis et Scotus. M. de :
—
Wulf
(Histoire de la philosophie médiévale, 2° édit., 1905, p. 532) attribue les écrits de Jean Majoris à un Johannes Major Scotus qu'il fait vivre de 1/478 à i5^o; ces dates
montrent qu'il ne peut s'agir de notre auteur, dont les ouvrages étaient vraisemblablement imprimés avant l'an i5oo; lorsqu'on i5o6, Jean Dullacrt de Gand fait imprimer ses Questions sur le De Cœlo, dont nous parlerons plus loin, il les présente comme un complément au Propositum de infinito de son maître Jean Majoris. Dcnillc et Châtelain, Auctarium chartularii Universitatis Parisiensis, tomus II, MDGCGLXXXXVII. Liber procuratorum Nationis Anglicanœ, tomus II, ab anno MCCCCV1 usque ad annum MCCGGLVI, col. 795. .'S.
Dcnillc et Châtelain, Auctarium..., tomus II, coll. 850-857. Johannis Majoris Propositum de injinito, qusest. 11, fol. 7, col. a de l'édition ciléc ci-dessus (p. 9). !\.
.').
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
INFINIS
17
L'une de ces questions controversées portait sur qu'il convient
réalité
d'attribuer
au point, à
le
degré de à la
la ligne,
surface.
Une
école affirmait que dans les notions de point, de ligne,
de surface,
volume,
la
n'y a rien de
il
grandeur à
réel,
rien de positif; seul, le
dimensions, peut être réalisé en
trois
un corps; la surface est une pure négation, la négation que le volume d'un corps s'étende au delà d'un certain terme de même, la ligne est la négation que l'étendue d'une surface franchisse une certaine frontière le point, la négation qu'une ;
;
ligne se prolonge au delà d'une certaine borne.
d'Ockam soutenait
Cette doctrine est celle que Guillaume
de la manière
de
écrits
ses
plus nette et la plus formelle dans la plupart
la
Selon
1 .
lui, l'existence
ligne, de la surface est
lui-même ne pourrait
conférer à ces indivisibles.
Duns Scot 2
D'autres, avec
rente. Ils faisaient observer la couleur,
telle
qu'une certaine
,
tenaient pour une opinion
la
surface;
ils
et
au point.
davantage, venons à
une
ce débat
au
théorie
laquelle la plupart des maîtres scolastiques
commun
d'un
sans y progrès de et,
se sont efforcés
accord.
Pour bien comprendre
ment
en concluaient
réalité appartient à la surface, et ils étendaient
Contentons- nous d'avoir mentionné insister
diffé-
que certaines propriétés des corps,
dépendent de
conclusion à la ligne
cette
la
absolument contradictoire que Dieu
si
la
du point, de
réelle
le
sollicité les efforts des
sens
du problème qui
docteurs de l'École,
il
a
si
vive-
nous faut
remonter un peu haut, jusqu'aux commentaires célèbres dont Averroès a enrichi l'œuvre d'Aristote.
Nous avons vu qu'Aristote
une grandeur infinie en acte et qu'il pût y avoir une grandeur infinie en puissance; nous avons vu aussi qu'il faisait dépendre la vérité de
cette
Guillaume d'Ockam, Tractalus de Sacramento
Quodlibeta, Quodlib. 2.
la vérité
de
la
première. C'est
dépendance qu'Averroès a cherché à préciser.
cette 1.
seconde négation de
niait et qu'il y eût
I
quaest. g.
R. P. F. Joannis
quaest. 9. p.
—
Duns
— Logica, cap.
Altaris, capp.
de quantitate,
Scoti Quœstiones in
lib.
II
I,
II
« Si, » et
S entent iarum,
—
distinct. II,
Opéra omnia, tomi sexti pars prima, pp. a56-a57.
duhem.
IV.
etc.
2
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
ï8
«une grandeur avait puissance pour devenir plus grande que toute grandeur donnée, elle se trouverait en acte plus grande que toute grandeur donnée; elle serait donc une dit-il
1
,
grandeur actuellement infinie. » Sans l'énoncer formellement, supposer implicitement
principe suivant
le
puissance peut être réalisé en acte.
semble
raisonnement
ce
:
Ce qui
en
est
>
Mais alors une grave difficulté se rencontre dans l'étude de de
la divisibilité à l'infini
la
grandeur;
n'y a pas, en
il
de raison pour ne pas appliquer à cette étude
le
principe dont
a usé dans l'étude de l'addition à l'infini; or,
on
en puissance peut toujours être réalisé en acte, qui,
en puissance,
Gomme
divisée à l'infini.
Burley
a
«
,
est divisible à l'infini peut, le
remarque
supposons que ce raisonnement il
si
ce qui est
la
grandeur
en acte, être
justement Walter
fort
certaine grandeur peut croître à l'infini,
effet,
soit exact
:
est possible
si
une
qu'une
certaine grandeur soit infinie en acte; cet autre raisonnement
semble également concluant: soit
divisée à
l'infini,
actuellement divisée à
s'il
est possible
qu'une grandeur
est possible
il
qu'une grandeur soit
l'infini. »
Le principe implicitement posé par Averroès conduit donc à cette
conséquence
:
Une grandeur peut
d'une manière actuelle
;
et
être divisée à l'infini
cependant l'enseignement d'Aristote
repousse cette proposition.
Par
Scolastique fut
là, la
amenée
citement posé par Averroès plus qu'on ne l'avait
sance et de puissance.
Il
est des
actualisées; ce qui est réalisé
en
fait, in
loin la
que
l'on
auparavant,
faire, à
approfondir,
relation de la puis-
distingua deux
manières d'être en
puissances qui peuvent être pleinement
en puissance de
facto esse.
réalisation en acte
pour ce la
fait
Elle
l'acte.
et,
à réfuter le principe impli-
Il
cette
est aussi des
manière peut
être
puissances dont la
ne peut jamais être pleinement achevée;
pousse cette réalisation,
il
si
demeure toujours de
puissance non actualisée; ce qui est en puissance de
la sorte
^ristotelis Dr i>kysico auditu libri octo, cuin Avcrrois Cordubensis variis in eosdem commentante. Venetiis, apud Juntas, MDLXX1I1I; lib. III, text. Go. Go, p. n3. i. Burleus Super octo libros physicoruin. Venetiis, t4gi lib. 111, fol. 71, col. c. i
;
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
ne peut jamais être conçu
comme
comme
in
INFINIS
19
facto esse, mais seulement
injieri.
Roger Bacon semble aient préoccupé
»
une remarquable
;
un des premiers que
être
en son Opus tertium, netteté
:
«
exprime 3 avec
les
il
ces idées
La puissance de division dans un
corps ne peut pas être réduite à l'acte pur et complet. C'est
une puissance que
impur
seulement réduire à un acte
l'on peut
incomplet, auquel demeure sans cesse mélangée une
et
certaine
puissance pour un acte ultérieur;
à l'acte,
mais de
telle
manière
demeure une puissance
qu'il
pour un nouvel acte de division. Telle continu
et
pas
la possibilité
elle la
est la
qui constitue la divisibilité à
puissance se trouve réduite à
pose; en
puissance qu'a
l'infini
effet, la
division actuelle, elle n'exclut
partie qui résulte de la division est est
elle
encore divisible,
la possibilité
chacune des propositions particulières d'elles est possible
en
même
autres, la proposition universelle est est possible
qu'une ligne
qu'elle le soit
A
soit
elle
cet
« Ici,
par l'argument
est
possible,
si
temps que chacune des
sûrement possible. Or,
il
actuellement divisée au point A,
au point B, au point G;
actuellement divisée à
donc
de
:
chacune
soit
et ainsi
d'une division actuelle
à l'infini repoussent cette conception, et cela
Si
lorsque cette
»
Ceux qui soutiennent suivant
;
le
d'un nouvel acte de division; bien mieux,
une grandeur; partant, suite à l'infini.
la
est réduite
elle
la fois
il
est possible qu'elle
au point A
et
au point B;
peut être actuellement divisée en tous ses points.
argument Bacon répond en ces termes 3 chaque proposition particulière est possible en :
elle est compossible
soi;
avec toute autre proposition particulière
1. On peut, cependant, regarder ce qu'il en dit comme suggéré par un passage d'Averroès commentant le De generatione et corruptione d'Aristote*. 2. Fr. Rogeri Bacon Opéra quœdam hactenus inedita. Vol. I, conlaining: 1. Opus tertium; II. Opus minus; III. Compendium philosophiœ. Edited by J. A. Brewer,
—
London, 1859. Opus tertium, cap. XXXIX, pp. i3a-i33. 3. Roger bacon, loc. cit., pp. i3/i-i35. a) Aristolelis De Cœlo, De generatione et corruptione, Mcteorologicorum, De plantis, cum Arislotelis Averrois Cordubensis variis in eosdem commenlariis. Veneliis, apud Juntas, 1574. De generatione et cor ruptione liber primus cum Averrois Cordubensis média expositione ; summae
—
primae caput
II, p.
330.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
20
actuellement donnée; mais elle est incompatible avec une proposition particulière qui n'est pas actuellement donnée,
On
qui est à donner dans l'avenir... division au point
doit
donc concéder que
la
à la division en
À ne répugne aucunement
n'importe quel autre point donné présentement et en acte; mais elle répugne à la division en quelque point qui reste à donner; tous les points de division, en effet, ne sauraient être
donnés simultanément;
ils
sont donnés successivement et
par une succession qui se prolonge à brisée cette
massue d'Hercule; non sans peine,
vulgaire entier ignore ces choses
le
l'infini...
connaissent, mais
ils
;
sont fort peu nombreux.
les
»
réponse
la
actuelle à
permis cependant de douter qu'elle
est
est vrai, car
quelques habiles
Roger Bacon marque quelque fierté de opposée aux partisans de la divisibilité il
il
Voilà donc
qu'il a l'infini;
entièrement
soit
juste.
La division d'une ligne au point A est certainement compatible avec la division en n'importe quel point actuellement
compatible avec la division en n'importe quel point à marquer dans l'avenir; l'impossibilité ne s'introduit qu'au moment où l'on donné; on ne voit pas pourquoi
elle cesserait d'être
considère la division en tous les points à la C'est ce qu'a fort bien
A un
à la fois
sible
A
parties et en
B
parties.
même A
il
divisions
même
en
;
être divisé réel-
il
est
de
même
elles
n'est pas pos-
indéterminé, ce continu
en B parties, en
nombres
possibles.
ces divisions peut être réalisée
mais
nunc.
Mais
parties,
parties..., A, B, G,... étant tous les
instant;
.
peut être divisé réellement en B parties,
réellement divisé en
Chacune de
1
un continu peut
qu'en un certain instant,
se trouve
G
en
il
Docteur Subtil
le
certain instant (nunc)
lement en A parties;
ou
vu
fois.
en un certain
d'un groupe quelconque de
ne sont pas
Les possibilités en
toutes
nombre
telles
compossibles en infini
un
qui corres-
pondent à ces divers modes de division ne peuvent pas se trouver toutes à la fois réduites à l'acte. i.
R.
P.
liarum; dist.
F. II,
Joannis Duns Sroti, Doctoris subtilis, Quœstioncs in quœst. 9. Opéra omnia, tomi sexti pars prima, p. a5i.
lib.
II Sentcn-
LEONARD DE YINCÏ ET LES DEUX
A
Duns Scot donne un ingénieux exemple de
ce propos,
possibilités
21
INFINIS
dont chacune peut être réalisée isolément, ou
simultanément avec d'autres, mais qui ne peuvent sées toutes
ensemble
être réali-
:
Socrate peut porter 9 pierres et on en donne 10. Socrate peut porter une quelconque des pierres ou un groupe quel-
conque de
de
2,
de 9 pierres; mais
3...,
il
ne saurait porter
les 10 pierres à la fois.
L'opinion de Duns Scot a été adoptée par plusieurs des
grands maîtres de lier, l'a
Scolastique; Walter Burley, en particu-
la
formulée avec netteté
1 .
Les méditations de Roger Bacon, de Duns Scot, de leurs
amené
continuateurs, ont
autrement que ne
docteurs de l'École à diviser
l'avait fait Aristote les propositions relatives
grand
à l'infiniment
les
borné à distinguer
et à l'infiniment
petit.
Aristote
propositions qui traitent de l'infini en
les
acte de celles qui traitent de l'infini en puissance. Les
nes adoptent une distinction plus raffinée. Parmi tions qui traitent de l'infini,
donnés
comme
en
est
.
En
comme
l'infini
on parle alors de
in
.
proposi-
les
termes sont
comme
susceptibles
d'autres
ces
d'une manière catégorique
propositions,
on donne
cer-
susceptibles seulement d'une réduction
à l'acte toujours incomplète, toujours
thegoreumatice)
où tous
les
Moder-
aucun mélange de puissance; en
on parle de
(cathegoreumatice) tains termes
il
actuellement réalisés ou
d'être réduits à l'acte sans
propositions,
s'était
l'infini
mélangée de puissance;
d'une manière syncatégorique (synca-
Les propositions catégoriques posent l'infini
facto esse; les propositions syncatégoriques le posent seule-
ment
infieri.
Cette distinction entre l'infini catégorique et l'infini synca-
tégorique paraît avoir été posée pour
un
dialecticien
xiv
e
dont
siècle et tout le
la
xv
e
la
première
fois
par
logique a dominé, pendant tout siècle,
le
l'enseignement de l'Université
de Paris; nous voulons parler de Petrus Hispanus, c'est-à-dire
du Portugais Pedro Juliani tiare, le 1.
nom
(1
226-1 277) qui prit, en coiffant la
de Jean XXI.
Burleus Super octo
libros
physicorum. Venetiis,
i
^9 1
;
fol.
i55, col. d.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
22
Au septième
—
traité
locjicales,
Petrus Ilispanus distingue
désigne
la
est
qui ne désigne pas
une marque de
la
disposition
du
temps
elle nie
que
le
seulement lorsqu'il est pris en cette
quantité
Un
:
certain
un plus grand nombre,
sujet,
un signe
infini
distributif. le
une certaine quantité, mais
prédicat appartienne au sujet quantité déterminée. Ainsi
telle
Une infinité d'hommes nombre d'hommes courent, et
syncatégorique
proposition
courent, signifie aussi
la
syncatégorique affirme que
l'infini
prédicat convient au sujet pris sous
môme
qui
prédicat
le
comporte à l'égard du prédicat; ce dernier
Toute proposition sur en
l'infini catégorique,
mais seulement de quelle manière
sujet de la proposition,
le sujet se
1
Summnlœ
de ses
quantité du sujet auquel s'applique
d'infini, et l'infini syncatégorlque
du
—
plus original
le
et
:
plus grand d'autant que l'on
voudra.
On comprend qu'une
proposition puisse être fausse au sens
catégorique et vraie au sens syncatégorique. Walter Burley en
Dans toute grandeur un exemple 2 Cette proposition donnée, il y a une infinité de parties égales entre elles et
cite
:
.
placées les unes hors les autres, peut être vraie ou fausse. Elle est fausse si
on
la
prend cathegoreumatice, entendant que l'on
peut, dans cette grandeur, distinguer actuellement
de parties égales entre elles d'avance. Elle est vraie
comme
si
et égales à
on
la
une
infinité
une quantité donnée
prend syncathegoreumatice,
affirmant la possibilité de
trouver en
la
grandeur
donnée un nombre toujours croissant de parties dont grandeur n'est pas assignée d'avance.
A Saxe
la
base
— l'un
même
de ses discussions sur
l'infini 3
,
la
Albert de
des plus profonds logiciens dont l'École ait
pu
i. Pétri Mispani Summulae logicales cum Versorii Parisiensis clarissima expositione. Parvorum item Logicalium eidem Petro Hispano ascriptum opus, nuper in partes ac capita distinctum. Quae omnia a Martiano Rota, viro clariss., inlinitis fere erroribus siirniiio studio, ac maxima sunt diligentia castigata. Venetiis, apud hœredes Melchioris Sessœ, MDLXXXHI. Pétri Hispani Tractatus septlmus parvorum logicalium (subdivisé lui-même en sept traités) tractatus septimus, pars G" De infiniti quinque acception ibus, et propositionihus ex ipso formatis. — L'écrit intitulé: Petro Hispano tucriptum opus parvorum logicalium, qui se trouve à la lin du livre, ne paraît pas être du même auteur.
—
;
i.
3.
:
Burleus Super oclo libros physicorum. Venetiis, 1^91 ; lib. 111, fol. 7®, col. c. Acutissimst qumstiones super libros de physica ausculiatione ab Alberto de Saxonia
édita-, in
libruQQ
III
quœstio \.
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
— pose
s'enorgueillir au xrv e siècle
cette distinction entre les
propositions qui parlent catégoriquement de qui en parlent syncatégoriquement. ce principe
mais que
n'hésite pas à proclamer
Il
et
pour
deux propositions sont
radi-
tenu pour catégorique dans l'une
l'infini soit
syncatégorique dans
l'autre, ces
calement hétérogènes (impertinentes) entre tent pas l'une de l'autre;
l'une à l'autre.
en
La
»
elles
vérité de
ne résul
elles; elles
ne répugnent pas non plus
chacune
d'elles doit être
prouvée
souci de la vérité de l'autre. «C'est ainsi que
soi et sans
cette proposition
Le continu
:
traîne pas cette autre infinité
l'infini et celles
formule deux propositions semblables,
Si l'on
«
:
23
INFINIS
de parties
syncatégorique
et,
;
en
n'en-
Le continu peut être divisé en une
car,
l
Ces réflexions sur
:
est infiniment divisible,
la
en
la
première,
il
s'agit
d'un infini
seconde, d'un infini catégorique.
l'infini
»
syncatégorique, où une puissance
peut être réalisée toujours plus complètement sans être jamais trouvaient mainte application; l'étude
réduite à l'acte pur,
d'une grandeur variable qui tend vers une limite sans jamais l'atteindre, leur
leur utilité
raison
;
donnait occasion de prouver leur justesse
et
sommation d'une progression géométrique de
la
fractionnaire
est
l'exemple
auquel
les
scolastiques
s'adressaient ordinairement,
Le paralogisme célèbre d'Achille Zenon, paraît en
voici,
En
«
effet,
les
ce
et
de
la tortue, attribué à
avoir conduits à l'étude de cette question;
que nous lisons
clans Gilles de
ce qui concerne la division
du temps
Rome
2 :
à l'infini,
il
se
présente une difficulté. Si cette division à l'infini pouvait être réalisée
en
acte,
un cheval rapide
fourmi. Supposons, en
d'une palme
tié
effet,
n'atteindrait jamais
meuve de la moimeuve après cela de la
qu'un cheval
et qu'il s'arrête; qu'il se
une
se
moitié de la demi-palme restante et qu'il s'arrête de nouveau,
i.
que
Nous sommes obligé de rendre par des mots différents les différences de sens d'Albert de Saxe rend par une simple transposition des mêmes mots
le latin
;
Albert énonce la première proposition In infinitum continuant est divisibile, et la seconde Continuum est divisibile in infinitum; cette manière de distinguer les propositions catégoriques des propositions syncatégoriques, imaginée par Albert de Saxe, a été conservée par tous les scolastiques. 2. Egidius cum Marsilio et Alberto De generatione. Venetiis, i5i8. Questiones super primo de generatione D. Egidii; quaest. XI, fol. 67, col. a. :
:
—
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
3 /j
et ainsi
comme
de suite;
n'achèvera jamais divise
si
continu est divisible à
parcours de
le
la
l'infini,
il
palme. Lors donc que l'on
chaque partie a son existence propre et parties sont produites par une division en
un continu,
séparée, et
le
si
ces
de ce continu ne sera jamais achevée... Ainsi
acte, la division
tout temps est divisible à l'infini, mais ses parties sont seule-
ment en puissance. Ce que
Gilles de
»
Rome
a
indiqué au début de ce passage est
forme plus précise, par Walter Burley. « Ce que nous venons d'exposer, » dit Walter Burley «, prouve la vérité de la proposition suivante, dont la connais-
repris, sous
«
sance n'est point fort
commune
:
Étant donnée une ligne, on
peut y marquer des segments dont la longueur décroisse en progression géométrique, et l'on peut en même temps y dési-
gner un point auquel opération
finie,
il
sera impossible de parvenir par
tandis que tout point situé en deçà de celui-là
pourra être atteint par une opération l'on
comme
prend
aucune
premier segment
la
finie.
Gela aura lieu
moitié de la longueur
à l'extrémité de laquelle
ne doit conduire aucune division
comme
la
second segment
si
moitié du premier segment,
finie,
etc.
Au
contraire, tout point en deçà de l'extrémité pourra être atteint
par une division
finie.
Gela peut, sans peine, être démontré
géométriquement; mais, pour pas sur cette démonstration.
Ces considérations,
commune
»
«
dont
le
moment, nous
n'insisterons
»
la
connaissance n'était point fort
au temps de Walter Burley, se répandirent bientôt
en se reliant à un autre problème. De ce problème, nous allons Il
emprunter l'exposition à Jean de Jandun
existe,
œuvres
pour toute vertu naturelle, un
qu'elle peut accomplir; ainsi,
le
2 .
maximum
nombre de
aux
livres
Burleus Saper octo libros physicorum. Venetiis, 1491 lib. III, fol. 70, col. b. Joannis de Janduno, philosophi acutissimi, Super octo libros Aristotelis de physico anditu subtilissimœ quœstiones. Venetiis, apud Juntas, anno MDLI. Libri sexti qu.rstio I, foll. 85 (marqué par erreur 7/i) et 8G. Ce problème tire son origine des considérations sur la puissance maximum d'une force qu'Aristote a indiquées au premier livre du De Ccelo, et surtout des commentaires dont Averroès a enrichi ces considérations '. i.
;
3.
a,) Aristotelis De Cttlo, De ijeneratione et corruptione, Meteorologicorwn, De plantis, cum Arerroia Cordubensis in eosdem commentariis. Venetiis, apud Juntas, 157't. De Cœlo, liber priruus ïamma décima, eap, 11 pari 2, foll, 78-80.
—
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
25
INFINIS
admet un certain maximum. Certains philosophes veulent qu'il y ait un minimum pour les œuvres que cette vertu ne peut accomplir, et que ce minimum soit distinct du maximum précédent. Soit, par exemple, un
homme
qu'un
peut
porter
homme qui peut porter tous maximum les poids qu'il ne ;
minimum,
certain C'est,
et ce
les
poids jusqu'à cent livres au
peut pas porter admettraient un
minimum
ne
serait pas cent livres.
en particulier, l'opinion que semble admettre saint
Thomas d'Aquin, commentant le De Cœlo propres termes
De même que
«
:
d'Aristote
l ;
voici ses
l'on détermine la puissance
que quelqu'un possède en indiquant
le
maximum
de ce qu'il
même on détermine ce qui lui est impossible minimum parmi celles qu'il ne peut accomplir;
peut accomplir, de par l'œuvre
on caractérise
maximum
ainsi sa faiblesse. Si, par exemple, le
de stades que quelqu'un peut
nombre
parcourir est 20,
nombre minimum de stades qu'il ne peut parcourir est 21, c'est par ce dernier nombre que l'on doit caractériser sa faiblesse, et non pas en disant qu'il ne peut faire 100 stades et si le
ou 1000
stades.
»
Jean de Jandun montre sans peine que
minimum
dont
il
s'agit
deur divisible que ce de
esl inférieur
au
et le
ne sauraient différer par quelque gran-
Supposons, en
soit.
minimum. L'homme peut
et le
maximum
effet, qu'ils
prenons un poids intermédiaire entre
la sorte et
mum
le
minimum
diffèrent le
maxi-
porter ce poids, puisqu'il
des poids qu'il ne saurait porter; et
cependant ce poids surpasse
le
maximum
des poids qu'il peut
porter.
La contradiction le
maximum
et le
L'impossibilité sorte
est manifeste. Elle
minimum
ne s'évanouirait que
étaient séparés par
un
si
indivisible.
des indivisibles ferme cette échappatoire, en
que Jean de Jandun
se croit autorisé à
formuler cette
une vertu naturelle donnée correspond un maximum des œuvres qu'elle peut accomplir il n'est pas vrai qu'il lui corresponde un minimum des œuvres conclusion
:
« Il
est
vrai
qu'à
;
qu'elle ne peut pas accomplir. 1.
Libri de
librum
I
Cœlo
lectio
et
XXV.
Munlo
Aristotelis
»
cum expositione Sancti Thomae de Aquino; in
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
2G
La question que nous venons d'entendre exposer par Jean de Jandun a été reprise par maître Albert de Saxe; il l'a traitée d'une manière approfondie en son commentaire au De Cœlo d'Aristote
'.
Les deux propositions qu'Albert de Saxe discute sont les suivantes
:
Étant donnée une puissance active,
maximum parmi
mum
in
quod
une résistance peut surmonter (maxi-
il
existe
il
existe
les résistances qu'elle
sic).
Étant donnée une puissance active,
une résistance
Mais avant de discuter ces deux propositions, fixer le sens
2
surmonter
qu'elle ne peut pas
minimum parmi les résistances (minimum in quod non).
a soin d'en
il
avec une minutie digne d'un mathématicien de
notre temps.
En que
disant qu'une résistance est la
maximum parmi
puissance donnée peut surmonter,
puissance peut surmonter cette résistance-là
il
toutes celles
entend que
la
et toute résistance
moindre, tandis qu'elle ne peut surmonter aucune résistance plus grande.
Pour
définir le sens de cette phrase
minimum parmi surmonter,
les
celles
que
:
Telle résistance est
puissance donnée ne peut pas
la
prédécesseurs d'Albert se contentaient de dire
La puissance donnée ne peut surmonter ni ni
un
aucune résistance plus grande, mais
:
cette résistance -là
elle
peut surmonter
toute résistance moindre. Notre logicien pointilleux exige, et
non sans donnée, ni
raison,
dit-il,
une plus grande précision;
ne peut surmonter ni
une résistance plus grande
stance existera
;
mais
quelconque moindre que
que
la
à
minimum,
l'on désigne
résistance
la
une résistance supérieure
assignée, et telle
la résistance si
puissance
la
celle
puissance donnée
la
une
rési-
minimum,
que l'on a
il
ainsi
puisse surmonter.
i. Quxstiones subtilissimse Albcrti de Saxonia in libros de Cœlo et Mundo ; in lib. I quœstt. \IV el XV. Selon J, Aschbach (Geschichte der Wiener Université, Band I, S. 365), Albert de Save aurait composé un traité De maximo et minimo qui serait conservé eo manuscrit à Venise; si ce traité existe réellement, il serait à croire qu'il B pour objet le problème qui mous occupe en ce moment. i. Mberl <!<• Saxe, h>c cit., quœst. \IY. quantum ad primum.
—
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
INFINIS
27
Ces définitions soigneusement posées, Albert formule ses conclusions
*.
Contrairement
qu'avait prétendu Jean de Jandun,
à ce
un maximum parmi
n'est pas vrai qu'il existe
il
les résistances
qu'une puissance donnée peut surmonter (poienlia activa non terminatur per
parmi
les résistances qu'elle
per minimum
en
Soit,
«
maximum in quod sic); mais
in
il
existe
un minimum
ne peut pas surmonter (terminatur
quod non).
A
effet,
puissance active; on peut se donner
la
une résistance qui
lui soit égale et la
résistance est la
résistance
désigner par B. Or, cette
minimum parmi
puissance A ne peut surmonter. La puissance A, en
peut surmonter
Mais
la
que
la
effet,
ne
celles
car elle ne l'excède
résistance B,
point.
nous nous donnons une résistance quelconque
si
infé-
une résistance supérieure à puissance A puisse surmonter; soit, en effet,
rieure à B, nous pourrons trouver celle-là et
que
la
une résistance inférieure
à B;
on peut trouver une résistance
supérieure à celle-là et inférieure à A; et
comme
le
moindre
mouvement, une résistance inférieure à B étant donnée, on peut trouver une résistance supérieure à celle-là que la puissance active A surmonte; dès lors, d'après la définition du minimum in quod non donnée ci-dessus, B est la résistance minimum parmi celles que A ne peut surexcès suffit à déterminer
monter. «
On
le
»
peut donc dire
que nous connaissons
d'une puissance active en sachant quelle est
minimum
qu'elle
ne peut surmonter. En
effet,
la la
grandeur résistance
nous savons
quelle est la force d'une puissance active lorsque nous savons la
distinguer de toute puissance plus forte et de toute puissance
plus faible
sons
la
;
or, c'est ce
que nous savons lorsque nous connais-
plus petite résistance qu'elle ne puisse surmonter; car
pour connaître ce minimum, savoir, d'abord,
ni telle
que
résistance,
la
ni
il
faut connaître trois choses
:
puissance donnée ne peut surmonter
aucune résistance plus
forte,
et
ces
deux premiers renseignements nous permettent de distinguer
1.
Albert de Saxe,
loc. cit.,
quaest.
XIV, quantum ad secundum articulum.
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
28 la
puissance donnée de toute puissance plus grande;
— savoir,
donne une résistance quelconque inférieure à ce minimum, on peut trouver une résistance supérieure à celle-là que surmontera la puissance donnée, et ce dernier que
ensuite,
l'on se
si
renseignement
distinguer de toute puissance plus
suffit à la
faible. »
Les résistances qu'une puissance donnée peut surmonter
forment donc un ensemble de grandeurs qui admettent une limite,
mais qui ne peuvent atteindre
arrivait lité
en l'exemple
cité
cette limite,
par Walter Burley. De
comme
il
là la possibi-
de formuler des propositions qui seront vraies ou fausses
selon que nous les prendrons au sens syncatégorique ou au sens catégorique. « Il
ne
serait pas logique
1
de dire
Socrate a puissance pour
:
porter n'importe quelle partie de ce poids,
il
portera donc
n'importe quelle partie de ce poids. Considérons, en poids A, qui pèse Socrate;
supposons que 8
n'importe quelle partie du poids sible qu'il
la
A
or, cela est faux, car
puissance est égale à
Dans ce cas donc,
la
«
il
et
;
en porte toute partie, car
lui-même;
soit la
un
puissance de
que Socrate a puissance pour porter
clair
est
il
8, et
effet,
cependant
il
est
impos-
A ne peut y avoir action quand il
porterait alors le poids
la résistance. »
proposition universelle est impossible,
tandis que chacune des propositions singulières est possible et
compossible avec chacune des autres.
sens
«
On
passe ainsi d'un
un sens composé, qui en disciple de Duns Scot.
qui est exact, à
divisé,
Albert parle
Au
»
ici
donner une puissance active
lieu de se
les diverses résistances qu'elle
au contraire,
fixer
de considérer
peut surmonter, on peut, tout
une résistance
puissances qui l'emporteront
et
est faux. »
et
considérer
sur elle 2
.
toutes les
Les puissances qui
l'emportent sur elle n'admettent point de minimum sic;
mais
maximum i.
i/t
ne peuvent
la
quod
surmonter admettent un
quod non.
Aeutissimse quœstiones super libros de physico auditu ab Alberto de Saxonia editœ;
in lib. III a.
celles qui
in
quœst. XIII.
Qusestfones subtilissimœ Alberti de Saxonia
quœst. XV,
quantum
ad
secundum articulum.
in
libros de Ccelo et
Mundo ;
in lib.
I
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
INFINIS
a
Cette proposition peut être éclairée par
«
Supposons que
un poids
elles,
en sorte que Socrate
et la résistance
:
»
pour
d'une livre soient égales entre
précisément autant de force pour
résister.
La force de Socrate
est le
puissances propres à soulever qui ne
les
peuvent soulever une
ait
pour
lever que la livre en a
de toutes
un exemple
puissance dont dispose Socrate
la
lever
maximum
29
livre, car
de Socrate ne peut lever une
aucune force inférieure à
supérieure la
livre, et toute force
peut lever, en sorte que Socrate possède
la
celle
plus grande puis-
sance parmi toutes celles qui ne peuvent soulever une livre; ainsi la puissance active égale à la résistance est la puissance
maximum parmi celles la
à laquelle la résistance ne cède pas
résistance égale à la puissance active est le
que
résistances
la
minimum
puissance ne puisse surmonter.
l'autre
1 .
«
résis-
deux forces ne l'emporte sur
comme deux hommes
Elles sont
des
»
D'après cet exposé, lorsque la puissance est égale à la tance, ni l'une ni l'autre de ces
et
;
également
forts
aucun de ces deux hommes n'agit sur l'autre, mais chacun d'eux empêche l'action de l'autre. » Il suffît que l'on augmente aussi peu que l'on voudra l'une de ces deux puissances en équilibre pour qu'elle l'emporte sur l'autre. Lorsque Socrate porte sur la tête dont chacun cherche à
tirer
l'autre;
une pierre dont la résistance est précisément égale à sa puissance, si l'on augmente si peu que ce soit la force de Socrate, il soulèvera la pierre si l'on augmente le poids de la pierre, ;
elle fera fléchir Socrate.
Ainsi Albert de Saxe, considérant l'antagonisme
sance
et
dune
puis-
d'une résistance, distingue en deux catégories
circonstances qui se peuvent présenter circonstances où
le
mouvement
d'une part, sont
:
se fait
dans
puissance; d'autre part, les circonstances où
produit dans
le
les
le
le
sens
de
mouvement
les
la
se
sens de la résistance. Les deux catégories sont
séparées par une limite
commune;
et ces
circonstances limites
n'appartiennent ni à l'une ni à l'autre des deux catégories
quand
elles
sont réalisées,
il
;
y a équilibre.
Ces considérations ne sont-elles pas de tout point conformes 1.
Albert de Saxe,
loc. cit., quaestt.
XIV
et
XV, passim.
ÉTUDES SUR LEONARD
3q à
notre
que développe
celles
Dl£
VINCI
Thermodynamique moderne
lorsqu'elle introduit la notion de modification
toute la théorie que nous venons d'exposer ne
réversible? Et
nous
offre-t-elle
pas de continuelles occasions de comparer la logique du e xiv siècle avec la science de notre temps, de constater entre
de saisissantes analogies?
elles
La doctrine que nous venons de résumer très répandue dans les écoles, mais elle n'y
certainement
fut
fut pas toujours
comprise. Marsile d'Inghen, lorsqu'il traite de la Physique secundurn nominaliurn viam, suit presque toujours pas à pas Tordre des relatives à la Physica
questions
auscultatio
qu'Alhert de Saxe a examinées; mais
modèle
il
ou au De Cœlo
contredit volontiers à son
presque toujours, d'une manière malencontreuse.
et,
l'étude des limites qui terminent l'effet d'une puissance
A
ou d'une
résistance,
Physique d'Aristote
consacre en son commentaire à
il
trois
1
questions visiblement inspirées des
deux questions qu'Albertutius a composées sur Mais
le
De Cœlo.
précision et la rigueur logique de celui-ci ont été
la
méconnues
par celui-là.
et négligées
Après avoir défini
comme
Albert de Saxe
Marsile se contente d'ajouter 2
sic,
la
minimum
in
quod non,
quod
»
puis,
sic;
maximum
le
abandonnant
:
«On
in
maximum
quod non
et le
il
émet
in
quod
même
le
minimum
in
définirait de
les distinctions
avait notées avec tant de précision,
évidemment erronée un maximum in quod
le
qu'Albertutius
cette affirmation
Pour toute puissance active, il existe sic parmi les résistances qu'elle peut surmonter et un minimum in quod non parmi celles qu'elle ne peut surmonter, » et ce maximum et ce minimum sont une «
:
môme
résistance.
Dans se
ses Abréviations
montre plus
i.
in
il
des Physiques, Marsile d'Inghen
de Saxe qu'il ne
emprunte 3 au maître
quod non;
il
l'étend au
Qucstiunes subtilissime Johannis
l'est
sa définition
maximum
in
du
quod non en
Marcilii In^ncn super oclo libros physicorum Lugduni, i5i8. In librum I quœslt. \1V, XV et XVI. Marsile d'Inghen, lor. cit., quœst XIV. Marsile d'Inghen, Abbreviativnes libri physicorum, fol. G (non numéroté), col. a.
secundurn nominaliurn viam. •j.
livre
fidèle disciple d'Albert
en ses Questions;
minimum
du
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
INFINIS
3l
déclarant que ces deux définitions sont meilleures que celles
dont on
se contentait
auparavant; mais
conclusions auxquelles Si
certains
méconnu
il
les
dans ses Questions.
s'est arrêté
comme
scolastiques,
ne modifie pas
il
Marsile
ont
d'Inghen,
doctrine solide d'Albert de Saxe, d'autres, parmi
la
nous pouvons compter Maître Biaise de Parme, y ont fermement adhéré. De cette adhésion de Pelacani nous trou-
lesqtiels
témoignage en son Tractatus de ponderibus ; en une il n'hésite pas à invoquer cette démonstration de ce traité
vons
le
1
,
proposition
Pour une puissance active donnée,
:
maximum
de
il
n'existe pas
des œuvres qu'elle peut accomplir (Aliter enim
maximum).
potentia activa 1er minaret un affirmative per
Cette adhésion de Biaise de
Parme
à la doctrine d'Albert de
Saxe a pu avoir quelque influence sur l'attention que Léonard de Vinci a accordée à celte doctrine
son propre témoignage, que
un
le
;
nous savons, en
Si
par
De ponderibus de Pelacani
comme
des écrits qu'il avait en mains, tout
in libros
effet,
les
est
Quœstiones
de Cœlo composées par Albert de Saxe.
grande qu'ait
été,
aux universités de Padoue
et
de Parme,
l'influence de Biagio Pelacani, elle le cède, assurément, à la
vogue que trouvèrent dans toute
du Nord, durant
l'Italie
le
du xvr" siècle, les doctrines de Paul de Venise. Contemporain, ou peu s'en faut, de Biaise de Parme, xv e
siècle et
une
partie
Paul Nicoletti d'Udiue, religieux de l'ordre des ermites de Saint- Augustin,
mourut
l'un des docteurs les l'atteste le
scrites
à
Padoue
le
grand nombre des éditions
de ses œuvres.
Summa
cent ans,
le
totius
comme
plus autorisés de son temps,
Il
fut
et
»
philosophiœ de Paul de Venise
les éditions 3
.
En
pendant
fut,
plus répandu des traités de philosophie
merie naissante en multiplia
manu-
des copies
surnommé d'un commun accord
excellentissimus philosophorum monarcha.
La
i5 juin 1429. «Il fut 2
1/496,
;
l'impri-
un
décret
1. Tractatus de ponderibus, secundum Magistrum Blasium de Parnia, pars secunda, prop. IV; Bibliothèque Nationale, fonds latin, ms. n° 10252, fol. i53, verso. 2. E. Renan, Averroès et l'Averroïsme, Essai historique; Paris, 1862, p. 273. 3. Ces éditions ont été données sous des litres variés; Hain (Heperlorium bibliographicum, vol. II, i83i, n os i25i5, i25iG et 12523) nous en fait connaître trois qui sont antérieures a i5oo; ce sont les Sutnmulœ naturalium, publiées à Venise, en i4 /G, par Johannes de Colonia et Johaunes Mathen de GherreUeni; VExpositio librorum natu-
ÉTUDES SLR LEONARD DE VINCI
32
de l'Université de Padoue imposait
Summulœ
les
Or,
la
sivement
classique
loglcœ de Paul Nicoletti.
Logique qu'exposaient
condensait
comme manuel
1
la
Summa
Summulœ,
la
lolius philosophiœ, étaient
Logique
la
les
et la
Physique que
presque exclu-
Physique d'Albert de Saxe
de
et
l'École parisienne.
En
particulier, c'est la
pure tradition d'Albertutius que nous
reconnaissons au chapitre où Paul de Venise examine puissance passive a pour terme
une puissance passive
encore agir,
si
mum
ne puisse plus
elle
Et d'abord,
«
la
où
question.
» dit-il,
elle
si
une
puisse
pour terme un mini-
a
pâtir.
notons de quelle manière on expose
«
»
On formule
«
un maximum où
2
cette proposition
A
:
est
le
poids
maximum
que Socrate puisse porter; Socrate ne peut donc porter ni le poids A, ni un poids égal à celui-là mais si l'on se donne un ;
poids quelconque, inférieur à A, on pourra trouver plus grand que celui là que Socrate portera...
un poids
»
Ces prémisses posées, voici notre première conclusion
«
:
On
un poids maximum que Socrate puisse porter, ou un poids minimum qu'il ne puisse porter; on répondra qu'il existe un poids minimum qu'il ne peut porter;
demande
et c'est ce
s'il
existe
poids qui est
la
puissance de Socrate.
»
Les commentaires dont Paul de Venise accompagne ce pro-
blème,
la
vogue extrême dont jouissait
la
Somme aux
environs
de l'an i5oo, étaient bien propres à attirer et à retenir l'attention
du Vinci sur
les
notions de
maximum
D'ailleurs, cette attention n'a rien
temps in
même
de Léonard
le
quod non étaient, dans
que de
maximum les
et
in
écoles,
de
minimum.
fort naturel, car
quod
sic et le
thèmes à
au
minimum
fréquentes
discussions dont nous allons retrouver la trace. raliiim, publiée à Milan, en 1/176, par Christoforus Valdarfer Ratisponensis; la Summa philosophiœ publiée en 1^77, sans indication de l'éditeur ni du lieu d'édition; M. Barthélémy Haureau (art. Paul de Venise du Dictionnaire des Sciences philosophiques d'Ad. Franck) cite cinq autres éditions; deux de ces éditions ont été données à Venise (ii i'|i)i et en 1002, les trois autres ont été données à Paris en i5ia par Grandjon, en i5i3 par Regnault, enfin en i5a 1 par Jossc Bade. 1.
De
a.
Pauli de
\\ ulf, Histoire de la \
enetiis
philosophie médiévale,
Summa
tolius
2' éd.,
Paris, iqo5, p. ^72.
philosophie ; secundo? partis cap. XIII.
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
A fait
la suite
de son Propositam de
33
INFINIS
auquel nous avons
infinito,
une courte pièce
divers emprunts, Jean Majoris a inséré
qui nous fournit plus d'un renseignement intéressant sur la
du xv e
vie universitaire
siècle.
Cette pièce est intitulée
:
Trilogus inter duos logicos et magis-
trum.
Deux jeunes et
Forman
logiciens de la Faculté des Arts, Jean
Jean Dullaert de Gand
*,
échangent leurs doléances
indignés de l'avidité des maîtres es régent qui réclame
le droit
pour
l'étude des arts
celle
de cappa;
du
droit.
A
arts, ils
de
;
ils
sont
la cupidité
du
sont tentés de quitter
ce sujet,
ils
vont deman-
der conseil à maître Jean Annand, compatriote et ami de Jean Dullaert.
Maître Jean
Annand chante d'abord aux deux jeunes
logi-
ciens les louanges de l'Université de Paris; la Sorbonne, jointe
au quartier des philosophes, peut rivaliser avec Athènes. Mais Jean Forman presse
le
maître;
juste de payer la
est-il
cappa? La réponse de maître Annand s'inspire d'un genre ne
d'esprit qui
aux abords de
serait point renié aujourd'hui
la
Sorbonne. Que veut dire C. A. P. P. A.? Capias a polentibus pecuniam
Les étudiants en arts sont riches
artlstis.
;
extorque-
leur de l'argent.
A
la
calembredaine du maître, Jean Dullaert répond en
style; lui aussi,
il
interprète à sa façon le
Caveas accipere pecuniam pro
artistis.
mot
G. A. P.
même P. A :
Garde -toi de recevoir de
l'argent de la part des artistes.
Puis
la
conversation prend une forme plus sérieuse; les
logiciens se plaignent de l'aridité des sujets qu'ils discutent; il
leur faut traiter de l'infini, examiner
pose de points, juristes
et
etc.
Maître Jean
canonistes, en
continu se com-
si le
Annand
riposte en dénigrant
exaltant l'étude des arts et de la
Théologie.
Son éloquence
était
sans doute persuasive; elle convainquit
Jean Dullaert de Gand; nous voyons, en continua
les
dlhem.
que
études qu'il avait tout d'abord entreprises
i. M. de Wulf (Histoire de la philosophie médiévale, Jean Dullaert, de Gand, de 1^71 (?) à i5i3.
p.
effet,
a° édit.,
;
celui-ci
comme
1905, p. 53a) fait vivre
3
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
34
lavait été son maître Jean Majoris,
de Montaigu; à
il
devint régent du Collège
composer, sur
les
Physiques
et
sur le
De
Cœlo, de remarqua-
imprimées à Paris en iôoô
bles Questions qui furent
l'amena
fonction
l'accomplissement de cette
1 .
Or, la seconde question examinée par Jean Dullaert au sujet
comment une puissance peut terminée par un maximum in quod sic ou par un minimum à chercher
du De Cœlo consiste être
quod non. Parmi
in
les arguties, les instances, les répliques
surchargent l'exposition de maître Jean Dullaert, difficile
de reconnaître
d'Albert de Saxe.
la
pensée
Gomme
et parfois les
il
qui
n'est pas
mêmes
phrases
Albertutius, Jean Dullaert soutient
qu'une puissance active n'est pas limitée par un maximum
quod
sic,
mais qu'elle
est limitée
par un minimum
in
in
quod
non.
La discussion de ces problèmes, dont Albert de Saxe avait
donné une solution e écoles à la fin du xv
si
nette, élait encore
siècle et
en faveur dans
au début du xvi
e
siècle
voyons par l'exemple de Jean Dullaert. D'ailleurs,
;
les
nous
le
elle n'avait
aucun moment d'occuper les logiciens de la Scolascar nous entendons Jean Dullaert de Gand mentionner
cessé à tique, les
opinions émises en cette discussion par Hentisberus
et
Paulus Venetus. Or, Guillaume de Heytesbury (Hentisberus)
par était
chanoine d'Oxford en 1871, tandis que Paul Nicoletti de Venise,
nous l'avons
dit, est
mort à Padoue en 1429.
Ainsi, de siècle en siècle, les maîtres de l'école poursuivent l'analyse logique
du concept de
aux mathématiciens qui devaient
limite; ils si
préparent la voie
prodigieusement enrichir
ce concept. Toutefois, les disciples des logiciens qui ont illustré l'École
de Paris au
xiv
e
siècle
ne gardent pas toujours
de dialectique de leurs maîtres; en leurs
écrits,
vigueur
la
plus d'une
distinction nécessaire s'efface, plus d'une conclusion perd de i. Joannis Dullaert Questiones in libros phisicorum Aristotelis. L'ouvrage se termine par deux importantes questions sur le De Cœlo et par le colophon suivant Hic linem accipiunt questiones phisicales Magistri Johannis Dullaert de Gandavo quas edidit in cursu artium regentando Parisius in Gollegio Montisacuti, impensis honesti viri Oli:
verii
Senant, solertia vero ac caracteribus Nicolai Depratis,
SOlertissimi prout caractères indicant, vigesiuui tertia Marlii.
viri hujus artis impresorie anno Domini millesimo quiugentcsimo sexto
LÉONARD DE VINCt ET LES DEUX
A Padoue, Gaétan de Tiène enseigne
sa netteté.
xv
e
qu'une puissance
siècle,
maximum
35
INFINIS
in
quod
par un minimum
sic et
l'on considère le
terminée à la
est
premier terme ou
in
,
fois
quod non ; selon que
second, on la
le
du par un
à la fin
1
nomme
puissance ou impuissance. Cette conclusion peu logique n'était
même
pas originale; en ce cas,
de
Abbreviationes
comme
Marsile d'Inghen
en bien d'autres,
avaient inspiré
les
Gaétan
de Tiène.
du
D'ailleurs, à la fin
xvi
e
siècle,
questions,
c'est-à-dire le
goût de
nait; le bel esprit de
xv* siècle, et plus encore au début
au
la
moment où Léonard
méditait ces
plupart des philosophes s'en détour-
l'humanisme
les subtiles distinctions
du
faisait fort
sans lesquelles
il
au sens logique
;
n'est point de véri-
table rigueur, le style technique sans lequel la confusion rend la
discussion impossible,
lettrés
semblaient insupportables
qui faisaient profession de priser
dessus toutes choses;
un Louis Vives
sa diatribe In pseudodialecticos,
où
il
le
à
des
beau langage par-
(i/jg2-i54o) composait
déclarait
que
les
leçons
données par Jean Dullaert au Collège de Montaigu l'avaient dégoûté de style
la
Scolastique, et
de Paris, c'est-à-dire
où
il
condamnait l'emploi du
du langage technique 2
.
Ceux mêmes qui, comme Agostino Nifo, tenaient pour l'antique méthode de l'École et revendiquaient 3 le droit, pour le philosophe, de parler un langage spécial, ne pouvaient se défendre pleinement de l'affaiblissement du sens logique qui régnait alors, semblable à une épidémie; le scepticisme était la suprême ressource de leur raison énervée, en tous les problèmes où une argumentation rigoureuse eût seule pu saisir et fixer la vérité.
En son exposition sur
le
De Cœlo,
qu'il date
du
i5 octobre
in libro de Celo et Mundo. Cum questione Domini Egidii nuperrime impressa et quam diligentissime emendata. Colophon Venetiis, mandate- impensisque heredum nobilis viri Octaviani Scoti Modoetiensis. Per Bonetum Locatellum presbyterum Bergomcnsem. Anne- Domini i5oa. Tertio i.
Gaietani Expositio
de materia Celi
:
Idus Julias. 2.
Cf.
:
De Wulf,
Histoire de la philosophie
médiévale,
2'
édit.,
igo5, p. 696.
—
Ernest Renan, A verroès et l'Averroïsme, Essai historique ; Paris, i85a, pp. 3i2 sqq. 3. Augustini Niphi philosophi Suessani In XII Metaphysicorum libros expositio
proœmium.
;
ÉTUDES SUR LEONARD DE VI>CI
36
emprunte
i5i4, Nifo
1
au «savant péripatéticien Albertilla
»,
c'est-à-dire à Albert de Saxe, la distinction des propositions
sur l'infini en propositions catégoriques et propositions syncatégoriques; sert à
il
marquer
primer
emprunte également
lui
mais, lorsqu'il s'agit
cette distinction;
propres opinions,
ses
les fait
il
forme de phrase qui
la
d'ex-
précéder de cette for-
mule dubitative « Pour moi, en une si grave question, sauf jugement meilleur auquel je suis toujours prêt à m'en :
remettre, je dirais... Ailleurs
»
lorsqu'il s'agit de traiter cette question
2 ,
puissance active est -elle terminée par un veut pas que
dans
le
physicien imite
l'abstrait et
le
:
maximum?
Toute
Nifo ne
mathématicien, qui raisonne
considère des grandeurs
si
petites soient-elles
;
veut qu'on ne tienne compte, en philosophie naturelle, que
il
quantités
des
«juniores
»,
Toutefois,
sensibles.
les
considérations
des
c'est-à-dire des disciples d'Albert de Saxe, qui pro-
cèdent à la manière des mathématiciens, ne lui déplaisent pas. «
Voilà,
conclut-il,
»
«
ce qui
me
semble vrai pour
moment, propos du
le
bien que j'aie écrit des choses toutes différentes à livre
De
generatione ; car je tiens qu'en philosophie naturelle,
rien n'est certain; j'écris
viennent à
comme
la
bouche;
Empédocle.
dit
comme
donc mes pensées
les
opinions changent avec
elles le
me
temps,
»
En son commentaire au De generatione, dont la dernière rédaction porte la date du 3 avril 52 1 Nifo ne marque pas 1
moins
d'incertitude.
déclarant qu'il s'agit relatifs à
bilité
Il «
discute 3 la théorie de Gilles de
d'un doute très caché
au
à l'infini,
provoquent
cette déclaration de la
3.
et
Padoue
du
apud Hieronymum Scrotum, MDXLIX,
corruptione interpretationes et commentaria... I, fol.
5, col. a.
;
toujours,
quatuor, c grxco in latinum nb ab eodem etiain... aucti expositione...
libri et
lih. I, foll. 3i cl 3a.
Augustinus Niphus, toc. cit., lih. I, fol. 6'4, coll. a et b. Augustini Niphi medices philosophi Suessani in libros
i55o, lib.
part
:
des Physiques et en divers autres endroits
i. Aristotelis Stagiritœ De Cœlo et Mtindo Augustino Nipho philosophe) Suessano conversi,
a.
Les problèmes
sont là des difficultés très grandes; je les ai touchées
3° livre
Venetiis,
».
Rome en
l'augmentation indéfinie d'une grandeur, à sa divisi-
célèbre professeur de l'Université de
aCe
,
Venetiis,
Aristotelis de generatione
apud Hieronymum Scotum,
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX à ce sujet, je
dans ce que ce qui
me
me
montré hésitant; sans
suis
probables.
En
concerne.
A
propositions;
autrement
si
mais les
et l'opinion contraire
moment
présentent en ce
cesse, j'ai varié
philosophie, je tiens que rien n'est
donc de solution des
titre
S*]
C'est ce qui m'arrive, d'ailleurs, en tout
j'ai écrit.
qu'une opinion
certain,
INFINIS
je
sont également
que
je
m'exprimerais
circonstances venaient à changer...
Ainsi, au début
du xvi
se
à nous, je vais formuler certaines
proteste
e
qui
difficultés
siècle,
tout
»
un scepticisme déconcertant
ruine tout ce que la logique terminaliste de l'École de Paris e avait précisé au xiv siècle, tout ce qu'elle avait dit de net et
de rigoureux sur l'infîniment
petit.
Les problèmes qu'elle avait abordés vont être repris par les
géomètres
mais
il
vont en
faire sortir le calcul infinitésimal
;
faudra aux mathématiciens des efforts séculaires pour
renouer il
et ceux-ci
la tradition
rompue par
le bel esprit e
leur faudra attendre jusqu'au xix siècle
de raisonner, en de
telles questions,
des humanistes;
pour retrouver
avec la rigueur et
l'art
la pré-
cision qu'un Albert de Saxe s'efforçait déjà d'atteindre.
III
L'infîniment grand dans la Scolastique.
Tout problème sur l'infîniment l'infîniment grand;
l'étude de
petit est
des
l'un
un problème sur
deux
infinis
ne
se
sépare pas de l'étude de l'autre; en parcourant rapidement les doctrines que l'École a introduites dans l'étude de l'infîniment
grand, nous reconnaîtrons sans cesse l'analogie de ces doctrines avec celles
que
les scolastiques
ont professées lorsqu'ils
analysaient l'infîniment petit.
Pour
Aristote,
aucune grandeur
infinie n'existe
l'Univers est limité. Elle ne saurait
non plus
en
acte, car
exister en puis-
sance; on a beau réaliser une quantité de plus en plus grande, il
sûrement une limite qu'elle ne saurait franchir, car ne peut excéder les bornes du Monde. Aucune puissance
existe
elle
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
38
ne saurait donc réaliser une grandeur qui surpasse n'importe quelle grandeur donnée d'avance.
Ce raisonnement vaut pour une puissance qui est tenue de prendre le Monde tel qu'il est, qui ne peut ajouter aucun corps aux corps qui existent qui
il
n'est pas
déjà,
donné de
sance créatrice à qui
créer;
est
il
en un mot pour une puissance à ne vaut point pour une puis-
il
permis de produire sans cesse des
corps nouveaux, de reculer indéfiniment les bornes de l'Univers.
aucune puissance
Aristote n'admettait
créatrice;
pouvait
il
donc, sans restriction aucune, soutenir qu'il n'y a pas
d'infi-
niment grand en puissance. La Scolastique chrétienne ne pouvait admettre l'absolutisme de cette proposition
;
l'infini
potentiel ne saurait être, à l'égard des puissances de ce
monde,
privées du pouvoir créateur; mais
il
est possible à Dieu.
L'autorité ecclésiastique, précédant la raison, avait affirmé
que
monde
le
d'Aristote,
éternel mais
d'étendue
saurait épuiser la toute-puissance créatrice de Dieu.
finie,
ne
Parmi
les
erreurs qu'Etienne Tempier, évêque de Paris, condamnait en l'an
1277, après avoir pris conseil des maîtres en théologie,
nous trouvons celle-ci duratione,
corpore
non
1 :
in actione
«
Quod Deus
;
talis
enim
est infinitae virtutis in
infinitas
non
est, nisi in
finito, si esset. »
La philosophie scolastique ne tarda pas à mettre, sur ce point, ses enseignements d'accord avec ceux de l'Église.
Déjà saint tielle
Thomas d'Aquin
que réclame
la
a aperçu la modification essen-
pensée d'Aristote;
alors
que
celui-ci
déclare qu'il n'existe aucune puissance capable de produire
par addition successive une grandeur qui surpasse toute quantité, le
Docteur Angélique a soin d'ajouter
n'existe
aucune puissance dans
garde par
là le
cette précision
2 :
Il
il
sauve-
Walter Burley montre
l'anti-
la
nature
(in
natura);
pouvoir créateur de Dieu.
D'une manière plus
explicite,
1. Collectio errorum Parisiis condemnatorum. Cette collection se trouve à la fin de presque toutes les éditions des Pétri Lombardi, Episcopi Parisiensis, Sententiarum libri IV. Le texte de la condamnation portée par Etienne Tempier se trouve dans Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, t. I, p. 545 sqq.; l'erreur en question y est citée sous le n° 29. 2. Sancti Thomas Aquinatis Expositio in libros physicorum. Aristotelis; in libruni III :
lectio IX, in fine.
LÉONARD DE
nomie qui
VTNCI ET LES
entre
existe
DEUX
INFINIS
3g
d'une puissance créatrice et
l'idée
l'opinion qu'Aristote et Averroès ont soutenue en niant
niment grand en puissance. Ce mérite d'être cité Si l'on
«
qu'il dit de
l'infi-
antinomie
cette
1 :
admet que
l'addition se fait
non par
la
génération
de nouvelles parties, mais par l'addition indéfinie de parties
du Philosophe
préexistantes, la conclusion c'est
bien de la sorte que
le
est logique.
Philosophe entend que
Et
cette
addition doit être faite; car, selon lui, la matière première est
ingénérable
et
mière ne saurait donc être le
aucune portion de matière preproduite à nouveau. De même, pour
incorruptible
;
Commentateur, toute portion de matière
toute quantité de matière est ou bien
selon lui;
éternelle
céleste,
première
et
ou bien
inséparable de celle-ci.
est éternelle, car
une portion de matière elle est
en
la
matière
Une quantité nouvelle
de matière ne saurait donc être produite. Lors donc qu'on veut
un corps
ajouter
à
un
une autre
autre corps ou une grandeur à
grandeur, cette addition ne peut se faire par génération d'une nouvelle portion
et
d'une nouvelle grandeur;
elle
que par addition d'une grandeur préexistante;
faire
que l'addition
se
poursuive indéfiniment,
il
ne peut si
se
l'on veut
faudra qu'on enlève
une autre grandeur préexistante la partie que l'on veut ajouter à la grandeur en formation. Telle est la véritable intention du Commentateur... » à
«
De
quence
ce qui vient d'être dit résulte clairement cette consé:
Les théologiens qui soutiennent que Dieu peut créer
une nouvelle quantité de matière, fini, et ainsi
en
effet,
et ce
il
un
autre corps
de suite indéfiniment, ne sauraient faire usage de
du Philosophe Si une grandeur existe en en acte une grandeur égale. Cette proposition,
cette proposition
puissance,
et l'ajouter à
est
:
doit être entendue au sens
sens est celui-ci
:
Si
où l'entend
une grandeur
est
le
Philosophe,
en puissance par
la
seule addition de parties préexistantes et sans génération de
une grandeur égale à celle-là est en acte... » Guillaume d'Ockam s'était constitué, en quelque sorte, l'avocat de la puissance créatrice de Dieu; avec une impiparties nouvelles,
i.
Burleus Super octo
libros
physicorum ; Venetiis, 1691;
lib. III, fol. 75, coll. 6 et c.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
ZJO
toyablc logique,
s'appliquait à briser les chaînes dont cer-
il
taines philosophies prétendaient entraver le libre exercice de cette puissance.
Il
manqué de
n'a pas
repousser
objections
les
d'Aristote et d'Averroès contre l'infini en puissance.
Dieu,
dit-il
espèce;
il
,
peut créer chacun d'eux sans
il
existent déjà.
d'eau,
peut créer indéfiniment des individus de
1
pourra, sans
en créer une autre, puis
détruire,
la
unir chacune d'elles à celles qui ont été
et
auparavant. Le
faites
détruire ceux qui
après avoir créé une certaine quantité
Ainsi,
encore une autre,
même
croîtra indéfiniment.
volume de «
ainsi
l'eau
Quelle que soit
la
créé par Dieu
forme susceptible
d'augmentation que l'on donne, Dieu pourra toujours en
une plus grande... Quelle que d'eau finie qui soit déjà
soit,
par exemple,
a
à
il
lui
la possibilité
imposerait
un
de ce développement
terme...
On ne
doit
»
Mais cette doctrine se heurte à une grave objection
admet
donc
du Com-
accepter, en cette question, ni son autorité, ni celle
mentateur.
de l'unir
et
»
Le Philosophe nierait
l'infini;
quantité
la
ne vois pas ce qui pourrait
faite, je
empêcher Dieu de créer une nouvelle goutte d'eau à l'eau préexistante.
faire
l'infini potentiel,
au moins à l'égard de
la
:
Si l'on
puissance
créatrice de Dieu, n'est-on pas tenu d'admettre l'existence de l'infini
de
la
actuel? Certains philosophes le prétendent.
première proposition à
la
seconde,
ils
Pour passer
raisonnent
comme
du continu, concluent à la possibilité de diviser actuellement ce continu en une infinité de parties; ils invoquent de nouveau l'axiome d'Aristote et d'Averceux qui delà
divisibilité à l'infini
roès, selon lequel ce qui est
en puissance peut être en
acte.
Nous avons entendu Walter Burley analyser cet axiome et marquer avec précision les conditions hors desquelles il est interdit d'en faire usage.
immédiatement
Le passage que nous avons
suivi de celui-ci:
«
cité est
Certains théologiens accor-
i. Magistri Guilhelmi de Ockam Super quatuor libros sententiarum annotationes... Colophon: (mpressum est hoc opus Lugduni perM. JohannemTrechsel Alemannum, virum hujus artis solertissimum. Anno Domini nostri MCCCCXCV, du- vero décima mensis Novembris. Laus omnipotenti Deo. Libri primi distinctio XVII, quœstio VIII.
—
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
4l
INFINIS
volume du Ciel, qu'il pourrait, par exemple, rendre le Ciel deux fois plus grand, et ainsi de suite indéfiniment; de telle sorte qu'étant donnée n'importe quelle grandeur finie, Dieu pourrait créer une dent que Dieu pourrait accroître
grandeur double de
Ces théologiens, cependant, nie-
celle-là
raient que Dieu pût créer
le
une grandeur actuellement
infinie,
car cette dernière proposition entraîne peut-être contradiction; d'ailleurs,
et,
est vrai
il
que
cette proposition
:
Étant donnée
une grandeur, Dieu peut faire une grandeur double de celle-là, et une double de la seconde, n'entraîne pas formellement Dieu peut faire une grandeur actuellement infinie. » celle-ci « On dira peut-être que toute grandeur qui peut être conçue :
en puissance peut aussi exister en acte; qu'elle pourrait être formée par l'addition simultanée de toutes ces parties qui ont été créées; je dis
ainsi
que doit
bien
comme
suivante
Si
:
que
être
il
cette proposition est fausse.
comprise
Ce
n'est pas
cette proposition fameuse,
a été dit plus haut, c'est-à-dire de la
une grandeur peut
être
mais
manière
conçue en puissance par
simple addition de parties préexistantes
et
sans aucune création
de parties nouvelles, une grandeur égale peut exister en acte.
remarque permet, on le voit sans peine, de répondre toutes les difficultés que l'on peut opposer à l'accroissement
Cette à
des formes à
l'infini. »
Ockam admet que Dieu
peut toujours, étant donnée une
grandeur, en produire une qui
la
surpasse,
en sorte qu'à
l'égard de son pouvoir créateur, l'infiniment grand existe en
puissance infini
1 ;
;
mais
il
nie formellement l'existence actuelle de cet
ceux qui de
la
première proposition veulent conclure
seconde commettent une erreur semblable à celle qui a été commise à propos de la divisibilité à l'infini les raisons par
la
;
lesquelles
Roger Bacon a réfuté
oppose textuellement à
cette
erreur-ci,
Ockam
les
celle-là.
loc. cit. Les jésuites de l'Université de Coïmbre, se référant Ockam au nombre de ceux qui ont soutenu cette promettent* passage, à ce position Potest infinitum actu divinx virtutis produci. L'attribution de cette opinion au chef de l'École nominaliste est une erreur formelle. i.
Guillaume d'Ockam,
même :
aj Commenta/ni Collegii Conimbricensis, Societatis Jesu, in octo libros physicorum Aristotelis,
lib. III,
cap. VIII, quaest. 2.
Il
ÉTUDES SLR LÉONARD DE VINCI
2 « Il
est faux,
»
dit -il,
pas de plus grande.
comme
choses permanentes
les
il
n'en soit pas de plus petite ou telle qu'il n'en soit
telle qu'il
Dans
:
que dans
de réaliser par une opération unique la grandeur
soit possible
vérité
«
Il
choses permanentes divisibles à
les
sont tous les continus
minimum,
car
si
que j'énonce
et voici ce
y a plus,
petite
que
comme l'infini,
on ne peut donner de
,
donnée,
soit la partie
puissance
la
divine en pourrait réaliser une qui soit plus petite;
même, on ne grande que
donner un maximum,
saurait
soit
une quantité donnée,
peut produire une plus grande.
la
car,
de
et,
quelque
puissance divine en
»
Dira-ton que, quelque grande que soit une quantité, elle peut être produite par une opération unique? Je l'accorde. De même, si l'on se donne une division quelconque d'un continu, on peut la réduire en acte par une seule action. » « Dira-ton que cette possibilité n'est pas seulement une «
mais à l'existence
possibilité à l'existence in fieri,
esse? Si par possibilité à l'existence possibilité d'être réduit qu'il
ne
«
pas
jamais, en
ici d'Line
soit,
en
effet, cette
la
sorte
telle
à l'existence in facto
possibilité
telle
infini, ni à
acte, tout ce qu'elle est
une
en puissance;
puissance ne peut être épuisée de
telle
»
La théorie dont Walter Burley
et
Guillaume d'Ockam ont
principes se trouve complètement développée dans
les
les écrits
de maître Albert de Saxe. imitant ce que
Celui-ci,
niment
un
ne reste plus aucune possibilité d'une opération
qu'il
nouvelle.
petit,
Duns Scot
montre d'abord
doxales on serait conduit
si
1
étranges,
nous
trouvons
la
avait fait
à quelles
l'on
l'existence actuelle de l'infiniment
i.
de
l'acte,
parvient donc jamais par là à
grandeur qui
posé
à
on entend
))
On ne
sorte
simplement
facto esse
facto
ne demeure plus aucune puissance ultérieure, je dis qu'il
s'agit
esse.
in
in
pour
l'infi-
conséquences para-
admettait,
en Géométrie,
grand; parmi ces corollaires
proposition célèbre d'Hermès
Acutissimm qiurstiones super Ubros de physica auscultatione ab Alberto de Saxonia
editœ ; in lib.
III
quaost. XIII.
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
Trismégiste
«
:
Un
43
INFINIS
cercle infini se comporterait
comme
centre était partout et sa circonférence nulle part. L'esprit
éminemment
son
si
»
logique d'Albert de Saxe ne confond
point l'étonnement que de telles propositions engendrent en
répugnance qu'y produit une véritable Ces raisons, » dit-il, « ne m'inspirent pas
l'intelligence avec la
contradiction.
grande plus
:
foi
Si
en
«
conclusion qu'elles prétendent établir.
la
Il
y a
quelqu'un voulait admettre qu'une grandeur infinie
peut exister,
il
accorderait, je pense, toutes ces propositions.
Mais je vais maintenant exposer un raisonnement qui entraîne
ma
conviction.
Examinons
On
»
ce raisonnement.
peut partager une heure en laps de temps dont
décroissent en progression géométrique
;
telles les
les
durées
durées d'une
demi-heure, d'un quart d'heure, d'un huitième d'heure, c'est
ce
en parties
qu'Albert appelle diviser l'heure
etc.
;
conti-
nuellement proportionnelles ou, simplement, en parties proportionnelles.
Imaginons alors qu'en
la
première partie proportionnelle
d'une heure, Dieu crée une pierre d'un pied cube
seconde partie proportionnelle de cette heure, seconde pierre de ainsi de suite. infinie. « Si
A
qu'en
;
il
crée
la
une
même
grandeur
la fin
de l'heure, Dieu aura créé une pierre
une grandeur
ce serait par ce procédé.
et l'ajoute à la
première, et
infinie pouvait être réalisée
en acte,
»
Mais ce procédé implique contradiction pierres que Dieu a créées,
il
en
est
;
une qui
en
effet,
de ces
a été créée après
toutes les autres, partant en la dernière partie proportionnelle
de l'heure
;
or, le
temps
est
un continu
;
et
dans
la
d'un continu quelconque en parties proportionnelles
pas de dernière partie; de
la division.
il
est
commune
même «
la
que Walter Burley
connaissance n'en
a
était
».
Albert de Saxe ne
même
n'y a
Cette proposition qu'Albert prend pour majeure
exposée en nous avertissant que
qu'une
il
impossible de parvenir au terme
de son argument, c'est celle-là
point fort
division
manque pas
de remarquer à ce sujet
proposition peut être vraie ou fausse, selon qu'on
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
44 la
prend au sens syncatégorique ou au sens catégorique; proposition
cette
En
:
toute
partie
proportionnelle
telle
d'une
heure, Dieu peut créer une pierre d'un pied cube. Albertutius Si la puissance rapproche cette proposition de cette autre qu'a Socrate pour lever un poids est mesurée par 8, Socrate :
peut lever toute partie d'un poids dont la pesanteur est
En chacun
on
des deux cas,
doit bien se garder de conclure
sens divisé, qui est vrai, au sens composé, qui est faux.
des
propositions
singulières
chacune des autres, mais en sorte que
elles
est
vraie
et
8.
du
Chacune
compatible
avec
ne sont pas toutes compossibles,
proposition universelle n'est pas vraie.
la
L'argument que nous venons d'entendre développer à Albert de Saxe lui sert à plusieurs reprises. Sans affirmer l'existence actuelle d'un corps infini, plusieurs croyaient à la possibilité
de réaliser une ligne de longueur infinie ou une surface courbe
ne peut-on, par exemple, en un corps
d'aire infinie;
une spirale de longueur infinie? Albert n'admet pas plus ces propositions
fini,
tracer
1
du corps
l'actualité
Comment
s'y
qu'il
n'admet
infini.
prendrait-on, par exemple, pour tracer en
un un
une ligne de longueur infinie? On prendrait cylindre fini dont on diviserait la hauteur en parties proportionnelles; à la surface de ce cylindre on tracerait une spire corps
fini
pour pas
d'hélice ayant la
la
première partie proportionnelle de
hauteur; on la ferait suivre d'une seconde spire d'hélice
ayant pour pas et ainsi
la
seconde partie proportionnelle de
On
de suite.
la
hauteur,
formerait de la sorte une espèce de spirale
de longueur infinie. Albert de Saxe accorde bien que cette courbe, tracée,
serait de
longueur
pas être tracée en entier;
il
infinie;
mais
cette
faudrait, en effet,
si elle était
courbe ne peut
pour qu'elle
fût
terminée, que ses spires embrassassent toutes les parties pro-
du cylindre;
portionnelles
on puisse dire
du cylindre, columnse. i.
or, «il n'existe pas de parties
dont
qu'elles sont toutes les parties proportionnelles
—
nullse
partes sunt omnes partes proportionnâtes
»
Albert do Saxe,
loc. cit., in lib. III
quœst. XII.
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
Par
cette
argumentation,
grand en acte
45
INFINIS
l'impossibilité
de l'infiniment
se trouvait rattachée à l'impossibilité
la division à l'infini
du continu
entre
;
la
de réaliser
théorie de l'infini-
ment grand et la théorie de l'infiniment petit sait une correspondance très exacte qu'Àristote
elle
établis-
Averroès
et
n'avaient point entièrement reconnue. Cette argumentation ravit assurément les suffrages de plusieurs des grands logiciens nominalistes qui enseignaient à
Paris au milieu
du xiv e
nous avons plusieurs qu'elle n'avait pas
fois
Proposition de infinito que
Jean Majoris nous
cité,
seulement entraîné
mais qu'elle
de Saxe,
En son
siècle.
la
apprend
conviction d'Albert
également employée par Jean
était
Buridan.
Entre ces deux propositions
— L'infiniment grand peut être
sance n'est pas contradictoire,
en
réalisé
d'Ockam,
acte,
les
logiciens
Walter Burley,
les
L'infiniment grand en puis-
:
du
xiv e siècle,
les
Albert
les
Guillaume
de Saxe,
les
Jean
Buridan, avaient élevé une barrière qu'ils croyaient solide et infranchissable. Cette barrière, nous allons la voir s'effondrer;
non pas, cependant, qu'elle s'abatte tout d'un coup; sourdement ruinée et minée, elle croule peu à peu, tandis que le temps s'écoule de l'année i35o à l'année i5oo. Déjà, Marsile d'Inghen, tout en suivant de très près Alber-
en ce
tutius
abandonne,
qu'il a dit
en
ses
Questions
conclusion formulée par qu'il
consacre
1
à
du problème de le
sur
la
l'infiniment grand,
Physique,
plus
d'une
maître saxon. Les deux questions
examiner Si une grandeur
infinie
peut être
actuellement réalisée, et Si, de fait, un corps infini existe actuel-
un ordre
lement dans la nature, procèdent suivant
fort défec-
tueux. Le recteur de Heidelberg y reproduit ces arguments
mathématiques contre confiance à Albert plupart n'avait il
des
raisons
l'infini actuel
de Saxe;
en
qui n'inspiraient aucune
y reproduit également la faveur de l'infini actuel qu'Albert
énumérées que pour
il
les
réfuter
;
de ces réfutations,
ne parle pas, non plus que du raisonnement qui avait
i. Questiones subtilissime Johannis Marcilii Inguen super octo libros physicorum secundum nominaliuin viam; Lugduni, MCCCCCXVIIi. In librum 111 quaestt. IX et X.
ÉTLDES SUR LÉONARD DE VINCI
46
convaincu Albertutius et Jean Buridan il ajoute qu'Aristote a nié la possibilité d'un corps infini parce qu'il ne concevait pas l'existence d'une puissance active infinie mais à nous, à ;
;
qui
a révélé qu'il existe une telle puissance, l'existence
la foi
du corps
infini n'apparaît plus
cette impossibilité
comme
impossible; du moins
ne peut plus être démontrée.
donne tant complètement disparu;
toute cette discussion, la rigueur logique, qui
De
de netteté à l'exposé d'Albert de Saxe, a
on ne distingue plus entre
propositions syncatégoriques et indécise,
et les
Ces conclusions
Une
l'argumentation devient vague
;
conclusions paraissent hésitantes. les voici
:
une surface
ligne de longueur infinie,
peuvent
Au
propositions catégoriques et les
les
d'aire infinie
être réalisées actuellement.
contraire,
« il
n'existe en
fait, et
d'une manière actuelle,
aucun corps de volume
infini; toutefois, cette proposition
saurait être démontrée;
on peut seulement dire en
qu'elle s'accorde
tous les corps
mieux que
ne
sa faveur
toute autre avec notre expérience
que nous percevons sont
finis,
en
effet,
;
et
aucune raison ne nous contraint de poser l'existence d'un corps
infini... »
Comme
il
arrive presque toujours, les Abréviations de Mar-
d'Inghen portent plus nettement, en ce problème,
sile
la
marque de l'enseignement d'Albert de Saxe que ne la portent les Questions sur la Physique. Nous lisons, en ces Abréviations 1
,
propositions que voici
les
:
«
Il
est
impossible qu'une puis-
sance quelconque produise une pierre d'un pied cube en toute partie proportionnelle de l'heure qui va venir; cela est évident,
car cela n'est pas plus possible que de diviser
un continu en
deux
partie propor-
parties
proportionnelles pendant toute
tionnelle de l'heure...
La proposition
qui a été démontré précédemment...
de grandeur infinie actuelle... elle
Si
est Il
donc contraire
à ce
ne peut donc exister
elle était possible,
pourrait surtout être produite de la sorte
:
en
effet,
Dieu créerait
une pierre d'un pied cube en toute partie proportionnelle i.
Marsilc dlnghen, Abbreviationes
coll. a cl h.
libri
physicorum,
fol.
26
(non numérote),
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
d'une heure; or, cela ne d'être dit.
Que
INFINIS
l\~]
d'après
peut être,
qui vient
ce
»
l'on n'aille pas, d'ailleurs, faire cette objection
partie proportionnelle
quelconque de l'heure, Dieu peut
une pierre d'un pied cube; en toutes
il
peut donc créer une
proportionnelles de l'heure;
les parties
En une
:
pas exact de prétendre
ici
que
la vérité
faire
telle pierre
ne serait
il
de chacune des propo-
sitions singulières entraîne la vérité de la proposition univer-
«cela est exact dans
selle;
le
cas
où ces propositions singu-
lières sont toutes les propositions singulières
qui correspondent
à la proposition universelle; c'est ce qui n'a pas lieu
Un
«
corps infini ne peut donc être produit par
divine que
si
Ce retour
l'on
prend
le
mot
infini
ici. »
puissance
la
au sens syncatégorique.
»
n'empêche cependant
à la logique d'Albertutius
pas Marsile d'Inghen de maintenir en ses Abréviations, au sujet
de
la
ligne infinie et de la surface infinie, les conclusions qu'il
avait formulées dans ses Questions.
Paul de Venise
plus que Marsile d'Inghen,
est,
l'enseignement d'Albert de Saxe; seurs,
il
comme
ses
admet que Dieu ne peut produire une ligne
infinie
créant, en toute partie proportionnelle d'une heure, la vérité
de
la
à
deux prédéces-
1
longue d'un pied;
fidèle
en
une ligne
proposition syncatégorique
n'entraîne pas la vérité de la proposition catégorique. Avec
Albert de Saxe, et contre Marsile d'Inghen,
il
nie que l'on
puisse tracer actuellement une spirale de longueur infinie à la surface
d'un cylindre
fini. Il
pense % toutefois, que
de grandeur infinie n'implique pas de contradiction l'avait fait Albertutius,
il
détaille
raffinée
que
celle
et,
notion
comme
quelques-unes des propriétés
mathématiques étranges que posséderait
La dialectique de Jean Majoris
la
cette
est plus
de Marsile d'Inghen
;
grandeur
minutieuse
les
infinie. et
plus
conclusions aux-
quelles elle aboutit sont aussi plus radicales et plus formelle-
ment opposées à celles d'Albert de Saxe. Dans son exposé 3 nous voyons reparaître ,
i. 2.
3.
la
Pauli Vencti Suinma totius philosophiœ, parlis secimdae cap. VI. Paulus Venetus, ibid,, cap. VII. Johannis Majoris Proposition de infinito.
distinction
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
48
entre les jugements syncatégoriques et les jugements catégo-
mais ce n'est pas pour opposer
riques,
uns à
la vérité des
l'erreur des autres.
Ainsi Jean Majoris n'hésite pas à déclarer que
«
contient catégoriquement une infinité de parties
De même, il
à la question
:
Linfiniment grand
répond par quelques propositions
vérités «
»
;
et ces vérités, les voici
Première vérité
Deuxième
vérité
».
est
il
possible?
qui sont, je pense, des
«
:
Dieu peut produire un corps de grandeur
:
indéfiniment croissante. «
tout continu
»
Dieu peut produire un corps infiniment
:
grand au sens catégorique. » Dieu peut produire une multitude « Troisième vérité :
nie,
au sens catégorique, d'objets séparés
uns avec
et
infi-
sans continuité les
les autres. »
Voici la raison
que
le
régent du Collège
invoque à l'appui de ces deux dernières Le Monde aurait pu exister de toute
de
« vérités »
éternité,
Montaigu
:
comme
le
veut
Aristote; rien dans la raison ne s'y oppose; la révélation seule
nous enseigne saint
qu'il a été créé
Thomas d'Aquin,
et
dans
le
Duns Scot y
temps
;
c'est l'opinion
Dès
souscrit.
lors, la
de
mul-
titude actuelle des jours écoulés pourrait, sans contradiction, être infinie;
Dieu aurait pu chaque jour créer une pierre d'un
pied cube et l'ajouter aux pierres créées les jours précédents;
un corps actuellement
toutes ces pierres formeraient
Les partisans de l'opinion adverse,
quence,
»
s'efforcent de ruiner
Jean Majoris,
ils
«
terrifiés
l'argument qui
ne sauraient en dénouer
infini.
par cette consé-
la justifie;
le lien
selon
logique. Jean
Majoris n'ignore pas les considérations par lesquelles Albert
Saxe
de
et
Buridan repoussent
de l'infiniment
contradiction qu'on prétend lui
grand; mais
«il
opposer
ne se rend pas davantage aux raisons d'Aristote
». Il
ne voit pas
l'actualité
la
contre l'infinie grandeur du ciel; avec Grégoire de Rimini,
il
déclare qu'elles ne lui semblent pas concluantes.
Plus encore que son maître,
Jean Dullacrt de Gand, montre i.
1
le
disciple de Jean Majoris,
qu'il
Johannis Dullaert de Gamlavo Qmcstiones
connaît
in libres
les
méthodes de
de Cœlo; qu.pst.
I.
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
INFINIS
^9
raisonnement d'Albert de Saxe; mais non moins formellement
du logicien du
ses conclusions s'opposent à celles
Jean Dullaert n'hésite pas à admettre
xiv e siècle.
la possibilité
de
l'infini
actuel. «
Le Monde,
infinité
d'hommes
Monde; d'âmes.
ment
dit-il,
»
»
De
infini.
là,
de
la
L'exemple de
rement à l'opinion
même
infinie.
il
en
qui
constamment possibilité
décroissent
aussi,
Walter Burley
Dieu étant
infini, contrai-
une
en intensité. Pour
fait
telle
justi-
constamment appel
en
à
géométrique
progression
;
en dépit des profondes remarques de
et d'Albert
de Saxe,
il
admet implicitement
de terminer une semblable division.
qu'au début du xvi siècle on cesse de comprendre e
si
considéré
d'un continu en parties proportionnelles, c'est-à-dire
parties
vérités
actuelle-
à admettre la possibilité
et
conclusion, Jean Dullaert
la division
infinie
peut créer toute espèce d'infini
en nombre, en grandeur, en durée fier cette
nombre
d'Aristote, peut fort bien créer
comme
une
commencement du
la ligne hélicoïdale, déjà
conduit de
le
infinie,
le
donc aujourd'hui une multitude
grandeur actuellement
longueur
exister de toute éternité;
conclut à la possibilité du
il
par Albertutius,
pu
aurait
auraient vécu depuis
existerait
il
«
bien établies par
les logiciens
du
la
C'est ainsi les
grandes
xiv e siècle.
IV L'iNFINIMENT GRAND ET l'ïNFINIMENT PETIT DANS LES NOTES
de Léonard de Vinci. Les débats petit
relatifs
à l'infiniment
dont nous venons,
très
grand
et
à l'infiniment
sommairement, de retracer
les
phases, ont vivement sollicité l'attention de Léonard de Vinci;
de l'intérêt qu'il portait à ces problèmes, nous trouvons
témoignage dans
ses
notes;
et,
bien
souvent,
phrases qu'il a jetées sur ses cahiers montrent
la
les
le
courtes
plénitude du
sens qu'elles renferment lorsqu'on les rapproche des ensei-
gnements de P.
DUHEM.
l'École. k
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
5o Aristote
admet
la possibilité
nombre
tandis qu'il n'est point de
infiniment
deur
du nombre
au
petite,
plus petit que
contraire,
pour
gran-
la
;
en
Ockam
pas.
l'est
successeurs modifient en ce dernier point la doc-
trine d'Àristote;
sont,
i
concevable
est
puissance, tandis que l'infinie grandeur ne et tous ses
en puissance,
infini
la
ils
admettent que
les
deux
en puissance
infinis
grandeur, également concevables.
L'opposition que manifeste alors la comparaison entre
nombre «
et la
grandeur, Léonard
La Géométrie
la
est infinie parce
marque en
ces termes
1 :
que toute quantité continue dans
est divisible à l'infini
l'un et l'autre sens
/
le
(fig. 1).
Mais la quantité discontinue
commence
à l'unité et croit
à l'infini, et dit, FlG
comme
continue
quantité
la
croît à l'infini et
t
à l'infini. Et licence de dire que tu
me
si
a été
il
diminue
tu prends
donneras une lance de 20 brasses,
une de 21. » La nature du point a vivement préoccupé
je te dirai d'en faire
parle souvent a
comme
le
ferait
Les termes de la ligne,
dit-
»
un il
Vinci;
le
quelque part
,
en
d'Ockam.
fidèle disciple 2
il
«
sont des
points, les termes de la surface sont des lignes, et les termes
du corps sont des partie de ligne.
Une netle,
surfaces.
quelles étaient
il
les
Ce problème,
a.
fol. 7, 3.
:
«
Le point
n'est pas
opinions de Léonard de Vinci sur
mais, pour comprendre exactement
est nécessaire
blème au sujet duquel
1.
3
autre note va nous montrer, de la manière la plus
cette note,
la
Et ailleurs
»
la divisibilité à l'infini;
de
»
c'est le
que nous disions un mot du pro-
elle a été écrite.
problème de
la
composition des forces
Les manuscrits de Léonard de Vinci, publiés par Ch. Ravaisson-Mollien ms. M Bibliothèque de l'Institut, fol. 18, recto. Les manuscrits de Léonard de Vinci; ms. M de la Bibliothèque de l'Institut, ;
recto. fl
Leonardo da Vinci nella biblioteca del Principe Trivuhio annotato da Luca Beltrami, Milano, 1891, fol. 34, recto (68).
radier di
trascrillo ed
in
Milano,
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
concourantes posé
et résolu
5l
INFINIS
par Léonard de
manière
la
la plus
élégante.
Bornons-nous au cas particulier qui page que nous allons
Deux
se trouve visé
dans
la
citer.
poulies p, p' sont sur une
même
horizontale
(fîg.
2)
;
une corde qui passe sur ces deux poulies porte en son milieu
un
poids P; deux poids égaux Q, Q' tendent les brins qui pendent au delà des poulies.
Léonard a découvert
dépend
dont pareil
la règle
l'équilibre
système.
d'un
Par rapport à
FlG
un point de la corde Pp', le poids P doit avoir même moment que la tension de l'autre corde, tension qui est égale àQ si donc de ce point A on abaisse une perpendiculaire AB sur la direction de la corde pP, et une ;
autre perpendiculaire
A G sur
de gravité du poids P,
comme
à la seconde
la
le
que Léonard formule
menée par
la verticale
centre
le
première de ces perpendiculaires sera
poids P est au poids Q. Telle est
et
la loi
prouve en divers passages du cahier E.
Dans son langage, AB est le levier potentiel de la tension et AG le levier potentiel du poids tenseur. Si grand que soit le poids tenseur Q, tant que le poids P n'est pas nul,
il
impossible que
est
le levier potentiel
tension soit nul; impossible, par conséquent, que soit horizontale.
quelconque
',
«
Jamais
posée dans
la
la
la
AB
de
la
corde pp'
corde de grosseur ou puissance situation
de l'égalité
avec
ses
extrémités opposées, ne se pourra redresser ayant quelque
poids au milieu de sa longueur. C'est à ce propos
Jamais
«
sance; on
le levier
le
que Léonard
i.
écrit ces lignes
potentiel n'est
prouve par
continue est divisible à
fol.
»
la
2 :
consumé par aucune
première qui
dit
:
puis-
Toute quantité
l'infini, etc.
Les manuscrits de Léonard de Vinci; ms. E de la Bibliothèque de l'Institut,
60, verso. 3.
Les manuscrits
fol. 60, recto.
de Léonard de Vinci; ms. E de
la
Bibliothèque de
l'Institut,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
5a
Mais ce qui
>)
ce n'est pas à dire
en
Et
acte.
en acte
est divisible
que ce qui
encore en puissance
l'est
est divisible
en puissance
;
le soit
divisions faites potentiellement vers l'infini
si les
varient la substance de la matière divisée, ces divisions retour-
neront à
la
mêmes
parles
les parties se
composition de leur tout,
rejoignant
degrés par lesquels elles furent divisées. Par
exemple, nous prendrons
changera en eau,
l'infini; elle se
revient à s'épaissir,
il
nous
la glace et
se fera
et
en eau
la diviserons vers
d'eau en air; et
et
l'air
si
d'eau en grêle, etc.
»
Ces quelques lignes nous montrent à quel point Léonard était informé des théories que les scolastiques avaient agitées touchant
la division à l'infini.
en puissance, divisible à le soit
en acte
la vérité
;
l'infini
admet que tout continu
Il
mais
;
est,
n'en conclut pas qu'il
il
du jugement syncatégorique n'entraîne
pas celle du jugement catégorique.
Le Vinci,
d'ailleurs,
semble
se
prononcer en faveur de
doctrine de Gilles le Romain. Lorsqu'on divise parties assez petites,
forme
sa
a
la
»
admet un minimum naturel; si réduire en parties moindres que
est altérée; la glace
minimum,
elle se
change en eau.
D'autres doctrines, chères aux maîtres de
dans
laissent deviner citer; si
un corps en
substance de cette matière est variée,
l'on veut la briser jusqu'à la
ce
la
les
comment
disciple fidèle de
pour
la divisibilité à l'infini, c'est
peut tendre vers
le levier potentiel
sans l'atteindre jamais,
est sa limite,
Scolastique, se
quelques lignes que nous venons de
Léonard y invoque
expliquer
la
Walter Burley
et
et,
par
là,
il
se
0,
qui
montre
d'Albert de Saxe.
Mais l'influence d'Albert de Saxe apparaît bien plus profonde
en ce passage
:
Pierre a puissance pour 12, et
«
poids,
ne
T
il
ne
le
meut
si
on
dire
que
1.
fol.
si
mouvoir ce
12
Les manuscrits de
6a [i4], verso.
12 de
bien 11, parce que des puis-
sances inégales, la plus grande surpasse 12 fera
donné
pas, parce que les choses égales entre elles
se surpassent pas. Il portera
que
lui a
11. Et ici
il
arrive
peut mouvoir 11,
il
Léonard de Vinci; ms. K de
la
moindre, en sorle
un beau cas, arrive que ce la
Bibliothèque de
c'est-à-
12
fera
L'Institut,
LÉONARD DE VINCI ET LES DEUX
53
INFINIS
mouvoir infiniment plus de poids que n, parce que toute quantité continue est divisible à ii à 12 12
L'unité qui est
l'infini.
peut se diviser infiniment, car on peut dire que
peut mouvoir it,
il
peut mouvoir
n
sous-divisant
le reste;
ne peut pas porter,
est celui qu'il
De
en sorte que
sorte qu'ici
le
le
ordre, en
c'est-à-dire celui qui
que l'homme
:
même
dernier des minimes poids
deux choses paraissent
impossible de proposer, savoir
si
et 1/2, et puis 2/3, et
puis 11 et 3/4, pouvant croître ainsi dans
plit 12.
de
qu'il est soit
accompresque
en puissance
de porter sur soi infiniment plus de poids que celui qu'il peut porter, et que le
minime poids
soit celui qu'il
ne peut porter.
Exemple 4 en balance résistent à 4, mais ne les peuvent pas mouvoir; mais ils pourront mouvoir 3 et infiniment plus »
:
de poids que 3; jamais, cependant, autant que 4, parce que de 3 à 4 il y a une unité qui est quantité continue, et toute quantité continue est divisible à
l'infini. »
Assurément, Léonard avait profondément médité
gnements de
l'École touchant le
minimum
in
les ensei-
quod non qui borne
toute puissance active. Déjà, les théories logiques établies, au
xiv e siècle, par les nominalistes être oubliées et
méconnues de
de
Paris,
commençaient
à
leurs successeurs, des Marsile
d'Inghen, des Gaëtan de Tiène, des Jean Majoris
et
des Jean
Dullaert de Gand; mais le génie du Vinci savait reconnaître
en ces doctrines une source abondante de
vérités.
X
LÉONARD DE VINCI ET
LA PLURALITÉ DES MONDES
LÉONARD DE VINCI ET
LA PLURALITÉ DES MONDES
Un texte de Léonard de Il
des
est
Vinci.
problèmes qui ont longuement
sollicité l'attention
de Léonard;
les allusions à
question reviennent souvent alors en
ses
fortement
et
une semblable
manuscrits;
ces
multiples notes nous permettent de suivre les démarches de l'esprit
en quête de
la solution,
d'en reconnaître les tentatives
variées, les hésitations et les repentirs; elles apparaissent de
prime abord à
comme
nous enseigner Il
des documents très précieux, très propres
l'histoire
est aussi des sujets
d'une invention.
que
le
Vinci semble avoir à peine
un de ses cahiers, on rencontre une courte phrase qui a trait à un certain problème; mais on chercherait en vain ailleurs une autre note qui puisse être rapprochée de celle-là la pensée qui s'était présentée une fois au génie du grand peintre ne s'est plus jamais offerte comme
effleurés.
En
feuilletant
;
objet à ses méditations.
Volontiers, le lecteur jugerait qu'une pensée,
détachée,
n'intéresse
que médiocrement
du grand inventeur; l'isolement de
à ce point
l'histoire
des idées
cette pensée, d'ailleurs,
permet pas toujours d'en déterminer
le
ne
sens exact et d'en
évaluer la pleine portée.
Le jugement que nous porterons sur sera tout autre
si
dans lesquelles
il
la
valeur de ce texte
nous parvenons à deviner a été écrit, le livre
les
que Léonard
conditions lisait lors-
ÉTUDES SUR LÉONARD DE \INCI
58
quelques lignes sur
qu'il a jeté ces
dont son esprit
papier, la dispute d'école
préoccupé en ce moment. Nous verrons
était
se dilater, s'épanouir,
menue phrase
alors la
le
nous
sa plénitude le sens qu'elle tenait condensé. Elle le
livrer
dans
nous montrera
Vinci jeté dans la mêlée des esprits de son temps; bien
souvent
nous
elle
quel parti
s'était
il
en une querelle qui
dira,
rangé.
des quelques fragments où
L'étude
linfiniment grand
de
fut célèbre,
Léonard a parlé de
de l'infiniment petit nous a déjà permis
et
de mettre en lumière quelques-unes de ses doctrines
les
1
plus
profondes; nous allons appliquer une méthode semblable à l'analyse d'un
Ce
nouveau
texte se trouve
lettre
F
occupe
et
au cahier que Venturi a marqué de
que conserve verso du
le
texte.
la
Bibliothèque de l'Institut;
feuillet 83; le voici,
de M. Charles Ravaisson-Mollien «
Donné que
la
il
y
selon la traduclion
:
de deux corps terrestres avec
serait le contact
leurs éléments, quelle figure prendraient les éléments à leur
contact? «
»
Donné un grave sphérique au contact de l'élément du
feu
avec l'autre élément du feu, qui pèse autant vers l'un des centres de tels éléments que vers le
centre des autres éléments, ce grave
descendra obliquement sur
^\f
f
Jl
l
\ \
très,
\
e*
J
le
posera
contact des deux corps terres-
comme
son
I
est la figure (fig.
m o uvem ent
Donnés
«
et se
1),
sera oblique.
les centres
»
de deux mon-
des sans éléments, très éloignés l'un
de l'autre, dont
Fig.
le
et
donné un grave uniforme
centre de gravité soit égale-
ment éloigné des deux puis un « Il
tel
ira
longtemps
se
la
précédente étude
:
»
mouvant avec un mouvement ayant
des centres, et finalement Voir
centres,
grave étant laissé tomber, quel sera son mouvement ?
toute partie de sa longueur également distante
i
dits
il
s'arrêtera à
Léonard de Vinci
et les
deux
de chacun
une égale distance infinis.
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITÉ DES MONDES
5g
de chacun des deux centres, au plus prochain lieu qu'ait
mouvement;
ligne de son
grave ne s'approchera
et ainsi ce
d'aucun centre des deux mondes.
la
»
Quelle signification précise, quelle exacte portée convient-il
mouvement que prend
d'attribuer à ce curieux fragment? Le
un
point,
attiré
par deux centres fixes suivant
Newton, sera un jour déterminé par
Léonhardt Euler; se
propose
Vinci, et convient-il de ranger
le
de
loi
puissante analyse de
la
un problème analogue
est ce
la
à celui-là
fondateur de
le
l'Académie de Milan auprès de Kepler, parmi
que
précurseurs
les
de Newton?
La connaissance des
livres
que Léonard dans
qui, de son temps, se débattaient
permettre de répondre à cette question
de quelle manière
problème de
le texte
des querelles
lisait,
les écoles, ;
vont nous
nous allons montrer
que nous avons
cité avait trait
au
des mondes.
la pluralité
II
Aristote et la pluralité des mondes.
composés
C'est par des maîtres de l'École qu'avaient été livres
où Léonard
de
s'instruisait
sein de l'Ecole
que s'agitaient
contemporains
et lui
même
les
pluralité des
données
donc
comme
les
pensées,
c'est
ce
issues de la pensée
les dires d'Aristote
mondes, quels furent à ce
Scolastique,
d'abord
au
plus originales, qui étaient émises et débattues dans
d'Aristote. Quels furent
la
c'est
controverses auxquelles ses
les
prenaient part ou intérêt; or,
l'Ecole, étaient toujours
de
du passé;
la science
les
qu'il
touchant
commentaires
sujet les
nous faut examiner tout
nous voulons rendre son sens plein au
si
la
texte de
Léonard. «
Nous entendons en général
Aristote
1
Dans son i.
«
,
mot
au sens de Tout, d'Univers,
traité
Aristote,
le
llep\
Du
Ciel,
il
OùpavoO,
Ciel
—
(Oupavéç),
oXov xai xo
»
dit
rcav. »
démontre tout d'abord que l'Univers A,
6
(De Cœlo
et
Mundo,
lib.
I,
cap. ix).
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
60
a
Y
tout
puis,
limité;
est
plusieurs
a-t-il
Cette question, sa solution,
il
aborde
il
résout par la négative
appel à deux principes
fait
1
cette
question
c'est-à-dire plusieurs Univers?
Ciels,
la
il
aussitôt,
pour
et,
le
mouvement
naturel
»
justifier
:
Le premier de ces deux principes consiste à distinguer repos naturel et
:
du repos
violent et
le
du
mouvement violent. A ce sujet, Aristote pose deux axiomes i° Si un corps peut, sans aucune violence, demeurer immobile en un certain lieu, qui est alors son lieu naturel, lorsqu'on :
le
placera hors de ce lieu,
réciproquement,
un
vers
si
certain
il
se portera vers lui par nature; et,
un corps
lieu,
que
c'est
demeurerait immobile
se porte
sans
c'est
mouvement
de
naturel
son lieu naturel, où
qu'aucune
violence
ait
à
il
l'y
contraindre. Ainsi,
le
du feu
naturel
lieu
est l'espace
qui se trouve
immédiatement au-dessous de l'orbe de la Lune; si l'on place du feu hors de ce lieu, par exemple sur la Terre, il montera naturellement vers l'orbe de la Lune. De même, une masse de terre se porte naturellement vers le centre du Monde; c'est donc là que se trouve le lieu de son repos naturel. 2°
S'il
une violence sur un corps pour
faut exercer
immobile en un certain
hors de ce lieu,
lieu, placé
le tenir il
ne se
portera pas vers lui sans violence.
Un fragment
de
par exemple, ne demeurerait pas
terre,
immobile au voisinage de l'orbe de la Lune, à moins d'y être détenu par une certaine violence; si donc on le place à la surface du globe, il ne montera pas, à moins d'y être poussé violemment. Le second des principes auxquels Aristote appuie sa démonstration est le suivant S'il
sons,
existe
ce
:
un monde en dehors de
monde
éléments que
doit
le nôtre.
être Il
celui
que nous connais-
formé identiquement des mêmes
ne saurait
être
formé d'éléments que
nommerait terre, eau, air, feu, mais qui, sous cette similitude purement verbale, seraient essentiellement différents de
l'on
i.
Aristote, llso\
OupavoO,
A,
yj
(De Cœlo
et
Mundo,
lib. I,
cap. vin).
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITÉ DES MONDES notre terre, de notre eau, de notre
en
était ainsi,
monde
ce
effet,
air,
6l
de notre feu.
S'il
en
n'aurait, lui aussi, avec le nôtre
qu'une analogie toute verbale
ce ne serait pas, en réalité,
;
un
donc que la terre de ce monde-là ait même forme substantielle (îâéa) que la terre de ce monde-ci et l'on en peut dire autant du feu, de l'air et de l'eau. Chacun des éléments du second monde, ayant même forme second monde.
Il
faut
;
substantielle
aussi
même
que l'élément correspondant du premier, aura puissance (SJva^tç) par exemple, puisque la terre, ;
en notre monde, cherche naturellement à en gagner son mouvement naturel, dans
au centre de ce monde
;
le
second monde, tendra aussi
même,
de
la
toujours à s'éloigner du centre du il
le centre,
nature du feu
monde au
le
sein
portera
duquel
se trouve.
Fort de ses deux hypothèses, dont
la
seconde au moins ne
semblait pas découler nécessairement de sa Physique, Aristote
entreprend de prouver que l'existence simultanée de deux
mondes
est
une absurdité.
même forme substantielle que même puissance, partant aussi
La terre du second monde a
du premier, partant même lieu naturel; si on la plaçait au centre du premier monde, elle y demeurerait immobile sans aucune contrainte; dès lors, placée sans contrainte hors de ce lieu, au sein du
la
terre
second monde, par exemple,
mouvement centre
naturel; or,
il
du second monde;
nous avons vu que
le
elle doit se porter vers ce lieu
faut
par
pour cela qu'elle s'éloigne du
et cela
implique contradiction, car
mouvement
naturel de la terre au sein
du second monde consistait à s'approcher du centre de ce monde. Au sujet du mouvement du feu, on peut répéter des considérations analogues la
;
elles
coexistence de deux
A
cette
conduisent à
mondes
est
même
conclusion
:
une absurdité.
argumentation d'Aristote
trine qui paraîtrait
la
se peut
opposer une doc-
beaucoup plus plausible à nos modernes
habitudes d'esprit.
Une le
portion de terre a tendance à se mouvoir à
centre
du premier monde
et vers le centre
la fois
vers
du second; en
ÉTUDES SUH LÉONARD DE VINCI
62
l'un
comme
lieu
naturel;
en
de ces deux centres,
l'autre
mais
tendance qui
la
la
occuperait son
elle
un
porte vers
centre
varie avec sa distance à ce centre; lorsque cette distance croît, l'intensité
de celte tendance
s'affaiblit;
portent celte masse de terre vers la plus forte est celle c'est elle
qui entraîne
qui a
les
des deux tendances qui
centres des deux mondes,
au centre
trait
plus voisin, et
le
corps.
le
Cette doctrine était courante, sans doute, au temps d'Aristote,
en peine de l'exposer,
car, sans se mettre
Arrêtons -nous un
réfuter.
instant à
prend soin de
il
réfutation;
cette
la
elle
touche au point essentiel du sujet qui nous occupe. Il
déraisonnable de prétendre qu'un corps grave se porte
est
au centre du monde d'autant plus fortement
qu'il est plus
voisin de ce centre; ce qui le fait tendre vers ce point, c'est sa
nature
même
(?*j<nç)
donc admettre que
faudrait
il
;
d'un grave varie selon
distance qui
la
le
nature
la
sépare de son lieu
naturel; mais en quoi celte distance peut-elle importer à la
nature du corps? Deux graves inégalement distants du centre
du monde sont bien quant
différents
To
3' ilzzz
peu sensé de prétendre qu'un
même
peut admettre deux
lieux
forme substantielle,
à la
pour notre intelligence; mais,
ils
sont identiques
:
«
lo oÙto. »
D'ailleurs,
élément,
il
est aussi
la
terre,
naturels, de
même
par exemple, espèce, mais
numériquement
monde-ci
ce grave peut tendre et vers le centre de ce le
centre de l'autre
monde
;
à la
distincts
;
que
et vers
forme substantielle unique qui
un monde et dans l'autre doit corresnaturel unique, non seulement d'une unité
caractérise la terre dans
pondre un
lieu
spécifique, mais aussi d'une unité
il
le
numérique.
En dehors de la sphère éloil'ée qui borne notre monde, peutse trouver une portion quelconque de matière? Non, répond Stagiritc
1
à cette question;
hors de
la
dernière sphère,
un
corps ne peut demeurer ni naturellement ni par violence.
Un élément
ne peut avoir son lieu naturel hors de
huitième sphère; car la
huitième sphère, i.
il
et,
a déjà
son lieu naturel à l'intérieur de
nous l'avons vu, un
Arislotc, Llep'i O'JpocvoO, A,
la
{De C.œlo
et
Muiulo,
lib.
même I,
élément ne
cap. ix).
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITE DES MONDES
peut admettre deux lieux naturels. D'ailleurs,
où aucun élément Un corps ne peut, non
monde
notre
est
effet,
par
mixtes étant
être naturellement
composés d'éléments, aucun mixte ne peut situé là
les
63
n'a son lieu naturel.
plus, se trouver hors des bornes de
de quelque violence; un corps, en
l'effet
en un lieu par violence lorsque ce lieu convient
naturellement à un autre corps; mais on vient de prouver
qu'aucun corps n'avait son
lieu
naturel à l'extérieur de la
dernière sphère céleste.
du monde,
Ainsi, hors des limites
de matière. Qu'y
n'y a
il
aucune portion
donc? Le vide? Pas davantage;
a-t-il
le
nom
de vide désigne un lieu qui ne contient pas de corps, mais qui
un mais aucun corps ne peut
pourrait en contenir
hors de a pas de Il
la
;
se trouver
dernière sphère. Par delà cette sphère, donc,
il
n'y
lieu.
n'y a pas davantage de durée, car
n'y a rien de corpo-
il
partant rien qui ne soit susceptible d'altération ni de
rel,
changement. Or,
là
où aucun changement
a jamais passage de la puissance à l'acte,
vement. Avec être
le
mouvement
mesuré que par
dehors de
la
il
changement, en sorte
actuellement existante
Par
là
»
existé
comme
mou-
être qui se trouve
ignore
la
en
génération, la corruption
qu'il est éternel.
Le monde comprend ainsi en son sein toute
-a6<j[j.zç.
n'y
dernière sphère céleste n'occupe aucun lieu, en
sorte qu'il est immatériel; et le
n'y a jamais
il
il
disparaît le temps, qui ne peut
mouvement. Tout
le
n'est possible,
susceptible de
même,
« :
il
'E;
àiua-rj;
comprend
yip
la
matière
i—*. zf q otxeixç uXyjç b t
-a;
toute la matière qui a jamais
toute celle qui est possible; car la matière est
transformations^ mais elle ne saurait être ni
créée, ni détruite.
En
unique actuellement;
sorte il
que
est
le
monde
n'est pas
encore unique dans
seulement le
temps;
aucun autre monde ne l'a précédé, aucun autre monde ne le suivra; le Ciel est un, permanent et parfait « AW' eTç y.at ^ovoç :
%m
xlXtioq ûjtsç Otipavoç exuiv.
»
Telle est, en ses grands traits, la doctrine d'Aristote;
nous
allons esquisser rapidement les modifications qu'y ont apportées les
commentateurs du Philosophe.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
64
III
Le poids d'un grave varie-t-il avec la distance simpliclus, averroes, albert au centre du monde? le Grand, Saint Thomas d'Aquin. Les arguments opposés par Arislote à l'hypothèse de la pluralité des
mondes ont donné
mentaires; nous ne saurions
les
seulement notre
nous fixerons
lieu à
d'innombrables com-
analyser
ici
attention
en leur entier;
sur les
passages
capables de donner tout son sens au texte de Léonard de Vinci.
au centre
même, a dit Aristote, qu'un grave tend du monde; cette nature ne change pas lorsque
change
distance du grave à son lieu naturel; donc cette
C'est par sa nature
la
distance n'influe pas sur
pesant vers son lieu.
En
la
tendance
qui pousse
le
corps
d'autres termes, le poids d'un corps
ne varie ni en grandeur, ni en direction lorsque l'on place ce corps plus ou moins près du centre ainsi, semble-t-il, et
c'est
que doit
être
commun
comprise
la
des graves. C'est
pensée d'Aristote;
bien de la sorte qu'elle a été interprétée par divers
commentateurs. Simplicius paraît lui avoir attribué un autre sens. Voici, en effet,
ce qu'il écrit, dans ses Commentaires au
du passage qui nous occupe «
De Cœlo,
à
propos
:
L'auteur expose et réfute une instance que l'on pourrait
objecter à ce qu'il a dit; elle consiste à prétendre que la terre
d'un autre
monde ne
de celui-ci, par
tomberaient
les
se porterait pas
l'effet
naturellement au centre
de la trop grande distance; dès lors,
contradictions qui ont été opposées aux tenants
mondes; la terre de cet autre monde n'aurait plus à se mouvoir en haut ni le feu à se mouvoir en bas. 11 est déraisonnable, répond Aristote, de regarder la distance comme capable de supprimer les vertus propres des corps. Que les corps simples soient plus ou moins éloignés de de
la
pluralité
des
leurs lieux naturels, leur nature n'en devient point autre ni,
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITÉ DES MONDES
mouvement
partant, leur
en
effet,
telle
plus
de son lieu naturel par
autre? Celle-ci seulement:
il
telle
distance ou par
commence
à se
faiblement vers son lieu naturel lorsqu'il
position plus éloignée, et faiblesse
que
En ce monde -ci, possède un corps, selon
naturel différent.
quelle propriété différente
qu'il est séparé
du mouvement
la distance soit
65
il
et
mouvoir d'une
part
y a un rapport constant entre la la grandeur de la distance; mais
plus grande ou plus petite,
le
mouvement
demeure de même espèce. Si donc il existait des corps simples dans un autre monde, ils se mettraient en mouvement plus lentement que les corps situés en celui-ci, en proportion de leur plus grande distance; mais l'espèce du mouvement qui leur est naturel n'en serait pas changée, car cette espèce résulte de leur substance
prendre tion
la
grandeur de
ou de corruption
Comme centre
même,
et
la distance
substantielle.
serait
déraisonnable de
comme
cause de généra-
il
»
Aristote, Simplicius pense qu'à toute distance
du monde, un corps grave
du
centre,
se dirige vers ce
tandis qu'un corps léger s'en éloigne; ni l'existence de cette
tendance, ni sa direction ne varient avec
tendance
l'intensité de cette
est
la
distance
mais
;
inversement proportionnelle
un monde en dehors du nôtre, une masse de terre, placée au sein de ce monde, continuera à être portée vers le centre du nôtre, bien qu'avec une très faible gravité. Ne peut-on, dès lors, raisonner ainsi? Deux tendances sollicitent cette masse l'une, faible, vers le centre de notre monde; l'autre, forte, vers le centre de l'autre monde; cette dernière l'emporte. C'est bien là, sembleà la distance
;
s'il
existe
:
t-il,
l'objection qu'Aristote prétendait réfuter et
cius, infidèle à la
que Simpli-
pensée du Stagirite, ne réfute nullement;
le
philosophe athénien ne paraît pas avoir conçu que deux tendances différentes pussent coexister en un
composer entre Simplicius nous
s'y
le
paraît donc, en ce point, avoir
méconnu
Averroès semble, au contraire, en avoir
sens exact.
Le philosophe de Cordoue expose P.
corps et
elles.
la doctrine d'Aristote;
pénétré
même
DLHEM.
très
longuement, en 5
ses
;
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
06
commentaires au De Cœlo l'argumentation d'Aristote contre la pluralité des mondes. Lorsqu'il parvient au passage qui nous occupe en ce moment, il s'exprime en ces termes 1
,
2
:
«
en
examine ensuite une objection... On pourrait dire, que la terre de l'autre monde ne se meut pas vers le
Aristote effet,
centre de ce monde-ci, ni inversement, bien que la terre soit de
même
nature dans les deux mondes;
et qu'il
des autres éléments. Si l'on prend, en l'un de ces éléments,
il
effet,
ne se trouve pas
en
même
de
est
un corps formé de
à égale distance des
deux
lieux naturels semblables qui lui conviennent en ces
mondes;
et
bien qu'il demeure toujours
deux lieux naturels dont
vers celui de ces
Par exemple,
meut-elle vers elle se
si
de notre
La terre
même monde que du
de ce
le
monde
il
même,
se
il
trouvait dans l'autre
monde- là. demeure toujours la même,
est le plus voisin.
est plus voisine
du centre
non monde, et
vers le second; mais elle se dirigerait vers
Ainsi donc, bien que sa nature cette
terre
serait susceptible
deux mouvements contraires selon sa proximité ou son
gnement de deux différemment;
meut
centre de l'autre univers; aussi se
premier centre
centre de ce
le
le
de
éloi-
lieux spécifiquement semblables, mais situés
elle
pourrait se mouvoir soit du premier centre
vers le second, soit
du second centre vers
le
premier, bien
que ces deux mouvements fussent opposés l'un à
l'autre.
Sans
doute, l'élément, en tant qu'il est simple, ne peut se mouvoir
de deux mouvements contraires; par
l'effet
de
la
mais cela devient possible
proximité ou de l'éloignement; car
mité ou l'éloignement surajoutent quelque chose à cité
proxi-
la simpli-
de sa nature; en vertu de la composition qui en résulte,
ce corps peut, à deux époques différentes, se
mouvements opposés. «
la
Aristote répond
mouvoir de deux
»
que ce discours
n'est
pas raisonnable.
Les mouvements naturels des corps ne diffèrent les uns des
que par
autres
suite
des différences qui existent entre les
Cœlo liber primus eum Averrois Cordubensis Commentariis t. Aristotelis De Suimna octava Quod mundus est unus numéro tautum. Summa noua Quod est extra mundum neque vacuurn, neque plénum. a. A\erroès, loc. cit. Summa octava: Quod mundus est unus numéro tantum. Cap. ni Dubitaliones solvit, quibus existimari potest plures esse mundos. :
:
:
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITÉ DES MONDES
formes substantielles;
dans
la relation,
différences qui peuvent subvenir
les
dans
67
quantité ou dans tout autre prédi-
la
cament ne sauraient rien changer à ces mouvements; or, un changement de proximité ou d'éloignement n'atteint pas la substance.
»
Sachez, à ce sujet, que
((
aucune influence,
proximité
la
et
mouvements
ce n'est dans les
si
l'éloignement n'ont des corps
qui se meuvent sous l'action d'une cause extérieure, car alors
corps peuvent être proches ou éloignés de leur moteur.
ces
Aussi
opportun de prouver
est-il
que
ici
mouvements des
les
éléments n'ont point leur cause hors de ces éléments. Cette peut sembler
proposition
d'elle-même;
évidente
Aristote,
toutefois, l'appuie de considérations destinées à contredire ce
que
les
anciens philosophes disaient du repos
ment des éléments, de
son
et
masse de
la
lieu
naturel.
Or,
meut pas vers
terre ne se
il
au
philosophes assi-
ces
terre,
effet,
une attraction mutuelle entre
gnaient pour cause entière
en particulier; en
la terre
mouvement de
repos et au
du mouve-
et
la
terre
manifeste qu'une
est
la terre entière, quelle
que
terre
du globe terrestre; en effet, si c'était vers la entière que se meut une portion de la terre, il en serait
de ce
mouvement comme du mouvement du
soit
position
la
dès lors,
et,
ment vers Dès
u
point
là
il
le
haut.
que
l'effet
le
terre se
la
mût
naturelle-
»
mouvement de
soit
par
la
centre n'est
la terre vers le
d'une attraction produite
lui-même,
lieu
pourrait arriver que
fer vers l'aimant;
soit
par la nature du
nature du corps qui occupe ce lieu,
non plus l'effet d'une expulsion provenant du mouvement du ciel, il est clair que le raisonnement
qu'il
n'est
point
d'Aristote est concluant.
»
Les développements par lesquels Averroès paroles trine
du
que
Stagirite sont très celui-ci
même presque s'exprime « 1.
le
exactement conformes à
expose en d'autres passages
éléments se meuvent vers
Aristote, llepi
OOpavo-j, A, y (De Cœlo
et
le
Mundo,
ils
;
textuellement empruntés. Voici, en
Philosophe au quatrième livre du
Si certains
commente
les
la
doc-
lui
sont
comme Du Ciel
effet,
traité
haut,
1
si
lib. IV, cap.
:
d'autres
m).
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
68
éléments se meuvent vers
meut
vers le lieu où
vient le mieux...
Il
que chacun d'eux
bas, c'est
le
aura pour borne
il
faut
donc que
élément vers son lieu naturel
le
soit
le
se
corps qui lui con-
mouvement de chaque un mouvement vers la
perfection de sa forme. C'est dans ce sens qu'il faut interpréter cette doctrine des anciens philosophes
meut vers son semblable.
se
Ils
ne faut pas l'interpréter à
manière de certains philosophes qui croient que vers la terre. Cela, en
effet,
l'on prenait la Terre et
qu'on
Lune, ce n'est pas vers de cette
même
auparavant.
terre,
la terre se
mît à
où
la place
la
meut
certainement impossible.
est la
Le semblable
:
Si
se trouve la
Terre que se porterait une portion
la
mais vers
le lieu
où
la
Terre se trouvait
»
La pesanteur
est- elle,
comme
le
voulaient
les
pythagori-
ciens, l'effet d'une attraction élective, d'une sympathie, qui
cherche à réunir
les
divers fragments d'un
même
élément?
Est-elle,
selon la doctrine péripatéticienne, une tendance par
laquelle
la
atteindra
forme du grave
sa
perfection?
vers
s'efforce
Telle
est
discussion
la
où
lieu
le
que
elle
nous
trouvons impliquée en cette autre question: Peut -il exister
deux Univers? Averroès nous
a clairement
montré
la
mutuelle
dépendance de ces deux problèmes. Albert
le
Grand
roès; citons «
commentaire
suit ici de très près le
un passage de 1
Peut-être quelque
sa longue exposition
contradicteur
d' Aver-
:
prétendra -t- il
que
la
nature des corps élémentaires, lorsque ces corps sont situés
en des mondes différents, distance plus ou
se
trouve modifiée par suite de la
moins grande qui
les
sépare de leurs lieux
monde, rapprochée du centre
naturels; par exemple, de la terre, placée hors de notre
du centre de ce monde et de l'autre; elle est donc influencée par la nature de ce dernier centre et non par la nature du premier, en sorte qu'elle se meut vers le dernier centre et non vers le premier; ainsi voyons-nous que l'aimant attire un morceau de fer voisin, est éloignée
i. Liber primus De Cœlo et Mundo Alberti Magni traclatus primus, iu quo subtilissime habctur ulriim mundus sit unus velplures; capitulum secuudum, de conlradictione eorum qui dicuut elementa divcrsorum mundorum moveri ad euudeni imtndum. ;
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITE DES MONDES
69
car celui-ci acquiert une certaine propriété provenant de la pierre attirante; mais l'aimant n'attire pas
un morceau de
fer
éloigné, car la vertu de la pierre ne parvient pas jusqu'à ce
morceau de fer. » u Nous répondrons que
ce discours n'est pas
conforme aux
règles de la raison et qu'il est, par conséquent,
mouvement si
des éléments n'est pas
éléments
les
serait
attiré
se
l'effet
mouvaient par
d'une attraction; car
chacun d'eux
attraction,
par son semblable; en sorte que
une plus grande
erroné. Le
si
l'on plaçait
terre au-dessus d'une terre plus petite, celle-ci
monterait nécessairement vers celle-là. Ainsi donc, un
mou-
vement qui dépend de la proximité ou de l'éloignement est un mouvement produit par un moteur extrinsèque mais le mouvement des éléments est dû à un moteur intrinsèque. » ;
«
Nous avons
dit,
en
au huitième livre des Physiques
effet,
:
Quand un élément est engendré, ce qui l'engendre lui donne non seulement sa forme, mais tout ce qui résulte de cette forme il lui donne, en particulier, le mouvement naturel et ;
le lieu
naturel, qui sont des conséquences de la forme intrin-
sèque. Si donc la proximité ou l'éloignement
il
faudrait que cet
lieu naturel
forme substantielle de l'éléélément fût composé de deux formes
avait quelque influence sur
ment,
du
la
ayant des propriétés opposées; l'une de ces formes
tirerait le
une forme émanée du corps attirant, semblable à la forme que l'aimant produit dans le fer; l'autre serait la forme naturelle donnée corps vers ce qui est
par elle
le
le
plus voisin
;
ce
serait
générateur; sans qu'aucune attraction
déterminerait
naturel
;
elle serait
que l'aimant
attire.
le
mouvement du
comparable
à la
ait
à intervenir,
corps vers son lieu
forme pesante dans
le fer
Les éléments seraient donc composés; et
mouvement d'un tel élément serait composé de deux mouvements distincts, tout comme le mouvement d'une terre qui s'approcherait du centre d'un monde en s'éloignant du tout
centre d'un autre monde... «
La coexistence de deux
»
telles
formes
donc conclure qu'un corps peut éloigné de son lieu naturel sans que
faut
est impossible. Il
être sa
plus ou
en
moins
forme en éprouve
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
-O
aucun changement; ...qu'il soit proche ou éloigné de son lieu naturel, il se meut toujours d'un mouvement simple. » La forme substantielle d'un élément grave, forme par laquelle
tend
il
son lieu naturel, n'éprouve donc aucune
à
que
diversité de ce fait
centre
du monde
ment
d'Aristote
;
le
corps est plus ou moins éloigné du doctrine, conforme à l'enseigne-
telle est la
qu'Albert
d'Averroès,
et
Grand soutient
le
d'une manière formelle; on peut, croyons-nous,
langage moderne, sans trop
en
la trahir,
la
la
traduire en
formulant ainsi
:
Le poids d'un grave ne change pas de grandeur lorsque ce corps s'approche ou s'éloigne du centre du monde. Cette doctrine n'est assurément pas celle de saint
d'Aquin
;
Docteur Angélique semble
le
Thomas
suivre l'opinion
de
Simplicius selon laquelle la distance au centre du monde, sans
changer aucunement l'espèce de grave, en
fait
selon lui,
le
par suite de
varier l'intensité;
changement
la
Voici
d'intensité
que
la
cette opinion;
pesanteur éprouve
proximité plus ou moins grande du terme auquel
comment s'exprime
Pour
«
même
précise
mouvement du corps
tend explique l'accélération du
elle
Aristote,
on
différente selon
la
tel
lieu naturel lorsqu'il
En
Docteur Angélique
comme
grave.
1 :
déraisonnable l'opi-
nature d'un corps élémentaire serait
que ce corps
son lieu propre, à
est éloigné.
le
doit regarder
nion d'après laquelle
en
il
forme substantielle du
la
serait plus
ou moins distant de
point que ce corps se mouvrait vers son
en est rapproché, mais non pas lorsqu'il
effet,
il
ne paraît pas que
la
distance plus
ou moins grande qui sépare un corps de son lieu puisse déter-
miner un changement dans
mathématique des différence de nature.
la
nature de ce corps
intermédiaires Il
est
ne
peut
;
la différence
entraîner
raisonnable qu'un corps se
une
meuve
d'autant plus rapidement qu'il approche davantage de son lieu
que l'espèce du mouvement
du mobile demeurent invariables; car la différence de vitesse est un changement de quantité, et non un changement spécifique, naturel, bien
tout i.
liber
comme Sancti I,
la
différence de distance.
Thom;p Aquinatis Commentaria
lcctio \\i.
et l'espèce
»
in libros
Aristotelis de Ccelo et
Mundo
;
LÉONARD DE VTNCI ET LA PLURALITE DES MONDES
en
D'ailleurs,
Thomas pouvait du
une
émettant se
Stagirite, bien
semblable
opinion,
prétendre fidèle interprète de
qu'Averroès
et
Albert
71
pensée
la
Grand
le
saint
l'eussent
comprise autrement.
pour
C'était
la
Physique péripatéticienne, en
incontesté que cette proposition
*
effet,
un axiome
:
meut un certain corps avec une certaine vitesse, il faudra une force ou puissance double pour mouvoir le même corps avec une u
une certaine force
Si
vitesse double.
(bx'J ?)
ou puissance
($ùvx\uq)
»
axiome on tirait naturellement ce corollaire Si un corps tombe de plus en plus vite au fur et à mesure qu'il s'approche du centre de la terre, c'est qu'en même temps son
De
cet
:
poids va croissant.
reconnu ce corollaire de
Aristote paraît bien avoir
mique
même
qu'il professait,
où
2
et
en avoir
se trouve le passage qui
Au
usage.
fait
nous occupe,
la
Dyna-
chapitre
entreprend
il
de prouver qu'un corps ne peut se mouvoir indéfiniment «
La
terre,
»
dit-il, «
nous
plus rapidement qu'elle
même
meut d'autant s'approche davantage du centre; de prouve, car
le
elle se
meut d'autant plus rapidement qu'il s'élève donc le mouvement d'un de ces corps se pour-
feu se
le
davantage.
Si
suivait jusqu'à l'infini, la vitesse croîtrait à l'infini. Or,
de
était ainsi
ou de
la vitesse,
«
en serait de
il
la
commente
suit
Simplicius, lorsqu'il écrit 3 vite qu'elle
2.
liber
la
«
et à
mesure
»
encore en ce point l'opinion de
La
terre se
cause suivante
meut d'autant plus
:
Plus
le
il
faut attri-
corps grave
<Pu<xtxY]ç àxpodcaswç xo Z, s (Physicœ auscultationis lib. VI, Uepi Oùpavod, I\ p (De Cœlo et Mundo, lib. III, cap. 11). (De Cœlo et Mundo, lib. 1, cap. vin). Aristote, Iïep\ Oùpavou, A, Sancti Thomae Aquinatis Commentaria in libros Aristotelis de Cœlo et Mundo, Aristote,
cap. v)
3.
:
»
lieu et que, par conséquent,
descend davantage... Avec Aristote,
buer à cet accident 1.
de la gravité
pesanteur d'un corps se renforce au fur
Thomas d'Aquin
en
aussi à l'infini.
forme acquiert une perfection plus grande. Saint
s'il
ce passage, y voit l'affirmation
que ce corps s'approche de son sa
même
la légèreté, c'est-à-dire qu'elle croîtrait
Simplicius, qui
que
:
—
y)
I,
lectio
xvn.
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
-2
descend, plus sa pesanteur se trouve accrue par suite de plus grande proximité de son lieu naturel; de
conclure que
là,
on peut
vitesse croissait à l'infini, la gravité croî-
si la
Et
trait aussi à l'infini.
il
en
est
de
même
de
la légèreté.
La pesanteur résulte- 1- elle d'une attraction que grave éprouve de
la
la
»
le
corps
part des corps semblables? Est-elle
l'effet
d'une tendance, intrinsèque au corps, par laquelle sa forme substantielle cherche le lieu
où
elle atteindra sa perfection?
Le poids d'un corps demeure-t-il indépendant de la distance de ce corps au centre du monde? Est-il, au contraire, d'autant plus grand que
le
grave est plus près de son lieu naturel?
Ces graves questions sont, en
indissolublement
liées à ce
mondes? Nous allons voir que
Physique
la
problème
Existe-t-il
:
scolastique,
un ou
plu-
sieurs
ce
problème soulevait encore des
diffi-
cultés d'une tout autre nature.
IV La pluralité des mondes et la toute-puissance de Dieu. Michel Scot; Saint Thomas d'Aquin;
Guillaume
Etienne Tempier; La doctrine avec
le
dogme
d'Aristote,
en
effet,
d'Ocram.
trouve en contradiction
se
chrétien.
Aristote ne se borne pas à nier, en
de plusieurs mondes;
il
prétend
fait,
avoir
l'existence actuelle
démontré
que
coexistence de deux univers serait une absurdité. Cette
mation concorde
fort bien
la
affir-
avec la Métaphysique du Philo-
sophe, qui n'attribue à Dieu aucun pouvoir créateur. Mais n'est-elle
pas en contradiction avec la notion chrétienne de
Dieu?
Dieu
Si
le Ciel et la
est le Tout-Puissant,
Terre, osera-t-on prétendre que sa puissance créa-
trice est épuisée
mera-t-on
capable de faire de rien
qu'il
par
ne
la
formation d'un
saurait,
monde unique?
Affir-
en dehors de ce monde, en
produire un ou plusieurs autres?
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITÉ DES MONDES
Dès
xm
le
e
objections étaient formulées contre
siècle, ces
nous
Aristote;
trouvons, en
les
Une
II,
dans un commentaire
effet,
à la Sphère de Sacro Bosco, qu'à la
Frédéric
"fi
1
demande de l'empereur
Michel Scot composa vers 12 25 ou i23o.
des premières questions examinées par Michel Scot est
mondes? Pour prouver l'impossibilité de plusieurs mondes, l'astronome de Frédéric II reproduit sommairement le raisonnement d'Aristote; mais il le fait précéder d'un argument nouveau et celle-ci
Existe-t-il
:
fort étrange «
Entre
il
existerait nécessairement
ou bien
serait
mondes.
dans
la nature,
livre
des
mondes.
A
aucun
donc vide;
comme
Physiques;
cet espace,
ne
il
l'a
peut
monde,
bornent tous
qui
remplisse
cet
ne peut y avoir de vide démontré au quatrième
il
donc y avoir
plusieurs
»
la suite
:
certain espace.
à tout
corps qui
or,
Aristote
de l'argumentation d'Aristote contre
des mondes, Michel Scot ajoute ceci
sphères
des
n'existe
espace, cet espace est
serait étranger
effet,
en dehors
S'il
les
ne peut exister de corps qui remplisse
en
ce corps,
puisqu'il les
il
un
un corps occupant
existerait
il
ou bien non. Mais ce lieu;
convexes des sphères qui limitent
les surfaces
lors,
plusieurs
:
divers mondes,
Dès
un ou
:
« Il
en
est
la pluralité
qui prétendent
Dieu, qui est tout-puissant, a pu et peut encore créer,
outre ce
monde-ci,
un
autre
monde, ou plusieurs autres de mondes, en composant ces
inondes, ou
même une
mondes
d'éléments semblables à ceux qui forment celui-ci,
soit «
Il
soit
infinité
d'éléments différents.
»
A
cette proposition, Scot
répond
Cela, Dieu peut le faire, mais la nature ne le peut résulte de la nature
chaines
et
essentielles,
même du monde, que
la
pluralité
:
subir.
de ses causes prodes
une impossibilité; Dieu cependant pourrait
mondes
faire
est
plusieurs
Eximii atque excellentissimi physicorum motuum cursusque siderei indagaMichaelis Scoti super Auctore Spherœ, cum qusestionibus diligenter emendatis, expositio confecta illustrissimi Imperatoris Domini D. Frederici prœcibus. Cet écrit se trouve dans les collections de traités astronomiques imprimées à Venise, par Octaviauo Scoto de Modène, en i5i8, et par Luca Antonio Giunta de Florence, 1.
toris
en i5i8
et
en i53i.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
-y4
mondes,
s'il le
voulait,
en
faut,
II
n
puissance de Dieu prise absolument,
ment au
sujet de son
opération.
distinguer entre la
effet,
sa puissance relative-
et
des choses dont
est
Il
puissance de Dieu, considérée absolument, ces choses ne
que
tant
la
capable; mais
est
peuvent être réalisées par sa puissance, prise en
relative,
parce que
la
nature n'est pas susceptible de
recevoir ces actions de la puissance divine; c'est ainsi que la
nature ne saurait recevoir plusieurs mondes. Ernest Renan
appelé
a
Michel
1
Scot
:
fondateur
le
de
l'Averroïsme. Le passage que nous venons d'analyser n'est
pas de nature à
Michel Scot, dont
réformer ce jugement.
faire
Le
puissance créatrice trouve devant
la
Dieu de elle
une
nature déjà déterminée; ce Dieu qui ne peut agir, sinon dans
où
la limite
bien plutôt
fois, et
du
le
Dieu d'Averroès que
Thomas d'Aquin
Saint
son opération,
cette nature est apte à subir
Dieu des Chrétiens.
le
mieux que Michel Scot ne
de sauvegarder
2
efforcé
s'est
c'est
à la
l'avait su faire, la doctrine
Stagirite et la toute-puissance de Dieu. «
Sachez,
»
dit le
Docteur Angélique,
«
que plusieurs
s'effor-
cent de démontrer par d'autres voies la possibilité de plusieurs
mondes. «
»
un premier argument
Voici
puissance de Dieu est infinie;
la
monde; mais la production de ce monde unique :
Dieu
n'en atteint donc pas les bornes;
tendre que
—A
cet
le
argument
faut
il
il
sagesse.
d'entre
il
S'il
ferait
les
répondre ainsi
déraisonnable de pré-
S'il
œuvre
faisait
:
Si
Dieu
faisait d'autres
semblables à celui-ci, ou bien
les ferait
les ferait différents.
à celui-ci,
est
Créateur ne puisse produire aucun autre monde.
mondes, ou bien il
il
a fait le
les faisait
entièrement semblables
vaine, ce qui ne convient pas à sa
dissemblables,
c'est
eux ne comprendrait en lui-même
qu'alors la
totalité
nature du corps sensible; aucun d'eux ne serait parfait,
aucun de
la
et c'est
un monde unique et parfait. » Plus une chose est le suivant
leur ensemble qui constituerait «
i.
a.
liber
Un second argument
est
:
Ernest Renan. Averroès et l'Averroïsme, essai historique; Paris, i85i>. p. i65. Saucti Thomae Aquinatis Commentaria in libros Aristotelis de Cœlo et Muncio; I,
lertio xi\.
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITE DES MONDES
75
noble, plus son espèce a de puissance pour se réaliser; or,
monde
est
de plus noble espèce qu'aucun des objets naturels
renferme;
qu'il
le
si
donc
exemple
l'espèce d'un tel objet, par
du cheval ou du bœuf,
capable
est
plusieurs
de parfaire
individus, a fortiori l'espèce de l'univers peut- elle parfaire
— A cela nous répondrons
plusieurs individus.
qu'il faut plus
grande puissance pour produire un seul individu parfait que
pour produire un grand nombre d'individus imparfaits;
or,
individus appartenant aux choses naturelles qui se trou-
les
monde
vent en ce
sont
comprend en lui-même mais, au contraire,
le
tout ce qui convient à son espèce;
monde
possède cette sorte de perfection;
cela suffît
pour manifester que son espèce
que toutes
les autres.
On
«
aucun d'eux ne
imparfaits;
tous
est plus puissante
»
peut, en troisième lieu, faire cette objection
:
Il
vaut
mieux multiplier les meilleures choses que les choses moins bonnes; il vaut donc mieux créer plusieurs mondes que plusieurs animaux ou plusieurs plantes. À quoi nous réponIl importe à la bonté même du monde qu'il soit drons unique; l'unité est la raison même de sa bonté; nous voyons, :
en
effet,
de
la
que
division suffît à faire déchoir certaines choses
la
bonté qui leur
est propre.
»
argumentation de saint Thomas ne parvint pas à convaincre les théologiens chrétiens qu'il fût possible de
La
subtile
concilier
deux
ces
de Dieu est illimitée.
affirmations Il
est
La
:
puissance
créatrice
impossible qu'il existe plus d'un
Univers limité. Suivant pier,
les
évêque de Paris,
erreurs
du pape Jean XXI, Etienne Temune enquête sur les principales
instructions fit
péripatéticiennes
et
averroïstes
qui
contaminaient
mars 1277, après avoir pris conseil des maîtres en théologie et autres prud'hommes, il porta condamnation contre deux cent dix-neuf propositions l'enseignement de l'Université. Le
7
l
.
Parmi
ces propositions regardées
vaient toutes celles que le 1.
anno
Denifle
MCG
ad
et
Châtelain,
Philosophe
Chartularium
annum MCCLXXXVI.
comme
Art.
^3,
et le
Universitatis p. 543.
erronées, se trou-
Commentateur
Parisiensis,
tomus
I,
ab
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
-jG
toute -puissance
avaient affirmées et qui contredisaient à la
créatrice de Dieu; on y lisait en particulier celle-ci, qui était
trente-quatrième
la
mundos Ce
facere.
n'était
l'opinion
:
Quod prima causa non
posset plures
»
évidemment pas
d'Aristote
Philosophe
«
s'était
;
trompé
réfuter
et
laume d'Ockam, toujours ardent puissance divine et a briser
montrer en quoi
encore
fallait
il
que de déclarer erronée
assez faire
ses
le
arguments. Guil-
à défendre la liberté de la
barrières
les
par lesquelles
la
raison péripatéticienne prétendait borner son domaine, Guil-
laume d'Ockam, disons- nous, assuma cette tâche; en son commentaire aux Livres des sentences de Pierre Lombard, il consacra une question entière
à ruiner les arguments par
1
lesquels le Stagirite avait cru prouver l'impossibilité de
deux
mondes. Le Stagirite affirmait que élément tendent toutes
et
diverses parties d'un
les
même
nécessairement vers un lieu naturel
unique; qu'il ne peut donc exister deux mondes dont
les
centres seraient, pour la terre, deux lieux naturels distincts.
Voici ce que Guillaume «
Tous
les
d'Ockam
répond
lui
un élément de même naturel si on les place
individus appartenant à
espèce se mouvront vers
un même
successivement dans une
même
:
lieu
position hors de ce lieu;
n'en résulte pas qu'ils se meuvent toujours vers naturel;
il
voici
»
un exemple patent
:
«
l'on
Si
régions différentes de la Terre deux feux de s'élèveront tous le
même
fois,
à la
deux vers
le ciel,
mais
ils
place
même
en deux espèce,
ils
ne tendront pas vers
mouvront vers deux lieux distincts; toutesi l'on prenait le premier de ces deux feux et qu'on le mit place où se trouvait d'abord le second, ce premier feu lieu; ils se
tendrait vers le lieu où le second tendait «
lieu
peut se faire qu'ils se meuvent simultanément vers
des lieux différents.
En
un même
il
11
en serait de
même
dans
la
précédemment.
»
question qui nous occupe.
i. Mayistri Guilhelmi de Ockam Super quatuor libros sententiarum unnotationes; Lugduni, MCCÇCXCV. Libri primi sententiarum distinctio XLIV; quœstio unica Utruin Deus possel facere mundum meliorem isto nmndo. :
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITE DES MONDES Si l'on prenait
qu'on
appartenant à l'autre univers
la terre
mît en cet univers-ci,
la
la terre
de
77
même
au
elle tendrait
lieu
et
que
de notre univers. Mais, lorsqu'elle se trouve hors de
cet univers-ci, lorsqu'elle est à l'intérieur de l'autre ciel, elle
ne se meut plus vers
du
le
centre de notre
monde
pas plus que
;
meut vers le lieu auquel il tendrait s'il était placé à Paris. Ce n'est donc pas simplement parce que ces deux terres sont numériquement distinctes qu'elles se meuvent vers deux lieux distincts, comme le prétendait l'objection que réfute Aristote; elles se meuvent vers des lieux feu placé à Oxford ne se
distincts parce qu'elles
occupent des positions différentes à
comme deux
l'intérieur de cieux différents; tout
feux, par l'effet
de leurs situations différentes, se meuvent vers des parties différentes
du
ciel. »
Les péripatéticiens seront-ils convaincus par cette argumen-
Non mouvement
tation
répondront avec leur maître
certes, car ils
?
naturel de la terre au sein du second
portera au centre de ce second
monde; par
là,
:
monde
Le la
arrivera qu'il
il
du centre du premier; la terre s'éloigne donc par mouvement naturel du centre de notre monde partant, lors-
l'éloigné
;
tombe vers ce centre, c'est par mouvement violent, en vertu de cet axiome Si un corps s'éloigne d'un lieu par mouvement naturel, il ne peut s'approcher de ce lieu que par qu'elle
:
mouvement
violent.
Guillaume d'Ockam n'hésite pas à le corriger
:
« Si, » dit-il,
d'un lieu quelle que vers ce lieu que par
soil
«
un corps
sa position
mouvement
axiome ou, mieux,
à nier cet
s'éloigne naturellement
initiale, il
ne pourra tendre
violent. Mais
ne s'éloigne
s'il
naturellement de ce lieu qu'à partir de certaines positions il
n'est pas nécessaire qu'il s'en
vement «
du la
Du ciel
violent.
approche toujours par mou-
»
feu placé entre le centre
du monde
nous en donne un exemple;
si 7
toutefois,
on
le
et la
circonférence
lorsqu'il tend vers la partie
plus voisine de cette circonférence,
opposée;
initiales,
il
s'écarte de la partie
plaçait entre le centre et cette
dernière partie, c'est vers celle-ci qu'il tendrait naturellement.
Le Philosophe a encore donné un autre argument contre
»
la
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
n8
pluralité des
mondes.
formé de toute
ciel est
Que répondra Ockam
ne peut exister plusieurs cieux, car
Il
matière qui convient à sa nature.
la
à cet
argument?
«
Que
de toute
la
toute
matière qui peut exister. Dieu, en
la
nouveau de
à
comme
matière céleste,
la
composé mais non de
le ciel est
convenable déjà existante;
matière
le
peut créer
effet, il
peut créer une
nouvelle quantité de matière de n'importe quel corps.
»
V La pluralité des mondes selon Albert de Saxe. L'argumentation de Guillaume d'Ockam ne put, de prime abord, convaincre les philosophes de l'École que la coexis-
mondes
tence de plusieurs
n'était point
une absurdité
et
que
démonstrations d'Aristote n'étaient nullement concluantes.
les
Jean de Jandun, par exemple, qui n'a pu ignorer
la discus-
sion exposée par le chef des nominalistes, ne paraît en avoir retenu.
rien
que
Il
emprunte
à
«
frère
en faveur de
l'on fait valoir
aussi
•
preuves qu'ont données Aristote et
cette
les
raisons
mondes
conclusion
:
«
Mundos
et
y joint un résumé des Commentateur, et, sans
il
le
condamnation portée par Etienne Tempier,
souci de la
mule
»
pluralité des
la
réfutation de ces raisons;
la
Thomas
il
for-
plures esse est impossibile.
»
Albert de Saxe, lui aussi, conclut contre la pluralité des
mondes, mais son opinion ne paraît pas aussi fermement arrêtée
que
de Jean de Jandun. Cette opinion appelle
celle
tout particulièrement notre avait en
mains
les
examen
Subtilissimse
attentif;
Léonard, en
quœsllones
effet,
composées par
De Cœlo d'Aristote; il les étudiait précisément à l'époque où il écrivait le texte que nous avons cité et la comparaison du texte de Léonard avec l'exposition Âlbertutius sur
le
;
d'Albert de Saxe nous montrera bien aisément que cette exposition a suggéré la i.
in
pensée du Vinci.
Joannis de Janduno/n libros Aristotelis de Cœlo et Mundo quxstiones subtilissimx quiestio XXIV An sit possibile esse plures mundos?
librum
I
:
;
DES MONDES
79
arguments favorables
à la plu-
LÉONARD DE VINCI ET LA
Albert de Saxe connaît
les
mondes qui ont
des
ralité
l
PLUll ALITÉ
été
exposés par
Thomas
saint
bon et parfait que de ne le pas multiplier; mais le monde est bon et parfait; il vaut donc mieux qu'il existe plusieurs mondes qu'un seul et comme Dieu peut faire qu'il en soit ainsi, et que, parmi tous d'Aquin
mieux multiplier ce qui
«Il vaut
:
est
;
Dieu
possibles,
les
toujours
réalise
nécessairement plusieurs mondes. Cet argument, Albertutius vrai que la
Jandun
;
car
s'il
en
était ainsi, ;
mais
il
:
« Il
n'est pas toujours
il
mieux
serait
et cela est faux,
Cette riposte avait été
qu'il y
parce qu'im-
donnée déjà par Jean de
2 .
Albert de Saxe connaît également
Ockam
existe
il
»
le réfute
eût plusieurs dieux qu'un seul »
meilleur,
mutiplication d'une bonne chose soit meilleure
que son unité possible.
le
a prétendu
les
objections par lesquelles
ruiner les raisonnements du Slagirite
s'en faut bien qu'il leur accorde la valeur
que
le
3 ;
grand
nominaliste leur attribue. Selon Guillaume d'Ockam,
les
même
diverses parties d'un
élément ne tendent pas forcément vers un lieu naturel unique:
Nous voyons, en effet, qu'un feu peut tendre vers son lieu naturel en montant vers le pôle nord et un autre en montant vers le pôle sud, en sorte qu'ils tendent vers deux lieux numé«
a Ces A quoi Albert de Saxe répond deux feux se meuvent vers un lieu qui, pris dans son ensemble, est numériquement unique; c'est la concavité de l'orbite lunaire; bien que les diverses parties du feu élémentaire tendent vers des lieux partiels qui sont numériquement distincts. » C'est encore à Ockam qu'est empruntée cette objection
riquement
distincts.
»
:
:
semble que
« 11
la
distance
En
ait
quelque influence sur
la gravité
une certaine masse de feu se trouvait au centre du monde, elle se mouvrait vers le ciel, qui
et
sur la légèreté.
1.
effet,
si
Qusestiones subtilissimae Alberti de Saxonia in libros de Utrum sint vel possint esse plures mundi.
quaestio XIII 2.
Jean de Jandun,
3.
Qusestiones subtilissimœ Alberti de Saxonia in libros de
XH
Cœlo
Mundo;
libri
I
et
Mundo;
libri
I
loc. cit.
Cœlo
Utrum, supposito quod essent plures mundi, moveretur ad médium alterius mundi?
quœstio
et
:
:
terra
unius mundi
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
80 est le lieu
du
de
feu,
qu'une partie se dirigerait vers
telle sorte
pôle nord et une autre vers
le
pôle sud; tandis que
le
du monde
plaçait cette niasse de feu entre le centre
l'on
si
et le ciel,
mouvrait tout entière vers une même partie du ciel, » savoir, vers celle qui est la plus proche de ce feu. Mais Alber« La distance tulius n'est point embarrassé par cette objection
elle se
:
peut bien faire que
les diverses parties
d'un
tendent vers leur lieu par des voies diverses
;
même
mais
élément
elle
ne peut
qu'un corps cesse de tendre vers son lieu naturel. » Une autre considération pourrait faire supposer que le poids
faire
«
Lorsque
la terre se
rel. » «
trouve en ce centre, elle ne pèse plus
Bien au contraire,
en son
lieu, sa
est
»
répond Albert de Saxe;
tendance
qu'elle se trouve hors de Il
du monde
:
;
semble avoir perdu toute inclination vers son lieu natu-
elle
est
au centre
corps dépend de sa distance
d'un
donc faux que
est d'y
son
ne
lorsqu'elle
demeurer, tandis que tendance à
lieu, elle a
la terre
«
lors-
s'y rendre...
grave lorsqu'elle se
soit plus
trouve en son lieu naturel; puisqu'elle est douée de gravité lorsqu'elle se trouve hors de ce lieu, elle cette gravité
y parvient, perdre lieu naturel
comme
;
elle
hors de ce lieu
;
ne saurait, lorsqu'elle
donc grave en son
est
mais
cette gravité a
un
certain office lorsque la terre est hors de son lieu et
dans
lorsqu'elle se trouve en son lieu;
incline la terre au le
second cas,
mouvement
elle l'incline
vers son lieu naturel
au repos.
Les considérations qu'Albert
premier
le
elle
dans
»
valoir
fait
autre
cas, et,
un
ici
se rattachent à
une de ses doctrines favorites, dont nous avons touché quelLa gravité d'un corps est ques mots en une précédente étude l
:
invariable, mais elle peut exister soit à l'état actuel, soit à l'état potentiel.
Une
autre doctrine d'Albert de Saxe
importantes qui
dues
et l'une
— consiste à affirmer
des plus 2
qu'une
demeure en repos lorsque son centre de gravité trouve au centre du monde. Si donc de la terre formait une
masse de se
lui soient
—
i.
ilbert de
série, p. 3.
terre
Saxe
et
Léonard de
Vinci, II (Études sur
Léonard de
Vinci,
première
16).
Albert de Saxe
pp. 8 seqq.).
et
Léonard de
Vinci, II (Études sur
Léonard de
Vinci,
première
série,
«
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITE DES MONDES
8l
couche limitée par deux sphères concentriques ayant pour centre
centre de
le
naturel, bien que
l'Univers,
chacune de
cette terre serait
ses parties pût être fort éloignée
du centre commun des graves. De d'Albertutius
là cette
curieuse conclusion
:
mondes concentriques,
existait plusieurs
« S'il
en son lieu
la terre
de l'un
de ces mondes ne tendrait pas vers la terre de l'autre; toutes ces
en
terres,
effet,
auraient
qu'une terre qui aurait
la
même
centre; et l'on doit concevoir
forme d'une couche sphérique dont
centre coïnciderait avec le centre
en repos tout
comme
fondé sur ce que
du monde
la terre
d'un
monde
mondes concentriques;
des
naturellement
notre terre. Le raisonnement d'Aristote, se
il
mouvrait naturellement
donc pas contre
vers le centre de l'autre, ne conclut lité
serait
le
ne
laisse pas
la plura-
de prouver cette
proposition que nous pouvons prendre pour seconde conclusion
:
Il
ne peut exister plusieurs mondes excentriques l'un
du moins naturellement.
à l'autre,
Que
signifient ces derniers
Albert de
mots
» :
«
du moins naturellement»?
Saxe admet pleinement, avec Aristote, que
mondes
la
une impossibilité mais, sans doute dans l'intention de se mettre à couvert de la condamnation portée par Etienne Tempier, il admet que cette impossibilité d'ordre naturel peut être surmontée d'une manière coexistence de plusieurs
est
;
surnaturelle par la toute-puissance divine; toutefois, la coexis-
mondes ainsi créés par Dieu constituerait un miracle permanent, une contradiction continuelle aux lois naturelles.
tence des
«
Suivant
la doctrine d'Aristote,
stence de plusieurs
ment impossible.
Il
nous concluons 2 que
mondes non concentriques est naturellen'en est pas moins vrai que Dieu pourrait,
par sa toute-puissance, en créer plusieurs. «
l'exi-
Dernière conclusion 3
,
»
qui s'accorde avec
les
précédentes
:
Par voie surnaturelle,
il
tanés ou
concentriques ou excentriques, au gré
de Dieu.
successifs,
peut exister plusieurs mondes, simul-
»
i.
Alberti de Saxonia Quaestiones in libros de Cœlo; libri
a.
Alberti de Saxonia Quœstiones in libros de Cœlo; libri Alberti de Saxonia Quœstiones in Uhros de Cœlo: libri
3.
P.
DUHBM.
I
quaestio XIII.
I
quaestio XII. quaestio XIII.
I
ETUDES SUR LEONARD DE VlNCt
82 «
Si
donci, par miracle,
triques
les
existait plusieurs
il
uns aux autres,
qu'adviendrait-il des éléments
»
contenus en ces divers mondes libre cours à
que
son imagination
l'on voudra,
«
mondes excen-
?
On
peut, à cet égard,
émettre toutes
et
en vertu de cette règle
:
suppositions
les
De
donner
l'impossible,
on peut conclure n'importe quoi. » On peut, par exemple, admettre que Dieu n'a donné à la terre de chaque monde qu'une inclination vers le centre de ce même monde. Parmi les conclusions qu'il devient loisible de formuler, dès que l'on admet
là
mondes excentriques celle-ci
:
coexistence miraculeuse de
la
à l'autre, Albert de
l'un
« S'il existait
deux mondes,
deux mondes ne tendrait pas vers le
centre
du monde auquel
la terre
la terre
de
Saxe range
de l'un de ces
l'autre,
elle appartient, car elle
des deux centres qui est le plus rapproché. Mais qu'elle fût équidistante des
repos entre eux,
deux centres,
comme un morceau
de
elle
fer entre
s'il
arrivait
elles. »
cette conclu-
Albert de Saxe n'y voit qu'une conséquence impossible
d'une hypothèse également impossible: sequi
tend à celui
deux aimants
Guillaume d'Ockam eût sans doute souscrit à ;
mais vers
demeurerait en
qui l'attireraient avec des puissances égales entre
sion
plusieurs
quodlibet.
»
C'est
«
Ad
impossibile potest
précisément cette conclusion que
Léonard de Vinci recueillera
et
développera.
VI Le poids résulte-t-il d'une attraction exercée a distance ? Jean de Jandun, Guillaume d'Ockam, Albert de Saxe. L'argumentation qu'Aristote a construite pour prouver qu'il
ne peut exister plusieurs mondes suppose acquise Le poids d'un grave ne change pas de grandeur vient à s'éloigner
Pour démontrer
i.
ou à
se
si
:
ce grave
rapprocher du centre du monde.
cette proposition, les
Albcrti de Saxonia Qurrstionrs
cette vérité
in librot
deux commentateurs qui
de Ovlo
;
libri
1
qu;vstio XIF.
LEONARD DE VlNCl Et LA PLURALITE DES MONDES
nous semblent avoir interprété circonstance, la pensée
dérations suivantes
avec
la distance
du
plus fidèlement, en cette
le
Le poids d'un corps pourrait changer
:
qui sépare ce corps de la Terre ou du centre
si
grave,
résultait d'une attraction
masse de
fer
un grave
ce poids avait son principe en dehors
éprouve de
la part
n'est pas attiré
exercée par
eu recours aux consi-
Stagirite ont
du Monde, s'il
par
la
analogue à
non plus par son
lieu naturel
;
celle
;
il
n'est pas attiré
se porte vers ce lieu, c'est
en vertu d'un principe intrinsèque de mouvement, pas atteinte tant que
le
qu'une
Terre en vertu d'une action
s'il
propre perfection
du corps
d'une pierre d'aimant. Mais
un corps sur un corps semblable
qu'il tend à sa
83
que
et
parce
c'est
cette perfection n'est
grave n'est pas en son lieu naturel. Ce
principe de mouvement, cette tendance à la perfection ne devient ni moins intense parce que
grave est éloigné de
le
son lieu naturel, ni plus intense parce qu'il en
est
rapproché.
Telle est la doctrine soutenue par Averroès et par Albert le
Grand. Sans nier
d'Aquin en cius
que
le
les
Thomas
principes de cette doctrine, saint
conséquence
rejetait la
;
il
admettait avec Simpli-
poids d'un grave croissait au fur et à mesure que
ce grave était plus voisin
du centre du monde comme preuve
de cet accroissement,
citait l'accélération
chute d'un grave vers
il
;
qui précipite la
le sol.
La Scolastique du xiv e importance à ce débat;
siècle paraît avoir et
cette
accordé une grande
importance ne saurait être
contestée; la ruine de la doctrine soutenue par Averroès et
par Albert
le
Grand pouvait
seule rendre possibles d'abord la
théorie de la gravité qu'adopteront Copernic et ses partisans,
puis la théorie de l'attraction universelle qui se perfectionnera
de Kepler à Newton. Mais, au xiv e siècle, cette ruine ne semble nullement pro-
chaine
;
les
n'est pas
docteurs les plus en
une
renom soutiennent que
le
poids
attraction exercée sur le corps grave par le lieu
qui lui est naturel
dépend pas de
;
ils
en concluent que
le
poids du grave ne
sa distance à ce lieu.
Jean de Janduu termine ses questions sur
le
De Cœlo
et
Mundo
Études sur léonard de vincï
84
d'Aristote par l'examen
qui produit
le
du problème suivant
mouvement d'un grave
certaine vertu propre au lieu naturel
Parmi
grave tombe par naturel, c'est la pluralité
Une
l'effet
«
Le principe
une
vers le sol est-il
? »
place celle-ci au premier rang
il
:
invoque à l'appui de sa conclusion
les raisons qu'il
négative,
l
:
Admettre qu'un
d'une vertu qui appartient à son lieu
compromettre l'argumentation d'Aristote contre
des mondes.
autre raison lui paraît également propre à étayer cette
Selon l'un
conclusion.
Dynamique pagner
péripatéticienne, le
l'objet
mû;
fondamentaux de
principes
des
moteur doit toujours accom-
naturel ne peut donc être
le lieu
le
moteur
tomber un grave, car ce grave tombe lorsqu'il séparé de son lieu naturel et, au moment précis où il lui uni, il demeure en repos. qui
la
fait
Jean de Jandun pose incidemment
ici
est est
l'un des problèmes
constamment débattus de la PhiloUn corps peut-il mouvoir sans intermédiaire
plus graves et les plus
les
sophie naturelle
un
:
autre corps qu'il ne touche pas?
En d'autres
termes, l'action
à distance est-elle possible?
Pour un
péripatéticien, la réponse n'est pas douteuse
corps ne se
meut que par
l'effet
moteur doit l'accompagner,
le
d'un moteur étranger,
toucher
;
il
:
Un
et ce
ne saurait donc y
avoir action à distance. Il
semble cependant que
la
nature nous offre des exemples
non douteux d'actions à distance une pierre d'aimant n'attiret-elle pas un morceau de fer qui ne la touche pas? De ces attractions magnétiques, la Scolastique donne une explication conforme aux principes d'où découle sa Dynamique, et cette explication présente avec nos théories modernes de bien remar;
quables analogies
:
Entre la pierre d'aimant
et le fer s'étend
un milieu susceptible d'éprouver, par l'effet de la pierre d'aimant, une certaine modification, une certaine altération; les parties du milieu qui touchent la pierre sont modifiées les premières
;
elles
transmettent cette altération aux parties voisines
Joannis de Janduno In libros super librum IV quaest. XIX. i
.
Aristotelis de
Cœlo
et
Mundo quœstiones
subtilissimrr
{
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITÉ DES MONDES
85
de proche en proche, cette species magnetica se propage
et,
les parties
du milieu qui touchent
le
morceau de
;
fer sont, à
leur tour, modifiées par cette espèce; au contact de ce milieu
modifié,
le fer
subit
un changement, une
altération
;
cette alté-
ration consiste en la production d'une certaine vertu qui le fer et le l'effet
porte vers l'aimant, en sorte que
le fer se
meut
déplace par
d'une vertu motrice qui lui est conjointe, qui est en
lui.
Contre cet enseignement presque unanime une seule voix s'élève, celle
De Il
vrai
la théorie
d'Averroès,
que nous venons d'exposer, Ockam nie
tout,
principe, et les conséquences. nie d'abord le principe
que
le
*
:
Je dis qu'il n'est pas toujours
«
moteur accompagne
l'objet
contact mathématiquement exact. Il
et
de Guillaume d'Ockam.
celle
et le
du grand contradicteur d'Aristote
nie,
en second lieu
2 ,
mû,
qu'il le
touche d'un
»
l'interprétation des actions
magné-
tiques que suggérait ce principe.
Je dis que l'aimant tire le fer immédiatement, et
«
non par
l'intermédiaire d'une vertu qui existerait soit dans le milieu,
dans
soit
le fer;
en conséquence,
cette pierre agit sur le fer à
distance d'une manière immédiate, sans agir sur
le
milieu.
Cette conséquence est évidente. Supposera-t-on, en
»
effet,
une certaine vertu engendrée dans le fer par l'aimant qui meut réellement le fer? Dans ce cas, je raisonnerai ainsi » Si l'agent demeure le même, si le patient demeure le
que
c'est
:
même, on jours le fer
se
devra, toutes choses égales d'ailleurs, observer tou-
même
qui meut
effet. Si
le fer, et
donc
non point
mouvoir, en vertu de
lors
même que
c'est la
la
vertu produite au sein du
l'aimant, le fer continuerait à
puissance qui lui a été imprimée,
Dieu anéantirait
la pierre
d'aimant. Et alors, je
demande, vers quel point du monde ce fer se dirigerait-il? Se mouvrait-il vers le haut, ou bien horizontalement, ou bien encore autrement? Ni d'une façon, ni de l'autre, et je le prouve
le
:
Cette vertu, en
i.
ne meut en haut que
si la
pierre est en
Magistri Guilhelmi de Ockam Super quatuor libros Sententiarum annotationes ; XVIII. Guillaume d'Ockam, Op. cit., lib. II, quaest. XVIII.
lib. II, quaest. 2.
effet,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
86
haut, et
il
en
est
même
de
des autres directions de l'espace.
Mais, tandis que le fer a conservé sa vertu, la pierre a été détruite par la toute -puissance divine; elle n'est plus ni en
une vertu résidant au
haut, ni ailleurs. Ce n'est donc pas
du
fer
»
qui meut ce
fer,
même on
Et de
mais
la pierre
prouvera que
d'aimant. fer n'est
le
certaine vertu produite par la pierre au sein
en
mouvoir
milieu, celle-ci ne pourrait plus direction, car elle ne le
mû
pas
du milieu
en conservant
détruisait la pierre tout
effet,
sein
si
;
Dieu,
vertu du
la
dans aucune
le fer
meut jamais que vers
par une
lieu
le
où
se
trouve la pierre. »
Je dis donc
1
qu'il est
parfaitement inutile de supposer
dans
l'existence d'une telle vertu soit
On peut
fort
le fer, soit
bien admettre que l'aimant
médiaire, la cause totale de cet
effet,
est,
dans
dans
le
milieu.
sans aucun inter-
la
mesure où une
une cause seconde, peut être cause totale. » La théorie d'Ockam au sujet des actions magnétiques s'écarte, bien plus que l'enseignement commun de la Scolastique, des opinions que l'influence de Faraday et de Maxwell a accréditées
créature, c'est à-dire
auprès des physiciens de notre temps; en revanche, en pro-
clamant
la possibilité
moderne doctrine de
de l'action à distance,
prépare
elle
la
la gravitation.
Négateur audacieux d'Aristote,
Ockam
apparaît tantôt
tantôt
comme un
un avant-coureur de Descartes,
de Newton. Les propositions qu'il formulait
comme
précurseur
qui parfois,
et
aujourd'hui, nous semblent étrangement prophétiques, furent le
plus souvent rejetées par ses successeurs immédiats, en
du xiv e
particulier, par les maîtres parisiens
avaient raison. sait
pas
;
jonchait
Ockam
ravagée par sa critique, le sol
de ses débris
qui pût la remplacer. peut-être liste,
détruisait, en effet,
;
la
siècle; et ceux-ci
mais
il
ne construi-
Physique péripatéticienne
mais aucun
édifice
Doué d'un sens logique
ne
aussi aiguisé
que celui du Venerabilis inceptor de l'École termina-
Albert de Saxe n'éprouvait pas
le
même
besoin de ren-
verser de fond en comble la science traditionnelle;
i.
s'élevait
Guillaume d'Ockam, Op.
cit., Iib. ïf,
queest.
XX VJ,
il
aimait
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITE DES MONDES
87
mieux consolider et agrandir cette antique demeure où les connaissances du Moyen-Age trouvaient encore à se loger sans contrainte,
comme
sans confusion.
Albert de Saxe soutient donc
comme
'
reprend certains arguments, que
il
pas activement
accompagner lieu «
le
«
Jean de Jandun, dont
grave qui tombe..., car
le
mobile,
en est fort éloigné.
et,
le
moteur
doit
bien loin d'être joint au grave, ce
»
Le lieu d'un corps grave ou d'un corps léger
non plus ce corps à Dans ce cas, en effet,
meut
naturel ne
le lieu
la
n'attire point
façon de l'aimant qui attire
le fer...
naturel d'un grave attirerait plus
le lieu
fortement ce grave lorsqu'il en est proche que lorsqu'il en est éloigné, et le grave voisin de son lieu se mouvrait plus rapi-
dement que est
grave éloigné
;
c'est ce
qui a lieu dans
par l'aimant; mais cela n'a pas lieu dans
fer attiré Il
le
bien vrai, en
mouvement
effet,
tandis qu'il
que
du
le cas actuel.
grave accélère sans cesse son
le
tombe
le cas
mais sa vitesse
;
initiale n'est
pas plus grande lorsqu'il est rapproché du lieu naturel que
en
lorsqu'il
est
éloigné.
En
outre,
un corps
devrait
un lourd
d'autant plus lentement qu'il est plus lourd, car
morceau de
fer se
meut plus lentement
fragment plus léger.
vers
tomber
un aimant qu'un
»
L'accélération de la chute des graves était le
fait
constam-
ment invoqué par ceux qui prétendaient
faire varier le
d'un corps avec sa distance au centre de
la
tiraient
ils s'il
un argument que
Terre; de ce
fait,
leurs adversaires avaient à briser
ne s'attarde guère à réfuter cet argument dans
que nous venons de
poids
citer, c'est
qu'Albert de Saxe
ment discuté dans une précédente question En cette question, Albertutius examine les
;
le
passage
l'a
longue-
2
.
diverses explica-
tions qui ont été données de l'accélération dans la chute des
graves;
parmi ces explications,
dépendre poids
et,
cette accélération
en premier
il
signale
celles
qui
font
d'un continuel accroissement du
lieu, celle
qui semble avoir séduit la raison
Alberti de Saxonia Qusestiones in libros de Cœlo et Mundo ; lib. III, quaîst. VII. Alberti de Saxonia, Op. cit., lib. II, qua?st. XIV (apud edd. Venetiis 1/192 et yoîo. Cette question est omise dans les éditions données à Paris en 1016 et en i5i8). 1.
2.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
88 d'Aristote
:
«
est la fin à laquelle
Le lieu
meut naturellement; plus
lequel le corps se
tend l'appétit par le
mobile
de son lieu naturel, plus cet appétit est intense
par lequel
est l'effort
rien, car l'appétit a est éloigné
qui
de son
il
meut
le corps... Cette
pour raison
est voisin
plus grand
et
opinion ne vaut
donc
la disette; plus
lieu, plus intense devrait être la
le
corps
tendance
l'y porte... »
Une
«
autre opinion prétend qu'il y a dans le lieu naturel
une certaine vertu capable de produire une certaine altération au sein du corps qui s'y doit loger, et de l'y attirer cette vertu attire plus fortement de près que de loin, en sorte que le corps se meut plus rapidement à la fin de sa chute qu'au commen;
cement, car, à la naturel qu'il ne
Parmi lui
fin
de
la chute,
au début.
l'était
les objections qu'il
il
est plus
proche de son lieu
»
oppose à
cette théorie et
que nous
avons déjà entendu formuler, Albert de Saxe en apporte une
emprunte à son illustre homonyme Albert le L'attraction du fer sur l'aimant ne se fait sentir que
nouvelle, qu'il
Grand
:
jusqu'à une certaine distance, au delà de laquelle
elle
s'annule
;
du lieu; un grave que l'on éloignerait suffisamment du centre du monde perdrait tout poids. De l'une comme de l'autre de ces hypothèses, « on tirerait cette conséquence; toutes choses égales d'ailleurs, un grave ne
ainsi en serait-il de l'attraction
commencerait pas à
se
mouvoir avec
la
même
vitesse lorsqu'il
partirait de points situés à des distances différentes de
naturel;
cette
cependant
elle
serait plus forte
conséquence est
est
contraire
logiquement déduite
de près que de loin
;
si
;
à la
son lieu
l'expérience
et
vertu attractive
donc un corps com-
mouvoir près de son lieu naturel, le début de son mouvement serait plus rapide que s'il avait commencé à se mouvoir loin de ce même lieu. »
mençait à
Il
se
résulterait aussi de ces hypothèses
«
qu'une
serait plus difficile à lever lorsqu'elle est près
du
même sol
pierre
que
lors-
qu'elle est très éloignée ».
L'importance qu'Albert de Saxe attribuait à ce débat nous est attestée
par ce
fait
qu'avant de
ses Quœstiones in libros de Cœlo,
il
les
développer en détail dans
avait donné, dans ses Qiuvs-
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITE DES MONDES tiones in libros
physicorum
un résumé
1 ,
89
succinct, mais précis,
de ses arguments. Ces arguments ont
où
la
été, d'ailleurs,
Physique parisienne
fidèlement repris partout
faisait sentir sa
en Allemagne aussi bien qu'en
puissante influence,
Italie.
Albertutius a formulé sur cette proposition attiré le
par son lieu naturel,
sol
que
lorsqu'il en
l'hypothèse qui identifie fait
il
est
serait plus
:
si le
grave
lourd lorsqu'il touche
poids à une attraction est celle que
le
valoir Marsile d'Inghen dans Y Abrégé de Physique
vers le bas, ce n'est pas par
2
qu'il a
un grave est mû d'une attraction émanée de
rédigé pour ses élèves de Heidelberg
son lieu naturel. Une
contre
Cette objection
éloigné.
était
l'effet
:
«
Si
plus forte auprès
telle attraction serait
un plus fort changement d'état en un corps voisin qu'en un corps éloigné. Le même grave aurait donc un poids numériquement plus grand près de terre qu'au sommet des tours de Notre-Dame. » de ce lieu qu'au loin, car l'agent produit
Les doctrines que Marsile d'Inghen transplantait de Paris
un
moins favorable à l'Université de Padoue; elles y florissaient au xv e siècle; Gaétan de Tiène nous en est garant. En son commentaire à la Physique d'Aristote, il reprend 3 sommairement toute l'argumentation d'Albertutius contre l'hypothèse qui identifierait le poids à une attraction exercée par le lieu naturel. Comme à Heidelberg n'avaient pas trouvé
lui,
il
terrain
pense que, selon cette hypothèse,
mouvrait vers son
lieu
que
s'il
en
était
peu
«
un corps ne
se
distant, car le lieu
ne pourrait propager sa vertu à grande distance... Elle
du lieu naturel de la terre, si une masse de terre qui toucherait
serait
étrange, cette vertu
elle était
capable d'attirer
la conca-
vité
de l'orbite lunaire.
l'argument,
tiré
Comme
cette
Alberti de Saxonia Quœstiones
quaest. VI,
quamtum
Albert de Saxe,
il
dissipe
de la chute accélérée des graves, par lequel
on pensait confirmer
1.
»
hypothèse.
in
libros
de physica auscultatione,
lib.
VIII,
ad secundum.
2. Abbreviationes libri phisicorum édite a prestantissimo philosopho Marsilio Inguen doctore Parisiensi fol. 73 (non numéroté), col. a. 3. Recollecte Gaietani super octo libros physicorum cum annotationibus textuum, Venetiis, per Bonetum Locatellum et Octavianum Scotum, 1^96; lib. VIII, fol. /j6, verso. ;
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
gO
e L'École parisienne du xiv siècle rejette donc résolument
l'hypothèse qui assimilerait
poids à une attraction exercée
le
à distance sur le corps grave par le centre de la Terre. Mais
pour réfuter cette hypothèse, elle a été contrainte d'en développer les conséquences; elle a reconnu que, d'après cette supposition, le poids d'un corps varierait avec la distance de ce corps au centre d'attraction, cette distance
augmenterait;
elle
en tombant, aurait une vitesse
même
diminuant en
temps que
en a conclu que ce corps,
initiale d'autant plus faible
que
son point de départ serait plus éloigné du centre.
Un par
la
jour, les physiciens et les astronomes seront contraints
révolution copernicaine d'abandonner la théorie de la
gravité qu'Aristote avait élevée; avec Copernic,
ils
mettront
en chaque astre un centre d'attraction capable de ramener ou de retenir s'offrira
les parties
de cet astre; mais cette supposition ne
pas à eux imprévue
et
non dégrossie
;
ils la
trouveront
déjà préparée, éclaircie, analysée par les discussions des Averroès, des Albert le
leur théorie,
il
Grand, des Albert de Saxe; pour formuler
leur suffira de reprendre, en les changeant en
affirmations, les négations de la Scolastique. Bien souvent,
pour constituer
la
Science moderne, les
sance n'ont pas eu besoin d'autre
hommes
de
la Renais-
effort.
VII Les discussions sur la pluralité des mondes au xv e siècle.
Paul de Venise et Johannes Majoris. Parmi à la fin
les
physiciens qui discutent de la pluralité des
du Moyen-Age
est qui se
et
au début de
la
mondes
Renaissance,
rangent au parti d'Albert de Saxe;
ils
il
en
admettent,
selon l'enseignement d'Aristote, que la coexistence de plusieurs
mondes
une impossibilité naturelle; ils accordent que la toute -puissance de Dieu peut bien créer plusieurs mondes, est
mais ces mondes multiples ne peuvent exister que par un miracle permanent, mettant en suspens
les lois
de
la
nature.
LÉONARD DE VINCI ET LA PLURALITE DES MONDES
en
Il
au contraire, qui suivent l'exemple de
d'autres,
est
d'Ockam;
Guillaume d'Aristote
ils
font
n'hésitent pas à
et
91
bon marché des arguments déclarer que la pluralité des
mondes n'a rien d'impossible. Au nombre des premiers nous devons ranger Paul Nicoletti de Venise, au nombre des seconds l'Écossais Johannes Majoris. En sa Summa totias philosophiœ Paul de Venise consacre un ,
chapitre
ne
fait
au problème de
1
même
question.
Comme
Albert de Saxe, Paul Nico-
conclut qu'il ne peut y avoir qu'un monde.
letti
toutefois qu'il y ait
même
deux mondes; bien que
«
Supposons
cette terre ci fût
de
espèce que la terre de l'autre monde, elle ne pourrait
mouvoir vers
se
des mondes. Ce chapitre
que résumer assez fidèlement ce qu'Albert de Saxe avait
de la
dit
la pluralité
obstacle à son
monde
dernière terre; les cieux
cette
mouvement
l'empêcheraient de passer d'un
et
à l'autre. Toutefois,
mettraient
si
l'on imaginait
qu'on prît une
parcelle de notre terre et qu'on la plaçât à l'intérieur de l'autre
monde,
elle se
mouvrait vers
même, en notre hémisphère, le mouvrait vers
mais
il
de
même
la
se
inclination,
Par conséquent,
premier
et
monde de ;
meut vers le pôle
arctique,
le plaçait
en l'autre hémisphère.
plusieurs mondes,
le
concavité de l'orbe de la lune et l'air
ces considérations,
où l'influence d'Ockam semble tem-
rigueur des conclusions d'Albert de Saxe, Paul de
Venise substitue des arguments plus personnels vers de son ouvrage Sur Pauli de Venetiis
la
Summa
la
fin
composition du monde?. tolius philosophiœ,
Pars secunda, cap. IV.
—
Summa philosophie naturalis clarisDe compositione Mundi philosophi Pauli Veneti, una cum libro de compositions Mundi qui astronomie janua
2.
simi
du
»
pérer la
1.
feu
du premier se mouvrait sphère ignée du second, et réciproque-
inversement;
vers la concavité de la
A
on
existait
s'il
feu se
de cet autre
pôle antarctique, et cela en vertu
se dirigerait vers la
du second, ment.
si
le
la terre
Primus
liber incipit
nuncupari potest; novissimerecognita sine aliquo errore in luce emissa. Venumdantur Parisius a Ponceto le Preux ejusdem civitatis bibliopola sab signo Lupi in vico divi Jacobi sedente. Golophon Hic finem accipit aureum opus de compositione Mundi
—
:
omnium hominum doctorum sui temporis facile principe. Impressum Parisius a Thoma Rees calcographo expertissimo in platea carmelitarum commorante, in domo rubea sic vocata. Anno Domini MCCCCCX.III, Xllf die mensis a
Paulo Veneto
Novembris
— Cap.
X\(N.
ETUDES SUR LEONARD DE VINGT
q2 ((
n'y
Il
a, »
dit- il,
allons le prouver. « S'il
non
et
mondes, ou bien
se contiendraient
ils
ou bien chacun d'eux toucherait
point indivisible.
plusieurs; nous
»
existait plusieurs
l'un l'autre,
«
«qu'un monde
le
suivant en
un
»
La première supposition
est inadmissible; car
s'il
y avait
un monde qui enveloppât celui-ci, par la même raison il faudrait qu'il y eût un troisième monde contenant le second à son intérieur, car et
de suite à
et ainsi
on aurait de
la
sorte
une
de mobiles; l'existence d'une
l'infini
et cela
être,
moteurs
a été démontrée
telle suite
impossible au VII livre des Physiques.
ne peut
indéfinie de
suite
e
« Il
;
»
ne peut pas exister davantage un second monde qui
un point indivisible; car pour la même un troisième monde touchant le second,
toucherait celui-ci en existerait
raison,
il
et ainsi
de suite à
«
l'infini... »
un
Cette supposition est encore fausse pour
autre motif
:
y eût hors du monde un vide infini, et l'on a prouvé, au IV livre des Physiques, que cela ne saurait être. » elle exigerait qu'il e
Ces raisonnements sont peu propres, assurément, à justifier la réputation
de grand logicien que Paul de Venise
acquise en son temps; le dernier n'est
pas original;
il
qu'une réminiscence de Michel Scot.
n'est
A
même
s'était
ces arguments, l'auteur a soin, d'ailleurs, de joindre
correctif qui
marque
sa déférence à l'égard de la
portée par Etienne Tempier
:
«
un
condamnation
Toutefois, Dieu qui est tout-
puissant et infini pourrait, à l'encontre des tendances de la
du vide et créer des mondes, en touchassent deux à deux en un point. »
nature, faire qu'il existât
nombre
infini,
qui se
Magister Johannes Majoris, qui régentait à Paris au Collège
de Montaigu, n'était convaincu ni par ni, à plus forte raison,
arguments d'Aristote
par ceux de Paul de Venise; en
mière question de sa dissertation De
ment
les
inflnito
1 ,
il
la pre-
affirme nette-
non seulement à la pluralité des mondes, l'existence de mondes en nombre infini.
sa croyance
mais encore à
i. Nous avons décrit, en notre précédente étude (voir page oxivrage que nous avons eue entre les mains.
$),
l'édition
de
cet
LÉONARD DE VINCI ET a
A
PLURALITE DES MONDES
LA.
parler au point de vue naturel,
y a une on ne peut donner
dit- il,
»
de mondes; à l'encontre de cet avis,
infinité
aucune raison convaincante.
Il
est facile
la terre
vers le centre de l'autre
est facile
il
autre objection. Cet avis
premier
livre
également de réfuter toute
insigne dont Aristote
ce philosophe
du De
generatione.
Jean Majoris ne nous
il
;
fait
de Démocrite,
grand éloge au
si
»
par quelle voie
dit pas
réfuter l'objection d'Aristote
de réfuter l'objection,
d'ailleurs, celui
était,
« il
de l'un des mondes tendrait
formulée par Aristote, que ;
q3
il
de
était facile
entend sans doute
faire allusion
Ockam. l'encontre du raisonnement du Philosophe,
à la voie tracée par D'ailleurs, à
a
il
soin de citer le cas d'exception signalé par Albert de Saxe «
Les raisons d'Aristote ne concluent pas contre
de mondes concentriques
Ce
n'est plus
Aristote,
l
A
parler au sens
pluralité
»
.
mais saint Thomas d'Aquin, qui
semble visé dans ce passage u
la
:
:
purement naturel,
il
ne
me
semble pas
que l'on puisse prouver d'une manière convaincante l'opinion opposée à
la nôtre, à savoir qu'il n'existe
formément
monde
par
à l'usage, j'entends
qu'un monde; con-
sphères célestes et de ce qu'elles renferment. «
Si tu dis
:
l'ensemble des »
Tous ces mondes ne font qu'un monde,
que tu n'entends pas toi-même était ainsi, Aristote n'aurait
tes
propres paroles;
Michel Scot
et à
s'il
pas pris la peine de discuter.
Voici maintenant une riposte qui s'adresse sans
Paul de Venise
:
«
Si tu dis
:
Il
c'est
en
»
doute à
y aura
le
vide
entre ces mondes, je te répondrai que ton argument serait
également valable contre Aristote, car le
vide hors du
il
y aurait actuellement
ciel. »
Et Jean Majoris termine son argumentation par cette sorte
de défi
:
«
conclus à
la
me demandes
arguments par lesquels je pluralité des mondes, je te demande ceux par
Si tu
les
lesquels tu soutiens l'opinion contraire; et ce que je dis le dis
en
me
plaçant au point de vue purement naturel.
Ainsi, à la fin i.
Le
du xv e
siècle, le
texte» très fautif d'ailleurs, dit
:
problème de
eccentricorum t
là,
je
»
la pluralité des
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINOI
g4
mondes donnait il
n'est
lieu,
dans
des débats passionnés;
les écoles, à
donc pas étonnant que Léonard de Vinci y
ait pris
intérêt.
Vlll
Commentaire aux réflexions sur la pluralité des mondes données par léonard de vlnci.
Nous sommes en mesure, désormais, de donner la plénitude de leur sens aux notes que Léonard de Vinci a jetées sur le papier et que nous avons citées au début de cet article. Et d'abord, où ces notes se trouvent-elles? Nous les lisons au verso du
feuillet
lettre F. Or, le
83 du cahier que Venturi a marqué de la
du
verso
feuillet 82, le recto
du
feuillet
83 sont
couverts des réflexions sur la sphéricité de la terre et des mers, sur la convergence des verticales, qui ont conduit Léonard
de Vinci à découvrir gravité et
du centre de
propriétés statiques
les
du polygone de sustentation
1 .
Ces réflexions sont
inspirées de celles qu'Albert de Saxe a exposées dans
Quœstiones
in libros
de Cœlo
trouve cette phrase latine
perpetuo potest
sic
«
:
sursum
esset facta sphserica;
»
Mundo.
et
cette
Omne
Au
recto
du
ses
feuillet 84, se
grave tendit deorsum nec
sustineri, quare
jam
totalis terra
phrase est extraite textuellement
de Tune des Questions 2 d'Albertutius.
Ces constatations nous fournissent une première conclusion
Au moment où Léonard occupe,
il
avait
a composé
sûrement entre
le
les
fragment qui nous
mains,
comme nous
l'avions déjà avancé, les Subtilissimde quœstiones
Cœlo
et
Elles
traitent se sont offerts à l'esprit 1.
libros de
XXVIH
in
problèmes dont
les
;
elles
elles
du Vinci.
Voir notre étude sur Léonardde Vinci
de Vinci, première série, pp. 08 seqq.). 2. Albcrti de Saxonia Quœstiones qu.Tstio
in
Mundo de Maître Albert de Saxe. nous fournissent encore un autre renseignement
nous montrent de quelle manière
:
et
Villalpand, IV et
libros
(edd. VenotiiSj 1^92 et i5ao) vel
de Cœlo
XXVI
et
V
(Études sur Léonard
Mundo;
in
libruni
(cdd. Parisiis, i5i6 et i5i8).
II
LEONARD DE VINCI ET LA PLURALITE DES MONDES
q5
Celui-ci vient de méditer au sujet de la corrélation qu'Aris-
Adraste et leur comentateur Albert de Saxe ont établie
tote,
entre ces deux propositions
un même
leur chute, vers
:
Tous
point;
les
graves tendent, dans
— Les divers éléments sont
limités par des surfaces sphériques ayant ce point
de généralisation, qui
L'esprit
se
confond
si
pour centre.
souvent avec
génie d'invention, lui pose tout aussitôt cette question
non plus un
existait
deux
tels centres,
seul centre
comment
commun
:
le
S'il
des graves, mais
conviendrait-il de transformer les
deux propositions qui viennent d'être énoncées ? La figure que trace Léonard de Vinci, les deux premières phrases qu'il rédige, n'ont d'autre objet
Léonard
la
cette question.
transforme de nouveau, cette question, afin de
la simplifier et
se poser ce
que de répondre à
de
rendre plus claire
la
problème
Un
:
;
il
amené
est ainsi
grave se meut sur une perpendi-
menée par de son mouvement ?
culaire à la ligne de jonction des deux centres,
milieu de cette ligne
quelle sera la loi
;
à
le
Les Questions d'Albert de Saxe fournissaient déjà une partie de la
réponse
:
Le point de
des deux centres
Léonard la ligne
libre se « Il
ira
partie
voit,
est,
la ligne
pour
le
de jonction qui
est équidistant
grave, une position d'équilibre.
en outre, que, pour
le
corps pesant mobile sur
équidistante des deux centres, cette position d'équi-
comme
comportera
longtemps
se
la position stable
d'un pendule
mouvant avec un mouvement ayant
de sa longueur également
centres, et finalement
il
distante
:
toute
de chacun des
s'arrêtera à égale distance de
chacun
des deux centres, au plus proche lieu qu'ait la ligne de son
mouvement.
»
Ce passage veut évidemment parler
tions de part et d'autre de la
position
d'oscilla-
d'équilibre;
on ne
saurait l'interpréter autrement.
Léonard, d'ailleurs,
se
trouvait
naturellement conduit à
considérer de telles oscillations par la lecture d'un passage d'Albert de Saxe i «
:
Supposons que
la terre soit perforée
de part en part et que,
Alberti de Saxonia Quœstiones in libros de Cœlo et Mundo; in librum II apud edd. Venetiis 1&92 et i52o. Cette question ne se trouve pas dans les éditions données à Paris, par Georges Lokert, en i5i6 et i5i8* i.
qua&stio XIV,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
f)6
par vers
canal ainsi creusé,
le
centre
le
sera
devenu
;
moment où
au
le
centre
mouvoir au delà
un grave descende le
très
centre de gravité de ce corps
du monde,
ce corps continuera à se
et à se diriger vers la partie
grâce à Yimpetus qu'il a acquis
rapidement
et
opposée du
ciel
qui ne sera pas encore
corrompu; lorsque, dans son ascension, cet impetus viendra à manquer, le grave se remettra à descendre; il ira ainsi, oscillant autour du centre, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus en lui
aucun impelas; alors il s'arrêtera. » Les moindres détails de la note de Léonard ont donc été suggérés par les Questions d'Albert de Saxe; et cependant de cette note est en opposition formelle avec la doctrine
l'esprit
que développent ces Questions; Léonard semble y des propositions
séquences
qu'Albertutius
arbitraires
d'une
considérait
hypothèse
impossibile potest sequi quodlibet. Cette pluralité des sible,
ce
si
comme
n'est
comme
?
des con-
impossible
:
«
Ad
»
mondes qu'Albert de Saxe répute impos-
par miracle,
Léonard paraît
la
possible par voie naturelle. Quelle influence
surmonte en son Saxonia
faire siennes
regarder
combat
et
esprit l'influence de Magister Albertus de
Cette influence prépondérante, c'est,
voir, celle de Nicolas de Cues.
nous Talions
XI
NICOLAS DE CUES ET
LÃ&#x2030;ONARD DE VINCI
P.
duheM.
NICOLAS DE CUES ET
LÉONARD DE VINCI Un
des auteurs qui ont
le
plus profondément médité la
pensée de Nicolas de Gués, Richard Falckenberg, a écrit «
Nicolas veut être
plus de liberté
;
il
« le
:
un philosophe du Moyen-Age, bien qu'avec est, sans le vouloir, un philosophe moderne,
mais plus réservé. Vinci
1
Félix Ravaisson a
»
grand initiateur de
l'esprit
nommé
moderne
Léonard de
».
Ces jugements rapprochent l'un de l'autre Nicolas de Cues et
Léonard de Vinci
en
et,
;
effet,
par sa souplesse qui
le
rend
apte aux études les plus diverses, par son audace qui lui
produire
les
hommes
ces
pensées
plus originales,
les
ressemble à celui de
L'époque de leur naissance
comme deux jalons à l'Age
avec
Moderne;
les
la vie
que
né pour recueillir
Allemand
l'autre.
les
a placés,
dans
le
temps,
de Nicolas de Cues (i4oi-i464) s'écoule
du Moyen- Age;
de Vinci (1452-1619) occupe alors
génie de l'un de
plantés sur la route qui relie le Moyen- Age
dernières années
commence
le
fait
le
le
la vie
de Léonard
début de l'Age Moderne; Tune
l'autre finit; le
flambeau de
grand
la tradition
avait reçu de la Scolastique et
semble être
artiste
que
que ses
le
Cardinal
mains mou-
rantes laissaient échapper.
Ce précieux dépôt de été
la tradition intellectuelle a
transmis de Nicolas de Cues à Léonard de Vinci
lu les ouvrages de celui-là, 1.
Richard Falckenberg,
il
en a médité
les
réellement ;
celui-ci a
enseignements,
Grundzùge der Philosophie des Nicolaus Cusanus mit vom Ërkennen; Breslau, 1880 p. 3.
besonderer Berùcksichtigung der Lehre
;
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
I0
en a
il
sées les
premiers germes de quelques-unes de ses pen plus originales. C'est la vérité que nous nous propo-
tiré les
sons d'établir en ces pages.
Quelques mots sur la vie de Nicolas de Gués. Très sommairement, afin de courir plus vite à notre but,
rappelons quelle a été la vie de Nicolas de Gués
Cues
est
un gros
de Trêves;
il
village de la Prusse
*.
Rhénane
se trouve sur la rive droite
de
et
du diocèse
la Moselle, à
peu
de distance en amont de la petite ville de Bernkastel. C'est là que Nicolas Chrypfs naquit en i4oi, d'un simple pêcheur. Chrypfs Krebs,
est,
en patois mosellan, l'équivalent de l'Allemand d'où,
écrevisse;
la
traduction Nicolaus
Nicolas de Cues donnait de son
nom;
c'est ainsi
Cancer
que
que
le registre
d'immatriculation de l'Université de Heidelberg mentionne,
en i4i6, Nicolaus Cancer de Cœsze
clericus
Trever. dyoc.
Heidelberg, Nicolas Chrypfs passa en Italie; en i424, à Padoue le doctorat en droit.
Revenu en Allemagne,
il
il
De prit
plaida
à Mayence son premier procès, le perdit, et se consacra exclu-
sivement dès lors à
En
i43i,
il
assista
Théologie
comme
et
aux sciences.
archidiacre de Liège au concile
un
projet de réforme
calendrier. Lorsque le concile se sépara
du Pape, Nicolas
de Baie; en i436,
du
la
il
présenta à ce concile
de Cues fut de ceux qui demeurèrent fidèlement attachés au pontife romain.
Eugène IV, Nicolas
V, Pie II l'employèrent en d'importantes
Vita D. Nicolai de Cusa a Joan. i. Au sujet de cette vie, on peut consulter Trittenhemio, courte notice introduite, à la suite de l'Index, dans les Opéra de Nicolas Prantl, art. ISikolaus Cusanus de VAllgemeine de Cues publiées à Bàle en 1675. deutsche Biographie, Bd. IV, pp. 655-6Ga Moritz Cantor, Vorlesungen iïber die Geschichte der Mathematik, 2" Aull., Ll Kap. Bd. II, SS. i86-ao3 on trouvera dans ce dernier ouvrage une étude très complète des travaux mathématiques de Nicolas de Cues, dont nous ne pouvions traiter ici. Qu'il nous suffise de remarquer à ce sujet que les problèmes de quadrature, qui ont longuement occupé le Cusan, ont été également l'objet de profondes méditations du Ainci entre les méthodes qu'ils ont sui\ies, nous n'avons pu saisir aucun rapprochement qui vaille d'être noté. :
—
—
,
;
;
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
décembre i448, Nicolas V
légations; en
du
prêtre
de Saint-Pierre-ès-liens
titre
;
le
IOI
nomma
cardinal-
un cardinal allemand
époque, au dire d'un historien, aussi rare qu'un
était, à cette
corbeau blanc; aussi Nicolas de Cues
était-il
souvent désigné
surnom de Cardlnalis Teutonicus. En mars i45o, Nicolas V promut le nouveau cardinal à l'évêché de Brixen en Tyrol. Nicolas de Cues, connu pour sa piété et la rigidité de ses mœurs, voulut ramener le respect de la
par
le
morale les
de
et
la règle
en certains couvents qui l'avaient oublié;
moines, en révolte contre leur évêque, intéressèrent à leur
cause l'archiduc Sigismond
Allemand. Rendu à
la liberté
III
qui
fit
incarcérer
Cardinal
le
après plusieurs années de prison,
Nicolas de Cues vint passer la fin de sa vie en Ombrie, à Todi,
où
il
mourut
le
n
août
i/|64.
Son corps
mais son cœur, envoyé à Cues, y la chapelle
fut
Rome, chœur de
fut enseveli à
déposé dans
le
de l'Hôpital Saint-Nicolas. Le Cardinal avait fondé
cet hôpital, l'avait doté de
dons
de revenus
y avait créé cette bibliothèque qui subsiste encore et
et
une riche bibliothèque en partie, malgré de nombreuses dilapidations, témoigne des connaissances que possédait le Cusan dans les trois langues ;
latine,
grecque
et
hébraïque.
II
Les diverses éditions des œuvres de Nicolas de Cues. Tel fut
l'homme dont Léonard de Vinci
écrits, laissant
que
ces écrits,
aurait pu,
les
pensées du Cardinal Allemand.
comment
le
Vinci
a-t-il
eu connaissance?
sans aucun doute, les lire en
aisément encore,
Du
presque tous
sur ses cahiers de notes la trace des réflexions
lui inspiraient les
De
a lu
il
a
pu
les lire
manuscrits;
Il
plus
en des ouvrages imprimés.
vivant de Léonard, la collection des œuvres de Nicolas
de Cues a
été, à
notre connaissance, imprimée à trois
diffé-
rentes reprises.
Une première
édition ne porte aucune date, aucune indica-
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
102
tion typographique; Hain, qui la regarde à l'an i5oo, la
comme
figurer dans son Repertorium
fait
Cet ouvrage est divisé en deux parties parties porte le titre suivant
;
antérieure
1 .
chacune des deux
:
altissime
In hoc volumine continentur certi tractatus et libri
contemplationis et doctrine
:
a preclare memorie prestantissimo
doctlssimoque viro Nicolao de Cusa Sacrosancte Ro. Ecclesie
tit.
Sancti Pétri ad vincala presbytero cardinali.
Le
de
titre est suivi
de l'ouvrage dont
La Pars I
se
rantia libri très.
— De
libri
dao.
libri
quatuor.
La Pars
la liste
annonce
il
compose des
des traités qui forment la partie
le
début.
traités suivants
— Apologia docte filiatione Dei.
II contient
:
De
—
ignorantie.
:
—
De docta ignoDe conjectaris
Dyalogus de Genesi.
visione Dei.
— De pace
—
fidei.
Ydiote
— Repa-
— Cribratio — De venatione — De ludo Alchoran duo. — Compendium. — Trialogus de Possest. — Contra Bohemos. — De mathematica perfectione. — De — De dato Patris luminum. — De querendo Deum. — Dyalogus
ratio Kalendarii. libri
globi
—
De mathematicis complementis. sapientie.
très.
libri
berillo.
de apice théorie.
La seconde édition des œuvres de Nicolas de Gués a
été
composée en i5o2; de cet ouvrage, aujourd'hui fort rare, M. Domenico Berti a donné 2 une description d'après l'exemplaire
que
la Biblioteca
Corsiniana de
Rome
conserve sous
le
n° 65, E, 23.
En le
cet exemplaire, la feuille de titre
début se trouve
l'épître
semble manquer; dès
dédicatoire adressée par Roland,
marquis de Pallavicini, au Cardinal Georges d'Amboise épître est ainsi datée
:
Ex
Castro Lauro,
;
cette
MCCCCCII.
compose de deux volumes que précède un même prohemium. La composition des deux volumes est presque identique à celle des deux parties de la première L'édition se
édition. Toutefois,
deux
traités qui figuraient
en
celle-ci sont
Hain, Repertorium bibliographicum, n° §893. Berti, Copernico e le vicende dei sistema copernicano seconda meta dei Secolo wi e nella prima dei XVli ; Roma, 1876, p. 201, i.
a.
Domenico
in
Italia
nella
—
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
omis en
celle-là
;
ce sont les
deux
De
livres
103
ludo globi et le
Compendium theologicum. La troisième édition des œuvres de Nicolas de Gués date de i5i4; elle fut donnée à Paris par les soins de Jacques Lefèvre d'Étaples; elle est ainsi intitulée
Hœc
:
accurata recognitio trium voluminurn operum clarissimi
P. Nlcolai Cusae, card., ex officina Ascensiana recenter emissa
est,
cujus universalem indicem proxime sequens pagina monstrat. L'épître dédicatoire, adressée par Lefèvre d'Etaples à
Briconet, évêque de Toulon, est ainsi datée
:
Ex
Denys
Parisiensi Aca-
demia, anno ejusdem Christi Dei Salvatoris nostri, MDXIIII.
Au
sujet de cette édition,
on peut
propre à montrer l'influence que
Cues exerçaient sur
faire
une remarque bien
doctrines de Nicolas de
les
les meilleurs esprits
au début du xvi e
siècle.
Peu d'années avant de la donner, Lefèvre d'Etaples (i4551537) avait composé Quatre dialogues pour servir à l'intelligence de
Métaphysique
la
1 ;
or, ces dialogues
ne sont, bien souvent,
qu'une paraphrase de certains enseignements de Nicolas de Cues, en particulier de sa théorie de la trinité.
Les œuvres de Nicolas de Cues furent une quatrième fois éditées à Baie, chez Henri Pétri, en
complète
Des Vinci
ait été
;
la
donné de consulter.
éditions plus anciennes,
trois
en i5i4,
cette édition, plus
;
plus répandue que les précédentes, est la seule
et
nous
qu'il
1575
est
imprimée Léonard de
la dernière,
venue bien tardivement pour servir à
plupart des réflexions que les pensées du Cardinal
Allemand ont suggérées au grand peintre sont sûrement antérieures à la publication de cette édition. 1.
In hoc opère continentur totius phylosophiœ naturalis paraphrases: hoc ordine Introductio in libros Physicorum. Octo Physicorum Aristotelis : paraphrasis.
digestœ.
Mundo completorum : paraphrasis. Duorum de Generatione et corrupQuatuor Meteororum completorum: paraphrasis. Introductio in libros de Anima. Trium de Anima completorum : paraphrasis. Libri de Sensu et Sensato: paraphrasis. Quatuor de Cœlo
et
tione: paraphrasis.
Libri de
Somno
et Vigilia
:
paraphrasis. Libri de Longitudine
et
Brevitate vitœ
:
paraphrasis.
tumfacilium tum difficilium intelligentiam introductorii : duo. Introductio Metaphysica. Dialogi quatuor ad Metaphysicorum intelligentiam introductorii. Au verso de la première page Jacobi Fabri Stapulensis philosophie paraphrases ad dignissimum patrem Ambrosium Camberacum Parisiensis studii Cancellarium. Colophon Impressum in aima Parrhisiorum achademia per Henricum Stephanum in vico clausi brunelli et regione schole decretorum Anno Christi piissimi Salvatoris summique boni. i5i2, Pridie kalendas Februarii. entis enthim Dialogi insuper ad Physicorum
|
\
—
:
:
:
|
|
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
104
Le Vinci, au contraire,
a
pu
faire
usage de l'une ou de l'autre
des deux premières éditions.
une remarque
Toutefois,
est ici nécessaire.
Ni l'une ni l'autre de ces deux éditions ne donne la collection complète des écrits de Nicolas de Gués. Si les indices qui
en
se trouvent
tête des
volumes sont
exacts,
s'ils
n'omettent
—
ce dont aucune des pièces renfermées en ces volumes, la seconde ne contient pas nous n'avons pu nous assurer, les deux livres De ludo globi. Or, ce traité de Nicolas de Cues est
—
parmi ceux que Léonard a le plus sûrement et le plus profondément médités. Des deux premières éditions des œuvres de l'Évêque de Brixen, la seconde n'est pas la seule que Léonard ait
lue
;
elle
ne contient pas tous
les
documents
qu'il a eus
en
mains. Il
en a pu avoir d'autres. Les divers opuscules de Nicolas de
Cues ont
été très
anciennement imprimés,
soit isolément, soit
par groupes. Le prohemium de l'édition de i5o2 disait
:
«
Con-
tinentur in hoc volumine certi tractatus inter alios plures editi. »
V index
de l'édition de i5i4 mentionne que plusieurs
des opuscules cités ont déjà été imprimés en Allemagne. Ainsi le
De
staticis
experimentis
,
qui forme
le
quatrième livre des
dialogues intitulés Idiota, a été souvent publié à part; la pre-
mière édition
de 1476.
est
III
Esquisse du système philosophique de Nicolas de Cues.
Léonard
était
assurément intéressé d'une manière beaucoup
plus intense par les divers problèmes de l'Astronomie, de la
Mécanique la
et
de
Métaphysique
la ;
Physique que par
est-il
redoutables énigmes de
un ordre de pensées auquel
toutefois
génie soit demeuré indifférent?
les
Il
a
longuement médité
ce
ce
que
Nicolas de Cues avait dit touchant la Mécanique, et ses méditations ont produit de
plus rapidement
nombreux
les écrits
corollaires;
il
a sans doute lu
philosophiques du Cardinal Aile-
Io5
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
mand;
il
cependant, et plusieurs de ses notes
est arrêté
s'y
nous rappellent l'impression qu'il en a reçue. Pour comprendre exactement la portée de certaines de ces notes, il n'est pas inutile de connaître en son ensemble le système philosophique au sujet duquel
monument
Pourrait-on, d'ailleurs, passer à côté de ce diose sans s'arrêter
nous
Qu'il
soit
un
ont été écrites.
elles
gran-
instant pour le contempler?
donc permis de retracer
ici,
en une esquisse
rapide, les principaux traits de la doctrine de Nicolas de Gués
A. L'ignorance savante.
que le
qu'ait
2
composé Nicolas de Cues
voyons exposer
écrits
que
le
— Le plus ancien
est aussi celui
la
où nous
plan d'ensemble de toute sa doctrine. Les
le
Cardinal Allemand a produits par
au premier
.
philosophi-
traité
bien souvent, que développer une idée dont vait
1
on ne peut
traité;
les
la suite
le
germe
ne
font,
se trou-
parcourir sans admirer
puissance logique avec laquelle ce génie a su grouper en
une vue d'une
parfaite unité ses pensées sur les sujets les plus
divers.
Au
livre qui
renferme
donné pour titre choisi, car on ne a
:
la clé
De docta ignorantia;
saurait accepter
postule l'Évêque de Brixen
conscience de
de tout son système, Gusanus
l'incapacité
si
l'on
radicale
et ce titre est
bien
aucun des axiomes que ne prenait, tout d'abord,
où l'homme
se
trouve
de connaître la vérité absolue. Il
est
aucune
impossible 3 qu'une intelligence finie puisse s'assimiler vérité précise.
Le vrai n'est pas, en
qui soit susceptible de plus et de moins;
il
effet,
une chose
consiste essentielle-
ment en quelque chose d'indivisible; et ce quelque chose ne saurait être saisi par un être, si cet être n'est la vérité même. De même, l'essence du cercle est quelque chose d'indivisible, i.
Les lecteurs désireux de pénétrer plus avant dans
pourront Cues,
les
parmi les nombreux deux ouvrages suivants
lire,
écrits
que
les
le détail
de cette doctrine à Nicolas de
Allemands ont consacrés
:
Richard Falckenberg, Grundzùge der Philosophie des Nicolaus Cusanus mit besonderer Beriieksichtigung der Lehre vom Erkennen. Breslau, 1880. A. Glossner, Nicolaus von Cusa und Marias nizolius als Vorlaâfer der neuerer Philosophie. Munster, 1891. 2. Selon M. Scharpff, les trois livres De docta ignorantia ont été composés en i/»4o. 3. Nicolai de Cusa De docta ignorantia lib. I, cap. III.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
IOÔ
ne peut s'assimiler ce quelque chose;
et ce qui n'est pas cercle
polygone régulier que l'on inscrit dans un cercle n'est pas semblable au cercle il lui ressemble d'autant plus que le
;
multiplie davantage le
l'on
nombre de
a beau multiplier indéfiniment ce
mais on
ses côtés;
nombre, jamais
polygone
le
ne devient égal au cercle; aucune figure ne peut être égale à ce cercle, si ce n'est ce cercle lui-même. Ainsi en est-il, à l'égard de la vérité, de notre intelligence
qui n'est pas la vérité
d'une manière
même; jamais
elle
précise qu'elle ne la
si
manière plus précise encore,
ne saisira
puisse
la vérité
saisir
d'une
et cela indéfiniment.
Le vrai s'oppose donc, en quelque sorte, à notre raison; il est une nécessité qui n'admet ni diminution ni accroisse-
ment;
elle est
une
possibilité, toujours susceptible
d'un nou-
veau développement. En sorte que du vrai nous ne savons
pouvons comprendre. Quelle conclusion devons -nous tirer de là? «Que que nous ne
rien, sinon
même
le
des choses, qui est la véritable nature des êtres, ne
saurait être, par nous, atteinte en sa pureté.
phes l'ont cherchée; aucun ne
nous serons rons de
l'a
Tous
trouvée. Plus profondément
instruits de cette ignorance, plus
la vérité
même.
les philoso-
nous approche-
»
Quelle est donc la perfection que doit rechercher d'études
1
?
C'est d'être le plus savant possible
rance, qui est son état propre.
« Il
qu'il se connaîtra plus ignorant.
»
Le postulat fondamental
B.
minimum pour soi;
absolus.
— Une
:
humaine
du maximum
surcroît
d'audace;
Nicolaj de
;
ils
et
et
du
être,
de défiance de
ses prises,
il
ne
ne fera pas de Métaphysique. relatif et
borné de
n'inspire pas à tous les philosophes,
prudente réserve
cette igno-
semblable conclusion semble
La constatation du caractère
i.
L'identité
humain, une leçon de modestie puisque l'essence des choses échappe à il
en
l'homme
sera d'autant plus savant
l'esprit
tentera pas de la saisir,
cette
l'essence
il
la science
s'en faut bien,
plusieurs, au contraire, y puisent s'en
Gusa De docta ignorantia
autorisent lib. I,
cap
I.
pour construire
un les
NICOLAS DE CURS ET LEONARD DE VINCI
systèmes
les
plus hardis.
n'est plus nécessaire
Il
quences d'une doctrine s'accordent toutes entre
mie n'a plus rien qui
IO7
que
les
consé-
elles; l'antino-
qui se confie en
soit à redouter; l'esprit
rigueur absolue de notre logique croit reconnaître en cette
la
antinomie une contradiction qui ruine
mais celui qui
entière;
seulement une thèse
et
construction tout
la
nous échappe y voit une antithèse dont la science exacte, sait
que
le vrai
qui nous est inaccessible, comprendrait la synthèse. Ainsi
Hegel s'autorisera un jour du criticisme de Kant pour affirmer de Gués, fort de sa
l'identité des contradictoires. Ainsi Nicolas
docte ignorance, n'hésite point à dire
«
:
La
secte d'Aristote
répute hérésie la coïncidence des contraires;...
loupe
2
nous donne une vue plus pénétrante;
du principe qui
contraires au sein
elle
1
mais notre
nous montre
les
unit, avant leur
dualité, c'est-à-dire avant qu'ils ne soient
deux choses qui
les
s'opposent l'une à l'autre. C'est,
en
effet,
»
une antinomie que l'Évêque de Brixen met
au point de départ de tout son système 3 choses, le
maximum
absolu, dont
:
En
tout ordre de
compréhension nous
la
minimum absolu, qui ne nous est — « Maximum absolutum incompreecum quo minimum coincidit. »
échappe, est identique au pas moins inaccessible. hensibiliter intelligitur,
L'affirmation est audacieuse; bien étranges les courtes considérations qui prétendent la justifier
semblera
maximum est est
vous concrétisez en
clair si
«
:
la
Ce principe vous
quantité les idées de
minimum. La quantité maximum est celle qui grande au maximum; la quantité minimum est celle qui petite au maximum. Et maintenant, séparez les idées de
maximum
et
de
et
de
minimum
par
la
pensée
que
le
maximum
les
de
mots grand et le
celle
et petit;
minimum
C. L'existence et l'unité
de quantité, en supprimant
coïncident.
du maximum
obtenu par une numération
vous voyez clairement
absolu.
— Tout nombre
actuelle est fini; en puissance, le
2.
De docta ignorantia lib. I, cap XXII. Nicolai de Cusa Liber qui inscribitur De beryllo, cap.
3.
Nicolai de Gusa
1.
»
Nicolai de Gusa
De docta ignorantia
lib.
I,
cap.
III,
XXV.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
Io8
nombre
peut toujours,
On
un nombre, on par voie d'addition, en former un plus grand. par soustraction, former un nombre plus petit
infiniment grand; étant donné
est
peut aussi,
qu'un nombre donné, qui n'est plus
unanimement
un nombre. Tel Cues
s'empare
applique son postulat, le
absolu;
il
donc
de
et,
en
nombre
ceptible de multiplication;
minimum
nombre, mais en
est aussi
enseignement en
tire
l'unité
est
il
;
lui
2 :
un minimum
plus petit que un.
Il
existe
maximum absolu, identique au minimum effet, ce maximum absolu est tel qu'il n'existe
aucun nombre plus grand que L'unité,
.
et voici ce qu'il
n'y a pas de
un
1
cet
domaine des nombres,
aussi
absolu;
l'enseignement d'Aristote,
est
répété parla Scolastique
Nicolas de
Dans
jusqu'à ce qu'on arrive à l'unité,
et cela
absolu
elle est
la
fin,
il
le
lui
est
;
partant,
il
n'est pas sus-
nécessairement unique.
des
nombres,
n'est
pas
un
principe de tous les nombres; elle est identique
puisqu'elle
au
maximum
absolu.
Ce que nous venons de reconnaître dans le domaine des nombres demeure vrai dans tout autre domaine 3 .
même
Par cela
que des choses sont
finies, la série selon
laquelle elles se rangent doit être comprise entre
un terme
initial et
un terme
maximum absolu. Ce maximum absolu la série, car
un minimum absolu
final,
n'est pas
un des
en parcourant cette
deux termes,
série,
objets dont il
il
et
un
termine
pourrait être actuel-
lement atteint; tandis que, dans l'énumération d'objets finis, on ne peut jamais, d'une manière actuelle, atteindre un objet tel qu'il
n'en existe pas de plus grand.
Sans être aucun de ces objets, fin à tous;
identique, d'ailleurs,
commun Ce maximum est
aussi leur
multiplié,
il
maximum absolu est leur au minimum absolu, il est
le
principe. tout ce qu'il peut être
ne peut devenir nombre;
i.
Léonard de Vinci
2.
Nicolai
il
;
est
il
ne peut donc être
nécessairement un.
deux infinis (Études sur Léonard de Vinci, docta ignorantia lib. I, cap. V. 3. Nicolai de Cusa De docta ignorantia lib. 1, cap. VI. et les
deCusa De
a* série,
IX).
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
De En
cette affirmation,
il
tout ordre de choses,
identique au
minimum
comprendre toute
faut
portée 1
la
un maximum
un maximum de
existe
il
;
existe
il
109 .
absolu, quantité,
un de substance, un de qualité, et ainsi de suite. Mais ce ne sont pas des maxima distincts; dans son incompréhensible, mais parfaite unité,
même
le
tout ordre de choses, en
en qualité; la fin
Le
il
est aussi,
maximum
absolu en
nombre, en substance, en quantité,
en tout ordre de choses,
principe et
le
de tout.
nom
de cet être est Dieu 2
D. L'éternité de Dieu. La
Dieu
être est
est établie;
fort
.
trinité divine^.
— L'existence
de
de sa docte ignorance, Nicolas de Gués
essaye d'en pénétrer la mystérieuse nature.
Ce qui est immuable est nécessairement éternel; l'éternité est donc l'apanage de ce qui précède tout changement. L'altération (alteritas)
changement;
est
partant,
ce
qui
précède toute altération est éternel. Or, qui dit altération dit l'altération
implique
la dualité, et la dualité,
est postérieure à l'unité;
ration, en sorte
La
que
première des inégalités il
autre;
qui est nombre,
dès lors, l'unité précède toute alté-
l'unité est éternelle.
dualité, qui est la
sont simultanées;
une chose, puis une
:
;
première des altérations, par nature, l'inégalité
en résulte que
est aussi la
et l'altération
l'égalité, qui,
par nature,
précède toute inégalité, précède aussi toute altération
;
l'égalité
est éternelle. Si,
de deux causes, l'une
est,
par nature, antérieure à l'autre,
tout effet de la première de ces causes précède naturellement
tout effet de la seconde. Or, l'unité est connexion
connexion; des objets sont
dits
connexes quand
ensemble. La dualité, au contraire, de division, car l'unité,
la dualité est la
est division
ou cause de ils
ou principe
première des divisions. Mais
cause de connexion, précède naturellement Cusa De docta ignorantia
i.
Nicolai de
2.
Nicolai de Cusa
docla ignorantia lib.
I,
cap. V.
3.
Nicolai
docta ignorantia lib.
I,
cap. Vil.
De de Cusa De
sont unis
lib. II, cap. III.
la dualité,
ETUDES SUR LEONARD DE \1NCI
HO cause de division
la
;
connexion
rieure à toute division.
est
donc, par nature, anté-
D'autre part, altération et division
en sorte que
sont, par nature, simultanées,
naturellement antérieure à toute division
la
connexion
que
et
est
connexion
la
est éternelle.
L'unité est éternelle, l'égalité est éternelle, la connexion est
ne peut être pluralité,
éternelle. Mais rien de ce qui est éternel
car l'unité qui, par nature, est antérieure à la pluralité, précé-
même,
derait l'éternité éternel.
donc
Si
que
nelles, c'est
même
et
être.
ce qui est
impossible. L'un seul est
l'unité, l'égalité et la
l'unité, l'égalité et la «
connexion sont
connexion sont un seul
Telle est cette trinité dans l'unité qui a été
proposée à notre adoration par Pythagore, les
philosophes, l'honneur de
En
éter-
l'Italie et
ses divers traités, Nicolas
premier de tous
le
de la Grèce.
»
de Gués creuse la notion de
cette divine trinité.
L'analyse de toute chose finie nous y
découvrir
fait
la puis-
sance, l'acte, et l'union de la puissance et de l'acte; tous ces
éléments, nous devons les retrouver en l'unité de Dieu, mais portés au
Dieu
maximum
est
donc
absolu.
l'acte infini
l'actualité infinie n'est autre la
toute-puissance 3
maximum
ne
pur
diffère pas
et l'union
coéternels 5
,
l'acte
absolument pur 2
maximum
de
l'acte
4
en Dieu,
;
.
Mais
chose que l'existence actuelle de
en sorte que, dans l'absolu,
;
aussi l'absolue puissance l'acte
1
la
de cette puissance
la
puissance
que Dieu
et
est
puissance absolue, et
de cet acte sont
.
L'acte présuppose
6
logiquement
qui en est
la puissance,
le
principe; la puissance, au contraire, ne présuppose rien. Le
Père est cette puissance qui, logiquement, est l'acte; le
Père;
Fils est l'éternelle
de l'un et de l'autre procède
Nicolai de
Nicolai de Nicolai de
3.
5.
6.
le
la
principe de
puissance du qui est
Saint-Esprit
Cusa De docta ignorantia lib. II, cap. VIII. Cusa Apologia doctse ignorantise. Cusa De docta ignorantia lib. I, cap. XVI, et Nicolai de Cusa De docta ignorantia lib. II, cap. VIII. Nicolai de Cusa Trialogus de Possest. Nicolai de Cusa Trialogus de Possest.
i.
2.
h.
mise en acte de
le
lib. Il, cap.
I.
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINCI
chacun d'eux, de
l'union, coéternelle à
de
l'acte pur.
de
est le lien
le
Père peut,
Toute-puissance
et
du Tout-puissant.
Fils est ce
L'Univers contracté
E.
qui est
maximum
le
puissance absolue et
la
que
Le la
I I I
et le Saint-Esprit
— En dehors de Dieu,
et la création.
absolu et l'unité parfaite, sont des êtres
dont l'ensemble compose ce que Nicolas de Gués
finis
ou concret
l'Univers contracté
Que nous enseigne
(contractas).
la docte
l
nomme
ignorance touchant
la
manière
d'être de cet Univers?
Seul, le
maximum
absolu, qui est aussi l'absolue nécessité,
existe par soi; l'Univers contracté tient
de lui-même, mais du L'être absolu est
par conséquent,
absolu
il
;
exempt de toute envie
il
est créature et
de Dieu.
de toute avarice
;
ne peut rien communiquer de négatif, de
de diminué par essence.
privatif,
En
maximum
donc son existence non
la créature
donc, qui tient son existence du
maximum,
rien de ce qui est diminution, tel que la corruptibilité, la divil'imperfection, la diversité, la pluralité, ne provient
sibilité,
de
maximum
l'être
qui est éternel, indivisible, absolument
absolument un, De Dieu,
parfait, sans distinction,
tient son unité, son caractère distinctif et sa
la créature
connexion avec
l'Univers; et plus elle est une, plus elle est semblable à Dieu.
Mais l'unité de
par la pluralité, son
la créature est altérée
caractère distinctif par la confusion,
sa
connexion avec
le
ne vient ni de
reste de l'Univers par le désaccord; tout cela
Dieu, ni d'aucune cause positive; cela vient de la contingence.
donc
Qui
pourrait
comprendre
comment
de
l'être
la
créature résulte de la nécessité absolue, dont cet être provient,
en
même
temps que de
exempt? La créature ainsi dire, entre
la
contingence, dont
il
ne saurait être
n'est ni Dieu, ni le néant; elle est
Dieu
et le néant, après
Dieu
et
avant
Et cependant, on ne peut prétendre qu'un être est A' être et
de non
être.
descend de Fêtre néant i.
La créature
— ni
n'est
le non-être
— ni un composé de l'être et
Nicolai de
Cusa De docta ignorantia
lib. II»
elle est
du non-être. cap. IL
néant.
un composé
donc ni Y être
— car
le
pour
— car
elle
supérieure au
études suk Léonard dé vinci
tia
Notre intelligence ne peut, ni sous forme divisée, ni sous
forme composée, résoudre les contradictoires; elle ne peut donc atteindre l'essence de la créature elle sait seulement que ;
son existence de
la créature tient
ou
F. L'Univers est-il fini
sonder
infini?
Notre esprit ne pourra
il
rencontrera celle qui épou-
Scolastique péripatéticienne et qui rend impossible
la
toute réponse à cette question
ou
—
de la créature sans se heurter sans cesse à
l'être
des antinomies. Et tout d'abord,
vante
l'être absolu.
L'Univers contracté
:
est-il fini
infini?
Seul, le
maximum
absolu est infini
1 ,
car seul
il
est tout ce
qui peut être. L'Univers contracté réunit tout ce qui existe hors
Dieu
;
il
n'est pas Dieu,
D'autre part,
donc
n'existe
il
que l'on peut dire
n'est pas positivement infini.
il
aucun terme qui
qu'il est infini
le
borne, en sorte
en prenant ces mots dans un
sens négatif, qui signifie l'absence de limite. Plus exactement,
on peut
dire
que l'Univers
n'est ni fini ni infini.
Dire qu'il n'y a pas de bornes actuellement existantes qui
terminent
une
Monde,
le
c'est dire qu'il n'y a pas,
pour l'Univers,
possibilité d'être qui outrepasse son actuelle existence;
c'est dire
que l'Univers ne peut
être plus qu'il n'est.
Mais alors se dresse devant nous une nouvelle antinomie
La
du Monde ne
possibilité
se laisse pas étendre
existence actuelle, en sorte que le
grand
qu'il n'est;
sance de Dieu,
le
Monde ne
et d'autre part,
Monde
:
au delà de son
pourrait être plus
eu égard à
la
toute-puis-
pourrait être plus grand qu'il n'est
actuellement.
G. Dieu est
la
synthèse de
développement de Dieu.
—
la
création et la création est
le
Sans s'effrayer de ces continuelles
antinomies, qu'elle a prévues, la docte ignorance poursuit ses pénétrantes
investigations
sur les rapports
de Dieu
et
de
l'Univers créé.
Deux notions i.
Nicolai de
j.
Nicolai de
se présentent à elle
Cusa De docta ignoranlia Cusa De docta ignorantia
3 ,
qui s'opposent l'une à
lib. II,
cap.
I.
lib. Il,
cap,
111.
NICOLAS DE CUËS ET LEONARD DE VINCI l'autre
la
:
notion de synthèse ou d'implication (complicatio) et la
notion de développement (explicatiù)
Tout nombre d'autre
l'unité;
nombre, en
nombre
n'est
qu'une répétition, un développement de
part,
qui est
l'unité,
maximum
est aussi le
Tout nombre développe donc qui est
le
enveloppe tous
les
.
principe de
le
tout
absolu, en sorte que tout
compris, impliqué dans l'unité.
est
et l'unité,
Il3
;
maximum
elle
en
son principe;
l'unité, qui est
de tous
et la fin
les
nombres,
est la synthèse.
Ce que nous venons de dire du nombre peut
se répéter de
compose l'Univers concret. En une ligne, on ne trouve rien que le point partout où l'on veut diviser la ligne, il y a un point, en sorte que le point
tout ce qui
;
concentre
donc
le
et
condense, pour ainsi dire, la ligne. Le point est
principe et
terme, la perfection
le
et la totalité
La longueur
toute longueur, de toute surface, de tout volume. est le
premier développement du point,
volume en mouvement? Une
second développement, Qu'est-ce
que
le
le
mouvement trouve
sa synthèse, et
en
la surface
est le
est le troisième.
série d'états
succédant avec continuité, en sorte que le
de
le
que
de repos se
repos est l'unité où
le
mouvement
est le
développement du repos. Le présent implique
temps tout entier;
le
le
passé
fut
on ne trouve dans le temps que des instants se succédant en une série continue et dont chacun est présent à son tour. Le présent est donc la synthèse du temps, comme le temps est le développement du présent;
présent, le futur sera présent;
et le présent, c'est l'unité.
De même, diversité le est la
l'identité est la synthèse
développement de
l'identité;
même
de
même,
le
l'égalité
développement
encore, la simplicité est la synthèse
la division, et celle-ci
ne
fait
que développer
Ainsi Dieu, qui est l'unité parfaite et est la
diversité, et la
la
synthèse de l'inégalité, et l'inégalité
de l'égalité; de de
de
synthèse de toutes
les
le
la simplicité.
maximum
choses concrètes
;
et ces
absolu,
choses
concrètes, en leur pluralité, sont le développement de l'être
unique de Dieu. P.
DU HEM.
8
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VlNCÏ
11^ «
Cette synthèse
ce
et
développement, comment
se
pro-
une question qui excède les bornes de notre Nous est-il possible de comprendre que la plura-
duisent-ils? Voilà intelligence.
des choses concrètes découle de l'intelligence divine, en
lité
même
temps que
l'unité parfaite?
de ces choses provient de Dieu, qui est
l'être
»
H. De quelle manière Dieu créées, et inversement.
la synthèse
de
V Univers sont en toutes choses
et
— Toutes
la création, et
choses sont en Dieu
Dieu
est
affirmation dont la docte ignorance va
profond 3
,
qui est
en toutes choses, car
la
Voilà une double
développement de Dieu.
création est le
1
commenter
le
sens
.
Les choses contractées, c'est-à-dire la création, tiennent tout leur être de Dieu; aussi cet être imite-t-il l'être de Dieu autant
que sa nature Dieu
est le
comporte.
le
maximum
absolu
et l'unité parfaite,
en laquelle
toutes les distances, toutes les divisions, toutes les
contra-
dictions deviennent union.
L'Univers est l'image contractée de cette unité absolue ce
maximum absolu. Il est maximum non
comprend non les
pas
et
de
pas absolu, mais contracté, en ce qu'il
toutes
choses,
mais seulement toutes
choses créées.
Le
maximum
absolu est l'unité parfaite, exempte de toute
pluralité; toutes choses sont impliquées en lui,
mais en une
union complète qui exclut toute division, toute distinction. L'Univers est un, lui aussi, mais d'une unité contractée qui n'exclut
pas la pluralité,
pluralité. Et de
sa simplicité
même
se
qui se résout,
que son unité
contracte en
au contraire, en
se contracte
en pluralité,
composition, son éternité en
succession, et ainsi de suite.
Examinons de plus près encore de quelle manière l'Univers un se résout en la pluralité des choses contractées. L'essence (quidditas) de Dieu est d'être absolu i.
Nicolai de Cusa
a.
Nicolai de
De
docta ignorantia lib.
Cusa De docta ignorantia
II,
cap. III.
lib. II, cap. IV.
;
partant,
il
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINCI
en
existe
une unité
exempte de
parfaite,
Il5
toute division.
L'essence de l'Univers est d'être contracté, c'est-à dire qu'il ne
peut être réalisé, à moins de se condenser, pour ainsi dire, en objets particuliers.
L'Univers est en chacune des choses contractées
comme une
abstraction est en chacun des objets concrets qui servent à la
L'humanité n'est ni Socrate, ni Platon; mais, en
former.
Socrate, l'humanité abstraite est réalisée d'une manière concrète par Socrate, en Platon, elle l'est par Platon.
l'Univers n'est ni est ce
que
le Soleil
le Soleil,
ni la
Lune; mais, dans
De même, le Soleil, il
a d'universel, dans la Lune, ce que la
Lune
a d'universel.
L'Univers est ainsi en chaque chose contractée particulière;
y
il
ce
est
que
cette
chose
contient d'universel,
qui
ce
demeure lorsqu'on supprime toute diversité et toute pluralité. Tout de même donc que chaque objet créé est dans l'Univers, on peut dire que l'Univers est en chaque objet créé. Mais l'Univers, qui qui est
Dieu
le
est
maximum
absolu
en l'Univers qui
de l'Univers
maximum
est le
émane de
le
et la
contracté, est en Dieu,
synthèse de toutes choses
;
et
développe car l'essence contractée ;
Comme
Dieu
être particulier,
Dieu
l'essence absolue de Dieu.
est
en l'Univers,
est
en chaque être particulier. C'est par l'intermédiaire de
et l'Univers
en chaque
l'unité contractée de l'Univers
que
en chacune des choses créées
et
l'unité absolue de
que
Dieu
la pluralité des
est
choses
créées est en l'unité de Dieu.
On
peut aller plus loin encore. Puisque Dieu est en toutes
choses par l'intermédiaire de l'Univers; puisque, par l'intermédiaire
du
répéter
1
même
Univers, toutes choses sont en Dieu, on peut
les paroles
d'Anaxagore, en leur prêtant un sens pro-
fond qu'il ne leur donnait peut-être pas
:
Tout
est
dans tout*
Quodlibet in quolibet.
I.
La
trinité contractée
maximum i.
de l'Univers.
—
L'Univers, qui est
le
contracté et l'unité contractée, imite, autant que sa
Nicolai de Gusa
De
doeta ignorantia lib»
II,
cap. V.
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
n6 nature
permet, Dieu, qui est
le
Nous n'avons pas épuisé
absolue.
maximum
le
absolu
et l'unité
conséquences de ce prin-
les
cipe fécond. est trinité; l'Univers est
Dieu
A
donc aussi
trinité
la vérité, entre la trinité divine et la trinité
1 .
de l'Univers
subsistent des différences profondes et essentielles 2
Dieu étant unité absolue, sa
du Monde, au
L'unité
pour elle
subsister,
il
trinité est identique à l'unité.
contraire, est
lui faut se
une unité contractée
effet,
pour
qu'il
y
ait
contraction,
objet contractible qui la subit, duit, et
un
;
condenser en choses multiples;
ne pourra subsister qu'au sein d'une
En
.
un
trinité.
faut trois choses
il
:
un
sujet contractant qui la pro-
lien par lequel le sujet contractant est uni à l'objet
contractible en vue de produire l'acte de contraction.
image de
Telle sera la trinité de l'Univers,
descendue de
Qui
cette trinité.
dit contractibilité
désigne une certaine possibilité; cette
donc de
contractibilité descend
engendre
la trinité divine,
puissance suprême, qui
la
la divine trinité.
L'agent contractant détermine la possibilité de contraction; il
la force à
tel être
devenir ceci ou cela
On
particulier.
égalité qui,
au sein de
;
il
la
rend adéquate à
tel
ou
peut donc dire qu'il descend de cette
la trinité divine, est le
La possibilité contractible
est
souvent
Verbe.
nommée
la matière
de
on donne fréquemment le nom déforme de l'Univers ou d'âme du Monde. Pour que l'acte de la contraction s'achève, il faut que le sujet contractant soit appliqué à l'objet contractible, que la matière
l'Univers
soit
à l'agent contractant,
unie à
bilité à
on
;
le
la
forme, qu'il y
déterminer
nomme et la
est clair
compénétration de
de la nécessité qui
la
qui produit
le
Nicolai de
Nicolai de
c'est
mouvement par
lien
une
sorte
lequel la
descend du Saint-Esprit qui, au sein de
divine trinité, est le lien infini. i.
;
matière de l'Univers s'unissent l'une à l'autre.
que ce
a.
la possi-
détermine. Ce lien,
parfois la possibilité déterminée
d'esprit d'amour,
forme
et
ait
Cusa De docta ignorantia Cusa De docta ignorantia
lib. Il, cap. VI. lib. II, cap. VII.
Il
la
I
NICOLAS DE GUES ET LÉONARD DE VINCI
que
matière universelle.
la
Parmi tous
les possibles,
pure est
fondamental de
maximum. La
n'en est aucun qui existe moins
il
pure, exempte de toute détermination
la possibilité
possibilité
7
union de Pâme du
Étudions de plus près encore cette
Monde avec
I
l'être
minimum;
docte ignorance,
la
la
1 ;
partant, selon le postulat elle est
identique à
l'être
qu'aucun acte ne détermine,
possibilité pure,
ne subsiste donc qu'en Dieu, où
identique
elle est d'ailleurs
à l'acte pur. Hors de Dieu, la possibilité ne peut exister qu'à
ou moins déterminée
la condition d'être contractée, d'être plus
par
l'acte.
La
pure
possibilité
Dieu; quant à
le
Monde;
elle
ne
lui est
pas antérieure,
pas avant lui; elle est contemporaine du Monde, et
elle n'était
Tous
seulement par
possibilité contractée, c'est
la
nature qu'elle précède
non pas
à Dieu, puisqu'elle est
est coéternelle
éternelle.
philosophes s'accordent en ce point s que, pour
les
déterminer
la
puissance à
l'acte,
il
faut
quelque chose qui
en acte; aucune puissance ne peut d'elle-même passer à
La puissance de l'Univers, qui ne peut subsister à
soit
l'acte.
l'état
de
pureté, qui doit nécessairement être déterminée par quelque acte, requiert lui puisse
donc une chose douée d'existence
imposer
acte, c'est la
forme
De même que Dieu, de
cette
même
et
la
actuelle qui
détermination; cette chose, qui est en
l'âme du Monde.
puissance pure ne peut exister hors de
pur ne
l'acte
se trouve qu'en Dieu; hors
de
Dieu, l'acte ne se trouve jamais que sous forme contractée, par suite de son
Monde ne lité
union avec une certaine puissance;
saurait
qu'elle réduit
liers;
donc en
exister
la
indépendamment de
acte, qu'elle contracte
en d'autres termes, l'âme du Monde
forme du
la possibi-
en objets particu-
est inséparable
de la
matière universelle.
La
possibilité de l'Univers 3
une forme déterminée
;
il
ne peut exister
en résulte en
De docta ignorantia Cusa De docta ignorantia Nicolai de Cusa De docta ignorantia
elle
i.
Nicolai de Cusa
lib. II, cap. VIII.
2.
Nicolai de
lib. II, cap.
3.
lib. II,
IX.
cap. X.
si elle
un
ne reçoit
désir de rece-
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
n8
voir cette forme à laquelle elle est prédisposée, désir semblable
mauvais souhaite
à celui par lequel ce qui est
lequel la privation souhaite ce qui lui
bien, par
le
manque.
D'autre part, la forme ne peut être, d'une existence actuelle, elle
si
ne vient contracter la possibilité et comme elle désire elle tend à venir déterminer et achever la puissance. ;
d'être,
Ainsi se produit une double aspiration
matière qui veut s'élever vers
peut être
;
:
aspiration de la
forme sans laquelle
la
ne
elle
aspiration de la forme qui tend à descendre en la
matière où elle trouvera la possibilité d'exister actuellement.
De cette double tendance, ici ascendante, là descendante, naît un mouvement par l'intermédiaire duquel se fait l'union de la puissance et de l'acte; et ce mouvement, intermédiaire entre la matière
forme, procède à la
et la
mobile, et de la forme, qui est
Ce mouvement puissance
de
et
est l'effet
l'acte,
le
fois
de
la matière,
qui est
le
moteur.
d'une aspiration mutuelle de
la
d'une sorte de tendance amoureuse,
d'un esprit.
De même que de
la possibilité
même
que
la
la possibilité
absolue de Dieu, possibilité qui est
du
Fils
Père; de
du
l'acte
ou du Verbe de Dieu; de même,
connexion qui unit l'âme du Monde
universelle descend
Saint-Esprit;
qu'engendre cet esprit de connexion,
ment
le
forme contractée du Monde descend de
absolu, c'est-à-dire esprit de
contractée de l'Univers descend
et la
cet
matière
quant au mouvement il
descend du mouve-
absolu, qui est identique au repos absolu.
Ce mouvement d'amoureuse union a un double effet. C'est par lui, en premier lieu, que la puissance de chaque chose est en acte
et
que
l'acte
de cette chose en détermine
la
puissance; c'est donc par lui que chaque chose subsiste dans
son unité, distincte de toutes qu'elle soit aussi parfaite C'est par lui,
en second
que
les autres choses, et le
lieu,
comporte
de
telle sorte
sa nature.
que chacune des choses créées
immédiatement ou médiatement, que leur ensemble constitue un monde dont
participe de toutes les autres,
de
telle
sorte
toutes les parties sont solidaires les unes les autres, aussi
un que
possible,
un Univers
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
d'union diaire,
est
l'émanation du Saint-Esprit qui, par son intermé-
meut
toutes choses.
Les cléments
J.
détermine ce double mouvement
qui
contracté
L'esprit
II9
et les mixtes.
— Dans
philosophique
l'édifice
élevé par Nicolas de Gués, toutes les parties se tiennent avec
une remarquable gent
mêmes
unité. Les
principes généraux diri-
solution des questions les plus diverses et les plus
la
spéciales.
En
particulier, la doctrine
que l'Évêque de Brixen
professe au sujet des quatre éléments et des mixtes formés par
— sa doctrine chimique —
leur combinaison
immédiat de
très
La nature
est
est
un.
On
un
corollaire
métaphysique.
sa théorie
douée d'unité;
sensibles, et c'est par elle
est
elle existe
en toutes choses
que l'ensemble des choses sensibles
peut donc dire
très
1
justement que
la
nature est
Vêlement universel.
Mais
la
Nature ne subsiste pas dans l'unité absolue, car
n'est pas Dieu;
pour
subsister,
il
faut qu'elle se contracte
elle
dans
choses sensibles, que son unité se résolve en pluralité
les
(alteritas).-
Cette contraction se
fait d'ailleurs
par degrés; au premier
degré, l'unité de l'élément universel se résout en
une
pluralité
de quatre éléments principaux.
Chacun de
ces quatre éléments principaux est affecté à l'une
des quatre régions que l'on peut tracer autour du centre de la
Terre; c'est parce que chacune de ces régions est occupée par
un élément c'est
qu'elle a,
parce qu'elle
est
dans
le
Monde, une existence
occupée par un
même
actuelle;
élément qu'elle
est
une région unique. Chacun des quatre éléments principaux est donc l'actualité et l'unité de la région à laquelle il est affecté. Mais dans la nature créée,
il
n'existe ni acte pur, ni unité
absolue. Tout acte est mêlé de puissance, toute unité se résout
en pluralité. L'élément pur, l'élément un, ne jamais dans
le
Monde;
il
se
trouve donc
n'y peut exister que des mixtes, et
jamais aucun de ces mixtes ne peut être réduit en éléments simples. 1.
Nicolai de Cusa
De
conjecturis lib. II, cap. IV.
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
120
Bien qu'il contracte en lui-même la pluralité des quatre éléments, un mixte peut s'approcher plus ou moins de la simde l'un d'entr'eux qui
plicité
dominant
et
en sa composition, l'élément
est,
qui lui donne son
nom;
ainsi,
un
mixte, tout en
du feu, de l'eau et de la terre, peut s'approcher plus ou moins de l'air élémentaire; on donne contenant en
lui
de
l'air,
nom
alors à ce mixte le
d'air.
Les quatre corps auxquels nous donnons d'air,
les
noms de
feu,
d'eau et de terre sont constitués de la sorte; en chacun
d'eux se trouvent les quatre corps élémentaires; chacun d'eux
prend
le
nom
de l'élément qui prédomine en sa composition
;
quatre corps dont nous venons de parler ne sont donc
les
plus des éléments premiers, mais des mixtes principaux ou
généraux.
Dieu,
minutieusement
une
par
d'ailleurs,
les
fixé
mathématique
proportions
des
admirable
quatre
1 ,
a
éléments
premiers qui concourent à former chacun des mixtes généraux;
les a fixées
il
de
telle sorte
qu'aucun d'eux ne puisse
intégralement se convertir en quelqu'un de ses congénères.
Ces mixtes généraux peuvent 2
,
à leur tour,
se
combiner
entre eux pour former des mixtes spéciaux qui sont les corps individuels.
Le mixte spécial est issue
est le dernier
de l'élément universel
l'élément principal et
elle reçoit
et qui,
l'acte
s'est élevée
jusqu'à
élémentaire s'élève vers l'individu
l'existence actuelle, et l'individu descend
vers l'élément universel sans lequel
non plus que
par l'intermédiaire de
du mixte général,
l'individu. L'universalité
en qui
degré de cette contraction qui
il
ne pourrait subsister,
sans la puissance.
Cette théorie chimique porte,
profondément gravée, l'em-
preinte de la Métaphysique de Nicolas de Cues;
il
ne faudrait
pas croire, cependant, que le Cardinal Allemand l'eût inventée
de toutes pièces; ce qu'elle contient de proprement physique était,
avant
lui,
notamment, que i.
2.
Nicolai de Cusa Nicolai de
d'usage courant;
toute
l'École
le feu, l'air, l'eau et la terre, tels
De docta ignorantia lib. II, cap. XIV. Cusa De conjecturis lib. II, cap. V.
enseignait,
que nous
les
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
131
connaissons, ne sont pas des éléments; que ce sont des mixtes et
qu'en chacun d'eux,
prend
le
nom,
un élément prédominant, dont
de
mixte
trouve uni aux trois autres; l'originalité
se
de Nicolas de Gués est de et
le
ces enseignements
emparé de
s'être
incorporés à son système philosophique.
les avoir
K. L'homme; l'union de l'âme
comme
et
— Le microcosme
du corps.
macrocosme; ce qu'on a dit de l'union de l'Ame du Monde avec la Matière, on peut le répéter presque textuellement de l'union de l'âme humaine avec le corps est constitué
le
humain. C'est encore
1
l'amour qui forme
entre l'âme et le
le lien
corps, et qui maintient la vie.
L'âme, qui a puissance de donner
mettre cette puissance en acte, être dans vivifier;
en sorte qu'elle aime
le
au corps, désire
la vie
le
corps pour
le
Le corps, qui ne
corps.
âme et désire lui être uni. Cette mutuelle aspiration, cet amour qui cherche la connexion de l'âme et du corps, est un esprit qui leur est pourrait demeurer en vie sans l'âme, aime cette
commun
à tous deux; ce
commun
esprit participe de la nature
de l'âme, en ce que l'âme descend pour vivifier participe de la nature
du corps, en ce que
le
le
corps;
il
corps monte pour
se préparer à recevoir la vie.
Lorsque
vigueur de cet esprit vient à manquer,
la
le
corps
cesse de vivre.
L. Les facultés de l'âme humaine. offre
en
effet 2 ,
de la raison
le sens, et
qui
de l'intellect
(ratio)
.
Nicolai de
la Trinité. Elle se
(intellectus) ,
du sens
3
du sens
n'est ni
dans
au-dessus de
la
temps, ni dans l'espace;
il
et l'intellect le
Cusa Excitationum ex sermonibus
lib.
III
;
ex sermone
filia; fides...
Cusa De docta ignorantia De docta ignorantia
2.
Nicolai de
3.
Nicolai de Cusa
(sensus)
unit l'un à l'autre. L'ordre de prééminence
les
raison. L'intellect
de
qui est intermédiaire entre l'intellect et
place la raison au-dessus
i
L'âme humaine nous
ses facultés, elle aussi, l'image
compose, en et
—
lib. III, cap. VI.
liber III, cap. VI et cap. VII.
:
Confide,
ETUDES SUR LEOXARD DE VINCI
Ï32
en
est
indépendant;
le sens,
au contraire, dépend du temps
et
soumis au mouvement, tandis que l'intellect plane dans une région plus élevée où s'exerce son intuition. Approfondissons davantage cette union de l'intellect et du
de l'espace
il
;
est
sens par l'intermédiaire de la raison
1 .
Nous devons, pour concevoir l'âme humaine, imaginer
comme
l'intellect
La lumière
tas).
comme
l'unité et le sens
descend en l'ombre sensuelle,
intellectuelle
monte
tandis que le sens
le
est produit, la raison,
un mouvement
descente et par
compose d'une
un mouvement de
d'ascension, est double; elle se
partie supérieure, qui est la plus voisine de
nommer
qu'on peut
l'intellect et
qui est
sens et l'intellect.
raison elle-même, produite par
Cette
double
vers l'intellect; et par ce
mouvement, un troisième degré intermédiaire entre
la diversité (alteri-
la faculté
appréhensive,
et
d'une partie inférieure, plus rapprochée du sens, à laquelle
on peut avons
attribuer le
de fantaisie ou d'imagination
;
nous
en l'âme humaine, quatre facultés qui en sont
ainsi,
comme
nom
De
en
est
deux, la sensibilité et l'imagination, qui s'exercent dans
le
les
quatre éléments.
ces quatre facultés
2
« il
corps, tandis que les deux autres, la raison et l'intelligence s'exercent hors
du corps».
Ainsi l'unité de l'intellect descend en la diversité
de
appréhensive
la raison
l'unité
;
de
et,
;
en
produit un
même
en la diversité
la raison
diversité
du
temps que ce mouvement de descente,
se
de l'imagination; l'unité de l'imagination en sens
(alieritas)
mouvement
la
d'ascension de chaque faculté vers la
faculté supérieure.
Pourquoi
de
cette descente
l'intellect vers le
de l'intellect est-elle de devenir sens?
tion
sens? L'inten-
Non
pas,
mais
d'acquérir sa perfection en devenant intellect en acte. L'intellect
est
la
puissance
de
connaître;
il
ne peut devenir
connaissance actuelle qu'en s'unissant au sens, qu'en devenant sens
;
il
se fait sens afin
de pouvoir passer de
à l'acte. L'intellect ne sort i.
Nicolai de Gusa
2.
Nicolai de Cusa De ludo globi lib,
De
la
puissance
donc de lui-même en descendant
conjecturis lib. III, cap. I.
XVI.
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
vers le sens que pour revenir à lui-même par
qui ferme
le
cycle de ce
de
passe à
augmente
perfection
se fait intelligible,
pour objet
dit, a
perfection
la
lorsque l'intellect comprend, sa puissance
l'intellect;
l'acte, sa
une ascension
mouvement.
Ce mouvement, nous l'avons
même
123
il
lors
;
donc que
progresse dans l'ordre de
l'intellect
l'intellect,
il
se
féconde lui-même. Plus
lumière de
la
pénètre profondément au sein
l'intellect
des espèces multiples du sens, plus à leur tour ces espèces
sont absorbées et unifiées dans la lumière intellectuelle; la diversité (alteritas) de l'intelligible tend de plus en plus à se
fondre dans l'unité de
de
l'intellect
que
la
l'intellect
;
en sorte que cette unité
devient de plus en plus parfaite au fur et à mesure
puissance intellectuelle tend à
intellectuel tend
l'acte; le
au repos.
vue de sa propre perfection que
C'est en
mouvement descend
l'intellect
vers le sens pour remonter vers lui-même; c'est aussi en vue
de
de la vie sensitive que
la perfection
Ainsi l'intellect ne descend point vers
l'intellect.
n'est
sens
le
pour que
le
sens
monte point vers
le sens.
Par
la
là,
le sens, si
même,
lui; et de
ce
sens ne
le
pour que
l'intelli-
descente de
l'intelli-
l'intelligence, si ce n'est
gence descende vers gence vers
monte vers
monte vers
du sens vers l'intelligence mouvement; les contraires sont
sens et l'ascension
le
ne sont qu'un seul
et
même
identiques, selon les principes de la Métaphysique de Nicolas
de Cues.
Ce double mouvement par lequel sens monte pour se rencontrer en explique tout
ne peut
le
mécanisme de
se trouver
la raison; rien la raison
;
patéticien
M. La
dans
l'intellect
charité, anion de
Diea
qui ne descende aussitôt en le
monte en
sens qui ne
le
fameux axiome
quod non prias fueril
et
de l'âme hamaine.
Nicolai de Cusa Jdiotœ lib. JII
;
De Mente;
cap.
III.
péri-
in sensu.
— Nicolas
de Cues nous a décrit de quelle manière l'intellect et I.
et le
raison intermédiaire
la
comprendre
Nihil est in intellectu
descend
connaissance humaine. Rien 1
ne peut tomber sous
et ainsi se doit :
la
l'intellect
le
sens se
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
124
trouvaient unis en l'esprit de l'homme. C'est d'une manière toute semblable qu'il conçoit, en la vie chrétienne, l'union
du
souverain bien, qui est Dieu, avec l'âme de l'homme. Nous ressentons en nous-mêmes une tendance qui déter1
mine un bien.
C'est le
c'est lui aussi
attire
mouvement,
certain
bien qui est
le
but de cette aspiration, mais
notre esprit. Notre esprit ne tient son désir du bien que
il
en
Notre
le
bien qui crée notre aspiration vers
vers Dieu
2
parce qu'elle désire s'unir à
la vie surnaturelle.
même, en
tendance
repos qu'en son principe.
âme tend donc
pour vivre de
de Dieu
c'est le
est à la fois le principe et la fin; et notre
ne peut trouver
lui
le
de cette tendance est
qui la détermine, lui qui, par sa propre force,
du bien lui-même; lui;
et l'objet
que
sorte
le
Mais ce désir,
mouvement de
aller à la vie, c'est-à-dire à Dieu, n'est autre
de Dieu vers nous.
Ici
elle le tient
notre
âme pour
chose que
venue
la
encore nous constatons l'identité des
contraires, principe de la Théologie de Nicolas de Cues.
Comme
tout
amour, l'amour entre Dieu
l'âme humaine
et
tend à transformer l'un en l'autre chacun des deux objets qui s'aiment, à mettre Dieu en nous et nous en Dieu
Amor
:
trans-
formatorim amantium. Cette formule est,
pour
la pierre
ainsi dire,
angulaire de
tout l'édifice métaphysique élevé par Nicolas de Cues. être, le
Cardinal Allemand découvre cette trilogie
:
En
tout
le sujet
qui
aime, l'objet aimé, l'amour qui les unit.
Le sujet qui aime sent en lui des puissances qu'il désire mettre en acte, afin d'accroître sa perfection; or,
il
ne peut
les
mettre en acte qu'en s'unissant à l'objet aimé, et c'est pourquoi il
l'aime.
L'objet aimé, de son côté, désire sortir de la puissance
demeurerait
si
le sujet
aimant ne
l'en tirait;
tence actuelle qui est sa perfection, et
il
il
aime
où
il
désire l'exis-
le sujet
en acte
qui, seul, peut la lui conférer.
Entre
le
sujet
aimant
et
l'objet
aimé naît
Cusa Cribrationis Alchoran prologus. Cusa Excitntionum ex sermonibus liber quoadusquc induamini. i.
Nicolai de
2.
Nicolai de
III;
ainsi l'amour,
Ex sermonc
:
Sedete
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
double aspiration qui qu'il
cherche
les unit,
l'objet, et
125
qui procède du sujet en tant
de l'objet en tant qu'il désire
le sujet;
chacune de ces deux tendances présente le même caractère; ce qui aime veut s'unir à ce qui est aimé et se transformer en Amor transformât amantem in amatum. lui
et
1
:
Mais lorsque
le
sujet
s'identifier à l'objet
aimant tend de tout son pouvoir
aimé 2
,
il
le fait
non pour devenir
à
autre,
mais pour être plus parfaitement lui-même; car sa propre vie et
son propre bonheur ne peuvent acquérir leur perfection
Ton peut vraiment dire en ce sens qu'un ami est un autre soi-même; ainsi le mouvement par lequel le sujet aimant se tourne vers l'objet aimé est identique au mouvement par lequel il tourne l'objet aimé vers lui-même. La descente du sujet aimant vers l'objet aimé, qu'autant qu'il est en l'objet aimé;
et
l'ascension de l'objet aimé vers le sujet aimant sont les deux
termes d'une opposition que
la docte
ignorance résout en un
harmonieux accord. Tel
est,
tracé à très grandes lignes,
le
plan du système
métaphysique que Nicolas de Gués a construit. Dans
les
cadres
dont nous avons donné une esquisse sommaire, une foule de
Nous ne saurions ici ni les exposer, ni les énumérer. Du moins, lorsque nous aurons à faire allusion à quelqu'un de ces détails, nous sera-t-il possible, par ce que nous avons dit, de déterminer les rapports qui l'unissent à
détails trouvent place.
l'ensemble de
la
doctrine.
IV Les sources ou Nicolas de Cues a puisé.
La Scolastique, la Philosophie néo-platonicienne, la Théologie d'Aristote.
Nous verrons que Léonard de Vinci Mais
les
a médité cette doctrine.
pensées qu'elle lui a suggérées tiraient-elles uniquement
i. Nicolai de Cusa Excitationum ex sermonibus liber V; Ex sermone Hic est verus propheta qui venturus est. 2. Nicolai de Cusa Excitationum ex sermonibus liber VIII Ex sermone Venite post me. :
;
:
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
126
leur origine de la raison de Nicolas de Gués? Celle-ci, à son tour,
pas débitrice de philosophes plus anciens?
n'était-elle
Nous n'aurions pas une exacte connaissance des liens qui unissent les réflexions de Léonard à la science des siècles précédents
nous ne disions quelques mots des sources aux-
si
quelles Nicolas de Cues a puisé.
Ces sources, détail et de
ne saurait
il
rechercher ce que la
Brixen doit à chacune d'elles
Le Cardinalis Teulonicus thèque
était
énumérer en philosophie de PÉvêque de
être question de les
;
en
était
effet, elles
sont innombrables.
éminemment
érudit
;
sa biblio-
remarquablement riche pour son temps; aussi
œuvres sont -elles nourries de
ses
la lecture des auteurs païens,
grecs ou latins, aussi bien que des rabbins juifs, des penseurs
arabes et des théologiens chrétiens
immense
si
.
nous prétendions relever
Notre tâche serait donc
de tant d'in-
les traces
Nous ne tenterons pas un
fluences diverses. et
1
nous nous contenterons de dire quelle
pareil travail,
est
l'origine de
prédominer en l'œuvre de
certaines tendances qui paraissent
Nicolas de Cues.
Ce profond métaphysicien semble avoir été préoccupé, en premier lieu, des antinomies auxquelles se heurte la raison
humaine pour
toutes les fois qu'elle veut sortir de l'analyse
contemplation de
s'élever à la
Une
telle
du
fini
l'infini.
préoccupation n'avait rien, chez un penseur de
son temps, qui ne fût parfaitement naturel. Les recherches des logiciens
du xiv e
siècle,
des Guillaume
d'Ockam
et des
Albert
de Saxe, avaient contribué plutôt à formuler nettement ces
antinomies qu'à
les
résoudre
;
et certains
des plus brillants
disciples de ces maîtres, tel Marsile d'Inghen, n'hésitaient pas
à déclarer que ces antinomies étaient insolubles.
Ces
antinomies
qui
semblent
raison
notre
à
d'insur-
montables contradictions, Nicolas de Cues admet qu'elles se concilient
encore,
il
dans
l'intelligence
n'innove guère
;
dès
transcendante le
xm
e
de
Dieu.
Ici
siècle, certains théolo-
giens cherchaient à concilier de la sorte l'enseignement de la i.
On
auteurs
aura une idée de l'érudition de Nicolas de Cues dans VApologia doclœ ignoranliœ.
cités
si
l'on relève la liste des
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
monde est éternel, monde a été créé dans le
philosophie péripatéticienne, selon lequel et le
dogme
chrétien, selon lequel le
I27
le
temps; de leurs tentatives, nous avons pour témoin
le
décret
« Il est de 1277, où Etienne Tempier condamne cet article impossible de résoudre les raisons d'Aristote en faveur de :
l'éternité
du monde,
moins de prétendre que des choses non
à
coinpossibles peuvent être impliquées en la volonté de Dieu.
En beaucoup de
doctrines philosophiques, les antinomies
se dressent lorsque le
apparaissent
comme
objections à écarter.
système entier
est
le
:
Au
pose un
tel
si
comme
y
des
distingue de toutes celles qui
la
la plus formelle
du minimum qui surpasse tout nombre.
Toutefois,
elles
postulat fondamental sur lequel elle repose
lui-même une antinomie,
de ce
construit;
contraire, la doctrine de Nicolas de
concevoir, l'identité et
est
des difficultés à surmonter,
Cues présente ce caractère, qui l'ont précédée
»
et
originale que soit la
on
principe,
du maximum, de
méthode
tromperait,
se
qui se puisse l'unité
qui, à ses débuts,
croyons-nous,
en
prétendant que l'Fvêque de Brixen a imaginé de toutes pièces cette
hypothèse, sans qu'aucun écrit plus ancien pût
suggérer. Ne transparaît -elle pas, en selon laquelle l'unité est identique au ce passage des Ennéades
1
effet,
cette
maximum
où Plotin cherche à
la lui
hypothèse
absolu, dans
définir l'unité de
Dieu?
«Dans quel
sens
disons -nous qu'il
manière comprendrons -nous
est
un? De quelle
mieux possible cette affirmation? Evidemment nous devons donner au mot un une signification plus complète que celle où nous le prenons ordinairement lorsque nous parlons de l'unité. Dans ce dernier cas, en effet, l'esprit fait subir une suite de soustractions à la grandeur ou au nombre; il parvient enfin à un minimum; il s'arrête à une certaine chose qui est, il est vrai, un individu, mais qui faisait partie
qui
était
le
d'une certaine multitude susceptible de division
comprise en un autre
pas impliqué en
un
objet.
autre objet;
1. Plotini Ennéades; Enneadis sextae Didot, Paris, i855; p. 534).
lib.
il
Mais l'Un lui-même n'est
ne réside pas en une multi-
IX, art. 6 (Édition
Ambroise Firmin-
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
128
tude; son individualité n'est pas celle d'un
en
effet, le
maximum
en puissance.
de toutes choses, non en grandeur, mais
Un, que Plotin place au sommet
de tous
les êtres, concilie
comme
les concilie le
L'Un de Plotin
est la
est tout acte
il
Il est,
»
D'ailleurs, cet
temps,
minimum.
en sa substance
maximum
les contradictoires,
absolu de Nicolas de Cues.
puissance de toutes choses
De même
2 .
et à l'origine
le
1
maximum
et,
même
en
absolu, selon
Nicolas de Cues, est, à la fois, la puissance suprême et l'acte
pur.
Ces rapprochements ne sont pas faire entre
la
les seuls
philosophie de Plotin
que
celle
et
l'on puisse
de Nicolas de
Cues. Nous avons entendu, par exemple, l'Évêque de Brixen
comment
nous exposer comment Dieu
est
toutes choses sont en Dieu.
Ne doit-on pas croire que
en toutes choses
et
cette
doctrine s'inspire des passages où Plotin décrit l'existence de
l'âme universelle au sein des âmes particulières et des âmes particulières
au sein de l'âme universelle? Ces passages des
Ennéades sont trop nombreux pour que nous songions à reproduire
ici;
les
contentons -nous de citer l'admirable résumé
qu'en a donné Félix Ravaisson 3
«...L'âme universelle
:
est tout entière
dans chacune des
demeure aussi, par conséquent, tout entière en elle-même. Elle se donne ainsi à la multitude des âmes particulières, et en même temps ne se donne pas. Elle s'abandonne à toutes et n'en demeure pas moins une. L'âme universelle n'empêche pas les âmes particulières, ni celles-ci n'empêchent l'universelle. Quelque peine qu'ait notre esprit à se persuader une chose si étrange, âmes. Et partout présente sans aucune division,
l'unité, ici,
à l'unité. «
fait
pas obstacle à la multitude, ni la multitude
»
L'âme universelle
même i.
ne
temps
;
et
est
une,
et elle est toutes les autres
en
cela ne veut pas dire qu'elles viennent se
Plotini Ennéades; Enneadis
lib. IV, art. 2
quintœ
lib.
1,
art.
7
(édition Didot,
p.
3o3) et
(édition Didot, p. 3a8).
2.
Plotini Ennéades;
3.
Félix
pp. 391-392.
elle
Havaisson,
Enneadis
sexta? lib. VIII, art. 20 (édition Didot, p. 5aG).
Essai sur la Métaphysique d'Aristote, Paris,
i8'iiî.
tome
11,
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
perdre en
Seulement
elle.
d'où
elles restent là
en partent,
elles
elles partent. Tels
et
I29
en
même
temps
sont les rayons consi-
dérés dans leur point de départ et leur
commune
origine, le
qui se multiplie en eux, et qui n'en demeure pas
centre,
moins un
et indivisible. »
Ces rapprochements,
que l'on pourrait multiplier, nous
permettent d'affirmer que
la
pensée de Plotin a profondément
influé sur la pensée de Nicolas de Gués. Mais les Ennéades
paraissent
pas
être
l'Évêque de Brixen
la
source
seule
ait puisé.
néo-platonicienne
semble bien que
Il
aient recueilli la doctrine de l'auteur
tions
composé
la Théologie d'Aristote
ne
où
ses médita-
inconnu qui a
1 .
L'ouvrage intitulé Théologie d'Aristote ou Philosophie mystique selon les Égyptiens est
un
écrit néo-platonicien, l'une des
dernières œuvres notables de la philosophie grecque. «
son
Le texte en
est
«ce texte
2 ;
malheureusement perdu,
existait
encore du temps de saint
d'Aquin, qui atteste l'avoir vu. paroles de
saint
dit F. Ravais-
»
Thomas 3
:
«
Voici, en effet, les propres
»
Hujusmodi autem quaestiones
certissime colligi potest Aristotelem scripsisse
quos patet
eum
in his libris
scripsisse de substantiis separatis, ex his quae
dicit in principio
duodecimi Metaphysicae, quos etiam libros
vidimus numéro decimoquarto, lingua nostra.
Thomas
licet
nondum
translates in
»
Thomas, en ce passage, dit bien que l'écrit en quatorze qu'il a vu n'était pas encore traduit « in lingua nostra »,
Saint livres
c'est-à-dire en latin;
il
ne nous
dit pas
s'il
était
rédigé en grec
ou en arabe. Le témoignage du Docteur Angélique ne vaudrait donc pas contre ceux qui veulent voir dans la Théologie d'Aristote
un apocryphe islamique,
au préambule de l'édition latine
et
qu'il a
non pas
hellénique. Or,
donnée en 1572,
et
dont
1. Sur ce curieux ouvrage apocryphe, on peut consulter Félix Ravaisson, Essai sur la Métaphysique d'Aristote, Paris, i846; tome II, pp. 54a555. (Cet écrit renferme un excellent résumé des doctrines de la Théologie.) Ernest Renan, Averroes et l'Averroïsme, essai historique, Paris, i852 p. 70 et p. 100. Carra de Vaux, Avicenne, Paris, 1905; p. 73. 2. Cf. Félix Ravaisson, loc. cit. } p. 542. 3. Sancti Thomce Aquinatis Opuscula; opusc. XVI: De unitate intellectus :
;
advenus
Averroistas. P.
DUHEM. y
.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
l3o
nous parlerons dans un instant, Jacques Charpentier nous apprend que cette opinion avait été soutenue, au xvi e siècle, par Thessalus Methodicus en
de ses Scholse meta-
la préface
physicœ; d'autre part, sans nier l'origine hellénique de la
Renan reconnaît composée par un Arabe »
Théologie d'Aristote, croire
La version arabe
.
fils
Il
fils
le
préambule de
de Naïmah, originaire de
a été ensuite amélioré
pour Ahmed,
Abou Youssouf Yacoub,
Billah, par
La soi-disant Théologie grande influence sur causes, autre
les
fils
fils
d'Ahmed Motassem
musulmane
parut, à
fit
nous en font connaître
la
le livre
.
plus
Des
elle fit
les doctrines
néo-
d'El-Kindi, d'Alfaet
d'Avicébron des
ne connaissaient pas 4
Rome, une traduction
d'Aristote*. Les épîtres dédicatoires qui
.
latine de la Théologie
précèdent cette traduc-
l'histoire.
un humaniste, Francesco Roseo, voyageant en découvrit à la bibliothèque de Damas un exemplaire
i5i6,
Syrie,
de la traduction arabe de se
en
d'Émesse.
certainement
d'Avempace, d'Avicenne, d'Averroès
En i5iq
la ville
apocryphe également attribué à Aristote,
disciples de Plotin et de Proclus, qu'ils
il
pourrait
cet exemplaire,
penseurs arabes. Avec
platoniciennes de l'École d'Alexandrie et
En
«
de Ishac Alkendy 3
d'Aristote eut
pénétrer dans la philosophie
rabi,
la
grec aurait été traduit en arabe par Abd-Almessyh,
d'Abd-Allah,
tion
qu'on
existe encore; la Bibliothèque nationale
possède un exemplaire 2 Selon le texte
1
la Théologie d'Aristote; à prix d'or,
procura clandestinement cet ouvrage important dont on
connaissait l'existence, mais que l'on croyait perdu. Francesco
1.
2.
E. Renaû, Averroes et VAverroïsme, p. 70. Gf; Félix Ravaisson, loc. cit., pp. 54a-5i3.
3. Selon M. Carra de Vaux (loc. cit., p. 73), la première traduction serait l'œuvre d'ibn Nâimah d'Émesse* qui l'aurait donnée aux environs de l'an 226 de l'hégire (84o de noire ère); la revision de cette traduction aurait pour auteur le célèbre El-Kindi lui-même. Le même érudit nous apprend que le juif Moïse ben Ezra parle de cet écrit apocryphe en le nommant Dedolach. Voir à ce sujet Ernest Renan, Averroes et VAverroïsme, pp. 70-71 et p. 100, et tout /j. l'ouvrage de M. Carra de Vaux sur Avicenne. 5. Sapientissimi philosophi Aristotelis Stagiritae Theologia sive mistica Phylosophia secundum Aegyptios noviter reperta et in latinum castigatissime redacta. Cum privilegio.
Colophon
Excussum in aima urbium principe Ronia apud Iacobum Mazochium Academia> bibliopolam. Anno lncarnatiouis Dominions MDX1X. kl. Iunii. Pont. Sanct. D. N. D. Lconis X. Pont. Max. Anno eius Septimo.
Romanœ
:
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
l3l
Roseo rapporta son acquisition à Chypre où un Rova, en
une traduction
fit
littérale
philosophe
Un peu
et
médecin de Faenza.
plus tard, en
Charpentier donna
à Aristote,
savant humaniste Jacques
le
1572,
une paraphrase plus élégante de
1
première traduction
latine.
platoniciennes
les
.
Il
On y
reproduits presque
du sixième
Ravaisson
dit 3
Il
ne faudrait pas,
emprunts
qu'il a faits à
au sujet de
,
Théologie
la
rencontre souvent des passages de Plotin,
mot pour mot;
livre, le chapitre III
et
»
il
cite les chapitres II à
du huitième
de Vaux va plus loin encore, car d'Aristote est
parti-
la Philosophie mystique selon
toutefois, exagérer l'importance des
cet ouvrage. Félix
en
est certain,
Égyptiens a lu les Ennéades de Plotin.
«
avait
2
que l'auteur inconnu de
:
il
;
nombreuses des influences
traces
Ces influences ne sont pas niables.
cf Aristote
attribué
livre
imprégné d'idées Alexandrines
tout
pris soin d'y relever
culier,
en ce
D'ailleurs,
cette
Jacques Charpentier avait fort justement soupçonné
un apocryphe,
écrit h
il
livre.
que
«
nous semble-t-il;
c'est
la Théologie
Porphyre a réuni
les
Des passages
cités
»
dénaturer, en les exagé-
apocryphe
rant, les rapports très réels de notre
V
M. Carra
formée d'extraits des Ennéades IV à VI de Plotin.
C'est trop dire,
î.
cette traduction
en italien;
son tour, mise en latin par Pietro Nicolo de Gastellani,
fut, à
les
Moïse
juif,
et
de
l'écrit
où
enseignements de Plotin. par M.
Ravaisson
comme empruntés
Libri quatuordecim qui Aristotelis essè dicuntur, de secretiorê parte divinœ sapientiaî
secundum /Egyptios. Qui, si illius sunt, ejusdem metaphysica vere continent, cum Platonicis magna ex parte convenientia. Opus nunquam Lutetiae editum, ante arlnos quinquaginta ex lingua Arabica in Latinam maie conversum, nunc vero de integro recognitum et illustratum scholiis, quibus hujus capita singula, cum Platonica doctrina sedulo conferentur. Per Jacobum Carpentarium, Claromontanum Bellovacum. Parisiis, ex officina Iacobi du Puys, è regione collegii Cameracensis, sub insigne Samaritanae. 1572. Ex privilégie- Régis. La paraphrase de Jacques Charpentier a été reproduite dans les trois éditions des œuvres complètes d'Aristote données au xvii' siècle par Du Val Aristotelis Opéra omnia quse extant, grae.ee et latine, veterutn
—
:
ac recentiorum
interpretum studiis emendatissima.
perpetuus commentarius authore Guillelmo Regiis,
MDCX1X
MDCLIV(tomus
(tomus
II).
Ibid.,
MDCXXIX
.
.
Du
Huic editioni
accessit breVis
Val.
Parisiorum, typis
(tomus
II).
Lutetiae
Parisiis,
apud
J.
ac
Billaine,
IV).
2. La Théologie d'Aristote a été traduite en allemand par Dieterici sous le titre: Die sogenannte Théologie des Aristoteles, 2 vol., Leipzig, 1882-1883» 3. Félix Ravaisson, loc. cit., p. 5/»4. Carra de Vaux, loc. cit., p. 78. 'a.
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCÎ
l32
presque mot pour mot à Plotin, choisissons celui qui ressemble le plus au texte des Ennéades et mettons-le en présence de ce texte.
s'agit
Il
Monde
le
d'exposer la théorie platonicienne selon laquelle
modèle du Monde
intelligible est le
comment
tout d'abord,
parle Plotin
*
sensible. Voici,
:
Ce Monde-ci est fabriqué comme à l'exemple de celui-là faut donc que là, plus encore qu'ici, l'Univers soit un être «...
il
animé
;
;
choses.
et
comme
Il
faut
son essence est parfaite,
donc que
même du
vivante que notre terre
elle doit
Là
les
animé.
puisqu'on constate qu'il y a de notre Monde et qu'en ces étoiles, ciel.
ne peut non plus être vide renfermer tous
soit
d'étoiles,
des étoiles dans le ciel réside l'essence
faut qu'il soit toutes
du Monde supérieur
le ciel
ne saurait être vide
Il
il
;
;
La
terre de ce
elle est
Monde supérieur
certainement bien plus
de vie
elle doit être pleine
animaux
terrestres qui
;
marchent
elle doit ici
-bas;
porter les plantes qui sont enracinées en notre sol.
aussi,
y a une mer; et dans cette eau, bien qu'elle forme
il
des fleuves dénués de cours, on trouve toute la vie qu'on
trouve en nos eaux, tous nos animaux aquatiques. La nature
de
l'air
qui se trouve en ce
cet Univers
en cet
;
à sa nature.
monde -là
air sont des
fait
animaux
également partie de aériens appropriés
»
Écoutons maintenant l'auteur de
la Théologie d'Aristote trai-
du même sujet 3 « Nous affirmons que ce Monde sensible l'image de l'autre Monde; partant, comme tant
:
vivant,
notre
il
faut à plus forte raison
Monde
est parfait, l'autre
que
le
Monde
en entier,
est, le
second
premier
est
soit vivant. Si
est plus parfait encore,
car c'est ce dernier qui envoie au premier la vie, la puissance, la perpétuité.
Puisque
degré de l'absolu,
il
cet
Univers supérieur est au plus haut
douteux que
n'est pas
les
êtres qu'il
contient participent de l'absolu plus que les êtres de notre
Monde. En de vertus •i.
cet autre stellaires,
Monde, donc,
comme
les
y a d'autres cieux, pourvus cieux de notre Univers; mais il
Plotini Ennéades; Enneadis sextœ lib. VI, art.
ia (Éd.
Firmin-Didot,
p. 484.)
qua3 species sunt in Mundo infcriori sunt ctiam in superiori, et qualcs ibi sint. Éd. i5uj, fol. 35* verso; éd. 1072, a.
Aristotelis
Theologiœ
lib. VIII,
loi, 05, verso, et fol. 6G, recto.
cap. III
:
Quod
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
l33
ceux-là sont d'une espèce plus élevée, plus lucide, plus puissante que
aucune distance ne
une
existe
vivante
comme
ceux-ci; en outre,
dont
terre
les
sépare les uns des autres. Là aussi
la
substance n'est point inanimée, mais
sur cette terre se trouvent des
;
sont incorporels,
ils
à ceux qui peuplent la nôtre, mais
ils
animaux semblables
sont d'une espèce autre
y a des plantes odorantes et des fleurs comme celles qui ornent nos jardins; il y a des eaux qu'une force animée fait couler; il y a des animaux aquatiques plus nobles et
plus parfaite;
il
que
les
dans
cet air, des
nôtres
en ce
;
Monde
animaux qui
y a de l'air, et sont propres et dont la vie
supérieur,
lui
il
animaux du Monde supérieur aient une commune nature avec ceux du Monde simple
est
inférieur,
douée d'immortalité. Quoique
ils
sont cependant
ceux-ci; étant intelligibles,
ils
les
d'une plus haute dignité que
sont perpétuels et inaltérables.
La ressemblance de ces deux pièces
n'est pas douteuse
teur de la seconde a sûrement imité la première, mais
mot pour mot;
pas copiée
il
il
;
»
l'au-
ne
l'a
a accentué certaines nuances que
Plotin s'était contenté d'indiquer; beaucoup plus que celui-ci, il
a insisté sur les différences qui distinguent le
gible
du Monde
intelli-
sensible.
La comparaison des chapitres que crent à la magie
Monde
donne
1
lieu à des
les
deux ouvrages consa-
remarques analogues;
l'au-
teur de la Théologie d'Aristote s'y est assurément inspiré des
Ennéades ; mais, moins encore qu'en l'exemple précédent, n'est possible de constater
une reproduction
il
textuelle.
du Pseudo-Aristote ne saurait faire doctrine s'accorde fréquemment avec
D'ailleurs, l'originalité le
moindre doute
la
philosophie de Plotin,
;
si
sa
elle s'en écarte
souvent, et les diver-
gences portent sur des questions essentielles.
Tout
monde
le
connaît en ses lignes principales
des émanations, telle que Plotin
i
.
livre
Les chapitres
IV de
la
II
à
V du
2.
III et
On en
formulée 2
doctrine
.
sixième livre de la Théologie d'Aristote sont imités du L'article 4o de ce livre IV a inspiré le chapitre II de
quatrième Ennéade.
la Théologie; l'article 43 a inspiré le
chapitres
l'a
la
chapitre III; l'article 44, enfin, a inspiré les
IV.
trouve
un
exposé, aussi clair que profond, dans
sur la Métaphysique d'Aristote,
tome
II,
pp. 382-467.
:
Félix Ravaisson, Essai
1
LÉONARD DE VINCI
ÉTl DES SUR
34
Au sommet pur
l'acte
et
des êtres se trouve l'Un absolu, synthèse de
de
puissance suprême
la
par voie d'émanation,
;
l'Un crée l'Intelligence, et l'Intelligence crée l'Ame du Monde.
L'Un, l'Intelligence, l'Ame du Monde, hypostases de
telles
Trinité divine selon Plotin
la
sont
les
trois
chacune de ces
;
hypostases, créée par celle qui la précède, lui demeure infé-
L'Ame du Monde
rieure en perfection.
Monde;
le
Monde
le
modèle du Monde
d'abord,
intelligible
son tour crée
à
sensible, et dont celui-ci tire son être.
En
Théologie d'Aristote, cette doctrine subit des modifi-
la
cations profondes. L'Intelligence active (Intellectus agens) n'est plus la première
des créatures de l'Un suprême. La première créature de Dieu
Verbe ou
est le tellect
agent
3
la
et,
Pensée divine
1 .
Verbe qui crée
C'est ce
par l'intermédiaire de
l'In-
l'Intellect agent, toutes
les autres créatures.
F.
Ravaisson a fort justement attribué
du Verbe entre l'Un
cette introduction
3
et l'Intelligence active à
une influence des
philosophies juives et chrétiennes, à une imitation des théories
du Aàyoç données par Philon nous entendons l'auteur de que en
Verbe créateur
« le
est le
est
produit premier
le
la
Juif et par saint Jean.
En
effet,
Théologie d'Aristote déclarer
un avec
4
substance de Dieu, qu'il
la
absolu, qu'il en est la bonté et la
et
volonté. C'est le Verbe qui a produit tous les êtres grossiers
du Monde sensible
Monde
intelligible;
gence active
est aussi
lignes sans songer gile
de saint Jean
cord avec le
aussi bien
la
car tout ce qui est
formé par
le
Verbe.
et qu'il a
êtres
les
subtils
formé par »
que l'auteur connaissait
On ne le
du
l'Intelli-
peut
lire ces
début de l'Évan-
cherché à mettre sa doctrine d'ac-
doctrine de cet Évangile, autant du moins qu'il
pouvait faire sans nier L'auteur de la i.
que tous
du Verbe.
la création
Théologie d'Aristote unit
Aristotelis Theologiœ lib.
X, cap. XIII. Éd. i5ig,
fol. 5a,
si
intimement
le
recto; éd. 1572, fol. 89,
recto. 2.
Aristotelis Theologiœ lib. X, cap.
XV. Éd.
1
5iq, fol. 54, recto; éd. 1672, fol. 92,
recto. 3. t\.
recto,
F. Ravaisson, Essai sur
la
Métaphysique d'Aristote, tome
Aristotelis Theologiœ lib. X, cap. XIII. Éd.
1
5
1
»
)
,
fol. 5a,
p. 5^8. recto; éd. 1572,
II,
fol. 89,
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
Verbe
à l'Unité absolue qu'il
lorsqu'il
énumère
nomme
il
ne
successivement Dieu,
parfois
l'être;
1
Verbe, créature de Dieu
le
plus voisine de l'Intelligence, l'Intelligence active, l'Ame
la
universelle et la Nature; parfois l'Intelligence,
l'Ame
2
désigne seulement Dieu,
il
Nature.
et la
L'Intelligence qui, dans l'ordre des créatures, vient
diatement après
Verbe, préside au
le
Monde
immé-
intelligible; toutes
autres substances intelligibles subsistent en cette Intelli-
les
gence, qui est la source de leur force 3
De
l'Intelligence, idée
forment
Monde
le
du monde
est
forme pure
première, incréée
et
,
le
exempte de toute matière, récep-
Bien que l'Ame du
Monde
sensible,
que corporels
matière
et
;
elle
la
ensemble de tous
tous ceux-ci sont formés
de la forme.
Monde doive
Monde
être
comptée au nombre
simultanément de deux manières d'être inférieur 5
Par
la
Monde
:
;
elle est
douée
l'une, plus noble,
supérieur; l'autre, plus humble, au
Monde
.
puissance de l'Intelligence, dont
l'Ame universelle informe opération, crée la Nature 6
La Nature
i.
Monde
sensible; elle est la fin des essences
intelligibles et le principe des essences sensibles
convient au
Matière
engendre
des substances divines, elle est intermédiaire entre le intelligible et le
qui
l'Ame du monde. L'Ame
dépourvue de toute forme,
les êtres tant spirituels la
4
les idées
formes séparées. En informant
Nature, qui contient
par l'union de
.
pure en qui sont toutes
intelligible, naît
tacle de toutes les
la
35
l'en distingue pas toujours
processions de
les diverses
1
est,
dans
le
la
elle est la créature,
Matière première
et,
par cette
.
Monde
sensible, ce
que l'Intelligence
Aristotelis Theologiœ lib. VII, cap. III. Éd. i5iq, fol. 3a, verso; éd. 1572, fol. 57,
recto. 2.
Aristotelis Theologiœ lib. VII, cap.JII. Éd. i5i9, fol. 32, recto; éd. 1572, fol. 56,
recto et verso. 3.
Aristotelis Theologiœ lib. VII, cap. IV. Éd. i5ig, fol. 3a, verso; éd. 1572, fol. 58,
recto. 4.
Aristotelis Theologiœ lib. XIII, cap. VI. Éd. i5ig, fol. 80, recto; éd. 1572, fol. i32,
verso. 5.
Aristotelis Theologiœ lib. VII, cap. V. Éd. i5ig, fol. 33, recto; éd. 1572, fol. 58,
verso. 6.
Aristotelis Theologiœ lib.
I,
cap. VI. Éd. i5iç), fol. 4, verso; éd. 1572, fol. 7, recto.
1
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
36
est
dans
Monde
le
précède
intelligible; elle
les diverses
sub-
stances sensibles qui sont susceptibles de génération et de
corruption
en
elle
1 ;
est le principe
2 .
C'est par la puissance de l'Intelligence
Nature; en sorte que l'Intelligence créatrice de la Nature.
De même,
en
est,
les
que l'Ame produit
définitive, la cause
substances intelligibles
sont les principes qui engendrent les substances sensibles 3
Monde tire
sensible est ainsi l'image
son existence
la
du Monde
intelligible
.
dont
Le il
et sa beauté.
Cette procession, qui va de l'Intelligence à l'Ame et de l'Ame à la Nature, n'a rien qui ne s'accorde fort bien avec les ensei-
gnements de Plotin la doctrine
;
tout au plus, entre ces enseignements et
qu'expose la Théologie
d' Aristote,
peut-on signaler
des distinctions de nuances. Le Pseudo-Aristote, par exemple, insiste,
beaucoup plus fortement que ne
l'avait fait Plotin, sur
intermédiaire qui est dévolu à l'Ame universelle;
le rôle
tence de cette
Ame
partage entre
se
le
Monde
l'exis-
intelligible et le
Monde
sensible; elle est à la fois la dernière des substances
divines
et la
première des substances sensibles.
Mais voici une théorie en laquelle l'auteur de d'Aristote
marque une plus grande
Non pas
qu'elle se présente à
sans aucun lien avec
le
Théologie
la
originalité.
nous absolument imprévue
passé; bien au contraire,
et
serait aisé
il
de relever certaines pensées, émises par d'anciens auteurs,
et
qui l'ont pu suggérer.
De
nombre
ce
Il
ajoute
manque
5
que
les
(uXiq),
la
la
forme
forme ne
i.
trois principes, qui
(vèoc) et la privation
pas d'elle-même; elle ne désire pas
comme
par lesquelles
(<rcépKj<nç).
se désire pas elle-même, car elle
tion, qui serait sa destruction; «
considérations
que toute chose résulte de
Aristote établit 4
sont la matière
seraient
mais
l'épouse désire l'époux et
la
non plus
matière désire
comme
ne
la privala
forme
le laid désire le
Aristotelis Theologiœ lib. III, cap. IV. Éd. i5ic), fol. 16, recto; éd. 1572, fol. 25,
verso. 2.
3.
Aristotelis Theologiœ lib.
I, cap. VI, Éd. i5ig, fol. 4, verso; éd. 1572, fol. 7, verso. Aristotelis Theologiœ lib. VII, cap. III. Éd. i5ic), fol. 3a, verso; éd. 1672, fol. 57,
verso. U. 5.
Arislote, <I>jatxr,ç àxpoàaeo); xb A, Ç (Physicx auscultationis lib. <f>u<riXY); àxpoâasto; xb A, r\ (Physicœ auscultationis lib.
Aristote,
I, I,
cap. VII). cap. VIII).
beau
Par
)>.
que
trine
à peine
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
l37
en quelque
sorte, la doc-
là, le
Stagirite prépare,
la Théologie
s'il
indique
nom; mais
développera sous son
c'est
point de départ de la théorie que va lui
le
prêter l'auteur apocryphe. laquelle la Philosophie mystique selon les
Cette théorie, à
Égyptiens créatrice
de continuelles allusions, concerne l'opération
fait
elle est
;
une
très
heureuse
thèse d'une Métaphysique très
et très
remarquable syn-
purement péripatéticienne
et
d'une Théologie d'origine juive ou chrétienne.
Deux
principes, empruntés de toutes pièces à la Métaphy-
sique d'Aristote, dominent toute la doctrine.
En premier
qui est en puissance ne peut passer à
lieu, ce
que par l'œuvre d'un être qui, déjà, se trouve en acte; toute mise en acte est donc logiquement postérieure à l'acte
l'existence de l'agent
En second l'existence
1 .
l'existence
lieu,
en acte
en puissance 2 en sorte que
le
,
sance à l'acte perfectionne
l'être
qui
plus noble que
est
passage de
le subit.
Toute substance existe actuellement par l'union de et
de
la
forme 3
;
elle
la puis-
la
matière
devient plus parfaite lorsqu'en elle la
met
matière, c'est-à-dire la puissance, reçoit la forme qui la
en acte; toute matière a donc appétit de matière, cette forme est imprimée par plaire et le
donc ce le
modèle de
cet être
en qui
la
un
forme. Or, en la
la
être qui est l'exem-
substance à produire la matière désire
est sa
;
forme
;
elle se
meut
vers lui
et,
par
mouvement, acquiert l'existence actuelle. L'exemplaire est moteur de ce mouvement. De moteur en moteur, on remonte
ainsi jusqu'à Dieu,
que toutes
se
en sorte que toutes choses désirent Dieu,
meuvent vers Dieu, que
lement par Dieu. Seul, Dieu, étant à
toutes existent actuel-
la fois toute -puissance et
tout acte, ne désire rien en dehors de lui-même, en sorte que ce premier
i.
moteur de toutes choses
est
absolument immobile.
Aristotelis Theologias lib. III, cap. III. Éd. i5ig, fol. 4, verso; éd. 1572, fol. 24,
recto. 2.
Aristotelis Theologiœ lib. III, cap. III. Éd. i5ic), fol. 5, recto; éd. 1572, fol. 24,
verso. 3.
Aristotelis Theologiœ lib. IV, cap.
éd. 1572,
fol. 3i,
recto et verso,
I.
Éd. 1519,
fol. 18, verso, et fol. 19,
recto;
r
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
38
Appliquons
doctrine à
cette
substance lorsqu'on
première
la
ce
dépouille de toute forme, à la Matière
1 .
La Matière première proprement
ment qu'à
la
une forme pour en recevoir une
mouvement;
Matière première est susceptible de
la
consiste à recevoir
comme
une forme
un
produit par
celui-ci est
forme
elle n'existe actuelle-
;
condition d'être informée, et ses transformations
consistent à perdre
ment,
vide de toute forme,
dite,
ne peut avoir aucune existence
n'a et
ment
quoi se résout toute
à
et,
;
comme
autre.
mouvemouve-
ce
tout
désir; la Matière a appétit de
l'imparfait a appétit de la perfection,
comme
l'œil désire la vue,
La
femme
comme
un mari. C'est ce Matière première le mouvement par
désir qui produit en la
la
désire
lequel elle reçoit la forme; et cette réception de la forme est l'opération qui lui
donne
ment, actas
in potenlia,
engendre
la
entis
s'il
selon
en sorte que ce mouvela définition
2 ,
Dieu ne
ne produisait un
serait pas principe et souverain
être, l'Intelligence active,
recevoir l'illumination de sa splendeur;
produise cet
d'Aristote,
perfection de l'être qui va à l'acte.
Mais, d'autre part
bien
l'existence,
être. Et,
de
même,
il
capable de
convient donc qu'il
convient que l'Intellect pro-
il
œuvre capable d'être éclairée par lui. Et l'Ame, à descend du Monde supérieur dans le Monde inférieur,
duise l'Ame,
son tour, afin
de pouvoir manifester
Nature, enfin,
son impression
et
dessous de lui et
imposer sa forme, qui puisse recevoir
qui
l'être
l'attire
chacun de ces
qu'il contient
i.
a besoin d'un objet inférieur
par
soit,
elle, attiré
en haut. Ainsi,
êtres qui s'échelonnent entre l'Un et la Matière
première agit sur
Si
puissances que sa vie recèle. La
œuvre de l'Ame,
à elle auquel elle puisse
chacun des
les
qui se trouve immédiatement
au-
vers lui.
êtres agit ainsi sur l'être inférieur
en lui des forces
Aristotclis Theologiœ lib. IV, cap.
IT.
et
des puissances;
Éd. i5ig,
fol.
19, recto;
éd.
il
1
3 ,
c'est
désire
572, fol. 3a,
recto et verso. 3.
Àristolelis Theologiœ lib. VII, cap.
éd. 1573, 3.
fol. 56,
II.
Éd. i5
19,
fol.
3i, verso, et 3a, recto;
recto et verso.
Aristolelis Theologiœ lib. Vil, cap. III. Éd. i5ig, fol. 33, recto; éd. 1673, fol. 56,
Yerso, fol. 57, recto et verso,
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
1
3g
mettre ces forces en œuvre, transformer ces puissances en actes;
pour cela
faut
il
une matière capable de
qu'il trouve
subir ces opérations, capable de recevoir la forme qu'il veut
imposer.
lui
En
bas, donc,
une puissance qui veut passer
matière qui désire
développer
la
puissance vers l'acte;
la
qui produit l'objet
et
mouvement d'asen haut, mouvement par
En
capable de recevoir ses opérations.
cension de
une
forme; en haut, un agent qui aspire à
pouvoirs contenus en lui
les
à l'acte,
bas,
lequel l'agent descend vers son objet afin de l'attirer vers lui voilà ce
que nous trouvons en toute création.
C'est le créateur
1
qui envoie à la créature ce désir du bien,
cet appétit qui la
meut vers
est le réceptacle
au sein duquel
pourront produire leur
au créateur
lui, et
effet.
envoie parce qu'elle
le lui
forces qui sont en lui
les
Lors donc que
de l'imiter,
afin
il
par
c'est
lui
la
créature aspire
qu'elle est
Comme
le
ment
produit par un moteur extérieur qui en est à
est
et la
cause finale, a quo
et
le
créateur désire
développeront leurs
ses forces
effets
la Théologie d'Aristote l'a déjà,
avant le
;
lui,
second,
comparé il
;
la
comme
à l'amour de la
lui
donnera
créature en laquelle
premier
le
la fois la
ad quem.
La créature en puissance désire l'agent qui l'existence actuelle
mue.
mouve-
veut la Philosophie péripatéticienne, son
cause efficiente
de
;
désir, l'auteur
Aristote l'avait fait
femme pour son époux;
va l'assimiler à l'amour du mari pour son épouse.
Le double mouvement de créateur vers
la
complète dans
le
la
créature vers
le
créateur et du
créature trouvera ainsi son image la plus
double courant de l'amour conjugal.
Appliquons, par exemple, cette comparaison aux émanations successives qui forment l'âme de l'homme.
Monde
intelligible,
inférieur, ce
que l'auteur
L'Intelligence active, qui réside dans le
produit à son image 2 dans
le
,
de
la
Théologie d'Aristote
matériel i.
Monde
nomme
ou encore Y Ame
Aristotelis Theologix lib. X, cap. verso, et fol. 99, recto.
Y Intellect possible, Y Intellect
rationnelle. XIX. Éd. i5ig,
L'Intelligence
fol. 59,
active
recto et verso; éd. 1672,
fol. 98, 2.
Aristotelis Theologiœ lib. X, cap. VII,
verso, et fol. 84, recto,
Éd
1619, fol. 4g, recto; éd. i5y2, fol. 83,
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
I^O
engendre l'Ame rationnelle en il
la
père engendre
le
produisant, en la faisant passer de la puissance à
en accroît
L'Ame
le fils
;
l'acte,
la perfection.
rationnelle, à son tour, produit Y Ame sensitive et, en
donnant
lui
comme
l'existence actuelle, elle la perfectionne.
Mais, d'autre part, l'Ame rationnelle
1
n'atteindrait pas sa
perfection sans le concours de l'Ame sensitive. Sans elle, elle
aucune connaissance des choses qui tombent sous
n'aurait
sens, des choses qui se voient, et cette
les
s'entendent ou se touchent;
connaissance des choses sensibles développe, en l'Ame
rationnelle, la science des choses intelligibles, c'est-à-dire son
union avec l'Intelligence
active.
Ainsi 2 l'Ame sensitive désire son union avec l'Ame rationnelle dont elle tient son existence actuelle et sa perfection
;
et,
inversement, l'Ame rationnelle désire être unie à l'âme sensitive sans laquelle elle et les
réduire à
l'état
ne saurait épurer
où
elles
peuvent
formes naturelles
les
être
comprises par son
Chacune des deux âmes a besoin de l'autre. Ce mutuel besoin engendre entre elles un mutuel amour. L'Ame rationessence.
nelle et
l'Ame sensitive
se désirent l'une l'autre, et ce désir
unit au point qu'elles forment, pour ainsi dire, une sub-
les
stance unique qui est l'Ame de l'homme.
Le mutuel amour que nous venons de contempler entre
l'Ame rationnelle
et
l'Ame
sensitive,
nous
ment entre l'Intelligence active et l'Ame L'Ame rationnelle 3 doit son existence elle
ne subsiste que par son union avec
le
rationnelle. à l'Intelligence active; cette Intelligence; l'en
séparer, ce serait déterminer sa corruption
un amour
et
une
joie
retrouvons égale-
;
aussi est-ce avec
incomparables que l'Ame rationnelle se
conjoint à Y Intellectus agens au point de ne plus faire qu'un
avec
lui.
En i.
retour^»,
Y Intellectus agens désire exercer, en ce
Monde
Aristotelis Theologiœ loc. cit. et lib. X, cap. X. Éd. i5ig, fol. 5o, verso; éd. 1672, verso.
fol. 86, 2.
3.
Aristotelis Theologiœ lib.X, cap. IX. Éd. 1619, fol. 5o, recto; éd. 1572, fol. 85, verso. Aristotelis Theologiœ lib. X, cap. XV. Éd. i5i9, fol. 54, recto; éd. 1672, fol. 92,
recto. 4.
Aristotelis Theologiœ lib. X, cap. V11I. Éd. 1519, fol. 49, verso; éd. 1572, fol. 84,
verso, et fol, 85, recto.
l4l
NICOLAS DE CUËS Et LÉONARD DE VINCI
matériel, l'influence dont
est capable. Or, cette influence
il
degré que l'Ame rationnelle, capable de l'intermédiaire de
YIntellectus
monde
s'exerce dans le
matériel.
recevoir; c'est par
que
possibilis
influence
cette
Aussi l'Intelligence active
comme
chérit -elle
l'Ame rationnelle
comme
maître aime son disciple,
le
la
même
au
active, nulle créature ici -bas n'est,
l'Intelligence
de
le
père aime son enfant,
comme
et aussi
l'époux
aime son épouse.
Ce
rôle de l'amour,
si
moindre dans
le
n'est pas
Pour comprendre d'elle-même
1 ;
c'est
Monde
Monde
le
matériel,
intelligible.
essences
les
active n'a nul besoin
important dans
intelligibles,
qu'un mouvement
en elle-même, en
l'Intelligence
la transporte
effet,
hors
que résident
les
espèces intelligibles, objets de sa connaissance; elles lui sont
substantiellement identiques. Dans
le
Monde
intelligible,
donc,
on peut dire qu'il n'y a point de différence entre ce qui comprend et ce qui est compris.
On
peut dire également qu'il n'y a pas de différence entre ce effet,
ne peut
comprendre en l'absence de l'amour; sans l'amour,
l'Intelli-
qui aime et ce qui est aimé
gence demeurerait isolée
;
l'Intelligence,
solitaire;
et
elle
en
ne comprendrait
plus rien; seul, l'amour est capable d'adapter à l'Intelligence l'objet
que
celle-ci
trois choses
:
veut
saisir.
Sans cesse, donc, coexistent ces
Ce qui comprend, ce qui
est
compris,
et
l'amour
qui procède de l'un et de l'autre.
A
ces trois choses, ajoutons le
mouvement
et le repos. C'est
un mouvement, en effet, que l'Intelligence comprend l'Intelligible; mais ce mouvement n'est point un passage, un changement; c'est une perfection, une adaptation, qui par
n'arrache pas l'Intelligence à son premier état, en sorte que ce
mouvement
est
un
repos.
Ainsi, en toute création, le créateur
qu'en lui donnant et,
par
là,
met en
développe sa perfection
car lui seul la t.
l'être, il
fait
verso et
la créature
parce
acte ses propres puissances la créature
aime
le créateur,
passer de l'existence potentielle à l'exis-
Aristotelis Theologise lib. X, cap.
fol. 89,
;
aime
fol. 90, recto.
XIV. Éd.
1
5ig, fol, 53, recto et verso; éd. 1672,
l li
ETUDES SUR LEONARD DE VDïCl
2
tence
qui
actuelle,
est
meilleure; l'amour du créateur, en
y produit l'amour de la créature, créateur ce double courant d'amour par
la créature,
descendant vers qui remonte vers
le
;
lequel tendent à s'unir
le
créateur, qui s'abaisse vers la créa-
ture, et la créature, qui s'élève vers le créateur,
mouvement
détermine ce
qui est la création. Telle est la théorie
qui relie
entre elles et qui vivifie les doctrines exposées en la Théologie d'Aristote.
Mais cette théorie n'est-elle pas aussi celle qui domine
le
système de Nicolas de Gués, qui s'impose sans cesse à ses méditations, qui rapproche les unes des autres ses pensées les plus diverses?
Nous venons d'exposer
à
grands
traits,
d'une
part, la Philosophie mystique selon les Égyptiens et, d'autre part, la
Métaphysique de
exposés ne cette
la
suffit-elle
Docte ignorance; la lecture de ces deux
pas à prouver,
surabondamment, que
et
Métaphysique procède, pour une grande
Philosophie elles pas,
?
en maintes circonstances, conformes aux pensées de
ce néo-platonicien inconnu qui a pris le
expressions elles
de Brixen ne sont-
de l'Évêque
Les pensées
part, de cette
mêmes dont
nom
celui-ci s'est servi
d'Aristote
ne
?
Et les
se retrouvent-
pas bien souvent, à peine modifiées, dans les écrits de
celui-là
?
A
plusieurs reprises, au cours de ce travail,
il
arrivera de constater que Nicolas de Gués, pour exprimer idée déjà formulée par l'auteur de la repris
une comparaison dont
nous
une
Théologie d'Aristote, a
cet auteur s'était servi;
mais sans
attendre ce supplément de preuves, nous pouvons, semble-t-it,
Métaphysique de
affirmer que la
profondément gravée,
la trace
tote.
paraît
donc que Nicolas de Gués
Comment
et
Docte ignorance porte,
de l'influence que
d'Aristote a exercée sur le Cardinal Il
la
la Théologie
Allemand. avait lu la Théologie d'Aris-
dans quel texte? L'Occident en possédait
vraisemblablement des
textes
arabes
avant que Francesco
Roseo en eût rapporté un de son voyage en Syrie; aujourd'hui encore on en trouve, à la Bibliothèque nationale, un exemplaire
1
qui n'est
point l'original de
en i5iq. Nicolas de Gués, i.
il
est
la
vrai,
Bibliothèque Nationale, Supplément arabe, n°
yy'».
traduction publiée
ne
connaissait pas
Nicolas de CtJËs et Léonard de Vuncî
l'arabe; mais, à l'occasion, écrits
en
cette
permis de supposer
qu'il a
d'Aquin, un texte grec de
savait se faire traduire les livres
il
langue dont
i43
avait besoin
il
1
comme
eu en mains,
est d'ailleurs
Il
.
saint
la Théologie d' Aristote,
Thomas
bien que ce
texte soit aujourd'hui perdu.
Nicolas de Gués ne cite nulle part la Théologie d'Aristole.
A
qu'
la vérité, il écrit 2
même
lui
«
en sa Métaphysique,
Théologie, Aristote a
coup de choses conformes à premier Principe.
On
démontré par la
vérité
qu'il
nommait
la raison
beau-
sur la nature du
»
serait tenté de voir,
en ce passage, une
allusion à la Théologie d'Aristole; ce serait une erreur que la
Nous y reconnaîtrions, en
suite de la lecture rectifierait.
que
les théories attribuées
bien celles de cet auteur
effet,
par Nicolas de Gués à Aristote sont
non point
et
de l'apocryphe
celles
Alexandrin; nous y verrions, en particulier 3 que, selon ces théories, toute chose est engendrée non pas par la matière, la ,
forme
l'amour, mais par la matière, la forme
et
or, c'est bien la doctrine
de
la Il
que
et la
privation;
expose au XII e livre
le Stagirite
Métaphysique.
n'en reste pas moins que, selon Nicolas de Gués, Aristote
donnait à sa Métaphysique
le
nom
de
Théologie.
C'est
une
car le titre qu' Aristote réservait à son ouvrage était
erreur, celui-ci
:
Sur
la
philosophie première
—
ïlepl
-pwrr^ fXoizyiz^.
Cette erreur n'a-t-elle point pour origine la connaissance d'un
ouvrage qui a précisément pris ce
On
le croirait
Il
est très
Théologie d' Aristote?
vraisemblable que Nicolas de Gués a connu la
connue,
lui a fait
:
aisément.
'Philosophia mystica s'il l'a
titre
il
secundum JEgyplios;
ne
découvrir
l'a
le
il
est très certain
que,
pas attribuée à Aristote; son érudition
caractère apocryphe de cet ouvrage, que
Jacques Charpentier devait soupçonner de nouveau un siècle plus tard; en la prétendue Théologie
a" Aristote, il
a
vu l'œuvre
d'un philosophe platonicien.
Nous avons reconnu
l'influence
que Nicolas de Cues avait
2.
Nicolai de Cusa Cribrationis Alchoi'ani prologus. Nicolai de Cusa Liber qui inscribitur De bcryllo , cap.
3i
Nicolas de Cues,
t.
loc. cit.,
cap.
XXV.
XXIV.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VlNCt
l44
éprouvée de ment, de
philosophie néo-platonicienne
exposée en
celle qui est
enseignements de
cette philosophie;
quel vigoureux effort
il
particulière-
il
dogmes de
est
il
interprété les
a
il
temps de dire par
est
de
les a transfigurés
devinssent conformes aux
et,
la Théologie d'Aristote;
montrer maintenant comment
de
juste
la
telle sorte qu'ils
l'orthodoxie chrétienne.
La philosophie néo-platonicienne échelonne, au-dessous du Dieu un, une série de créatures de perfection décroissante :
le
Verbe, puis l'Intelligence, en laquelle réside
le
Monde
des
exemplaire de notre Monde, puis l'Ame du monde,
idées,
enfin la Nature, que développe la multitude des individus
monde suite
de processions.
unique le
Dogme
Le
sensible.
et incréée,
en
Il
catholique ne connaît pas cette
pose,
trois
du
d'une
personnes égales
Père, le Verbe et l'Esprit -Saint;
substance
Dieu,
part,
et
coéternelles,
d'autre part,
Monde
le
créé.
Pour passer de
la
première théologie à
briser la descente graduelle
personnes divines
coupure
infinie. C'est ce
du Dieu un, le
en
Verbe
et le
il
remonte,
seconde,
Monde que s'il
personnes de
créé,
fait
il
pratiquer une
faut
Nicolas de Gués.
Monde
niveau ainsi,
de la Théologie d'Aristote;
la Trinité chrétienne;
intermédiaire entre Dieu et la Nature, et
Dans
Au
permis de s'exprimer
est
l'Ame du Monde, dont l'apocryphe Alexandrin
Monde
faut
il
des processions; entre les trois
et l'Intelligence active
fait les trois
la
il
faisait
abaisse
un
être
l'incorpore
il
il
au
sensible.
l'Intelligence active, la Théologie d'Aristote plaçait le
des idées, exemplaires parfaits dont les individus d'ici-
bas ne sont que les imparfaites imitations. Dans l'Ame du
Monde,
elle
plaçait
formes,
les
qui
procèdent
des
idées
du Monde intelligible et qui, s'imprimant en la Matière première, engendrent la Nature sensible. Pour Nicolas de Gués plus de Monde intelligible. En chaque ordre de choses, l'idée exemplaire, c'est le parfait, 1
,
c'est l'absolu; il
or,
il
n'y a pas plusieurs absolus
n'y a qu'un seul absolu, i.
Nicolai de
Cusa De docta ignorantia
qui est Dieu; lib. II,
cap. IX,
il
distincts,
y a donc un
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
seul exemplaire, synthèse de toutes les idées,
1
exem-
cet
et
4^
plaire est Dieu lui-même.
De même,
il
d'Ame du monde
n'existe pas
ment, forme universelle qui formes créées.
serait la
synthèse de toutes
:
Ou
elle est contractée,
Monde
sensible.
Au
sens
Dieu
elle est
;
créature
du
l'Ame du monde ne
se
elle est telle
absolu,
l'existence
elle a
en Dieu,
parfaite et absolue, et alors elle est
ou bien
bien
les
Une forme
n'y a pas de formes séparées.
Il
que de deux manières
n'existe
existant isolé-
ou
telle
distingue pas de l'Intelligence divine; au sens contracté, elle
que l'universalité des créatures.
n'est
Plus d'intermédiaire donc entre les créatures et Dieu.
Dieu séparé du Monde,
personnes de
s'agit
il
Tantôt sous
la Trinité divine.
de Verbe, tantôt sous
les
de reconstituer
noms d'Un
les
trois
les
noms d'Un
et d'Intelligence, la
et
phi-
losophie du néo-platonisme ne conçoit qu'une dualité divine
que
l'on peut aisément, avec saint Augustin,
la dualité
du Père
et
du
1 ,
rapprocher de
Mais cette dualité ne se trans-
Fils.
forme pas en Trinité; nulle hypostase néo-platonicienne ne tient la place de l'Esprit-Saint.
Seule, la Théologie dArlslole
l'Un,
le
Verbe
Nicolas de
et
admet
l'Intelligence
Gués en corrige
et
trois principes divins
active;
:
principes,
ces trois
en perfectionne
la
notion
jusqu'à ce qu'il puisse les identifier aux trois personnes de la
Trinité chrétienne. Il
n'est pas besoin,
pour l'amener au point où
tout à fait orthodoxe, de modifier bien
de Verbe tote;
telle
que
semble, en
il
la
elle
profondément
la
devient
notion
présente l'auteur de la Théologie d'Aris-
effet,
nous l'avons
dit,
conçu à l'image du Acyoç de saint Jean,
que le
cet auteur ait
Verbe
qu'il unit
à Dieu.
VI niellée lus agens de l'apocryphe Alexandrin s'écarte bien davantage de l'Esprit-Saint du Christianisme. Il est une créature du Verbe, seule créature directe du Dieu Un, tandis que
le Saint-Esprit,
égal au Père et au Fils, et coéternel à tous
deux, procède de tous deux. Tout en lui gardant i.
Nicolai de P.
DUHEM.
Cusa Liber qui
inscribitur
De
beryllo, cap.
le
nom
XXV.
m
et
I
/
4
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
6
une
que
partie des caractères
Cues confère à
Nicolas de
tote,
lui attribue la Théologie d'Aris-
double procession qui émane à
l'Intelligence
de l'Un
la fois
active
cette
du Verbe;
et
y parvient en transportant aux processions des personnes divines, telles que le Christianisme les adore, la théorie que et
il
toute émanation, à toute
la Théologie dArislote appliquait à
création;
qui unit
identifie l'Intelligence, le Saint-Esprit à
il
le
Père, toute-puissance, au Fils, tout acte.
Nous pouvons maintenant logies qui rapprochent la
de
caractériser d'un
les différences
qui
les
mot
et les ana-
Métaphysique de Nicolas de Cues
Métaphysique exposée dans
la
l'amour
séparent
:
la
Théologie dAristote,
première
la
et
est la christiani
sation de la seconde.
Les réflexions de Léonard de Vinci
touchant la philosophie de nlcolas de cues. Synthèse et développement.
Un manuscrit
de Léonard de Vinci, dérobé autrefois par
Libri à la Bibliothèque de l'Institut,
dans
la
bibliothèque du prince Trivulzio
se lisent des
réflexions
courtes, qui ont trait
Parmi
sophie.
trouve aujourd'hui
se
manière
la
nombreuses,
aux problèmes
ces réflexions,
il
en
et
En
1 .
pour
ce manuscrit
plupart fort
la
les plus divers
est
de
la
Philo
qui se rapportent, de
la
plus certaine et la plus nette, aux théories méta-
physiques de Nicolas de Cues.
Il
n'en est aucune où l'on ne
une allusion à quelque partie de l'œuvre de TÉvcque de Brixen; et par leur rapprochement avec les écrits du Cardinal Allemand, certaines pensées de puisse, sans effort, reconnaître
Léonard, que leur isolement
ou
faisait paraître
obscures, étranges
insignifiantes, s'éclairent et s'expliquent en
prenant leur
véritable sens. i.
Il
codice di Leonardo da Vinci nel biblioteca del principe
trascritto
r<l
annotato
<la
Luca Beltrami. Milano. RIDGCCXCT.
Trivulzio
in
Milano,
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
I
^47
Signalons quelques-unes des doctrines de Nicolas de Cues qui ont attiré l'attention du Vinci, et voyons quelles remarques
ont suggérées.
elles lui
Dieu
synthèse de
est la
développement de Dieu
création et la création
la
Dieu
;
donc à
est
1
est le
contracté en
l'état
toutes choses, tandis que toutes choses, à Létat abstrait, sont
en Dieu.
Dieu étant
dans
ainsi,
l'abstrait, l'essence
chose, nous découvrons sans peine vérité
énoncée par Anaxagore
d'Anaxagore»
Cette formule
mentaux de être,
il
n'y
éléments
Chimie 3
fondement de
« le
cette
— quodlibet
dans tout
est
de chaque
nous en avons peut-être une vue plus haute que
in quolibet; et
celle
Tout
:
même
2 .
Tout
:
la doctrine
un
fait
dans
est
tout, est
un
des axiomes fonda-
de Nicolas de Cues
;
plus constant appel que dans sa théorie des
mixtes, dans ce que nous
et des
nulle part, peut-
avons appelé sa
.
Nous avons vu comment l'élément
primitif, qui est la Nature,
en quatre éléments secondaires, de
se diversifiait
que l'élément primitif
fût
en chacun de ceux-ci
telle sorte
que chacun
et
d'eux fût en l'élément primitif. Nous avons vu que les éléments secondaires se mélangeaient de
telle sorte
que chacun d'eux
fût
en chacun des trois autres. Nous avons vu comment ces éléments se combinaient pour former des mixtes de plus en plus spécialisés, des individus où sont réunis tous les éléments secondaires, en lesquels donc est l'élément
en cet élément le flux
«
L'individu ^ est ainsi
des éléments, en
ment de est le
:
même
temps
suprême
la fin
qui sont
à laquelle aboutit
qu'il est le
commence-
leur reflux; l'élément le plus général, au contraire,
commencement de
leur flux et la fin de
La vertu de spécialisation extrême conctracte éléments
et
et les fait
leur reflux.
la généralité
des
descendre au-dessous de leur propre région,
puis, après les avoir ainsi contractés, elle les fait écouler hors
du mixte 1.
afin
Vide supra
2.
Nicolai de
3.
Vide supra
h.
:
III,
qu'ils retournent à leur généralité G.
Cusa De docta ignorantia liber :
II,
cap. V,
III, J.
Mcolai de Cusa De conjecturis liber
II,
cap. Y.
première.
1
KTUDES SLR LEONARD DE VINCI
48
De même, on
que l'Océan
dit
est le père universel des fleuves
;
par des canaux très généraux, l'Océan vient se contracter en une fontaine très spécialisée, mais la rivière finit par retourner Ainsi peut-on comparer les éléments
à l'Océan.
universels
à l'Océan et les mixtes les plus spécialisés à la fontaine.
Nous avons
dit
que
cette théorie
»
de Nicolas de Gués n'était
qu'on y pouvait reconnaître le de doctrines chères aux chimistes du Moyen -Age. En
pas nouvelle de tout point; reflet
particulier, cette théorie
semble inspirée d'un auteur qui a
exercé sur la pensée de l'Évêque de Brixen une influence non
Raymond Lulle. « comment on Raymond Lulle
douteuse; nous voulons parler de Voici en
effet,
comprendre Voici,
«
les
mon
selon
,
éléments fils,
doit
1
»
:
comment
tu dois les
éléments sont tous composés;
la
comprendre
Nature, en
effet,
Les
:
ne peut
composé simple, et celui-ci leur tour, sont composés au
subsister qu'en la matière d'un
formé d'éléments qui, à
est
moyen d'une matière
fine et
claire,
composition des éléments
cette
est
vraiment élémentaire
;
produite par la vertu
élémentative, en laquelle subsiste une puissance de végétaC'est pourquoi,
tion.
mon
fils,
tous
nos éléments sont en
chacun d'eux, et chacun d'eux est en forme de cercle, et ces cercles composent le cercle du mixte simple... A chacun des éléments minéraux, nous donnons le nom de l'élément qui
domine en
lui...
Comprends donc, mon
nos éléments sont composés
fils,
de quelle manière
formés des éléments purs. lumineux; le feu prend part Dans notre terre, il y a du feu à sa composition dans un rapport approprié; de même, elle contient de Fair et de l'eau; ces divers éléments participent et
en plus ou moins grande proportion à la formation de notre terre... Il en est de même de nos autres éléments; dans notre eau,
il
y a du
feu, de l'air et
de
la terre. »
Haymondi Lullii Maioricani philosophi sui temporis doctissimi Libri abquot nunc primum, excepte Vade mecum, in lucem opéra Doctoris Toxita? editi. Quorum omnium nomina versa pagina dabit. Cum privilegio Caes. Maiestat. ad decennium. Basileœ, apud Petrum Pernam, MDLX.YII. Testamenti novissimi Raimondi Lullii De practica liber secundus: Quomodo debes intelligerc clementa, capp. el 11 i.
chemici;
I
|>|>-
89-91;
:
NICOLAS DE GUES ET LÉONARD DR VINCI
Au
nommera
matière fine et claire
«
l'élément primitif.
Cette
»
!\ij
Raymond
degré suprême de simplicité, nous voyons
Lulle placer cette
Cues
I
que Nicolas de
matière première
engendre quatre éléments qui, pour l'Évêque de Brixen, sont éléments principaux. Ces quatre éléments se mélangent à
les
nomme
pour former ce que Raymond Lulle
leur tour
des
composés simples, des éléments minéraux ou encore nos éléments, tandis que Nicolas de Cues
généraux; ceux-là sont
commune
la
même
que
plus simples qui puissent
les
est
chimie du Doctor llluminatus ; leur
la
dominée par
théorie est
appelle des mixtes
La Chimie du Cardinal Allemand
subsister dans la Nature.
exactement
corps
les
les
aphorisme
cet
:
Quodlibet
in quolibet.
Comment
ne pas reconnaître un résumé de
cette courte note u
du Vinci
1
cette théorie
:
Anaxagore. Toute chose vient de toute chose,
chose se
fait
et
mêmes
En
éléments.
absolu
;
maximum
absolu est identique
l'un et l'autre sont en Dieu et sont Dieu.
Dans l'univers contracté,
maximum
de
fait
»
tout ordre de choses, le
minimum
au
toute
toute chose, et toute chose retourne en toute
chose, parce que ce qui existe parmi les éléments est ces
en
est
il
minimum;
impossible d'atteindre ni
le
donne un objet, on peut s'en donner un plus grand, puis encore un plus grand, et ainsi de suite, sans fin; et l'on peut aussi s'en donner un plus petit, puis encore un plus petit, à l'infini. De ces vérités, la considération des angles nous peut fournir des exemples ni le
si
l'on se
:
u
en
Dieu peut être considéré effet,
3
comme
semblable à l'angle
l'angle infini...
maximum,
Dieu
qui est en
est,
même
temps l'angle minimum. Considérons une demi-circonférence et le rayon qui est perpendiculaire au diamètre ce rayon fait ;
avec
le
diamètre deux angles droits, Faisons tourner ce rayon
autour du centre avec
le
comme
diamètre;
il
est
nous voulions l'amener à coïncider clair qu'un des angles augmentera
si
—
i. Léonard de Vinci, Qodice Atlantico, (376, recto) 1168, recto. J. P. Richter. The Uterary Works of Leonardo da Vinci, Londres, i883 t. II, § i! -jS. 2. Nicolai de Cusa Complément um theologicum figurât um in complementis mathematicis, cap IX ;
t
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
l50
continuellement, tandis que l'autre diminuera d'autant. Tant
que
rayon ne coïncidera pas avec
le
maximum
angle ne sera pas davantage, et il
pourra encore décroître. Mais
maximum
minimum
diamètre,
absolu, car
second ne sera pas
le
angles devienne
le
si
absolu,
il
premier
pourra croître
il
minimum
l'on
le
absolu, car
suppose qu'un de ces
même
deviendra en
temps
absolu, et cela n'aura lieu que par la coïncidence
de ses deux côtés. Vous voyez qu'alors ces résolvent en une
même
deux côtés
nom
ligne droite et que le
d'angle ne
convient plus à la figure ainsi formée. Vous comprenez par
comment, lorsqu'on
tente de s'élever vers l'infinité divine,
semble que l'on n'atteigne rien quelque chose, selon ce que Cette
même
pensée
est,
grand
distincts, le plus
minimum
petit
cesse, fois
on ne
et
minimum
angle
si
les angles,
exemple, déve-
;
donc
le
Tant que
principe est à la
ce qui découle il
du principe en
ne peut
être ni plus
»
par exemple, on ne saurait trouver un
ne saurait non plus trouver un angle
ne
en vertu de son principe. Dès
soit tel
que
«
:
aigu que son acuité ne provienne de son principe
;
faut
1
absolu, ni le plus
même on ne peut
l'on saisisse
Et d'autre part, lorsque la dualité
grand, ni plus petit que son principe.
Parmi
même
maximum
porte seulement la ressemblance, car
a
il
plus petit sont deux angles
voit plus d'angle... Seul
maximum
là
»
Nicolas de Cues
n'est pas
absolu...
Denys.
au moyen du
et l'angle le
grand
non point que
dit saint
loppée en un autre écrit de l'angle le plus
et
se
lors,
être si aigu qu'il n'en puisse exister le
aigu; et de
principe
même
ait le
si
obtus qu'il
puisqu'un angle
un plus
aigu,
il
pouvoir de créer cet angle plus
pour l'angle obtus.» Et Nicolas de Cues
conclut encore^ ce développement par la réflexion de Denys l'Aréopagite.
Nous songeons à cette pensée de Nicolas de Cues lorsque nous lisons celle-ci, qui est de Léonard de Vinci 3 :
«
i.
j. .'{.
L'angle droit est dit être
le
premier parfait entre
les autres
Cusa Liber qui inscribitur De beryllo, cap. I\. Nicolas de Cues, loc. cit., cap. X. Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms. M. de la Bibliothèque do l'Institut, Nicolai de
verso de
la
couverture.
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
angles, parce qu'il
10
L
trouve entre deux infinies extrémités
se
d'autres natures d'angles qui en diffèrent, c'est-à-dire d'infinis
angles obtus et d'infinis angles aigus; tous
égaux entre eux, être milieu.
Mais
la
»
ressemblance de ces deux pensées prouve-t-elle que
première a suggéré
la
simple coïncidence à sa réflexion
Ta
sophe.» Or,
seconde? N'est-elle pas
la
semble que Léonard
comme une marque effet,
est enchâssé,
pour
Dieu peut recevoir ne
nom
le
deux
De
d'autre,
et
plus,
allusions au Trismégiste est ainsi conçue
nom
laisser il
;
Hermès, philo-
«
:
ainsi dire, entre
de part
;
lignes seulement l'en séparent.
aucun
voulu
d'une
qui en indiquât l'origine
de ces deux mots
d'Hermès Trismégiste
\
ait
l'effet
passage de Nicolas de Cues que nous avons cité
le
en dernier lieu tions
Il
?
précéder, en
fait
chacun d'eux,
se trouve être équidistant à
il
infinis étant
les
la
quelques
seconde de ces
On
«
:
cita-
voit
donc que
de toutes choses et que cependant
comme
lui convient,
le disait
Hermès Mercure.
»
Elle est la conclusion naturelle de la réflexion sur l'angle qui est à la fois
nom Le
maximum
absolu
et
minimum
absolu, auquel
le
d'angle ne convient plus.
nom du
Trismégiste évoque de prime abord l'idée d'une
comparaison célèbre
:
Dieu
une sphère
est
infinie
centre est partout et la circonférence nulle part.
dont
le
Semblables
comparaisons ont trouvé grande faveur auprès des néo-platoniciens de tous les âges. Il en est une, en particulier, dont ils ont
fait
un
exempt de toute cependant, il est en chacune
Dieu
très fréquent usage.
division, de toute distinction; et
est l'Un,
des créatures, qui sont multitude, et toutes les créatures sont
Ce mystère, Plotin en cherche 2 l'image dans
en
lui.
du
cercle, qui
demeure un
et indivisible,
le
centre
d'où partent cepen-
où reviennent les rayons, en nombre infini, qui aboutissent aux divers points de la circonférence « Autant il y a de rayons qui parviennent au centre du cercle, autant il semble y dant
et
avoir de points réunis en ce centre.
»
L'auteur de la Théologie d'Aristote reprend la Cusa Liber
i.
Nicolai de
2.
Plotini Enneadis VI liber V, art, V.
qui inscribitur
De
—
beryllo, cap.
VI
même compa-
et cap. XII.
Kd. Didot, p. 45o.
études sub léonard de vinci
i5a
raison
1 ;
elle lui
montrer comment
sert à
la
multitude des
formes peut coexister en l'unité de l'Intellect « L'Intellect est comme le centre du cercle qui contient en lui-même tout ce :
y a d'angles, de côtés, de lignes, de surfaces et d'autres choses imaginables en ce cercle et dans les autres figures.
qu'il
Il
est indivisible et sans
sont issues de ce point le
nomme
centre.
dimension. Toutes reviennent à
et
les lignes
lui.
C'est
du
cercle
pourquoi on
»
Nicolas de Cues, à son tour, a accueilli cette métaphore;
Fa modifiée légèrement, de l'Unité; les rayons lité;
Je
«
la
me
le
circonférence
centre unique
moyen
et la fin
plicité est indivisible et éternelle; très stricte,
il
est la
mencement de
les
et
rayons
égaux
centre très simple, et j'y
le
de tous
les cercles.
en
Sa sim-
en son unité indivisible
synthèse de toutes choses.
l'égalité;
l'Éga-
:
tourne maintenant 2 vers
vois le principe, le
centre est l'image de
le
égaux qui en sont issus représentent
du Lien entre
procède
quelle exprime sa con-
telle sorte
ception particulière de la Trinité;
il
effet, si les
Il
est le
et
com-
lignes qui joignent le
centre à la circonférence n'étaient pas toutes égales entre elles, ce point ne serait pas centre d'un cercle.
du centre
est
le
Ainsi l'indivisibilité
commencement simple de
l'égalité;
sans
l'union de sa simplicité ponctuelle avec l'égalité des rayons,
il
ne saurait y avoir de centre de cercle, car l'essence de ce centre consiste dans son équidistance à la circonférence. Ainsi, en ce point central, je vois à la fois l'Unité, l'Égalité, et
le
Lien qui
les conjoint... »
Vous comprendrez encore mieux tout cela si vous considérez que l'unité absolument simple est la synthèse de toute multitude et que, par là même, elle est exempte de toute mul«
tiplicité,
parce qu'elle complique en
toute multitude.
On
multiplicité,
reconnaît cette unité en toute multitude,
car la multitude n'est que
le
développement de
peut en dire autant du point, qui est i.
elle toute
la
l'unité.
On
synthèse de toute gran-
Aristotelis Thcologiœ liber quartus, cap. IV. Éd. i5 9, fol. 20; éd. 1572, fol. 34, 1
recto. 2.
ratum
Nicolai de Gusa De ludo globi liber II. in complementis mathematicis, cap. VI.
— Cf.
:
Complementum theologicum
figu-
10O
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
Ouvrez donc votre
deur...
en toute multitude, parce
esprit, et
vous verrez que Dieu
dans
qu'il est
l'unité, et qu'il est
toute grandeur, parce qu'il est dans le point... «
Ainsi se tient profondément caché
cercles; en sa simplicité réside
choses...
est
en
»
centre de tous les
le
une force qui synthétise toutes
»
cherchons maintenant l'écho parmi les réflexions de Léonard de Vinci; nous le trouverons en une courte note écrite au cahier 1 où nous avons déjà lu le nom du
De
pensées,
ces
Trismégiste. «
Si l'angle (Jîg.
en
terminées
étant
1) est le
point,
contact de deux lignes, les lignes lignes
d'infinies
peuvent commencer à ce point
en sens
et,
inverse, d'infinies lignes peuvent se terminer
ensemble en ce point
commun
au
donc
;
point peut être
commencement
d'innombrables figures. « Ici
le
ce semble
à
et
la
fin
»
une étrange
affaire
que,
le
fig.
i.
triangle étant, avec l'angle opposé à la base,
terminé en point, on puisse des extrémités de le
triangle en parties infinies; et
étant terme
commun
il
paraît
la
ici
base partager que,
les divisions dites,
de toutes
aussi bien que le triangle, soit divisible à l'infini.
Une remarque nous ser.
la
point,
vient à l'esprit, qui nous paraît s'impo-
Nous venons de voir Léonard
de Nicolas de Cues, dans le
le
point
»
s'inspirer de pensées sur
Géométrie développées par Nicolas de Gués. Dans
que
le
les livres
les écrits
des philosophes platoniciens
Cardinal Allemand a imités, ces pensées ont un objet
essentiellement théologique; elles ont pour but d'éveiller en
notre intelligence au moins ses mytérieuses
ces pensées,
Léonard
garde ce qu'elles ont de géométrique par quoi soin i.
le
elles se rattachent à la
nom
verso.
les
la
nature
transforme;
il
supprime tout ce
et
Théologie;
il
en efface avec
de Dieu. Quelle explication doit-on donner de cette
Les manuscrits de Léonard de Vinci
fol. 87,
l'essence divine, de
processions, de ses relations avec
En reprenant
créée.
un soupçon de
;
ms. M. de
la
Bibliothèque de
l'Institut,
[
ETUDES SUK LEONARD DE V1XC1
£)4
façon de procéder? Faut-il y reconnaître la manière d'un sceptique qui ne se soucie point d'élever son esprit jusqu'à ce qui
surpasse
la
science
humaine?
y voir
Faut-il
les
scrupules d'un
croyant qui redoute de livrer au libre jeu de son imagination des
dogmes
du
Vinci, ces
posées;
pour intangibles
qu'il tient
deux interprétations peuvent
est malaisé de
il
et sacrés?
être
De
réserve
la
également pro-
trouver des motifs suffisants pour
choisir entre elles.
même
Lorsque nous lisons, en un
feuillet,
deux réflexions
qui sont sans relation apparente l'une avec l'autre, et que lecture des écrits de Nicolas de Cues
la
nous explique ce rappro-
chement, nous sommes autorisés à penser que Léonard a conçu ces pensées sous l'influence de l'Évêque de Brixen;
elles
si
pu deviner
eussent été isolées, nous n'en eussions peut-être l'origine.
une semblable incertitude
C'est en
au sujet de fois «
1 ,
qu'il
que
la réflexion suivante,
Bien que
le
temps
nues, cependant,
soit
comme
comme
elle fait
pour
le
:
mis au nombre des quantités contiil
est invisible et sans corps,
tombe pas entièrement sous celle-ci [ne] le divise [pas]
Vinci répète par deux
le
en des termes presque identiques
nous faut demeurer
puissance de
la
en figures
et
Géométrie
la
ses visibles et corporelles.
Mais
ils
;
corps d'infinie variété,
continu qui se rencontre dans 2
ne
il
les
cho-
ne conviennent ensemble
que par leurs premiers principes, savoir
[l'instant et la
durée
avec] le point et la ligne; le point est à comparer, dans le temps,
avec l'instant,
et la
ligne a ressemblance avec
d'une certaine quantité de temps;
et
de
sont principe et fin de la susdite ligne,
la
même que les points de même les instants
sont terme et principe de n'importe quel espace
donné. Et
si la
longueur
de temps
ligne est divisible à l'infini, l'espace de temps
une
n'est pas étranger à
telle
division;
en
et si les parties
lesquelles la ligne est divisée sont proportionnelles entre elles, les parties i.
du temps seront aussi proportionnelles entre
Léonard de Vinci, ms. Arundel 263 de
verso, et fol. 190, verso. S
—
J. P.
Le temps et
le
Bibliothèque du British Muséum, fol. 17S,
Richter, The literary
916. 3.
la
continu géométrique.
elles. »
Works of Leonardo da
Vinci,
t.
11.
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINCI Il
que ces pensées ont
serait téméraire d'affirmer
au Vinci par
rées
telle
en substance dans
la
ou
IDO
telle lecture
été
suggé-
elles se trouvaient déjà
;
Physique d'Àristote
1 ,
à
propos de laquelle
tous les commentateurs de l'École les avaient développées à l'envi.
semble, d'ailleurs, que Léonard
Il
temps en dit-il
a
«
,
de son image géométrique
l'isolant
du temps séparé de
la qualité
ignorons quel fut
le résultat
du
tenté de parler
ait
«
:
Décris,
Géométrie.
la
»
Nous
de cette tentative.
D'autres pensées émises par Léonard touchant l'espace et
temps portent plus nettement par
les
En
maximum minimum gueur;
que
minimum
la
de
vement.
absolu, identique au
le
développement du minimum. Le point,
absolu de longueur, complique en lui toute lon-
longueur de
De même, ;
de l'influence exercée
la trace
absolu, est la synthèse de toute existence concrète;
celle-ci n'est
durée
le
doctrines de Nicolas de Cues.
tout ordre de choses, le
point.
»
même De
la ligne n'est
le
repos est
doctrine, nous
De docta
d'après le traité
le
l'instant présent est la
encore
cette
que
développement du synthèse de toute
synthèse de tout mou-
la
avons donné 3
ignorantia.
résumé
le
Empruntons maintenant
un autre ouvrage, à l'écrit dont l'auteur prend cet étrange pseudonyme l'Idiot, deux passages 4 qui ont trait à la même à
:
doctrine. «
Penses-tu,
dit le
»
Philosophe,
sible?» Et l'Idiot de répondre
mine une ligne ne il
que
point soit divi-
le
Je pense que le point qui
saurait être divisible; ce qui est
ne saurait avoir de terme terme;
«
:
«
;
or,
s'il
était divisible,
ne serait donc point terme de
la ligne.
il
ter-
un terme aurait un
Le point n'est
on ne saurait avec des points composer une car une quantité ne peut être formée d'éléments non
pas quantité; quantité,
quantitatifs.
»
—
«
Ton
avis,
reprend
»
le
Philosophe,
corde avec celui de Boëce; celui-ci disait: i.
i.
«En
Vide supra,
4.
Nicolaide Cusa Idiotœ liber tertius
III,
G. :
De mente;
cap. IX.
s'ac-
ajoutant
Aristote, fajmwrfe àxpoassto; to A, ay; Physicse auscultationis liber Léonard de Vinci, ms. cit., fol. 176, recto.— J. P. Richter, Op.
S.
«
II,
cap.
cit.,
t
un III. II,
F
ÉTUDES SLB LÉONARD DE VINCI
56
»
point à
un
))
à rien.
»
Un peu ment
ne
autre, tu
fais
rien de plus qu'en ajoutant rien
plus loin, l'Idiot émet cette assertion
Le mouve-
«
:
développement du repos; dans le mouvement, on ne trouve rien qu'une série d'états de repos. De même, le préest le
sent se développe dans le temps; dans le
temps on ne trouve
que des instants présents. Et ainsi du reste.
rien
peux-tu dire, interroge
dans
mouvement,
le
répond
l'Idiot, c'est
Il
—
Comment
a
Philosophe, qu'on ne trouve rien
le
ce n'est le repos?»
— «Se
mouvoir,
passer d'un état à l'autre; tant que l'objet
un même
persévère dans repose.
si
»
est clair, alors,
état, il
ne
se
meut
qu'on ne trouve dans
point, mais se le
mouvement
que des repos. Le mouvement consiste à sortir d'un état; se mouvoir, c'est cesser d'être dans un état pour se trouver dans
un
autre état; en d'autres termes, c'est passer d'un repos à
mouvement,
autre repos. Le
ce n'est
de repos développée en série.
De
un
donc qu'une succession
»
deux passages, rapprochés l'un de l'autre par Nicolas de Gués, comparons ces phrases que Léonard écrit l'une ces
«
au-dessous de l'autre
de
«
Le point
«
L'eau que tu touches dans
la
n'est pas
masse d'eau qui
d'eau qui vient. Il
le
:
Il
est possible
en
une
partie de ligne.
le fleuve est la
s'en va et la est
de
»
dernière partie
première partie de
même du
temps présent.
que ces courtes réflexions aient
la »
été jetées sur
papier à propos des théories de l'Évêque de Brixen
nous
le fait
supposer, toutefois, c'est bien plus
elles se trouvent, ce Codice Trivulzio où,
l'inspiration de Nicolas de Gués,
si
masse
;
ce qui
où marque
le recueil
souvent, se
que leur contenu même; ce
contenu ne porte pas, d'une manière particulièrement nette, l'empreinte des doctrines du Cardinal Allemand; on tout aussi bien
comparer
pourrait
aphorismes purement
certains
à
le
scolastiques.
Ouvrons, par exemple, un
vogue
à la fin
soupçonner i.
la
du xv e
écrit qui
siècle, et
semble avoir eu grande
dont certains indices nous font
présence aux propres mains de Léonard
Léonard de Vinci, Codice
Trivulzio, fol. 3i, recto
:
les
MCOLAS DE CUES ET LÉONAkjD DE
du
Abréviations
d'Inghen
nous y lisons
;
10";
Physiques composées
des
livre
VINCI
la
*
par
formule suivante, donnée
expression de la pensée d'Aristote
«
:
Tout présent
du passé aussi bien que le commencement du futur. Les réflexions de Léonard que nous venons de immédiatement
suivies de cette simple phrase
remplie est courte.
:
à plusieurs reprises, celui-ci
instrument au
moyen duquel
ne saurait mesurer sition
l'esprit
de ce
l'activité
est la fin »
citer sont
La vie bien
du Cardinal
énonce 2 que
mesure
même
le
temps,
mouvement,
Mais
esprit.
le
la
propo-
formulée par Léonard peut bien avoir d'autres origines
Marsile d'Inghen n'écrit-il pas à l'heure le fait
«
comme
Cette pensée peut fort bien, elle aussi,
»
avoir été suggérée au grand peintre par les écrits
Allemand;
Marsile
«
:
Le
3 ,
au
que nous citions tout temps court et la tristesse
livre
plaisir fait paraître le
paraître long
;
» ?
Les pensées dont nous venons de parler peuvent donc avoir par Léonard de Vinci alors qu'il
été notées
de l'Évêque de Brixen
en
;
lisait les
œuvres
mais nous ne saurions affirmer
soit ainsi; l'empreinte
de Nicolas de Cues n'y
qu'il
est pas assez
nettement gravée. Cette empreinte va se montrer, autrement reconnaissable,
en d'autres réflexions du Vinci. Le point complique en n'est
que
le
continu géométrique
lui le
développement du point, qui
;
ce continu
est le principe
de
toute grandeur; et cependant ce point, dont l'étendue de l'Uni-
vers créé est issue par voie de développement, est aussi près
qu'on peut
l'être
qui est presque
du néant
le
:
Le Créateur
a
néant, car entre
a pas d'intermédiaire. Le point est
ajoutant
un point
à
un
point,
le si
on ne
4
néant
...
et le point,
voisin fait
a fait le point, il
n'y
du néant qu'en
rien de plus qu'en
ajoutant rien à rien... Et cependant, en ce point unique est la
synthèse de l'Univers entier. i.
»
Subtiles doctrinaque plene abbreviationes libri physicorurn édite a prestantissimo
philosopho Marsilio lnguen doctore Parisiensi (sans aucune indication typographique antérieur à i5oo); trente -neuvième feuillet, non numéroté, verso. 2. Nicolai de Cusa Idiotœ liber tertius De mente; cap. XV. De ludo globi, lib. 11. 3. Marsile d'Inghen, loc. cit., quarante et unième feuillet, verso. '4. Nicolai de Gusa Complementurn theologicum figuration in complementis mathe-
—
:
maticis, cap.
IV
—
ÉTUDES SUH LÉONARD DE VINCI
l58
De même,
le
temps
dans l'instant présent;
dans
repos, dont
le
il
impliqué dans
est tout entier le
mouvement
est le
est tout entier
développement;
nunc,
le
impliqué
l'instant, le
et
immédiatement voisins du néant.
repos, sont
Le point,
minimum
absolu de durée,
le
minimum
absolu d'étendue, l'instant,
repos,
minimum
absolu de mouvement,
ne peuvent avoir d'existence actuelle en en cet Univers créé, tout
minimum
la
Nature contractée;
absolu se présente
comme
une impossibilité. Le
minimum
absolu n'a d'existence actuelle qu'en Dieu
mieux, identique au L'instant présent, en
du néant,
même;
maximum absolu, il est Dieu lui-même. même temps qu'il est infiniment voisin Dieu
est identique à l'éternité, c'est-à-dire à
étant Dieu,
il
ne peut être absolument
réalisé
«
lui
en aucune
des choses créées. Écoutons Nicolas de Cues développer
propositions
ou
;
ces
:
Le lieu naturel du temps
même
est l'éternité,
autrement
dit le
du mouvement est le repos, que le lieu du nombre est l'unité. De quoi constatonsncus l'existence au sein du temps, si ce n'est du présent? Le nunc, le présent, de
temps coule,
et
que
le lieu
être est le nunc, le présent; aussi disons
nous ne possédons que multiple, car
il
ne saurait dire et le
:
même,
son flux a pour origine son être
le présent.
-nous que du temps
Le présent
ne passe point dans
le
et cet
est
passé, et
maintenant. Ce nunc qui est
le
non du futur on
unique
et
point de départ
point d'arrivée de l'écoulement du temps, est l'essence
du temps; nous le nommons Y aujourd'hui, ou Y éternité, ou le nunc qui demeure dans une perpétuelle immobilité. Le nunc de l'éternité est donc l'éternité elle-même; c'est proprement l'être qui est l'essence du temps c'est Dieu éternel, identique à son éternité... Or Dieu est en toutes choses, et il n'est dans aucune; il est en chaque chose, en tant qu'être absolu; il n'est en aucune chose, en tant qu'elle est tel être particulier... Dieu n'est donc point, sinon en l'être absolu; ou
l'être
;
dès lors,
comme
le dit
Maître Eckehart,
il
n'est point
i. \icolai de Cusa Excitationum ex sermonibus liber Vil; ex sermone nalus est rex .Imbrorum.
:
dans
le
Ubi est qui
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINCI
temps, ni dans ce qui le
de division, ni dans
est susceptible
nomme
continu, qu'on
l5f)
aucune
aussi la grandeur, ni dans
chose capable de plus ou de moins, ni dans ce qui présente des distinctions, ni dans aucune créature.
Le présent n'a donc d'existence il
est susceptible
tuelle,
en
l'esprit
»
qu'en Dieu; mais
actuelle
d'une autre existence
purement
l ,
intellec-
qui conçoit les formes des choses, détachées
de toute union avec la nature contractée.
En
les
effet,
grandeurs
actuellement dans
Nature créée,
la
l'intermédiaire de ce
continues qui,
minimum
l'intellect les
en lequel
thèse et dont elles sont le développement.
elles Il
du continu géométrique, mais du point; durée, mais de l'instant présent
;
il
ne
l'a
existent
seules,
saisit
par
ont leur syn-
n'a pas l'intujtion
il
ne
l'a
pas de la
pas du mouvement,
mais du repos.
«L'âme loppe en
rationnelle elle
2
est
une force synthétique qui enve-
tous les concepts déjà synthétiques. Elle enve-
loppe la synthèse du
nombre
et la
synthèse de la grandeur,
du point, elle ne pourrait faire aucune distinction au sein du nombre et de la grandeur. Elle enveloppe en elle la synthèse des mouvements, et cette synthèse se nomme le repos; dans le mouvement, le savoir l'unité et le point. Faute de l'unité et
repos seul lui apparaît, car
repos à
un
mouvement va d'un
état
de
autre état de repos. Elle enveloppe la synthèse du
temps, qui se temps,
le
elle
nomme
maintenant ou
ne trouve rien que
le
présent; car dans le
le présent.
On en peut
dire
autant de toutes les synthèses; l'âme rationnelle est la simplicité
où
se réunissent toutes les notions synthétiques.
L'intellect, le
donc,
«
ne voit pas 3
les
»
choses temporelles dans
temps, c'est-à-dire dans une succession instable;
l'intuition
dans un indivisible présent. Le présent, en
il
en a
effet, le
même, synthèse de toute durée, n'appartient pas au monde sensible, car le sens ne saurait l'atteindre; il. appartient au monde intelligible. De même, l'intellect n'a pas l'intuition niinc
Cusa De docta ignorantia liber Cusa De ludo globi liber II. Nicolai de Cu<a De Jiliatione Dei libellus.
i.
Nicolai de
2.
Nicolai de
.H.
II,
cap. VII.
.
lÔO
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VUVCI
des grandeurs en
une étendue corporelle
un point
indivisible, qui est la synthèse intelligible de toute
quantité continue.
»
En résumé, dans l'étendue,
tinus,
mais en
et divisible,
la
Nature créée,
temps,
le
les
développements con-
mouvement possèdent
le
unes
l'existence actuelle; les synthèses
seuls
et indivisibles, le point,
présent, le repos, y sont de pures impossibilités. D'autre
le
part, ces
synthèses, immédiatement contiguës au néant, ont
seules accès dans l'intellect
c'est
;
par
elles seules
que
celui-ci
Nature concrète.
saisit la
Telle est la doctrine de Nicolas de Cues, doctrine très audacieuse, très originale, fort différente de la théorie péripatéti-
cienne
doctrine dont
;
de relever
serait aisé
il
analogies
les
avec certaines opinions de la moderne École Bergsonienne.
Léonard
Or, cette doctrine,
croyons «
passage suivant
le
'
l'avait
sienne,
faite
nous en
si
:
Toute quantité continue
est,
par
pensée, divisible à
Ja
l'infini. » «
En
toutes les grandeurs qui sont en
nous-mêmes,
l'exis-
tence de la grandeur nulle tient la place principale; son office s'étend à toutes
En
[actuelle].
choses qui
les
sont
privées de l'existence
ce qui concerne le temps, son essence réside
entre le passé et le futur, et la grandeur nulle est en possession
du
En
présent.
grandeur nulle,
cette
la partie est
égale au
tout et le tout à la partie; elle est à la fois divisible et indivisible; elle
donne
division, le
même
le
même
comme
démontrent de leur dixième
chiffre,
le
qui représente cette s'étend pas «
dans
rencontre ce que l'on trouve entre le
le
présent; dans
dont on
la nature. » le
temps
nomme
et
dit qu'elles
discours,
il
dans
néant;
passé et le futur, et le
Mais sa puissance ne
grandeur nulle.
aux choses de
C'est seulement
que par
par addition que par soustraction,
mathématiciens
les
résultat par multiplication
la
le
dans
discours que se le
temps,
il
se
grandeur nulle retient
est représenté
par
les
choses
ne sont pas ou qu'elles sont impossibles.
i. Léonard de \ inci, ins. Arundel 203 de ta bibliothèque du Brtiish Muséum, recto.— J, P. Uichtcr, The literary Works of f.fonardo du Vinci, t. II, $ tai6.
»
fol. 101
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
En
«
ce qui concerne
temps,
le
l6l
grandeur nulle réside
la
entre le passé et le futur, et le néant est en possession
du
présent; en ce qui concerne la nature, la grandeur nulle est
compagne des choses impossibles, comme nous l'avons dit, et le néant n'y a pas d'existence. En effet, si le néant était donné dans la nature, le vide y serait donné. »
la
VI Les réflexions de Léonard de Vinci LA PHILOSOPHIE
TOUCHANT
DE NlCOLAS DE CuES
(SUltej.
La CRÉATION ET l'aMOUR CRÉATEUR.
uL'Ame d'Aristote
universelle,»
1 ,
corporelle;
«est
le
avait
dit
est
Théologie
la
spirituelle
ou
une forme privée de toute matière;
reçu de l'Intelligence
l'influx qu'elle a
forme
principe de toute
elle-même
de
l'auteur
en elle-même toute forme.
donne de
lui
Son œuvre, qui
refléter
est la Nature,
apparaît par l'imposition de la forme à la Matière première.
Les procédés de
«
emploient
l'art
les
»
corps qui existent,
formés, dans la Nature; aussi en imitent-ils la génération. Si
un
une certaine œuvre et s'il ne pos fabriquer, une matière déjà pourvue d'une
artisan voulait produire
sédait pas,
pour
la
certaine forme, lui serait- il possible de suspendre la figure artificielle qu'il
conçoit dans une matière jusqu'alors dépourvue
de forme? ou de la réduire à une forme exempte de toute matière? Cela ne se peut « Si,
faire. »
par exemple, un potier veut réaliser une marmite ou
tout autre vase dont pétrir de l'argile; telle qu'il
il
il
lui
a
conçu
donne
veut l'obtenir; puis
de
la «
i.
marmite.
il
commence par
alors la figure de la
il
point douteux que l'argile, que
le projet,
la cuit
l'air,
pour
que
le
marmite
la durcir. Il n'est
feu sont la matière
»
Ainsi procède
l'art.
L'Ame
Aristotelis Theologiœ liber tertius
universelle procède autrement; decimus, cap. VI. Éd. i5ig,
fol.
80, recto;
éd. 1572, fol. 182, verso, et i33, recto. p.
DUHEM.
1
1
I
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
^3
douée du pouvoir d'imposer une forme à ïa Matière simple et jusqu'alors non informée; et c'est seulement en cette Matière simple et incréée qu'elle produit des formes. » Il n'est guère douteux que Nicolas de Gués ait lu ce passage est
elle
dans celui-ci
et qu'il s'en soit inspiré
ment
le
Créateur informe
la
où
1 ,
il
explique com-
matière première, pure possibilité
qui n'a encore reçu aucune forme, mais qui est apte à les recevoir toutes
Conrad.
«
complète de Nicolas.
«
:
—
Donne-moi,
— Très volontiers.
«
Conrad.
—
«
Nicolas.
— Voilà
Je
l'ai
puis,
en
verrier,
adhère,
effet,
ensuite, avec le verrier,
vase que cet air
le
une explication plus
...Tu as vu, sans doute, fabri-
»
un exemple
propre à
très
à l'aide
du
feu,
une canne de
par son
souffle,
il
la
rend propre à son
fer à laquelle la
va
lui
donner il
la
forme du
insuffle de l'air;
par l'action du maître, un vase de verre se trouve
vase. «
matière
matière selon l'intention du maître, et ainsi,
la
moyen d'une
com-
réunit une certaine quantité de matière;
maître a conçu; dans ce but,
meut
te faire
»
dans un fourneau,
travail;
prie,
»
vu.
prendre cette doctrine.
Le
te
cette doctrine. »
quer des vases de verre?
«
je
fait
au
matière qui n'avait aucunement la forme d'un
»
Cette figure
du vase informe
la
qu'elle soit tel vase de telle espèce;
demeure sous
cette figure, elle
matière de et tant
que
telle la
sorte
matière
perd son universelle capacité à
recevoir n'importe quelle forme de vase; sa possibilité universelle est alors spécifiée et particularisée «
par
l'acte.
Imaginons maintenant que de ce vase de
»
cette espèce, le
maître se propose d'en faire un autre d'une autre espèce.
M
ce vase ni ses fragments ne sont capables de ce qu'il désire
car ce vase est
un
que
de ce tout. Alors
les parties
tout
un
et parfait, et ses
fragments de ce vase à
les
i
Nicolai
<l<>
la
Cusa Dialogua de Genrsi.
le verrier
;
fragments ne sont
ramène
matière première;
ce vase il
ou
leur ôte
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE
forme
la
en laquelle
actuelle,
ils
l63
VlISCl
étaient figés; et lorsque la
matière est redevenue fluide, qu'elle a repris la possibilité universelle, est très
Il
il
emploie cette matière à
faire
un nouveau
— Un
Comparaison.
forme
Tout auprès 2 de
«
Souvent une
s'il
est cuit. »
cette pensée,
conçue en ces termes
est
:
vase brisé peut être restauré en sa
mais non
est cru,
s'il
»
vraisemblable que ce passage de Nicolas de Gués a
suggéré à Léonard de Vinci la pensée suivante «
vase.
nous en lisons une autre qui
:
même
chose
par deux violences,
est tirée
savoir la nécessité et la puissance. L'eau de la pluie, la terre
pompe non par
l'absorbe par nécessité et le soleil la
mais par puissance.
nécessité,
»
Prise isolément, cette pensée semble passablement obscure;
son véritable sens transparaît
si
on
la
rapproche de
la philoso-
phie de Nicolas de Gués.
L'Évêque de Brixen distingue, en toute substance, bilité
indéterminée
cet acte,
il
mouvement de
comme une
qui détermine cette possibilité; à
et l'acte
donne souvent
le
de
la nécessité,
descente;
il
dirigée de haut en bas.
la possi-
nom
de nécessité.
11
regarde
qui informe
la
puissance,
l'acte
compare
le
Au
à
il
trahit
d'une force
l'effet
mouvement de
la
une aspiration vers
le
contraire, le
puissance est une ascension;
le
haut.
Ne
que l'intention de Léonard ait été de trouver une comparaison propre à éclairer cette doctrine? semble-t-il pas
Le mouvement qui qu'il doit
fait
descendre
le
mouvement
déterminer,
sance vers
l'acte
dont
elle
l'acte vers la
qui
fait
puissance
monter
la puis-
attend sa forme sont dus à
un
mutuel amour, semblable à celui qui abaisse l'époux vers l'épouse et qui élève l'épouse vers l'époux; et c'est l'acte
qui engendre en la puissance
conséquent, vers la
lui.
le
mouvement par
L'union de
l'acte et
le
désir de la forme
i.
Léonard de Vinci, Codice Léonard de Vinci, Codice
et,
lequel la puissance se
de la puissance, de
matière, en engendrant une substance,
i.
même
Trivulzio, fol. 38, recto. Trivulzio, fol. 3g, recto.
donne
la
forme
par
meut et
de
satisfaction à
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
ifi/j
atnour mutuel
cet
le
;
double mouvement
engendrait
qu'il
aboutit au repos.
Ce
intermédiaire entre
de l'amour,
rôle
l'acte, est essentiel
en
Théologie d'Aristole;
la
puissance
la
et
Métaphysique qu'expose l'auteur de caractérise
il
Métaphysique
cette
la
et
la
distingue des autres philosophies néo-platoniciennes. Nicolas
de Gués a emprunté à cet auteur l'idée de cetle trilogie partout présente, la puissance, l'acte et leur mutuel
comme la clé
de voûte de
son tour, paraît
s'être
amour;
Aucune
vivement intéressé à
ut perficiantur.
»
:
mouvement.
»
presque textuelle de cette
phrase écrite par l'Évêque de Brixen
motum
fait
cette doctrine.
action ne peut s'exercer que par le
Elle est d'ailleurs la traduction
runt
en a
doctrine qu'il a édifiée. Léonard, à
la
C'est à elle, sans doute, qu'a trait cette réflexion «
il
3
«
:
Naturae opéra requi-
»
C'est à cette théorie de la Théologie d'Arislote et de "Nicolas
de Cues que se rapporte assurément cette suite de formules 5
où
la
doctrine dont
saisissante
Le
«
il
s'agit est parfois
sujet, à l'aide
moyen
de
la
forme, meut celle qu'il aime, qui
de l'objet sensible
forme plus avec «
L'œuvre
Quand
à elle, «
le
il
la
elle
est la
chose aimée est «
même
;
i.
pane 3. '4.
que
qu'une seule chose.
avec
l'amant se
» ;
si
la
fait vil 4. »
en résulte délectation, plaisir est joint à l'objet il
et satisfaction. »
aimé,
il
se repose;
se repose.
homo.
Léonard de Vinci, Codice Trivulzio, fol. 6, recto. transformatorius amantium, eût dit Nicolas de Cues.
quand
»
Léonard de Vinci, Codice Trivulzio, loi. 30, verso. Nicolai de Cusa Excitai ionu m ex sermonibus liber V: ex sermone
Amor
ne
chose qui est unie convient à celui qui s'unit
Quand l'amant
vivit
elle et
première chose qui naît de l'union
vile,
meut
sens nous
le
et le sujet s'unit
poids est placé sur un support,
2.
exprimée d'une manière
:
aspire vers la chose aimée, de
au
,
:
Non
in ^olo
NICOLAS DE GUES ET LÉONARD DE VINCI
1
65
VIT
Les réflexions de Léonard de Vinci touchant LA PHILOSOPHIE DE NlCOLAS DE GUES (suite). Les FACULTÉS
de l'Ame. Le Codice Trivalzio renferme diverses réflexions relatives aux facultés de l'âme
humaine; moins nettement,
peut-être,
que
les
précédentes, elles portent le sceau de la philosophie de Nicolas
de Cues;
en
il
est
qui s'adapteraient sans peine à des doc-
trines plus générales;
n'en est toutefois aucune qui ne se
il
puisse fort exactement appliquer à celle-là; nous Talions voir tout à l'heure.
Pour Nicolas de Cues l'intelligence humaine est formée par l'union de deux éléments, l'un d'essence supérieure et 1
,
spirituelle, qu'il et participant
nomme
du corps,
Y intellect, l'autre d'essence inférieure
nomme
qu'il
le
sens; de leur union
naît la raison, qui participe à la fois de l'intellect et
Le sens dépend du temps
et
de l'espace;
du
sens.
l'intellect
au
du temps et de l'espace; il plane dans une région plus élevée, où il voit. N'est-ce pas ce fondement essentiel de la doctrine de
contraire est indépendant
l'Evêque de Brixen que Léonard de Vinci entend exprimer lorsqu'il écrit 2 «
:
Les sens sont terrestres
sens lorsqu'elle contemple
;
la
raison se tient en dehors des
» ?
Cette connaissance contemplative n'est pas la connaissance naturelle à
l'homme
;
la
raison
humaine
participe à la fois
du
sens et de l'intellect; aussi point de connaissance qui ne soit
venue à
la
raison à partir du sens
non prius Juerit
où
l'intellect
in
(nihil est in intellectu
sensu); point de connaissance,
non
quod plus,
ne prenne part. Cette doctrine de Nicolas de
i.
Vide supra,
3.
Léonard de Vinci. Codice
III, L.
Trivalzio. fol. 33, recto
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
l6G
Cues, nous en trouvons Vinci
le
résumé en
:
«Toute notre connaissance ments.
son principe des senti-
tire
1
»
La chose est connue au
«
deux phases du
ces
Notons
—
la
remarque
moyen de
a son prix
notre intellect 2
— que
.
»
seconde de ces
la
aux réflexions sur l'amour que nous avons
pensées
fait
citées et
où nous avons signalé
suite
la
marque bien reconnaissable
de Nicolas de Cues.
Deux pages plus tiques
,
nous lisons ces lignes assez énigma-
:
U sono
«
loin 3
le
memoria.
potenfie.
e intelletto lascibili. e choncupis-
cibili. » « le
2 prime, son ragionevoli ellaltre sensuali.
est classique,
Il
guer
dans l'enseignement de l'École, de distin
quatre puissances en
volonté et
les
»
l'âme
humaine
deux passions principales,
la
:
raison,
l'irascible et la
cupiscible. Nicolas de Cues reproduit cette division en
sermons 4 A
ses
faut écrire,
il
la place
.
croyons-nous
réflexion précédente «
du mot dénué de tout sens
Quatre sont
les
:
irascibili,
et
:
la
con-
un de
lascibili,
traduire ainsi
la
mémoire
et
:
puissances
l'intellect, l'irascible et la
[de l'âme]
:
la
concupiscible. Les deux premières
sont raisonnables et les autres sensuelles.
»
Mais ce passage présente encore quelques points qui méritent
examen. Selon
la division classique, les
sont la raison et
la
quatre puissances de l'âme
volonté, la passion irascible et la passion
concupiscible. k la raison et à la volonté, Léonard substitue la
mémoire
et l'intellect; cette substitution n'est-elle
que
d'une inadvertance? N'a-t-elle pas une raison
tat
le résul-
5
et cette
Léonard de Vinci, Codice Trivulzio, fol. ao, verso. Léonard de Vinci, Codice Trivuhio, fol. G, recto. .H. Léonard de Vinci, Codice Trivulzio, fol. 7, verso. 4. Nicolai de Cnsa Excitationum ex sermonilms liber VIII; ex sermone Domiuabuntur populis. 5. En son écril De sentu et sensato, Aristote indiquant ce qui, chez les animaux. dépend à la lois <lo l'âme el du corps, commence son énumératîon par ces mots « le sens el la mémoire, la colère el le désir;» il y ajoute: « toute espèce d'appétit, ta joie i.
2.
:
:
MCOLAS DE CUES ET LEONARD DE raison ne se laisserait-elle pas deviner par
VINCI
lf>7
de Nicolas
la lecture
de Gués? Il
un remarquable sermon
existe
i
où l'Évêque de Brixen
propose de développer cette pensée de saint Augustin de
la Trinité
deux.
«
L'image
trouve en l'âme humaine; l'intelligence est
se
engendrée par
:
se
la
mémoire
et
volonté procède
la
de toutes
»
Le Cardinal Allemand commence par distinguer deux modes d'action de l'âme; unie aux organes corruptibles, son activité
soumise à
est
elle se
la succession
souvient dans
la
du temps;
imagine,
elle sent, elle
durée; mais son activité peut aussi
une forme plus haute, où succession du temps; elle vit
s'exercer sous
elle se
trouve sous-
traite à la
alors dans le temps
intemporel.
L'âme donc, agissant en ce temps intemporel, voit à
«
fois,
dans sa propre essence,
passé, elle
ou
volonté
nomme
le
désir.
mémoire,
le
présent
le
intellect,
le
;
futur
»
La mémoire dont tive. « C'est la
passé, le présent et le futur
le
la
il
s'agit ici n'est
mémoire purement
pas la mémoire imagina-
intellectuelle, séparée
de
la
matière. Elle est capable, grâce à cette séparation, de saisir les
espèces du
monde
intelligible, et
de
les
comprendre, donnant
ainsi naissance à l'intellect. Or, ce qu'elle
convenance avec
voit la
la volonté.
Ainsi
«
se
la
propriété par
tourne vers
nomme
qui comprend, et de
l'être
les
laquelle
nomme
la
l'âme peut
en
effet, n'est
la
retenir
les
espèces intelligibles pour les connaître
l'intelligence. Celle
L'intellect
sont en
là résulte
mémoire. Celle par laquelle
par laquelle
espèces après qu'elles lui sont connues se «
en
elle
»
espèces intelligibles se elle se
comprend,
suppose donc
la
mémoire
elle s'attache à ces
nomme abstraite
volonté. ;
»
l'intellect,
rien autre chose que l'intelligence des idées qui
mémoire...
On ne
peut comprendre
le
mot
intellect
en effet, qui sont communes à presque tous les aniquatre premiers termes de cette énumération ne sont assurément pas donnés comme représentant les quatre puissances de l'âme. 1. Nicolai de Cusa Excitationum ex sermonibus liber l; De eo quod scriptum est Vita erat lux hominum.
et la tristesse; ce sont choses,
maux;»
les
:
l68
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
*
comme
que
signifiant l'intelligence de quelque chose, et
ce
mémoire; tout comme on ne peut être fils sans être le fils de quelqu'un, savoir du père. » Ainsi l'intellect est le fils, le verbe, le Xovoç de la mémoire intellectuelle.
quelque chose
«
Quant
mémoire à la fois
est la
dans
la
mémoire
trouver en la volonté
Enfin
de
et
la
la
volonté de
la
de l'intelligence réunies; ce qui ne se trouve pas
et
mémoire,
que
elle n'est rien
à la volonté,
»
;
la
l'intellect
mémoire,
et
dans l'intelligence ne saurait
volonté procède donc à
qui en est
l'intellect, la
le
la fois
se
de la
verbe.
volonté, forment
une
trinité
qui se résout en unité dans l'essence indivisible de l'âme.
De
telles
pensées méritaient assurément d'arrêter l'attention;
n'est pas surprenant qu'elles aient
il
pu
solliciter
Léonard; leur influence expliquerait alors comment à
rénumération classique,
à la volonté, termes de
et
celle la il
de
raison a
pu
mémoire et l'intellect; elle expliquerait surtout comment, dans une gradation qui descend des plus nobles puissances aux plus humbles, il adopte un ordre tout d'abord substituer la
surprenant
et
place l'intellect après la mémoire.
Mais tout n'est pas clair encore dans
nous avons la
mémoire
citée; et
la
courte réflexion que
de ces deux puissances purement cognitives,
l'intellect,
n'est-il
pas singulier de voir rap-
deux puissances passionnelles, l'irascible et la concupiscible? La lecture de Nicolas de Cues a pu, cependant, procher
inciter
les
Léonard à
établir
un
tel
rapprochement.
En un passage des dialogues Brixen donne l'esprit,
le
nom
intitulé
:
VIdiot
de passion au début du
tandis qu'il réserve le
nom
l
,
l'Évêque de
mouvement de
d'intellect à l'état de perfec
mouvement « L'Idiot... On dit que l'esprit comprend dès là qu'il se meut; le commencement de ce mouvement est plus particu-
tion auquel conduit l'accomplissement de ce
lièrement désigné sous ce
mouvement sous
le
nom de passion, et nom d'intellect. Mais,
le
disposition et l'habitude sont
disposition
i.
tandis qu'elle
Nicolai de Cusa Idiotœ liber
111
une seule chose,
:
la perfection
même que la que l'on nomme
de
tend à sa perfection
:
De mente:
cap. Vil).
de
et
habitude
NICOLAS DE GUES ET LEONAUD DE VINCI
lorsqu'elle y est parvenue, de l'intellect
passion de l'esprit
la
mouvement de mouvement est passion. »
sont une seule chose... Le
intellect et le Si
même
l6çj
début de ce
Léonard a
étonner de
lu ce passage,
la classification
l'âme, classification qui
met
nous n'avons plus
qu'il
et
l'esprit est
lieu
de nous
impose aux puissances de
immédiatement au-dessus
l'intellect
des deux passions sensuelles, l'irascible et la concupiscible.
Or d'autres considérations vont fortifier en nous l'hypothèse que Léonard avait lu ce passage de Nicolas de Gués. L'énumération des quatre puissances de l'âme, que nous avons relevée au Codice Trivulzio, y des lignes que voici
est
immédiatement
et
l'odorat
suivie
l
:
«
Des cinq sens,
la
vue,
d'empêchement (di pocha du tact et du goût. » «
L'odorat
mène avec
l'ouïe
proibitione);
soi le
il
sont de peu
n'en est pas de
goût chez
le
même
chien et autres
animaux pourvus de gueule. » Au premier moment, il est difficile de n'être pas surpris de la démarche singulière selon laquelle procède la pensée de Léonard nous voyons cette pensée sauter brusquement d'une énumération des facultés de l'âme à un partage des cinq sens en deux catégories, puis s'achever en une remarque sur le flair du chien. Par quelle transition insoupçonnée l'intelligence du ;
grand peintre
reliait elle
entre eux ces sujets
Cette transition va nous apparaître
si
si
disparates?
nous poursuivons
la
du chapitre 2 où Nicolas de Gués a donné le nom de passion au début du mouvement intellectuel. Dans ce chapitre, en effet, l'Évêque de Brixen classe, suivant une gradation descendante, d'abord les quatre formes de l'esprit, puis les cinq sens du corps. lecture
Les quatre degrés qu'il distingue dans l'esprit ne sont pas
ceux qu'y marque Léonard; ce sont, en allant du plus parfait
au moins parfait 3 gination et
i.
2.
i.
,
le sens.
l'intellect,
la faculté
Quant aux sens
appréhensive, l'ima-
particuliers, leur ordre
Léonard de Vinci, Codice Trivulzio, fol. 7, verso. Nicolai de Gusa Idiotse liber 111 De mente; cap. VI 11. :
Vide supra, III. L.
LTUDES SUR LEONARD DE VINCI
I7O
hiérarchique décroissant est le
goût
suivant
le
:
vue, l'ouïe, Fodoral,
la
toucher.
et le
L'idée de former
une échelle unique au moyen des cinq
évidemment Nicolas de Cues il l'expose également en un il y voit la preuve que tout dans l'homme
sens surmontés des quatre facultés de l'âme était
une idée chère autre ouvrage
à 1
procède suivant
;
;
le
nombre
Voilà qui déjà nous
mère
fait
neuf, carré de la trinité.
comprendre pourquoi Léonard énu-
quatre puissances de l'âme selon l'ordre d'excellence
les
décroissante, puis, tout aussitôt après, les cinq sens, dans le
même
ordre.
Mais allons plus loin,
comparons
et
deux passages où
les
l'Évêque de Brixen a donné semblable énumération.
Au De
conjecturis, l'ordre hiérarchique selon lequel les sens
sont disposés est ainsi justifié toucher,
ne s'exercent
Les sens inférieurs, goût et
:
qu'au contact;
sens
les
supérieurs
s'exercent à distance, et d'autant plus qu'ils sont plus parfaits «
Toute sensation
est
:
causée par l'approche de quelque chose
que
par
l'approche jusqu'au contact; d'autres sont déterminées
par
(obviatio).
Certaines
l'approche
ne
sensations
sont
causées
de l'objet jusqu'à une distance
plus
un organe
grande. L'odorat, qui se produit en
ou moins
particulier, et
qui est d'une nature plus noble que les premiers sens, est affecté
par des objets
même
éloignés, au point que la sensation
en résulte. L'ouïe est affectée par des objets
plus éloignés
encore. La vue, enfin, surpasse en excellence tous les autres sens; aussi la sensation y est-elle déterminée par des objets
beaucoup plus distants que ceux dont être affectés.
autres sens peuvent
les
»
Le passage que nous venons de traduire ne nous donne-t-il pas la clé de cette ligne uldir odorato sono di
faut
il
si
pocha
pas l'interpréter ainsi
énigmatique
:
proibitione. latlo :
« Il
est
«
de 5 sensi vedere e guslo no. »?
Ne
peu d'obstacles qui puis-
empêcher la vue, l'ouïe et l'odorat; il n'en est pas de même du tact et du goût qui cessent par simple suppression du contact » ? sent
1.
Nicolai de
Cusa De
conjecturis liber
II,
cap.
\IY
7
NICOLAS DE GUES ET LÉONARD DE VINCI
Au
livre III des dialogues de l'Idiot
procédé par lequel
le
proche
et
De même que
,
admet que
peut se produire à distance
;
il
y rap-
comme
celui-là,
:
au sein d'un
l'ouïe se produit
1
Nicolas de Cues décrit
1
sensation se produit en nous
goût de l'odorat
le
celui-ci, «
la
1
air très subtil,
l'odorat se produit au sein d'un air épais,
ou mieux d'un
chargé de fumées; cet
narines; sa nature
air pénètre
dans
fumeuse retarde
l'esprit, afin d'exciter
ses fumées.
le
humides
et
Si
même
l'âme à goûter...
l'âme à saisir l'odeur de
au contact des parois
air pénètre
spongieuses du palais,
les
air
retarde l'esprit et excite
il
»
N'est-ce pas chez
les
animaux qui suivent leur proie
piste et la dégustent d'avance
à la
par l'odorat que cette assimila-
tion se trouve surtout justifiée? Et ce passage de Nicolas de
Cues n'appelle-t-il pas tout aussitôt «
L'odorat
mène
avec soi
le
animaux pourvus de gueule
la
remarque de Léonard
goût chez
le
chien et
autres
» ?
Ajoutons que Léonard partage en toutes choses
les
opinions,
plupart du temps fort justes, que Nicolas de Cues a émises
la
mécanisme de la perception; témoin ce fragment 2 pensée du grand peintre s'exprime à peu près comme
touchant
où
la
s'est
le
((
,
exprimé l'Évêque de Brixen dans
venons de
citer
:
certaine vertu qu'ils projetteraient hors d'eux-
mêmes, mais bien par trouve entre l'objet
par
les
choses
et,
les objets
l'intermédiaire de l'air; celui-ci, qui se sens, incorpore les espèces émises
et le
par
apporte ces espèces.
que
passage que nous
le
Les sens ne reçoivent pas la ressemblance des choses au
moyen d'une
le
contact qu'il a avec
pour
S'il faut,
qu'il
y
ait
le sens,
il
lui
odeur ou son,
envoient leurs puissances spirituelles à
ou au nez, comment ne de
les
:
l'oreille
serait-ce pas nécessaire lorsqu'il s'agit
la lumière?... »
Nous voyons par
cet
exemple que
la
lecture des
œuvres de
Nicolas de Cues permet d'interpréter telle pensée obscure de
De mente; cap. VIII. Léonard de Vinci, Codice Atlantico, fol. 89 a. — Cf.: .T. H orks of Leonardo da Vinci, Londres, 883 t. II, 5 834. 1.
Nicolai de Cusa Idiotœ liber III
:
>..
1
;
P.
Richter, The literary
ÉTUDES SUH F.ÉONARD DE VINCI
I
-J-2
Léonard, de elle
rapprochement d'aspect incohérent;
justifier tel
permet aussi de
restituer leur sens véritable et
complet à
des passages qui, pris en eux-mêmes, sembleraient réflexions
même
sans importance, voire
plaisanteries de goût douteux.
De ce nombre est le passage suivant, que nous reproduisons tel que Léonard l'a écrit 1
:
«
Demetrio solea dire, non essere diferentia. dalle parole
dellinperiti ignioranti chessia
ripieno di superfluo vento. «
da soni e
e voce
strepidi. causati dal ventre
»
Ecquesto non senza cagion dicea imper ochellui non reputava.
esser diferentia da quai parte costoro mandassino. dalle parte inferiori o dalla
valimento. e substantia.
Qu'est-ce là?
Une
bocha chelluna
fuora
la
voce o
era di pari
ellaltra
»
grossière boutade, singulièrement déplacée
en ce cahier dont toutes sujets les plus relevés?
hors
les notes,
Nous
le
ont
celle-là,
pourrions croire
trait
si
aux
nous ne
recourions à Nicolas de Cues.
En son
Dialogue sur
quels sont les
humaine
:
la
trois degrés qu'il
La parole que
ordres distincts.
par
Tout d'abord le
le
le
;
la
en
connaissance ration-
voici l'ingénieuse
maître prononce implique
elle
même
trois
par des gens qui ignorent abso-
l'ouïe,
sens des mots dont elle se compose. la recevoir.
Toutes
les bêtes, le
entendent seulement des sons articulés.
Après cela vient
hommes
compa-
cette parole est sensible. Elle peut être recueillie
en cela semblables à l'homme qui ignore
u
connaissance
»
manière bestiale de elles
la
:
simple organe de
lument
établit
La connaissance sensible,
raison qu'il développe
«
,
connaissance intellectuelle
nelle, la
a
Genèse 2 Nicolas de Cues veut expliquer
la
C'est
en
effet,
là
la
sont
sens des mots; »
parole rationnelle, celle qu'entendent les
du sens des mots. La raison seule comprend le sens des mots, en sorte que la parole rationnelle du maître est entendue par les hommes, et non par les bêtes. » « Mais il peut arriver qu'un grammairien entende le disi.
a,
instruits
Léonard de Vinci, Codice Trivulzio, \ieolai de Cusa Dialogus de Genesi
folio 16. verso,
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
cours du maître maître,
si
ne
et
celui-ci,
saisisse pas
la
pensée
1
même
7^
de ce
par son discours, s'efforce d'expliquer une
mathématique ou théologique. Vous voyez donc que la parole du maître est encore rationnelle, mais d'un ordre
idée
supérieur.
C'est Tordre intellectuel.
»
Comprend-on maintenant Léonard?
IN
'est-elle
le
sens profond de la pensée de
pas une comparaison, brutale assurément,
mais bien capable de mettre en lumière ce par la parole purement sensible ?
entendre
qu'il faut
VI11
Les réflexions de Léonard de Vinci
TOUCHANT LA PHILOSOPHIE DE NlCOLAS DE CUES
(SUlte).
L'immortalité de l'ame.
De
quelle manière l'âme
Comment
la
humaine
au corps?
est-elle unie
mort du corps n'entraîne -t-elle pas
la
mort de
l'âme? Ce sont questions qui ont, à plusieurs reprises, préoc-
cupé Léonard de Vinci. Les essais répondre étaient guidés,
qu'il a tentés
en général, par
en vue d'y
pensées que
les
Nicolas de Cues avait émises au sujet de ces problèmes parfois, les idées
;
de Nicolas de Cues avaient pour origine
et,
les
doctrines exposées en la Théologie d'Aristote. L'influence du
philosophe antique qui a composé ce livre parvenait
ainsi,
par
l'intermédiaire de l'Évêque de Brixen, jusqu'à Léonard. «
Tout mouvement d'union
est
un mouvement amoureux
qui tend au plus grand bien des objets qu'il unit
vement d'une C'est par est la
un
partie a
tel esprit
pour objet
.
Tout
mou
du tout 3 » d'union que l'âme du monde, qui en
forme, s'unit à la matière 3
qu'elle est apte à recevoir et
1
;
« la
;
la
la
perfection
.
matière désire la forme
forme qui désire
être
en acte
qui ne peut subsister isolément... descend afin d'exister, Cusa De docta ignorant ia liber secundus, cap. X.
1.
Nicolai de
2.
Nicolas de Cues, Nicolas de Cues,
3.
ibid.,
cap. XII.
ibid.,
cap. X.
,
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
l-y/l
d'une manière contractée, en
la possibilité »
qui est
la
matière.
En l'homme, ce microcosme, l'union de l'âme et du corps est produite par un semblable esprit de connexion amoureuse dont la fin est la perfection plus grande de l'âme et du corps 1
,
qu'il
vivre ensemble. Telle
fait
est,
en ces grands
traits, la
doctrine que Nicolas de Gués professe sur la nature du com-
posé humain. N'est-ce pas cette
phrases du Vinci
même
doctrine que résument ces courtes
:
Toute partie a tendance 2 à
«
sa propre imperfection.
L'âme 3 désire
«
se réunir à
son tout pour fuir
»
que sans
rester unie à son corps, parce
instruments organiques de ce corps,
elle
les
ne peut ni opérer ni
sentir. »
Au
l'âme et du corps, l'auteur de
sujet de l'union de
Théologie dTArislote expose
la réfuter et la rejeter,
soutenue par certains pythagoriciens
doctrine
philosophes de sition de
pour
*,
la secte
l'homme
la cithare
«
:
de Pythagore ont comparé
la
une
Quelques
la
compo-
à celle de la cithare. Lorsque les cordes de
ont été tendues selon
les
règles et
conformément
une certaine proportion, il suffit que le musicien frappe ces cordes pour que la cithare rende une harmonie. De même, lorsque les humeurs se tempèrent exactement les unes les à
autres, le corps se trouve
complexion que
cette
me semble
en sa véritable complexion,
l'on désigne par le
nom
d'âme. Mais
impossible d'admettre cette opinion...
Pas plus que l'auteur de
la
et c'est il
»
Théologie d'Arislote, Nicolas de
Gués n'entend réduire l'âme humaine à n'être que l'harmonieux équilibre
d'un
corps
sainement
constitué.
Mais
la
du moins trouve en un passage que nous
théorie pythagoricienne qu'il repousse lui suggère
une comparaison;
celle-ci se
allons étudier.
Le microcosme est analogue au macrocosme;
3.
De docta ignorantia liber secundus, cap. XII. Léonard de Vinci, Codice Atlantico , fol. 58 a. Léonard de Vinci, ibid., fol. 180 a.
\.
Aristotelis Theologise liber tcrtius, cap. V.
i. }..
fol
la création
.
de
Nicolas de Gusa
at),
verso.
-Éd. iôig,
fol.
10,
recto; éd.
1
07^
NICOLAS DE GUES ET LEONAHD DE VINCt
l'Ame du monde entre elles,
parler,
de
dans
de l'âme humaine ont donc,
et la création
guère de l'une sans
traite-t-il
que
c'est ainsi
7>5
plus grande ressemblance; aussi le Cardinal
la
Allemand ne
1
passage que nous allons citer
le
monde l'amène
considération de l'Ame du
la
de l'autre;
traiter
1 ,
de
à
formation
la
Tâme de l'homme. uL'Orateur.
répandue dans
telle «
— Mais,
— Tu
L'Idiot.
le
comment
dis -moi,
l'âme se trouvé-
corps par l'acte créateur?
m'en
as déjà
»
entendu parler en d'autres
circonstances. Aide-toi maintenant, pour le comprendre, de ce
nouvel exemple. «
L'Auteur.
»
— L'Idiot
au moyen d'un
petit
verre
rendit
aussitôt
quelque temps,
pendule tenu entre
verre; puis
pouce
le
et,
— Ma
L'Idiot.
verre en
mouvement,
détruite
fut
mouvement mouvement prit fin
ne dépendait pas du verre,
que
le
et,
elle
par conséquent,
le
son
;
mouvement cessant, le productrice du mouvement
et, le
ne serait pas supprimée par
le
rompu; elle persisterait en l'absence du alors un excellent exemple de cette force qui
verre est
verre; tu aurais est créée
»
du verre en
proportion
cette
son cessa également. Si cette vertu
fait
son cessa
Au bout de
ce qui a produit le son.
laquelle résidait le aussitôt, le
:
le
verre une certaine force; cette force a mis le
dans
quelque temps
le
puissance, par l'intermédiaire du pendule,
a produit
le
frappa
et l'index;
sur-le-champ,
de se faire entendre. L'Idiot prit alors la parole u
le
il
un son. Ce son ayant duré pendant
verre se fendit
le
un
prit alors
en nous; qui y produit
la
mouvement
et
l'harmonie;
qui cesse de les y produire lorsque l'exacte proportion de notre corps est détruite; et qui, cependant, ne cesse pas pour cela d'exister. C'est ce qui aurait lieu, par
exemple,
si,
sur une
cithare donnée, je t'enseignais l'art de jouer de la cithare; bien
que
cet art te soit enseigné
au moyen d'une certaine cithare,
ne dépendrait pas de cette cithare; aussi
que ton
brisée sans lors
même
que tu ne trouverais dans
Nicolai de
pourrait être
talent de harpiste en fût dissipé;
dont tu pusses jouer. i.
la cithare
Cusa Idiotœ
le
monde aucune
»
liber lertius
:
De mente; cap.
XIII.
il
et cela,
cithare
,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
176
La première des deux comparaisons données par Nicolas de
Gués
malpropre à représenter
était
de l'âme
l'union
et
du
mouvement
corps; la rupture de la cloche de verre met fin au
sonore qui résidait en cette cloche; à suivre cette comparaison,
nous serions conduits à penser que l'âme
l'intégrité
du corps
est détruite. Nicolas
défaut de son premier exemple et
qui fût apte à figurer une
que
le
choix auquel
de jouer de
il
il
de Cues a reconnu ce
en a cherché un second
âme immortelle;
s'est arrêté fût très
la cithare survit à la
périt lorsque
ne semble pas
il
heureux, car
si l'art
destruction de cette cithare,
ne résidait point en cet instrument durant que celui-ci
il
demeurait
entier.
Léonard paraît avoir voulu remédier aux
défauts de ces deux exemples en écrivant ce qui suit
L'âme ne peut
«
se
corrompre par
l :
suite de la corruption
du
corps; elle agit dans le corps à la ressemblance du vent qui
produit
le
son dans un orgue;
produira plus bon
effet
si
l'on gâte
un
tuyau,
en passant par ce tuyau 2
La comparaison que nous venons de
citer
.
le
vent ne
»
ne constitue pas
une théorie de l'union de l'âme et du corps. Or, Léonard semble avoir conçu une telle théorie, et cela sous l'influence de Nicolas de Cues qui s'inspirait lui-même de d'Aristote; c'est ce
la
Théologie
que nous allons nous efforcer de mettre en
évidence. Voici d'abord la doctrine qu'exposes l'auteur de la Théologie d'Aristote et qui se trouve
Les êtres du
Monde
au principe de
•
.
Léonard de Vinci, Codice
Non
:
intellectuel, directement produits par
l'Intelligence active, sont sans
a.
cette évolution
aucun défaut;
il
n'en est pas de
Trivulzio, loi. ko, verso.
resultava per que'la del vento buono ejfetto.
M. Beltrami a lu
:
del vote
buono
aucun sens; mais cette lecture est inadmissible; il y a, dans le texte de Léonard, vôto ou veto; la forme de la lettre qui suit le v est indécise entre Ye et l'o; mais le trait qui la surmonte et qui, dans l'orthographe de Léonard et de ses contemporains, remplace la lettre n est très bien marqué; on a donc à choisir entre la lecture vonto qui n'a aucun sens, et la lecture vento qui convient admirablement au contexte; si une hésitation était permise, elle serait levée par la comparaison du effetto,
ce qui n'a
mot douteux avec le mot vento (veto), de lecture certaine, qui se trouve à la ligne précédente. D'ailleurs, M. Jean Paul Richter et M. Eugène Miintz ont adopté cette lecture: vento (Jean Paul Richter, The Uterary Works of Leonardo da Vinci; Londres,
—
t. II, § ii4i. Eugène Miintz, Léonard de Vinci, l'artiste, le penseur, le savant: Paris, 1899, p. 3oa). 3. Aristotclis Theologiie liber tertius decimus, cap. VI 11. Ed. i5iq, fol. 81 vrrso. cl 8a. recto; éd. 1.^72, fol. i35, recto et verso, fol. i36, recto.
i883,
—
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
même
des individus qui composent
le
Monde
en laquelle on peut
d'ordre inférieur.
y a
Il
même
La forme
rieure de l'Ame.
considérer
77
sensible; ceux-ci,
l'Intelligence les produit par l'intermédiaire de selle,
1
l'Ame univer-
manière
une
d'être
des degrés en cette partie infé-
plus infime de l'Ame est la forme
la
végétative, car elle est celle dont le pouvoir de connaître est le
humble
plus
et le plus réduit; elle s'unit
vils
pour produire
qui
fait
aux corps
plus
les
Au-dessus, est l'âme sensitive
les plantes.
vivre les animaux. Au-dessus encore, se place l'âme
humaine, capable de réflexion
de raison.
et
L'âme d'une plante réside en
sa racine;
racine, la plante meurt. Mais alors
«
si
l'âme de
Ton coupe
la plante,
la
qui se
trouve séparée du corps qu'elle informait, subit-elle la corrup-
A
tion?
cette question,
nous répondons qu'elle retourne
à la
du Monde intellectuel; elle y retourne pour ne plus la quitter. De même, lorsqu'une âme sensitive semble se corrompre en un animal, elle région qui lui est propre, et qui
retourne en réalité au est le
effet,
Monde
fait partie
intellectuel. L'Intelligence,
réceptacle de l'Ame;
lorsque
lame y
est
en
enfin
rentrée, elle ne le quitte plus. Si elle le quittait, elle ne serait
plus en aucun lieu
;
car
il
faudrait que, sans subir
aucune
division, elle se trouvât à la fois en haut, en bas et partout; or, elle n'est
car,
en ce
pas répandue partout
cas, elle occuperait
comme
l'Etre universel,
simultanément tous
lieux. »
Dans son ascension, l'Ame ne monte pas jusqu'à l'orbite suprême du Monde intellectuel; elle reste aux confins des deux mondes, comme il convient à une substance qui est une sorte «
d'intermédiaire entre les substances intellectuelles et les substances sensibles
;
supérieur à notre s'est
monde
désire, elle descendra de cet orbite
inférieur plus aisément qu'elle ne
élevée de celui-ci à celui-là...
» Il
dent
si elle le
importe de savoir que tous
les
Quand
uns des autres
et
les êtres
sont subordonnés les uns aux autres.
l'un d'entre eux se corrompt,
se trouve
de la nature dépen-
il
immédiatement au-dessus de
fait
retour à celui qui
lui, et cela
de proche
en proche jusqu'à ce qu'il parvienne aux cieux; de
remonte à l'Ame universelle, puis à l'Intelligence P.
DLHEM.
là,
active, 11
il
en
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
I78
laquelle coexistent toutes les créatures
;
l'Intelligence active, à
son tour, existe au sein de l'Auteur premier, qui
est le
Verbe
créateur, auquel toutes choses font retour, car toutes choses lui et subsistent
ont été créées par
Que
en
lui. »
ce passage de la Théologie d'Aristote ait vivement attiré
l'attention de Nicolas
de Gués, nous n'en saurions douter.
Sans donner de l'immortalité de l'âme une théorie qui l'Évêque de Brixen se borne à rappeler
soit personnelle,
lui
1 ,
en
donnant la forme conjecturale d'interrogations, diverses doctrines, empruntées pour la plupart aux philosophies néoleur
platoniciennes. «
Il
termine cet exposé par ces paroles
:
Les formes qui appartiennent à une certaine région ne
trouveraient-elles pas leur repos dans
une forme supérieure,
par exemple dans une forme intellectuelle? N'est-ce pas par l'intermédiaire de cette forme qu'elles parviennent à leur fin,
même du Monde?
qui est la fin effet,
Les formes inférieures, en
n'atteindraient-elles pas leur fin en cette
forme
intellec-
par celle-ci, en Dieu? Cette forme supérieure ne
tuelle et,
monterait-elle pas vers la circonférence, qui est Dieu, tandis
que
le
corps descendrait vers
centre, qui
le
Dieu? Le mouvement de toutes choses
De même, en
même
effet,
le
chose en Dieu, de tout en
vers le centre,
monte
que
même
rieure qui
paraissant
serait enfin réuni à
soucié
du
l'âme en
»
la partie intellectuelle
monte elle-même
complète. Le
s'éloigner de l'âme qui
des âmes terrestres
mort, vers une forme intellectuelle supé-
la
qu'a formulée
serait ainsi vers Dieu.
corps, tout en descendant
le
Dieu, où cessera tout mouvement.
s'élève, après
également
centre et la circonférence sont une
vers la circonférence,
L'hypothèse que
est
la
Théologie
philosophe
se
reposer en
Dieu
Nicolas de
d'Aristote.
ne
néo-platonicien
sort qui attend le corps après la
est
celle
Cues
s'était
la
point
mort; l'Évêque
de Brixen veut qu'il descende tandis que l'âme monte, qu'il tende vers un but absolument opposé à celui qui l'âme;
1.
et,
Nicolai
par
conséquent,
dcCusa De
puisque
docta ignorantia lib.
II,
les
cap. XII.
sollicite
extrêmes opposés
.
Nicolas de gués et lèonard de s'identifient
en Dieu,
179
au sein de
qu'il tende à rejoindre l'âme
Dieu. Le postulat de l'identité du
permet de souder à
viingi
la théorie
maximum
de l'Aristote
du minimum apocryphe le dogme et
chrétien de la résurrection de la chair. Ici encore, la philoso-
phie de Nicolas de Gués nous apparaît
de
comme une
adaptation
la Théologie d'Aristote à la doctrine chrétienne.
Lorsque Nicolas de Gués, en ce passage, de l'âme, de
l'ascension
la
nous parle de
descente du corps,
doute entendre ces mots au sens métaphorique;
faut sans
il
d'un
s'agit
il
perfectionnement de plus en plus grand, d'un avilissement
non pas d'un changement de
croissant, et
de Gués pou-
Mais, bien aisément, les lecteurs de Nicolas
même comme une
comparaison pour l'expression
vaient prendre
cette
de la réalité;
pouvaient regarder
ils
dans l'espace.
lieu
mélange d'un corps lourd analogue à ce mélange d'eau lourde sorte de
l'être
vivant
âme
et
d'une
et
de feu léger qui, pour
légère, fort
physiciens de ce temps, constituait la vapeur d'eau;
les
mort
dissociait ce
mélange;
le
corps, devenu plus grave, ten-
dait plus fortement vers le centre
son lieu naturel, que
s'élevait vers et des
la
du Monde; l'âme,
légère,
la plupart des physiciens
théologiens s'accordaient à placer au delà de la dernière
sphère mobile des cieux. D'ailleurs, bien des passages de l'œuvre
Gués incitaient
le lecteur à
prendre
la théorie
de l'âme en ce sens quelque peu matériel l'Évêque de Brixen semblait assimiler
mélange d'éléments parce que
1
«
«La mort, la résolution
de l'immortalité
et grossier. Parfois,
corps vivant à
en proportions convenables;
pris
»
que
la
«
des simples conjectures, les
le
de Nicolas de
nulle science ne peut connaître l'exacte
sition des mixtes
fondée sur
même
mesures
médecine ne peut dépasser
non plus que
autre
toute
un
c'est
compole
degré
science
»
d'ailleurs
2 ,
ne semble pas être autre chose que
d'un composé en ses composants.
»
Les principes vitaux mélangés au corps durant
la vie
sont
légers; leur départ laisse le cadavre plus pesant; l'expérience 1.
Nicolai de
2.
Nicolai de
Cusa De conjecturis liber secundus, cap. V. Cusa De docta ignorantia liber secundus, cap XII.
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
l8o
même
pourrait légèreté «
nous conduire à
la
détermination de leur
:
'
Le poids de l'homme
est différent selon qu'il retient sa res-
piration après avoir aspiré de l'air ou qu'il n'est pas le
mort;
en
il
même
lorsque
est ainsi
l'homme
pour tous
émet son
Il
serait très inté-
ressant de noter ces variations de poids pour divers et
pour des
hommes
il
est vivant et lorsqu'il est
animaux.
les
souffle;
animaux
de différents âges; nous pourrions alors,
par voie de conjecture, nous élever jusqu'à la connaissance
du poids des La lecture
esprits vitaux.
même
»
de Nicolas de Gués incitait donc bien
souvent à prendre au pied de nique, les passages où
il
la lettre, et
dans leur sens méca-
parlait de l'ascension de l'âme et de
descente du corps après la mort. C'est ainsi, très certaine-
la
ment, que Léonard a compris ces passages. Il
assimile
humain
corps
le
à
un mélange d'éléments dont
l'exacte proportion constitue la santé
La maladie 2
«
ensemble dans
le
que
éléments.
le
désaccord des éléments fondus
corps vivant.
La médecine répare
<(
les
n'est
:
»
l'inégalité qui s'est introduite entre
»
Pour Léonard donc, cine rationnelle
comme pour
reposerait
Nicolas de Cues, la méde-
sur l'exacte connaissance de la
composition de ce mixte qu'est
le
corps vivant;
elle
ne
serait
qu'une sorte de Chimie particulièrement délicate.
nombre
Or, au
poser «
des éléments qui se mêlent ainsi pour com-
corps vivant d'un
le
homme, Léonard compte
une puissance mêlée au corps 3 » Donc, parmi les éléments, graves ou légers, dont
L'esprit est
constitue
le
l'esprit
:
.
corps vivant,
doute que tous
les autres,
il
la « fusion
»
s'en trouve un, plus léger sans
qui est
l'esprit.
Au moment
de
la
mort, cet élément-là se sépare des autres. Qu'advient-il alors? C'est à la Physique de
nous l'apprendre;
et
justement, dans ses
Cusa Jdiotœ dialogus quartus De slaticis experimentis. Léonard de Vinci, Codice Trivulzio, fol. h, recto. 3. Léonard de Vinci, Second manuscrit sur l'anatomie de la Bibliothèque du Château de Windsor, fol. a^a, a. J.-P. Richter, The literary Works of Leonardo da \inci, i.
Nicolai de
:
2.
—
t.
Il, art.
!
:
i
',.
NICOLAS DK CUES ET LEONARD DE VINCI
Questions sur
le
De Cœlo qui 1
l8l
mains de Léonard,
sont, entre les
d'un continuel usage, Albert de Saxe discute des problèmes de ce genre; c'est donc à sa méthode que Léonard fera appel
pour
sollicitent
en
même
une
comme
résoudre; et
les
même
temps
le
page du Codlce
Saxe s'opposer 2 à
les
questions les plus diverses
génie du Vinci, nous verrons, en
Trivulzio, les doctrines d'Albert
de
que l'entend
le
notion de pression
la
Précurseur de Léonard
préparer
et
telle
la théorie
de l'immortalité
de l'âme. Voici cette page du Codice Trivulzio^:
Aucun élément ne pèse dans son propre élément
«
lui est uni
les parties
;
supérieures de
sur les parties inférieures.
Un
«
corps dont
l'air
la qualité diffère
de
de
la qualité
l'air,
même
l'air
est libre
s'il
;
ne en
qualité
que
l'air, il
nécessairement plus lourd ou plus léger que
lui;
s'il
effet,
puisque ce corps n'est pas de
plus lourd, il
ne pèsent donc pas
»
peut demeurer immobile au sein de
est
lorsqu'il
il
tombera à
pénétrera en haut.
la partie inférieure;
est
est plus léger,
s'il
»
Plus une chose a de conformité avec l'élément qui l'en-
«
toure, plus est lent le
mouvement par
lequel cette chose sort
sein de cet élément; plus au contraire cette chose diffère
du
de l'élément, plus est impétueux s'en échappe.
Au
le
mouvement par
»
chacun des trois éléments les plus chose ne peut demeurer en équilibre stable si «
lequel elle
sein de
hors de sa nature,
»
légers,
aucune
elle se
trouve
c'est-à-dire hors de son lieu naturel.
Cette règle souffre exception lorsqu'il s'agit de la terre;
cohésion de cet élément
lui
élément moins lourd, de
Léonard
a-t-il
i.
l'air
ou de
l'eau par
ses cavités
n'est question
aux
trois
éléments
les
que de Physique dans
un
exemple; aussi
eu soin de préciser, en formulant cette
l'appliquait seulement Il
permet de retenir en
la
loi, qu'il
plus légers. les
passages que
Alberti de Saxonia Subtilissimœ quœstiones in libros de Cœlo
et
Mundo ;
libri
tertii quaestt. II et III. 2.
Cf.
:
i" série, p. 3.
P.
Duhem,
Études sur Léonard de Vinci, ceux qu'il a
37/1-
Léonard de Vinci, Codice
Trivulzio, fol. 6. verso (ia).
lus et
ceux qui
l'ont lu,
.
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
182
nous venons de citer; mais, n'en doutons point, cette discussion de Physique prépare l'explication du mouvement par lequel l'âme se sépare du corps après la mort; les considérations précédentes, en effet, forment une introduction toute naturelle à celles que
Léonard
se
nous allons rapporter
propose de réduire à néant
nécromanciens; dans ce but, esprit
les
prétentions des
ne peut ni demeurer immobile, ni se mouvoir selon sa dans
existait isolé
le
monde
des corps,
formerait un mixte plus léger que
dans l'atmosphère. Voici
Parmi
le
sauraient exister; car là où
il
s'il
s'unissait à l'air,
il
il
qui s'élèverait de suite
développement de ces pensées
autres éléments,
les
l'air,
un corps; y constituerait un
n'est uni à
s'il
vide que les corps rempliraient aussitôt;
«
.
cherche à démontrer qu'un
il
volonté dans la région des éléments, s'il
1
:
choses incorporelles ne
des
n'y a pas corps,
y a vide,
il
et le
vide ne peut se trouver au sein des éléments, parce qu'il serait aussitôt rempli par l'élément voisin.
»
Nous venons de voir que l'esprit est, par définition, une puissance conjointe à un corps; car, de lui-même et isolé, il ne pourrait nullement se diriger ni se mouvoir d'aucun mou«
vement cela
en
local
;
si
ne saurait
tu
dénué de corps], vide, et
il
qu'il se dirige de
lui-même,
du moins parmi les autres éléments; si, était une quantité incorporelle [un volume une telle quantité serait ce qu'on nomme
être,
l'esprit
effet,
veux prétendre
n'y a pas de vide dans la nature;
si
l'on admettait
immédiatement rempli par la ruine de l'élément au sein duquel il aurait été engendré. Or donc, la définition du poids est la suivante la pesanteur est une puisque
le
vide fût,
il
serait
:
sance accidentelle créée par ce
fait
autres ou tenu en suspens dans
un
qu'un élément autre; elle est
est tiré des
une relation
entre deux éléments, dont l'un contient l'autre ou cesse de contenir.
Il
lorsqu'il est qu'il pèse
i.
\
qu'un élément ne pèse pas
plongé dans un élément de
dans l'élément supérieur qui
même
inci,
t.
foll.
2A2 b,
2/12 a et
201 b.
Il, artt. 121 3, 121/» et
1
a 1
5
— J.
P. Richter,
nature, mais
est plus léger
Léonard de Vinci, Second* manuscrit sur l'anatomie de
de Windsor,
du
suit de cette définition
le
que
lui;
la Bibliothèque du Château The literary Works of Leonardo
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
comme nous voyons que
l'eau,
teur ni légèreté; mais
vous
eau deviendra lourde;
si
dans d'autre eau, n'a ni pesanplacez dans
la
vous mettez de
et si
l83
l'air,
alors cette
dans
l'eau, alors
l'air
qui se trouverait au-dessus de cet air acquerrait de la
l'eau
pesanteur, laquelle pesanteur ne pourrait continuer à demeurer
en place d'elle-même, en sorte que sa chute
même
De
que
tombe en bas dans
l'eau
serait nécessaire.
le lieu
d'eau, ainsi arriverait-il de l'esprit qui
qui serait vide
façon continue au sein de l'élément quelconque où verait, et cette cause
vers
il
se trou-
déterminerait nécessairement à fuir
le
Ciel jusqu'à ce qu'il fût sorti de ces éléments.
le
d'une
se produirait
»
Nous avons prouvé qu'un esprit privé de tout corps ne pourrait de lui-même ni demeurer immobile au sein des éléments, ni s'y mouvoir de mouvement volontaire; il ne pourrait que monter. Nous dirons maintenant comment cet «
esprit, flottant
à l'air;
s'il
au sein de
cessait,
un
se produirait
qu'il veut rester
en
l'air,
effet,
de
doit nécessairement se mêler
lui être uni, s'il s'en séparait,
dans
l'air, il est
nécessaire qu'il se
une certaine quantité d'air. Mais résulte deux inconvénients; il allège
s'il
la
se
mêle à
demeure point au sein de
l'air
et
;
altère sa nature,
un
rend plus légère
tel air
air; et cet air se la
volonté de
La la
fuite
montera donc
mouvra
de
telle
sorte
»
la ;
il
masse
d'air à laquelle
il
se
s'élèvera au-dessus de l'autre
ainsi en vertu de sa légèreté,
non par
l'esprit... »
de l'esprit vers
combinaison qui
le
simple corollaire de
le Ciel,
après que la mort a dissocié
tenait uni la
aux éléments,
est
donc un
Science hydrostatique qu'Albert de
Saxe avait empruntée à un antique
ment
ne
cet air; cela est manifeste par ce qui vient d'être
l'esprit
mêle
et
impossible que l'esprit infus à une certaine quantité
meuve
d'air dit;
est
haut
répandue dans une masse
qu'elle devient inférieure à la vertu primitive... « Il
en
plus grossier que lui-même; en
outre, cette vertu spirituelle, ainsi
perd sa simplicité
l'air, il
quantité d'air à laquelle
est uni, et cet air, ainsi allégé, s'envole vers le
d'air,
donc mélange
vide, ainsi qu'il a été dit plus haut. Puis
à
il
il
attribué à Archimède,
traité
De ponderibus
fausse-
.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
l84
Délivré de son union avec les éléments, l'esprit s'enfuit
terme de
le
Léonard répond de
mais
le
Heu naturel de
manière
la
plus
naturel de notre corps est au-dessous
du
Ciel,
« //
corpo
cette question,
précise
évidemment,
cette fuite? C'est,
est
Mais quel est ce lieu?
l'esprit.
A
Quel
se dirigeant vers le Ciel.
donc hors de ces éléments,
1 ;
le lieu
le lieu
la
naturel de l'esprit est au-dessus du Ciel
:
nostro essotto posto al cielo ello cielo essotto posto allô spirito.
Notre corps a sa place au-dessous du Ciel au-dessous de
et le Ciel a sa
place
l'esprit. »
là
seulement, sa forme
atteint sa perfection; ce désir est, selon la
pensée unanime de
Tout élément désire son
lieu naturel
;
l'École péripatéticienne, l'explication de tous les
non
que l'on observe dans
violents
le
monde
L'esprit désirera parvenir à son lieu naturel,
où
se
meuvent
le
vers la mort, par laquelle l'esprit de spirituel, qui est
cette pensée,
éloquence
au delà du Ciel
et
que l'on trouve au fond des souhaits humains,
monde
des corps.
pour y parvenir, il désirera sa corps; en dépit donc des apparences, ce
les astres;
séparation d'avec
mouvements
sa véritable
Léonard trouve
2
c'est l'aspiration
l'homme retourne au patrie. Pour exprimer
des accents d'une incomparable
:
Vois, l'espérance et le désir de se rapatrier et de revenir à
«
son premier état est
l'homme
comme
vol
du papillon
qui, dans de continuels désirs, avec
joyeuse, toujours attend
nouvel
le
été,
le
à la lumière
;
et
une impatience
printemps nouveau, toujours
toujours et de nouveaux mois et de
le
nouvelles
années, trouvant que les choses désirées sont trop lentes à venir, (la
il
ne s'aperçoit pas
qu'il désire sa
propre dissociation
sua disfazione) ; mais ce désir est [celui de]
la
cinquième
essence, esprit des éléments qui, se trouvant enfermée dans
l'âme humaine, toujours désire retourner du corps humain vers Celui qui
l'a
envoyée
(il
suo Mandatario); et sachez que ce
Léonard de Vinci, Codice Trivulzio, fol. 36, verso (70). Léonard de Vinci, ms. Arundel 263 de la Bibliothèque du British Muséum, fol. i5G, verso; — cité par Jean Paul Richter, The Uterary Works of Leonardo da Vinci, Londres, i883 t. Il, § ilij — et par Gabriel Séailles, Léonard de Vinci, l'artiste et le savant ; i.
1.
;
a*
1
édition, Paris, 190O, p. 3a
1
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
même
85
comNature, et que l'homme est le modèle du Monde. » les diverses réflexions que Léonard nous a laissées
désir est [aussi celui de] la cinquième essence,
pagne de
En
1
la
lisant
sur l'union de l'âme et du corps durant
sur leur sépa-
la vie,
Eugène Muntz ne peut s'empêcher de n'est pas aisé de dégager un système du
ration après la mort,
remarquer
1
qu'«
il
milieu de tant d'assertions flottantes
en
quelques minuscules fragments sont épars sous nos
effet,
yeux;
il
poser
et
est
malaisé de dire quelle mosaïque
comment chacun
de l'ensemble. le
contradictoires». Et,
et
d'eux devait concourir à la formation
n'en est plus de
Il
devaient com-
ils
même
si
nous connaissons
dessin que cette mosaïque devait reproduire; alors, nous
trouvons sans peine
devinons par
la
comment
pensée
les
la place ils
de chacun de ces fragments; nous
s'agençaient entre eux; nous comblons
lacunes qui les séparent. Le plan qui permet
de réunir en un tout harmonieux
Léonard sur l'immortalité de l'âme,
diverses réflexions de
les
c'est le
système à
platonicien et chrétien dont Nicolas de Gués nous
la fois
a
tracé
l'esquisse.
IX La Dynamique de Nicolas de Cues et les sources dont elle decoule. «
L'homme
minant
est le
modèle du Monde,
»
disait
fragment que nous venons de
le
Léonard en
citer;
ter-
partout donc,
Monde, on doit retrouver des âmes semblables à l'âme de l'homme, des âmes qui souhaitent ardemment le retour à dans
le
leur principe intellectuel, c'est-à-dire la mort; ces âmes, Léo-
nard va
les
inertes;
il
découvrir par l'analyse du va
les
mouvement
des choses
découvrir, d'ailleurs, en se laissant guider
par certains passages où Nicolas de Cues a indiqué quelles idées
il
professait en
Aucun i.
écrit
Dynamique.
de Nicolas de Cues n'a pour objet spécial
Eugène Mûntz, Léonard de
p. 3oa.
Vinci, l'artiste, le penseur,
le
la
savant; Paris, 189g,
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
i86
théorie
du mouvement des
à l'exposition de certaines doctrines
en particulier, que
titre,
dans le
dialogues Sur
les
le
est fait allusion à
s'il
fournit des exemples
c'est qu'elle
cette théorie,
projectiles;
métaphysiques;
jeu de globe
1
c'est à ce
mouvement
Science du
la
appropriés
apparaît
qui s'établissent entre
Duc de Bavière. le jeu de globe? Une gravure qui
Cardinal Allemand et Jean,
En quoi en
tête
consistait
des Dialogues nous l'apprend.
main un
tient à la
sphère dont
Un
trouve
seigneur allemand
projectile qu'il va lancer; c'est
primitivement plane a
la partie
se
été
un hémi-
légèrement
creusée. Devant lui, sur le sol, des quilles sont disposées sui-
vant
les
contours d'une spirale;
le
globe qu'il va lancer doit
rouler en tournoyant de telle sorte qu'il abatte ces quilles.
Pourquoi décrit-il
globe que
le
cette
joueur a lancé tout droit devant
le
lui
contournée? Nicolas de Cues n'en
trajectoire
donne pas d'autre explication que la forme même du projectile. Réduit à un disque plan, à un anneau sans épaisseur ou à une sphère, et roulant sur
un plan
un
Il
mobile se mouvrait
Comment, en
indéfiniment en ligne droite. s'arrêter?
parfait, le
effet,
pourrait-il
faudrait qu'il demeurât en équilibre en reposant
un atome, ce qui est impossible. Puis, un corps en mouvement ne saurait s'arrêter si ce mouvement n'est accompagné de quelque changement, si le mobile ne se comporte à un instant autrement qu'à un autre instant; or, lorsqu'une sphère roule sur un plan, ce mouvement n'entraîne aucune variation dans l'état relatif de la sphère et du plan; il sur
seul point, sur
donc durer indéfiniment.
doit
Si le
globe lancé par
le
joueur,
au lieu de se mouvoir indéfiniment en ligne droite, tournoie, puis
s'arrête,
partie la plus
vement Si,
le
volumineuse
et le tire vers le
au contraire,
maximum, cette
qu'il n'est
c'est
«
la
et la
centre
i.
plus lourde ralentit son
sa
mou-
».
tellement qu'il n'en pût exister de plus parfaite,
sphère serait mobile par elle-même; en
Le forme ronde Nicolai de
«
rotondité du globe était la rotondité
mobile ne feraient qu'un. «
pas sphérique, c'est que
est
elle, le
moteur
et
»
donc, de toutes
Gusa Dialogorum de ludo
globi liber
les
primus.
figures, la
plus
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
mouvement.
apte au
donné,
mouvement
Si le
n'aura jamais de
il
fin.
lui
187
naturellement
est
C'est ce qui arrive lorsque la
sphère tourne sur elle-même, de manière que son centre soit
mouvement; dans ce cas, son mouvement est perpétuel. Tel est le mouvement naturel dont, sans violence comme sans fatigue, se meut la dernière sphère céleste, au mouvement de laquelle participent tous les corps doués de mouvement naturel. » Cette explication provoque, de la part du Duc de Bavière la question suivante « Comment Dieu a-t-il créé le mouvement le
centre de son
:
de
la
dernière sphère?
Allemand,
comme
—
»
Exactement, répond
«
tu crées le
mouvement de
lances. Cette sphère, en effet, n'est pas
Dieu créateur ou par
l'esprit
de Dieu
;
mue
meus immédiatement
courir devant
C'est toi, cependant, qui
ment; car l'impulsion de y a produit un impetus continue à se mouvoir.
et,
ta
Cardinal
boule que tu
la
directement par
pas plus que ce n'est
ni ton esprit qui toi.
le
le
toi
globe que tu vois l'a
mis en mouve-
main, qui suivait
ta
volonté,
tant que dure cet impetus, le globe
»
Ne peut- on en dire autant de l'âme? Tant qu'elle existe dans le corps humain, celui-ci se meut. » « Le Cardinal Il n'est peut-être pas d'exemple mieux approprié à faire comprendre la création de l'âme, d'où résulte le mouvement du corps humain. Car Dieu n'est pas l'âme, et ce n'est pas l'esprit de Dieu qui meut l'homme... Observe que le mouvement du globe prend fin au bout d'un certain temps, bien que le globe demeure sain et entier; il en est ainsi parce «
Jean
:
:
que
le
mouvement
mais accidentel
qui affecte ce globe ne lui est pas naturel,
et violent.
Le mouvement cesse donc lorsque
vient à faire défaut Yimpetus qui a été
Mais,
comme nous
communiqué au
l'avons dit plus haut,
si
globe.
ce globe était
mouvement lui serait naturel et non point violent; alors ce mouvement ne cesserait point. C'est ainsi que le mouvement vital d'un animal ne cesse point d'en parfaitement rond,
le
vivifier le corps, tant
que ce corps demeure sain
de vie; ce mouvement, en
La
fin
effet, est
naturel.
et susceptible
»
de ce passage développe une idée que nous retrou-
1
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
88
vons dans un autre
du toton qui lignes
écrit de Nicolas de
lui sert
d'exemple
et
Gués 1 C'est .
au sujet duquel
ici
le
jeu
écrit ces
il
:
L'enfant prend ce toton qui est mort, c'est-à-dire dénué
«
de mouvement,
et
veut
il
procédé qu'il a inventé,
le
et
rendre vivant; pour cela, par
qui est l'instrument de son
le
intelli-
imprime en ce toton la rassemblance de l'idée qu'il a conçue par un mouvement de ses mains qui est à la fois droit et oblique, qui consiste simultanément en une pression et en une traction, il imprime un mouvement qui, pour le toton, est gence,
il
;
surnaturel; par nature, ce jouet n'a d'autre
commun
mouvement que
mouvement
vers le bas,
donne de
mouvoir circulairement comme
se
le
à tout grave; l'enfant lui le Ciel.
Cet esprit
moteur, conféré par l'enfant, se trouve invisiblement présent en
la
matière du toton
temps, selon
;
il
y demeure plus ou moins long-
de l'impression qui a
la force
communiqué
cette
vertu; lorsque cet esprit cesse de vivifier le toton, celui-ci
reprend son mouvement vers
le centre,
comme
au préalable.
une image de ce qui se produit lorsque le Créateur veut donner l'esprit de vie à un corps non vivant? » Ce que ces divers passages ont suggéré à Léonard de Vinci, nous le verrons tout à l'heure fidèles à notre méthode, avant N'avons-nous pas
là
;
de dire quelles influences Nicolas de Cues a exercées, nous allons rechercher quelles influences
avait subies.
il
L'idée que la figure circulaire est plus apte au
mouvement
une des plus anciennes opinions qui aient eu cours en Dynamique; elle est aussi une de celles qui sont demeurées en vogue le plus longtemps. Parmi les Quesque toute autre figure
tions
est
mécaniques attribuées à Aristote,
il
en
est une, la hui-
tième, qui a pour principal objet de justifier cette idée; on y
rapporte l'opinion de certains philosophes selon lesquels
mouvement du
cercle sur
lui-même
le
est perpétuel; c'est bien
l'opinion que devait soutenir Nicolas de Cues.
Le Cardinal Allemand admet que tion sur
soi-même
Nicolai de
mouvement de
révolu
est naturel à toute sphère, partant à la
dernière sphère céleste, du i.
le
Cusa Dialogus
fait
de sa figure sphérique
trilocutorius de Posaest.
;
l'auteur
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINCI
1
89
des Questions mécaniques eût peut-être admis cette manière de voir, car
ne critique nullement l'opinion qu'il rapporte
il
mais, au De Cœlo
Mundo, Aristote ne
et
attribue aux sphères célestes, à titre de le
mouvement de
mouvement
de
la
s'il
naturel,
révolution uniforme, ce n'est point en vertu
de leur figure sphérique, mais en vertu de lière
range point;
s'y
;
substance qui
la
nature particu-
les constitue.
Arrivons à cet impetus impressus auquel Nicolas de Gués attribue la conservation
Plusieurs
fois,
déjà
1 ,
du mouvement des projectiles. nous avons fait allusion à cette théorie
nous y faut revenir encore pour mettre en évidence certains points que nous avions laissés dans l'ombre de V impetus;
et
il
qui sont, maintenant, d'importance.
Selon la Dynamique d'Aristote,
la
production
mouvement suppose
conservation de tout
d'un moteur distinct de
la
comme
la
la continuelle action
chose mue. Pour que
la
flèche
demeure en mouvement après qu'elle a quitté l'arc, il faut qu'un moteur continue à la pousser; ce moteur, Aristote et ses premiers commentateurs le trouvent dans l'air ébranlé au
moment de la projection. A quelle époque eut- on capable de maintenir
l'idée
le projectile
de
prendre pour moteur
en mouvement une certaine
vertu imprimée au projectile par l'instrument qui
Nous l'ignorons. Tout
ce
l'a
que nous pouvons affirmer,
lancé?
c'est
que
une grande netteté, dans l'écrit 2 où Jean Philopon combat la Physique d'Aristote plus encore qu'il ne la commente. Un projectile ne pourrait se mouvoir dans le vide, au dire
cette doctrine est déjà exposée, avec
d'Aristote, le
puisque
Grammairien
l'air
s'élève contre cette
Après avoir exposé i.
Vinci, (Ibid.,
P.
Duhem, Léonard
première
mouvement. Jean assertion du philosophe.
seul entretient son
et réfuté,
de
la
manière
la
plus convain-
de Vinci et Bernardino Baldi, art. IV (Études sur Léonard de Bernardino Baldi, Roberval et Descartes, art. I 4).
série, pp. 108-
n
—
pp. 128-139).
3. Joannis Grammatici cognomento Philopon i Eruditissima commentaria in primis quatuor A ristotelis de naturali auscuil atione libros, nunc primum e Greco in Latinum
Guilelmo Dorotheo Veneto theologo interprète. Cautum est prihune librum inlra decennium imprimat vendatne. Venetiis, MDXXXX1I. In fine Impressum Venetiis per Brandinum et Octavianum Scotum, MDXXX1X. Lib. IV, fol. 24, coll. c. et d.
fideliter translata,
vilegio Senati Veneti, ne quis
:
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
I()0
cante, la théorie qui prend l'air
s'exprime en ces termes «
pour moteur du
projectile,
il
:
Les considérations que nous venons de développer, et
bien d'autres considérations analogues, permettent de recon-
meuvent de mouvement violent ne sont point mus de la sorte. Celui qui lance un tel projectile donne et confère au corps qu'il projette une certaine puissance propre à le mouvoir. Lors même que l'air aurait reçu une impulsion, il ne concourrait aucunement à ce mouvement ou, s'il y concourait, ce serait pour une part insignifiante. Puis donc que les corps mus violemment se meuvent de la sorte, il est clair que si on lançait, violemment et contre nature, une pierre ou une flèche dans le vide, ce corps s'y mouvrait naître que les corps qui se
encore mieux;
il
n'aurait
nul besoin de l'impulsion d'un
milieu ambiant. Or cette explication ne saurait être révoquée
en doute alors que l'on peut appeler l'évidence
même
témoigner en sa faveur. Supposons que l'on accorde supposition jectile
:
cette
un projectile infuse en ce proune certaine puissance de mouvoir,
celui qui lance
une certaine action,
qui est incorporelle;
meut
à
le projectile
il
ne sera plus nécessaire que ce qui
continue sans cesse à
certain, et c'est l'avis d'Aristote,
le
toucher
1 .
Il
est
que certaines actions éma-
nées des corps visibles parviennent jusqu'à notre œil. Nous
voyons que, de certaines couleurs, émanent certaines actions, certaines forces incorporelles, et que ces forces incorporelles
peuvent colorer d'autres corps; rayon de
soleil traverse
de
qui arrive lorsqu'un
c'est ce
telles
couleurs, lorsqu'il passe au
travers d'une vitre colorée, par exemple; le corps sur lequel
vient tomber
le
rayon de
que ce rayon de
soleil se colore
soleil a traversé. Il est
certaines actions incorporelles,
comme
l'était le
verre
donc bien certain que
émanées d'un corps, peuvent
un autre corps. De même, rien n'empêche un homme de lancer une pierre ou une flèche lors même qu'il n'y aurait
affecter
d'autre milieu
que
projectiles qui ne i.
le vide.
Le milieu gêne
peuvent avancer sans
Le texte, par une erreur évidente, dit
projectum.
le
le
mouvement
le diviser;
des
ceux-ci,
contraire: Oportet projicientern tangere
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINCI
191
meuvent au sein de ce milieu; rien donc n'empêchera qu'une flèche, une pierre ou tout autre corps puisse toutefois, se
dans
être lancé
mobile
le
vide; sont présents, en
et l'espace
qui doit recevoir
La Physique de Jean Philopon
le projectile.
était
moteur,
effet, le
le
»
bien connue des pen-
seurs arabes qui, maintes fois, la combattirent; les Arabes ne
pouvaient donc ignorer l'explication du mouvement des projectiles qu'avait soutenue le Grammairien. Et, en effet, nous
voyons
cette théorie fournir,
au xn e
une comparaison
sièle,
i
à l'astronome Al Bitrogi (Alpetragius).
Selon Al Bitrogi, l'action que l'orbite suprême exerce sur sphères inférieures
s'affaiblit
distance entre
la
l'influence
:
«
ce
au fur
premier
ciel
et à
et
mesure que
aux orbes
célestes tout
s'accroît
qui en ressent
l'orbe
Le corps suprême se trouve séparé de
qu'il a conférée
les
comme
la vertu
celui qui a
lancé une pierre ou une flèche se trouve séparé de cette pierre
ou de
cette flèche; celui-ci
a conféré à la pierre
continue à
la
l'a
ou à
à
la
de
la flèche afin
mouvoir, mais au
demeure appliquée projecteur
ne demeure pas uni à
pierre
la
vertu qu'il
mouvoir;
la
moyen d'une
ou à
vertu qui
après que
la flèche
il
le
lancée; plus la flèche se trouve éloignée de son
moteur, plus cette vertu
s'affaiblit.
De même que
cette vertu
consumée lorsque la flèche tombe, de même la vertu mobile suprême confère aux orbes inférieurs va conti-
se trouve
que
le
nuellement en s'affaiblissant jusqu'à ce qu'elle parvienne à Terre, qui demeure naturellement immobile. » Traduit au
e
par Michel Scot,
siècle
connu d'Albert
était fort
de saint
xm
le
l'écrit
d'Al Bitrogi
Grand, de Vincent de Beauvais,
Thomas d'Aquin. Nous ne savons
s'il
contribua seul
à propager dans l'École la théorie de Jean Philopon,
nous pouvons assurer que
xm
au
e
siècle, car saint
repousser
:
« Il
la
cette
opinion
était déjà
Thomas d'Aquin prend
ne faut point supposer,
»
dit
3
mais
répandue
soin de la le
Docteur
Alpetragii Arabi Ptanetarum theorica phisicis rationibus probata, nuperrime latinis mandata a Calo Calonymos Hebreo Neapolitano. In fine Venetiis in aedibus Luceantonii lunte Florentini anno Domini MDX.XXI, Mense lanuario. Fol. 9, recto. 2. Sancti Thoma? Aquinatis, Doctoris Angelici, Opéra omnia jussu impensaque Leonis XIII, P. M., édita. Tomus tertius Cornmentaria in libros Aristotelis de Caelo et 1.
litteris
:
:
Mundo,
lib. III, lect. VII, p. 262.
Romae, 1886.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
[Q2
Angélique,
que
«
moteur par lequel
le
imprime dans la vertu qui meuve cette
pierre
engendre produit dans
la
duite
résulte le
en
effet,
violence est pro-
la
mue violemment une
même
de
pierre,
que
mouvement naturel de le mouvement violent
mouvement
pierre, par le fait est altérée
En
violent.
même
chose qui
la
chose engendrée une forme d'où
en
celle-ci. S'il
était ainsi,
proviendrait d'un principe
intrinsèque au mobile, ce qui est contraire à
de
certaine
outre,
il
même
notion
la
en résulterait que
meut de mouvement
qu'elle se
dans sa forme substantielle, ce qui
la
local,
au
est contraire
bon sens. » D'ailleurs, saint Thomas d'Aquin, Albert le Grand, Roger Bacon, Pierre d'Auvergne, Gilles de Rome, Walter Burley, Jean de Jandun s'accordent tous à prôner l'opinion d'Aristote et de ses commentateurs grecs et arabes. C'est le
mouvement de de
la flèche,
mouvement
Pair ébranlé qui entretient seul le
après que celle-ci
séparée de
s'est
l'arc.
La première voix discordante que l'on entende dans l'École est celle de Guillaume d'Ockam. Celle-ci éclate, opposant une négation brutale aux affirmations les plus autorisées du Péripatétisme.
La Dynamique d'Aristote veut que tout mobile
pagné d'un moteur qui Or, ce moteur,
dans
la pierre
où
que
touche sans
le
est-il
1 ,
dans
ma main
la
se
après que
le projectile
accom-
confondre avec
lui.
flèche qui a quitté l'arc,
a lancée?
Est-ce l'appareil ou l'organe qui a mis en projectile? Mais cet appareil
soit
ou
cet
mouvement
le
organe pourrait être détruit n'en conti-
et le projectile
l'a quitté,
nuerait pas moins sa course.
Est-ce
l'air
ébranlé? Mais deux archers peuvent tirer l'un
contre l'autre, leurs flèches peuvent se heurter;
ment de faudrait
l'air était la
donc que
le
cause du
même
mouvement de
air se
mût, en
si le
mouve-
ces flèches,
même
il
temps, de
deux mouvements contraires. Dira-ton que
une vertu qui i.
le
mouvement du
se trouve
dans ce corps? Où
est la
cause qui a
Ockam Aaglici Saper quatuor libros Sentcntiarum earumque decisiones; libri socuadi quœstioucs X.VII1 et XXVI.
Magistri Guilhelmi de
lissiinx qu;e$tiones
projectile est entretenu par
subti-
NICOLAS DE CLES ET LEONARD DE VINCI
même
f)3
moteur qui a lancé le agent naturel, approché également d'un
produit cette vertu? Dira-ton que c'est
mobile? Mais un
I
le
même objet, produit toujours le même effet; or, je puis approcher ma main de cette pierre de telle sorte qu'elle ne l'ébranlé pas
;
je puis aussi l'approcher de telle sorte
vivement lancée;
il
que
engendrée par
que
la pierre soit
que je l'approche lentement dans le premier cas et rapidement dans le second; ce n'est donc pas ma main qui crée en la pierre la vertu motrice. Dira t- on cette vertu est
jetant? Mais le
suffit
mouvement
que d'approcher
local
mouvement du corps
pro-
ne saurait avoir d'autre
effet
le
corps agissant du corps qui subit l'action.
le
donc renoncer purement et simplement à l'axiome d'Aristote; pour qu'un corps se meuve, il n'est nullement nécessaire qu'il soit accompagné par un moteur qui le touche sans se confondre avec lui. Après que le projectile s'est séparé Il
faut
de l'instrument qui
moteur; en qui
meut
l'a
lancé,
on ne peut qui est mû.
Et que l'on n'aille pas dire
cause; or, le il
donc
exige
Ni d'une
le
la
à
nouveau suppose une un effet sans cesse nouveau;
tout effet
local est
constante présence d'une
manière absolue, ni d'une manière
cause
motrice.
relative, le
mou-
un effet sans cesse nouveau; il est bien vrai corps en mouvement traverse à une certaine époque
vement que
mouvement
:
lui-même son propre aucune distinction entre ce
est
établir
lui,
et ce
il
local n'est
une région de l'espace qu'il ne traversait pas à une autre époque mais on ne peut pas dire qu'à tel moment, telle :
région soit quelque chose de nouveau;
elle
n'est nouvelle
que par rapport au mobile. Cette affirmation
que
la
continuation du
n'exige aucune cause motrice, c'est la loi telle
que Descartes
la
mouvement
même
local
de
l'inertie,
formulera; au temps d'Ockam,
elle était
trop nouvelle pour être admise; les plus fidèles disciples
maître anglais,
les
du
Terminalistes de l'Université de Paris, ne
suivirent pas sur ce point la doctrine
du
Venerabilis inceptor
1 .
i. Cette doctrine ne fut, cependant, jamais oubliée. Marsile d'Inghen, nous le verrons bientôt, la rejette, mais la mentionne. Au début du xvi' siècle, Jean Dullaert de Gand, l'expose au Collège de Montaigu, à Paris, concurremment avec la théorie
P.
DLHEM.
j3
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
If)4
Du moins ne Pour eux,
la
revinrent-ils pas
à
la
doctrine d'Aristote.
cause motrice qui entretient
projectile ne fut plus l'air ébranlé,
le
mouvement du
mais une certaine vertu,
Yimpetus, créée dans le mobile par l'instrument qui
La doctrine de Yimpetus
fut
l'a
lancé.
magistralement exposée par
Albert de Saxe qui y revint à plusieurs reprises, dans son Traité des proportions, dans ses Questions sur ta Physique*, dans
De Cœlo 2 Nous ne saurions analyser ici développements qu'Albertutius donne à cette impor-
Questions sur
ses
tous les
te
.
tante théorie; ceux-là seuls
nous doivent retenir
qu'il
y a lieu
de comparer aux opinions de Nicolas de Cues. Saint
Thomas d'Aquin
petus cette objection
:
avait élevé contre la doctrine de Yim-
cette théorie attribue le
mouvement du
un principe intrinsèque; elle n'en fait donc pas un mouvement violent, mais un mouvement naturel. Non pas, projectile à
répond Albert de Saxe 3 Yimpetus fût un
pour que
mouvement
qu'il n'y eût point
contraire.
;
dans
le
le
naturel,
mouvement « il
créé par
faudrait, en outre,
mobile de tendance au mouvement
»
Or, c'est ce qui n'a pas lieu en général; lorsqu'on jette pierre vers le haut, cette pierre reçoit
vers
le
un impetus qui
une
la porte
haut; mais elle garde sa gravité naturelle qui tend à la
mouvoir vers le bas. L' impetus est donc, en ce cas, une qualité imprimée au mobile par violence et à l'encontre de sa propre nature; aussi va-t-il s'affaiblissant avec le temps jusqu'à s'évanouir. Tant que Yimpetus est assez puissant pour surpasser la gravité et la résistance du milieu 4, le projectile monte; il tombe à partir du moment où la gravité est plus forte que Yimpetus uni à
la résistance
de
l'air.
qui regarde Yimpetus comme une qualité, et il laisse ses auditeurs libres d'opter eutre les deux hypothèses (Joannis Dullaert de Gandavo Qusestiones in libros Physicorum Aristotelis: Parisius, per Oliverium Senant et Nicolaum Depratis, i5o6; libri octavi quaestio
II).
Alberti de Saxonia Acutissimœ quœstiones in libros de physica auscultatione ; octavi libri quœst. XIII. 2. Alberti de Saxonia Subtilissimse quasstiones in libros de Cœlo; secuudi libri quaest. XIV (ap. edd. Venetiis 1/492 et i52o; cette question fait défaut dans les éditions données à Paris en i5i6 et i5i8) tertii libri qurest. XII. 3. Alberti de Saxonia Qusestiones in libros de Cœlo; libri 111 quœst. XII. physica auscultatione , libri octavi U- Alberti de Saxonia Qusestiones in libros de i
.
;
quœst. Xll.
LEONARD DE VINCI
-NICOLAS DE GUES ET
196
Celte doctrine d'Albert de Saxe était appelée à exercer
Dynamique du Moyen-Age
influence considérable sur la la
Renaissance;
les
et
de
portée en tous lieux par les maîtres
elle était
qui avaient recueilli
une
enseignements de l'Université de Paris;
lorsque Marsile d'Inghen, docteur parisien, écrit pour l'Univer-
de Heidelberg, dont
sité
il
est le recteur,
de Physique que l'on a l'habitude de
termine en
reproduisant
un
abrégé des livres
«
à Paris»
lire
1 ,
il
le
presque exactement ce qu'Albert
de Saxe avait dit de ïimpetus.
Gomme
Albertutius,
ïimpetus qui maintient en après que
l'homme
d'Inghen
Marsile
mouvement
chevaux de halage
les
certain qu'ils
fait
extérieure ne le conserve.
un
c'est
meule du forgeron
remonte
le
cours d'eau après
«Au
sont arrêtés.
s'arrêtent, parce
bout d'un
que ïimpetus
violence, en sorte qu'ils l'affaiblissent
sans cesse et finalement
Mais
se
temps tous ces mobiles
ont reçu leur
que
a cessé de tourner, le sabot que l'enfant
a cessé de fouetter, le navire qui
que
la
déclare
le détruisent,
à
moins qu'une cause
»
impetus peut être naturel;
il l'est, si
le
mobile ne tend
un mouvement contraire à celui que produit ïimpetus; il l'est surtout si le mouvement naturel du mobile est conforme à ce dernier mouvement. « Lorsqu'on lance un corps pesant vers le haut, on lui imprime un impetus violent; lorsque la même main lance ce corps vers le bas, elle lui communique un impetus naturel; alors, bien loin d'affaiblir cet point par nature à
impetus, le mobile le renforce, attendu qu'il a
naturelle à se
mouvoir de
la sorte lorsqu'il
une inclination est
hors de son
lieu. »
Des idées professées au xiv e le
reflet
dans
essentielle mérite
ment de pousse
le
écrits
les
nous retrouvons aisément
de Nicolas de Gués. Une différence
cependant d'être signalée. Selon l'enseigne-
un impetus est un mouvement contraire à
l'Université de Paris,
mobile à
tend sa nature; hors ce cas
1.
siècle,
il
est naturel;
il
violent lorsqu'il celui vers lequel
ne paraît pas que
Incipiunt subtiles doctrinaque plene abbreviationes libri phisicorum édite a prestan-
Inguen doctore parisiensi. (Ce livre, certainement imprimé avant l'an i5oo, ne porte ni date ni indication typographique.) tissimo philosopho Marsilio
ÉTUDES SUH LEONARD DE VINCI
îg6
du mobile puisse faire qu'uu impetus déterminé soit violent ou naturel; de même, Yimpetus d'un mobile peut être affaibli et détruit par la tendance intrinsèque du mobile à un mouvement contraire ou par des causes extrinsèques telles que la résistance de l'air; il ne paraît pas que la figure du mobile puisse être par elle-même une cause de diminution ni de suppression de Yimpetus. Nous avons vu au contraire que Nicolas de Cues attribuait, en ces circonstances, un rôle essentiel à la figure du corps mobile. la figure
communiqué par
Quelle est la nature de cet impetus
moteur au
projectile?
«
C'est,
dit
»
Albert de
Saxe
1
une
«
,
le
mouvoir dans la direction même vers laquelle se fait la projection du moteur, cela à moins qu'elle ne soit empêchée par quelque autre cause. » Cette définition une fois posée, Albertutius ne paraît certaine qualité qui est, par nature, apte à
guère disposé à approfondir davantage
la
nature
«Est-ce une substance ou un accident
vertu;
2
?
accident, de quelle catégorie est-il? Est-il quantité Si cette vertu est qualité, est- elle qualité
de cette
un
Si c'est
ou qualité?
de première espèce,
ou de seconde, ou de quelque autre? Ces considérations dépendent d'une science plus élevée; elles sont objets de Métaphysique le
et
non de Physique.
De Cœlo qui
sont,
Toutefois, en ses questions sur
»
croyons -nous, postérieures à ses ques-
tions sur la Physique, Albert est
un peu moins
réservé
il
;
une qualité de seconde espèce, consistant en une certaine aptitude et facilité au mouvement. » déclare
3
que Yimpetus
«
est
Ces questions métaphysiques, posées seulement par Albert de Saxe, Marsile d'Inghen n'hésite pas à y répondre;
en
même
avec
le
temps
et l'opinion
d'Ockam, qui
mouvement même,
et
d'Aquin, qui ne voulait pas que
l'opinion le fait
pût altérer sa forme substantielle.
une qualité imprimée au mobile i.
Alberti de Saxon i a
Qusestiones
in
libros
«
identifiait
de
rejette
Yimpetus
saint
Thomas
de projeter un mobile
Cet impetus, et
il
»
dit-il
qui produit en
de physica auscultatione ;
A
«
est
lui
le
,
libri VII,
quaest. XIII. 2.
3. U.
Albert de Saxe, ibid. Alberti de Saxonia Qusestiones in libros de Cœlo ; libri II quœst. XIII. Marsilii Ingucn Abbreviationes libri Physicorum ; avant-dernier feuillet, col.
c.
.
NICOLAS DE GUES ET LÉONARD DE VINCI
mouvement. diffère
de
du mouvement
Elle diffère
mais, au
l'effet;
moment où
197
comme
local
cause
la
imprimée dans
elle est
un mouvement d'altération, de même que la science est mouvement d'altération au moment où elle est introduite dans l'esprit. » En outre, Marsile d'Inghen trouve le
mobile,
elle constitue
que Yimpetus doit
être
rangé à
première espèce (habitas par le
la
production
mieux ou vers
le pire
—
parmi
dispositio) qui
vel
même du
la fois
sujet, soit et
parmi
les
qualités de
s'acquièrent soit
par sa disposition vers
de troisième
les qualités
espèce (actio vel passio) Marsile d'Inghen s'est contenté de comparer l'impression
de Yimpetas en un mobile à l'action qui
dans
mais, par
l'esprit;
là,
il
fait
pénétrer
a préparé la
\7 oie
la
à la
science
compa-
raison de Nicolas de Gués qui assimile cette impression à la création d'une
domine tout
âme au
sein d'un corps;
comparaison
cette
ce que le Cardinal allemand a écrit au sujet de
Yimpetas.
En
la théorie
du mouvement des
l'Évêque de Brixen,
projectiles qu'a esquissée
un passage mérite
d'arrêter tout particu-
lièrement notre attention. Aristote et tous ceux de ses disciples qui sont
mouvement des comme un mouvement entretenu par
fidèles à sa doctrine
sphères célestes
vement de
la
demeurés
ont regardé
diverses
le
le
mou-
dernière sphère, de celle qui contient toutes les
Quant à celle-ci, son mouvement doit être aussi entretenu d'une manière continuelle par un moteur qui lui soit extérieur en un corps non vivant, pas de mouveautres à son intérieur.
;
ment dont la continuation ne soit liée à la présence actuelle d'un moteur extérieur à ce corps; c'est le principe fondamental de la Dynamique péripatéticienne. Le moteur qui, directement, actuellement, continuellement, meut la dernière sphère, c'est le Moteur premier, celui auquel l'on
parvienne puisque
poursuivie à
la
série
l'infini, celui qui,
il
des moteurs
faut bien
ne peut être
ne subissant lui-même l'action
d'aucun moteur, demeure éternellement immobile mot,
c'est
que
;
en un
Dieu.
Cette théorie occupait la place
d'honneur en
la
philosophie
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
198
péripatéticienne; celle-ci ne donnait point d'autre preuve de l'existence de
Dieu que
changement que
du premier moteur. Or,
la nécessité
enseignements des Terminalistes amenè-
les
rent dans l'explication
du mouvement des
projectiles devait
bouleverser cette théorie. Après qu'il a été lancé,
un impetus
garde
le
un
projectile
en sorte qu'il continue
acquisitus,
mouvoir un certain temps hors de
à
se
du moteur. La continuation d'un mouvement ne requiert donc pas la prél'influence
mû,
sence et l'influence actuelle d'un moteur étranger au corps
majeure de l'argumentation d'Aristote
et la
Quelle transformation résulte de
premier, nous
le
voyons en
là
en
la
se
trouve ruinée.
du Moteur
théorie
lisant Nicolas de
Gués.
n'est
Il
plus nécessaire que l'influence actuelle et permanente de ce
mouvement de la dernière de celle-ci, le mouvement des
Moteur entretienne directement sphère
par l'intermédiaire
et,
autres sphères célestes;
il
suffit
le
que
le
Créateur, en produisant
imprimé un impetus qui suffira à maintenir indéfiniment leur mouvement. L'impulsion persistante qui représente, selon l'École péripatéticienne, l'action du preces sphères, leur ait
mier Moteur, devient inutile;
quenaude lats
»
initiale
cette action se réduit à la
dont Descartes devait
faire
chi-
«
un des postu-
de son système.
Or, cette profonde transformation apportée à la théorie
premier Moteur, Nicolas de Cues l'adopte, mais l'auteur.
Il
semble bien que celui qui a osé
du
il
n'en est pas
le
premier, en
acceptant la doctrine de Y impetus, en tirer cette grave consé-
quence
moins
A
soit Maître Albert l'a-t-il
formulée de
En faveur de
la
l'a
pas imaginée, du
plus nette
1 .
voici
:
d' impetus
nous pouvons
citer l'expérience
Supposons qu'une meule de forgeron,
XIV
grande
très
tournée jusqu'à ce qu'elle se meuve
Alberti do Saxonia Sublissimae quœstiones in libros de Cœlo et
Mundo
ap. edd. Venetiia t'»<) 2 et i5ao. (Cette importante question est les éditions données à Paris en [5i6el i5i8.)
queest,
acquisifi,
:
cette opinion,
et très lourde, ait été
i.
manière
ne
une accumulation
à
Albertutius écrit ceci
que
la
s'il
l'appui de l'opinion qui attribue l'accélération de la chute
d'un corps pesant
u
de Saxe;
;
in
très
lib. Il
omise dans
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINCI
rapidement,
qu'on cesse alors de
et
la
1
99
tourner; elle demeurera
longtemps en mouvement. Gela ne peut provenir que d'un impetus acquisitus qui vient du dehors et qui lui a été
par l'homme chargé de cette
par s'arrêter;
finit
substantielle de cette
de
tourner. Lorsqu'on cesse de tourner
meule, cet impetus diminue continuellement,
meule
la
la
Yimpetus...
Si
cela est
dû
bien que
si
que
à ce
forme
la
meule a une tendance opposée
à celle
meule pouvait durer indéfiniment
cette
sans diminution ni altération,
corrompre
imprimé
aucune résistance ne venait
si
engendré en
cet impetus qui a été
la
meule, peut-
communiquerait un mouvement perpétuel. Si l'on admettait cette manière de voir, il serait inutile d'imaginer des intelligences propres à mouvoir les orbites que
être
cet impetus lui
On
célestes.
en
pourrait,
Lorsque Dieu créa en mouvement
les
comme
tenir
effet,
sphères célestes, il
langage suivant
le il
mit chacune
lui plut; et elles se
n'a
ne subit ni corruption ni diminution, car
aucune inclination qui
lui soit contraire,
aucune cause de corruption.
a ici
d'elles
meuvent, mainte-
nant encore, par Yimpetus qu'il leur a communiqué de cet impetus
:
la sorte;
le
mobile
en sorte qu'il n'y
»
Albert de Saxe avait assurément conscience de l'extrême
importance d'une
dû
solliciter ses
De
tions sur le
telle
opinion; à diverses reprises,
elle avait
méditations; avant de l'exposer en ses ques-
Cœlo,
ses questions sur la
il
en avait donné
Physique
1 :
«
la
formule à
la fin
de
Selon cette opinion, on peut
dire qu'il n'est pas nécessaire de supposer autant d'intelligences
y a d'orbites célestes; on peut prétendre que la Cause première a créé les orbites célestes et qu'elle a imprimé à qu'il
chacune
d'elles
orbite d'une
une certaine qualité motrice, qui meuve
manière déterminée;
et cette
cette
vertu ne se détruit
pas parce que cette orbite n'a rien qui la dispose au mouve-
ment en sens Entre
la
contraire.
»
doctrine d'Albert de Saxe
Cues, l'analogie est profonde;
si
et
celle
profonde qu'on ne saurait
mettre en doute l'influence de la première sur i.
Alberti de Saxonia
quaest. XIII.
Quœstiones
in
de Nicolas de
libros de physica
la
seconde.
auscultatione
;
libri
octavi
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
200
L'analogie,
ne doit pas nous
toutefois,
Pour Albertutius
différences.
comme pour
oublier les
faire
Nicolas de Cues, le
mouvement de révolution de la dernière sphère céleste est entretenu par un impelus qui agit, sans perdre son intensité, depuis le moment de la création, et cet impetus est permanent parce qu'il est naturel. Mais ce n'est pas pour
que
les
deux auteurs
que Yimpetus par lequel que
connaît pas
peu
parce qu'en outre
analogue
meut une
naturel
;
raison
Albert veut
orbite soit naturel parce
causes externes d'altération qui usent peu à
les
meule de forgeron
la
celui
se
même
formée d'une substance incorruptible, ne
orbite,
cette
comme
regardent
le
la
elle
à la gravité,
et
qui constituent
le
frottement;
ne renferme aucune forme intrinsèque, qui
l'incite
au mouvement contraire
que produit Yimpetus; selon l'Évêque de Brixen,
à
cet
si
impetus est naturel, c'est parce qu'il tend à faire tourner sur
elle-même une figure sphérique Puis,
pour Albert de Saxe, Yimpetus
qualité corporelle
nature
la
parfaite.
;
mais
un
il
;
le
n'est
sûrement qu'une
Cardinal Allemand n'en détermine pas
aime à rapprocher l'opération qui imprime
immobile jusque-là, de la création de l'âme au sein d'un corps inanimé bien aisément, celui qui lit Yimpetus à
corps,
;
dialogues Sur
les
cette
ne
jeu de globe ou Sur
le
Possest peut serrer
comparaison d'un peu plus près, peut-être, que l'auteur
le souhaitait;
âme;
le
alors,
il
il
peut assimiler pleinement Yimpetus à une
se trouve
amené
à interpréter la doctrine de
Nicolas de Cues en admettant que chaque orbite est
une âme qui y il
fut créée
mue
par
au commencement des temps; par
là,
revient précisément à la théorie averroïste contre laquelle
Albert de Saxe s'inscrivait en faux.
Qu'on
ait
pu
interpréter de la sorte la doctrine de Nicolas
de Cues touchant Yimpetus, l'exemple de Kepler nous servira à le prouver.
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINGT
ÏÎOI
X La Dynamique de Nicolas de Cues et la Dynamique de Kepler. Nicolas de Cues n'a écrit que de courtes réflexions sur le
mouvement sur
développement de
le
mais ces réflexions ont exercé
des projectiles;
Dynamique une
la
influence pro-
fonde et prolongée; mainte trace de cette influence se peut découvrir dans
xvn
e
les
écrits des
grands mécaniciens des xvi e
et
siècles.
Ouvrons, par exemple, célestes; voici
le traité
en quels termes
1
Des révolutions des
Copernic
orbites
que «chacun
établit
meut d'un mouvement circulaire, uniforme perpétuel ou d'un mouvement composé de mouvements
des corps célestes se et
circulaires «
»
:
La mobilité propre de
en cercle, de
telle
la
sphère consiste en
manière que
exprime sa propre forme dans
le
effet à
par son acte corps
le
tourner
même
elle
plus simple, dans
ne peut discerner une partie d'une autre, puisque
celui
où
cette
sphère se meut sur elle-même en traversant toujours
mêmes
l'on
régions de l'espace.
les
»
Ne semble-t-il pas entendre, en ces paroles du Chanoine de Thorn, un écho de la voix de l'Évêque de Brixen? Cette voix, mêlée
aux accents d'Albert de Saxe,
retentit
avec une netteté et une force particulières dans l'œuvre de Kepler. Les théories mécaniques du grand astronome semblent parfois bien obscures
et
en s'expliquant lorsqu'on
dont
elles
bien étranges; elles s'éclaircissent les
sont issues, d'une
rattache aux
deux traditions
part à la tradition de l'École
terminaliste de Paris, d'autre part à la tradition de Nicolas
de Cues.
Sans rechercher dans
i.
Nicolai Copernici
les divers écrits
de Kepler
De revolutionibus orbinm cœlestium
libri
sex;
les
marques
lib. I, cap.
IV.
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
202
multiples
où
se
peuvent reconnaître ces deux traditions
contentons-nous de
1
,
celui de ces écrits qui les résume,
lire
YEpitome astronomie Copernicanœ 2
dans ce
et
;
livre
même,
empruntons seulement quelques passages au chapitre qui du mouvement diurne de la Terre 3
traite
.
Kepler a rejeté
de
la théorie
pesanteur imaginée par
la
Aristote; après Fracastor et Copernic, avec Guillaume Gilbert et Galilée,
il
a repris la doctrine Pythagoricienne que Nicolas
de Gués lui-même semble parfois adopter
ne tend pas au centre du Monde; tout, à la Terre entière
;
en
il
Un
grave terrestre
tend à se réunir à son
il
même
de
est
:
en chaque
astre,
qui tend à conserver son intégrité. «
et
Si
donc on considère
par rapport à
la
Terre entière ^, dans son intégrité
la
matière qui
forme,
la
douée d'aucun mouvement naturel matière qui forme l'inertie;
le
;
absolument
caractère propre de la
plus grande partie de la Terre,
la
répugne au mouvement,
elle
elle n'est
c'est
et cela d'autant plus
fortement qu'une plus grande quantité de matière se trouve resserrée dans «
un plus
petit espace.
du corps
Cette inertie matérielle
mouvement 5 précisément
densité
cette
,
le
mouvement de
sujet
il
terrestre à l'égard
même
de ce
du
corps constituent
imprimé Yimpetus du imprimé exactement comme
dans lequel
rotation;
»
y est
est
Kepler connaissait assurément les divers traités de Nicolas de Cues; au chade son Mysterium Cosmographicum a qui est un de ses premiers écrits, il nomme le Cardinal Allemand «divinus mihi Cusanus»; il le cite également en sa Dissertatio cum Sidereo nuncio h en sa Narratio de observatis a se quatuor Jovis satellitibus erronibus c en son écrit De Stella nova in pede Serpentarii d ces citations ont trait tantôt aux hypothèses astronomiques de Nicolas de Cues, tantôt à ses théories géométriques, tantôt enfin à ses considérations mathématiques sur l'infini. 2. Efâtome astronomiœ Copernicanœ, usitaïa forma quaîstionum et responsionum circumscripta,inque VII libros digesta, quorum très hi priores sunt de Doctrina sph.rrira... auctore Joanne Kepplero; Lentiis ad Danubium, exxudebat Joannes Plancus, anno MDCXVIII. Joannis Kepleri astronomi Opéra omnia edidit Ch. Frisch Frankfort sur le Mein etErlangen, i858; t. III (Toutes nos citations se rapportent à i.
pitre
II
,
,
,
;
—
;
cette édition). 3. 4. 5.
Principiorum doctrinœ physicae pars quinta J. Kepleri Opéra omnia, t. III, p. 17/1. J. Kepleri Opéra omnia, t. 111, p. 175.
a) Joannis Kepleri astronomi tomiiB
I,
p. 122.
b) Ibid., c)
tomus
Ibid., tomus
ih Ibid.,
tomus
II, p. II,
490.
p. 509.
II, p.
595.
Opéra omnia
De motu diurno.
:
edidit Ch. Frisch
;
Frankfort sur
le
Mein
et
Krlangen, 1858
:
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINCI
dans
toupie qui tourne par violence; plus est pesante
la
matière de cette toupie, mieux
en
elle reçoit
ment imprimé par la force externe, et plus mouvement; au contraire, les plumes et les semblable légèreté,
qui
reçoivent pas aisément
aux frondes
et
mouvement;
le
d'Albert de Saxe
prime
ils
aux machines de guerre. lire n'est «
:
elle le
a
mouve-
autres corps de
ne
résistance,
ne sauraient servir
»
qu'un écho de l'enseigne-
Celui qui lance
un
projectile im-
une certaine vertu motrice ... plus de matière qu'une plume et qu'elle
à ce projectile
une pierre
la
durable ce
est
aucune
n'opposent
Ce que nous venons de
ment
2o3
1
Comme est plus
dense, elle reçoit davantage de cette vertu motrice; elle la
garde plus longtemps que
la
meut plus longtemps après la projette. C'est aussi
plume,
pourquoi
et voilà
elle se
qu'elle a quitté l'instrument qui
parce qu'elle possède davantage de cette
vertu motrice imprimée qu'elle produit une percussion plus violente.
La théorie de Yimpetus
»
phénomènes que présente
le
«
explique aisément tous les
mouvement
explique, en premier lieu, pourquoi le pierre plus loin qu'une la pierre
plume;
et
des projectiles 2
même
en voici
elle
;
moteur lance une
la raison
il
:
y a dans
plume et elle y est plus pierre une vertu motrice
plus de matière que dans la
compacte; aussi imprime-t-on à
la
plus puissante et plus intense qu'à la plume, et cette vertu est
retenue plus longtemps dans
second; de
une plus fer est
même voyons-nous
forte
le
premier corps que dans
que l'on peut imprimer au
chaleur qu'au bois parce que
perfore
mieux que
le fer
détaché de
la
une lance lance;
plus d'impetus dans la lance entière que dans
il
même longue
très
y
a,
en
effet,
le fer seul. »
Cette théorie d'Albert de Saxe, origine des notions de et
fer
matière du
la
plus dense et plus compacte que celle du bois. La
théorie explique également pourquoi
le
masse
de force vive, se propagea d'université en université avec
l'enseignement de l'Université de Paris.
A i.
la fin
du xiv
e
siècle,
Alberti de Saxonia Quœstiones
Marsile in
libros
d'Inghen 3 professe
de physica
auscultatione ;
libri
quapst. XIII. 2.
3.
Alberti de Saxonia Quœstiones in libros de Cœlo; libri tertii quaest. XII. Marsilii Inguen Abbreviationes ; avant-dernier feuillet, col. d.
celte octavi
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
204
du défaut d'impetas que le même homme ne peut pas lancer une fève aussi loin qu'une demi-livre de plomb; Yimpetas fait défaut dans l'objet qui le reçoit par suite de la petitesse du mobile, d'où résulte doctrine à Heidelberg.
la petitesse
C'est par suite
«
de sa propre quantité; en
grand pour projeter au loin ne saurait corps.
effet,
un
être reçu
impelas assez
en un
si
petit
»
Vers
expose
la 1
la
moitié du xv e siècle, à Padoue, Gaétan de Tiène doctrine qui attribue
la
conservation du
des projectiles à une vertu que l'on
nomme
doctrine
la
résoudre maint problème;
des
cette théorie,
Parisiens,
explique
elle
«
permet de
pourquoi un poids
de juste proportion peut être projeté plus fortement loin qu'une
plume;
cela tient à ce qu'il renferme
grande quantité de matière;
ou
parfois gravité
souvent, impetas;
légèreté accidentelle et, plus
que Gaétan
nomme
mouvement
plus
et
une plus
acquiert donc de cet impetas
il
une quantité plus grande qui suffît à le mouvoir plus rapidement et à une plus grande distance; de même, comme le fer contient plus de matière que le bois, il peut recevoir plus de chaleur.
Aux
»
Universités de Padoue et de Bologne, pendant tout le
cours du xv e siècle, cette doctrine n'était pas moins familière
aux adversaires des Terminalistes qu'à leurs partisans.
En
seconde moitié du xv e
la
siècle,
Nicolô Vernias
est,
Padoue, l'un des plus fermes champions de l'Averroïsme «
Albertutius,
»
dit-il
2 ,
d'Aristote et de
écartés
projectiles sont
«
et les autres
l'air
:
Terminalistes, se sont
toute vérité en
mus non par
à
ou par
prétendant que
les
l'eau qui les envi-
ronne, mais par un impetas qui leur est communiqué... Nous allons répondre aux raisons qu'ils invoquent. « Ils
par
disent, en
l'air,
premier
un homme
lieu,
jetterait
que
si
»
le projectile était
une plume plus loin
qu'il
mû ne
super octo libros Physicorum cum annotationibus textuum. Impressum est hoc opus Venetiis per Bonetum Locatellum impensis... Octaviani Scoti, anno Salutis 1/196, nonis sextilibus; fol. 5i, col. a. i.
Recollecte Gaietani
Colophon
:
ordinariam philosophie legentis question est imprimée à la fin dos Quœstiones de Physica auscultatione, d'Albert de Saxe, publiées à Venise, en iôiô, par les héritiers d'Octaviano Scoto. 2.
Nicoleti Theatini in celeberrino studio Patavino
Questio de gravibus
et
levibus. Cette
NICOLAS DE GUES ET LÉONARD DE VINCI jette
un
petit
main, ce qui
morceau de
de grandeur appropriée à sa
fer,
est contraire à
l'expérience.
expérience s'explique fort bien,
comme
le fer a
«
une
A
leur avis, cette
le dit
Maître Gaëtan;
reçoit plus d' impetus,
il
en
une plus grande distance.»
Je m'étonne que les Terminalistes aient prétendu soutenir
erreur;
telle
rait cette
si
l'on
conséquence
donnés, tous deux de priée à la
main de
jeté plus loin «
comme
plus de matière,
sorte qu'il est projeté à
2O0
Pour moi,
:
en croyait leur réponse, on en dédui-
Une
même
pierre et
un morceau de
grandeur,
que
morceau de
que
fer serait
qui est faux, je pense.
la pierre; ce
je dis
de grandeur appro-
et
celui qui les jette, le
fer étant
le fait
»
considéré provient de ce que
puissance motrice est moins bien appliquée à la plume
la
qu'au morceau de fer...»
Une considération semblable rend compte du second fait invoqué par les Terminalistes, à savoir du mouvement circulaire que garde le toton après qu'il a quitté la main de celui qui le lance. Ils ne peuvent comprendre, en effet, comment «
ce toton se mouverait, sinon par été
communiqué.
Yernias mort, à
Bologne, de
la
l'effet
d'un impetus qui
lui a
»
le
plus brillant représentant, à Padoue, puis
Physique averroïste,
fut
Alexandre Achillini,
du célèbre Pomponat. Au sujet de Yimpetus, Achillini ne s'exprime pas autrement que Vernias « L'opinion des Parisiens, » dit-il, «est que Yimpetus consiste en une certaine qualité attachée au projectile et le mouvant;
l'adversaire
1
.
d'ailleurs,
comme
qualité est engendrée par violence,
cette
elle
va toujours en s'affaiblissant...
que
les
«
»
Puis
il
énumère
les
Parisiens font valoir contre la théorie d'Aristote
Premier doute
:
Gomment
se fait-il
que
la
doutes :
roue qui tourne
autour d'un axe se meut plus violemment après que celui qui la tourne l'a abandonnée à elle-même qu'elle ne se mouvait
auparavant? Gela ne peut
être, semble-t-il,
que par un certain
impetus qui n'est plus réglé, tandis qu'auparavant
il
était réglé
i. Alexandri Achillini Bononiensis De démentis lib. III, in: Alexandri Achillini Bononiensis philosophi celeberrimi Opéra omnia in unum collecta; Venetiis apud
Hieronymum Scotum, MDXLV,
foll. i35,
verso, et i36, recto.
ÉTUDES SUK LÉONARD DE VlNOt
206
par
De même
moteur...
le
longueur
se
longue? De
cette
recevoir
Pourquoi une lance d'une certaine
meut-elle plus rapidement qu'une lance moins
même
encore
être lancée aussi loin à
:
:
Pourquoi une plume ne peut-elle
qu'une pierre?
Il
raison qu'ayant trop peu de
un
aussi
grand impetus de
semble que cela
tient
ne peut
matière, elle
celui qui la lance.
»
Nous
Taisons grâce au lecteur des raisons par lesquelles Achillini s'efforce
Ce
d'accommoder
n'est pas
ces observations à la théorie d'Aristote.
seulement dans
les
Universités italiennes que
ces doctrines parisiennes sont familières à la fin et
au commencement du xvi
e
siècle;
on
les
du xv
e
siècle
enseigne aussi
à l'Université de Paris, qui les a produites.
Dans ses Questions de Physique, imprimées en i5o6, et que nous avons déjà citées, Jean Dullaert de Gand en donne un exposé très complet où nous lisons ces lignes « L'hypothèse [d'Aristote] ne peut expliquer comment un l
homme
:
ne saurait projeter une fève plus loin qu'une flèche.
on en pourrait tirer la conclusion opposée; si c'est l'air, en effet, qui meut le projectile, comme l'air porte plus aisément un petit poids qu'un grand poids, il devra porter la fève qu'on a lancée
Il
y a plus;
si cette
hypothèse
était vraie,
plus loin qu'il ne porte la flèche. cette
Il
de
hypothèse qu'une machine de guerre devrait lancer un
boulet de bois plus loin qu'un boulet de fer; faux.
même
suivrait de
et
cela est
»
Jean Dullaert invoque également contre l'hypothèse d'Aristote
giratoire, être
du toton « qui se meut d'un mouvement en demeurant à la même place, et qui ne peut donc
l'expérience
mû
par l'impulsion de
l'air. »
Les théories parisiennes avaient également cours dans les Universités allemandes où l'influence de Marsile d'Inghen les avait apportées;
vers l'an
Frédéric Sunczel
donne un exposé
i5oo,
à l'Université d'Ingolstadt, très
complet 3 de
la théorie
Johannis Dullaert de Gandavo Qusestiones physicales ; lib. VIII, quaest. 11. Collecta et exercitata Friderici Sunczel Mosellani libcralium studiorum magistri in octo libros Phisicorum Arestotelis : il almo studio Ingolstadiensi. Colophon lmpcnsis Leouardi Alautse bibliopole Viennensis, arte vero et iugenio Pétri Lichlcnstciu Coloniensis anno MDVI die X.XV1II mensis Madii... Liber VI11, quœst. M. i.
a.
:
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
de ïimpetus;
d'Inghen
A que
et
la
marque d'Albert de Saxe
se reconnaît à
chaque ligne de
vivement
et
être lancée plus
L'expérience nous enseigne
l'air.
que
contraire, et la raison en est
plume ne
la
autant à'impetus qu'un corps solide et pesant. Il
cite
d'objecter
plus loin qu'une pierre, car elle opposerait moins
de résistance à l'impulsion de le
cet exposé.
une plume pourrait
selon cette opinion,
«
de Matsile
et
manque pas
théorie d'Aristote, Sunczel ne
la
207
également
«
la
meule de
ensuite; ce n'est pas
en l'abandonnant
et
qui la meut;
l'air
il
»
que Ton meut en
l'artisan
exerçant sur elle une certaine action
reçoit pas
ne saurait mouvoir
une masse aussi considérable, d'autant que la meule continue de se mouvoir longtemps après qu'elle a été abandonnée par Par analogie avec cette expérience, cer-
celui qui la tournait.
tains des plus anciens philosophes prétendaient
Moteur
que
le
premier
au commencement, communiqué au Ciel un
avait,
tel
un toton et l'animer demeure en place, comme
impetus... Les jeunes gens savent lancer
mouvement
d'un
immobile; ce
giratoire tel qu'il
puisque
le
Kepler ne pouvait guère manquer de connaître soit par
la
toton
n'est pas l'air qui produit cet effet,
demeure comme immobile.
même
lecture
»
des œuvres du maître, soit par l'enseignement
des Universités, la relation qu'Albert de Saxe avait établie entre la
masse d'un corps
capacité à recevoir Yimpetas. C'est
et sa
encore l'influence d'Albert de Saxe
immédiate, perçue par et
sur
le
la lecture
De Cœlo, que nous
«Les enfants savent
manière
mouvement de
fois
il
faire
du passage suivant tourner un toton de 1
:
d'autant
plus régulier et plus
qu'il a reçue a été
par
les inégalités
son propre poids triomphe de
vement
s'alanguit-il
le
donnée avec plus qu'il a reçu,
lui-même un grand nombre de révolu
est heurté
l'air;
J.
une influence
mis en mouvement parYimpetus
choc de
1.
révèle l'étude
ce toton est
ce toton effectue sur
mais
t-il,
des Questions sur la Physique
fort bien
uniforme que l'impulsion
tions;
semble
demeure dans une position bien déterminée;
qu'il
de soin; une
et,
peu
Kepleri Opéra omnia,
de
la table,
lui; aussi
a peu, et le toton finit
tomus
III, p.
176.
par
le
son mou-
par tomber.
»
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
208
Dieu n'a-t-il pas pu,
«
temps, produire en
comme
Terre,
la
aussi,
lui
au commencement des de l'extérieur, une
telle
impression? C'est cette impression qui aurait produit toutes ultérieures de la Terre;
les rotations
deux millions;
vigueur parce que le
les entre-
que leur nombre surpasse
tiendrait encore aujourd'hui, bien
déjà
qui
c'est elle
cette impression,
en
effet,
garde toute sa
rotation de la terre n'est gênée ni par
la
choc d'aucune aspérité extérieure, ni par
qui est dépourvu de densité;
elle n'est
fluide éthéré
le
gênée non plus par
aucun poids, par aucune gravité interne; quant la
matière, elle est le sujet
le
conserve afin que
même
la rotation se
à l'inertie de
qui reçoit Yirnpetus et qui
continue.
»
C'est bien la pure doctrine d'Albert de Saxe, transposée par la
substitution de
Terre
la
aux orbites
célestes,
que nous
reconnaissons en ce passage. L'influence de Nicolas de Cues ne s'y perçoit
Kepler y attribue la perpétuité à Yirnpetus entretenu le mouvement diurne de la Terre, c'est
guère;
par lequel est
si
parce qu'aucun frottement externe, aucune tendance interne
un mouvement différent ne tend à affaiblir cet impelas; ce n'est pas parce que la Terre est parfaitement sphérique. Mais Nicolas de Cues a comparé l'impression de Yirnpetus en un mobile à la création de l'âme en un corps c'est cette vers
;
comparaison, semble- 1 -il, qui suggère à Kepler
les considé-
rations nouvelles qu'il va maintenant développer.
Dans le toton la species motus, Yirnpetus produit par l'action des mains de l'enfant a pu se détacher de la cause motrice, s'imprimer dans le corps du mobile et y demeurer un certain temps, bien qu'il n'y fût qu'un hôte. Mais cette species motus 1
,
par laquelle
le
Dieu créateur
globe terrestre, cet impetus
a,
tout d'abord, mis en branle le
initial
a fort bien
pu s'insinuer
plus profondément et d'une manière plus durable dans
corps de
la
spéciale;
cette
terrestre
terre,
s'y
transformer en une forme corporelle
forme corporelle a pu organiser
en vue du mouvement qu'elle produit,
libres annulaires
le
dont tous
les
centres
se
la
la
matière
disposer en
trouvent sur l'axe
de rotation du globe; à cette information en fibres annulaires i.
.1.
Keplcri Opéra omnia,
lomus
111, p.
17G.
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
correspond une faculté motrice;
20Q
la disposition
de ces fibres
mouvement
confère à la terre une raison de se mouvoir d'un
de révolution; Yimpetus, devenu forme corporelle particulière, n'est plus
pour
le
simplement un hôte pour
toton
;
il
se
trouve chez elle
la Terre,
comme
comme un
il
l'était
fermier;
il
en
comprend qu'une telle cause motrice garde une constante vigueur beaucoup mieux que ne l'aurait fait un simple impetas. Que la distribution en fibres annulaires de la matière qui compose un corps puisse prédisposer un corps au mouvement
a vaincu et
dompté
la
matière
et l'on
;
de révolution sur lui-même,
une opinion où Kepler se complaît, ainsi qu'en d'autres suppositions analogues; mais cette opinion ne se rencontre- t-elle pas déjà dans les écrits de c'est
Nicolas de Gués, et ce dernier n'admet-
ment de
rotation sur
lui-même
il
pas que
le
mouve-
naturel à tout corps de
est
révolution? Cette organisation fibreuse qu'il imagine en la Terre, Kepler
compare à la disposition des fibres musculaires dans le cœur; et voilà que cette comparaison le conduit naturellement à une opinion nouvelle où, plus encore qu'en la précédente,
la
nous reconnaissons l'influence de Nicolas de Gués «
Sans doute
laires la
',
en
cette organisation de la Terre
prédispose au
mouvement
:
fibres circu-
qu'elle doit recevoir;
semble toutefois que ces fibres soient plutôt
les
il
instruments
d'une cause motrice que cette cause motrice elle-même. De
même, dans
notre corps, les nerfs, les muscles, les ligaments,
les articulations, les os
ment, mais
ils
sont parfaitement adaptés au
ne sont point
la
cause première du
mouve-
mouvement
;
sont seulement les instruments dont l'âme se sert pour
ils
mouvoir
le
corps.
L'impetus
»
communiqué par
le
Créateur à
donc pas seulement transformé en une devenu une âme. particulière; elle
«
C'est,
d'ailleurs
ne confère à
la
3 ,
i.
J. J.
p.
Keplcri Opéra omnia, tomus Keplcri Opéra omnia, tomus
duhem.
III, p. III, p.
Terre ne
faculté corporelle;
s'est il
est
une âme d'une espèce
Terre ni la croissance, ni la
sensibilité, ni la raison discursive; elle la
2.
la
meut simplement.
178.
179. i4
»
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
2IO
Mais, bien
mieux que
simple impetus, bien mieux
le
qu'une faculté corporelle, cette âme motrice assure
même perpé-
la
du mouvement diurne. Ce mouvement, en effet, n'est plus aucunement pour la Terre un mouvement « On nomme proprement mouvement violent un violent mouvement, venu du dehors, qui meut un corps à rencontre de sa propre nature; mais nous ne pouvons regarder comme contre nature un mouvement que la forme communique à la tuelle régularité
l
:
donne au corps auquel elle est jointe? Qu'y a-t-il, en effet, qui soit plus naturel à une matière que sa forme, à un corps que sa faculté ou son âme? » matière, que la faculté ou l'âme
En
ses jeunes années,
Jean Kepler avait été conduit, par
la
œuvres de Jules César Scaliger, à admettre la docaverroïste et à attribuer le mouvement de chaque astre
lecture des trine à
une intelligence
particulière;
résolut ensuite de renoncer
il
demander aux seules des mouvements célestes; la
à toute hypothèse de cette sorte et de
causes physiques l'explication
théorie de Yimpetus, telle qu'Albert de Saxe l'avait exposée, était
bien propre à
le servir
dans l'accomplissement d'un
tel
dessein; mais l'analogie entre Yimpetus et l'âme, indiquée par
Nicolas de Gués, contribua sans doute à l'en détourner et à
ramener vers
les explications
animistes dont
s'était
il
le
d'abord
détaché. Il
semble
même
que Kepler
ait
emprunté
à l'Évêque
de
Brixen cette hiérarchie des puissances de plus en plus indestructibles qui s'engendrent l'une l'autre afin d'assurer le
vement perpétuel de faculté
la
corporelle qui
Terre
donne
à
:
Yimpetus, d'abord, la
Terre
son
mou-
puis la
organisation
interne, enfin l'âme motrice immortelle.
De même, Nicolas de
Gués avait considéré d'abord Yimpetus
qui peut faire défaut
et cesser lors
même
que
le
«
globe demeure sain
et entier,
parce
mouvement communiqué au globe est un mouvement accidentel et violent, et non point un mouvement naturel»; ce mouvement engendré par Yimpetus, il l'avait assimilé ensuite au « mouvement vital qui ne cesse de vivifier le corps de que
le
l'animal, auquel i.
J.
il
est naturel, tant
Kcpleri Opéra omnia, totnus
III,
p. 175.
que ce corps demeure sain
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINCI et
capable de vie
est détruit
»,
mais qui,
lié
2
du corps,
à l'organisation
lorsque cette organisation s'altère; enfin,
comparé au mouvement de l'âme qui ne peut prendre
intellectuelle,
il
l'avait
mouvement
indépendante du corps, l'âme
fin, car,
1 t
se
meut elle-même. nous avons esquissé
Si
ici l'histoire
qu'ont exercée en l'esprit de Kepler
de la double influence de Yimpetus
la théorie
selon Albert de Saxe et la théorie de Yimpetus selon Nicolas de
Gués, ce n'est point sans intention; nous allons voir, en
que ces deux théories ont sur la constitution de la
influé, et
effet,
d'une manière analogue,
Dynamique de Léonard de
Vinci.
XI La Dynamique de Nicolas de Gués et la Dynamique de Léonard de Vinci. Théorie de l'impeto composé.
En analysant brièvement avons vu deux traditions Saxe
s'y
mêmes
Dynamique de Léonard de Vinci
influent sur la
en un sens ou en
l'autre selon
que l'une ou
problèmes de Mécanique pure; presse de faire
celle
tendance;
prédomine;
se poser des
de Nicolas de Gués
œuvre de philosophe. Voyons, en
ce qu'a produit la première
traditions
et l'orientent
l'autre
porte Léonard à
d'Albert de Saxe
Kepler, nous
mêler, l'une issue d'Albert de
de Nicolas de Gués; ces deux
et l'autre
l'influence
Dynamique de
la
l'article
le
cet article,
suivant nous
dira ce que l'on peut attribuer à la seconde.
Nous savons que Léonard
Questions qu'Albert de Saxe avait d'Arislote
;
il
avait
donc étudié
profondément médité les composées sur le De Cœlo
avait
la théorie
de Yimpetus qui est
développée en cet ouvrage; de cette étude, d'ailleurs, ses notes portent mainte trace; on n'eu pourrait souhaiter aucune qui lut plus nette ce
i.
Si
que
celle-ci
une roue dont
le
*
:
mouvement
est
devenu de plus en
Les manuscrits de Léonard de Vinci; ms. B de la Bibliothèque de l'Institut, verso.
fol. a 6,
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
2 12
plus violent donne d'elle-même, après que son moteur l'aban-
donne, beaucoup de tours, il paraît clair que persévère à la faire tourner en sus de la dite
si
ce
moteur
vitesse, cette
persévérance peut avoir lieu avec peu de force. Et je conclus
que pour vouloir maintenir ce mouvement, le moteur n'aura toujours que peu de fatigue, et d'autant plus que, par nature, il
se fixera.
»
Pénétré des doctrines qu'Albert de Saxe a développées tou-
chant Yimpeius, Léonard va s'en servir pour commenter ce qu'a dit Nicolas de Cues au sujet de cette
De
lecture des dialogues
Possest ou
De
même
ludo globi va ainsi lui
suggérer des problèmes de Mécanique auxquels sa théorie de Yimpeto
notion; la
il
appliquera
composé.
Voyons d'abord en quoi consiste cette théorie. Léonard semble avoir conçu sa théorie de Yimpeto composé sous l'influence d'une doctrine d'Albert de Saxe. Albertutius examine cette opinion, émise par Aristote en sa
Physique
vement
un mouvement
:
réfléchi est toujours séparé
un repos intermédiaire;
direct qui l'a précédé par
à ce propos qu'il écrit ces lignes
i
c'est
:
Lorsqu'une pierre ou une flèche
«
du mou-
est lancée vers le haut,
mouvement de descente, qui est naturel, sont séparés l'un de l'autre par un repos intermédiaire, à moins que le choc contre un obstacle ne mette empêchement à ce repos... En effet, considérons un
le
mouvement
d'ascension, qui est violent, et le
grave qui est projeté vers
monter,
faut
il
le
que Yimpetus qui
de surpasser l'ensemble de stance
du milieu mais ;
à descendre cette vertu
ce
que
;
en
haut; pour que ce grave cesse de
effet,
impulsive
la gravité
dant lequel
s'affaiblisse
la
de la rési-
il
faut
que
non pas seulement jusqu'à cette vertu impulsive,
somme
de Yimpetus et de
la
demande un certain temps penne monte ni ne descend. »
or, cela
le projectile
Aculissiinx quœstiones in libros de physica auscultatione ab Alberto de Saxonia
i.
edit.r
;
et
ne commence point aussitôt
du mobile surpasse
du milieu
du mobile
qu'il puisse descendre,
mais jusqu'à ce qu'elle surpasse résistance
porte vers le haut cesse
la gravité
le projectile
pour
le
;
octavi libri quœst. XII.
2l3
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
Cette curieuse théorie suppose, contrairement à nos opi-
nions modernes, que projectile
la résistance
de
même
ne s'annule pas en
au mouvement d'un
l'air
temps que
du
la vitesse
une certaine valeur projectile est immobile; elle
projectile; elle attribue à cette résistance
même
finie,
l'assimile
dans
cas
le
où
le
donc à ce que nous nommerions aujourd'hui un façon de traiter la résistance de
frottement. Cette
se
l'air
retrouve constamment dans les écrits d'Albert de Saxe et de
que Marsile d'Inghen ou Biaise de Parme.
ses disciples, tels
La théorie contenue dans
vivement
citer paraît avoir
passage que nous venons de
le
des successeurs
sollicité l'attention
d'Albert de Saxe. Marsile d'Inghen la reproduit dans ses divers écrits «
l
sur la Physique d'Aristote.
Supposons,
lancée vers
dit -il
»
haut pèse
le
doit traverser soit le
haut sera
i
ses
Abréviations,
3 et
que
la résistance
monte, que ïimpetus qui
la pierre
surpasse
Or,
4-
il
temps,
la pierre
est plus
milieu,
il
il
surpasse
4,
mouvement
2,
pousse vers
il
est
précisément égal à
3,
il
;
comme
ne
suffît
le
pour haut
i
;
pendant ce ;
en
effet,
inférieur à la
vers le haut; d'autre
en s'unissant à
3
la puis-
faut donc,
la résistance
donne, à l'encontre du mouvement vers
une résistance qui surpasse est
que
qu'elle
temps pendant lequel
certain
petit
résistance qui s'oppose au
comme
un
s'écoulera
la
il
si
ne pourra ni monter, ni descendre
puisque Y impetus
part,
du milieu
inférieur à 4 et supérieur à
cet impetus sera
qu'une pierre
action ne peut être effectuée
sance est égale ou inférieure à la résistance;
que
«
au mouvement vers
la résistance totale
;
Aucune
4.
en
le
le
du
bas,
poids de la pierre
pas à faire descendre
la pierre. »
Léonard de Vinci
a-t-il
connu
les
Questions sur
la
Physique
d'Albert de Saxe? Nous n'en avons pas d'indice certain. Plusieurs de ses notes
nous feraient volontiers supposer
avait lu les Abréviations de Marsile d'Inghen.
ne paraît pas
qu'il ait
pu ignorer
la théorie
En
qu'il
tout cas,
il
dont nous venons
75" fol. libri phisicorum édite a Marsilio Inguendoctore Parisiensi Quœstiones subtilissimœ Johannis Marcilii Inguen super octo libros physicorum secundum nominalium viam; libri octavi qunestio VIII. 1.
Abbreviationes
imprimé,
col. d.
—
;
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
<2\[x
de parler;
elle était,
de son temps, tout à
fait
classique dans
les écoles.
En
du xv e
seconde moitié
la
siècle,
l'Averroïste
TNicolô
Vernias de Chieti enseigne à l'Université de Padoue; avec
Philosophe
ment du regarde
Commentateur,
et le
enseigne
1
que
projectile est entretenu par l'agitation
comme
contraire
soutenue par Albertutius réfuter,
la
il
et
phénomène de il
la balle
par
les autres
il
Terminalistes; pour est contredite
par
le
qui rebondit après avoir touché terre;
citer et qu'il attribue à Marsile
L'un des philosophes dont Vernias critique touchant Yimpetus
est
Padoue;
mentaires à
du milieu;
développe un calcul tout semblable à celui que
nous venons de
versité de
mouve-
toute vérité la théorie de Yimpetus
cherche à prouver qu'elle
il
dans ce but,
ii
le
le
d'Inghen.
opinions
les
Gaétan de Tiène, son collègue à l'Uni-
celui-ci venait, en effet, de
donner
ses
com-
Physique d'Àristote; or en ces commentaires,
la
de Yimpetus est très exactement présentée selon
où
la théorie
la
tradition des Terminalistes de Paris,
calcul que nous avions lu
dans
les
nous retrouvons 2
Abréviations de
le
Marsile
d'Inghen.
La théorie Paris; vers
si
bien connue à Padoue n'était pas oubliée à
l'an
Jean Dullaert de Gand,
i5oo,
régent
du
Collège de Montaigu, enseignait en ce collège la doctrine de
Yimpetus; son exposition n'était guère autre chose que
le
déve-
donnée Marsile d'Inghen dans ses Abréviations aussi y trouvait-on 3 le raisonnement par lequel Marsile démontrait l'existence d'un temps de repos entre la montée et la descente d'un projectile. loppement de
celle qu'avait
;
du repos intermédiaire entre l'ascension et la descente d'un projectile n'était pas moins connue en Allemagne qu'à Paris et en Italie; Frédéric Sunczel, qui, vers Enfin, la théorie
l'an i5oo, enseignait à l'Université d'Ingolstadt, et qui citait i.
Nicoleti Theatini Quœstio de gravibus et levibus. Cette question est
imprimée
à
des Quœsliones in libros de physica auscultations d'Albert de Saxe, publiées à Venise, en i5i6, par les héritiers d'Octaviano Scoto. 2. Ttecollete Gaietani super octo libros Physicornm ; Venetiis, per Bonetum Locatellum et Octavianum Scotum, i4g6 fol. 4q, col. d. Johannis Dullaert de Gandavo Qusestiones in libros physicorum Aristotelis ; in la
lin
;
,'i.
octavum librum quœstio
II
;
Parisius,
perOlivierum SenantetNicolaum Depratis,i5o6.
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
volontiers Marsile d'Inghen
commentaires à
la
dans
expose
ses leçons,
Physique d'Aristote
2l5 *~
en ses
raisonnement ima-
le
giné par Albert de Saxe.
Léonard de Vinci,
curieux de tout ce qui concerne
si
du mouvement,
la
pu ignorer une doctrine si généralement enseignée de son temps il l'a sûrement connue et science
n'a
;
méditée,
il
mais
s'en est visiblement inspirée,
l'a
il
profon-
dément modifiée. Selon
la
projectile
doctrine d'Albert de Saxe,
en
partage
se
mouvement de
le
mêmes
périodes, le mobile est soumis aux trois
sont Yimpetus,
que
telles
le
durant ces
périodes;
trois
tout trois
actions qui
la gravité naturelle et les résistances extérieures,
frottement ou la résistance du milieu; mais les
proportions de ces trois forces varient selon la période que
durant
l'on considère;
rieur à la
durant
la
somme
de
première période, Yimpetus
la
la gravité et
de
seconde période
la gravité
sur
de quies média)
est celle
supé
la résistance extérieure;
seconde période, Yimpetus est inférieur
mais supérieur à l'excès de
est
;
la
à cette
somme,
résistance (cette
durant
la
troisième
période, enfin, Yimpetus est moindre que l'excès de la gravité
sur la résistance extérieure.
Léonard de Vinci décompose aussi en
vement d'un
projectile
pour y parvenir,
et,
mêmes actions que comment il caractérise ces la
naturelle; violent
En
trois périodes
première, Yimpetus ou,
assez puissant
est
le
comme
était
se
s'est
comme
:
dit
Léonard, Yimpeto la
gravité
meut d'un mouvement purement
dénué de poids.
la dernière période,
au mobile
considère les
pour annihiler complètement
projectile s'il
il
mou-
maître Albert de Saxe; mais voici
trois
En
trois périodes le
Yimpeto qui avait été
totalement évanoui;
soumis qu'à sa gravité,
se
le
communiqué
mobile, qui n'est plus
meut d'un mouvement purement
naturel.
i.
Collecta et exercitata Friderici Sunczel Mosellani liberalium
studiorum magistri
Physicorum Arestotelis, in almo studio Tngolstadiensi, Colophon Laus Deo finiunt... impressa sub hemisperio Veneto impensis Leonardi Alantse, bibliopole Viennensis, arte A'ero et ingenio Pétri Lichfenstein Coloniensis. Knno MDVI... In librum octavum quaestio VIII. in octo libros :
:
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
2l6
Entre
deux périodes extrêmes
ces
une période
s'écoule
intermédiaire durant laquelle la gravité et Yimpeto coexistent contre l'autre; c'est
et luttent l'un le
la
période d'impeto composé;
mobile se meut d'un mouvement mélangé de naturel
et
de
violent.
S'agit- il, par
exemple, d'un projectile qu'une pièce
lancé? Durant la première période du mouvement, ce
lerie a
meut en
projectile se
ligne droite dans la direction où la pièce
a été pointée; durant la troisième période,
lement;
c'est
seulement durant
la
tombe
il
vertica-
période d'impeto mixte que
boulet suit une trajectoire curviligne
le
d'artil-
par laquelle sont
raccordés ces deux segments de ligne droite. Telle est la théorie de Yimpeto composé, créée par
en transformant
la doctrine
de Saxe. Plagiée par
d'Albert
Tartaglia, par Cardan, par Bernardino Baldi
plus grande influence sur
le
1 ,
elle a
développement de
la
qui se rencontrent,
épars,
dans
notes
les
exercé la
Dynamique.
Nous allons réunir quelques-uns des fragments de trine
Léonard
cette doc-
du grand
peintre.
Ces fragments, nous
les recueillerons
nous
savons
postérieurs
cahier
A
Bibliothèque de l'Institut
le
de
la
Codice Trivulzio,
il
en
cahier E, conservé en la
ment
cahier l'ordre
de celles que
A nous aurons ;
où
il
Codice
même
;
de
même
Bibliothèque;
2
le
Codice
est
le
format que
l'autre est le
;
les
sont, bien souvent,
renferment
l'un
Trivulzio;
est la suite naturelle
l'on y trouve consignées 3
au
en deux cahiers que
pensées que
le
développe-
Trivulzio
et
le
soin d'ailleurs de lire ce cahier E dans
a été écrit, c'est-à-dire
en ordre inverse de
la
pagination. Voici d'abord, au cahier
A 4 un fragment où Léonard ,
Duhem, De
établit
l'accélération produite par une force constante, notes pour servir à Dynamique; §§ IV et V {Congres international de Philosophie tenu à Genève du h au 8 septembre 1904; pp. 875-880). Léonard de Vinci et Bernardino Baldi, IV (Études sur Léonard de Vinci, première série, pp. 16- 118). 2. P. Duhem, La Scientia de ponde ribus et Léonard de Vinci, IV (Études sur Léonard de Vinci, première série, p. 272). 3. P. Duhem, La Scientia de ponderibus et Léonard de Vinci, passim (Études sur Léonard de Vinci, première série). 4. Les manuscrits de Léonard do Vinci; ms. A do la Bibliothèque do l'Institut, i
.
P.
l'histoire de la
—
1
fol. 4, recto.
NICOLAS DE CLES ET LÉONARD DE VINCI
317
du mouvement, de celle où, entièrement évanoui, le mobile se meut exclu-
l'existence de la troisième période
Yimpeto s'étant
sivement par nature
:
La pierre ou autre chose pesante, jetée avec furie, changera la ligne de sa course à moitié chemin. Et si tu connais «
une tienne arbalète qui
tire
200 brasses, place -toi à une
à
distance de 100 brasses d'un clocher, mets
au-dessus
de ce clocher
et
ta
tire
le
point de mire qu'à
tu verras
flèche;
100 brasses au delà de ce clocher la flèche se fichera en ligne perpendiculaire; et
tu la trouves ainsi, c'est signe qu'elle
mouvement
avait fini le
vement
si
violent et qu'elle entrait dans le
mou-
naturel, c'est-à-dire qu'étant pesante, elle tombait,
libre, vers le centre. »
nomme
Vimpelo, que Léonard dentelle
ou
la gravité
la forza,
extrinsèque,
considérer en cette
l'énumération «
»
naturelle
et,
enfin, la résistance
y a lieu de théorie du mouvement mixte; en voici
sont
telles
souvent aussi la gravité acci-
les
trois
actions
qu'il
:
— Trois
Répartition du poids.
sont les natures du grave
;
l'une est sa gravité simple naturelle; la seconde est sa gravité accidentelle;
Mais
le
la
troisième est
poids naturel
est,
en
le
soi,
frottement produit par
immuable;
lui.
l'accidentel, qui se
joint à lui, est infini avec la forza; et le frottement est variable
selon que les lieux où
il
se fait sont âpres
ou
délicats.
»
du frottement et non point de la résistance de l'air; au cahier E, en effet, où l'étude du frottement tient d'ailleurs une grande place, la théorie de Yimpeto composé n'est pas appliquée à des projectiles jetés en l'air, mais à des Léonard parle
ici
mobiles qui roulent sur C'est ainsi
que
le sol.
les trois
périodes en lesquelles se décompose
mouvement mixte sont mises en évidence par l'analyse du mouvement de la toupie. Nicolas de Gués nous avait tout
dépeint, en son dialogue
imprimé en
la
Possest, Yimpetus
la
:
« 11
Les manuscrits de Léonard de Vinci; Ms.
fol. 54,
verso.
que l'enfant a
y demeure plus ou moins force d'impression qui a communiqué
matière du toton
longtemps, selon 1.
De
E de
la
Bibliothèque de
l'Institut,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
2ï8 cette vertu
lorsque cet esprit cesse de vivifier
;
reprend son mouvement vers
le centre,
le
comme
toton, celui-ci
au préalable.
»
Léonard, inspiré sans doute par ce passage, va nous décrire,
en
qui meurt, la lutte de Yimpeto de circonvolution
la toupie
contre
la gravité naturelle;
contrariée par celui-là, car
pas sur l'axe de se
coucher
et
toupie
la
là,
ce jouet désire naturellement
non pas demeurer debout
Du mouvement
u
voit sa tendance
effet,
centre de gravité ne se trouve
le
par
;
en
celle-ci,
de circonvolution
1 .
:
— La
toupie qui, par
la
rapidité de sa circonvolution, perd la puissance qu'a l'inégalité
de sa pesanteur autour du centre de sa circonvolution, par cause de Yimpeto qui domine ce corps, est un corps qui n'aura
jamais
la
tendance à l'abaissement que désire l'inégalité de sa
pesanteur tant que
ne
se fait «
la
puisance de Yimpeto moteur de ce corps
pas moindre que
Mais quand
la
de Yimpeto, alors
la
puissance de l'inégalité.
puissance de l'inégalité surpasse elle se fait
volution, et ainsi ce corps,
centre du
amené
centre le reste du susdit impeto. «
Et
quand
la
la
»
puissance
mouvement de
circon-
à rester gisant, finit sur ce
»
puissance de l'inégalité se
fait
égale à la puis-
sance de Yimpeto, alors la toupie s'infléchit obliquement et
deux puissances combattent avec mouvement composé, se
meuvent
l'une l'autre avec
s'établisse le centre de la
un grand
En
ce passage,
et elles
circuit, jusqu'à ce
que
seconde espèce de circonvolution;
en celui-ci Yimpeto termine sa puissance.
les
et
»
Léonard caractérise avec netteté
la
première
période du mouvement, celle où Yimpeto, plus puissant que la gravité, et
supprime complètement l'influence de
détermine seul
le
mouvement du mobile en ;
cette dernière cette
première
période, la toupie, délivrée de sa pesanteur, est animée d'un
mouvement de
rotation parce
veut ainsi;
s'agissait
ment de
s'il
que Yimpeto qui
Léonard do Vinci,
le
communiqué un mouvement de
translation, durant cette première période,
i.
possède
d'un mobile auquel quelque instru-
projection aurait
droite dans la direction
la
il
irait
que Yimpeto, triomphant de
loc. cit., fol. 5o,
verso.
en ligne la
pesnn-
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINCI
Léonard
leur, lui imposerait;
aussitôt après le passage «
et
Le mouvement
fait
a soin de
nous en avertir» tout
que nous venons de
par
mobile qui
le
est
:
de figure longue
aussi lontemps que subsistera celui qui vit en lui,
l'air
c'est-à-dire Yimpeto fourni par
note porte
Cette
titre
le
donc appliquer
voulait
la
son moteur.
»
Théorie des volatiles; Léonard
:
proposition qui en est l'objet à
tbéorie du vol des oiseaux; cette théorie, en
méditations, ne cesse de
de ses rédige
Des
— Pourquoi
et
feuillets après
mouvements
leurs
— Tous
la
droits,
et
surtout
même tels
Mais
si les
mouvement
demi-naturel, la
corps ne se variant
où
il
se
mouvement de
le
meut,
et
cette
la ligne centrale
ladite ligne centrale.
Un
courbure aura
le sol
a,
fait,
de
l'air
ou qu'on
fait
généralement, une trajectoire courbe, par
ou du frottement; Léonard, qui semble l'attribuer à une influence directe de de
l'air
forme du corps sur Yimpeto qui se
galité de cette
concave
»
suite de la résistance
constate le
la partie
dit est plus éloignée
corps dissymétrique qu'on lance en
rouler sur
de leur
ce corps se courbera dans
du côté où l'extrémité du corps déjà
forme;
si telle
varierait par suite de l'iné-
est sa pensée, elle rappelle celle
que Nicolas de Gués émet dans son De ludo rait croire qu'elle a
i.
le
le
extrémités latérales des corps qui ont une lon-
grosseur, alors
2.
laté-
))
gueur sont inégalement distantes de
l'air
corps qui ont
les
ligne centrale de leur grosseur,
puissance de Yimpeto conducteur de
«
que nous
celui
un mouvement de
Voiseau fait
naturel, mais aussi le violent et de
pas.
qu'il
qui se meuvent en ayant les extrémités
également distantes de
feront
préoccuper tandis
le
circonvolution en ployant la queue.
rales
constant
:
oiseaux.
une longueur
effet, sujet
la
nous trouvons une nouvelle note 3 qui développe
lire,
précédente «
Quelques
cahier E.
le
venons de
la
citer
de côtés uniformes autour de sa ligne centrale sera droit
dans
la
319
Léonard de Vinci, Léonard de Vinci,
globi et
Ton
subi l'influence de cette dernière.
loc. cit., fol. 5o,
recto.
Inc. cit., fol. 35,
verso.
pour-
ETUDES SUR LEONARD DE VTNCI
220
nous doutions que ces pensées de Léonard aient subi
Si
du dialogue De ludo
l'influence
acquérir
globi,
de tourner
la certitude,
aussitôt
raient
une
,
nous
effet,
un dessin
pour en
du cahier E tout nos yeux rencontre-
(fig.
;
2) qui
représente
un hémisphère touche
spirale;
en un point de
sol
suffirait,
le feuillet
en
1
il
la
le
circonférence qui
circonscrit sa base et roule le long de cette spirale; c'est la figure
même du jeu
de globe que Léonard a tracée et c'est à ce jeu, décrit par Nicolas de Cues, qu'il
va appliquer ses théories dynamiques.
Tout à côté de ce dessin s'en trouve
un
autre
mier;
3) qui diffère
(fig.
mobile n'a plus
le
peu du pre-
la
forme d'un
hémisphère, mais d'un tronc de cône; ce
FlG.
meut d'abord en ligne droite suivant une trajectoire AGF le Léonard a écrit « mouvement simple » cette tronc de cône se
long de laquelle
:
prend ensuite
trajectoire
;
la figure
d'une spirale F B G qui porte ces
mots enfin,
mouvement composé;
«
:
tronc de cône
le
telle sorte
dont
il
que
fait
le
sa
la
demeure
une
fixe; le
circonférence de
grande base touche
alors
roule de
sommet du cône
partie
point par lequel
»
décrit
le sol
GDE mouve-
trajectoire circulaire
que désignent
ment simple.
les
mots
:
«
»
Cette figure est accompagnée d'explications
que voici
:
—
«De /'impeto composé. nomme mouvement composé
Fig. 3
On
celui
qui participe de Yimpeto du moteur et de Y impeto du mobile,
comme i.
est le
mouvement FBG,
Léonard do Vinci,
lac. cit., fol. 35,
recto.
qui est au milieu de deux
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
22
1
mouvements simples. L'un de ceux-ci est auprès du principe du mouvement et l'autre auprès de la fin; A G est le premier,
CDE
celui qui est près de la fin. Mais le
lement au moteur mobile. «
De
dernier est seulement de la figure du
et le
»
/'impeto décomposé
mobile avec
le
premier obéit seu-
.
— L'impelo décomposé accompagne
trois natures à'impeto.
du moteur
Deux
d'entre elles nais-
du mobile; mais les deux du moteur, c'est le mouvement droit du moteur mêlé avec le mouvement courbe du mobile, et la troisième est le mouvement simple du mobile, qui tend seul à se tourner avec le sent
et la
troisième
milieu de sa convexité au contact du plan où
il
tourne
se
et pose. »
Léonard avait sûrement l'intention Yimpeto composé globe; aussi
le
d'écrire
un
un chapitre sur
et d'y introduire
le
jeu du
fragment que nous venons de reproduire
immédiatement
notes
suivi de
où
1
de brouillon du chapitre projeté
l'on reconnaît
Léonard y donne
;
tion de l'hélice et de l'hémisphère;
il
de
traité
est-il
une
sorte
la défini-
y trace un dessin
(fig.
U)
où l'on voit un hémisphère qui roule en touchant
le
sol
par un point de sa tranche, tandis
qu'un
hémi-
autre
sphère, reposant par son pôle,
demeure en équilibre; de ce dessin, «
il
écrit
à côté Fig.
:
4.
Le mouvement de l'hémi-
sphère,
commencé
sur
un point de
la
circonférence de son
plus grand cercle, finit sur
le
point milieu de cet hémisphère;
On
le
prouve par
décrit la ligne hélice.
il
la
seconde de Yimpeto
»
composé qui
»
lente
«
Celle-là sera d'autant plus courte qu'elle est plus distante
»
de
le
que
dit
:
l'autre
la rectitude
«
De Yimpeto composé une d'autant qu'elle
du mouvement
mouvement de l'hémisphère 1.
Léonard de Vinci,
loc. cit., fol.
34, verso.
sera plus courte.
par son moteur.
»
Et
:
Donc composé d'un mouvement
fait
est
partie sera plus
»
ETUDES SUK LEONARD DE VINCI
222
de beaucoup de révolutions entières
et
d'un
mouvement d'une
demi -révolution. » La théorie de Vimpeto composé, empruntée à Léonard par e divers mécaniciens du xvi siècle, a joué un rôle important dans le développement de la Dynamique; une doctrine d'Albert de Saxe, profondément transformée, lui a donné nais-
aucunement contribué à la suggérer; mais les diverses questions de Dynamique auxquelles le Cardinal Allemand avait fait allusion dans sance sans que l'influence de Nicolas de Cues
ses écrits ont fourni
au Vinci des problèmes auxquels
appliquer cette théorie.
comme exemple tiles,
les
ait
En
il
put
choisissant le curieux jeu de globe
de sa doctrine sur
mouvement
le
Léonard nous a formellement témoigné
œuvres de l'Évêque de Brixen;
jusqu'ici pouvaient laisser place au cette connaissance, cette dernière
les
si
des projec-
qu'il connaissait
indices recueillis
moindre doute touchant
preuve
suffirait, et
au delà,
à le dissiper.
Nous venons de voir Léonard de Vinci appliquer à des problèmes de Dynamique posés par Nicolas de Cues une théorie que l'influence d'Albert de Saxe lui avait suggérée; c'est
maintenant l'influence
même
nous allons voir s'insinuer dans elle
de l'Évêque de Brixen que
l'esprit
du grand peintre où
engendrera toute une Philosophie de
la
Mécanique.
XII
La Dynamique de Nicolas de Cues et la Dynamique de Léonard de Vinci (Suite). La théorie métaphysique du mouvement. A deux
reprises, Nicolas de Cues, voulant expliquer l'acte
qui crée une
àme dans un corps jusque-là
sans vie,
le
compare
une masse jusqu'alors sans mouvement; de là à assimiler Yimpelus à une âme, il n'y a qu'un pas, et ce pas, les lecteurs de Nicolas de Cues devaient à l'acte qui infuse Yitnpetas dans
être
grandement
tentés de le franchir.
NICOLAS DE CLES ET LEONARD DE VLNC1
Kepler Fa franchi; dès
commencement
le
par
se transformât d'abord
âme
Créateur à chacune des planètes
le
en une faculté corporelle, puis en une
immortelle. Bien avant Kepler, Léonard de Vinci avait,
sous l'influence des
semblable doctrine; spirituel tout Il
voulu que Yirnpetus communiqué
a
il
22Ô
ne
lation;
il
de Nicolas de Cues, conçu une
comme un
avait regardé Yirnpetus
être
semblable à une âme.
s'était il
écrits
pas borné, d'ailleurs, à indiquer cette assimi-
en avait
fait la
proposition fondamentale d'une vaste
doctrine métaphysique qui
du mouvement. Les notes nombreuses
embrassait tous
les
effets
de la
force et
philosophie de
la
étendues où Léonard expose sa
et
Mécanique ont,
de ceux qu'intéresse son génie
l
parfois, ils
;
attiré
l'attention
y ont trouvé bien des
énigmes qui ont exercé leur sagacité sans qu'ils en pussent donner une solution pleinement satisfaisante. C'est que les pensées que le grand artiste a émises à ce sujet sont un véritable labyrinthe;
n'en possède
par
la
le fil
on ne peut
conducteur,
et ce
seule lecture de ces pensées
quer par
les doctrines
qui
les
les suivre
;
il
fil
ne
avec ordre se
l'on
peut découvrir
les faut éclairer et expli-
ont suggérées, par
la
de l'École terminaliste qui en a bien souvent fourni et
si
Mécanique la
matière,
surtout par la Métaphysique de Nicolas de Cues qui leur a
imposé
sa propre forme.
Aidé par puisé,
la
connaissance des sources auxquelles Léonard a
nous allons nous efforcer de
se peut, le cours qu'a suivi sa
retracer, autant
faire
Métaphysique du mouvement.
Et d'abord, voyons cette Métaphysique naître de
même
que la
lecture
des écrits de Nicolas de Cues.
Dans
ses curieux dialogues
paré la vie de l'âme dans
le
de VIdiot, Nicolas de Cues a com-
corps à la persistance du mouve-
ment sonore dans la cloche; en son De ludo globi, en son dialogue De Possest, il l'a assimilée à l'existence de Yirnpetus dans le mobile entre la cause qui maintient un corps sonore en vibration et la cause qui maintient un projectile en mouve;
i. Voir, en particulier, Gabriel Séailles. Léonard de Vinci, l'artiste et le savant (i4ôa-i5ig); essai de biographie psychologique ; 2* édition, Paris, 190G, pp. 3i8-3ao.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE. VINCI
22Z|
une assimilation qui n'a point échappé au Vinci, témoin cette page du Codice Trivulzlo Je dis que tout corps mû ou frappé retient « De la violence.
ment,
y a
il
là
1
:
—
en lui-même, pendant un certain temps, la nature de ce mouvement ou de cette percussion il la retiendra plus ou moins ;
mouvement ou de
selon que la puissance ou la force de ce ce coup sera plus
ou moins grande.
»
— Vois
combien de temps une cloche qui a été frappée retient en soi la rumeur de la percussion. » « Vois combien de temps une pierre projetée par une bombarde conserve la nature du mouvement. » a Un coup donné dans un corps dense produit un son qui dure plus longtemps que s'il était donné dans un corps plus «
Exemple.
dans ce dernier corps,
rare, et
un corps suspendu a
et subtil.
il
durera davantage que dans
»
L'œil garde quelque temps en soi les images des corps
lumineux.
»
Aux deux exemples donnés par Nicolas de Cues, Léonard en a joint ici un troisième la persistance des impressions lumineuses; il enjoint un quatrième dans cette pensée que nous :
1
lisons «
au cahier A,
Le coup donné dans
blance imprimée l'air;
mais
dans
la
il
la
comme
faut voir
cloche ou
du Codice
suite naturelle
la
dans
:
cloche laisse après lui sa ressem-
le Soleil
si
Trivulzlo
dans
l'œil et l'odeur
dans
ressemblance du coup demeure
l'air;
et
cela,
tu l'apprendras en
posant, après ce coup, ton oreille à la surface de la cloche.
»
La préoccupation qui dicte cette pensée est évidente. Tous les physiciens sont d'accord pour attribuer le mouvement du
une certaine ressemblance persistante du mouvement du moteur; mais pour les Péripatéticiens et pour les
projectile à
Averroïstes, cette ressemblance est empreinte dans
avoisine
impelas
le
mobile, tandis que
imprimé dans
ment d'un
le
les
qui
un du mouve-
Terminalisles en font
mobile même; l'analogie
projectile avec la trépidation sonore d'une cloche
suggère à Léonard un
moyen de résoudre
i.
Léonard do Vinci, Codice
2.
Les manuscrits de Léonard de Vinci; ms.
fol. as, verso.
l'air
la
question.
Trivulzio, fol. 43, recto (81).
A de
la
Bibliothèque de
l'Institut,
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
résout assurément dans le sens voulu par les Termina-
Il la
dans
c'est
listes;
lement
le projectile
nommera
vertu qu'il
même
1
à impeto
qu'il fait résider cette
plus tard impeto, en traduisant littéra-
mot impetus employé par
le
nom
Ce
220
est,
l'École.
notamment,
trons au cahier que Venturi a
celui
marqué de
que nous renconla lettre
G
et
que
conserve la Bibliothèque de l'Institut; disons quelques mots de ce manuscrit.
Le recto du dernier
Au
i5io.
il
a à ne pas
même
de la couverture porte ces mots
jour 26 de septembre, Antoine se cassa
«
la
feuillet
bouger
[\o
jours.
»
Au
couverture, nous lisons
:
jambe;
la
verso du premier feuillet de :
Le magnifique Julien de
«
Medicis s'en alla au jour 9 de janvier i5i5, à l'aurore, de
Rome, pour
aller
nous arriva
la
Le cahier
G
épouser sa
nouvelle de
donc
a
la
femme en mort du
roi de France.
de Léonard; d'autres cahiers
mêmes années;
couvraient également de notes durant ces
tel le
»
servi à plusieurs reprises, entre i5io
et i5i5, à recueillir les réflexions
se
Savoie; et en ce jour
cahier E, où se lisent plusieurs dates relatives à l'an-
née i5i4-
du cahier G ait été rempli à peu près en même temps que Léonard couvrait de ses pensées les pages du cahier E, on le devinerait à la similitude des sujets traités
Que maint
comme prouver
feuillet
des expressions qui servent à les traiter. ici
cette similitude
ments; un seul
pourrait
par une infinité de rapproche-
suffira.
Nous lisons au cahier E «
On
Définition de V impeto.
l :
—
U impeto
une vertu créée par
est
mouvement et transmise par le moteur au mobile, mobile qui a de mouvement ce que Y impeto a de vie. » Au cahier G, nous trouvons ces réflexions « U impeto est impression de mouvement transmise par le
le
2
:
moteur au mobile.
1.
Les manuscrits de
»
Léonard de Vinci, ms. E de
la
Bibliothèque de
l'Institut,
fol. 22, recto. 2.
Les
fol. 73,
manuscrits de Léonard de Vinci, ms.
G de
la
Bibliothèque de
l'Institut,
recto. p.
duhem.
i5
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
22Ô «
L'impeto est une puissance imprimée par
mobile.
le
«
»
Toute impression tend à
manence. On dans le
la
le
du spectateur
l'œil
permanence ou
la
prouve dans l'impression
marteau qui frappe «
moteur dans
le
et
désire la per-
par
faite
dans l'impression du son
la cloche.
le
soleil
par
fait
»
Toute impression désire permanence,
comme nous montre
ressemblance du mouvement imprimée dans
le
Ces deux citations ne nous marquent pas
mobile.
»
seulement
la
grande analogie que l'on peut souvent reconnaître entre
les
du cahier E
réflexions
du cahier G;
et celles
mettent encore de rapprocher
Léonard consignait au Codice qu'il écrivait sous
ces
elles
de celles que
dernières
Trivulzio
nous per-
ou au cahier A,
alors
l'influence manifeste d'Albert de Saxe et
remarque a son importance; nous aurons bientôt occasion de nous en souvenir, en notre de
Nicolas
de
Gués.
Cette
article XIII.
que Léonard a appelé impeto
C'est assez tard, semble- t-il,
vertu que les scolas tiques et B,
il
la
nomme
nommaient
forza,
nom
impetus; aux cahiers
la
A
auquel, pour prévenir toute
confusion avec notre moderne notion de force, nous garderons sa forme italienne.
Léonard va donc chercher à préciser, en de nombreuses notes du cahier A, la nature métaphysique de cette forza;
il
y reviendra au cahier B c'est à ce cahier que nous emprunterons une première définition ;
I
:
«
Quelle chose esl la forza.
— Je dis que
la
forza est une puis-
sance spirituelle, incorporelle, invisible, qui, avec une courte vie, se
cause dans ces corps qui, par une accidentelle violence,
se trouvent tuelle,
hors de leur être
et
repos naturels.
parce que dans cette forza
porelle, et croît ni
J'ai dit spiri-
y a une vie active, incorje dis invisible, parce que le corps où elle naît ne il
en poids ni en forme; de peu de
toujours elle désire vaincre sa cause
et,
vie,
parce que
celle-là vaincue, se
tue. » i.
Les manuscrits de Léonard de Vinci
fol. 63, recto.
;
ma. B de
la
Bibliothèque de l'Institut,
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
Cette définition se trouvait déjà, sous
au cahier A «
Ce que
i
227
une forme plus
détaillée,
:
que
c'est
la
forza.
— Je
que
dis
la
forza est une
vertu spirituelle, une puissance invisible qui, au
moyen d'une
violence accidentelle extérieure, est causée par
mouvement,
introduite et infuse dans les
le
corps, qui se trouvent tirés et
détournés de leur habitude naturelle;
elle leur
donne une
vie
active d'une merveilleuse puissance, elle contraint toutes les
choses créées à changer de forme
mort désirée
à sa
lenteur la
va
et
grande
fait
de place, court avec furie
et
se diversifiant suivant les causes.
et la vitesse la fait faible; elle naît
La par
violence et meurt par liberté. Et plus elle est grande, plus vite
consume.
elle se
Elle chasse avec furie ce qui s'oppose à sa
destruction, désire vaincre et tuer la cause de ce qui lui obstacle
et,
fait
vainquant, se tue elle-même. Elle devient plus
puissante en trouvant de plus grands obstacles. Toute chose fuit volontiers sa mort. Toute chose qui est contrainte contraint
elle-même. Rien ne
meut sans
se
Le corps où
elle.
elle naît
ne croît ni en poids ni en forme. Aucun mouvement
Le corps auquel
La forza l'âme
l'est
mobile la
par
durable. Elle croît dans les fatigues et disparaît par
elle n'est le repos.
fait
est
donc un
elle est
imposée n'a plus de
être spirituel, associé
au corps dans un être vivant;
comme
la
forme
l'est
à la matière,
liberté.
au mobile elle est
comme
»
comme
unie à ce
l'acte l'est à
puissance. L'acte détermine et contraint la possibilité indé-
terminée; ainsi, était,
la
forza supprime la liberté du corps qui
jusque-là, en puissance de n'importe quel
elle le dirige; elle lui
mouvement;
impose un mouvement déterminé.
Cette assimilation de Yimpeto à l'âme est-elle,
comme nous
l'avons dit, suggérée à Léonard par la lecture des écrits de
Nicolas de Cues? Si l'on en doutait, ce doute, de rapprocher les
«Le Cardinal.
pour dissiper
deux notes que nous venons de
— ...Cette
vertu
Les manuscrits de Léonard de Vinci; ms.
fol. 34, 2.
suffirait,
de ces quelques lignes empruntées à Févêque de Brixen
citer
î.
il
verso.
Nicolai de Cusa
De
ludo globi liber primus.
qu'on A
de
la
nomme
2 :
l'âme est
Bibliothèque de l'Institut
2
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
28
circonscrite en
un
certain lieu, de telle sorte qu'elle n'est nulle
part ailleurs qu'en ce lieu; mais elle n'occupe aucun lieu, car
présence n'a pas pour
elle est esprit; sa
entoure sorte
corps; elle ne prend pas
le
que
le
même volume
moindre que par Jean.
«
passé.
le
— Cette
le
fabrique le globe;
il
qui
certain espace, de telle
contienne, du corps, une
part
»
comparaison
globe au corps et
un
effet d'écarter l'air
me
plaît fort, qui assimile le
mouvement du globe à crée aussi le mouvement
l'âme.
L'homme imprime
qu'il lui
mouvement, comme notre âme même, est invisible, indivisible; il n'occupe aucun lieu... » La forza diffère de l'âme en un point essentiel; l'âme est
au moyen de Y impelas;
et ce
immortelle parce que naturelle
spontanément
périssable; elle tend
s'épuise par cette
mort de « Si la
forza
la
forza
accompagne
chose
la
mue
par
donc contre
second par
nom
sont caractérisés 4
ils «
i.
a.
3. h.
,
c'est
cette
meut de
»
c'est
que son rôle consiste
même mouvement
naturel; elle
désire vaincre sa
»
la
cause de la forza;
«
de peu
cause
et,
De de
comment
Cette forza peut naître de
«
ces
premier par
le
le
.
elle la
2
»
engendrée?
mouvements
;
elle
Wous venons de parler de 3
et
la forza
cause; elle est donc
sa propre
celle-là vaincue, se tue.
désigne souvent
naît de
naturel alors que, nous Talions
engendrée par ce
de vie, parce que toujours
et le
forza
corrompt par son acte même,
mouvement
à lutter contre le
elle,
consume elle-même.
qu'elle est contraire à la nature
différents
la
»
.
Si la forza s'épuise et se
la forza est-elle
effet,
le
chose qui meut une autre chose est
voir, elle est
en
:
l
telle sorte qu'elle se
lutte
à sa destruction;
mouvement violent et production même « Le mouvement
son action consiste à produire
la
forza est essentiellement
la
;
deux
deux mouvements, Léonard le
nom
d'opulence (divizia)
disetle (careslla). Voici
comment
:
Et d'abord la forza peut venir par l'accroissement subit Léonard Léonard Léonard Léonard
de Vinci, de Vinci, de Vinci, de Vinci,
loc. cit., fol. 3/j,
verso,
loc. cit., fol. ai, verso. loc. cit., fol. 34,
ibid.
verso.
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
229
d'un corps rare dans un corps dense,
comme
du feu dans
se trouvant pas
bombarde. Ce
la
vide qui reçoive son
un
lieu plus
désir...
»
lieu, vient ce
qui se crée dans
machines semblables, qui ne
quand
qui,
et
comme
donnée,
A
ces
la
les
corps plies
l'arbalète
ou autres
se laissent pas volontiers ployer
sont chargées, désirent
elles
expulsent avec fureur, aussitôt que est
la liberté
se
redresser et
de
le faire
chose qui s'opposait à leur course.
deux manières d'engendrer
d'en joindre une troisième
même, moyennant
:
«
la forza,
Souvent
la
forza
dans
le
choc, par exemple
frappée est semblable à celle qui frappe
engendre
2 ,
elle
:
privée en tout de toute sa puissance.
La forza peut donc naître
«
la
Si la
chose
mouvement;
ainsi
»
dans un choc, qui n'est
lui-
du mouvement violent produit par Le coup 3 est le terme du mouvement causé
la destruction
une autre forza par
»
sa place en y laissant celle qui l'a frappée
s'enfuit de
que
«
elle-
en reçoit coup,
poids [c'est-à-dire gravité accidentelle, forza] et
même
conviendrait
il 1
leur
»
mouvement, une nouvelle forza.
le
C'est ce qui arrive
elle
dans
court avec furie
accroissement,
tordus contre leur nature,
et
dans un
ample, en expulsant tout ce qui s'oppose à son
En second
«
ne
feu,
la multiplication
:
«
forza et opéré par des corps sur des objets résistants.
Le coup
h
naît dans la
mort du mouvement
et le
»
mouvement
mort de la forza. » De quelque manière que naisse la forza, elle est engendrée par un mouvement « La forza** est causée par le mouvement et infuse dans le corps pesant; et pareillement le coup est
naît de la
:
—
ha forza mouvement infus dans le corps pesant. est cause du mouvement et le mouvement est cause de la forza. Le mouvement infuse la forza et le coup dans le poids, moyennant l'objet. » Parmi ces mouvements qui engendrent la forza, considérons causé par
1.
2.
3. 4. 5.
le
Léonard Léonard Léonard Léonard Léonard
de de de de de
verso.
Vinci,
loc. cit., fol. 34,
Vinci,
loc. cit., fol. 27, recto.
Vinci,
ibid.
Vinci,
loc. cit., fol. 34,
Vinci, ibid.
verso.
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
23o
particulièrement
nomme
second, celui que Léonard
le
mou-
le
vement de disette. Ce mouvement est celui d'un corps qui, placé par contrainte dans un état opposé à sa nature, et redevenu libre, retourne à cette nature; c'est le mouvement que les Péripatéticiens nomment naturel; pour Nicolas de Gués, répétant l'enseigne-
ment la
mouvement
d'Aristote et de toute l'École, ce
matière de la forme imparfaite qui lui avait été
ment imposée aune forme plus Nicolas de Cues
une
1
«
,
même
que ce qui
accoutumé souhaite
est
ment naturel
est
disait
»
étant apte à recevoir cette forme, éprouve
vais désire ce qui est bon, il
artificielle-
parfaite; «la matière,
sorte d'appétit à l'acquérir, de
laquelle
passer
fait
bien
que ce qui
est privé
d'une chose à
cette chose.
mouvement de
le
mau-
est
Le mouve-
»
disette
dont parle
le Vinci.
Le type de ces mouvements naturels Selon Aristote,
le poids, tiré
atteint sa perfection,
hors du
chute d'un poids.
est la
lieu naturel
tend à retourner à ce
où sa forme
lieu.
Selon les
Pythagoriciens, auxquels Aristote oppose sa doctrine, terrestre,
détaché de
auquel
l'astre
il
le
grave
appartient, tend à revenir
à son tout et à en reconstituer l'intégrité. C'est à cette dernière
doctrine que Léonard semble parfois donner la préférence «
Toute partie,
»
dit-il 2
,
«
a
une tendance
:
à se réunir à son
En
moupoids s'oppose au mouvement
tout pour échapper à son imperfection.
»
tout cas, le
vement naturel causé par le violent engendré par l&forza. Cette opposition, Léonard la marque avec fragment 3
,
dont toutes
les
propositions trouvent leur expli-
cation dans les remarques précédentes «
désir, et la vite...
i.
3.
:
Tout poids désire descendre au centre par
courte; et où
2.
netteté dans ce
il
y a plus de pesanteur,
chose qui pèse
Mais
le
il
tombe
le
plus
par nature dans tout son sup-
Nicolai de Cusa De docta ignorantia liber II, cap. X. Léonard de Vinci, Codice Atlantico, fol. 69, recto. Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms. A de la Bibliothèque de
fol. 35, recto.
plus
y a un plus grand
le plus, laissée libre,
poids passe
la voie la
l'Institut,
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
23
port; et ainsi, pénétrant de support en support,
1
pèse et
il
alourdit en passant de corps en corps jusqu'à ce qu'il satisfasse Il
son désir. La nécessité
dans chacun de
la
forza
semblable à
est
il
comme
Dans son
ses degrés...
par
la forza
Le poids
la forza.
poids.
le
On
poids n'a pas de voisin,
la
chasse avec furie. Si
il
forza la fuit volontiers. Si
poids tombe,
la
plus
et
vaincu par
peut voir
poids
le
le poids.
en cherche un avec furie;
la
poids désire la stabilité
le
forza est toujours en désir de fuite,
le
est
Si le
forza
poids désire une position immuable,
le
sans fatigue, tandis que
et tout
de presser et
office
sans la forza, mais on ne voit pas la forza sans
le
chasse.
le
dans toute son opposition perpendiculaire
est tout
alourdir,
l'opulence
et
l'attire
il
le
et si la
poids est par lui-même
forza n'en est jamais exempte. Plus
augmente,
et
plus la forza tombe,
plus elle diminue. Si l'un est éternel, l'autre est mortelle. Le
poids est naturel et et
lité,
la
forza accidentelle. Le poids désire stabi-
puis immobilité; la forza désire fuite et mort d'elle-
même. Le dans
la
poids, la forza et le coup se ressemblent entre eux
pression qu'ils exercent.
Au peu l'éternité
de durée de
du poids
;
»
Léonard
la forza,
au premier abord,
de son lieu naturel
et
abandonné
chute s'arrête bientôt, car
à
rencontre
il
demeure
moment où
indestructible,
mouvement, supportent
et
poids,
le
ou un support;
poids de ce grave a s'est arrêté; le
poids
mais ne pouvant plus produire de
produit une pression sur les obstacles qui
il
le
s'opposent à ce mouvement. Tel est l'enseigne-
ment formel d'Albert de Saxe
1 .
médite sans cesse, en ce cahier résistance
le
grave, tiré hors
le
le sol
mouvement
le
opposer
lui-même, tombe; mais sa
que l'on ne croie pas, cependant, que au
semble que
qu'une existence éphémère;
lui aussi, n'ait
été détruit
il
se plaît à
des matériaux;
l'idée essentielle
et,
Cet enseignement, Léonard
A où en
il
fonde
même
la théorie
temps,
il
de
le
la
en mêle
avec d'autres idées empruntées à Nicolas de
Gués, afin d'en composer sa Métaphysique du mouvement.
i.
Alberti de Saxonia Quœstiones
libri III quaestio III. Cf.
Vinci,
première
:
in
Albert de Saxe
série, p. 16).
libros de et
Cœlo
Léonard de
et
Mundo;
libri I quaestio
Vinci, II (Études sur
X
et
Léonard de
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
233
Nous
retrouvons, cette idée, dans
la
passage suivant
le
Le poids presse toujours son soutien
g
par nature, des supports à leurs bases;
il
pénètre
il
;
est tout
1 :
et passe,
dans tout
le
support, tout dans toute la base de ce support, et tout dans tout le soutien de la base;
jusqu'au centre du Monde.
pénètre de support en support
»
Le poids presse toujours son soutien;
«
quer dans
corps
le
même
consume dans
se
et
il
où
elle naît; le
sa course;
le
forza vient à man-
la
mouvement
s'affaiblit
coup meurt aussitôt
qu'il
naît. »
A
l'éternité
mais
la
ment
du poids s'oppose
la
durée éphémère de
forza n'est pas la seule puissance mortelle;
mouvement
violent.
En revanche,
si
le
choc, que produit
le
chacune de ces puissances
de plus courte vie que celle dont
est
mouve-
violent qu'elle engendre est, lui aussi, de courte durée;
de durée plus courte encore est
et
le
la forza;
elle dérive, elle est aussi
de plus énergique violence.
une des pensées
Cette gradation des diverses puissances est
auxquelles Léonard revient «
La violence,
»
dit-il
2 ,
c'est-à-dire de poids, forza,
uns disent que
la
le «
se
forza est composée et
:
compose de quatre choses,
mouvement
mouvement
c'est-à-dire forza,
plus volontiers
et
coup. Et quelques-
de trois puissances,
coup. Et celle qui est la plus
puissante est celle qui a le moins de vie, c'est-à-dire la
seconde
est la forza; la troisième
le
mouvement 3
il
est plus
dites.
;
et si l'on acceptait le
faible
et
pour
le
coup;
la faiblesse serait
poids dans ce compte,
plus éternel qu'aucune des autres sus-
»
uLe coup 4
est le
terme du mouvement rapide, causé par
la
forza et engendré par les corps sur les objets résistants; de lui dérivent les sons, de lui les ruptures, et aucune chose n'est
de plus prompte action ni de plus grande puissance
i.
;
ses
Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms. A. de la Bibliothèque de l'Institut,
fol. 35, verso.
Léonard de vinci, loc. cit., fol. 35, recto. Léonard intervertit ici, sans doute par lapsus, Tordre qu'en toutes notes il attribue à la forza et au mouvement. 4. Léonard de Vinci, loc. cit., fol. 27, verso. 2.
3.
ses autres
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI résultats sont d'extrême rapidité et pénétration
d'objets résistants.
en toutes sortes
»
En même temps
du poids en forza en mouvement, puis en coup, Léonard est
forza, de la
qu'il suit cette transformation
continuellement hanté par
au
persiste
233
travers
de
pensée de quelque chose qui
la
changements
ces
d'une
successifs,
équivalence qui s'établit entre ces puissances nées
unes
les
des autres; une puissance dont l'action est faible, mais de
longue durée, peut en engendrer une autre qui opère énergiquement, pendant un temps
très
très court.
Cette pensée, aperception confuse de la grande loi qui sera
marque nettefragments que nous venons de citer. Nous la
principe de la conservation de l'énergie, se
le
ment dans
les
retrouvons dans les notes que nous allons reproduire;
mécaniques dWristote,
qui
développe dans
se
les
Mécanique de Galilée
la
:
Ce que
sance à l'aide d'une machine, on
l'on
un jour
gagne en puis-
perd en temps,
le
de
écrits
Gharistion et de Héron d'Alexandrie, pour s'affirmer
dans
y
qui germe déjà dans les Questions
reliée à ce principe
est
elle
et inver-
sement. «
Forza
et
mouvement
par une quantité d'eau
1 .
—
et
une roue
Si
que
est
mue
à
un moment
eau ne puisse augmenter
cette
ni par courant, ni par quantité, ni par
une plus grande chute,
une roue meut une machine, il est impossible que sans y employer une fois plus de temps, elle en meuve deux; donc qu'elle fasse autant de besogne en une heure que deux autres machines l'office
de cette eau est terminé. C'est à dire que
avec une
tourner
seconde heure;
un nombre
long temps,
elles
infini
ainsi
Mouvement
même
roue peut
de machines, mais avec
ne feront pas plus de besogne que
mière machine en une heure. «
la
si
et forza.
— Une
un
faire
très
la pre-
»
cause [puissante
et]
lente pro-
un mouvement rapide et faible une cause rapide et faible produit un mouvement lent et fort. » De la disposition de la force pour bien tirer et pousser 2 duit
;
((
i.
2.
.
Léonard de Vinci, Léonard de Vinci,
loc. cit., fol. 3o, recto. loc. cit., fol. 35,
verso.
—
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
234
Plus la force s'étend de roue en roue, de levier en levier, de vis «
et
en
vis,
Si
deux forces sont produites par un
par une
plus elle est puissante et lente.
même forza,
celle qui
»
même mouvement
consommera
plus de temps
le
aura plus de puissance qu'aucune autre. Et une force sera plus faible
qu'une autre d'autant que
celui de l'autre.
On
«
on ne
le
temps de l'une entre dans
»
peut voir
le
poids sans la forza,
voit pas la forza sans le poids.
ainsi cette pensée
masse pesante;
:
la
La forza ne peut
»
»
a dit le Vinci
On
1 ,
«
mais
pourrait entendre
exister qu'infuse
masse pesante subsiste
lors
dans une
même
qu'elle
dénuée de forza. On n'en tiendrait pas, croyons -nous,
est
véritable sens. naît d'un
Ce sens nous paraît
mouvement
Tout d'abord,
être celui-ci
naturel engendré par
cette affirmation
le
surprend
:
le
Toute forza
:
poids.
Le mouvement
naturel de l'arc de l'arbalète qui revient à sa tension normale
et,
ce faisant, infuse la forza dans la flèche, n'est pas identique à la
chute d'un poids. Mais à y regarder d'un peu plus près,
encore
la
chute d'un poids que nous trouvons à l'origine de la
forza qui anime la flèche; pour mettre l'arc dans nature, infuser
il
une forza, antérieure
mère de
le
mouvement
celle-ci; et cette
hors
violent, lui
à celle qui entraînera le projectile,
première forza a
Autant 2 tu emploieras de forza à
liberté, et autant
il
été
engendrée par
la
préparation de ton
s'en suivra :
dans
la
chose
mue
par
Autant de poids naturel
tu
mouvement
sance, ton arbalète,
elle...
Avec autant de forza tu auras préparé ton
avec autant s'élancera la flèche lancée par
charger, avec son
:
en fuira lorsque l'arbalète reviendra à sa
il
d'autres termes
arbalète,
état
naturel du poids qui a servi à bander l'arbalète
arbalète, autant
En
un
communiquer un mouvement
a fallu lui
et
«
c'est
auras
elle...
simplement employé
à
naturel, à toute sa libre puis-
autant de poids
accidentel
clans la flèche qui s'enfuit de cette arbalète.
3
s'infusera
»
Léonard de Vinci, loc. cit., fol. 35, recto. Léonard de Vinci, loc. cit., fol. 3o, recto. 3. Rappelons que Léonard, comme tous ses contemporains, désigne par poids accidentel la même chose que ce qu'il nomme impeto ou forza. — Cf. Léonard de Vinci cl Bernardino Baldi, IV (Éludes sur Léonard de Vinci, première série, p. n4). i.
2.
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
1 35
La forza donc, et le mouvement violent qu'elle engendre, et le coup en lequel s'épuise ce mouvement violent ne sont, en dernière analyse, que les transformations successives du mouvement naturel du poids :
«Le poids
»,
qui éternellement opère dans
moindre puissance que
exerce, est de
qui sont encore lui fche sono
vement
et le
lui),
pression qu'il
mou-
c'est-à-dire la forza, le
plus puissante que
poids, et son office dure
le
moins. La troisième permanence est plus grande puissance que la forza tion (degieneralo) de cette
moindre permanence, de
et petit-fils
mouvement, qui
le
et est dérivé
même forza.
du mouve-
forza; et tous naissent du poids.»
la
l'artiste revêt
du langage mathématique, n'entrevoit- on remarque déjà faite, la première ébauche de principe de la conservation de l'énergie si
de
par généra-
est le coup, lequel est fils
forme poétique, mais qui n'ont pu atteindre encore
grandioses et
est
La quatrième chose, de
Sous ces énoncés que l'imagination de
Si
passions
les trois autres
coup. La seconde chose, de seconde permanence,
est la forza,
ment
la
la
pas, ce
d'une
précision
une
selon
qui sera
le
?
féconds qu'ils nous paraissent, ces énoncés
n'épuisent pas encore la richesse des pensées de Léonard. a
La gravité
2
la forza,
,
mouvement
le
et
le
coup sont
les
quatre puissances en lesquelles toutes les œuvres visibles des
mortels trouvent leur existence puissances, le poids, par son
de chercher
Un
comment
le
mort.
»
De
ces quatre
mouvement naturel, engendre
trois autres. N'y a-t-il pas lieu et
et leur
les
de remonter plus haut encore
poids lui
même
est
engendré?
grave, selon l'enseignement d'Albert de Saxe 3
,
n'a pas
de pesanteur actuelle lorsqu'il se trouve en son lieu naturel
pour
qu'il
acquière une
manifester par sa chute, exerce sur son support,
i.
2.
Léonard de Vinci, Léonard de Vinci,
dres, fol. 43, recto. p. 3i 9 3.
p.
—
J.
pesanteur actuelle, capable de se
s'il s'il
;
est libre,
est
ou par
empêché,
il
la pression qu'il
faut qu'il ait été tiré
verso. de la Forster Library, South Kensington Muséum, LonG. Séailles, Op. cit., P. Richter, Op. cit., t. il, § 1137.
loc. cit., fol. 35,
vas.
IP
—
.
Albert de Saxe
16).
et
Léonard de
Vinci, II (Études sur
Léonard de
Vinci,
première
série,
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
236
hors de son lieu naturel,
mouvement naturel mouvement violent.
le
Léonard fait sienne dit-il
i,
«a d'abord
faut qu'il ait subi
il
donc pour antécédent nécessaire
a
cette doctrine
été accidentel;
ainsi la pierre qui
ou jetée en haut; on
quand
naturel
montait
et
quand
il
le
Le mouvement naturel,
«
:
a d'abord été portée il
une violence;
l'a
»
tombe
appelé accidentel
descendait.
»
donc toute forza provient d'un mouvement naturel déterminé par une pesanteur actuelle, toute pesanteur actuelle, à son Si
tour, présuppose
Où
un mouvement
violent produit par
une forza.
placerons-nous, dès lors, l'origine de toute puissance méca-
nique?
Où prendrons -nous un
point de départ en cette chaîne
où toute forza dérive d'une pesanteur actuelle
et
où toute
pesanteur actuelle dérive d'une forza? La série des actions motrices ne peut sans absurdité être prolongée à
un premier mouvement
de toute nécessité, que nous posions naturel, engendré
l'infini. Il faut,
par une première pesanteur actuelle,
et
à l'origine de cette première pesanteur actuelle,
un premier
mouvement
Cette forza
violent,
dû
à
une première
elle-même n'a pu naître que d'un
forza.
mouvement
matériel;
mais ce mouvement premier, d'où provient-il lui-même? n'est pas spontané, car se
«
mouvoir par elle-même
Il
aucune chose insensible ne pourra »
2
Il
.
ne peut provenir ni de pesan-
teur ni de forza; et cependant la pesanteur et la forza sont les
deux seuls moteurs qui «
Aucune chose sans
pagner
la
vivant;
il
3
ait été
»
Il
faut
donc que
3.
tirer sans
ce premier
m forza,
un mouvement purement
en haut,
la
est celle
:
accom-
mouvement en un corps
Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms.
Léonard de Vinci, Léonard de Vinci,
intellectuel.
d'une pierre qui avait
première forza celle qui a enlevé celte
fol. 3i, recto. 2.
matière inanimée
faut qu'il ait été produit par la détermination d'une
La première pesanteur actuelle
i.
la
ne peut pousser ou
produit, sans pesanteur
volonté, c'est-à-dire par
été jetée
en
chose poussée; ces moteurs ne peuvent être que
forza ou pesanteur.
physique
vie
se trouvent
loc. cit., fol. 22;
verso.
loc. cit., fol. 21,
verso.
A de
la
Bibliothèque de
l'Institut,
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
pierre hors de sa nature
dans
la pierre
main
était
mue
engendrée par
est
mouvement mère
mouvement physique qui a infusé était le mouvement d'une main, et
le
;
cette forza cette
la disette
du poids.
De même que
ou par l'opulence;
la forza,
même,
La forza
elle est fille
du mouvement
être
l
du
spirituel et
engendrée par une autre forza,
mouvement
première forza
la
«
puissance spirituelle de peu de durée,
grâce à l'intermédiaire du produit; de
:
»
d'âme mortelle, peut
sorte
homme
par la volonté d'un
matériel, petite -fille
et origine
2$*]
violent que celle-ci a
qu'il
nous faut mettre
mouvement physique naît d'une âme immortelle par l'intermédiaire du mouvement volontaire d'un de tout
à l'origine
corps vivant. Cette doctrine inspire la pensée suivante
2 ;
la
première partie
de cette pensée reproduit presque textuellement un passage
que Léonard a déjà a
un
instant
« La.
écrit ailleurs et
que nous avons
cité
il
y
:
mouvement
forza, le
matériel, le poids et la percussion
sont les quatre puissances accidentelles par lesquelles toutes
œuvres des mortels ont leur existence
les
mort.
et leur
»
son origine du mouvement spirituel ce mouvement spirituel, coulant par les membres des animaux «
La forza
tire
;
sensibles, gonfle leurs muscles; ces muscles,
tendons auxquels
se raccourcissent et tirent les et
de ces tendons,
humains.
la
en
se gonflant,
ils
sont joints,
forza est causée au sein des
membres
»
Par cette conclusion, l'analyse philosophique du mouvement, si profondément poussée par Léonard de Vinci, retrouve l'un
des
principes
Nicolas de Gués
même
:
fondamentaux
Métaphysique de tout mouvement procède de l'esprit. La voie
par laquelle
i.
recto. 2.
—
J. 3.
Un grand nombre
d'objets,
Léonard de Vinci, ms.Arundel 260 de
—
J. P.
Richter, Op.
cit., t. II, S
Léonard de Vinci, ms.Arundel P. Richter, Op.
Nicolai de
cit., t. II, §
Cusa De
la
ramenée à ce principe
elle est
tracée par l'Évêque de Brixen «
de
:
»
disait celui-ci
3 ,
«
participent
Bibliothèque du British Muséum, fol. i5i , Séailles, Op. cit., p. 320. de la Bibliothèque du British Muséum, fol. i5i,a.
85g.
2<}3
lui a été
la
— G.
85g.
ludo globi liber primus.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
238
meuvent ensuite par l'effet de leur particimouvement; il faut donc, en remontant, parvenir
au mouvement pation à ce
et se
à une chose qui se se
meuve non par
meuve d'elle-même;
donnons
nom
le
faut
que
accident et par participation au
mais par son essence car l'intellect se
il
même
;
cette
chose
cette
mouvement,
chose est l'âme intellectuelle,
meut lui-même... Le mouvement auquel nous d'âme
est créé
en
même
temps que
corps
le
;
il n'est pas imprimé dans le corps par un autre mouvement, comme celui qui anime le globe il se meut lui-même et il est ;
adjoint au corps de telle sorte qu'il en puisse être séparé;
donc substance.
il
est
»
La philosophie de la Mécanique ébauchée par Léonard est donc une émanation de la Métaphysique de Nicolas de Cues.
XIII
La Méganique de Nicolas de Cues et la Mécanique de Léonard de Vinci. L'hygromètre, le sulcomètre et le mouvement de la Terre. L'un des plus curieux ouvrages de Nicolas de Cues par l'ensemble des quatre dialogues de
l'Idiot;
est
formé
les trois pre-
miers de ces dialogues sont consacrés à une exposition de philosophie
et
de
la
théologie du Cardinal Allemand;
le
la
der-
purement scientifique intitulé De staticis experimentis, il a pour principal objet de décrire les multiples applications de la balance d'une lecture aisée même pour nier,
au contraire,
est
;
;
ceux qu'épouvantent
les
profondeurs de
la
Métaphysique, ce
dialogue a joui, semble-t-il, d'une grande vogue; maintes il
a été
imprimé séparément
et sa
fois,
plus ancienne édition remonte
à 1/176.
Léonard de Vinci, Mécanique, Statique, a
si
curieux de tout ce qui touche à la
constamment préoccupé des théories de la dû prêter à la lecture de cet écrit une attention toute
particulière;
si
nous allons rechercher
cette lecture lui a suggérées.
et
analyser
les idées
que
2^
NICOLAS DE GUES ET LEONARD DE VINCI
L'une des pensées
au dialogue De
hygromètre hygromètre
les
plus ingénieuses qui se rencontrent
experimentis concerne la fabrication d'un
slaticis
à poids; voici
en quels termes
l'Idiot décrit cet
:
En un plateau d'une grande balance, que l'on mette un monceau de laine bien sèche en l'autre plateau, que l'on «
;
mette des pierres, jusqu'à ce que l'équilibre se trouve établi
au sein d'un air tempéré observera que contraire,
;
l'air
si
poids de la laine
le
que ce poids diminue
devient plus humide, on
augmente; on verra, au
si l'air
tend à la sécheresse.
Ces différences de poids permettraient de peser
l'air
et
de
former des conjectures vraisemblables au sujet des changements de temps. »
Léonard de Vinci a proposé l'emploi d'un hygromètre analogue à celui que Nicolas de Gués a imaginé. Un fléau de balance se meut sur un cercle divisé qui permet d'en apprécier l'inclinaison
éponge dont
le
;
à l'une des extrémités de ce fléau pend une
poids varie avec l'humidité de
extrémité est attaché
De
un
peu près semblables
1 .
à l'autre
contrepoids.
Léonard nous a
cet instrument,
l'air;
laissé
L'un de ces croquis
deux croquis à
(fig.
5) se trouve
parmi des dessins conservés au Musée du Louvre; le mot «
éponge
»
écrit au-
y est
dessous du corps hygrométrique;
il
est
accompagné
de cette légende, qui
est la
traduction presque textuelle
de la dernière phrase l'Idiot l'air et
:
«
Moyen de
peser
de savoir quand
temps changera.
de
le Fig. 5.
»
Le second de ces croquis
au Codlce Atlantico 2 la légende qui l'accompagne « Pour connaître la qualité et le à peu près la même
se trouve est
i.
2.
;
:
Mario Baratta, Leonardo da Vincied i problcmi délia terra, ïorino, 1903, pp. Léonard de Vinci, Codice Atlantico, fol. 2^9, verso, a.
92-95.
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
2/,0
degré de grossièreté (grossezze) de pleuvra.
l'air,
quand
et savoir
il
»
Léonard a-t-il emprunté l'idée de cet hygromètre à Nicolas de Gués ou à Léon- Baptiste Alberti? On peut se poser cette car Alberti écrit, dans son Architettura
question,
1 :
«
Nous
avons prouvé qu'une éponge devient humide par l'effet de l'humidité de l'air et nous en avons tiré une règle de pesée qui nous permet de déterminer sécheresse des vents et de
Mais
Alberti en
rait les
et
de
l'air. »
question ne nous paraît pas comporter de réponse
la
catégorique, car Léonard lisait
degré de pesanteur
le
même
— nous
le
verrons tout à l'heure
temps que Nicolas de Gués;
enseignements de l'un aux enseignements de
L'invention de l'hygromètre n'est pas d'ailleurs,
marque que la lecture du De dans les notes du Vinci.
bien, la seule ait laissée
statlcis
il
—
compa-
l'autre.
s'en faut
il
experimentis
Les usages que Nicolas de Gués prétendait faire de la balance
par une exacte connaissance
n'étaient pas toujours justifiés
Mécanique. Voici, par exemple, un fragment de dialogue 3
de
la
où
l'erreur est flagrante «
L'Orateur.
homme? a
—
:
Gomment
peut- on connaître la force d'un
»
L'Idiot.
— L'homme
tirera le plateau vide
d'une balance
tu verras quel poids, placé dans l'autre plateau, cet
peut soulever jusqu'à ce que
le fléau soit
soulevé, tu retrancheras le poids de
mesurera
la force
de l'homme.
Léonard a lu ce passage;
l'homme,
le
homme
du poids
poids restant
»
a discerné avec sagacité l'erreur
renfermait; au procédé fautif proposé par Nicolas de
qu'il
Gués, a
il
horizontal;
et
il
De
a cherché à substituer
la
force de Vhomme^.
une méthode correcte
— L'homme qui
tire
:
un poids en
équilibre avec lui ne peut tirer qu'autant qu'il a de poids lui-
même;
i.
2.
3.
et s'il a à
soulever des poids, mais
non pas en pesant
Mario Baratla, Op. cit., p. 9/1. Cusa Idiotœ liber IV De staticis experimentis. Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms. A de la Bibliothèque de Cf.
Nicolai de
fol. 3o, verso.
:
l'Institut,
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
de son propre
poids,
il
en
2^1
soulèvera d'autant plus qu'il
moyenne des aulres hommes. La plus grande force que l'homme puisse déployer, à vitesse égale et mouvement égal, est celle qu'il obtiendra en
dépasse davantage
la force
mettant ses pieds sur une des têtes [extrémités du fléau] de la balance, puis appuyant ses épaules contre quelque chose de solide
;
il
soulèvera ainsi à l'autre tête de la balance autant
de poids qu'il pèse lui
même
en plus, autant de poids qu'il
et,
aurait la force d'en porter sur les épaules.
»
Arrivons maintenant à un passage du De
staticls experi-
mentls qui paraît avoir vivement sollicité l'attention de Léonard.
Voici ce passage
«L'Orateur.
ment « «
1 :
— Mais, dis-moi, ne
peut-on connaître égale-
avec laquelle se meut un navire
la vitesse
— Comment cela? L'Orateur. — de laisser tomber un L'Idiot.
»
Il suffît
du haut de
proue du navire
la
poupe;
la
et
de noter, au
fruit
de
Il suffît
moyen de
les
vitesses
du
»
— Assurément on peut se
d'un autre encore.
le
comparaison des poids d'eau écoulés en
navire en ces deux circonstances. L'Idiot.
dans l'eau
moment où
deux circonstances permettra de comparer «
fruit
de noter la quantité d'eau
et
qui s'écoule de la clepsydre jusqu'au arrive à la
? »
tirer
servir de ce procédé et
un
trait
avec une balliste
l'eau de la clepsydre, la vitesse plus
ou moins grande avec laquelle
le
navire s'approche de ce
trait. »
Ce dernier moyen
n'est pas
théoriquement faux. La flèche trouve sur
le
seulement impraticable, tirée
il
est
par un archer qui se
pont du navire garde, au cours de son mouve-
communiquée au moment du départ; cette vitesse se compose à chaque instant avec celle que lui aurait communiquée un archer immobile, en sorte qu'une même flèche, tirée par un même arc, a toujours le même mouvement relatif par rapport au ment,
la vitesse
que
le
mouvement du
navire, quelle que soit la vitesse qui
t.
Nicolai de Gusa Idiotœ liber IV p.
DUHEM.
:
De
staticis
navire lui a
anime
le navire.
expcrimentis. jt)
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VlNCt
242
Ces principes nous sont aujourd'hui familiers; mais leur introduction dans la science est de date récente; soupçonnés,
mais non découverts, par Galilée, aperçus qu'en
1
sur
du navire;
mouvement
le
indépendant de
être
relatif
les anciens, le
mou-
par un archer qui se trouve
la flèche tirée
pont d'un navire devait
le
Pour
6^2, par Gassendi.
vement absolu de
n'ont été clairement
ils
marche
la
de cette flèche par rapport au
navire dépendait donc de la grandeur
de
et
la direction
de
la
vitesse qui animait celui-ci.
La théorie du mouvement
occupé Léonard de Vinci
relatif a
à plusieurs reprises; ainsi, au Codice Trivulzio,
brève remarque
cette
De
qu'a fort bien
1
experimentis
stalicis
immobile
objet
la
chose qui se meut paraît
La chose qui
immobile
Que
le
de Gués,
se
le flotteur
meut
fixe et
cet
la
dialogue
objet
immobile
chose mobile, tandis
immobile.
point
n'est-elle
le
»
navire et l'objet
qu'on a jeté à l'eau?
passage précédent il
le
trouve voisine d'un
se
bien souvent que
fait
semble être animé du mouvement de
que
pu suggérer
:
Le mouvement d'une chose qui
«
nous trouvons
ait été
ou non suggéré par Nicolas
importe peu; nous allons, en
de réflexions, écrites par Léonard,
et
où
effet, lire
une
suite
l'influence de l'Évêque
de Brixen se marque, indéniable.
Ces réflexions se trouvent au cahier Bibliothèque de
que
le
conserve
la
l'Institut.
Nous avons signalé déjà rées au cahier
G que
G avec
2
la
parenté de certaines notes insé-
d'autres notes inscrites au cahier A, alors
Vinci subissait de la manière la plus nette l'influence de
Ne nous étonnons donc pas de trouver au pages où la pensée de Léonard est visiblement passage du De stalicis experimentis que nous
Nicolas de Cues.
cahier
G
trois
guidée par
avons
le
cité tout à l'heure.
Le moyen par lequel
l'Idiot a
proposé d'évaluer
d'un navire est indiqué dans la réflexion i
.
2.
3. fol.
Léonard de Vinci, Codice Vide suprà
Trivulzio, fol. 38, verso
pp. 225 et 22G. Les manuscrits de Léonard de Vinci, Ms.
">'i,
verso.
la vitesse
suivante
3 ;
celte
(7/1).
:
G de
la
Bibliothèque de
l'Institut,
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
réflexion procède de la
Dynamique erronée dont
l'invention de Nicolas de Gués «
Du
mouvement du
navire contre
le lieu
mobile.
a
si
la flèche
réclame
— La flèche
tirée
de la proue du
meut ne quittera mouvement du navire
vers lequel le navire se
au mouvement de
Mais
se
:
pas l'endroit d'où elle est chassée, est égal
2^3
d'un
si le
ladite flèche. tel
»
navire est tirée vers
d'où
le lieu
navire s'en va avec la susdite vitesse, alors cette flèche se
le
séparera du navire avec deux fois son mouvement.
Les procédés de l'Orateur
et
vitesse avec laquelle se déplace
de Léonard proposés
les
soit
divers
soit
critique de ces procédés suit
a
citer
l'Idiot
pour mesurer
un navire rappellent
la
à l'esprit
systèmes de sulcomètres qui ont été
par Yitruve,
nous venons de
de
»
par Léon-Baptiste Alberti
immédiatement
le
1 .
La
passage que
:
Pour connaître combien
le
navire se meut par heure.
— Nos
anciens ont usé de divers procédés pour voir quel voyage
un navire fait durant chaque heure. Parmi eux, Yitruve en expose un dans son œuvre d'architecture; mais, ainsi que les autres c'est un moyen trompeur. Il consiste en une roue de 2
,
moulin touchée par les
les
ondes marines à ses extrémités
révolutions entières de cette roue,
il
se décrit
;
par
une ligne
droite qui représente la ligne circonférentielle de cette roue
réduite en rectitude. Mais cette invention- là n'a de valeur que
pour
les surfaces
planes et immobiles des lacs;
meut en même temps que cette
roue reste immobile,
ou moins rapide que n'a pas telle
le
un mouvement
avec
un
et si l'eau est
de
le navire,
mouvement du égal à celui
égal
l'eau se
mouvement,
mouvement
plus
navire, la roue encore
du navire, en
invention est de peu de valeur.
si
sorte
qu'une
»
y a un autre procédé qui suppose que l'on fasse une première expérience à l'aide de la distance connue d'une île à « Il
une autre; ce procédé emploie une planche légère, frappée par le vent, qui se fait d'autant plus ou moins oblique que le t. On en trouvera la description, extraite des écrits l'ouvrage cité de M. Mario Baratta, pp. 285-289. 2. Sans doute ceux que Nicolas de Cues a proposés.
mêmes
de ces auteurs, dans
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCt
244
vent qui
la
frappe est plus ou moins rapide; et ceci est dans
Baptiste Alberti.
»
Quant à ce procédé de Baptiste Alberti, qui suppose qu'on fasse une première expérience à l'aide de la distance connue d'une île à une autre, c'est une méthode qui ne réussit qu'avec «
un
vaisseau semblable à celui qui a servi à faire cette expé-
rience; et
il
même
et la
même
grandeur. Tandis que
rames qu'à
au large, haut ou bas, Quel si
est ce
Baratta
,
mon
procédé
sert à tout navire,
ou grand,
voile; qu'il soit Ipetit
il
sert toujours.
procédé que Léonard
grand cas? Au Codice 1
même
charge, et la
position de voile, et que les lames aient
voile,
aussi bien à
même
faut qu'il soit avec la
étroit
»
nomme
sien et dont
il
fait
on peut, avec M. Mario que celle-ci « Pour mesurer
Atlantico,
relever des phrases telles
:
combien de chemin on fait par heure avec le cours d'un cer« Pour connaître les milles de tain vent, » ou bien celle-ci mer. » Mais la première de ces phrases accompagne le croquis :
d'une sorte
d'horloge
solaire,
seconde
la
est jointe à
esquisses de clepsydres à palettes. Auprès d'elles,
on ne
des voit
aucun projet de sulcomètre, comme si le problème se réduisait pour Léonard à une question de chronométrie précise.
On
serait alors
amené
à penser
Léonard pour déterminer
même
auquel
il
que
la vitesse
le
procédé préconisé par
d'un navire est celui-là
a fait allusion avant de critiquer les systèmes
de Vitruve et d'Alberti, celui qui consiste à observer la vitesse relative d'une flèche par rapport
au vaisseau;
le
sulcomètre
revendiqué par Léonard ne différerait pas de celui que Nicolas de Gués a proposé sous
le
nom
de
l'Idiot.
Nous allons être conduits à une autre hypothèse; mètre de Léonard ne serait pas celui de l'Idiot, mais drait du même faux principe.
En
effet,
la
Dynamique erronée qui peut
le il
sulco-
dépen-
seule justifier
l'emploi du sulcomètre proposé par Nicolas de Gués, est aussi celle
dont se réclament
les
considérations que Léonard expose
ensuite.
t.
Mario Baratta, Op.
cit.,
pp.
/17-48.
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
2^5
Ces considérations ont pour objet de déterminer la forme
du
jet d'eau qui s'écoule
par un trou percé dans
le
fond d'un
vase mobile.
Ce problème a préoccupé Léonard à plusieurs reprises; au cahier E, nous lisons la remarque suivante 1
:
Le mouvement circulaire du vase qui, par un trou, verse l'eau, fait dans l'air une vis d'eau. » «
remarque
une réflexion sur Yimpelo qu'un moteur animé d'un mouvement de révolution imprime à un mobile. Il semble donc que Léonard, pour déterminer la trajectoire de chacune des particules liquides, eût l'intention Cette
fait suite à
de considérer l'impulsion initiale que
le
mouvement du
vase
communique. Au cahier G, cet impeto engendré par le mouvement même du vase est entièrement oublié; Léonard
lui
raisonne il
sur
2
le
a raisonné sur
mouvement de chaque goutte d'eau comme lé mouvement de la flèche tirée du pont d'un
navire en marche.
En
outre,
affecte la la
il
ne
tient
aucun compte de
chute de cette goutte
;
l'accélération qui
tout ce qu'il dit suppose que
goutte tombe avec une vitesse constante. «
Du mouvement du
mobile qui, avec continuité, s'écoule sur un
endroit mobile, ou bien qui s'écoule tandis que se verse.
—
le
vase qui
le
Le mouvement du liquide
qui s'écoule par
mobile
meut
(Jig. 6) se
fond du vase
le
fera par
une ligne
droite située obliquement, obliquité
qui sera d'inclinaison plus ou moins
grande selon que
le
mouvement du
vase qui la produit sera de plus ou
moins grande «
Du mouvement
qui reçoit
la
recevoir sur
i.
vitesse.
»
que fait
Fig. 6.
l'endroit
chose écoulée du vase.
un endroit mobile
la
—
Il
revient au
même
de
chose qui s'écoule d'un vase
Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms.
E de
Bibliothèque de
l'Institut,
de la Bibliothèque de
l'Institut,
la
fol. 29, recto. 2.
Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms.
fol. 54,
verso.
G
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
2/j6
immobile ou de mouvoir au-dessus d'un endroit immobile vase qui a
Mais
fait
le
si
écouler la chose.
mouvement du
le
»
moumouve-
vase qui verse est égal au
vement de l'endroit qui reçoit la chose versée, alors le ment de la chose qui descend est rectiligne et oblique, comme on le montre ci-dessus. » Léonard a grand soin de nous avertir qu'il s'agit d'un écoulement continu, tel que l'écoulement de l'eau ou du sable il ne traite pas de la chute d'une masse isolée; nous devons ;
donc entendre, malgré l'ambiguïté de certaines expressions, que la ligne oblique dessinée en la figure 5 représente non pas
d'une particule isolée, mais
la trajectoire
Dès
lors,
il
permis de penser que
est
chose versée;
le
»
le
«
d'eau, dont le fond
mouvement du
mouvement de
au
égal
verse est
le
jet.
percé d'un trou, laisse écouler l'eau qu'il renferme sur
pont d'un navire en marche;
la
forme du
cette figure est celle
du sulcomètre de Léonard; un vase plein est
la
l'endroit
le
vase qui
qui reçoit la
d'après ce qui vient d'être dit, le jet liquide a
forme d'une ligne oblique qui
dans leur mouvement
suit
vase et le navire, et cette ligne est d'autant plus oblique que
navire marche plus vite; en mesurant, sur
stance entre le point qui reçoit l'eau et à l'aplomb vitesse
du trou percé dans
vaisseau qui
grand
si
deux problèmes ont
n'est pas étonnant
en une
été
même
afin
vitesse
du
la vitesse
les
l'autre;
rapproche
il
et les
page. d'ailleurs,
force particulière par les auteurs
principe
comparés l'un à
que Léonard de Vinci
Ce rapprochement, lière; le
la
l'homme désire depuis de longs siècles mouvement de la Terre qu'il habite; de tout
temps,
les
la
le porte,
le
miner
on pourra apprécier
cas.
connaître
traite
point qui se trouve
navigateur a grand intérêt à connaître
Si le
pont, la di-
Telle est, croyons-nous, l'invention dont le
du navire.
Vinci paraît faire
le vase,
le
le
même
lui
dont
imposé avec une
la lecture lui était
fami-
dont Nicolas de Gués usait pour déter-
d'un navire, tous
de démontrer que
était
la
les
physiciens l'invoquaient
Terre ne tourne pas sur elle-même
en vingt -quatre heures selon l'hypothèse des Pythagoriciens.
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
Aristote mentionnait déjà
l
de l'immobilité du globe terrestre lement, retombe au lieu d'où fois
suivant
le fait
il
:
Un
2^7
comme une preuve
projectile, jeté vertica-
a été lancé, et cela plusieurs
de suite.
« Il
y
a, » disait
Ptolémée
2 ,
des gens qui... prétendent que
«
n'empêche de supposer, par exemple, que le Ciel étant immobile, la Terre tourne autour de son axe, d'occident en rien
orient, en faisant cette révolution
peu
près...
Il
par jour à
fois
quant aux astres eux-mêmes,
est vrai que,
ne considérant que
une
très et
en
phénomènes, rien n'empêche peut-être que, pour plus de simplicité, cela ne soit ainsi; mais ces gens-là ne sentent pas combien, sous le rapport de ce qui se passe autour de nous et dans l'air, leur opinion est ridicule... les
Les corps qui ne seraient pas appuyés sur toujours avoir
un mouvement
la
Terre paraîtraient
contraire au
sien;
et
ni les
nuées ni aucun des corps lancés, ou des animaux qui volent
ne paraîtraient
aller vers l'orient, car la Terre les précéderait
toujours dans cette direction et anticiperait sur eux par son
mouvement
vers
en sorte qu'ils paraîtraient tous,
l'orient,
elle seule exceptée, reculer
commentant
Averroès, ces termes Si
a
signifie
il
De Cœlo
d'Aristote, s'exprime
lieu élevé, à plusieurs reprises,
tombera sur
que
le
»
en
:
même
d'un
corps,
il
3
en arrière vers l'occident.
la
le
sol
toujours au
Terre ne se meut point, car
même si elle
on lance un point; cela se
mouvait,
arriverait ce qui arrive à celui qui lance des pierres à parlir
du
même
lieu d'un navire
en mouvement; ces pierres tombent
à l'eau en des endroits différents, en sorte qu'il arrive souvent,
lorsque
le
navire se meut rapidement, que la pierre vient
retomber sur celui qui
l'a
lancée ou auprès de
lui. »
Ces propos d'Averroès sont reproduits presque textuellement par Albert 1.
le
Grande
Aristote, llep\ OùpocvoO to B, 18;
De Cœlo
et
Mundo
lib. II, cap.
XIV.
Composition mathématique de Claude Ptolémée, traduite pour la première fois de grec en français par M. Halma; Paris, i8i3. Livre I, chap. IV, t. I, pp. 19-21. 3. Aristotelis De Cœlo libri IV cum Averrois Cordubensis variis in eosdem commen2.
summa IV, cap. VI, comm. 101. Beati Alberti Magni Ratisponensis Episcopi De Cœlo tract. IV, cap. VIII.
tariis; lib. II, k.
et
Mundo
liber secundus;
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
2^8
Saint
Thomas d'Aquin,
commentant
à son tour,
le
passage
nous faisions allusion naguère, écrit ceci Supposons qu'une pierre se trouve sur une table plane
d'Aristote auquel «
»
redescend suivant
qu'on
la jette
en
même
qu'elle a
parcouru en montant;
demeure immobile, si,
au contraire,
autre lieu;
retombe au
elle
meut,
la table se
ce
et
elle
l'air;
la verticale
la table
horizontale
retombera en un
la pierre
plus distant du point
de départ que la pierre aura été jetée plus haut; en
un plus long temps
sera écoulé
a été jetée et celui
Le Traité de
la
où
sphère de
entre
le
effet, il se
moment où
revenue frapper
elle est
et
lieu d'où elle est partie;
sera d'autant
lieu
si
:
la table. »
Campanus de Novare
l'œuvre astronomique la plus importante qui
la pierre
est peut-être
ait été
composée
du xiu siècle; l'auteur marque nettement 2 l'analogie entre le problème du mouvement de la Terre et les questions relatives au mouA^ement d'un navire « Il est des gens, » dit Campanus, « qui ont une fâcheuse e
à la fin
:
disposition d'esprit;
ils
comprendre
sible qu'à
sont plus aptes à imaginer l'impos-
le nécessaire.
Ils
disent donc que les
sphères célestes ne se meuvent pas; que la Terre, au contraire,
avec tout ce qu'elle renferme se meut et décrit chaque jour
une révolution
entière;
en nous-mêmes ni en
nons
qu'il se
la
nous ne percevons ce mouvement ni Terre qui se meut, mais nous imagi-
produit dans
le
Ciel;
il
nous semble que
les
du Ciel se meuvent vers l'occident, alors que c'est nous qui nous mouvons vers l'orient. De même, si un navire quitte parties
un port qui
se trouve à l'occident
semble aux navigateurs que
que
pour cingler vers
du mouvement d'une chose que par rapport prise
comme
terme
fixe.
il
navire demeure immobile et
le
port fuit vers l'occident; les sens, en
le
l'orient,
à
effet,
ne jugent
une autre chose
Aussi, lorsque des navigateurs se
trouvent au large, loin de tout repère immobile, lorsqu'ils ne voient rien que la mer,
meut. i.
leur semble que c'est l'eau qui se
)>
Libri de
lib. II, lectio 2.
il
Cœlo
et
Mundo
Aristotelis
cum
expoèitione Sancti
Thomao de Aquino;
XXVI.
Traclatus de sphxra editus a Magistro
Quod Terra non movclur.
Campano
Euclidis interprète; cap. XVII
:
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI «... L'erreur
l'observation
ceux qui
de
du mouvement
mouvement de corps qui se meut
pensent ainsi est réfutée par des corps terrestres
local
tel
;
de l'oiseau ou de n'importe quel
la flèche,
le
2^9
à travers l'air;
si la
Terre se mouvait, nous
verrions ce corps se mouvoir plus rapidement vers l'occident
que vers
en rapportant son mouvement à un point
l'orient,
de repère fixé au sol; cela n'est pas; à partir d'un terme fixé
au
sol,
nous voyons
même
avec une
l'air
corps dont
les
vitesse,
il
qu'ils
soit
mouvoir dans
s'agit se
se
l'orient, soient qu'ils se dirigent vers l'occident.
Albert de Saxe, dont les Questions sur
profondément l'encontre
niques d'Aristote
a
Un effet,
et
la
il
formule, entre autres,
:
corps projeté verticalement vers
même
d'où son
le
haut ne retom-
mouvement
a pris naissance;
tandis que ce grave s'élèverait, la Terre poursuivrait le
tomberait pas sur
la partie
ment au-dessous de d'écrits
grave donc, retombant verticalement, ne
lui
de
Terre qui se trouvait directe-
la
moment
au
astronomiques ont
Moyen -Age que
les
de son départ.
ouvrage s'inspire constamment,
et
de très près, des Questions d'Albert de Saxe sur
;
cet
les objections
mouvement diurne de objections
un
le
elles
se
résument 2 simplement terminent ainsi:
du mouvement de
arrière; cela se voit en
navire.
i.
les
«Si
la
projectile lancé verticalement vers le
haut ne pourrait revenir à son point de départ; en
un
De Cœlo;
de Pierre d'Ailly à l'encontre du
Terre
la
d'Albertutius;
Terre se mouvait,
du
Quatorze questions de Pierre d'Ailly sur
Sphère de Sacro Bosco
en particulier,
»
été plus étudiés à la fin
la
suite
si
du Vinci, reproduit, à Terre, les objections méca-
de Ptolémée;
son mouvement;
Peu
De Cœlo ont
le
l
berait pas au lieu
en
»
influé sur la science
du mouvement de
cette difficulté
dirigent vers
la Terre, le projectile
effet,
par
demeurerait en
une flèche mise en mouvement sur
»
Alberti do Saxonia
Quxstiones
in
Ubros De Cœlo
el
Mando ;
libri
II
quaes-
tio XIII. 2.
Pétri de Aliaco, Cardinalis et Episcopi Cameracensis
Joannis de Sacro Bosco; quaestio
III.
XIV
Quœstioncs in
Sphœram
2
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
50
L'analogie entre le problème du
mouvement de
problème du mouvement du navire Nicolas de Gués « Il est
est
Terre
la
et le
également signalée par
1 :
certain,
pour nous, que
la
Terre se meut, bien que
mouvement ne nous soit pas sensible; en effet, nous ne percevons le mouvement que par comparaison avec un terme fixe. Imaginons qu'un homme se trouve sur un navire au ce
milieu de l'eau, et qu'il n'aperçoive pas
que
reconnaître que cette eau se meut?
de
la
jetées
pourrait- il
»
où Léonard méditait
en son commentaire à
problèmes
les
la
écri-
Sphère de Jean de Sacro
:
Si la Terre
«
ignore
s'il
Mécanique, Jean-Baptiste Gapuano de Manfredonia
vait 2 ,
Bosco
même
rivage;
un courant, comment
l'eau est entraînée par
Enfin, à l'époque
le
éprouvait une révolution diurne,
en haut ne retomberaient pas au lieu
pierres
les
même
d'où elles
ont été jetées, ce qui est faux, contraire au témoignage des sens et à l'expérience. Gela est évident;
si
un homme,
se
trouvant dans un navire, jetait une pierre en haut alors que
meut rapidement, cette pierre tomberait souvent hors du navire, en un lieu très éloigné de son point de départ;
le
navire se
or la Terre se mouvrait beaucoup plus vite que
navire
le
plus rapide; à plus forte raison, donc, on devrait, sur faire la
même
observation.
le jet
liquide qu'un vase
pont d'un navire en marche;
forme de
la
ce jet lui a permis, croit-il, de résoudre cette question est la vitesse
Par tous le
presse
Terre,
»
Léonard de Yinci vient d'étudier laisse écouler sur le
la
le
:
Quelle
d'un navire qui se trouve au large de tout repère?
les écrits qu'il a lus
d'aborder
ou
maintenant
Terre est- elle immobile, ou
qu'il a
cet
pu
autre
lire,
la tradition
problème
bien, au contraire,
:
La
décrit- elle
De docta ignorantia liber secundus, cap. XII. Spherae Tractatus Joannis de Sacro Busto Anglici viri clarissimi... Joannis Baptiste Gapuani Sipontini Expositio in Sphœra et Theoricis... Colophon Impressum fuit volumen istud in urbe Vencta... et calcographica Luce Antonii Iuntne Florentini... Anno Virginei partus MDXXXI. Labentc merise Martio. fol. 79, verso. Cet écrit a été remanié au plus tôt en i5o5, car l'auteur y cite (fol. 73, verso) l'éclipsé de lune du i5 août iao5. Les éditions plus anciennes du même ouvrage, dont la première fut imprimée en 1^99, ne contiennent pas le texte que nous citons. i.
Nicolai de Gusa
2.
:
NICOLAS DE GUES ET LÉONARD DE VINCI
chaque jour, de l'occident vers elle
25 1
une révolution sur
l'orient,
même?
En
effet,
va aborder ce problème; pour
il
le
résoudre,
mouvement relatif que prendrait, par rapport animée du mouvement diurne, une flèche lancée
il
va
une
étudier le
à
Terre
verti-
calement vers
le
haut;
et ce
mouvement,
il
va naturellement
déduire des principes erronés qui l'ont conduit à imaginer
le
son sulcomètre, de
Dynamique admise par
la
toute la tradition,
par Aristote, par Ptolémée, par Averroès, par Albert
par
Thomas d'Aquin, par Campanus, par
le
Grand,
Albert de Saxe, par
Pierre d'Ailly, par Nicolas de Gués.
Aussitôt
nous avons «
après
phrases relatives au
les
citées,
Du mouvement
nous lisons de
la
s'élèvera et descendra par
que
:
flèche expulsée de Varc.
du centre du Monde
tirée
celles-ci
sulcomètre,
1
— La flèche
à la plus haute partie des éléments
une
même
ligne droite, encore que
éléments soient en mouvement de circonvolution autour
les
du centre des éléments. «
»
La gravité qui descend au travers des éléments en circon-
volution a toujours son ligne qui se dirige dès le
centre du Monde.
le
mouvement selon la rectitude de la commencement du mouvement vers
»
Le second de ces énoncés exprime une vérité est
abandonnée sans
vitesse initiale;
il
si la
en est de
gravité
même du
du centre de la Terre, car, dans ce cas, sa vitesse initiale est purement verticale; il devient faux, au contraire, si on l'applique, comme Léonard le fera tout à l'heure, à une flèche tirée de la surface du sol
premier
si
la flèche est
vraiment
et
dont
il
demeurerait vrai selon
du mouvement de la Terre Dynamique erronée qui inspire
la vitesse initiale participe
Léonard en
Une
tirée
la
;
cet endroit.
autre erreur
mécanique
est
sous- entendue dans les
considérations que Léonard va développer,
comme
sous entendue dans ce qu'il a dit du sulcomètre;
grave y est traitée i.
Les manuscrits de
fol. 5 k,
verso.
comme un mouvement
Léonard de Vinci, ms. G de
la
la
elle
est
chute d'un
uniforme, alors
Bibliothèque de l'Institut,
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
252
qu'en d'autres passages, Léonard de Vinci définit
ment
la loi
exacte-
si
selon laquelle la vitesse de cette chute s'accélère.
Ces préliminaires posés, cette figure (fig. 7) et la
il
devient possible de comprendre
phrase qui l'accompagne a
1 :
Les huit lignes, avec
en lesquelles
divisions
ont
partagées,
les
huit
elles
sont
démontrer une
à
seule ligne, et celle-ci est droite,
car en chacune des huit divisions
de cette ligne passent
descendent vers
centre des élé-
le
ments en circonvolution; revient à la fin à la Fig.
d'où
cette ligne
même
position
séparée; et le
elle s'était
mou-
7.
vement dénomination,
Au
poids qui
les
c'est-à-dire
grave a une double
du
courbure hélice rectiligne.
»
travers d'un langage embarrassé, la pensée de
se laisse, semble-t-il, deviner; la
courbe tracée
Léonard
est la trajectoire
un observateur qui tourne avec les éléments, d'un grave qui tombe en ligne droite vers le centre du Monde apparente, pour
et
dont
la
chute dure vingt-quatre heures.
Auprès de autre figure
du
issues
que nous avons reproduite
la figure
où sont dessinées deux
même
une
se trouve
spirales de sens contraire,
centre et aboutissant au
même
point de la
circonférence. Cette figure se trouve à la suite de la phrase où
Léonard affirme que
«
la flèche tirée
du centre du Monde
à la
plus haute partie des éléments s'élèvera et descendra par une
même
ligne droite.
»
La double
apparente de cette flèche
si
spirale représente la trajectoire
l'on suppose
que l'ascension
et la
descente du projectile ont une égale durée de vingt- quatre heures.
Léonard reprend à de l'occuper; «
1.
Du
il
la
page suivante 2
en expose
la solution
grave descendant dans
l'air, les
Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms.
le
problème qui vient
avec plus de détails
:
éléments étant animés d'un
G de
la
Bibliothèque de L'Institut,
G de
la
Bibliothèque de
fol. 5/i, verso. 2.
Les manuscrits de Léonard de Vinci,
fol. 55, recto.
ms.
L'Institut,
Nicolas de cuès Et Léonard de vrNcl
mouvement de circonvolution dont vingt-quatre heures.
— Le
l'entière révolution
mobile descendant de
plus élevée de la sphère du feu fera
jusqu'à la Terre, encore que
les
a53
la
a
lieu
en
partie
la
un mouvement
droit
éléments soient en continuel
mouvement de circonvolution autour du centre du Monde. On le prouve soit B (fig. 8) le grave qui descend, à partir de A, :
Fig. 8.
pour descendre au centre du Monde M;
je dis
qu'un
tel
grave,
encore qu'il fasse une descente courbe en manière de ligne
ne déviera jamais de sa descente rectiligne qui avance continuellement entre le lieu d'où elle s'est séparée et le centre hélice,
du Monde; parce que,
si
descendu au point B, dans elle a été
ce grave est parti le
le
mobile
et est
temps où
elle est
descendue en B,
A
s'élant
changée en
portée en D, la position de
de G; ainsi
du point A
se trouve
dans
la rectitude
celle
qui s'étend
du Monde M. Si le mobile descend de D a F, C, principe du mouvement, se meut dans le même temps de G à E, et si F descend en H, ce principe du mouvement se entre
G
et le centre
tourne en G. Ainsi, en vingt quatre heures,
le
mobile descend
2
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
54
à terre dans le lieu d'où
vement
Si le
«
composé.
est
il
s'est
un
et
la partie la
plus élevée des éléments
en vingt-quatre heures, son mouvement
est
droit et de courbe. Je dis droit, parce qu'il
ne
à la plus basse
déviera jamais de la ligne la plus courte qui s'étend
d'où
il
s'est
mou-
tel
»
mobile descend de
composé de
d'abord séparé,
séparé jusqu'au centre des éléments, et
il
du
lieu
s'arrêtera
à l'extrémité la plus basse d'une telle rectitude, qui se trouve
toujours selon le zénith sous
Et ce
mouvement
la ligne,
De
est
d'où ce mobile
le lieu
courbe en soi avec toutes
par conséquent est courbe à
que
là naît
la pierre jetée
de
la
côté de la tour plutôt que par terre.
la fin
s'est séparé.
les parties
avec toute
de
la ligne.
tour ne frappe pas sur
le
»
Quelle conclusion Léonard pensait -il donner à ce curieux
problème? Youlait-il prouver que
le
mouvement diurne
est
dû
une rotation de la Terre sur elle-même? Certains auteurs l'ont cru, mais nous ne saurions partager leur opinion. Ce problème a été posé à Léonard par les écrits de ses prédéces1
à
seurs
tout particulièrement, par une objection qu'Albert
et,
de Saxe formule contre l'hypothèse de la rotation terrestre; pour le résoudre, Léonard se sert de la même Dynamique erronée
qu'Albertutius
ne
fait
la
solution
qu'il
obtient
s'accorde
du maître de l'Université de guère que donner à ces dires, dans un cas les dires
exactement avec elle
;
Paris; parti-
une forme précise; comment Léonard aurait -il pu prendre pour arguments en faveur de la révolution terrestre culier,
conclusions
des
qu'Àristote,
qu'Albert
le
Grand,
qu'Albert
de
Saxe,
regardées
comme
que que
que
des preuves certaines
meut point? Nous croyons, au ciple
soumis de
d'Ailly
la tradition
dont
contraire, il
qu'Averroès,
Campanus, ont unanimement que la Terre ne se
Thomas,
saint
Pierre
Ptolémée,
que
que Léonard,
s'inspire, s'est servi,
dis-
pour
démontrer l'immobilité de la Terre, des principes au moyen desquels il pensait déterminer la vitesse d'un navire en marche. Cette interprétation explique seule tous i.
Voir
notamment: tomo IV,
Kircnze, i8q5;
Ilaïïacllo Gaverai, p. 78.
les
termes de
Storia del Melodo sperimcntalc
in
Italia.
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
255
ses notes manuscrites; les passages impossibles à
comprendre
y abonderaient si l'on abandonnait cette explication en faveur de l'interprétation contraire.
XIV La nature des astres selon Nicolas de Gués et Léonard de Vinci. Selon
la
Physique péripatéticienne,
formé de quatre éléments
:
le
monde
sublunaire est
le feu, l'air, l'eau et la terre.
de ces éléments sont graves, c'est-à-dire que leur
un mouvement en
naturel est
ligne droite vers
Trois
mouvement le
du
centre
Monde; un seul, le feu, est léger; son mouvement naturel est un mouvement rectiligne qui l'éloigné du centre du Monde. Ces quatre éléments sont susceptibles de génération
et
de
corruption; une certaine quantité d'un élément peut se cor-
rompre,
c'est-à-dire
détruire,
se
tandis que s'engendre
une
quantité égale de l'un des éléments immédiatement contigus
au premier. Les corps célestes sont formés d'une cinquième essence qui n'a rien de
commun
avec les quatre éléments sublunaires.
Cette cinquième essence n'est ni grave ni légère; elle n'a
pour
mouvement naturel ni un mouvement rectiligne centripète, ni un mouvement rectiligne centrifuge, mais bien un mouvement circulaire uniforme autour du centre du Monde. En outre, l'essence dont sont formés les corps célestes n'est passible ni de génération ni de corruption.
De
quelle
substance du
nature Ciel?
cette
est-elle,
cinquième essence,
cette
Ce problème soulève, au Moyen-Age,
d'ardents débats entre les doctes.
A
la solution
spécial
où
il
de cette question, Averroès consacre un écrit
enseigne
matière et de forme,
i.
1
que
« le
comme
le
Ciel n'est
pas composé de
sont les corps passibles de
Averrois Cordubensis Sermo de substantiel orbis.
Î2
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VlNCi
06
génération
de corruption
et
»
;
est
il
forme pure
;
«
sa nature
du même genre que la nature de l'âme » il n'y a en elle aucun mélange d'acte et de puissance ou, du moins, la seule puissance qui soit en lui, c'est la puissance d'être en un lieu; c'est grâce à cette puissance qu'il se meut de mouvement est
;
;
son mouvement, d'ailleurs,
local; laire,
mouvement
circu-
qui est parfait.
Thomas d'Àquin
Saint
admet, en aussi
est le
la
sépare d'Àverroès en
se
ce
qu'il
substance céleste, non seulement une forme, mais
une matière
Une
1 .
principe posé, cependant,
fois ce
développe au sujet de cette matière
et
il
de cette forme des
considérations qui ont une grande affinité avec la pensée d'Averroès.
La forme du potentiel en la
comble, tout ce qu'il y a de matière céleste; il ne subsiste donc plus en cette Ciel satisfait,
matière aucune capacité à recevoir une forme nouvelle et
diffé-
rente de celle qu'elle possède, en sorte qu'il ne saurait s'y
produire aucune génération, aucune corruption.
Une
seule
puissance subsiste en cette matière; c'est la possibilité de se trouver logée, d'être en certain lieu, qui la rend apte au
mou-
vement local. La matière du corps céleste n'a donc aucunement la même nature que la matière des éléments susceptibles de génération et
de corruption;
donne
le
c'est
seulement par analogie qu'on leur
même nom.
Saint Bonaventure diminue 2 quelque peu la profondeur de
l'abîme creusé par saint et la
une
Thomas
entre la matière des éléments
matière de la cinquième essence; dans ce but, distinction.
Pendant
la
il
établit
période chaotique, avant que
le
Ciel ait été créé, la matière qui devait être la matière céleste était la
même
i.
Libri de
la
matière des éléments
forme imparfaite. Mais une
alors d'une
Cœlo
lib. I, lect. VI.
que
et
;
elle était
revêtue
fois le Ciel produit, la
Mundo Aristotelis cum expositionc Sancti Thomœ de Aquino; Thomre Aquinatis Summa Iheologica; pars I, qinest. LXVI,
— Sancti
art. a. !.
libriun
Cclcbralissimi Patris
S entent iarum
terrestrium una
sit
Domini Bonavcnturœ, Doctoris Seraphici, In sccundum dist. XII, pars 11, quœst. I: Utrum cœlcstium et
disputata;
maleria
quantum ad
esse.
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
matière dont
il
2^^
est constitué s'est trouvée revêtue
d'une forme
incorruptible, tandis que la matière des éléments recevait
forme susceptible de disparaître pour
une remplacée par une
être
autre forme.
Rome
Gilles de
soutient
1
l'identité essentielle
céleste et de la matière élémentaire
;
de la matière
mais, en dépit de cette
identité, la substance céleste
demeure incorruptible il n'existe pas, en effet, de forme contraire à la forme dont la matière céleste est revêtue, et la substance du Ciel est exempte de ;
toute privation.
L'opposition entre la matière céleste et la matière des quatre
éléments est encore moins accentuée selon
Duns Scot 3
A
la
doctrine de Jean
.
parler simplement, le corps céleste est corruptible;
forme qui revêt
matière dont
la
il
est constitué
pas, en cette matière, toute puissance à
contraire
;
mais bien que
forme contraire à celle-ci
pour
cette
;
ne supprime
une forme nouvelle
et
matière soit en puissance d'une
celle qu'elle possède, elle
revêtir celle là
la
ne quitte jamais
pour que cela pût
se faire,
il
faudrait qu'un agent revêtu de cette forme contraire fût plus
puissant que le Ciel, qu'il pût imposer sa propre forme à la
matière
en
céleste
imprimée; or un être
corrompu;
il
dépouillant
la
tel
de celle qui s'y trouve
agent n'existe pas;
ne peut
être transformé,
le
Ciel ne peut
donc
par exemple, en
feu,
en eau ou en quelque élément; mais, plus puissant que éléments,
il
peut, peut-être, les vaincre et les corrompre;
les il
peut, peut-être, imposer au feu sa propre forme et le changer
en substance
céleste.
Les indications de Duns Scot sont développées et précisées
par Guillaume d'Ockam 3 Selon Ockam,
les
.
corps célestes et les corps inférieurs sont
formés d'une matière qui a absolument
même
nature dans
les
Jïgidii Romani Heremitœ Quœstio de materia Cœli (Cette question est impriGaietani Expositio in libro de Cœlo et Mundo; à la fin de l'ouvrage suivant Venetiis, per haeredes Octaviani Scoti et Bonctum Locatellum, i5o2). i.
mée
2.
rum; 3.
libri
:
Johannis Duns Scoti, Doctoris Subtilis, Quœstiones in quatuor libros SententiaXIV, quaest. I Utrum corpus cœleste sit essentia simplex. Magistri Guilhelmi de Ockam Super quatuor libros Sententiarum annotationes ; secundi quœstio XXII.
lib. II, dist.
p.
duhem.
:
17
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
258
uns
et
ajoute
dans
les autres.
démontrer
la
peut démontrer cette proposition,
mais on ne saurait davantage
inceptor,
Venerabills
le
On ne
proposition contraire; d'ailleurs, tout ce qu'on
peut expliquer en admettant que est essentiellement distincte
de
matière des éléments sub-
la
peut aussi s'expliquer en admettant que ces deux
lunaires
matières sont de
même
ment invoqué par pas mettre
nature
;
chef de l'École terminaliste, on ne doit
le
la pluralité là
où
elle
ne s'impose point
sine necessitate) ;
seconde opinion à
la
Toutefois,
une différence
La matière
on doit donc préférer
la
subsiste, touchant leur aptitude à être
corps célestes et
les
comme
céleste, tout
naire, est en puissance de recevoir elle est
(pluralitas
première.
corrompus ou engendrés, entre inférieurs.
constam-
or, selon le principe
nunquam ponenda
dont
matière des corps célestes
la
la
corps
les
matière sublu-
une forme autre que
actuellement revêtue
;
tout
comme
la
celle
matière
sublunaire, elle désire cette nouvelle forme; on peut donc dire
que ces deux matières sont également susceptibles
d'alté-
ration, de génération et de corruption. Seulement, tandis qu'il existe des agents naturels capables d'opérer
un changement
de forme en la matière des éléments sublunaires, des corps célestes ne
saurait être
d'aucune substance créée;
A
Dieu.
l'égard de tous les
la
matière
transformée par l'action
y faudrait l'action directe de agents naturels actuellement exisil
tants, la matière céleste est incorruptible.
L'opinion d'Ockam ne semble pas avoir recueilli d'adhérents
parmi
les
maîtres de la Scolastique.
Les Averroïstes, bien entendu, tenaient pour
la distinction
absolue entre la nature des éléments sublunaires et la nature
de
la
cinquième essence, distinction qu'Aristote avait posée
qu'Averroès avait accentuée dans son discours De
et
substantiel
orbis.
Contemporain de Guillaume d'Ockam, Jean de Jandun déclare que « le Ciel n'est formé ni de la même matière que 1
corps inférieurs, ni d'une matière de
les
i.
Joannis de Janduno Quœstioncs
quaestt. XII, XIII et
XIV.
in libros Aristotelis
même
de Ccelo
espèce, ni
etMundo;
in libruni
I
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
même
d'une matière de
matière de l'un et
la
même De
genre
la
;
il
2^g
y a seulement analogie entre
matière des autres». C'est la doctrine
de Saint Thomas d'Aquin. Dans ses Questions sur
Jandun allait plus loin il admetl'opinion du Commentateur et niait
substantia orbis, Jean de
tait
dans son intégrité
1
que
;
composé de matière
le Ciel fût
et
de forme.
Ockam
Les Terminalistes de l'École de Paris, qui saluaient
du
de Vénérable
titre
le
initiateur,
n'admettaient pas plus que les
Averroïstes l'identité de la matière céleste et de la matière
sublunaire; Albert de Saxe s'exprime
dans
mêmes
les
le
,
à ce sujet, à peu près
termes que Jean de Jandun
nom
:
Le Ciel n'est
une substance de forme convient mieux que celui de
pas composé de matière
simple auquel
2
de forme;
et
c'est
matière.
Le Péripatétisme médiéval donc, d'un accord presque unanime, pose une distinction essentielle entre et les
quatre éléments sublunaires
;
la
substance céleste
l'originalité
de
la
doctrine
de Nicolas de Cues touchant la nature des astres s'affirme
un
alors avec
éclat particulier; cette doctrine,
la distinction entre la
en
effet, efface
substance des corps célestes et la sub-
stance des corps inférieurs, et cela bien plus complètement
que ne
Pour
le faisaient les
lui
propositions de Guillaume d'Ockam.
trouver des précurseurs, à cette doctrine,
remonter bien en
arrière, jusqu'au
il
faut
temps où l'École ne subis-
pas encore l'emprise de la Physique péripatéticienne.
sait
Alors, en
effet,
les
docteurs enseignaient volontiers que les
corps célestes étaient formés d'une substance que l'on pouvait
beaucoup souscrivaient au sentiment exprimé par Saint Augustin et pensaient que les astres également rencontrer
ici-bas
;
étaient de nature ignée.
Saint Anselme, par exemple, insiste sur cette proposition 3
Le
soleil, les étoiles, la
:
plupart des planètes sont des globes
i. Joannis de Janduno Expositio super Ubro de substantia orbis cum quœstionibus ejusdem; quaestio I An cœlum componatur ex materia et forma. 2. Alberti de Saxonia Quœstiones in libros de Cœlo et Mundo; libri I quaestt. I :
et II. 3. Opuscula Beati Anselmi, archiepiscopi Cantuariensis, ordinis Sancti Benedicti. Liber de imagine Mundi; lib. I, capp. XXIV et XXV.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
260
de feu;
lune est aussi
la
un globe de nature
ignée, mais
mélangé d'eau; quant au firmament, auquel sont attachées les étoiles fixes, c'est une voûte formée d'eau congelée, devenue solide
comme du
Aux
cristal.
Lombard rappelle l'avis qui imaginent un ciel aqueux ou qui
Livres des Sentences, Pierre
des anciens auteurs
I
veulent que les corps supérieurs soient de nature ignée.
aux maîtres de l'ancienne Scolastique,
C'est
Anselme, bien plutôt qu'aux docteurs de
tels
que saint
la Scolastique péri-
patéticienne qu'il faudrait rattacher Nicolas de Gués.
Résumons brièvement pas de
n'existe
Allemand
qui
surface
Monde
termine
actuellement
y aurait encore un absurde. Le Monde n'est donc pas infini, mais
Monde est
car,
2
;
non plus
a dit de
des corps célestes.
la constitution Il
ce que le Cardinal
hors du
fini,
car
il
il
lieu, ce il
le
qui
n'est pas
n'existe point de bornes actuelles qui
l'enferment.
Puisque aucune surface ne
le limite,
il
ne saurait avoir de
centre.
Dès
lors, la
centre du
Terre ni aucun astre ne peut se trouver au
Monde.
n'a de centre; tous les astres, en
de
la figure
aucun corps céleste ont une figure voisine
D'ailleurs, ni la Terre ni
sphérique
;
effet,
mais aucun d'eux
n'est
une sphère
Monde concret, le maximum de rotondité ne saurait être atteint, non plus qu'aucun maximum absolu; il ne saurait exister un corps tellement sphérique qu'on n'en pût concevoir un autre qui le serait plus exactement, et ainsi
parfaite, car,
de suite à
dans
le
l'infini.
De même que
la
Terre ne peut être au centre du Monde,
centre qui n'existe pas, de
contenu en une sphère
mer
cette
Monde, en «
effet,
la
céleste,
Pétri i
le
Monde ne la
Lombardi Episcopi
2.
Nicolai de
Nicolai de
dixième;
le
n'admet aucune limite concrète. se
comporte donc
comme
Parisiensis Sententiarum libri IV; lib.
et 2.
3.
saurait être
qu'on veuille d'ailleurs nom-
huitième, la neuvième ou
La machine du Monde 3
i.
artt.
sphère
même
Casa De docla ignorantia liber secundus, cap. XI. Cusa De docta ignorantia liber secundus, cap. XII.
II,
si
elle
dist.
XI V,
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
26 1
avait son centre partout et sa circonférence nulle part, car
Dieu
est à la fois
son centre
circonférence.
et sa
»
Ni la Terre ni aucun corps céleste ne peut être absolument
immobile 1,
dans l'Univers contracté,
car,
mouvement ne
de
le
minimum
absolu
saurait être réalisé.
Tous ces corps donc
se
meuvent,
les
uns plus,
les autres
moins.
meut d'orient en occident; Vénus se meut de même, mais son mouvement est moindre; suivant la même progression descendante, nous voyons Mercure se mouvoir moins que Vénus, la Lune moins que Mercure, et la Terre encore moins que la Lune La Terre 3 a donc une figure voisine de la sphère, mais elle elle se meut suivant une n'est pas exactement sphérique trajectoire qui est à peu près circulaire, mais qui n'est pas un Le Soleil
se
2
.
;
cercle parfait, car le cercle parfait ne saurait se rencontrer
dans
le
Monde
La Terre que
créé.
n'est point essentiellement différente
le Soleil. S'il
était
sorte de terre centrale,
d'un air plus pur que ficielle
ces quatre
;
comme
les
tel
donné de pénétrer à l'intérieur de que nous voyons, nous y trouverions une
nous
cette clarté solaire
d'un astre
entourée d'une nuée aqueuse, puis
le nôtre, enfin
couches
d'une zone ignée super-
successives
se
comporteraient
quatre éléments terrestres.
De même,
si
un homme
feu, la Terre lui apparaîtrait
se trouvait
hors de la région du
semblable à une étoile lumineuse
ou à un soleil splendide. La Lune est constituée comme la Terre et comme le Soleil; elle aussi a une lumière propre; mais cette lumière, nous ne
pouvons pas la voir comme nous voyons la lumière du Soleil, parce que la Terre ne se trouve pas en dehors de la zone ignée de la Lune; elle se trouve plus près du centre de cet astre, dans une région comparable à notre région aqueuse. Nicolai de Gusa De docta ignorantia liber secundus, cap. XI. Nous résumons ici ce que Nicolas de Cues enseigne, touchant les mouvements des corps célestes, dans son écrit De docta ignorantia. Il a émis des opinions toutes différentes dans une note manuscrite qui a été découverte par Clemens et publiée par lui en 1847. Comme cette note n'a pu être connue de Léonard de Vinci, nous n'en 1.
2.
parlerons pas 3.
ici.
Nicolai de
Cusa De docta ignorantia liber secundus, cap. XII.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
262
La Terre
est
donc une noble
étoile, et les étoiles
ont une
constitution élémentaire semblable à celle de la Terre.
comme
à penser d'ailleurs que,
la Terre,
chaque
Il
est
astre a ses
habitants, différents d'un astre à l'autre et marquant, par leurs caractères particuliers, la ciales
de
l'astre
où
ils
prédominance des influences
spé-
vivent.
Le Monde n'ayant pas de centre, on ne peut plus dire que les corps graves ont pour mouvement naturel un mouvement
du Monde, que
rectiligne dirigé vers le centre
un mouvement
naturel des corps légers est
même
ce
centre;
de
la théorie
mouvement
le
rectiligne qui fuit
pesanteur construite par
la
Aristote n'a plus de sens.
Par quoi Nicolas de Gués
va-t-il
remplacer
cette théorie?
Par
une doctrine pythagoricienne, plus ancienne que la doctrine d' Aristote, et que celle-ci avait supplantée. Le mouvement naturel d'une partie d'un élément tend à la réunir au reste de cet élément; le
semblable marche vers son semblable pour en
sauvegarder l'intégrité.
Tout mouvement d'une partie a pour objet
«
du
tout 1
;
c'est
pourquoi
corps légers vers
les
le
les
graves se portent vers la Terre et
haut; c'est pourquoi la terre se porte
vers la terre, l'eau vers l'eau, l'air vers feu
;
la perfection
autant que faire se peut,
le circulaire et toute figure
mouvement du
le
feu vers le
l'air et le
tout tend vers
vers la figure sphérique.
»
Ce passage renferme en germe, semble-t-il, la théorie de la gravité que Copernic substituera à la théorie péripatéticienne. Selon cette nouvelle théorie, la Terre, prise dans son ensemble, n'est ni grave ni légère, et
en
il
vérité de ce corollaire n'exige C'est ce
indique
2
est
de
même
de tout astre. La
aucune hypothèse nouvelle.
que Nicolas de Cues semble n'avoir pas aperçu. Il certaines considérations que leur brièveté rend
quelque peu obscures, mais qui ne paraissent pas susceptibles d'une interprétation autre que celle-ci
:
Les divers éléments qui composent une étoile, Terre, sont les uns lourds 1.
Nicolai de
2.
Nicolai de
—
Gusa De docta ignorantia Cusa De docta ignorantia
et ils
liber
telle
que
la
tendent vers un certain
secundus, cap. XII.
liber secund-us, cap. XIV.
NICOLAS DE GUES ET LÉONARD DE VINCI
point
—
les autres légers
entier ne s'approche ni
—
et ils fuient ce
263
même
point; l'astre
ne s'éloigne de ce point,
n'est ni
il
lourd ni léger, parce que la pesanteur de certains de ses
éléments
exactement compensée par
est
la légèreté
des autres;
grâce à cette exacte compensation, l'astre demeure supendu
dans l'espace. Pour créer
Monde, Dieu a
le
fait
appel aux
quatre sciences mathématiques, l'Arithmétique, la Géométrie, la
Musique
est
et
l'Astronomie; l'exacte balance dont nous parlons
l'œuvre de
la
divine Géométrie.
N'est-ce pas le sens qu'il faut attribuer
Par
«
de
la
Géométrie, Dieu a figuré
telle sorte
que de
proportion des éléments,
selon les conditions qu'il a voulues...
Les éléments ont donc été constitués par Dieu en il
mesure
nombre
;
le
a
La gravité, en
un ordre poids
ressortit à l'Arithmétique, le poids
Géométrie, la mesure à la Musique. «
avec nombre,
créé toutes choses
admirable;
effet, se
et
à la
»
soutient dans l'espace parce que la
légèreté l'y contraint; la terre, qui est grave, se trouve
suspendue dans l'espace par contre la pesanteur
:
proportion découle la fermeté, la
cette
stabilité et la mobilité
la
aux passages suivants
le
moyen du
comme
feu; la légèreté lutte
comme, par exemple,
le
feu contre la
terre... » «
Qui pourrait
d'un art
si
se défendre
d'admirer cet Ouvrier qui a usé
parfait lorsqu'il a constitué les sphères célestes, les
Par sa précision,
la
variété est partout et cependant toutes choses concordent...
Il
étoiles et les diverses régions des astres?
a réglé les
rapports des diverses parties des astres de
sorte qu'en
chacun d'eux,
que
les
les parties se
corps graves se dirigent en bas
meuvent vers
A^ers le centre,
corps légers montent en s'éloignant du centre, ble éprouve le
mouvement
nous constatons dans
Cherchons dans
orbiculaire autour
et
telle
le tout,
que
les
que l'ensem-
du centre que
les étoiles. »
les
notes de Léonard de Vinci la trace de
ces pensées de Nicolas de Gués.
En une précédente i.
Albert de Saxe
série, pp. 39-49).
et
étude
1 ,
nous avons réuni
Léonard de Vinci,
V
et
analysé bon
(Études sur Léonard de Vinci, première
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
2 64
nombre de fragments contenus au
cahier F
nous y avons vu
de la tache lunaire
les diverses explications
Léonard étudier
;
qui se trouvent rapportées par Albert de Saxe dans ses Questions sur le De Cœlo, puis proposer à son tour une explication nouvelle; cette explication attribue la splendeur lunaire à la
lumière solaire réfléchie par
vagues
les
la
Lune Par
;
les
et la
Terre sont donc des astres analogues.
Gomment
«
d'un Océan que rident
taches obscures sont des continents ou des îles;
Léonard
là,
la surface
conduit à formuler cette proposition
est
1 :
Terre n'est pas au milieu du cercle du Soleil,
la
du Monde, mais bien au milieu de ses éléments, qui l'accompagnent et lui sont unis. Et pour qui serait sur la Lune, autant elle est au-dessus de nous avec le Soleil, autant ni au milieu
paraîtrait notre Terre avec l'élément de l'eau, faisant le
même
Lune pour nous. » Léonard est-il parvenu à une telle conclusion par la force de ses méditations, ou bien a-t-il été guidé vers office
que
fait la
Il
de ne pas pencher vers celte seconde opinion
si
compare
l'on
a à conclure
Lune,
la
la lecture
du grand peintre 2 « Tout ton discours Terre est une étoile presque semblable à
cette note
que
la
et ainsi tu
:
prouveras
la
noblesse de notre
phrase 3 écrite par l'Évêque de Brixen
cette
cette
de Nicolas de Cues?
audacieuse conséquence par est difficile
seule
donc une noble
:
«
Monde
»
à
Notre Terre est
étoile. »
D'ailleurs, les cahiers
réflexions inspirées à
où
se trouvent
Léonard par
la
en grand nombre lecture
les
des écrits de
Nicolas de Cues, nous offrent mainte note qui a trait à l'analogie de la Lune, de la Terre et des étoiles. C'est ainsi qu'au cahier
A nous
Léonard résume sa théorie de Ce que
«
c'est
que
par elle-même, mais i.
la
Lune.
elle est
la
trouvons un passage^ où
lumière lunaire
— La
Lune
:
n'est pas
lumineuse
bien apte à recevoir la nature de
Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F de la Bibliothèque de l'Institut, verso. Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms.
fol. fn, i.
F de
la
Bibliothèque de
l'Institut,
fol. 5G, recto. 3. 6.
fol.
Cusa De docta ignorantia liber secundus, cap. XII. Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms. A. de la Bibliothèque de l'Institut,
Nicolai de
64, recto.
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI la
265
lumière, à la ressemblance du miroir ou de l'eau ou d'un
autre corps luisant... Si tu vois se mirer le Soleil
ou
grandeur
te
dans une eau qui dans
cette
eau être
soit voisine, leur
te
la
même
Lune
la
paraîtra
qu'elle te paraît dans le Ciel. Et
si
tu t'éloignes d'un mille, elle te paraîtra cent fois plus grande; si
tu vois le Soleil se mirer dans la mer, au
couche,
il
te paraîtra
moment où
se
il
grand de plus de dix milles, parce que
son image dans l'eau occupera plus de dix milles marins. Si tu étais où est la Lune, le Soleil te semblerait se mirer dans
autant de mers qu'il en éclaire à la journée, et la terre ferme te paraîtrait
dans
cette
comme
eau
te
paraissent les taches obs-
cures qui sont dans la Lune, taches qui font aux
sont sur
la
Terre juste
même
le
hommes qui habiteraient la Au cahier G, nous retrouvons
des
que termine
Lune
cette
cette
:
que
Lune.
ferait notre
qui
monde
à
»
des raisonnements analogues
l
«
Donc
il
est nécessaire
que
soit eau. »
Ces pensées sur l'esprit
conclusion
effet
hommes
du globe lunaire hantaient
la constitution
de Léonard dans
temps
le
même
que
la
Métaphy-
sique de Nicolas de Cues lui inspirait une philosophie de la
temps que
forza, dans le
la lecture
du De
des procédés propres à étudier
lui suggérait
d'un navire au large ou de
donc permis de penser que
les
la
experimentis
statlcis
mouvement
le
Terre dans l'espace.
Il
est
hypothèses astronomiques de
l'Évêque de Brixen n'ont pas été sans influence sur celles du
grand peintre.
Comme
Nicolas de Cues l'avait supposé avant
Lune ne
lui,
le
Vinci
compose pas seulement d'un corps solide en partie recouvert d'eau, mais qu'elle comprend encore, comme notre Terre, une couche d'air et une couche de feu
admet que
la
se
:
«
Si la
vent
;
le
Lune
a des ondes
l'air. Il est i.
fol.
ces ondes ne peuvent exister sans
la
chaleur
donc nécessaire que
le
Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms.
G
et
demeurent au-dessous
corps de la Lune de
la
Léonard de Vinci, Codice
cit.,
p. 20.
Atlantico, fol.
112,
ait terre,
Bibliothèque de
20, recto. 2.
Op.
,
vent ne peut exister sans vapeurs terrestres qui sortent
de l'humidité, attirées par de
2
verso, a.
— Cf.
l'Institut,
Mario Baratta,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
2Ô6
eau, air et feu, avec les
nos éléments.
mêmes
mouvements que
conditions de
»
Ces conditions auxquelles
éléments lunaires sont soumis
les
en leurs mouvements semblent avoir grandement préoccupé Léonard. Le corps de
la
Lune
entendant certainement par pesant; dès
lors,
est dense,
grand
dit le
là qu'il est solide;
doit
il
pourquoi ne descend-il pas vers
Monde comme nos graves
terrestres
artiste,
donc
être
centre du
le
?
Nous trouvons déjà comme un rapide énoncé de ce problème dans cette note au crayon par laquelle débute
La Lune dense
u
Lune...
a II
léger.
léger ne peut
si
elle n'a
et si
est plus légère
cependant
que
elle
l'autre
Lune
élément 3
pourquoi
;
donc
c'est
et si elle est
solide et
est -elle
qu'elle
plus légère
non
trans-
Lune.
*
se précise
dans
le
remarquable
:
— Aucun corps dense
(solide) n'est plus léger
l'air. »
Nous avons prouvé que
«
est
n'est pas au milieu de ses
»
passage que voici la
»
demeurer sous un corps
ne descend pas,
La solution du problème posé
que
:
pourquoi ne tombe-t-elle pas au
la Terre,
l'autre élément,
parente?
est
pas une situation particulière en ses
centre de nos éléments? Si la
éléments
en
2
oui ou non, située au milieu de ses
est -elle,
comme
éléments,
De
:
»
éléments? Et
«
l
est la
et la solution
esquissée dans le fragment suivant
La Lune
que
K
comme
n'y a pas de corps très léger qui soit opaque.
moins «
nettement posé
est plus
Aucun corps plus
«
grave
et
cahier
»
Ce problème
comme
grave; dense
et
le
de l'eau, qui réfléchit
le
la partie
de
Lune qui resplendit
corps du Soleil
deur qu'elle en a reçue. Nous avons vu i.
la
Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms.
K de
et reflète la
comment la
si
splen-
une
Bibliothèque de
telle
l'Institut,
fol. i, recto.
Léonard de Vinci, ms. Arundel 263 de la Bibliothèque du Cf. Mario Baratta, Op. cit., p. iG. que tout élément terrestre. 3. C'est-à-dire k. Léonard de Vinci, ms. de la Bibliothèque du comte de Cf. Mario Baratta, Op. cit., p. 275. 2.
recto.
British
Muséum,
—
fol. g4,
:
—
Leicester.
fol. 2.
recto.
NICOLAS DE GUES ET LÉONARD DE VINCI
eau
sans onde, elle se montrerait toute petite, avec une
était
splendeur presque égale à celle du «
A
présent,
il
grave ou léger.
s'acquiert
Soleil.
nous faut prouver
»
la
si
Lune
un degré de
la Terre, à tout
degré de hauteur
en sorte que l'eau
légèreté,
légère que la terre, l'air que l'eau, le feu que
de suite. « Il
Lune, ayant densité
la
doit avoir gravité; et
si
descendre vers
joindre à la Terre;
si elle
moins devront tomber; tomberont vers le centre, sans lumière. La
c'est
l'air, et
un
comme elle
ainsi
le
;
et,
centre de l'Univers et se con-
Lune en
Lune dépouillée
comportant pas de
se
eaux du
ses
sera dépouillée et elles
et elles laisseront la
Lune ne
effet,
par conséquent,
ne descend elle-même, la
en
a
que l'espace au sein
elle a gravité,
trouve ne la peut soutenir
elle se
qu'il lui faut
et
est plus
»
semble que
duquel
un corps
est
»
Nous confessons que sur
«
267
la sorte,
signe manifeste qu'une telle lune est revêtue de ses
éléments, à savoir d'eau, d'air et de feu et qu'ainsi elle se soutient
dans l'espace en
soi et
par
soi,
comme
fait
notre Terre
avec ses éléments en cet autre espace [où elle se trouve] les
graves de la Lune font
même
office
;
et
que
en ses éléments que
font les autres graves [les graves terrestres] en nos éléments.
Quel sens exact
venons de Faut-il
faut-il
attribuer aux fragments que
»
nous
citer?
y voir
cette affirmation
:
les
éléments lunaires sont
unis à la Lune et tendent vers elle lorsqu'ils en sont séparés
comme
les
éléments terrestres sont unis à
la
Terre
et
tendent
vers la Terre lorsqu'ils en sont détachés? Assurément, cette
proposition est dans l'esprit de Léonard. «
N'a-t-il
pas écrit
1
Toute partie a une tendance à se réunir à son tout pour
échapper à son imperfection »? Et
cette
comme
qui est de Nicolas de Gués
«
:
la
traduction de celle-ci
Omnis motus
2 ,
phrase n'était-elle pas
partis est propter perfectionem ad
Cette proposition suffirait à expliquer que la
tendance à tomber sur 1.
2.
Lune
la Terre; elle a suffi à
Léonard de Vinci, Codice Atlantico, Nicolai de Gusa De docta ignorantia
totum
:
» ?
n'a aucune
Copernic pour
fol. 5g, recto.
liber secundus, cap. XII.
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
268
admettre que chaque astre gravite seulement vers lui-même
nullement vers
et
du Monde,
centre
le
et
Guillaume Gilbert
sont contentés après Copernic. Représente-t-elle
et Galilée s'en
Nous ne le croyons pas; il nous semble qu'elle laisse inexpliquée une partie de cette pensée. Pourquoi Léonard, toutes les fois qu'il veut rendre compte de l'équilibre de la Lune dans l'espace, insiste-t-il sur cette supposition qu'elle n'est pas seulement un noyau solide recouvert d'eau, mais qu'elle a aussi air et feu, que cet air et ce feu toute la pensée de Léonard?
comme
l'enveloppent
enveloppent
ils
la
Terre? Si sa pensée
était
simplement
celle
faire
de cet air
de ce feu pour prouver que
et
que développera Copernic, la
il
n'aurait que
Lune
n'est ni
grave ni légère. Tout ce que dit Léonard s'entend au contraire fort
bien
l'on
si
imagine que sa pensée
même
soit celle
de
Nicolas de Cues; la présence du feu dans la sable, car c'est la légèreté de ce feu
Lune est indispenqui compense exactement
poids des autres éléments lunaires
le
;
c'est cette légèreté
au centre du Monde,
retient la Lune, qui l'empêche de choir
comme
la
vent dans
lourdeur de
Lune l'empêchent de
la
terrestres assurent de la
de la Terre passage
du
l :
«
Soleil, ni
de l'eau
la terre,
même
dans l'espace
Comment
;
qui
et
de
l'air
qui se trou-
fuir ce centre. Les
éléments
manière l'équilibre indifférent
tel
sens véritable
est le
de ce
Terre n'est pas au milieu du cercle
la
au milieu du Monde, mais bien au milieu de
éléments qui l'accompagnent
et lui
sont unis.
ses
»
compte de tout ce que Léonard a suspension de la Lune dans l'espace peut-être,
Cette interprétation rend
touchant
dit
la
;
cependant, hésiterait-on à lui attribuer cette théorie trop naïve si
Ton ne songeait
qu'elle
lui
a
été
suggérée par Nicolas
de Cues.
Parmi en
est
les influences si
nombreuses que Léonard
deux qui ont prédominé
et celle
de Nicolas de Cues
;
elles
à l'encontre l'une de l'autre, esprit, elles s'y sont i.
;
a subies,
il
ce sont celle d'Albert de Saxe
n'ont point agi séparément ni
mais
elles
intimement mêlées,
ont conflué dans son
et leur
union aengen-
Les manuscrits de Léonard de Vinci, ms. F de la Bibliothèque de l'Institut,
fol. Zn, verso.
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
269
dré plusieurs de ses pensées les plus originales; en cette étude,
nous en avons vu maint exemple de rencontrer n'est pas
Léonard
la fois
celui
moins digne
de
la lecture
Léonard
était
de son siècle
étaient aussi ceux
lisait
d'attention;
lorsque
que
et
ses
était
des Subtilissimae quœstiones
de Cœlo et des De docta ignorantia
libros
que nous venons
système géocentrique, sa méditation
rejetait le
nourrie à
le
;
in
libri très.
de son pays;
les livres
qu'il
contemporains, que ses com-
Son exemple nous montre qu'en l'Italie du Nord, à l'aurore du xvi siècle, on méditait les enseignements de maître Albert de Saxe et du Cardinal Nicolas de patriotes étudiaient.
e
Cues. Or, en ces années-là,
le
jeune Nicolas Copernic parcourait
Universités de Bologne, de Padoue, de Ferrare, de
les
Rome,
recueillant avidement les enseignements des maîtres italiens; à
ces
xiv
xv si
e
e
enseignements se mêlaient
siècle, Albertutius siècle, le
avait
échos de ceux qu'au
les
donnés à
Paris, de
ceux qu'au
^Cardinal Allemand exposait en des traités d'une
audacieuse originalité. Ces deux génies, que Léonard a
si
profondément médités, ont contribué pour une grande part à la révolution copernicaine.
APPENDICE Denys l'Aréopagite, la Théologie d'Aristote et Nicolas de Cues. Les rares pensées métaphysiques que nous gardent les notes
de Léonard de Vinci semblent, presque toutes, inspirées par la
Métaphysique de Nicolas de Cues.
A
son tour,
la
philo-
sophie de Nicolas de Cues est constamment guidée par les philosophies néo-platoniciennes. Parmi les sources néo-platoniciennes auxquelles Nicolas de Cues a puisé, nous avons
cru
pouvoir ranger l'apocryphe
Théologie
d'Aristote.
une hypothèse dont la démonstration n'est pas Nicolas de Cues ne cite nulle part cet ouvrage.
C'est
fort aisée, car
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
27O
A
donné
l'appui de cette supposition, nous avions
ment suivant
le
nom
de Théologie; cette indication erronée
n'aurait-elle pas été suggérée à
l'Évêque de Brixen par la
connaissance d'un écrit intitulé Théologie Victor Delbos nous
M.
a
erreur.
Il
paraît bien qu'en
Stagirite désignait
la
a" Aristote?
que l'indication
observer
fait
donnée par Nicolas de Cues ne pouvait
une
l'argu-
Selon Nicolas de Gués, Aristote donnait à la
:
Métaphysique
1
être regardée
certaines
comme
circonstances, le
Philosophie première par
le
nom
de
Théologie. Nous en avons pour témoin ce texte de la Métaphysique
2 :
«
En
sorte qu'il y aurait trois philosophies théoriques,
savoir la Mathématique, la Physique et la Théologie. Tpeïç àv £t£V çtXojoçiai OstopYjTtxai, jxaSyj^aTix^,
(puer/*-/],
— "ùz-i
OeoXoYtwrç. »
remarque de M. Delbos ôte toute portée à l'argument que nous avions invoqué; nous n'attribuions, d'ailleurs, à cet Cette
argument qu'une fort minime importance. Il ne nous reste donc qu'une seule raison pour prouver l'influence de la Théologie a" Aristote sur Nicolas de Cues; cette
raison peut se formuler ainsi
:
On
trouve dans les écrits de
Nicolas de Cues des doctrines qui y jouent ces doctrines jouent d'Arlstole; elles
un
rôle essentiel
également un rôle essentiel en
;
la Théologie
ne se rencontrent en aucun autre
traité
néo-
platonicien. Il
de montrer que les
est aisé
la Théologie d'Aristote et
dans
de Cues,
et qu'elles
ont,
mêmes
dans
en l'une
la et
importance; cette démonstration a été suffisante,
pensées se retrouvent
philosophie de Nicolas
une égale donnée, d'une manière
croyons-nous, en nos articles
en
l'autre,
III et IV.
Ces pensées, l'Évêque de Brixen a pu
les
emprunter à
l'apocryphe Théologie. Les lui a-t-il sûrement empruntées? N'a-t-il
Cette
pu
les tirer
de quelque autre écrit néo- platonicien?
seconde partie de notre raisonnement
est,
beaucoup
plus que la première, malaisée à parfaire. Pour la conduire à bien,
il
toutes les
faudrait posséder
une connaissance approfondie de
œuvres néo-platoniciennes, tant païennes que chré-
1.
Vide suprà
2.
Aristote, Métaphysique, livre V, cap.
:
p.
i43. 1.
NICOLAS DE CUES ET LEONARD DE VINCI
tiennes,
que
le
Cardinal Allemand a pu consulter;
œuvres sont nombreuses, Brixen
était,
serait
Il
27 1
nous l'avons
car
dit,
de
l'érudition
et
ces
l'Évêque
de
d'une extrême étendue.
donc singulièrement
de passer en revue
difficile
toutes les philosophies néo- platoniciennes et de reconnaître
que, a
seule
parmi
ces
philosophies, la
Théologie tVAristote
pu fournir à Nicolas de Gués certaines de
ses
doctrines
essentielles.
Toutefois, cette preuve que nous ne saurions sa
donner dans plénitude, nous pouvons, du moins, en ébaucher quel-
ques parties; nous pouvons
lire
ceux des
écrits néo-platoni-
ciens qui paraissent avoir le plus influé sur Nicolas de Gués et
rechercher
s'ils
ont pu
lui
fournir toutes les pensées qu'il
pouvait également recevoir de la Théologie d'Arislote. Ainsi
avons-nous déjà montré que certains principes
communs au
pseudo-Aristote et au Cardinal Allemand n'avaient pu être
empruntés à Plotin, bien que l'auteur des Ennéades
rément suggéré plus d'une pensée
à
ait assu-
Fauteur de la Docte
ignorance. Il
est
une œuvre,
à la fois néo-platonicienne et chrétienne,
que Nicolas de Cues
maintes reprises, à laquelle
cite à
beaucoup emprunté; c'est l'œuvre qu'il Moyen-Age, à Denys l'Aréopagite. Ne pseudo-Aréopagïte qu'il tient
il
a
attribue, avec tout le
serait-ce
du
point
où nous avons cru
les théories
reconnaître l'empreinte de la Théologie d'Arislote? La question
mérite d'être examinée,
et
avec
un
soin d'autant plus minu-
tieux qu'entre les doctrines attribuées à et celles
que
la Théologie prête à Aristote,
Denys l'Aréopagite une grande ressem-
blance apparaît tout d'abord. Efforçons-nous donc de tracer la
Métaphysique professée
par
jamais inconnu, que nous voile
ici
le le
une esquisse philosophe
nom du
de
fidèle
chrétien,
à
disciple de saint
Paul. Cette Métaphysique découle plus
ou moins immédiatement
du grand courant philosophique issu de Plotin et de Proclus mais Denys s'attribue à lui-même un précurseur plus immé;
diat
en
la
personne de saint Hiérothée,
qu'il
nomme
son
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
272
maître
dont
et
il
nous conserve
hymnes
trois
«
;
hymnes
ces
de saint Hiérothée, insérés par Denys au quatrième chapitre
de son
traité
Des noms
plan d'après lequel
divins,
en quelque sorte,
tracent,
le
pseudo-Aréopagite construit tout son
le
système philosophique.
De
suivantes «
hymnes,
ces
Du
le
troisième
formule
2
les
propositions
:
Bien suprême émane une vertu simple qui est capable
par elle-même de déterminer un
mouvement
amou-
vers une
reuse union; cette vertu se propage jusqu'aux extrêmes limites
de l'ensemble des choses qui existent; de ces limites, cette vertu revient en arrière, à travers toutes choses, et retourne vers
Bien suprême.
le
»
Ce double mouvement par lequel
Bien absolu descend en
le
pour y produire tout ce qu'elles ont de bon, et déterminer en ces mêmes choses une tendance ascendante toutes choses
vers le Bien suprême, c'est l'objet que
samment Dès
le
inces-
à ses méditations.
début du
la description «
Denys propose
lumières.
De
la
est
mouvement 3 donné à un être, toute :
viennent d'en haut;
Toute émanation
a produit vient
nous trouvons
hiérarchie céleste,
de ce double
Tout bien qui
est accordée,
traité
de
perfection qui lui
descendent du Père des
ils
que
l'éclairement
s'épancher en nous;
là,
elle
le
Père
devient une
puissance d'union, qui nous simplifie en nous rappelant en haut, qui nous tourne vers l'unité
du Père en qui
tout se
rassemble, vers la simplicité qui constitue la Divinité.
Denys applique à ce double mouvement Paul^
Par plicité
:
«
le
Toutes choses viennent de lui
et
la
Et
»
parole de saint
vont à
lui. »
premier de ces deux mouvements, l'unité
et la
sim-
de Dieu répandent leur bienfaisante émanation en
la
1. Opéra S. Dionysii Areopagitae cum scholiis S. Maximi et paraphrasi Pachymeran a Balthasare Cordicro Soc. Jcsu doct. theol. latine interpretata et notis theologicis illustrata. Antverpiae, ex ofïicina Plantiniana Balthasaris Moreli, MDCXWIIII.
De
divinis nominibus, cap. IV, artt. i5, 16 et 17; 2.
tomus
Dionysi Areopagita? De divinis nominibus, cap.
I,
pp. 5G8-570. IV, art. 17; édit.
cit.,
pp. 569-570. 3. !\.
Dionysi Arcopagilaî De ccelesti hicrarchia, Gap. Pauli Epistolœ ad Romanos, II, 3G.
I; édit. cit.,
t.
I,
pp.
1-2.
t.
I,
NICOLAS DE GUES ET LÉONARD DL VINCI
des
multiplicité
par
créatures;
2^3
second, la diversité des
le
Denys
créatures tend à se fondre en l'unité divine; écoutons
comme un et
écho des enseignements de Plotin
en
réside en elle;
il
mode
leur
d'existence; elles
ne peut comprendre
en
elle
même
la
:
Bonté suprême
sont les principes des choses
y sont quel que soit \ sont d'une manière que l'on
choses qui existent,
et toutes les
et
lui-même procède de
L'Être qui est par
«
où nous reconnaîtrons
ces pensées en des termes
développer
et elles
y sont réunies toutes ensemble temps chacune d'elles y subsiste en sa singulaelles
;
rité. » «
En
effet,
en
en sorte que particuliers
;
l'unité, tout
même
en
rassemblé dans l'un
«De même, tous
temps, tout
est
il
;
s'éloigne de l'unité dont
devient muîtiple.
préexiste uniformément,
dans
nombre
le
Plus
l'unité.
provient, plus
il
au principe unique dont ils
le centre.
Le point contient centre, et joints
sont issus. Tant qu'ils s'éloignent
ils
au fur
divergent davantage
et à
mesure qu'augmente
rayons partent du centre
les
même
au centre, de
et
«
Ce qui préexiste
toutes choses 2 est le principe et la fin de toutes choses.
il
est la fin
il
une absolue unité; partout présent à
il
;
Dionysi Areopagitae De
que toutes choses
fait
il
choses;
nominibus,
Il
Denys l'Arcopagitc, p.
duhem.
loc. cit., art.
10; éd.
Cap.
cit.,
est
y est présent en tant
il
y est présent en
divinis
existent.
V,
même art.
6;
temps parce édit.
cit.,
pp. 692-693. 2.
tant
possède d'avance toutes choses dans
toutes
qu'unité et identité
i.
Il
En
à
de tout; en tant que cause finale,
est le principe
de tout...
abou-
l'Etre divin est le point de départ
point d'arrivée de toutes choses.
que cause,
la
»
De même que tous le
le
aux autres;
sont faiblement séparés les uns des autres;
distance au centre.
et
il
rayons du cercle, rassemblés par une même
les
tous ces rayons se trouvent conjoints dans
tissent
nombre
le
se divise, plus
il
tous ces rayons uniformément réunis les uns
ils
trouve
se
»
union, existent simultanémentdans
peu du centre,
nombres
contient en elle chacun des
l'unité et,
nombre
t.
I,
p. 697. 18
t.
f,
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
274
qui est tout;
qu'il est l'un
pénètre toutes choses en
il
demeure en lui-même. » On ne peut donc pas dire de l'Etre suprême
temps
qu'il
point de cette autre. Bien plutôt, l'auteur de toutes choses
principes;
les
même temps
est
il
comprend d'avance en
il
;
est toutes choses, car
il
au-dessus de toutes choses
d'une existence transcendante
Aussi peut-on dire de
et toute figure,
figure...
est
lui tous
cependant,
et
avant
est
supra-essen-
et
possède toute
il
forme
est sans
il
il
;
simultanément toutes
lui qu'il est
choses et qu'il n'est aucune de ces choses;
forme
il
contient les fins de tout ce qui est; et en
il
toutes choses tielle.
«qu'il est cecii
point cela; qu'il est de cette manière et qu'il n'est
et qu'il n'est
.
même
sans
et
»
Ainsi de l'Etre en soi on peut affirmer des propositions qui
semblent contradictoires 3 qu'il se
meut,
vement.
»
est
Il
toutefois,
et
cependant
descend vers
il
toutes
est
choses,
et,
n'est
il
»
l'étude de ce double les
temps
en repos ni en mou-
n'est ni il
même
en aucune des choses qui existent,
ces choses.
Revenons à
immobile, en
est
en toutes choses,
«il n'est
aucune de
« Il
:
mouvement par
choses afin que
lequel Dieu
choses remontent vers
les
lui.
Dieu
est à la fois
Beauté
et
Bonté 3 Cette Bonté divine .
est la
raison d'être de l'amour de Dieu pour toutes choses; par
Dieu
«
bonté,
est il
conserve toutes choses,
L'Amour objet. Cet
par l'excellence de sa
cause de toutes choses 4;
aime toutes choses, divin est bon,
Amour
il il
produit,
il
tourne
toutes
procède du Bien,
divin, qui
elle,
engendre
la
perfectionne
choses il
vers
a le Bien
et lui.
pour
bonté en tout ce qui
suprême mais il ne saurait demeurer en lui-même, infécond; il se met donc en mouvement afin
est,
préexiste en la Bonté
;
d'agir en conformité avec l'excellence de sa vertu, qui crée
toutes choses. i. 2.
»
Denys l'Aréopagite, loc. cit., art. 7; éd. cit., t. I, p. G95. Dionysi Arcopagitœ De divinis nominibus, Cap. Y, art. 10;
— De mystica
Theologia, Cap. IV; éd.
3.
Dionysi AreopagiUn De
'1.
Denys l'Aréopagite,
éd. cit.,
t.
I.
p. 697.
cit., t. II, p. 45.
divinis nominibus,
loc. cit., art.
Cap. IV,
10; éd. cit., p.
art. 8; éd. cit.,
5(i3.
pp. 55g-56o.
MCOI.AS DE GUES
Mais d'autre part, le
LÉONARD DE VINCI
1.1
Beau,
« le
Bien
le
2~]5
sont dignes d'exciter
1
désir et l'amour de toutes choses; toutes choses les chérissent.
du Bien et en vue du Bien que les choses inféaiment les objets qui sont au-dessus d'elles et se
C'est à cause
rieures
tournent vers ces objets.
La Bonté descend cause efficiente;
»
ainsi vers les choses, car elle en
choses montent vers
les
cause finale; ce double
mouvement
est la
Bonté, qui est leur
la
une double aspiration
est
amoureuse. «
que veulent nous donnent à Dieu tantôt
C'est là ce
lorsqu'ils
tendresse, tantôt les « Il est,
produit et chéri.
en
effet,
est
mû
le
il
nomment
noms d'amour
et,
d'autre part,
par l'amour
les oriente
ils le
puissance motrice;
et
vers
meut lui.
choses;
les
attire les
il
les
lui-même aimé
il
en tant
se dirige vers
Voilà pourquoi les théologiens
nomment amour il
est
il
de
»
et la tendresse; et c'est
objet aimable et chéri, car
D'autre part,
théologiens 2
d'objet aimé, d'objet chéri.
qu'objet aimé et chéri qu'il les choses,
les
les
l'auteur de l'amour et de la tendresse;
engendre;
et les Il
noms
signifier
et
est
il
beau
dilection,
et
car
bon. il
est
choses en haut, vers lui-même
bon et beau par soi; ils désignent par là cette manifestation du Bien même par lui-même, cette bienveillante procession vers une éminente union, cette mise en mouvement amoureuse absolument simple, se mouvant elle-même, qui, seul, est
opérant par elle-même, qui préexiste dans
le
Bien, qui,
du
Bien, se répand en toutes les choses qui existent, et qui se réfléchit
pour revenir au Bien. En
divin manifeste qu'il n'a ni blable à Bien,
il
un
cercle éternel;
cette procession,
commencement
il
est
ni fin;
en vue du Bien,
subsiste dans le Bien, et
il
il
il
centre,
ils
sem-
du
revient au Bien; rien ne »
rayons du cercle se rapprochent du se rapprochent les uns des autres; « plus ils les
s'unissent au centre", plus
2.
Denys l'Aréopagite, Denys l'Aréopagite,
3.
Dionysi Arcopagitaî De
i.
est
est issu
saurait le faire dévier de cette perpétuelle circulation.
En même temps que
l'Amour
loc. cit., art.
ils
se
10; éd.
conjoignent entre eux; plus cit.,
t.
loc. cit., art. i/j; éd. cit.,
t.
I,
p. 563.
pp. 5O7-5G8. divinis nominibus, Cap. V, art. 6; éd. cit., p. Gq3. I,
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
2^6
du
s'éloignent
ils
centre, plus
ils
divergent.
Née de l'amour
»
du Bien suprême pour les choses, l'aspiration des choses vers le Bien suprême doit s'accompagner d'une tendance des choses unes vers
les
avons
les
autres.
Au double mouvement que nous
mouvement de descente des choses d'en haut" choses d'en bas, mouvement d'ascension de celles-ci
décrit,
vers les
vers les objets supérieurs, nous devons joindre l'étude d'un
mouvement amoureux
troisième
même
êtres de
niveau.
que saint Hiérothée exprime en
C'est ce «
qui a pour but l'union entre
Qu'est-ce que l'amour? Qu'il soit divin
soit spirituel,
animal ou
en
qu'il siège
hymne
cet
la
1 :
ou angélique,
qu'il
matière inanimée,
nous dirons que c'est une force ou une puissance qui a pour effet l'union et
le
afin qu'elles
sont de
mélange. Cette force meut
ordre, elle les
les objets
tiennent au-dessus d'elles.
elles
tourne vers
les
»
Denys répète presque textuellement
ces paroles 2
.
Il
à plusieurs reprises sur la pensée qu'elle renferment
en vue du Beau
du Bien que
du Bien,
et
écrit-il
3
tournent vers eux. C'est pour la
et se
choses de elles;
même
que
les objets
même
«
C'est
aiment
et
supérieurs
raison que les
ordre aiment leurs semblables
objets les plus élevés
les
:
insiste
cause du Beau
c'est à
,
choses inférieures aiment
les
qui
meut vers une mutuelle com-
enfin les choses inférieures,
celles qui se
choses supérieures
pourvoient aux choses inférieures;
même
munion;
les
et s'unissent à
les
moindres
et
exercent envers eux une providence; que chaque être s'aime
lui-même
et
tend à se conserver; c'est par désir du Beau
Bien que tous
les êtres
voyons vouloir
et faire. »
veulent
et
font
et
du
que nous leur
ce
Le Bien suprême, en donnant naissance au mutuel amour des objets inférieurs, y est un principe de paix. «Donnons 4 nos louanges pacifiques à cette paix divine, princesse de la conciliation.
i.
C'est
elle
Dionysi Arcopagitao
De
qui
divinis
conjoint
nominibus,
toutes
Cap. IV,
art.
qui
choses, i5;
éd.
cit.,
t.
1,
p. 5G8-50.,.
3.
Denys l'Aréopagite, Dcnys l'Arcopagite,
4.
Dionysi Arconagita; De
2.
loc. cit., art. loc. cit., art,
12; éd. cit., 10; éd. cit.,
divinis nominibus,
t.
I,
t.
I,
p. 566.
p. 563.
Cap. XI,
art.
1
;
éd. cit.,
t.
I,
p. 8&1.
.NICOLAS DE GUES ET
engendre et c'est
seule
produit
et
concorde
la
et l'union
pourquoi toutes choses désirent
ramener leur multitude qui,
l'intégrité,
seule,
concorde durable à «
LÉONARD DE VINCI
C'est
Dieu qui
de toutes choses; qui peut
cette paix
et leur division à l'unité
et à
succéder
une
capable de
est
277
faire
guerre intestine de l'Univers...
la
par lui-même, l'auteur de
est,
la
»
paix
1 ,
de
paix universelle aussi bien que des trêves particulières; c'est
la
lui
qui rapproche toutes choses en une mutuelle union
cette union, tous les êtres sont soudés les
aucune distance ni divergence; garde son individualité;
par
uns aux autres, sans
cependant chacun d'eux
et
conserve la pureté qui convient à
il
son espèce, sans être aucunement souillé par êtres qui lui sont contraires; rien cette parfaite pureté.
;
le
mélange des
ne trouble cette exacte union,
»
Cette paix n'exclut nullement la variété de l'Univers.
«
La
une propriété de chaque chose 2
diversité, la distinction est
.
Or, chaque chose persévère en l'état qui lui est propre, car
Nous regarderons donc cette tendance comme un désir de paix. Chaque être, en effet, aime à avoir la paix avec lui-même, à demeurer uni à lui-même, à garder elle
ne veut point
périr...
toutes ses parties dans l'intégrité et l'immobilité.
La paix de l'Univers la perpétuité
»
non plus incompatible avec mouvements « Si les choses qui se
n'est point
de certains
:
meuvent 3 n'aspirent point au repos, si leur volonté, au contraire, est de se mouvoir d'un mouvement perpétuel, ce désir de
mouvement dépend,
paix divine
cette
chose
et
et
lui aussi,
universelle;
cette
de
la
tendance vers
chaque
paix garde
l'empêche d'échapper à sa nature; à tous
les objets
qui se meuvent, elle conserve la vie motrice qui leur est
propre;
empêche que
elle
elle-même;
elle veille afin
avec lui-même
et
1.
2.
3.
est,
ne se dissipe
et ne se détruise
que chacun des mobiles
ait la
qu'en conservant cet état de paix,
accomplir l'œuvre qui Telle
cette vie
esquissée
Denys PAréopagitc, Denys l'Aréopagite, Denys l'Aréopagite,
paix
il
puisse
doctrine
méta-
est sienne. »
à
grands
loc. cit., art. 2
traits,
cd. cit.,
la
t.
I,
p. 84a.
cit.,
t.
I,
p. 844-
loc. cit., art. 4; éd. cit.,
t.
I,
p. 844-
loc. cit., art.
;
3; éd.
ÉTUDES SUR LEONARD DE V1>CI
'i'jS
physique de ce philosophe inconnu que Ion a
si
nommé Denys
que retrouve-
De
l'Aréopagite.
cette doctrine,
t-on dans l'œuvre de cet autre inconnu qui a
On
Théologie d'Arislote?
peut
longtemps
composé
la
déclarer sans crainte d'erreur;
le
toutes les pensées philosophiques qui constituent la première
doctrine, toutes celles que nous venons de résumer, s'insèrent,
bien reconnaissantes, en la seconde doctrine. Mais
si la
Méta-
du pseudo-Aristote comprend en elle tous principes purement philosophiques du pseudo-Aréopagite,
physique
ne se
approprie que pour
les
Gomme aime
point invoqués
les a
;
ils
sont
purement péripatéticienne.
d'origine
connaît
elle
unir à d'autres principes;
les
ne
ceux-ci, le philosophe chrétien
les
le traité
Des noms
Théologie d'Arislote
la
divins,
double courant de l'amour. Par bonté,
le
l'inférieur;
l'inférieur
et cette
supérieur
le
bonté du supérieur détermine en
un mouvement vers
haut,
le
un amoureux
désir
du
bien dont l'inférieur est animé. Mais cette théorie de l'amour,
qui dérive le
si
visiblement de
pseudo-Aristote
emprunte
à
l'être
l'être
en
l'inférieur,
double courant descendant
du
authentique
acte, la
en puissance, avec
du supérieur vers le
transfigure à l'aide de principes qu'il
l'enseignement
supérieur devient
avec
la
doctrine chrétienne delà grâce,
la
la
forme; l'inférieur
matière;
le
s'identifie
double mouvement
de l'inférieur vers et
Le
Stagirite.
le
supérieur,
ascendant de l'amour, trouve
sa raison d'être dans le troisième élément de la trinité péripatéticienne,
dans
la privation;
en acte aime
l'être
la
matière,
car les possibilités de cette matière lui permettent seules de
développer son de produire; réaliser les
activité,
la
d'engendrer
matière aime
l'être
les
formes
qu'il souhaite
en acte qui,
seul,
peut
formes auxquelles aspirent ses puissances.
Cette théorie péripatéticienne de l'amour ne se rencontre pas
dans
les écrits attribués autrefois à
plus,
un
esprit
prévenu pourrait-il
peine ébauché dans ces paroles»
:
Denys l'Aréopagite; tout au en soupçonner le germe à «
C'est la
une forme
à toute chose privée de
eî$01C0l0V
aV£lSé(i)V. »
I,
TO)V
forme
Dionysi \rcopa,uit;r De divinis nominibus, Cap. IV,
#
Bonté qui confère
— Kat
art. 18;
(''dit.
son
ixuto
cit.,
I.
1,
-z
p. ,'ro.
NICOLAS DE CUES ET LÉONARD DE VINCI
La théorie de l'amour en
nous
la
279
Théologie d'Aristo/c est, avions-
une très heureuse et très remarquable synthèse d'une Métaphysique très purement péripatéticienne et d'une dit 1 ,
«
Théologie
d'origine juive
ou chrétienne.
»
De
deux
ces
éléments qui se combinent pour engendrer l'œuvre du pseudoAristote, le
second seul se trouve développé en l'œuvre du
pseudo-Aréopagite. Et maintenant
il
semble possible de répondre à
la
question
posée.
Toute
la
Métaphysique de Denys l'Aréopagite a passé en
Philosophie de .Nicolas de Gués.
En
celle-ci,
la
nous retrouvons
sans peine tout ce que nous avons lu au traité Des noms divins.
Nous ne saurions nous en étonner, car l'Évêque de Brixen à maintes reprises cet ouvrage et
lorsque il
ne
la
le
de son auteur. Mais
Cardinal Allemand explique la théorie de l'amour,
présente pas purement et
pseudo-Aréopagite
l'avait
transformation qu'il lui lui a
nom
le
cite
imposée l'auteur de
simplement
développée; fait
il
la
telle
que
le
transforme, et la
subir est indentique à celle que
la Théologie d'Aristoie. Il paraît
donc
bien qu'il emprunte à cet auteur les principes péripatéticiens
par lesquels parfois, les
il
Denys et même, exprimer ces principes.
transfigure le néoplatonisme de
métaphores qui servent à
Reprises ainsi par Nicolas de Gués, certaines pensées formulées
en
la Théologie d'Aristote, certaines
ces pensées saisissables
Léonard de Vinci. 1.
Vide supra
:
p. 137.
ont
attiré
images destinées à rendre et
retenu l'attention de
XII
LÉONARD DE VINCI ET LES
ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
LÉONARD DE VINCI ET LES
ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
A
de notre première étude sur Léonard de Vinci,
fin
la
nous écrivions «
En
1 :
i5o8, Léonard avait formulé les principes les plus nets
touchant l'origine des lysait
si
fossiles,
et les
il
fossiles.
exactement avait
les
pour objet
mouvements du
sol,
...Mais lorsque
modes de formation des de prouver une thèse sur l'érosion divers
thèse formulée par Albert de Saxe.
Alors que nous écrivions ces lignes, nous
Léonard avait invoqué
Léonard ana-
la véritable
savions
»
que
origine des fossiles afin de
une doctrine soutenue, au xiv e siècle, par l'Université de Paris; mais nous pensions qu'en la découverte de cette origine, le grand peintre n'avait point eu de maître et que l'observation avait été son seul guide. De nouvelles lectures nous ont appris qu'il n'en était pas ainsi. Sans doute Léonard
justifier
a
dû
recueillir
des roches
;
il
maintes a
dû
fois
des coquilles conservées au sein
réfléchir sur les causes qui expliquaient
leur présence loin de la
mer
et leur
transformation en pierre.
Mais sa curiosité avait dû être éveillée et sa sagacité conseillée par l'enseignement des maîtres de la Scolastique, par les écrits d'Albert le
Grand
et
de Vincent de Beauvais.
nous a semblé particulièrement intéressant de rechercher très minutieusement l'origine des opinions professées par le Vinci touchant la nature des fossiles. Nous nous sommes Il
Albert de Saxe et Léonard de Vinci (Bulletin Études sur Léonard de Vinci, première série, 1). i.
italien,
t.
V, p.
i
et p.
n3;
1905.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
284 efforcé
d'établir
1 ,
en
effet,
que
les
opinions de
Léonard
avaient vraisemblablement inspiré celles de Cardan, et que les idées
de Cardan avaient été sûrement plagiées par Bernard
Palissy. Retracer, donc, la genèse des pensées
que Léonard de
Vinci a émises au sujet des coquilles pétrifiées, c'est vraiment
conter
la
naissance de
la
Géologie moderne.
Aristote.
Au
point de départ de la tradition que nous nous proposons
de suivre,
c'est
Stagirite étudie,
un
écrit d'Aristote qu'il
en un chapitre de
nous faut placer;
ses Météores 2
le
une hypo-
,
thèse qui paraît s'être présentée maintes fois à l'esprit des
hommes, lieux
où
et cela,
dès une époque extrêmement reculée
se trouve
autrefois, fait partie
maintenant
du fond de
la terre
la
mer?
N'ont-ils pas
émergé
que des continents s'abîmaient au sein des
est la
question qu'ont débattue des sages de tous temps
«
et,
flots? Telle et
de
qu'à son tour, examine Aristote.
Ce ne sont pas toujours
dit-il,
Les
ferme n'ont- ils pas,
alors
tous pays
:
les
mêmes
parties de la terre,
qui se trouvent sous les eaux ni les
mêmes
qui sont à
y a échange entre les lieux submergés et les lieux émergés, grâce à la formation de fleuves nouveaux ou à la sec;
il
disparition de fleuves anciens. tation entre le continent et la
Il
une permune demeurent
se produit aussi
mer; ces
lieux-ci
mer ni ceux-là terre ferme; là où se trouvait la une mer s'est maintenant formée; là où la mer s'étend
pas toujours terre,
aujourd'hui, la terre reparaîtra de nouveau. »
Nous devons penser,
d'ailleurs,
produisent dans un certain ordre certain cycle.
que ces transformations et qu'elles
parcourent un
»
i. Léonard de Vinci, Cardan et Bernard Palissy (Bulletin Études sur Léonard de Vinci, première série, VI).
2.
se
Aristote, MsTEwpoXoy.xcov xh A,
'.0
(Météores, livre
1,
italien,
t.
VI, p. 289; 1906.
chapitre \IV).
LEONARD DE VINCI ET LES OIUGLNES DE LA GÉOLOGIE
285
Aristotc étudie quelques exemples de ces déplacements de la terre les
ferme
faits
des mers;
et
que présente
insiste tout particulièrement sur
il
delta
le
depuis les temps historiques,
de plus en plus «
du
le
Nil;
montre comment,
il
delta n'a cessé de s'assécher
:
Ce qui arrive en
cela se produit aussi
cet endroit restreint,
il
en des lieux plus étendus
que
est à croire et
même
en des
pays entiers.
Ceux donc qui ne savent regarder que les petites choses assignent comme cause à ces changements la transforma»
tion de l'Univers et,
pour ainsi
aussi prétendent -ils
que
seul
mer diminue
la
que certains terrains
naissance du Ciel;
dire, la
se
aujourd'hui plus de terres
sans cesse, par cela
sont asséchés et que l'on voit
émergées que
n'en
l'on
voyait
autrefois. »
Mais
leur affirmation est en partie vraie, elle est aussi
si
en partie fausse; sans doute, bien des lieux qui étaient autrefois
submergés sont maintenant
terre ferme;
mais
trans-
la
formation contraire se produit également; ceux qui voudront bien tourner leur attention de ce côté verront qu'en bien des endroits, la »
mer
est
venue recouvrir
la terre.
N'allons pas prétendre, cependant, que ces
sont dus à ce
fait
que
le
Monde
a
commencé.
changements Il
est ridicule
d'invoquer un changement de tout l'Univers pour expliquer de petites choses qui ne pèsent pas plus qu'une plume. Aristote restreint
donc autant que
de ces échanges entre
faire se
la terre et l'eau;
peut l'importance
l'abondance des pluies
hivernales qui, à certaines époques, diminue en croître en
un
autre, suffît en
Aristote s'est élevé à
grande partie à
deux
reprises,
»
un
lieu
pour
les expliquer.
au cours du chapitre
que nous venons de citer, contre ceux qui invoquent l'émersion de nouveaux continents pour prouver que le Monde a commencé. Les deux allusions fort
brèves
s'éclaircir le
partant,
et,
par
la lecture
disciple favori
du
qu'il a faites à cette doctrine sont
quelque peu
obscures.
Elles
vont
d'un passage écrit par Théophraste,
Stagirite.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE
i86
VI>iCl
II
Théophraste et le Traité du Monde faussement attribué a Philon d'Alexandrie.
nombreux trouve un petit
Parmi Juif se
les
écrits
que
l'on a attribués à
traité intitulé:
De
V éternité
qui, en i526, traduisit cet
ouvrage
ou
le
IIspi àçOapcria;
Kôa^ou,
regardait déjà
comme
quel qu'il
celui,
Ihpl
Philon
le
Ki^u, Du Monde,
du Monde. Guillaume Budé et le
fit
imprimera
apocryphe: «Philon,
Paris,
disait-il
«,
ou
qui a écrit ce livre; car je ne suis
soit,
nullement persuadé que celui qui
l'a
écrit soit ce
passe pour avoir égalé Platon en éloquence.
»
En
Philon qui fait, il
eût
une bien grande naïveté pour regarder ce traité Du Monde comme l'œuvre authentique et non remaniée d'un auteur né
fallu
trente ans avant Jésus-Christ; Boëce y était cité 2
!
Personne,
Kéqwo au juif Philon. Quel qu'en soit l'auteur, ce livre Du Monde offre, à bien des égards, un très grand intérêt; c'est ainsi qu'il nous donne aujourd'hui, n'attribue
le Ilepî
un résumé de doctrines que Théophraste soutenait en des ouvrages qui sont aujourd'hui perdus. Théophraste, son maître Aristote, voulait que éternité
;
le
Monde
comme
eût existé de toute
d'autres philosophes prétendaient qu'il avait eu
commencement dans
le
temps;
le
Pseudo-Philon nous
connaître3 les arguments par lesquels
ils
un fait
soutenaient cette
prétention. «
Théophraste regarde
admettent
le
commencement
quatre raisons qui sont i.
De Mundo
Aristotelis liber
Lucani, veteris philosophi, telis
de Mundo,
insigni
Budams
comme
:
étant dans l'erreur ceux qui
et la fin
du Monde,
et cela
l'inégalité de la surface terrestre, les
Philonis liber /, Gulielmo Bud<ro interprète. Ocelli de universa natura. Annolatiunculœ in libellant Aristo-
I.
libellus
Simone Gryna^o
authore. Parisiis,
apud Iacobum Bogardum, sub
Christophori, e regione gymnasii Cameracensis, i5&i-i5&a. Gulielmus Jacobo Tusano, fol. 2, recto. (Cette préface est celle de la traduction publiée
I).
en i526.)
—
Cette citation, Philonis Liber de Mundo, éd. cit., fol. 36, recto. pourrait être mise sur le compte d'une glose. 3. Philonis lÀber de Mundo, éd. cit., foll. 3g, verso- /ii, verso. •}..
pour
il
esl vrai,
LEONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GEOLOGIE
de
retraits
mer,
la
la
graduelle de chacune des
dissolution
parties de l'Univers, enfin, la
287
mort qui
chacune des
détruit
espèces d'êtres animés. n
Le premier argument
« Si
se construit
la
manière suivante
parties ne se montrerait aujourd'hui plus haute
ses
:
eu de commencement, aucune de
terre n'avait pas
la
de
que
les
monts eussent été déjà aplanis, toutes les collines eussent été ramenées au même niveau que les plaines. Que l'on songe, en effet, aux innombrables pluies annuelles qui seraient tombées de toute éternité; on comprendra que, autres; tous les
parmi
qui s'élevaient, les uns eussent été, selon toute
les lieux
vraisemblance, rongés
par
et entraînés
les autres
les torrents,
propre poids, en sorte que
se fussent écroulés par leur
la terre
qui les formait se trouverait uniformément répandue partout et
parfaitement aplanie. Les aspérités que nous rencontrons
aujourd'hui en foule,
sommets que
les
s'élèvent à de grandes hauteurs, sont autant d'indices
la terre n'a
pas existé de toute éternité. Sinon,
nous l'avons déjà
temps
innombrables montagnes dont
les
dit,
la
force des pluies
infini eût aplani la terre,
aux pieds
pour ainsi
force de cette eau qui
Telle est la
tombant depuis un de
dire,
la
tête
rendue aussi égale qu'une grand'route.
l'eût
et
comme
cesse, qu'elle arrache
tombe
retombe sans
et
violemment certaines roches tandis que,
goutte à goutte, elle finit par en creuser d'autres, et qu'elle
semblable à un terrassier,
affouille,
le sol le
plus dur et
le
plus
a diminué.
Les
pierreux. »
D'ailleurs,
deux célèbres Autrefois,
on ne ont
les
disent-ils, îles
elles
nous
même
fait
de Délos en sont
mer
les
les
marques.
recouvrait,
à émerger peu à peu et à se montrer, tandis la
a été conservé
étendue
et
étaient submergées, la
temps
au sujet de ces ont
de Rhodes
mer elle-même
voyait pas; puis, au bout d'un certain temps, elles
commencé
qu'en
la
et
où
corps avec
s'abaissait
graduellement; ce
en d'antiques histoires qui ont
On
îles
la
mer
mer le
fait
été écrites
que des golfes de grande profonde se sont desséchés et
dit aussi
était très
continent; des terres qui étaient submer-
gées se sont montrées à découvert; ces terres présentaient des
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
2 88
comme on
régions riches et nullement stériles,
l'a
reconnu
lorsqu'on a entrepris de les ensemencer et d'y planter des arbres. Ces terres, d'ailleurs, portent des
qui
les
marques de
en
marines délaissées à
sec,
par des graviers, des coquilles
effet,
<n)*{i.sia
tyjç
du genre de
et divers autres objets
ceux que la mer rejette habituellement en
ses tempêtes.
TraAataç èvaTïoXsXsTtpO;.'. 9aXaTT«<7c<*)ç ùr oïozq te t
osa ô'J-otoTpc-a Kpbq aiyt^Xpuç eftoBev à-sêpàTiscrOa'.
•/.al
mer
recouvrait autrefois et qui s'est maintenant retirée;
celle-ci se reconnaît,
Oïç
la
1 .
—
/.i^yy.z
ylx\
»
Laissons de côté les deux derniers arguments discutés par
Théophraste
et,
avant d'aborder la réfutation donnée par ce
un moment
philosophe, arrêtons-nous
passages que nous venons de Il
est à
à l'examen des
deux
citer.
peine besoin de signaler l'importance des renseigne-
ments que
le
second argument nous apporte; avant
le
temps de
Théophraste, on avait compris l'origine marine des coquilles
que renferment certaines pierres et certaines roches on y avait trouvé la preuve que les lieux où ces coquilles se ren;
contrent avaient autrefois formé
le
fond de
la
mer.
Le premier argument mérite également d'être remarqué. En premier lieu, il met nettement en évidence l'importance
phénomènes d'érosion dus aux eaux pluviales. En second lieu, il insiste sur le fait que ces érosions tendent
des
sans cesse à ramener la surface de la terre à sa forme d'équilibre,
c'est-à-dire,
comme
l'a
enseigné Aristote, à la figure
d'une sphère concentrique au Monde. Si existé, cette tendance, agissant
temps
infini, aurait atteint
forme d'une sphère
dans
le
son but;
parfaite;
les
la terre avait
même la
toujours
sens depuis
un
terre aurait pris la
irrégularités
que présente
encore sa surface attestent donc qu'elle n'a duré que pendant
un temps
limité.
Cette preuve de la durée limitée de la terre, fondée sur le
sens invariable de certaines actions qui s'exercent à sa surface,
analogue de tout point à un argument qui a eu grande vogue de nos jours, et qui prouve que le Monde a du n'est-ellc pas
i.
Paris,
Le texte grec est extrait de
Ambroise Firniin-Didot,
1
Theophrasti Eresii Opéra, quœ sapersunt, omnui
:
85G
;
pp. &ai-4aa.
;
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
commencer
et
devra
parce que chacun des phénomènes
finir
qui s'y produisent en
l'entropie?
fait croître
Des deux arguments en faveur de
nous venons de
citer,
289
du Monde que
la création
d'après Théophraste,
en
il
est
un, celui
qui invoque la continuelle formation de nouveaux continents,
où nous reconnaissons déclarait ridicule.
ou
Nous
serait-il
possible de connaître l'auteur
alors quels sages, dès avant le
temps d'Aristote, attribuaient
fossiles leur origine véritable. Or, ces auteurs,
babilité.
Lorsque Alexandre d'Aphrodisie commente
chapitre du second livre des Météores,
il
Quelques physiciens prétendent que
de l'eau primordiale.
entoure
En
effet,
écrit la
mer
à l'époque
partie de l'eau
les
demeura aux
c'est cette partie
la
qui reste
région qui
en vapeurs par
vents naquirent de
là...
Mais une
lieux les plus creux de la terre
qui est aujourd'hui la mer. Aussi la
mer
sorte
qu'un temps viendra enfin où
sec.
Théophraste rapporte qu'Anaximandre
C'est
premier
l'eau, les parties
la
mer
;
con-
peu à peu, en
tinue-t-elle à décroître, car le Soleil la dessèche
soutenu
le
est ce
où
occupée par
la terre était tout entière
puissance du Soleil, et
est
:
superficielles de cette eau furent transformées la
nous
il
noms, au moins avec quelque pro-
possible d'en indiquer les
«
ses Météores,
auteurs qui soutenaient cette théorie? Nous saurions
les
aux
en
la théorie qu'Aristote,
sera entièrement à
Diogène ont
et
cette opinion, »
donc à Anaximandre
moins, à l'un d'entre eux,
le
Diogène d'Apollonie ou, du
qu'il faudrait attribuer cette
Les fossiles témoignent que
formé autrefois
et à
fond de
la
les terres
où on
les
pensée
:
trouve ont
mer.
Aux deux arguments que nous venons de
rapporter, le livre
du pseudo-Philon oppose des répliques qu'il emprunte, sans doute, comme les arguments eux-mêmes, à Théophraste.
A
la
par
les
raison tirée de la continuelle érosion des lieux élevés
eaux pluviales, l'auteur objecte une théorie de
mation des montagnes «
1.
:
L'élément igné que
même,
la
terre
renferme
et
cache en
elle-
entraîné par la force naturelle du feu qui cherche son
Philonis Liber de Mundo, éd. P.
la for-
x
DUHEM.
cit., foll.
4i-4a. 1()
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
2(jO
meut
lieu propre, se
vers le haut...;
emporte avec
il
une
lui
grande quantité de l'élément terrestre il se fraye la voie la plus courte possible, tandis qu'en même temps la terre semble ;
de suivre
faire éruption. Ainsi l'élément terrestre, contraint
l'élément igné qui teur,
même
en
éruption, s'élève à une très grande hau-
fait
temps
en une pointe acérée, à l'imitation de
finir
en plus, pour
qu'il se resserre de plus la
nature ignée.
»
montagnes d'origine ignée, deux tendances contraires combattent sans cesse la légèreté du feu qui demeure mêlé
En se
ces
;
à la terre tend à soulever sans cesse le
déjà produite
au contraire,
;
sommet de l'éminence
lourdeur des matières terrestres
la
tend à ramener cette éminence au niveau général du sol
deux forces opposées,
l'équilibre de ces
demeure toujours
à la
même
hauteur.
la «
cime de
ne saurait s'en étonner, puisque
montagne
la
Les torrents que
montagnes
pluies engendrent ne détruisent donc pas les l'on
par
;
la force
les ;
et
qui les maintient,
qui est aussi la force qui les soulève, se trouve impliquée en
elles-mêmes de
la
manière
la plus
constante et
la
plus puis-
sante. Si le lien qui en resserre les parties venait à se il
rompre,
est certain qu'elles se désagrégeraient et se dissémineraient
au sein des eaux sance du feu,
mais actuellement, cimentées par
;
la puis-
opposent une opiniâtre résistance aux
elles
chutes continuelles des eaux. »
La nature des montagnes
arbres.
A
est toute
reverdissent; de
ils
certaines parties des
montagnes
montagnes
tour à tour,
s'écroulent, d'autres prennent
du Monde avaient montré que soumises à une action, Gelle de l'érosion,
la création
étaient
toujours orientée dans toute
même,
»
Les partisans de les
des
celle
certaines époques, les arbres perdent leurs feuilles;
à d'autres époques,
naissance.
semblable à
éminence
;
le
même
sens, tendant toujours à aplanir
à l'action incessante d'une force de tendance
invariable, ïhéophraste
reproduit l'opinion
1
ou
les
auteurs dont
le
pseudo-Philon
substituent la lutte et le triomphe alter-
i. Le pseudo-Philon dit, en effet, à propos de cette théorie plutonienne de la formation des montagnes « Ce que nous allons dire n'est ni nôtre, ni nouveau c'est :
l'invention des anciens,
tout ce qu'ils regardaient
;
d'hommes
comme
fort sages qui ont discuté
nécessaire à la Science. »
eux-mêmes avec
soin
LÉONARD DE natif de
ET LES ORIGINES DE LA GEOLOGIE
VINCI
deux forces opposées, l'éruption ignée
29
1
et l'érosion
aqueuse. C'est d'une
manière analogue que Théophraste, développant
ce qu'avait dit Aristote, réfute le second tisans de la création.
autrefois
argument des par-
ne nie point l'émersion de terres
Il
immergées, mais
refuse d'y voir la preuve d'un
il
incessant décaissement de la mer. Tandis que certaines terres surgissent au sein des
d'autres s'enfoncent en la
flots,
disparaissent; la Sicile, autrefois, était unie à
Péloponèse, trois
abîmées dans
villes, /Egire,
les flots
;
Bure
l'Italie;
le Timée,
l'Atlantide fut engloutie en
une
diminution continuelle de
mer ne peut donc
la fin
du Monde
;
s'il
nuit.
de certains parages,
il
sont les discussions
cours avant
le
temps d'Aristote
du
près
«
L'argument
effet,
comment tiré
de
la
servir à prouver
que
la
mer
se retire
qu'en d'autres lieux
est certain
s'avance et submerge les terres. Telles
en
est véritable,
et
et Hélice, se sont, dit-on,
Platon a conté, dans
la
mer
elle
»
géologiques qui avaient déjà et
de Théophraste.
III
Hérodote et Strabon. Le témoignage de Théophraste, conservé par le pseudoPhilon, nous a prouvé que, bien avant Aristote, on avait
remarqué
l'existence de coquilles
dans
les
roches terrestres
une antique présence de la mer aux lieux maintenant asséchés. Anaximandre et Diogène d'Apollonie nous sont apparus comme ayant émis semblable
et
que l'on en avait conclu
à
opinion.
Hérodote se place, dans et Aristote. Or,
en
Egypte,
Hérodote
observé
témoignage que
la
temps, entre Diogène d'Apollonie
a, lui aussi,
des
mer
le
coquilles
au cours de ses voyages fossiles;
il
y a vu
le
recouvrait autrefois les terrains où
ces coquilles se rencontrent aujourd'hui.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
292
«Au-dessus de Memphis, deux chaînes de montagnes
((l'intervalle entre les
dit-il 1 ,
est
visiblement à mes yeux un
comme les terres
ancien golfe de la mer,
Éphèse, ou
»
qui entourent Ilion et
comme la plaine du Méandre; aucun
des fleuves qui
ont déposé ces dernières alluvions n'est comparable au
Nil...
y a encore des fleuves beaucoup moins considérables que le Nil dont le travail est apparent; je ne citerai que l'Achéloùs qui, Il
se jetant
dans
mer
la
réuni au continent l'origine, l'Egypte a
des Échinades (golfe de Patras), a déjà
moitié de ces
la
pu être un golfe de
îles...
Je pense que, dans
ce genre, portant jusqu'en
Ethiopie les eaux de la Méditerranée... J'en
ai
pour preuve
les
coquillages qui se trouvent dans les montagnes, la saumure
partout efflorescente, ...
comme du
limon,
le sol
de l'Egypte qui est noir
comme une
alluvion entraînée de l'Ethiopie
par ce fleuve, tandis qu'à notre connaissance,
Lybie
est plus
et friable
le
sol de la
rouge, plus sablonneux, et celui de l'Arabie et
de la Syrie plus argileux, plus caillouteux.
»
Hérodote ne suppose pas, avec Anaximandre d'Apollonie que
le
niveau de
la
mer
s'abaisse
et
Diogène
constamment;
admet seulement que certains rivages s'avancent sans cesse, grâce aux alluvions des cours d'eau, et les exemples qu'il en donne mettent hors de doute son talent d'observateur; il est, toutefois, un fait qu'il a lui-même observé et dont ses explicail
tions
ne rendent pas compte; ce
coquilles
fossiles
hauteur dans
les
fait,
c'est la
présence de
au sein de roches situées à une grande
montagnes.
L'explication de ce
fait
continua, après Aristote, de
solli-
vivement l'attention des physiologues hellènes; nous avons vu ïhéophraste, successeur immédiat du Stagirite,
citer
discuter les opinions géologiques des anciens. Le témoignage
de Strabon va nous montrer Slraton de Lampsaque
et
Érato-
sthène occupés de semblables discussions; ce témoignage nous
apprendra également qu'un historien plus ancien qu'Hérodote,
Xanthus à celles i.
La
le
que
Lydien, avait déjà le
fait
des observations analogues
Père de l'Histoire a rapportées.
Hérodote, Histoire,
11,
10.
Nous empruntons
Science géologique, Paris, 1905, p. 45.
la
traduction à M.
L.
De Launay,
LÉONARD DE MNC1 ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE Voici «
comment s'exprime Strabon
2g3
1 :
Ératosthène déclare qu'il est surtout une observation qui
pose une grave question
Gomment
:
qui se trouvent au milieu des terres
qu'en des lieux
se peut-il
que deux ou
et
trois mille
on rencontre en maint endroit une d'huîtres et de chéramydes, de même que
stades séparent de la mer, foule de coquilles,
des lacs stagnants dont l'eau est salée. Ainsi,
du temple d'Ammon,
autour
dit-il,
qui y conduit, laquelle est longue de trois mille stades, on rencontre
au voisinage de
et
on y trouve des exhalaisons marines montent du
une grande quantité d'huîtres éparses sur aussi
beaucoup de
sel;
route
la
le sol;
on y montre des épaves de navires qui ont été brisés en mer; on raconte que ces épaves ont été apportées et rejetées sol;
par »
le
mouvement de
Cela
Straton »
la mer...
Ératosthène approuve l'opinion du physicien
dit,
et, aussi, l'avis
de Xanthus de Lydie.
Xanthus avait rapporté qu'une grande sécheresse
produite au temps d'A^rtaxerxès
été desséchés, les puits avaient tari et là,
avaient
les lacs et les fleuves
;
il
;
avait observé alors çà
de la mer, des pierres qui reproduisaient
fort loin
forme de coquillages, de peignes ou de chéramydes; également observé un lac salé en Arménie Phrygie inférieure; par ces raisons,
il
et
un
il
la
avait
autre en la
avait été persuadé
que
une mer.
ces divers pays étaient autrefois »
s'était
Straton s'efforce de se rapprocher davantage de la cause
qui explique ces
faits. Il
privé de ce
était
suppose qu'autrefois,
débouché qui
auprès de Byzance;
mais par
la
lui
est
le
Pont Euxin
maintenant ouvert
puissance des fleuves qui ouvert, et l'eau
du Pont
dans
l'Helles-
tombent en
cette
Euxin a pu
faire irruption
dans
la
Propontide
même
pour
la
Méditerranée; cette
pont.
Il
en a
été
mer, ce détroit de
trouvant remplie par
s'est
les fleuves, a fini
et
par s'ouvrir
le
mer
se
débouché
des colonnes d'Hercule; l'eau de la Méditerranée se répandant
dans l'Océan, asséchés... i.
Il
des lieux autrefois
Strabon, Géographie,
a été signalée par
que
se peut
M.
L.
1.
I,
le
c. III,
De Launay, La
§
temple k-
marécageux sont trouvés
d'Ammon
ait été autrefois
L'importance de ce passage de Strabon
Science géologique, p. 5o.
études sur Léonard de vinci
294
en mer la
que l'écoulement de
et
sorte,
au milieu des
laissé
l'ait
autrefois sous
les
avoisinent Péluse,
le sol,
sable rempli de coquilles.
mer;
en Egypte,
nomme
la
Ce pays
qui avoisinent
les lieux
L'Egypte
terres...
a été
la
de l'eau saumâtre, on trouve que
la
produit de
s'est
mer jusqu'aux marécages qui jusqu'au mont Gasius et au lac Sirbonis. En eaux de
lorsque l'on creuse
effet,
mer, qui
la
le
là
où
se
tranchée est formée d'un était autrefois
mont Casius
Gerrha étaient occupés par des marais qui
en communication avec
Mer Rouge; plus
la
rencontre
couvert par et
que Ton
les
mettaient
tard, la
mer
s'étant retirée, ces lieux se sont trouvés découverts, et le lac
Sirbonis est seul demeuré; plus tard encore, l'eau de ce lac s'est
échappée à son tour en rompant
formé en marais. De même,
ses digues, et le lac s'est trans-
les rivages
mer qu'aux
blent plus aux côtes de la
du
lac
Mœris ressem-
rives d'un fleuve.
»
Les coquilles fossiles marquent que certaines terres ont été
mer; pour expliquer ce fait, Straton de Lampsaque invoque un abaissement du niveau
autrefois
de la mer; soit,
l'ont
un changement
pensé Anaximandre
incessant
l'élément de l'eau; telle
ou
il
telle
mer moins
D'ailleurs,
et
Diogène d'Apollonie,
dû à une destruction graduelle de
y voit un phénomène accidentel; le mer s'est abaissé par suite de l'ouver-
ture d'un déversoir qui
autre
la
ne pense pas, cependant, que cet abaissement
il
comme
niveau de
par
recouvertes
l'a
mise en communication avec une
élevée.
l'ouverture des détroits qui font
communiquer
entre elles les diverses mers ne suffit pas à assurer leur égal
niveau. Le fond de
la
mer va constamment en
du Pont Euxin aux colonnes d'Hercule; la surface,
il
en
est
de
en sorte qu'un courant continu entraîne
du Pont Euxin
et
de
la
1 ;
est la
les
Straton de
saque partage sur ce point l'opinion du Stagirite
Le Pont Euxin
même
de
eaux
Méditerranée vers l'Océan. Aristote
avait déjà enseigné qu'il en était ainsi
«
s'abaissant,
moins profonde de
Lamp-
:
toutes les mers,
tandis que les mers de Crète, de Sicile et de Sardaigne sont les i.
Études sur Léonard de Vinci: V. Thémon
(première
série, p. i83).
le fils
du Juif
et
Léonard de
Vinci,
S
IV
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
En
plus profondes.
fleuves les plus
effet, les
plus grands sont ceux qui viennent
limon comble peu à peu
mers demeurent profondes; aussi douce,
très
mer
Lampsaque pense que accumulée;
si
la
direc-
est incliné. Straton
de
se maintient,
gauche (occidentale) du Pont où se celle que les marins nomment Stethe, le
désert des Scythes, sont conver-
»
que Straton de Lampsaque accorde l'alluvion une importance au moins égale
voit par ces citations
aux
dait
est-elle
déjà, la partie
en marais.
On
du Pont Euxin
cet afflux des fleuves
qui avoisine Histrum et
ties
les autres
par être entièrement comblé de terre
finira
trouve Salmydesse, et et
et les
l'Est; leur
un constant écoulement dans
et se fait-il
Pont Euxin
du Nord ou de
l'eau
tion selon laquelle le fond de la
le
nombreux
Pont Euxin, tandis que
le
2q5
à celle
effets
que leur
attribuait Hérodote.
Ces différences de niveau entre
lement constant des mers
les
les
mers diverses,
unes vers
les
cet écou-
autres,
cette
accumulation des dépôts d'alluvion, capables d'accroître
les
continents, n'ont, à vrai dire, qu'un rapport fort éloigné avec les
à
causes capables d'expliquer l'existence des coquilles fossiles
une certaine hauteur; parmi
Straton,
il
hypothèses que développe
n'en est qu'une qui puisse fournir cette explication;
c'est celle qu'il a
certaines
les
donnée en premier
lieu, celle selon laquelle
mers avaient autrefois un niveau plus élevé
qu'elles
n'ont aujourd'hui.
Contre Straton de Lampsaque qui a émis de
telles
hypo-
thèses, contre Ératosthène qui les a adoptées, Strabon déve-
loppe
1
une pressante argumentation.
reproche à Straton de s'imaginer que
Il
fleuves ait lieu
les
aussi
écoulement des parties Il
ne croit pas que
mer.
«
mer;
la
la
plus élevées vers les plus basses
les fleuves
présentent Strabon,
un mouvement loc. cit., S
5 à
§
20.
ait ».
puissent combler la
apportent ne s'avance pas en
cause en est que la mer, par ferme.
qui a lieu pour
mer, en sorte qu'il y
les terres d'alluvion
La terre que
la rejette sur le sol
i.
les
pour
« ce
un
De même, en
flux
en sens contraire,
effet,
que
les
animaux
alternatif et continuel d'inspiration
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
2Çj6
même
mer éprouve
sans aucune trêve
et d'expiration,
de
un mouvement
d'oscillation qui la fait rentrer en elle-même,
la
puis sortir d'elle-même. Celui qui se tient à la limite
de la plage que baigne
la partie
ses pieds sont recouverts
nouveau,
verts de
en formant des
moment où
de
suite.
sur
C'est par
mécanisme que
En
le
calme
rejeter à terre les corps étrangers. » la
mer
refoule
les
les fleuves.
Strabon repousse toutes
Lampsaque
afin de leur substituer celle qu'il croit vraie
tables, lesquelles sont fort
La cause principale
fausses.
de Straton de
les explications
peut objecter à Straton qu'il a laissé de côté
niveau entre
le
les
Mais
si
lieux
ou
le
la
qu'il
invoque
fond d'une mer intérieure
mer
s'élève
ou
s'abaisse,
délaisse, cela
si elle les
fond de certaines mers
inonde
les
rentre en son
que
le
On
causes véri-
si
de
et le
fond de
la
mer
deux mers.
recouvre certains
elle
ne provient nullement de ce
est plus
tantôt se soulève et tantôt s'abaisse
même
«
est la différence
haut ou plus bas que
fond d'autres mers; cela provient de ce qu'un s'abaisse en
:
nombreuses, pour en proposer de
extérieure, et la différence de profondeur entre ces
elle
alluvions
ces passages, et en bien d'autres qu'il serait trop long de
citer,
que
Au
est parfait.
une plus grande
a
le rivage, elle
permet de
amenées par
;
L'onde, d'ailleurs, s'avance
lorsque
force qui lui
ce
mer peut sentir ce mouvement
la
même
elle se brise
de
par Teau, puis découverts, puis recou-
et ainsi
flots,
même
temps que ce fond
mer
la
;
;
même
le
fond
alors s'élève
ou
lorsqu'elle est soulevée,
régions riveraines; lorsqu'elle s'abaisse, elle
lit.
S'il
n'en était pas ainsi,
il
faudrait admettre
dû à un accroissearrive en la marée montante
débordement des eaux marines
est
ment subit de la mer, ainsi qu'il ou par la crue des fleuves; dans le premier port des eaux d'une région à une autre; dans y a accroissement de leur masse. Mais se produisent pas
les
fort
longtemps;
le
il
y a trans-
second cas,
il
crues des fleuves ne
subitement, ni toutes à
montante ne dure pas
cas,
la fois;
elle est
certain ordre, elle ne se produit pas en la
la
marée
soumise à un
mer Méditerranée,
donc que nous attribuions la cause du phénomène en question au sol, soit au sol que le débordement ni en tout lieu.
11
reste
LEONARD DE VINCI ET LES OIUG1NES DE LA GÉOLOGIE
297
vient recouvrir, soit au sol qui forme le fond de la mer, mais
de préférence à ce dernier. En
qui forme
la
A
est
Afin que l'on trouve moins étonnants et moins
«
:
fond
exemples
l'appui de cette hypothèse, Strabon cite des
fameux
le
à son humidité,
beaucoup plus mobile et, grâce peut changer beaucoup plus rapidement. »
de il
mer
effet, le sol
incroyables ces changements du fond de la
prétendons être
la
cause des déluges
mer que nous
des autres désastres
et
analogues, de ceux par exemple qui se sont produits en Sicile,
dans
les îles
pouvons
Éoliennes
et
dans
citer d'autres faits
l'île
de Pithécuse (Ischia), nous
semblables qui ont eu lieu ou qui
ont lieu en divers autres endroits. En
lorsque de
effet,
exemples sont placés tous ensemble sous nos yeux, disparaître
produira
si
de Théra
et
notre
premier
étonnement...
l'on se souvient de ce qui s'est passé
de Thérasia,
îles
situées
dans
sépare la Crète de la côte Cyrénaïque...
Théra
et
ce
C'est
le
font
qui
se
au voisinage
bras de
En un
ils
tels
mer qui
lieu situé entre
Thérasia, des flammes sont sorties de la
mer pendant
une durée de quatre jours, en sorte que la mer entière était bouillante et brûlante; peu à peu, ces flammes firent émerger une île de douze stades de tour, que l'on eût dit soulevée par des instruments et composée de masses diverses.
»
Les éruptions sous-marines de ce genre sont déluges par lesquels les eaux de
tanément certains pays;
les
la
causes de
mer recouvrent momen-
tremblements de terre déterminent
des inondations analogues. Strabon, sur l'autorité de Démoclès, cite
un tremblement de
mergée par la et
la
terre
au cours duquel Troie
mer; pendant un voyage
qu'il
fît
fut sub-
à Alexandrie,
mer envahit de même la région qui se trouve entre Péluse le mont Casius, au point qu'entouré par les eaux, ce mont
était
devenu semblable
à
une
île et
que
la
route qui conduit
du mont Casius en Phénicie était devenue navigable. Il semble donc que Strabon, comme Straton de Lampsaque, voie
dans
montagnes, niveau.
la la
présence des coquilles fossiles aux flancs des
preuve que
la
mer
a subi des
changements de
Mais Straton pense que l'ouverture d'un déversoir
a fait écouler l'eau
d'une certaine mer en une mer plus basse,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
2()<S
en sorte que
la
première de ces deux mers a délaissé
les
longtemps recouvertes avec les coquilles qui y avaient vécues. Pour Strabon, au contraire, un soulèvement subit du fond de quelque mer a provoqué une inon-
terres qu'elle avait
dation soudaine, analogue à une marée montante, une sorte
de ras de marée, qu'il
nomme
volontiers
qui s'avançait en submergeant les terres
un déluge; l'onde a pu y amener des
coquilles et d'autres débris d'origine marine; mais ces fossiles
sont des épaves apportées, puis délaissées par l'inondation
diluvienne; ce ne sont pas les restes d'êtres qui ont vécu là
où
l'on trouve aujourd'hui leurs
débris. Bien qu'ils n'aient
formulé à cet égard aucune proposition explicite, Straton de
Lampsaque
et
très différente
Strabon attribuaient visiblement une origine
aux coquilles
qu'ils avaient
pu découvrir dans
des terrains fort éloignés de la mer. L'histoire de
la
Géologie
humain perpétuellement
primitive va nous montrer l'esprit
deux hypothèses, l'une selon laquelle les demeurent aux lieux où ont vécu les mollus-
hésitant entre ces coquilles fossiles
ques qui
les portaient; l'autre, selon laquelle ces coquilles
été charriées
On latins,
ont
par des inondations temporaires.
a relevé, en effet, dans les écrits des auteurs grecs et
mainte allusion aux coquilles
fossiles.
L'une des plus
intéressantes se rencontre aux Métamorphoses d'Ovide.
Le poète, au
XV
e
met dans
livre de son chef-d'œuvre,
bouche de Pythagore
des changements incessants dont
le récit
le
Monde
là
où s'étendait autrefois
est le théâtre
J'ai
«
:
la
vu
le sol le
qui étaient sorties du sein des
mer,
la
dit le
plus ferme;
flots;
j'ai
bien loin de
Philosophe,
vu des la
mer
terres
gisent
des coquilles marines, et une ancre antique a été trouvée au
sommet d'une montagne
;
là
où s'étendait une plaine,
cours des eaux a tracé une vallée, tandis que des torrents aplanissait la «
Vidi ego,
quod
Esse fretum
;
montagne
fuerat
ruissellement
:
quondam
vidi factas ex
le
solidissima tellus.
œquore
le
terras;
Et procul a pelago conclue jacuere marins Et vêtus inventa est in montibus anchora summis Quodque fuit campus, vallem decursus aquarum Fecit, ut eluvie nions est deducLus in œquor. » ;
;
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE Toutefois,
l'alternance au
si
même
lieu de la
ferme a préoccupé à maintes reprises
terre
en particulier,
les
commentateurs
les
d'Aristote,
mer
299 et
de
philosophes
ils
la et,
n'ont pas tous
vu, dans l'existence des fossiles, une preuve péremptoire de
submersion des continents.
l'antique
parfois, de ruiner cette
preuve en
lui
se
Ils
sont efforcés,
opposant des raisons qui
nous semblent puériles. Olympiodore, par exemple, ne veut pas
que
la basse
Egypte
recouverts par la mer;
marais que asséchés.
«
les
Nil avaient été autrefois
y veut voir seulement d'antiques alluvions du fleuve ont peu à peu comblés et
Sans doute,
ajoute-t-il, «
»
mais
;
nécessairement que l'Egypte
On
accorder à Aristote
il
des tests de coquillages
mer.
du
delta
et le
1
trouve, en
on trouve en
cette raison
ait été autrefois
par
l'effet
de vents
long des plages de
la
mer
et les
la
sommet
mer; peut-être ont enlevées
le
ont projetées jusqu'aux plus
»
Cette malencontreuse supposition semble-t-il,
recouverte par la
très violents qui les
hautes cimes des montagnes.
trouvé,
ne démontre pas
de ces sortes de coquilles au
effet,
de très hautes montagnes fort éloignées de est-ce
cet endroit
beaucoup de
d'Olympiodore n'a pas
crédit; les livres d'origine
arabe que nous allons analyser expriment, au sujet des coquilles fossiles,
de plus justes idées.
IY Le livre Des propriétés des éléments faussement attribué a Aristote.
L'apocryphe
traité
Du Monde,
attribué à Philon le Juif,
nous
a fait connaître les discussions géologiques qui avaient cours
parmi
les
anciens physiologues grecs. Nous allons voir ces
discussions se poursuivre en
un
autre apocryphe célèbre. Nous
1. Olympiodori philosophi Alexandrini In meteora Âristotelis commenlarii. Joannis Grammatici Philoponi Sckolia in I meteorum Aristotelis. .Toanne Baptista Camotio philosopho interprète. Venetiis, apud Aldi filios, MDLI fol. 3i, recto. ;
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
300
Moyen-Age connaissait sous De démentis, De proprie tatibus elementorum, De
voulons parler de l'ouvrage que ces divers titres
:
le
naturis rerum, etc., et qu'il croyait être d'Aristote. Cependant, l'origine arabe de cet
nul ne doute, mentis ne soit et qu'ils
Stagirite
ouvrage
depuis bien longtemps, que
et
un de
à
De
le traité
ele-
ces ouvrages que les Arabes composaient
pour leur donner plus
attribuaient,
ou
chaque instant;
se trahissait à
quelque
philosophe grec
illustre
Le pseudo-Aristote connaît
les
au
d'autorité,
l .
théories géologiques dont,
bien avant Théophraste, les partisans de la durée limitée du
Monde a
tiraient
Certains
argument
hommes,
;
admet point. parmi ceux qui ont composé mer a changé de place à la
ces théories,
» dit-il
2 ,
«
des discours, prétendent que la
ne
il
les
surface de la sphère terrestre, et qu'il n'est sur la terre
aucun
lieu qui n'ait été autrefois sous les eaux. Ils fondent leur avis
sur
les traces (ex
collines et à la
prœssionibus
(?))
que Ton voit au sommet des
cime des montagnes. Un de ces
qu'en creusant un puits, lorsqu'il arriva à il
trouva une argile compacte
fut
dure
;
il
raconte
couche argileuse,
continua à creuser
y découvrit un gouvernail de navire. Par assuré que la mer avait été autrefois en cet endroit,
cette argile, et il
et
la
hommes
il
change de place
qu'elle
longues périodes.
lentement
pseudo-Aristote, ;
le
il
et
pendant de
et
très
»
changement de place de
Si ce
astrale
très
là,
serait
retour de la
la
mer
était réel, déclare le
sûrement déterminé par quelque action
mer au même
lieu serait
donc un
effet
périodique, et sa période serait égale à celle de quelqu'un des
phénomènes astronomiques or, il n'est dans les cieux mouvement si lent qui n'entraînât pour la mer des déplacements ;
beaucoup trop rapides au gré de
l'histoire; la plus
lente des
révolutions célestes est celle de la sphère étoilée qui, selon
Hipparque
et
Ptolémée, s'accomplit en 36ooo ans;
cement des eaux de
la
mer
si le
dépla-
suivait cette révolution, ces eaux
i. Nous citons cet apocryphe d'après l'édition des Opéra Aristotclis qui porte ce colophon Imprœssum (sic) est praesens opus Venetiis per Gregorium de Gregoriis expensis Benedicti Fontanœ Anno salutifere incarnationis Doraini nostri MCCCCXCN I. Die vero XIII Julii. :
2.
Aristotclis Liber de proprietatibus elementorum, fol. 400
(marqué
300), verso.
LÉONARD DE
DE LA GÉOLOGIE
VINCI ET LES ORIGINES
3oi
s'avanceraient, à la surface de la terre, d'un degré par siècle; or, l'histoire
nous apprend qu'une foule de
cités se trouvent,
depuis une longue suite de siècles, toujours à
de
Ce que nous avons
tement
pleinement
et
changé de place à
en ce
dit
la théorie selon laquelle
la surface
Certains philosophes,
tendent que la terre, au
tement ronde
et qu'il
de la terre
ne
de
la terre
mer
la
l'erreur de
aurait
ceux qui
»
poursuit
moment
le
pseudo-Aristote
de sa formation,
l
«
,
pré-
était parfai-
s'y rencontrait ni vallée ni
montagne;
comme
celle des
montagnes que nous voyons n'ont pas d'autre cause que l'action des
corps célestes. Ces vallées à la surface
»
;
exactement sphérique
sa figure était alors
donc manifes-
traité détruit
ont admis cet avis est en évidence. «
distance
mer.
la «
même
la
et ces
eaux. Les eaux ont creusé les parties de la terre qui étaient les
moins compactes, et ainsi se sont formées les montagnes; ces régions peu compactes, une fois creusées, sont devenues les lieux des mers. »
Je dis que ceux qui tiennent ce discours et admettent cette
théorie en viennent à partager l'avis de ceux qui croient au
mers à la surface du globe. Or, au commencement de ce livre, nous avons riposté au discours
changement de de ces derniers
la position des
et ruiné leur
opinion à
l'aide
de démonstrations
manifestes. Revenons, cependant, à ceux qui tiennent
un
tel
discours »
Supposons qu'au début
tement sphérique
et
parfaitement
contré ni vallée ni montagne
et
forme
;
il
lisse,
un corps
qu'il
ne
;
que
celle ci la revêtit
parfai-
s'y soit ren-
était alors nécessaire
que
d'une couche d'épaisseur uni-
dès lors, l'eau qui tombait en pluie du haut de
tombait à
la surface
cette pluie
la
masse des
terrestre fût entièrement recouverte par la
masse eaux
la terre ait été
de la couche d'eau qui recouvrait
ne pouvait donc aucunement creuser
l'air,
la terre
;
»
le sol.
Invoquera-t-on l'action du vent, qui eût agité cette couche d'eau dont la terre était recouverte
eau eussent alors pu déniveler i.
?
le
Les
mouvements de
sol qu'elle
Aristotelis Liber de proprietatibus elemenlorum, fol. /iôg
cette
submergeait.
(marqué
36g), recto.
.
.
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
302 «
Mais
vent n'est qu'une vapeur émise par
le
la terre
ne pouvait donc y avoir de vent alors que
il
mer recouvraient
sèche;
eaux de
les
»
la
toute la terre
Ainsi se trouve réfutée l'opinion de ceux qui voulaient que
que
les
l'origine,
à
la terre,
ne présentât ni vallée ni montagne,
eaux eussent sculpté toutes
les inégalités
du
et
sol.
L'auteur du Liber de démentis a réfuté la théorie purement
neptunienne de celles-ci,
traité
petit
le
formation des montagnes
;
à l'origine
donc placer une cause plutonienne;
faut
il
que fera
la
de
c'est ce
dont nous allons maintenant nous
occuper.
Le Traité des minéraux attribué a Avicenne Aristote
avait-il
écrit
un
Des minéraux? C'est une
traité
question que l'on a agitée de tout temps, sans la résoudre.
A
de
la suite
la
paraphrase qu'il a composée sur
Grand
donné un
les
Météores
De mineralibus Au premier chapitre de ce traité il mentionne les écrits, venus à sa connaissance, où il était parlé des minéraux; en ce « Nous n'avons pas vu chapitre, il s'exprime en ces termes les livres d' Aristote sur ce sujet; nous n'en avons vu que des
du
Stagirite, Albert le
a
traité
1
,
:
Ce qu'Avicenne a dit au troisième chapitre du premier livre qu'il a composé sur ces questions est loin
extraits partiels.
d'être suffisant.
»
Grand connaissait donc un ouvrage, Avicenne, dont un chapitre traitait des minéraux, Albert
le
usage de cet
écrit, tout
Est-il possible
en
contient
comme
2 ,
i.
tract. •2.
p.
la trace
(latin)
il
a fait
de
de cet écrit
la
d' Avicenne?
Bibliothèque Nationale
dernier chapitre du livre IV des Météores
un paragraphe,
d'Aristote,
et
complétant.
le
de retrouver
Le manuscrit de i6i42
attribué à
intitulé
De
Mineris,
où
la
main
Alberti Magni, Ratisponensis episcopi, De mineralibus liber primus, De quo est intciitio et quae divisio, modus et dicendoruin onlo. F. de Mély, Le lapidaire d" Aristote (lievue des Études grecques, t. VII, i>s <)'i, Beati
I,
18.).
cap.
I
:
3o3
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GEOLOGIE
d'un auteur arabe se trahit à chaque instant.
Il
est facile
de
voir que ce paragraphe fait partie de l'ouvrage qu'Albert le
Grand
attribuait à Àvicenne.
Albert explique
former, «
il
faut
Si l'élément
que
sière
la terre
humide ne
parties terrestres,
tandis que la
comment, pour qu'une
1
s'il
terre se
soit collant et
terrestres
qui l'engendre soit mêlée d'eau
se trouvait pas bien infus
ne leur
était
coagule,
de terre discontinue.
pierre se puisse
Il
faut
il
adhérent,
s'il
les
s'évaporait
ne resterait qu'une pous-
donc que
cet
élément humide
visqueux, que ses parties enlacent
comme
parmi
:
se tiennent les maillons
les
parties
d'une chaîne. Alors
l'élément sec retient l'élément humide, tandis que la liqueur
humide, interposée aux parcelles de l'élément
cwn
sec,
en assure
quod terra pura lapis non fît quia continuationem terra non facit sua siccitate, sed potius comminutionem; vincens enim in ea siccitas non permittit fîeri conglutinationem. Rationem dicit idem philosophus quod aliquotiens desiccatur lutum, et fit
la continuité.
médium
Et hoc testatur Avicenna
dicit
inter lapidern et lutum, et deinde in spatio temporis
quod lutum aptius ad hoc quod transmutetur in lapidern est unctuosum; quod enim taie non est comminutivum, sive comminubile in pulverem, est propter facilem humiditatis separabilitatem ab eodem. » Or, au texte du xm e siècle publié par M. de Mély, nous lapis.
fît
lisons 2 «
Dicit iterum
:
Terra pura lapis non
fit,
quia continuationem non
facit,
enim siccitas, non permittit eam conglutinari. Fiunt autem lapides duobus modis aut conglutinatione, ut in quibus domina est terra; sed
discontinuationem.
Vincens in ea
:
aut congelatione, ut in quibus terra praedominatur. Aliquando
enim desiccatur lutum primum, et fît quoddam quod est médium inter lutum et lapidern, quod deinceps fit lapis. Lutum vero huic transmutationi aptius est viscosum, quoniam continuativum quod enim taie non est comminutivum erit. » ;
Le rapprochement de ces deux citations ne saurait i. 12.
Albert le Grand, Op. F. de Mély, Op. cit ,
cit., lib. I, tract. 1,
p.
18G.
cap.
Il
:
De materia lapidum.
laisser
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
3c4
place au doute; pour formuler notre conclusion,
il
n'est pas
même
besoin d'attendre un second rapprochement du
genre
que nous aurons occasion de faire plus loin; le texte édité par M. de Mély fait assurément partie de l'ouvrage qu'Albert
Grand
le
déclarait être d'Avicenne.
Roger Bacon attribue au chapitre en question une origine différente de celle que lui donne Albert le Grand. En ses
Communia naturalium
l
,
après
des principes de l'Alchimie, il
poursuit en ces termes
du passage
l'autorité
:
un passage où il a les noms d'Aristote
«
cité,
à propos
et d'Averroès,
Silence aux sots qui abusent de
qu'ils trouvent à la fin de la
première
traduction des Météores, bien que ce qu'ils soutiennent soit la
en cet endroit
vérité. Ils disent qu'il est écrit » fices
phrase
cette
Mais rien n'est de :
«
comme
elle
si
lui, à partir
Terra pura lapis non
Alveredo.
Au
«
Sciant arti-
Alkimise species rerum transmutari non posse,
donnent pitre
:
était
et ils
parole d'Aristote.
du commencement de
fit; »
»
ce cha-
tout cela a été ajouté par
»
cours du Moyen-Age,
sur la formation des
le petit traité
pierres continua d'être attribué tantôt à Aristote et tantôt à
Avicenne.
Un
certain dominicain,
de Robert,
un
traité
fils
De
les éditions
de Charles
du II
nom
d'Anjou, roi de Naples, a composé
essentiarum
essentiis
de Frère Thomas, chapelain
2 .
Les manuscrits, et
même
imprimées, ont parfois attribué cet opuscule à saint
Thomas d'Aquin. La méprise était Thomas débute par cette dédicace
grossière. L'écrit de Frère
:
Magnifico Principi ac Illustrissimo
«
primogenito Régis Hierusalem Calabriae ac in
Regno
Siciliae
et
Domino suo Roberto
Siciliae,
Dei gratia
Yicario generali, frater
Duci
Thomas
de ordine Praedicatorum, ejus capellanus, ejusque factura, reverentiam omni humilis devotionis obsequio. »
i.
i'oll. 2
Bacon Communia naturalium, Pars prima, dist. I, cap. II: De ordine scientiarum naturalium. (Bibliothèque Mazarine, M s. n° 3076, Emile Charles, Roger Bacon, sa vie, ses ouvrages, ses doctrines: Cf.
Fratris Rogeri
numéro
et
et 3.)
—
:
Paris, 1861, p. 372. 2. Nous le citons d'après l'exemplaire manuscrit loi.
kj4
r°,
dans
le
manuscrit
:
Lat.,
que
du loi. i5g r" au Bibliothèque Nationale.
l'on trouve,
nouv. acq., n* 1715 de
la
3o5
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
Quétif et Échard ont discuté cette dédicace
;
ont montré
ils
qu'elle ne pouvait avoir été écrite avant l'an 1296.
N'eût-on
comment
pas
argument chronologique indiscutable,
cet
oserait-on attribuer à saint
vu un
l'auteur affirme avoir
qui fut victime de Gain
Le
très naïf Frère
Bacon;
il
le
nomme
atque promptissimus
De la
Thomas
grand admirateur de Roger
est
Vir utique sapientissimus in scientiis, »
il
speculis comburenlibus,
Frère
dont
!
« ;
écrit
d'Alchimie editus par Abel
livre
Thomas :
Thomas un
cite
De
de
lui les traités
De
loco,
De
injluentiis,
sensu.
s'occupe de la nature des minéraux; étudiant
matière des pierres,
il
écrit
2
:
«
La matière de
la pierre est
ou moins mélangée d'une substance terrestre, selon la pureté de la pierre; cela est conforme à ce que dit Aristote à la fin du livre des Météores (d'autres disent que ce chapitre
l'eau, plus
est
d'Avicenne)
A
:
Terra pura lapis non
fit. »
l'époque de la Renaissance et dans les temps modernes,
le texte
en question a continué
d' Aristote, soit
Au
xv c
pour un
siècle,
traité
d'être pris soit
pour un
écrit
d'Avicenne.
comme un donne pour œuvre d'Aristote 3 Au
Alessandro Achillini
le
regarde
De mineralibus qu'il xvn siècle Manget l'attribue à Avicenne et le publie dans sa Bibliotheca chimica; il est imprimé également comme d'Avicenne dans le Gebri régis Arabum opéra.
traité
.
e
De nos jours, M. de Mély a pensé retrouver dans ce texte un fragment d'un écrit d'Aristote. Sans doute, il ne pouvait être question de regarder ce traité comme une œuvre authentique et non remaniée du Stagirite on y rapporte ce que les Arabes pensaient du fer au moyen duquel les Allemands :
fabriquaient leurs épées. Tout ce qui porte la trace manifeste
de l'influence arabe, tout ce qui se montre pénétré d'Alchimie, Quétif et Échard, Scriptores ordinis Prœdicatorum, t. I, p. 344, col. b, et p. 345, Thomas ab Aquino). 2. Tractatus fratris Thomœ de essentiis essentiarum. Tractatus sextus De mineris. Gap De matcria lapidis. Ms. cit., fol. 174, r°. 3. Aristotelis, philosophorum maximi, Secretum secretorum ad Alexandrum... Ejusdem De mineralibus... Alexandri Achillini De universalibus... Bononiœ, per 1.
col. a (art. S.
:
:
Benedictum Hectorem, anno Domini i5oi, die 26 Octobris. Aristotelis Sécréta secretorum... Ejusdem Aristotelis De mineralibus... Alexandri Achillini De universalibus... Lugduni, per A. Blanchard, 1628. p.
duhem.
20
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
3o6
M. de Mély
une
reste,
comme
regarde
le
ces retranchements opérés, lui paraît digne
fois
d'Aristote et lui semble représenter
des minéraux
On
composé par
est
s'il
Mély semblent duquel
que
le
autem
que
est-il
les
insuffisants
passage que voici et sal
est
glose,
c'est
que
et
l'on
au Stagirite.
l'on
Est-il
admet
ait été écrit
quam
aqua,
subtilis, multae igneitatis,
le
principe en vertu
vraisemblable, par exemple,
par Aristote?
armoniacum sunt de génère
ipsum
et
surtout, bien
comme
regardé
le traité
si
in sale armoniaco major est
matur,
les retran-
retranchements pratiqués par M. de
ont été opérés.
ils
et,
ne saurait être d'Aristote
qu'il
convient d'avance d'attribuer
Encore
Mély que
de ces passages retranchés qui se soude
bien au contexte;
uniquement parce
traité
le Stagirite.
propose sont bien étendus
qu'il
arbitraires. Il est tel fort
un fragment d'un
peut, croyons-nous, objecter à M. de
chements
Ce qui
glose et le retranche.
terra,
«
Alumen
salis,
quia pars ignis
unde
et
totum
nimium
cui admiscetur fumus,
coagulatum ex
subli-
Ce pas-
siccitate. »
sage conservé par M. de Mély, ne renferme-t-il pas à lui seul
autant de connaissances alchimiques que tous
comme
regardés
Sans doute,
renferme
passages
gloses?
les idées
sur la génération des minéraux que
en question se rattachent aisément aux
texte
le
les
principes posés par Aristote, au troisième livre des Météores;
sans doute, encore, on y trouve
un mot que
ont orthographié optesis > ephtesis, eptesis
un mot
MsTctopoAsYtxa;
l'auteur cette
mot
grec, le
du
ma
is
ces
les divers éditeurs et
qui paraît être
continuellement employé aux
I^y;<tiç
remarques prouvent seulement que
traité a subi l'influence des écrits aristotéliciens;
conclusion ne saurait embarrasser
ceux
qui
veulent
identifier cet auteur avec Avicenne.
La méthode
bien à attribuer à Aristote
torum
et
regarder
de Mély conduirait tout aussi
suivie par M.
maint autre
comme
écrit
le
que tout
usage
était
le
monde
s'accorde à
d'origine arabe.
Nous admettrons donc que a fait
Liber de proprietatibus elemen-
un
traité
le
traité
dont Albert
le
Grand
arabe; rien n'empêche de l'attribuer
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE à Avicenne,
l'exemple donné par l'évêque de Ratis-
selon
comme
bonne, ou à Alveredo,
Or
le
voulait Roger Bacon.
deux pas-
Traité des minéraux d'Avicenne renferme
le
So']
sages qui ont, pour l'histoire de la Géologie, une extrême
importance. Voici le premier de ces passages
animaux
des
des plantes
et
*
;
concerne
il
la pétrification
:
Les pierres peuvent donc se former, à partir d'une boue
«
coagule une vertu sèche et
ou bien à partir de l'eau que terrestre ou une cause de chaleur
même
certains végétaux et certains ani-
visqueuse, par la chaleur du
de sécheresse. De
et
maux peuvent minérale
soleil,
être convertis
en pierre par une certaine vertu
et pétrifiante (virtute
quadam
minerait lapidificativa)
qui se rencontre dans les lieux pierreux... Ce changement de
nature des corps animaux ou végétaux est fort analogue à pétrification des eaux.
complexe
se
Il
l'autre et passer
les
mixtes se
effet,
qu'un corps
coup en un peuvent changer l'un en seul
graduellement à l'élément dominant.
Le second passage 2 voici
en
convertisse en bloc et d'un
élément unique, mais
un dernier
est impossible,
,
»
plus important encore, forme
chapitre qui a pour
la
titre
:
comme
De causa montium. Le
:
monts sont produits par une cause essentielle; c'est ce qui a lieu lorsqu'un violent tremblement de terre soulève le sol et engendre une montagne. Parfois, au contraire, Parfois les
«
ils
sont produits accidentellement; ainsi en est- il lorsque
vent ou
le
cours des eaux creuse profondément
le sol;
le
auprès
de l'excavation ainsi creusée subsiste une éminence élevée; c'est là la principale a,
en
effet,
cause de la formation des montagnes.
Il
y
des terres qui sont molles et d'autres qui sont
dures; les vents et les cours d'eau enlèvent les terres molles tandis que les terres dures subsistent et forment éminence. Les
montagnes peuvent pierres
vaseux
;
un cours et
aussi être engendrées
d'eau
amène en un
visqueux qui, à
i.
F. de Mély, Op.
cit.,
p. 187.
2.
F.
de Mély, Op.
cit.,
p. 188.
la
comme
le
certain lieu
longue, se dessèche
sont les
un dépôt
et se trans-
ETUDES SUR LEONARD DE YINCI
3o8
forme en pierre; il est même possible qu'une certaine force minéralisante change les eaux en pierres. Voilà pourquoi on trouve dans les pierres des restes d'animaux et de bêtes aquatiques. »
Les montagnes se
comme nous venons On
décroissent.
sont donc formées
de
trouve en
mais
dire;
le
dans
effet,
aujourd'hui,
les
montagnes;
l'érosion des
ont mêlée avec
la
même
substance
le résultat
de
la
des herbes... et qu'elles
et
boue venant de
que l'antique limon de
aussi
la
sont une matière terreuse que
elles
eaux ont amenée avec des vases
les
sont
elles
;
elles
montagnes, des
couches terreuses qui ne sont pas formées de pierreuse dont nous venons de parler
lentement,
très
la
mer
montagne. Peut-être partout de
n'était pas
nature, en sorte que certaines parties se sont changées
en pierre,
et
Ce sont
d'autres non.
les
demeurées
parties
terreuses qui sont amollies et dissoutes par la puissance victorieuse de l'eau. »
Le flux
et le reflux
mer creusent certains lieux et en aussi, la mer couvre toute la terre
de la
relèvent d'autres. Parfois,
;
peu résistantes en laissant en
alors elle arrache les parties
place les roches dures; les parties molles qu'elle a enlevées, elle les
retire, et
accumule en certains points lorsque après cela elle se ces parties molles qu'elle a accumulées se dessèchent ;
deviennent des montagnes.
Avicenne ou raux
l'auteur, quel qu'il soit, de ce Traité des miné-
commence par
tagnes est terre;
le
cette
»
déclarer que l'origine essentielle des
soulèvement du
sol
par
mon-
tremblements de
les
doctrine s'accorde fort bien avec les principes
posés au Livre De démentis,
développées au
traité
mieux encore, avec les théories Du Monde par le pseudo-Philon. Mais, et,
après cette profession de foi en faveur de la doctrine pluto-
nienne, notre auteur s'attache presque exclusivement à
l'ex-
posé des phénomènes neptuniens; ce ne sont, a-t-il déclaré,
que des causes
accidentelles de la formation des
mais, bien qu'accidentelles, cipales.
Il
celles qui
il
ne tarde pas
montagnes;
à les déclarer prin-
reprend ainsi des considérations
fort
analogues
ont été combattues par Théophraste, par
le
à
pseudo-
3oQ
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
Philon
ment Il
par l'auteur du
et
traité
De
elementis.
corrige seule-
Il
ce qu'il y avait, en ces considérations, de trop exclusif.
admet, à l'origine, des soulèvements de
par des actions internes sculpté le relief actuel
mais
;
du
mer
la
la surface terrestre
et les
cours d'eau ont
sol.
D'autres écrits arabes propageaient, d'ailleurs, la doctrine du
pseudo- Philon. pureté
et
de
Un
livre intitulé
la sincérité
parmi lesquelles
raux; on y
lit
«
ce passage
se
la
:
Les montagnes soulevées au sein des eaux par des vapeurs
intestines se fragmentent, et les et
:
un grand nombre de citations trouve un chapitre Des miné-
contient
d'Aristote,
Le présent des frères de
1
eaux repoussées
dessinent les contours des contrées.
se nivellent
»
Nous allons voir que toute la Géologie des savants chrétiens du xui e siècle procède des Météores d'Aristote et des deux le Liber de proprietatibus livres que nous venons d'analyser :
elementorum
et le Traité des
minéraux attribué à Avicenne.
VI Albert le Grand. Le
livre
Des propriétés des éléments, que l'on croyait être
une grande influence sur les théories scientiScolastique; Albert le Grand en a composé un
d'Aristote, eut
fiques de la
long commentaire, où
les fruits
de ses propres observations se
trouvent semés au cours d'une paraphrase du traité apocryphe.
L'Évêque de Ratisbonne reproduit presque textuellement 2 ce
que
de
la
le
mer
pseudo -Aristo te avait et les
i.
du changement de place
arguments astrologiques par lesquels
réfuté cette opinion;
p.
écrit
mais
il
y ajoute
les
Bibliothèque Nationale, supplément arabe, ms. n° i845
remarques
;
cf.
:
il
avait
qu'il a
F.deMély, Op.
cit.,
190.
Beati Alberti Magni, Ratisponensis episcopi, Liber de causis proprietatum elemenlib. I, tract. II, cap. II: De opinione quae dixit mare transmutari de loco ad locum; cap. III De improbatione opinionis quae dicit mare transmutari de loco ad 2.
torum;
:
locum.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
3lO recueillies
que
au cours de ses voyages.
mer
la
de
retirée
Peut-être obj cetera -t-
«
on
d'Angleterre, qui est une partie de l'Océan, s'est
que
la ville
nommait
l'on
autrefois
Tuag Octavia
;
nous avons, de nos propres yeux, constaté qu'auprès de cette ville, la mer avait délaissé un grand espace en peu de temps.
De même pourra-ton cette ville
dire que la
mer
nomme
de Flandre qu'on
s'éloigne sans cesse de
Burig (Bruges). Mais nous
dirons que ce retrait n'est pas continu, qu'il n'est nullement
mouvement du
causé par
le
purement
accidentel...
dunes
mer
se
les
en
se produit,
mer
élèvent sans cesse; la
d'ailleurs,
des étoiles fixes, et qu'il est
forment à l'entrée des ports
de ces villes
l'accès
Il
ciel
on chasse de
et
que
parce que des les
lames de
la
ferme ainsi à elle-même
peu à peu. Dans ces pays -là,
se retire
et
se
effet,
mer du
force la
élevant des digues sur les rivages
;
les
lit
qu'elle
occupe en
habitants de ces contrées,
en refoulant ainsi
la
mer, conquièrent de grandes étendues de
Le recul de
la
mer, en ces lieux, n'est donc pas naturel,
terre.
mais accidentel... »
Quant
rame qui
à cette
qui creusait
un
puits,
fut trouvée, dit-on,
anciennement placée en ce amoncelée sur
rame
cette
cet objet,
que
lieu; la
protégé contre la putréfaction
pu
se trouver autrefois
;
par un
homme
avait été sans doute très
puis de la terre avait été
fraîcheur
du
sol avait ensuite
ou bien encore,
en cet endroit
la
mer
avait
et s'en être retirée acci-
dentellement. C'est ainsi qu'à Cologne nous avons vu creuser des fosses très profondes au fond desquelles on a trouvé des
constructions dont
le
revêtement portait des dessins
décorations admirables; les l'Antiquité; s'était
hommes
les
avaient élevées dans
puis, par suite de la ruine des édifices, la terre
accumulée par-dessus.
Albert reproduit
1
»
d'une manière presque textuelle
ments du pseudo-Aristote contre ceux qui attribuent tion des inégalités
Mais
il
fait
des
et
du
sol à l'action érosive des
suivre ces raisonnements
les la
argu-
forma-
eaux pluviales.
d'un chapitre 3 où
il
i. Albert le Grand, Op. cit., lib. II, tract. III, cap. IV: De improbatione corum qui dixerunt montes et valles causari a cavatione aquarnm. 2. Albert le Grand, Op. cit., lib. II, tract. III, cap. V: Et est digressio déclarons causait) esseusialem et causas accidentales montium.
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
expose quelles sont, selon
lui, les
3
1
I
causes de la génération des
montagnes; nous y trouvons une paraphrase bien reconnaissable du chapitre qui porte le même titre au Traité des minéraux d'Avicenne; nous y trouvons aussi tions personnelles du savant dominicain «
Au
sujet de la question
la trace
des observa-
:
actuellement posée touchant
génération des montagnes et des vallées, voici la vérité
montagnes causes;
et
les
l'une de
vallées ces
:
la
Les
peuvent être engendrées par deux
causes est essentielle
et universelle;
l'autre est particulière, elle n'agit qu'à certaines
époques
et
en
de certains lieux.
»La cause essentielle et universelle est la suivante: Les montagnes naissent des tremblements de terre, en des régions où la surface du sol est trop solide et trop compacte pour se laisser briser; alors,
en
effet,
les
gaz (ventas) qui se sont for-
més en abondance à l'intérieur de la terre et qui sont violemment agités, soulèvent le sol et forment des montagnes. Les tremblements de terre sont fréquents auprès de la mer ou des grands amas d'eau, parce que ces eaux bouchent les pores de la terre, et empêchent le dégagement des vapeurs émises par la terre et emprisonnées dans les entrailles du sol; aussi est-ce près de la mer ou des grandes nappes d'eau que naissent, en général, les montagnes les plus élevées. Sous ces montagnes subsiste une cavité capable de contenir une grande quantité d'eau; aussi les lieux montueux sont-ils bien souvent des lieux où
les
sources abondent et qui, par leur ruissellement, engen-
drent de grands lacs. »
La surface soulevée ne devient point solide
et résistante si
du limon gluant et visqueux que l'afflux de l'eau y amène. On trouve donc dans les lieux montueux des rochers immenses et nombreux; ils ont été engendrés par ce limon et par la chaleur, car cette chaleur réunit les diverses parties du limon; cette chaleur est elle-même produite soit par les rayons du soleil, soit par le mouvement des vapeurs ce n'est aux dépens
terrestres.
Nous trouvons une preuve de tout cela dans les parties d'animaux aquatiques et peut-être aussi dans les engins prove»
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
3l2
nant de navires que l'on découvre dans
rochers des
les
tagnes aux lieux concaves des monts; l'eau, sans doute,
amenés avec la
le
limon gluant qui
les
enveloppait;
monles
ya
le froid et
sécheresse de la pierre les ont ensuite empêchés de se putré-
en
fier
dans
totalité.
les pierres
quemment
On
trouve une très forte preuve de ce genre
de Paris, en lesquelles on rencontre très
des coquilles,
de croissant de Lune, d'écaillé »
les
unes rondes,
autres encore
les
les autres
fré-
en forme
bombées en forme
de tortue.
Nous disons donc que
c'est là la
cause essentielle des mon-
tagnes; d'autre part, au lieu d'où a été enlevé ce qui s'est
une vallée s'est produite. Lorsqu'une montagne est fort ancienne,
ainsi soulevé, »
en rocher par la chaleur, se dessèche;
il
sommet, coagulé s'effrite alors et tombe
par morceaux, à moins que ces rochers de bases fort larges au-dessus desquelles plus
étroits,
colonnes »
comme
s'ils
ils
le
la
cime n'aient des
s'élèvent,
se trouvaient
soutenus
beaucoup par des
des murailles.
et
Quant à
la
cause accidentelle des montagnes,
elle peut, le
plus souvent, se partager en deux autres.
La première de ces causes est l'alluvion et, surtout, l'alluvion marine; car les autres eaux ne peuvent produire une alluvion bien considérable. La mer, en effet, soit par ses »
du reflux, enlève aux rivages beaucoup de terre; elle accumule ensuite cette terre, engendrant une montagne d'un côté et une vallée de l'autre... » L'autre cause accidentelle se rencontre là où de grandes vagues, soit par l'action du flux ou
étendues sablonneuses sont balayées par des vents violents.
fréquemment que le vent enlève le sable d'un endroit pour l'accumuler en un autre endroit; en ce dernier endroit, selon la masse du sable déplacé, il se fait un mont grand ou petit... » Nous savons, par le propre témoignage d'Albert le Grand,
En de
tels lieux,
en
effet, il
arrive
qu'il connaissait le petit traité
lui-même
à
Des minéraux
et qu'il l'attribuait
Avicenne; nous ne nous étonnons donc pas de
retrouver, en ce que nous venons de
lire,
des souvenirs bien
reconnaissables du chapitre que ce traité consacre à
la
forma
LÉONARD DE V1NCÏ ET LES ORTGINES DE LA GÉOLOGIE des
tion
montagnes; mais
observations
accorder
en outre,
;
en
Avicenne
elementorum.
genèse des vallées
et
introduisant
au
soutenues
avec les doctrines
proprietatum
y
où
sol
la terre entière avait été
tion;
mieux
De
causis
en
accordé,
la
mer
à la surface
témoignaient de circonstances
envahie par
eaux de l'Océan.
les
Grand ne fait jouer aucun rôle, en son Orogénie, débordements maritimes il n'en fait même pas menil réduit l'action de la mer à la formation des dunes et
Albert à ces
le
des montagnes, une très grande impor-
ces bouleversements
;
livre
avait
tance aux bouleversements apportés par la
du
propres
ses
retouche de manière à
le
il
docteur dominicain enrichit
le
l'enseignement d'Àvicenne
3l3
le
;
des dépôts littoraux.
Albert s'est inspiré à la fois du livre De causis proprietatum
elementorum
et
du
Des minéraux d'Avicenne
traité
sont-elles les seules auxquelles
Avicenne proclamait, à la
cause essentielle de
ait
il
que
la vérité,
la
puisé?
;
En son
ces sources petit traité,
plutonienne
l'action
était
formation des montagnes; mais, tout
en reléguant l'action neptunienne au rang de cause accidentelle,
lui
il
d'écrire
:
«
montagnes,
une
laissait
importance
telle
C'est là la principale cause de »
qu'il la
formation des
au risque de contredire aux principes
qu'il avait
lui-même posés. Albert demeure conséquent avec
non seulement
cipes;
plutonienne est
la
«
il
déclare, avec Avicenne,
cause
genèse des monts, mais rôle presque exclusif
ment
il
essentielle
que
universelle
l'action »
de
la
que son Orogénie attribue aux soulève-
sa pensée par le traité
indices
ces prin-
s'en tient à cette déclaration. Le
éruptifs ne marque-telle pas
En un
et
arrivait
lui
une influence exercée sur
Du monde du pseudo-Philon?
autre écrit d'Albert
le
qui nous permettront
comme extrêmement
Grand, nous relèverons des de
probable
:
regarder cette
L'Évêque
de
assertion
Ratisbonne
connaissait l'apocryphe attribué à Philon d'Alexandrie. L'écrit
dont nous voulons parler
paraphrase aux quatre livres
est la
des Météores d'Aristote. C'est encore traité
aux phénomènes éruptifs qu'Albert, en son
Des Météores, attribue
la
formation exclusive des mon-
ÉTUDKS SUR LÉONARD DE VINCI
3l/j
tagnes: «II se produit,
dit-il
»
de dépression du sol lorsque dante
que
et
qui
les parois
la
1
«
,
la
un mouvement
d'élévation et
vapeur emprisonnée
est
contiennent sont fort résistantes.
du
Alors, en effet, la vapeur soulève la partie supérieure
qui
une
la contient;
tandis qu'une
partie de cette vapeur s'échappe
autre
contient est soulevé de nouveau.
soit
et
échappée en
lieu
au dehors
demeure renfermée. Lorsqu'une
partie
nouvelle quantité de vapeur vient à s'engendrer,
de soulèvement
abon-
le lieu
qui la
subit ainsi des alternatives
Il
de dépression, jusqu'à ce que
la
vapeur
se
totalité. »
Après avoir étudié
la
génération des montagnes,
docteur dominicain en étudie
la destruction
;
le
célèbre
ce qu'il en dit 2
rappelle ce qu'il a développé au Liber de causis proprie tatum
elementorum
«
:
La ruine des montagnes peut
tremblement de
terre, et cela
produire sans
de deux manières. En premier
montagne peuvent
bases d'une
lieu, les
se
être abrasées
par une
cause quelconque; alors, privée de fondement, cette montagne
ou en
s'écroule en totalité
montagne
est fort élevée, la
au sommet;
elle se fendille
la partie
disposition de la
cime les
se
lieu,
eaux alors pénètrent dans
cime vient
fendue du reste de
la fissure,
une
à s'écrouler.
lorsque
partie
la
dessèche extrêmement;
formées; courant avec impétuosité,
fissures ainsi
chent
En second
partie.
les
elles arra-
montagne; et selon la plus ou moins grande de la
»
Le cours des eaux a donc uniquement un rôle de destruction
;
cette théorie d'Albert s'accorde fort bien, et
le détail,
avec
les doctrines
jusque dans
géologiques de Théophraste
et
du
pseudo-Philon. Il
même
en est de
bonne
examine 3 cette question Pourquoi certaines submergées tandis que d'autres terres émer-
lorsqu'il
:
terres sont- elles
gent du sein de « Il
i.
des opinions qu'émet l'Évêque de Ratis-
la
mer?
y a des terres qui, autrefois, étaient recouvertes par
les
Beati Alherti Magni, Ratisponensis episcopi, Metheororum liber tertius, tract.
cap. XVIII
:
De
efï'ectu terrae
2.
Albert
le
3.
Beati
Albcrti
tract. Il, cap.
(îrand,
in
movendo locum
in
quo
II,
est.
loc. cit.
Magni,
\V Quare :
motus
Ratisponensis
terra*
episcopi,
quœdam submerguntur
Metheororum et
quœdam
liber
primas,
desiocuntur.
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GEOLOGIE
eaux douces ou par d'autres,
mers
les
et
3l5
qui sont aujourd'hui à sec;
au contraire, qui étaient terre ferme, sont mainte-
nant submergées... Les lieux qui se sont asséchés n'ont pas
émergé d'un seul coup; ils ont été délaissés peu à peu, selon que la mer était plus profonde en un endroit et moins profonde en un autre. Lorsqu'un de ces lieux a atteint un degré
modéré de sécheresse,
est
il
devenu habitable; alors on y a
planté des arbres, afin que les racines de ces arbres assurent à
plus de cohésion, et on y a semé des graines.
la terre
»
Gom-
ment ne pas reconnaître, en cette dernière phrase, une phrase empruntée à Théophraste par le pseudo Philon -
«
Ces terres présentaient
comme on
stériles,
ensemencer semble
Il
l'a
des
fort
des arbres ?
nullement
riches et
reconnu lorsqu'on
et d'y planter
donc
régions
:
a entrepris de les
»
probable que
traité
le
longtemps attribué à Philon d'Alexandrie,
a été
Du monde, connu
d'Al-
Grand qui s'en est inspiré en diverses circonstances. Au sujet des changements de figure des continents et des
bert le
mers, ce traité soutenait des opinions fort concordantes avec ce sont ces dernières qu'Albert développe
d'Aristote;
celles
surtout et qu'il adopte dans le chapitre que nous avons
cité.
Ces changements de figure sont dus surtout aux transforma-
que subit
tions
le
régime des pluies aux divers lieux de
Ces transformations elles-mêmes sont sous
terre.
dance de causes astronomiques, de
sphère des étoiles fixes et
la
telles
le
dépen-
mouvement
lent
conjonctions des planètes.
les
C'est sans doute l'influence de
que
la
la
Théophraste
et
du pseudo-
Philon qui pousse Albert à l'examen de ces deux questions
La mer
a-t-elle,
autrefois, couvert
la
terre
:
entière? Peut-il
arriver qu'au cours des temps, elle se dessèche totalement?
Gomme à ces
les
deux auteurs dont la
i.
an
il
répond
1
dit
nature (Albert exclut par ces mots
le
la négative
déluge universel qui, selon
III,
paraît s'inspirer,
Ce que nous avons
deux questions par
prouve que, selon
il
lui, fut
:
«
miraculeux), la
mer
n'a
Beati Alberti Magni, Ratisponensis episcopi, Metheororum liber primus, tract.
cap.
II
:
Et est digressio declarans an aqua aliquando totam terram operuit et
siccabilis est
per totum procedente tempus.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
3l6
jamais recouvert la
nature, la
la terre entière; cela
mer ne la
»
thèse qu'il se propose de réfuter, Albert
déclare qu'elle est d'Anaxagore; «
par Ovide
le
ajoute qu'elle est soutenue
il
par beaucoup d'autres philosophes illustres
et
dominicain
érudit
très
demeurera
sera jamais desséchée; elle
toujours égale à elle-même.
En exposant
prouve aussi que, selon
donc
connaissait
géologiques qui se trouvent exposées au
;
opinions
les
poème
»
des Métamor-
phoses.
En un
Grand nous fait connaître comment il comprenait le mécanisme de la pétrification qui nous a conservé les restes d'animaux fossiles « Il n'est autre de ses écrits, Albert
le
:
personne qui ne s'étonne,
dit-il
»
1 ,
c;
de trouver des pierres qui,
tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, portent l'image d'animaux.
Extérieurement, en
elles
effet,
les brise,
de ces
sont causées par ce
fait
salées.
De même,
dessin et lorsparties internes ces apparences
que des animaux peuvent, en
transformer en pierres dit-il,
entier,
particulièrement, en
pierres
la terre et l'eau sont la
matière
et,
que
même
animaux peuvent devenir pierres; si les corps de ces animaux se lieux où s'exhale une puissance minérali-
habituelle des pierres, de
matière de certaines
trouvent en certains sante
le
on trouve en elles la figure des animaux. Avicenne nous enseigne que
qu'on
se
en montrent
(vis lapidiftcativa) , ils
les
sont réduits en leurs éléments qui
sont saisis par les qualités particulières à ces lieux; les
ments que contenaient
les
corps de ces animaux se transmuent
en l'élément terrestre, qui en
élément
terrestre
élé-
était l'élément
dominant;
cet
demeure, toutefois, mêlé d'une certaine
quantité d'éléments aqueux; alors, la vertu minéralisante convertit
en pierre cet élément terrestre
rieures
;
les diverses parties inté-
ou extérieures de l'animal conservent
la figure qu'elles
avaient auparavant. Le plus souvent ces pierres salées ne sont
pas dures.
Il
faut,
transmuer ainsi
i.
tract.
Bcati Il,
animalium,
Magni,
Albcrti
cap.
VIII
les
une vertu corps des animaux
en
:
très
effet,
Ratisponensis
episcopi,
;
puissante pour
cette transformation
De
mineralibus
De quibusdam Lapidibus liabentibus intus
et
liber
primus,
extra effigies
VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLUG1E
LÉONARD DE brûle une partie de
la
matière terrestre au sein de l'élément
humide, ce qui engendre Albert
Grand
le
317
la
saveur salée.
»
a pris soin, en exposant cette théorie de la
pétrification, de rappeler le
nom
d'Avicenne;
et,
en
effet,
nous
y trouvons de très reconnaissables souvenirs de ce que nous avons lu, sur le même sujet, dans le traité Des minéraux, attri-
bué au célèbre philosophe arabe. Récapitulons
sources auxquelles l'Évêque de Ratisbonne
les
a puisé les connaissances géologiques éparses dans ses divers écrits
:
Par son propre aveu, nous savons qu'il avait lu livres
livre
les
quatre
des Météores d'Aristote, les Métamorphoses d'Ovide, le
De
caasis proprietatum elementorum, enfin le traité
minéraux attribué à Avicenne; en outre, qu'il connaissait le
Philon.
Il
il
est
très
Des
probable
Du monde attribué gratuitement à donc bon nombre des écrits grecs, latins
livre
connaissait
ou arabes, parvenus jusqu'à nous, qui
traitent de la formation
des montagnes et de l'origine des fossiles.
Mais cette grande érudition ne
lui a
simple compilation. Non seulement
il
pas servi à produire une a enrichi d'observations
personnelles très nombreuses, et souvent très sensées et très justes, les connaissances géologiques qu'il tures,
mais encore
il
tenait de ses lec-
a fondu toutes ces connaissances
pour en
composer une théorie logiquement coordonnée. Il a rejeté tout à fait au second plan l'action orogénique des eaux,
ou marines, pour invoquer presque exclusisoulèvements plutoniens. Il a nié les débordements
douces
vement
les
soudains et universels de l'Océan;
il
a réduit les
changements
de figure des continents et des mers à des modifications très lentes, limitées à des aires
peu étendues. Les eaux douces ont
surtout pour rôle la destruction des
montagnes;
elles
sont
intervenues, toutefois, pour durcir les terrains soulevés et les
transformer en roches
que des coquilles
;
c'est
au cours de
et d'autres
débris
cette transformation
animaux
se sont trouvés
pétrifiés.
Telle est,
résumée en quelques
d'Albert le Grand.
lignes, la théorie géologique
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
3l8
VII
Vincent de Beauvais Vers l'an
i25o,
Dominicain Vincent
le
Bourguignon,
le
évêque de Beauvais, publiait une vaste encyclopédie
1
qui pré-
Dogme, la Morale ne peut demander d'idées
tendait refléter fidèlement la Physique, le et l'Histoire. Et,
en
effet,
si
l'on
neuves ni de théories originales à
imposante compilation,
cette
du moins y trouve-t-on l'exposé presque complet de ce que l'on connaissait au milieu du xm siècle. Ce qui rehausse le prix de cette marqueterie, c'est que chacun des fragments qui la composent porte sa marque d'origine. Vincent de Beauvais fait précéder du nom de l'auteur ou du titre du livre qui l'a fournie chacune des citations qui, e
mises bout à bout, forment son ouvrage.
Tout ce que sujet
de
le
Spéculum
naturelle contient d'intéressant
au
Géologie se trouve ainsi emprunté au traité Des
la
minéraux qu'Albert
le
Grand
deux chapitres qui forment
le
attribuait à Avicenne.
Mais
les
fragment exhumé par M. de Mély
sont éparpillés en diverses parties de deux des livres du Miroir de
Nature, et
la
deux
ils
y sont donnés
comme
s'ils
provenaient de
écrits différents.
La première partie du
traité
Des minéraux se retrouve, dissé-
minée, en divers chapitres du septième livre de Vincent de Beauvais
2
la science
ce
;
livre
est,
d'ailleurs
,
entièrement consacré à
des pierres et des métaux;
notamment, au
c'est,
i. Vincenti Burgondi, ex ordine Praedicatorum, episcopi Bellovacensis, Spéculum quadruplex, naturale, doctrinale, morale, historiale. De quatuor corporum speciebus 2. Au lib. VII du Spéculum naturale, le Gap. II :
fragment publié par M. de Mély (loc. cit., p. 180) depuis le commenceLe Cap. LXX1I Corpora mineralia... jusqu'à ...nisi per ingénia naturalia.
reproduit
ment
:
le
—
:
:
De sale harmoniaco, reproduit la suite, depuis Alumen autem... jusqu'à ...coagulatum ex siccitatc (loc. cit., p. 186). — Le Gap. LXXIX De naturali generatione lapidum mineralium, donne ce qui vient après, depuis Terra pura lapis non fit... jusqu'à :
:
:
:
...quai liquefaciunt certissime (loc.
cit.,
p. 187).
—
Enfin, le Cap.
LXXX
:
iLerum de
corporum mineralium, poursuit depuis Fiunt ergo lapides... jusqu'aux mots per magnum temporis spatium, qui terminent (p. 188) le premier chapitre du fragment publié par M. de Mély. generatione lapidum :
et
:
—
.
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
3 9 1
quatre- vingtième chapitre de ce livre qu'est inséré le curieux
passage relatif à
des corps d'animaux.
la pétrification
Vincent de Beauvais n'attribue pas à Avicenne, mais bien à
dont
Aristote, le chapitre
il
insère les divers fragments en son
septième livre; chacun de ces fragments, en
de cette mention
vu que
le
Ex
:
quarto libro
manuscrit du
xm
buait, lui aussi, le traité le
e
y est précédé metheororam; nous avons
siècle étudié
De
effet,
par M. de Mély
attri-
mineris au Stagirite et en faisait
dernier chapitre du IV e livre des Météores.
Ce
traité
qu'Albert
le
Grand
dit être
d'Avicenne se termine
par un chapitre De causa montium dont nous avons dit l'importance. Ce chapitre a passé naturale, cet
mais
il
est inséré
entier, lui aussi,
d'un seul bloc
nomme
De natura rerum;
même
général, est celui-là
sous
le titre
:
De
au sixième livre de
donne comme des Météores, mais du
ouvrage; en outre, Vincent
point du quatrième livre
»
au Spéculum
le
le
traité
qu'Albert
traité
qu'il intitule le
Grand
non
extrait
qu'il
ainsi,
en
a paraphrasé
causis proprietalum e terne ntorum.
Vincent de Beauvais n'a rien ajouté au qu'Albert attribuait à Avicenne
encyclopédie que tout
dement contribué
le
;
traité
Des minéraux
mais en l'insérant en une
Moyen-Age n'a cessé de
lire, il a
gran-
que professait
à la diffusion des doctrines
l'auteur de ce traité.
VIII
Ristoro d'Arezzo. Les écrits d'Albert
le
Grand
et le
Spéculum naturale de Vincent
plus grande influence sur le développe-
de Beauvais ont eu
la
ment de
au Moyen-Age. Nous trouvons une marque
la science
bien reconnaissable de cette influence en
un
1282, en langue italienne, par Ristoro d'Arezzo 1.
Vincenti Burgondi Spéculum naturale,
lib. VI, cap.
XY
:
traité 2
écrit
en
.
De montibus
et causis
eorum 2. Ristoro d'Arezzo, La composizione del Mondo. Testo italiano del 1282, pubblicato da Enrico Narducci. Roma, Tipografia délie Scienze matematiche e fisiche, 1859. Délia composizione del Mondo. Milano, i8G4(nos citations se rapportent à cette seconde
édition).
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
320
En
effet, le
où Ristoro
chapitre
traite
de son livre De
*
de la génération
et
de
la
composition du Monde
la
destruction des
mon-
tagnes débute par une page qui pourrait presque être regardée
comme une
paraphrase de ce qu'a écrit Avicenne
Vincent de Beauvais; citons cette page « Étudions maintenant la génération
et
reproduit
:
corruption des
et la
montagnes; voyons comment elles se peuvent faire et défaire. Nous observons que l'eau dilue la terre, que cette terre descend des montagnes pêle-mêle avec l'eau, qu'elle remplit les vallées et
en élève
excaver il
reste
sol,
le
l'entailler et faire les vallées
en un lieu bas
il
la
nous voyons
;
un
porter en
au contraire, cela,
niveau; d'un autre côté, nous voyons l'eau
une montagne
lieu et la
terre
le
autre
la vallée faite,
l'eau enlever la terre d'un
nous
;
;
voyons prendre
la
la
remonter en un lieu élevé, ou bien,
et la
ramener du
paraît qu'elle a vertu
au lieu bas; par tout
lieu élevé
pour produire des montagnes
et
des vallées. Gela se reconnaît à la suite des crues des fleuves;
que leurs eaux avaient
lorsqu'ils viennent à s'abaisser, la terre
couverte
et le sable qu'ils
ont apporté se montrent tout sillon-
nés de monts et de vallées. Gela se voit encore sur les rivages
de la mer; en rejetant
le
sable hors de son sein, elle forme
donne des
une
montagnes et de vallées comme si elle s'étudiait à les produire. Nous voyons au cours des saisons l'eau afïbuiller la terre, la tirer du fond
dune, à laquelle
de son
lit,
la
elle
soulever
et la
figures de
porter en
un
lieu plus
rapport à l'excavation ainsi produite, ce lieu devient »
haut
;
par
un mont.
Les montagnes peuvent encore avoir été produites par
du déluge couvrait la terre, qu'elle séjournait par toute la terre, par l'effet du vent ou de quelque autre cause, elle a pu enlever la terre de certains l'eau
du déluge. Alors que
l'eau
endroits et la porter en d'autres endroits
séjourne à la surface de
la terre,
des montagnes et des vallées terre
montueuse
Avicenne i.
et
avait,
vallonnée.
;
il
il
est
est
;
car lorsque l'eau
de sa nature d'y produire de sa nature de laisser
»
d'une manière toute semblable, attribué
Ristoro d'Arezzo, Op.
cit.,
la
libro VI, capitolo VIII
délia gencrazione delli monti, e délia loro corruzione.
:
Délia cagionc et del
la
modo
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GEOLOGIE
formation de certaines inégalités du sol
momentanés de « la mer couvre
la terre
ferme par
la terre;
la
à des
mer;
«
parfois,
sidère qu'un seul envahissement de ce genre il
la
diluvio; visiblement,
l'identifie
il
avec
le
1
envahissements
Ristoro d'Arezzo précise
»
32
;
il
;
» disait-il, il
le
ne con-
nomme
déluge universel de
Genèse.
Que
les
eaux de
la
nomme
que Ristoro
mer il
aient envahi la terre, produisant ce
diluvio,
engendré des
qu'elles aient
montagnes sur le sol qu'elles recouvraient, notre auteur en trouve une preuve convaincante dans l'existence d'ossements
sommet des montagnes presque au sommet d'une très haute mon-
de coquilles fossiles au
et
«
En
fouillant
:
tagne, nous avons trouvé
poissons que nous
nommons
nous celles
En
dont
une grande quantité
nommons
coquilles
;
d'os de ces
escargots et aussi de ceux que
semblables à
celles-ci étaient toutes
se servent les peintres
pour y garder leurs couleurs.
une grande quantité de des cailloux arrondis, gros ou petits, entremêlés
ce lieu se trouvaient également
sable,
et
comme
de place en place,
eussent été déposés par
un
montagne a été faite déluge. Nous avons trouvé beaucoup de telles mon-
fleuve. C'est
par
un
s'ils
le
tagnes.
signe certain que cette
»
même
Après avoir rapporté une autre observation du Ristoro poursuit
:
«
genre,
Le déluge a pu également produire des
montagnes sans y laisser ni sable, ni os de poissons; cela dépend de la nature du terrain que les eaux ont rencontré »
Lorsqu'en une contrée, on rencontre de ces montagnes où
se trouvent
que
du sable
et
des os de poissons, c'est
cette contrée a été autrefois recouverte
des eaux analogues à la et
mer
;
un
par
ailleurs qu'en la
signe certain
la
mer ou par
mer, en
effet,
particulièrement en des fleuves de petit débit, on ne trou-
une quantité de sable aussi grande que celle dont sont formées ces montagnes qui contiennent des os de
verait pas
poissons.
»
Cette dernière
cenne
et à
écrivait P.
:
«
remarque semble empruntée non pas à Avi-
Vincent de Beauvais, mais à Albert
La première cause de
DLHEM.
la
le
Grand, qui
formation des montagnes 2
1
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
'6l'2
est l'alluvion, et,
en
surtout, l'alluvion marine; les autres eaux,
ne peuvent produire une alluvion bien considérable.
effet,
»
Cette phrase d'Albert était suivie d'observations sur la for-
mation des dunes que Ristoro a presque textuellement reproduites et que nous avons citées tout à l'heure. Il est visible que
physicien d'Arezzo s'inspire à
le
d'Avicenne
la fois
et
du
savant dominicain.
en particulier, Albert
C'est,
sages suivants
le
Grand qui
a suggéré les pas-
:
une cause également capable de produire et de détruire les montagnes lorsque la raison qui engendre le tremblement de terre, raison Le tremblement de terre
«
lui aussi,
est,
;
qui a son siège sous terre, est puissante, elle peut projeter la terre vers le haut et produire
une montagne
;
elle
peut encore
enfler la terre par dessous, de telle sorte qu'au-dessous
du mont
demeure seulement une cavité cette même raison produit l'un ou l'autre effet selon la nature du terrain. Il nous est arrivé de faire l'ascension de telles montagnes; en nous promenant à leur surface, en les frappant pour les étudier, nous les avons entendues retentir et résonner comme si ainsi soulevé,
il
;
elles étaient creuses et élastiques à l'intérieur. »
A
ces diverses causes qui ont
pu produire
les
montagnes,
Ristoro d'Arezzo en adjoint une que ni le Liber de elementis, ni
Avicenne, ni Albert
invoquée
;
il
s'agit
le
Grand, ni Vincent de Beauvais n'avaient
de l'attraction exercée sur certaines portions
de la terre par certaines étoiles du
rassembler de
la terre,
en amonceler
autres, tirer cette terre vers
les
l'aimant attire à lui le aussi
nombreuses
métier.
et
ciel.
fer,
aussi
les
Ces étoiles peuvent parties les
comme
elles,
unes sur
par sa vertu
construire enfin des montagnes
grandes
qu'il
convient à leur
»
Cette explication de la formation des fait
«
dans
le
montagnes
est tout à
goût de la Physique astrologique qui avait vogue
Nous trouverions des considérations analogues dans les écrits publiés par Campano de Novare peu d'années avant que Ristoro rédigeât sa Composition du monde; c'est par une
en
Italie.
telle
attraction des étoiles
que Campano explique l'élévation
323
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GEOLOGIE
continents au-dessus des mers. Cecco d'Ascoli, en son
des
Commentaire à
la
sphère de Jean de Sacro-Bosco, invoque des
influences célestes toutes semblables. la terre et
En
la célèbre
Question de
de l'eau que l'on attribue à Dante Alighieri, les étoiles,
par une attraction analogue à celle que
sur
fer exerce
le
l'aimant, assurent à l'émergence des continents et déterminent
tremblements de
les
peu plus tard encore, Pierre d'Abano divers auteurs lorsqu'il veut rendre terre ferme.
la
montagnes.
terre qui produisent les
suit les théories
compte de
Mais nous n'insisterons point,
Un
de ces
l'existence de
car
il
nous
beaucoup trop avant dans l'étude des doc-
faudrait pénétrer
trines astrologiques.
IX La géologie italienne au Paul de Venise.
e
xiv SIÈCLE ET AU XV e SIÈCLE.
— Léonard Qualéa.
Ristoro d'Arezzo a exposé, sans y rien ajouter d'essentiel, théories géologiques d'Albert le
les
Beauvais.
En son
Grand
écrit Délia composizione del
et
de Vincent de
Mondo, ces théories
aucun progrès. Elles ne progressent pas davantage par les traités que les savants italiens ont composés durant le xiv c siècle et le xv siècle. M. Mario Baratta, auquel nous devons un livre des plus
n'ont
fait
c
remarquables sur
les
doctrines géologiques du Vinci et de ses
prédécesseurs, a réuni
1
passages où Cecco d'Ascoli,
les divers
Giovanni Boccacci (Boccace), Léon Battista Alberti ont parlé des fossiles; ce qu'ils en ont dit ne donne que peu de lumières
nouvelles
sur les
problèmes
géologiques.
obscurs, Cecco d'Ascoli, en son
son opinion
;
il
voit en
En termes
fort
poème de YAcerba, exprime
des empreintes végétales la preuve
montagnes ont été jadis submergées la présence de coquilles au flanc des montagnes démontre à Boccace la réalité
que
i.
les
Mario Baratta,
pp. 228-228.
;
Leonardo da Vinci ed
i
Problemi délia Terra; Torino,
1903,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
3^4
mer dont la
des invasions de la
quaut
à Alberti,
il
se
nous a gardé
fable
borne à décrire un
le
souvenir
;
fossile qu'il possédait
où nous reconnaissons bien aisément quelque échinide. Tous ceux de ces auteurs qui se sont exprimés assez nettement pour que nous puissions connaître ou tout au moins et
soupçonner leur pensée, semblent bien s'accorder en un point Ils
paraissent regarder les fossiles
comme
des objets que la
:
mer
a transportés lors de ses débordements ou déluges, et qu'elle a délaissés sur la terre ferme lorsqu'elle est rentrée ils
ne pensent pas que
dans son
lit;
animaux dont nous retrouvons
les
les
débris aient vécu là où ces débris sont demeurés; seuls, les
anciens philosophes que combattait ïhéophraste paraissent avoir vu dans les coquilles fossiles autre chose que les témoins
d'une submersion momentanée
marques
;
ce sera précisément l'une des
Léonard de Vinci,
distinctives des théories de
et aussi
l'un de leurs titres les plus importants à la reconnaissance des
savants,
que
retour à cette très ancienne opinion; nous
le
verrons Léonard s'efforcer de prouver, par de multiples arguments, que
les fossiles
ne sont pas des épaves transportées à de
grandes distances par une mer accidentellement débordée,
mais bien
d'animaux qui, pendant de
les restes
durées, ont vécu sous les
flots,
très
longues
aux lieux mêmes où leurs
débris ont été ensevelis et pétrifiés. D'ailleurs,
l'enseignement
que
les
Universités
italiennes
e
donnaient au xv siècle ne semble pas avoir contribué à cette découverte du grand peintre. Pour
temps
comme pour
Albert
le
Grand,
formation des montagnes n'est pas de
la
terre
mer;
cette cause est
ferme qui
est le plus
les
le
la
maîtres italiens de ce
cause essentielle de
soulèvement lent du fond
exclusivement éruptive,
souvent
le
la
et c'est la
théâtre de son action.
Déjà Gecco d'Ascoli, qui enseignait à Padoue au début du xiv c «
siècle, déclarait
les collines et les
en son poème
italien
de VAcerba
montagnes sont formées par
'
le souffle
que des
vents que contient au-dessous d'elle la terre dure et épaisse.
Cent ans après Gecco d'Ascoli,
i.
Mario Baratta,
Oj>. cit., p.
216.
le
maître qui a
le
»
plus de
325
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
vogue en
même
cette
Université de Padoue est Paul Nicoletti
surnommé Paul de Venise. Parmi les nombreux écrits de Paul de Venise
d'Udine,
De compositione Mundi qu'un sec résumé du livre traité
se trouve
un
qui n'est, la plupart du temps,
1
Mondo de
Délia composizione del
Ristoro d'Arezzo. « Il
noter,
est à
Paul de Venise, que
dit
montagnes
les
peuvent être engendrées par quatre causes. En premier
par un tremblement de terre qui pousse
elles
peuvent
terre
en grande quantité
En second
l'être
lieu,
lieu,
soit
d'un seul côté,
soit
la
de deux côtés.
peuvent être produites par l'eau qui
elles
un autre. formées de main d'homme,
transporte de la terre et des pierres d'un endroit à
En
troisième lieu, elles peuvent être
comme on
le voit
pour
le
mont Omnis
beaucoup d'autres montagnes
faites
terrae à
Rome
et
pour
en vue de conduire
les
En quatrième lieu, elles peuvent être engendrées par le ciel. De même, en effet, que le forgeron a besoin d'une enclume, de même le ciel a besoin de la montagne pour agir en la terre habitable. Mais un forgeron qui n'aurait pas d'eneaux.
clume en
accumulant tagnes
s'il
même
une; de
ferait
la terre et
le
ciel,
par sa propre vertu,
transportant les pierres, ferait des
mon-
n'en trouvait pas qui fussent faites par les tremble-
ments de
terre,
ferait afin
de pouvoir opérer en
Tout cela
ou par
est
l'eau,
ou par
les
hommes;
la terre habitable.
et
il
les
»
textuellement extrait du livre de Ristoro.
Malheureusement, Paul de Venise néglige d'emprunter au physicien d'Arezzo ses intéressantes observations sur
les fos-
siles. Il
aime mieux s'inspirer de toute l'Astrologie qu'enseigne
le traité
De lia composizione
del
Mondo.
Ce que Paul de Venise enseignait, en xv
e
au sujet de
siècle,
l'écrivaient
C'est à
en
cette
d'Astronomie i.
la
la
la
première moitié du
formation des montagnes, d'autres
seconde moitié du
même
siècle.
époque que nous devons rapporter un
médicale,
composé par
le
vénitien
Expositio Magistri Pauli Veneti Super libros de generatione
— Ejusdem
et
traité
Léonard
corruptione Aris-
De compositione mundi cum figuris. Colophon Impressum Venetiis mandato et expensis nobilis viri Domini Octaviani Scoti civis Modoetiensis duodecimo Kalendas Junias 1/198, per Bonetum Locatellum Bergomensem. lotelis
:
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
326
Qualéa, et dont nous possédons une copie manuscrite
par Arnauld de Bruxelles
composé par La
« ...
au troisième chapitre du
2
médecin vénitien
naturel,
moins lourde,
gagné l'eût
le
traité
:
par son
terre, qui est l'élément le plus lourd, aurait,
mouvement l'eau,
le
octobre i475.
le 22
Voici ce que nous lisons
achevée
1
centre du Monde, en sorte que
recouverte tout entière d'une couche
sphérique. »
Pourquoi
la terre n'est
Mais l'homme
pas entièrement couverte par ïeau.
et les autres
animaux, qui devaient
être
com-
posés des quatre éléments, n'auraient pu vivre en l'un quel-
conque des quatre éléments, pureté.
même,
Aussi, par
un
attirée et aidée
formes à sa nature,
effet
pris à l'état de simplicité et de
de
la
bonté divine,
la terre elle-
par certaines influences [célestes] con-
s'est
gonflée en certaines parties de sa
surface, elle s'est soulevée vers le haut; elle s'est trouvée, en
une certaine région, presque entièrement émergée; s'est
elle
presque à
Du
»
trouvée encore plus la
élevée,
ailleurs,
au point d'atteindre
région du feu...
tremblement de terre. Les extumescences de
la
terre
ont cessé, dès lors, d'être couvertes par l'eau qui tendait à son centre. Sous ces la
tumeurs
nature ne peut souffrir
des
mêmes
lités
se trouvaient des cavités; et le vide, ces cavités
éléments unis entre eux, mêlés
comme
ont été remplies
et viciés.
Les qua-
diverses et les répugnances mutuelles des éléments ainsi
mêlés engendrent en ces cavités des exhalaisons qui, ne trouvant pas d'issue, deviennent de plus en plus denses sières;
parmi ces exhalaisons,
il
en
qui ont la nature des choses ignées
est et
de chaudes tendent au
de l'élément léger; toutefois, la dureté terre
et la
et
et gros-
de sèches,
mouvement
pesanteur de
la
ne livrent passage à leur sortie qu'au prix d'une grande
Compendium clari viri Leonardi Qualea quod Aslronomiam medicinalem nuncupari Egiptiorum : Grecorum et ex multis Syrorum: Indorum: Arabum: Persorum Latinorum volurninibus coinpilatum: in facilita tenu medicorum et commoditatem injirmorum i.
voluit.
:
(Bibliothèque nationale, tonds latin, ms. n° 10*26/», fol. 57, recto, à fol. 96, recto). Voir, au sujet de ce texte Pierre Duhem, Ce qu'on disait des Indes Orientales avant e Christophe Colomb (Revue générale des Sciences, 19 année, p. /10a, 3o mai 1908). i. Léonard Qualéa, Op. cit. t capitnlum tertium; ms. cit., foll. 5g, verso, et 60,
—
recto.
:
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE violence.
secondées
Alors,
attirées
et
par
827
les influences
de
certaines étoiles qui participent de leur complexion et de leur
nature, elles frappent la terre avec impétuosité, elles la heur-
puissamment,
tent
muniquant à
et finissent
la terre
Par suite de ce choc terre est,
par se
un
faire
un mouvement ou tremblement très intense et très violent,
Des
il
très fort.
arrive
et,
en mer, des
qui se sont montrées, récemment. C'est ce
îles
Santorin, dans la
tremblement de
une
mer
Egée. Tout à coup, en
eaux chaudes, au temps du
de
un semblable
nous
les
émergé du sein des Antiochus. Nous avons vu ces
roi
avait
île
avons foulées de nos pas.
L'éruption que Léonard Qualéa cite celle qui,
l'île
au milieu d'une violente éruption de a émergé. Tout auprès de là, au témoignage de
île
îles et
îles.
terre,
Justin et d'autres historiens, une
deux
la
qui est
arrivé de notre temps, en ces dernières années, près de
feu,
que
de nouveau, soulevée à une grande hauteur, ce qui,
sur la terre ferme, engendre des montagnes »
passage, en com-
en 1^57, a agrandi
l'île
comme
»
toute récente est
de Paléo-Kaimeni. Nous en
pouvons conclure que son Astronomie médicale
fut
composée
au voisinage de l'an i46o.
Ce que nous trouvons dans
les théories
géologiques de tous
Moyen Age, de Paul de Venise ou de Léonard Qualéa comme de Risloro d'Arezzo, c'est un souvenir de l'enseignement d'Albert le Grand et de Vincent de Beauvais, les
savants italiens du
auquel vient se mêler l'hypothèse des influences astrales. Rien,
dans
cette science italienne,
du Vinci sur
les
ne préparaît
mouvements
lents
du
les géniales
pensées
sol et sur la véritable
origine des fossiles; ces pensées lui ont été exclusivement
suggérées par
la lecture
des traités d'Albert de Saxe.
X Albert de Saxe. Ge que nous avons rapporté de l'enseignement d'Albert le Grand et de Vincent de Beauvais, si unanimement accepté
ÉTUDES SUU LÉONARD DE VINCI
3 28
pendant plus de deux
mieux comprendre
siècles
la
par
savants italiens, nous
les
fait
puissance et l'originalité des doctrines
e géologiques soutenues au xiv
siècle,
en l'Université de Paris,
par Albert de Saxe.
Nous avons présenté,
ailleurs
1 ,
ces
reprendrons pas l'exposé; nous nous bornerons ce qui les distingue des opinions
nous n'en
théories; à
souligner
que l'on professait aupa-
ravant.
Beaucoup des prédécesseurs d'Albert de Saxe ont admis, avec Avicenne, que l'action de l'eau pouvait engendrer des montagnes en accumulant les terres les unes sur les autres. Albert de Saxe assigne nettement à l'eau son rôle géologique véritable
l'eau détruit
;
à niveler la surface celle
de l'eau,
et la
mer
du
peu à peu toutes sol. Si
éminences
et
tend
aucune action ne contrebalançait
la terre finirait
la recouvrirait
les
par être entièrement sphérique
de toutes parts. Les vues d'Albertutius
touchant l'érosion sont tout à
fait
analogues à celles des phy-
siologues contre lesquels argumentait Théophraste.
Pas plus que Théophraste, pas plus que
pseudo-Philon,
le
le
maître de l'Université de Paris ne croit à ce nivellement final
de
ferme, à cette extension de l'eau à
la terre
la
surface entière
C'est qu'à l'action toujours destructive et niveleuse
du globe.
de l'érosion,
il
oppose,
comme
le
pseudo-Philon, une action
antagoniste. Seulement, cette action n'est plus une puissance
éruptive qui ferait croître les montagnes tandis que l'eau des pluies et des rivières les détruit
peu à peu. Le phénomène,
antagoniste de l'érosion, qu'Albert invoque, c'est
ment
soit des
lent
continents eux-mêmes, soit
un soulèvedu fond de
l'Océan; tandis que les continents, s'abaissant peu à peu par l'érosion, finiraient par se trouver au-dessous
mers, une tendance contraire terres,
les relève;
en
même
aujourd'hui submergées, sortiront des
très lente alternance, les continents
du niveau des temps, des
flots;
par une
deviennent océans
et les
océans deviennent continents.
Ce soulèvement lent i.
et
incessant
des
continents,
notre
Études sur Léonard de Vinci, ceux qu'il a lus et ceux qui l'ont lu. Première série, Albert do Saxe et Léonard de Vinci, ill (Bulletin Italien, I. Y. 1905
Paris, [906.
I
:
,
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
329
auteur ne l'attribue nullement à une cause plutonienne;
trouve l'explication en sa théorie de
la
en
il
pesanteur. Toujours
le
centre de gravité de l'élément terrestre doit coïncider avec le
centre
immuable de
de densité de
l'Univers
la surface terrestre
du centre de
situation
terre; cette
changement de figure ou détermine un changement de
tout
;
gravité par rapport à la masse de
la
masse, alors, se déplace afin de remettre son centre
de gravité au centre du Monde. La diminution de densité des contrées échauffées par le soleil, les transports de terre vers le
fond des mers par
même
cours d'eau sont deux actions de
les
sens qui, sans cesse, tendent à placer le centre de gravité de
masse
la
terrestre
impriment
actions
mouvements pour que
monde,
le
le
plus près
du fond de l'Océan
;
ces
deux
ainsi à l'élément terrestre tout entier des
très lents,
mais ininterrompus à chaque instant, ;
centre de gravité de la terre rejoigne
fond des mers descend tandis que
le
centre
la surface
du des
un soulèvement. Ce soulèvement com-
continents éprouve
même
pense l'abaissement que l'érosion avait imposée à cette surface.
mer la terre enlevée mouvement d'ensemble
L'érosion qui transporte au fond de la à
surface
la
des
continents,
le
par lequel la terre ferme remonte sans cesse, forment une sorte de cycle qui se répète indéfiniment. Par ce
lent
de
l'élément
actuellement à
le sol
terrestre,
jusqu'à
la
terre;
dépasseront ce centre
elles la
alluvions
composent
qui
de l'Océan vont se trouver repoussées peu
peu jusqu'au centre de
gresser,
les
déplacement
puis,
continuant à pro-
et finiront
par arriver
surface de la terre ferme. Les couches superficielles
de notre continent ont donc été autrefois submergées en l'autre
hémisphère;
en sont venues peu à peu, franchissant
elles
successivement tous restre,
en sorte que
les
les
degrés que comporte l'épaisseur
plus voisines de la surface
du
ter-
sol sont les
plus anciennes. Cette théorie,
comme
toute la doctrine de la pesanteur déve-
loppée par Albert de Saxe, est aujourd'hui pensée morte les
deux grands
faits
;
mais
qu'elle tentait de relier l'un à l'autre
restent à la base de notre Géologie.
Il
demeure bien
certain
33o
ÉTUDES SUR LEONARD DE
que
l'érosion, qui a
VINCI
donné aux montagnes
et
aux vallées leur
actuelle configuration, tend à aplanir tous les reliefs
entraînant la terre au fond des mers.
que de
très lentes oscillations
de
la
Il
du
demeure bien
sol
en
certain
surface terrestre ont pro-
duit les continents en faisant émerger le fond des océans, tandis qu'elles déprimaient peu à peu des terres fermes et les faisaient disparaître sous
les flots.
De
ces vérités,
on trouve
des énoncés partiels chez les auteurs qui ont précédé Albert de
Saxe; mais nul d'entre eux ne les a aussi nettement formulées
que ce dernier; nul n'a aussi exactement assigné à chacune d'elles le rôle qu'elle doit
jouer dans l'explication des phéno-
mènes géologiques.
On
peut s'étonner qu'Albert de Saxe n'invoque pas l'existence
des fossiles tion
que
comme une
les
preuve convaincante de cette affirma-
continents actuels ont
autrefois partie du fond
fait
des mers. Cette existence ne pouvait être ignorée d'un habitant de Paris
;
sans doute,
il
avait eu maintes fois occasion
d'observer les coquilles que l'on trouve, reconnaissables, dans
la
sûrement lu
d'ailleurs,
Grand
et
et ces
écrits eussent suffi à signaler à
avait
abondantes
et si
plupart des terrains du bassin pari-
sien;
il
si
de Vincent de Beauvais, dont
la
d'Albert le
écrits
les
vogue
était
son attention
extrême, les restes
d'animaux qui demeurent au sein des
pierres.
semblable que
demeurés inconnus
les fossiles lui fussent
qu'il n'eût point
vu
le parti qu'il
Il
serait invraiet
en pouvait tirer en faveur de
ses doctrines. Il
est plus
probable que l'existence des
auteurs les plus lus, était connue
les
de Saxe, mais de tous ceux, maîtres
fossiles, signalée
non seulement d'Albert
et étudiants,
qui fréquen-
taient l'Université de Paris; Albert qui, visiblement,
chait fort la concision, aura jugé oiseux de
que nul n'ignorait autour de
mentionner un
i.
Thémon
Éludes sur Léonard de Vinci, ceux II.
fait
à parler des Questions sur les le fils
du
Juif.
Nous avons vu
que Nifo attribuait formellement ces questions
note
recher-
lui.
Nous avons eu, bien souvent, Météores compilées par
par
qu'il
a lus
el
ceux qui
l'ont
lu
à
;
1
Albert de première
série,
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GEOLOGIE Saxe,
et
nous avons
nous fournissent
les
un court résumé de
1
d'Àlbertutius. Voici ce « Si,
meut
un
délaisse
elle
qu'elle
la
une partie de
à
du Juif
géologique
la théorie
:
mer la
recouvre une autre
effet,
le fils
se trouve soulevée, elle se
lieu plus bas; c'est ainsi qu'à certaines époques,
manière qui a en
résumé
en quelque endroit,
vers
Thémon
questions de
1
opinion de Nifo nous
dit à quel point celte
Or
paraissait fondée.
33
terre
de
une certaine époque,
s'écoule jusqu'à
ce
produit de
la
Gela se
partie.
à cause
été dite,
et
la
rareté
étant plus
terre,
la
de la terre; rare
d'un côté, y est plus légère; puis, à une autre époque, les parties qui étaient légères peuvent devenir beaucoup plus graves qu'elles n'étaient auparavant;
une région de
la terre,
plus grave. C'est de ce
répand sur
se
mouvement que
que certaines parties de
dit
cesseront
un jour de
C'est aussi de ce
mer
la
la terre,
celle
parle Àristote lorsqu'il
habitables aujourd'hui,
parce qu'elles seront submergées.
l'être
mouvement que
parle Ovide lorsqu'il conte
qu'en une certaine montagne, une ancre terre, signe lieu.
abandonnant qui est devenue
alors,
manifeste que
la
mer
fut
trouvée sous
avait autrefois
occupé ce
»
Le passage d'Ovide auquel nous avons
cité
au
§ II;
Thémon
afin de
fait
allusion est celui que
prouver que
la
mer
a séjourné
au sommet de certaines montagnes, Ovide ne mentionne pas
seulement cette légendaire découverte d'une ancre, mais présence incontestable de coquilles marines
la
:
Et procul a pelago conchae jacuere marina?, Et vêtus inventa est in montibus anchora summis.
De
ce passage,
Thémon,
qui concerne l'ancre et fossiles. N'est-ce
c'est-à-dire Albert
non point
de Saxe, retient ce
ce qui fait allusion
aux
point que les élèves des deux maîtres parisiens
avaient maintes fois trouvé des coquilles dans les pierres qu'ils avaient sous les yeux, tandis qu'assurément
ils
n'y avaient
découvert aucune ancre? i.
Quœstiones super quatuor libros Metheororum compilatae per doctissimum Philoso-
phiœ professorem
Thimonem
;
in lib.
II
quaest.
I.
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
332
XI Léonard de Vinci.
Thémon
de Saxe ni
Si Albert
n'ont
fait
aux
moin-
fossiles la
dre allusion, Léonard de Vinci n'a cessé de porter son attention sur ces débris; en ses notes manuscrites, maintes fois parle;
en recherche l'origine,
il
ont été
ils
Une
pétrifiés,
il
foule d'écrits,
en discute
Parmi
des
les
analyse
le
en
procédé par lequel
la signification
est vrai, lui
il
coquilles, de ces restes italienne.
il
il
géologique.
suggéraient l'étude de ces
d'animaux dont abondait mainte roche
ouvrages que nous avons étudiés au cours
chapitres précédents,
n'en est guère dont
il
n'ait
il
pu
prendre aisément connaissance.
En
i5oo, le traité Des météores d'Aristote, traduit en
l'an
imprimé.
latin, avait été plusieurs fois
Presque toutes
les
anciennes éditions latines des œuvres
nombre des ouvrages de cet auteur ou De proprietatibus elementorum; c'est
d'Aristote mettaient au le livre
ainsi
De
elementls
que nous avons étudié
le livre
dans une édition donnée
en 1^96, à Venise, par Gregorius de Gregoriis. Le traité Des minéraux d'Avicenne était pris par Alessandro Achillini pour
une œuvre du
Stagirite;
il
d'autres
écrits
imprimé
à Bologne, par Benedictus Hector,
d'Aristote
et
même
Les divers fragments de ce
dans
le
l'an 1470, par
est
dans un
recueil
en l'an i5oi.
traité se
retrouvent tous
Hermann de traité
or,
le
splendidement imprimé à Strasbourg, en
Jean Mentelin;
il
l'est
i483, par Antoine Goburger,
Le
compris, avec
Spéculum naturale de Vincent de Beauvais;
Spéculum naturale en
d'Achillini,
était
également à Nuremberg,
et à
Venise, en
i4q3, par
Lichtenstein.
De minerallbus
d'Albert
le
Grand
est
imprime
en 1476, à Padoue, par Pierre Maufer; en 1/191, à Pavie, par C. de Canibus; en i4*)5, à Venise, par Joannes et Gregorius de Gregoriis.
LÉONARD DE \LNCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
Joanncs
333
Gregorius de Gregoriis donnent également à
et
Venise, en i/io5,
une édition du
Des météores d'Albert
traité
le
Grand.
La paraphrase du savant dominicain sur tatum elementorum semble avoir été
en i5i7,
fois
De causls proprieimprimée pour la première le
à Venise, par les héritiers d'Octavianus Scotus,
avec les paraphrases sur les autres Parva naturalia; mais avant cette publication, les textes
manuscrits de cet ouvrage n'étaient
sans doute rien moins que rares.
De compositione mundi de Paul de Venise, résumé de l'œuvre italienne de Ristoro d'Arezzo, fut imprimé Enfin, le traité
en
1/198 à
en
était l'éditeur.
Venise par Bonetus Locatellus; Octavianus Scotus
La plupart de ces accessibles au Vinci;
d'un texte
textes, écrits il
en
était
en
latin, étaient
sans doute de
même
aisément de plus
imprimé ou manuscrit; ainsi M. Girolamo certains emprunts faits par Léonard au poème
italien,
Calvi a relevé
r
de ÏAcerba de Gecco d'Ascoli.
donc extrêmement vraisemblable que Léonard ait connu quelques-uns au moins des écrits divers que nous avons Il
est
analysés et que la lecture de ces écrits
ait
contribué à signaler
l'étude des fossiles à sa sagace curiosité.
considérations développées par
les
mécanisme de
la pétrification
qu'Avicenne avait qu'Albert
le
dit
Grand en
le
Il
semble bien que
grand peintre sur
le
rappellent par quelques traits ce
de cette question
et,
mieux encore,
ce
avait écrit.
Léonard a lu quelques-uns des livres que nous venons d'énumérer, s'il leur a peut-être emprunté quelques indications sommaires sur la fossilisation des débris animaux, Mais
si
une chose demeure bien certaine et bien avérée Les doctrines que ces livres renfermaient, en dépit de la vogue dont elles e jouissaient auprès des savants italiens du xv siècle, sont :
demeurées étrangères
à la
Géologie de Léonard.
Une
seule
influence a impérieusement dirigé toutes les recherches géolo-
giques du grand peintre; cette influence dominante, souve1.
Toni,
77
manoscritto
H di Leonardo
d'Ascoli (Archivio storico italiano, 1899).
da Vinci, e UFiore di Virth e VAcerba di Cecco
ÉTUDES SUR LÉONARD DE V1NCÎ
334
Saxe; tout ce que
raine est celle d'Albert de
touchant l'émersion ou observations et tous
les
la
les
le
Vinci a écrit
submersion des continents, toutes raisonnements
sujet des fossiles, tout cela tend
qu'il a
constamment
accumulés au
un but unique:
à
exposer, commenter, prouver la théorie d'Albert de Saxe sur
mouvements
les
lents de la terre.
Cette théorie, nous la trouvons maintes fois formulée, et de la
manière sur
jetait
étude
la
le
,
dans
recueillir
Nous avons
papier.
énoncés de
les
1
plus nette, en ces précieuses notes que Léonard
dans une précédente
doctrine que nous avons
cette
manuscrits
divers
les
extrait,
publiés
pu
par M. Gh.
Ravaisson-Mollien. D'autres manuscrits en renferment qui sont
encore plus complets
et
plus clairs,
si
possible.
Voici d'abord une phrase 2 destinée au préambule du Traité
de l'eau auquel Léonard travaillait sans cesse «
De
ces livres, les premiers traitent de la nature de l'eau,
considérée en elle-même,
et
de ses mouvements;
traitent des choses qu'elle fait
du Monde.
centre et la figure
A
seconde
la
passage 3 «
:
de
partie
s'est
faite
s'est
»
ce
programme
plus
faite
plus légère
légère
;
et
se
cette
sur laquelle
a
grand écoulement d'eau. Cette partie donc
comme
le
rapporte ce
:
Monde, qui
légère
autres
dans son cours, qui change
Cette partie de la terre s'est plus éloigné
terre
les
d'où s'écoulent les Alpes,
l'Italie, et
Danube au
nord-est, le
bles rivières qui les
partie
passé s'est
et la
de
la
un plus
faite
un plus grand nombre de
qui séparent l'Allemagne
d'où sortent
du centre du
plus
fleuves,
France de
Rhône au midi, le Rhin au nord, le Pô au levant, ainsi que les innombra-
le
accompagnent; ces fleuves courent sans
cesse à la mer, troublés par la terre qu'ils emportent avec
eux.
»
—
i. Albert de Saxe et Léonard de Vinci, III {Bulletin Italien, t. V, janvier-mars 1.905. Études sur Léonard de Vinci, ceux qu'il a lus et ceux qui l'ont lu, première série, I, pp. 2 9 -3i). a. Léonard de Vinci, Ms. de la Bibliothèque du Comte de Leicester, Holkham Hall, Norlbllk, fol. 5, recto. J. P. llichter, The literary Works of Leonardo da \inei. London, i883; l. II, art. 919.
—
3.
Léonard do Vinci, Ms.
cit., fol.
10, recto.
—
llichter. Op.
cit., t. 11, art.
io03.
335
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GEOLOGIE Ailleurs
nous retrouvons, en des termes peu
1
,
même
celte
Saxe
différents,
pensée, qui est essentiellement celle d'Albert de
:
Cette partie de la surface d'un grave quelconque se fera
«
plus éloignée du centre de sa gravité,
qui se fera de plus
grande légèreté.
En
»
l'élément terrestre, donc,
le lieu
d'où
empor-
les fleuves
montagnes pour la porter à la mer, est un gravité diminue ce lieu se fera donc plus léger et,
tent la surface des
dont
lieu
la
;
par conséquent, plus éloigné du centre de gravité de c'est-à-dire le
du centre de
l'Univers, qui coïncide toujours avec
centre de gravité de la terre.
Au
la terre,
»
cahier où se trouve la réflexion précédente, nous lisons
encore
celle-ci
2 :
Le centre du Monde change sans cesse de situation au sein
«
du corps de
la terre, et cela
Cela se démontre par
»
ment enlevé des bords
et
en fuyant notre hémisphère.
le terrain susdit,
qui est continuelle-
des flancs des montagnes pour être
porté à la mer; plus est grande la quantité de ce terrain qui est enlevée, plus
il
s'allège et,
par conséquent, plus s'aggrave
terrain dont la pesanteur était
times
;
il
est
de situation.
donc nécessaire que
un
où
il
ondes maris'agit
change
l'énoncé de la
même
centre dont
autre recueil 3
il
,
:
Le centre du Monde
a
le
les
»
Voici encore, en
doctrine
diminuée par
le
se trouve (par
est,
de
soi,
immobile; mais
rapport au corps de
la situation
sans cesse
la terre) est
en mouvement de diverses façons. Le centre du Monde change continuellement de situation; de ces changements, l'un est de plus lent se
mouvement que
produit toutes
les
l'autre; car l'un
six heures et l'autre
de ces changements s'accomplit en
grand nombre de milliers d'années. Celui qui dure naît
du
flux et
du
reflux de la
mer;
six
l'autre dérive de la
un
heures
consom-
Léonard de Vinci, Ms. L. de la Bibliothèque de l'Institut, fol. 17, recto. Léonard de Vinci, Ms. L. de la Bibliothèque de l'Institut, fol. i3, verso. Del moto e misura dell' 3. Léonard de Vinci, Il Codice Atlantico, fol. 102, recto b. Mario Baratta, Leonardo da Vinci e problemi delta Cf. acqua, lib. I, cap. XXX. i.
2.
—
terra,
ïorino, 1903,
p. 255.
—
:
i
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
336
mation des montagnes par
les
mouvements de
l'eau,
mouve-
ments qui naissent eux-mêmes des pluies et du cours continuel change par rapport au centre du des fleuves. La situation J
Monde,
et
non pas
centre par rapport à la situation, car ce
le
centre est immobile, tandis que la situation se
mouvement
d'un
curviligne.
rectiligne
;
et
meut sans
cesse
jamais ce mouvement ne sera
»
Si l'on réunit ces diverses citations à celles
que nous avons
données en notre première étude sur Albert de Saxe
et
Léonard
de Vinci, on ne pourra, croyons-nous, se refuser à cette
mation
La théorie des déplacements
:
lents de la
masse
proposée par Albert de Saxe n'a cessé, aux époques
affir-
terrestre les
plus
diverses, de préoccuper Léonard.
A
cette affirmation,
il
en faut maintenant joindre une autre:
Si le Vinci a prêté la plus siles, c'est qu'il
grande attention à l'étude des
fos-
voyait en la présence de ces coquilles au sein
des roches une preuve convaincante en faveur de la doctrine
géologique d'Albertutius.
Que sage «
2
telle soit
bien
la
pensée du grand peintre, voici un pas-
qui ne nous permettra pas d'en douter
De
la
mer qui change
le
poids de
la terre.
:
— Les coquillages,
animaux qui naissent dans les fanges marines témoignent du changement de la terre autour du centre de nos éléments; on le prouve ainsi huîtres
et
autres semblables
:
»
Les fleuves royaux courent toujours troubles à cause de la
terre qui s'élève
sur
le
fond
découvre
et
en eux par suite du frottement de leurs eaux
contre leurs rives; cette lente consommation
front des degrés faits aux couches
le
du
sol
où sont
ces coquillages, qui se trouvent dans la surface de la fange
marine où
ils
naquirent, quand les eaux salées les couvraient.
Ces degrés étaient recouverts de temps en temps parles fanges
de diverses grosseurs conduites à diverses
les
grandeurs
murés
coquillages restaient
i.
Il sito,
le
et
eaux
mer par
les fleuves, selon
diluviennes
;
ainsi
ces
morts sous ces fanges accu-
point variable de la substance terrestre qui, à ebaque instant, coïn-
cide avec le centre 2.
des
la
du Monde.
Léonard de Vinci, Ms.
E. de la Bibliothèque de l'Institut, fol.
!\,
verso.
LEONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
mulées de
telle
épaisseur que la surface en émergeait à F air.
Maintenant ces fonds sont à une
devenus
collines,
les flancs
ou hauts monts,
si le
telle
hauteur qu'ils sont qui consument
et les fleuves
de ces monts découvrent
en sorte que
33y
degrés des coquillages,
les
côté allégé de la terre s'élève continuellement,
antipodes s'approchent plus du centre du Monde, et les
les
mer sont
antiques ondes de la
Ce passage fondamental a dit des
mouvements
sommets des monts.
faites
que Léonard
établit le lien entre ce
incessants
du
»
sol et ce qu'il a écrit
au
La présence des fossiles loin de la mer et jusqu'au sommet des plus hautes montagnes lui paraît être un sujet des
fossiles.
argument probant en faveur de la théorie d'Albert de Saxe mais la valeur de cet argument est subordonnée à l'acceptation ;
de cette proposition
:
Les coquilles que renferment
sont des restes d'animaux marins qui ont vécu là les
les
roches
même
où on
découvre aujourd'hui. C'est donc à l'établissement de cette
proposition que vont tous les efforts du Vinci. Cette proposition,
il
entreprend de
en développant une théorie de et
démontrer directement
la
qui en dérive,
la pétrification
qui rende exactement compte de l'aspect des fossiles. Nous
avons
cité,
en notre étude sur Albert de Saxe
et
Léonard de
Vinci,
du cahier F de la Bibliothèque de l'Institut, où Léonard analyse en détail le mécanisme de la pétrification cette note fait logiquement suite, en quelque sorte, à celle que une note
extraite
;
nous venons de rapporter. Cette preuve directe ne suffirait pas à mettre hors de doute la
proposition qu'il s'agit d'établir,
l'on n'y joignait la réfu-
si
tation des doctrines qui la contredisent.
Or, ces doctrines sont de
Une
deux
sortes
:
théorie, fort en faveur auprès des astrologues italiens,
prétend que
les coquilles incluses
ne sont point
«jeux de
la
les
restes
en
la
substance des rochers
d'animaux ayant eu
nature», engendrés au sein de
vie,
la terre
mais des par une
vertu astrale.
Une
autre théorie
admet que
d'êtres autrefois vivants, là
où P.
se
mais
trouvent leurs tests;
DLHEM,
les
elle nie elle
fossiles
que ces
sont les débris êtres aient
vécu
veut voir en ces coquilles
études
338
s un
Léonard de vin ci
des épaves apportées, puis délaissées, par la
mer en
ses débor-
dements diluviens. Contre ces deux théories, Léonard de Vinci argumente avec vivacité.
Nous Favons vu, en notre étude sur Albert de Saxe
et
Léonard
de Vinci, relever l'absurdité de l'hypothèse astrologique qui attribue la formation des fossiles à l'influence céleste.
Plus pressante et plus instante est son argumentation contre l'hypothèse diluvienne, car celle-ci ne partage point la criante absurdité de l'hypothèse astrologique. Citons
où
combat
la
il
des passages
1
:
«Comment dans
couches rocheuses 2
les
trouvent encore
l'autre, se
un
les traces
,
entre l'une
et
de la marche des lombrics
qui cheminaient entre elles alors qu'elles n'étaient pas desséchées.
Comment
»
coquilles
et
toutes les fanges marines retiennent encore des
que
coquilles
les
et la
fange se sont pétrifiées
ensemble.
De
»
de
la sottise et
la simplicité
mers
ces lieux distants des
de ceux qui veulent qu'en
les coquilles aient été portées
par
déluge.
le
Gomment une autre
»
ou
les
le ciel
célestes
ont créés en de
comme
;
secte d'ignorants affirme tels lieux
que
la
nature
par des influences
l'on n'y trouvait pas les os (les coquilles)
si
des poissons qui se sont accrus par la longueur du temps,
comme
si
dans l'écorce des coquilles
pouvait pas compter les années ou
qu'on
pour
peut faire pour
le
les ramifications
en aucune de leurs »
de
des colimaçons on ne
mois de leur
les
cornes des bœufs
et
vie, ainsi
des béliers, ou
des plantes qui n'ont jamais été taillées
parties.
Lorsque nous avons prouvé par de
la vie i.
les
et
tels
de ces animaux est manifeste,
il
signes que la durée
nous faut bien con-
la Bibliothèque du Comte de Leicester, Holkham Hall, Richter, The literary Work of Leonardo da Vinci, t. II,
Léonard de Vinci, Ms, de
Norfollk,
fol.
10, recto.
—
art. 996. 2. Léonard avait observé avec beaucoup de soin les strates parallèles et superposées dont sont formées les roches sédimentaires; pour s'en assurer il suffit, au
Musée du Louvre, d'examiner encore, de
la
Sainte Anne.
le
premier plan de
la
Vierge ans rochers et,
mieux
LÉONARD DE
VINCI ET LES ORIGINES DE LA GEOLOGIE
33(J
mouvoir pour chercher leur nourriture, et nous ne voyons en eux aucun instrument capable de creuser la terre ou la pierre où on les fesser
que ces animaux ne vivaient point sans
trouve maintenant reclus. Mais
comment
peut-il se faire qu'en
une grande coquille de limaçon, on trouve
les
sinon parce que, sur ce limaçon déjà mort
et les
abandonné sur
et
ces débris ont été jetés par les ondes de la
plage,
comme
fragments
beaucoup d'autres coquilles de diverses espèces,
parties de
la
se
mer,
autres choses légères qu'elle rejette sur la terre?
les
Pourquoi trouve-t-on tant de fragments de coquilles entre
deux couches de déposées sur
par le
la
la
sinon parce que ces coquilles déjà
pierres,
plage y furent recouvertes d'une terre rejetée
mer, laquelle terre
venue ensuite à
est
se pétrifier? Si
déluge en question avait transporté ces coquilles depuis
mer, tu
les trouverais à la limite
aux limites de couches multiples
compter
les
tiplié les
couches de sable
d'une seule couche, ;
ont apportées
et qu'elle a
de vase que
et
non
et
que l'on peut
à tel point
printemps des années, parce que
la
la
mer
a
mul-
les fleuves voisins lui
déposées sur ses rivages. Si tu voulais
prétendre que plusieurs déluges ont contribué à produire ces
couches avec affirmer en
déluge.
les coquilles
outre que,
qu'elles renferment,
chaque année,
il
est
il
te faudrait
arrivé
un
tel
»
Le manuscrit de Léonard de Vinci que l'on conserve en la
Bibliothèque du comte de Leicester renferme
autres passages
l
où sont accumulés
quels on peut réfuter l'hypothèse
les
plusieurs
arguments par
les-
du transport diluvien des
fossiles.
Tous ces raisonnements, en lesquels nous voyons Léonard développer ses qualités d'observateur merveilleusement curieux et sagace,
tendent à un
même
objet, la
démonstration convain-
cante de la théorie géologique d'Albert de Saxe.
Après avoir
cité les
considérations sur les érosions et les
alluvions que contient le Traité des minéraux attribué à Avi-
i.
verso.
Léonard de Vinci, Ms.
—
J.-P.
Richter, Op.
nardo da Vinci ed
i
cit., fol. 8,
verso, fol. 9, recto et verso, fol. 10, recto et Mario Baratta, Leo987 à 989, 991, 996.
cit., t. II, artt.
problemi délia terra, pp. 297-302.
—
3Z|0
ÉTUDES SLR LEONARD DE VINCI
cenne par Albert
le
gène Mûntz écrivait u II
Grand, 1 :
hors de doute que plus d'une de ces idées se retrouve
est
chez Léonard de Vinci; mais
Une
surface.
par M. de Mély, Eu-
et à Aristote
fois
de plus,
analogies ne sont qu'à
les
faut tracer
il
la
une ligne de démar-
cation des plus tranchées entre les deux parties de l'œuvre écrite
de Léonard
usage personnel,
:
ou bien
les textes
il
copie textuellement, pour son
de ses prédécesseurs, sans chercher
ni à les contrôler, ni à les développer;
propres
il
On
serait fort
ses
expériences, tant soit peu déduite, qui ait
départ dans
une
embarrassé de
les
ne fût-ce qu'une seule de
citer,
un point de
travaux d'un devancier. Bien plus,
d'inaptitude à s'assimiler ceux-ci,
sorte
vole de ses
bibliographie du sujet.
sans nul souci de la
ailes,
ou bien
si
montre
il
grande
est
l'indépendance de sa vision. »
que
Les rapprochements qui viennent d'être établis prouvent le
grand savant florentin
se rencontrait à tout instant avec
du Moyen Age ou de l'Antiquité, mais cela à son insu plutôt que de propos délibéré ». 11 nous a semblé piquant de citer ce jugement porté sur plus lumineux génies
les
hommes
Léonard de Vinci savant par l'un des étudié Léonard de Vinci artiste.
formuler un qui vérité; et
soit plus
Il
qui ont
nous paraît
exactement
le
le
plus
difficile
d'en
contre -pied de la
nous croyons que nos diverses études sur Léonard
sur ceux qu'il
lus justifieraient
a
et
une sentence qui contredit
mot pour mot la précédente. Non seulement les notes manuscrites de Léonard prouvent qu'il avait
beaucoup
lu,
puissance avec laquelle
mais il
témoignent de l'admirable
elle
s'assimilait tout ce qu'il lisait.
En
quelqu'une des pages que ses doigts feuilletaient, une pensée nouvelle copier;
il
afin de la faces.
s'offrait elle à
son esprit?
i.
E.
série,
ne se bornait pas à
contempler
De ce
travail
à plusieurs reprises sous
témoignent
les
chacune de
;
ses
formules diverses sous
même
pensée en des notes
Mûntz, Léonard de Vinci cl les savants du Moyen-Age (Revue XVI, p. 5i 5 i;G octobre 1901).
l.
la
l'examinait et la retournait longuement en tout sens,
lesquelles nous retrouvons cette
W
Il
scientifique,
LÉONARD DE VINGT ET LES ORIGINES DE rédigées à des époques différentes
il
;
LA.
GÉOLOGIE
3/|
I
de
est telle proposition
Mécanique, d'Hydraulique, de Géologie, dont nous avons pu, avec certitude, indiquer
source, qui n'est assurément qu'un
la
dont
facile
de relever quatre,
cinq, six énoncés, légèrement différents les
uns des autres, en
souvenir de lecture,
est
il
ou quatre des cahiers manuscrits
feuilletant trois le
et
laissés
par
grand peintre.
Ce labeur
n'était pas stérile.
pensée sous tous ses aspects,
À le
Vinci finissait par démêler
avec une extrême pénétration tous
de cette pensée. Parmi ses lectures,
il
les
même
une
force d'examiner
les
tenants et aboutissants
autres idées recueillies au cours de
découvrait celles qui pouvaient être rappro-
chées de cette pensée, qui l'éclaireraient ou qui en seraient
Parmi
éclairées. recueillis,
cette
il
les
faits
que son attentive curiosité avait
distinguait ceux qui pouvaient servir de preuves à
pensée ou qui allaient être expliqués par
elle.
tion des divers problèmes qui hantaient son esprit, Il
de cette pensée en chacun
qu'il
Chaque
vérité à
vérité
;
un
lien,
la
place
dessein
avait
tel est le
plus ou moins immédiat, avec
principe qui nous paraît dominer
génie de Léonard et en
commander
Dirigé par ce principe,
Vinci a su
fût;
devinait
il
%
d'écrire.
chaque
traités
la solu-
marquait
quel secours cette pensée pouvait apporter. des
A
bien
lire,
nouvelle que
en
effet, c'est
le livre
apercevoir clairement les vérités
le
lire
mieux que qui que ce
met sous nos yeux, mais les
démarches.
non seulement recevoir
la vérité
c'est
encore
rapports qu'a cette vérité avec toutes
que nous connaissons
dont nous souhaitons
toutes les
le
déjà, avec tous les
problèmes
la solution.
Et c'est précisément parce que Léonard
lisait
ainsi,
parce
un grand inventeur. Toutes les fois qu'en ses courtes notes, nous voyons apparaître une de ces idées qui portent la marque du novateur génial, nous reconnaissons que cette idée est née du rapprochement de deux qu'il lisait bien, qu'il a été
autres pensées; tantôt ces deux pensées, au contact fécond, ont été tirées
de deux livres; tantôt l'une d'elles est venue, par
lecture, retrouver l'autre
que l'observation avait
tirée
des
la
faits.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
3/|2
La doctrine géologique de Léonard
est peut-être
son inven-
tion scientifique la plus complète et la plus durable; or elle
semble singulièrement propre à confirmer tout ce que nous
venons d'avancer. cette doctrine,
ments
Si
nous remontons, en
que trouvons-nous? D'une
à l'origine de
effet,
part, des renseigne-
précis sur les coquilles fossiles, sur la nature des
très
roches où elles se trouvent, sur leur disposition au sein de ces roches, sur leur état de pétrification; tous ces renseignements
ont été recueillis sur
terrain
le
une théorie de
naturaliste. D'autre part,
mouvements du Saxe
sol;
et le liseur l'a
in libros
de Cœlo
et
par l'observation sagace du la gravité et des petits
cette théorie vient
rencontrée dans
de Maître Albert de
les Subtilissimœ
Mando composées par
quœstiones
cet auteur.
Léonard
n'a cessé de discuter les constatations qu'il avait recueillies et
de méditer
parvenu taient les
les
propositions qu'il avait lues, jusqu'à ce qu'il fût
à reconnaître très
exactement comment
elles s'adap-
unes aux autres.
XII
Léonard de Vinci et la tradition parisienne en Italie. Tandis que
les Italiens
admettaient, en général, une théorie
géologique plutonienne qui dérivait plus
Grand et de Ristoro embrassé une doctrine neptu-
tement de l'enseignement d'Albert d'Arezzo, Léonard de Vinci a
nienne dont
ou moins exac-
le
les principes avaient été
posés au xiv e siècle, à
Paris, par Albert de Saxe; cette doctrine,
il
l'a
corroborée par
une étude minutieuse des fossiles. Léonard nous apparaît, de prime abord, comme un homme qui ose penser tout autrement que les savants de son temps et de son pays. Sa grande
demande cependant à être de minutie. Léonard a-t il exhumé
originalité n'est pas douteuse; elle
appréciée avec un peu plus
une théorie
scientifique délaissée depuis cent cinquante ans et
tombée dans un complet oubli?
S'est-il
borné
à
douer dune
343
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
vigueur nouvelle une doctrine qu'une tradition ininterrompue
que nous
avait portée, vivante encore, jusqu'à lui? C'est ce
voudrions examiner avant de clore
La théorie des
petits
cette étude.
mouvements de
Albert de Saxe, n'a cessé, après
la
créée par
terre,
d'être enseignée par les
lui,
maîtres de l'Université de Paris.
Ouvrons
Questions
les
Physique d'Aristote
«
1
où Marsile d'Inghen commente
Paris.
Nous y voyons 2 que
admet
la continuelle
le
recteur
futur
»
de
de Heidelberg
mobilité du globe terrestre imaginée par
meut fort souvent; cela a lieu produit un grand changement de pesanteur en une
Albert de Saxe lorsqu'il se
méthode des nominalistes
selon la
la
:
La Terre
«
se
de ses parties, à la suite de construction de villes, par exemple,
ou d'inondations marines, ou
d'effets
analogues; alors
entière se trouve chassée hors de son lieu;
il
se fait
la
Terre
un centre
(de gravité) autre que celui qui était auparavant; à la suite de
mouvements,
tels
du globe
les parties
centrales, deviendront superficielles.
»
Marsile d'Inghen n'a pas seulement sur
les livres
des
mêmes
des Physiques ;
livres, sorte
fréquemment
suivi
en ces Abréviations, terrestre est aussi
il
qui, autrefois, étaient
composé
ses Questions
a encore écrit des Abréviations
de manuel qui semble avoir été très
dans l'enseignement des universités. Or, le
mouvement
du globe plus complètement
lent et incessant
formellement admis
et
étudié que dans les Questions. «
La
d'un
terre entière, dit Marsile
mouvement
lement, en
d'Inghen 3
local de descente.
effet, le
On
le
,
se
meut sans
prouve
:
Continuel-
centre de gravité de la terre se trouve en
dehors du centre du Monde, en sorte
qu'il
descend continuel-
lement. Cette conséquence est logiquement établie; en lorsque
la terre se
cesse
meut de mouvement naturel vers
le
effet,
centre
Quœstiones subtilissimœ Johannis Marcilii Inguen super octo libros Physicorum Impfessœ Lugduni per honestum virum nominatium viam. Colophon Johaunem Marion, anno Domini MCCCCCXVIII, die vero XVI mensis Julii. i.
secundum
:
Marsile d'Inghen, loc. cit., in librum II quaestio II. Incipiunt subtiles doctrinaque plene abbreviationes libri phisicorum édite aprestantissimo philosopho Marsilio Inguen doctore parisiensi (ce livre, imprimé aïant i5oo, ne porte ni date, ni indication typographique, ni pagination), feuillet signé k. 3, 2.
3.
col. a.
ÉTUDES SU
3/|4
du Monde,
désire
elle
II
LÉONARD DE VINCI
simplement que
sa gravité
trouve
se
également répartie de tous côtés autour de ce centre;
n'en
s'il
aucun obstacle ne s'interpose, la terre se meut jusqu'à ce que son centre de gravité soit le centre du Monde; et d'ailleurs, il est certain qu'il n'existe aucun obstacle naturel capable d'empêcher le mouvement d'un poids aussi considérable que celui de la terre entière. D'autre part, l'hypopas ainsi, et
est
thèse
émergée
s'allège,
en sorte que
effet,
la
terre
centre de gravité de la terre
le
constamment hors du centre du Monde. La conséquence de
est
ce
évidente; continuellement, en
est
faite
si
raisonnement
tient
logiquement aux prémisses; supposons,
du centre, et enlevons un certain poids à l'une des moitiés du globe sans l'enlever à l'autre; nous aurons produit une inégalité dans la répartition des poids. Quant à l'antécédent, il est évident, car les rayons du soleil rendent sans cesse plus légères en
effet,
que
gravité soit également répartie tout autour
émergées.
les terres «
la
Peut-être répondra-t
Lors
même
que
on de
sphère de
l'air
En second
petit excès
constituer
raisonnement
de gravité ne
:
suf-
qu'est le poids de
on pourra prétendre que
mouvement
modique en pesanteur
la
rectiligne,
et légèreté
ne peut
une puissance motrice capable de surmonter
résistance de la
lieu,
telle
tout entière résiste à ce
et cette inégalité si
A
si
ce
terre deviendrait plus
la
pas à émouvoir une résistance
toute la terre.
«
un
sorte à
de
cette moitié-ci
légère et l'autre plus lourde, firait
la
la
l'air. »
première objection, nous répondrons que ce n'est pas
seulement
le petit
excès du poids ajouté qui s'efforce à
mou-
voir la terre, mais que c'est la terre elle-même, et tout entière,
qui tend à se placer de la sorte; lors donc que rien ne l'em-
pêche de
se placer ainsi, elle se
telle situation.
La solution de
mouvra d'elle-même la
évidemment par un raisonnement
une donne
vers
seconde objection se
tout semblable; cette objec-
tion est, en effet, sans valeur; c'est la terre entière qui produit
mouvement; elle a certainement plus de puissance pour mouvoir que l'air pour résister, alors surtout que ce mouvement ne produit aucune discontinuité au sein de l'air. »
ce
3^5
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
La seconde des objections que Marsile d'Inghen réfute en ce passage avait été indiquée par Albert de Saxe lui-même \ «
On
peut répondre,
»
dit,
avait-il
qu'un allégement quel-
«
conque apporté à l'une des faces de la Terre ne saurait suffire à la faire mouvoir, à cause de la résistance que l'air oppose sur l'autre face.
Albertutius n'avait d'ailleurs pas insisté sur
»
cette objection.
Après Marsile d'Inghen, l'Université de Paris ne connut sans doute pas de maître plus réputé que Pierre d'Ailly qui fut évêque de Cambrai, cardinal, et que l'on surnommait Aquila
sphœram Johannis de Sacro Bosco, composées par le très savant cardinal, eurent une vogue extrême; elles furent souvent imprimées à la fin du
Francise. Les
Qualuordecim quœstiones
xv e
au début du xvi c
siècle et
tions, «
un exposé
Au
d'Ailly 2
On
trouve, en ces ques-
la théorie
d'Albert de Saxe.
rectiligne de la Terre, dit Pierre
mouvement
faut supposer en
il
,
complet de
très
sujet de ce
siècle.
in
premier
lieu
que
le
centre de
gravité de la terre se trouve continuellement au centre
Monde. En du Monde,
alors
effet,
le
corps
le
que tous
du
graves tendent au centre
les
plus pesant doit avoir sans cesse son
centre au centre du Monde. » Il
faut supposer, en second lieu,
en deux parties de teraient
même
comme deux
ajoutait à l'une des
que
gravité, ces
si
l'on divisait la terre
deux parties
se
compor-
poids en équilibre; en sorte que
deux parties une surcharge
elle, cette partie tirerait l'autre
si
si
l'on
petite soit-
vers le haut. D'ailleurs, la ligne
qui partagerait la terre en deux moitiés d'égal poids passerait
par la
le
centre
du Monde. Cette seconde supposition
résulte de
première.
on suppose que si la terre était partagée par la pensée en deux moitiés d'égal volume, ces deux moitiés seraient de poids inégal; en effet, il est une partie de la terre »
En troisième
lieu,
qui se trouve continuellement exposée aux rayons du soleil; cette partie est sans cesse échauffée et allégée
par
la
chaleur
—
Alberti de Saxonia Quœstiones in libros de Cœlo et Mundo; lib. II, quaest. X. Cf. Alberti de Saxonia Quœstiones in libros physicorum ; lib. VIII, quanst. IV. 2. Pétri de Aliaco Quatiiordecim quœstiones in sphxram Joannis de Sacro Bosco, i. :
quaestio MI,
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
3:'|6
solaire; l'autre partie, qui se trouve sous les eaux, est alourdie
par
de l'eau
le froid
;
la
donc moins lourde que
En quatrième
moitié de
la terre
qui est émergée est
l'autre moitié.
on suppose que des parties de la terre émergée s'écoulent constamment vers la mer; de même, cer»
taines parties de
lieu,
terre,
la
effritées
par
emportées sous forme de poussières par lement, jetées
à la
sont
la sécheresse,
vents
les
et, fina-
mer.
Ces hypothèses posées, nous formulerons une première
»
conclusion
:
La terre se meut constamment d'un certain mou-
vement rectiligne, car l'une des moitiés de la terre pousse constamment l'autre moitié. En effet, l'une des deux moitiés devient constamment plus lourde que l'autre; donc, par nos deux
premières suppositions,
première moitié repousse
la
constamment la seconde. » De là découle ce corollaire que maintenant au centre
est
se trouvera
de
la partie
un jour
qui
la terre
à la surface.
En
partie qui est actuellement au centre s'éloigne de ce
effet, la
communique
centre par l'impulsion que lui
la partie
plus
lourde, en sorte qu'elle finira par arriver à la surface.
De là résulte encore cette seconde conséquence, qui démontre comme la précédente Le centre de gravité de »
:
se la
terre varie sans cesse. »
Mais on
pourrait formuler cette objection
meut sans
terre se
la
cesse vers le Ciel, elle devrait se trouver
déjà transportée jusqu'au Ciel. tion,
Puisque
:
nous poserons
cette
Pour répondre
à cette objec-
seconde conclusion
:
Il
est
pro-
bable que la terre entière, prise dans son ensemble (loquendo cathegoreumatice) se
demeure en repos au centre du Monde
meut nullement d'un mouvement
la terre,
en
effet, est
rectiligne.
et
ne
L'ensemble de
toujours à égale distance des diverses
exempt de mouvement rectiligne; car la terre entière ne pourrait être animée d'un mouvement rectiligne qu'elle ne s'approche ou ne s'éloigne du Chacune Ciel, ce qui n'est pas. Il ne faut pas raisonner ainsi des parties de la terre est animée d'un mouvement rectiligne, donc la terre entière est animée d'un semblable mouvement. parties
du
Ciel,
en sorte qu'il
est
:
LÉONARD DR VINCI ET LES ORIGINES DE LV GEOLOGIE
34/
remarque résout l'objection proposée. Que l'on empile, par exemple, dix pierres l'une sur l'autre; que l'on prenne la Cette
pierre la plus élevée, et qu'on
la
place sous la plus basse, en
soulevant celle-ci; que l'on prenne ensuite celle qui était
seconde à partir du haut les autres, et
qu'on
la
mette au-dessous de toutes
que l'on continue ainsi
meut
la pile, prise
est clair
il
;
que chacune
monte sans cesse, et cependans son ensemble, demeure en repos. »
des pierres de la pile se
dant
et
la
et
Ces dernières réflexions de Pierre d'Ailly ne font d'ailleurs
que développer une courte indication d'Albert de Saxe; ci
avait déjà, en effet, formulé cette conclusion
dire
que
la terre est
meuve
dant, considérée dans son ensemble, elle lieu,
«
On
peut
beaucoup de son
naturel, s'écarter
propre; bien que la terre tout entière se
même
:
toujours en repos, en ce sens qu'elle ne
mouvement
peut, par
»
celui-
ou à peu près.
lieu
parfois, cepen-
demeure toujours au
»
La théorie, imaginée par Albert de Saxe, des petits mouvements de la terre ferme était donc devenue, au xiv e siècle et au début du xv e
une des doctrines caractéristiques de
siècle,
l'École de Paris.
Les théories parisiennes étaient fort mal vues, au xv e siècle, des Averroïstes qui enseignaient aux universités de Bologne et
de Padoue
;
pour
découvert toute
la
gent à
servile, Aristote
avait
Physique Averroès avait pleinement
inter-
cette
;
prété la pensée d'Aristote tote et
l'esprit
;
en professant des théories qu'Aris-
Averroès n'avaient point formulées, Albert de Saxe,
Marsile d'Inghen, Pierre d'Ailly se jetaient fatalement dans l'erreur; vité, le
en affirmant que
la terre,
par
l'effet
même
de sa gra-
mouvements petits, mais incessants, dont le Commentateur n'avaient pas parlé, les
éprouvait des
Philosophe
Parisiens
et
émettaient
une
assertion
fausse
et
qu'il
fallait
repousser.
Nous allons donc voir que
les
Averroïstes italiens du Quat-
trocento connaissaient la théorie d'Albert de Saxe,
mais
qu'ils
la rejetaient.
Nul écrit philosophique n'eut plus de vogue, au sein des i.
Alberti de Saxonia Quaestiones in libros de Cselo
et
Mundo;
lib. II, quaest.
X.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
3/|8
Universités
Summa
italiennes
lolius
du xv
philosophise
d'Udine, plus connu sous
e
siècle,
composé
et
le
que
nom
manuel
le
par
intitulé
Paul Nicoletti
de Paul de Venise. Le manuel
rédigé par Paul de Venise est sous
continuelle inspiration
la
des doctrines émises par Albert de Saxe; bien souvent,
qu'un résumé des Questions discutées, au sujet de
du De
il
n'est
Physique
la
du De generatione, des Météores, par Albertutius, par Thémon ou par Marsile d'Inghen mais ce résumé est orienté par les tendances averroïstes de l'auteur. d'Aristote,
Caelo,
;
Ainsi en
est-il
mouvement de La
des passages où
de
est fait allusion
en son lieu naturel lorsque
le
centre de
l'élément terrestre tout entier coïncide avec
du Monde Cela posé, on peut prétendre 2 «que
centre
au continuel
la Terre.
terre se trouve
gravité
il
le
1
.
la terre n'est
jamais en
repos, sans cesse, en effet, l'une des moitiés de la terre est plus
grave que
l'autre, car
dilate les
parties superficielles de la terre et les rend plus
sans cesse l'action des rayons solaires
mouvoir continuellement pour que son centre demeure au centre du Monde... Nous légères; dès lors,
la
terre se doit
nierons cette conséquence; sans doute,
y a continuellement poids des deux moitiés de la
une certaine inégalité entre les terre; mais il n'en résulte pas que que son centre devienne de
la
ceci
:
le
est
constant que
si
meuve
la terre se
jusqu'à ce
centre du Monde, et cela, à cause
résistance de l'air et de l'eau. Il
il
On
deux poids
peut encore répliquer
se trouvent
en équilibre
dans une balance, on peut augmenter d'une certaine quantité la gravité
de l'un d'eux sans qu'il descende.
Paul de Venise reprend 3 ces
mêmes
»
considérations, sous une
Pauli Vcneti Summa totius philosophiœ ; pars II, cap. XX. Pauli Veneti Summa totius philosophiœ ; pars II, cap. XIV. 3. Expositio Pauli Veneti Super octo libros phisicorum Aristotelis necnon super comenlo Averois cum dubiis ejusdem. Golophon Explicit liber Phisicorum aristotelis expositus per me fratrem Paulum de Venetiis: artium liberalium et sacre théologie doctorem ordinis fratrum heremitarum beati Augustini. Anno domini MCCCCIX. die ultima mensis Junii qua festum celebratur commemorationis doctoris gentium et christianorum apostoli Pauli. Impressum Venetiis per providum virum doniinum Gregorium de Gregoriis. Anno nativitatis domini MCGCGXGIX. die Wlll mensis Aprilis. Physicorum lib. IV, tract. I, cap. IV, pars H; coll. b et c du pénultième fol. avant le toi. signé X (l'ouvrage ne porte aucune pagination). i.
2.
:
:
:
:
LÉONARD DE V1NCL ET LES
forme plus précise, en sique d'Aristote u ...
La
OhlGliNES
DE LA GÉOLOGIE
volumineux commentaires
ses
O^J
Phy-
à la
:
terre, elle aussi,
semble
se
mouvoir continuellement
du côté de notre hémisphère, soit de par la lumière du soleil et par les autres
vers le haut, et cela soit l'autre côté
en
;
effet,
influences refroidissantes que
le
Ciel exerce,
il
apparaît qu'une
de la terre s'alourdit tandis que l'autre s'allège
partie
partie la plus lourde repousse légère, jusqu'à ce se trouve »...
que
donc sans cesse
;
la
la partie la plus
centre de gravité de la terre entière
le
au centre du Monde.
Mais l'élément terrestre, pris en sa
totalité,
ne
se
meut
jamais d'aucun mouvement, encore que ses parties deviennent
constamment plus ou moins lourdes. effet,
que
en
faut imaginer,
Il
centre de gravité de la terre partage celle-ci en
le
deux parties dont
les
pesanteurs se comportent, l'une à l'égard
de l'autre, d'une manière toute semblable à celle de deux poids égaux en une balance équilibrée;
il
que
est certain
si
chacun de ces poids avait une pesanteur mesurée par le nombre deux, tandis que l'air placé au-dessous aurait une résistance mesurée par
le
verait l'autre
si
nombre
aucun des deux poids ne soulèau premier un poids mesuré par
trois,
l'on ajoutait
nombre un; il ne le soulèverait pas, lors même qu'on lui ajouterait un poids mesuré par deux ou trois. Si on lui ajoutait, en effet, un poids mesuré par un ou deux, le poids serait
le
mesuré par
trois
ou quatre,
et la résistance
par cinq, car
l'air
une résistance mesurée par trois, et le poids de l'autre plateau a une résistance mesurée par deux; s'il y avait mouvement, il serait produit par une puissance inférieure à la a
résistance. Le
premier poids ne descendrait pas,
mesuré par cinq, car
il
n'y a pas
mouvement
égalité entre la puissance et la résistance
1 .
Il
des deux parties également graves de la terre; plus lourde, et l'autre plus légère,
même
il
s'il
lorsqu'il
en est de si
était
même
l'une devient
n'en résulte pas que
partie la plus lourde pousse la plus légère;
y a
la
non seulement, en
i. Tout ce raisonnement est parfaitement logique, si Ton admet les principes de Mécanique du Moyen-Age qui traitait toujours la résistance de l'air comme nous traitons un frottement statique.
la
ÉTUDES SUR LEONARD DE VUNCI
35o
chacune des deux parties
effet,
l'eau qui les entourent résistent également.
Paul de Venise n'accorde donc pas
le
il
rejette cette
mouvement
hypothèse a
l'air et
»
qu'Albert de Saxe attribuait à la terre; mais
pour laquelle
mais
résiste à l'autre,
la
incessant
même
raison
deux
été indiquée, à
reprises, par Albertutius et réfutée par Marsile d'Inghen;
le
célèbre averroïste n'a point eu grand effort à faire pour décou-
oppose à
vrir l'objection qu'il
En
seconde moitié du xv
la
e
la
théorie des Parisiens.
siècle, le plus célèbre averroïste
qui enseigne aux Universités de Padoue
de Bologne est
et
sans doute Alessandro Achillini, l'adversaire de
Pomponat.
Achillini connaît la théorie d'Albert de Saxe, et voici ce qu'il
en
dit «
1 :
Aucune
partie de la terre n'est au centre
du Monde;
la
donc pas davantage. La conséquence est évidente, car le tout ne diffère pas de ses parties. On prouve La moitié qui est au-dessus du centre n'est pas l'antécédent terre entière n'y est
:
au centre, non plus que »
Il est
de
la
la
moitié qui est au-dessous du centre.
nature du centre de demeurer immobile; or
ne demeure pas immobile, car
terre
le
la
sans
Soleil s'allège
cesse... »
A
cela,
on peut répondre que
la
en son lieu
terre est
naturel et que ses parties sont, aussi, naturellement situées;
centre de la terre est au centre faire
du Monde, mais on ne
saurait
que, de quelque manière que l'on partage la terre,
centre de chacune
de ses parties se trouve
le
au centre
le
du
Monde... »
La
terre
n'est
pas placée
Monde comme en une
au centre
balance, de
mathématique du
telle sorte
que
la
moindre
addition ou la moindre soustraction de poids suffise à changer sa position. Elle est par
elle-même un centre naturel
oppose une grande résistance à qui
la
meut ou
;
elle
à qui tente de la
donc pas de n'importe quel allégement pour la mettre en mouvement. Toutefois le Soleil, tournant autour d'elle en un jour, lui imprime un mouvement de même mouvoir;
i.
il
ne
suffit
Alexandri Achillini De démentis liber lertius, dubiura \\l
cenlrum mundi.
:
Utrum
terra ait
1
LÉONARD DE VLNCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
meuvent
période; les fleuves qui transportent de la terre terre »
35 la
par parties.
À
l'encontre de ce qui vient d'être dit
réponse
même
que
quence
le
résulte de cette
centre du Monde.
est évidente, car les transports
des grands édifices ne
11
pas pour centre de gravité
la terre n'a
point mathématique qui est
:
meuvent point
le
La consé-
de terre, la construction la terre, tout
en
la
ren-
dant, en certaines parties, plus grave qu'elle n'était auparavant. »
Je réponds, et j'accorde que cette conséquence est possible.»
Achillini n'hésite
donc pas à révoquer en doute
cette
propo-
conçue par
sition qui portait toute la théorie de la pesanteur
Albert de Saxe et enseignée par la Scolastique parisienne centre de gravité de la terre coïncide avec
Au
sein
même
des
Universités
le
:
Le
centre du Monde.
italiennes,
TAverroïsme
trouvait des adversaires et les doctrines parisiennes des partisans. Tandis qu'à Padoue,
Achillini défendait les
astronomiques d'Averroès, son collègue Gapuano
pour maintenir
les théories
de Ptolémée
et,
principes
les attaquait
parfois aussi, les
opinions des Parisiens.
Francesco Gapuano de Manfredonia docteur en médecine;
il
était
docteur es arts
enseignait l'Astronomie, à la fin
et
du
Padoue plus tard, il devint chanoine régulier de Saint Augustin et évêque de Saint-Jeanxv*
siècle,
de
;
échangea alors son prénom de Francesco contre de Gianbattista; parfois, dans ses ouvrages, son nom, au
de-Latran celui
à l'Université
;
il
lieu d'être suivi
de
la
mention
:
de Manfredonia, est qualifié
Sipuntinus (de Siponte, aujourd'hui Maria-Siponto).
Francesco Gapuano avait déjà donné un commentaire à
la
Théorie nouvelle des planètes de Georges de Peurbach, lorsqu'il fit
imprimer
1
en
1/199,
avec une seconde édition de ce com-
mentaire, la première édition de son commentaire à la Sphère commentis nuper editis, videlicet : Cicchi Esculani, 1. Sphera mundi cum tribus Francisci Capuani de Manfredonia, Jacobi Fabri Stapulensis. Colophon Impressum Venetiis per Simonem Papiensem dictum Bivilaquam et summa diligentia correctum, ut legentibus patebit. Anno Cristi (sic) siderum conditoris MCDXCIX, decimo calendas Novembres. A cet ouvrage est joint celui-ci Theoricae novœ planetarum :
:
Georgïi Purbachii astronomi celebratissimi, et in eas eximii arrium (sic) et medecinar» doctoris Domini Francisci Capuani de Manfredonia in studio Patavino astronomiam publiée legentis sublimis expositio et luculentissimum scriptum.
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
352
de Sacro Bosco. Voici ce que nous lisons au premier chapitre
de cet
écrit
:
aucun mouvement, la partie qui se trouve actuellement au centre ne le quitterait jamais; elle ne se trouverait donc jamais en contact avec un corps qui lui soit «
terre
Si la
n'avait
contraire, en sorte qu'elle ne cesserait jamais d'être et qu'elle serait perpétuelle.
Or
composée de matière
ne saurait
cela et
de forme,
A «
de
cette instance, l'auteur
est
qui a une sem-
et tout ce
blable composition est corruptible.
car elle
être vrai,
»
répond en ces termes
:
J'accorde la conclusion qui vient d'être formulée. La partie
qui est actuellement au centre doit être susceptible
la terre
puisqu'elle
de corruption,
forme; arrive
et
pour
un jour
à la surface.
ment
que
subtilisée et
les
les
Pour
corrompre, cela,
il
faut
matière et de il
les
comme nous
le
faut qu'elle
imaginer que
eaux ne couvrent point
consumée par
convertit en vapeurs,
comme
composée de
puisse se
qu'elle
partie de la terre
est
est
constam-
rayons solaires;
se
elle
montre l'expérience,
météorologistes s'accordent à
le
la
et
reconnaître; les
exhalaisons qui s'élèvent de la terre s'échappent, sous forme
de vapeurs, de cette partie émergée; au contraire, du côté du
globe qui est couvert par
les
eaux, celles-ci sont condensées
grâce au froid des eaux voisines, terre;
en sorte que de ce
et elles se
convertissent en
côté-là, la terre s'accroît.
Mais
n'est
il
pas possible d'ajouter à la terre d'un côté et de retrancher de l'autre sans
changer
le
centre de la terre. La partie qui était
jadis au centre s'approchera de la circonférence; elle finira
par devenir tout à
mue
tout
fait superficielle...
entière...
Ainsi la terre se trouvera
Aussi Aristote,
au premier livre
Météores, et Albert le Grand, au second traité
du
même
des
livre,
constamment de grandes variations; qu'elle se trouve aujourd'hui là où la mer était autrefois et inversement. C'est, du reste, ce que j'ai vu de mon temps; j'ai vu les rivages de la mer asséchés en peu d'années; là où l'eau se trouvait, où les vaisseaux naviguaient, j'ai vu se disent-ils
former terre se
que
la terre
la terre
subit
ferme. Toutefois, cette action par laquelle
consume d'un
côté tandis qu'elle reçoit de
la
nouveaux
353
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
un court espace de temps, elle est insensible, et le mouvement de la terre est, par conséquent, insensible; la terre semble immobile; en tout cas, jamais elle n'éprouve un déplacement si
apports de l'autre côté est une action très lente; en
considérable qu'elle cesse de contenir
En
cet exposé,
le
centre de l'Univers.
nous reconnaissons, malgré de
»
sensibles
altérations, la doctrine d'Albert de Saxe.
Cette doctrine est encore plus nettement reconnaissable dans
du commentaire de Capuano.
les éditions ultérieures
en
a repris ce qu'il avait publié en 1/199 au sujet de la
effet,
Sphère de Sacro Bosco
ment développé tion,
Celui-ci,
;
il
profondément remanié
a
En
sa première rédaction.
la
et
grande-
seconde rédac-
nous trouvons mentionnée, à propos des preuves de
une observation
sphéricité de la terre,
par l'auteur
d'éclipsé de la lune faite
août i5o5, en sorte que
le i5
la
le
remaniement du
commentaire n'est pas antérieur à cette époque. Ce commentaire remanié fut compris dans les collections de traités sur la Sphère que publièrent Juncta de Junctis, à Florence, en i5o8; Melchior Sessa, à Venise, en i5i3; Octa-
vianus Scotus, à Venise, en i5 18
Lucas Antonius de Giunta,
;
à Florence, en i5i8 et en i53i.
En
seconde édition,
cette
examine
la théorie des petits
comme
en
la
première, Capuano
mouvements de
par Albert de Saxe. Tout en conservant
la terre
les lignes essentielles
de l'exposé qu'en donnait sa première rédaction, cet exposé, afin qu'il reproduise
de l'inventeur.
A
décroître la terre
ajoute cette le
remarque
:
retouche
moins infidèlement
les idées
«
et croître
Gomme
le
la
terre
fond de
plus bas, tous les graves qui sont dans la
ce lieu et y descendent.
la terre; la partie
partie émergée,
Monde, ainsi
et
il
mer est le lieu mer tendent vers
la
«
déplacent
le
centre de gravité
immergée, devenant plus lourde que
pousse en haut
la partie
rectiligne tel
tandis que l'autre descend. DLHEM.
immergée,
la
descend, devient plus voisine du centre du
un mouvement P.
qui font
»
Ces transports de matière de
il
ce qu'il avait dit sur les causes
émergée
imaginée
émergée. La terre éprouve
que l'une des parties monte
» 23
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
35/j
L'adhésion de Capuano de Manfredonia à la théorie d'Albert de Saxe
est
le
nettement
suffrage
seul
favorable
à
cette
doctrine qu'il nous soit donné de recueillir parmi les philo-
sophes
italiens.
Agostino Nifo, par exemple, est assurément un de ceux qui redoutent
moins d'embrasser
le
à
des Juniores;
opinions des Parisiens,
les
maintes reprises,
il
manifeste l'estime en
laquelle
il
tenait la vigueur logique d'Albert
nomme
le
plus souvent Albertilla; en son commentaire à la
Physique d'Aristote, i5o6,
il
de
nous déclare avoir
qu'il
formule expressément
lequel Albert de Saxe la terre
citer tant
«
:
La
fait
terre,
de Saxe, qu'il
1
principe de Mécanique sur
le
reposer sa théorie des
»
dit-il,
achevé en
été
«
n'est point
mouvements
deorsum
que son centre de gravité ne coïncide pas simplement
du monde. » Cependant, en son commentaire au De Caelo qui
avec
simpli-
centre
le
fut
achevé
en i5i3, Nifo se borne à mentionnera l'hypothèse nominaliste des
mouvements
incessants
du
ou
la rejette
Bien plus,
les juniores affirment
se
meut constamment par
:
«
sol sans déclarer s'il l'accepte
continue, et conti-
du monde. En
se fait centre
parties centrales de la terre ont tendance à être cette
tendance exige que
parviennent au lieu où
la terre se
elles se
meuve
afin
suivi
la
outre, les
corrompues;
que ces parties
peuvent corrompre.
Aux temps mêmes qui ont
la terre
parce qu'elle croît d'un
parties,
côté et décroît de l'autre d'une manière
nuellement son centre
que
»
mort du Vinci,
la
doctrine parisienne trouvait des adversaires déterminés; de ce
nombre fut Louis Boccaferri (i 482-1 545). En ses Leçons sur le premier livre des
Météores,
Louis
Boccaferri expose nettement la théorie d'Albert de Saxe. le
quart de la terre que nous habitons,» dit-il 1.
3 ,
«
Si
«subissait
Augustini Niphi philosophi Suessani Expositiones super octo Aristotclis Stagi-
rit;e libros
de physico auditu. Veneliis,
apud Hieronymum Scotum, MDLVII1. Physi-
coruni liber IV, p. 307. •2. Aristotclis Stagirilaï De Cœlo et Mundo Vugustino Nipho philosophe- Suessano conversi
Venetiis,
apud Hieronymum Scotum, MDXLIX;
libri et
ab
quatuor, e grseco in latinum ab
eodem
lib. Il, fol.
etiam... aucti expositione. 110, col. c.
Ludovici Buccaferrei Bononiensis Lectiones super primum libriun Metcarologicorum iristotelis. Venetiis, o\ offleina Joan. Baptistae Somaschi, MDLXV; fol. 106, 3.
col. h.
355
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GEOLOGIE des changements de configuration,
deviendrait plus
partie
contraire,
la
partie qui
il
en résulterait que cette légère;
plus
au
sèche
et,
partant,
nous
est
opposée deviendrait plus
froide, grâce à la fraîcheur et à l'humidité de l'eau; dès lors, le
centre de gravité de la terre changerait sans cesse,
rait
il
passe-
un centre contiterre, non point son
sans cesse d'un lieu à l'autre, ce serait
nuellement
de
différent. Or, le centre
la
centre de grandeur, mais son centre de gravité, est au centre
du Monde. Car grandeur, d'égal
et
il
y a deux centres; l'un est
c'est celui
volume;
divise la terre en
nomme
du Monde.
Il
y a un
centre de gravité, et celui-là
le
deux parties également pesantes;
centre-là qui est le centre
du Monde. La gravité de
qui se trouve au-dessus doit donc être égale à la partie
centre de
qui divise la terre en deux parties
celui-là n'est pas le centre
autre centre, que l'on
le
qui se trouve au-dessous. Dès lors,
la
si le
c'est ce
la partie
gravité de
quart de la
que nous habitons émerge davantage, il deviendra plus léger par l'action des rayons solaires, puisque l'eau ne le recouvre plus mais tandis que la partie que nous habitons terre
;
deviendra plus légère, produira, en la terre,
la
un
opposée s'alourdira;
partie
il
se
continuel changement de distribution
donc sans cesse en mouvement, car la partie alourdie descendra, tandis que la partie opposée montera. L'élément terrestre se trouvera donc
de la gravité; l'élément terrestre sera
constamment en mouvement, contrairement au
dire d'Aris-
tote... »
Boccaferri n'est point disposé à renoncer à l'opinion d'Aris-
«prétendent que le centre Tous les Parisiens, » dit-il du Monde, qui est le centre de l'élément terrestre, est en perpétuel mouvement; cela, parce qu'ils admettent que le centre de
tote
1
«
:
,
gravité de la terre
de
la terre
change sans
cesse, car les diverses parties
de graves deviennent légères ou inversement...
Mais, Messieurs, cela va contre ce qu'Aristote dit au second livre »
i.
Du
Je
Ciel et
nie
cet
Boccaferri, lac.
au livre
Du mouvement
des animaux...
argument, car l'action
cit., fol.
107, coll.
b
et c.
ne
se
produit pas
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
356
quel que soit l'excès de la puissance sur la résistance
que
cet excès atteigne
une certaine valeur;
c'est ce
;
faut
il
qui n'a
y a parfois, au-dessus du centre du Monde, un poids plus grand qu'au-dessous mais cette gravité pas lieu
ici;
sans doute,
il
;
en excès
est insensible
terre entière; elle
par rapport au poids énorme de
la
ne cause donc aucun mouvement; ainsi
n'est pas nécessaire
que
le
il
centre de gravité se meuve, que
monte ou descende, car il faudrait que le poids en excès fût sensible, qu'il eût une valeur déterminée... Lorsqu'un grand poids est pesé dans une balance et qu'un autre poids lui fait équilibre, si Ton pose un grain de mil l'élément terrestre
en l'un des deux plateaux, ce plateau-là ne va pas descendre, car le poids ajouté est insensible. Lors donc que vous pré-
tendez que la partie la plus lourde de la terre doit descendre vers
le
centre et soulever l'autre partie, je dis que vous vous
trompez.
»
Les arguments de Boccaferri à rencontre de parisienne sont ceux que nous
la
doctrine
avons déjà entendus de
la
bouche de Paul de Venise ou de celle d'Alessandro Achillini. L'Averroïsme italien ne craignait pas les redites. Nous sommes maintenant en état de donner une réponse précise à cette question
Au
:
voisinage de l'an i5oo, qu'en-
du Nord, au sujet des petits mouvements
seignait-on, dans les Universités de l'Italie
de la théorie parisienne de
la
gravité et
de la Terre? Cette théorie, sans doute, n'était point ignorée;
mais
les
Averroïstes ne la formulaient que pour la déclarer fausse ou
douteuse, tandis que leurs adversaires n'en donnaient que des
exposés défectueux. Nul ne songeait à appliquer cette doctrine à des problèmes particuliers, à en déduire des lois de Statique,
à en tirer l'explication des C'est alors les
cours
vidée, et
phénomènes géologiques.
que survint Léonard.
Il
reprit ces pensées
dont
manuels ne présentaient plus que l'enveloppe en retrouva le contenu riche et varié. Elles demeu-
et les il
raient stériles dans leur isolement;
il
blèmes qui hantaient son
des
esprit,
les
curiosité avait recueillies; alors, elles se
rapprocha des pro-
observations
que
sa
montrèrent fécondes,
LÉONARD DE VINCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE
357
produisirent des conséquences neuves et importantes.
elles
L'originalité de logie,
Léonard de Vinci, en Statique
peut se définir en quelques mots
comprendre pleinement
les
:
comme
Elle
en Géo-
a consisté à
théories de la Scolastique pari-
sienne, à les faire triompher de la routine averroïste qui les
prétendait bannir de
l'Italie,
enfin, à en prouver la fécondité
par de nombreuses applications que
les
premiers inventeurs
n'avaient pas aperçues ou qu'ils avaient à peine soupçonnées.
Ce qui caractérise ce qui en
fait
un
l'originalité
de Léonard de Vinci est aussi
des promoteurs les plus clairvoyants et les
plus puissants de la Renaissance des Sciences en Italie cette
Renaissance a
gnées par
les
commencé du jour où
maîtres parisiens du xiv
psittacisme des commentateurs
e
;
car
les doctrines ensei-
siècle
ont
du Commentateur.
fait taire le
NOTES
NOTES
A.
— SUR
LA MÉCANIQUE DE LÉONARD DE VINCI ET LES RECHERCHES DE RAFFAELLO CAYERNI
En
1895, s'imprimait
un
malheureusement de la méthode expéri-
traité considérable, et
inachevé, où RafTaello Gaverni étudiait l'histoire
Aussi bien en notre ouvrage sur Les Origines de la Statique qu'en nos Études sur Léonard de Vinci, nous eussions eu mainte occasion de citer cette œuvre si elle nous eût été connue.
mentale en
Italie
«.
Malheureusement, nos recherches de travailleur isolé, en la très pauvre bibliothèque d'une université provinciale, nous avaient laissé en la plus complète ignorance de la riche collection de faits et d'idées qu'avait accumulés le laborieux prêtre toscan. De cette ignorance nous avons par une aimable lettre de M. Marcolongo, professeur à l'Université de Messine, dont les pénétrantes études sur l'histoire de la été tiré
Mécanique sont bien connues des géomètres érudits. La lecture de l'ouvrage de Caverni nous a montré que nous avions commis, à son préjudice, plus d'une injustice involontaire, aussi bien en nos Origines de la Statique qu'en ces Études. Il est trop tard pour réparer les omissions que l'on pourrait constater au premier de ces traités; du moins voulons-nous, en cette note, combler celles que l'on rencontre au cours
du
dernier écrit.
premier l'influence que la Mécanique de Jordanus de Nemore a exercée sur Léonard de Vinci et sur toute la Science du xvi e siècle. « En l'École péripatéticienne et en l'École d'Alexandrie dont les doctrines avaient été résumées par Jordanus Nemorarius, se Gaverni a signalé
le
trouvent naturellement compris, dit-il
2 ,
les principes
féconds d'où
Léonard de Vinci a conclu ses merveilleux théorèmes de Mécanique rationnelle. En effet, la composition des forces parallèles et celle des forces le
non
parallèles, les vitesses virtuelles, les
moments
des graves
long des plans inclinés étaient choses enseignées en ces antiques
écoles. »
Malheureusement, pour étudier
les
attribués à Jordanus,
traités
1. RafTaello Caverni, Storia del metodo sperimentale 1895; 6 vol. in-8°. 2. R. Gaverni, Op. cit., vol. IV, p. 01.
in
Italia,
Firenze, G. Civclli,
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
362
Caverni ira pas eu l'idée ou s'est
contenté de
ignoré le
le
moyen de
lire les textes
recourir aux manuscrits
imprimés
;
il
même
semble
Liber Jordani Nemorarii de ponderibus qu'Apian
en i533, à Nuremberg,
connu seulement
fit
;
il
qu'il ait
imprimer
Jordani opusculum de ponderositate, Nicolai Tartaleae studio correclum queCurtius Trojanus fit imprimer à Venise en i565.
Trompé par a cru
que
les
les
fripon.
«
;
il
ne
les
il
en
étaient,
cet-
Caverni
1 ,
ouvrage, l'œuvre de Jor-
démonstrations avaient pour auteur
lui est
géomètre
le
pas venu à l'esprit que ce dernier ne fût qu'un
L'opuscule posthume De ponderositate, publié en
Venise, par Curtius Trojanus, car
le
impudents mensonges de Nicolo Tartaglia
énoncés seuls
danus, tandis que
de Brescia
et qu'il ait
est,
nous révèle combien l'auteur
dit-il
2 ,
tenait à
amour de
important pour
i565, à
l'histoire,
commenter de près Nemo-
comparable à celui avec lequel Maurolycus commentait son grand géomètre de Syracuse. Mais cet ouvrage est superflu comme document scientifique, car toutes les propositions mécaniques qu'il démontre trouvent un ample déveloprarius, et avec quel fervent
pement dans
disciple,
les Quesiti e invenzioni
publiées en i546 par le
même
Tartaglia. »
Réduit au seul
texte,
souvent incompréhensible ou absurde, du
Jordani opusculum de ponderositate,
Caverni ne pouvait être
exactement instruit de ce qu'enseignait l'École de Jordanus.
donc
qu'il ait attribué à cette
École
la
connaissance de
On
la loi
fort
conçoit
de com-
position des forces concourantes, alors que cette loi semble avoir été
ignorée de tous jusqu'à Léonard de Vinci.
Léonard de Vinci a découvert, à l'aide des propriétés du levier angulaire, la loi de composition des forces concourantes nous avons minutieusement analysé l'histoire de cette découverte 3 Avant de parvenir à l'exacte connaissance de la loi des forces concourantes, Léonard avait longtemps tâtonné; longtemps il s'était attaché à une loi incorrecte. Caverni a mentionné 4 un seul des nombreux passages où le grand artiste a parlé de la composition des forces con;
.
courantes, et ce passage est précisément consacré à l'énoncé de la règle fausse. Mais, par suite d'un raisonnement géométrique erroné,
Caverni a pris cette règle fausse pour un corollaire de
la règle exacte.
donc affirmé que Léonard connaissait la loi de composition des forces concourantes, ce qui est vrai, mais il l'a affirmé en vertu d'un texte qui aurait dû lui faire porter le jugement contraire. Il
a
Les Origines de la Statique, t. 1, pp. 197-205. R. Caverni, Op. cit., vol. IV, p. 87. 3. Léonard de Vinci et la composition des forces concourantes (Bibliotheca mathcmatica, série, t. IV, p. 338, 190^). Les Origines delà Statique, ch. VIII, § 2, t. I,pp. 172-179. La scicntia de ponderibus cl Léonard de Vinci, VI (Études sur Léonard de Vinci, première i.
a.
3*
—
—
série, pp. 3oi-3o5). !\.
II.
Caverni, Op.
cit.,
vol. IV, p. 59.
363
NOTES
Caverni a été beaucoup plus exactement informé lorsqu'il a parlé de « certains faits qui semblaient merveilleux aux gens du vulgaire et i
même
que Léonard expliquait naturellement en appliUn corps ou plusieurs corps liés ensemble, quant ce principe quelque étrange que soit leur figure ou leur position, demeurent en équilibre stable lorsque le centre de gravité de l'ensemble se trouve en la verticale du point de suspension. » A l'appui de cette remarque, Caverni reproduit les deux cas paradoxaux d'équilibre, étudiés par Léonard, que nous avons également présentés 2. Il ne semble pas, d'ailleurs, s'être soucié de suivre les aux savants,
et :
pensées qui avaient conduit l'inventeur à
connaissance d'un
la
tel
principe.
Caverni le
fait
remarquer, d'après Libri, que Léonard a su déterminer
centre de gravité de la pyramide;
il
observe à ce sujets,
comme nous
donné de fausses indications au
l'avons observé depuis
^ que
sujet des figures qui
accompagnent l'énoncé formulé par
Libri a
le
Vinci et
en a tiré une induction peu vraisemblable sur la démonstration que le grand peintre avait pu employer. Caverni a écrits « Dire que Léonard a créé la Science expérimentale,
qu'il
:
une hyperbole telle que l'on pardonnerait difficilement à un historien des Mathématiques de la formuler. De la part de l'homme, la création serait une absurdité bien plutôt qu'un propre et véritable c'est
prodige
;
c'est l'office
de l'historien de révéler
ont produit les soi-disant prodiges
et,
par
les
là,
causes cachées qui
de réduire ceux-ci à
l'ordre naturel. »
On
découvrirait dans les traditions scientifiques des siècles qui ont
précédé
le xvi e les
sources naturelles dont découle la variété encyclo-
pédique des doctrines professées par un artiste de cette époque. » Nous ne connaissions pas ces lignes lorsque nous avons entrepris nos Études sur Léonard de Vinci, et cependant elles esquissent, en quelque
i.
2. 3.
k.
sorte, le
plan de notre ouvrage.
R. Caverni, Op. cit., vol. IV, p. kh. Études sur Léonard de Vinci, première série, pp. 3o8-3oc). R. Caverni, Op. cit., vol. IV, p. iol\. Albert de Saxe et Léonard de Vinci, IV (Études sur Léonard de Vinci, première
série, p. 36). 5.
R. Caverni, Op.
cit.,
vol. IV, p. 3i.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
364
B.—
AUCTORES DE PONDERIBUS
LES
ET LÉONARD DE VINCI Nous avons analysé
faire l'influence exercée sur
nique que
Léonard
Léonard de Vinci par ces
traités
ait
le
de Méca-
Moyen -Age attribuait aux Auctores de Ponderibus Que connu ces auteurs, on n'en saurait douter, croyons -nous,
le
.
après ce que nous avons dit; une seule
témoignage
est
cependant, son propre
fois,
venu confirmer nos inductions; nous avons entendu 2
Vinci citer formellement
le
pu
aussi minutieusement que nous avons
1
le
Tractalus
de ponderibus
de Biagio
Parme.
Pelacani, dit Biaise de
Les manuscrits conservés soit à la Bibliothèque nationale, soit à
la
Bibliothèque de l'Institut, et publiés par M. Ch. Ravaisson-Mollien,
ne nous ont apporté aucun autre texte où Léonard citât quelqu'un des Auciores de Ponderibus ; de tels textes se rencontrent, cependant, en d'autres manuscrits; la publication de M. Jean Paul RichterS, qu'il nous a été enfin donné de consulter, nous les a fait connaître. « Prends le De ponderibus, » dit Léonard ^ en une note où il ne désigne pas l'auteur
ne
Il
le
du
traité qu'il se
désigne pas davantage en cette note 5
Fais montrer au frère de Brera
«
propose de consulter.
le
:
De ponderibus.
»
De ponderibus. Or, Léonard a connu Il a connu, tout d'abord, un des Tractatus de ponderibus que les copistes attribuent à Jordanus de Nemore, car en un Mémorandum trois traités
de sa main, nous lisons 6 Giordano De ponderibus. »
écrit « 11
a
connu ensuite
portant ce
titre
:
:
l'écrit intitulé
Liber Euclidis de ponderibus, car
il
mis dans ses notes le renseignement «Maître Stefano Caponi, médecin, demeure à la piscine; il a un Euclide De ponderibus » Ce Liber Euclidis de ponderibus, dont les manuscrits ne sont point rares 8, est formé par les neuf propositions des Elementa Jordani super suivant 7
a
:
.
i.
Scientia de Ponderibus et Léonard de Vinci (Études sur Léonard de Vinci, VII;
La
première 2.
cit.,
pp. 267-3 1 6). p. 269.
Richtcr, The literary
3.
J. P.
4-
Il
5.
Il
6.
Fragments de
fol.
1
7. J.
série,
Loc.
P. 8.
Works of Leonardo da
codice atlantico, a/|3 a, 727 a. codice atlantico, 222 a, 664 a.
4i a.
—
J. P.
la collection
Richtcr,
Op
— —
J.
Londres, i883.
cit., t. II,
n° 1379.
Richtcr, Op.
cit., t. II,
n° 1/U8.
J. P.
Leoni conservés à cit., t. Il,
Vinci,
P. Richter, Op. la
Bibliothèque du château de Windsor,
n° 1/10O.
—
Ms. III de la Forster Library, South Kcnsington Muséum, London, fol. g3 a Richtcr, Op. cit., t. II, n° 1488. Au sujet de ce texte, voir Les origines de la Statique, ch. Vil, $ I; 1. 1, pp. a l-i»8. 1
—
notes
365
demonstrationem pondcris, dont les démonstrations ont été longuement étendues, et auxquelles on a soudé le De canonio. Léonard a connu, enfin, le Tractatus de ponderibus de Maître Biaise de Parme; nous en avons déjà, de sa bouche, reçu le témoignage; une « Les héritiers de Maître note nous apprend de qui il tenait cet écrit Giovanni Ghiringallo ont les œuvres de Pelacano. » Ces quelques textes nous montrent avec quelle curiosité empressée »
:
Léonard recherchait tous les documents où se trouvaient consignés les enseignements de la Statique médiévale; quel usage il savait faire des indications contenues en ces documents, nous l'avons vu et admiré.
i.
J. P.
Ms. III de Richter, Op.
la
Forsler Library, South Kensiiigton Muséum, London, fol. 36.
cit.,
t.
II,
n* 1/196.
ÉTUDES SU» LÉONARD DE VINCI
366
G.
—
SUR L'ORIGINE DE LA LOI DU POLYGONE DE SUSTENTATION
Nous avons retracé (Première série, pp. 73-79) la série des tâtonnements par lesquels Léonard était parvenu à la loi du polygone de sustentation.
Albert de Saxe avait remarqué que
deux tours au fil à plomb, les couronnements s'écarteraient d'autant plus que les tours seraient plus hautes. Léonard retourne, en quelque sorte, cette remarque; il mène, en un certain lieu de la Terre, la verticale de ce Heu; puis, de part et d'autre de ce lieu, à une certaine distance, il imagine qu'on élève deux tours parallèles à cette verticale et, patconséquent, parallèles entre elles. Il montre que ces deux tours «
devront forcément s'écrouler Cette
si
elles
manière de présenter
la
si
l'on construisait
sont assez hautes.
»
proposition d'Albert de Saxe est
développements ultérieurs de la pensée de Léonard. Or, il est curieux de remarquer qu'elle s'était déjà offerte à l'esprit de Roger Bacon; voici, en effet, ce que nous lisons dans YOpus majus « Bien des choses nous semblent parallèles parce que leur concours échappe à notre perception ainsi les murs d'une maison quelconque semblent parallèles au témoignage de nos sens; mais ils ne le sont essentielle;
elle
suggère
l
tous les
:
;
pas
;
que
1.
ficem
car tout grave tend naturellement au centre
maison
la
s'écroulerait
si
quarta,
edidit S.
murs
sorte
étaient exactement parallèles. »
Minorum Opus majus ad Clementem quart uni PontiGodice Dubliniensi, cura aliis quibusdam collato, nunc Jebb, M. D., Londini, typis Gulielmi Bowyer, MDCGXXX1II. Pars
Fratris Rogeri Bacon Ordinis
Romanum. Ex
primum
ses
du Monde, en
M
S.
dist. III, cap. III, p. 76.
HOTES
D.
—
367
SUR LA BIBLIOGRAPHIE DES ÉCRITS D'ALBERT DE SAXE ET DE T1IÉMON LE FILS DU JUIF
Nous avons
une édilion des Subtilissimae ((Uiesliones super octo libros Physicorum Arislolelis donnée à Venise en i5o4; nous pensions qu'elle avait été, comme celle de 5 0, imprimée par Bonetus Localcllus aux frais d'Octavianus Scotus; selon un renseignement que nous empruntons à M. Kobcrto Àlmagià 2 , elle est duc à Jacobus signale
1
1
Pentius.
Aux
éditions des Qu;rstiones in libros de
Cœlo
et
Mundo du même
auteur, que nous avons citées, nous en pouvons joindre une autre,
imprimée cette
à
édition,
Venise en i52o par d'ailleurs,
les héritiers
reproduit purement
d'Octavianus Scotus; et
simplement
celle
de 1492.
Nous avons dits (pic les Questions sur les météores de Thémon, le fils du Juif, avaient dû être imprimées à Venise avant i5i6; mais nous n'avions pu citer aucune édition qui confirmât notre dire; nous pouvons aujourd'hui l'appuyer par la mention du titre suivant: Habes solerlissime lector in hoc codice libros melheor. Aristotelis Stagirite peripathelicorum principis siloris Gaielani de Thienis noviter
purgalos. remissione
Tractatuin
ejusdem
de
cum
reactione.
Gaielani.
cornmenlariis felicissimi expo-
impressos : ac mendis erroribus^ue Et
tractalutn
de
intensione
et
Quesliones perspicacissimi philosopki
Thimonis super qualluor libros melhoror.
Ce
livre
ne porte aucun
nom
d'éditeur;
il
ne mentionne ni date,
ni
M. Henry Sotheran, le savant libraire de Londres, dont un catalogue nous fait connaître ce rare ouvrage en place lu publication au voisinage de l'an i5o5.
lieu d'impression;
'»,
1.
2.
Etudes sur fJonard de Vinci, première série, p. 335. Robcrto Almagià, La Doltrina délia Marea nell' Antidata classica e nel Medio evo délia fieale Accademia dei Lincei, auno CCCI1, kjo5, p. 102 du tirage à pari). Éludes sur Léonard de Vinci, première série, p. 161. Sothcran's Price Current of Littérature N" 666 n"
(Memorie 3. f 4.
;
1
:">;..
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VLNCI
368
E.
—
LES DEUX INFINIS.
SUIl
Richard de Middleton.
I.
L'un des faits les plus remarquables de l'histoire de la Scolaslique est assurément la réaction violente qu'en la première partie du e xiv siècle, Guillaume d'Ockam a menée contre la philosophie péripatéticienne.
Un mouvement
de cette ampleur
de cette intensité ne se produit
et
jamais qu'il n'ait été longuement préparé; de plus, avant qu'il ne se développe en sa pleine puissance, il est ordinairement précédé de secousses qui l'annoncent. Mettre en évidence les causes de l'Occaétudier les précurseurs
misme, découvrir
et
ce serait produire
une œuvre du plus haut
Sans prétendre il
nous
est
ici
du
intérêt.
accomplir cette œuvre, ni
siècle,
l'entreprendre,
de l'Occamisme.
La cause première de la réaction occamiste dans les excès du Péripatétisme averroïste; e
même
arrivé de signaler quelques particularités capables d'éclairer
les origines
xm
Venerabilis Inceptor,
combattirent
émules furent
les
les
assurément docteurs qui, au
se trouve les
tendances de Siger de Brabant
de ses
condamnation des théologiens de la Sorbonne
avant-coureurs d'Ockam;
Articuli parisienses, portée en 1277 par les
et
la
par l'évêque de Paris, Etienne ïempier, formulait, en bien des circonstances, le programme des doctrines que Guillaume d'Ockam et
allait
défendre; c'est une remarque qu'à plusieurs reprises,
a été donné d'indiquer
1
il
nous
.
L'Anti-aristotélisme de
Roger Bacon a certainement
aussi, sur l'Anti-aristotélisme
du
influé,
lui
Venerabilis inceptor. Les pensées de
Bacon ont fortement contribué, à coup
sûr, à orienter la philosophie
de l'École franciscaine. De cette action, nous avons eu parfois occasion de relever les traits en étudiant soit Jean Duns Scot, soit Ockam».
Une
autre raison
du mouvement occamiste
se trouve
dans
la
com-
plication introduite en la Philosophie par le Docteur Subtil; le besoin
de diminuer autant que possible le nombre des entités métaphysiques a été engendré par l'excès inverse; mais cette raison-là est trop visible pour qu'il soit de simplifier au plus haut degré
les doctrines,
nécessaire d'y insister.
Les causes qui devaient provoquer bilis 1.
2.
le
vigoureux
effort
du Venera-
Inceptor contre la philosophie d'Aristote exerçaient déjà leur Voir p. 38 et p. 7G. Voir pp. 7-8 et p. 4i.
NOTES
oG(J
temps lorsque ce maître commença d'enseigner; on ne saurait donc s'étonner qu'elles lui eussent suscité des précurseurs Richard de Middleton nous paraît être un de ces avantcoureurs de Guillaume d'Ockam. Anglais et Franciscain comme Roger Racon, comme Duns Scot, comme Ockam, Richard de Middleton est mort peu d'années avant le Docteur Subtil il était, sans doute, plus âgé que ce dernier et ses Questions sur les quatre livres des Sentences de Pierre Lombard durent être composées au voisinage de l'an i3oo, alors que les anathèmes portés par les théologiens de Paris, que les enseignements développés par Roger Racon étaient encore tout récents. Des uns et des autres, la trace se reconnaît fréquemment en ces Questions. « Certaines gens, » s'écriait Pierre Lombard *, « se faisant gloire de leur sens propre, se sont efforcés de restreindre la puissance de Dieu et de lui assigner une mesure. Lorsqu'ils disent, en effet, Dieu peut jusque-là, mais il ne peut pas davantage, qu'est cela, sinon enfermer action depuis
un
certain
;
;
en des limites
la
puissance de Dieu, qui est infinie,
et la restreindre
mesure ? » C'est en commentant ce que Pierre Lombard avait dit de la toutepuissance divine que Richard de Middleton est amené à se demander à
si
une
certaine
Dieu peut réaliser un Il nie, tout d'abord 2
infini
infini.
que Dieu puisse produire, un être qui soit sous tous rapports, qui soit infini sans que rien, en cet être, ,
soit fini.
Sa négation n'a plus
la
même
rigueur lorsqu'il s'agit de savoir 3
« si
Dieu peut produire quelque chose qui soit naturellement infini suivant une certaine dimension » ou, en d'autres termes, qui soit infini sous quelque rapport sans l'être sous tous les rapports. A cette question, «je réponds, » dit Richard, «que, sans fin, Dieu peut produire une dimension plus grande, et une encore plus grande, mais sous la condition qu'à chaque instant la grandeur déjà prise à cet instant soit finie. C'est ce
que
l'on
nomme
en acte avec mélange de puissance ou i.
Dist. 2.
Pétri
Lombard!
Episcopi
Parisiensis
habituellement
l'infini
Sententiarum
in fieri; libri
mais
quatuor;
l'infini
est
il
Lib.
I,
XLIII. Clarissimi theologi Magistri Ricardi
de Media Villa Seraphici ord. min. couvent.
Sententiarum Pétri Lombardi Quœstiones subtilissimœ, Nuncdemum post alias editiones diligentius, ac laboriosius (quod fieri potuit) recognita?, et ab erroribus innumeris castigatae, necnon conclusionibus, ac quotationibus ad singulas Qusestiones adauctae, et illustratas, a R. P. F. Ludovico Silvestrio à S. Angelo in Vado, Doctore Theologo, et ejusdem instituti professore. Cum Indice generali, ac locupletissimo totius operis. Ad Illustrissimum et Reverendiss. D. D. Marcum Antonium Gonzagam, Marchionem, Principemq. Rom. Imperii, et Episcopum Casalensem Brixiae, de consensu Superiorum, MDXCI. Lib. I, dist. XLIII, art. 1, quaest. IV.
Super quatuor
libros
ïomus primus,
pp. 382-383. Riccardi de Media Villa Quœstiones in quatuor libros Sententiarum, XLIII, art. I, quaest. V; éd. cit., tomus primus, pp. 383-386. 3.
P.
DUHEM.
lib.
I,
i'\
dist.
ÉTUDES
3;0
SUIl
LÉONARD DE VINCI
impossible que Dieu produise une dimension quelconque qui soit ou,
infinie in facto esse
comme
l'on dit
couramment, qui
un
soit
infini in acta simpliciter. »
Voici, selon notre Franciscain, la raison
contradictoire,
Les mots
«
:
pour toute créature,
métaphysique qui rend
l'infinité in aclu simpliciter
:
essence de la créature, expriment quelque chose qui est
indifférent à exister
ou à ne pas
exister d'une
manière
effective
;
et
cela est évident, car les essences des créatures qui étaient, de toute
connues de Dieu, pouvaient fort bien ne pas exister effectivement; et beaucoup de ces essences sont encore aujourd'hui connues de Dieu, auxquelles le Créateur peut donner ou ne pas donner d'existence effective. Mais cette indifférence est déterminée du moment même que l'essence est contrainte à l'un des partis de l'alternative, à l'existence; une dimension qui existe effectivement reçoit, par l'effet même de cette existence effective, une détermination, il ne s'agit pas, d'ailleurs, d'une détermination par laquelle elle se trouverait placée en tel genre ou en telle espèce; lors même qu'aucune surface n'existerait en effet, le mot surface n'en désignerait pas moins une essence appartenant au genre quantité. Il suit de là que, par son existence effective, une essence reçoit une détermination de même nature que éternité,
celle qu'elle reçoit
par division, c'est-à-dire une détermination par des
termes imposés à sa longueur, à sa largeur ou à sa profondeur. L'infinité
répugne donc à toute dimension par cela
même
qu'elle est
douée
d'existence effective. »
Cette doctrine se heurte visiblement à l'axiome d'Aristote
:
Toute
grandeur qui convient en puissance à un objet, lui convient aussi en acte. Si donc Dieu peut, sans fin, créer un volume de plus en plus grand, il peut créer un volume actuellement infini. Richard répond « Toute grandeur qui convient en puissance à un objet lui convient aussi en acte à l'égard d'un opérateur qui opère au moyen de quelque chose préexistante. Mais à l'égard de Dieu, qui peut produire de rien, cette parole du Philosophe n'est plus vraie. » Burley et Ockama reprendront et développeront cette réponse. :
J
L'impossibilité de la grandeur actuellement infinie entraîne, selon
Richard de Middleton 3, celle de la multitude infinie en acte « Dieu ne peut produire quelque chose qui soit, en nombre, actuellement infini. En effet, toute multitude que Dieu peut réaliser au moyen de choses incorporelles, il peut aussi bien la réaliser à l'aide de corps. Mais Dieu ne peut produire une multitude infinie de corps, car de ces :
corps, dont la multitude serait infinie,
i
.
a.
Voir Voir
il
pourrait également faire un
p. 3y. p.
!\i.
Kiccardi de Media Villa Qucestiones in quatuor libros Sententiarum, dist. XLlII,art. I, qua>st. VI; éd. cit., tomus primus, p. 386. .'>.
lib.
I.
1
NOTES tout continu;
en
infini et,
il
produirait ainsi
07
un volume continu actuellement
précédente question, on a prouvé que cela ne pouvait
la
être. »
A
l'appui de l'opinion selon laquelle
multitude infinie peut
la
être
argument Toute grandeur continue est indéfiniment divisible; il n'y a donc pas impossibilité à supposer qu'elle est, d'une manière actuelle, divisée en une multitude infinie on
réalisée,
cite volontiers
cet
:
de parties. « Lorsqu'on dit que tout continu est divisible à l'infini, je réponds que cela est vrai pourvu qu'on le comprenne ainsi Il peut être divisé sans fin, mais de telle façon que le nombre des parties formées soit toujours fini. Si vous admettez qu'il soit ainsi divisé, il n'en résulte aucune impossibilité il n'en résulte pas, en effet, l'existence d'un infini in facto esse, mais seulement d'un infini in fier l que l'on nomme habituellement un infini en acte avec mélange de puissance. » Cette opinion touchant la divisibilité à l'infini est, dans le fond comme dans la forme, toute semblable à celle qu'a soutenue Roger Bacon nous voyons clairement que Richard de Middleton a tout simplement appliqué à la solution des difficultés qui concernent l'infiniment grand cette notion d'acte mélangé de puissance par laquelle Bacon résolvait le problème de l'infiniment petit; son exemple, d'ailleurs, sera suivi très exactement par Guillaume d'Ockam; celui-ci refusera également à Dieu le pouvoir de produire l'infiniment grand in facto esse, tout en lui accordant de réaliser l'infini infteri. Richard de Middleton nous apparaît ici comme l'intermédiaire entre Bacon et :
;
1
;
Venerabilis Inceplor.
le
Richard revient, en une de
blème de
la divisibilité
à
ses
Questions quodlib étales
2 ,
au pro-
l'infini.
que la grandeur mathématique, telle que la volume, est divisible en parties qui, ellesmêmes, sont divisibles; en ce sens, la grandeur mathématique est Il
enseigne encore
ligne,
la
surface
ou
ici
le
divisible à l'infini.
en sa question quodlibétale, Richard de Middleton ne se borne pas à étudier la divisibilité de la grandeur mathématique; il Mais,
un corps par exemple; voici, à cet
étudie également la divisibilité de la grandeur réalisée en naturel, la divisibilité d'un
volume de
égard, quelle est sa doctrine
feu,
:
Étant donné un volume de feu, on peut concevoir qu'il
en
petites étincelles,
que ces
parcelles plus petites, et
1.
Voir p.
soit divisé
étincelles soient, à leur tour, divisées
ainsi
sans
fin.
Chaque
parcelle,
si
en
petite
19.
Quodlibeta Doctoris eximii Ricardi de Media Villa, ordinis minorum, qurestiones octuaginta continentia. Brixia?, de consensu superiorum, MDXCI. Quodlibetum 111, 2.
art. II, quaîst.
V Utrum magnitudo :
naturalis
sit divisibilis in
infinitum; pp. 91-93.
.
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
Ô~j2
du feu en elle se trouveraient forme spécifique du feu.
serait réellement
soit-elle,
spécifique du
feu, la
Dieu pourrait, de
matière
la
;
indéfiniment un volume de feu
la sorte, diviser
maintenir l'existence des parcelles de feu ainsi produites,
si
et
petites
soient-elles.
Mais cette division pourrait être poussée assez loin pour altérer, non point la matière spécifique ni la forme spécifique du feu, mais certaines propriétés «
On
ou vertus de ce
feu.
pourrait, par exemple, parvenir à des parties
si
petites qu'elles
ne pourraient plus être maintenues en existence par les seules forces créées, et cela parce qu'en de telles particules toute vertu se trouverait
un
affaiblie à
une une
trop haut degré. Dieu, cependant, pourrait conserver
particule;
telle
seul,
pourrait produire d'une manière réelle
il
ni l'ange ni l'âme intellectuelle ne la peuvent mais ils la peuvent concevoir par la pensée. » De même, une particule suffisamment petite de feu, tout en demeurant spécifiquement du feu, n'aurait plus assez de vertu pour engendrer son semblable, pour se mouvoir, pour émouvoir notre sens; à l'égard de ces diverses propriétés, le feu n'est pas divisible telle division;
réaliser,
à l'infini.
Richard de Middleton pose
avec une extrême netteté,
ici,
la
doctrine
que Guillaume d'Ockam et Jean Buridana se borneront à répéter, qu'Albert de Saxe développera 3. Mais revenons au problème de l'infini mathématique. De l'impossibilité de l'infini en acte, Richard de Middleton tire cette conclusion: Le Monde n'a pu exister de toute éternité. Son argumentation mérite d'être rapportée; elle est, en effet, devenue comme le thème d'une discussion ardente et d'une extrême importance entre »
les tenants
de
« S'il était
l'infini in
facto esse
possible que le
et les
Monde
partisans de l'infini infieri.
eût été créé de toute éternité, dit
Dieu eût pu réaliser l'infini actuel soit en nombre, soit en grandeur, il eût pu de même, en effet, créer des hommes de toute éternité; de toute éternité, ces hommes eussent engendré d'autres hommes, et leurs successeurs en eussent fait autant jusqu'à ce jour. Richard
4,
Gomme,
d'ailleurs,
existerait,
d'une
âmes
les
manière
sont
rationnelles
actuelle,
incorruptibles,
une multitude
infinie
il
d'âmes
rationnelles.
»De même, Dieu ce jour
et,
pu mouvoir continuellement le ciel jusqu'à en chacune des révolutions du ciel, créer une pierre; il eût
3.
Voir Voir Voir
!\.
Ricardi de Media
i.
2.
|).
aurait
i5.
p. 38^i p. i5.
dist. Il, art. III,
Villa
quaest. IV; éd.
Qu.rstiones super qualuor libros cil.,
lomus secundus,
p.
17.
Senlentiarum;
lib.
II.
NOTES
pu réunir existerait
toutes ces pierres en
une
373
seule; cela
un volume
fait,
d'une manière actuelle. Mais au premier
livre,
infini
nous avons une
prouvé que Dieu ne pourrait produire, d'une manière infinie, ni une grandeur infinie. Dieu n'a donc pas pu créer actuelle, ni
multitude le
Monde de toute éternité. » De même encore, si Dieu
pu créer le Monde de toute éternité, il aurait pu, tout aussi bien, mouvoir le ciel de toute éternité, continuellement et jusqu'à ce jour. Dieu aurait donc pu faire qu'une avait
multitude infinie de jours fussent maintenant passés. Mais impossible que Dieu
ait fait
infinie in accepto esse;
quelque chose qui
il
soit
il
est
une multitude de jours passés qui
fût
n'est pas possible, en effet, qu'il ait produit
aujourd'hui passé
et
qui n'ait été futur;
il
donc pas pu produire une multitude de jours passés qui fût infinie in accepto esse s'il n'y avait eu une infinité in accepto esse de jours futurs. Mais Dieu n'a pas pu faire qu'une infinité de jours fussent des jours futurs in accepto esse, mais seulement in accipiendo esse ou in Jieri. Semblablement donc, Dieu n'eût pu produire une multitude de jours passés qui fût infinie in accepto esse, mais seulement in accipiendo esse. Il reste donc que le Monde n'a pas pu être n'aurait
créé de toute éternité.
»
Cet argument, Jean de Bassols va
le
retourner;
il
s'en servira
pour
démontrer qu'Aristote, en admettant l'éternité du Monde, aurait dû, pour demeurer conséquent avec lui-même, admettre l'existence actuelle de la multitude infinie et de la grandeur infinie.
II.
Jean de Bassols tout cas, disciple
Jean de Bassols.
était, croit-on,
du Docteur
compatriote de Duns Scot
sans cesse les yeux fixés sur ce disciple-là: «C'est disait-il
En Duns
;
il
en
fut,
Subtil; le maître, en ses leçons, gardait
mon
auditoire,
»
*.
la
formation intellectuelle de Jean de Bassols, l'influence de
donc historiquement certaine; bien des indices, croyons-nous, permettraient d'y déceler celle de Roger Bacon; enfin Scot est
1. Ces renseignements sont extraits d'une épître dédicatoire composée, en i5i 7, par le franciscain Anastasius ïurrionus de Samarino et placée au verso du titre de l'ouvrage suivant Opéra Joannis de Bassolis Doctoris Subtilis Scoti (sua tempestate) fidelis Discipuli Philosophi ac Theologi profundissimi In Quatuor Sentenliarum Libros (crédite) Aurea. Quœ nuperrime Impensis non minimis Curaque et emendatione non mediocri Ad débitée integritatis sanitatem revocata Decoramentisque marginalibus ac Indicibus adnotata ; Opéra denique et Arte Impressionis mirifica Dextris Syderibus elaborata fuere. Venundantur a Francisco Regnault et Ioanne Frellon. Parisiis. Cum gratia Et privilégie Colophon du premier livre: Hic finem accipiunt subtilissime: et sane quam utiles quesliones R. P. Fratris Jo. de Bassolis Minorité ac Théo:
|
|
\
|
!
|
\
\
|
\
:
|
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
3y4 celle
qu'ont exercée
l'écrit
de 1277 nous apparaît à
les décisions
composé par notre auteur, car
les articles
de Paris
et s'autorise
de
celui-ci cite très la
la lecture
de
fréquemment
condamnation portée contre
ces articles.
En bien
des circonstances, Jean de Bassols se montre adversaire
du
que
Guillaume conclusions sont plus absolues que ne le
aussi résolu de la philosophie
Stagirite
le
sera
d'Ockam; parfois même, ses seront celles du Venerabilis Inceptor. C'est ce qui a eu lieu, en particulier, au sujet du problème de l'infiniment grand. Aristote a commencé par établir que l'existence actuelle de la grandeur infinie était une contradiction il en a conclu ensuite que l'existence potentielle de la grandeur infinie était également contradictoire pour que la grandeur infinie puisse exister en puissance, il faudrait, affirme Aristote, qu'il existât actuellement une grandeur ;
;
infinie.
La négation de l'infiniment grand en puissance a semblé, aux théologiens catholiques, une barrière opposée à la toute-puissance créatrice de Dieu, et ils ont entrepris de faire tomber cette barrière; mais à ceux d'entre eux qui s'y sont le plus appliqués, comme Richard de Middleton, Walter Burley, Ockam et leurs successeurs, il n'a pas semblé que l'omnipotence divine fût limitée par l'impossibilité de la grandeur infinie actuelle; ils ont donc concédé au Stagirite cette impossibilité, et tous leurs efforts ont eu pour objet de rompre le lien, établi
par
et l'absurdité
Tout
le
de
Philosophe, entre l'impossibilité de
l'infini actuel
l'infini potentiel.
autre, et bien plus nettement
sentiment de Jean de Bassols
opposé au Péripatétisme, a
été le
».
Le disciple de Duns Scot admet pleinement l'axiome formulé par Aristote: L'infiniment grand potentiel suppose l'infiniment grand actuel. Or, chrétien, il croit à la toute-puissance divine qui ne lui permet pas de regarder l'infiniment grand potentiel comme une absurdité. Il ne veut donc pas que l'infini actuel soit contradictoire et il déclare Dieu capable de le créer.
primum Sententiarum. Nuper ab ORONTIO FINE Delphinate maculatissimum exemplar nactus extiterit) priori integritati quam integerrime et emendatissime valuit diligenter restitute. Ac marginariis adnotamentis haud parum conducentibus cum earum indicibus studiose ab eodem decorate. Sumptibus autem non modicis Fidclium Bibliopolarum Aime universitatis et Joannis Frellon ïypis mandate. In Aedibus Parisiensis Francisci Regnault
logi profundissimi in (ctsi
corruptum
et
I
:
Calcograpbi probatissimi. Anno JESU Acterni Régis sesquimillesimo decimoseptimo Nono Idus Septembres Sole sub \\V parte Virginia gradientc in hemispherio Parisiensi. Leonis Pape X pontiiicatus Anno Quinto. Les questions de Jean de Rassois sur les livres II, 111 et IV des Sentences ont été imprimées respectivement en i5iG, i5i6 et i."»i-. 1. Joannis de Rassolis //( primum librum Sententiarum distinctio XLIII, quœst. scilicel
Nycolai de Pratis
|
—
unira; éd.
cit., foll.
CCIX seqq.
,
NOTES
Que
telle soit
bien
passage que voici
Une
«
»
la
démarche de
nous en
375 la
est garant
pensée de Jean de Bassols,
le
:
quantité qui surpasse toute grandeur déterminée est une
mesure déterminée, on peut en donner une plus grande on peut donc donner une quantité actuellement infinie. Donnez-moi, en effet, la longueur que vous voudrez, de deux pieds par exemple, ou de trois pieds, ou de telle autre mesure particulière; il n'y a rien, semble- 1- il, qui répugne à ce que j'en puisse donner une plus grande, non pas seulement en puissance et in fierï, mais en acte; la longueur, en effet, ne s'assigne pas à elle-même telle mesure déterminée. A l'appui de ce raisonnement, on peut invoquer cette assertion d'Aristote au troisième livre des Physiques Si une grandeur peut être indéfiniment accrue, quantité infinie en acte; mais étant donnée une quantité d'une ;
:
peut être actuellement infinie; cette conséquence, énoncée par
elle
une grandeur peut être indéfiniment accrue, donnée une créature quelconque ou un individu quelconque d'une espèce déterminée, Dieu pourrait produire une seconde créature semblable ou un second individu de même espèce, et l'ajouter à la première créature ou au premier individu; cette affirmation est confirmée par Aristote lui-même, en son écrit De lineis indivisibilibus , car il y enseigne que toute grandeur, pourvu qu'elle soit finie, peut être amenée à toucher une autre grandeur et à la prolonger; de même, en la suite des nombres on peut progresser indéfiniment; de même pour Aristote, est valable. Mais
car, étant
formes, etc.»
les
Que
l'infini
donner
lui
auparavant, « L'infini »
actuel n'implique aucune contradiction, que Dieu puisse
l'existence, c'est ce
On peut,
il
que Jean de Bassols va soutenir; mais
pose une distinction
2
.
actuel peut être entendu de deux façons
en premier
lieu,
qui est infini selon toute manière d'être »
On
:
entendre par ces mots
l'infini
simple,
et selon toute perfection.
peut, en second lieu, l'entendre d'un infini qui ne l'est pas
une ou selon une perfection d'une nature spéciale. par exemple de l'infini en longueur ou en quelque attribut analogue. » Dieu ne peut créer d'infini actuel au premier sens du mot, car il ne saurait exister un autre Dieu » et cet infini serait Dieu. Mais il n'en est pas de même de l'infini pris au second sens du mot. Parmi les diverses espèces d'infini qu'implique ce second sens, il en est quatre 3 dont l'existence actuelle n'implique aucune contradiction L'infini en et peut, par conséquent, être réalisée par Dieu ce sont grandeur géométrique (longueur, surface ou volume) l'infini en selon toute manière d'être et selon toute perfection, mais selon
certaine manière d'être
.
:
;
;
1.
2.
3.
Jean de Bassols, Jean de Bassols, Jean de Bassols,
b
loc. cit., fol.
ccxi, coll.
loc. cit., fol.
ccx, col. d.
loc. cit., fol.
ccxi, col. b.
et c.
.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
O-G
nombre
l'infini
;
selon l'intensité ou la grandeur de quelque perfection
ou forme non géométrique, de
la chaleur,
par exemple; enfin
l'infini
en force (virtusj. Le pouvoir de réaliser un infini actuel est réservé, d'ailleurs, à Dieu « L'accroissement d'une aucun agent naturel n'est apte à le produire ;
1
:
grandeur progresse ou peut progresser indéfiniment il en résulte qu'une grandeur infinie tant en puissance qu'en acte peut être donnée parla vertu divine, non par vertu naturelle; si les forces naturelles interviennent seules, une borne est imposée à la grandeur et à son ;
accroissement.
»
L'argument direct que Jean de Bassols thèse est toujours l'axiome d'Aristote sable
si l'infini
actuel
en doute lorsqu'il tout
l'était;
s'agit
indirects
L'infini potentiel serait irréali-
or l'infini potentiel ne peut être révoqué
être surpassé
par une autre grandeur, par
Jean de Bassols adjoint des arguments
direct,
s'attache à résoudre les contradictions qu'Aristote et les
il
;
valoir à l'appui de sa
de grandeur ou de nombre; toute grandeur,
nombre peut toujours
un autre nombre. Mais à cet argument
:
fait
autres philosophes avaient cru découvrir en la supposition d'une gran-
deur
ou d'un nombre infini actuellement existants il les d'ailleurs, avec beaucoup de sagacité, mettant à nu le paralo-
infinie
résout,
;
fond de ces sortes d'objections. Contre la grandeur infinie actuelle, par exemple, une foule d'impossibilités prétendues sont tirées de la figure que l'on attribue au
gisme qui
fait
presque toujours
le
en lequel cette grandeur
corps
serait réalisée.
Mais pourquoi, au
corps infini, attribuer une figure? «Il n'est nullement nécessaires, de nécessité absolue,
qu'un corps
soit
terminé
une figure; à moins que l'on
et qu'il ait
en sorte qu'un corps infini n'est d'aucune figure; n'aime mieux dire que sa figure est actuellement infinie
grandeur
;
mais, dans ce cas
il
faut ajouter
que
la définition
comme de
sa
la figure
ne convient qu'aux figures finies. » Aristote a élevé contre l'infini actuel une objection tirée de l'impossiJean de Bassols bilité où l'on est de lui attribuer des parties finies
dont
se tirent ces impossibilités
;
ruine cette objection par cette remarque u L'infini
si
simple 3
:
a des parties [finies] qui ne sont pas des parties aliquotes
en prenant un nombre déterminé, quelconque d'ailleurs, de il
est toujours
Un
impossible de reproduire
;
ces parties,
le tout. »
autre argument, qui est de tous les temps, est
le
suivant
'•
:
« D'une grandeur actuellement infinie, il est possible, tout au moins par la puissance de Dieu, de séparer une première partie finie,
i.
2.
3. 4.
Jean Jean Jean Jean
de de de de
Bassols,
loc. cit., fol.
ccxn,
Bassols,
loc. cit., fol.
ccxii, col. d.
Bassols,
loc. cit., fol.
ccxn,
Bassols, loc.
cit., fol.
col. d.
col. c.
ccxui, col. h.
NOTES
377
d'un pied, par exemple, ou de deux pieds; je demande alors si la partie restante est finie ou infinie. On ne peut dire qu'elle est infinie, car le tout étant plus grand que sa partie, actuel étant donné,
un
ce qui est faux et absurde.
deux grandeurs
car de
de
être
On ne
finies
Notre Franciscain répond
donc
être plus
même
1
il
en résulterait qu'un
peut dire non plus qu'elle est
on ne peut former un :
grand qu'un autre
n'y a pas d'inconvénient à cela
infini
s'il
ne
Un infini pourrait
du même genre?
s'agit
finie,
infini. »
Lorsque vous dites:
«
infini
espèce pourrait être plus grand,
pas de
je dis qu'il
l'infini
considéré
l'est de toute manière et sous tout rapport; qu'une ligne qui n'a de terme ni du côté de l'Orient ni du côté de l'Occident serait plus grande qu'une ligne illimitée du côté de l'Orient, mais ayant un terme du côté de l'Occident. »
simplement, de celui qui
c'est ainsi
Formé
à la dialectique la plus subtile par son maître
Bassols n'hésite pas à signaler des illogismes
même
dans
Duns
les
Scot,
raisonne-
ments du Stagirite. Il va plus loin il accuse le Philosophe de se contredire lui-même en niant le nombre actuellement infini « Si Aristote, dit-il 2 avait fait un tout de ses principes, il eût admis l'existence actuelle du nombre infini. Au huitième livre des Physiques, en effet, il a admis que le Monde était éternel et que les hommes s'étaient engendrés les uns les autres de toute éternité. En second lieu, il a admis que l'âme raisonnable était la forme et l'acte du corps; le nombre des âmes est donc précisément le même que le nombre des corps humains on ne voit pas qu'il ait admis l'opinion absurde soutenue depuis par le Commentateur, opinion selon laquelle il n'existe qu'un seul intellect pour tous les hommes; l'eût-il admise que l'on pourrait, je le prétends, lui prouver efficacement le contraire, une fois supposé ou démontré que l'âme est la forme du corps humain. En troisième lieu, aux trois premiers livres De l'âme et au seizième Des amimaux, il a admis que l'âme humaine était incorruptible, qu'elle ;
:
,
;
différait
par sa perpétuité de ce qui est corruptible
et
extrinsèque.
ces trois propositions découle cette conséquence inévitable
:
De
La multi-
tude des âmes humaines est infinie. Si donc, au troisième livre des Physiques, Aristote entend nier,
comme
l'affirme le
Commentateur,
la
même
et
du nombre infini actuel, il en résulte qu'il se contredit luique l'on peut, de ses dires, tirer également ces deux affirma-
tions
Il
y a
possibilité
:
un
infini
en acte.
Il
n'y a pas d'infini en acte
3.
»
Jean de Bassols, loc. cit., fol. ccxni, col. c. Jean de Bassols, loc. cit., fol. ccxn, col c. 3. Jean de Bassols, en ce passage, se montre fermement opposé à la doctrine averroïste de l'unité de l'intellect; d'ailleurs, il semble que cette doctrine, après avoir recruté de nombreux adhérents, à Paris, durant le xin siècle, n'en comptait plus guère au début du xiv" siècle; les condamnations formulées en 1277 lui avaient porté un coup fatal. Qu'il en fût bien ainsi, la lecture même de Jean de Bassols nous l'apprend. A propos de l'un des articles condamnés par Etienne Tempier, notre Fran1.
2.
8
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
378
Les philosophes qui veulent nier la grandeur infinie actuelle et le nombre infini actuel rattachent presque tous l'impossibilité de cet
grandeur
Si
finie.
une multitude toute grandeur
comme
d'une division actuellement infinie de la Dieu, disent-ils, pouvait réaliser actuellement
l'impossibilité
à
infini
infinie, finie
il
pourrait, d'une manière actuelle, partager
en une
infinité
ces philosophes, nie qu'une
manière
actuelle,
divisée à l'infini
impossibilité entraîne
de
celle
;
de parties indivisibles. Bassols,
grandeur finie puisse être, d'une mais il nie également que cette multitude actuellement
la
infinie.
La division d'une quantité finie quelconque en parties dont les grandeurs se succèdent selon un rapport constant, se poursuit, à l'infini. Il en est de même de l'augmentation d'une quantité dit-il par l'addition de semblables parties divisibles. La vertu divine ellemême ne peut réduire cette division ou cet accroissement à l'acte in facto esse, mais seulement à l'acte in fieri, et cela parce que la réalité ou la nature des choses répugne à cette actualisation. Mais cela ne fait «
1
,
point objection à notre proposition.
»
La doctrine si vigoureusement anti-aristotélicienne de Bassols, en ce problème de l'infini, prépare la réaction occamiste, en même temps qu'elle la dépasse de beaucoup; il est difficile de croire que l'« Auditoire » de Duns Scot n'ait pas influé sur le Venerabilis Inceptor.
III.
Durand de Saint- Pour çain.
semble bien, d'ailleurs, que la pensée de Jean de Bassols ait éveillé un écho en la raison d'autres scolastiques de son temps Durand de Saint-Pourçain, par exemple, paraît avoir connu cette pensée et s'être trouvé sur le point de se laisser séduire par elle. A quel moment Durand de Saint-Pourçain philosophait-il ? Il florissait, nous dit Trittenheim 2 au voisinage de l'an i3i8. Mais l'activité Il
;
,
amené à
parler des circonstances dans lesquelles cette sentence fut rendue. % quelques hommes qui soutenaient cette opinion aucune matière ne fait partie de l'àme, il ne peut y avoir plusieurs âmes
ciscain est
« Il y avait alors à Paris, dit-il
Comme
numériquement
:
distinctes. »
Jean de Bassols, loc. cit., fol. ccxm, col. c. 2. D. Durandi a sancto Portiano super sententias theologicas Pétri Lombardi cornmentariorutn libri quatuor, per fratrein Iacobum Albertum Castrensem ad fidem veterum exemplarium diligenter recogniti. Post omnes omnium œditioncs hactenus vulgatas 1.
a) Profundissimi Sacre théologie p7*ofessoris F. Joannis de Bassolis minorité in secuiulum sentenliarum Qucstiones inyeniosissime : et sane quam utiles... Venuradantur in vico Maturinorum apud Joanuem Frollon fidelissimum Bibliopolara sub sigoo Avicludii commorantera. ParhisiusColophon Kxpliciunt preclarissime et sane quam utiles questiones super secundum seDtentiarum :a profundissimo et ingenioso theologo Fratre Joanne de Bassolis sludiose composite et discusse. Impressc uovitor in aima Farhisiorum Lutecia... Sumptibus honestorum bibliopolarum Francisci Reg-nault et :
|
Joannis Frellon. Arte vero et nitidissimis caracteribus Nicolai de Pratis Calcographi probatissirai. Anno ab orbe redemplo millesimo quingentesimo decirao sexto die ultimo meusis Octobris. Laus Jesu. Dist. III, quïi'st. II ; fol. xxxiv, col. d. |
NOTES
379
de ce Scolastique ne se laisse pas dater avec cette étroite précision ni restreindre en l'espace d'une année; à la fin de son commentaire aux Livres de Sentences, l'auteur nous apprend qu'il termine intellectuelle
'
dans
ouvrage qu'il a
la vieillesse cet
commencé dans
sa jeunesse; son
labeur semble donc avoir duré de longues années, comprises en
première moitié du
Membre de
\iv° siècle.
de saint Dominique, Durand
l'ordre
thomiste convaincu
;
il
abandonna ensuite
la
Il
question de
est assez
«
d'abord,
du Docteur
esprit hésitant, dont
lorsqu'il traite
de
la
l'infini actuel.
Dieu peut- il produire un grandeur?
fut,
tradition
nous apparaît, d'ailleurs, comme un les convictions ont dû changer bien souvent. De ces variations, il nous fait lui-même l'aveu Angélique.
la
infini
actuel,
soit
en nombre,
soit
en
L'opinion qui l'affirme, dit Durand de Saint-Pou rçain^,
probable;
elle
a été adoptée par Avicenne, par Al-Gazali
moi-même,
semblé parfois recevable. Mais il est une autre manière de répondre qui semble plus probable; c'est que Dieu ne peut, d'une manière actuelle, produire de tels infinis, non par défaut de puissance, mais parce que la réalité et
par quelques autres;
à
elle a
répugne à cette actualisation. » Afin de justifier la préférence que lui inspire cette dernière opinion, Durand examine avec grand soin les arguments qui ont été produits pour ou contre l'infini actuel; en cette discussion, il semble surtout viser les raisonnements de Jean de Bassols dont, parfois, il reproduit presque textuellement les paroles. Si le Docteur dominicain a été tenté d'attribuer à Dieu le pouvoir de produire un infini actuel, le tentateur n'était-il pas le Docteur franciscain?
IV. Jean Buridan.
Au
milieu du xiv e
siècle,
l'École parisienne se
met
à discuter les
questions relatives à l'infini avec une logique plus raffinée que celle dont on avait usé jusque-là; en ces discussions, la distinction entre l'infini
catégorique et
l'infini
syncatégorique joue
un
rôle essentiel.
et cùm expatianter tum forsan accuratiùs, ut hanc nostram cum aliis postremam œditionem conferenti liquidé apparebit. Authoris vitam, professionem et opéra versa pagina indicabit. Venundantur Parisiis apud Ioannem Roigny sub Extrait de Joannis basilisco, et quatuor elemenlis, via ad divum Iacobum. i53g. Trittenhemii Abbatis Spanhemensis Catalogus scriptorum ecclesiaslicorurn, inséré au verso du titre. 1. Durand de Saint-Pourçain, Op. cit., Conclusio operis, a tempore quo author opus inceptum hoc perscripsit; éd. cit., fol. 32/4, verso. 2. Durand de Saint-Pourçain, Op. cit., libri primi dist. XLI1I, quaest. II; éd. cit.,
exeruimus,
—
foll. 86-87.
:
ÉTUDES
38o
SI
11
LÉONARD DE VINCI
Nous avons vu Petrus Hispanus introduire cette distinction, Burley y faire une fois appel, Albert de Saxe, enfin, et ses successeurs en faire un constant usage. Un peu plus jeune que Walter Burley, sensiblement plus âgé qu'Albert de Saxe, Jean Buridan vient se placer entre eux comme un i
intermédiaire naturel; son influence sur l'enseignement d'Albertutius a été souvent très profonde.
Nous n'avions pu,
jusqu'ici,
prendre connaissance des Questions
sur la Physique d'Aristote qu'a composées maître Jean Buridan récemment, il nous a été donné de les étudier en l'exemplaire manu;
que conserve Dullaert de Gand scrit
la
Bibliothèque nationale 3
fit
imprimer
ces
.
En
Questions 3;
1590, à Paris, Jean
nous n'avons pu
consulter cette édition.
Bien que Buridan n'ait pas apporté, en tout ce qu'il a dit de fini,
la
même
clarté et la
même
l'in-
précision qu'Albert de Saxe, les
du maître de Béthune ont assurément dirigé celles d'Albertutius; en sorte que Léonard de Vinci, en lisant celles-ci, percevait bien souvent un reflet de celles-là. Il nous faut donc arrêter un instant aux doctrines que Buridan enseignait au sujet des deux
discussions
infinis.
Buridan attache une grande importance à la notion d'infini syncomment il définit 4 la grandeur syncatégoriquement infinie C'est une grandeur quelconque, mais jamais si grande qu'on n'en puisse trouver une encore plus grande (aliquantum, et non tantum quin majus). Le nombre syncatégoriquement infini est suscep-
catégorique. Voici :
tible
d'une définition analogue.
Tout aussitôt, Buridan donne un exemple de longueur syncatégoriquement infinie; il l'emprunte à cette sorte d'hélice 5 dont le pas décroît en progression géométrique et que les. scolastiques ont si souvent prise pour exemple; quelque longue que soit la partie décrite de cette hélice, on en peut décrire une encore plus longue. La grandeur catégoriquement infinie serait telle qu'on n'en puisse donner une qui la surpasse. Buridan remarque que l'existence d'une grandeur catégoriquement infinie rendrait impossible la grandeur 1.
Voir pp. 21-23.
2.
Questiones totius libri phisicorum édite a Magistro
fonds lalin, ms. n° 3.
Acutissimi
Johannc Buridam
(Bibl. nat..
1/4723).
philosophi
reverendissimi
magistri Johannis
Buridani
subtilissime
questiones super octo Phisicorum libros dilig enter recognite et revise a magistro Joanne
Venum exponuntur in edibus Dionisi Hic Roce, Parisius, in vico divi Jacobi, sub divi Martini intersignio. Colophon Buridani super octo Phisifi nom accipiunt questiones reverendi magistri Johannis corum libros, impresse Parhisius opéra ac industria magistri Pétri Ledru, impensis... Dionisi Boce... anno millesimo quingentcsimo nono, octavo calendas novembres. 4. Magistri Johannis Buridam questiones totius libri Phisicorum, lib. 111, quœst. XVIII Utrum in quolibet continuo infinité sint partes (ms. cit., loi. 58, col. c). f>. Noir p. 'i'i. Dullaert de Gandavo antea nusquam impresse.
:
:
NOTES
même
syncatégoriquement infinie de
û8l
du moins tant que l'on qui a été donnée tout à
espèce,
maintiendrait intégralement la définition l'heure.
Supposons, par exemple l'existence du corps catégoriquement infini. On ne pourrait dire qu'étant donné un corps quelconque, on 1
,
en peut toujours donner un plus grand, puisqu'il existerait un corps tel
de plus grand.
qu'il n'en puisse exister
11
n'y aurait
donc pas de
corps syncatégoriquement infini. Toutefois, en ce cas, étant
pourrait toujours trouver sorte
que
cette proposition
tégoriquement
un
donné un corps
autre corps
demeurerait vraie
infini (infinitam est
fini quelconque,
qui
fini :
soit
on
plus grand; en
Le corps
fini est synca-
corpus finitum).
forme que Buridan énonce toujours l'existence d'un infini syncatégorique, témoin ce passage si clair 2 « Il peut y avoir un mouvement éternel ou infini, et de même un temps éternel, du moins dans le futur... Cette conclusion est évidente si l'on prend ces mots éternel et infini, au sens syncatégorique. Selon il n'existe aucun mouvement, Aristote, en effet, on devrait dire aucun temps de si longue durée qu'il n'y ait un mouvement, un temps de plus longue durée et selon la vérité de notre foi, » il en est de C'est sous cette
:
:
:
;
même. « Le temps et le mouvement peuvent donc durer perpétuellement et à l'infini. Le mouvement fini peut donc être infini (Ergo infinitus potest esse motus finitus), car un mouvement fini ne peut être si long qu'il ne puisse exister un autre mouvement fini plus long. »
Albert de Saxe, pour affirmer que la durée
tégoriquement
infinie,
merait, au contraire,
dirait 3
que
cette
:
du mouvement
In infinitum durât
est synca-
motus;
il
affir-
durée est un infini catégorique
s'il
Motus durât in infinitum. Nifo lui attribue formellement ^ l'invention de cette forme de langage dont, en effet, nous ne trouvons nulle trace dans les Questions sur la Physique de Maître Jean disait
:
Buridan.
La grandeur syncatégoriquement
infinie
peut- elle être? Contre
mais avec Richard de Middleton, Durand de Saint-Pourçain, Guillaume d'Ockam et Walter Burley, Buridan n'hésite pas à admettre que la puissance divine est capable de la produire 5 « La grandeur infinie peut exister si l'on prend le mot infinie au sens syncatégorique. Il ne peut, en effet, exister de grandeur finie si
Aristote,
.
Jean Buridan, loc. cit., fol. 58, col. d. Magistri Johannis Buridam questiones totius libri Phisicorum ; lib. VIII, quœst. III Utrum sit aliquis motus œternus; ms. cit., fol. 97, coll. bet c. 3. Voir p. 23, en note. k. Voir p. 36. 5. Magistri Johannis Buridam questiones tôt ius libri Phisicorum; lib. III, quœst. XIX Utrum possibile est infinitam esse magnitudinem; ms. cit., fol. 60, col. b. 1.
2.
:
:
ÉTUDES SUR LEONARD DE M.NCI
'5$2
considérable qu'il n'en puisse exister une plus considérable, une qui soit,
par rapport à
terme;
première, double, décuple, et ainsi de suite, sans
la
comme aucune grandeur ne
et
saurait exister
si elle
n'est finie,
on peut dire plus simplement qu'étant donnée une grandeur quelconque longue d'un pied, il peut en exister une deux fois plus grande, cent fois plus grande, etc. Mais cela ne peut être réalisé que par la puissance divine.
»
grandeur catégoriquement infinie est-elle également au pouvoir de Dieu? En faveur de l'affirmative, Buridan expose l'argument qui devait si fort préoccuper Albert de Saxea et, après lui,
La
réalisation de la
1
la
plupart des Scolastiques.
On
peut imaginer qu'une heure c'est-à-dire en
tionnelles,
en parties propordurées décroissent en
ait été divisée
parties
dont
les
progression géométrique de raison {; on peut supposer qu'en chacune
de ces parties proportionnelles, Dieu crée une pierre d'un pied cube; à la fin de l'heure,
quement « Ista
il
aura créé une pierre actuellement
et catégori-
infinie.
quaestio apparet mihi bene
difjicilis, » dit
Buridan 3. Le philo-
sophe de Béthune la soumet, en effet, à une discussion qui n'est exempte ni de chicanes ni d'obscurités. Il clôt 4 cependant cette
remarque que voici « S'il était possible que Dieu agît ainsi, il en résulterait que la dernière partie proportionnelle d'une heure pourrait être donnée, ce qui est faux, comme nous l'avons dit. » Cette remarque est devenue la majeure du raisonnement par lequel discussion par
la
:
Albert de Saxe a réfuté 5 l'argument
produit en faveur de
l'infini
actuel.
La discussion dont nous venons de parler contient un passage G qui mérite d'attirer notre attention.
Buridan en prend occasion, en effet, de rappeler ce principe sur lequel Duns Scot et Walter Burley ont insisté « Une proposition universelle peut être impossible alors que chacune des propositions plus particulières qu'elle renferme est possible et qu'elles sont compossibles les unes avec les autres. » Selon le langage des logiciens :
scolastiques, la proposition universelle qui est la synthèse de ces pro-
au sens
au sens composé, a De la possibilité d'une proposition prise au sens divisé, on ne saurait conclure la possibilité de cette même proposition prise au sens composé, lorsque ce dernier sens maintient l'universalité.)) En ce
positions
i.
a.
3. ti.
5. G.
Jean Voir Jean Jean Voir Jean
particulières
Buridan, p.
est vraie
(oc. cit., fol. 5<), col. c.
/j3.
Buridan, loc. Buridan, loc pp.
cit., fol.
cil., fol.
5g, col. d. Go, col. a.
tiS-l\l\.
Buridan,
loc. cil., fol. Go, col. b.
divisé
et
fausse
NOTES
même
080
problème, Albert de Saxe, visiblement dirigé par l'enseignement
même
de Buridan, recourra au
Tout
être eht-il
de surpasser?
principe
.
maximums
borné par un certain
Si les
1
qu'il lui est interdit
puissances naturelles entrent seules en jeu, cela
peut être; mais aucun être naturel ne saurait être puissance divine ne fût espèce que celui-là et
grand que la capable de produire un autre être de même plus grand que lui; du moment que la puissi
sance divine entre en jeu, toute espèce d'être est capable d'infinité syncatégorique. Cette question les divers
amène Buridan
à parler3
du maximum qui termine
degrés d'une puissance. Nous avons vu
comment
cet antique
sujet de discussion de la les écrits
Physique péripatéticienne avait pris, dans d'Albert de Saxe, une forme particulièrement rigoureuse'
comment
la
1
;
plupart des successeurs d'Albertutius avaient longuement
problème; comment enfin Léonard de Vinci avait repris exactement l'exposé d'Albert de Saxe 5 traité ce
fort
.
Cet exposé, nous
le
trouvons préparé par celui de Jean Buridan,
mais combien la rigueur et la précision sont plus grandes en l'œuvre du Maître allemand qu'en l'œuvre du Maître picard Celui-ci se borne à formuler des conclusions qu'il donne comme probables et communément reçues « soient poni conclasiones probabiles. » « Admettons que A soit la puissance capable de lever un grand poids il n'est pas possible de donner le poids le plus grand que A puisse lever cette conclusion est évidente si l'on admet que l'action ne peut se produire lorsque la puissance agissante est égale ou infé!
:
;
;
rieure à la résistance. »... l'on
Aux conclusions
formule
déjà posées, on peut en joindre d'autres que
communément
et
avec raison.
La première de ces conclusions est la suivante On peut donner le poids le plus petit parmi ceux que A ne peut lever. En effet, il est certain que le poids peut tellement croître que A devienne incapable de le lever. Il faut donc que cette puissance soit bornée à un certain poids. Or, elle ne peut l'être que de l'une des deux manières que »
:
voici
:
qu'elle le tel
Ou
bien
la
puissance
A
peut lever ce poids limite, tandis
ne peut lever aucun poids plus grand
poids
maximum
poids ne pouvait
qu'elle puisse lever; et être.
Ou
bien
la
;
ce poids-là serait alors
nous avons admis qu'un
puissance
A
est
incapable de lever
ce poids; mais elle est capable de lever tout poids moindre; c'est pré-
1.
Voir
p.
k'-x-
Magistri Johannis Buridam questiones totius libri Phisicorum; lib. I, qua3st. XII Utrum omnia naturalia siat determinata ad maximum ms. cit., fol. i/i, coll. dseqq, 2.
:
;
3. /j.
5.
Jean Buridan, loc. Voir pp. ik -3o. Voir pp. 52-53.
cit.,
fol. 16, coll.
b
et d.
ÉTUDES SUK LÉOxNAHD DE VINCI
38/|
cisément
notre conclusion; ce poids, en
là
A
parmi ceux que moindre.
elle
minimum
peut lever tout poids
de Saxe a discuté avec sa minutieuse logique
du maximum le
car
poids
effet, est le
»
Si Albert
nous
ne peut
lever,
in
voyons,
quod
du minimum
sic et
la solution qu'il a
qu'en son temps,
elle
était
in
la
question
quod non, il n'a pas créé, Buridan nous apprend
adoptée;
communément
reçue à l'Université de
Paris.
La question que Buridan vient de traiter le conduit tout aussitôt à l'examen de cette autre Tous les êtres naturels sont-ils inférieurement bornés à un certain minimum ? Il ne s'agit nullement pour le maître de l'Université de Paris de discuter la divisibilité syncatégoriquement infinie de la grandeur abstraite la seule divisibilité qu'il mette en question est celle des »
:
;
corps réels et concrets.
Au
sujet de cette divisibilité,
cette conclusion,
On
il
la
une conclusion
formule en ces termes
peut donner une grandeur
lui paraît certaine;
:
petite qu'un corps de cette grandeur ou d'une grandeur moindre, qui serait isolé de tout autre corps de même espèce, ne saurait être conservé pendant un temps prolongé «
et
si
notable; ce corps tendrait continuellement à sa corruption et les
corps qui lui sont voisins l'auraient bientôt corrompu. Cette
conclusion reflète l'influence de Richard de Middleton
d'Ockam,
et
va influer à son tour sur Albert de Saxe question du
concerne pas directement
la
a été posée par Gilles de
Rome 3
formule en ces termes «
»
.
minimum
2;
mais
elle
et
ne
naturel telle qu'elle
Cette dernière question, Buridan la
:
Peut-être posera-t-ou l'interrogation suivante
:
Est-il possible
de
donner un corps naturel, isolé de tout corps de même espèce que lui, et si petit, qu'aucuu corps de cette même espèce, isolément existant, ne puisse être moindre? Il est certain que la puissance divine peut réaliser un corps de même espèce qui soit moindre que celui-là; mais le doute soulevé est relatif aux puissances naturelles. » Ce doute, Buridan ne trouve pas de certitude capable de l'éclairer les solutions proposées ne lui inspirent aucune confiance; u il me semble, observe-t-il, que tout cela est dit sans aucune preuve. Sed tune mihi videtur quod haec omnia dicta sunt sine aliqua probatione. » ;
—
i.
Maglstri Johannis
Utrum omnia 2.
3.
Buridam
questiones totius libri Phisicorutn
enlia naturalia sunt detcrminata ad
Voir p. i5. Voir pp. 11-12.
minimum;
;
ms.
lib.
1,
quœst. X11I
cit., fol. 17.
:
o85
ÎSUTES
V. Grégoire de Rimini. Aristote avait affirmé
non seulement si
grandeur
la
infinie était contradictoire,
supposer réalisée en acte, mais même attribuer une existence en puissance. Jean de
l'on voulait la
si
l'on se bornait à lui
Bassols,
que
la doctrine péripatéti-
poussant à l'extrême l'opposition à
cienne, n'avait pas hésité à déclarer que l'infini, aussi bien actuel que potenliel, n'était point contradictoire et que, sous
sous l'autre,
il
une forme comme
pouvait être produit par la Puissance divine.
Après bien des hésitations, Durand de Saint-Pourçain est parvenu à formuler une opinion qui fut une sorte de moyen terme entre celle d' Aristote et celle de Jean de Bassols. Avec Aristote, Durand de Dieu Saint-Pourçain regarde l'infini en acte comme contradictoire ;
même
ne saurait
le
En
produire.
puissance n'a rien d'illogique;
revanche,
la
il
admet que
Vertu divine
l'infini
en
peut engendrer.
le
Cette opinion est celle qu'avait soutenue Richard de Middleton. Cette doctrine de Richard de Middleton et de Durand de Saint-
Pourçain, Guillaume d'Ockam est habituelle.
Walter Burley
la
professe avec
netteté
qui lui
soutient d'une manière non moins
la
formelle. Jean Buridan l'adopte ensuite;
il
l'expose et la défend avec
toute l'habileté logique à laquelle l'étude des
Hispanus
la
a habitué les Parisiens
;
la distinction
Summulae de Petrus entre l'infini catégo-
syncatégorique dirige toute sa discussion. Après Jean
rique et l'infini
Buridan, Albert de Saxe consacre toute la rigueur
et
toute la clarté
coutumier à exposer les doctrines de son maître. Au temps même où Jean Buridan développait, au sujet de l'infini, des pensées inspirées par celles de Guillaume d'Ockam, la tradition de Jean de Bassols était reprise par un logicien d'une puissance et d'une audace également rares c'est en i3A4, en effet, que Grégoire de dont son génie
est
;
Rimini mettait
la
main
dernière
à ses Questions sur les livres des
Sentences. Si
Grégoire de Rimini se trouve parfois,
essentiels, en contradiction avec
le
et à
propos de problèmes
Venerabilis Inceptor, cette contra-
diction, cependant, n'est pas continuelle.
Il
est
nombre de
points où
deux philosophes s'accordent. Ce que Grégoire de Rimini, par exemple, dit des indivisibles de la Géométrie, du point, de la ligne, de la surface, eût été avoué par Guillaume d'Ockam; il y eût reconnu
les
opposait à l'École scotiste.
les principes qu'il
Comme
Guillaume d'Ockam, Grégoire nie formellement!
«
qu'en
Gregorius de Arimino. In secundo sententiarum nuperrime impressus. Elquam diliPer venerabilem sacre théologie bacalarium fratrem Explicit lectura secundi sententiarum Fratris Colophon Paulum de Genezano. Gregorii de Arimino sacri ordinis Heremitarum Sancti Angustini théologie profesi.
gent issime sue integritati restitutus.
—
;
i».
nu hem.
:
:
a5
ETUDES SUR LEONARD DE
38G
aucune grandeur,
quelque indivisible qui
existe réellement
il
\i.\Cl
soit
intrinsèque à cette grandeur», et qui ne lui soit pas seulement présent et coexistant
comme
l'âme
Qu'une grandeur ne
nombre
on
d'indivisibles,
au corps.
l'est
soit
pas simplement formée par un certain
s'en peut aisément convaincre à l'aide des
arguments géométriques que Roger Bacon et Duns Scot ont mis à la mode et que notre auteur développe avec complaisance i. Mais, sans prétendre que la grandeur est composée d'indivisibles, que le volume, par exemple, est un empilement de surfaces, on pourrait affirmer, et c'est ce qu'a soutenu Duns Scot, qu'au sein de la grandeur, l'indivisible jouit d'une existence réelle, que la surface qui termine un volume, par exemple, est une entité distincte de ce volume, capable de servir de sujet, de support, à certains attributs physiques tels que la
couleur.
Grégoire de Rimini, en formulant citée;
«en aucune grandeur,
Comme
répète-t-il
»
arguments en faveur de
s'élève avec force
proposition que nous avons
la
empruntaient à
les Scotistes
que
des Scotistes
C'est contre cette affirmation
la
de point. » Physique leurs principaux 2,
«il n'existe
l'existence réelle des indivisibles, c'est surtout
que notre auteur fait appel 3 pour démontrer que ces entités ne sauraient être admises le mouvement local d'un point, par exemple, lui paraît être une absurdité. Quelle est donc l'exacte nature de ces indivisibles que l'on nomme à des raisons de Physique
;
point, ligne, surface
une
parfaite clarté
Ces
«
noms
Grégoire expose son opinion à ce sujet
?
4
avec
:
de ligne,
de surface, de corps, peuvent être pris en deux
sens différents. »
En un premier
sens,
ils
signifient des grandeurs véritables existant
réellement hors de l'âme. »
une
En
ce premier sens, ce
même
que l'on
nomme ligne, surface et corps,
c'est
grandeur, mais considérée à des points de vue (rationes)
différents. Cette
grandeur, on
nomme
la
ligne
en tant qu'elle
est
étendue selon une certaine dimension ou selon une certaine différence de situation; en tant qu'elle est étendue selon deux dimensions, on la
nomme
surface, et corps, en tant qu'elle est étendue suivant trois
soris excellentissimi
:
Prioris generalis
quoadam
prefati ordinis
:
qui legit Parisius
anno domitii i344°. Per venerabilem sacre théologie bacalarium fratrem Paulum de Geneçano quamdiligentissime castigata et sue pristine integritati reslituta. — Après la table: Venctiis sumptibus heredum quondam domini Octaviani Scoti Modoetiensis ac sociorum. 8 octobris i5i8. sibili
aut invisibili. Art.
I
:
— Dist.
Il,
Quaest.
Il
:
Utrum angélus
An magnitudo componitur
col. d. 1.
2. 3. *\.
Grégoire de Rimiui, Grégoire de Rimini, Grégoire de Rimini, (Irégoire de Rimini,
loc. cit., fol. 28, col. a, loc. cit., fol.
à fol. 29, col. b.
32, col. d.
loc. cit., fol. 33, col. b. loc.
cit., fol.
.'>:>,
sit
in loco divi-
ex indivisibilibus
col. d. cl fol. 34, col. a.
;
fol. 3a,
NOTES
387
dimensions. Or, toute grandeur qui existe hors de notre
âme
est
la fois selon une dimension, selon deux dimensions et selon dimensions il n'en est aucune qui soit étendue seulement suivant une ou deux dimensions. » ... Donc, si l'on prend les mots en ce sens, toute ligne est en même temps surface et corps, et on peut en dire autant, mutatis
étendue à trois
;
mutandis, de
du corps
la surface et
La ligne est une grandeur qui n'a d'étendue que suivant une seule dimension mais d'après ce qui vient d'être dit, l'exclusion qui est ici formulée n'entend point signifier que cette chose réelle qui est une ligne n'a pas d'extension suivant plus d'une dimension; elle signifie que la définition de la ligne n'implique pas que cette chose soit étendue suivant plusieurs dimensions, mais seulement qu'elle est étendue selon une dimension » Ces mots peuvent être pris en un second sens, comme signifiant des grandeurs fictives et imaginaires ou des images de grandeurs que l'âme feint en elle-même, non par une quelconque de ses puissances sensitives, mais en son seul intellect. Dans la réalité extérieure, il n'y a ni aire sans profondeur, ni longueur sans largeur cependant l'expérience nous montre que nous pouvons, en nous-même feindre et considérer une certaine aire sans considérer aucune profondeur, c'est-à-dire concevoir une certaine grandeur étendue seulement suivant deux dimensions nous pouvons, de même, considérer une pure longueur dénuée de largeur; nous pouvons encore considérer une figure douée de profondeur, c'est-à-dire une grandeur étendue suivant trois dimensions, suivant trois différences de situation. Ce sont les grandeurs fictives de cette sorte que nous nommons »
Les auteurs disent
:
;
;
;
;
surfaces, lignes, corps.
»
Ces principes fournissent
que pourraient
faire
l
valoir
une réponse les
aisée à toutes les objections
partisans
de l'existence réelle des
indivisibles.
Une grandeur ne
saurait être
composée
d'indivisibles
;
elle
ne peut
composée que de grandeurs de même espèce il serait d'ailleurs absurde de prétendre que le nombre de ses parties est incapable de surpasser une certaine valeur finie il reste donc qu'elle admette une
être
;
;
infinité
de parties; Grégoire de Rimini
se
trouve ainsi conduit à
analyser la redoutable notion d'infini. L'analyse à laquelle
il
va procéder suppose, tout d'abord, que l'on
introduise, entre les diverses manières de concevoir l'infini, la célèbre distinction posée par Petrus Hispanus. «
La discussion des opinions que certains philosophes professent en matière, dit Grégoire de Rimini 2 nous amène à poser une
cette 1.
2.
,
Grégoire de Rimini, Grégoire de Rimini,
loc. cit., fol. 3/i,
recto et verso-
loc. cit., fol. 3o, col. b.
ÉTUDES SUU LÉONARD DE VINCI
388
distinction au sujet de ce terme
sens différents; selon
langage
le
infini,
:
qui peut être pris en deux
communément
reçu,
peut être pris
il
au sens syncatégoriqae ou bien au sens catégorique. » S'il s'agit des quantités continues, le premier sens équivaut à Une quantité ne peut être si grande qu'il n'en existe cette phrase une plus grande (non tanlum quin majusj. S'il s'agit de multitudes :
d'objets distincts,
peut être (non
si
équivaut à cette autre phrase
il
nombreuse
quin plura).
lot
Ces définitions de
:
Une multitude ne
n'en soit une plus nombreuse encore
qu'il
»
communément
syncatégorique,
l'infini
acceptées
au temps de Grégoire de flimini, sont celles-là même dont Jean Buridan fait usage; elles ne satisfont pas entièrement le très subtil Augustin qui propose une formule différente pour caractériser l'infini syncatégorique quantité finie,
« Je
:
si
crois
grande
qu'il
de plus grand, ou bien un nombre
donné,
est
il
Une
:
quelque chose
considérable
quelque chose de plus considérable (quantocunque
finito
veut,
:
est
il
étant
finitis
fini,
Une
la
quantité
si
plura).
au contraire, prendre
on explique ce sens par continues
donnée,
soit-il,
majus, vel quotcunque » Si l'on
exact de dire
plus
serait
soit-elle, étant
au sens catégorique,
l'infini
phrase suivante, lorsqu'il si
s'agit
de quantités
grande qu'une quantité plus grande
on
n'existe pas et ne saurait exister. Lorsqu'il s'agit d'objets distincts, le définit
:
Une multitude
plus considérable. Ici
encore,
si
considérable qu'il n'en saurait exister de
»
Grégoire ne se montre pas disposé à accepter
manières courantes de parler d'infini catégorique le
premier
:
«
Cette manière d'exposer la notion
ne semble pas convenable
;
selon le Philosophe,
qu'il n'en existe pas
et
qu'il
un corps
grand n'en saurait exister de plus grand;
tout au moins, l'Univers est
ciel ou,
ces
cependant, ce n'est pas un corps
infini.
si
De même, suivant un
très
grand nombre de docteurs modernes, il peut exister, bien plus! il existe une multitude plus grande qu une multitude infinie. » Aussi d'autres donnent- ils une meilleure définition de l'infini [catégorique] en disant, s'il s'agit de quantités continues, qu'il est plus grand qu'une grandeur d'un pied, qu'une grandeur de deux pieds, qu'une grandeur de trois pieds et que toutes les grandeurs finies que vous voudrez; et s'il s'agit d'objets distincts, en disant qu'il est plus grand que deux, que trois, que quatre et que toutes les multitudes finies. On peut dire encore que l'infini, pris en ce sens. peut, en ce qui concerne les quantités continues, se définir par celle
grand que toute quantité finie, si grande soit-ellr (majus quantocunque finito). Il peut se caractériser par cette phrase. phrase
s'il
:
s'agit
Il
est plus
d'une multitude d'objets distincts
que tout nombre
fini, si
grand
soit-il
:
Elle est plus considérable
{plura quotcunque finitisj.
n
non; s
389
Grégoire de Rimini caractérise donc par une simple transposition
de mots cunqiie
deux acceptions du terme
les
majus
finito
finito
s'agit
s'il
d'un
infini
systématique par Albert de Saxe
le très
et
;
il
dit
:
Qaantocunqiie
Majas quantocatégorique. Cette manière de employée d'une manière tout à
et
et
:
par ses successeurs
grand avantage d'introduire dans
concision
infini
syncatégorique
infini
en français, a été
parler, intraduisible fait
d'un
s'agit
s'il
les
i ;
elle avait
discussions beaucoup de
de netteté.
Ces deux formules rappelaient, d'ailleurs, à scolastiques, des idées clairement conçues.
l'esprit
des logiciens
Quantocunque finito majas, ils entendaient qu'une quantité finie étant donnée, on pouvait toujours prendre une autre quantité finie plus grande que celle-là, quelle que soit d'ailleurs Lorsqu'ils
disaient
:
celle-là; en cette opération, des quantités finies étaient seules posées,
mais l'opération, ne s'achevant jamais, définissait un infini in ficri. Lorsqu'ils disaient, au contraire Majas qaantocanqae finito, ils entendaient que toutes les quantités finies concevables étaient données, :
qu'aucune quantité
grande ne pouvait plus être prise, et ils concevaient un objet doué d'existence actuelle et plus grand que toute quantité finie. C'est cet infini in facto esse que Grégoire de Rimini, Albert de Saxe et leurs successeurs nommaient infini catégorique ; aujourd'hui, nous
Que
telle
soit
finie plus
le
nommerions
transfini.
bien l'exacte pensée de Grégoire de Rimini, nous
nous en convaincrons de plus en plus fermement au fur et à mesure que nous pénétrerons plus avant dans l'étude de son écrit; mais pour n'en pas douter, il nous suffirait de lire les lignes qui suivent immédiatement celles que nous avons citées en dernier lieu « Ces deux acceptions du mot infini diffèrent notablement Le préinfini, appliqué dicat au sujet d'une proposition, et pris au sens catégorique*, rend la proposition universelle; il ne la rend pas universelle s'il est pris au sens syncatégorique. Or, il peut arriver qu'une proposition soit vraie dans ce dernier cas et fausse dans le premier.» Et Grégoire cite un exemple de proposition qui est vraie ou fausse selon que le sens adopté est le sens syncatégorique ou le sens catégorique. :
:
Contre
la
nombreuses fices variés,
On peut i.
Voir
possibilité
pour
et,
on
la
de
l'infini
les
objections sont
de celle possibilité des conclusions de celte sorte
tire
ajouter quelque chose à
p. ^3,
catégorique,
plupart, fort délicates à résoudre; par des arti-
en noie,
p. 30 et p. 38
l'infini,
il
3
:
peut y avoir quelque chose
1.
Dans le texte imprimé, les deux mots syncalheyoreumatice et cathegoreumatice ont été permutés par une erreur manifeste. 3. Gregorius de Arimino In primo sententiarum nuperrime impressus. Et quam diligentissime sue integrilati restitutus. Per venerabilem sacre théologie bacalariumfratrem Paulum de Genezano. Colophon Explicit lectura primi sententiarum fratris Gregorii de Arimino sacri ordinis heremitarum sancti Aug\ Théologie professons i.
:
—
:
:
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
3qO de plus grand que
l'infini,
un
infini
peut être multiple d'un autre,
Ces conclusions, on les répute absurdes, et on en conclut que bilité de l'infini catégorique est contradictoire. Valables contre
un
comme une
qui serait conçu
infini
etc.
possi-
la
grandeur
n'en pût exister de plus grande, ces objections sont sans
telle qu'il
force contre l'infini catégorique tel
que Grégoire de Rimini
l'a
défini.
Déjà Jean de Bassols, pressentant obscurément cette définition, n'avait pas hésité à admettre toutes ces conclusions, en se refusant à les taxer
franchement accepté qu'un infini fût plus grand infini fût partie d'un autre infini qu'un il rappequ'un autre lait qu'on pouvait, à ces objections, donner cette réponse: «La comparaison des quantités plus grandes ou plus petites ne peut se faire qu'entre quantités finies»; mais cette réponse, il la traitait dédaigneuSed non euro. » sement a Je n'en ai cure. d'absurdes
;
avait
il
infini,
;
1
—
:
En
dépit de l'indifférence avec laquelle elle est traitée par Jean de
Bassols,
la
grand, plus
question vaut petit, tout,
la
peine d'être examinée. Les mots plus
sens que lorsqu'il s'agit de grandeurs finies
pense pas
et,
même
partie ont-ils, lorsqu'il s'agit d'infinis, le ?
Grégoire de Rimini ne
avec une extrême sagacité logique,
s'efforce
il
de
le
distin-
et de définir les significations diverses de ces mots.
guer
La rigueur de notre philosophe s'exerce d'abord au sujet des termes « Ces termes, en effet, peuvent être pris en deux sens tout et partie différents, au sens commun et au sens propre. » Au premier sens, une chose quelconque qui comprend une seconde chose et, en outre, une troisième chose distincte de la seconde et de tout ce qui est compris en la seconde, est dite un tout par rapport à et toute chose ainsi comprise dans un tout est cette seconde chose dite partie du tout qui la comprend. » Au second sens, pour qu'une chose soit dite un tout par rapport à une autre chose, il faut non seulement qu'elle comprenne cette autre chose comme le suppose le premier sens, mais il faut encore que le tout comprenne un nombre déterminé de choses de grandeur déterminée (tôt tanta) que ne comprend pas la chose incluse; inversement, 12
.
;
precellentissimi
:
quondam
prioris generalis
prefati ordinis.
Qui
legit Parisius
anno
Per venerabilem sacre théologie bacalarium fratrem Paulum de GeneAprès la çano quamdiligentissime castigata et sue pristine integritati restituta. table Venetiis impensa heredum quondam domini Octaviani Scoti Modoetiensis ac sociorum. 10 Julii i5i8. Distt. XLII, XLIII, XLIV; quaest. IV: llriim Deus per infinitam suam potentiam posset producere effectum aliquem actu infinitum Lib. II, dist. III, quaest. I Utrum per aliquam potenart. II, fol. i54, col. d. Cf. tiam fuerit possibile aliquam rem aliam a Deo fuisse ab aeterno art. II, fol. ia,
domini
1
3/i4°.
—
:
—
;
—
:
:
;
col. c. i.
Opéra Joannis de Bassolis
in
quaest. unica, fol. ccxiii, col. c. >.. (iregorius de Arimino, In
quaest. IV, art.
Il, fol.
i55, col. d.
quatuor Sententiarum
primo sententiarum,
libros, Lib.
Distt.
XLII,
I,
dist.
XI. III,
XLIII,
XLIV,
NOTES
39 I
une chose incluse est dite partie d'un tout lorsqu'elle ne comprend pas un certain nombre déterminé de grandeurs déterminées que comprend la chose en laquelle elle est contenue. » Ainsi, au sens commun, le tout c'est la partie et n'importe quelle autre chose non comprise en la partie; au sens propre, le tout est la partie
et,
en outre, un nombre déterminé d'objets
finis et
déterminés.
Appliquons cette distinction aux multitudes, » poursuit Grégoire de Rimini. « Au premier sens, une multitude quelconque est un tout par rapport à une autre multitude, lorsque la première multitude contient la seconde, lorsqu'elle comprend tous les objets qui forment la seconde et lorsqu'elle contient, en outre, un objet ou des objets distincts de tous ceux-là et de chacun d'eux. En ce sens, une multitude infinie peut être partie d'une autre multitude infinie. » Au second sens, pour qu'une multitude soit un tout par rapport à une autre multitude, il faut d'abord, comme au premier sens, qu'elle contienne cette seconde multitude il faut, en outre, qu'elle contienne un nombre déterminé d'objets déterminés (tanta tôt), c'est-à-dire d'objets dont la quantité soit déterminée, par exemple un nombre déterminé de groupes de deux unités, ou de trois unités, qui ne soient «
;
pas compris en
la
multitude contenue; inversement,
celle-ci est dite
partie de la multitude contenante. »
En
ce second sens,
une multitude
infinie
partie à l'égard d'une autre multitude infinie;
ne peut être ni tout, ni il
n'existe pas, en effet,
de nombre déterminé de groupes déterminés d'unités soit
(tôt
tanta) qui
contenu en l'une des multitudes et point en l'autre, car chacune une infinité de fois un groupe de tant d'unités (inftnitantum) ou une infinité de groupes de tant d'objets (infinita
d'elles contient ties
tanta).
»
Grégoire de Rimini introduit
1
des distinctions analogues en la signi-
mots plus grand, plus petit. « Ces mots peuvent être pris au sens propre c'est ainsi qu'une multitude est dite plus grande qu'une autre, lorsqu'elle contient non seulement un nombre aussi grand d'unités que cette dernière, mais encore un nombre plus grand (tantumdem et plures); une multitude, au contraire, est dite moindre qu'une autre lorsqu'elle renferme un moindre nombre d'unités fication des
;
(pauciores).
Ces mots peuvent être pris aussi en un sens impropre si une multitude contient toutes les unités d'une autre multitude, et certaines »
;
unités différentes de celles-là, on dit qu'elle est plus grande que cette
dernière multitude, lors
nombre »
1.
En
même
qu'elle ne contient pas
un plus grand
d'unités (plures unitates) que la seconde multitude. ce second sens, dire qu'une multitude est plus grande qu'une
Grégoire de Rimini,
loc. cit., fol. i56, col. a.
ÉTUDES SDB LEONARD DE VINCI autre, c'est dire
un
simplement qu'elle comprend
tout par rapport à cette autre, en prenant
celte autre, qu'elle est
le
mot
tout
au premier
sens.
mots plus grand, plus petit ne doivent pas être employés dans la comparaison des infinis les uns avec les autres; on ne doit les employer qu'en la comparaison des grandeurs finies entre elles: on peut dire encore qu'un infini est plus grand qu'une grandeur finie et qu'une grandeur finie est plus l'on adopte la
» Si
petite »
qu'un
première définition,
les
infini.
Selon la seconde définition, au contraire,
un
peut être plus
infini
grand qu'un autre infini, de même qu'il peut être un tout à l'égard de ce second infini, en prenant le mot tout au premier sens. » Ces principes permettent à Grégoire de Rimini de dissiper, mieux que ne l'avait fait Jean de Bassols, les objections accumulées contre la possibilité
de
l'infini actuel.
Après avoir analysé
les
par lesquels
efforts
subtil scolastique
le
qu'est Grégoire de Rimini a tenté de préciser la signification dont les
mots
tout,
s'agit
de grandeurs ou de multitudes infinies,
partie, plus grand, plus petit sont susceptibles lorsqu'il
premières pages de
Cantor de
Une évidente
1 .
ces
la
affinité
deux puissants
séparent les temps où
il
piquant de
est
lire les
Théorie des ensembles transfinis de M. Georges
ils
rapproche l'une de l'autre
logiciens,
alors
que cinq
les
siècles
pensées et
demi
ont écrit.
Grégoire de Rimini avait certainement entrevu
possibilité
la
du
système logique que M. Cantor
est parvenu à construire; à côté de la Mathématique des nombres finis, des grandeurs finies, il a jugé qu'il y avait place pour une Mathématique des multitudes infinies, des grandeurs infinies il a pensé que ces deux doctrines devaient former comme deux subdivisions d'une science plus générale « Au sujet de la multitude infinie, dit-il 2, nous avons employé ces deux mots combien et tant fquot et tôt); de même, rien ne nous empêche de dire, au sujet de la grandeur infinie, combien et tant (quantum et tanium). ;
:
:
Si l'on suit,
par exemple, l'opinion du Philosophe,
et si l'on
demande
combien de temps a précédé l'instant présent, on pourra convenablement répondre Un temps infini. L'infini est donc soumis à la :
question
on
:
le dit.
combien (quantum), tout ce qui
répond
et
il
à
la
est quantité
question
:
(tantum)
combien
si,
est
comme quantité
(tanium). »
Mais peut-être usera-t-on seulement du mot combien (quantum)
à l'égard des
grandeurs qui sont de quelque mesure
finie, et
peut-être
1. George? Cantor, Sur les fondements de la théorie des ensembles transfinis; traduction de M. F. Marotte. Premier article (Mémoires de lo Société des Sciences physiques et naturelles de Bordeaux. 5* série, t. III. p. 343, sqq. 1S09.) 2. Grégoire de Rimini, loe. cit., fol. 56, col. 1». ;
1
NOTES
090
voudra- t-on de même que le mot quantité (tantum) soit dit uniquement de telles grandeurs. Dans ce cas, je dirais que la grandeur infinie n'est pas quantité (quantitas), mais qu'elle est cependant grandeur (magnitudo); de même la multitude infinie ne serait pas quantité,
nom
mais, toutefois, elle serait multitude. Ce
ne désignerait plus
pour ce prédicament, acception restreinte Je dis
»
genre
le
le
donc que
plus général du second prédicament;
faudrait forger
il
du terme
une certaine espèce de
un nom nouveau. Mais
cette
quantité, n'est ni usitée, ni opportune...
:
grandeur
la
de quantité (quantitas)
comprise en
infinie est certainement
la quantité.
La grandeur, par conséquent, se et grandeur finie; la grandeur
divise tout d'abord en grandeur infinie
en grandeur de deux coudées, grandeur de
finie se divise ensuite trois
coudées,
etc. »
Débarrassé, par les distinctions que sa Logique a précisées, des
conséquences paradoxales que l'on
comme
de présenter cette notion
afin
Rimini ne
pas encore de toutes
l'est
heurte l'acceptation de
de
tire
notion d'infini actuel
la
les
objections auxquelles se
catégorique.
l'infini
Selon les disciples de Richard de Middleton
d'Ockam, admettre pose
l'infini
comme
de Guillaume
et
possibilité d'un infini catégorique, c'est aller
la
même
contre la définition
Grégoire de
contradictoire,
de
l'infini;
cette
ayant une existence in
en
définition, et
ficri,
effet,
non point une
La définition de l'infini est la suivante Lorsqu'on en a déjà pris une partie quelconque, il reste encore quelque chose à prendre; l'infini n'est pas, comme certains le pré(endaient, ce en dehors de quoi il n'y a rien, mais bien un objet en dehors duquel il y a toujours quelque chose, en dehors duquel il reste toujours beaucoup d'objets semblables à celui-là. Par conséquent poser, en la réalité de la nature, l'existence d'une chose permanente ayant des parties et admettre que cette chose est infinie, c'est, on le voit, poser une contradiction. En tant, en effet, que cette chose est une chose permanente et actuelle, chacune des parties de cette chose,
existence in facto esse.
et cette
«
1
chose elle-même, sont des êtres complets
au contraire que inachevée.
cette
chose est
infinie, elle est toujours
la
notion
heurte à plusieurs reprises;
s'oppose à la supposition d'un «
Si le
achevés; en tant
incomplète
et
»
Cet argument contre s'y
et
:
Monde
même il
le
Monde
d'infini catégorique, Grégoire
rencontre
2 ,
par exemple, qui
créé de toute éternité
avait existé de toute éternité,
un temps
:
serait
infini
aujourd'hui temps passé. Celte conséquence est impossible,
il
faut
Grégoire de Rimini, loc. cit., fol. i54, col. c. Gregorius de Arimino In secundo Sententiarum, Dist. III, quaest. I Utrum per aliquam potentiam fuerit possibile aliquam rem aliam a Deo fuisse ab aeterno 1.
2.
:
;
art. II. fol. 12, col. c.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
394
donc
qu'il
en
soit
de
l'impossibilité de la
même
nature
même
de
conséquence
du passé
contraire,
il
de
est
la
première proposition. D'ailleurs,
est évidente.
un
qu'il soit
passé ne demeure en puissance
Au
la
et
nature
11
est,
en
de
effet,
la
tout complet, que rien de ce
ne puisse être pris dans l'avenir. même de l'infini d'être toujours
incomplet, de ne pas être un tout pris une
fois pour toutes et posé en de sa nature que, toujours, quelque chose de lui soit en puissance et reste encore à prendre. » Sous une forme plus nette, nous reconnaissons ici un des raisonne-
acte;
il
est
ments de Richard de Middleton. Cette définition qui réduit nécessairement l'infini à n'être qu'un infini syncatégorique,
étroite
1
.
comme
Grégoire de Rimini la repousse
trop
«Je dis qu'il n'est pas de la nature de l'infini tout court sumptum) que quelque chose de cet infini existe seulement
(simpliciter
en puissance.
»
A côté de l'infini syncatégorique, dont l'existence lement infierl, Grégoire de Rimini va nous montrer
est perpétuell'infini
catégo-
rique, l'infini in facto esse.
La
possibilité
d'une grandeur infinie en acte résulterait de
la
Monde éternel; les adversaires de cette supposition, un Richard de Middleton, par exemple, le savent bien et, contre elle, ils se font une arme de cette conséquence « Dieu aurait pu, chaque supposition d'un
:
jour
une pierre d'un pied cube et l'unir à la pierre précéil n'est pas douteux que cette multitude infinie de pierres d'un pied cube formerait une grandeur infinie. » Cette conséquence, notre logicien ne consent, pas plus que Jean de Bassols, à y voir une absurdité qui puisse conclure contre l'éternité du Monde; bien au contraire, il s'attache à prouver qu'on devrait encore l'admettre lors même qu'on tiendrait pour la création dans le temps. Que l'on divise, en effet, une heure en parties dont les durées 2,
créer
demment
créée;
décroissent en raison géométrique ou,
comme
disent les scolastiques,
en parties proportionnelles. «S'il est certain 3 que Dieu aurait pu, chaque jour, créer une pierre et opérer comme on l'a dit, il est certain aussi qu'il pourrait, en chacune des parties proportionnelles de même raison qui forment une heure, créer une pierre et continuer comme il a été dit plus haut; à la fin de l'heure, la multitude infinie de ces pierres composerait une pierre infinie. » Cet argument qui conclut à la réalisation possible de l'infini catégorique, était appelé à avoir la plus grande vogue dans les écoles ;
1.
Gregorius
quaest. IV, 2.
de
Arimino
In
primo
Sententiarum,
Gregorius de Arimino In secundo Sententiarum,
col. c. 3.
Distt.
XLll,
XLIII,
XLIV,
fol. i55, col. c.
Grégoire de Rimini,
loc. cit., fol.
i3, col. a.
Dist. III, quaest.
I,
art. Il, fol. 12,
NOTES
395
que les partisans du seul infini syncatégorique, tels que Jean Buridan et Albert de Saxe, aiguiseront leurs plus subtiles répliques. Grégoire de Rimini en est-il l'inventeur? Nous l'ignorons. Du moins voyons -nous qu'il en use à plusieurs reprises et qu'il l'applique aux infinis les plus variés de nature. Tantôt il montre l c'est contre lui
comment Dieu
un
peut, de la sorte, réaliser
rectangle de base inva-
riable et de hauteur catégoriquement infinie. Tantôt
Dieu peut créer
une
in facto
charité
infinie;
car
il il
prouve 2 que admet, avec
Guillaume d'OckamS, que toute forme susceptible d'intensités difféque la charité aussi bien que la chaleur, atteint ses divers
rentes,
même
unes aux autres de parties de Ces exemples, où nous voyons Dieu donner à un
degrés par addition
les
nature.
une
infini
exis-
tence actuelle, ne servent pas seulement à convaincre d'erreur l'opinion selon laquelle l'infini est, par essence, quelque chose d'incomplet,
mélange d'acte de puissance;
ils
mettent encore à nu
la
un
cause de cette
erreur.
une chose dont le parcours ne peut jamais être consommé, je réponds Il faut comprendre qu'il en est ainsi si les parties infiniment nombreuses de cette chose sont acquises en des durées égales entre elles; si, par exemple, chacune des parties de cet infini est acquise au bout d'une heure, ou bien d'un moment, ou bien d'une certaine autre quantité de temps bien déterminée. Dans ce cas, en effet, il faudrait que ce temps eût une infinité de parties «
Lorsqu'on dit ^
:
L'infini est
:
égales entre elles
et,
par conséquent, qu'il fut
infini.
Gomme,
d'ailleurs,
donnée devienne temps passé, un infini ne saurait être, par ce moyen, consommé en totalité ou franchi complètement. Mais cela suppose qu'il existe, en cet infini, une première partie franchie ou acquise... » Si l'on fait attention à cette remarque, on voit que cette impossibilité cesserait dès là que l'on ne donnerait ni première partie de la durée, ni première partie de l'infini. » Et c'est ce qu'Aristote lui-même
il
est
impossible qu'un temps infini dont
de concéder,
est obligé
remarque
;
si le
Monde
comme
la
Jean de
première partie
Bassols
en
avait
a existé de toute éternité, une infinité
ont vécu jusqu'à ce jour
et
le
Ciel a effectué
une
est
fait
la
d'hommes
infinité
de révo-
lutions.
*«
On
dits
:
L'infini est
partie quelconque,
1.
Gregorius
quaest. IV, art. a.
de
il
une chose
Arimino
II, fol.
telle
que lorsqu'on en
a pris
une
reste encore et toujours une partie à prendre; je
i55, col.
Grégoire de Rimini,
In
primo Sententiarum,
Distt.
X.LII,
XLIII,
XLIV,
c.
loc. cit., fol.
i55, col. b.
Magistri Guilhelmi de Ockam Super quatuor Sententiarum libros annotationes ; Lib. I, dist. XVII, quaest. VII Utrum in augmentatione charitatis illud quod additur sitejusdem speciei specialissimae cum charitate praecedente separata ab ea. 3.
:
k. 5.
Grégoire de Rimini, Grégoire de Rimini,
loc. cit., fol.
167, col. a.
loc. cit., fol.
157, col. a,
ÉTUDES SUR LÉONARD DK
3f)0
VINCI
réponds que cette proposition doit être entendue comme la précédente, en admettant que les parties prises successivement sont toutes de
même
grandeur
sont toutes prises en des temps égaux. Si en tant de temps, une partie d'un infini, puis, dans un temps égal à celui pendant lequel la première partie a été
en
l'on prend,
une
prise,
et qu'elles
effet,
partie égale à celle-là, et
toujours de
même,
si
l'on
continue en procédant
restera toujours, de cet infini,
quelque chose à prendre et jamais il ne se trouvera pris en totalité... Mais dès là que des parties égales de l'infini ne sont pas franchies ou prises en des temps égaux, mais en des durées qui décroissent en progression géométrique,... être pris
en
il
il
n'y a plus inconvénient à ce que cet infini puisse
totalité,
à
moins
même
d'autre nature; de
multitude infinie des parties du
comme nous
n'y ait à cela quelque obstacle
qu'il
inconvénient à ce que
qu'il n'y a pas
temps en lesquelles sont
la
prises,
l'avons dit, les parties successives de l'infini, arrivent
complètement passées non seulement il n'y a pas inconvénient à ce que cela soit, mais il est nécessaire que cela soit. » Pour Grégoire de Rimini, donc, la possibilité de l'infini catégorique ne soulève pas d'autre difficulté logique que la proposition suivante
à être
;
:
Si l'on
considère cette suite infinie de durées
quart d'heure,
un huitième
:
une demi-heure, un
d'heure, etc., au bout d'une heure, la
multitude infinie de ces durées a été franchie.
Des affirmations analogues peuvent, d'ailleurs, être formulées non seulement pour la durée, mais encore pour une foule de grandeurs variables; si, par exemple, un chemin a été parcouru par un mobile en une heure, on peut diviser cette heure en parties proportionnelles de raison sous-double et considérer les trajets parcourus pendant chacune de ces parties proportionnelles de la durée; au bout d'une heure, la multitude infinie de ces trajets a été complètement parcourue.
On peut
répéter des considérations analogues au sujet d'une forme
d'intensité variable,
heure, d'un degré à
de
la
chaleur par exemple, qui passe, en une
un autre
degré.
Les objections que l'on peut élever contre pourrait, infinie,
le
procédé par lequel Dieu
en une heure, créer un volume
une forme
d'intensité infinie,
infini, une surface d'aire on pourrait tout aussi bien 1rs
élever contre les propositions qui viennent d'être formulées; dans les
deux
peuvent être dissipées d'une manière analogue. Ces objections que Buridan, qu'Albert de Saxe feront valoir, elles se tirent toutes d'un même principe dont la connaissance, au dire de cas, elles
Walter Burley
',
n'est pas fort
commune
divisé en parties proportionnelles, i.
2.
Voir p. 2/4. Grégoire de Rimini, loccit.,
fol.
1
il
55
,
suppose^ un continu n'est pas permis de dire que l'on :
col. a.
Si l'on
.NOTES
097
prend toutes les parties proportionnelles de ce continu, car il faudrait qu'une de ces parties ait été prise en dernier lieu, et il n'y a pas de dernière partie d'un tout divisé en parties proportionnelles.
Ce principe, Grégoire de Rimini en admet
mais à
l'exactitude,
la
condition qu'il soit pris au
comme
sens syncatégorique (distributive). Et, montré, cette condition en implique une autre; c'est que
il l'a
du continu soumet plus
les parties successives
égaux.
ne se
Si l'on
A
pourra plus être invoqué. catégorique,
distribua/,
soient supposées prises en des temps à cette condition,
ce
principe ne
des propositions qui, prises au sens synfausses peuvent correspondre des
seraient
propositions qui sont vraies au sens catégorique, collectif.
considère
un
de cet
infini, au sens que toutes les parties de l'infini puissent être prises toutes ensemble quel que soit, en effet, le nombre des parties déjà prises et de quelque manière qu'elles aient été prises, elles sont toujours les parties d'un tout qui les comprend, qui a par conséquent, hors d'elles, une autre partie ou d'autres parties. Les parties qui ont été prises de la sorte ne sont donc pas toutes les parties de l'infini. La proposition énoncée est donc fausse au sens propre Si l'on
distributif,
« il
est
infini et des parties finies
impossible
«
;
[distributif].
Il
en est de
même de
ces autres propositions
sont vraies partes]
les
simultanément forment le tout le tout est identique à parties prises simultanément. Et cependant ces propositions
parties prises
toutes ses
Toutes
:
;
L'ensemble des choses [omnia, par opposition à omnes
:
dont chacune
est
une
partie de
ce tout,
constitue ce tout.
Inversement, ce tout est X ensemble des choses dont chacune est une de ses parties.
En
ces propositions, les
sont pris au sens collectif.
mots ensemble des choses (omnia)
»
Les logiciens avaient insisté sur cette affirmation
Une
:
proposition
vraie au sens syncatégorique ou divisé peut devenir fausse au sens catégorique ou composé. Grégoire de Rimini montre, par de nom. breux exemples, qu'à une proposition fausse au sens distributif peut correspondre une proposition vraie au sens collectif. S'agit-il 2 d'une heure divisée en parties proportionnelles et de l'instant qui la termine? Il serait faux de formuler cette proposition distributive Avant cet instant, toute partie de l'heure était passée; et Toute partie de il est vrai de formuler cette proposition collective l'heure était passée avant cet instant. De même, s'agit-il d'une forme qui, en une heure, passe avec une vitesse constante d'un degré à un autre, croissant par parties proportionnelles qui correspondent aux parties proportionnelles de l'heure? « Ces deux propositions sont également vraies Toute partie proportionnelle de cette forme qui en aucun existe à l'instant final de l'heure, a existé avant cet instant :
:
:
;
1.
2.
Grégoire de Rimini, Grégoire de Rimini,
loc. cit., fol.
167, col. c.
loc. cit., fol.
1
57, col. b.
.')(j
études sur Léonard
S
(
yixci
ni;
en aucun temps avant cet instant final, il n'existait une de parties proportionnelles de cette forme. » l'argument C'est par une semblable distinction que l'on résoudra paradoxal d'Achille et de la tortue; c'est par une semblable distinction
instant, infinité
'
que
l'on accordera le principe
parties proportionnelles
position
:
infinie. «
En une
A
la fin
telle
En une heure
:
heure, Dieu peut créer
il
divisée en
n'y a pas de dernière partie, et cette pro-
il
de l'heure s
certaine figure totale,
de Burley
il
n'y a pas
un
un
rectangle de hauteur
ou une comprenant une
certain rectangle
y a une grandeur infinie
de rectangles dont aucun n'est le dernier. De même, lorsqu'une forme croît d'une manière continue, en chacun des instants qui terminent les parties proportionnelles successives de l'heure, à partir de la seconde, il existe un nombre toujours plus grand de parties de la forme et cependant, à la fin de l'heure, il n'y a aucun nombre qui soit le nombre de ces parties, il y a une multitude infinie qui comprend une infinité de nombres de parties, et aucun de ces
infinité
nombres
n'est le dernier. »
Dieu peut, en un temps fini divisé en parties proportionnelles, créer une grandeur infinie par addition de grandeurs égales, il peut, en ce même temps, subdiviser un continu en parties sous -doubles les unes des autres; la possibilité de l'infini catégorique suppose donc Si
qu'un continu puisse de Bassols,
la
ils
à part Jean
plupart des scolastiques ont admis cette corrélation des
deux propositions continu,
être actuellement divisé à l'infini;
et,
niant
divisibilité
la
en ont conclu l'impossibilité de
actuellement infinie d'un l'infini
catégorique
Grégoire de Rimini admet, lui aussi, cette corrélation, mais
Comme
en sens inverse.
il
admet
l'existence de l'infini actuel,
3.
en use
il il
admet
aussi la divisibilité actuellement infinie de toute grandeur continue.
mot
au sens catégorique ou au sens syncatégorique, notre logicien enseigne 4 « que toute grandeur est composée d'une multitude infinie de grandeurs partielles. » Il formule expli-
Que
le
infini soit pris
:
citement ces deux propositions
:
Toute grandeur a une
infinité
de parties,
le
mot
infinité étant pris
au sens syncatégorique » Toute grandeur a une au sens catégorique. »
infinité
de parties,
le
mot
infinité étant pris
w
Cette dernière proposition fournit
même
à Grégoire
5
un argument
Grégoire de Rimini, loc. cit., fol. 167, col. d. Grégoire de Rimini, loc. cit., fol. i58, col. a. 3. Grégoire de Rirnini, loc. cit., fol. 55, col. a. '\. Grcgorius de Arimino In secundo Sententiarum, Dist. 11, quaest. II Utruni angélus sit in loco divisibili aul indivisibili Art. II: An magnitudo componalur i.
2.
1
:
;
ex indivisibilibus 5.
fol. 3o, col. b.
;
Grcgorius do
quaest. IV, art.
Il
;
Arimino fol.
In primo
i55, coll. c et d.
Sentent iurtun,
Distt.
\L1I,
\LI1I.
\l.l\.
.NOTES
dont
il
se sert
pour prouver que
contradiction avec
nature de cet infini la
l'existence actuelle n'est pas en
notion d'infini
la
l'infini tout
0()<)
:
«
Je dis qu'il n'est pas de la
court (simpliciter sumpti) que quelque chose de
demeure toujours en puissance;
cela se voit clairement en
multitude infinie des parties d'un continu; chacune de ces parties
en acte
est
comme chacune
des autres;
certaine partie de ce continu soit en acte et
puissance.
il
n'est
pas
vrai
qu'une
une autre seulement en
»
VI. Robert Holkot.
Les Questions sur tes Sentences de Grégoire de Rimini sont datées de i344; c'est à cette époque qu'elles furent professées à Paris. Sans doute, avant que son enseignement eût pris la forme définitive sous laquelle
il
nous a
été
conservé,
Grégoire en avait
diverses parties; de cet enseignement, en très
nettement reconnaissable, en des
effet,
écrits
fait
l'influence se
connaître
marque,
qui durent être composés
avant l'an i344-
La trace de Guillaume dOckam s'efface de l'histoire à partir de i347, ^ probablement celle de la mort du Venerabilis * inceptor; or celui-ci, en ses Summulae in libros Physicorum, dont la composition pourrait être difficilement avancée jusqu'en i344, écrit, au sujet du mouvement, des passages qui semblent nettement dirigés contre une théorie de Grégoire de Rimini. De même, le Dominicain anglais Robert Holkot mourut en i34o,
m m
l'année
après avoir composé des Questions sur
tes
quatre livres des Sentences
1
;
ces questions sont, selon toute vraisemblance, antérieures à i344- Or,
Robert Holkot dit de l'infini 2 ressemble étrangement à ce qu'en dit Grégoire de Rimini; les deux maîtres expriment souvent les ce que
du même langage. On pourrait, à la vérité, prétendre que l'exposé du Dominicain, beaucoup plus court et beaucoup moins parfait que l'exposé de l'Augustin, a précédé ce dernier exposé et en a été l'inspirateur. Nous ne croyons pas qu'une telle opinion puisse résister à une lecture quelque peu attentive des textes. Comparée à la théorie de Grégoire, la théorie de Robert n'offre pas ce genre d'imperfections que montre le travail du précurseur lorsqu'on le compare à l'œuvre achevée du dernier inventeur; ses
mêmes
i.
pensées, et à l'aide
Magistri Roberti Holkot Super quatuor libros sententiarum questiones. Quedam De imputabilitate peccati questio longa. Determinationes quarundam aliarum
conferentie.
omnium predictorum. Colophon Hujus operis diligenter Lugduni a magistro Johanne Trechsel alemanno. anno salutis nostre. MCCGCXCVII. ad nonas Aprilis... (suit le registrum). Les feuillets ne portent aucune
qaestionum. Tabule duplices
:
impressi
pagination. 2. Magistri Hoberti Holkot Super quatuor libros sententiarum questiones. secundi quaest. II; artic. V: An Deus potuit producere mundum ab aeterno?
Libri
ÉTUDES SUR LEU.NARD DE VINCI
400
défauts sont d'un autre genre; c'est l'obscurité, c'est le désordre, ce
sont les pensées incomplètes, imprécises et hésitantes qui décèlent
un
enseignement reçu d'ailleurs; il semble que l'auteur n'ait pris la peine ni de pénétrer exactement le sens des affirmations qu'il fait siennes, ni d'asseoir fermement ses convictions à leur endroit; bien souvent, la doctrine de Robert Holkot serait difficile à saisir si l'on ne recourait,
pour
à la doctrine
l'interpréter,
si
rigoureuse de
Monde de
toute éternité?
nette et
si
Grégoire de Rimini. Cette question: Dieu est,
a-t-il
pu produire
le
pour Holkot, l'occasion de développer
grand. Le Docteur Dominicain tient pour
ses
vues sur l'infiniment
la possibilité
de
la création
ab aeterno; reproduisons quelques-unes des objections auxquelles s'attaque et les réponses par lesquelles
Voici
la
première objection
franchi; or,
Monde pu être
si le
« Il
:
prétend
il
répugne
il
les renverser.
à l'infini
de pouvoir être
avait existé de toute éternité,
une multitude
en effet, une multitude infinie chacun d'eux aurait été un homme futur; la multitude elle-même eût donc été future et, maintenant, elle est passée; une multitude infinie aurait donc été franchie. » Très exactement, Holkot meta nu les confusions auxquelles, en un tel raisonnement, prête le mot: franchi. À chaque instant de la durée le nombre des hommes déjà morts serait infini, tandis que le nombre aurait
infinie
d'hommes
des l'on
franchie;
seraient déjà morts;
hommes morts
entre cet instant et l'instant actuel serait
veut désigner par
le
mot
:
fini.
Si
franchir une opération qui a un
commencement et une fin, on ne peut dire que cette proposition: Le Monde a existé de toute éternité, entraîne cette autre Une multi:
tude infinie a pu être franchie. Mais, ajoute notre auteur,
«on
dit
Il
:
répugne à
l'infini
qu'il
puisse être franchi... Je dis, au contraire, qu'il n'y a aucun incon-
vénient à accorder cette proposition être franchie. «
Toutes
une multitude
écoulé,
grandeur,
si
les fois,
en
:
une multitude infinie peut qu'un temps quelconque s'est
»
effet,
infinie a été franchie; de
petite soit-elle, est franchie,
il
même, lorsqu'une qu'une une mul-
faut bien accorder
multitude infinie a été franchie, car toute grandeur
est
titude infinie. »
Cette réponse, trop concise, s'éclaire lorsqu'on la rapproche de l'en-
seignement de Grégoire de Rimini, qu'elle résume; comme ce maître, Holkot admet évidemment que toute durée limitée, toute grandeur finie est
Que
un nombre actuellement
telle
soit
bien
la
de parties infiniment petites. pensée du Docteur Dominicain 1 nous en infini
,
i. En son Propositum de Injinito, Jean Majoris donuait ce renseignement que nous avons reproduit (voir pp. 10-1 1): Roberl Holkot se refuse à admettre qu'en un intervalle de temps, si court soit-il, il y ait une infinité d'instants. Cette opinion parait difficilement conciliante avec les affirmations que nous transcrivons en ce moment.
NOIES
401
aurons l'assurance en examinant ce qu'il répond à une seconde objection. Cette seconde objection est la suivante: Si le
toute éternité,
conserver;
il
serait infinie et « Cette
Monde
avait existé de
«Dieu aurait pu, chaque jour, créer une âme et la existerait donc maintenant une multitude d'àmes, qui en
acte, » ce qui est absurde.
conclusion relative à l'existence actuelle d'une multitude
peut être accordée,» répond Holkot, «pourvu que l'on dis-
infinie
tingue entre l'existence actuelle, et l'existence réelle et véritable en ce
Monde. En tout continu, par exemple, il y a une infinité de parties qui se distinguent les unes des autres par leur situation... et cepen;
dant, l'ensemble de ces parties constitue
un continu unique.
Aussi,
Aristote, au troisième livre des Physiques, nomme-t-il cette multitude
une multitude en puissance, parce qu'en son langage, toute
infinie
chose qui
fait partie
d'une autre
est dite exister
Holkot tourne en dérision cette doctrine Soleil n'existerait
«Je
crois
qu'en puissance, car
toutefois,
ajoute
notre
il
en puissance.
»
d' Aristote; à l'en croire, le fait partie
auteur,
qu'en
de son orbite; Philosophie
la
ne saurait exister de multitude infinie en acte. » C'est encore l'influence de Grégoire de Rimini que nous percevons en ce passage; Grégoire, lui aussi, donnait l'existence actuelle, en tout continu, d'une multitude infinie de parties infiniment petites comme
d'Aristote,
il
prouvant que
la
multitude infinie en acte n'implique pas contradiction.
Les formes de langage du Maître Augustin se retrouvent encore en la
réponse à cette objection
puisse surpasser l'infini; or il
:
« Il est si le
contradictoire que quelque chose
Monde
avait existé de toute éternité,
y aurait une multitude infinie qui surpasserait une autre multitude il y aurait eu, en effet, un plus grand nombre de doigts que
infinie;
d'hommes révolutions
un plus grand nombre de du Soleil. »
et
révolutions de la
Lune que de
que l'infini ne puisse, sans contradiction, Quant à la proposition formulée en la preuve, qu'il y aurait eu un plus grand nombre de doigts que d'hommes, un plus grand nombre de révolutions de la Lune que de révolutions du Soleil, on peut y répondre en la niant. En mille hommes, il y a un plus grand nombre (plures) de doigts que d'hommes mais en une infinité d'hommes, il n'y a pas un plus grand nombre (plures) de doigts que d'hommes, car il y a une infinité d'hommes et une infinité de «Je
nie, déclare Holkot,
être surpassé...
;
doigts. »
«D'autres, poursuit notre auteur, s'expriment autrement;
ils
disent
qu'une multitude infinie peut être plus grande qu'une autre; ils accordent qu'il y a un plus grand nombre de révolutions de la Lune que du Soleil;» qu'une multitude infinie peut être double, triple d'une autre; «qu'on peut ajouter quelque chose à un infini. C'est P.
DUHEM.
26
ETUDES
l\02
S LU
LEONARD DE
VI
Ml
l'opinion qu'exprime Robert de Lincoln en son écrit sur
Physiques.
1
si
indication
concise, mais
au sujet de
rien,
des
en
sa
»
dernière
Cette
Summa
le livre
l'infini,
si
paraît
complètement
erronée;
pleine d'idées, Robert Grosse-Teste ne dit
qui ne soit très purement aristotélicien, rien,
en particulier, qui ressemble à ce que Robert Holkot lui attribue. Comme Rimini, donc, Holkot réserve aux seuls nombres finis pression:
un plus grand nombre
(plures)
;
voici
l'ex-
un nouvel exemple
qu'il fait de cette restriction La sixième objection dit S'il existait une infinité d'âmes, Dieu ne pourrait créer un nombre d'âmes plus grand (plures) qu'il n'en a déjà
de l'emploi
:
«
:
conséquence,
créé. J'accorde cette
et cela
en
la
prenant au pied de
la
un plus grand mais il peut créer déjà une infinité. »
lettre (de virtute vocis); Dieu ne pourrait pas créer
nombre de choses
(plures res) qu'il n'en a créé;
d'autres âmes, lors
même
A
la possibilité
de
en existerait actuel, on peut encore
qu'il
l'infini
faire cette objection
en résulterait qu'une partie ne serait pas forcément inférieure au tout. Cette proposition, Holkot ne fait point de difficulté à l'accorder. Elle est manifeste lorsque l'on compare une droite que l'on a prolongée à l'infini seulement dans un sens à une droite bien connue
dans
infinie
donne pas
:
Il
les
les
deux
sens. Mais
définitions
du
tout et de la partie,
rigoureuses
et
précises
qu'a
ne nous formulées
il
comme
en toutes les circonstances qui viennent d'être rapportées, l'affinité est grande entre la pensée du Docteur Dominicain et la pensée du Docteur Augustin; mais si celle-ci nous fût demeurée inconnue, nous eussions éprouvé quelque Grégoire de Rimini.
peine à pénétrer
Aux
Ici,
celle-là.
Questions sur
les livres
des Sentences de Robert Holkot sont
« Déterminations de quelques autres questions ». Ces déterminations sont-elles dues également au Docteur Dominicain? Josse « Beaucoup Bade, qui les a éditées, nous donne cet avertissement
jointes les
:
supposent que ces questions ont été réunies par les disciples d'Holkol ou que celui-ci, au cours de son enseignement, les a professées en quelque gymnase public; d'autres prétendent qu'elles ont été écrites
semble bien, en tout cas, que ces Déterminations sont contemporaines de Robert Holkot ou qu'elles lui sont de fort peu
par lui-même.»
Il
postérieures.
La première de ces Déterminations débute par un in
le
limite entre les poids i.
que Socrate peut porter
et
ceux
qu'il
mini-
de
la
ne peut
Divi Roberti Linconiensis super octo libris phisicorum brevis et utilis summa au sujet de l'ouvrage où cette Somme est insérée, voir: p. 13,
féliciter incipit;
note
où l'auteur
maximum in quod sic du minimum in quod non, le quod sic du maximum in quod non. L'exemple classique
distingue
mum
article
i.
NOTES
io3
porter est, bien entendu, le premier dont Robert fasse usage pour éclairer ses définitions.
La discussion logique à laquelle le Maître Dominicain se livre au sujet de ces diverses notions et de leurs mutuels rapports est longue et minutieuse; mais en ces arguties quelque peu fastidieuses, nous ne trouvons rien qui puisse retenir l'attention du mathématicien moderne, rien,
en particulier, de cette rigueur justifiée qu'un Albert de Saxe en la discussion de semblables questions.
apportera
1
Nous avons entendu Buridan 2 formuler les propriétés du maximum in quod sic, du minimum in quod non, comme « des conclusions que l'on a l'habitude de poser». La Décision de Robert Holkot nous prouve, en effet, que l'analyse de ces notions était, dès le temps de ce docteur et de Jean Buridan, familière aux maîtres de l'Université de Paris; pendant près de deux siècles, ils n'ont cessé d'y exercer leur dialectique.
VII. Johannes Majoris.
La Théologie catholique, en brisant toute barrière que l'on prétendrait imposer à la toute-puissance de Dieu, a contraint les philosophes de modifier l'enseignement d'Aristote au sujet de la grandeur infinie; elle les a obligés à considérer une telle grandeur comme possible. Mais au sujet de cette possibilité de la grandeur infinie, la Scolastique s'est partagée, pendant les deux premiers tiers du xiv e siècle, entre deux doctrines. Timidement d'abord, avec Richard de Middleton et Durand de Saint-Pourçain, puis d'une manière entièrement nette avec Guillaume d'Ockam, Walter Burley, Jean Buridan et Albert de Saxe, les uns n'ont admis d'autre grandeur infinie que l'infini syncatégorique; pour eux, aucune grandeur ne peut être pleinement en acte si ce n'est une grandeur finie toute grandeur infinie est en partie en acte, en partie en puissance; elle existe in fieri, non in facto esse. Les autres, avec Jean de Bassols, Grégoire de Rimini et Robert ;
Holkot, ont soutenu la possibilité de l'infini catégorique, de
en acte l'infini
;
cette possibilité leur a
semblé aussi bien établie que
l'infini
celle
de
syncatégorique.
L'Université de Paris, qui tenait la Logique en
donc connu, à
cette époque,
en la question de
l'infini.
si grand honneur, a deux écoles qui s'opposaient l'une à l'autre
On
pourrait
— tant ces discussions
ressem-
blent à celles qui mettent aux prises les géomètres de notre temps
désigner ces deux écoles par les épithètes de finitiste 1.
2.
Voir pp. 26-29. Voir p. 383.
—
et à'infinitiste
ÉTUDES SLR LEONARD DE VINCI
[\(_)\
dont M. Couturat fait usage lorsqu'il veut classer les mathématiciens c contemporains. Volontiers, les finitistes du xiv siècle, les partisans du seul infini syncatégorique, les Guillaume d'Ockam et les Jean Buridan 1
condenseraient leur doctrine en cette proposition 2
dont
l'infini,
il
ne faut pas
:
«
La notion de
mystère en Mathématiques, se réduit
faire
y en a un autre. » Les infiniau contraire, ceux qui, avec Grégoire de Rimini, soutenaient la
à ceci
après chaque
:
tistes,
de
réalité
entier,
il
catégorique, salueraient en la théorie des ensembles
l'infini
transfinis la
nombre
forme achevée de
doctrine dont
la
ils
ébauchaient
les
premiers linéaments.
Après Albert de Saxe, en
même
temps que
la
rigueur logique des
Parisiens se détend peu à peu, la distinction entre l'École finitiste et l'École
infinitiste
Nous avons vu 3
va s'atténuant.
Marsile d'Inghen
deux doctrines. Au début du xvi siècle, la Logique est de nouveau en grande faveur à l'École de Johannes Majoris; c'est, d'ailleurs, aux propositions de Grégoire de Rimini que mène, en général, la dialectique, plus subtile et chicanière que vraiment rigoureuse, du régent du Collège de Monhésiter entre les
e
ta igu.
Nous avions cru Majoris qui prit
le
4
pouvoir identifier ce logicien avec un Johannes
baccalauréat à la Faculté des Arts de Paris en i45o.
Cette identification nous semblait justifiée par ce fait que le Proposition de infinito
de Gand. l'auteur
1478 à trines
par
la
nomme
ne pouvait être attribué à Johannes Major et qu'il fait vivre de
renoncera notre ancienne opinion. Les docsoutenues au Propositum de infinito sont par le fond, et souvent forme même, identiques à celles que Johannes Majoris a exposées faut, aujourd'hui,
le
premier
imprimées une première Louis Couturat, De
nombre
fois
l'infini
comdu Collège de Montaigu,
livre des Sentences. Or, les questions
posées sur ce premier livre par
2.
dès i5o6 par Jean Dullaert
tel écrit
i5/jo.
en commentant
1.
était cité
nous semblait qu'un
que M. De WulfS
nous
Il
Il
de Jean Majoris
le
régent
dès 15096, étaient, de nouveau, éditées
mathématique, Paris, 1896; livre
III,
ch.
II:
Du
infini concret.
Jules Tannery, Introduction à
la
théorie
des fonctions
d'une
variable,
Paris,
1886, p. VIII. 3. !\.
5. G.
Voir pp. 45-47. Voir p. 16.
De Wulf, Histoire de la philosophie médiévale, Nous n'avons pas eu en mains cette première
2e
édition, 1900, p. 53a.
édition
;
nous en concluons
l'exis-
tence d'une Epistola, adressée par Joannes Major (sic) à Georgius Hepburnensis, et datée Ex Monteacuto, 7 cal. Junii 1509. Cette lettre se trouve au verso du premier feuillet de l'édition suivante Joannes Major In primurn sententiarum ex recognitione :
:
J. Badii.
Vcnundantur apud eundem Badium.
Impressit autem jam La lettre dont nous avons parlé est suivie de ces mots Badins anno MDX1X. Elle se rapporte, croyons-nous, à une édition donnée pn dominent, en i5oq, par les soins d'Antoine Coronel. :
4o5
NOTES
en i53cm; et l'épitre dédicatoire, adressée par Johannes Major (sic) à Eckius Suevus, datée du Collège de Montaigu, i53o, nous prouve que l'auteur vivait encore à cette époque.
Nous avons déjà exposé, d'après le Proposition de infinito, les opinions que Jean Majoris professait au sujet de la question de l'infini; ces mêmes opinions, nous les retrouvons, plus développées, dans les Questions sur l'édition
le
premier
livre des Sentences, et
de i5ig qu'en l'édition de i53o
2
plus développées en
.
L'analyse de Jean Majoris ajoute quelque chose à celle de Grégoire
de Rimini; ce quelque chose, il est vrai, elle l'emprunte à Marsile d'InghenS. Le régent de Montaigu veut prouver 4 qu'il est possible de donner actuellement et de montrer, pour ainsi dire, une longueur l'exemple qu'il prend est l'exemple, déjà considéré par Albert de Saxe 5, d'une sorte d'hélice de hauteur totale finie dont le pas décroît en progression géométrique cette hélice, il la regarde comme
infinie
;
;
actuellement tracée en sa totalité; Grégoire de Rimini, autrement exact en ses raisonnements que ne l'est le régent du Collège de Montaigu,
remarquer à ce dernier que l'on ne saurait jamais parvenir à tracer l'ensemble des spires de cette ligne si l'on suppose les spires successives décrites en des temps égaux en prenant ainsi le mot toutes au sens distributif, il eût accordé à Albert de Saxe qu' « il n'existe pas eût
fait
;
de parties dont on puisse dire qu'elles sont toutes les parties proportionnelles du cylindre » il eût maintenu, néanmoins, la possibilité de ;
au sens collectif, Yensemble catégorique des parties du cylindre; mais il eût ajouté que pour épuiser cet ensemble en prenant les parties les unes après les autres, il les faudrait prendre avec une
concevoir,
vitesse indéfiniment croissante.
échappent à Maître Jean Majoris celui-ci reproduit en gros l'enseignement de Grégoire de Rimini, alors qu'une doctrine aussi délicate devient méconnaisToutes ces distinctions,
si
précises et
si
justes,
;
sable et inadmissible
si
l'on n'en
garde minutieusement toutes
les
subtilités.
Dieu peut-il^,
en
une heure, créer un volume infini? Avec Grégoire
i. Joannis Majoris Hadingtonani, scholae Parisiensis Theologi, in Primum Magistri Sententiarum disputaliones et decisiones nuper repositœ ; cum amplissimis materiarum et quœstionum indicibus seu tabellis. Vaenundantur Joanni Parvo et Jodoco Badio. Sub prelo Joannis Badii Ascensii, communibus ejus et Joannis i53o. Colophon :
Parvi impensis 2.
En
raisons
:
ad Calendas Septembres qui précède
l'épitre dédicatoire
pour lesquelles
il
MDXXX. cette dernière,
Joannes Majoris donne
les
y a restreint les discussions de pure Logique.
Voir pp. 46-47Joannes Majoris In primum Sententiarum, Dist. XLIV, quaest. II An sit nunc vel dari potest secundum naturam aliquod actu infinitum. 5. Voir p. 44. 6. Joannes Majoris In primum Sententiarum, Dist. XLIV, quaest. III: Utrum Deus de sua potentia absoluta potest producere aliquod infinitum magnitudine vel intensione; éd. i5i9, fol. cvn, col. d. éd. i53o, fol. lxxxij, col. d. 3.
4.
:
;
ÉTUDES SLR LEONARD DE VINCI
/|0()
de Rimini, Jean Majoris enseigne qu'il le peut il suffît qu'en chaque partie proportionnelle de l'heure, il crée une pierre d'un pied cube. ;
Le régent de Montaigu n'ignore pas
du
les
objections que les partisans
seul infini syncatégorique font valoir contre cet
objections, voici en quels termes
il
les réfute
>
argument; ces
:
chacune des parties proportionnelles de l'heure, Dieu peut créer une pierre, si l'on entend la proposition au sens divisé; mais il n'est pas possible, en prenant les mots au sens composé, qu'en toute partie proportionnelle de l'heure, il crée une pierre nouvelle de même volume que les pierres précédemment créées. De même, de ce que Socrate peut porter n'importe quelle partie d'un poids, il n'en résulte pas que Socrate puisse porter l'ensemble des parties de ce poids; on le voit clairement lorsqu'on démontre qu'il existe un minimum des poids qu'il ne peut porter. » Je réponds Bien qu'une proposition modale prise au sens divisé n'implique pas toujours la même proposition modale prise au sens composé, toutefois, lorsque aucune contradiction n'apparaît en la modale composée, on ne doit pas nier qu'elle soit vraie en ce sens composé, surtout lorsqu'il s'agit de la puissance absolue de Dieu. » Mais le procédé imaginé implique lui-même contradiction 2 de toutes les pierres créées, il en est une qui se trouve créée la dernière; « celle-là n'a pu être créée qu'en la dernière partie proportionnelle de l'heure; il y a donc, en une heure, une dernière partie proportionnelle de l'heure; or cette proposition implique contradiction, donc... » Quelqu'un 3 a dit que cet argument démontrait que l'infini ne
«Vous
direz: en
:
;
pouvait être donné [en acte]
;
qu'il engendrait
en lui
la foi
Cet » Pour moi, je nie que ce procédé implique contradiction argument ne m'émeut nullement, il ne saurait engendrer en moi d'opinion. Le procédé imaginé n'exige en aucune façon que l'une des parties proportionnelles de l'heure soit la dernière, ni qu'il y ait une dernière pierre créée; mais après qu'une partie proportionnelle quelconque de l'heure est passée, il y a une infinité de pierres. Certes, je m'étonne que cet auteur accorde quelque poids à un tel argument. » Cet argument, cependant, valait la peine d'être examiné avec toute la minutieuse rigueur qu'un Grégoire de Rimini savait mettre en une telle discussion; les méthodes sommaires et les affirmations tranchantes dont use volontiers Johannes Majoris ne suffisent pas à juger le litige
de
qui sépare
l'infini Il
les partisans
de
l'infini
syncatégorique des tenants
catégorique.
est clair
qu'après Albert de Saxe, nous assistons à la décadence
Johannes Majoris, loc. cit., éd. i5 19, fol. cvm, col. a éd., i53o, fol. lxxxiii,co1. aJohannes Majoris, loc. cit., éd. iôio, fol. ex, col. d; éd. t53o, fol. lxxxv, col. a. 3. Ici, l'édition de i5iometcn marge: Albertus de Saxonia; le propos rapporté par Jean Majoris est, en effet, d'Alberl de Saxe (Voir p. V>). 1.
2.
;
]\OTES
/|07
des études logiques que l'École consacrait au problème de l'infini. Parmi les causes de cette décadence il en est une, croyons -nous, qui se laisse
aisément
saisir.
Les maîtres du xiv
fi
siècle,
auxquels nous devons de
si
profondes
remarques au sujet de l'infini syncatégorique et de l'infini catégorique, étaient fort peu géomètres. Sous les discussions formelles qu'ils développent avec une si rigoureuse subtilité, nous percevons un seul fait mathématique, et ce fait est des plus élémentaires: Ces auteurs savent former la somme des termes d'une progression géométrique de raison théorème d'Arithmétique fournit tous les exemples en lesquels leurs raisonnements viennent se particulariser. On ne saurait trop admirer la puissance intellectuelle d'hommes qui, munis d'un si faible bagage mathématique, ont su formuler avec
Ce
fractionnaire.
seul
examiner avec tant de pénétration les plus essentiels des problèmes logiques que pose l'Analyse infinitésimale. Mais le feu le plus vif s'éteint faute d'aliments. La Dialectique infinitésimale ne pouvait progresser sans cesse, alors qu'elle n'avait, pour éprouver la justesse de ses conclusions, que les propriétés de la progression géométrique. Dépourvus d'exemples particuliers et précis où tant de netteté et
leur raison pût reprendre vigueur en touchant terre,
les logiciens
devaient voir s'alanguir par degrés la force de leur esprit
qui semblaient sans objet,
discussions,
les
étudiants
;
de leurs
devaient se
détourner peu à peu avec un dégoût croissant. La théorie de l'infini était condamnée à la décrépitude où nous la voyons au temps de
Johannes Majoris. A ce moment, la Dialectique infinitésimale des Parisiens semble une machine usée qui, avec des heurts et des grincements, tourne à vide.
même moment,
de grandes transformations s'opèrent dans le Monde intellectuel. La Science des Parisiens conquiert les Italiens qui, jusque-là, lui étaient presque tous demeurés rebelles; en même temps, elle sort des Universités pour se répandre parmi les Mais, à ce
chercheurs
indépendants. Léonard de
Vinci est
un des premiers
Italiens et, aussi, un des premiers penseurs étrangers aux Facultés dont la Logique des Jean Buridan, des Grégoire de Rimini, des Albert de Saxe ravisse l'attention mais bien d'autres le suivront. Or, ces savants italiens reçoivent, en même temps, une aide précieuse qui ;
avait presque entièrement fait défaut à leurs précurseurs de la Sor-
bonne ou de la rue du Fouarre la Science antique leur est révélée Archimède leur enseigne comment on peut résoudre des problèmes difficiles et variés où l'idée d'infini se trouve impliquée. L'union, en l'esprit des géomètres italiens, de la Logique parisienne et de la Mathématique grecque va donner naissance à l'Analyse infinitésimale ;
des modernes.
;
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
/|08
F.
— SUR
LA PLURALITE DES MONDES I.
Guillaume d'Auvergne.
Nous avons vu (p. 73) comment, selon Michel Scot, l'existence de mondes exigerait que le vide fût réalisé entre ces mondes, ce qui est une impossibilité. Nous avons retrouvé (p. 92) ce même argument en la Summa totius philosophiae de Paul Nicoletti, de Venise. Cette manière de raisonner contre la pluralité des mondes paraît avoir joui d'une certaine vogue au Moyen-Age; elle a été reproduite par plusieurs philosophes, et non des moindres nous voudrions plusieurs
;
ici l'adhésion qu'elle a reçue de Guillaume d'Auvergne. Lorsque l'Averroïsme commençait à se répandre parmi les philosophes chrétiens, grâce aux traductions données par Michel Scot et par ses contemporains, Guillaume d'Auvergne, évêque de Paris, fut des premiers à prendre parti, au nom de l'orthodoxie, contre les hérésies arabes qu'il appelait les erreurs d'Aristote et de ses imitateurs, « errores Aristotelis etejas sequacium. » Par sa fidélité aux enseignements de l'Église, l'Évêque de Paris fut bien souvent amené à combattre les opinions professées par l'Astrologue de Frédéric II mais son opposition n'avait rien de systématique, et il suivait volontiers le sentiment de Michel Scot, toutes les fois que ce sentiment ne lui paraissait pas contraire à la foi. C'est ainsi qu'au sujet de la pluralité des mondes, Guillaume d'Auvergne n'a fait que développer la doctrine du Traducteur d'Aristote. qu'il existe plusieurs Supposons, dit Guillaume d'Auvergne mondes ou une infinité de mondes extérieurs les uns des autres. Outre ces mondes, existera-t-il quelque corps qui leur soit extérieur et étranger ? Assurément non. L'existence d'un tel corps est impossible elle l'est pour des raisons toutes semblables à celles qu'invoquent les partisans de l'existence de notre monde lorsqu'ils veulent prouver que hors de ce monde-ci, il n'existe aucun corps. « Nécessairement, en effet, un monde contient ou simplement l'universalité des corps, ou bien l'universalité des corps qui lui conviennent. Or, on ne saurait donc imaginer un corps qui ne convienne ni à ce monde-ci, ni à aucun
signaler
;
1
,
;
autre monde.
»
Guilielmi Parisiensis De Universo, opus celeberrimum et singulare, in duas partes Primae partis principalis pars I, cap. XIII. Cet écrit se trouve dans les éditions suivantes de Guilielmi Parisiensis Opéra : i° Parisius, ap. Franciscum Regnault, MDXVI (au tome 11); 2 Veneliis, ap. Damianum Zenarum, i5qi (au tome II); 3° Aureliae, ex typographia F. Hottot. Et vaeneunt Parisiis apud Ludovuuni 1.
principales divisum.
:
Hillaine,
MDGLXXlV(au tome
I).
NOTES
Puisque, entre ces divers mondes,
de quelque nature que ce
soit, voilà
/1O9
il
ne saurait exister aucun corps
donc
sphé-
les diverses surfaces
non aucune
riques qui les bornent obligées de se toucher les unes les autres
pas seulement en un point, mais suivant certaines aires;
distance, en effet, ne peut séparer ces sphères les unes des autres; « seule,
la
présence d'un corps intermédiaire peut faire qu'il existe
une distance entre deux corps » Dira-t-on qu'entre ces deux mondes que rien ne sépare, il y a le vide? Mais le vide est une impossibilité que Guillaume d'Auvergne établit par des arguments empruntés aux Péripatéticiens. Voilà donc les partisans de la pluralité des mondes acculés à cette absurdité Deux sphères peuvent se toucher non pas en un point, mais tout le long d'une surface. '
:
Une hypothèse,
il
est vrai, éviterait cette contradiction.
Elle consis-
supposer qu'au delà de la sphère qui borne notre monde, un autre monde s'étend ce second monde aurait pour enceinte une sphère terait à
;
extrêmement éloignée de
comme
la
le nôtre.
sphère ultime de ce monde-là enveloppe
cieux de ce second à
qui encercle
celle
nos sens,
il
enveloppé par
monde
et aussi
«
Mais
contient les
et
nos cieux, ceux qui se manifestent
que cette sphère et tout ce qui forment un monde unique, contenant en
est clair
elle
alors,
se
trouve
lui toutes
choses. »
A
l'encontre de cette thèse, le
bien des objections suffirait
2 ,
celle-ci,
pas à contenir
monde
unique, on peut élever
est
par exemple:
Un monde unique ne
toutes les choses existantes.
Mais, riposte
Guillaume, ou bien l'on suppose que Dieu a créé une
infinité
de
mondes, ou bien il n'en a créé qu'un nombre fini si le nombre des mondes est supposé fini, un seul grand monde peut contenir autant de choses que beaucoup de petits mondes, et la création de ce monde unique convient mieux à la majesté de Dieu. L'Évêque de Paris oublie, en sa discussion, la seconde branche du dilemme qu'il a posé. Cette difficulté n'est pas la seule; en voici une autre 3 « Dieu a créé ce monde par pure et gratuite bonté; il eût pu tout aussi facilement en créer un grand nombre d'autres; il les a donc créés la cause qui lui en a fait créer un, à savoir la bonté, devra, pour la même raison, lui en faire créer un grand nombre d'autres... ;
:
;
»
Sa générosité n'a pas de fin
comment donc
tage;
l'effet
et ses richesses
de sa générosité
à savoir ses libéralités et ses dons, aurait-il est fini la
;
[s'il
1.
2. 3.
Guillaume d'Auvergne, Guillaume d'Auvergne, Guillaume d'Auvergne,
cap. XIV.
loc. cit.,
cap.
loc. cit., cap.
XV. XVI.
de ses richesses, ce
monde-ci
dons de Dieu sont
et restreinte...
loc. cit.,
et
un terme? Or
existe seul], les libéralités et les
générosité divine est rétrécie
n'en ont pas davan-
finis,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
4lO
Vous voyez que ce raisonnement
))
contre la création d'un
d'un nombre
fini
monde unique, mais
de mondes; lors
non seulement
paraît conclure
même que
encore contre
la création
des mondes, en
nombre
quelconque, seraient créés, ils n'égaleraient pas la bonté et la générosité de Dieu, car toute chose qui existe en dehors de Dieu, bien loin
de
lui être égale, n'est rien
en comparaison de
lui.
donc que Dieu n'a pu créer ni un nombre fini, ni une infinité de mondes, et qu'il ne peut non plus les créer actuellement; cette impossibilité n'a point pour cause un défaut de puissance en Dieu ou un défaut qui provienne de Dieu, mais plutôt un défaut de la part des mondes, qui ne peuvent pas être multiples, comme je vous l'ai démontré en ce qui précède... De même, Dieu ne connaît pas le rapport de la diagonale du carré au côté, non qu'il y ait en lui défaut de science, mais parce que ce rapport ne peut pas être connu, » Ainsi, selon Guillaume d'Auvergne comme selon Michel Scot, la »
Je déclare
toute-puissance de Dieu
trouve des bornes dans
les
impossibilités
décrétées par la Physique péripatéticienne.
II.
L'Évêque de Paris
comme
Roger Bacon. le
Traducteur d'Aristote a
établi
un
lien
qui lui semblait indissoluble entre l'impossibilité du vide et l'impossibilité
des
mondes
multiples. Ce lien a paru également fort à d'autres
philosophes, en particulier à Roger Bacon au
Burley au xiv e
xiir* siècle et
à Walter
siècle.
Roger Bacon, en son Opus majus, consacre un chapitre» à l'examen de ces deux questions: Peut-il exister plusieurs mondes? La matière
du monde
s'étend-elle à l'infini? Voici ce qu'il écrit, en ce chapitre,
contre la pluralité des «
Aristote dit,
Monde
mondes
au premier
livre
sur
réunit toute sa matière propre en
espèce, et qu'il en est de le
:
Monde
se
même
le Ciel
un
et
le
Monde, que
le
seul individu d'une seule
de chacun des corps principaux dont
compose; en sorte que
le
Monde
est
numériquement
unique, qu'il ne peut exister plusieurs mondes distincts appartenant à cette
même
soleils, ni
de
telles
»
En
espèce, et qu'il ne peut davantage exister ni plusieurs
plusieurs lunes, bien que beaucoup de gens aient imaginé
suppositions.
effet, s'il existait
un
autre
monde,
il
serait
de figure sphérique,
Minorum, Opus majus ad Clementem quartutn, Homanurn, ex. Ms. Codice Dubliniensi, cum aliis quibusdam collato, nunc primum ediditS. Jebb, M. D., Londini, typis Gulielmi Bowyer, MDCCXXXHI, p. 102 (marquée, par erreur, 98) Pars quarta, Dist. IV, Cap. XII An possint esse plures mundi, et an materia mundi sit extonsa 11 infinituni. i.
Fratris Rogeri Bacon, Ordinis
Pontiflcem.
:
i
4i
!SOTES
comme
Ces deux mondes ne pourraient être distincts l'un de
celui-ci.
un espace vide
l'autre, car s'ils l'étaient,
ce qui est faux.
du
se
désignable entre eux,
touchassent; mais par ils
ne
précédemment
l'a
cercles. Dès lors, partout ailleurs qu'en ce
y aurait entre eux un espace vide. » VOpus tertium Bacon reprend simplement et
point,
il
En
1
,
l'argumentation d'Aristote contre
la pluralité
sommairement Mais il y mondes. des
raisonnement fondé sur l'impossibilité du vide lorsqu'il
joint le
Communia naturalium, ou mieux
ses
serait
troisième livre des Éléments d'Euclide,
moyen de
le
qu'ils
qu'en un point, ainsi qu'on
se pourraient toucher
démontré par
donc
faudrait
Il
XII e proposition
la
1
ce traité
De
caelestibus
2
écrit
dont
célèbre manuscrit de la Bibliothèque Mazarine fait le second livre
le
Communia naturalium. Aux raisons d'Aristote, à
des
la
preuve
de l'impossibilité du vide
tirée
Bacon ajoute maintenant ces réflexions u On ne peut pas, non plus, prétendre qu'un second monde entoure :
premier, car alors
le
sorte qu'il n'y aurait
même des
de
le
centre de l'un serait le centre de l'autre, en
pour tous deux qu'une seule
du monde 3
autres parties
;
il
terre;
il
en serait
donc qu'un seul
n'y aurait
monde.
En
»
pour
outre,
même
la
à l'infini, tel
s'il
raison
il
une raison pour
Il
en
faut
ait
donc
qu'il y eût
deux mondes,
y en aurait trois, quatre, et ainsi de suite
car tout ce qui concerne le
nombre.
qu'il n'y
existait
qu'il y ait
pas plus d'un;
or,
monde
est indifférent à tel
ou
une infinité de mondes ou bien les mondes ne sauraient être en
nombre infini; donc il n'y en a qu'un. » Nous ne saurions nous étonner de reconnaître dans
les écrits
de
de Guillaume d'Auvergne. A d'Aristote, encore qu'il le juge Traducteur cite le durement. Quant à l'Évêque de Paris, il nous conte qu'en sa
Bacon
l'influence de Michel Scot et
plusieurs reprises, fort
jeunesse,
il
il
en avait reçu l'enseignement.
III.
En
1277,
les
Richard de Middleton.
docteurs
de
la
Sorbonne,
sous
la
présidence
d'Etienne Tempier, évêque de Paris, condamnèrent cette proposition «
Quod prima causa non posset plures mundos facere
.
»
:
Les théologiens
Bacon Opéra quœdam hactenus inedita. Vol. I, contained : I. Opus III. Compendium philosophise. Edited by J. S. Brewer. Opus minus. London, 1859. Opus tertium, cap. XLI, pp. iAo-i^i. 2. Incipit secundus liber communium naturalium [fratris Rogeri Bacon], qui est de celestibus, velde celo et mundo, pars III, cap. II (Bibliothèque Mazarine, ms. n° 3576, 1.
Fr. Rogeri
tertium.
fol.
—
—
II.
108, coll. a et b). 3.
Roger Bacon,
loc. cit.
.
Z|
ETUDES
12
SUli
de Paris entendaient rompre
LEONARD DE VINCI
que
Physique péripatéticienne prétendait imposer à la toute-puissance de Dieu ils entendaient, en particulier, dénier toute valeur aux raisonnements que l'on tirait de l'impossibilité du vide ce genre d'arguments n'était pas explicitement visé dans la proposition que nous venons de rapporter, « Quod Deus non possit movere Caelam mais il l'était en celle-ci les entraves
la
;
;
:
motu
vacuum. » L'orthodoxie chrétienne exigeait donc, semble-t-il, que l'on renonçât à divers principes de la Physique péripatéticienne et, tout spécialement, à l'impossibilité du vide, à l'immobilité du Monde, à la nécessité, pour ce Monde, d'être unique. Affirmées par les condamnations qu'avaient portées les docteurs de Sorbonne, ces exigences furent acceptées non seulement à Paris, mais à Oxford; elles imprimèrent à la Science scolastique, aussi bien en France qu'en Angleterre, une orientation nouvelle qui l'obligea à s'écarter en bien des points, et non des moins essentiels, de la tradition Aristotélicienne. S'il nous fallait assigner une date à la naissance de la Science moderne, nous choisirions sans doute cette année 1277 où l'Évêque de Paris proclama solennellement qu'il pouvait exister plusieurs Mondes, et que l'ensemble des sphères célestes pouvait, sans contradiction, être animé d'un mouvement rectiligne. L'un des premiers docteurs qui aient, en leur enseignement, invoqué les condamnations portées contre les Articuli parisienses, est Richard de Middleton. Ce Franciscain, mort entre i3oo et i3o8, a assurément composé ses volumineuses Questions sur les livres des Sentences de Pierre Lombard, alors que les décisions des théologiens de Paris recto. Et ratio est quia tanc relinqueret
étaient encore toutes récentes.
Richard
se
demande
mouvement de
1
« si
translation
».
Dieu peut mouvoir le ciel ultime d'un l'appui de la réponse affirmative, qu'il
A
«Le Seigneur Etienne, Évêque de Paris et Docteur en Théologie, a excommunié l'article suivant Dieu ne peut donner au ciel un mouvement de translation. » A ce propos, notre auteur montre que Dieu pourrait, sans contradiction, produire le vide; mais il ajoute cette remarque fort sensée « Il y a un autre défaut dans l'argument » par lequel on prétendait établir l'article quia été condamné à Paris. «En effet, si Dieu communiquait au ciel un mouvement de translation, l'existence du vide n'en résulterait pas, car le ciel ultime n'est en aucun lieu. » De même que Richard de Middleton a accordé à Etienne Tempicr, au risque de heurter de front les principes les plus fermes de la Physique péripatéticienne, que Dieu pourrait déplacer le ciel ultime et
soutient,
il
a soin d'invoquer cette raison
:
:
:
1. Clarissimi theologi Magistri Ricardi de Media Villa seraphici ord. min. ronvrnt super quatuor libros sententiarum Pétri Lombardi quœstiones subtilissimx, Brixiœ, MDXG1, tomus secundus, p. 186, lib. Il, dist. \1I11, art. III, quac>t. III.
NOTES produire
le vide,
même
de
l\lO
lui accorde-t-il
qu'il pourrait créer
i
un
autre Univers. J'appelle Univers,
«
dit-il,
un ensemble de
surface enveloppe, y compris
créatures qu'une
surface enveloppante, et
la
même
sous
la
condition que cet ensemble ne soit pas borné, d'autre part, par une
Par cette précaution, Richard de
autre surface qu'il entourerait. »
Middleton évite
supposition de
la
mondes emboîtés
vergne
et
que tant d'autres devaient
Je dis alors,
«
recueillir
de
celui-ci.
poursuit notre Franciscain,
»
uns dans les Guillaume d'Au-
les
autres, supposition qui s'était présentée à l'esprit de
«
peut encore maintenant créer un autre Univers.
que Dieu Il
n'y
a,
a
en
pu
et
effet,
aucune contradiction à attribuer cette puissance à Dieu. » Une telle contradiction ne peut provenir de la chose dont cet Univers devrait être fait, puisque Dieu n'a pas fait le Monde de quelque chose.
ne provient pas du réceptacle de cet Univers, car le Monde, pris en sa totalité, n'est pas reçu en quelque espace. Le Philosophe dit, au premier livre Du Ciel et du Monde, qu'il n'y a, hors du Ciel, ni lieu, ni vide, ni temps, ce qu'il faut entendre du ciel suprême. » Elle
Cette contradiction ne saurait être en
»
divine, car cette est fini,
il
est
impossible qu'il égale
Enfin, cette contradiction ne
»
êtres qui se trouveraient
même
lors
que Dieu
et,
de
comme
la
puissance
cet Univers-ci
puissance divine.
la
saurait être tirée de la nature des
contenus en
les aurait fait
De même que
cet Univers-ci.
raison
puissance de Dieu est infinie
la
surface de ce second Univers,
même
de
espèce que les êtres de
de notre Univers repose natu-
la terre
même la terre de ce second en repos au centre du Monde
rellement au centre de ce dernier, de
Univers demeurerait naturellement
auquel
elle
appartient. Si la terre de cet autre Univers était placée au
centre de notre Monde, elle y demeurerait naturellement immobile et
si la
terre
de notre Univers
était
;
placée par Dieu au centre de
y trouverait son repos naturel. Si deux lieux, en effet, se comportent indifféremment l'un de l'autre à l'égard de l'opération l'autre, elle
naturelle de quelque créature, celle-ci ces
deux lieux où on
demeurera en repos en
l'aura d'abord placée
;
elle
celui de ne tendra pas vers
l'autre. » En faveur de cette opinion, on peut invoquer la sentence du Seigneur Etienne, Évêque de Paris et docteur en sacrée Théologie; il
a
excommunié ceux qui enseignent que Dieu
plusieurs mondes.
n'a pas
pu
créer
»
Richard de Middleton ne se contente donc pas d'admettre que la mondes n'est pas chose contradictoire que la puissance
pluralité des i.
Ricardi de Media Villa Quaestiones super quatuor libros Sententiarum, éd. cit., tomus primus, p. 392. I, quaest. IIII
dist. XLIIIT, artic.
;
lib.
I,
/,
I
ETUDES SUR LEONARD DE
/,
même
de Dieu ne saurait réaliser;
il
VINCI
va plus loin;
il
entreprend de
ruiner la principale objection que la philosophie péripatéticienne
mondes la réponse qu'il renferme en germe celle que Guillaume
contre la possibilité de plusieurs
élevait,
adresse à cette objection
;
d'Ockam formulera quelques années plus tard k Quant à l'objection tirée de l'impossibilité du
vide,
Richard de
pas il se contente d'indiquer, en passant, que l'espace, et de nous rappeler cet enseignedans le Monde n'est point ment du Philosophe Il n'y a, hors du ciel, ni lieu, ni vide,, ni temps.
Middleton ne
s'y arrête
;
:
D'ailleurs,
que
la
nous l'avons entendu affirmer, en une autre circonstance,
production du vide n'était pas impossible à Dieu; en cela,
il
a
par Walter Burley.
été suivi
IV.
Walter Burley.
Walter Burley croit qu'il n'est pas possible aux chrétiens d'admettre le pouvoir créateur de Dieu, sans admettre en même temps la réalité du vide. Il appuie 2 cette opinion de plusieurs raisons; voici la dernière
:
me
Ceux qui parlent du Monde sont tenus de supposer que le vide existe hors de ce Monde. Ils admettent en effet que Dieu, qui a créé ce Monde, en peut tout aussi bien créer un autre. Supposons donc que Dieu crée un second Entre les surfaces monde. Je pose alors la question suivante convexes qui limitent ces deux mondes, y a-t-il ou n'y a-t-il pas une «
Il
paraît difficile d'éviter cette conséquence
conformément
:
à notre religion et qui admettent la création
:
certaine distance? le vide,
car c'est
y a quelque chose entre ces surfaces, c'est espace divisible qui ne renferme pas de corps,
S'il
un
bien qu'il soit susceptible de recevoir un corps.
Si,
au contraire,
il
n'y a aucun intermédiaire entre ces surfaces sphériques, c'est donc qu'elles se touchent soit en un seul point, soit tout le long d'une
étendue divisible. point; alors, en
Elles ne
effet,
point de la seconde, i.
entre il
Cette argumentation
sauraient se toucher seulement en
un point de
la
première sphère
et
un un
y aurait quelque chose de divisible qui ne
contre la raison par laquelle le Philosophe prétendait
deux Mondes, Richard de Middleton
la reprend presque textuellement en l'une de ses Questions quodlibétales*. ... Impressa arte et diligentia 2. Burleus Saper octo libros physicorum. Golophon Boneti Locatelli Bergomensis, sumptibus vero et expensis nobilis viri Octaviani Scoti Modoetiensis... Venetiis, Anno salutis nonagesimo primo supra millesimum et quadringentcsimum. Quarto nonas decembris. Physicorum liber IV, fol. 7S (nou
établir l'impossibilité de
:
paginé), col. &)
c.
Quodlibela Doctoris eximii Hicardi de Media Villa ordinis minorum, (/u.vstioiies octuaqinta Brixiae, de consensu superiorum, HDXCL Quodlibetuin II, art. 11, quaest. L trum
continentia. plures
muudos
I
esse includat conlradiclioncm.
:
NOTES
/.i5
pourrait être que le vide; d'où la conclusion. Dira-ton qu'elles se touchent tout le long d'une aire divisible? Cela ne saurait être; un corps sphérique ne saurait toucher un autre corps sphérique tout le long d'une aire divisible; si une surface touche une surface convexe tout le long d'une aire divisible, c'est
concave dans la
la
région où
le
contact a lieu
termine un
surface sphérique qui
que
celte ;
monde
or
première surface est il
soit
est
impossible que
concave.
On
voit
donc que ceux qui parlent selon notre religion sont tenus d'admettre le vide. Nous avons traité plus longuement cette question au premier
du
livre
Ciel. »
Walter Burley avait composé des commentaires au De Caelo et Mundo; cette citation nous le montre; nous n'avons pu trouver aucun indice de l'existence actuelle, sous forme imprimée, de ces commentaires; mais ils sont conservés, sous forme manuscrite, ainsi que les commentaires du même auteur sur les Météores d'Aristote, à la Bibliothèque de l'Université d'Oxford
1 .
V. Gaétan de Tiène.
Nous avons vu qu'au xv
e
siècle,
Paul de Venise reproduisait l'argu-
mentation de Michel Scot, de Roger Bacon, de Walter Burley conclusion contre
tirait
également la validité
(p.
92) que
la
pluralité
des mondes; nous
et
en
avons vu
Jean Majoris avait refusé d'admettre
l'écossais
de cette argumentation.
Il
avait été précédé par Gaëtan
de Tiène.
que nous lisons dans les commentaires de Gaëtan Physique d'Aristote 2 « Burley... prétend que les chrétiens, parle fait qu'ils admettent la création du Monde, sont tenus d'admettre également la réalité du vide hors du Ciel. Dieu pourrait en effet, au delà des confins de ce Monde, en engendrer un second. Admettons, par exemple, qu'il l'ait fait on demandera alors si ces deux mondes sont distants les uns des autres ou s'ils se touchent. S'ils sont distants, il y aurait le vide entre eux, car il y aurait entre eux un espace divisible, capable de recevoir un corps et, cependant, n'en contenant aucun. S'ils se touchaient, ce ne serait pas par quelque aire divisible, car ils sont terminés par des convexités parfaitement sphériques ce serait donc seulement en un Voici, en effet, ce
de Tiène sur
la
.
;
;
1.
Houzeau
et
Laucaster, Bibliographie générale de V Astronomie,
t.
I,
n°'
17,'n
et 1742. 3.
Recollecte
Colophon
:
octo libros physicoram cum annotationibus tcxtuum. hoc opus Venetiis per Bonetum Locatcllum jussu et
Gaietani super
Impressum
est
expensis nobilis viri domini Octaviani Scoti civis Modoetiensis, anno salutis 1&96, nonis sextilibus. Liber IV, in principio fol. 28, col. d. ;
ÉTUDES SLR LEONARD DE VINCI
/|l6
point indivisible; alors dans l'espace divisible qui se trouve entre eux, il
y aurait encore
le
comme précédemment. cela n'est nécessaire.... On
vide,
peut dire que ces Mais rien de tout deux mondes ne sont certainement pas séparés l'un de l'autre par de »
la matière,
non
pas,
car entre eux
ne se trouve aucun corps.
il
plus, séparés par le vide; le
vide, en
effet,
ne sont
Ils
un
est
lieu
mondes, il n'y a aucun lieu, ni purement formelle; elle consiste en certains rapports qui sont causés en ces mondes. Et cela demeure de corps;
privé
plein.
vrai lors
même
lieu d'admettre
l'un à l'autre
or,
entre
ces
Leur distance
vide, ni
est
qu'ils se toucheraient. D'ailleurs,
que deux mondes peuvent sans que l'on puisse dire
il
y aurait peut-être
être entièrement extérieurs ni
qu'ils
sont séparés, ni
qu'ils se touchent... »
VI. Jean de Bassols.
Nous venons de
sur Burley
voir l'influence exercée
sur
et
ses
successeurs par la décision théologique de 1277, affirmant que Dieu peut créer plusieurs mondes. Nous avons vu également dans le corps
de cet ouvrage que Guillaume d'Ockam
*
avait pleinement accepté, sur
ce point, l'opinion des docteurs de Paris.
En
cette circonstance
comme
en plusieurs autres,
Ockam semble
avoir été précédé par Jean de Bassols. Celui-ci enseigne 2 le nôtre,
qu'il
soit
que
appartienne
Bassols, infinité
«
je
que
Dieu peut
«
cet univers-là
à
une
ait
faire
même
autre espèce.
un
que
autre univers
espèce que celui-ci, soit
En second
lieu, »
ajoute
ne vois aucun inconvénient à ce que Dieu crée une
de mondes de
même
espèce que celui-ci.
En
troisième lieu,
ne vois non plus aucun inconvénient à ce qu'il crée un nombre de mondes spécifiquement différents de celui-ci. »
je
très
grand
Ces conclusions se heurtent à diverses objections dont plusieurs ont été
formulées par Aristote; citons en seulement quelques-unes, avec
les
réponses par lesquelles F « Auditoire
résoudre. Voici la première S'il
de
existait
même
mondes « Il
nature que celui-ci,
l'un de ces
deux mondes
monde,
même
ni
il
faudrait nécessairement qu'il fût
et alors la terre
se porterait vers le centre »
les
:
un second monde,
n'est pas nécessaire,
de Duns Scot prétend
»
de
de chacun de ces deux
l'autre.
répond Jean de Bassols 3, uque
la terre
se porte naturellement vers la terre
qu'elle puisse se
mouvoir
de
l'autre
ainsi vers l'autre terre
Voir pp. 76-78. Opéra Joannis de Bassolis in quatuor sententiarum libros; quiiest. unica; éd. cit., fol. ccxiv, col. a. 3. Jean <!<> Bassols, loc. cit., fol. ccxiv, col. d.
de
;
la
t.
2.
libri
primi
dist.
XLlY,
4l7
NOTES tendance naturelle d'une terre vers
bornes de son propre monde;
efTet, les
la
centre ne dépasserait pas, en il
va sans dire, toutefois, que
me dites qu'en ce cas, de l'autre monde ne serait pas de même espèce que cette je réponds qu'il n'est pas nécessaire qu'elle boit de même Mais, en admettant que cette seconde terre fût de même
vertu divine la pourrait mouvoir. Si vous
la terre terre-ci,
espèce.
espèce que la nôtre,
mouvrait pas vers le
le
centre
terre
la
monde, mais seulement vers partie, en sorte que l'appétit ne s'étendrait pas au delà du tout auquel
centre de l'autre
le
du monde dont
naturel de cette
de chacun des deux mondes ne se
terre
elle
fait
appartient. »
elle
Ce qui
«
est
formé de
objectera-t-on encore
1 ,
de la matière qui lui est propre, » ne saurait être multiplié, car c'est par la
la totalité «
matière seule qu'il y a multiplicité. Or, on voit au premier livre Du Ciel que le Monde est ainsi formé. Je prétends,
»
autre matière distincte celle
qui existe,
que Dieu peut produire une numériquement ou même spécifiquement de
répond Bassols 2,
»
et
que
le
Monde ne
possible. » C'est précisément ce
contient pas toute la matière
que déclarera Guillaume d'Ockam.
VIL Robert Si l'influence
«
Holkot.
de Jean de Bassols se montre clairement en
l'écrit
où
Guillaume d'Ockam traite de la pluralité des mondes, l'influence de Guillaume d'Ockam, à son tour, transparaît non moins nettement en ce que Robert Holkot dit du même problème. L'opinion de Robert Holkot, au sujet de cette question, ne nous est point présentée sous une forme qui exclue toute ambiguïté. En une même question 3 sur le second livre des Sentances, le Docteur Dominicain traite, à deux reprises, de la possibilité de mondes multiples, et ce qu'il en dit en l'une de ces circonstances se soude malaisément à ce qu'il en dit en l'autre.
La première difficulté que Robert examine est formulée en ces termes « Dieu a-t-il su de toute éternité qu'il créerait le Monde ? » Au :
nombre des « Si
1.
2.
raisons qui concluraient à la négative, se place celle-ci
Dieu a su de toute éternité Jean de Bassols, Jean de Bassols,
loc. cit., fol. loc. cit., fol.
qu'il créerait le
Monde,
il
4
:
a su aussi,
ccxiv, col. b. ccxiv, col. b.
3. Magistri Roberti Holkot Super quatuor libros sententiarum questiones'. Libri secundi quaest. II. l\. Robert Holkot, loc. cit., art. I Utrum Deus ab aeterno sciverit seproducturum :
mundum. Tertium
principale.
a) Pour la description de cet ouvrage, voir p. 399, note 1. P.
DUHEM.
27
ÉTUDES SUR LÉOVYKD DL VINCI
4 8 1
de toute éternité,
un
créerait
s'il
seul
monde ou
s'il
en créerait
plusieurs. »
A
ce propos, notre auteur reproduit quelques-unes des objections
accoutumé, depuis Michel Scot et Guillaume d'Auvergne, d'opposer à la pluralité des mondes, et, en particulier, celle-ci « Dieu aurait su, de toute éternité, s'il créerait des mondes en nombre fini ou s'il en créerait une infinité. Mais il ne pouvait pas ne créer qu'un nombre fini de mondes; la raison qui lui en eûl fait créer
que
l'on avait
:
en eût aussi bien
six lui
D'autre part,
l'infini. »
créer sept, huit, et ainsi de suite,
fait
s'il
avait créé
une
infinité
à
de mondes, tous
les cieux ultimes de ces mondes formeraient, par un corps infini si chacun de ces cieux était animé du même mouvement diurne que le nôtre, l'ensemble des cieux formerait un corps infini en mouvement, et le Philosophe a insisté sur l'impos-
égaux entre eux,
leur ensemble,
sibilité
d'un
;
tel
corps.
L'objection tirée de l'impossibilité
du vide
est présentée
par Holkot
avec une rigueur qu'à notre connaissance, aucun autre physicien ne
donnée «Si Dieu avait pouvoir de créer un second monde, il faudrait créât en quelque lieu (alicubi), comme ce monde-ci, de telle
lui avait
le
:
qu'il
sorte
qu'entre les diverses parties de ce monde-là, il y eût des distances. Mais, je le demande, qu'y a-t-il actuellement là où ce monde eût été
ou quelque chose? S'il y a quelque chose, il y a donc, en fait, quelque chose hors du Monde. S'il n'y a rien, on peut raisonner ainsi hors du Monde, il n'y a rien, et, hors du Monde, il peut exister un corps donc, hors du Monde, il y a le vide car là où un corps peut exister et où il n'y a pas de corps, il y a le vide. Donc, mainte-
créé, rien
:
;
;
nant, le vide existe. »
Comment Holkot
répondu à ces objections, il ne regardait cependant pas comme valables,
voulait-il qu'il fût
ne les car il admet la vérité de la proposition contre laquelle elles avaient été élevées; d'ailleurs, un peu plus loin, il accorde formellement à Dieu le pouvoir de créer plusieurs mondes, et c'est alors qu'il se
nous
le dit
montre
pas;
il
fidèle disciple
d'Ockam.
Celle nouvelle discussion
sur la pluralité des
par l'examen de cette proposition
»
:
Dieu peut
mondes
est
faire tout ce
amenée
qui n'im-
plique aucune contradiction. «
Dieu,
dit
Holkot,
peut
créer tout ce qui
n'implique
aucune
aucune contradiction à supposer l'existence d'un second monde qu'une différence numérique distinguerait seule de celui-ci. Donc... Prouvons cette mineure. Il n'y a aucune
contradiction. Mais
i. Robert Holkot, contradictionem.
il
loc.
n'y a
cit.,
art.
VI
:
Deus potest
facere quicquid
non includit
.
XOTES
L\
l
()
deux soleils, il existe deux lunes, il existe deux mondes. Dieu pourrait donc créer d'autres corps célestes de même espèce que les nôtres et, par conséquent, créer un second monde de même espèce que le nôtre. » Cette absence de contradiction en l'existence simultanée de deux mondes de même espèce, les Péripatéticiens la nient; notre auteur contradiction en ces propositions
connaît leurs raisons et
En premier
lieu, « le
propre;» hors de
lui,
:
il
existe
résume fidèlement. Monde est formé de toute la matière qui lui est il n'existe aucune matière en puissance d'un les
second monde.
En second
lieu, «
il
n'y aurait pas plus de raison pour qu'un grave
tendît vers le centre de ce
monde » En troisième
monde-ci que vers
le
centre de l'autre
mouvement naturel, s'écarte d'un lieu, ne peut tendre vers ce lieu que par mouvement violent; mais un grave que l'on placerait en cet autre monde s'écarterait par mouvement naturel du centre de celui-ci; ce serait donc par mouvement violent que ce grave tendrait vers le centre de notre monde.
lieu, « tout ce qui,
par
»
Les réponses que Robert Holkot adresse à ces objections sont animées de l'esprit de Jean de Bassols et de Guillaume d'Ockam. Il est bien vrai qu'il n'existe actuellement aucune matière qui soit en puissance de devenir un second soleil ou une seconde lune; mais Dieu peut, s'il le veut, créer une telle matière.
«Un ment
grave, placé en l'un des deux mondes, se mouvrait naturelle-
monde au sein duquel il se trouve; un autre monde, tendrait vers le centre de ce dernier
vers le centre de ce
grave, placé en l'autre
monde. » Quant
à la troisième objection,
notre Dominicain la dissipe en
reproduisant presque textuellement l'habile discussion le
Venerabills Incepior.
fourni par les
Comme
mouvements
celui-ci,
il
menée par
s'autorise de l'exemple
naturels, opposés l'un à l'autre,
que pren-
draient deux masses de feu placées sur la terre, aux antipodes l'une
de
l'autre.
A de
des condamnations portées, en 1277, par les théologiens Sorbonne, nous avons vu toute une lignée de penseurs rejeter
la suite
la
arguments que le Péripatétisme objectait à la pluralité des mondes et attribuer à Dieu le pouvoir de créer des mondes multiples. Inaugurée par Richard de Middleton, cette tradition a été maintenue par Jean de Bassols, Guillaume d'Ockam, Walter Burley et Robert Holkot; elle s'est prolongée jusqu'à Gaétan de Tiène et jusqu'à Jean Majoris. Avec Jean Buridan, l'École de Paris va, au sujet de cette question, se soumettre de nouveau à l'enseignement résolument
d'Aristote.
les
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
/|2()
VIII. Jean Buridan.
La question de la pluralité des mondes possibles a été l'occasion de l'un des plus âpres débats qui aient mis aux prises la philosophie
mais bien d'autres discusquestion. L'une des plus intéressantes
péripatéticienne et la pensée chrétienne sions ont été soulevées par cette a
pour objet
;
l'origine de la pesanteur; la pesanteur est-elle
ou non
le
résultat d'une attraction exercée sur le grave par son lieu naturel, le
centre
du Monde? Nous avons rapporté
1
les principales
opinions que
maîtres de la Scolastique ont émises à ce sujet. Mais il en est une dont nous n'avions pas alors connaissance et qui, cependant, a grande les
importance; trines de
c'est celle
de Jean Buridan. Réagissant contre
Guillaume d'Ockam, Jean Buridan a formulé
les
les doc-
principes
qu'Albert de Saxe a développés.
Tout d'abord, Buridan admet pleinement 2, au sujet de l'attraction que l'aimant exerce sur le fer, l'explication qu'Averroès avait proposée et que le Venerabilis Inceptor a rejetée. « L'aimant, » dit-il, « altère l'air ou l'eau qui le touche immédiatement; au travers de ce fluide se propage une certaine qualité qui, grâce à une convenance particulière qu'a le fer avec l'aimant, est propre à attirer le fer vers l'aimant; il ne paraît pas qu'elle ait cette propriété attractive au sein des autres corps qui n'ont pas avec l'aimant une telle convenance. » Le mouvement du grave vers son lieu naturel n'a rien de comparable à ce w
mouvement du
fer vers l'aimant
Le grave qui se trouve soulevé,
par son lieu naturel, c'est-à-dire par
» dit
:
Buridan 3,
le lieu
«
n'est point
qui se trouve vers
mû
le bas,
au moyen d'un mouvement d'altération semblable à celui par lequel l'aimant meut et attire le fer. On ne doit point, en effet, supposer qu'un corps en attire un autre, si ce n'est par l'un de ces deux procédés Ou bien ces deux corps sont liés l'un à l'autre ou bien le premier corps imprime dans le milieu ambiant, et jusqu'au second corps, quelque vertu ou qualité par laquelle le second corps est mis en mouvement. Ce second procédé est celui auquel nous aurions recours pour expliquer le mouvement du fer vers l'aimant. Mais, dans le cas proposé, on ne saurait dire qu'il en soit ainsi, car cette vertu ou :
1.
2.
;
Voir pp. 6V72 et pp. 82-90. Magistri Johannis Buridam Qucstiones totius libri Phisicorum ;lib. Vil, quœst. I\
:
necesse est in omni motu movens esse simul cum moto. Bibl. nat., fonds latin, ms. 1/4733 ; fol. 92, col. d. 3. Magistri Johannis Buridam Questiones tolius libri Phisicorum ; lib. VIII, quasst. IV: Utrum actu grave existons sursum moveatur per se post remotionem prohibent is vol a quo rnovoatur. Ms. cit., fol. 100, col. 1».
Utrum
.
NOTES qualité serait plus puissante auprès
de ce lieu
;
le
42
du
dont
lieu
elle
émane, que
1
loin
même
grave se mouvrait donc vers son lieu avec une plus venait de près que s'il venait de loin, ainsi que cela
grande vitesse s'il a lieu pour le fer qui se meut vers l'aimant mais on observe que cela est faux en la chute des graves. « Vous allez dire que ce raisonnement doit être rétorqué en sens contraire; il est manifeste, en effet, qu'un grave, en sa chute, se meut d'autant plus vite qu'il approche davantage de son lieu il ne semble pas que cela puisse s'expliquer, sinon parce que le lieu exerce auprès ;
;
une vertu
d'attraction plus grande qu'au loin. »
Cette riposte, Buridan ne réfuter; Simplicius et saint
l'a
pas imaginée pour
Thomas d'Aquin
le
de
plaisir
avaient soutenu
«
la
l'opi-
nion qu'elle expose.
Or
cette
opinion implique une idée entièrement fausse sur
la
chute
tombe un corps pesant distance qui sépare ce corps du lieu
accélérée des graves; la vitesse avec laquelle
ne dépend nullement de la naturel auquel il tend; cette distance ayant, en des circonstances différentes, la même valeur, la vitesse est cependant plus ou moins grande selon que le poids a commencé à se mouvoir depuis plus ou moins longtemps. Cette réponse est celle que Buridan va faire à l'objection qu'il a
mais un autre l'a donnée avant lui, et cet autre est Richard de Middleton seulement, Richard de Middleton y a joint une supposition erronée touchant la chute accélérée des graves à la suite du géomètre hellène inconnu auquel nous devons les derniers livres du Jordanl opusculum de ponderositate *, il attribue à une impulsion du rapportée
;
;
;
milieu ébranlé l'accroissement de la vitesse avec laquelle se meut le
poids; cette hypothèse fut ensuite, nous l'avons vu 3
Walter Burley
et
par Jean de Jandun
;
,
reprise par
nous avons entendu 4 Léonard quelle vogue elle avait eue à
nous avons dit l'époque de la Renaissance et au xvn e siècle. Voici les propres paroles de Richard de Middleton 6 « Certains prétendent que les corps sont mus par une vertu émanée du lieu opposé à leur lieu naturel, vertu qui les repousse. » Mais on ne peut dire que ce soit là la cause propre du mouvement
de Vinci
5
la professer;
:
des corps pesants; plus, en
effet,
ces corps seraient éloignés
du
centre,
Voir p. 71 Voir: Première série, p. 12g et p. 276. 3. Voir: Première série, p. i3o. k. Voir: Première série, p. i34 et p. 277. 5. Voir: Première série, pp. i34-i37. 6. Ricardi de Media Villa Qaaestiones super quatuor libros Sententiarum; lib. II, dist. XIV, art. III, quaest. IV; éd. cit., tomus secundus, p. 180. Les premières phrases, brouillées dans le texte au point de devenir peu compréhensibles, ont été rétablies ici et rendues, croyons-nous, conformes aux intentions de l'auteur. i.
2.
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
^22
mouvraient rapidement, car ils seraient plus fortement atteints par la cause qui les meut; or il est certain que le mouvement des corps graves ou légers est plus rapide vers la fin qu'au commenplus
ils
se
cement.
mouvement est une vertu attractive émanée du lieu naturel, en sorte que le mouvement des éléments vers leur lieu propre est un mouvement de traction. D'autres disent que la cause de leur
)>
Mais à l'encontre de cette opinion, on peut produire l'argument que voici Le Commentateur dit qu'une attraction en laquelle le corps »
:
demeure immobile tandis que le corps attiré est seul en n'est pas une attraction réelle et véritable; en ce cas, le corps attiré se meut de lui-même vers le corps attirant, afin d'atteindre sa perfection, tout comme la pierre se meut vers le bas et attirant
mouvement
le feu vers le »
haut.
mon
Voici donc, à
avis, ce qu'il faut
dire
Bien que
:
les
divers
les a engendrés aux mouvements qui leur sont naturels, cependant c'est par leur propre vertu, et [non pas] par la participation de quelque influence siégeant en
éléments aient été déterminés par ce qui
mouvements auxquels la cause déterminés Mais l'efficacité de ce mouvement est aidée par l'ébranlement du milieu même, ébranlement produit par le corps grave ou léger qui se meut, comme l'expérience exécutent
leurs lieux naturels, qu'ils
les
génératrice les a
nous l'enseigne. Prenons, en
même et la
figure
;
faisons
effet,
commencer
deux corps de même poids chute du premier d'un lieu
la
chute du second d'un lieu plus bas, et cela de
moment où
le
second (celui qui part du lieu
à descendre, le premier (celui qui part
parvenu
à
une distance du
second commence
à se
sol égale à
du
celle à partir
que
lorsqu'ils se trouvaient à égale distance
même
plus bas)
de
élevé
qu'au
commencera
lieu le plus élevé) soit déjà
mouvoir. Le grave qui
élevé viendra à terre plus rapidement
comportaient de
le
telle sorte
et
est parti
de laquelle
du
le
lieu le plus
l'autre grave; et cependant,
du
à l'égard de l'influence
sol,
du
ces
deux corps
se
lieu. »
Buridan va raisonner exactement de même que Richard de Middleton pour prouver que l'accélération de la chute des graves ne s'explique pas par une influence du lieu naturel, influence d'autant plus puissante que le corps pesant serait plus voisin du centre. Mais à l'hypothèse du Franciscain anglais touchant la cause de cette
accélération,
Écoutons -le a
A
il 1
cela, je
substituera
une
hypothèse
autrement
heureuse.
:
réponds que, toutes choses égales
d'ailleurs,
un grave
ne tombe pas plus vite lorsqu'il est voisin du lieu inférieur, lorsqu'il en est, par exemple, distant de trois pieds ou de dix pieds, que
i.
Jean Buridan,
loc. cit.
423
NOTES
ou par mille pieds. sommet de l'une des au trouve
lorsqu'il en est éloigné et séparé par cent pieds
Supposons, en effet, qu'un homme se tours de Notre-Dame, et qu'une pierre, située à dix pieds au-dessus de lui, tombe sur lui; cette pierre ne blesserait ni plus ni moins cet homme que s'il se trouvait au plus bas lieu d'un puits profond, et que cette même pierre lui tombât dessus de dix pieds de haut. On voit bien par là
qui est »
si
que
la pierre
ne
se
meut pas
bas, qu'en ce lieu-là, qui est
Partant,
il
est manifeste
que
si
lieu
;
mais,
comme nous
le
élevé.
meut plus vite ou plus plus proche ou plus éloigné de
un grave
lentement, ce n'est pas parce qu'il est
son
si
plus vite en ce lieu-ci,
se
dirons plus loin, c'est parce que
le
un certain impelas qui se joint à mouvement devient ainsi plus rapide
corps pesant acquiert de soi-même
pour le mouvoir; le qu'au temps où le corps pesant sa gravité
était
mû
par sa seule gravité; plus
le
mouvement devient rapide, plus ïimpetus devient vigoureux; au fur et à mesure donc que le poids continue à descendre, son mouvement devient de plus en plus rapide, parce qu'en continuant
à
descendre,
il
du point à partir duquel il a commencé de produise, d'ailleurs, en un lieu plus haut que chute se tomber; cette ou en un lieu plus bas, il n'importe. » s'éloigne de plus en plus
Les discussions relatives à la pluralité des
mondes
la pesanteur conduisent ainsi Buridan à développer fécondes touchant la chute accélérée des graves.
et à la les
nature de
idées les plus
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
!\'l\
-
DE QUELQUES SOURCES AUXQUELLES NICOLAS DE CUES A PU PUISER G.
Jean Scot Ériugène.
I.
Nous avons eu occasion de montrer
T
comment
les idées
chimiques
de Nicolas de Gués se reliaient à sa Philosophie générale. Cette Chimie, en admettant que tous les corps réellement existants sont des mixtes
formés par des combinaisons de quatre éléments principaux, s'accorde avec l'enseignement à peu près unanime de la Physique péripatéticienne
même
mais, en
;
distinguent de
Chimie du
elle
présente certains caractères qui la
commentateurs. beaucoup plus que celle-ci sur de rencontrer, dans le Monde, les éléments à l'état de
la
d'abord,
Celle-là. tout
l'impossibilité
temps,
Stagirite et de ses
insiste
pureté.
En second
lieu, la
Chimie de l'Évêque de Brixen
quatre éléments principaux, (alteritas)
En
les résultats
voit,
dans
les
d'une première différenciation
d'un élément universel unique.
troisième lieu, enfin (et c'est là une distinction essentielle entre
l'enseignement de l'École
et celui
de Nicolas de Cues)
la
Physique
comme
formés d'une le cinquième essence absolument hétérogène aux quatre éléments sont, eux les astres admet que contraire, Allemand, au Cardinal corps célestes
péripatéticienne regarde les
;
aussi,
formés par
les
quatre éléments sublunaires.
Cette Chimie, nous l'avons dit, Nicolas de Cues ne
de toutes pièces
;
il
n'a guère
fait
l'a
pas formée
qu'incorporer à son système général
de Philosophie ce que divers penseurs avaient dit de la composition des corps. Il n'est donc pas malaisé de lui découvrir des précurseurs, et
nous
lui
en avons trouvé.
Nous avons montré comment Raymond Lullea
même
faisait dériver
d'une
quatre éléments purs qui se mélangent entre eux pour former nos éléments ou éléments minéraux, identiques aux mixtes généraux de Nicolas de Cues ces éléments minéraux se «
matière fine et claire
»
;
combinent entre eux pour donner les mixtes plus ou moins complexes qui nous entourent. Nous avons montré également 3 comment les chrétiens occidentaux qui philosophaient avant que le Péripatétisme n'eût établi son empire sur l'École, regardaient, presque tous, les astres et les cieux connut i.
2. 3.
Voir p. 119. Voir p. i48. Voir pp. 259-260.
1
5
NOTES
formés de feu, ou bien de feu
42
et d'eau,
sans invoquer d'aucune
manière une cinquième essence. D'autres philosophes médiévaux peuvent encore être ayant influé sur la Chimie du Cardinal Allemand. Ainsi ce que dit Nicolas de Cues, après
principaux
des mixtes généraux; du
et
cités
comme
Raymond Lulle, des éléments mouvement d'analyse qui,
sans cesse, ramène les mixtes généraux aux éléments principaux
mouvement
par l'intermédiaire de ceux-ci, à l'élément universel; du
de synthèse qui descend
le
chemin que
le
et,
premier a remonté; ce
sont pensées dont l'analogie est fort grande avec celles que développe
Jean Scot Ériugène
Au
1 .
point de départ de la création,
placer l'Universalité de la créature lité
;
il
lui
donne
l'être
pas dans
le
temps;
tant qu'il
l'a
formée.
elle existe
;
lui est
il
Cette Universalité,
;
Dieu
est la cause
;
il
seulement antérieur par subsistante
au
ne
la
Au
sein
unique
du Verbe
la raison,
le
en
du Verbe
sein
ou causes primordiales des choses 3 identifie aux fêéa platoniciennes.
divin, l'Universalité de la création est
et indivisible;
,
précède
divin, est l'ensemble des raisons
ces raisons des choses, Scot les
2
de cette Universa-
éternellement en lui
éternellement
Ériugène
faut, selon Scot
il
Verbe divin
est l'unité
;
un individu
indivise de toutes
choses, car il est lui-même toutes choses. En même temps qu'il est absolument simple, le Verbe est infiniment multiple, car il est répandu en toutes choses et ces choses ne subsistent que parce qu'il est répandu en elles.
Ces raisons éternelles des choses, dont l'ensemble forme l'Universalité de la création, « sont les causes de toutes les choses visibles et invisibles 4;
il
n'y a rien, dans tout l'ordre des choses naturelles, qui
puisse être perçu par le sens, par la raison ou par l'intelligence, et qui ne procède de ces causes, qui ne subsiste par elles. » Parmi elles sont des corps simples invisibles, inaccessibles à toute
perception
;
des
grandeurs
et qualités
de ces corps rationnels
forment, en premier lieu, des éléments que Scot
nomme
catholiques
se
ou
universels.
Ces éléments catholiques, à leur tour, s'uniront entre eux pour
former tous
les
corps composés du
Les corps rationnels
et éternels,
Monde
sensible.
cause primordiales des éléments
1. Joannis Scoti lUpi <1>j<7S0); u.spio |j.o"j, id est de divisione Naturae libri quinque. (Joannis Scoti Opéra quae supersunt oninia ad fidem Italicorum, Germanicorum, Belgicorum, Franco-Gallicorum, Britannicorum codicum partim primus edidit, partim recognovitHenricus Josephus Floss. Patrologiae cursus completus; séries II Patrologia latina, accurante J. P. Migne t. CXXII, i853). 2. Joannis Scoti Eriugenae De diuisione naturae lib. III; éd. cit., col. 63g. 3. Scot Ériugène, loc. cit., col. 64 2. 4. Scot Ériugène, loc. cit., coll. 663-664. ,
l
—
;
:
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
42 6
simples, sont assurément de nature
spirituelle
Au
1.
contraire,
les
corps mixtes, soumis à la génération et à la corruption, sont d'une
nature exclusivement corporelle. Entre les uns
et les autres se
trouvent
éléments catholiques. « Ceux-là ne sont pas entièrement de nature corporelle, car pour former les corps, il faut qu'ils soient corrompus les
ils ne sont pas non plus absolument puisque tous les corps proviennent d'eux et se résolvent en eux. On ne peut davantage dire qu'ils sont pleinement spirituels, puisqu'ils ne sont pas tout à fait exempts de nature corpo-
par leur mutuelle union;
exempts de
relle
cette nature,
cependant,
;
sont esprits
ils
quelque
en
subsistent par des causes primordiales qui sont
Au
travers de ce système
éléments simples
et les
ment de synthèse,
formé par
les
purement
causes primordiales, les
d'analyse, de transmutation a les
jusqu'aux causes primordiales; enfin,
forment
«
Les causes descen-
éléments en corps; à leur
uns dans
les
les
corps
Grecs
les
terre,
moyen de
eux-mêmes
se trans-
les autres. »
Les élément simples ou catholiques sont au
et
:
corps dissociés rejaillissent, par l'intermédiaire des éléments,
tour, les
eau
spirituelles. »
corps mixtes, se produit un continuel mouve-
dent pour se transformer en éléments,
« les
mesure, puisqu'ils
nommés du nom des ont
ces éléments.
:
TcOp,
à-rçp,
iiowp,
y*3j
nombre de quatre 3 c'est-à-dire
:
;
feu, air,
quatre grands corps qui sont formés au
»
ne servent pas seulement à former notre feu, notre air, notre eau, notre terre, et les corps plus petits en lesquels se divisent ces quatre grands corps ils forment aussi le Ciel et les corps célestes « Ces corps, en effet, que nous nommons célestes ou éthérés, semblent Mais
ils
'*.
;
être spirituels et incorruptibles; cependant,
comme
leur existence a
eu pour commencement la génération et la composition, ils arriveront certainement un jour à la dissociation et à la destruction. » Ainsi 5 « ces quatre élément simples, absolument purs, inaccessibles à tout sens corporel, sont répandus partout; en se compénétrant les
uns
les autres
proportions,
d'une manière invisible, en s'unissant selon certaines forment tous les corps sensibles, les corps éthérés et
ils
les
corps aériens aussi bien que les corps aqueux et les corps terrestres,
les
grands corps aussi bien que
les
corps de
moyenne dimension
et les
corps les plus petits. Toute la sphère céleste, dirai -je, tout ce qui se trouve en elle et tout ce qui, de la surface au centre, est contenu en la cavité qu'elle enceint, tout cela est
né par
le
concours des éléments
catholiques; tout ce qui, au cours des siècles, naît des transforma-
i.
2. 3.
4. 5.
Scot Scot Scot Scot Scot
Ériugène, Ériugène, Ériugène, Ériugène, Ériugène,
loc. cit., col. 6g5. loc. cit., col.
696.
loc. cit., col.
712.
loc. cit., col.
701.
loc. cit., col.
712.
NOTES
427
tions des choses corruptibles, provient de ces éléments et retourne à
ces éléments.
On ne
»
aucun corps qui ne soit formé par le Ce ne sont pas certains corps qui concours de ces quatre éléments trouver
saurait
"'.
sont formés par certains éléments, mais tous les corps qui sont formés
par tous les éléments
;
non quaedam ex quibasdam, sed omnia ex
omnibus conftuunt. Ces élément purs et universels sont doués, chacun, d'une qualité aux quatre éléments correspondent ainsi quatre qualités, deux à deux opposées, qui sont le chaud et le froid, le sec et l'humide « Lors donc qu'on les conçoit isolément 2, qu'on les considère comme purs ;
:
séparés les uns des autres, ces éléments semblent être contraires
et
uns aux autres... Mais une harmonie admirable les
de toutes
les
lorsqu'ils se et ineffable,
choses visibles.
uns aux autres, par réalisent les compositions
mêlent ils
les
»
Bien que certaines qualités 3 soient plus sensibles en certains corps et d'autres moins sensibles, cependant le concours (synodus) des «
une mesure commune et uniforme. L'Intelligence divine a équilibré avec une parfaite justesse tous les corps du Monde entre deux extrémités opposées, entre l'extrême pesanteur, veux -je dire, et l'extrême légèreté; c'est entre ces deux extrêmes qu'a été pesée la constitution de tous les corps visibles. Tous les corps reçoivent les qualités terrestres, qui sont la solidité et l'immobilité, dans la mesure où ils participent de la pesanteur; au contraire, en la mesure où ils retiennent de la légèreté, en cette même mesure ils ont part aux qualités célestes, qui sont la rareté et la fluidité. Les corps intermédiaires, ceux dont la pesanteur se balance à égale distance des deux extrêmes, participent également de ces qualités opposées. En ces quatre éléments universels, on éléments catholiques
trouve
même
le
a,
en tous
même mouvement,
possession.
le
les corps,
même
repos, la
même
capacité, la
»
Toutes ces pensées de Jean Scot Ériugène, nous
les
avons retrou-
Chimie de Nicolas de Cues et, bien souvent, elles y étaient exprimées presque dans les mêmes termes. Raymond Lulle d'abord, l'Évêque de Brixen ensuite, ont assurément subi l'influence du philosophe de Charles le Chauve. Scot Ériugène admet que les corps célestes sont formés non pas par un corps spécial, mais par une combinaison des quatre éléments. La même pensée, que Nicolas de Cues devait accueillir, se trouve très formellement exprimée dans un traité intitulé De constitutlone mundi caelestis terres tris que liber que l'on attribue, en général, à Bède le vées en étudiant la
1.
2.
3.
Scot Ériugène, Scot Ériugène, Scot Ériugène,
loc. cit., col.
713.
loc. cit., col.
706.
loc. cit., col.
71^,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
/|28
Vénérable. Cette attribution est d'ailleurs insoutenable; l'auteur
cle
longtemps après Bède, puisqu'il cite à deux reprises les Gesta Caroll que le Moine de Saint-Gall composa sous Charles le Chauve. au sujet De la tache de la Voici ce que nous lisons, en ce traité
cet
a vécu fort
écrit
i
lune
,
:
formée par les quatre éléments. De ces éléments, il en est trois qui sont bien mêlés et polis, car ils sont naturellement transparents et rendent d'eux-mêmes de la lumière. Au contraire, au lieu «
où
La Lune
est
trouve la tache, la terre n'est point bien mêlée aux autres
se
éléments; lumière.
est
elle
rugueuse en cet endroit
et
ne répand pas de
»
L'idée que les cieux et les corps célestes sont formés d'une substance absolument hétérogène à celle des corps que nous voyons et touchons ne s'est offerte à l'esprit des chrétiens d'Occident qu'au xm siècle, alors que la Physique d'Aristote et de ses commentateurs s'était emparée de cet esprit. e
II.
Par ses idées sur astres, Nicolas
les
Jean Buridan.
éléments, les mixtes et
la
de Cues est tributaire du Moyen Age
constitution des le
plus reculé, de
aux écoles de Charlemagne. Par quelques autres il se rattache aux enseignements que l'Université de Paris donnait au xrv siècle. Nous avons déjà signalé 2 comment un Guillaume d'Ockam et un Albert de Saxe avaient habitué leurs contemporains à méditer sur les antinomies que la contemplation de l'infini offre de toutes paris à notre raison; comment certains disciples de ces Nominalistes, tel Marsile d'Inghen, n'hésitaient pas à déclarer que ces antinomies sont insolubles pour notre intelligence; par là, l'esprit se trouvait préparé à enfanter un système semblable à celui de Nicolas de Cues, à prendre une antinomie formelle pour fondement même de la Métaphysique. D'ailleurs, ce que l'Évêque de Brixen dit 3 de l'infinité du Monde porte la trace visible des discussions qui ont mis aux prises les partisans de l'infini injîeri et les tenants de l'infini in facto esse. Si les préoccupations qui ont amené le Cardinal Allemand à formuler son postulat fondamendal le maximum est identique au minimum, tirent en partie leur origine des enseignements parisiens sur l'infini, d'autres parties de la doctrine de Nicolas de Cues semblent celui qui s'est instruit
de ses doctrines, au contraire,
c
:
i.
Bedae Venerabilis Operum tomus
séries II a.
3.
:
Patrologia latina, accurante
Voir p. 126. Voir p. 112.
J. P.
I,
col.
Migne;
888 (Palrologiae cursus complétas; t. XC).
NOTES
quelque chose de ce que certains maîtres de Paris professaient
refléter
touchant les universaux Entre tous
quoi
l\'2CJ
ils
et le
hommes,
les
méritent tous
le
principe d'individuation.
il
nom
y a quelque chose de d'homme, ce par quoi
commun, ils
ce par
appartiennent
une même espèce; ce quelque chose de commun à tous les hommes, c'est l'essence spécifique, c'est la quidditas. En un homme particulier et déterminé, en Socrate ou en Platon, il tous à
n'y a pas seulement l'essence spécifique, par laquelle
il
est
homme;
y a aussi quelque chose par quoi il est tel homme et non pas tel il est Socrate et non pas Platon; ce quelque chose qui,
il
autre, par quoi
survenant à l'essence spécifique, distingue
individus les uns des
les
autres, c'est le principe d'individuation.
Quelle est
nature de l'essence spécifique, quelle est celle du prin-
la
cipe d'individuation? Cette question était posée déjà en la Philosophie
Au Moyen
antique.
Age, par les liens étroits qui
discussions sur la théorie averroïste de l'unité de
la
rattachent aux
l'intellect, elle
prend
une importance dominante. nombreuses, si diverses, que nous ne pouvons songer à les décrire ici tout au plus nous est-il possible de caractériser à grands traits les principales catégories en lesquelles on les peut classer, sans marquer les nuances qui distinguent les unes des autres les diverses solutions rangées en une même catégorie. Les solutions proposées sont
si
;
Boëce identifie l'essence êtres
la
même
substance
de
accidents seuls distinguent les uns des autres les divers
les
l'être;
spécifique avec
d'une
même
espèce et constituent
le
principe d'individuation.
Selon une doctrine qui s'ébauche dans les écrits d'Aristote, qui s'affirme par la
par
diverses,
bouche d'Averroès, qui
les
méditations de saint
se précise, avec des
nuances
Thomas d'Aquin,
l'essence
spécifique, la quidditas d'un être, est constituée par la être;
par
la
les
forme de cet au contraire, le principe d'individuation; c'est divisions de la matière que diffèrent les uns des autres les matière
individus d'une
est,
même
espèce; des êtres qui sont constitués par des
formes dénuées de matière ne peuvent être distincts les uns des autres que s'ils diffèrent spécifiquement; dans le monde des substances séparées, chaque individu est
une espèce. « Une foule de non seulement en la forme
D'autres professent une doctrine toute contraire
philosophes déclarent
propre de
que
la
et
la Philosophie,
soutiennent,
mais par
les raisons
une erreur
de
la
i.
dont use
la
Théologie,
matière est numériquement une en toutes choses et que la
seule diversité provient de la forme. C'est u
:
infinie;
spéculation;
si
il
là, »
poursuit Roger Bacon
*,
n'en est pas de plus grande dans le domaine
on l'admet,
il
devient impossible d'expliquer
Rogeri Bacon Opus majus, Pars IV, Dist. IV, Cap. Vil; éd. Jebb,
p. 88.
la
ETUDES SUB LEONARD DE
>|3o
génération des choses, et naissable.
A
le
cours entier de
\
l.NGl
nature devient incon-
la
»
Bacon veut
l'encontre de cette doctrine,
*
que
la différence spéci-
fique et la différence individuelle portent l'une et l'autre à la fois sur la
matière
assertion
chose
est
sur la forme. Les autorités que l'on invoque contre cette
et
des confusions verbales
s'expliquent par
2
en puissance d'une autre chose, lorsqu'elle est
d'autres réalités,
pourquoi
on
Lorsqu'une
le
fondement
nomme principe matériel ou matière; nommé matière, tandis que l'espèce et les
voilà
la
genre est
le
«
:
diffé-
Mais en ces manières de parler, la matière n'est pas prise au même sens qu'en l'erreur susdite; en cette
rences sont dites formes erreur, en
est
elle
effet,
considérée
comme
l'une des parties
du
composé, comme une substance simple, essentiellement différente de la forme; ici, au contraire, on entend par matière un composé incomplet, qui est l'essence d'un certain genre; cette matière est en
puissance des espèces subséquentes à ce genre. L'opinion de
Duns
En un même
individu, Jean de
»
Scot diffère à l'extrême de celle de Bacon.
Duns Scot admet non pas une forme
unique, mais une pluralité de formes; ces formes se succèdent suivant
une certaine hiérarchie, chacune qu'elle
marque
forme,
commune
l'être
d'elles étant d'autant
d'un caractère plus particulier; une certaine
à tous les êtres d'un
même genre,
générique; une forme plus parfaite est fique;
une forme plus
enfin
plus parfaite
parfaite
constitue l'essence
la quidditas, l'essence spéci-
que toutes
les
autres
vient
contraindre, contracter (contrahere) l'essence spécifique en existences individuelles;
chaque forme
se
comporte à l'égard de
rieure qu'elle particularise et contracte à Tégard de
comme
la
l'acte
forme infése comporte
la puissance qu'il détermine.
Cette théorie de la pluralité et de la gradation des formes, proposée
par Duns Scot, rappelle de très près pluralité des il
y
a,
âmes en un
même
la
doctrine néo-platonicienne de la
individu en ;
un homme, par exemple, une âme végétative par
selon cette dernière doctrine, d'abord
laquelle
il
est
un
être vivant; puis
une âme
sensitive, plus élevée
que
animal; enfin, une âme raisonchacune de ces âmes est à lame immédiatement inférieure ce que la forme est à la matière, ce que
l'âme végétative, par laquelle
nable par laquelle
il
est
il
est
homme
et
;
l'acte est à la puissance.
Telles sont, réduites à leurs grandes lignes, les théories de l'essence
spécifique et de l'individuation qui, au début
geaient
la
taient pas
faveur des philosophes ou,
du
xiv e siècle, se parta-
du moins, de ceux qui ne
en bloc tous ces problèmes,
comme
le faisait
d'Ockam. i.
2.
Rogeri Bacon Opus tertium, Cap. WMIII; Roger Bacon, loc. cit., pp. 139-130.
reje-
Guillaume
éd. Brewer, pp. iuo-i3i.
NOTES
/|ÔI
C'est alors que vient Jean Buridan dont nous voulons, d'une façon car ils ont, peut-être, influé sommaire, analyser les enseignements sur ceux de Nicolas de Gués. Buridan ne veut pas identifier, comme le font les Averroïstes et les 1
,
Thomistes, l'essence spécifique avec duation avec
que
l'on
la
matière
;
la
forme,
textes d'Aristote et
les
invoque à l'appui de cette doctrine
principe d'indivi-
le
du Commentateur par
lui paraissent faussés
des confusions verbales.
Commentateur, dit-il 2, se sont souvent exprimés de Ce qui est la quidditas du composé singulier, la manière suivante de Socrate ou de Platon, par exemple, ils l'ont appelé forme, quelle que Aristote et le
a
:
d'ailleurs, la
soit,
matière
les
nature de cette quidditas; puis,
ils
ont
nommé
conditions par lesquelles l'espèce est contractée en termes
singuliers, sans rechercher quelles choses sont, en réalité, ces conditions. » C'est ainsi la
forme de
l'être
qu'on a pu déclarer que l'essence spécifique était individuel et que le principe d'individuation en
mais cette affirmation résultait d'une confusion verbale, due à une acception impropre des mots forme et matière. « Cette acception, elle-même, tire son origine de l'opinion de Platon; Platon croyait, en effet, qu'à parler proprement, le genre et l'espèce désignent en premier lieu et principalement des substances séparées, c'est-à-dire des formes dénuées de matière, qu'il nommait idées et qu'il était
la
matière
;
disait être les quidditates des substances singulières.
»
Rebelle à la théorie averroïste et thomiste de l'essence spécifique
Buridan n'admet pas davantage 3 la théorie cette théorie conduirait à des scotiste de la pluralité des formes « Le cheval posséconséquences qu'il rejette, celle-ci par exemple que n'est l'âme sensitive, ce derait une forme substantielle plus noble La qui est impossible or, cette conséquence se prouverait ainsi forme spéciale est acte par rapport à la forme générale; elle se comporte à l'égard de la forme plus générale comme la forme se comporte à l'égard de la matière; il faut donc que la forme spéciale soit plus noble que la forme générale; or, dans le cheval, dans l'âne, dans le et
de
l'individuation,
;
:
:
;
bœuf, l'âme sensitive
est cette
forme générale à laquelle
ils
doivent ce
Ces enseignements sont contenus dans l'ouvrage suivant In Metaphysicen ArisQuœstiones argutissimœ Magistri Joannis Buridani in ultima prœlectione ab ipso recognitœ et emissse : ne ad archelypon diligenter repositœ : cum duplice indicio : materiarum videlicet in froute: et quœstionum in operis cake. Vaenundantur Badio. Golophon: Hic terminantur Metaphysicales quaestiones brèves et utiles super libros Metaphysice Aristotelis quae ab excellentissimo magistro Ioanne Buridano diligenredactae fuerunt in ultima tissima cura et correctione ac emendatione in forma praelectione ipsius Recognitae rursus accuratione et impensis Iodoci Badii Ascensii 1.
:
totelis.
m
ad quartum idus Octobris. MDXVIII. Deo gratias. 2. Joannis Buridani Quœstiones in Metaphysicen Aristotelis;
lib. VII,
quaest. XIII;
lib. VII,
quaest.
éd. cit., fol. xliii, col. a. 3.
Joannis Buridani Quœstiones
éd. cit., fol. xlix
(marqué
in
Metaphysicen Aristotelis,
xliii), col. a.
XIV
;
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
/|02
nom commun
y aurait donc, dans le cheval, outre l'âme sensitive, une forme spécifique il en serait de même dans l'âne et dans le bœuf; et selon ce qui vient d'être dit, cette forme spécifique d'animal;
il
;
serait plus
noble que l'âme sensitive.
»
Quelle sera donc l'opinion de Buridan touchant l'essence spécifique?
nous prenons en leur sens propre les mots forme substantielle, que ces termes matière et composé de matière et de forme, je dis généraux homme, animal, ne signifient pas la forme prise à part de la matière; qu'ils ne signifient pas non plus la matière considérée séparément de la forme ils désignent la matière et la forme, distinctes l'une de l'autre, mais considérées simultanément... L'homme, c'est donc le composé de forme et de matière et non pas seulement la forme. » Entre cette opinion et celle de Roger Bacon, l'analogie n'est « Si
»
:
;
pas niable.
Maintenant que nous savons ce que
que
homme ou
signifie
un terme universel
animal, demandons-nous de quelle existence
il
tel
est
doué.
terme universel a-t-il une existence séparée des indicorrespond 2 ? Hors des divers hommes singuliers, hors de Socrate, de Platon, existe-t-il quelque part un être réel qui soit l'homme en général, l'homme-espèce? C'est la doctrine de Platon, Et, d'abord, le
vidus auxquels
il
qu'Àristote réfute.
on peut faire valoir des arguments tels que ceux-ci, qui paraissent avoir eu grande vogue dans les écoles Si l'homme-espèce est un être distinct et séparé des hommes-individus, tels que Socrate ou Platon, on ne peut dire Socrate est homme, Contre cette doctrine, en
effet,
:
:
Platon est
Ou
homme.
bien encore
:
Puisque l'homme-espèce
est, lui
aussi,
individuel, on ne peut dire Socrate est
homme,
Platon est
sans identifier Socrate et Platon avec cet
homme
et,
un
être
homme,
par conséquent,
sans les identifier entre eux.
Buridan juge, fort justement, que ces arguments correspondent à une forme trop grossière de la théorie des idées; ils supposent que l'on n'a pas pénétré le fond même de la pensée de Platon. « Assurément, dit-il 3, on doit penser que Platon n'a jamais admis que les Socrate, homme, celles réalités auxquelles se substituent ces termes pour lesquelles cette proposition Socrate est homme, est une vérité, soient des choses distinctes et séparées l'une de l'autre. » On doit penser que son opinion au sujet de l'homme était analogue :
:
i.
Joannis Buridani Quœstiones
in
Melaphysicen Aristotelis,
lib. VII,
quacst. \lll
;
éd. cit., fol. xliii, col. a. a. 3.
Joannis Buridani Quxstiones Joannis Buridani Qiisestiones
éd. cit
.
fol. l. col.
c
in in
Metaphysicen Aristotelis, Metaphysicen Aristotelis,
lib. VII, lib.
quaest.
VII, quacst.
XV.
W
;
notes
433
Commentateur professe au sujet de l'intellect humain. Celui-ci croyait, en effet, comme on le voit au III livre du De anima, que tous les hommes comprennent à l'aide d'un intellect qui est numériquement un; cet intellect unique est séparé des hommes, en ce sens qu'il n'est inhérent à aucun d'eux mais il assiste chacun
à celle
que
le
e
;
d'eux par sa présence immédiate fpraesentialiter
même y
disons-nous que Dieu assiste
une multitude d'hommes
ait
Monde
le
une
réalité
hommes mais ;
par un seul
terme: être
et
même
intelligent, est
sa signification formelle porte sur
qui est séparée de tous les
hension qui existe en cet
de
;
entier; ainsi, bien qu'il
intelligents, c'est
intellect qu'ils sont tous intelligents; ce
bien substitué aux
et indistanter)
hommes,
à savoir la compré-
intellect.
On remarquera, à ce propos, qu'il n'y a pas inconvénient à ce qu'un certain terme soit substitué à tel être, alors que sa signification ))
formelle désigne une réalité séparée de cet être. Ainsi le terme
pour
est pris
la
chose qui
agit, alors que,
:
agent,
par sa signification formelle,
désigne l'action en vertu de laquelle cette chose reçoit le nom d'agent; cette action, cependant, n'est point dans la chose qui agit, mais dans la chose qui pâtit. De même, lorsque je dis Cette pierre
il
:
est vue, ce
terme
:
vue, est attribué à la pierre; sa signification for-
melle, cependant, désigne la vision par laquelle cette pierre est vue,
ne siège pas en la pierre, mais en l'œil. » C'est donc en ce sens que Platon disait de l'humanité ou de l'animalité qu'ellejest une forme séparée de tous les hommes individuels ou de tous les animaux particuliers qu'elle est absolument une,
et cette vision
;
et que,
cependant, tous
les
hommes
sont
hommes
par cette seule
et
même humanité, que tous les animaux sont animaux par cette seule et même animalité; il eût donc très certainement accordé que Socrate est un certain homme et que Platon est un autre homme, tout en maintenant que Socrate et que Platon sont hommes par la même humanité. » Encore que présentée sous cette forme plus subtile la théorie platonicienne des idées n'est
parmi
les
arguments
point adoptée par Buridan
;
qu'il fait valoir contre elle, celui-ci paraît être,
à ses yeux, le plus puissant
:
Pour expliquer tout ce que nous recon-
naissons en l'essence spécifique,
de cette forme séparée qu'est Sans admettre que
et plus déliée,
il
est inutile d'admettre l'existence
l'idée platonicienne.
universaux aient une existence séparée de celle des individus auxquels ils correspondent, peut-on admettre que les
leur existence, encore qu'indissolublement liée à celle des individus,
cependant distincte? A cette question «très difficile», Buridan répond que les universaux ne peuvent avoir une existence
en
soit
*
i.
éd.
Joannis Buridani Qusestiones
cit., fol. li,
p.
duhem.
in
Metaphysicen Aristotelis,
lib.
VII, quaest.
col. c.
28
XVI;
.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
^34
distincte de celle des individus qui les particularisent; en
Socrate,
l'humanité ne peut avoir une existence distincte de celle de Socrate, car on ne pourrait dire Socrate est homme. En outre, si l'humanité :
une chose
était
distincte de Socrate et existant en Socrate, et aussi
une chose distincte de Platon et existant en Platon, on ne pourrait soutenir que l'humanité de Socrate est la même que l'humanité sans
Platon
de
revenir
Répondra- t-on
idées.
«
seule
et
hommes?
l'hypothèse de
à
qu'il y a des
même
humanité,
Parler
ainsi,
qui
est
poser de
c'est
l'existence
hommes la
séparée des
différents,
nature
nouveau
mais une
spécifique l'existence
de ces séparée
que Platon l'admettait. Selon la nature, en qu'une seule et même chose indivise se trouve à la fois en Socrate et en Platon, qui sont séparés et distants l'un de l'autre, à moins qu'elle n'y soit de la manière que nous concevons
des universaux, effet,
il
telle
est impossible
lorsque nous disons que Dieu assiste chacune des parties du
Monde
immédiatement présent. Cette manière d'être ne peut convenir qu'à une substance séparée de toute grandeur. » Si donc on rejette comme inutile la théorie platonicienne des idées prises sous la forme où Buridan la conçoit, on ne peut accorder à l'essence spécifique, signifiée par le terme universel, aucune existence séparée ou distincte de l'existence individuelle. Dans le domaine de la réalité, l'existence des universaux est identique à l'existence même de l'individu. C'est seulement en la raison que l'essence spécifique a une existence propre et distincte de celle et qu'il lui est
des individus. Cette essence,
conceptuelle en prenant tous les les
une existence individus d'une même espèce et en
la
raison lui
confère
dépouillant par abstraction de tous les caractères par lesquels
ils
uns des autres Que sont donc ces caractères individuels dont la raison devra faire abstraction pour concevoir l'essence spécifique? Cette question nous amène au problème du principe d'individuation que Buridan pose en « Ce qui, en une substance, contraint l'espèce à s'indices termes 2 vidualiser, est-ce une différence essentielle ou une différence accidiffèrent les
i
:
dentelle
Le
?
»
Maître
uniquement
parisien les
remarque
d'abord
que
si
l'on
considère
individus contractés sans tenir aucun compte des
concepts qui se forment en
la raison, la
question ne se pose pas.
Dans ces conditions, en effet, l'existence de l'homme, ou de l'animal, ou du corps, ou de la substance est une existence aussi particulière que celle de Socrate ou de Platon; l'homme, en effet, n'est rien autre «
i.
Joannis Buridani Quœstiones
in
Metaphysicen Aristotelis ;
lib.
VII, quaest.
XV;
éd. cit., fol. l, col. a. 2.
éd.
Joannis Buridani Qinestiones lu, col. b.
rit., fol.
in
Metaphysicen Aristotelis;
lib. VII,
quaest. XVII
;
NOTES
435
chose que Socrate, que Platon; puis donc que l'homme, ou que l'animal, n'a pas d'autre existence que des existences particulières...,
l'homme, l'animal n'ont pas besoin qu'aucune contraction
les réduise
à l'existence individuelle.
Nous devons donc, lorsque nous parlons de ces contractions, entendre qu'il est question des concepts ou des termes qui désignent »
ces concepts.
»
Buridan pose alors deux conclusions dont voici la première « Les différences par lesquelles les individus d'une même espèce nous paraissent distincts les uns des autres sont des différences purement :
accidentelles;
elles portent, d'ailleurs,
soit
sur des accidents intrin-
sèques aux individus, soit sur des accidents extrinsèques,
»
telle la
différence de position qui
nous permet de distinguer l'une de l'autre deux pierres, parfaitement identiques d'ailleurs. Buridan va-t-il conclure de là, avec Boëce, que deux individus d'une
même
espèce ne diffèrent que par leurs accidents, que les tout le principe d'individuation et que, par
accidents constituent
conséquent, l'essence spécifique est identique à
lement;
il
admet que deux individus de
encore numériquement distincts, tant intrinsèques
qu'extrinsèques,
lors
même même
substance
?
Nul-
espèce demeureraient
que leurs accidents,
deviendraient parfaitement sem-
pourquoi il pose cette seconde conclusion Nonobstant ce qui précède, il faut dire que deux individus d'une
blables, et c'est «
la
même
espèce,
:
comme
Socrate et Platon, diffèrent substantiellement;
en eux différence de substance, aussi bien de forme que de matière, en sorte que la forme de Socrate n'est pas la forme de Platon, et que la matière de Socrate n'est pas non plus la matière
qu'il y a
de Platon.
comme nous
l'avons vu, nous ne pouvons juger de que par des différences accidentelles. » Qu'est-ce à dire ? Ce qui distingue les uns des autres les individus d'une même espèce est quelque chose qui atteint la substance même »
Toutefois,
cette différence substantielle
des individus; ce principe d'individuation substantiel peut engendrer, entre deux individus, des différences accidentelles qui soient, pour
mais il pourrait aussi ne point engendrer de deux individus, substantiellement distincts, nous sembleraient alors n'en faire qu'un; le principe d'individuation substantielle échappe donc à notre connaissance. Buridan nous a appris d'ailleurs que pour concevoir l'essence spécifique, il fallait considérer tous les individus d'une même espèce et faire abstraction de ce qui les distingue les uns des autres. Si le principe d'individuation nous est inconnaissable, n'est-il pas bien nous, connaissables
;
semblables différences et
évident que l'essence spécifique le sera aussi jaillit
si
?
Cette conclusion qui
facilement des réflexions de Buridan, pour peu qu'on les
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
436 presse, les
celle-là
c'est
même
que Nicolas de Gués formule» dès : « La quiddité des choses, qui est la ne saurait être, par nous, atteinte en
sa Docte ignorance
débuts de
nature des êtres,
véritable sa pureté.
»
D'autres rapprochements peuvent être tentés entre l'enseignement
de Buridan
comme
L'un,
de Nicolas de Gués. l'autre enseigne nettement que, dans
et celui
toute existence réelle est
individus; l'un,
une existence
ont
thèses
comme
la
création,
une existence contractée; il n'y a que des l'autre, admet que les universaux, les synabstraite
et
en
conceptuelle
l'intellect
humain. Nicolas de Gués rejette,
des idées
;
il
comme
n'existe pas de
Buridan,
la théorie
platonicienne
formes séparées des choses individuelles
;
hors de Dieu, les formes n'ont d'autre existence réelle que l'existence contractée. Mais, de plus, Nicolas de Gués accorde 2 aux essences spécifiques, aux synthèses, une existence en Dieu; elles n'y sont pas
uns des autres, car il ne saurait exister plusieurs exemplaires, plusieurs maxima, plusieurs parfaits elles constituent donc en Dieu un exemplaire unique, et cet exemplaire, c'est le parfait, c'est Dieu lui-même. à l'état d'idées, d'exemplaires distincts les
;
De
cette doctrine, trouvons-nous des signes avant-coureurs en la
Métaphysique de Buridan? Nous
que
le
devinons déjà, semble-t-il, en ce Maître parisien enseigne au sujet de la théorie des raisons la
séminales.
Selon cette doctrine fort ancienne, et qui eut si fort la faveur de saint Augustin, des formes séparées, fort analogues aux idées platoniciennes, président aux générations et aux transformations dont la
formes séparées, ces raisons séminales, on pense les voir en œuvre, d'une façon particulièrement manifeste, dans la génération, que l'on croit spontanée, d'êtres vivants au sein des matière est
le siège; ces
corps en putréfaction. Cette théorie des raisons
séminales donne
à bien des débats. Certains docteurs,
pleinement Avicenne;
la ils
tel
lieu,
au Moyen-Age,
saint Bonaventure, adoptent
pensée de saint Augustin. D'autres se rattachent à nient l'existence de raisons séminales multiples; une
seule forme séparée, l'Ame
du Monde, accomplit
attribue à ces raisons. D'autres encore,
comme
saint
les
effets
que
l'on
Thomas d'Aquin,
nient résolument l'existence des raisons séminales aussi bien que de
l'Ame du Monde; Jean de Jandun enseigne 3 que
les
animaux sont
Voir p. 106. Voir pp. I&&-I&5. 3. Joannis de Janduno, philosophe perspicacissimi, acutissimœ quœstiones in duodecim Ubros Metaphysicsp ; Venetiis, apud Hieronymum Scottum, i56o; lib. VII, quaest. XIII; i.
->..
éd. cit., col. /170.
NOTES
437
engendrés au sein des matières en putréfaction par la vertu purement physique des astres. Buridan se demande à son tour « s'il est nécessaire, pour expliquer la génération des substances, de supposer l'existence de 1
substances séparées». L'existence des générations spontanées, à laquelle
substance incorporelle,
l'amène
II
:
faut
»
Cette substance est-elle
avec précision
croit,
donc admettre qu'il existe une plus noble que l'âme sensitive, et qui est le
à formuler cette conclusion
principe générateur.
il
une ou multiple? Buridan va nous
le dire
:
données par Themistius et les raisons données s'est mis en défaut lorsqu'il a multiplié les substances séparées à l'égal des espèces de substances susceptibles d'être engendrées; Platon, en effet, invoquait, en la génération de l'homme, le concours de l'homme séparé, qu'il nommait idée, c'est-à-dire modèle. » Comment donc Buridan veut-il que l'on transforme cette théorie platonicienne des idées, en laquelle il implique la théorie des raisons séminales? « Vous devez, dit-il, imaginer que cette substance séparée se comporte à l'égard du Monde entier comme nous avons admis que l'intellect humain se comportait à l'égard du corps humain, à cela « Voilà, écrit-il, quelles sont les raisons
par Avicenne; Themistius ajoute que ce furent par Platon; mais il dit avec raison que Platon
près,
toutefois,
Monde
que
cette substance séparée n'est pas inhérente
au
ne l'informe pas comme l'âme humaine informe le corps humain. Mais entre ces deux cas, il y a le rapport ou la similitude que voici De même que l'âme intellectuelle existe tout entière en tout le corps et tout entière en chacune des parties du corps, de même cette substance séparée assiste par sa présence immédiate (praesentialiter et indistanter) au Monde entier et à chacune des parties du Monde. » Buridan va-t-il, avec les Néo-platoniciens et Avicenne, faire de cette substance séparée une Ame du Monde, intermédiaire entre Dieu et la et
:
Nature sensible? Non point, car il ajoute tout aussitôt: a Et je crois que cette substance séparée n'est autre que Dieu tout-puissant. » Ainsi les essences spécifiques n'ont pas, dans la création, d'autre existence réelle que l'existence contractée des individus
ligence humaine, elles ont elles
une existence
ont encore une existence séparée, à
;
dans
l'intel-
abstraite et conceptuelle; titre
d'exemplaires et de
raisons séminales; mais à ce titre elles ne forment pas autant d'idées,
de substances diverses, qu'il y a d'espèces différentes; elles forment une substance séparée unique, présente tout entière au Monde tout 1.
Joannis
éd. cit., fol.
Bu ri dan
XLVI,
i
Quœstiones
coll. c et d.
in
Metaphysicen Arislotelis,
lib. VII,
quaest. IX;
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
438
chacune des parties du Monde; cette substance séparée, c'est Dieu même. Telle est, en toute son ampleur, la solution que le Maître parisien donne à la question des universaux. Fort à la légère, on a fait de Buridan un Nominaliste intransigeant, un disciple fanatique d'Ockam. Bien au contraire, sa pensée nous apparaît ici toute voisine de celle de
entier,
et
tout
à
entière
Thomas d'Aquin.
saint
Thomas, en
Saint
versaux
;
effet,
distingue trois manières d'être des uni-
ces manières d'être,
il
les caractérise
par ces mots
:
in
re,
posl rem, ante rem. In re, l'espèce n'a pas d'existence distincte de celle
des individus qui
la réalisent
sous forme concrète. Post rem,
la
quiddité spécifique a une existence conceptuelle en l'entendement
humain. Ante rem, l'espèce a une existence idéale
et
exemplaire en
l'Intelligence divine.
Ces trois manières
expose au sujet de
la
bien plutôt parmi les
ne
d'être,
nous
retrouvons en ce que Buridan
;
justifie l'accusation
de Nominalisme intransigeant habituellement
formulée contre ce maître, dont des enseignements
les
Métaphysique, en sorte qu'il nous le faut ranger Thomistes que parmi les Occamistes rien donc
du
la
pensée
sait être fort
indépendante
Venerabilis Inceptor.
Mais ce que nous voulons surtout remarquer en cette pensée, ce n'est pas l'analogie qu'elle présente avec celle
du Docteur Angélique;
grande similitude qu'elle offre, dans le fond comme dans la forme, avec celle du Cardinal Allemand; cette similitude est telle que la conclusion s'impose Nicolas de Gués a profondément subi l'influence des enseignements que l'on donnait à Paris, au temps de Jean c'est la
:
Buridan.
III.
Les Questions sur ï Éthique a Nicomaque attribuées à Jean Buridan.
que professait l'Université de Paris à une époque plus voisine de celle où il vivait. On possède des Questions sur l'Éthique à Nicomaque que de nombreuses éditions attribuent à Jean Buridan. En un travail qui sera Il
n'ignorait sans doute pas davantage les doctrines
prochainement publié, et qui prendra place en la troisième série de nos Études sur Léonard de Vinci, nous montrerons que ces Questions ne sont vraisemblablement pas du philosophe de Béthune, du maître qui enseignait à Paris en la première moitié du
xiv
e
siècle;
paraissent être l'œuvre d'un Flamand, qui portait peut-être le
nom,
Au
et
qui vivait au voisinage de l'an
sujet de l'amour,
comme
même
i/ioo.
l'auteur de ces
pensées qu'il ne donne pas l'étaient pas; ces
elles
Questions formule certaines
nouvelles et qui, sans doute, ne
pensées offrent, parfois, une remarquable analogie
439
NOTES
avec celles auxquelles Nicolas de Cues a attribué, en son œuvre, une importance considérable et auxquelles Léonard de Vinci semble avoir prêté attention. La doctrine de l'amour, qui forme
comme
la pierre
du système philosophique construit par le Cardinal Allemand, a donc pu emprunter quelque chose aux leçons que l'on donnait rue du Fouarre au début du xv siècle. Deux passages des Questions sur l'Éthique à Nicomaquei nous ont angulaire
e
paru dignes d'être
Au en
ici
reproduits.
premier, l'auteur se
réalité,
même
une
demande
« si
chose». Parmi
l'amour
les
raisons que l'on pourrait
invoquer à l'appui d'une réponse affirmative, vantes «
2
Ce
et la délectation sont,
mentionne
il
sui-
les
:
qu'il y a d'actuel et d'effectif
en l'amour consiste uniquement,
semble-t-il, à tendre vers l'objet aimé, ou à s'unir à cet objet, ou à
ou à se donner à l'objet aimé, ou à se reposer en lui. Mais tous ces caractères conviennent également au désir ou à la délectation celui qui se délecte ou qui se complaît en un certain se transformer en lui,
;
objet passe par lui,
il
la
s'unit à lui,
pensée, pour ainsi dire, en cet objet, il
se repose
en
lui.
il
donne
se
à
Cela apparaît clairement à tous
les yeux. »
L'auteur ne regarde pas
comme
certaine cette identité de l'amour
de la délectation; voici, en particulier, ce qu'il oppose aux raisons qui viennent d'être données 3 « Tendre vers l'objet aimé, ce qui est l'acte immanent à l'appétit, c'est le désir qui suit l'amour, et non pas l'amour même. Au contraire, s'unir à l'objet aimé, non point en réalité, mais par la pensée seuet
:
lement, se donner à l'objet aimé, se transformer en
de
lui,
telle sorte
deux amis veuillent les mêmes choses, s'opposent d'une même volonté aux mêmes choses de telle sorte que, par suite de cette transformation, chacun des deux amis veuille ce qui est bon à l'autre, ne veuille pas ce qui est mauvais à l'autre, cela c'est véritablement l'amour, et non pas la délectation. La délectation résulte de l'amour lorsque l'objet aimé ou quelque chose qui soit un bien pour cet objet que
les
;
aimé
se trouve saisi par celui qui aime, est
possédé par
lui,
lui
est
Proe1. L'édition que nous avons consultée n'a pas d'autre titre que ces mots mium Ioannis Buridani in questiones super X libros Aris. ad Nicomachum. Elle porte ce :
Hue usque producte sunt questiones Buridani morales robustiori etati precipue perlegende quas Egidius delfus socius Sorbonicus atque in sacris litteris baccalarius formatus emendatius imprimi curavit. Impressore vuolfgango hopyl. Cet ouvrage Anno incarnationis domini MCCCCLXXXIX, décima quarta die Iulii. a été également édité en i5i3, à Paris, par Poncet Lépreux; en i5i8, à Paris, par Jean Petit et Bernard Aubri; en 1637, à Oxford, par H. Cripps. 2. Johannis Buridani Quaestiones super decem libros Ethicorum Aristotelis ad Nicocolophon
:
:
:
—
machum;
lib. Vil,
quaest.
XXIX Utrum amor :
realiter. Éd. cit., fol. ccvni, col. c. 3.
Jean Buridan,
loc. cit., fol.
ccix, col. b.
sive dilectio et delectatio sint
idem
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
[\'\0
présent.
On peut en
dire autant
du repos en
l'objet aimé.
L'amour
donc ni cette union réelle ni ce repos; il n'en résulte pas; il peut demeurer en même temps que la séparation et l'inquiétude qui sont opposées à cette union et à ce repos. » Ces réflexions offrent une analogie, bien aisée à reconnaître, avec certaines pensées qui reviennent fréquemment dans les écrits de Cette analogie se marque mieux encore entre Nicolas de Gués certaines idées chères au Cardinal Allemand et un autre passage a des n'est
l
.
Questions sur l'Éthique à Nicoinaque.
prend de déclarer quelle Voici,
u
me
est,
En
ce passage, l'auteur entre-
selon lui, la véritable nature de l'amour
semble-t-il, ce qu'il faut dire
:
:
L'amour provient d'une
ou convenance qui est naturelle à la fois à celui qui aime et à l'objet aimé; c'est pourquoi nous disions, au huitième livre de cet ouvrage, que toute amitié est fondée sur une certaine ressemblance ou sur un certain rapport analogue à celui qui unit l'agent au patient. L'agent et le patient, en effet, se trouvent conjoints en leur commun acte, car l'un et l'autre ont même acte, comme on le voit au troisième livre des Physiques. C'est pour cela, semble-t-il, qu'au neuvième livre du présent ouvrage, il est dit qu'un ami est un autre soi-même. Cela se manifeste encore par ce fait que la délectation est fort proche parente de l'amour, à tel point que beaucoup de philosophes, et non des moindres, ont cru que toute délectation était amour, et que tout amour était désir ou délectation, comme nous l'avons vu en la vingt -neuvième question du septième livre. Or la délectation suppose l'union de l'objet qui l'engendre à certaine conjonction
Cela apparaît aussi en la nature inanimée;
l'appétit qui l'éprouve
inanimés n'éprouvent, à proprement parler, ni amour, ni haine; il y a cependant, en eux, quelque chose de comparable à l'amour ou à la haine, en sorte que ces êtres naturels se meuvent soit d'un mouvement de fuite, soit d'un mouvement de poursuite. Par exemple, le corps grave ou léger a, pour son lieu naturel, une sorte d'amour
les êtres
grâce auquel ce
il
mouvement
comme on pour
se
vers ce lieu et s'unit naturellement à ce lieu;
a sa raison d'être en
le voit
le lieu
meut
au quatrième
opposé, une
une certaine convenance
livre des
Physiques; ce
naturelle,
même
corps
a,
sorte de haine qui provient d'une discon-
semble que le froid a, pour le chaud, une sorte de haine; il fuit le chaud ou bien, s'il est plus fort que lui, il le détruit. En revanche, le froid semble avoir pour le froid une espèce d'amitié; il le conserve; il l'augmente; il s'unit aisément à lui. » 11 semble qu'il y ait, en ces lignes, le germe de quelques-unes des
venance.
De même,
il
Voir pp. 124-125. Johannis Buridani Quaestiones in decem libros Ethicorum Aristotelis ad .Xicomachum; lib. IX, quaest. VII Utruni homo debcat maxime amare seipsum. Éd. cit., i.
a.
:
fol.
CCXLVIII, COl.
1).
NOTES idées telle
44l
que Nicolas de Gués développera avec le plus de complaisance l'assimilation de l'amour au lien qui conjoint en un même :
acte l'agent et le patient
«
;
telle
pythagoricienne, selon laquelle
encore, la doctrine, reprise de l'École les
mouvements
naturels s'expliquent
tous par certaines affinités entre les êtres animés, par le désir qu'a le
semblable de s'unir à son semblable^. Les passages que nous avons extraits des Questions sur l'Éthique à
Nicomaque
offrent
également une
très
certaines réflexions de Léonard de Vinci
notées au Codice Trivulzio;
si
ces
3,
grande ressemblance avec réflexions qui se trouvent
réflexions
étaient isolées,
nous
pourrions fort bien soutenir que Léonard les a empruntées à l'œuvre donnée sous le nom de Jean Buridan et non pas aux écrits de Nicolas de Cues. Mais le même Codice Trivulzio renferme un grand nombre d'autres pensées qui n'ont aucun rapport avec les Questions sur l'Éthique à
Nicomaque, tandis que
la lecture
des ouvrages
Allemand paraît singulièrement propre à en donner i. 2.
3.
Voir p. 116. Voir p. 262. Voir p. 164.
du Cardinal
l'interprétation.
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
442
H.
—
RICHARD DE MIDDLETON ET LE MOUVEMENT DES PROJECTILES
Nous avons vu
*
qu'Albert de Saxe, en ses Questions sur la Physique,
examinait ce problème, posé par Aristote Un mouvement réfléchi est- il toujours séparé du mouvement direct par un repos intermé:
Nous l'avons entendu, à ce sujet, analyser le mouvement d'une pierre ou d'une flèche lancée vers le haut et, en ce mouvement, diaire?
distinguer trois
phases
puissant que la gravité
par
mouvement
Yimpetus
:
En
la
première phase, Yimpetus
et la résistance
violent.
et la résistance
En de
la
de
l'air;
est plus
projectile
le
monte
troisième phase, la gravité surpasse
l'air; le projectile
tombe par mouvement
deux phases est une période d'immobilité. Nous avons vu 2 Marsile d'Inghen, Jean Dullaert de Gand, Frédéric
naturel. Entre ces
Sunczel, exposer cette théorie; nous avons entendu
3
Nicolô Vernias
au sujet du choc, des raisonnements imités de cette 4, enfin, comment Léonard de Vinci avait quelque peu modifié cette analyse du mouvement d'un projectile et en avait tiré sa théorie de Yimpeto composé, qui devait exercer, sur la Dynamique du xvr* siècle, une si grande inflence. Or cette théorie dont nous avons suivi l'histoire à partir des Questions d'Albert de Saxe, paraît avoir pris sa source beaucoup plus haut, car nous la trouvons sommairement et nettement indiquée en une des Questions quodlibétales de Richard de Middleton 5. En cette question, notre Franciscain examine le problème péripatéticien du repos intermédiaire entre le mouvement direct et le mouvement réfléchi; il le pose sous une forme saisissante qui était appelée à avoir grande vogue dans les discussions de la Scolastique paridévelopper,
doctrine; nous avons montré
sienne; cette forme, la voici
Une elle
:
fève est lancée vers le haut; en son
heurte une meule qui tombe,
mouvement
ascensionnel,
et elle est rejetée vers le
bas; entre
ses deux mouvements en sens contraire, cette fève est- elle demeurée immobile? Au cours de l'examen de cette question, Richard de Middleton écrit les lignes suivantes « Il
1.
2.
3. k.
faut savoir
:
que
le
mouvement
ascensionnel de
la
fève est
un
Voir p. a i2. Voir pp. 2i3-2iô. Voir p. ai4. Voir pp. 315-217.
Quodlibela Doctoris cximii Ricardi de Media Villa, ordinis minorum, quxstiones ocluaginla continentia. Brixiae, apud Vincentium Sabbium, MDXCI. Quodlibetum II, 5.
art. II, quaest.
\VI
:
Utrum
faba ascendcns obvians lapidi molari qniescat, pp.
T>.i-5G.
NOTES
443
mouvement fève est
violent; je dis donc qu'après que le mouvement de la devenu quelque peu éloigné de son principe, la vertu grâce à
laquelle
la fève
monte va en
s'affaiblissant
;
violent est-il plus lent vers la fin qu'il n'était
mouvement au commencement;
aussi le
cette vertu finit par être tellement affaiblie qu'elle
ne
suffît
plus à
mouvoir la fève vers le haut elle suffît encore, cependant, à en empêcher la descente et alors il faut que la fève demeure, de soi, immobile; plus tard, cette vertu s'affaiblit au point qu'elle ne peut plus empêcher la descente la vertu naturelle de la fève l'emporte ;
;
;
alors sur celle-là, et la fève
tombe.
»
Nous avons là, en son germe, la doctrine que développeront Albert de Saxe et Marsile d'Inghen d'ailleurs les propos de Richard de Middleton semblent se rattacher très naturellement à ceux que nous ;
avons extraits
ouvrage
1
de
la
Théorie des planètes d'Àl Bitrogi, et ce dernier
était, à la fin
du xin 8
siècle, l'objet
de nombreuses études
et
discussions.
Mieux encore, la doctrine de Richard de Middleton se rattache à l'explication qu'Hipparque avait donnée de la chute accélérée des graves, en son écrit intitulé
:
twv Stà
ilspt
jâapuTYjTa "/.axw
çspopivwv.
Lorsqu'un grave est jeté en l'air, disait Hipparque, la vertu qui l'entraîne vers le haut l'emporte tout d'abord sur la pesanteur; mais elle surpasse de moins en cette vertu va en s'affaiblissant sans cesse ;
moins moins
la
pesanteur, en sorte que
vite.
ment égale commencer la
Un moment à la
arrive
pesanteur;
où
le
projectile
le la
force ascensionnelle est précisé-
corps cesse alors de monter pour
diminuant toujours, grave tombe de plus en
à descendre. La force ascensionnelle
pesanteur l'emporte de plus en plus
plus
monte de moins en
et le
vite.
C'est Simplicius qui
nous a conservé
mentaire au De Caelo d'Aristotea
;
cette explication
en son com-
or cet ouvrage était fort lu à la fin
Guillaume de Moerbeka venait d'en donner une traduction qui demeura longtemps classique; Saint Thomas d'Aquin, commentant le De Caelo, empruntait^ à Simplicius le raisonnement d'Hipparque. La théorie de Yimpeto composé présente ainsi à nos yeux l'image
du xm°
siècle
;
d'une parfaite continuité.
1.
Voir p. 191.
a.
Simplicii In Aristotelis de Caelo comrnentaria edidit J.-L.
Heiberg, Berolini,
MDCGCXCIV, p. 264. (Comm. in De Caelo, lib. I, cap. IV.) 3. Sancti Thomae Aquinatis Comrnentaria in libros Aristotelis
de Caelo et Mundo,
lib. I, lect.
XVII.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
444
1.
— SUR La
LES PETITS MOUVEMENTS DE LA TERRE animée de mouvements
terre est
mais incessants. Ima-
petits,
ginée ou, plutôt, précisée par Albert de Saxe, cette hypothèse a été constamment admise, jusqu'au temps de Léonard de Vinci, par les
Nominalistes parisiens et par ceux qui subissaient l'influence de ces philosophes;
de
l'appui
à
nombreux témoignages
»
;
nous avons cité de à ces témoignages, nous aurions pu joindre affirmation,
cette
celui de Pierre Talaret.
du xv
Pierre Tataret, en la seconde partie
e
siècle,
composé des
a
commentaires sommaires aux divers écrits physiques, logiques, métaphysiques et moraux d'Aristote; la réunion de ces commentaires forme une sorte de manuel de Philosophie qui a eu grande vogue; sous des titres divers, il a été imprimé un très grand nombre de fois; sept éditions sont antérieures à l'an i5oo, et on en donnait encore au xvn e siècle. Tataret se déclare scotiste
;
mais, né à Paris,
il
fait
aux doctrines
parisiennes de fréquents emprunts.
Au se
huitième
meut? Tout
livre des Physiques, Tataret se
aussitôt,
il
écrit ceci
:
«
La
demande Si tout corps meut continuellement :
terre se
d'un mouvement local de descente. On le prouve Parce que le centre de gravité de la terre est continuellement hors du centre du Monde, la terre descend continuellement. La conséquence est évidente; en effet, :
comme, par
nature, le terre se
meut
vers le centre
du Monde,
tend à ce que de tous les côtés autour de ce centre,
y
il
ait
elle
une
donc qu'il n'en est pas ainsi, et s'il aucun empêchement, la terre se meut de telle sorte que son centre de gravité soit au centre du Monde et d'autre part, à l'égard d'un poids aussi considérable que l'est le poids de la terre, il ne peut y avoir d'empêchement naturel. Quant à la supposition faite, elle est
pesanteur égale;
lors
n'existe,
d'ailleurs,
;
évidente, car la partie découverte s'allège continuellement
;
le
centre
de gravité de la terre vient donc hors du centre du Monde supposons, en effet, qu'il y ait autour du centre une pesanteur égale de ;
tous côtés, puis qu'un certain poids soit ôté à l'une des moitiés
et
non
y aurait autour du centre une pesanteur inégale. car les rayons solaires allègent sans cesse les parties découvertes de la terre. On fera peut-être cette objection Bien qu'une partie de la terre devienne plus légère et l'autre plus lourde,
à l'autre;
alors,
il
L'antécédent va de
soi,
:
un si faible excès de pesanteur ne suffit pas à mouvoir la Nous répondrons que cet argument n'est pas concluant; i.
Léonard de Vinci
et les origines
delà Géologie,
§
terre entière.
\II, pp. 3/43-347.
ce n'est pas
NOTES
445
seulement le léger excès de pesanteur ainsi ajouté qui tend à mouvoir la terre, mais la terre entière qui tend à être logée de la sorte. On peut conclure de là que la terre entière ébranle les châteaux et les tours, mais la lenteur de ce mouvement nous empêche de le percevoir; c'est pourquoi beaucoup ont prétendu que la terre ne se mouvait pas. »
Cette théorie des petits fort
dit,
mal
accueillie
Alessandro Achillini nier
mouvements de le
principe
nous l'avons nous avons vu
la terre a été,
des Averroïstes italiens
même
;
sur lequel elle repose, la
tendance du centre de gravité de la terre à se placer au centre du Monde; au texte que nous avons cité *, nous aurions pu joindre celui-ci «
2
:
Dire que la terre est au centre
côté quelconque on
du Monde de
que si d'un un certain poids, ce poids fera mouvoir changer de place, c'est un rêve purement telle sorte
lui ajoute
toute la terre ou l'obligera à
imaginaire; les parties sphériques
superposées de
la terre
qui ont
pour centre le centre du Monde ont une résistance tellement grande que tous les dieux, unissant leurs efforts, ne pourraient ébranler la terre; Aristote l'a dit, et aussi Averroès, au cinquième chapitre du traité De substantia orbis; par dieux, il faut comprendre les intelligences qui meuvent les cieux. » Voir p. 35 1. Alexandri Achillini Bononiensis De distributionibus ac de proportione motuum. Bononie, per Benedictum Hectoris, 1/49^. Cet écrit n'a pas été compris dans la réimpression des Opéra d' Achillini donnée à Venise, sans nom d'éditeur; mais il se trouve dans les éditions données à Venise, par Hieronymus Scotus, en i545, i55i, i558. En l'édition de i5/j5, où nous l'avons consulté, il porte ce titre: Alexandri Achillini Bononiensis De proportionibus motuum quaestio. Le texte cité est au fol. Lg3, col. d. Nous savons que Léonard de Vinci a eu en mains cet écrit d'Achillini, que Fazio Gardano lui avait prêté. (Léonard de Vinci, Cardan et Bernard Palissy. Études sur Léonard de Vinci, première série, p. 227.) i.
2.
—
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
Z,Z|6
J.
—
En
la
QUELQUES TEXTES D'HENRI DE GAND
Philosophie péripatéticienne, deux propositions, assez dispa-
au premier abord, sont intimement liées l'une à l'autre; ce sont ces deux propositions Il ne peut pas exister de grandeur infinie; 11 ne peut pas exister plusieurs mondes. L'une et l'autre, en effet, s'identifient, pour ainsi dire, avec cette troisième affirmation Une matière première finie et déterminée existe de toute éternité; aucune puissance, ni en la Nature ni en Dieu, ne rates
:
:
une nouvelle matière. Le principe duquel nos deux propositions tirent immédiatement
peut, d'aucune façon, ajouter à cette matière
leur raison d'être, est, en toute la Philosophie péripatéticienne,
qui s'oppose lique,
le
plus radicalement à l'enseignement du
puisqu'il refuse à
Dieu
les
titres
de Créateur
dogme et
celui
catho-
de Tout-
Puissant.
Niant
le
principe,
la
doctrine de l'Église catholique devait être
forcément amenée à rejeter
conséquences qui en résultaient si simplement; la Scolaslique chrétienne devait être conduite à formuler les deux affirmations opposées à ces conséquences les
:
La grandeur infinie peut exister, au moins en puissance; L'existence de plusieurs mondes n'est pas contradictoire. Ces deux affirmations, d'ailleurs, ouvraient comme deux larges brèches dans le rempart, si solidement construit, de la Physique aristotélicienne; elles ne ruinaient pas seulement, et en deux points d'extrême importance, l'autorité du Stagirite et de son Commentateur; en outre, un large passage à des spéculations nouvelles, qui, brisant les barrières élevées par la Philosophie antique, allaient travailler en toute liberté à l'édification de la Science moderne. elles livraient,
Le coup de bélier décisif, celui qui fit crouler tout un pan de la muraille élevée par le Stagirite, fut, nous l'avons dit, porté en 1277, par les docteurs en Sorbonne réunis sous la présidence d'Etienne Tempier, évêque de Paris. Tout aussitôt après ce vigoureux coup de sape, Richard de Middleton entrait résolument dans la place; il admettait l'existence potentielle de
grandeur infinie; il enseignait que Dieu peut créer plusieurs mondes et qu'il peut produire le vide; il n'hésitait pas, en un mot, à attaquer de front les doctrines fondamentales de la Physique d'Aristote. Bientôt, Jean de Bassols, Guillaume d'Ockam, Walter Burley
la
allaient le suivre, bouleversant la tradition péripatéticienne et faisant
place nette à une Physique nouvelle.
.
NOTES
De
ces condamnations,
[\t\~j
portées en
révolution de l'esprit Immain, une
si
et
1277,
qui exercèrent,
sur
prodigieuse influence, quels
Tempier les a confirmées de son autorité épiscopale en les signant de son nom. Mais il avait convoqué, pour s'éclairer, les docteurs en Théologie et « autres prud'hommes » en ces conseils, bien des avis furent émis, dont les diverses condamnations formulées ont été les conséquences; en cette œuvre collective, quelle fut la part de chacun? Quels furent, en particulier, les inspirateurs de ces articles où ceux qui refusaient à Dieu le pouvoir de créer plusieurs mondes étaient condamnés, où la possibilité du vide était insinuée? On ne saurait, évidemment, répondre à cette dernière question d'une manière catégorique et pleinement satisfaisante; du turent les artisans? Etienne
;
moins, peut-on souhaiter quelque indication vraisemblable. Au moment où l'imprimeur allait mettre sous presse la dernière feuille de cet ouvrage, un passage de saint Denys le Chartreux 1
nous a suggéré une
nom
telle
indication et a attiré notre
attention sur le
d'Henri de Garni.
né à Gand à une date chanoine de Tournai en 1267, archidiacre de Bruges en 1276, il joua, à partir de cette époque, un grand rôle à l'Université de Paris; reçu docteur en Sorbonne en 1277, Henri
Goethals (Henricus
inconnue
2
,
mourut en
il
Par sa
1293.
Somme
Doctor Solemnis de
Bonicollas),
revêtit le froc des Servites;
théologique a exercé
une
et,
plus encore, par ses Quodlibela,
très
grande influence sur l'enseignement
Philosophie scolastique, particulièrement à
la
la fin
du xm siècle commenté ses e
au début du xiv siècle. Richard de Middleton a Qaodlibeta; Jean de Duns Scot et Jean de Bassols en citent 8
et
discutent
fréquemment
Le Docteur Solennel
comme
en
et
les affirmations. a,
sans doute, été au
qui ont conseillé Etienne Tempier;
vraisemblance,
le
nombre des
théologiens
permis de le désigner, avec l'inspirateur ou, tout au moins, comme l'un il
est
des inspirateurs des décisions qui nous intéressent.
I.
Les opinions d'Henri de Gand touchant
la pluralité
des mondes et la possibilité du vide.
En un de 1
ses Quodlibeta, en effet,
Henri de Gand aborde
la
question
Divi Dionysii Carthusiani In Sententiarum librum I Commentarii Locupletissimi
In quibus de Sanctissima et Individua Trinitate, copiosissime, et Christianissime disseritur. Post omnes editiones accuratissime recogniti. Venetiis, Sub signo Angeli Raphaelis.
MDLXXXIIII. Dist. XL1I, quaest. III, 2. Voir: De Wulf, Histoire de la
foll.
principauté de Liège, Louvain et Paris, 2°
éd.,
Louvain
6o/,-6o5.
Philosophie scolastique dans 1895.
et Paris, igo5, pp. 389-390.
— Histoire
les
Pays-Bas
et
la
de la Philosophie médiévale,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
/^8 suivante
pas
«
:
Dieu peut- il, hors du
«
Ciel, créer
un corps qui ne touche
le Ciel? »
Docteur Solennel, « peut fort bien, hors du ciel ultime, créer un corps ou un autre monde, de même qu'il a créé la terre en la région interne du monde ou du ciel, de même encore qu'il «
Dieu,
a créé le
»
répond
le
monde lui-même
et le ciel ultime. »
Mais où ce corps nouveau, ce Existe-t-il, hors
du
ciel
comme
monde nouveau
créés?
seront-ils
un espace vide de
ultime,
tout corps, des
Cléomède ou Jean Philopon? Faut -il dire que le nouveau corps ou le nouveau monde est créé dans ce vide ou dans cet espace? Pour s'exprimer en ces termes, Henri de Gand tient encore trop à l'enseignement du Stagirite; selon cet enseignement, en effet, il n'y a, hors du monde, dimensions séparées,
l'enseignaient, par exemple,
ni lieu, ni vide.
Ce corps ou ce monde que Dieu pourrait produire hors du Ciel, « il ne le produirait pas en quelque chose, mais dans le néant (in nihiloj. Il ne faut pas entendre ces mots dans un sens matériel comme si le néant était quelque chose. 11 faut entendre que ce corps succède au néant, parce qu'il est créé cela ne veut pas dire qu'alors espace (dimensio
s eparata) et
là
où, auparavant,
y avait
il
néant;
le
y eût là quelque chose comme un pur qu'en ce quelque chose, fût le néant;
il
comme
quelque chose où les dimensions du corps pussent être reçues après en avoir chassé le néant qui, auparavant, existait en ce quelque chose. Il faut comprendre la proposition tout il n'y a pas là quelque entière au sens négatif, comme si l'on disait chose, en prétendant nier à la fois et l'existence d'un lieu (ubitas) et l'existence de quelque chose (aliqaitas). C'est en un sens analogue que nous disons ce corps ou ce monde a été fait de rien. » Dieu peut donc, au delà du ciel ultime, créer un corps nouveau ou
qu'il y eût là
:
:
un monde nouveau. qu'il ne touche pas
Peut-il créer ce corps
le ciel?
Roger Bacon
péripatéticienne l'eussent nié. Entre ces et ce corps,
aucun autre corps ne
ou ce monde de
et,
avec
lui,
telle sorte
toute la Physique
deux mondes, entre ce monde
se trouve;
il
n'y a donc, entre eux,
deux corps est un attribut des corps qui sont interposés à ces deux premiers; l'existence d'une distance entre deux mondes, alors qu'il n'y a pas de corps entre eux, équivaut à l'existence d'un espace vide entre ces mondes aux yeux du Péripatéticien, ces deux existences seraient affirmées par une même aucune distance, car la distance entre
;
proposition, et cette proposition implique contradiction. Socii Sori. Quodlibeta Magistri Henrici Goethals a Gandavo doctoris Solemnis bonici et archidiaconi Tornacensis, cum duplici tabella. Vœnundantur ab Jodoco In chalBadio Ascensio, sub gratia et privilégie» ad finem explicandis. Colophon ab undecimo Kalcndas Septemb. Anno domini chographia lodoci Badii Ascensii Quodlibetum XIII, quaest. III Utrum Deus possit facere corpus aliquod MDWIII extra caelum quod non tangat caelum; fol. cccccxiv, verso. :
:
:
:
NOTES
4^9
même
au jugement d'Henri de Gand, qui introduit « Je prétends, dit -il, que deux corps peuvent être distants l'un de l'autre de deux manières distinctes. » D'une première manière, ils peuvent être distants à proprement, parler (per se); c'est ce qui a lieu lorsqu'il existe entre eux une distance réalisée (positiva) à l'aide d'une dimension d'un corps n'en est pas de
Il
une
ici
distinction
subtile
:
interposé.
D'une seconde manière,
peuvent être distants par accident (per accidens). Dans ce cas, il n'existe entre eux aucune distance réalisée (positiva); mais à côté d'eux ou hors d'eux, il existe un objet en »
lequel se trouve réalisée
une
ils
certaine dimension,
et cette dimension permet de reconnaître la distance des deux corps. » Supposons, par exemple, qu'entre deux corps se trouve le vide, et que ces deux corps touchent l'un le bas et l'autre le haut d'un mur de trois pieds on dira alors que trois pieds est la distance entre le corps qui est au-dessus du vide et le corps qui est au-dessous. » S'il n'existe donc rien entre deux corps, mais si un corps d'une certaine dimension est apte à être reçu entre les deux premiers, on jugera que- l'intervalle entre ces deux corps a précisément cette même dimension, mais qu'il par accident. » Par là, le Docteur Solennel précise en quel sens il est permis d'attribuer l'existence au vide. « Le vide n'est pas autre chose que la dimension ou la distance entre deux corps » entre lesquels il n'existe aucun autre corps « distance qui, comme nous l'avons dit, existe seulement par accident, soit parce qu'une certaine dimension se trouve réalisée (positiva) tout contre ces deux corps, soit parce qu'une certaine dimension réelle (positiva) est susceptible d'être placée entre ces deux corps ou à leur contact. » Le vide lui-même n'a donc pas d'autre existence qu'une existence par accident, en ce que les corps entre lesquels il existe sont disposés de telle sorte qu'une certaine dimension d'un certain corps soit susceptible de se placer entre les premiers corps. » Selon l'exemple qu'Henri de Gand emploie en une autre question imaginons que Dieu anéantisse tous les éléments qui se trouvent compris entre la terre et l'orbite de la Lune, sans rien changer à la grandeur et à la situation de ces deux derniers corps. Entre ces deux corps, le vide existera, mais il existera seulement par accident, cette existence purement accidentelle consistera en ceci que Dieu pourrait rendre l'existence aux éléments détruits, et que cette eau, cet air, ce feu, trouveraient place entre la terre et l'orbe de la Lune. L'épaisseur ;
W
;
«.,
XV, quaest. I; Utrum Deus quod vacuum esset; éd. cit., fol. ccccclxxv, verso. En cette question, la doctrine d'Henri de Gand est exposée avec moins de développement, et aussi avec moins de profondeur, qu'en celle dont nous avons donné l'analyse. i.
Henrici Goethals a Gandavo Quodlibeta; Quodlib.
possit facere
P.
DUHEM.
3Q
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
450 de
la
couche sphérique que formeraient
éléments susceptibles
les trois
de se loger entre l'élément terrestre et l'orbite lunaire serait la distance
par accident entre
ces
Le Docteur Solennel
deux derniers corps.
Ciel, dit- il, le
de distinguer
s'eflbrce
vient d'être défini, et le
même
vide n'existe pas,
du
Ciel,
«
un
reçu en
comme
entre le vide,
par accident;
n'y a pas de distance par accident, car tible d'être
>
n'existe
il
certain vide intermédiaire.
le voulait le
en
« là,
effet,
il
aucun corps suscep» Il n'y a donc hors
Philosophe, ni plein, ni vide.
Après qu'un nouveau corps ou qu'un autre
monde
aurait été créé
par Dieu, hors du dernier ciel et sans contact avec ce
monde
tel qu'il
néant qui existe hors du Monde. Hors du
ciel,
entre ce
nous aurions à déclarer que le vide existe; et ce vide aurait une dimension bien déterminée, à savoir celle du corps qui pourrait être reçu entre le ciel extrême et le corps nouvellement créé mais ailleurs qu'entre ce ciel et ce corps, nous ne pourrions dire qu'il y a le vide de même qu'à présent, au delà du ciel ultime, nous ne pouvons dire ni qu'il y ait le plein, ni qu'il y ait le vide, mais seulement qu'il y a le pur néant » Si donc Dieu créait, maintenant, hors du ciel, un corps qui ne touchât pas le ciel, ce corps ne serait créé ni dans le plein, ni dans le vide, mais dans le pur néant; et du côté qui ne regarde pas le ciel, ce corps continuerait de subsister dans le pur néant, ce mot néant étant pris comme une pure négation de même, le ciel a été créé dans le pur néant et le pur néant était autrefois là où ce corps se trouve maintenant; et tout cela doit être compris au sens purement négatif, de la manière que nous avons exposée. » Ce corps nouvellement créé par Dieu confinerait donc, d'un côté, corps ou ce
et le ciel ultime,
;
;
;
;
au vide
et,
de
l'autre,
au néant. De
même,
« si
les
éléments qui se
trouvent contenus par le Ciel étaient anéantis, nous devrions admettre
que le vide existe en la concavité du Ciel mais nous ne devrions en aucune façon le supposer hors du ciel là, il n'y aurait que le pur ;
;
néant.
»
Les corollaires
mêmes
qu'Henri de Gand déduit
si
clairement de sa
condamnation de cette théorie. Ce corps, créé hors du ciel ultime, est dans le vide du côté qui regarde le ciel suprême et dans le néant de l'autre côté; comment marquera-t-on, à la surface théorie sont la
de ce corps,
la frontière entre l'aire
ne touche que
le
L'effort tenté
par Henri de
hors
et
l'aire
qui
néant?
Gand pour
do créer un corps hors du Monde, qu'il n'y a,
qui confine au vide
du Monde,
et
attribuer à Dieu le pouvoir
pour accorder au Philosophe
ni plein ni vide, était d'avance
condamné
à l'insuccès; la première affirmation entraînait la ruine de la seconde.
i.
Henrici Goothals a
Gandavo Quodlibeta : Quodlib. MIT. quaesl
III.
NOTES
45
I
Ton veut que le Créateur puisse, au delà des bornes de l'Univers, produire un nouveau corps ou un nouveau monde, on est naturellement conduit à admettre que le vide existe au delà du ciel ultime; c'est ce qu'ont fort bien vu Walter Burley et Robert Holkot. Si
L'opinion d'Henri de
II.
Gand touchant
l'infini.
En admettant que Dieu peut créer plusieurs mondes, en attribuant au vide une possibilité, au moins per accidens, le Docteur Solennel rompait avec la Physique péripatéticienne beaucoup plus complètement que n'avaient osé le faire, avant lui, les plus illustres docteurs de la Scolastique, les Albert le Grand, les Bonaventure, les Thomas d'Aquin; il rompait avec cette Physique exactement comme le faisaient, au
même moment,
les décisions portées
par Etienne Tempier
il
;
s'effor-
de garder de renseignement du Stagirite tout ce qu'il en pouvait sauver sans restreindre la toute-puissance de Dieu.
çait, toutefois,
Henri de Gand a été beaucoup moins audacieux lorsqu'il s'est Dieu peut- il produire une proposé de répondre à cette question grandeur infinie? Comme saint Bonaventure comme saint Thomas d'Aquin, il a dénié à Dieu le pouvoir de produire une grandeur infinie :
1
,
en
soit il
en puissance;
acte, soit
comme
a regardé l'existence actuelle
comme une
ou
eux, en
effet,
et
potentielle d'une
avec Aristote,
grandeur
telle
contradiction.
Pour bien comprendre l'argumentation que le Docteur Solennel développe en cette circonstance, il nous faut remonter jusqu'à une pensée émise par Aristote au sujet de l'infini. Aristote cherche en quel ordre de causes l'infini doit être rangé a L'infini, dit-il
2 ,
est
une cause de
l'essence de l'infini est la privation.
même
espèce que
la
:
matière, car
»
Cette courte indication a vivement attiré l'attention d'Averroès qui ainsi
l'a
commentée 3
a II est
est
:
manifeste que
comme
regardé
la
cause,
matière est il
la
cause de
sera cause en tant
l'infini;
que matière
si ;
l'infini
l'essence
de l'infini, en effet, c'est la privation de toute fin, et la matière est la cause de toute privation. » « L'essence de l'infini, dit encore Averroès 4, est d'être seulement en puissance, et, par là, elle est semblable à l'essence de la matière, et
non pas 1.
dist. 2. 3.
à l'essence de la
;
.
;
effet,
l'essence de la matière et de
D. Bonaventurae, Doctoris Seraphici, Scriptum in IV libros Sententiarum, lib. J, XLIII, quaest. III. Aristote, <ï>v<7cxyi; àxpoâ«7£w; to F, ç (PJiysicae auscultationis, lib. III, cap. VI). Aristotelis De physico aaditu libri octo cnm Averrois Gordubensis variis in eosdem
commentar iis, 4
forme en
lib. III,
Averroès, Op.
comm, 72. comm. 5g.
cit.,
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
452
en
l'infini consiste la
la
puissance, tandis que l'essence de
limitation consiste en l'acte. Le fini est
matière.
et l'infini à la
forme et de donc semblable à la forme la
»
Ces pensées ont évidemment inspiré saint Thomas d'Aquin en que Dieu n'a pu l'argumentation par laquelle il prétend prouver >
créer une grandeur actuellement infinie. Aucune créature, dit-il, ne peut être infinie quant à son essence; ce point accordé, il y a lieu de rechercher si une créature est ou peut être infinie en grandeur. » Or, il faut observer que le corps, qui est la grandeur parfaite, peut être pris de deux manières. On peut le considérer du point de vue mathématique et ne porter son attention que sur la seule grandeur de ce corps. On peut aussi le considérer du point de vue physique ou naturel, en le regardant comme un composé de matière et de forme. » Que le corps naturel ne puisse être de grandeur infinie, cela résulte de ce que la forme substantielle de ce corps exige une certaine quantité comprise entre un maximum et un minimum déterminés « A la grandeur de tout être naturel, le Philosophe dit, en effet » convient une certaine mesure et une certaine raison. » » Une raison semblable s'oppose à ce que le corps mathématique ((
;
:
soit
infiniment grand.
Un
tel
corps, en
effet,
ne peut exister que sous volume, c'est sa figure.
forme d'un une certaine forme. Or Il faut donc que ce volume ait une certaine figure et, partant, qu'il soit fini; car une figure est précisément ce qui est enclos par un certain terme ou par de certains termes. » L'assimilation de l'infini à la matière, du fini à la forme dirige de plus près encore l'argumentation qu'Henri de Gand oppose à l'imposla
de
sibilité
regarder
la
grandeur
comme
tel
infinie;
argumentation
en grandeur, mais encore l'infini non seulement l'infini actuel, mais encore
;
le
l'infini potentiel.
En une de ses discussions quodlibétales, le Docteur amené à répondre à la question que voici 2 « Faut-il :
Dieu, une certaine infinité d'idées ou de notions?
»
et
tures,
unes
Solennel est
admettre, en
L'examen de
question en soulève une autre, qui est ainsi formulée
sence
conduit à
non seulement en quelque perfection que ce
l'infini
soit
cette
contradictoire, dans l'univers créé,
:
«
Selon
cette l'es-
nature des créatures, doit -on supposer que des créa-
la
en imitant
les autres,
de
la
divine perfection, se puissent se surpasser les
telle sorte
que leur degré de perfection croisse à
l'infini? »
Ce progrès par lequel i.
D.
le
degré d'une certaine perfection croît en
Thomae ab Aquino Sutnma
theologica, pars
I,
quaest. VII, ad.
I.
Ut ru m Gandavo Quodlibeta; Quodlib. V, quaest. III poncre aliquam inflnitatem idearum vel cognitorum; éd. cit., fol. ci 2.
llcnrici
fol. ci. vi,
a
recto.
:
in v.
Dec
sil
verso
et
453
NOTES intensité, par lequel cette perfection imite
de mieux en mieux
la per-
par addition d'une
fection divine, Henri de Gand admet forme nouvelle à la forme préexistante. Ce progrès uper additionem ad formant » est celui qu'admettront Guillaume d'Ockam et les Nominalistes parisiens; saint Thomas d'Aquin a rejeté cette opinion et Walter Burley soutiendra que tout progrès en perfection se fait par destruction d'une forme moins parfaite et substitution d'une forme plus parfaite. Selon la manière de voir d'Henri de Gand, le progrès d'une perfection est assimilable de tout point à l'accroissement d'une qu'il se fait
grandeur.
n'y
« Il
comme
a,
aucune différence à ce
l'on voit,
entre la grandeur d'un corps et le degré d'une perfection.
sujet
»
une question plus générale « Si ce perfectionnement d'une forme, dont nous avons parlé, pouvait procéder à l'infini, il en résulterait que tout accroissement par La question posée
se
ramène
alors à
:
addition, considéré absolute et simpliciter, pourrait procéder à l'in-
En
fini. »
pourrait procéder à
volume
à
un
autre
volume
l'infini.
ramené à un autre problème qu'Aristote résolu, et notre auteur admet pleinement la solution du Philosophe. Il admet que le corps infini ne saurait exister d'une manière Le problème posé
a
l'addition d'un
particulier,
est ainsi
actuelle. Il
admet que
autres ne peut procéder à l'infini infinie
même
de
permanentes les unes aux n'existe, en acte, une grandeur
l'addition de grandeurs s'il
espèce.
son argumentation en ces termes « Si l'accroissement d'une forme pouvait se poursuivre à l'infini, il faudrait accorder que l'existence du corps infini [en acte] Il
est
ainsi
amené
à résumer
toute
:
est possible. »
L'argumentation d'Henri de Gand repose tout entière, comme celle La possibilité de procéder à l'infini par d'Aristote, sur cet axiome voie d'addition suppose l'existence de l'infiniment grand actuel. :
Docteur Solennel, comme le Philosophe, admet que la division d'une grandeur peut être poussée à l'infini; il nie cependant l'existence et la possibilité actuelle de l'infiniment petit. Pourquoi D'autre part,
cette
le
opposition entre l'addition indéfinie et
Notre auteur va nous
le dire
la
division indéfinie?
:
uLe Commentateur enseigne que
puissance est l'essence de la forme et le fini sont en acte.
la
au contraire, la Le fini est donc semblable à la forme et l'infini à la matière. Voilà pourquoi si nous admettions que la grandeur peut croître indéfiniment, l'existence de l'infini actuel en résulterait. Lorsqu'au contraire nous admettons que la division peut être poussée à l'infini, il n'en résulte aucune impossibilité, et voici quelle en est la cause Toute matière
et
de
l'infini;
:
diminution d'une chose
réelle
va vers
le
néant, et la cause de ce néant
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
454
au contraire, toute addition va vers
est la matière;
cause de
est la
comme
le fini
l'être
par
la
De l'enseignement sitions
comme
infinie
en
purement
téticienne!
existe entièrement par la matière
Henri de Gand a gardé
il
le
Stagirite,
les
nie l'existence
il
propode la
prétend en conclure l'impossibilité de
comme
potentielle. Mais
il
délaisse,
la
en son
raison profonde et essentielle de la doctrine péripa-
la
Dans
infinie,
acte, et
forme
et la
»
d'Aristote,
infinie
argumentation,
deur
l'infini
forme.
essentielles;
grandeur grandeur
or,
;
l'être,
la
pensée du philosophe, l'impossibilité de
tant en acte qu'en puissance,
cette doctrine essentielle
:
il
la
gran-
découle entièrement de
de toute éternité, une certaine
existe,
quantité limitée de matière première, quantité qu'aucun acte créateur ne saurait accroître. C'est là, et non pas en l'analogie de la limitation
avec
la
forme, que git
la
raison
du disparate entre l'addition à l'infini que cette raison disparaissait, dès là
Dès là que le Christianisme reconnaissait à Dieu le pouvoir de créer de rien une nouvelle matière, toute la doctrine péripatéticienne au sujet de l'infiniment grand était ruinée par la base. Henri de Gand ne l'a pas vu. 11 a enseigné que hors des bornes de ce monde, Dieu pouvait créer une nouvelle pierre ou un nouveau et la division à l'infini.
monde;
reconnu que cette proposition entraînait la possibilité de la grandeur infinie, au moins en puissance. Il a combattu cette possibilité, mais il a été des derniers à la combattreContre la grandeur infinie en acte, Richard de Middleton a continué à argumenter à peu près comme l'avaient fait saint Thomas d'Aquin et Henri de Gand mais il n'a pas hésité à admettre l'infiniment grand n'a pas
il
;
en puissance.
Sans paraître se prononcer formellement en cette grave question de
l'infini,
acte,
Jean de Duns Scot a apporté
un argument de
1 ,
en faveur de
poids, qui est celui-ci
:
l'infini
L'impossibilité,
en
pour
notre esprit, de concevoir autre chose que l'infini en puissance n'en-
de l'infini en acte. En partiDocteur Subtil semble admettre qu'une heure contient une
traîne pas nécessairement l'impossibilité culier, le
infinité actuelle d'instants, bien
qu'une
que notre
esprit n'y puisse concevoir
de parties indéfiniment décroissantes. dit quelques mots de ces arguments, si fréquem-
infinité potentielle
Duns Scot a ment employés
:
Si l'infini existait,
la partie
serait égale
au tout,
arguments purement sophistiques. Il a formulé également cette remarque que Jean de Bassols a traitée avec dédain, mais que Grégoire de Himini a profondément creusée « Les mots égal, plus grand, plus petit, ne sauraient convenir au volume, à moins qu'il ne soit fini.
et autres
semblables;
il
a observé
que plusieurs de
ces
étaient
:
i. Joannis Duns Scoti quœst. III Utrura possibilc :
in secundum libriun Sententiarum, Disl. Dcuin proilucerc aliquid aliud a Be sin« principio.
Scriptum sit
1.
455
NOTES
ne puisse appliquer à la quantité les mots égal et inégal, il faut la diviser en quantité finie et quantité infinie la raison de la quantité plus grande consiste dans le fait d'excéder, la raison de l'égalité dans le fait d'avoir même mesure (commenAvant, en
effet,
que
l'on
;
choses qui semblent impliquer qu'il s'agit d'une on doit donc nier qu'un infini puisse être égal à un plus et moins désignent des différences entre quantités
surari),
toutes
grandeur
finie;
autre infini finies et
;
non entre quantités
infinies. »
Duns
Par ces diverses remarques,
conduisait à admettre l'existence de
Jean de Bassols a été plus loin
que
d'Aquin
certaine figure,
tout il
a
;
Scot aplanissait la voie qui
l'infini actuel.
Thomas
en refusant d'accorder à
corps dût être nécessairement borné par une
pu accorder
la possibilité
même
à la grandeur
actuellement infinie.
«La Géométrie
a écrit Léonard de Vinci
est infinie,
l ,
parce que
toute quantité continue est divisible à l'infini dans l'un et l'autre
La quantité continue croît à
sens
Et plus tard, Pascal a dit
a
:
« 11
l'infini
et
diminue à
y a des propriétés
l'infini.»
communes
à toutes
ces choses, dont la connaissance ouvre l'esprit aux plus grandes merveilles
de
la
nature. La principale
rencontrent dans toutes
:
comprend
les
deux
infinités
qui se
l'une de grandeur, l'autre de petitesse.
»
La Philosophie des chrétiens occidentaux a, dès l'origine, admis » mais il lui a fallu de longs efforts pour se dégager de la contrainte du Péripatétisme.qui lui déniait le droit de contempler « l'infinité de grandeur ». Nous venons de reconnaître, en l'histoire de cette Philosophie, l'instant précis où la pensée catholique a rompu cette entrave imposée par Aristote; l'enseignement d'Henri de Gand précède immédiatement cet instant; celui de Richard de 1« infinité de petitesse
Middleton 1.
Voir
2.
Pascal,
le suit
de
;
très près.
p. 5o.
De C esprit géométrique,
I.
ERRATA
Première série,
p.
Stagirite, Adraste vécut,
60,
lignes 6-7,
au
de: élève immédiat
lieu
pense-t-on, de 36o à 317 avant J.-C,
lire
:
Adraste
d'Aphrodisie, qu'il ne faut pas confondre avec le disciple immédiat Stagirite, vécut à
une époque mal connue, mais postérieure à
du du
celle d'Hip-
parque.
Seconde série, Page
6,
p. 5, ligne i3,
ligne 11 à partir
Page 36i, ligne
11,
au
du
lieu
au
lieu de
bas,
de
:
au
:
lieu
Tupay^aTOO, lire: Tzpdyiwzoq.
de: tou,
Messine, lire
:
lire
Naples.
:
xoD.
.
TABLE DES AUTEURS CITÉS
EN LA PREMIÈRE SÉRIE ET EN LA SECONDE SÉRIE
Achillim (Alessandro), première
série,
pp. 227, 228.
—
Seconde
série,
pp. 2o5, 206, 3o5, 332, 35a, 35i, 356, 445.
Adlung, première série, p. (3. Adraste d'Aphrodisie, première série, pp. 58, 60-62, 65, 68-70. Seconde série, p. 96, 457. /Egidius Colonna ou Romanus, voir Gilles de Rome. Albert de Bollstaedt, dit A. le Grand, première série, pp. 21, 72, 110, Seconde série, pp. 68-71, 83, 171, 175, 191, 192, 195, 217, i[\l\, 253, 334.
—
:
—
90, 191, 192, 2^7, 25i, 254, 283, 3o2 -3o4, 3o6, 307,
333, 34o, 342, 45
309-324, 327, 33o, 332,
1
Albert de Helmstaedt, dit Albert de Saxe ou Albertutius, première pp. 1-50,63-73,75-77, 79, 101, m, n5, 123, 129, i3o, i32, i34,
série,
137, i38, 159, 161, 162, 167, 178, i85. 225, 236, 241, 242, 253, 260, 261, 267,
—
Seconde série, pp. 8, 26-32, 34, 36, 37, 42-47, 49, 52, 78-82, 87-91, 94-96, 126, 181, 194-196, 198-201, 2o3, 204, 207, 208, 210-216, 222, 23i, 235, 249, a5i, 254, 259, 260, 268, 269, 283, 327-332, 334-34o, 342, 343, 345, 347, 35o, 35i, 353, 354, 366, 367, 372, 38o-385, 38g, 395, 396, 4o3, 4o4, 4o6, 407, 430, 428, 442268, 270, 274, 280, 288, 3o8, 3io, 3ig-338, 34i-345.
9, i5, 22,
444.
faussement A. de Ruckmersdorff ou A. de série, pp. 6, 3a7-33i. Seconde série, Alberti (Léon Battista), première série, pp. 20, 21.
Albert de Ricmerstorp,
dit
Saxe, première
—
pp. 240, 243, 244, 323, 324. Albertutius, voir Albert de Helmstaedt. :
Al Bitrogi (Alpetragius), seconde Alexandre d'Aphrodisie, première
série,
pp. 191, 443. pp. 22, 110.
—
Seconde
série,
Almagià (Roberto), seconde série, p. 367. Alveredo, seconde série, pp. 3o4, 307. Anaxagore, seconde série, pp. 11 5, 147, '49, 3 16. Anaximandre, seconde série, pp. 289, 291, 292, 294. Anselme (Saint), seconde série, pp. 259, 260. Apian (Peter Bienewttz, dit), première série, p. 263.
—
Seconde
série,
série,
p. 289.
Al Gazali, seconde
série, p. 379.
p. 362.
Arago (François), première
série, p. 245.
ETUDES SUR LEONARD DE VlSCt
46o
Archimède, première série, pp. Seconde série, p. 407. Aristote, première série, pp. 8,
3i5.
62,
109-m,
89, 92, 100, 101, io3, io5,
261-263, 274, 297, 3i4,
214,
100,
—
9, 19, 22, 4o,
128, 129,
46, 58-66, 68, 76, 80, 84,
i32,
i35,
170,
178-180, i83,
195, 196, 200, 268, 271, 272, 274, 275, 278, 280, 289-291, 295-299, 3oi, 3o2,
3o4, 3i2, 3i3.
—
392, 395, 4io,
4n,
Seconde série, pp. 4-7, 10, 17, 18, 24, 37-40, 46, 48-5o, 59-67, 70-73, 75, 76, 78, 79, 82, 83, 92, 93, 95, i36, i37, i43, i55, 166, 188, 189, 193, 194, 197, 198, 205-207, 23o, 233, 247-249» 25i, 254, 262, 278, 284, 288- 292, 294, 3o4, 3i3, 317, 33i, 332, 347, 355, 368, 370, 373- 377, 38i, 385, 4i6, 429, 442, 45o-455.
Aristote (Pseudo), auteur du traité De démentis, première série, p. 46. Seconde série, pp. 3oo-3o2, 3o6, 3o8-3io, 3i3, 317, 319, 322, 332. Aristote (Pseudo-), auteur du traité De mineris, seconde série, pp. 3o2, 3o4-3o6, 309, 3i8, 319, 332. Aristote (Pseudo-), auteur de la Théologie, seconde série, pp. 125, 1291 46, 161, 164, 174, 176-179, 269-271, 278-279. Aschbach, première série, p. 338. Seconde série, p. 26. Augustin (Saint), seconde série, p. 436. Averroès le Commentateur (Ibn Roschd, dit), première série, pp. 6, 2^, Seconde série, pp. 10, i3, i4, 17-19, 24, 39, l\o, 65-68, 70, 71, 110, 178.
—
—
—
78, 79, 83, 90, 247, 25i,
254-256, 259, 3o4, 347, ^77, 420, 422, 429, 45i, 453.
—
Avicenne (Ibn Sinah, dit), première série, pp. 46, 48. Seconde pp. 302-309, 3n - 3i3, 3i6-322, 332, 333, 339, 34o, 379, 436, 437.
—
Bacon (Roger), première pp.
7, 8,
série,
Seconde série, série, pp. 171, 260, 2Ô3> 342. 19-21, 4i, 192, 3o4, 3o5, 307, 366, 368, 371, 373, 386, 4*o, 4n, 4i5,
429, 43o.
Bade
(Josse), seconde série, p. 402. Baldi (Bernardino), première série, pp. 89- 108, 116, 123, 127, 128, 137142, 1 44 - 1 47, i5o, i56, 208, 214, 219, 225, 253, 271, 289, 295, 346-349Baratta (Mario), première série, p. 227. Seconde série, pp. 239, 243,
—
244? 266, 323.
Bassols (Jean de), voir
:
Jean de Bassols.
Bède le Vénérable (Pseudo-), seconde Beltrami, seconde série, p. 76. Benedetti (Gianbattista), première
série,
série,
pp. 427, 428.
pp. 54, i35, 207, 208,210, 212,
2l3, 220, 225, 241.
Berti (Domenico), seconde
série, p. 102.
Biagio Pelacani, voir Pelacam (Biagio). Biondo, première série, p. 57. :
Bjornbô (Axel Antiion), première série, p. 112. Blaise de Parme, voir Pelacani (Biagio). Blancanus, première série, p. i4o. Boccace (Giovainni Boccacci), seconde série, p. 3a3. Boccaferri (Louis), seconde série, pp. 354-356. :
Boëce, seconde série, pp. 286, 429, 435. BoiNAYEiNTURE (Saint), seconde série, pp. 206, 436, 45i.
TABLE DES AUTEURS
46 I
Boncompagni (Le prince Baldassare), première
série,
pp.
4, 7, ai,
332,
333, 335, 346, 347.
Bradwardin (Thomas), seconde série, pp. Budé (Guillaume), seconde série, p. 286.
9, 10.
Bulaeus, voir Du Boulay. Buridan (Jean), première
—
série, pp. 5, 161, 336, 34i, 345. Seconde 379-385, 3g5, 3 9 6, 4o3, 4o4, 407, 4i9-4a3, 428,
série, pp. 45, 46, 48, 3 7 2,
43i-438.
Buridan (Pseudo), seconde série, pp. 438-44i. Burley ou Burleigh (Walter ou Gautier), première Seconde série, pp. i4, i5, 18, n4, i3o, i3i, i34, 342.
—
39, 42, 43, 45, 49? 52
>
I
92
»
série,
pp. 110, ni,
ai, 22, 24, 28, 38,
3 7 2 > 3 7^ 38o-382, 385, 398, 4o3, 4io,
4i4-4i6,
419, 421, 45i, 453.
G Galcagnini (Cœlio), première série, p. 253. Galvi (Girolamo), seconde série, p. 333. Campanus de Novare (Jean), première série, pp. 178, i85. Seconde série, pp. 248, 25 1, 254, $22. Canonio (Tractatus de), première série, pp. 262, 3io, 3i2, 3i3, 3i4.
—
—
Seconde
série, p. 365.
Cantor (Georg), seconde série, p. 392. Cantor (Moritz), première série, p. 226. Seconde série, p. 100. Gapuano de Manfredonia ou de Maria- Siponto (Giovanni Battista ou
—
Francesco), seconde
série,
pp. 25o, 35i-354.
Cardan (Girolamo Cardano), première
série,
pp.
3, 54,
57,117, 118, i34-
— Seconde série, p. 284. 228. — Seconde série, p. 445.
i38, i44, 208, 223, 224, 226-240, 243-253, 309.
Cardano (Fazio), première série, pp. 227, Carra de Vaux (Bernard), seconde série, pp. 129-
i3i.
Castelli (Le P. Benedetto), première série, pp. 215-219, Caverni (Raffaello), seconde série, pp. 254, 36 1 -363. Cecco d'â.scoli (Francesco Stabili, dit), seconde série, pp. 323, 324, 333. Cellini (Benvenuto), première série, pp. 57, 225. Chambray (Roland Fréart, sieur de), première série, p. 56.
—
Seconde série, p. 233. Charistion, première série, p. 262. Charles (Emile), seconde série, p. 3o4Charpentier (Jacques), seconde série, pp. i3o, i3i, i43. Seconde série, pp. Châtelain (Emile), première série, pp. i63, 319.
—
16,
38, 7 5.
Chevalier (Ulysse), première série, p. 6. Clemens, seconde série, p. 261. Cléomède, seconde série, p. 448. Colombe (Ludovico delle), première série, p. 2i5. Commandin, première série, D_p. 35, 80, 84, 91, 92, 121. Conimbres (Commentarii Collegii Conimbricencis, dits
les),
seconde
série, p. (\\.
Contarini (Gaspard), première série, p. i34. Copernic (Nicolas), première série, pp. 3, 5o, 203, pp. 83, 90, 202, 267-269.
—
Seconde
série,
ÉTUDES SUR LEONARD DE VINCI
/,02
Gouturat
(Louis), seconde série, p.
l\o!\.
Crescimbeni, première série, pp. 91, g3. Gurtius Trojanus, première série, pp. 187, 264, 275, 299, 3n. série, p. 362.
Curtze (Maximilian), première
série, p. 346.
— Seconde
— Seconde
série, p. 10.
D Dante Alighieri, seconde
De Launay, seconde
série, p. 323.
pp. 292, 298. (Victor), seconde série, p. 270. série,
Delbos Démoclès, seconde série, p. 297. Démocrite, seconde série, pp. 5, 7, 11, 16, 93. Denifle (Le P. Helnrich), première série, pp. i63, 319. pp.
— Seconde
série.
16, 38, 75.
Denys l'Aréopagite (Pseudo-), seconde série, pp. i5o, 271-279. Dents le Chartreux (Saint, de Rijckel), seconde série, p. 447Descartes (René), première série, pp. 53, 108, 109, 127, i/|o, i56, 172, 289. - Seconde série, pp. 86, ig3, 198.
142,
i45
De Wulf, seconde
série, pp. 16, 32, 35, 4o4. Dieterici, seconde série, p. i3i.
D10GÈNE d'Apollome, seconde série, pp. 289, 291, 292, 294. DoMiNis (de), première série, p. 172. Du Boulay (Bulaels), première série, pp. 5, i63, 164, 3i 9.
—
Seconde
série, p. 11.
Dullaert de Gand
(Jean), seconde série, pp. 33-35, 48, 4g, 53, 193, 194,
206, 21 4, 38o, 4o4, 442. Duns Scot (Jean de), voir
Jean de Duns Scot. seconde série, pp. 378, 379. 38i, 385. 4o3. Pourçain, Durand de SaintDu Val, seconde série, p. i3i.
E
—
Seconde série, p. 3o5. Échard, première série, p. 335. Ecrehart, seconde série, p. i58. Épicure, seconde série, p. 11. Ératosthène, seconde série, pp. 292, 293, 295. Seconde série, Euclide, première série, pp. 261, 262, 3i4. 66. série, Eudoxe, première pp. 58, 62, Euler (Leoinhardt), seconde série, p. 59.
—
p. 304.
F Fabry (Le P. Honoré), première
série, pp. 108,
147,
289.
Falckrnberg (Richahd), seconde
série,
pp. 99. io5.
i52,
i53,
i55,
1
56.
.
TVRLE DES AUTEURS
463
Ferrari, première série, p. i3G. Frvcastor (Girolamo), seconde série, p. 202. Fréart (Roland, sieur de Chambray), voir: Chambray.
G Gaétan de Tiène, première série,
série,
pp. 11 4, 11 5, i3i, i38, 161.
— Seconde
pp. 35, 53, 89, 204, 2o5, 214, 367, ^i5. 419.
—
Galilée (Galileo Galilei), première série, pp. 3, 53, 2i3-2i5, 219. Seconde série, pp. 233, 242, 268. Gassendi (Pierre Gassend, dit), seconde série, p. 242. Genezano (Paul de), première série, p. 333. Gérard d'Odon, seconde série, p. 10. Gilbert (Guillaume), seconde série, pp. 202, 268. Gilles de Rome (Jlgidius Golonna, dit JE. Romanus), première série, Seconde série, pp. 11 -16, 23, 24, 52, 192, 257, pp. 6, 110, 333, 336, 34a.
—
384.
première série, p. 225. Glossner, seconde série, p. io5. Graesse, première série, pp. 6, 7. Grazia (Vincenzio di), première série, p. 21 5. Grégoire de Rimini, seconde série, pp. 9, 48, 385 -^07, 454Grisogone de Zara (Frédéric), première série, p. 176. Grosse -Teste ou Greathead (Robert), évèque de Lincoln, seconde Ciiuntini (Frédéric), dit Junctinus,
série,
pp. 12, 402.
Guevara (Juan
première série, pp. io5, i4o. Guidobaldo dal Monte, première série, pp. 3, 81, 84, de),
92,
100,
io3, 214,
268, 270, 271
Guillaume Guillaume Guillaume Guillaume pp.
d'Auvergne, seconde série, pp. 4°8-4ii, 4 1 3 4i8. de Heytesbury (Hentisberus), seconde série, p. 34. de Moerbeka, seconde série, p. 443. d'Ockam, première série, pp. 337, 34 1, 342. Seconde ,
—
8, i5, 17, 20, 21,
série,
39-42, 45, 5o, 76-79, 85, SU, 91, 93, 126, 192, 193, 196,
257-259, 368-372, 374. 378, 38i, 384, 385, 3g3, 3g5, 399, \oS, 4o4, 4<4, 4i6420, 428, 438, 453.
H Hain, première série, p. 335.
— Seconde
série,
pp. 32, 102.
Hauréau (Barthélémy), seconde série, p. 32. Henri de Gand (Henri Goethals, dit), seconde série, pp. 446-455. Hentisberus, voir Guillaume de Heytesbury. Hermès Trismégiste, seconde série, pp. i5i, i53. :
Hérodote, seconde
série,
pp. 291, 292, 295.
Héron d'àlexasdrie, première 3oi, 3i2, 3i3, 3i5.
série,
— Seconde série, p.
Hiérothée (Saint), seconde série, pp. Hipparque, seconde série, p. 443.
Holkot (Robert), seconde
série,
pp.
200,
265,
289-291, 297-299,
233. 271, 272, 276.
pp. 10, 399-403, 417-419, 45i.
ETUDES SUR LEONARD DE VINCI
464
Houzeau, seconde série, p. 4i5. Hultsch, première série, p. 3i3. Huygens (Christian), première
série,
pp. 108, 147, i53-i56, 289.
Isolant (Isidoro), première série, pp. 332, 335
Jacoli, première série, p. 335.
Jean l'Évangéliste (Saint), seconde série, pp. i34, i45. Jean XXI, voir Petrus Hispanus. Jean de Bassols, seconde série, pp. 373-379, 385, 390, 392, 3q^. 3g5, 398, :
4o3, 4i6, 417, 4i8, 454, 455.
Jean de Duns Scot, première
p. 342.
série,
—
Seconde
série,
pp. 8-10,
i3, 17, 20, 21, 28, 42, 48, 257, 368, 369, 373, 374, 377, 382, 386, 43o, 454, 455.
Jean de Jandun, première
série,
pp.
110,
129,
i34-
—
Seconde
pp. i3, i4, 24-27, 78, 79, 83, 84, 87, 192, 258, 259, 421, 436. Jean de Sacro- Bosco, première série, pp. 63, 71, 72, 260.
—
série, p. 73.
série,
Seconde
—
Jean le Chanoine (Jean Marbres, dit), première série, pp. 343, 345. Seconde série, pp. 8, 10. Jean Philopon ou le Grammairien, seconde série, pp. 189-191. Jean Scot Ériugène, seconde série, pp. 424-428. Jordanus de Nemore, première série, pp. 3, 2i3, 225, 261-263, 270, 3o5, Seconde série, pp. 36i-363. 3n, 3i2, 3i4, 3i5. Jordanus de Nemore (Le Commentateur de), première série, pp. 263,
—
270.
K Kepler 202, 208-2I
(Jean), I,
première
série, p. 5o.
—
Seconde
série,
pp. 59, 83, 200-
223.
Lancaster, seconde série, p. 4i5. Lasswitz (Kurd), seconde série, p. 5. Le Blanc (Richard), première série, pp. 227, 236, 245. Lefèvre d'Étaples, seconde série, p. io3. Leontceni de Tomes (Nicolas), première série, pp. 100, 268. Leucippe, seconde série, pp. 5, 7, 11. Libri, première série, pp. 4i, 55. Seconde série, p. 363. Linconiensis, voir Grosse- Teste (Robert). Lokert (Georges), première série, pp. 4> 5? 160, 161, 319, 336. Lulle (Raymond), seconde série, pp. i48, 149. 4a4, 4a5, 427. Luther (Martin), première série, p. 253.
—
:
TABLE DES AUTEURS
4^5
M Majoris (Johannes), seconde série, pp. 9, 10, 33, 45, 47, 48, 53, 91-93, 4oo, 4o3-4o7, 4i5, 4i9Manget, seconde série, p. 3o5. Mansion (Paul), première série, p. 3 16. Marcolongo, seconde série, p. 36 1. Marliano (Giovanni), première série, pp. 20-22, 227, 228. Marsile d'Inghen (Jean), première série, pp. 260, 261, 333, 336, 342, Seconde série, pp. 8, 9, i5, 16, 3o, 3i, 35, 45-47, 53, 89, 126, 157, 345. 193, 195-197, 2o3, 206, 207, 2i3-2i5, 343-345, 347, 348, 35o, 4o5, 428,
—
442, 443.
Maurolycus, première Media Villa (Ricardus
—
Seconde série, p. 362. Richard de Middleton. Mélanchthon (Philippe), première série, p. 253.
Mély
(F. de),
seconde
Mersenne (Le
série, p. 35.
de), voir
série,
P. Marin),
:
pp. 3o2-3o6, 309, 3i8, 319, 34o.
première
série,
pp. 55, 83, 84,
108,
127,
i4o-
i43, i45-i49, i52-i56, 207, 2io-2i3, 220, 289, 309.
Middleton (Richard de), voir Richard de Middleton. Milhaud (G.), seconde série, p. 5. Moine de S* Gall (Le), seconde série, p. 428. Monanteuil (Henri de), dit Monantolius, première série, p. Mousnier (Pierre), première série, pp. 108, i52, i53, i55. Mùntz (Eugène), première série, pp. 1, 20, 54, 57, 68, 257. :
série,
i4o.
—
Seconde
pp. 176, i85, 34o.
N Narducci (Enrico), première série, pp. 98, 346, 347. (Isaac), seconde série, pp. 59, 83, 86. Nicéron (Le P.), première série, p. 91. Nicolas de Gués (Nicolas Krypfs, dit), première série, p. 253. Seconde série, pp. 96-129, 142-180, i85-i88, 194-202, 208-212, 219, 220, 222-224, 227, 23o, 23i, 237-244, 246, 25o, 25i, 260-265, 267-271, 424, 425,
Newton
—
427, 428, 43i, 436, 438-44i.
Nicolas d'Outricourt ou d'Autricourt
(N.
de Ultricuria), seconde
série, p. 11.
Nifo (Agostino), dit Niphus, première série,
série,
pp.
3,
334, 345.
—
Seconde
pp. 35, 36, 33o, 33i, 354, 38i.
O Ockam (Guillaume
d'), voir Guillaume d'Ocram. Olympiodore, seconde série, p. 299. Oresme (Nicole), première série, pp. 288, 338. Ovide, seconde série, pp. 298, 3i6, 317, 33i. P.
DUHKM.
.
:
3o
.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
h6C)
Pacioli di Borgo san Sepolcro (Luca), première série, pp. 56, 332, 333. Seconde Palissy (Bernard), première série, pp. 5o, 237, 245-253.
—
série, p. 284-
Pappus, première série, pp. 80, 102, io3, 121, 200, 265. Pascal (Blaise), première série, pp. 201, 2o5, 207, 210-21/}, 219, 220,
2 45
— Seconde série, p. 455.
Paul (Saint), seconde série, p. 272. Paul de Venise (Paul Nicoletti d'Udine,
seconde
dit),
série,
pp. 3i, 32,
34, 47) 91? 93, 325, 327, 333, 348-35o, 356, 408, 4i5. Peckham (Jean), première série, p. 228.
Pelacani (Biagio), dit Blaise de Parme, première série, pp. 3, 260, 269Seconde série, pp. 3i, 2i3, 364, 365. 271, 3io, 338. Pellechet (M lle ), première série, p. 336. Pererius (Benedictls), première série, p. i34. Petrus Hispanus (Pedro Juhani, puis Jean XXI), seconde série, pp. 21,
—
22, 7 5, 38o, 385, 387.
Philon le Juif, seconde série, p. i34. Philon le Juif (Pseudo-), auteur du ÏIspi Koqxou, seconde série, pp. 286, 289-291, 299, 3o8, 309, 3i3-3i5, 317, 328. Piccolomini (Alessandro), première série, pp. 100, 137, i38. Pierre d'Abano ou de Padoue, seconde série, p. 323. Seconde série. Pierre d'Ailly, première série, pp. 253, 260, 261, 342. pp. 249, 25i, 254, 345-347. Seconde série, p. 192. Pierre d'Auvergne, première série, p. 110. Pierre de Maricourt, première série, p. 225. Pierre le Lombard, seconde série, pp. 8, 260, 369. Seconde série, p. 291. Platon, première série, p. 4o. Pline l'Ancien, première série, pp. 62, 63, 68-71, 180, 181, 244.
—
—
—
Plotin, seconde série, pp. 127-134, i36, i5i, 271, 273.
Porphyre, seconde
série, p. i3i.
Poussin (Nicolas), première série, p. 78.
Pozzo (Le chevalier del), première série, p. 56. Prado (Jérôme), première série, pp. 80, 89. Prantl (Carl), seconde série, p. 100. Précurseur de Léonard de Vinci (Le), auteur anonyme d'un traité De ponderibus, première séiie, pp. io3, 129, i34, i36, 209, 263, 264, 271, 272, 275-278, 280, 281, 283, 284, 286-289, 291, 293, 299, 3oi, 3o2, 3o5, 3o6, 3io, 3i
1,
3i6, 421.
Proclus le Diadoque, seconde série, p. 271. Prosdocimo de' Beldomandi, première série, Ptolémée (Claude), première série, pp. 63, pp. 247, 249, 25
1,
p. 253. 170, 3i3.
254.
Q Qualéa (Léonard), seconde Quétif, seconde
série,
série, p. 3o5.
pp. 325-327.
—
Seconde
série,
TABLE DES AUTEURS
4^7
R —
Ravaisson (Félix), seconde série, pp. 99, 128- i3i, i3/j. Ravaisson -Mollien (Charles), première série, pp. 20, 2t, 55, 181, 272. Seconde série, pp. 58, 334, 36/i. Renan (Ernest), seconde série, pp. 3i, 35, 74, 129, i3o. Richard de Middleton (Ricardus de Media Villa), seconde série, pp. 368-
372, 374, 384, 385, 393, 394, 4o3,
4n-4i4,
Richter (Jean- Paul), première
série,
419, 421, 4 2 2, 442, 443, 454, 455. 56. Seconde série, pp. 176,
—
p
3G5.
Ristoro d'Arezzo, seconde série, pp. 3ig-323, 325, 327, 333, 342. Grosse -Teste, évêque de Lincoln, voir Grosse -Teste
Robert
:
(Robert).
Roberval (Gilles Personne
de),
première
série,
pp. 108, 109, 127, i4o,
142, i43, i45, 147, i48, i5o-i53, i55, i56, 289.
Roseo (Francesco), seconde
série,
pp. i3o, 142.
Sacro Rosco (Jean de), voir Jean de Sacro Rosco. Salomon de Gaus ou de Caux, première série, p. a4G. Sanuto de Venise (Aurelio), première série, p. 33a. Sarlio, première série, pp. 57, 225. Sbaralea, première série, p. 6. Scaliger (Jules César), première série, pp. i34, 24o-244:
—
Seconde
série, p. 210.
Scarloncini (Fabricio), première série, pp. 90-93, 98, 100, 102, Scharpff, seconde série, p. io5. Scot (Jean de Duns), voir Jean de Duns Scot. Scot Ériugène (Jean), voir Jean Scot Értugène. Scot (Michel), seconde série, pp. 73, 74, 92, g3, 191, 4o8, 4io, 4"> 4i5, :
:
4i8.
Séailles (Gabriel), seconde série, p. 2i3. Siger de Brabant, seconde série, p. 3G8. Simplicius, première série, pp. 22, 63, 64, Seconde série, pp. 64, 65, 70, 71, 4ai, 443.
Sotheran (Henry), seconde
71,
72,
110,
285,
3i3.
—
série, p. 367.
Soto, première série, p. 3. Stabili (Francesco), voir Cecco d'Ascoli. Steinschneider (Moritz), première série, p. 346. :
Stevin (Simon), première série, pp. 53, 84, 101, 210-212 Strabon, seconde série, pp. 292-298.
Straton de Lampsaque, première
série, p. 285.
— Seconde
série,
298.
Suisset (Richard), première série, p. 228. Sunczel (Frédéric), seconde série, pp. 206, 207, 214, ai5, 442. Suter (Heinrich), première série, pp. 337, 338, 34 1, 343.
pp. 292-
.
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VINCI
/|68
Taisner, première série, p. 225. Tannery (Jules), seconde série, p. 4o4. Tannery (Paul), première série, p. 58, i56 Tartaglia ou Tartalea (Nicolô), première série, pp. Seconde série, p. 362. 225, 261, 263. Tataret (Pierre), seconde série, p. 444 Tempier (Etienne), seconde série, pp. 38, 75, 78, 92,
—
54,
127,
i36,
137,
1
44,
368, 377, 4i
1-
4i3, 45i.
Thàbit ibn Kurrah, première série, p. 262. Seconde série, p. 437. Thémistius, première série, p. 110. Thémon le fils du Juif (dit Thimon le Juif), première série, pp. 5, ^9Seconde série, 180, i85, 192-196, 217, 244, 261, 3ig, 336, 34i, 345. pp. 33o-332, 347, 348. Théon de Smyrne, première série, pp. 58, 60, 62, 64, 68-70. ïhéophraste, seconde série, pp. 285, 286, 288-292, 3oo, 3o8, 3i4, 3i5,
—
—
324, 328.
Thessalus Methodicus, seconde série, p. i3o. Thierry de Saxe, première série, p. 171. Thomas d'Aquin (Saint), première série, pp. 6, 63, Seconde série, pp. n, 25, 38, 48, i33, i35, i38, 253.
—
79, 83, 93, 129, i43, 191, 192, 194, 196, 248, a5i, 254,
110,
in,
70, 71,
256,
128,
7/4,
75.
259, 3o5,
i32, 78,
379,
421, 429, 436, 438, 45i, 453-455.
Thomas l'Alchimiste, seconde série, pp. 3o4, 3o5. Thurot (Charles), première série, pp. 4, 5, 3i3. Tolet, première série, p. 3. Toni, seconde série, p. 333. Torricelli (Evangelista), première série, p. 261. Trittenheim (Jean), seconde série, pp. 100, 378, 379.
u Uzielli, première série, pp. 57,
3n.
V Vailati (Giovanni), première
série,
pp. 264, 3 1
1
Valerio (Luca), première série, p. 84. Varignon, première série, p. 268. Venturi, première série, p. 53. Vernias de Chieti (Nicolo), première série, pp. série, pp.
ao4
5
'<<>5,
2 14,
Vill\lpand (Jean-Baptiste), première 102, 123, 127, i4i, 208,
6, 333, 334-
—
Seconde
44a.
22;"),
a53.
série,
pp. 5i, 53, 79-8'». 89,
101,
TABLE DES AUTEURS Vincent de Beauvais (V. le Bourguignon,
dit),
1\<6(J
seconde
série,
pp. 191,
283, 3i8-323, 327, 33o, 332.
Vitellio (Witelo ou Witek), première
série, p. 171.
VrriiuvE, première série, pp. 289, 296, 297, 299, 3oi. pp. 2/i3, 244.
Viïtori (Benedetto), première série, p. 335. Vives (Louis), seconde série, p. 35.
W Wadding (Luc), seconde série, p. 9. WoHLWiLL (Emile), première série, p.
54-
X Xanthus de Lydie, seconde
série,
pp. 292, 290.
—
Seconde
série,
TABLE DES MATIÈRES
Pages
Avant-propos
IX.
ni
Léonard de Vinci et les deux I.
II.
III.
infinis
i
L'infiniment grand et l'infiniment petit selon Aristote L'infiniment petit dans
la
L'infiniment grand dans
IV. L'infiniment
grand
.
.
Scoiastique
la
7
Scoiastique
et l'infiniment petit
07
dans
les
notes de
Léonard de Vinci
X.
4y
LÉONARD DE VlNCI ET LA PLURALITÉ DES MONDES I.
Un
texte de
Le poids d'un grave monde:*
55
Léonard de Vinci
IL Aristote et la pluralité des III.
—
57
mondes
varie-t-il
59
avec la distance au centre
du
Simplicius, Averroès, Albert le Grand, Saint
Thomas d'Aquin La pluralité des mondes et la toute-puissance de Dieu. Michel Scot; Saint Thomas d'Aquin; Etienne Tempier; Guillaume d'Ockam La pluralité des mondes selon Albert de Saxe .
IV.
V. VI.
Le poids
résulte-t-il
VIL Les discussions sur
la pluralité
des
mondes au xv
e
.
réflexions sur la pluralité des
mondes g4
Nicolas de Gués et Léonard de Vinci I.
II.
Quelques mots sur
la vie
82
90
données par Léonard de Vinci
XL
72
78
siècle.
Paul de Venise et Johannes Majoris
Commentaire aux
64
d'une attraction exercée à distance?
Jean de Jandun, Guillaume d'Ockam, Albert de Saxe.
VIII.
4
97
de Nicolas de Cues
Les diverses éditions des œuvres de Nicolas de Cues.
100
...
101
1
ÉTUDES SUR LÉONAKD DE VINCI
47 2
Pa III.
du système philosophique de
Esquisse
Nicolas de Cues.
.
.
A. L'ignorance savante B.
maximum
du
L'identité
:
et
du minimum
106
maximum absolu
G. L'existence et l'unité du
D. L'éternité de Dieu. La E. L'Univers contracté
107
trinité divine
et la
109
création
11
F. L'Univers est-il fini ou infini? est la
112
synthèse de la création
création est
et la
le
développement de Dieu
H. De quelle manière Dieu
1 1
La
J.
Les éléments
trinité contractée
n4 n5
et
les
de l'Univers
mixtes
K. L'homme; l'union de l'âme L. Les facultés de l'âme
où
119 et
du corps
121
humaine
M. La charité, union de Dieu IV. Les sources
et
121
de l'âme humaine
123
Nicolas de Cues a puisé. La Scolastique, la
Philosophie néo-platonicienne, V. Les réflexions de
Théologie d'Aristote.
la
Léonard de Vinci touchant
la
.
VI. Les réflexions de
Léonard de Vinci touchant
de Nicolas de Cues
La création
(suite). Les facultés
i!\6
philosophie
l'amour créateur.
et
de Léonard de Vinci touchant
de Nicolas de Cues VIII.
( suite).
la
la
de Nicolas de Cues
philosophie
de l'Ame
....
Dynamique de
X. La
(suite).
L'immortalité de l'Ame
...
Dynamique de
Nicolas de Cues et la
Dynamique de 201
La Dynamique de Nicolas de Cues
et la
Dynamique de
Léonard de Vinci. Théorie de l'impeto composé La Dynamique de Nicolas de Cues
Léonard de Vinci
( suite).
et la
211
Dynamique de
La théorie métaphysique du
mouvement
222
La Mécanique de Nicolas de Cues
et
Léonard de Vinci. L'hygromètre,
mouvement de
17^
i85
Kepler
XIII.
i65
Nicolas de Cues et les sources dont elle
découle
XII.
161
Les réflexions de Léonard de Vinci touchant la philosophie
IX. La
XI.
120
philosophie
de Nicolas de Cues. Synthèse et développement
VII. Les réflexions
2
en toutes choses
et l'Univers sont
créées et inversement I.
io4
io5
Le postulat fondamental
G. Dieu
•
la
le
la
Mécanique de
sulcomètre
et
le
Terre
a38
XXV. La nature des astres selon Nicolas de Cues et Léonard de Vinci
:>.").')
Appendice. Denys l'Aréopagite, Nicolas de Cues
.
.
.
la
Théologie d'Aristote et a 69
1
TABLE DES MATIERES
47$ Pages.
XII.
LÉONARD DE VlNCI ET LES ORIGINES DE LA GÉOLOGIE T.
II.
281
Aristote
285
Théophraste
et
Traité
le
dix
Monde faussement attribué
à
Philon d'Alexandrie III.
Hérodote
IV.
Le
livre
et
286
Strabon
291
Des propriétés des éléments faussement attribué à
Aristote
299
V. Le Traité des minéraux attribué à Avicenne. VI. Albert le
.
3o2
•
Grand
809
VII. Vincent de Beauvais
3 18
VIII. Ristoro d'Arezzo
319
IX. La Géologie italienne au xiv e siècle et au x\ r siècle. Paul de
Venise. Léonard Qualéa
323
X. Albert de Saxe
XL Léonard XII.
327
de Vinci
Léonard de Vinci
332 et la
tradition parisienne en Italie.
Notes
.
.
.
342
.
359
— Sur Mécanique de Léonard de Vinci recherches de Caverni — Les Auctores de ponderibus Léonard de G — Sur de du polygone de sustentation .... D. — Sur bibliographie des d'Albert de Saxe de Thémon du Juif — Sur deux A.
et les
la
Raffaello
B.
et
l'origine
la loi
la
écrits
le fils
E.
les I.
II.
III.
infinis
— Sur
II.
368
373
Durand de Saint-Pourçain
378
Johannes Majoris
la pluralité I.
367
368
VI. Robert Holkot
.
366
et
Jean de Bassols
V. Grégoire de Rimini
F
364
Richard de Middleton
IV. Jean Buridan
VII.
Vinci
36
des
mondes
379
384 399 4o3
4o8
Guillaume d'Auvergne
4o8
Roger Bacon
4 10
III.
Richard de Middleton
4n
IV.
Walter Burley
/,i4
V. Gaétan de Tiène VI. Jean de Bassols
4*5 4 16
VIT.
Robert Holkot
4i 7
VIII.
Jean Buridan
/t
2o
ÉTUDES SUR LÉONARD DE VTNCI
474
Pages.
G.
— De
quelques sources
de Cues a pu
auxquelles Nicolas
puiser I.
424
Jean Scot Ériugène
424
IL Jean Buridan
'128
HT. Les Questions sur ^'Éthique à
Nicomaque
attribuées
à Jean Buridan 11. I.
J.
— —
Richard de Middleton et le
Sur
les petits
— Quelques I.
438
mouvement
des projectiles
c
.
.
.
mouvements de la terre Gand
444
textes d'Henri de
La
doctrine d'Henri de
446
Gand touchant
la pluralité des
mondes II.
L'opinion d'Henri de
\\ 2
447
Gand touchant
l'infini
Errata
r
4- >i
4->7
TARLE ALPÏïARÉTIQUE DES AUTEURS CTTÉS E\ LA PREMIERE SÉRTE ET EN LA SECONDE SERTE
&5q
Bordeaux.
â&#x20AC;&#x201D;
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II.
des
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