mensuel mars 2018
n°453 www.perspectives-agricoles.com
dossier
MULTIPERFORMANCE : l’agronomie en première ligne
ISSN : 0399-8533 - PRIX : 9,00 €
pages 37 à 55
Maladies
Couverts permanents
Amélioration variétale
P.11
P.30
P.7
Évaluation 2018 des résistances
Une cohabitation délicate avec le blé
Le système CRISPR/Cas9
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Sommaire
N°453 Mars 2018
LE DOSSIER Multiperformance : l’agronomie en première ligne P.37 Rendement du blé : le stress hydrique principal facteur limitant en Europe P.38 Protection intégrée : quels leviers pour aujourd’hui et demain ? P.43 Semis direct sous couvert végétal : évaluer les facteurs de la réussite P.46 Efficacité économique : des outils de mesure de la performance P.50
© J-Y. Maufras - ARVALIS-Institut du végétal
Chercheurs, experts et utilisateurs de la recherche fondamentale ou appliquée (enseignants, conseillers, entreprises, agriculteurs…) se sont réunis les 24 et 25 janvier derniers à la Cité des Sciences de Paris, à l’occasion du colloque « Phloème », la première biennale de l’innovation céréalière. Mobilisant des disciplines variées et complémentaires, tournées vers l’innovation, les congressistes se sont attachés à apporter des réponses, ou tout au moins à préciser des pistes de travail, pour réussir la révolution dans la protection des cultures, valoriser et gérer durablement les ressources et maîtriser, ou au contraire utiliser, les variabilités qualitatives des productions. L’objectif, résolument volontariste, vise à combiner positivement production, environnement et rentabilité économique des exploitations et des filières céréalières.
www.perspectives-agricoles.com n Retrouvez l’intégralité de la revue en ligne,
avec des compléments d’information aux articles publiés dans le magazine, ainsi qu’un accès aux archives de Perspectives Agricoles. n Retrouvez toutes nos formules d’abonnement sur le site internet de la revue dans la rubrique « S’ABONNER »
L’OBSERVATOIRE 6 7
Question d’actu : les apports de nutriments par voie foliaire sont-ils efficaces sur céréales à paille ? Génétique : l’édition du génome avec CRISPR/Cas9
© C. Maitre - Inra
ABONNEMENT
Retarder l’apparition des résistances La protection intégrée contre les maladies impose une combinaison de moyens : les leviers agronomiques avec comme pierre angulaire la résistance variétale, les produits de biocontrôle à venir et les fongicides classiques, en maximisant leur efficacité, notamment grâce à l’utilisation d’outils d’aide à la décision. Toutefois, la pression réglementaire tend à réduire la diversité des substances actives disponibles, ce qui peut accentuer les phénomènes de résistance des pathogènes (voir article p. 11), par l’utilisation répétée d’un petit nombre de substances actives et/ou de modes d’action. Il est ainsi indispensable de mettre en œuvre des stratégies de lutte contre les maladies visant à préserver, non seulement les © N. Cornec - ARVALIS-Institut du végétal
COUP DE PROJECTEUR
Suite page 5
solutions phytosanitaires existantes, mais aussi celles à venir, en les introduisant avec parcimonie dans les itinéraires techniques. Il a été démontré que la progression des souches de pathogènes les plus résistantes peut être ralentie. Lors des campagnes 2016 et 2017, des essais du Réseau Performance ont évalué l’effet des traitements sur les différentes souches de septoriose résistantes aux fongicides (MDR et TriMR évoluées). Les résultats montrent que la combinaison de SDHI et de chlorothalonil dans les programmes tend à ralentir la progression des souches les plus fortement résistantes (mécanismes MDR). Gilles Couleaud ARVALIS - Institut du végétal
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LES INDISPENSABLES 11
Agir Maladies des céréales à paille : statut des résistances aux fongicides en 2018
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Lin fibre : contre les altises, une lutte sur tous les fronts
n
Événements ARVALIS
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Anticiper Performance des engrais : retour sur cinq années de tests des innovations
24
Ravageurs du maïs : identifier les risques et adapter les moyens de lutte
27
Comprendre Tournesol et soja en Nouvelle-Aquitaine : deux cultures rentables à bien positionner
30
Couverts permanents : bien assurer la nutrition azotée du blé
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Soja : un contexte dynamique en Poitou-Charentes
n
26 avril 2018, STRASBOURG (67) La 20e édition du Colloque Orges Brassicoles 6 - 7 juin 2018, L’ISLE JOURDAIN (32) Les Culturales 2018 28 juin 2018, VILLERS-SAINT-CHRISTOPHE (02) Les 4e rendez-vous techniques Pomme de terre
n
+ d’infos sur www.evenements-arvalis.fr
LES INNOVATIONS n © K. Beauchêne - ARVALIS-Institut du végétal
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au champ
Phénotypage : un réseau à l’échelle européenne n
dans les tuyaux
60
Alimentation animale : un suivi innovant de la consommation individuelle
63
Les brèves
AILLEURS 64
Marché mondial de l’orge : la France est un acteur majeur Le flyer 17PE22 - Encart Editons ARVALIS (Nouveautés Maïs) est encarté à tous les abonnés.
• DIRECTEUR DE LA PUBLICATION : Jacques Mathieu • RÉDACTEUR EN CHEF : Benoît Moureaux - Tél. : 01 64 99 22 96 b.moureaux@perspectives-agricoles.com • RÉDACTRICE : Paloma Cabeza-Orcel - Tél. : 01 64 99 22 93 p.cabeza@perspectives-agricoles.com • CORRESPONDANTS NATIONAUX : Ludovic Bonin (adventices), Yannick Carel (évaluations économiques), Jean-Charles Deswarte (écophysiologie), Gilles Espagnol (maïs et tabac), Thomas Joly (lin fibre), Jérôme Labreuche (travail du sol et agroéquipements), Josiane Lorgeou (variétés), Jean-Yves Maufras (maladies), Michel Moquet (fourrages), Jean-Louis Moynier (gestion de l’eau), Baptiste Soenen (fertilisation), Jean-Baptiste Thibord (ravageurs), Clotilde Toqué (systèmes de culture et durabilité).
• CORRESPONDANTS RÉGIONAUX : Jean-Louis Moynier (Ouest), Diane Chavassieux (Est), Clémence Aliaga (Sud), Chloé Malaval (Centre), Philippe Hauprich (Nord) Pour contacter un correspondant par mail : initialeduprenom.nom@arvalis.fr • RÉALISATION DE LA PUBLICATION : Estelle Canali - Tél. : 01 64 99 22 26 Perspectives Agricoles 91 720 Boigneville e.canali@arvalis.fr • SERVICES ADMINISTRATIFS ET ABONNEMENTS : Perspectives Agricoles - ZA La Tellerie - CS 20 016 61 438 Flers CEDEX Tél. : 02 31 59 25 00 - Fax : 02 31 69 44 35 contact@perspectives-agricoles.com • DIFFUSION ET RELATION LECTEURS : Amine El Yaagoubi - Tél. : 06 73 19 48 24 a.elyaagoubi@arvalis.fr • RÉGIE PUBLICITAIRE : Julien Joubert - Tél. : 05 62 71 79 41 - Fax : 05 62 71 79 40 j.joubert@arvalis.fr
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Photo de couverture : N. Cornec - ARVALIS-Institut du végétal
Avis d’Alain Bouthier d’ARVALIS - Institut du végétal
Alain Bouthier : « Dans les cas où la fertilisation par voie foliaire est utile, elle est efficace si elle intervient rapidement après l’observation des symptômes. »
Un apport foliaire ne peut être envisagé que si la culture est suffisamment développée, le plus souvent à partir du stade « épis 1 cm », en veillant à conserver une dilution minimale dans la bouillie pour éviter le risque de brûlure des plantes, rappelle Alain Bouthier, spécialiste sol et fertilisation chez Arvalis. Ce mode d’application ne convient pas à tous les nutriments. Perspectives Agricoles : Les apports d’engrais NPK par cette voie ont-ils une utilité ? Alain Bouthier : L’absorption foliaire maximale est de 10 à 20 kg d’élément par apport ; valeur à mettre en relation avec des besoins en azote, phosphore et potassium pouvant aller jusqu’à plusieurs centaines de kg/ha. Ce mode d’apport est donc très limité pour ces nutriments et ne peut s’envisager qu’en supplément. Toutefois, en ce qui concerne le phosphore et le potassium, un apport au tallage est déjà trop tard. Une éventuelle carence en PK s’exprime avant le stade « 3 feuilles » des céréales à paille. En ce qui concerne l’azote, un objectif d’apport foliaire pourrait être de pallier une absence de pluie courant montaison et de compenser un apport d’engrais au sol qui n’aurait pas pu être réalisé. Des essais d’Arvalis n’ont pas apporté la preuve de l’efficacité de cette démarche. De même, en considérant le taux de protéines des grains, les essais font état d’une efficacité
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Sommaire
LES APPORTS DE NUTRIMENTS PAR VOIE FOLIAIRE sont-ils efficaces sur céréales à paille ? © N. Cornec - ARVALIS-Institut du végétal
QUESTION D’ACTU
L’OBSERVATOIRE
Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
d’un apport foliaire tout au plus équivalente à celle d’un apport au sol. P. A. : Qu’en est-il du magnésium et du soufre dont les besoins des plantes sont moindres ? A. B. : En cas de déficit et en tenant compte des fournitures du sol, les conseils d’apport sont d’environ 20 à 30 kg de MgO/ha/an et de 40 à 50 kg de SO3/ha au maximum. Si un déficit en magnésium a été mesuré par analyse de terre, il sera en priorité traité par un apport au sol. Dans le cas contraire, ou si des symptômes de carence sont constatés en végétation, en général au tallage, une correction par voie foliaire sera efficace. En cas de risque de déficience en soufre, qui peut être apprécié en sortie d’hiver, il est également conseillé d’effectuer un apport de soufre au sol. Un rattrapage foliaire est toutefois possible si une carence est observée en fin de tallage. Pour ces deux nutriments, le rattrapage est efficace s’il intervient rapidement après l’observation des symptômes(1). P. A. : Est-ce le même fonctionnement avec les oligoéléments ? A. B. : Les besoins des plantes en oligoéléments se mesurent, pour la plupart, en centaines de grammes par hectare et se limitent au maximum à quelques kilogrammes par hectare. En France métropolitaine, la question des apports sur céréales à paille se pose principalement pour le manganèse et le cuivre. Un apport foliaire est la seule solution possible en cas de carence en manganèse(1). Il faudra alors réaliser deux apports, voire trois dans les situations les plus critiques. Encore une fois, l’application foliaire est efficace si l’intervention a lieu rapidement, dès l’apparition des symptômes. Il est conseillé pour le cuivre de suivre régulièrement l’évolution de sa teneur dans le sol. Les symptômes de carence ne sont visibles qu’en fin de montaison, ce qui est déjà trop tard pour réaliser une correction ; l’apport devant intervenir avant le stade épis « 1 cm ». Il faut donc se fier aux analyses de terre. Un apport foliaire est envisageable, par exemple, en cas de résultat d’analyse de terre connu seulement après l’implantation du blé et indiquant une carence. Cette voie étant plus chère et limitée à l’année, il est préférable d’effectuer un apport au sol une fois tous les cinq à dix ans. (1) Pour plus de précisions, consulter les fiches accidents Arvalis sur www.fiches.arvalis-infos.fr
Propos recueillis par Benoît Moureaux b.moureaux@perspectives-agricoles.com
Génétique
L’ÉDITION DU GÉNOME avec CRISPR/Cas9
Avec le renchérissement du prix des intrants et l’impact des changements climatiques, l’amélioration variétale est plus que jamais un levier important pour accroître les performances des espèces cultivées. Les techniques d’édition du génome sont en mesure de l’accélérer, en particulier la technique CRISPR/Cas9.
© C. Maitre - Inra
E
n biotechnologies, l’édition du génome consiste à modifier, de façon ciblée, la séquence d’un ou plusieurs gènes présents dans le génome d’un individu (animal ou végétal). Autrement dit, on réécrit une portion de son génome, d’où le terme d’édition. Il existe plusieurs approches, certaines mises au point il y a quelques années. La technique CRISPR/Cas9 est la plus largement utilisée car elle agit plus facilement sur la séquence cible pour l’inactiver, la modifier ponctuellement, la substituer ou bien pour insérer un gène nouveau à un endroit précis. Cette technique illustre l’intérêt de la recherche fondamentale. En 1987, un chercheur Japonais qui analysait des séquences d’ADN de la bactérie Escherichia coli identifie des motifs présentant une structure particulière composée notamment de courtes séquences palindromiques (qui peuvent se lire dans un sens ou dans l’autre, comme le mot « radar ») répétées. En 2001, des chercheurs proposent pour ces séquences l’acronyme CRISPR (Clustered Regularly Interspaced Short Palindromic Repeats ou amas de répétitions palindromiques courtes régulièrement espacées). En 2005, il est montré que certaines séquences de CRISPR correspondent à des fragments de l’ADN de virus bactériophages et que CRISPR code également pour des protéines, dites « Cas », qui peuvent couper l’ADN. Lors d’une infection de la bactérie, le système CRISPR est activé : ces séquences d’ADN viral sont traduites en ARN « guide » qui dirige les protéines Cas vers une séquence cible du virus ; les protéines coupent alors simultanément les deux brins de l’ADN du virus pathogène pour l’inactiver.
En savoir plus
Des « ciseaux » pour couper mais aussi pour insérer D’autres travaux ont ensuite démontré que le système CRISPR/Cas9 peut modifier le génome d’autres organismes, végétaux ou animaux. En modifiant la séquence de l’ARN guide, il est en outre possible de choisir une zone d’un génome à condition qu’il existe un site dit PAM (n’importe quel acide nucléique suivi de deux guanines dans le cas de Cas9) en aval de la séquence cible pour assurer le bon fonctionnement de l’enzyme(1) Cas9.
L’OBSERVATOIRE
L’OBSERVATOIRE
Sommaire
Retrouvez des exemples récents d’applications du système CRISPR/Cas9 aux céréales sur http ://arvalis. info/188. La technique CRISPR/Cas9 consiste à introduire dans la cellule une séquence d’ADN qui code pour une protéine (Cas9, qui coupera les deux brins d’ADN) et pour l’ARN guide (qui conduira Cas9 au site voulu).
N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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L’OBSERVATOIRE
Sommaire
Le système CRISPR/Cas9 permet de modifier un gène, de l’inactiver (entraînant, par exemple, le nanisme chez le maïs), de remplacer quelques bases par d’autres ou d’insérer une séquence exogène.
Pour utiliser le système CRISPR/Cas9, il faut d’abord l’introduire dans la cellule. Le transfert peut être direct (par biolistique(2), microinjection, électroporation…) ou indirect, à l’aide de la bactérie Agrobacterium tumefaciens (figure 1). Ces techniques d’ingénierie cellulaire doivent être optimisées pour chaque espèce, voire pour chaque génotype. En effet, certaines espèces ou certaines variétés sont réfractaires à l’introduction de séquences d’ADN étranger : alors qu’elle est très facile à réaliser chez le riz, bien maîtrisée chez le blé et le maïs, elle reste très difficile chez le sorgho, par exemple. À ce jour, la technique la plus efficace consiste à introduire dans la cellule cible le système CRISPR/Cas9 sous forme d’ADN, puis
ÉDITION DU GÉNOME : avec ou sans transfert provisoire de transgène Croisements, autofécondations ADN codant pour Cas9 A ADN codant Transfert dans pour l’ARN guide la cellule par
Agrobacterium tumefaciens ou par biolistique
Culture in vitro Sauvage ARN guide
Cas9
B Transfert dans la cellule par biolistique, électroporation, micro-injection…
Mutant contenant Mutant dépourvu le transgène Cas9 de transgène Cas9
Criblage
Mutant
Complexe ARN guide +protéine Cas9
Figure 1 : Exemple de deux protocoles d’édition du génome avec le système CRISPR/Cas9 : voies A et B.
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
à sélectionner les descendants de cette cellule qui porteraient la mutation désirée mais auraient perdu la séquence d’ADN correspondante à Cas9 et à l’ARN guide (figure 1, voie A). Une fois le système CRISPR/Cas9 introduit dans le noyau cellulaire, il coupe le double brin de l’ADN au lieu visé. Différents mécanismes de réparation de l’ADN, internes à la cellule, peuvent alors intervenir (encadré). Ces mécanismes de réparation peuvent conduire soit à une réparation parfaite de l’ADN (qui ne conduit donc à aucune modification du génome), soit à des altérations de l’ADN (délétions, insertions). Le type de mutation reste largement aléatoire mais, par contre, le ou les site(s) concerné(s) sont déterminé(s) par la séquence de l’ARN guide introduit dans la cellule. Ce deuxième mécanisme, appelé SDN1 (Site Directed Nuclease ou nucléase dirigée vers un site), se produit fréquemment et conduit généralement à une séquence génétique non fonctionnelle, ce qui peut être utile en amélioration variétale. Les mécanismes de réparation peuvent aussi introduire une nouvelle séquence d’ADN si celleci est présente. Lorsqu’un ADN extérieur quasiidentique (aux modifications voulues près) est introduit dans la cellule en présence du système CRIPSPR/ Cas9, celui-ci est utilisé comme matrice pour réparer l’ADN génomique (il est donc copié mais pas intégré). Cela conduit donc à une réécriture partielle du gène concerné ; l’organisme dispose alors d’une nouvelle version (ou allèle) de
Comment les plantes modifiées sont-elles obtenues ? Dans le protocole A, les séquences d’ADN codant pour la protéine Cas9 ou pour l’ARN guide sont transférées ensemble dans les cellules à l’aide de la bactérie Agrobacterium tumefaciens ou par biolistique(2). Les cellules ainsi obtenues sont criblées afin d’identifier celles qui ont intégré le transgène (le plus souvent à l’aide d’un gène de résistance aux antibiotiques transféré en même temps). Une étape de multiplication permet ensuite d’identifier des plantes mutantes ayant perdu la séquence ADN de Cas9, de l’ARN guide et du gène de résistance aux antibiotiques. Ce protocole conduit donc transitoirement à la création de plantes transgéniques, mais le mutant final ne l’est pas d’un point de vue biologique. En revanche, d’un point de vue réglementaire, un descendant d’OGM est considéré en Europe comme un OGM. Dans le protocole B, un complexe contenant la protéine Cas9 et l’ARN guide est transféré dans les cellules par biolistique. Ce protocole s’affranchit de plantes transgéniques dans l’obtention d’un mutant.
1500
articles ont été publiés en 2017 dans des journaux
Sommaire
L’OBSERVATOIRE
scientifiques sur le système CRISPR/ Cas9, d’après le moteur de recherche PubMed.
ce gène. Ce mécanisme, de type SDN2, est prédéterminé dans sa localisation et dans le type de modification obtenue. Il s’agit là d’une édition du génome à proprement parler. Enfin, quand la séquence d’ADN étrangère introduite diffère largement de la séquence coupée sauf aux extrémités, on parle d’insertion ciblée d’un transgène (SDN3).
Une technique simple aux belles perspectives…
système CRISPR/Cas9 afin d’induire des mutations simultanées sur les trois copies d’un gène de sensibilité à l’oïdium du blé tendre, ce qui rend ces blés résistants à la maladie alors que ceux qui présentent une mutation sur une seule copie du gène y sont sensibles. De nombreuses applications d’équipes chinoises concernent l’amélioration du riz. Le système CRISPR/Cas9 pourrait aussi être utilisé, en combinaison avec les travaux de génomique comparative, afin d’induire des mutations identifiées chez des espèces proches et conférant une tolérance aux stress biotiques (maladies) et abiotiques (sécheresse, fortes températures, fourniture limitante en éléments minéraux) mais qui ont été perdus lors des processus de domestication ou de sélection. La rapidité et l’efficacité de ce système permet en effet d’accélérer fortement l’introduction d’allèles issus d’espèces sauvages apparentées dans les variétés cultivées, comparé aux techniques de croisements et d’introgression « classiques ».
© C. Madzak - Inra
Comparé aux techniques de mutagénèses aléatoires (exposition à des rayonnements ionisants ou à des substances mutagènes), CRISPR/Cas9 est beaucoup plus précis puisqu’il cible une séquence en particulier, limitant ainsi fortement le nombre de mutations « hors-cible ». Le système CRISPR/ Cas9 est aussi plus simple d’utilisation et peut cibler un nombre de séquences potentielles beaucoup plus élevées, donc davantage de gènes dans un génome donné, que les techniques utilisant d’autres types de nucléases. …mais ayant des limites Les exemples de modifications génétiques obteCependant, sur le plan technique, le système nues à l’aide du système CRISPR/Cas9 sont CRISPR/Cas9 est encore limité, essentiellement nombreux et concernent tant les plantes que les du fait de la présence nécessaire d’un site PAM en animaux avec, chez ces derniers et en particulier aval de la séquence ciblée (figure 2), de la difficulté chez l’humain, d’introduire le développele système Le système CRISPR/Cas9 pourrait être utiment de théraCRISPR/Cas9 lisé pour induire des mutations conférant une dans le noyau pies géniques tolérance aux stress, perdues lors des procontre des cellulaire, des maladies éventuelles cessus de domestication ou de sélection. » g r a v e s . mutations En général, ce sont des applications qui découlent « hors-cibles », ou encore de la nécessité d’introde mutations du type SDN1 (extinction de gènes) duire le système CRISPR/Cas9 sous forme de transqui sont, pour l’instant, les plus fréquemment utigène au moins transitoirement lors du processus lisées car les plus faciles à obtenir. d’édition (figure 1, voie A). Il faut aussi souligner que Chez les espèces végétales, ce système offre tout d’abord la possibilité de valider la fonction de gènes qui ont été identifiés par des analyses clasUne limitation intrinsèque à l’édition du génome est la nécessité de connaître a priori le gène siques recherchant une corrélation entre le phéqu’il faut cibler, mais aussi la séquence de notype (c’est-à-dire l’expression des caractères nucléotides à modifier dans ce gène. visibles, comme la précocité ou la couleur des fleurs) et les variations des gènes correspondants à chaque caractère. Les variétés commerciales issues de cette technique sont encore rares. Dupont-Pioneer a annoncé la commercialisation prochaine aux États-Unis de variétés de maïs à forte teneur en amylopectine. Toujours aux États-Unis, la société CALYXT a annoncé être en phase de précommercialisation d’une variété de soja à forte teneur en acide oléique obtenue avec la technologie TALEN, similaire au système CRISPR/Cas9. D’autres applications ont déjà été réalisées chez les céréales mais ne sont pas encore commercialisées. Par exemple, une équipe chinoise a utilisé le N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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L’OBSERVATOIRE
Sommaire
Séquence d’ADN cible
G T C A G U C A
ADN
ARN
Cas9
ARN guide
Cytosine Adénine Guanine Thymine
Site PAM
Cytosine Adénine Guanine Uracile
Réparation parfaite
Cassure double brin
Délétion
Edition
Insertion
En présence d’une matrice d’ADN exogène
Figure 2 : Fonctionnement du système CRISPR/Cas9. la véritable édition (SDN2) n’est pas encore maîtrisée en routine chez les végétaux. Par ailleurs, le nombre limité de gènes clairement associés à des traits d’intérêt présente aussi un frein. Plusieurs solutions sont déjà proposées pour contourner ces problèmes mais nécessitent encore d’autres recherches. Des progrès significatifs ont néanmoins été réalisés pour introduire le système CRISPR/Cas9 dans le noyau cellulaire de nombreuses espèces, notamment dans le cadre du projet GENIUS(3). Par ailleurs, des études indiquent que le taux de mutations « hors-cible » sont des événements très rares, du même ordre de grandeur que les mutations spontanées. Concernant la présence nécessaire du site PAM, de nouvelles protéines Cas9 ont été identifiées, et même modifiées, de sorte qu’il existe désormais un catalogue de solutions accroissant le nombre de séquences cibles potentielles. Enfin, des méthodes sont étudiées pour accélérer le processus d’obtention de plantes mutantes (scénario B de la figure 1). Une limitation importante dans l’utilisation de ces techniques ne tient pas au système CRISPR/ Cas9 en particulier mais à l’édition de gène en tant que telle - c’est la nécessité de connaître la séquence d’ADN qu’il faut cibler. Autrement dit, il faut connaitre a priori le gène qu’il faut cibler mais aussi la séquence qu’il faut modifier, et de quelle façon (mutation de type SDN1, SDN2…). L’apport de la génomique comparative est alors utile. Il est aussi nécessaire d’identifier le plus précisément possible les mutations du génome impliquées dans le déterminisme des performances agronomiques afin de valider l’intérêt d’une forme allélique dans différents contextes agroclimatiques. Des débats sont en cours au niveau européen afin d’établir le statut règlementaire des variétés issues
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
Comment le génome est-il réécrit ? La protéine Cas9 est guidée par un ARN guide complémentaire de la séquence d’ADN ciblée. Cas9 entraîne une coupure des deux brins d’ADN à trois paires de bases en amont du site PAM (figure 2). Ensuite, différents mécanismes de réparation de l’ADN au sein de la cellule peuvent se produire : la réparation parfaite de la séquence d’ADN, l’altération de la séquence (délétion et/ou insertion d’une à quelques paires de bases) ou bien, en présence d’une matrice ADN exogène (étrangère), l’édition de la séquence ou l’insertion d’un transgène.
de l’utilisation de cette technique : appartenance ou non à la classe réglementaire des OGM selon la technique utilisée, avec application ou pas des restrictions liées à ce type de variété… Ce statut conditionnera en grande partie les applications possibles de ces nouvelles techniques présentant un potentiel d’innovation important pour l’amélioration variétale au service de la durabilité des systèmes de production. (1) Une enzyme est un type de protéine capable d’accroître la vitesse d’une réaction chimique dans les cellules. Elle n’est pas modifiée au cours de la réaction. (2) La biolistique est la méthode de transfert direct de gène dans une cellule la plus utilisée pour les cellules végétales. Elle consiste littéralement à bombarder des cellules avec des microbilles contenant des fragments d’ADN en surface. (3) Consultez le site http://www.genius-project.fr/ (ANR 11-BTBR-0001).
Matthieu Bogard - m.bogard@arvalis.fr Delphine Hourcade - d.hourcade@arvalis.fr ARVALIS - Institut du végétal Peter Rogowsky - peter.rogowsky@ens-lyon.fr INRA/ENS Lyon Unité Reproduction et Développement des Plantes
© ARVALIS-Institut du végétal
CRISPR/CAS9 : quatre types de produits possibles
Utiliser le système CRISPR/Cas9 pour l’amélioration variétale revient à accélérer le processus classique de sélection et à élargir son champ d’action.
AGIR
LES INDISPENSABLES
Maladies des céréales à paille
© J-Y. Maufras - ARVALIS-Institut du végétal
STATUT DES RÉSISTANCES aux fongicides en 2018
L’efficacité de tous les triazoles sur la septoriose du blé est affectée et reste inférieure à 60 %.
À l’occasion d’un état des lieux des résistances actuelles aux fongicides utilisés pour lutter contre les maladies des céréales à paille, des représentants de l’Inra, de l’Anses et d’Arvalis font part de leurs recommandations pour limiter les risques d’évolution des résistances et maintenir une efficacité satisfaisante des produits.
U
n vaste réseau(1) surveille en continu l’état des résistances observées dans les céréales (fréquences des résistances, régions concernées, pertes d’efficacité éventuelles) et met à jour la connaissance des mécanismes de résistance ainsi que les caractéristiques des souches résistantes des micro-organismes responsables des maladies (niveau de résistance et spectre de résistances croisées notamment).
Quelles recommandations générales pour 2018 ? L’objectif premier est de limiter la pression des maladies. On préférera des variétés peu sensibles
et on diversifiera les variétés à l’échelle de l’exploitation et de la micro-région, mais aussi d’une année sur l’autre. Les pratiques culturales réduisant le risque parasitaire seront privilégiées : il faut limiter l’inoculum primaire - par exemple, en allongeant la rotation, en labourant, en retardant la date des semis et en limitant les repousses de céréales (notamment dans l’interculture) - ainsi que la progression de la maladie, par exemple en optimisant la densité de semis et en fractionnant les apports d’azote. Ne traiter que si c’est nécessaire et positionner avec soin les interventions en fonction du développement des maladies, à l’aide des méthodes fiables d’observation et/ou de prévision du développement
LES INDISPENSABLES
Sommaire
En savoir plus Consultez l’intégralité de la note commune 2018 sur l’état des résistances aux fongicides sur le site www.arvalis-infos.fr.
N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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Sommaire
AGIR
© E. Masson - ARVALIS-Institut du végétal
LES INDISPENSABLES
L’analyse de génomes de Blumeria graminis a récemment permis de démontrer que l’oïdium du triticale résulte de l’hybridation naturelle entre l’oïdium du blé et celui du seigle.
de l’épidémie (OAD). Le nombre d’applications avec des matières actives de la même famille (caractérisées généralement par une résistance croisée positive) doit être absolument limité au cours de la même campagne. En particulier, quand une même matière active peut être utilisée en traitement de l’épi et des semences, éviter si possible d’utiliser la même molécule pour ces deux traitements. Lorsque c’est possible et utile, recourir aux fongicides multi-sites, moins susceptibles de sélectionner des populations résistantes, en particulier sur la septoriose.
En France, il n’y a pas lieu de craindre pour l’efficacité des SDHI contre la septoriose en 2018. » Limiter de préférence l’utilisation des SDHI(2) et des QoI(2) à une seule application par campagne. Concernant les IDM(2), les substances actives les plus efficaces vis-à-vis des maladies des céréales peuvent encore être utilisées en mélange, même en situation de résistance. Éviter toutefois de recourir au même IDM plus d’une fois par campagne. Leur performance devra être soutenue en leur associant des molécules ayant d’autres modes d’action.
Les souches les plus résistantes de septoriose s’étendent Du côté de la septoriose (Mycosphaerella graminicola, anamorphe Zymoseptoria tritici, syn. Septoria
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
tritici), la résistance aux strobilurines est généralisée sur tout le territoire, même dans le Sud. Leur efficacité est fortement affectée. Les souches les plus résistantes aux IDM progressent également en fréquence ; elles représentent désormais en moyenne près de 50 % de la population. Corrélativement à cette progression des souches les plus résistantes, les souches moyennement résistantes aux triazoles (principale classe d’IDM) régressent mais restent présentes dans toutes les régions françaises ; ces souches restent entièrement sensibles au prochloraze, en particulier dans les régions de la façade atlantique. En France, il n’y a pas lieu de craindre pour l’efficacité des SDHI en 2018 : seulement quelques souches résistantes ont été détectées, associées à un seul mécanisme de résistance (mutation de cibles). La mutation C-H152R, identifiée chez nos voisins européens et associée au facteur de résistance le plus élevé, n’a pour l’instant pas été identifiée en France. Cependant, il est toujours recommandé de limiter l’utilisation des SDHI à une seule application par saison, quelle que soit la dose, sur orge comme sur blé. Attention : utiliser des associations fortement dosées en SDHI (car en contenant plusieurs) mais peu dosées en IDM peut favoriser la sélection de souches résistantes aux SDHI, voire de souches multi-résistants (MDR) résistantes aux SDHI. Enfin, trois années d’essais ont confirmé que le fractionnement des doses s’accompagne d’une meilleure efficacité là où la pression de la maladie est à la fois forte et continue, mais aussi d’une plus
Peu de changements concernant les fusarioses des céréales L’année 2016 a confirmé la prépondérance de Microdochium majus sur les épis. Depuis 2007, la résistance de Microdochium aux strobilurines est telle que cette famille de substances actives ne présente plus d’intérêt. M. majus et M. nivale cumulent souvent une double résistance aux strobilurines et au thiophanate-méthyl (benzimidazoles) même si, au champ, le thiophanate-méthyl semble plus efficace que par le passé en présence de M. nivale. Parmi les triazoles, seul le prothioconazole présente une bonne efficacité. Pour contrôler les diverses espèces de Fusarium, en particulier F. graminearum, on utilisera des triazoles (prothioconazole, tébuconazole, metconazole), de la dimoxystrobine, ou encore le thiophanate-méthyl auquel F. culmorum, F. graminearum et F. langsethiae restent, en pratique, sensibles. En revanche, mise à part la dimoxystrobine, les strobilurines n’ont que peu ou pas d’efficacité.
92
% des échantillons de blé touché par la septoriose
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LES INDISPENSABLES
contenaient, en 2017, au moins une souche TriMR
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évoluée, très résistante aux IDM - contre 85 % en 2016.
forte sélection des souches les plus résistantes. Aussi, ne pas multiplier délibérément le nombre de traitements et s’en tenir aux pratiques actuelles.
L’oïdium reste sous contrôle Cette maladie est peu préjudiciable ces dernières années, sauf sur triticale. L’oïdium du triticale est toujours considéré comme sensible à l’ensemble des substances actives anti-oïdium utilisés sur blé. Cependant, par précaution, il est recommandé de modérer si possible les pressions de sélection sur celui-ci pour préserver la situation favorable actuellement observée. La résistance de l’oïdium du blé et de l’orge aux strobilurines est probablement toujours fortement implantée en France. La famille des QoI ne doit plus être considérée comme efficace en France, sauf dans le Sud. La résistance de l’oïdium du blé et de l’orge aux IDM et « amines » est largement installée en France, et leur efficacité est devenue variable selon les régions ; le cyprodinil ne présente plus d’efficacité suffisante. Des résistances de l’oïdium du blé au quinoxyfène et à la métrafénone ont été décelées, surtout en Champagne. À l’exception du cyflufénamide, métrafénone, proquinazide, quinoxyfène, cyprodinil et des « amines » devront être utilisés de préférence associés à un autre mode d’action actif sur oïdium. Concernant
Etincel, première variété d’orge d’hiver cultivée en France, est désormais considérée comme sensible à l’helminthosporiose.
Peu de résistances parmi les rouilles des céréales Dans l’état actuel des connaissances, ni la rouille brune, ni la rouille jaune, ni la rouille naine ne sont concernées, en pratique, par des phénomènes de résistance vis-à-vis des strobilurines ou des triazoles. Penser à tenir compte des potentialités intrinsèques sur rouilles des substances actives entrant dans les programmes. Actuellement, les associations de triazoles et de strobilurines continuent de procurer les meilleures solutions contre ces parasites. Les SDHI, à l’exception du benzovindiflupyr, sont d’un intérêt secondaire, aussi mieux vaut éviter d’y recourir.
l’oïdium de l’orge, les triazoles demeurent une solution efficace.
Le prochloraze n’est plus efficace sur piétin-verse L’espèce dominante responsable du piétin-verse en France est Oculimacula yallundae (type rapide). La lutte contre cette maladie est d’abord agronomique et génétique, avec des variétés résistantes au champignon ou à la verse. Les variétés avec des notes de sensibilité GEVES de 5 ou plus ne justifient pas de traitement antifongique. La lutte chimique est peu efficace et le plus souvent économiquement non rentable : plusieurs substances actives (cyprodinil, métrafénone…) doivent souvent être cumulées pour obtenir une efficacité satisfaisante. Les souches actuelles sont, en effet, plus fréquemment résistantes à la plupart des IDM ; le prochloraze n’est plus efficace. L’efficacité moyenne du cyprodinil décroit régulièrement depuis une dizaine d’années. De plus, des souches présentant une multirésistance (encore faible) vis-à-vis du prothioconazole, du boscalid et du cyprodinil ont été observées à des fréquences de 3 à 41 % en 2016. La métrafénone étant active sur piétin verse et sur oïdium, il est recommandé de limiter son utilisation à une seule application par saison ciblant l’un ou l’autre de ces pathogènes. Une alternance annuelle des modes d’action entre maladies du pied et du feuillage est préférable pour limiter le risque de résistance.
En savoir plus Les modes d’action et les cibles des principales substances fongicides pour les céréales à paille sont détaillés sur http://arvalis.info/18g.
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La lutte chimique s’essouffle contre l’helminthosporiose de l’orge Vis-à-vis de l’helminthosporiose de l’orge (Pyrenophora teres, anamorphe Helminthosporium teres), en situation de résistance aux Qol (environ 30 % des populations), l’efficacité au champ de toutes les strobilurines est affectée ; l’azoxystrobine est la plus affectée, la pyraclostrobine, la moins impactée. Concernant les IDM, le N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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Bien que présente en France depuis 2002 seulement, la ramulariose n’est plus contrôlée par les strobilurines, et des cas d’efficacités très affectées vis-à-vis des SDHI, voire des mélanges SDHI et IDM, sont apparus.
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
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prothioconazole, bien qu’affecté, reste le triazole en cas de résistance, les efficacités des SDHI sont le plus efficace. La proportion de souches résistrès affectées. Enfin, des cas de faibles efficacités tantes aux SDHI progresse encore et représente aux mélanges SDHI+IDM ont été signalées poncplus de 60 % des populations ; l’efficacité des tuellement en France depuis 2016, tandis que la SDHI est sévèrement affectée. résistance acquise par des mutations multiples L’adjonction d’un QoI en du gène CYP51 a été mélange renforce signidétectée ponctuellement L’efficacité au champ des ficativement l’efficacité dans des échantillons de strobilurines et des SDHI des associations à base 2016 sans qu’on puisse de triazoles et/ou de SDHI formellement associer contre l’helminthosporiose mais risque d’accentuer de l’orge est très affectée. » les deux. la sélection de la résisComme elle est difficile tance multiple SDHI + QoI. à distinguer du reste du Le recours à un mélange trois voies QoI+SDHI+IDM, complexe de maladies des céréales, la ramulariose efficace, doit être réservé aux situations où l’helest prise en compte avec le risque de grillures. minthosporiose de l’orge est la plus difficile Les matières actives les plus efficaces sur le comà contrôler. plexe grillures/ramulariose sont le chlorothalonil (multi-site), qui est désormais à privilégier, et parmi les unisites, préférer le prothioconazole ou, Grillures et ramulariose seront en l’absence de résistance, les SDHI. traitées ensemble Observée pour la première fois en France en 2002, la ramulariose, causée par Ramularia collo-cygni, Le charbon nu de l’orge s’est rapidement étendue à toutes les zones de entre en résistance culture des orges et escourgeons. Les analyses Cette maladie de l’épi est causée par Ustilago nuda. réalisées depuis 2008 révèlent des fréquences Aujourd’hui, quatre phénotypes du champignon élevées de souches de R. collo-cygni résistantes présentent une résistance faible à moyenne aux aux strobilurines dont l’efficacité est, en pratique, SDHI, mais pas de résistance croisée avec d’autres fortement affectée. En outre, les données de monimodes d’action (fludioxonil, triazoles). Il est diffitorings réalisés en France en 2017 indiquent que la cile à ce stade de déterminer les conséquences mutation C-H146R de résistance aux SDHI est prépratiques du développement de cette résistance. sente en France, mais à des fréquences variables ; La présence du charbon nu de l’orge est souvent faible dans les parcelles du fait de l’association de plusieurs modes d’action dans les traitements de semences. Par prudence, on sélectionnera des traitements très efficaces en filière de production de semences de manière à éradiquer totalement la maladie et à éviter la diffusion de ces résistances en parcelle de production. Les SDHI actuellement autorisés en traitement de semences, sans activité sur les maladies foliaires citées ici, sont donc peu susceptibles d’exercer une pression de sélection sur ces dernières. En revanche, dès que des solutions également actives sur les maladies foliaires seront disponibles, il conviendra de prendre en compte ce type de traitement dans la gestion du risque de résistance. (1) Plan de surveillance national de la résistance aux produits phytopharmaceutiques, piloté par la DGAL (les analyses sont réalisées par l’unité Résistance aux Produits Phytosanitaires de l’Anses- Lyon et les laboratoires de l’Inra). Divers plans de surveillance : réseau Performance animé par Arvalis, groupe de travail de l’AFPP… Données de terrain issues d’essais, communications de professionnels et des sociétés phytopharmaceutiques, littérature scientifique. (2) QoL : Inhibiteurs externes de la quinone, donc de la chaîne respiratoire. IDM : Inhibiteurs de la déméthylation des stérols, impliqués dans la croissance des champignons. SDHI : Inhibiteurs de la succinate déshydrogénase, une enzyme de la respiration cellulaire.
Paloma Cabeza-Orcel - p.cabeza@perspectives-agricoles.com
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Lin fibre
CONTRE LES ALTISES,
© ARVALIS-Institut du végétal et ITL
une lutte sur tous les fronts
L
es altises du lin fibre sont des insectes ovoïdes de 1,3 à 2 mm, de couleur noire, présentant la particularité d’effectuer des sauts de forte amplitude. Ils mordent les germes, les cotylédons et les jeunes plantules. Les morsures avant la levée peuvent entraîner la complète disparition des lins. Après la levée, les insectes peuvent éclaircir le peuplement et retarder de façon marquée le développement des lins. Cependant, dès que la hauteur du lin dépasse 2 cm, leurs morsures sont sans conséquence. L’attention envers ce ravageur doit donc être soutenue entre la levée et le stade « 2 cm ». Quand les températures sont proches de 15 °C et le temps lumineux, les altises commencent à se déplacer. Après plusieurs pics de températures, la présence des insectes dans la parcelle augmente ; en revanche, en cas de période froide, leur activité se réduit. Ces variations de températures après le semis expliquent bien la dynamique d’apparition des altises dans la parcelle. En 2017, les températures plus élevées des derniers jours de mars et début avril ont favorisé une arrivée précoce des altises dans les secteurs les plus chauds ; les
Afin de raisonner d’éventuelles interventions sur le lin fibre, il est crucial de détecter l’arrivée des altises sur le territoire puis de suivre leur activité sur la parcelle.
Selon leur nombre, les altises peuvent causer des dégâts sur les lins depuis leur levée jusqu’au stade « 2 cm ». Une fois l’importance du risque évaluée, plusieurs moyens de lutte s’offrent au producteur de fibres de lin : préventives ou curatives. températures se sont ensuite refroidies à partir de mi-avril avec une disparition des populations. Ainsi les dégâts sur les lins en 2017 ont été limités. L’étude des températures en début de cycle permet d’obtenir un indicateur de leur activité : le cumul des températures supérieures à 13 °C (ou somme des températures en base 13, notée STC 13) depuis le semis. Lorsque cette somme atteint 30 °C, l’activité des altises devient significative dans la parcelle. La protection contre les altises se raisonne par l’observation, un faible nombre d’individus présents ne nécessitant pas d’intervention insecticide.
En savoir plus La méthode de la feuille A4 verte est décrite dans une vidéo financée par le plan ECOPHYTONormandie et accessible sur ARVALIS TV via YouTube (motsclés : Altise – Lin fibre). Lien : http://youtu.be/sEGa7AfTc9Q.
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LES INDISPENSABLES
Pour évaluer l’intérêt de la moutarde comme plante piège, deux îlots contenant uniquement de la moutarde ou un mélange de lin et de moutarde ont été semés.
8 m 4 m 2 m 1 m Lin 1 m 2 m 4 m 8 m
8m 8m
4m
4m 2m
2 m 1 m Lin + Moutarde 1 m 2 m 4 m 8 m 1m
1m
2m
4m
8m
Moutarde
ALTISES : détecter leur arrivée et leur évolution à la parcelle Méthode
DÉCISION
Avantages
Inconvénients
Cuvette jaune enterrée Relevé en début de vol tous les 2 jours
Image très fidèle du vol Détection de l’arrivée des insectes
Piège très sélectif (nombre de captures parfois important) Triage et comptage fastidieux
Feuille verte A4 posée sur le sol 4 mesures par observation
Notion d’intensité en temps réel Résultat facile à obtenir
Variabilité des mesures Conditions d’observation
Tableau 1 : Méthodes d’évaluation des populations d’altises.
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de deux substances actives est appliquée 3 jours après que le cumul des températures au-dessus de 13 °C a atteint 30 °C.
PLANTES PIÈGES : faibles différences de dégâts sur le lin entre zones à proximité directe et les plus éloignées de la moutarde 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0
Nombre d'altises observées sur la feuille A4
8,3
6
6,9
Lin contiguïté forte
Lin contiguïté limitée
Lin contiguïté nulle
Figure 1 : Nombre d’altises observées dans le lin à proximité d’ilots de moutarde blanche à une période d’activité importante des insectes. Les comptages d’altises et les observations des dégâts ont été effectués à 1, 2, 4 et 8 m des îlots contenant soit de la moutarde, soit du lin et de la moutarde. Essai 2016 à Noyer-en-Ouche (27).
C’est pourquoi il est nécessaire d’anticiper et de quantifier l’activité de ces insectes. Le protocole d’observation mis au point par Arvalis dans le cadre du projet Alticontrôle 2014-2016, financé par FranceAgriMer, consiste d’abord à détecter l’arrivée des altises à l’échelle du territoire avec la pose d’une cuvette jaune. La méthode de la cuvette jaune est identique à celle utilisée sur colza. Il suffit de l’enterrer au moment du semis et de la relever tous les deux jours. Les populations d’altises piégées peuvent fortement varier (de 2 à plus de 300). Si les piégeages évoluent rapidement (de 10-30 altises à une centaine), il convient alors de passer à une surveillance parcellaire car les insectes sont bien présents. Pour ce faire, une nouvelle méthode de dénombrement a été développée par Arvalis, qui assure
DÉTECTION
% d’efficacité sont gagnés, en moyenne, lorsqu’une association
un suivi dynamique des altises sur la parcelle - et donc un meilleur raisonnement de l’intervention (tableau 1). L’observation se fait toujours à la même période de la journée, si possible en début d’aprèsmidi. Elle consiste à poser une feuille de papier A4 au sol, de couleur verte de préférence, pour attirer les insectes dessus. Vous devez en faire le tour à 30 cm des bords et compter rapidement les insectes ayant sauté sur la feuille. Effectuez au moins quatre mesures par parcelle, en commençant par le bord de celle-ci. Calculez ensuite le nombre moyens d’altises comptabilisées sur les quatre mesures. La conduite à tenir en fonction de l’état de la parcelle, de l’activité des altises et de la vigueur du lin sera évaluée à l’aide la grille d’évaluation du risque (tableau 2).
Exploiter toutes les solutions alternatives La lutte contre les dégâts d’altises sur le lin fibre commence par des mesures prophylactiques, en agissant sur tous les leviers agronomiques à disposition. La nuisibilité des altises sur le lin fibre est fonction des populations présentes et de la vitesse de croissance des plantes : des morsures sur les cotylédons ne sont pas préjudiciables si le lin pousse rapidement. C’est pourquoi il est nécessaire d’assurer une levée rapide et homogène du lin ainsi qu’une croissance active de la germination jusqu’au stade « cotylédon » du lin, avec les premières feuilles bien visibles au cœur de la plante. Pour cela, le lin sera semé dans un sol réchauffé : retarder un peu la date de semis et privilégier un semis à la fin du mois de mars en général. Des semis groupés éviteront la concentration de l’insecte sur une seule parcelle.
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Afin de limiter les populations d’altises, les résidus de culture (qui représentent des zones où peuvent s’abriter les insectes) doivent être correctement détruits. Pour ce faire, les résidus en surface seront broyés finement et enfouis dans les dix premiers centimètres du sol. Il faut également éviter les sols motteux, dus à une reprise de terre réalisée dans des conditions limitantes, car ils sont favorables au développement des insectes. Depuis 2014, Arvalis recherche des solutions alternatives à la lutte chimique dans le cadre du projet AltiContrôle 2014-2016. Les plantes pièges en sont un exemple : il s’agit d’attirer spécifiquement le ravageur sur l’espèce de service pour concentrer les dégâts sur cette dernière et les réduire sur la plante cultivée. L’intérêt de la moutarde comme plante piège a été évalué dans plusieurs départements où les attaques sont importantes. Les dispositifs expérimentaux ont d’abord visé à
Quelques morsures sur les cotylédons ne pénalisent pas la croissance des lins. » vérifier l’attractivité spécifique de la moutarde sur les altises du lin. La densité de plante (peuplement du lin et de la moutarde) a ensuite été étudiée pour évaluer l’intérêt de la moutarde en association avec le lin (2014) puis en ilots (2015 et 2016). Les différents dispositifs en microparcelles comme en parcelles ont démontré l’attractivité spécifique de la moutarde blanche envers les altises. La nuisibilité des altises est diluée par l’augmentation de l’offre végétale, que la moutarde soit associée au lin ou en ilots. Les dégâts sont plus sévères sur des faibles densités de lin (500 lins/m² au lieu des 1800 habituellement) et les morsures sur les lins sont réduites en association avec la moutarde. Toutefois, l’association lin et moutarde est impossible compte tenu des effets dépressifs sur la culture du lin et des difficultés de désherbage.
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Afin de limiter les populations d’altises, il faut détruire les résidus de culture où les insectes peuvent s’abriter.
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LES INDISPENSABLES
LUTTE CHIMIQUE : une intervention bien positionnée est satisfaisante quand la pression altise est forte 100 90
Somme de températures base 13 cumulée depuis le 20 mars
Températures (°C) 25
Cumul base 13 TMini TMaxi
20
80 70
15
60 50
10
13/04 30° B13
40
5
30 20 10 0
0 33/03 Semis
06/04 Levée
27/04 2 cm
15/05 10 cm
20/03 24/03 28/03 01/04 05/04 09/04 13/04 17/04 21/04 25/04 29/04 03/05 07/05 11/05 15/05 19/05 22/03 26/03 30/03 03/04 07/04 11/04 15/04 19/4 23/04 27/04 01/05 05/05 09/05 13/05 17/05 20/04 06/04 08/04 12/04 27/04 Nombre d’altises comptées 1 4 7 2 4 sur la feuille A4 verte
-5
Figure 2 : Exemple de raisonnement de la lutte contre les altises lors du suivi de l’essai Alticontrôle à Cagny (14). Le 12 avril 2016, sept altises étaient observées sur la feuille verte et le 15 avril, on observait 12 à 14 morsures par plante. Ces nombres traduisent une activité significative des insectes dans la parcelle, corrélée à plusieurs jours à plus de 13 °C. À ce moment, une unique intervention insecticide se justifiait donc. Ensuite le développement du lin suffisait pour éviter les dégâts d’altises. (Source des données de température : Météo France.)
Les dispositifs en îlots de moutarde testés en parcelle agricole ne montrent pas de service rendu : leur effet attractif est insuffisant pour détourner les altises et réduire les dégâts au cœur de la parcelle ; les zones attractives conduisent uniquement à une augmentation des individus en bord de ces dispositifs (figure 1).
Optimiser les solutions phytosanitaires Lorsqu’il s’avère nécessaire de traiter, il faut maximiser l’efficacité des insecticides (figure 2). Les altises mesurent seulement 1 mm et les insecticides disponibles agissent majoritairement par contact. Afin d’augmenter la probabilité qu’une goutte d’eau puisse toucher une altise, il convient de réaliser les traitements avec un volume minimal de bouillie de 150 l/ha. Préférer les buses à fente classique : ces buses à forte turbulence améliorent l’efficacité en augmentant le nombre d’impacts sur les insectes. Les conditions d’applications sont primordiales, l’efficacité des insecticides de contact est conditionnée par la présence des insectes au moment du traitement mais aussi par une hygrométrie supérieure à 60-70 % pour éviter la volatilisation de la bouillie. Ces conditions sont souvent réunies en fin de matinée ou début de soirée. Les essais de traitements insecticides ont montré l’intérêt des matières actives à action systémique comme la spécialité Suprême 20SG (ou Horeme V200), composée de 200 g/kg d’acétamipride N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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NIVEAU DE RISQUE : la météo et la vigueur du lin sont décisives Temps ensoleillé - lumineux : climat favorable à l’activité des altises et aux efficacités des interventions insecticides.
Observation des populations d’altises par dénombrement d’altises sur feuille A4 verte
Temps nuageux/couvert : climat dévaforable à l’activité des altises et aux efficacités des interventions insecticides.
Faible 0-3
Observations des dégâts d’altises
Réévaluer le risque Réévaluer le risque Réévaluer le risque dans les dans les 48H dans les 24H 48H
NUL Aucune Morsure
FAIBLE 1 à 9 morsures par plante MOYEN >10 morsures par plante
Élevée >7
Réévaluer Réévaluer le risque Envisager le risque dans les 24H une pro- dans les tection 24h
Stade « fendillement du sol levée imminente » - BBCH 08
Stade levée (BBCH 09) à 3 cm (BBCH 14)
Moyenne 4-6
ÉLEVÉ Plantes largement dévorées
Réévaluer le risque dans les 24H
TRÈS ÉLEVÉ Disparition de plusieurs plantes et des cotylédons
Réévaluer Envisager le risque une pro- dans les Réévaluer 24h Rééva- tection le risque dans les Envisager luer le une pro- risque 24H tection dans les 24h
Tableau 2 : Grille de décision du traitement chimique contre les altises du lin. (famille des néonicotinoïdes). L’efficacité des substances actives est en général supérieure quand elles sont associées entre elles, en particulier si on ajoute une pyréthrinoïde avec de l’acétamipride ou avec un organophosphoré. Un traitement insecticide contre les altises du lin a une efficacité limitée mais supérieure en présence d’altises. Les trois essais menés en 2016 montrent que l’efficacité moyenne des meilleurs insecticides (associations de produits) par rapport au témoin non traité est de 33 % en présence élevée d’altises (7 insectes présents sur la feuille A4 avant le traitement) et de 15 % en présence faible d’altises (3 présents). Dans les mêmes conditions, l’efficacité moyenne du traitement avec la meilleure pyrthénoïde (Karaté Zéon à 0,075 l/ha) était respectivement de 21 % et 5 %. Les traitements insecticides contre les altises ne sont pas contraints par la règlementation abeilles et autres pollinisateurs car ils sont effectués entre la levée et les 2 cm du lin fibre, quand les plantes (adventices ou cultures) ne sont pas encore en fleurs. Pourtant les solutions les plus performantes
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
mises en évidence en 2015 et en 2016 ne pourront être durablement exploitées : le Pyrinex ME a été retiré du marché depuis le 01/12/2016, et les néonicotinoïdes seront interdites à partir de septembre 2018. Les pyréthrinoïdes (et notamment la lambda-cyalothrine, identifiée comme la plus efficace) restent toutefois autorisées pour cet usage. Le positionnement des interventions après quelques jours d’activité des altises dans les parcelles semble le plus judicieux. La meilleure stratégie de lutte identifiée est de positionner un premier traitement lorsque la somme des températures maximales corrigées en base 13 (STC13) a atteint 30 °C. Une réintervention peut s’envisager si le climat continue à être favorable (60 °C STC13), voire une troisième à 90 °C STC13. Même si l’efficacité des insecticides reste irrégulière, une intervention bien positionnée s’avère satisfaisante lorsque la pression altise est forte (plus de 7 insectes par comptage sur feuille A4).
Benjamin Pointereau - b.pointereau@arvalis.fr ARVALIS Institut du végétal
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ANTICIPER
LES INDISPENSABLES
Performance des engrais
RETOUR SUR CINQ ANNÉES © N. Cornec - ARVALIS-Institut du végétal
de tests des innovations
Les urées additionnées d’inhibiteurs d’uréase présentent des performances très intéressantes à la fois sur le rendement et la protéine du blé.
Les bonnes performances des inhibiteurs d’uréase additionnés à l’urée, notamment en sols calcaires, se confirment. Utilisés comme additifs à la solution azotée, en revanche, leur intérêt est plus limité. De même, l’apport d’engrais starter sur maïs ne se justifie que dans des situations suffisamment contraignantes.
D
epuis 2012, Arvalis et ses partenaires évaluent les performances des nouvelles formes d’engrais qui arrivent sur le marché. Ces innovations peuvent être classées en différentes catégories en fonction de la technologie mise en œuvre. La première catégorie regroupe les inhibiteurs de la nitrification, disponibles en France depuis de nombreuses années. Leur action sur l’activité des bactéries nitrifiantes Nitrosomas ralentit la transformation de l’ammonium en nitrate, ce qui permettrait de réduire les pertes d’azote par lixiviation et les émissions de protoxyde d’azote (N2O). Depuis six ans, des produits contenant des
inhibiteurs d’uréase sont disponibles en France : le NBPT (N-(n-Butyl) ThioPhosphoric Triamide) et le NPPT (N-(n-Propyl) ThioPhosphoric Triamide). Ils ralentissent l’activité de l’uréase, l’enzyme impliquée dans l’hydrolyse de l’urée en ammonium ; cette transformation s’effectue alors de manière plus progressive, évitant ainsi l’apparition de pics de concentrations d’ammonium en surface du sol propices à la volatilisation ammoniacale. Les additifs microbiens regroupent, quant à eux, des micro-organismes de nature diverses (bactéries, champignons ou levures) ou des extraits de micro-organismes (parois cellulaires, par exemple). Selon les cas, ces additifs agiraient sur N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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LES INDISPENSABLES
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ANTICIPER
URÉE AVEC INHIBITEUR D’URÉASE : des performances améliorées en blé Écart de rendement par rapport à... Écart de teneur en protéines par rapport à...
... la référence urée ... la référence ammonitrate ... la référence urée ... la référence ammonitrate
SOLS CALCAIRES +2,0 q/ha*** +1,6 q/ha*** +0,27 %*** +0,04 %NS
SOLS NON CALCAIRES +1,0 q/ha** +0,4 q/haNS +0,22 %*** -0,08 % **
Test statistique par comparaison de moyennes appariées : *** différence significative au seuil de 1 % ; ** de 5 % ; * de 10 % ; NS : différence non significative.
Tableau 1 : Gains de rendement et de teneur en protéines de l’urée additionnée d’inhibiteurs d’uréase par rapport aux références ammonitrate et urée sur blé. Réseau d’essais ARVALIS et partenaires (ACOLYANCE, CA37, SOUFFLET et VIVESCIA) 40 essais et 163 mesures entre 2012 et 2017. l’implantation, la nutrition et/ou la croissance des cultures et pourraient leur conférer une meilleure résistance aux stress abiotiques. Dans les engrais enrobés et protégés, les éléments fertilisants sont protégés physiquement par un enrobage ou une matrice qui doit limiter les pertes dans l’environnement et ainsi améliorer l’efficacité des engrais. Pour certains produits, cette technologie met les éléments fertilisants à disposition progressivement - on parle alors d’effet « retard ».
Intérêt confirmé des urées additionnées d’inhibiteurs d’uréase Trois urées additionnées de NBPT (NEXEN, UTEC 46 et NOVIUS) et une urée additionnée à la fois de NBPT et de NPPT (urée+LIMUS), toutes commercialisées en France, ont été comparées aux références ammonitrate et urée dans des réseaux d’essais sur blé tendre et blé dur d’hiver. Ces produits ont aussi été évalués sur maïs, mais en comparaison seulement à la référence urée. De plus, trois additifs mélangés en extemporané à la solution azotée (AZOKEEP, AGROTAIN et LIMUS), encore en cours d’homologation, ont également
© J. Molines - ARVALIS-Institut du végétal
Les engrais enrobés libèrent progressivement leur azote. En maïs, ils s’utilisent en mélange avec un engrais azoté dont l’azote est directement disponible, entre le semis et le stade « 4 feuilles ».
20
Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
intégré le réseau d’essais sur blé avec pour références la solution azotée seule et l’ammonitrate. Enfin, NEXEN a également été testé dans trois essais sur orge de printemps et autant sur pomme de terre en comparaison à une référence ammonitrate. Dans tous ces essais, lorsqu’un fractionnement était réalisé, c’est le même engrais (produit testé ou référence) qui a été appliqué à chaque apport pour un traitement donné. Après cinq années d’évaluation, les urées additionnées d’inhibiteurs d’uréase présentent des performances très intéressantes à la fois sur le rendement et la protéine du blé. En sol non calcaire, cette technologie permet de gagner en moyenne un quintal de rendement et 0,22 point de protéines par rapport à l’urée classique (différences significatives) et affiche un niveau de rendement comparable à celui de l’ammonitrate. Seule la teneur en protéines reste légèrement en retrait par rapport à l’ammonitrate. L’intérêt de ces engrais innovants est renforcé dans les situations en sols calcaires où des gains de rendement sont observés à la fois par rapport à l’urée et par rapport à l’ammonitrate. Dans ces conditions, la teneur en protéines moyenne est équivalente à celle obtenue avec de l’ammonitrate et gagne 0,27 point par rapport à celle obtenue avec de l’urée (tableau 1). Ces bonnes performances s’observent également sur maïs avec, en moyenne, un gain de rendement de 2,2 q/ha (réseau d’essais Arvalis sur maïs, 2013-2017). En revanche, les résultats obtenus avec NEXEN sur pomme de terre (+ 0,1 t/ha) et sur orge de printemps (-0,3 q/ha et + 0,2 % de protéines) ne présentent pas de différence significative (trois essais de 2014 à 2016 sur pomme de terre et trois essais de 2015 à 2017 sur orge de printemps).
La solution reste moins performante que l’ammonitrate même avec un inhibiteur d’uréase Ces mêmes inhibiteurs d’uréase (NBPT et NPPT) ont également été testés en additif à la solution azotée sur blé. L’adjonction de cette technologie
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Sommaire permet d’améliorer significativement les performances de la solution azotée à l’exception des situations en sol non calcaire, pour lesquelles on n’observe pas d’effet significatif sur la teneur en protéines. En revanche, quelles que soient les situations, le rendement et la teneur en protéines restent très inférieurs à ceux obtenus avec de l’ammonitrate (tableau 2). Cette moindre efficience des inhibiteurs d’uréase lorsqu’ils sont utilisés en additifs à la solution azotée par rapport à une utilisation en additif à l’urée serait inhérente à la forme d’azote. En effet, bien qu’elle soit moins sujette aux pertes d’azote par volatilisation, la solution azotée présente une moins bonne efficience que l’urée. Ceci pourrait s’expliquer par une plus grande propension de l’azote de la solution azotée à être organisé par les micro-organismes du sol. La gamme des inhibiteurs testés sur blé dans les essais Arvalis s’est élargie en 2016 avec de nouveaux additifs qui devraient être prochainement commercialisés en France. Il s’agit d’additifs inhibiteurs de la nitrification, voire, dans certains cas, d’additifs qui combinent à la fois un inhibiteur de la nitrification et un inhibiteur d’uréase. Suivant les innovations proposées, l’additif sera déjà associé à l’ammonitrate par imprégnation des granulés, ou devra être mélangé à la solution azotée en extemporané, ou encore pourra être appliqué lors l’un traitement herbicide peu avant ou peu après l’apport d’engrais. Le référencement de ces innovations doit toutefois encore se poursuivre en 2018 pour aboutir à une évaluation pluriannuelle sur au moins trois ans.
ADDITIF MICROBIEN : un gain de rendement significatif par rapport à l’ammonitrate 120
Rendement [FERTI] (q/ha)
100 80 60 40
20
40
60
80
100
Rendement [AMMO] (q/ha)
120
Figure 1 : Effets comparés du FERTEVIE-WAKE AZO 18 et de l’ammonitrate apportés au tallage du blé sur le rendement. Huit essais ARVALIS de 2015 à 2017.
Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
L’engrais azoté et soufré FERTEVIEWAKE AZO 18 améliore légèrement le rendement du blé mais pas sa teneur en protéines.
Effet positif de l’additif microbien FERTEVIE-WAKE sur le rendement du blé FERTEVIE-WAKE AZO 18 (Fertemis/Lallemand Plant Care, commercialisé depuis 2014) a été testé dans le réseau d’essais Arvalis sur blé de 2015 à 2017. Il s’agit d’un engrais azoté soufré avec un additif microbien, le FERTEVIE-WAKE, à base de levure Saccharomyces cerevisiae inactivée. Selon les fabricants, l’additif stimulerait l’ensemble de la flore du sol, entraînant une accélération des phénomènes de minéralisation des matières organiques (pailles, résidus végétaux, produits résiduaires organiques), et améliorerait l’implantation, la nutrition et la croissance des cultures. L’engrais FERTEVIE-WAKE AZO 18 s’applique à raison de 50 kg d’azote par hectare au tallage, ce qui conduit à apporter également à ce stade environ 40 kg/ ha de soufre ainsi que l’additif FERTEVIE-WAKE à hauteur de 5 kg/ha. Dans les essais, les performances de cet engrais ont été comparées à celles d’un témoin ammonitrate qui a bénéficié d’une couverture soufre pour s’affranchir d’un éventuel effet induit par cet élément et qui a été conduit selon la même stratégie de fractionnement(1) et à doses d’azote égales. Les trois années d’essais montrent que FERTEVIEWAKE AZO 18 apporte un gain de rendement significatif de 1,7 q/ha en moyenne par rapport à l’ammonitrate (figure 1) mais qu’il n’a pas d’effet significatif sur la teneur en protéines.
Des « starter » microbiens pour maïs sans intérêt dans les conditions de 2017
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© M. Giban - ARVALIS-Institut du végétal
LES INDISPENSABLES
Sur maïs grain et fourrage, des engrais incluant des micro-organismes, tels que LOCACELL NEO (Lallemand) et deux formules de la gamme FERTEVIE-RHIZ (Fertemis) ont été comparés à la référence DAP en 2017. Ils se présentent sous forme de granulés enrobés d’une préparation microbienne concentrée en bactéries rhizosphériques Bacillus amyloiquefaciens. LOCACELL NEO
1,7
q/ha gagnés par rapport à l’ammonitrate pour le
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LES INDISPENSABLES
rendement du blé fertilisé avec FERTEVIE-WAKE
Sommaire
AZO 18, un engrais azoté soufré avec additif microbien.
SOLUTION AZOTÉE AVEC INHIBITEUR D’URÉASE : un effet « sol » en blé Écart de rendement par rapport à… Écart de teneur en protéines par rapport à…
… la référence solution azotée … la référence ammonitrate … la référence solution azotée … la référence ammonitrate
SOLS CALCAIRES +0,7 q/ha*** -2,5 q/ha*** +0,18 %*** - 0.41%***
SOLS NON CALCAIRES +1,0 q/ha** -3,8 q/ha*** +0,01 %NS - 0.52% ***
Test statistique par comparaison de moyennes appariées : *** différence significative au seuil de 1 % ; ** de 5 % ; * de 10 % ; NS : différence non significative.
Tableau 2 : Gains de rendement et de teneur en protéines de la solution azotée additionnée d’inhibiteurs d’uréase par rapport aux références ammonitrate et solution azotée sur blé. Réseau d’essais ARVALIS et partenaires (ACOLYANCE, CA08, SOUFFLET, UCATA et VIVESCIA), de 2013 à 2017 (30 essais, 121 points rendement et 117 points protéines).
© Y. Flodrops - ARVALIS-Institut du végétal
contient en plus des levures Saccharomyces cerevisaie. En colonisant rapidement la rhizosphère grâce aux exsudats sécrétés par les racines, ces micro-organismes stimuleraient la croissance du chevelu racinaire et permettraient de solubiliser le phosphore bloqué dans le sol, d’où un effet starter revendiqué. Dans les essais 2017, les résultats obtenus avec ces formulations ne sont pas significativement différents de ceux de la référence DAP. Toutefois, les conditions météorologiques et la disponibilité en phosphore au moment des semis n’ont pas été suffisamment désavantageuses. Rappelons qu’une fertilisation starter sur maïs est recommandée avant tout lorsque les conditions à l’implantation sont défavorables (sol froid, semis précoce, excès d’eau, forte acidité, parasitisme tellurique…) ou que la disponibilité du phosphore dans le sol est faible. Par exemple, en 2015, FERTEVIE-RHIZ NP 13-05 avait contribué à augmenter la vigueur et à favoriser la précocité de la floraison. Le référencement de ces nouvelles formulations nécessite donc d’être poursuivi quelques années afin de les évaluer dans des conditions défavorables.
Les engrais enrobés au mieux équivalents à l’urée et l’ammonitrate Des urées enrobées sont testées sur maïs depuis plus de dix ans dans les essais Arvalis. La libération progressive de l’urée a rapidement été démontrée sur le COTEN (commercialisé par la firme Haifa). Ces produits ne sont pas utilisés purs mais en mélange avec un engrais azoté « libre », c’està-dire dont l’azote, qui n’est pas enrobé, est donc directement disponible. Dans nos essais, ces produits sont testés en apport unique entre le semis et le stade « 4 feuilles », en comparaison à de l’urée granulée apportée en deux apports. Pour bénéficier pleinement de l’effet « retard », leur utilisation demeure très technique, car il faut choisir le bon couple type de produit (durée de libération, proportion d’azote enrobé) - stade d’apport. À l’heure actuelle, les meilleurs résultats sont obtenus avec l’EXACOTE 35N (urée enrobée en mélange avec de l’ammonitrate, commercialisée par OCI Nitrogen), qui fait jeu égal dans une synthèse de six essais avec la référence urée granulée fractionnée. Cette technologie a aussi été évaluée sur blé avec le NERGETIC 30 ZIMACTIV (urée + sulfate d’ammoniaque + oligoéléments protégés par une matrice organique qui se dégrade progressivement) que commercialise Fertiberia. Dans nos essais, cet engrais protégé a été apporté en fin de tallage, ce qui permet de regrouper les apports « tallage » et « épi 1 cm » en un seul passage. L’apport « qualité » à la dernière feuille étalée a toutefois été maintenu pour ne pas pénaliser le taux de protéines. La synthèse de huit essais Arvalis 20162017 montre que cette technologie associée à une stratégie de fractionnement en deux apports permet d’obtenir des résultats équivalents en rendement et en teneur en protéines par rapport à la référence ammonitrate apportée en trois fois. (1) Sauf en 2015 : 40 kg N/ha au tallage pour le témoin contre 50 kg N/ha pour la modalité FERTEVIE-WAKE AZO 18, puis 50 kg N/ha pour ces deux modalités durant les campagnes 2016 et 2017.
Un engrais starter est recommandé sur maïs quand les conditions du sol ne sont pas favorables à l’implantation de la culture - par exemple, si le sol est froid au semis.
Grégory Véricel - g.vericel@arvalis.fr Bruno Fontaine - b.fontaine@arvalis.fr Baptiste Soenen ARVALIS - Institut du végétal N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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LES INDISPENSABLES
Sommaire
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Ravageurs du maïs
IDENTIFIER LES RISQUES
© J. Molines - ARVALIS-Institut du végétal
et adapter les moyens de lutte
Les ravageurs du maïs, en dehors des taupins, présentent une nuisibilité spécifique au type de production et à la localisation géographique (ici dégâts de pyrale).
Le maïs n’a pas de possibilité de rattrapage. Le contrôle des ravageurs est donc une priorité pour préserver le potentiel d’une parcelle de maïs, en quantité et en qualité. Chaque intervention a pour objectif de préserver ce potentiel.
En savoir plus Pour plus de précisions sur les moyens de lutte, consultez le dossier « Ravageurs : réduire les risques grâce aux moyens agronomiques» paru dans Perspectives Agricoles, n° 441, février 2017.
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
L
e contrôle des ravageurs au stade précoce est essentiel pour préserver le nombre optimal de plantes à l’hectare, ainsi que la vigueur et la surface photosynthétique de chaque plante. La protection en fin de cycle répond à un double objectif : limiter les pertes mécaniques de rendement (casse de plantes, chute d’épis) et diminuer les risques de dégradation de la qualité sanitaire de la récolte. Les ravageurs les plus fréquemment rencontrés en culture de maïs sont les taupins, les limaces, les
oscinies, les cicadelles, les pucerons, les sésamies et les pyrales. Le raisonnement des interventions de protection repose sur l’analyse des facteurs de risque : secteur géographique, historique de la parcelle, conditions d’implantation, etc. Le Bulletin de Santé du Végétal (BSV), édité pour chaque région, évalue le risque en cours de campagne et complète les observations réalisées sur la parcelle afin de décider des dates optimales des interventions. La nuisibilité des ravageurs est souvent sous-estimée. L’effet des ravageurs sur les performances de la culture se décompose en une nuisibilité directe, impactant les rendements, et en une nuisibilité indirecte sur la qualité de la récolte. La nuisibilité globale des principaux ravageurs est beaucoup plus importante en maïs grain qu’en maïs fourrage. Les taupins (encadré) sont les ravageurs les plus nuisibles, aussi bien pour le maïs grain (44 % des pertes liées aux ravageurs sont dues aux taupins) que pour le maïs fourrage (37 % des pertes). Les autres ravageurs présentent une nuisibilité spécifique au type de production et à la localisation géographique. En maïs grain, les autres ravageurs les plus nuisibles sont les foreurs
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Taupins : une forte capacité de nuisibilité avant les stades 10-12 feuilles Les taupins sont des insectes coléoptères de la famille des Elateridae. Il en existe environ 200 espèces en France, dont quatre du genre Agriotes (A. lineatus, A. sputator, A. obscurus et A. sordidus), nuisibles aux cultures de maïs. Les cycles de développement de ces quatre espèces sont différents. Quatre années sont nécessaires à A. lineatus, A. obscurus et A. sputator pour atteindre le stade adulte, alors qu’A. sordidus n’en nécessite qu’une à deux. Les taupins passent 80 % de leur cycle à l’état larvaire, enfouis dans le sol. Les larves sont responsables des dégâts. Les attaques directes sur les graines semées sont peu fréquentes, les prises alimentaires s’effectuent préférentiellement sur la plante que la larve perfore au niveau du collet. Les attaques sont particulièrement dommageables lorsque la plante est jeune. La nuisibilité est plus limitée après le stade 10-12 feuilles, voire nulle au-delà de ces stades de développement. Les attaques des larves semblent être plus influencées par les conditions hydriques et thermiques de la couche superficielle du sol que par le stade de la plante. Les larves se déplacent verticalement dans le sol selon l’humidité, la température du sol et la saison, à la recherche de sols frais et humides. Les pontes s’effectuent en été dans des endroits présentant un degré d’humidité élevé (sous les couverts végétaux), dans la couche superficielle du sol. L’humidité conditionne l’éclosion des œufs et la survie des jeunes larves. Leur cuticule s’épaississant au cours du cycle, elles deviennent ensuite moins sensibles à la dessiccation. L’activité d’attaque des larves est plus limitée en été et en hiver, périodes pendant lesquelles elles migrent en profondeur (4060 cm) dès que les conditions de surface ne leur sont pas favorables.
Sommaire
bénéfiques : préparations du sol et/ou application d’engrais starter, choix de variétés adaptées et à bonne vigueur au départ. Elles réduisent le temps d’exposition de la culture aux ravageurs, notamment à ceux du système racinaire (scutigérelles, taupins, larves de chrysomèle, nématodes). Le froid et l’hydromorphie des sols ralentissent la vitesse d’installation du maïs et augmentent les risques de nuisibilité des ravageurs. Une mauvaise maîtrise du désherbage peut accroître indirectement les risques. Les résidus de récolte de la culture précédente sont des sources de parasitisme supplémentaires par les abris qu’ils offrent, notamment aux insectes foreurs et aux limaces. Le broyage des résidus et leur incorporation dans le sol diminue fortement les niveaux de populations larvaires, par action mécanique et exposition au froid, à l’humidité (action des champignons pathogènes) et aux oiseaux. En ce qui concerne les rotations, la monoculture de maïs ne favorise pas particulièrement l’augmentation des ravageurs, excepté la chrysomèle et certains nématodes.
Benoît Moureaux - b.moureaux@perspectives-agricoles.com D’après le guide de culture maïs grain et fourrage (www.editionsarvalis.fr) Des fiches détaillées sur les ravageurs et les auxiliaires des cultures, ainsi qu’un guide pour les reconnaître, sont disponibles sur http://arena-auximore.fr.
(pyrale et sésamie), puis les cicadelles, les pucerons et les vers gris. En maïs fourrage, les autres ravageurs les plus nuisibles sont les mouches (oscinie et géomyze, voire la mouche des semis), ainsi que les oiseaux.
Adopter une stratégie de réduction des risques La lutte phytosanitaire doit être mise en œuvre seulement en complément des autres moyens de lutte. L’objectif est de réduire la pression globale des ravageurs dans une parcelle, puis de ne traiter que si c’est nécessaire. Le travail du sol peut interrompre le cycle biologique des ravageurs ter-
ricoles et/ou détruire les larves (foreurs). Le choix de la date de semis doit être en accord avec la précocité de la variété choisie : il peut permettre de gérer les populations de ravageurs en perturbant la coïncidence spatio-temporelle entre le ravageur et la culture. Toutes les techniques favorisant les vitesses de levée et d’installation des plants sont
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
Les larves de taupins se déplacent verticalement dans le sol selon l’humidité, la température et la saison.
© ARVALIS-Institut du végétal
La nuisibilité des ravageurs est souvent sous-estimée. »
Sommaire
COMPRENDRE
LES INDISPENSABLES
Tournesol et soja en Nouvelle-Aquitaine
DEUX CULTURES RENTABLES à bien positionner
© C. Montjarret - Terres Inovia
Pour un tournesol en culture principale, choisir une variété précoce et résistante au sclérotinia du capitule.
Les assolements sont en pleine évolution dans le sud de la NouvelleAquitaine et en Hautes-Pyrénées. L’introduction du tournesol et du soja pour des raisons réglementaires se transformera en un réel atout pour les agriculteurs à deux conditions : un positionnement adéquat de ces espèces et une conduite culturale adaptée au contexte régional.
S
uite aux évolutions réglementaires obligeant les agriculteurs à diversifier leurs cultures dans le cadre de la Politique Agricole Commune (PAC), le tournesol et le soja se développent dans les Landes, les Pyrénées-Atlantiques ainsi que dans les Hautes-Pyrénées, depuis 2010 pour le tournesol et 2014 pour le soja. Ces dernières années, les surfaces semées en tournesol ont été multipliées par trois à cinq en huit ans selon les départements (figure 1). Les surfaces en soja ont, quant à elles, été multipliées par plus de cinq au cours des cinq dernières années. Elles avaient connu un haut niveau à la fin des années 1980 et au début des années 1990, avant que la traduction régionale de la PAC 1992 n’exclue le soja de l’accès à l’aide spécifique à l’irrigation qui se mettait alors en place pour le maïs.
Tenir compte du potentiel du sol Ces dix dernières campagnes montrent que le tournesol et le soja se sont bien adaptés au contexte du sud de la Nouvelle-Aquitaine. La profondeur de sol s’avère un facteur essentiel pour identifier leur positionnement optimal. Les rendements indicatifs obtenus par ces espèces varient, en effet, principalement selon le potentiel du sol. Pour le tournesol pluvial (« en sec »), le rendement varie de 25 quintaux par hectare (q/ha) en sol superficiels, à faible potentiel, à 35 q/ha en sol profonds à fort potentiel (30 q/ha en sol de profondeur intermédiaire). Pour le soja pluvial, le rendement fait plus que doubler entre les sols à faible potentiel (17 q/ha) et ceux à fort potentiel (38 q/ha), avec une valeur de 25 q/ha pour les sols de profondeur intermédiaire. L’irrigation du soja augmente les rendements qui varient de 29 q/ha en sols à faible potentiel N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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LES INDISPENSABLES
Sommaire
COMPRENDRE
TOURNESOL : les surfaces cultivÊes ont fortement crÝ en Nouvelle-Aquitaine mÊridionale 12 000
Surface (ha) D40 - Landes
D64 - PyrĂŠnĂŠes-Atlantiques
D65 - Hautes-PyrĂŠnĂŠes
10 000 8 000 6 000 4 000 2 000 0
1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017* AnnĂŠe de rĂŠcolte
Figure 1 : Évolution des surfaces de tournesol dans les Landes, les PyrÊnÊes-Atlantiques et les Hautes-PyrÊnÊes. Source : Terres Inovia d’après les donnÊes Agreste.
à 50 q/sol dans les meilleurs sols (37 q/ha en sols intermÊdiaires). Ces diffÊrences de rÊsultats ont des consÊquences technico-Êconomiques. Ainsi, en conduite pluviale et en agriculture conventionnelle, le soja exprimera son potentiel Êconomique dans les sols profonds. Le tournesol est à la fois plus polyvalent sur le critère du sol et plus robuste : il valorisera tout particulièrement les sols de profondeur intermÊdiaire à faible. Les marges brutes indicatives (hors aides) comparÊes des deux espèces selon les potentiels de sol illustrent ce positionnement optimal diffÊrent (figure 2). Les conseils de positionnement pour ces deux espèces, dans le contexte des dÊpartements des Hautes-PyrÊnÊes, PyrÊnÊes-Atlantiques et Landes et selon la pluviomÊtrie locale sont synthÊtisÊs dans le tableau 1.
CONSEIL DE POSITIONNEMENT : inutile de cultiver du soja  en sol superficiel Sols superficiels
Sols intermĂŠdiaires
Sols profonds Selon pluviomĂŠtrie
Tournesol en sec
đ&#x;˜Š
đ&#x;˜Š
Tournesol irriguĂŠ
đ&#x;˜Š
đ&#x;˜?
Soja en sec
đ&#x;˜’
Selon pluviomĂŠtrie
faible* : đ&#x;˜? / ĂŠlevĂŠe**   đ&#x;˜’ Selon pluviomĂŠtrie
Soja irriguĂŠ
đ&#x;˜Š
đ&#x;˜Š
đ&#x;˜Š
faible*   đ&#x;˜? / ĂŠlevĂŠe** : đ&#x;˜’ Selon pluviomĂŠtrie
ĂŠlevĂŠe** : đ&#x;˜? / faible*   đ&#x;˜’ ĂŠlevĂŠe** : đ&#x;˜Š / faible* :  đ&#x;˜?
PluviomÊtrie : faible = moins de 1 000 mm/an ; ÊlevÊe = plus de 1 000 mm/an. (*) Centre et Nord des Landes. (**) Sud des Landes, PyrÊnÊes-Atlantiques, Hautes-PyrÊnÊes.
đ&#x;˜’đ&#x;˜’
Ă€ ĂŠviter
đ&#x;˜’đ&#x;˜’
Non optimal
đ&#x;˜?đ&#x;˜?
Correct
đ&#x;˜Šđ&#x;˜Š
Optimal
Tableau 1 : Positionnement du soja et du tournesol prÊconisÊ par Terres Inovia selon la profondeur du sol, la pluviomÊtrie et la conduite (en sec ou irriguÊe). Construit par expertise par Terres Inovia en lien avec ses partenaires .
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
Un champignon tueur de champignon Pour traiter le sol contre les diffÊrentes espèces de Sclerotinia, la spÊcialitÊ commerciale de lutte biologique CONTANS WG utilise des spores de Coniothyrium minitans (souche CON/M/91-08). Ce champignon parasite les sclÊrotes de Sclerotinia sclerotiorum : quand ils entrent en contact avec un sclÊrote, les spores de C. minitans sont capables de germer et de l’envahir ; le sclÊrote est progressivement altÊrÊ et devient inapte à produire des spores. Les sclÊrotes sont finalement dÊtruits dans un dÊlai d’un à deux mois selon le contexte Êdaphique (c’est-à -dire du sol) et climatique.
Bien positionner les cultures dans les rotations Dans ces dÊpartements, la pluviomÊtrie annuelle est le plus souvent supÊrieure à 850 mm (à Montde-Marsan) et peut dÊpasser les 1 000 mm dans les secteurs les plus mÊridionaux (bordure pyrÊnÊenne et pays basque). Dans les sols sensibles à l’excès d’eau hivernal avec risque d’anoxie racinaire, les cultures d’ÊtÊ que sont le soja et le tournesol, semÊes entre avril et mai en culture principale, sont particulièrement bien adaptÊes. Par ailleurs, ces cultures laissent peu de rÊsidus en surface et sont bien valorisÊes comme prÊcÊdent, notamment au maïs. Ces deux cultures sont aussi considÊrÊes comme de très bons prÊcÊdents aux cÊrÊales à paille : ces dernières peuvent être implantÊes aisÊment sans labour après un soja ou tournesol. La rÊcolte prÊcoce de ces cultures, le plus souvent de fin aoÝt à au 20 septembre pour un tournesol et de mi-septembre à mi-octobre pour un soja, permet d’implanter un couvert vÊgÊtal d’interculture (hivernal) assez aisÊment, que ce soit en fin de cycle (par exemple, un semis à la volÊe de petites graines dans du soja juste avant la chute des feuilles) ou juste après la rÊcolte. Des essais rÊalisÊs dans des conditions pÊdoclimatiques similaires en partenariat entre Terres Inovia et Arvalis ont montrÊ que la dose optimale d’azote d’un maïs avec un prÊcÊdent soja (par rapport à un maïs ayant un prÊcÊdent maïs) peut être rÊduite de 30 à 50 unitÊs. Elle reste inchangÊe en cas de prÊcÊdent tournesol. La frÊquence optimale du retour de ces cultures dans la rotation est, pour le tournesol, d’une annÊe sur quatre, et d’une annÊe sur deux (ou moins) pour le soja.
En culture principale, attention au choix variÊtal et à la frÊquence d’irrigation En tournesol, le choix variÊtal doit être adaptÊ au contexte très ocÊanique, qu’il s’agisse de la prÊcocitÊ (choisir un groupe prÊcoce) ou du comportement aux
65 000
LES INDISPENSABLES
COMPRENDRE
graines/ha - une densité de semis du tournesol à ne pas dépasser en sol profond et pour un
Sommaire
large écartement entre rangs (75-80 cm).
POTENTIEL ÉCONOMIQUE : le soja en sec convient aux sols profonds 1200
€/ha Marge brute indicative du soja pluvial (moyenne cinq ans) Marge brute indicative du tournesol pluvial (moyenne cinq ans)
1045 933
800
745 558
Sclérotes sains
Sclérotes dégradés après attaque par C. minitans
Pour les deux cultures, la maîtrise du sclérotinia est un des principaux enjeux phytosanitaires. Elle passe notamment par la lutte biologique à l’aide du champignon parasite Coniothyrium minitans.
maladies - et au sclérotinia du capitule en particulier. Les densités de semis doivent être adaptées au large écartement de type « maïs » (75 – 80 cm) et au type de sol car le risque de verse doit être minimisé : 60 000 à 65 000 graines semées par hectare en sol profond, 70 000 graines/ha en sol intermédiaire, 65 000 à 70 000 graines/ha en sol superficiel. En soja, une attention toute particulière doit être accordée à la gestion du risque sclérotinia tant par le choix variétal, qui doit s’orienter vers des variétés peu sensibles, que par la densité de semis et la gestion de l’irrigation : les tours d’eau doivent être espacés d’une dizaine de jours. Par ailleurs, le producteur de soja devra tout particulièrement soigner le désherbage de pré et postlevée (chimique et/ou mécanique). Pour assurer un rendement régulier et maximiser la teneur en protéines, l’irrigant devra privilégier les apports tardifs sur cette culture, centrés sur la phase de fin floraison et de remplissage des graines. En année climatiquement normale ou sèche, le dernier tour d’eau devra avoir lieu trois semaines avant la récolte du soja, soit à la miseptembre le plus souvent.
558
400 258 0
Faible
Intermédiaire
Elevée
Profondeur du sol
Figure 2 : Marges brutes indicatives du soja et du tournesol conduits en sec selon la profondeur du sol (moyennes sur 5 ans). Source : Terres Inovia, marges brutes indicatives établies à dire d’experts.
Le suivi de ces différents conseils techniques influencera de façon majeure la rentabilité de ces deux cultures dans le contexte du sud de la Nouvelle-Aquitaine. Notons que le soja est l’une des cultures s’adaptant le mieux au cahier des charges de l’agriculture biologique. Parmi ses atouts, le soja est une plante dite « sarclée », autrement dit très bien adaptée aux outils de désherbage mécanique (bineuse, herse étrille et houe rotative). De plus, c’est une légumineuse qui ne nécessite pas d’apport d’azote minéral si l’inoculation est bien réussie.
Vincent Lecomte - v.lecomte@terresinovia.fr Jean Raimbault, Claire Martin Monjaret Terres Inovia
Pour ces deux cultures, la maîtrise du sclérotinia passe aussi par la lutte biologique avec l’utilisation de CONTANS WG (encadré), pulvérisé en solution sur le sol. En préventif, le positionnement idéal du traitement est d’environ un mois avant l’implantation de l’une ou l’autre de ces cultures sur parcelle attaquée, à la dose de 1 à 2 kg/ha (29 à 32 € HT/kg). En curatif, pulvériser juste après leur récolte, de préférence après broyage des résidus mais sans aucun travail du sol préalable, afin d’optimiser le contact entre le produit et les sclérotes en surface. L’application sera suivie d’une incorporation afin de faciliter le contact entre le produit et les sclérotes situés plus en profondeur.
© J. Raimbault - Terres Inovia
Garder Sclerotinia sous contrôle
En soja, rendement et qualité seront meilleurs en irrigant la culture jusqu’à la fin du remplissage des graines, avec un dernier tour d’eau trois semaines avant la récolte.
N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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LES INDISPENSABLES
Sommaire
COMPRENDRE
Couverts permanents
BIEN ASSURER
© J. Labreuche - ARVALIS-Institut du végétal
la nutrition azotée du blé
L’impact agronomique des couverts permanents est complexe et ne se résume pas à des économies d’azote sur les cultures.
La comparaison des courbes de réponse à l’azote de blés tendres d’hiver semés ou non sous un couvert permanent de légumineuses montre qu’il est rarement judicieux de modifier les doses d’apport d’azote. Le rendement du blé est, en moyenne, amélioré par la présence d’un couvert bien régulé.
I
ntroduire un couvert permanent dans la rotation culturale est une pratique émergente. La période de croissance de ce type de plante de service pérenne est longue puisqu’elle chevauche celle d’une culture commerciale, l’interculture qui suit et le début du développement de la culture commerciale suivante. Une telle durée accroît les services écosystémiques du couvert permanent par rapport à une culture intermédiaire annuelle : fixation d’azote, protection physique du sol, production de fourrage… La cohabitation d’un couvert avec une culture n’est cependant pas dénuée de risques car les plantes sont en compétition pour l’azote, la lumière ou l’eau (encadré). De plus, si l’on souhaite garder le couvert vivant, sa présence restreint les herbicides utilisables.
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
Un rendement qui dépend de la biomasse du couvert au printemps Les performances d’un blé tendre d’hiver implanté sur un couvert pérenne de légumineuses ont été étudiées dans 17 essais récoltés de 2009 à 2017 donnant lieu à 50 comparaisons avec et sans couvert. Les couverts étaient des légumineuses pérennes (principalement luzerne et trèfle blanc), semées au moins trois mois avant le semis du blé mais le plus souvent dans la culture précédente ; le cas le plus fréquent a été de semer ces couverts en même temps que le colza qui précédait le blé. Ces légumineuses ont été soit détruites au cours du cycle cultural du blé, soit maintenues vivantes jusqu’à la récolte. Le choix a été fait d’apporter les mêmes doses d’azote sur blé avec ou sans couvert. Elles correspondaient
Sommaire
soit aux doses calculées selon la méthode du bilan (« X ») et sans prise en compte de la présence d’un couvert, soit à des doses légèrement plus basses (type « X-40 »). L’impact des couverts a été très variable sur le rendement du blé selon la situation culturale et pédoclimatique mais globalement positif (tableau 1). De fortes pertes de rendement (31 % en moyenne, et jusqu’à 55 %), observées pour quelques couverts gardés dans le blé, ont été associées à une trop forte croissance du couvert au printemps, avec des biomasses atteignant 1 à 2 tonnes de matière sèche à l’hectare à la floraison du blé. L’indice de nutrition azotée (INN) du blé à la floraison était également réduit avec ces couverts (figure 1). À l’opposé, des gains de rendement (jusqu’à 25 %) ont pu être notés dans d’autres situations, avec des couverts tués dans le blé ou gardés vivants mais correctement régulés au printemps par des herbicides sélectifs homologués sur blé. L’INN du blé à la floraison était alors plutôt amélioré avec ces couverts (figure 1). Les meilleurs gains de rendement procurés par les couverts (tableau 1) correspondent à des situations où la biomasse de ces derniers faisait entre 2 à 5,5 t MS/ha en automne ou hiver mais était très faible au printemps (couverts bien régulés ou tués).
La présence de couvert ne modifie pas a priori la gestion de l’azote Des courbes de réponse à l’azote ont été réalisées dans cinq essais, dont un essai avec de l’orge de printemps. Elles permettent d’évaluer le
Les couverts concurrencent-ils la culture pour l’eau ? On craint souvent une compétition pour l’eau en présence d’un couvert permanent. L’analyse des composantes de rendement tempère cette appréciation. Ainsi le poids de mille grains (PMG) augmente très légèrement en présence de couverts permanents, même quand les conditions de fin de cycle du blé ne sont pas favorables (pluviométrie et jours échaudants), comme en 2015 et 2017. Des suivis de l’humidité du sol sous blé réalisés de 2015 à 2017 n’ont pas montré de consommation plus élevée d’eau en présence de couvert. Ce constat s’explique par la faible biomasse du couvert sous le blé : la transpiration potentielle de ces couverts reste faible sachant qu’ils jouent un rôle de mulch limitant l’évaporation de l’eau du sol. Le constat peut être très différent lors d’un printemps sec si l’on sème du maïs sur un couvert développé, ce dernier ayant déjà transpiré une quantité significative d’eau à ce moment-là par rapport à un sol nu ou à un couvert détruit à l’avance.
LES INDISPENSABLES
1
COMPRENDRE
Sommaire
tonne de matière sèche à l’hectare au printemps, c’est la biomasse qu’un couvert sous blé ne doit pas dépasser pour espérer un gain de rendement.
RENDEMENT : la cinétique de croissance du couvert impacte le rendement du blé Biomasse couvert automne
Biomasse couverte floraison du blé
Nombre de comparaisons
Rendement en % du témoin
Toutes situations
Toutes situations
50
101 (NS)
4
69 (S)
Toutes situations
Automne
> 2TMS/ha
< 2TMS/ha 19
101 (NS)
4
105 (NS)
Floraison du blé
> 1TMS/ha 12
102 (NS) < 1TMS/ha
11
108 (S)
Couverts morts
Tableau 1 : Impact des couverts sur le rendement du blé selon leur biomasse au semis et à la floraison du blé. Rendement exprimé en pourcentage de celui obtenu pour le témoin (blé sans couvert permanent), à dose d’azote apporté identique. Synthèse d’essais de 2009 à 2017. rendement optimal et la dose d’azote optimale (la plus petite dose d’azote nécessaire pour attendre ce rendement optimal). L’effet positif des couverts sur le potentiel de rendement des cultures va souvent de pair avec un meilleur indice de nutrition azotée du blé à la floraison. Cependant, sur les 15 comparaisons réalisées, seules trois montrent un décalage de la dose d’azote optimale entre une céréale seule et une céréale sur couvert permanent, mort ou vivant :
NUTRITION AZOTÉE : l’effet des couverts sur l’INN est corrélé à l’effet sur le rendement
une montre une baisse de la dose d’azote optimale sur le couvert et deux, une augmentation. En revanche, le rendement obtenu au niveau du plateau (optimum) est significativement différent dans 8 cas sur 15 : dans la moitié des cas, ce rendement a été augmenté, mais dans l’autre moitié, il a été réduit. Ces résultats confirment la diversité des réponses du rendement du blé à la présence d’un couvert permanent, à dose d’azote identique. Il semble difficile de prédire à l’avance dans quelle mesure le potentiel du blé sera modifié. On s’attendrait à observer fréquemment une réduction des doses d’azote optimales en présence d’un couvert permanent de légumineuses, en lien
Rendement (en % du témoin) 140 %
Couvert vivant Couvert tué dans la culture
-0,40
-0,30
-0,20
120 %
-0,10
100 % 0,00 80 % 60 %
0,10
0,20
0,30
Lorsqu’on baisse les doses d’azote, cela augmente les chances du couvert de survivre au blé mais pénalise le rendement de ce dernier.
Indice de nutrition azotée du blé à la floraison (écart au témoin)
40 % 20 %
Figure 1 : Effet de la présence d’un couvert permanent sur le rendement du blé selon le niveau de la nutrition azotée, à fertilisation identique. Rendements exprimés en pourcentage du rendement du témoin (blé sans couvert) ; INN exprimés en écart à l’INN du témoin.
32
Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
© J. Labreuche - ARVALIS-Institut du végétal
0%
© J. Labreuche - ARVALIS-Institut du végétal
Les couverts permanents de légumineuses ont démontré une certaine capacité à absorber l’azote minéral présent dans le sol en automne.
Nouvelle application Sommaire
gratuite
Pilotez votre interculture avec de plus fortes fournitures d’azote par le sol, d’autant que leur présence est souvent concomitante d’un meilleur indice de nutrition azotée du blé à la floraison. Ce n’est toutefois pas le cas. À l’instar de ce qui est observé sur colza en présence de plantes compagnes, des facteurs limitants du rendement du colza autres que l’azote pourraient être levés, comme l’enracinement de la culture. Avec les données actuelles, rien ne démontre la pertinence de réduire les apports d’azote en présence d’un couvert permanent sur blé, tant les interactions entre le couvert, le sol et la culture sont variables. Un diagnostic de l’état de nutrition azotée de la culture pendant sa montaison reste le seul moyen utilisable à l’heure actuelle pour déterminer la juste quantité d’azote à apporter.
Moins de fuites d’azote sous les couverts ?
Jérôme Labreuche - j.labreuche@arvalis.fr Philippe Hauprich, Anne-Marie Bodilis, Baptiste Soenen ARVALIS - Institut du végétal
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L’impact des couverts permanents de légumineuses sur le reliquat d’azote minéral du sol a été mesuré à plusieurs dates dans les essais, notamment en automne, du semis du blé au début du drainage, et en sortie d’hiver. En automne, la présence d’un couvert permanent réduit significativement la quantité d’azote minéral dans le sol : le reliquat était en moyenne de 59 kg N/ha sous le couvert permanent contre 92 pour le témoin sans couvert. En sortie d’hiver, les écarts de reliquat d’azote minéral du sol entre un couvert permanent et le témoin étaient moins importants. Ces premiers éléments semblent indiquer que des légumineuses pérennes dans des rotations céréalières ont une certaine capacité d’absorption de l’azote minéral présent dans le sol et jouent le rôle de piège à nitrate. Cela devra être confirmé dans deux essais « pratiques culturales et qualité des eaux » qui sont actuellement en place pour mesurer la qualité des eaux de drainage et de ruissellement en présence d’un couvert permanent de trèfle blanc, en comparaison à un témoin sans trèfle.
www.jouffray-drillaud.com Jouffray-Drillaud - Siège social : La Cour d’Hénon, 4, avenue de la CEE, 86170 CISSÉ SAS au capital de 3 100 000 euros - RCS Poitiers 301 073 631 - 2018 - Document non contactuel
LES INDISPENSABLES
COMPRENDRE
Sommaire
Soja
UN CONTEXTE DYNAMIQUE en Poitou-Charentes
Dans le contexte du nouvel essor de la sole soja, cette culture connaît un regain d’intérêt en Poitou-Charentes. Introduire du soja dans les systèmes céréaliers de cette région est une opportunité - mais à certaines conditions.
En savoir plus Retrouvez le détail des résultats de l’étude en soja pluvial sur http://arvalis.info/18d
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
E
n France, les surfaces cultivées en soja ont triplé au cours des trois dernières années ; en 2017, ce sont ainsi près de 140 000 hectares qui se répartissent principalement dans les bassins historiques du sud-ouest et de l’est de la France (Bourgogne- Franche Comté, Auvergne – Rhône Alpes). La progression de la culture en PoitouCharentes (figure 1), bien qu’encore modeste au niveau des surfaces, est cependant bien réelle : de 400 ha en 2013, la sole soja est passée à près de 4 000 ha sur les campagnes de 2016 et 2017.
© Terres Inovia
Le soja a démontré son intérêt économique au sein d’exploitations agricoles de Poitou-Charentes à la condition expresse que ses exigences en eau soient pourvues.
Parallèlement, une démarche de certification se met en place en concertation avec les acteurs de la filière soja sous l’égide de Terres Univia, l’interprofession des huiles et protéines végétales. Elle se traduit en 2018 par le lancement de la «charte Soja de France », avec ses quatre engagements majeurs : une origine France (de la graine jusqu’aux produits issus de la première transformation), du soja non OGM, et une garantie de traçabilité et de durabilité reposant sur le respect de bonnes pratiques techniques, sanitaires, environnementales et sociales à toutes les étapes de la filière. L’objectif est de pérenniser l’offre et la demande françaises et de faire reconnaître les garanties apportées par les filières de soja locales. Le cas du Poitou-Charentes, qui associe un groupe de coopératives agricoles à une usine d’aliments du bétail, correspond bien à cette démarche.
De premières références technicoéconomiques Terres Inovia accompagne ce développement régional depuis 2014 à travers un diagnostic agronomique visant à mettre en évidence les facteurs limitants du
100
COMPRENDRE
mm d’eau en plus durant la
LES INDISPENSABLES
floraison et le remplissage du
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soja fait gagner de 8 à 10 q/ha.
rendement de la culture dans le contexte pédoclimatique de la région. Il en ressort que cette culture est techniquement possible en respectant quelques points fondamentaux au niveau du choix variétal, de l’inoculation, de la qualité du désherbage et surtout de la satisfaction des besoins en eau de la plante. En conduite « en sec » (pluviale) dans le réseau de parcelles suivies, le rendement en 2015, année climatiquement médiane en Poitou-Charentes, a été en moyenne de 19 quintaux par hectare (minimum : 11 q/ha, maximum : 28 q/ha). Les charges opérationnelles annuelles indicatives se sont élevées à 387 €/ ha. L’achat des semences certifiées (60 graines/m² ) a représenté 260 €/ha, l’inoculum à 100% de la dose (pour la fixation symbiotique de l’azote de l’air), 40 €/ha, et le désherbage (un passage en prélevée et deux passages en postlevée), 90 €/ha. En conduite irriguée (en moyenne 135 mm, pour un coût de l’eau de 203 €/ha), le soja a obtenu en 2015 un rendement moyen de 30 q/ha (minimum : 26 q/ha, maximum : 34 q/ha). Les charges opérationnelles indicatives se sont élevées à 590 €/ha. Cela correspond à une marge brute (hors aides) de 310 €/ha pour un prix de vente de 300 €/t pour un débouché en alimentation animale. La marge brute est directement liée au prix de vente et au rendement obtenu (tableau 1). Or, pour cette culture nouvelle en région Poitou-Charentes, des marges de progrès sur la conduite culturale existent, notamment concernant la gestion de l’irrigation : il est important d’arrêter les apports d’eau tardivement, le plus souvent à la miseptembre, soit trois semaines avant la récolte, afin d’améliorer le rendement et le taux de protéines.
Peu de risques lorsque le soja reçoit assez d’eau
L’introduction de soja est intéressante économiquement en conduite irriguée - mais uniquement en sol profond si la culture est conduite en sec.
© L. Jung - Terres Inovia
L’impact économique de l’introduction de la culture du soja dans les systèmes céréaliers de la région a été évalué en utilisant l’outil Systerre développé
SOLE SOJA : une croissance marquée en Poitou-Charentes 4 500 4 000
Surface (ha) Centre Val de Loire Poitou-Charentes
Pays de la Loire
3 500 3 000 2 500 2 000 1 500 1 000 500 0
1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017* Année de récolte
Figure 1 : Évolution des surfaces de soja dans le grand bassin Centre et Ouest. Source : Terres Inovia et Terres Univia, d’après les données 2017 provisoires du Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.
par Arvalis, en prenant appui sur des fermes-types de la région dont les références sont actualisées annuellement par Arvalis et Terres Inovia. Les scénarios de substitution ont porté sur le remplacement de tournesol, de blé dur et blé tendre, d’orge ou de maïs irrigué, cultures les plus représentatives des assolements de la région sur les années 2014, 2015 et 2016, par du soja. Dans le même temps, ces scénarios de substitution ont été croisés avec différents scénarios climatiques représentatifs des déficits hydriques estivaux observables. En effet, la contrainte hydrique estivale est le premier facteur limitant des rendements du soja. Sur la phase de floraison et de remplissage des graines, un écart de contrainte hydrique de 100 mm induit une différence de rendement de 8 à 10 q/ha. 2014 a été l’année avec le déficit hydrique estival le plus faible, contrairement à 2016 qui représente le plus fort avec des températures moyennes élevées. C’est l’année 2015, se rapprochant le plus d’une année moyenne, que Terres Inovia a retenue pour cette évaluation. Les résultats montrent qu’en année moyenne, introduire le soja dans un système en sec se substituant soit à du tournesol, soit à des céréales à paille (blé tendre, blé dur ou orge), conduit à une baisse de la marge nette de l’exploitation (hors aides couplées) : en considérant une marge nette annuelle de 55 650 € d’une ferme type, la marge avec soja en sec s’élève entre 80,2 % et 95,4 % de cette marge de référence selon les simulations. Ces dernières diffèrent par les pourcentages de la surface utile agricole (SAU) laissés en jachère et cultivés en soja, en diverses céréales et en tournesol. Une année plus humide comme 2014 sera N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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LES INDISPENSABLES
moins défavorable, et 2016, année très déficitaire au niveau pluviométrie, induira une forte dégradation de la marge par l’introduction du soja. En revanche, en système irrigué, ou en situation non irriguée mais en sol profond, l’introduction du soja dans les systèmes de culture avec maïs permet de maintenir ou de légèrement améliorer la marge nette annuelle de l’exploitation (figure 2) : de 17 134 € pour la ferme de référence, la marge nette augmente de +1,2 à 4,3 % en moyenne (hors aides couplées) dans les conditions de 2015 pour une introduction de soja à hauteur de 4 à 7 % de la SAU. Et ce, dans un contexte où la maîtrise technique de cette nouvelle culture peut encore être améliorée avec des marges de progrès significatives.
En savoir plus Découvrez la vidéo «Coupe flexible en soja» sur le site de Terres Inovia, onglet Soja, rubrique Cultiver du soja > Récolte et stockage > Récolte.
Sommaire
COMPRENDRE
Deux leviers de progrès majeurs pour le soja Ainsi, à condition d’être positionné de façon adaptée à ses exigences en eau, le soja a démontré son intérêt économique au sein d’exploitations agricoles de Poitou-Charentes. Son introduction apparaît pertinente et sans risque majeur à condition de positionner la culture uniquement en sols profonds en l’absence d’irrigation, ou bien dans les parcelles irrigables et destinées à être irriguées. La prise en compte des aides couplées, dont le montant définitif est fixé après la campagne, rend la culture économiquement plus attrayante. Des progrès sont, par ailleurs, encore possibles. Tout d’abord, une meilleure maîtrise technique chez les producteurs de soja, en particulier de
MARGE BRUTE EN IRRIGUÉ : le rendement, et donc l’irrigation en fin de cycle, ont un rôle majeur Marge brute du soja irrigué* 15 20 Rendement 25 du soja 30 (q/ha) 35 40
(*) Charges opérationnelles (dont irrigation) = 590 €/ha (**) Débouché alimentation animale En gras : moyenne 2014-2016 du réseau de parcelles
Tableau 1 : Variation de la marge brute du soja irrigué selon le rendement et le prix de vente. l’irrigation, et, à moyen terme, un progrès variétal sur les groupes précoces (groupe 0 en particulier) induiraient une augmentation de la compétitivité du soja en Poitou-Charentes. De plus, l’investissement spécifique par les producteurs de soja dans une barre de coupe flexible, rapidement amorti selon les essais de Terres Inovia (voir En savoir plus), est un levier efficace pour faire progresser rendements et marges sur cette culture. L’autre levier d’amélioration est lié à la filière soja et à la valorisation de la graine. Ainsi un prix payé au producteur plus attractif qu’il ne l’a été sur les trois ans de suivi, intégrant aussi le contexte prix des autres cultures de l’assolement, serait un moyen efficace pour pérenniser la culture dans le cadre de rotations équilibrées et multiperformantes.
RENTABILITÉ : l’introduction de soja irrigué induit une amélioration de la marge nette 100%
Vincent Lecomte - v.lecomte@terresinovia.fr Guy Arjauré - g.arjaure@terresinovia.fr Gwenola Riquet Terres Inovia
% de la SAU
90% Maïs grain sec (monoculture) Orge d'hiver pluvial Pois protéagineux pluvial Tournesol pluvial Blé tendre pluvial Colza d'hiver pluvial Maïs irrigué (précédent soja)
70% 60% 50% 40%
Soja irrigué
30%
Blé dur irrigué Maïs grain irrigué en rotation Jachère
20% 10% 0%
Marge nette* (en €) %
Ferme Type de départ
SIMULATION 1 SIMULATION 2 SIMULATION 3
17134
17804
17343
17856
100
103,9
101,2
104,2
(*) Hors aides couplées.
Figure 2 : Marge nette annuelle simulée avec l’outil Systerre pour différents niveaux d’introduction du soja irrigué dans la SAU d’une exploitation-type de Poitou-Charentes.
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
Une meilleure valorisation de la graine de soja dans les filières de l’alimentation animale, grâce notamment à l’identification de son origine France, est un des leviers pour améliorer la rentabilité de cette culture. © Terres Inovia
80%
Prix de vente du soja** (€/t) 300 290 350 400 -155 -140 -65 10 -10 10 110 210 135 160 285 410 310 280 460 610 425 460 635 810 570 610 810 1010
LE DOSSIER
Sommaire
MULTIPERFORMANCE
© N. Cornec - ARVALIS-Institut du végétal
l’agronomie en première ligne Sur le plan de l’amélioration des rendements, des qualités et de leurs stabilités interannuelles, le diagnostic des effets du changement climatique est un préalable pour formuler les solutions les plus pertinentes, vis-à-vis des facteurs les plus limitants de la production en France (azote et sécheresse). Des outils d’aide à la décision, des pratiques nouvelles dans des systèmes émergents, complètent le levier génétique pour aller plus loin qu’une simple préconisation de variétés. La révolution dans la protection intégrée est en route avec des perspectives très encourageantes, comme attirer les ravageurs ou stimuler les défenses naturelles des plantes. En alimentation humaine la question des nutriments, en particulier des protéines, apparaît au moins tout aussi importante que celle des calories. De même, la connaissance du sol peut aider à réduire les pressions parasitaires et à mieux gérer les ressources. Il faut donc réussir l’intégration entre l’amélioration des plantes et l’agronomie, rééquilibrer les efforts de recherche vers le sol et les systèmes de culture, puis en assurer la vulgarisation. L’innovation, historiquement diffusée des centres de recherche vers les utilisateurs, provient également du monde agricole. De plus en plus de données sont produites dans les exploitations. Les organismes de recherche travaillent avec des réseaux d’agriculteurs pour déployer une innovation collaborative.
n Rendement du blé p.38 Le stress hydrique principal facteur limitant en Europe n Protection intégrée p.43 Quels leviers pour aujourd’hui et demain ? n Semis direct
sous couvert végétal
p.46
n Efficacité économique Des outils de mesure de la performance
p.50
© B. Nicolas - Inra
© V. Bontems - ARVALIS-Institut du végétal
© S. Jezequel - ARVALIS-Institut du végétal
© J-Y. Maufras - ARVALIS-Institut du végétal
Évaluer les facteurs de la réussite
N°453 - Mars 2018 N°389 - Novembre 2012 PERSPECTIVES AGRICOLES
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LE DOSSIER
n Modélisation Des cultures aux outils d’aide à la décision, les modèles sont de plus en plus utilisés.
n Diagnostics agronomiques Savoir expliquer la réussite ou l’échec des cultures pour proposer de nouvelles solutions.
n Régulations biologiques Le biocontrôle, un regard neuf sur une approche ancienne.
MULTIPERFORMANCE
Comprendre comment les cultures s’adaptent aux stress abiotiques est essentiel pour orienter les efforts de sélection et améliorer la performance des cultures.
Rendement du blé
LE STRESS HYDRIQUE
principal facteur limitant en Europe L’environnement impacte les pertes de rendements variablement selon la réponse des différentes variétés de blé. Les essais « rendement » multiplient les environnements distincts pour identifier les facteurs ayant la plus forte influence sur les performances de la culture. Les modèles de simulation de croissance des plantes sont des outils précieux pour ce faire.
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es dernières décennies ont vu un ralentissement de la croissance du rendement du blé et, dans certains cas, sa stagnation. Cette réalité soulève des inquiétudes quant à l’amélioration de la sécurité alimentaire mondiale, car le blé représente à lui seul environ 20 % de l’apport calorique quotidien en protéines et en calories dans l’alimentation humaine mondiale. Les données sur le blé en France suggèrent que les niveaux de rendement stagnants sont associés au changement climatique. Une autre cause possible pourrait être un plus grand stress azoté, en raison du nombre réduit de légumineuses dans
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
les rotations et de la baisse des apports d’engrais. Pour déterminer l’importance respective des différents stress abiotiques (hydrique, azoté et thermique), les agronomes européens s’attachent donc à étudier, au travers d’essais dits multi-environnements, les interactions entre le génotype d’une variété de blé et son environnement de culture afin de mettre en lumière les causes des écarts mesurés entre le rendement potentiel (c’est-à-dire le rendement optimal pouvant être obtenu pour une variété de blé donnée dans un environnement donné) et le rendement observé. Comprendre les réponses des cultures aux stress abiotiques et les caractères morphologiques et
© M. Killmayer - ARVALIS-Institut du végétal
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MULTIPERFORMANCE
% des pertes de rendement totales par rapport aux rendements potentiels sont dues à la limitation de l’eau, d’après les simulations.
LE DOSSIER Sommaire
© P. Braun - ARVALIS-Institut du végétal
physiologiques adaptatifs qui leur sont associés est blé sur des unités de surface de 25 km×25 km où essentiel pour orienter les efforts de sélection et les caractéristiques environnementales (quantités améliorer la performance des cultures. Il est, par d’eau et d’azote reçues, température, nature du conséquent, indispensable de caractériser l’envisol…) sont homogènes. ronnement Les simuressenti par Les pertes de rendement en Europe sont prin- l a t i o n s la culture avaient cipalement associées au déficit hydrique mais afin d’anapour but la probabilité des scénarios de sécheresse a lyser perd’estimer la tinemment contribution diminué au cours de la période 1985-2014. » les résultats de chacun des essais multi-environnements : en plus de favodes facteurs abiotiques de stress (individuelleriser une meilleure compréhension des interacment ou associés) aux variations des différentes tions entre génotype et environnement, une telle composantes du rendement : biomasse, nombre caractérisation permet de se concentrer sur les de grains, indice de récolte... environnements d’intérêt mais aussi d’optimiser les essais qui, actuellement, représentent mal la En Europe, l’eau est le principal variabilité spatiale et temporelle des pertes de renfacteur limitant dement et des stress hydriques observés à travers L’évaluation de la performance du modèle montre l’Europe. de bons accords entre la phénologie(1) du blé et le rendement grainier simulé et observé au niveau régional. Sur la période 1984-2014, les pertes Des modèles pour caractériser de rendement en grains dépassent en moyenne l’impact des types d’environnement 111 millions de tonnes par an, soit 45 % de la proLa zone de culture du blé en Europe recouvre un duction européenne potentielle de blé. D’autre large éventail d’environnements et de systèmes de part, les rendements potentiels ont stagné au production. Or une caractérisation des scénarios cours de la période étudiée. À l’échelle de l’Europe, de stress abiotiques au niveau européen pour le blé l’analyse des variations du rendement simulées et une étude approfondie de leurs récents changements font toujours défaut. Différentes approches ont été proposées pour traiter l’échantillonnage de grandes populations d’enLes types d’environnements expliquent vironnement comme celles rencontrées en Europe. une grande partie des variations des La plupart d’entre elles sont basées sur la caraccomposantes du rendement. térisation quantitative ou qualitative des essais multi-environnements, basée sur des indices climatiques ou sur la performance de variétés de référence. Une approche différente consiste à utiliser des modèles de simulation de croissance des cultures qui tiennent explicitement compte de la variation des caractéristiques du climat et du sol ainsi que de la gestion des cultures. Leur utilisation permet des caractérisations multi-sites et à long terme, ce qui améliore l’échantillonnage des types d’environnements et la compréhension des interactions entre génotype et environnement. Dans ce but, les rendements observés dans 31 pays européens sur 30 ans (de 1984 à 2014), sur des éléments de surface de 25 km x 25 km comprenant au moins 1 000 ha de blé, ont été analysés ; les sols retenus autorisaient un enracinement du blé sur au moins 30 cm de profondeur. Ces rendements historiques ont été comparés aux réponses du blé soumis à diverses combinaisons de contraintes environnementales (eau, azote et températures en augmentation plutôt qu’échaudantes) simulées à l’aide du modèle de croissance des cultures SiriusQuality. Le modèle simule la croissance du N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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RENDEMENT DU BLÉ : les pertes liées au climat diminuent en Europe
0
250 500 km
Figure 1 : Zones en Europe où les pertes de rendement liées au climat ont diminué (carrés rouges) ou augmenté (carrés bleus). Les surfaces grises représentent les zones principales de culture du blé en Europe.
pour différents scénarios de stress montre que la sécheresse est le facteur qui contribue le plus aux variations interannuelles de rendement : la limitation de l’eau est à elle seule responsable de 59 % des pertes de rendement totales par rapport aux rendements potentiels ; l’azote et les températures élevées contribuent à des pertes beaucoup plus faibles, respectivement de 2 % et 9 %. Les régions les plus concernées par les stress hydriques sont le sud et l’est de l’Europe. L’analyse des dynamiques de perte de biomasse totale a permis d’identifier cinq types d’environnements principaux, caractérisés par l’intensité des déficits hydriques et la période du cycle du blé où ils surviennent. Les changements de fréquences de ces types d’environnements expliquent une grande partie des variations des composantes du rendement, mais ils n’expliquent pas les changements dans la phénologie : dans presque toutes les régions, les dates de floraison et de maturité des grains tendent à être plus précoces à la fin qu’au début de la période étudiée. L’avancement des stades phénologiques est essentiellement expliqué par l’augmentation des températures moyennes.
Les stress hydriques deviendraient moins probables Les probabilités de chacun des scénarios de pertes ont évolué au cours de la période 1984-2014. Les pertes simulées en rendement ont, en moyenne,
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diminué de 2 % par an, quoiqu’avec de grandes disparités régionales. Les variations spatio-temporelles des types d’environnements montrent que la probabilité d’occurrence d’environnement sans sécheresse ou avec une pénurie d’eau légère a augmenté au niveau européen dans 6 % des surfaces emblavées, alors que la probabilité de stress hydriques légers à partir du stade végétatif ou de déficits en eau sévères en fin de cycle a diminué dans 8 % des surfaces cultivées en blé. Autrement dit, les déficits hydriques tendraient globalement à diminuer en Europe (figure 1). Ces changements de probabilité de scénarios de sécheresse sont fortement corrélés aux changements de perte relative de rendement. En effet, les pertes relatives de rendement liées aux stress abiotiques ont diminué dans plusieurs régions, comme en Espagne, dans le sud de l’Italie et dans le sud-est de l’Europe. Dans ces régions, on constate une augmentation de l’indice foliaire (surface de feuilles vertes par unité de surface de sol) à la floraison, une augmentation du nombre de grains par mètre carré et de la production de biomasse. Les principales causes climatiques sont une augmentation des températures moyennes et de la concentration atmosphérique en CO2, ainsi que des précipitations, en particulier pendant la période de remplissage des grains. (1) La phénologie est l’étude de l’influence des variations climatiques saisonnières sur les animaux et les végétaux.
Pierre Martre - pierre.martre@inra.fr UMR LEPSE, INRA Montpellier Jérémy Derory - jeremy.derory@limagrain.com Limagrain Europe
L’avancement des dates de floraison et de maturité des grains est essentiellement expliqué par l’augmentation des températures moyennes entre 1984 et 2014.
© V. Bontems - ARVALIS-Institut du végétal
LE DOSSIER
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ZOOM
PILOTAGE MULTICRITÈRE
de l’azote
Un outil d’aide à la décision doit optimiser une pratique en répondant à un ou plusieurs critères décisionnels, tout en offrant à l’utilisateur la capacité de gérer le risque pris.
Une équipe belge a développé un outil d’optimisation de la fertilisation azotée en blé tendre d’hiver s’appuyant sur des critères économiques et/ou environnementaux. 15 à 35 kg d’azote pourraient ainsi être en moyenne économisés lors de l’apport au stade « dernière feuille ».
L
es conditions climatiques sont sans aucun doute la composante qui induit la plus grande incertitude sur la production de blé, en particulier lorsque l’environnement de la plante devient limitant. La fertilisation azotée est, quant à elle, la pratique agricole ayant le plus d’impact sur la croissance des cultures. Depuis 2002, le Programme de Gestion Durable de l’Azote (PGDA), transposition pour la Wallonie de la directive européenne Nitrate, définit les « bonnes pratiques agricoles » visant à réduire les nuisances environnementales tout en maintenant la productivité. L’optimisation de la fertilisation azotée reste toutefois complexe. Dans ce contexte, un outil d’aide à la décision (OAD) pour le pilotage de la fertilisation en blé tendre d’hiver a été développé, afin de répondre aux exigences de production et du PGDA. Afin d’assister le processus décisionnel, il est possible d’utiliser des modèles de culture pour quantifier la probabilité d’obtenir un certain niveau de rendement sous des conditions spécifiques de pratiques et pour un éventail de conditions pédoclimatiques. Il a récemment été démontré que des scénarios climatiques générés de façon aléatoire pouvaient être utilisés afin d’optimiser la gestion de l’azote selon des approches stratégiques (c’est-à-dire sans connaissance a priori des conditions climatiques à venir) comme tactiques (en temps réel).
Explorer l’ensemble des scénarios climatiques La solution OAD développée fait appel au modèle de culture STICS de l’Inra afin de simuler le rendement qu’on obtiendrait sous toutes les combinaisons possibles « climat futur probable » x « pratiques culturales de gestion de l’azote ». La définition de la fertilisation optimale n’a lieu qu’a posteriori de ces simulations, en analysant quelle recommandation
est la plus adaptée (sur base de règles de décisions intégrant des critères agronomiques, économiques et environnementaux) et en tenant compte du niveau de risque accepté par l’utilisateur. En Belgique, une pratique classique consiste à apporter une dose totale d’environ 180 kg N/ha, généralement répartie en trois fractions à peu près égales, de l’ordre de 60-60-60 kg/ha, aux stades « tallage » (T), « premier nœud » (1 N) et « dernière feuille » (DF). L’équipe belge a démontré qu’avant la floraison, la variabilité liée à la méconnaissance des conditions climatiques futures engendrait une incertitude trop forte sur la prédiction du rendement de fin de saison. Le blé d’hiver est en effet capable de compenser des incidents climatiques de début de saison, notamment lors de la mise en place des grains via la capacité de remobilisation des réserves de la culture. En revanche, après la floraison, le rendement est majoritairement tributaire des conditions climatiques qui contrôlent le remplissage d’un nombre définitivement fixé de grains. De ce fait, il est important de mener la culture au plus près du stade floraison dans le meilleur état sanitaire possible en évitant toute carence nutritive. Il a donc été décidé de ne jamais diminuer les fractions azotées des stades T et 1 N ; seule la fraction au stade DF est optimisée. Les résultats obtenus suggèrent que, dans 75 % du temps, cette dernière peut être diminuée : de 15 kg /ha en considérant uniquement un critère économique, ou de 35 kg/ha en prenant également en compte le critère environnemental. L’OAD offre toutefois la possibilité, les bonnes années, de procéder à des recommandations d’apports azotés plus importants.
Benjamin Dumont - benjamin.dumont@uliege.be Université de Liège (Belgique) Paloma Cabeza-Orcel - p.cabeza@perspectives-agricoles.com N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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ZOOM
INNOVER DANS LA FORMULATION
La microscopie confocale à balayage laser a été utilisée pour visualiser le positionnement des protéines et des lipides dans une pâte de gâteau.
Du fait de la complexité des phénomènes mis en jeu, fabriquer des produits céréaliers de cuisson de qualité constante est un vrai challenge. Des travaux de recherche visent à modéliser l’impact de la variabilité de la qualité des matières premières, afin d’établir à terme des recommandations, que ce soit au niveau de la production agricole ou des procédés de fabrication.
À
travers la variété des ingrédients, des étapes de fabrication et des propriétés de texture, la construction de la structure des produits céréaliers de cuisson, comme le pain et le gâteau moelleux, est une histoire complexe, largement influencée par les composants et leur transformation. Comprendre la contribution de chacun d’entre eux au résultat est indispensable pour maîtriser la qualité des produits mais également pour innover. Dans une approche nouvelle, multi-échelles (de l’ordre du millième de micromètre au centimètre), une équipe de recherche(1) a mené des travaux visant à comprendre la structuration d’un produit, à travers les propriétés fonctionnelles des ingrédients (épaississant, gélifiant, stabilisant), ainsi que les conditions dans lesquelles les propriétés sont susceptibles de s’exprimer.
Des matières premières plus hétérogènes Cette connaissance fine des processus contribue à une meilleure maîtrise du résultat et à la prise en compte des variations de la matière première entrante. En effet, il est attendu que les nouveaux itinéraires techniques, visant à limiter les intrants agricoles, augmentent la variabilité de la matière première. Celle-ci devra toutefois être transformée, tout en maîtrisant la qualité des produits industriels obtenus. Une diminution du taux de protéines dans les céréales et une évolution de la qualité des protéines sont également à prévoir avec un impact certain sur la structure des produits. Des outils simples de caractérisation des proprié-
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© B. Nicolas - Inra
des produits céréaliers
tés fonctionnelles devront être développés pour l’industrie afin qu’elle puisse évaluer très rapidement la matière première entrante et qu’elle mette en œuvre des leviers de corrections. Par exemple, par une bonne connaissance des différents effets sur les objets constitutifs de la mie de gâteau, il doit être possible de les prévoir et même de les corriger en ajustant les paramètres de procédé. Ce type de démarche a été mis en œuvre dans le cadre du projet FlexiProcess financé par l’Institut Carnot Qualiment (2015-2017). L’objectif était de maîtriser la qualité de gâteaux moelleux dans lesquels une partie de la farine de blé était remplacée par de la farine de pois, afin d’obtenir un produit de meilleure qualité nutritionnelle (profil en acide aminé plus équilibré).
Une innovation concertée Les connaissances sur la structuration aux différentes échelles ouvrent également la voie à l’innovation dans une démarche d’ingénierie « réverse », partant des propriétés recherchées. De nouveaux itinéraires technologiques moins coûteux en énergie pourraient également être explorés. Par ailleurs, l’ingénierie réverse pourrait fournir aux généticiens comme aux agriculteurs, des éléments de cahier des charges sur la matière première dont les industries de première et de deuxième transformations céréalières auraient besoin, contribuant ainsi à une collaboration encore plus poussée des différents acteurs des filières, chacun ayant les clés pour mieux comprendre les contraintes des uns et des autres. (1) UMR Ingénierie Procédés Aliments (AgroParisTech, INRA, Université Paris-Saclay), Université Mentouri de Constantine (Algérie), Mondelez International (Saclay, France), UMR Ingénierie des Agropolymères et Technologies Emergents (Inra, Montpellier).
Camille Michon - camille.michon@inra.fr INRA - UMR Ingénierie Procédés Aliments
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LE DOSSIER
Protection intégrée
QUELS LEVIERS
pour aujourd’hui et demain ?
L
a manière d’envisager la protection des cultures a radicalement changé au cours des dix dernières années. La directive européenne 2009/128/CE et, plus spécifiquement en France, le Grenelle de l’environnement suivi du plan Ecophyto ont donné une place centrale à la notion de durabilité des systèmes agricoles et au respect de l’environnement. La plante cultivée est vue désormais comme un organisme vivant dans son environnement biotique et abiotique. Les notions de régulation biologique (la non prolifération d’un bioagresseur), de gestion durable ou de microbiote (communautés microbiennes associées à la plante) s’imposent progressivement. Comparés aux écosystèmes naturels, les agrosystèmes offrent des conditions très favorables à la propagation des parasites. Dans ce contexte, le grand défi qui se pose aux scientifiques comme aux acteurs du monde agricole est de résoudre la tension entre le besoin d’une production abondante et bon marché et la nécessité de préserver notre santé et notre environnement. Tel est le but de la protection intégrée, avec comme objectif à long terme d’émanciper l’agriculture des pesticides (encadré 1).
Domaine en pleine évolution, la protection des cultures est marquée par la volonté de réduire sa dépendance aux pesticides chimiques. La lutte est aujourd’hui basée notamment sur les régulations biologiques et l’utilisation de l’immunité végétale. La plante n’est plus perçue comme un génotype optimisé pour le rendement et/ou la qualité, cultivé sur un sol qui n’est qu’un substrat et alimenté ou protégé sans limite par des intrants chimiques.
Le terme « biocontrôle », utilisé régulièrement en France depuis 2012, désigne un ensemble de méthodes de lutte contre les bioagresseurs des cultures basées sur l’utilisation de mécanismes naturels : macro-organismes, micro-organismes, médiateurs chimiques (tels que les phéromones) et substances pesticides naturelles. Il recouvre une réalité déjà très ancienne - celle de la lutte biologique, qui consiste à utiliser un organisme auxiliaire pour lutter contre un organisme ravageur. Les premiers exemples de lutte biologique datent de la fin des années 1980, avec l’introduction du diptère Cryptochaetum iceryae et du coléoptère Rodolia cardinalis pour lutter contre une cochenille des Citrus en Californie. La lutte biologique peut prendre différentes formes. La lutte par conservation favorise le maintien et le développement des populations d’auxiliaires en introduisant, par exemple, des plantes de
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Le biocontrôle : un regard neuf sur une approche ancienne
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responsable de la rouille jaune contourne le gène de résistance du blé à cette maladie.
Pour sortir du cercle vicieux « nouvelle variété résistante-sélection de ravageurs mutants-contournement de résistance », il faut repenser l’utilisation de telles variétés à l’échelle du paysage cultivé.
service. La lutte par introduction concerne en premier lieu les bioagresseurs invasifs. Elle consiste à identifier un auxiliaire, en général dans la zone d’origine du bioagresseur, puis à l’introduire dans la zone à protéger ; un bon exemple est l’introduction du parasitoïde Torymus sinensis pour lutter contre le cynips du châtaignier. Enfin la lutte par augmentation est basée sur la production industrielle de l’auxiliaire, qui est ensuite introduit en masse sur la zone à protéger dans le but d’obtenir un effet immédiat ; cette méthode est employée par exemple aux Pays-Bas, où plus de 90 % de la production de tomates, de concombres et de poivrons se fait en protection intégrée.
Intégrer les régulations biologiques dans les systèmes de culture L’utilisation des processus et fonctions biologiques pour contrôler les ennemis des cultures recouvre un vaste champ de possibilités, de natures très différentes. Outre les différentes luttes biologiques, l’écologie chimique exploite l’utilisation des communications entre organismes, notamment via les composés organiques volatils, à des fins de confusion sexuelle ou de piégeage. Par ailleurs, il existe des
Pesticides : une action trop précieuse pour être gaspillée Les populations de bioagresseurs sont en général constituées d’un très grand nombre d’individus au cycle de reproduction court. Ces deux caractéristiques favorisent une adaptation très rapide face à une pression de sélection, surtout si celle-ci est orientée vers une cible spécifique telle qu’une molécule particulière. Ainsi, l’agent de la septoriose du blé a développé une résistance aux benzimidazoles dès les années 1980, puis aux strobilurines à partir de 2002, et les triazoles et dérivés voient leur efficacité s’éroder peu à peu. Enfin, on assiste, en Europe, à l’émergence de souches résistantes à la dernière famille d’anti-septoriose (SDHI) mise sur le marché dans les années 2010. La préservation de l’efficacité des molécules pesticides disponibles devient donc un enjeu majeur. Les matières actives phytosanitaires sont peu à peu perçues par le monde agricole comme un bien commun à préserver.
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ans ont suffi pour que le champignon
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insecticides biologiques comme la carpovirusine (un virus du carpocapse de la pomme) ou le champignon Lecanicillium lecanii, actif contre les aleurodes. Enfin on peut généraliser l’idée d’une régulation biologique permanente à l’échelle des paysages cultivés en utilisant les principes de l’écologie des communautés et de la lutte biologique par conservation. Certaines de ces voies se sont déjà avérées très efficaces dans des contextes donnés. La plupart, toutefois, représentent un potentiel à exploiter, au prix d’efforts en recherche et développement qui restent à la fois à organiser, à soutenir et à réaliser. Ainsi les organismes de biocontrôle sont potentiellement nombreux mais leur utilisation en grandes cultures pose des problèmes de production, de conditionnement et d’application qui restent largement ouverts. La sélection des souches ou lignées les plus efficaces, à peine abordée, pourrait significativement accroître le potentiel du biocontrôle.
Le potentiel de l’immunité végétale est encore sous-exploité La diversité génétique favorise la résistance aux maladies : un parasite se transmet très facilement, et cause donc des épidémies importantes et rapides, lorsqu’il s’attaque à une population hôte dont tous les individus sont génétiquement proches, voire identiques - ce qui est souvent le cas dans une parcelle de blé (encadré 2) ! L’immunité végétale repose sur différents mécanismes, le plus exploité en agriculture étant la résistance dite « spécifique », basée sur un mécanisme de reconnaissance conduisant à une résistance complète de la plante. Déterminé généralement par un seul gène, ce type de résistance est le plus simple à exploiter en sélection. Elle confère une immunité totale, mais les populations parasites s’y adaptent très facilement lorsque la variété est cultivée sur une surface importante. Le gène Yr17 de résistance à la rouille jaune du blé a ainsi été contourné par le parasite deux ans seulement après avoir été introduit dans une variété dont le fond génétique était très sensible.
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LE DOSSIER
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La diversité génétique du blé cultivé est faible En 2011 en France, les surfaces en blé tendre étaient couvertes à 50 % par onze variétés, alors qu’il existait alors 394 variétés disponibles. La grande majorité des autres variétés est utilisée localement ou à une fréquence très faible. Cela étant, même si le nombre de variétés disponibles a augmenté fortement au cours des années passées, le niveau de diversité génétique global est resté constant en raison de la base génétique relativement étroite sur laquelle fonctionne la sélection. Deux voies majeures sont explorées pour sortir de ce cycle vicieux. La première est de construire des résistances plus durables, par exemple en associant plusieurs gènes de résistance, mais surtout en combinant résistance qualitative et quantitative ; cette voie constitue actuellement un front de recherche en amélioration des plantes. La seconde voie est de raisonner sur la manière dont on doit utiliser une variété résistante à l’échelle d’un paysage cultivé pour maintenir sa résistance durablement efficace.
Penser globalement La transition vers le biocontrôle ne sera pas un simple remplacement d’une technologie par une autre. Elle nécessite de considérer le système de production dans son ensemble, les systèmes de culture utilisant actuellement de nombreuses méthodes partiellement ou totalement incompatibles avec le biocontrôle. On ne peut pas, par exemple, utiliser conjointement un auxiliaire pour contrôler un ravageur et un pesticide chimique pour en contrôler un autre ; un dialogue doit donc s’établir entre spécialistes du biocontrôle et agronomes pour reconcevoir les systèmes de culture. De même, la réglementation devra d’adapter au
Les producteurs de légumes sous serre associent déjà l’utilisation d’auxiliaires, d’antagonistes, de pollinisateurs et de plantes résistantes à la régulation climatique.
développement de solutions biologiques, que ce soit en termes d’homologation ou de transfert de matériel entre pays. Plutôt que raisonner sur la base d’une culture ou d’un bioagresseur particulier, il serait profitable d’intégrer l’ensemble des processus écologiques bénéfiques à un système agricole, quelle que soit leur échelle (du paysage à la plante). Il s’agirait d’associer à l’utilisation de variétés résistantes des aménagements paysagers favorisant la présence d’auxiliaires, des plantes de service, des pièges à phéromones et des insecticides naturels. La production agricole bénéficierait alors d’un ensemble de services écosystémiques associés aux régulations naturelles, en plus d’actions de biocontrôle spécifiques. C’est ce qu’ont déjà réalisé les producteurs de légumes sous serre ; aujourd’hui, l’enjeu est de passer en culture ouverte et à grande échelle. C’est un défi redoutable mais stimulant.
Christian Lannou - christian.lannou@inra.fr INRA - Jouy-en-Josas Paloma Cabeza-Orcel - p.cabeza@perspectives-agricoles.com
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LE DOSSIER
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Semis direct sous couvert végétal
ÉVALUER
Un nouveau mode de collaboration a constitué une innovation indispensable pour étudier le système des semis direct sous couvert (SCV) dans son intégralité, « in situ », avec le savoir-faire des agriculteurs.
Une nouvelle manière d’expérimenter, avec des agriculteurs co-acteurs de la recherche, a abouti à l’identification des facteurs clés pour réussir le semis direct sous couvert. Les performances technico-économiques et environnementales de ce système ont également été analysées.
G
râce au déploiement, à plusieurs classique, cette pratique reste à ce jour dépenéchelles de travail, de méthododante de l’utilisation du glyphosate. Aider les agrilogies innovantes associant larculteurs à relever ces défis techniques nécessite gement d’évaluer la multiperforles agriLes cultures ne poussent pas mance de ces systèmes culteurs (1) , la compréet de préciser les leviers différemment en SCV, c’est le agronomiques bénéhension des systèmes fiques, dans l’optique en semis direct sous milieu dans lequel elles sont de les rendre davancouvert végétal (SCV) a produites qui est différent. » tage accessibles au fortement progressé ces plus grand nombre. Pour y parvenir, Arvalis et des dernières années. agriculteurs experts en SCV ont travaillé ensemble Les multiples avantages du SCV (matière orgadepuis quatre ans. nique, portance, consommation de gasoil…) ne deviennent réels et durables que lorsque le système est maîtrisé, c’est-à-dire qu’il produit autant L’équilibre culture-couvert ou davantage qu’en système classique, en dégaLa mise en place du protocole « Diagchamp » geant un revenu pour l’agriculteur identique, voire (encadré) a débouché sur une grille de lecture supérieur. En outre, même si les quantités de proefficace pour expliquer la réussite ou l’échec duits phytopharmaceutiques employées ne sont des cultures diagnostiquées (céréales à paille et pas forcément supérieures aux usages en système maïs) dans un système SCV. Cette étude a levé
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© S. Jezequel - ARVALIS-Institut du végétal
les facteurs de la réussite
SeedEye SeedEye SeedEye
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une ambigüité qui était source d’incompréhension entre agriculteurs et techniciens : les cultures ne « poussent » pas différemment en SCV, c’est le milieu dans lequel elles sont produites qui est différent. Ainsi, quelles que soient les conditions, le rendement d’une céréale reste très corrélé au nombre de grains/m² mesuré, lui-même bien corrélé au statut azoté de la plante à floraison à travers l’indice de nutrition azotée ou INN (figure 1). Toutefois, l’analyse Diagchamp a révélé la présence d’autres facteurs limitants dans les parcelles. Si le point est nettement en dessous de la courbe violette (figure 1), c’est qu’un ou plusieurs autres facteurs limitants que la nutrition azotée ont dégradé le rendement. Par ailleurs, les trois points situés au-dessus de la courbe violette (dont un seul assez nettement) ont des résultats meilleurs que ne le laissait prévoir le diagnostic de nutrition azotée à floraison. Soit le potentiel de rendement a été sous-estimé (mais il a été vérifié que ce n’était pas le cas), soit des facteurs et/ou des conditions favorables ont abouti à un déplafonnement du rendement. L’hypothèse à confirmer est qu’un levier agronomique bénéfique a été activé dans la parcelle, avec par ailleurs une bonne maîtrise des autres facteurs limitants (parasitaires…). Cette « courbe-enveloppe » (par abus de langage) de diagnostic, constituée sur un groupe de parcelles dans un pédoclimat homogène, représente donc un outil pour identifier des pratiques favorables au système de culture.
Des facteurs hiérarchisés Par leur « poids » (perte de rendement par rapport au potentiel attendu) et par leur fréquence dans les parcelles observées, les facteurs limitants ont pu être hiérarchisés grâce à la méthode
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Le SeedEye est une innovation Väderstad permet de maîtriser l’ensemencement Le Le SeedEye SeedEye estest uneune innovation innovation Väderstad Väderstad quiqui e 2 . semant le l’ensemencement nombre exact de graine/m permet permet de de maîtriser maîtriser l’ensemencement en en 2 2 Des le capteurs comptent chaque graine . . qui p semant semant nombre le nombre exact exact de de graine/m graine/m et grâce au système E-Control sur iPad, vo DesDes capteurs capteurs comptent comptent chaque chaque graine graine quiqui passe passe contrôlez le semis avecsur une extrême précis et grâce et grâce au au système système E-Control E-Control sur iPad, iPad, vous vous Plus besoin de calibrage, vous entrez contrôlez contrôlez le semis le semis avec avec uneune extrême extrême précision. précision. simplement la densité de entrez graines Plus Plus besoin besoin de de calibrage, calibrage, vous vous entrezsouhaité simplement simplement la densité la densité de de graines graines souhaitée. souhaitée.
Une méthode innovante Avec et chez des agriculteurs(1) qui pratiquent le semis direct sous couvert végétal, l’étude a reposé sur la modélisation et sur des mesures au champ. La méthode d’acquisition de références en grande parcelle Diagchamp quantifie les résultats culturaux (écart au potentiel) afin de les expliquer par l’identification des facteurs limitants, en donnant des clés d’extrapolation (milieu, années climatique…). L’analyse a été couplée à l’évaluation pluricritères du logiciel Systerre, à l’échelle de l’exploitation, et aux essais factoriels plus classiques en expérimentation. La qualité du diagnostic est également assurée par une validation collégiale entre l’expérimentateur, le ou les référent(s) Arvalis et l’agriculteur.
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Sommaire
MULTIPERFORMANCE
© S. Jezequel - ARVALIS-Institut du végétal
LE DOSSIER
Les résultats technico-économiques sont, à ce jour, très dépendants des situations individuelles.
Diagchamp (figure 2). Par exemple, la fusariose de la base des tiges est assez fréquemment un facteur limitant mais peu spécifique du SCV. À l’inverse, les dégâts de campagnols ou la concurrence du couvert vivant sont très inféodés au système SCV. Parmi les enseignements retirés, il apparaît que les couverts ne seront bénéfiques à une culture de blé que s’ils sont bien développés lors du semis de la culture. Ils doivent donc être semés nettement avant le semis de blé (dès la récolte du précédent dans le cas d’espèces annuelles vigoureuses ou dans le précédent pour des espèces pérennes plus longues à s’installer). À partir de la montaison, la régulation du couvert est primordiale pour limiter sa compétition avec le blé. À la reprise de végétation en sortie d’hiver, la culture doit prendre le dessus et le couvert ne doit pas dépasser 1 t de MS / ha à la floraison de la céréale. Bien que difficile à réussir, le système avec couvert vivant de légumineuse (semi) permanent semble être celui qui
NUTRITION AZOTÉE : un facteur essentiel à l’équilibre culture-couvert 140%
Rendement en % du potentiel attendu en conventionnel
120% 100% 80%
15
60% 40% 20% 0%
0
0,2
38 28 17 35 27 18 27 11 29 20 2023 0,4
Conventionnel couvert mort Conventionnel couvert vivant
44 65 32 84 108 47 64 53 79 83 39 31 38 34 36 78 56 19 37 30 50 32
0,6 0,8 INN Floraison BIO couvert mort BIO couvert vivant
86 74 29
1
5595
23
1,2
1,4
Essai SCV 2015 blé tendre Essai SCV 2015 blé dur Essai SCV 2016 blé dur
Figure 1 : Atteinte du potentiel pédoclimatique de l’année en fonction de l’indice de nutrition azotée (INN Floraison) en blé dur. Réseau SCV Sud-Est 2015 et 2016 (Arvalis, D Bremond, CA04, Agribio04), 40 parcelles.
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
apporte le potentiel de gain agronomique et économique le plus élevé en cultures d’hiver (voir article p. 30 de ce numéro). La réussite de la technique reste en revanche beaucoup plus hasardeuse en culture d’été. Grâce à la collaboration des agriculteurs, depuis 2012 plus d’une trentaine de situations (parcelles et caractéristiques d’exploitations : parc matériel, éléments économiques…) en SCV ont été évaluées avec le logiciel Systerre. En comparaison avec les pratiques historiques des agriculteurs, certains indicateurs sont clairement impactés par le changement de « système ». Il s’agit en particulier, bien évidemment, d’indicateurs de mécanisation : baisse de la consommation de gasoil (-50 à -70 %), de la puissance de traction nécessaire, du temps passé sur le tracteur. Pour le reste, les résultats sont très dépendants des situations individuelles. Les aléas de la production étant souvent plus difficiles à maîtriser en SCV (couvert de trèfle blanc ayant concurrencé un maïs par exemple), la marge nette peut néanmoins vite redevenir moins bonne qu’en système traditionnel en cas d’échecs culturaux. Les indicateurs environnementaux calculés montrent peu d’écart avec le système traditionnel. Dans le réseau d’exploitations suivi, l’efficience des intrants est meilleure en ce qui concerne le gasoil mais pas pour les autres paramètres (azote, phytosanitaires), avec parfois un recours plus élevé aux phytosanitaires (IFT herbicides). Toutefois, les performances sont largement améliorées si elles sont exprimées par tonne de biomasse produite par an (et non par tonne de produit récolté) en intégrant les couverts. En outre, un biais méthodologique peut exister lorsqu’il s’agit d’évaluer un système parfois encore en construction alors que le système de référence (avec travail du sol) a, lui, atteint son rythme de croisière.
RETROUVEZ-NOUS SUR
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www.amazone.fr
FACTEURS LIMITANTS : la gestion des couverts, leur régulation et la nutrition azotée des cultures Importance (fréquence x intensité) Déficit de nutrition azotée Concurrence des mauvaises herbes Concurrence du couvert (vivant)
Fusariose base des tiges Viroses (JNO)
Faible
Perte de densité à cause des campagnols
Inféodation au SCV
Figure 2 : Classement des facteurs limitants influençant la réussite du semis direct sous couvert végétal (rendements comparés à un système classique dans un même pédoclimat). Méthode Diagchamp - Arvalis.
Mieux maîtriser les couverts semi-permanents La piste des couverts vivants semble prometteuse sur le plan agronomique, y compris pour trouver des leviers réduisant la dépendance au glyphosate. Cela nécessite une production de références, notamment sur le choix des couverts (espèces mais aussi variétés) et sur leur régulation dans les cultures (herbicides et moyens alternatifs associés comme le gel ou le roulage). La valorisation de ces références passe forcément par une appropriation régionale (pédoclimats, cultures de vente et débouchés, structures d’exploitation…). Les réelles avancées seront certainement le fait de projets régionaux associant partenaires territoriaux économiques et de développement, instituts de recherche et groupes d’agriculteurs. La compréhension des mécanismes, grâce aux outils de diagnostic, et l’évaluation multicritère des performances contribueront à l’amélioration des systèmes de SCV et à leur accessibilité au plus grand nombre : méthode de conception, propositions de pratiques et mise au point d’outils de pilotage spécifiques prenant en compte les aléas de l’année. (1) Avec la collaboration des agriculteurs du réseau SCV Arvalis (soutenu par la Région PACA et le Conseil Départemental 04), du projet PERMAC (soutenu par la région Pays de la Loire) conduit par Arvalis avec la coopérative Terrena, du CASDAR Agroécologie SCV 04 avec la Chambre d’Agriculture 04 et Agribio 04 : MM. Abadie, Appert, Benoît, Beranger, Boissinot, Bouvier, Bouvin, Brémond, Chambe, Charpentier, Charpin, Déon, Destouches, Epoudry, Gaborieau, Giraud, Guillot, Jacob, Joly, Joubert, Lemey, Leroux, Lhermey, Masucco, Paul, Pellestor, Quillet, Richaud, Roy, Rudelle, Sauvat, Thieblemont Vernet, Vincent.
Avec sa nouvelle gamme de semoirs mécaniques à entrainement électrique, Amazone innove. Indiscutablement cette nouvelle génération de semoirs hybrides crée un nouveau standard en matière de confort d’utilisation et de réglage avec encore plus de précision et de polyvalence. • ElectricDrive : entraînement direct, précis, modulation automatique du débit • Précis : nouvelle distribution pour tous types de semences • SmartCenter : tableau de bord directement sur le semoir pour un vrai confort
• Mise en terre au choix : simple disque RoTeC Control ou nouveau double disque TwinTeC+
Stéphane Jézéquel - s.jezequel@arvalis.fr Anne-Monique Bodilis, Jérôme Labreuche ARVALIS - Institut du végétal
LA CULTURE DE L’INNOVATION
LE DOSSIER
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MULTIPERFORMANCE
Efficacité économique
DES OUTILS DE MESURE
La baisse de compétitivité des exploitations de grandes cultures observée ces dernières années accélère la recherche de leviers technico-économiques.
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de la performance
Appréhender la complexité croissante des facteurs de production est une nécessité dans le contexte actuel. Un défi non seulement pour les chefs d’exploitation, mais aussi pour les conseillers et les chercheurs qui travaillent à l’élaboration d’outils d’aide à la décision. De nouvelles approches visent à améliorer les outils existants.
D En savoir plus Retrouvez sur http://arvalis. info/18e des exemples d’indicateurs mesurant la performance économique, environnementale et sociale.
ifférentes stratégies d’adaptation s’offrent aux exploitations de grandes cultures : augmentation des rendements, raisonnement des intrants, évolution des assolements, augmentation des surfaces travaillées ou encore évolution du matériel et de l’organisation du travail. Le service économique d’Arvalis s’est ainsi penché sur l’évaluation de ces stratégies, selon une approche originale : une mesure de la triple performance (économique, environnementale et sociale) et une qualification des leviers à travers une approche d’économies d’échelle(1) ou de gamme(2). La production de l’exploitation est mesurée en production d’énergie (encadré).
Une mesure de la compétitivité à l’échelle de l’exploitation La première étape a consisté à modéliser un système de production de céréales et
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
d’oléo-protéagineux du nord-est du Bassin parisien, avec la collaboration de la coopérative Acolyance (3). Une exploitation-type a été créée en conjuguant expertise et données observées. Les variables d’entrée, intégrées dans le logiciel Systerre, sont techniques (structure, types de sol, assolement et rotations, parc matériel, maind’œuvre, itinéraires techniques) et économiques (prix des matières premières, des intrants et du matériel). Des indicateurs clés de la triple performance des exploitations agricoles ont ensuite été calculés (voir En savoir plus). Le levier « assolement » a été évalué par un modèle d’optimisation linéaire avec la recherche de l’assolement maximisant la marge seminette d’exploitation (rendement x prix de vente + aides - charges d’intrants, de mécanisation et de main-d’œuvre y compris familiale). Le modèle a été intégré dans le logiciel Atouprix développé par Arvalis, travaillant à partir d’un éventail de
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Pour une exploitation de grandes cultures, le « bien » est un produit récolté (grain, tubercule, paille, etc.) à partir d’une culture donnée. Les différents leviers de la multiperformance, quant à eux, concernent toutes les cultures de l’exploitation. Comme la nature des produits diffère selon la culture, un coût de production avec une unité de production commune a été construit : un coût en euros par mégajoule d’énergie produite sur l’exploitation (€/MJ). Chaque hectare de culture produit ainsi une quantité d’énergie exprimée en MJ. cultures possibles (Nicoletti, 2005). L’évaluation de ce levier « assolement » comprend des scénarios de prix croisés avec différentes combinaisons de cultures possibles. Le levier « mécanisation et organisation du travail » sur la ferme-type été évalué en quantifiant la surface qu’il est possible de travailler par différentes combinaisons de parc matériel et d’organisation du travail, sans dépasser un niveau de risque défini par rapport aux contraintes pédoclimatiques et un temps de travail maximal de la main-d’œuvre. Il s’agissait ainsi d’étudier la situation initiale de la ferme-type et un regroupement des moyens de production de trois fermes-types, en adaptant les facteurs de production (matériel et organisation). Le modèle SIMEQ, créé par Arvalis, simule le fonctionnement d’une exploitation au jour le jour. La confrontation du nombre de jours disponibles, de la main-d’œuvre, du matériel et du débit de chantier associé détermine la faisabilité des différentes opérations culturales. Une note de risque est calculée pour chaque opération en fonction de la proportion de la surface qui a été traitée en dehors de la période optimale (étude sur vingt années climatiques différentes). Chacune des combinaisons proposées est rentrée dans le modèle qui va ensuite chercher la surface maximale qu’il sera possible de travailler en restant dans le niveau de risque climatique préalablement défini. La dernière phase comprend une combinaison des deux leviers « assolement » et « mécanisation et organisation du travail ». Elle compare les résultats obtenus par la situation initiale (assolement et parc matériel) et ceux issus de l’assolement dit optimal.
LE DOSSIER
et/ou de la mécanisation et organisation du travail. Cette démarche nécessite de caractériser le milieu, par exemple les cultures possibles, les jours agronomiquement disponibles, de décrire le contexte de marché, notamment la variabilité des prix, de dresser un arbre de scénarios en activant progressivement les leviers pour les hiérarchiser, de modéliser l’exploitation agricole et d’analyser la multiperformance à travers des indicateurs pertinents. Pour aider à la décision, cette démarche doit s’accompagner d’une définition a priori des objectifs de la ou des parties prenantes. Selon les objectifs de performance recherchés, et les possibilités de mise en œuvre, notamment d’accès aux facteurs de production, les solutions à adopter seront différentes. (1) Une économie d’échelle correspond à la baisse du coût unitaire d’un produit qu’obtient une entreprise en accroissant la quantité de sa production. (2) Une économie de gamme correspond à la baisse du coût de production d’un produit qu’obtient une entreprise en élargissant sa gamme de produits, tout en conservant la même technique de production. (3) Ce travail a repris une partie des résultats d’un programme de recherche, « le programme 150 » de la coopérative Acolyance visant à regagner l’équivalent de 150 €/ha de marge pour les adhérents.
Benoît Moureaux - b.moureaux@perspectives-agricoles.com D’après les travaux de Valérie Leveau, Yannick Carel et Baptiste Dubois présentés lors du colloque Phloème (www.phloeme.com)
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Des performances en mégajoules d’énergie produite
MULTIPERFORMANCE
Dans l’exemple étudié, l’analyse du levier « assolement » vise la meilleure marge espérée sur les différents scénarios de prix (aléa prix des productions).
Une analyse liée aux objectifs fixés La démarche développée dans cette étude permet d’évaluer les gains de performances sur une exploitation de grandes cultures liés aux leviers reposant sur une modification des assolements N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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LE DOSSIER
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MULTIPERFORMANCE
ZOOM
L’AGRICULTURE MULTIFONCTIONNELLE
Les pouvoirs publics ont progressivement donné de nouvelles missions à l’agriculture en matière environnementale et sociétale. Sous l’effet de la réglementation, mais aussi d’initiatives collectives et individuelles, des progrès ont été accomplis dans la multiperformance des systèmes de grande culture. À travers son expérience de terrain de l’agriculture champenoise, Dominique Dutartre, ancien directeur général adjoint du groupe Vivescia, illustre ces évolutions et évoque le chemin qui reste à parcourir. Perspectives Agricoles : Quelle réalité recouvre la notion de multifonctionnalité ? Dominique Dutartre : Ce concept a vu le jour dans les années 1990 pour justifier, tant au niveau national, européen que mondial, le bien-fondé des aides à l’agriculture. En complément de son rôle de production de ressources alimentaires et non alimentaires, l’agriculture s’est vue assigner la tâche d’apporter des services non marchands. Ainsi, étape par étape, la multifonctionnalité de l’agriculture s’est affirmée. Le sociologue Bertrand Hervieu la définissait en 2002 comme « la capacité des systèmes agricoles à contribuer simultanément à la production agricole et à la création de valeur ajoutée mais aussi à la protection des ressources naturelles, des paysages et de la diversité biologique, ainsi qu’à l’équilibre des territoires et à l’emploi ». P. A. : Les instruments de politique publique ont-ils contribué à la multiperformance des exploitations ? D. D. : Les contrats territoriaux d’exploitation (CTE), puis les contrats d’agriculture durable
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
© E. Vanden
est-elle pour autant multiperformante ?
Dominique Dutartre : « Il sera nécessaire d’associer les compétences des sciences humaines pour améliorer l’acceptation du changement ».
(CAD), ont tenté d’établir de nouvelles relations contractualisées entre l’agriculture et la société. Ces instruments publics optionnels n’ont eu qu’un effet très limité sur la prise de conscience de la multifonctionnalité et ont très peu contribué à développer la multiperformance. Il n’en va pas de même avec les éléments réglementaires que sont la loi sur l’eau et la Directive nitrate. Ils ont profondément modifié la gestion de la fertilisation azotée et ont directement contribué à la protection des ressources en eau. Les outils d’aide à la décision, mis en place dans ce cadre, à l’échelle de la parcelle, de l’exploitation, ou du bassin versant, sont des leviers très pertinents favorisant les changements de pratiques. P. A. : Les filières agricoles, et les producteurs, ont-ils également accompagné ce mouvement ? D. D. : Les années 1990 à 2000 ont vu le développement d’initiatives visant à faire progresser les bonnes pratiques et la qualification ou la certification. Ce fut le cas des chartes de production IRTAC-ITCF donnant une garantie de traçabilité aux utilisateurs.
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MISEZ SUR UN BON DÉPART
Les chartes offrent une transparence des modes de production qui favorisent la qualité et le respect de l’environnement. Pour avoir été parmi les premiers organismes stockeurs à entrer dans cette démarche, j’atteste qu’elle aura contribué à faire mieux accepter par les agriculteurs la nécessité de recourir à un tiers pour faire reconnaître le respect des bonnes pratiques. Elle aura, d’autre part, amené les producteurs à passer du mode oral au mode écrit. En janvier 2016, une norme AFNOR a pris le relais de ces chartes de production.
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P. A. : Qu’en est-il de l’agriculture raisonnée et de l’agriculture de conservation ? D. D. : L’agriculture raisonnée promue par FARRE, a été réglementée par les pouvoirs publics à travers une certification de 2002 à 2013. Le référentiel portait essentiellement sur le respect de l’environnement, la maîtrise des risques sanitaires et la santé et la sécurité au travail. Champagne Céréales, avec les Chambres d’Agriculture de huit départements de l’est de la France, a accompagné 3 000 agriculteurs jusqu’à la certification. Les autodiagnostics ont révélé que plus de 70 % des exploitations certifiées « Agriculture Raisonnée » étaient tout à
+ ÉNERGIE + PROTECTION
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Trika Expert+. n° AMM : 2150964. Composition : 0,4% de lambda-cyhalothrine, 7,7% d’azote, 37,1% de phosphore, 8,4% de carbones des acides humiques, 0,9% de carbones des acides fulviques. Classement : Attention. GHS09, H410. Avant toute utilisation, assurez-vous que celle-ci est indispensable. Privilégiez chaque fois que possible les méthodes alternatives et les produits présentant le risque le plus faible pour la santé humaine et animale et pour l’environnement, conformément aux principes de la protection intégrée.
En complément de son rôle de production, l’agriculture s’est vue assigner la tâche d’apporter des services non marchands.
PRODUIT POUR LES PROFESSIONNELS : UTILISEZ LES PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES AVEC PRÉCAUTION. AVANT TOUTE UTILISATION, LISEZ L’ÉTIQUETTE ET LES INFORMATIONS CONCERNANT LE PRODUIT.
LE DOSSIER
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DES CONTRATS
pour gérer les risques fait capables d’obtenir la certification environnementale de niveau 2. Néanmoins, le coût de la certification et l’absence d’avantage économique en filières longues n’ont pas incité les producteurs à s’engager massivement dans cette voie. À partir de 2015, une démarche « agriculture durable » a complété le dispositif. En parallèle, certains agriculteurs ont opté pour des systèmes de production en totale rupture avec les pratiques habituelles et se sont tournés vers l’agriculture de conservation. Sans être la panacée, les performances de cette agriculture qui font consensus sont nombreuses, en particulier vis-à-vis de la réduction de la consommation d’énergie fossile et du temps de travail, d’une meilleure disponibilité en azote pour les cultures ou encore de la lutte contre l’érosion. Pour tenter de faire connaître et de valoriser une initiative d’accompagnement de producteurs utilisant cette méthode de travail, Nouricia puis Vivescia ont développé une démarche spécifique aboutissant à la création de la marque « Respect’in ». Il s’avère qu’elle est difficilement valorisable auprès des consommateurs. Toutefois, d’autres grands groupes de l’agroalimentaire ont également initié de telles démarches. P. A. : La multiperformance a-t-elle de l’avenir selon vous ? D. D. : L’agriculture est engagée dans une mutation sans précédent pour mieux répondre aux attentes environnementales et sociétales, tout en sauvegardant sa rentabilité. Elle doit changer de paradigme et tirer meilleur parti des fonctions biologiques des écosystèmes afin de réduire sa dépendance aux intrants chimiques. Cette démarche est véritablement engagée et les avancées sont réelles ; mais elle sera longue et complexe, d’autant plus que les jeux des contraintes réglementaires, économiques, climatiques et sociétales ne sont pas stabilisés. Il sera nécessaire d’associer les compétences des sciences humaines pour améliorer les conditions des transferts et l’acceptation du changement. Il sera tout aussi nécessaire que les pouvoirs publics précisent les objectifs assignés à l’agriculture et les délais pour les atteindre. Sans cette perspective, devant la fragilité des revenus, il est à craindre que la dynamique de la multiperformance ne cède la place à l’inertie ou, pire encore, à l’opposition par incompréhension.
Propos retranscrits par Benoît Moureaux à l’issue du colloque Phloème (www.phloeme.com) b.moureaux@perspectives-agricoles.com
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
Différentes études montrent que les choix de stratégie de production et de commercialisation des agriculteurs sont liés, entre autres, à leur perception des risques. Une enquête réalisée auprès de céréaliers du Sud-Ouest s’est penchée sur les stratégies d’utilisation des contrats de commercialisation.
D
ans un contexte d’accroissement des risques de rendement, de marché et de qualité, conjugué à la perspective de devoir réduire les intrants de synthèse, se pose la question de la stratégie de gestion à privilégier pour gérer ces risques. On distingue ainsi les outils propres à l’exploitation, comme la diversification, et les outils d’externalisation du risque. La diversification de cultures, d’ateliers ou d’activités commerciales vise à élargir les sources de bénéfices pouvant compenser des pertes éventuelles. L’exploitation peut aussi se constituer une épargne propre pour faire face, dans le temps, aux fluctuations de revenu. Les outils d’externalisation consistent à se procurer une couverture financière auprès d’un tiers (assurance, marchés financiers). Parmi ces outils, les contrats de commercialisation sont l’un des moyens par lesquels les agriculteurs se protègent contre les risques de marché, de qualité et de production. Une enquête(1) a été menée auprès de cent céréaliculteurs du sud-ouest de la France, spécialisés
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en blé dur pour plus de la moitié de leur récolte, afin d’étudier les choix de commercialisation et d’identifier le rôle du risque dans les décisions. Les personnes interrogées ont été choisies au hasard parmi une liste fournie par la coopérative Arterris.
Des stratégies généralement prudentes Trois principales méthodes de commercialisation sont utilisées : les contrats à prix moyen, les contrats à terme (ou forward), signés avant la récolte, et les transactions au prix spot, réalisées après la récolte. Parmi les agriculteurs interrogés dans l’enquête, 56 utilisent une stratégie à prix moyen dominant, 28 une stratégie en marché spot dominant, et 16 une stratégie « diversifiée » qui est une combinaison des méthodes forward et spot. Les résultats de l’analyse ne montrent aucun effet significatif des variables du capital humain comme l’âge ou l’expérience. Cependant, un niveau d’éducation post-baccalauréat augmente la probabilité d’adopter une stratégie de gestion de risque plus prudente, mêlant l’adoption d’un contrat à terme à un prix fixé, pour une part des ventes, et le recours au marché spot pour une autre part. 01-18BOGB-Pub-MLineV2-210x150-FAB.pdf 1 11/01/2018 15:56
MULTIPERFORMANCE
Les perceptions du risque sont approchées à travers des distributions de probabilité subjectives résumées par deux indicateurs : le niveau moyen espéré, et le coefficient de variation des prix et des rendements. Les résultats montrent que l’anticipation d’un rendement élevé augmente la probabilité d’opter pour des stratégies de commercialisation risquées (spot). D’un autre côté, la perception d’une plus grande variabilité des prix accroît la probabilité d’adopter une stratégie de commercialisation « diversifiée ». Par ailleurs, il apparaît, à la marge, que le niveau de diversification des cultures est négativement corrélé à l’utilisation de contrats forward. Pour aller plus loin, il faudrait également considérer l’effet des variables financières telles que le chiffre d’affaires et le taux d’endettement, non obtenues lors de l’enquête. (1) Travail réalisé dans le cadre du programme ANR Dur-Dur (Agence nationale de la recherche), avec le soutien de l’Agence de l’Eau Adour Garonne, d’Arvalis, de l’ADEME, d’Arterris Innovation, de Terres du Sud et d’Ovalie Innovation.
Aude Ridier - aude.ridier@agrocampus-ouest.fr AGROCAMPUS-OUEST Étude réalisée en collaboration avec Caroline Roussy de l’ADEME, Marie Boyet d’Agrocampus Ouest-Inra (Rennes) et Karim Chaib de l’EI PURPAN (Toulouse).
LE DOSSIER
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AU CHAMP
Phénotypage
UN RÉSEAU
à l’échelle européenne Les pratiques agricoles durables et le changement climatique à venir sont susceptibles d’accroître les stress subis par les cultures. Pour repérer les espèces ou variétés capables de résistance ou de tolérance à ces stress, une communauté de chercheurs européens spécialistes du phénotypage, en lien avec des industriels, souhaite exploiter les immenses ressources génétiques européennes
P
our répondre à la demande en ressources alimentaires et non alimentaires entre 2010 et 2050, le monde agricole devra produire une biomasse équivalente à l’ensemble de la production humaine depuis le début de l’agriculture. L’analyse des progrès réalisés ces dernières années montre toutefois que l’augmentation annuelle du rendement des principales cultures se stabilise. Des avancées techniques ou biologiques sont donc nécessaires, notamment pour accélérer l’amélioration variétale. C’est d’autant plus urgent que les futures variétés devront faire face à un climat changeant ainsi qu’à des stress abiotiques (excès ou manque d’eau, d’azote…) et biotiques (ravageurs, maladies…) plus importants. Elles devront de plus répondre à des
Pour relever le défi que représente le criblage des banques génétiques européennes, un réseau d’infrastructures de phénotypage et d’échanges de connaissances a été mis en place. »
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LES INNOVATIONS
LES INNOVATIONS
En savoir plus Retrouvez plus d’informations sur les projets européens COST et EMPHASIS sur http://www.cost.eu/ et https ://emphasis.plantphenotyping.eu/. La réunion finale de l’action COST-Phenomen-ALL se tiendra les 20 et 21 mars 2018 à Louvain (Belgique) ; informations sur www. phenomen-all.eu. Les outils de phénotypage contribuent à mieux cribler la diversité génétique des plantes qu’exploitent à leur tour les sélectionneurs.
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
pratiques agricoles plus durables. Relever le défi de l’alimentation nécessite donc de sélectionner des plantes mieux adaptées aux nouveaux besoins, ainsi que la mise au point de nouvelles pratiques innovantes. Or la sélection du matériel d’amélioration génétique nécessite plusieurs années de travail sur le terrain. Au cours de ce processus, les plantes sont cultivées autant que possible dans des conditions environnementales variées (climat, sol) qui peuvent également inclure la sécheresse, les inondations, des hivers plus froids, des étés plus chauds, et subissent des tests de résistance aux maladies. Leurs traits caractéristiques sont observés et mesurés et mis en corrélation avec les conditions de culture - c’est le phénotypage, qui explore les
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performances de la plante en fonction de ses caractéristiques génétiques, de son environnement et des pratiques culturales.
AU CHAMP
LES INNOVATIONS
L’Europe possède de précieuses collections de matériel génétique de plantes de grandes cultures qui servent de base au travail des sélectionneurs.
La sélection doit s’accélérer et se réorienter
Innovant et intuitif.
© M. Fouchard - Inra
Les sélectionneurs ont toujours utilisé le phénotypage pour marquer, analyser et sélectionner les meilleures lignées de populations reproductrices. Le phénotypage traditionnel se limitait principalement à des caractères « simples » tels que la hauteur des plantes, la résistance aux maladies, le rendement et la qualité. En pratique, il s’appuie sur des outils d’évaluation fiables, rapides et bon marché : l’œil ou l’analyse de marqueurs génétiques, à la fois en plein champ ou en conditions contrôlées. Cependant, avec la nécessité croissante de sélectionner des traits complexes tels que l’efficacité de l’utilisation des ressources, le phénotypage se complexifie et doit devenir plus rapide. Pour ce phénotypage haut débit, il faut développer des systèmes automatisés, élaborés mais coûteux, aussi bien que des dispositifs portatifs simples et bon marché pour les essais sur le terrain (encadré). En outre, compte tenu de l’augmentation
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Le phénotypage décliné sous plusieurs formes
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plateformes de phénotypage, appartenant à l’Inra, Arvalis et Terres Inovia, sont partagées dans le réseau français PHENOME.
Les nouvelles méthodes de phénotypage haut débit en plein champ permettent de caractériser le comportement d’un grand nombre de couverts végétaux tout au long du cycle de la culture. Il devient plus aisé de comparer les innovations mises à disposition des agriculteurs, qu’elles concernent de nouvelles variétés (apport de la génétique), la protection des cultures (apport des intrants) ou la nutrition des plantes. Trois des stations expérimentales d’Arvalis utilisent déjà un système de phénotypage haut débit. ALPHI est un système léger, tracté, qui peut être utilisé sur plusieurs sites du nord de la France ; il est plutôt dédié à l’étude des thématiques « azote » et/ou « maladies ». La PhenoMobile est destinée à étudier les thématiques liées aux changements climatiques (stress hydrique et fortes températures) ; ce robot, utilisé sur la station de Gréoux-les-Bains (04), enjambe les microparcelles de blé. La plateforme PHENOFIELD combine l’approche phénotypage haut débit, grâce à des portiques de mesure, et la gestion de la pluviométrie, grâce à des toits mobiles ; située en Beauce, à Ouzouerle-Marché (41), la plateforme peut accueillir plusieurs types de grandes cultures et les mettre en condition de stress hydrique. Les mesures enregistrées par ces systèmes sont ensuite analysées de manière similaire par une plateforme de traitement du signal gérée par l’Unité Mixte Technologique Arvalis-INRA Avignon. Les caméras RGB, les spectroradiomètres et les lasers des systèmes de phénotypage donnent accès à des variables telles que la fraction de couverture de sol, la fraction de vert, la hauteur des plantes, l’angle foliaire, l’indice foliaire vert et plusieurs indices de végétation. Parallèlement à ces systèmes complets et complexes, localisés sur quelques sites spécialisés, Arvalis investigue aussi des techniques de phénotypage « hautement déployables » mais plus bas débit, toujours pour accéder à des mesures des plantes de manière non destructive. Un mât portant un appareil photo numérique, positionné au-dessus de la végétation ou à un angle de 57°, est une déclinaison très simplifiée des systèmes précédemment décrits ; le traitement d’image renseigne des variables telles que l’indice foliaire vert. Les minirhizotrons sont des tubes enfoncés dans le sol sous la culture ; ils permettent d’accéder, via un scanner, à des informations de densité racinaire ou de profondeur d’enracinement. Le KMScan est un système qui mesure le nombre de grains d’un épi de maïs directement au champ ; grâce à des caméras RGB, il reconstitue l’épi en 3D. Katia Beauchêne - k.beauchene@arvalis.fr
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
La PhenoMobile est un système entièrement automatisé destiné à étudier plus particulièrement les réactions des cultures aux stress hydriques et aux fortes températures.
probable de la fréquence d’événements climatiques extrêmes, les sélectionneurs vont devoir proposer des variétés plus résistantes à une large série de stress abiotiques et biotiques. Cela peut nécessiter l’acceptation d’un rendement annuel légèrement inférieur mais plus stable en moyenne. Une solution est de puiser dans les ressources génétiques des plantes sauvages apparentées à la culture et des variétés anciennes ou encore locales, préservées dans les banques de matériel végétal du monde entier. L’Europe possède ainsi de précieuses collections de matériel génétique de plantes de grandes cultures, encore sous-exploitées.
Une vision plus communautaire du phénotypage Pour relever efficacement le défi que représente le criblage de ces immenses ressources génétiques, un réseau réunissant des chercheurs et des sélectionneurs de 28 pays européens a été mis en place au travers de l’action COST- PhenomenALL (Cooperation in Science & Technology), financée
Pour accélérer la sélection de variétés adaptées au nouveau contexte mondial, scientifiques et industriels s’organisent au sein de collaborations à la fois multidisciplinaires et multi-acteurs.
Flodrops - ARVALIS-Institut du végétal
AU CHAMP
© K. Beauchêne - ARVALIS-Institut du végétal
LES INNOVATIONS
AU CHAMP
Sommaire
par la Communauté européenne, qui recherche des variétés tolérantes aux stress. Elle a abouti à la mise en réseau d’importantes infrastructures de phénotypage et d’échanges de connaissances. Un niveau supplémentaire d’intégration et de fourniture de services à la communauté des sélectionneurs et des scientifiques constitue l’objectif du nouveau projet européen EMPHASIS qui le prolonge. Quels sont les objectifs de COST ? Pour accélérer la sélection de variétés adaptées au nouveau contexte mondial, les acteurs de la sélection ont tout intérêt à modifier leurs pratiques : les scientifiques devront inclure certains aspects appliqués dans leurs recherches ; les sélectionneurs devront s’ouvrir aux collaborations où des pipelines de cultivars sont utilisés ; les fabricants de matériel devront développer des outils de phénotypage bon marché et permettre un accès complet aux données brutes et à l’intégration des équipements. Enfin, les acteurs majeurs du phénotypage doivent développer une nomenclature de phénotypage commune pour faciliter les collaborations et s’assurer que toutes les données sont utilisées au mieux dans les méta-analyses, à l’instar de ce qui est pratiqué dans la communauté française de phénotypage (encadré).
PHENOME, le réseau français de plateformes de phénotypage Côté français, la communauté du phénotypage est déjà organisée en réseau de plateformes depuis 2012. Le projet PHENOME– FPPN (French Plant Phenotyping Network) est piloté par l’Inra en partenariat avec les instituts techniques Arvalis et Terres Inovia. Il regroupe neuf plateformes de phénotypage : deux en conditions contrôlées (M3P de l’Inra de Montpellier, et 4PMI, de l’Inra de Dijon) et deux en conditions semi-contrôlées (PHENOFIELD d’Arvalis, et PHENO3C de l’Inra de Clermont-Ferrand), trois plateformes au champ (DIAPHEN de l’Inra de Montpellier, AGROPHEN de l’Inra de Toulouse, PHENOVIA de Terres Inovia) et deux en laboratoire (PHENICS de l’Inra de Nantes, et HITME de l’Inra de Bordeaux). Le réseau PHENOME met en œuvre un système d’information unique et des méthodes de phénotypage communes développées dans le cadre du projet. Concrètement, les plateformes de plein champ et les plateformes semi-contrôlées s’équipent de systèmes de mesures automatisés appelés PhenoMobile « Cultures Hautes », basés sur une même méthodologie d’interprétation du signal enregistré par les capteurs. La PhénoMobile mesure des variables en dynamique (non destructives) sur des couverts végétaux. Ces variables permettent de suivre la croissance des plantes, leur quantité de surface verte, les modifications de leur architecture, la quantité de rayonnement intercepté et des indices de végétation précisant leur contenu biochimique. Après six ans de collaboration, le projet PHENOME souhaite élargir ses frontières et ses thématiques de recherche : il va devenir EMPHASIS-France, qui fait écho à l’organisation européenne EMPHASIS. Katia Beauchêne - k.beauchene@arvalis.fr
© Y. Flodrops - ARVALIS-Institut du végétal
Estelle Goulas - estelle.goulas@univ-lille.fr UMR CNRS-Lille, équipe Fibres Végétales Sébastien Carpentier Laboratoire d’amélioration des cultures tropicales, KU Leuven (BE) Paloma Cabeza-Orcel - pcabeza@perspectives-agricoles.com
LES INNOVATIONS
Les capteurs embarqués sur le portique de cette plateforme de phénotypage au champ PHENOFIELD collectent de façon automatique des données sur le couvert végétal.
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LES INNOVATIONS
Sommaire
DANS LES TUYAUX
Alimentation animale
UN SUIVI INNOVANT © ARVALIS-Institut du végétal
de la consommation individuelle
Lecteur
Puce RFID Chaque poulet est identifié individuellement par un couple lecteur/puce RFID à l’approche de la mangeoire.
Pour répondre aux évolutions réglementaires en expérimentation animale, Arvalis développe des dispositifs innovants de mesure des performances individuelles de poulets et porcelets logés en groupe. Les animaux sont notamment identifiés par une puce RFID.
D
epuis 1992, Arvalis contribue au développement des connaissances sur la valeur nutritionnelle et sanitaire des céréales et leurs coproduits pour l’alimentation des monogastriques (porcs et volailles), afin de répondre à l’un des axes de recherche de l’institut : adapter les produits aux débouchés - dans le cas présent, celui de l’alimentation animale (encadré). La station expérimentale d’Arvalis à Villerable (41)
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
a pour mission d’évaluer les matières premières et coproduits utilisés dans l’alimentation des porcs et des volailles. Elle dispose d’outils et d’équipements qui n’ont cessé d’évoluer afin de caractériser le plus finement possible la valeur nutritionnelle des matières premières (énergie, protéines, acides aminés, phosphore...), les améliorations éventuelles obtenues par l’utilisation d’additifs mais également l’effet des contaminants. Cette évaluation s’appuie sur des essais in vivo de digestibilité ou de performances de croissance, avec de petits effectifs. Jusqu’à fin 2016, la station de Villerable disposait de plusieurs dispositifs de mesure pour les porcs comme pour les volailles, constitués de cages individuelles permettant de faire des mesures de consommation et de gain de poids par animal. Cependant, la réglementation française relative à l’expérimentation animale a été modifiée en janvier 2013, suite à la parution de la Directive européenne 2010/63/UE, et est applicable depuis janvier 2017. Les nouvelles exigences ont été une opportunité de réfléchir à l’évolution des dispositifs de la station, principalement quant à l’augmentation des surfaces d’hébergement par animal et la
0,03
DANS LES TUYAUX
g, soit un granulé - c’est la précision avec
LES INNOVATIONS
laquelle la mangeoire pèse en temps réel
Sommaire
la nourriture consommée par les poulets.
réduction du temps passé en cage individuelle, voire leur abandon. L’objectif est d’améliorer le bien-être des animaux ainsi que les conditions de travail, et d’intégrer de nouvelles technologies en conservant la même capacité expérimentale.
Des mangeoires connectées pour les poulets de chair Le principal besoin pour les essais de performance avec de petits effectifs est de mesurer de façon précise la consommation individuelle, malgré le passage de la cage individuelle à l’hébergement en groupe au sol, sur litière. Le nouveau dispositif a également pour but d’augmenter le nombre de mesures (par heure et par jour) et cela jusqu’à l’âge commercial d’abattage (35 jours), contre 21 jours avec le précédent dispositif. Depuis 2016, la station travaille avec une startup tourangelle(1) au développement d’une « mangeoire connectée » qui assurera l’identification individuelle des poulets, la pesée en temps réel de l’aliment consommé avec une précision de 0,03 g (soit 1 granulé) et la transmission ainsi que le traitement des données. La preuve de concept, première étape pour évaluer la faisabilité technique du projet, a permis de valider les points essentiels du cahier des charges (figure 1). La fonction de pesage s’effectue avec la précision souhaitée par un système utilisant une jauge de contrainte. L’identification individuelle des poulets s’effectue par un couple puce/lecteur utilisant la technologie RFID (encadré) ; il répond aux exigences de distance et de rapidité de détection pour un coût raisonnable. Les informations mesurées sont transmises en WIFI. Leur exploitation est assurée par un logiciel développé spécialement pour cette application. Des progrès restent à faire pour améliorer le prototype actuel. Puisque, du fait de sa précision, le système de pesage est très sensible et devient parfois instable en cas de courants d’air, de
L’alimentation, clé de voûte de l’élevage Près de 23,5 millions d’animaux sont produits en France chaque année en filière porcine. Les charges d’alimentation pour la production constituaient globalement 69 % du coût de revient des élevages naisseurs-engraisseurs porcins en 2013 (IFIP, 2014). Les résultats économiques des élevages porcins sont donc très dépendants du coût des matières premières utilisées pour formuler les aliments (céréales et tourteaux en particulier). Aujourd’hui, la formulation d’aliments est réalisée à moindre coût, en satisfaisant les besoins nutritionnels des animaux en nutriments, énergie et protéine principalement. Caractériser de façon très précise la valeur nutritionnelle des matières premières représente un enjeu important pour les fabricants et les firmes-services qui formulent ces aliments.
vibrations, etc. La résolution de ce problème est abordée par le biais de l’amélioration des algorithmes et de la gestion de l’environnement autour de la mangeoire. Un travail est aussi en cours afin d’adapter les mangeoires et les parquets à l’évolution morphologique des animaux.
Améliorer le confort animal et les mesures expérimentales Concernant les porcs, le projet Check’pig valide un dispositif expérimental innovant permettant d’évaluer les qualités nutritionnelles, technologiques et sanitaires des matières premières pour l’alimentation porcine, dans le respect du bienêtre des animaux. Le nouveau dispositif a pour but d’éviter ou de réduire le temps d’hébergement en cage individuelle des animaux, d’augmenter la surface de logement et de réduire le nombre d’animaux utilisés à de fins expérimentales, mais aussi d’intégrer de nouvelles technologies de mesure et de rendre les dispositifs plus ergonomiques pour le travail quotidien.
POULETS : un prototype de mangeoire connectée est en test 250
Consommation (en g) Poulet 1 Poulet 2
200
Poulet 3 Poulet 4
Mesure instable
Poulet 5 Poulet 6
Jauge de contrainte
150 100 50 0
5
10
15
20
Âge des poulet (en jours)
25
30
Figure 1 : Identification et mesure de la consommation d’aliment par le prototype de mangeoire connectée. La jauge de contrainte pèse en continu la nourriture ; les variations de poids déterminent la quantité ingérée.
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LES INNOVATIONS
Des distributeurs alimentaires connectés transmettront en temps réel la consommation de chaque porcelet, reconnu grâce à la puce RFID intégrée à la boucle portée à son oreille.
DANS LES TUYAUX
Sommaire
La radio-identification - ou RFID pour radiofrequency identification - permet de mémoriser et d’envoyer à distance des données : un identifiant et d’éventuelles données complémentaires. Dans un dispositif RFID, une antenne radio miniature assure les transmissions de données ; elle est couplée à une puce électronique qui stocke et gère le partage des données d’identification. Lorsqu’un dispositif RFID passe devant un lecteur, ce dernier émet des radiofréquences qui activent le dispositif en lui fournissant l’énergie dont il a besoin pour transmettre ses données. Les dispositifs RFID se présentent notamment sous la forme de puces électroniques miniaturisées pouvant être implantées chez des organismes vivants. Ainsi, chats, chiens et furets domestiques, dont l’identification RFID est obligatoire en France, doivent porter une puce RFID implantée sous la peau. C’est également le cas, de manière non obligatoire, pour d’autres animaux de travail, de compagnie ou d’élevage. Dans l’ancien dispositif de mesures de performances sur porcelets, 64 cages individuelles permettaient d’évaluer quatre aliments en deux séries de 48 animaux durant la phase de post-sevrage. Les mesures de consommation et de croissance individuelles ne pouvaient se faire que tous les 15 jours, du fait de la lourdeur des manipulations, qui de plus généraient du stress chez les animaux. Il était également difficile de contrôler le gaspillage d’aliment, ce qui réduisait la puissance expérimentale.
L’auge identifie chaque porcelet et pèse sa consommation Le nouveau dispositif logera les animaux en groupe et mesurera de façon automatisée la consommation d’aliment et d’eau de chaque porcelet, afin d’obtenir en continu des données sur des animaux logés dans des conditions plus proches de l’élevage. Il est constitué d’une salle avec quatre loges collectives pouvant accueillir chacune 24 porcelets, plus une loge pour les
PORCELETS : des auges connectées pour mesurer précisément la consommation individuelle d’aliment
Loge porcelets hors expé
Auges conn
En développement : nourrisseurs et abreuvoirs électroniques de précision
ectées porc
elets
15.12m²
© Freepik, Arvalis, ASSERVA
Figure 2 : Disposition des nouveaux logements collectifs et des systèmes d’auges connectées pour porcelets à la station de Villerable. Hébergement collectif en quatre groupes de vingt-quatre porcelets ; quatre aliments testés.
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
© ARVALIS-Institut du végétal
Puce RFID : une carte d’identité interactive
animaux « hors essai » (figure 2). Quatre aliments pourront être évalués en une seule série, divisant ainsi par deux le nombre d’animaux et le temps passé pour un même essai. Les conditions de travail sont aussi améliorées au quotidien et évitent de porter des animaux pesant jusqu’à 30 kg. Les animaux seront identifiés lorsqu’ils accèdent à l’auge par des puces RFID existant déjà sur le marché. Un système de pesage mesurera la quantité consommée par chaque porcelet de manière précise (à 0,5 g près). De ces mesures seront déduits les indices de consommation, principal paramètre des essais de performances. Les auges avec système de pesée individuelle du commerce - des distributeurs automatiques de concentrés, ou DAC - ne sont pas adaptées aux porcelets de 8 à 25 kg. Nous avons donc intégré le développement d’un tel outil dans le projet de rénovation de l’unité expérimentale des porcs à partir d’un produit proposé par la société ASSERVA(2). Ce produit répond déjà en partie à certains de nos critères (identification individuelle, accès restreint pour un porcelet), mais demande un développement spécifique du système de pesée pour s’adapter à nos exigences. Début 2018, un prototype sera testé ; si les tests sont concluants, huit systèmes connectés équiperont la salle à terme (deux par loge). Des abreuvoirs avec mesure de la consommation d’eau viendront compléter le dispositif. (1) TEKIN est une société de conseil et d’ingénierie qui conçoit et développe des solutions connectées, notamment pour l’agriculture numérique. (2) ASSERVA est une société qui propose des solutions pour l’automatisation complète des tâches diverses dans les élevages.
Maria Vilariño - m.vilarino@arvalis.fr Justine Danel, Maxime Traineau ARVALIS - Institut du végétal Les travaux de rénovation de l’unité expérimentale sur porcs ont obtenu une aide financière de l’Etat et de la Union Européenne au titre du FEADER.
DANS LES TUYAUX
LES INNOVATIONS
Réduire l’utilisation du cuivre en agriculture biologique
© C. Salon - Inra
Le cuivre est utilisé pour contrôler diverses maladies fongiques ou bactériennes. Les restrictions réglementaires croissantes de son usage ont conduit l’Institut technique de l’agriculture biologique (ITAB) et l’Inra à commanditer une expertise scientifique sur les solutions techniques pour le remplacer. Plusieurs alternatives au cuivre existent, mais avec des efficacités partielles : le choix de variétés résistantes, l’emploi de substances stimulant les défenses immunitaires des plantes, de biocides tels que le soufre et plusieurs huiles essentielles, de bâches de protection, de filets anti-grêle et antiinsectes... En vergers de pommiers et en culture de pomme de terre, il est ainsi possible de réduire de moitié les doses de cuivre appliquées en combinant tous ces leviers, sans toutefois le supprimer totalement.
Les techniques d’imagerie racinaire ont vocation à intégrer des systèmes d’acquisition de données automatisés.
À ce jour, 21 gènes majeurs de résistance à Zymoseptoria tritici, responsable de la septoriose du blé, ont été identifiés chez le blé sans qu’aucun n’ait été caractérisé et cloné. Pour la première fois, des chercheurs de l’Inra et du centre de recherche de Rothamsted (Grande-Bretagne) ont caractérisé l’un de ces gènes : localisé sur le bras court du chromosome 3A du blé, Stb6 code pour une protéine à l’origine de l’induction de la cascade des voies de défense. Parmi les huit formes alternatives (ou allèles) de ce gène identifiées chez 98 blés ancestraux ou variétés cultivées, on compte un allèle majeur de résistance, présent dans la moitié des variétés de blés cultivées en France et en Grande-Bretagne, et plusieurs allèles de sensibilité. La prévalence de l’allèle de résistance chez Triticum dicoccum, l’une des plus anciennes espèces cultivées de blé à l’origine des blés tendres, suggère que le gène Stb6 a été introduit dès la domestication du blé.
© ARVALIS-Institut du végétal
Les quantités de cuivre actuellement utilisées pour traiter les pommes de terre bio peuvent être réduites de moitié.
© N. Cornec - ARVALIS-Institut du végétal
PREMIÈRE CARACTÉRISATION D’UN GÈNE DE RÉSISTANCE À LA SEPTORIOSE CHEZ LE BLÉ
LES BRÈVES
Sommaire
La fonction du gène Stb6 a été validée : son introduction chez une variété de blé sensible à la septoriose lui confère bien une résistance.
Accélérer la recherche sur les racines L’agriculture de demain sera soumise à des contraintes nouvelles sur l’utilisation d’intrants (changements climatiques et socio-économiques), mettant en avant l’importance d’améliorer l’efficacité des systèmes racinaires des plantes de grandes cultures. Ainsi, un effort constant est fourni pour améliorer les techniques d’imagerie racinaire, en serre comme au champ. Grâce au réseau des instituts de recherche Carnot Plant2Pro, Arvalis et l’Inra de Dijon collaborent depuis début 2018 afin de partager leurs outils de recherche avec leurs partenaires français. Ce projet doit rendre plus ouvert et interopérable un logiciel de traitement d’images de racines initialement développé par Arvalis. Il pourra alors s’intégrer aux systèmes pilotant les serres de recherche hautement automatisées ou les réseaux de capteurs au champ, participant ainsi à accélération de l’acquisition des connaissances sur les racines ex situ et in situ. N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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Sommaire
Marché mondial de l’orge
LA FRANCE
est un acteur majeur Premier producteur mondial d’orges (18 Mt/an en moyenne), la Russie est suivie par l’Australie et la France.
© L. Pelcé - ARVALIS-Institut du végétal
AILLEURS
AILLEURS
La consommation de l’orge, principalement comme fourrage ou en brasserie, s’est étendue au monde entier. Elle draine l’essentiel de la production, dominée par la Russie. Second producteur et importateur mondial, la France joue un rôle important sur ce marché.
O
riginaire du croissant fertile du Moyen-Orient (l’Irak et l’Iran actuels), l’orge fait partie des premières céréales cultivées par l’homme. Rapidement domestiquée, l’orge a d’abord servi à l’alimentation humaine, soit sous forme de galette, soit de bouillie. Plus tard, la céréale rustique a été utilisée pour l’alimentation animale, puis pour fabriquer la bière (encadré). Du fait de sa rusticité, l’orge s’adapte très bien aux différents climats - c’est pourquoi on la produit dans de nombreux pays. Depuis dix ans, la production mondiale d’orge oscille entre 120 et 150 millions de tonnes (Mt). Sur les trois dernières années elle était en moyenne de 145 Mt. Ce volume
64
Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
a baissé depuis les années 1990, notamment au profit d’autres céréales fourragères comme le maïs.
Un déplacement de la consommation La Russie est aujourd’hui, de loin, le premier producteur mondial d’orge, avec une moyenne de 18 Mt produites par an. La seconde place se dispute, selon les campagnes, entre l’Australie, la France et l’Allemagne, qui produisent environ 10 Mt par an chacun. Suivent l’Ukraine et le Canada qui produisent aux alentours de 9 Mt par an. À eux six, ces pays produisent la moitié du volume mondial. Les pays de l’Union européenne totalisent près de 60 Mt produites par an.
AILLEURS
Sommaire
Sur les trois dernières campagnes, la consommation mondiale (figure 1) a égalé la production, aux alentours de 145 Mt. Les stocks quant à eux, oscillent autour de 25 Mt. Historiquement l’orge était principalement consommée dans le Bassin méditerranéen ainsi que dans les plaines asiatiques. Aujourd’hui, les principaux bassins de consommation se sont déplacés mais le berceau de l’orge continue de consommer beaucoup d’orge, avec des volumes importants en Afrique du Nord (7 Mt) et au Proche et Moyen-Orient (23 Mt). La consommation de cette céréale s’est, en effet, répandue sur les autres continents puisqu’on la retrouve en Asie (12 Mt, dont 9 Mt rien que pour la Chine), en Océanie (3 Mt pour l’Australie), en Amérique du Nord (11 Mt). L’Europe est le principal bassin de consommation de l’orge avec plus de 70 Mt qui se répartissent entre l’Union européenne (52 Mt), la Russie (14 Mt) et l’Ukraine (5 Mt).
MARCHÉ MONDIAL DE L’ORGE : demande et offre sont globalement équilibrées
Deux principaux pays importateurs
La seconde moitié des importateurs est constituée des pays du Bassin méditerranéen, et notamment d’Afrique du Nord. Productrice d’orge, la région importe des orges notamment pour la consommation humaine et la fabrication de pain à base d’orge ou de couscous. Ce qui est produit localement est le plus souvent destiné à l’alimentation animale. Enfin, quelques pays de l’Union européenne sont avides d’orge. C’est le cas de l’Espagne, de l’Italie, des Pays-Bas et de la Belgique. Pour les trois premiers, les imports sont surtout destinés à l’alimentation animale, pour la Belgique, c’est une juste répartition entre alimentation animale et les malteries du pays.
© M. Royer
Les échanges d’orge représentent environ 38 Mt de tonnes chaque année (contre 130 Mt pour le blé), ce qui représente 20 % de la production mondiale d’orge. Deux pays importent presque à eux seuls la moitié du volume échangé (figure 1). Ce sont l’Arabie Saoudite, avec près de 9 Mt, et la Chine, avec 7 Mt. Pour le premier il n’existe pas de production locale, à l’inverse du second qui produit 2 Mt d’orge par campagne. L’Arabie Saoudite n’importe que des orges fourragères pour son bétail, alors que la Chine importe traditionnellement les deux types d’orges.
Pays-bas et Belgique
Principaux consommateurs d’orge au monde (Mt) 15 12 9 6 3 1,5 0
EXPORTS IMPORTS
Figure 1 : Consommation d’orge (brassicole et fourragère confondues) en millions de tonnes, et niveaux relatifs des importations et exportations selon les pays.
Pas un mais deux marchés de l’orge
La récolte française d’orge a été de très bonne qualité en 2017. La France devrait exporter plus de 3,5 Mt d’orge vers les pays tiers sur l’ensemble de la campagne de commercialisation.
L’orge est utilisée principalement à deux fins : la brasserie et l’alimentation animale. Des variétés d’orge ont été spécialement développées à des fins brassicoles. Elles sont conçues pour leur capacité à donner, après germination, un malt adapté aux besoins des brasseurs. Les besoins en orges brassicoles sont fonction de la consommation de bière et de la quantité de malt utilisée lors du brassage. Le choix d’une variété adaptée est la première condition nécessaire à la production d’orge brassicole mais ce n’est pas suffisant. L’orge produite doit aussi répondre à différents critères qualitatifs (calibrage, teneur en protéines, ...) pour être effectivement utilisée en malterie. Si toutes les orges ne peuvent pas être brassicoles, elles sont, en revanche, toutes consommables en alimentation animale. L’utilisation d’orge en alimentation animale varie selon la concurrence avec d’autres céréales fourragères (notamment le maïs), voire avec d’autres matières premières qui apportent de l’énergie. Certains pays cultivent essentiellement des variétés brassicoles, d’autres, des variétés brassicoles et non brassicoles ; c’est le cas de la France. N°453 - Mars 2018 PERSPECTIVES AGRICOLES
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AILLEURS
Sommaire
La France fait partie des quelques pays producteurs de variétés d’orge brassicole à six rangs, appréciées pour leur rapport qualité/prix.
© N. Cornec - ARVALIS-Institut du végétal
La France est bien placée sur le marché mondial de l’orge
Deux nouveaux exportateurs sur le marché
1
million de tonnes de malt au moins sont exportées chaque année par la France, ce qui en fait er le 1 exportateur de malt au monde.
Si les pays importateurs ne sont pas nombreux, les exportateurs le sont encore moins (figure 1). La place de leader est partagée entre l’Australie, qui a exporté en moyenne 6 Mt sur les trois dernières campagnes, et la France (encadré) qui, en prenant en compte le commerce intracommunautaire, exporte également autour de 6 Mt par campagne. Pour l’Australie, le commerce avec les pays d’Asie (notamment la Chine et le Japon) est important du fait de leur proximité. Une partie de l’orge australienne, uniquement fourragère, part en Arabie Saoudite. La France, quant à elle, exporte une large partie de ses orges, tant fourragères que brassicoles, vers l’Union européenne, et l’autre partie vers ses clients traditionnels fourragers que sont la Jordanie et l’Arabie Saoudite. L’orge française est également très présente en Afrique du Nord. Enfin, l’Ukraine et la Russie font désormais partis des gros exportateurs, avec près de 5 Mt exportées par chacun. Avec une qualité plutôt fourragère, ils répondent surtout aux besoins du Proche et Moyen-Orient, et notamment de l ’Arabie Saoudite. Grâce à la signature d’un accord entre la Chine et l’Ukraine, ce dernier pays y exporte de plus en plus d’orge.
Une campagne de commercialisation prometteuse La production d’orge a atteint 141 Mt en 2017 - un volume légèrement en deçà de la moyenne triennale (145 Mt). Du fait d’une concurrence accrue avec les autres céréales fourragères, et notamment avec le maïs, les pays de l’Est ont semé moins d’orges en 2016 que ces dernières années. Les flux mondiaux s’en ressentent : ils devraient s’établir autour de 26 Mt, contre 29 Mt
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Mars 2018 - N°453 PERSPECTIVES AGRICOLES
La France est un important pays producteur d’orges, à la fois fourragères et brassicoles. Elle consomme les deux sur son marché intérieur et en exporte une large partie. Premier ou second exportateur d’orge au monde selon les campagnes, la France répond à la demande de ses clients tant sur le plan fourrager, comme c’est le cas pour l’Arabie Saoudite, que brassicole. La France possède une spécificité en orge brassicole : elle fait partie des quelques pays à produire des variétés d’orge brassicole à 6 rangs qui sont appréciées (notamment des malteurs chinois) pour leur rapport qualité/prix. Sur le seul plan de l’export brassicole, la France est le deuxième exportateur mondial, derrière l’Australie. Elle est aussi le premier exportateur de malt au monde. Elle exporte 80 % de sa production de malt, soit un peu plus d’un million de tonnes, et livre son malt sur l’ensemble des continents. ces trois dernières années, hors commerce intracommunautaire. L’Ukraine a commencé à exporter ses orges très tôt dans la campagne de commercialisation : de juillet à octobre 2017, les orges ukrainiennes ont représenté plus de 30 % des échanges mondiaux. En exportant 3,6 Mt, l’Ukraine a utilisé 80 % de son disponible exportable(1). L’orge ukrainienne devrait donc se faire plus discrète sur la seconde partie de campagne et laisser ainsi de la place aux orges françaises et australiennes. L’Australie revient sur un volume d’export plus classique, à 5 Mt, après une campagne de production exceptionnelle en 2016-2017. Un million de tonnes (sur les 3,6 Mt prévus) ont déjà été expédiées en Chine. La France, avec une bonne qualité de récolte en 2017, devrait exporter plus de 3,5 Mt vers les pays tiers sur l’ensemble de la campagne de commercialisation. Les demandes chinoise et saoudienne devraient soutenir les exportations d’orge française. Le commerce intracommunautaire n’est pas en reste puisque la Belgique et les Pays-Bas, traditionnels clients de l’orge française, sont aux achats et que l’Espagne, qui a subi une forte sécheresse pour sa récolte 2017, achète davantage de céréales. Au global la France pourrait exporter plus de 7 Mt, faisant d’elle le premier exportateur mondial d’orge. (1) Le disponible exportable est la quantité (d’orge) qu’un pays est capable d’exporter en une année ; il dépend de la production et de la consommation intérieure.
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La 1ère solution de biocontrĂ´le en insecticide du sol Innovation BiocontrĂ´le efficace contre les taupins HomologuĂŠ sur maĂŻs, maĂŻs doux et sorgho Produit dâ&#x20AC;&#x2122;origine naturelle issu de fermentation, autorisĂŠ en Agriculture Biologique(1) Mise Ă disposition de kits de diffuseur adaptĂŠs au type de semoir pour une meilleure rĂŠpartition des microgranulĂŠs dans la raie de semis
Selon le règlement CE 404/2008 publiĂŠ au J.O. le 07/05/08. : GR - granulĂŠ, contenant 4 g/Kg de Spinosad (substance active brevetĂŠe et fabriquĂŠe par Dow AgroSciences). AMM N° 2171089 - SBM DĂŠveloppement 160, route de la Valentine-CS70052-13374 Marseille . H411 - Toxique pour les organismes aquatiques, entraĂŽne des effets nĂŠfastes Ă long terme ; EUH401 - Respectez les instructions dâ&#x20AC;&#x2122;utilisation pour ĂŠviter les risques pour la santĂŠ humaine et Cedex 11. Classement : lâ&#x20AC;&#x2122;environnement. P280 - Porter des gants de protection et des vĂŞtements de protection ; P273 - Ă&#x2030;viter le rejet dans lâ&#x20AC;&#x2122;environnement ; P501 - Ă&#x2030;liminer le contenu/rĂŠcipient comme un dĂŠchet dangereux ; P391 - Recueillir le produit rĂŠpandu ; P102 - Tenir hors de portĂŠe des enfants ; P262 - Ă&#x2030;viter tout contact avec les yeux, la peau ou les vĂŞtements. Responsable de la mise en marchĂŠ : Dow AgroSciences Distribution S.A.S 371 rue Ludwig Van Beethoven 06560 Valbonne. N° dâ&#x20AC;&#x2122;agrĂŠment PA00272 : Distribution de produits phytopharmaceutiques Ă des utilisateurs 0 800 470 810 ÂŽTM Marque de The Dow Chemical Company (â&#x20AC;&#x2DC;Dowâ&#x20AC;&#x2122;) ou dâ&#x20AC;&#x2122;une sociĂŠtĂŠ affiliĂŠe. professionnels.
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*Solutions pour un monde en croissance
Formulation optimisĂŠe (densitĂŠ et granulomĂŠtrie) â&#x20AC;˘ pour une utilisation facilitĂŠe â&#x20AC;˘ pour une utilisation sans poussière â&#x20AC;˘ pour une rĂŠpartition homogène dans la raie de semis â&#x20AC;˘ DensitĂŠ : 1,45 kg/L
Solutions for the Growing World*
PRODUIT S POUR LES PROFESSIONNELS : UTILISEZ LES PRODUIT S PHY TOPHARMACEUTIQUES AVEC PRĂ&#x2030;C AUTION. AVANT TOUTE UTILISATION, LISEZ Lâ&#x20AC;&#x2122;Ă&#x2030;TIQUETTE ET LES INFORMATIONS CONCERNANT LE PRODUIT. SUCCESS-GR_AP agro_v3.indd 1
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