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Prix d’architecture
La meilleure œuvre architecturale 2021 est en Haute-Savoie
C’est le projet d’un ensemble d’équipements publics à Neuvecelle, près d’Evian qui a remporté le prix de l’Équerre d’argent 2021. Retour en images sur cette réalisation en bois clair et baignée de lumière, près du lac Léman, de l’Atelier PNG avec Julien Boidot et Emilien Robin, architectes associés.
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TEXTE : PATRICIA PARQUET - PHOTOS : CAUE74 / BEATRICE CAFIERI
Le prix de l’Équerre d’argent récompense chaque année les meilleures œuvres architecturales de l’année. Lors de la cérémonie de remise du prix en novembre dernier, le président du jury, l’architecte Christian de Portzamparc, a qualifié l’ensemble d’équipement public de Neuvecelle de programme intelligent. Il a souligné sa parfaite intégration dans le paysage urbain, en face du lac Léman. « L’ensemble est intelligent, modeste, joyeux et partagé. Ce sont les valeurs de l’urbanisme d’aujourd’hui que de savoir réussir les lieux du commun », a-t-il précisé. Implanté sur une pente, le programme est composé de plusieurs bâtiments qui forment un élément central dans le village : l’extension d’une école maternelle, une école élémentaire, une salle périscolaire, une bibliothèque, un gymnase et un restaurant scolaire. L’originalité du projet consiste à avoir créé plusieurs bâtiments et de les avoir reliés par des espaces de circulation, des cours, des coursives imaginant ainsi des lieux de libre déambulation. C’est un projet ouvert sur la ville qui allie efficacité et créativité. Le prix de l’Equerre d’argent est une belle reconnaissance, une importante visibilité et un tremplin pour la jeune agence PNG et leurs deux associés sur cette réalisation.
ZOOM SUR… L’ATELIER PNG
Composée de trois associés (Antoine Petit, Nicolas Debicki et Grichka Martinetti), l’agence a été créée en 2007 à Paris et à Voiron en Isère depuis 2016. Ils ont étudié ensemble à l’École d’architecture de Paris-Val de Seine et sont très complémentaires. Basé à Paris, Grichka est photographe professionnel et également architecte du patrimoine. Nicolas a commencé par suivre des études dans le génie civil avant d’aller en école d’architecture. Il s’est également spécialisé en qualité environnementale. Avant d’être architecte, Antoine a suivi des formations d’artisanat d’art en gravure et en vitrail. Voilà pourquoi dans leurs projets, les trois associés s’intéressent autant aux matières, à leurs utilisations et qu’ils cherchent à valoriser. Les architectes travaillent dans la région Rhône-Alpes-Auvergne et s’investissent de plus en plus dans les territoires de montagne. Ils aiment réhabiliter, rénover et travailler sur l’existant. D’autres projets à venir devraient encore faire parler d’eux.
À PROPOS DU PRIX DE L’ÉQUERRE D’ARGENT
Créé en 1960, ce prix récompense la construction d’un bâtiment en France et terminé dans l’année. Il est désormais organisé par deux revues professionnelles des travaux publics et du bâtiment (groupe Moniteur). Le jury est composé d’architectes, de critiques d’architecture et de promoteurs. C’est une équipe composée du maître d’ouvrage et du maître d’œuvre qui est récompensée. En 1968, Jacques Labro, Jean-Jacques Orzoni et Jean-Marc Rocques recevaient ce prix pour l’hôtel des Dromonts et les résidences Séquoïa et les Mélèzes à Avoriaz. Le projet de Neuvecelle est le second projet en Haute-Savoie à être récompensé par ce prix.
« L’ensemble est intelligent, modeste, joyeux et partagé. Ce sont les valeurs de l’urbanisme d’aujourd’hui que de savoir réussir les lieux du commun », Christian de Portzamparc
À Neuvecelle, le programme comprend une école maternelle avec six classes, une école primaire avec 9 classes, le périscolaire, le restaurant scolaire, la bibliothèque, le gymnase, un parking, des espaces extérieurs, d’une surface totale de 3 150 m2. Coût : 8 millions d’euros HT. Maîtrise d’ouvrage : commune de Neuvecelle. Architectes : Atelier PNG Architecture, Julien Boidot et Emilien Robin, architectes associés.
« Nous sommes des architectes affectifs »
Rencontre avec Antoine Petit, Nicolas Debicki et Grichka Martinetti, les trois architectes associés de l’Atelier PNG. Ils nous présentent leur projet qualifié « de sobre d’apparence, ingénieusement conçu, harmonieusement intégré à la topographie » qui leur a valu le prix de l’Équerre d’argent, la force de leur équipe et leur façon de penser l’architecture.
PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICIA PARQUET - PHOTOS : ATELIER PNG
Quels sont les principes fondateurs de votre agence ?
Nous faisons attention à toujours réaliser des projets qui ont du sens. Au début, nous avons eu la chance de mener à bien des projets intéressants dans le domaine patrimonial non classé. A chaque fois, les contextes sont forts en termes de patrimoine. Deux thèmes nous passionnent et nous ont orienté : la dimension de service public et l’utilité de la profession.
Après Paris, vous avez créé une seconde agence à Voiron, aux portes du massif de la Chartreuse, qu’est-ce qui a motivé ce choix ?
Nous sommes là pour des raisons familiales et professionnelles. Les territoires de montagne et les territoires ruraux nous intéressent particulièrement car ils offrent de beaux sujets à traiter. S’installer à Voiron, c’était aussi l’opportunité de se rapprocher de ces territoires et présenter des candidatures en local sur des sites et des paysages incroyables.
Vous avez remporté le 39e Prix de l’Équerre d’argent comme des architectes célèbres avant vous. Que représente ce prix pour les jeunes
architectes que vous êtes ?
C’est une reconnaissance de la profession, de nos confrères aînés et une reconnaissance partagée car nous l’avons fait avec deux autres confrères. Quand ce prix récompense les sujets que nous avons traité, cela fait du bien à beaucoup d’architectes bien au-delà notre agence. Ce prix a déjà récompensé de très beaux bâtiments, réalisés en France, liés à de beaux programmes et de bons architectes. C’était souvent la consécration de la carrière d’un architecte qui avait déjà fait ses preuves. Notre programme n’est pas incroyable et les moyens n’étaient pas exceptionnels. Il est assez commun dans un contexte normal. Nous sommes presque totalement inconnus. Pour nos confrères qui ont 40 ans comme nous ou plus jeunes, c’est un beau signal.
Qu’est-ce que ce prix a changé pour l’agence ?
C’est une visibilité énorme pour une agence comme la nôtre. Nous avons été retenus sur des concours à Paris, cela aurait été impossible sans ce prix. C’est encore tôt pour constater les changements, mais on imagine bien que cela va avoir un impact positif.
Revenons sur le projet à Neuvecelle. Qu’est-ce qui le caractérise et en quoi est-il exemplaire ?
Ce qui est exemplaire est d’abord à mettre au crédit des élus. Le besoin au départ est la pure extension d’une école qui arrive en limite de capacité. Les élus se sont interrogés sur qu’est-ce qu’on peut ajouter comme services pour dépasser ce besoin initial. L’idée a été de choisir de rester au centre du bourg et de s’implanter sur ce site avec 12 mètres de dénivelée. Une médiathèque et un gymnase ont été ajoutés. Le programme initial prévoyait la construction d’une maison pour les assistantes maternelles et un accueil de jour pour les personnes âgées. Cela sera réalisé plus tard. À terme, il devrait y avoir quatre services publics en plus du groupe scolaire. Souvent, il y a des mono programmes, une piscine, un gymnase. Là, il y a besoin d’ajouter des classes et d’y adjoindre des fonctions utiles aux élèves et utilisées par tous les habitants une fois l’école fermée.
Qu’est-ce que le prix de l’Equerre d’argent vient récompenser ? Une conception frugale de l’architecture en phase avec l’air du temps ?
Du point de vue des matières, le projet est très simple. Les soubassements sont restés en béton. Les murs sont en enduit,
L’Atelier PNG a réhabilité le Fort l’Ecluse à Léaz (Ain) dont la scénographie est à découvrir dès le mois de juin.
À gauche, équipement et mairie à St-Barthélemy de Séchilienne et équipement technique à Villard de Lans, réalisés par l’Atelier PNG.
les façades vitrées, les charpentes et les plafonds en bois. Nous essayons de réduire le nombre de matières utilisées, évitant les trop grandes quantités de couches et de dépenses superflues. La frugalité est donnée par le contexte économique du projet. Elle est présente autant par nécessité que par conviction.
Votre projet montre qu’aujourd’hui une architecture réussie peut être réalisée sans gros budget…
Tout à fait. Nous avons beaucoup débattu de cette question avec Emilien Robin, notre associé sur ce projet. Avec des moyens raisonnables, comment fait-on pour fabriquer de la qualité et dessiner des choses plus adaptées ? Nous avons limité le nombre de matières et nous les utilisons pour plusieurs éléments tels que la structure, les parements... Le prix de l’Equerre d’argent ne récompense pas un projet exceptionnel avec des moyens exceptionnels. C’est le signe que ce que nous avons réalisé peut-être fait par d’autres. Il y a une dimension reproductible.
Le bois est très présent dans vos projets. L’agence a souvent été récompensée pour ce choix. Est-ce de plus en plus votre matériau de prédilection ?
Nous aimons le bois car c’est une matière vivante qu’il est possible de mettre en œuvre dans quasiment tous les éléments de construction : de la couverture de la structure, de la charpente, jusqu’à l’habillage et la création de meubles. Ce n’est pas le cas de tous les matériaux. Nous pouvons quasiment tout faire avec du bois dans un immeuble. Ce qui nous pousse à utiliser le bois très régulièrement, c’est que dans la plupart des territoires dans lesquels nous intervenons, le bois est présent. Les élus sont très sensibles à cette matière renouvelable portée par le grand public et par le fait qu’il y a une incitation économique à l’utiliser. Souvent, nous n’avons plus besoin de les convaincre.
Vous avez réhabilité le Fort l’Écluse à Léaz dans l’Ain. Est-ce le projet dont vous êtes le plus fier ?
Nous en sommes très contents. Nous avons beaucoup appris de ce projet qui s’est déroulé sur un temps très long. Nous avons été retenus en 2012 et nous livrons la scénographie cette année. Cela fait presque 10 ans que nous allons au fort. Le site appelait des interventions de plusieurs natures. Nous avons repris l’espace d’accueil, la cafétéria, la boutique ; nous avons fabriqué un nouveau plancher pour une salle afin d’organiser une exposition permanente. À cela s’ajoutait l’accessibilité de l’espace. La nouvelle scénographie sera visible à la réouverture en juin.
Quel projet rêvez-vous de concevoir ?
Nous aimerions réaliser un projet autour de l’eau. Il y a un lien fort entre l’eau et la montagne. Dans un de nos projets dans un village des Hautes-Alpes au-dessus de Sisteron, nous avons travaillé sur la notion d’héritage du soleil. Il y a une vraie tradition du cadran solaire dans l'école que nous sommes en train de réaliser. Ce sont des thèmes que nous aimons ajouter aux projets que nous traitons.
Contacts Atelier PNG www.png.archi 42 av. Dugueyt Jouvin 38500 Voiron Tél. +33 (0)4 76 31 67 26 Et 12 rue Bourgon 75013 Paris Tél. +33 (0)1 42 39 94 64