L'espace public à l'épreuve des politiques de la ville

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à l’épreuve des politiques de la ville

Mémoire en vue de l’obtention du diplôme d’architecte, Réalisé par Wattier Fanny, sous la direction de Schaut Christine, ULB - Faculté d’architecture LaCambre-Horta 2015-2016



Remerciements :

J e re m e rc i e l ’e n s e m b le d e s p e r s o n n e s q u i o n t c o n t r i b u é à la ré a l i s a t i o n d e c e m é m o i re e t e n p a r t i c u l i e r : El ise, pou r sa pat ience, son temps et ses encou ragements Ch ristine Schaut, pour son suivi, ses conseils et sa disponibilité.



INTRODUCTION

11

I. Thématique : Vers une culture de l’espace public

13

II. Problématique : L’espace public à l’épreuve des politiques de la ville

17

III. Méthodologie

21

Une approche théorique multidimensionnelle Une approche contextuelle Une approche empirique

IV. Limites de la recherche

21 21 22 25

I. UN CONCEPT MULTIDIMENSIONNEL

19

31

I. Définitions au regard de différents champs disciplinaires

Un produit d’une société urbaine Un support de pratiques socio-urbaines Un espace civique Un bien du domaine public

II. Paradoxes du concept socio-urbain

La privatisation La spécialisation fonctionnelle et / ou sociale La sécurisation

31 34 36 38 43 43 44 44

5


II. UN OUTIL D’ AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE BRUXELLOIS

I. Regard historique

Le temps de la reconstruction

La Bruxellisation Les luttes urbaines

Le transfert des compétences

49 51 51 51 54 56

L’agglomération bruxelloise La régionalisation

56 56

La question socio-urbaine

57

La fragmentation socio-urbaine Les troubles urbains

57 57

L’aménagement du territoire

60

Activisme 2.0 : architecture et urbanité Vers un nouveau modèle socio-urbain

60 61

67

II. Politiques urbaines

6

De la réhabilitation à la revitalisation urbaine

67

Attractivité résidentielle et urbaine Les opérations de rénovation Une absence d’intervention sur les espaces publics

67 68 69

La territorialisation et la démocratisation de l’ action publique

70

Participation et cohésion Les contrats de quartier et le projet régional de développement Une approche technico-infrastructurelle de l’ espace public

70 70 75


La production (re)structurée du territoire

76

Identité bruxelloise et embellissement Les chemins de la ville et le manuel des espaces publics bruxellois Esthétisme des espaces publics

76 77 79

La gestion, la formation et la production qualitative des espaces publics

80

Qualité architecturale et usages La formation ]Pyblik[, l’ ADT et le bMa Le traitement polyvalent de l’ espace public

80 82 85

La rénovation urbaine

86

Le développement durable Le renouvellement des dispositifs Vers des espaces publics multi-scalaires

86 87 91

III. CONTRATS DE QUARTIER EN EXERCICE

97

I. Cadre méthodologique Choix du terrain d’étude Méthode d’analyse Collecte d’informations

99

105

II. Le coeur historique de Molenbeek

Un village dans la ville Un quartier dense et multiculturel Un quartier en transition

99 103 103

105 109 110

7


III. Le parvis Saint Jean-Baptiste

Produire un espace fédérateur Un concept d’espace ségrégué Un espace public communautarisé

I.V. La place communale

Pour une nouvelle centralité Un concept d’espace partagé Un espace public voué à la mixité

115 115 120 122 129 129 138 142

CONCLUSION

155

LISTE DES ABRÉVIATIONS

163

BIBLIOGRAPHIE

167

ANNEXES

177

8




INTRODUCTION



I.THÉMATIQUE : Vers une culture de l’espace public

L

e concept d’espace public lié à la sphère de l’aménagement territorial émerge dans un contexte généralisé de crise urbaine1. L’industrialisation des villes, l’urbanisme qu’elle génère et le passage à une société de production capitaliste qui l’accompagne vont favoriser le développement d’une nouvelle pensée et d’un nouveau rapport à la ville. En 1951, le congrès international d’Hoddesdon (CIAM) dénonce la dispersion urbaine issue de l’industrialisation et encouragée par le développement des moyens de transports. La ville est transformée et adaptée aux nouveaux besoins en termes de mobilité automobile ou de stationnement. Le modernisme qui l’accompagne, avec les nouveaux espaces fonctionnalistes dalles-béton qu’il crée, ne permettra pas de compenser ou de satisfaire à la réalité décriée : la disparition des lieux de rencontre à l’échelle de l’homme2. La notion d’espace public émerge de cette manière pour désigner, paradoxalement, son propre déclin. Elle englobe alors, métaphoriquement, toute forme d’échange entre citoyens et lieux ouverts où ils se croisent et se rencontrent3.

TOMAS, F. (coord.), Espaces publics, architecture et urbanité de part et d’autre de l’Atlantique, Publications de l’université SaintEtienne, 2002 1

2

Ibid.

3

Ibid.

La question de l’espace public s’est depuis progressivement imposée dans le débat urbain. Elle est actuellement au centre de nombreux questionnements concernant le devenir de la ville et est liée à une multitude d’enjeux et d’idéaux. A l’heure actuelle, plus de 50% de la population mondiale vit en milieu urbain. Les projections démographiques annoncent un taux de 80% d’ici 20504 et avec elles des défis urbains et sociétaux majeurs à relever. Le logement, la nourriture, l’emploi, l’environnement constituent quelques enjeux parmi tant d’autres. Dans cette problématique urbaine générale, l’espace public tend à s’imposer comme un outil indispensable de fabrication et de régénération de la ville. D’ordre citoyennes ou politiques, nombreuses sont les initiatives nourries par une multitude de réflexions et encouragées par le climat de crise ambiant.

DALSGAARD, A. ,The Human Scale,, 2012 4

Bruxelles, la capitale belge et européenne, n’échappe pas à ce phénomène et à cet engouement pour l’espace public. Le concept semble avoir trouvé une résonnance considérable à l’heure où, dans la société actuelle, démarches culturelles, évènementielles, professionnelles, actions citoyennes, politiques ou réaménagement de l’espace public en lui-même, … s’enchainent.

13


Fig.1 Le piĂŠtonnier, P-Y THIENPONT, Source : lesoir.be

Fig.2 Le bourse durant le Picnic the streets, AFP, Source : lesoir.be

Fig.3 Place Flagey, B. CAPELLE, Source : archiurbain.be

Fig.4 Affiche du Human cities festival, Source: Humancities.eu

14


Park(ing) Day

Quelques unes de ces démarches ...

...

pleinOPENair Picnic the streets

Fig.1

Square des ursulines

ZINNEKE PARAD

Le Piétonnier

...

Fig.2

Fig.3

Walking madou

...

Dimanche sans voiture

Pyblik

Flagey

Fig.4

Human cities

15



II. PROBLÉMATIQUE : L’espace public à l’épreuve des politiques de la ville

C

ette recherche est née avant tout d’un intérêt personnel et d’une curiosité liée à un engouement général porté autour de la question de l’espace public. Elle s’est précisée au fil des lectures par le constat suivant : la place et le rôle croissants de l’espace public dans la société urbaine et l’aménagement du territoire bruxellois liés à de nombreux enjeux. Depuis l’émergence d’un droit à la ville1 dans les années 60, différents activistes urbains ont permis d’amener la question de l’espace public au cœur même des débats et des actions politiques bruxelloises. Balancé entre des intérêts divers, publics ou privés, politiques ou citoyens, le concept n’a sans cesse gagné en importance. A présent, il constitue un outil majeur de l’aménagement du territoire bruxellois. Au travers de différentes politiques urbaines, les transformations de la ville se sont rythmées d’opérations sur les espaces publics portées par une multitude d’enjeux. Elles semblent mener vers un idéal socio-urbain traduit spatialement par une certaine tendance aménagiste. Cette évolution et ces changements ont été particulièrement portés par les opérations de revitalisation urbaine initiées au travers des dispositifs d’action territorialement localisés. Au travers des contrats de quartier se dégage une conception du « Vivre-ensemble ». Par l’intermédiaire de cet outil destiné aux quartiers les plus fragilisés de Bruxelles, l’espace public semble être le lieu de cristallisation de cet idéal de coexistence. En intégrant aux considérations «esthétiques » d’embellissement, la participation citoyenne, la cohésion sociale, les questions d’usages et enfin la mobilité, ces actions locales soutiennent aujourd’hui une conception de la ville plus globale.

« Le droit à la ville se manifeste comme forme supérieure des droits : droit à la liberté, à l’individualisation dans la socialisation, à l’habitat et à l’habiter. Le droit à l’œuvre (à l’activité participante) et le droit à l’a ppropriation (bien distinct du droit à la propriété) s’impliquent dans le droit à la ville. » TOMAS F., Op. Cit. 1

La recherche s’articule donc sur la nécessité d’appréhender l’impact des politiques urbaines sur l’espace public dans l’aménagement du territoire bruxellois. Pour étayer ce propos, l’analyse proposée reposera sur une approche diachronique de la question au sein de son contexte bruxellois suivie d’une approche empirique.

17


18


PleinOPENair,2006 Source : BEM n°274, P.74

19


20


III. MÉTHODOLOGIE

L

a recherche est organisée en trois parties distinctes. La première approche la question de l’espace public de manière plus théorique. La seconde s’intéresse de manière générale à la problématique de l’espace public dans l’aménagement du territoire bruxellois. La dernière repose sur une approche empirique du sujet à travers l’analyse de deux espaces publics produits dans le cadre d’un dispositif précis. Cette organisation reflète le processus de travail et d’acquisition de connaissances personnelles autour du sujet.

Une approche théorique multidimensionnelle

Cette partie repose sur la nécessité d’approcher le sujet de manière plus théorique. L’objectif consiste à définir la notion d’espace public. L’étude y fera état de son caractère multidimensionnel. Il conviendra donc de l’aborder dans une approche générale de définitions par le biais de différents domaines. Celle-ci sera suivie d’une lecture des paradoxes contemporains entourant la question de l’espace public. Elle permettra de mettre en avant la nature relative de la notion et de comprendre les enjeux sous-jacents au concept socio-urbain dans la société actuelle. Elle définira également un cadre méthodologique pour l’approche empirique.

Une approche contextuelle

Cette partie repose sur la volonté d’appréhender la question de l’espace public de manière plus générale dans l’aménagement du territoire bruxellois. Elle a pour objectif de déterminer et de comprendre la place et le rôle occupés par l’espace public dans ce domaine et l’impact des politiques urbaines sur celui-ci. Il sera également question de l’aborder dans une double perspective. D’une part, elle resituera dans une approche historique le sujet dans son contexte bruxellois de manière à en comprendre son évolution. D’autre part, la question de l’espace public sera étudiée au travers des politiques urbaines développées qui ont contribué à la place qu’elle occupe actuellement. Ces politiques seront abordées par l’analyse des enjeux, des principaux dispositifs et du traitement architectural associé à l’espace public dans une perspective diachronique. Cette recherche permettra de définir l’espace public en tant qu’outil d’aménagement du territoire influencé par des visions et des stratégies urbaines. Elle permettra également de donner un cadre d’approche plus spécifique pour la recherche empirique.

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Une approche empirique

Cette dernière partie a pour objectif d’identifier l’impact des politiques urbaines sur l’espace public dans l’aménagement du territoire bruxellois. Pour y parvenir, elle se concentrera sur l’analyse de deux espaces publics produits dans le cadre de Contrat de Quartier. Ce dispositif a été délibérément choisi pour son rôle important dans l’évolution de la question de l’espace public et de sa production. L’étude développée reposera sur l’analyse secondaire de données empiriques (entretiens) et d’observations in-situ. Elle sera effectuée suivant la méthodologie induite dans la partie théorique ; chacun des deux espaces publics sera abordé au travers des cadres respectifs : politique, architectural et social. Le cadre politique se construira autour du cadre d’intervention, des enjeux et de la stratégie mise en place pour la production de l’espace public en question. Le cadre architectural s’attachera à l’étudier dans son contexte urbain, son concept et l’aménagement en résultant. Le cadre social tentera quant à lui, à nouveau après une mise en contexte, d’identifier les usages et la capacité d’appropriation produite par le réaménagement architectural de cet espace. Sans prétendre à établir des généralités, cette partie a pour intention d’étudier la problématique de la production de l’espace public au sein du dispositif de contrat de quartier.

22


23


24


IV. LIMITES DE LA RECHERCHE

C

ertaines limites apparaissent dans cette recherche. Elles sont fondées sur différents choix effectués pour l’étude de ce sujet : le choix d’un développement de politiques urbaines spécifiques, d’un cas d’étude restreint et d’outils méthodologiques limités. Les politiques urbaines présentées ici et les dispositifs qui y sont associés constituent ce qu’il semblait être le plus représentatif en termes de production d’espaces publics. Il en existe davantage dont l’étude nécessiterait un travail à part entière. Le choix limité du cas d’étude, répondre à la problématique de l’espace public par l’analyse de la production de deux espaces publics ; ne permet pas de le généraliser à l’aménagement de tout un territoire. Il existe certainement, sinon des cas qui confirment davantage les tendances émises, des cas qui les nuancent ou les contredisent. Leur recherche et leur étude ne seront pas abordées. Enfin, les outils méthodologiques employés sont propres au champ de l’architecture. Pour approfondir les différentes dimensions du cadre politique et social des deux cas d’étude, il faudrait utiliser des outils propres à la politologie, à l’anthropologie ou à la sociologie ce qui relève d’autres compétences. Ce travail ne prétend pas répondre de manière exhaustive à la problématique de l’espace public au sein des politiques urbaines. Il se propose plus, de façon exploratoire et synthétique, d’énoncer des tendances et d’émettre des hypothèses.

25


26




I. D

UN CONCEPT M U L T I D I M E N S I O N N E L1

epuis son apparition dans les années 60 dans le domaine de la philosophie politique2, la notion d’espace public s’est progressivement étendue à de nombreux domaines. Elle est actuellement utilisée de façon multiple et variée. Toute question relative à la notion d’espace public trouve donc sa complexité dans son caractère polysémique et, par conséquent, multidimensionnel3. Dès lors, il est nécessaire de s’attacher à la recherche, sinon d’une définition, des différents sens et dimensions qu’elle implique (I). Ces dimensions participent à la construction d’un concept socio-urbain soumis, dans la société actuelle, à de nombreuses contradictions (II).


DESSOUROUX, C., La production des espaces publics dans la ville contemporaine: enjeux, acteurs et logiques de gestion et d’a ménagement dans trois communes de la Région de Bruxelles Capitale, (Université libre de Bruxelles, sous la dir. de Decroly JeanMichel. ,2006), p. 400. 1

La notion d’ espace public désigne alors le lieu de l’ opinion publique. 2

DESSOUROUX, C., op.cit. 3

30


I. DÉFINITIONS AU TRAVERS DE DIFFÉRENTS CHAMPS DISCIPLINAIRES

L

a notion d’espace public ne peut se définir de manière univoque. Elle se décline spécifiquement aux domaines d’étude considérés. Nous l’aborderons ici au regard de différents champs disciplinaires : architectural et urbanistique, socio-anthropologique, de la philosophie politique et enfin juridique. Cette lecture multiple de l’espace public permettra de saisir la complexité de la construction du concept socio-urbain actuel et sa multidimensionnalité.

Un produit d’une société urbaine

Dans le champ urbanistique et architectural, le terme espace public désigne des réalités sensiblement différentes. Une place de quartier où se retrouvent les vieux habitants pour discuter, un boulevard urbain où se pressent et se klaxonnent des automobilistes irrités tôt ou tard dans la journée, un parc où il fait bon de se prélasser quand revient le soleil les jours d’été ... Ces quelques images mentales illustrent ces réalités. On peut donc parler d’espaces publics4 au pluriel par la grande variété de typologie, de morphologie spatiale, d’échelle, de fonctions et d’usages qu’induit le terme « espace public » au singulier. Ces espaces ont pour spécificité commune d’être le produit d’une société urbaine. Par leur extériorité, accessibilité et géographie, ils permettent de structurer et d’organiser la ville. Cette organisation apparait au cours du temps comme le reflet d’une vision politique de la société urbaine et de ses rapports sociaux5. L’espace public du moyen-âge, la place médiévale, reflète l’autonomie communale et la naissance des bourgeois face au pouvoir seigneurial. Au 19e siècle, les larges percées des boulevards haussmanniens traduisent le triomphe du capitalisme. Au 20è siècle, le désinvestissement des urbanistes envers les espaces publics traditionnels signe leur déclin au profit d’un espace conçu pour la circulation, les flux et la mobilité en organisant rationnellement l’espace de l’homme nouveau6.

PAQUOT, T., L’espace public, ed. La découverte, Paris, 2009, pp. 3-4 4

SCHAUT, C., Pour une lecture multidimensionnelle des espaces publics urbains, in. Conceptions du dialogue interculturel en Wallonie et à Bruxelles, sous la dir. Service général de la jeunesse et de l’é ducation permanente, coll. Culture-éducation permanente, N°16, 2012,pp. 151-158 5

6

Ibid.

Ces espaces sont produits pour répondre à des fonctions et supporter des usages propres à la société urbaine dans laquelle ils s’inscrivent. Cette production est directement liée à la manière dont le pouvoir en place se représente la société et les formes de sociabilité qu’il souhaite voir s’y développer: espaces de travail et côtoiement au moyen-âge, espaces de promenade et de contemplation à la renaissance, espaces de circulation par Un produit d’une société urbaine

31


1

Ibid., p. 123-124.

Tel idéal semble se dessiner autour de la question de l’espace public, en atteste notamment le débat autour de la question « quel avenir pour nos villes ? » entre les différents bourgmestres des communes de Bruxelles, Molenbeek et des villes de Namur et Louvain-La-Neuve. 2

PERLA KOROSEC, S., La sociabilité publique et ses territoires – Places et espaces publics urbains, Arch et Comport. / Arch. Behav., Vol 4n°2, 1988. p.1 16. 3

PAQUOT, T., L’ espace public, ed. La découverte, Paris, 2009, pp. 3-4.

un désinvestissement de la sphère publique sur la sphère privée au 20e siècle1 . A notre époque, la question de l’espace public semble s’articuler autour de la conception d’espaces de vivre ensemble2. L’évolution de la société urbaine entraine alors un ajustement de la fonction, de l’usage et du traitement attribués à un espace public au cours du temps. La manière de le considérer, de le produire ou de le requalifier dépend donc de la société en place et des rapports socio-urbains qu’elle développe. Ces espaces sont dits en cours de production3 par cette spécificité : ils sont en perpétuel renouvellement. En ce sens, les places publiques, autrefois érigées comme lieu de représentation du pouvoir sont, au 20esiècle, souvent devenues des espaces de stationnement sous les dictats de l’industrie automobile. A l’heure actuelle, certaines de ces mêmes places publiques sont devenues des lieux de contemplation et de consommation sous l’effet des phénomènes de muséification et de mise en tourisme. D’autres font l’objet de reconsidérations sociétales politiques et ou citoyennes afin de devenir des espaces communs de vie.

16

L’espace public revêt donc des significations, des rôles et des traitements différents selon la société et l’époque dans lesquelles il s’inscrit. Aujourd’hui, l’intérêt croissant pour la question de l’espace public semble traduire la transition de la société urbaine et l’amorce de ses changements.

La notion d’ espace public référée à la sphère public et à la fabrique des opinions se doit au travail du théoricien allemand Jürgen Habermas en 1961. 17

18

PAQUOT, T., Op. Cit.

Notion de transposition des champs TOUSSAINT, J-Y, ZIMMERMAN, L’ espace public et l’espace du public. Politique et aménagement, in. User, observer, programmer et fabriquer l’espace public, sous la dir. TOUSSAINT, 19

32

Un produit d’une société urbaine


Boulevard Anspach vers 1900, Source : ebru.be

Bvd. Anspach avant son projet test de piétonnisation Source : ebru.be

projet de réaménagement du Bvd. Anspach récemment piétonnisé, Source : Sum.be

Un produit d’une société urbaine

33


HALL, Edward.T, La dimension cachée , Editions du seuil, Paris, 1971, 1

PERLA KOROSEC, S., Op. Cit., p. 114. 2

PERLA KOROSEC, S., Ibid., p. 119. 3

4

5

Un support de pratiques socio-urbaines

L’espace public, et l’espace en général, est une construction sociale et culturelle. La manière dont on se le représente, dont on le perçoit et dont on se l’approprie dépend des systèmes culturels propres à chaque société urbaine et à chaque individu1 . Ce système culturel se construit à travers la culture, l’environnement et la position sociale. Chaque société urbaine se représente son environnement et ses rapports sociaux. Chaque personne développe un rapport personnel à son environnement et aux autres basé sur la manière qu’elle en a de le lire et de le percevoir. Les rapports et interactions individu-environnement et des individus entre eux en sont donc d’autant plus complexes. De par la fonction qu’on lui attribue et la manière dont on le conçoit, l’espace public tend à suggérer et encourager des pratiques socio-urbaines. Dans cette perspective, les parcs sont supposés être des lieux invitant à la flânerie et la déambulation, les boulevards être des lieux destinés à la circulation, les rues commerçantes à encourager la consommation, … Cela signifie que l’espace public en question induit et régule des usages et des comportements desquels découlent des normes d’usages2 . Les pratiques socio-urbaines étant directement liées à la perception de l’environnement, l’appropriation de l’espace en résultant sera tributaire de la lecture et de l’interprétation des usagers. Il en résultera des comportements conformes ou non aux normes d’usages sous-jacentes au contexte dans lequel ils prennent lieux3.

GUISSE, S., Op.Cit.

L’espace public constitue donc un cadre spatial commun à un ensemble d’individus aux positions sociales et culturelles diversifiées. Ils l’occupent et l’utilisent différemment à des moments similaires ou non. L’appropriation de cet espace « commun » fluctue au grès des rythmes et des activités des groupes socio-culturels qui en usent. Cette mise en commun implique une mise en relation des individus et confère à l’espace public un caractère interactionnel. Il s’y joue donc des rapports sociaux4.

SCHAUT, C., Op.cit.

L’espace public est, de par son caractère interactionnel, un lieu d’altérité. Pour réguler ces interactions, les individus développent des codes comportementaux inconscients et implicites : évitements, heurts, frottements, repli,… L’ensemble de ces comportements repose sur ce que Goffman appelle l’inattention polie qui permet la coexistence d’individus en sein d’un même espace. Le bon fonctionnement du « partage » de cet espace public et de son appropriation dépend alors des conditions de vivre-ensemble dans le respect ainsi que de la reconnaissance et de l’indifférence de l’autre5.

34

Un support de pratiques socio-urbaines


Le traitement et l’aménagement de ces espaces vont également influencer le comportement de l’usager en l’incitant ou le dissuadant d’agir comme une ressource ou une contrainte pour lui-même ou pour l’espace public6. Il existe donc une interaction dialectique entre cadre spatial et cadre social agissant directement sur le comportement de l’usager qui lui-même agit sur la perception du cadre spatial. Ce rapport individu-environnement bien que politiquement conditionné reste avant tout tributaire du contexte socio-culturel de ceux-ci. L’ensemble des pratiques socio-urbaines participent en finalité à la fabrication des images sociales du lieu7 et influencent alors la perception du cadre spatial dans lequel elles s’opèrent ainsi que les phénomènes de stigmatisation et de reconnaissance sociale8 .Un comportement déviant à la norme sous-jacente, la présence de personnes « indésirables » ou un aménagement impropre influencent cette perception individuelle et collective du cadre spatial dans lequel ils prennent part. Si l’espace public est un contexte mis en place de manière à suggérer des pratiques et des comportements socio-urbains, ce sont finalement les usages réels qu’en font les usagers qui en déterminent le véritable sens. Il existe donc une tension entre sens apparent, sens réel et représentation idéale des usages et usages observés9 soumis à l’évolution de la société.

Ce rapport interactionnel entre individu et espace que constitue l’usage d’un espace, en l’occurrence ici d’un espace public, et la forme spatiale a été appelé, d’après la recherche de Sabine Guisse, Capacitation 6

GUISSE, S., La « capacitation spatiale », un aménagement à l’écoute des usages, De la nécessité d’une redéfinition des objectifs de l’intervention urbanistique sur l’espace public à partir de la réalité plurielle des usages, article de présentation de recherche, 2009 7

8 9

Ibid. Ibid

« Des individus appartenant à des cultures différentes, (…) habitent des mondes sensoriels différents »

HALL, E.T, in. La dimension cachée , p.15

Un support de pratiques socio-urbaines

35


La notion d’espace public référée à la sphère public et à la fabrique des opinions se doit au travail du théoricien allemand Jürgen Habermas en 1961. 1

2

PAQUOT, T., Op. Cit.

Notion de transposition des champs : TOUSSAINT, J-Y, ZIMMERMAN, L’espace public et l’espace du public. Politique et aménagement, in. User, observer, programmer et fabriquer l’espace public, sous la dir. TOUSSAINT, J-Y, ZIMMERMAN, M, coll. Presses polytechniques et universitaires romandes, Lyon, 2001, p.73. 3

VOISIN, B., Espaces publics, espaces de ville, espace de vie, in. User, observer, programmer et fabriquer l’espace public, sous la dir. TOUSSAINT, J-Y, ZIMMERMAN, M, coll. Presses polytechniques et universitaires romandes, Lyon, 2001, pp. 34-47. 4

TOUSSAINT, J-Y., ZIMMERMAN, M., Op. Cit. 5

36

Un espace civique

Dans le domaine de la philosophie politique, l’espace public désigne le lieu de l’opinion publique et du débat politique1 . Cette notion issue des travaux d’Habermas met en avant le caractère communicationnel de cet espace. Il s’agit donc en ce sens d’un lieu d’échange et de circulation des idées permettant de lui attribuer une dimension civique2. Cette notion d’espace public ne désigne pas, au départ, un lieu matériel ou physiquement déterminé. Néanmoins, ces deux aspects tendront parfois, au cours de l’histoire, à se confondre ou s’associer3. Ces rapprochements s’opéreront sur base des rapports publics-privés établis par la société4. Différents « lieux » au cours du temps en témoignent. Les espaces de salon de l’habitat bourgeois ou les cafés sont des exemples à des époques situées qui ont quelque part défini un cadre matériel propice à l’échange et la circulation des idées. On retrouve l’espace civique de la société démocratique plus concrètement, bien que sa forme physique fut aléatoire et diffuse, dans l’espace d’agora athénien. Cet espace de discussion et de négociation permettait aux citoyens de se réunir et de prendre part aux affaires publiques de la cité. Avec la reprise et l’évolution en forum chez les romains, la dimension civique de l’espace public se perdra au profit d’une dimension plus oisive5. Aujourd’hui le développement des médias tend à complexifier le cadre de la question de l’espace public dans les rapports privés-publics qui la définissent. Ces rapports deviennent de plus en plus poreux voir tendent à s’inverser. Des «lieux » à caractère public (internet,…) servent à la diffusion d’informations privées tandis que l’espace public en tant que lieu tend à se privatiser de plus en plus. Cette confusion accrue entre l’espace public et l’espace privé tient de ce que Sennett dénoncait dans son ouvrage «La tyrannie de l’intimité» : le déclin de la vie publique dans une société de plus en plus renfermée sur la sphère privée. Face à ce phénomène différents acteurs tentent à l’heure actuelle de redonner un sens à la dimension civique de l’espace public par le biais de différentes initiatives. Dans un contexte de défiance de plus en plus accrue, les politiques essayent notamment par la mise en place de dispositifs participatifs de redonner aux habitants la possibilité de (ré)exercer une forme de citoyenneté.

Un espace civique


Mouvement citoyen NUIT DEBOUT, Monts des arts, Bruxelles, 2016 Source : Photo news, Lesoir.be

Un espace civique

37


SCHAUT, C., Op, Cit. pp. 151-158 1

Inaliénabilité : Se dit d’un bien ne pouvant être vendus tant qu’il fait partie du domaine public 2

Imprescriptibilité: Se dit d’un bien ne pouvant être acquis par la possession et le temps par une personne physique ou morale de droit privé 3

Insaisissabilité : Se dit d’un bien ne pouvant faire l’objet de mesures d’exécution forcée

Un bien du domaine public

L’espace public, par nature, s’oppose aux formes dites privées1 . Cette distinction établit le caractère juridique du terme et renvoie à une certaine catégorie de biens régis législativement. De cette manière, l’espace public se défini comme un bien du domaine public ; catégorie du droit administratif soumise aux principes d’inaliénabilité2, d’imprescriptibilité3 et d’insaisissabilité4 . Celle-ci induit l’appartenance à la collectivité publique du bien et son affectation à un usage public. L’espace public se doit ici d’être distingué des lieux publics5 (écoles, hôpitaux,…) régis par l’état dans leur usage et leur fonctionnement. Il suppose une accessibilité, une gratuité et une occupation libre pour l’ensemble des usagers quels qu’ils soient dans la limite du respect des normes législatives qui le régissent.

4

BEJA, A., L’espace public, le bien commun par excellence, Esprit 11/2012 (Novembre), p. 71-72 5

A l’heure actuelle, cette qualité inhérente à l’espace public est compromise notamment par les phénomènes de privatisation. Pour y redonner sens, certaines législations redéfinissent juridiquement, sous la pression de certains groupes d’activistes urbains, le statut de l’espace public comme bien commun7. Cette redéfinition, qui s’associe à une conception renouvelée de réappropriation collective de la ville, en implique une action et une gestion communes.

C’est notamment le cas en Italie d’après le film Human Scale 7

38

Un bien du domaine public


Un bien du domaine public

39


40


_ L’espace public est un concept socio-urbain dont la complexité résulte de sa multidimensionnalité. Il «amalgame dans sa réélaboration permanente les exigences techniques, les aspirations sociales, les enjeux politiques et les préceptes architecturaux et urbanistiques de son époque »1 .

DESSOUROUX, C., Op. Cit, p.401 1

Ces dimensions nous invitent à approcher la question de l’espace public dans ses aspects politiques, architecturaux et socio-culturels dans l’optique de témoigner des réalités de notre société urbaine. S’il est le fruit d’une vision politique sociétale, c’est l’ensemble de ces paramètres physiques, usages et pratiques socio-urbaine qui influent et contribuent à l’évolution de sa construction. _

« L’intérêt du tissu urbain ne se limite pas à sa morphologie. Il est le support « d’une façon de vivre » plus ou moins intense ou dégradée : la société urbaine. »

LEFEBVRE, H., in. Le droit à la ville, p.9.

41



II. PARADOXES DU CONCEPT SOCIO-URBAIN

A

l’heure actuelle, le concept socio-urbain d’espace public fait face à de nombreux paradoxes mettant à mal ses différentes dimensions. Ces phénomènes rendent notamment difficile l’identification des espaces se référant au concept défini précédemment. La privatisation Le phénomène de privatisation se présente sous différentes formes ou mécanismes1 et consiste à rendre privées des parties de territoires publiques.

Fig.1

Une des formes les plus décriées de privatisation consiste à revendre ou louer des parties de territoire public à des fins économiques. Cette pratique est de plus en plus courante à une époque où les pouvoirs publics se paupérisent et se retrouvent confrontés à une rénovation urbaine sans cesse plus couteuse. Cette forme de privatisation engendre différentes conséquences : la construction de quartiers privés grillagés et sécurisés, l’apparition d’ « espaces publics » aux usages surveillés et à l’accessibilité limitée et gérée2 ou encore la privatisation temporaire d’espaces publics par le déroulement d’évènements privés à l’accessibilité payante et donc restreinte3.

Fig.2

Nous rencontrons également une autre forme de privatisation de l’espace induite par le comportement ou l’usage de certains usagers. Ces comportements volontaires ou non ont pour conséquence une restriction d’accès ou d’usages de certains espaces publics. Le Parvis Saint Jean-Baptiste, comme nous le verrons dans la partie empirique, constitue un bon exemple d’une appropriation fortement privatisée de l’espace public par sa communautarisation. Celle-ci tend à rendre inhospitalier le lieu pour des individus ne possédant pas les mêmes critères d’appartenance.

IMMERMAN, M, 1 DESSOUROUX, C., Op. Cit. Citons notamment le cas des BID (Buisness Improvement District) dont le principe repose sur la cession d’un espace urbain de la part des pouvoirs publiques à une entreprise privée moyennant une taxe et des travaux d’embellissement et de développement. (Fig1.) 2

3 Citons dans ce cas le cas d’installations de Showroom privés ou des évènements nécessitant de clôturer l’espace, le sponsoring (donc la publicité), le partenariat public-privé dont les bénéfices servent essentiellement des intérêts privés et enfin dont la participation requière notamment une participation financière vis-à-vis du public. L’installation du restaurant pop-up sur la place de la monnaie (Fig.2.) en constitue un exemple.

Fig.1 . IKEA, Hamburg, Source : ikea.com Fig2. Pop up store, La monnaie Bruxelles Source: Artiosi.com Fig.3. Parvis Saint Jean Baptiste Source: personnelle

Fig.3

Paradoxes du concept socio-urbain

43


La spécialisation fonctionnelle et sociale

La spécialisation fonctionnelle et sociale d’un espace est définie par la destination que l’on attribue à un territoire urbain. Cette spécialisation repose sur le développement d’un type d’activité sociale ou économique. Elle influence en conséquence l’ouverture et l’accessibilité de cet espace et donc son caractère public . Par exemple, les centres historiques soumis au processus de muséification et de mise en tourisme, les quartiers de commerces luxueux ou à contrario les quartiers d’une extrême pauvreté ; tendent à freiner la présence et l’appropriation de l’espace par d’autres types d’usagers.

Fig1. Source : BEM, n°230, p.7 HALL,

La sécurisation

Fig.1

Edward.T, La dimension cachée , Editions

du seuil, Paris, 1971, 244.p.

44

Le phénomène de sécurisation est une des conséquences de l’augmentation du sentiment d’insécurité. Certaines démarches sécuritaires donnent, dans certains cas, suite à la demande de la population. Ce phénomène se traduit par l’apparition et la multiplication de nombreux dispositifs tels que : les caméras de surveillance, la présence d’agent de sécurité, la création de normes législatives restrictives à l’égard de certains comportements ou type d’usagers ou encore l’aménagement spécifique de certains espaces urbains. L’ensemble de ces méthodes de sécurisation, principalement dissuasives, participe à une tentative de pacification et de normalisation des espaces urbains.

Paradoxes du concept socio-urbain


_ Cette brève approche de ces quelques phénomènes nous amènent à un double constat : la nature relative de l’espace public et la mise à mal des différentes dimensions de l’espace public rendant difficile l’identification des espaces qui se réfèrent au concept. Bruxelles, qui n’échappe pas à ces phénomènes a néanmoins fait de la question de l’espace public une des priorités dans l’aménagement de son territoire. Cette première approche du sujet nous invite alors à questionner l’impact des politiques de la ville sur l’espace public. _

Paradoxes du concept socio-urbain

45


46




II. D

U N O U T I L D ’A M É N A G E M E N T D U T E R R I T O I R E B R U X E L LO I S

ans un contexte général de crise urbaine, le concept d’espace public se fait progressivement l’un des leviers d’action principaux et centraux des politiques d’aménagement du territoire Bruxellois (I). A ce concept se sont greffés, au fur et à mesure, une multitude d’enjeux et de stratégies. Par le biais de nombreux outils, la ville tente de reconstruire un territoire, des centralités, une identité et de faire de ses espaces publics, qu’elle tente de reconquérir, un lieu de construction du « vivre-ensemble » (II). A l’heure où les villes se marchandent et se privatisent de plus en plus, Bruxelles redessine ses espaces urbains en y intégrant des démarches participatives et des conceptions architecturales dégagées et polyvalentes. Serait-ce dans la perspective d’établir une ville où la valeur d’usage1 reprendrait sens ?


Valeur d’usage: La ville et la vie urbaine, le temps urbain >< Valeur d’échange: les espaces achetés et vendus, la consommation des produits, des biens, des lieux et des signes 1

LEFEBVRE, H., Le droit à la ville, ed. Anthropos, Paris, 2009, p.25


I. REGARD HISTORIQUE

L

a question de l’espace public émerge dans le contexte bruxellois dans le acourant des années 60 - 70. Elle s’associe à la naissance de mouvements contestataires critiquant le modèle d’aménagement urbain moderniste en place et occupe depuis lors une position de plus en plus importante dans le débat et la planification de la ville. Cette reconsidération progressive des espaces urbains est elle-même liée à des modèles et des stratégies urbaines évolutives. Elle s’illustre au travers de quatre périodes significatives dans l’histoire de l’urbanisme bruxellois.

Le temps de la reconstruction

La période du 20e siècle est traversée par une série d’enjeux et de mouvements déterminants pour le développement urbain. L’urbanisme bruxellois se caractérise par un important étalement et éclatement urbain issu d’une période de (dés)industrialisation et d’une politique de modernisation massive menée par l’Etat. La ville perd sa morphologie traditionnelle et sa centralité inhérente2 caractéristiques du modèle traditionnel européen. Ce contexte donne lieu à l’apparition d’une série de critiques émise par une première mouvance d’activisme urbain. Elle porte dans son discours et ses actions les valeurs culturelles urbaines traditionnelles parmi lesquelles l’espace public retrouve un rôle fondamental à jouer.

Le modèle de ville traditionnel européen se caractérise par une centralité urbaine définissant la condition de la vie urbaine. La période d’industrialisation des villes entraine un éclatement urbain et le développement de périphéries. Cette centralité urbaine se reconfigure au profit d’une centralisation de pouvoir et des richesses ou la ville devient un centre décisionnel. THOMAS, F., Op cit. 2

La Bruxellisation

Le terme Bruxellisation qualifie la période du développement urbanistique menée par l’Etat dans les années 50 – 60. Elle s’inscrit dans un courant de fabrication de la ville issue du contexte du développement urbain de la seconde guerre. La reconstruction des villes européennes, détruites durant les années de conflit et - ou l’urbanisation nécessaire suite au développement démographique, a donné naissance à un double mouvement3. Le premier qualifié de progressiste s’attachera à une conception de la ville fonctionnelle, technique et hygiéniste. Le second qualifié de culturaliste chérira les valeurs urbaines traditionnelles. Le contexte de croissance économique des années 50 et les exigences urbanistiques qui l’accompagnent vont permettre au modèle progressiste de s’imposer .

Fig.1 Fig.1 . Schéma du modèle fonctionnaliste bruxellois d’après le plan alpha, Sarah lévy, in Espaces publics bruxellois, Etude de définition d’un plan d’amélioration des espaces publics bruxellois, Taktyk urbanisme, Bruxelles Mars 2012 3 CHOAY, F., L’urbanisme utopies et réalités, une anthologie, ponts essais, paris, 1979

Le temps de la reconstruction

51


Rédigée en 1933 lors d’un congrès international d’a rchitecture moderne (CIAM), la charte prescrit différents principes pour la planification et la construction des villes : zonage, dissociation bât – voirie, hiérarchisation des voiries, principes d’ensoleillement, … 1

DESSOUROUX, C., M., Espaces partagés espaces disputés, Bruxelles une capitale et ses habitants, ed. Direction études et planification (Administration de l’aménagement du territoire et du logement), 2008 2

Fig.1 . Le projet Manhattan, quartier nord, 1968 source : Bruxelles en mouvement, n°274, p.9

A Bruxelles, la politique de modernisation urbaine mise en place au travers de son propre modèle fonctionnaliste privilégie le développement immobilier (majoritairement des surfaces de bureaux) et infrastructurel (aménagements routiers) au détriment du cadre de vie des habitants. Les principes de Tabula rasa prescrits par les modernes et matérialisés par la Chartes d’Athènes1 guident la construction d’une nouvelle ville. Elle se rationnalise et subit, par cette politique et cet urbanisme technocratiques, d’importants dégâts. De nombreux quartiers centraux historiques sont progressivement détruits renforçant l’exode rural en périphérie et permettant la mise en place d’une centralité tertiaire et décisionnelle2. Le statut de Bruxelles en tant que capitale belge et européenne et son internationalisation contribuent à alimenter cette période urbanistique effrénée. La transformation du tissu urbain bruxellois s’opère alors au détriment de ses espaces publics convertis en espaces de circulation réservés aux automobilistes. Cet idéal moderniste et ce développement urbanistique se matérialisent par de nombreux projets. Le projet Manhattan au quartier nord et l’extension du palais de justice dans le quartier des marolles en constituent les plus significatifs et déterminants dans l’histoire bruxelloise. Par l’échelle et l’importance de leurs travaux qui impliquaient l’expulsion d’une grande partie de leur population, ils donnent naissance à une importante mobilisation contestataire. Au quartier nord, le développement de l’ensemble multifonctionnel de tours et Fig.1 d’infrastructures n’empêchera pas les expulsions et les destructions mais n’atteindra pas les ambitions du projet initial. Le plan d’ensemble du projet sera révisé suite à la crise financière des années 70. « La bataille des Marolles», constitue quant à elle aujourd’hui un symbole historique de victoire d’une contestation populaire sur un projet politique. L’importante mobilisation citoyenne permettra d’éviter le projet de destruction initial.

Fig.2. Source : Christian Carez, Bruxelles en mouvement, n°274, p.1 5

52

Le temps de la reconstruction


Fig.2

Le temps de la reconstruction

53


COMHAIRE, G., Activisme urbain et politiques architecturales à Bruxelles : le tournant générationnel, in. L’Information géographique 3/2012 (Vol. 76) 1

2

Ibid.

LUALABA LEKEDE, A., Les contrats de quartier … 16 ans après, in. Bruxelles Santé, n° 56, octobre 2009 3

Fig1. Bataille des marolles, Source : Bruxellesanecdotique

54

Les luttes urbaines

La transformation de Bruxelles sur base du modèle fonctionnaliste et la suprématie des intérêts économique qu’il encourage a engendré des destructions de l’espace physique et de la sphère sociale1 . Pour marquer leur opposition à ces réaménagements qui défigurent la ville, les différents activistes se regroupent pour instaurer un droit à la ville2 et défendre une ville à échelle humaine comme espace représentatif, patrimonial et culturel3. Ces idées s’inscrivent dans le courant culturaliste précédemment évoqué et s’associent directement à la pensée d’Henri Lefebvre. Dans son essai intitulé «le droit à la ville» l’auteur fait état de la ville comme enjeu sociétal. Il défend un droit à la vie urbaine définie par sa valeur d’usage. Une valeur amenuisée voir disparue avec le développement de la société industrielle et le passage à un mode de production capitaliste de la ville au profit de sa marchandisation. L’urbanisation qui l’accompagne et les espaces urbains qui en découlent en font état, l’absence de protection du logement et la perte de la fonction résidentielle pour le centre l’attestent.

Fig.1

Le temps de la reconstruction


Dans cette continuité se créent à Bruxelles des associations telles que l’ARAU, AAM ou Bruxelles Inter-environnement. Ces différents groupes naissent des nombreux mouvements de contestation4 réunis autour des deux projets cités : quartier nord et extension du palais de justice. Ils s’inscrivent dans la lignée de la reconstruction de l’école européenne respectueuse du tissu urbain hérité du 18e et du 19e siècle. Elle se formalise dès les années 80 dans la déclaration de Bruxelles 5 : Toute intervention sur la ville européenne doit obligatoirement réaliser ce qui toujours fut la ville, à savoir : des rues, des places, des avenues, des îlots, des jardins, … soit des « quartiers ».

Bruxelles, la ville aux cents comités de quartiers» 4«

BAREY,A., Déclaration de Bruxelles, in. LEVY, S., La planification sans le plan, règles et régulation de l’aménagement du territoire Bruxellois, Urban notebooks, Vubpress, Bruxelles, 2015 5

Toute intervention sur la ville Européenne doit par cotre bannir les routes et les autoroutes urbaines, les zones monofonctionnelles, les espaces verts résiduels. Il ne peut y avoir ni zones industrielles, ni zones commerçantes, ni zones piétonnières mais seulement des quartiers incluant toutes les fonctions de la vie urbaine.

La protection du patrimoine, le respect du tissu urbain, la place de l’espace public et sa convivialité retrouveront du sens6 et une nouvelle place dans le développement urbain. La contestation de ce milieu intellectuel associée à celle des habitants permettra une première transformation des politiques publiques bruxelloises plus proche de leurs différentes revendications.

Reconstruire la ville, c’est reconstruire son tissu social, fait d’hommes, de familles, d’entreprises, de commerces et de services. C’est donc construire des rues qui ne soient pas des routes, des places publiques qui ne soient pas des parkings, créer et respecter les alignements et non des discontinuités, favoriser la mixité des fonctions et non la ségrégation. Et pour construire la ville, il faut reconstruire la démocratie urbaine : en particulier créer des structures d’information et de participation aux décisions. Tel est le projet de l’ARAU : reconstruire l’urbanité . 7

Le temps de la reconstruction

LUALABA LEKEDE, A., Op. Cit. 6

SCHOONBRODT, R., 1984 in. DESSOUROUX C., La production des espaces publics dans la ville contemporaine : enjeux, acteurs et logiques de gestion et d’a ménagement dans trois communes de la Région de Bruxelles Capitale, (Université libre de Bruxelles, sous la dir Decroly Jean-Michel. ,2006), p.210 7

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Le transfert de compétences

La création progressive d’un nouveau niveau de pouvoir décisionnel propre à la région bruxelloise à la fin des années 80 permet l’acquisition de nouvelles compétences et le renouvellement des politiques publiques. Cette situation donne l’opportunité de mettre en place un nouveau modèle de développement urbain empreint des idées de la génération militante en place. Il s’attache à répondre aux conséquences héritées des périodes urbanistiques précédentes. Ces autorités publiques naissantes élaborent une série de dispositifs qui permettent d’amener progressivement la question de l’espace public dans les principales considérations politiques du développement urbanistique.

DESSOUROUX, C., Heurs et malheurs de l’espace public bruxellois, in. Bruxelles en mouvements, n°177 , 7 décembre 2006, pp1-4 1

L’agglomération Bruxelloise

Les revendications citoyennes et intellectuelles issues du contexte d’opposition aux politiques menées par l’Etat vont être, dans un premier temps, prises en charge par un pouvoir transitoire mis en place début des années 70 : l’agglomération bruxelloise. Cette nouvelle instance, plus proche des considérations bruxelloises, partage une même volonté : la réappropriation de la ville. Par une entende commune, elles mettent en place un processus de démocratisation des politiques publiques et une production urbanistique basée sur la requalification et la protection des quartiers anciens. La gestion urbaine gagne en transparence et une première participation au débat des associations d’habitants sur le devenir de la ville se met en place par la création d’une procédure consultative : l’enquête publique et la commission de concertation (1979). La protection et la réhabilitation des quartiers anciens deviennent quant à elles, dans la lignée des désidératas associatifs1 , une priorité régionale. Elle se construira au travers, dans un premier temps, d’opérations de réhabilitation suivie, dans un second temps, d’une politique de rénovation.

COMHAIRE, G., Op.Cit, p.4

Ces politiques héritent d’une situation contextuelle difficile issue de la désindustrialisation, de la tertiarisation et de l’urbanisation progressiste bruxelloise effrénée. Ces périodes ont pour conséquences ce qui constituera les principaux enjeux urbains à résoudre : dynamique démographique négative, désindustrialisation et paupérisation du centre, dégradation du bâti, perte d’attractivité, départs des classes moyennes vers la périphérie et diminution des ressources fiscales2. En s’orientant préalablement sur la question du cadre bâti, les politiques menées par l’agglomération bruxelloise

56

Le transfert des compétences

2


ne suffiront pas à permettre un réel investissement dans le réaménagement des espaces publics. Elles ne permettront pas non plus un renouvellement suffisant du cadre de vie satisfaisant la résolution de ces défis.

La régionalisation 3

La création de la région bruxelloise en 1989 permettra l’établissement définitif d’un nouveau niveau de pouvoir. Cette autonomie décisionnelle obtenue pour Bruxelles confirme l’acquisition et la redistribution d’une nouvelle série de compétences initiées par l’agglomération bruxelloise; notamment en matière d’aménagement du territoire et d’urbanisme. L’apparition de cette instance va par ailleurs nécessiter la création et le renouvellement de nouveaux dispositifs et d’un personnel politique qui lui est spécifique. Cette situation contextuelle va permettre à des membres d’associations comme l’ARAU d’accéder à des postes stratégiques au sein des différentes administrations bruxelloises3. Ces différentes places occupées vont permettre la percolation d’une série de leurs idées et une plus grande possibilité d’action dans le développement urbanistique de la ville. La production de nouveaux dispositifs ; en particulier les contrats de quartier et le projet régional de développement ; dans le courant des années 90 va permettre d’instituer les considérations de démocratisation et de réhabilitation urbaine dans l’action politique publique. Elle satisfait la mise en place d’un nouveau modèle de ville basé sur la reconstruction et la revalorisation d’une identité urbaine centrale où l’espace public se dessine comme projet global d’une revitalisation urbaine animée par des questions d’attractivité.

Le plan se veut un projet ambitieux et concret qui puisse répondre aux besoins et aux aspirations de ceux qui vivent dans la région. L’ambition du plan est de structurer le développement régional en fonction des grands problèmes que sont actuellement : l’exode urbain, la transformation du tissu économique et notamment la restructuration des industries et l’accroissement continu et important du tertiaire, [….], le manque de qualité du cadre de vie et de l’environnement, la concurrence entre villes et régions et la difficile synthèse pour la région de Bruxelles capitale entre l’ambition européenne et la qualité de la vie quotidienne. [….] Un grand effort doit donc être fait pour restaurer l‘attractivité résidentielle de la région. PRD, Ord. Org 1er juillet 1992 – arrêté du 3.3.1 995 Le transfert des compétences

Ibid.

Fig.2

Fig. 2 Schéma du modèle de centralisme identitaire défini par le 1er PRD, Sarah Lévy, in. Espaces publics bruxellois, Etude de définition d’un plan d’a mélioration des espaces publics bruxellois, Taktyk urbanisme, Bruxelles Mars 2012

57


La question socio-urbaine

Les conditions socio-urbaines de la ville de Bruxelles dans les années 80 – 90 résultent du développement urbain mené antérieurement. Elles se caractérisent par une paupérisation croissante du centre urbain spécifique au contexte bruxellois et justifient la mise en place d’une politique régionale axée sur une échelle d’action locale. Cette stratégie politique s’inscrit dans les ambitions de revalorisation identitaire et d’attractivité de la ville centrale. Elle donne une nouvelle place et défini un nouveau rôle à jouer pour l’espace public dès les années 90.

DESSOUROUX C., La production des espaces publics dans la ville contemporaine : enjeux, acteurs et logiques de gestion et d’a ménagement dans trois communes de la Région de Bruxelles Capitale, (Université libre de Bruxelles, sous la dir Decroly Jean-Michel. ,2006), p.259 1

2

La fragmentation socio-urbaine

La structuration du territoire bruxellois repose sur une spatialisation différenciée entre les quartiers pauvres et aisés. Cette fragmentation socio-spatiale résulte de la période de désindustrialisation et de l’exode urbain des classes moyennes vers la périphérie renforcé par les destructions menées par les politiques de l’Etat. Ce morcellement a pour spécificité qu’il concentre les quartiers pauvres au centre de la ville et en particulier le long du canal - siège des anciennes industries. Cette dynamique démographique entraine l’appauvrissement des quartiers, la dégradation du bâti et une concentration de logements vétustes. Elle entraine l’installation ou le maintien des populations les plus précarisées, notamment une main d’œuvre immigrée peu qualifiée. Cette situation socio-économique contribue au déficit budgétaire communal et l’échec des politiques locales de rénovation entreprises sous l’agglomération bruxelloise favorise la progression de l’appauvrissement des quartiers centraux1 .

Les troubles urbains

Fig.1

Ibid.

SCHAUT, C., plan du cours de sociologie des politiques de la ville, ULB, Bruxelles, 2013

Fig.2

Fig1. , Fig2., Fig.3., Molenbeek Saint Jean en 1987, Source: reportage panorama Molenbeek 1987

Fig.3

58

La question socio-urbaine

3

Les difficultés financières communales amènent certaines entités à préférer des opérations plus rentables dans des zones clés2. Les quartiers précarisés exclus du développement urbain deviennent dans les années 90 le siège de nombreuses tensions socio-urbaines. Les espaces urbains en sont le témoin : pauvreté, errances urbaines, tensions dans le vivre-ensemble, crise des liens sociaux, insécurités… 3 L’éclatement d’émeutes à Forest en 1991 et la montée de l’extrême droite dans les quartiers populaires de la ville participent à la visibilité de leurs conditions problématiques.


Il en découle une nouvelle question sociale construite autour d’une dimension socio-économique et socio-affective4. La région met en place une politique urbaine centrée sur cet ensemble urbain défavorisé et la résolution de ses problèmes par la création de dispositifs d’accompagnement. Elle se justifie par la proximité du centre-ville et la volonté de lui redonner une identité et une attractivité. Par une territorialisation de l’action publique, la région bruxelloise concentrera son budget sur ces territoires définis qui deviendront l’échelle d’action prioritaire et pertinente. La création des contrats de quartiers ambitionne la résolution des conditions de précarités socio-économique par des interventions sur différents volets dont le logement, une politique sociale et l’espace public. Ce dernier volet suppose jouer un rôle fondamental dans le renouvellement et l’amélioration du cadre de vie des habitants.

4

Ibid.

« La revitalisation d’un quartier a pour objectif de le restructurer, en tout ou en partie, de manière à restaurer ses fonctions urbaines, économiques et sociales dans le respect de ses caractéristiques architecturales et culturelles propres. La revitalisation est réalisée au moyen d’une ou plusieurs opérations qui consistent à maintenir ou à accroitre et à améliorer l’habitat, les infrastructures de proximité, les implantations mixtes et les espaces publics et pour lesquels des subventions peuvent être accordées aux communes, aux centres publics d’aide sociale, aux organismes d’intérêt public ou aux associations sans but lucratif ». CDQ, ord. Org. , 7 octobre 1993

La question socio-urbaine

59


COMHAIRE, G., Op. Cit, p.6 1

Au milieu des années 90, une nouvelle génération d’activistes émerge. Elle se nourrit d’un imaginaire urbain alimenté par le résultat de la spéculation immobilière et l’excès de patrimonialisation entrainée par le modèle de reconstruction de la ville européenne1 . En questionnant les espaces laissés pour compte par ces phénomènes et au travers de la question architecturale, ils élargissent le débat urbain et la question de l’espace public au niveau territorial.

2 3

4

Ibid. Ibid

Ibid

Plusieurs figures professionnelles vont se regrouper autour d’un collectif, disturb, créé dans les années 2000. 5

6

COMHAIRE, G., Op. Cit.

Deux projets en témoignent et en renouvellent les modes d’interventions: la place Flagey et la cité administrative de l’état. 7

60

L’aménagement du territoire

Activisme 2.0 : architecture et urbanité

Ce nouveau mouvement d’activisme urbain s’inscrit à bien des égards en opposition à la première génération. Les politiques de reconstruction de la ville européenne entrainent un excès de patrimonialisation. Celles-ci, toujours marquées par la période du fonctionnalisme moderniste, décrient la figure de l’architecte « créateur » et assurent un contrôle réfractaire à la production architecturale dans le territoire bruxellois. Elles freinent le développement d’une architecture contemporaine et inventive2. Ces nouveaux acteurs mettent en place un droit à la qualité architecturale3 dans la continuité d’un droit à la ville instauré par les intentions des générations militantes précédentes. Dans une lettre ouverte intitulée « Qui a peur de l’architecture? » dans les années 2000, les auteurs issus de ce mouvement critiquent la logique du marché et le cadre réglementaire obstruant la mise en place d’une architecture de qualité4. Cette nouvelle génération de contestataires urbains5, animée par une vision de la ville créatrice, permet un renouvellement de la conception de la discipline urbanistique et également architecturale à Bruxelles6. Leurs actions cristallisées autour des projets du réaménagement de la place Flagey et de l’occupation de l’Hotel central aboutissent à la mise en place de nouvelles procédures urbanistiques : schémas directeurs, concours visent à assurer une meilleure programmation et production des projets pour garantir un meilleur renouvellement de l’attractivité et du cadre urbain. Elles s’enrichissent du mouvement de démocratisation mis en place par la génération militante précédente : les contrats de quartier constitueront une opportunité de « co-production » architecturale contemporaine qualitative à l’échelle locale. L’espace public devient un outil d’action à part entière : un pôle de développement, un espace qui allie multiplicité des usages et image d’une ville métropolitaine en redéfinissant les centralités par son réaménagement7.

L’aménagement du territoire


Un modèle spatial polycentrique dont le dernier plan régional en date, PRDD, mentionne les principaux pôles de développements métropolitains à valoriser et développer. 8

Pollution, gestion des déchets, de l’eau, de la biodiversité, saturation du territoire... 9

Fig.1 Fig1. Flagey, Source : Latz + Partner

Vers un nouveau modèle socio-urbain ?

L’espace public, auparavant pensé en terme local, trouve sa place dans le questionnement régional. Son aménagement favoriserait le lien entre quartiers et sphères urbaines et permettrait la reconstruction du territoire et de ses identités par une alliance entre qualité d’usages et infrastructures. Le réaménagement de la place Flagey en 2003 en assure la démonstration. Le renouvellement des modes d’actions et des dispositifs depuis lors atteste de ce rôle qualitatif et structurant de l’espace public. La mise en place d’une formation professionnalisante autour de l’espace public (PYBLIK), la création d’un Maître architecte assurant le contrôle de la qualité architecturale des projets à impact public (BMA), la mise en place d’une agence d’urbanisme à échelle territoriale (ADT) et des contrats de quartiers durables et du projet régional de développement durable s’inscrivent dans cette logique. Progressivement Bruxelles, métropole européenne, s’inscrit dans un nouveau modèle spatial, polycentrique8 , visant à répondre aux différentes pressions actuelles : croissance démographique, multiethnicité, diversité sociale et défis environnementaux9. Autour de l’aménagement de l’espace public se greffent les questions des mutations sociodémographiques et environnementales ainsi que les défis économiques et culturels. Il devient laboratoire pour l’innovation et la régénération de la ville10 .

Fig.2 Fig.2. Schéma du modèle polycentrique d’après le PRDD, Sarah Lévy, in. Espaces publics bruxellois, Etude de définition d’un plan d’a mélioration des espaces publics bruxellois, Taktyk urbanisme, Bruxelles Mars 2012 DEGROS, A ., DE CLEENE, M., Bruxelles à la [re]conquête de ses espaces, l’espace public dans les contrats de quartiers durables, Région de Bruxelles capitale, 2014 10

L’aménagement du territoire

61


« Le développement urbain se fonde aujourd’hui sur les trois piliers du développement durable : social, économique et environnemental, qui s’avèrent des préoccupations fondamentales de ce Plan. Les changements économiques, sociaux et environnementaux créent à la fois des pressions et des opportunités en matière de politiques publiques et développement que la Région entend saisir. Retisser le lien social, combattre la dualisation, promouvoir le développement économique équilibré et engager la Région vers une diminution de 30% des émissions de Co2 sont les paramètres qui ont guidé notre démarche. Le développement durable est le développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins : il faut donc l’entendre comme un développement socialement équitable, économiquement efficace et environnementalement soutenable. En ville, le développement durable se traduit notamment à travers les politiques d’emploi, de logement, de rénovation urbaine, d’espaces publics et de lieux de rencontre, de gestion des ressources - les énergies renouvelables, l’eau et les déchets - et de transports urbains faisant une plus grande place aux transports collectifs et aux mobilités actives. » PRDD, ord.org., extrait p.11

62

L’aménagement du territoire


L’amÊnagement du territoire

63


64


_ Ce regard historique porté sur le développement urbain bruxellois témoigne de l’accroissement du rôle et de la place de l’espace public dans l’aménagement de son territoire. Il s’est façonné par des visions urbaines et s’est construit autour de différentes stratégies visant à répondre à des défis urbains spécifiques1 . Du tout à l’automobile de l’urbanisme progressiste, de parent pauvre d’une réhabilitation urbaine empreinte de nostalgie et traditionalisme, de témoin d’une réalité socio-économique à outil de renouvellement du cadre de vie, il constitue à présent le cœur d’un projet de ville.

1

LEVY, S., Op. Cit.

_

« Chaque grand type de société a eu son type de ville », « Chaque type urbain a proposé et réalisé une centralité spécifique » LEFEBVRE,

H., in. Le droit à la ville, p.9.

65



II. POLITIQUES URBAINES

L

’inscription de l’espace public dans le développement urbanistique de aBruxelles se réalise en relation avec les politiques urbaines successives menées depuis les années 60. Leurs évolutions conjointes s’associent à une reconsidération progressive de l’espace public. A l’heure actuelle son rôle fondamental dans l’aménagement du territoire bruxellois et le renouvellement de son modèle socio-urbain se confirment sous couvert d’une certaine tendance aménagiste. Cette évolution s’illustre au travers d’une série de politiques urbaines spécifiques en regard d’enjeux, de dispositifs et d’approches architecturales déterminants.

De la réhabilitation à la revitalisation urbaine

L’agglomération bruxelloise met en place dans les années 70 une politique de réhabilitation encouragée par le modèle de reconstruction de la ville européenne. Cette stratégie motivée par la volonté de rendre la ville plus attractive, produit une série de dispositifs focalisés sur la question du bâti. L’absence d’approche et d’intervention sur l’espace public tributaire des conditions budgétaires communales participe à leurs échecs relatifs et justifie la mise en place d’une politique de revitalisation urbaine des quartiers centraux. L’attractivité résidentielle et urbaine Dans les années 70, Bruxelles doit faire face à une série de défis issus des périodes urbaines antérieures. Pour rappel, les principaux enjeux reposent sur la résolution des problématiques de dynamique démographique négative, de désindustrialisation et de paupérisation du centre, de dégradation du bâti, du départ des classes moyennes vers la périphérie de la ville, de diminution des ressources fiscales et de perte d’attractivité de ces quartiers1 . L’attractivité résidentielle et urbaine s’impose comme élément fondamental de résolution de ces défis et motivera l’ensemble des politiques urbaines successives.

1

COMHAIRE, G., Op. Cit.

Cet enjeu répond à l’époque à la nécessité d’inverser la courbe démographique négative des quartiers centraux déshérités et d’attirer ou de maintenir l’installation d’une certaine population. Les classes moyennes souvent exilées en périphérie constituent la cible privilégiée des politiques d’attractivité. L’objectif du retour de cette catégorie sociale en ville consiste à lutter contre la paupérisation des quartiers et des pouvoirs publics dont les moyens financiers sont dépendants de leurs propres ressources fiscales. L’internationalisation progressive de la ville et la compétitivité urbaine vont renforcer progressivement cette question. La satisfaction de cet enjeu va s’accompagner d’une modification progressive de la structure sociale des quartiers qu’elle anime. Un processus progressif de De la réhabilitation à la revitalisation urbaine

67


VAN CRIEKINGEN, M., les impacts sociaux de la rénovation urbaine à Bruxelles : analyse des migrations intraurbaines, in Belgeo, n°4, 2002, 355-376 1

VAN CRIEKINGEN, M., Que deviennent les quartiers centraux à Bruxelles ? Des migrations sélectives qu départ des quartiers bruxellois en voie de gentrification, in. Brussels Studies, n°1, 12 décembre 2006 2

remplacement des populations, communément appelé « gentrification »1 , tend à s’installer. Ce phénomène qu’il soit objectif ou conséquence de l’attractivité mise en place va souvent de pair avec une augmentation globale du cout de la vie et de l’immobilier contraignant les populations les plus précarisées à migrer vers d’autres quartiers. A Bruxelles, ce processus de gentrification s’associerait aujourd’hui plutôt au « réinvestissement du centre de la ville par des groupes qui, à ce jour, paraissent relativement plus riches en capital culturel qu’en capital financier, et qui s’insèrent dans un tissu social en proie, par ailleurs, à un appauvrissement accru […] La gentrification à Bruxelles a encore (souvent) les traits d’une transformation « en douceur » des quartiers centraux, faisant émerger des espaces plutôt « branchés » que « chics », cette dynamique n’en est pas moins (déjà) très sélective socialement. »2 L’attractivité urbaine des quartiers centraux de la ville sera stimulée par la reconsidération du rôle de l’espace public. Son approche de plus en plus respectueuse au fil des politiques mises en place représente cette nouvelle politique et en constitue une importante ressource.

Des opérations de rénovation

L’agglomération bruxelloise met en place dans les années 70 une première stratégie de rénovation urbaine établie sur la réhabilitation du bâti ancien. Cette politique vise à compenser le déficit de production de logement dans la ville centrale et la dégradation de la qualité de l’habitat et du cadre de vie due à la modernisation menée par l’Etat. Elle s’inscrit directement dans la dynamique d’attractivité résidentielle et urbaine mise en place. Elle se construira au travers de rénovations d’îlots (1977) et d’immeubles isolés (1980) ainsi que via l’octroi des primes à l’assainissement (1977) et à la rénovation (1983). Ces premières politiques vont concentrer leur attention sur la rénovation et la réhabilitation du cadre bâti laissant rares les opérations relatives aux espaces publics. Elles ne permettront pas d’engager une requalification et une amélioration du cadre de vie et de l’ambiance urbaine significatives.

68

De la réhabilitation à la revitalisation urbaine


Absence d’’intervention sur les espaces publics

La question de l’espace public est constitutive des ambitions de la reconstruction de la ville européenne. Si elle occupe une place légitime dans les revendications menées sous l’agglomération bruxelloise, cette nouvelle considération nécessite un travail de sensibilisation des autorités publiques et des habitants quant à son réaménagement. La fondation roi Baudouin produit à cet effet, en association avec certains groupes activistes, (IEB, AAM, ARAU) un premier ouvrage de référence (Les espaces publics bruxellois, analyse et projets, 1981). En 1983, l’agglomération bruxelloise elle-même publie un livre sur le réaménagement des espaces publics bruxellois en guise de cadre de référence pour les services techniques communaux4. Malgré une conscientisation progressive, l’absence ou la raréfaction des interventions sur l’espace public s’expliquent en partie par l’éparpillement des compétences et les difficultés financières des pouvoirs communaux gérant leurs propres opérations de réhabilitation. Certains privilégieront par ailleurs un investissement dans des zones clés au détriment des quartiers déshérités avec pour conséquence une rénovation urbaine dispersée5 à faible effectivité. La création de la région de Bruxelles capitale en 1989 tirera un bilan négatif6 des premières opérations, notamment sur la question des espaces publics. La mise en place d’un personnel politique spécifique et la production de nouveaux dispositifs7 participeront à la mise en place des premières opérations de rénovation des espaces publics.

3 DESSOUROUX , C.,Op. Cit, p.228

4

Ibid.

5

Ibid.

Dans une étude consacrée au bilan des contrats de quartiers, il nous est informé que Sur les 20 000 logements produits ou rénovés espérés sur 20 ans alors, seulement 2700 sont produits en 10 ans avec une intervention des partenaires publicsprivés en dessous des attentes. Celle des communes ont un trop faible impact pour revaloriser de manière générale les quartiers. Au niveau des espaces publics, ils restent encore tous en état et rien n’a été créé au niveau équipements. 6

LUALABA LEKEDE, A., Les contrats de quartier … 16 ans après, in. Bruxelles Santé, n° 56,octobre, 2009 7

De la réhabilitation à la revitalisation urbaine

COMHAIRE, G., Op. Cit

69


La territorialisation et la démocratisation de l’action publique

La région bruxelloise met en place dès sa création une politique de territorialisation de l’action publique. Celle-ci vise à renforcer la rénovation urbaine et sa visibilité par une concentration de son budget sur un territoire défini. Ces actions localisées se justifient par l’inefficacité des opérations de réhabilitation créées par l’agglomération bruxelloise. Cette stratégie s’accompagne d’une démocratisation des processus de gestion et production urbaines initiées par les revendications des groupes militants de l’époque. Par la production d’une série de dispositifs, elle entreprend un processus de revitalisation urbaine intense rythmé d’interventions sur l’espace public.

SCHAUT, C., plan du cours de sociologie des politiques de la ville, ULB, Bruxelles, 2013 1

LUALABA LEKEDE, A., Op.cit. 2

Participation et cohésion

Les politiques urbanistiques menées antérieurement à la création de la région vont produire les conditions d’émergence de nouveaux enjeux. La période urbanistique progressiste des années 50-60 entraine une défiance des citoyens vis-à-vis des politiques et participe à la crise d’une démocratie jusquelà représentative1 . L’agglomération bruxelloise soucieuse des revendications met en place une première forme consultative de participation avec la création d’enquête publique et la commission de concertation (1979). Dans cette continuité, la nouvelle politique régionale poursuit les processus de démocratisation par la mise en place d’une approche managériale participative2. La revitalisation urbaine devient un terrain d’expérimentation de dispositifs participatifs, notamment au travers du réaménagement des espaces publics. Elle tente de redonner au citoyen un rôle à jouer dans le devenir de la ville et permet également aux pouvoirs publics de retrouver une forme de légitimité d’action. Par ailleurs, l’inefficacité de la politique de réhabilitation menée par les communes sous l’agglomération bruxelloise entraine une rénovation éparse et inégalitaire des quartiers sur le territoire bruxellois. Les quartiers déshérités exclus du développement urbanistique par la gestion communale deviennent le siège de tensions sociales. La politique régionale de territorialisation de l’action publique va permettre de concentrer les moyens financiers dans la revitalisation de ces zones devenues prioritaires et d’intégrer une série d’initiatives locales agissant directement sur les facteurs d’exclusion de ces quartiers.

Les contrats de quartiers et le projet régional de développement

La région met en place dès les années 90 une série de dispositifs encadrant la revitalisation urbaine du territoire bruxellois. Cette politique s’inscrit à l’époque dans la lignée de la reconstruction de la ville européenne en visant la réparation du tissu urbain, la protection du logement et le renouveau du centre urbain (PRD1995). Elle évoluera sensiblement et conjointement à l’attention portée à 70

La territorialisation et la démocratisation de l’action publique


l’espace public. Les contrats de quartiers constituent le principal outil de cette revitalisation urbaine par la prise en considération des besoins socio-économiques des quartiers. Ces programmes quadriennaux2 sont définis par le pouvoir régional et prennent la forme d’un partenariat entre la région et les communes. Ils encouragent par ailleurs un partenariat public - privé - réseau associatif. Ils définissent le cadre d’intervention pour un périmètre concerné selon différents axes dont l’espace public constitue un volet d’intervention à part entière et un outil déterminant dans la mise en place de l’attractivité résidentielle.

il faut ajouter à ces quatre années, les 9 mois de programmation du contrat et deux ans de finalisation des actions entamées pendant ces 4 ans. 2

Les opérations de revitalisation sont déclinées en cinq volets d’actions : -Le volet 1 regroupe des opérations de réhabilitation, de construction ou de reconstruction sur des immeubles appartenant à la commune (ou CPAS) ou qu’elle acquiert à cette fin ; il vise à augmenter le parc communal locatif de logements en faveur des ménages aux revenus modestes -Le volet 2 comporte des réalisations menées en partenariat entre la commune et des investisseurs privés afin de produire des logements conventionnés destinés aux couches moyennes. La commune acquiert des terrains, des immeubles en ruine ou des friches, et cède les terrains viabilisés (par revente ou prise de droit d’emphytéose) à l’investisseur privé qui construira les logements. -Le volet 3 concerne la prise en emphytéose par la commune d’une partie des logements construits par un investisseur privé (75% maximum) dans le cadre d’un contrat-programme, les logements pris en location par la commune sont assimilés à du logement social. -Le volet 4 est consacré à la requalification de l’espace public, défini au sens large : voiries, places, parcs, réseaux d’égouts, éclairage, verdurisation d’îlots, fresques murales, … ; l’objectif étant d’améliorer globalement l’image du quartier et d’en accroître l’attrait. -Le volet 5 concerne toutes les actions sociales susceptibles de favoriser l’insertion et la cohésion sociale, la participation de la population du quartier concerné ainsi que des actions contribuant à la formation, la mise à l’emploi et la réinsertion sur le marché du travail. Elles se mènent en partenariat, principalement avec le tissu associatif local. Ce volet comporte, depuis 2001, un sous-volet destiné à la création d’infrastructures et d’équipements de proximité. La territorialisation et la démocratisation de l’action publique

71


1

SCHAUT, C., Op.Cit

Ils mènent également des opérations immobilières, des actions de gestion de la nouvelle question sociale, tentent de recréer du lien social et de prévenir les différentes tensions socio-urbaines existantes1 . Face aux émeutes de Cureghem en 1997, la région entreprend la production d’un nouveau programme d’urgence visant à rendre les résultats de la revitalisation urbaine plus immédiats dans un laps de temps plus restreint (2 ans). L’espace public et les actions de cohésion sociales constitueront les seuls volets de ces contrats Quartiers d’initiatives (1998-2002).

-Volet 1 : Amélioration du cadre de vie par l’embellissement (réparation et élargissement des trottoirs, ravalement des façades, plantation d’arbres) et la sécurisation (amélioration de l’éclairage, entretien et délimitation des espaces non bâtis et des immeubles abandonnés) des espaces et des immeubles par la création d’équipements de proximité (terrains de sport, agoraspace, hall sportif de petite dimension) -Volet 2 : Renforcement de la cohésion sociale par le biais de la participation active des habitants aux projets, la mise à l’emploi des habitants du quartier, le renforcement des mesures de prévention et de sécurité.

DESSOUROUX, C., Heurs et malheurs de l’espace public bruxellois, in. Bruxelles en mouvements, n°177 , 7 décembre 2006, pp1-4 2

3

Ibid.

4

NOEL, F., Op. Cit

10 séries de contrats (soit au total 44 CDQ) ont été achevés entre 1994 et 2006 suivis de 3 séries (soit 12 CDQ), toujours en activité, de 2007 à 2009 et 6 séries de contrats de quartiers durables (soit 22 CQD) définis (chap. 2.5) de 2010 à 2014. 5

72

Les acquis de ce dispositif permettront d’enrichir les programmes de contrats de quartier (ord. 20 juillet 2000) sur la temporalité des procédures, l’exécution et le paiement des travaux et l’encadrement participatif du programme. Ce plan participatif est assuré par la création d’une CDLI (commission de développement local intégré) composée de divers représentants : locaux (habitants), communaux et régionaux2. Cet organe consultatif est chargé d’émettre son avis quant à l’élaboration, l’exécution et la mise en œuvre des programmes3. A cet égard, il faut souligner l’importance du travail des associations et des comités de quartiers locaux qui constituent bien souvent le relais principal entre les habitants et les autorités locales. Ce volet a été renforcé dans les années 2000 par la région. Elle définit la composition des CDLI, fixe le nombre de réunions annuelles et impose la tenue d’assemblées générales des habitants du quartier pour les informer4. Ces processus participatifs et gestionnaires institutionnalisés montrent à l’heure actuelle certaines limites. Beaucoup s’interrogent encore sur la question de l’accès à l’information et sur la question du public participant dans ce dispositif dont la CLDI ne reste finalement qu’un organe consultatif de l’ensemble du processus décisionnel.

La territorialisation et la démocratisation de l’action publique


Depuis leur création, plus d’une cinquantaine de contrats ont été réalisés5. Par ce dispositif, la région entend encourager la revitalisation urbaine des quartiers centraux et l’intervention sur les espaces publics par une intervention financière substantielle. Sur l’ensemble de la période 1999-2006, la répartition des investissements accordés à l’espace public est restée relativement stable avec un pourcentage de 18,7%6. Comparé à la part d’investissements accordés aux autres volets, celle destinée à la revalorisation de l’espace urbain prend progressivement le pas notamment sur celle destinée au volet d’actions de cohésion sociale et socio-économique7. L’ensemble de cette politique territorialisée n’en reste pas moins déterminé, géré, et financé (majoritaitement) par le pouvoir régional. Elle est définie par un dispositif spécifique. La création du plan régional de développement (PRD) répond à des enjeux dont les priorités ont sensiblement varié au cours des années. Il a pour ambition de fixer les « les objectifs et les priorités de développement de la région requis par les besoins sociaux, économiques, de déplacement et d’environnement »8. Ce plan définit notamment sous le nom de « croissant pauvre» l’espace d’intervention prioritaire définissant le périmètre de mise en place des contrats de quartier (Fig1). Cette zone urbaine centrale aux appellations diverses et concentrée autour du canal, principale fracture socio-économique et urbaine de la ville, constituera celle privilégiée par la région pour l’ensemble des politiques de revitalisation qui suivront10. Le premier PRD, établi en 1995, répond essentiellement à la protection des logements et la lutte contre l’exode urbain. Une première attention est portée à l’espace public par la définition d’une série d’espaces structurants prioritaires (Fig.2) à réaménager en utilisant « des critères esthétiques et techniques cohérents qui puissent garantir, globalement, la revalorisation de l’image de la région»11 . Ce plan initie le début d’une conception de l’espace public liée à des considérations esthétiques d’embellissement pour le territoire bruxellois.

LUALABA LEKEDE, A., Op.Cit. 6

NOEL, F., La politique de revitalisation des quartiers : à la croisée de l’action urbanistique et sociale, . in Bruxelles [dans] 20 ans, ADT, pp. 213-233. 7

https://urbanisme. irisnet.be/ lesreglesdujeu/lesplans-strategiques/ le-plan-regional-dedeveloppement-prd 8

Cet espace d’intervention sera défini au travers du PRD sous le nom de « croissant pauvre ». La même zone sera toujours privilégiée mais portera des noms différents dans le temps : ZPR (Zone à protéger et à rénover), PDRL (périmètre de développement renforce du logement), EDLR (Espace de développement renforcé du logement et de la rénovation), ZRU (zone de revitalisation urbaine). 10

PRD, lignes de forces, p.82 11

Fig1. Croissant pauvre défini par le PRD 1995, Source : Carte PRD

Fig.1

Fig.2

La territorialisation et la démocratisation de l’action publique

Fig.2. Espaces structurants définis par le PRD 1995, Source : Carte PRD

73


Avec l’établissement du second PRD en 2002, le projet de ville tente de maintenir et assurer une croissance de la population urbaine centrale et d’en renforcer la cohésion sociale. Il défini à présent également une série de «zones leviers» (Fig.2) à mettre en oeuvre par l’intermédiaire de schémas directeurs qui préfigurent les tendances en termes de réaménagement. Ce plan assure également le développement économique et l’insertion du caractère international de la ville par l’intermédiaire de projets phares permettant de lui construire une identité forte. La priorité première de ce projet de ville repose alors sur l’attractivité résidentielle où le rôle de l’espace public y est fortement associé :

« Renforcer l’attractivité résidentielle et favoriser l’équilibre social en améliorant la qualité de l’environnement urbain, au travers d’une politique intégrée et ambitieuse notamment en matière de rénovation urbaine, d’espaces publics, d’équipements collectifs, de propreté et de patrimoine » (PRD, priorité 1).

Fig1. EDLR défini par le PRD 2002, Source : Carte PRD 2002 Fig.2. Zones leviers, Source : Carte PRD 2002

Fig.1

Fig.2

Les dispositifs de CDQ et de PRD créés par la région vont conjointement permettre une évolution considérable dans la question de l’espace public. L’un tenant à la production de son aménagement, l’autre à son rôle à jouer dans le développement urbanistique bruxellois.

74

La territorialisation et la démocratisation de l’action publique


Une approche technico-infrastructurelle de l’espace public

La politique territoriale localisée menée par la région se justifie par l’échec des politiques de réhabilitation et un renouvellement du cadre de vie insuffisant. Pour alimenter l’attractivité urbaine, les dispositifs créés vont permettre grâce à leur financement, les premières opérations de rénovation des espaces publics. Les premiers traitements qui lui sont attribués consisteront majoritairement en des opérations de rénovation et de partage de voiries et une sécurisation progressive des espaces publics. La favorisation de la qualité de vie à l’échelle des quartiers se fera progressivement par la création de nouveaux espaces de proximité au travers du rachat de friche, de campagne de sensibilisation à la malpropreté,de verdurisation d’espaces urbains… Une approche aménagiste plus globale s’installera progressivement en intégrant petit à petit des matériaux de qualité visant le respect de la diversité des usagers : piétons, cyclistes, personnes à mobilités réduites (PMR), transports en commun.1 DESSOUROUX,C., Op. Cit. 1

Ces premières interventions sur les espaces urbains s’opèrent de manière très éparse sur le territoire bruxellois. Les communes n’investiront pas toujours de manière proportionnelle ou cohérente dans leurs infrastructures et espaces publics. La région va se faire principal instigateur de nouvelles formes de gestion et d’aménagement. Elle tente d’encourager davantage l’investissement des communes sur leurs espaces publics et d’améliorer de manière plus cohérente les aménagements afin d’estomper les différences trop visibles entre les quartiers.

La territorialisation et la démocratisation de l’action publique

75


La production (re)structurée du territoire

La région tente, dès les années 90, d’assurer une production (re)structurée de son territoire en déterminant des objectifs et des espaces d’intervention prioritaires. Par une démonstration à échelle régionale, elle participe à la redéfinition d’une identité bruxelloise par l’embellissement de son territoire. Les différentes initiatives de la région en termes de production d’outil et dispositifs participent à une volonté de contrer l’absence de cohérence et l’importance de l’individualisation des espaces urbains bruxellois. Celle-ci participe à la difficulté d’une identification et lecture claire du territoire et de son identité.

Propos du Ministre président en fonction Charles Piqué recueillis dans le manuel des espaces publics bruxellois. 1

SCHOONBRODT, R., Vouloir et dire la ville, in. 41 ans, urbanisme et luttes urbaines et alors ? , Bruxelles en mouvements, n°274, janvier – février 2015, p.76 2

Identité Bruxelloise et embellissement

Les politiques de destructions massives menées par l’Etat ont donné l’image d’une ville fortement cicatrisée et celle d’un vaste chantier perpétuel. Celles menées par l’agglomération, malgré la conscientisation progressive à l’espace public, se sont limitées à une réhabilitation du cadre bâti n’engageant pas de reconstruction du tissu urbain. Le territoire bruxellois décousu et fragmenté permet donc difficilement de donner une image et une identité forte à la capitale. A la question de l’attractivité résidentielle et urbaine, la région associe alors la question de l’embellissement afin : « d’affirmer l’identité de Bruxelles comme un ensemble urbain et de conforter la qualité de ces quartiers »1 . La politique de revitalisation des quartiers s’associe alors à des attentes et des objectifs en termes de production d’une image de la ville. L’embellissement des quartiers au travers de ces espaces urbains ouverts tente une revalorisation du patrimoine architectural de la ville tout en en soulignant les identités urbaines spécifiques. La question de l’embellissement n’a toutefois pas priorité, dans un premier temps, sur la question sociale. Le Gouvernement Picqué (1990-96) établit les priorités comme suit : logements sociaux, logements conventionnés, espace public. Le renouvellement de la gouvernance fin des années 90, bouleverse cet ordre:

LEVY, S., La planification sans le plan, règles et régulation de l’aménagement du territoire bruxellois, (Université libre de Bruxelles, sous la dir. Génard Jean Louis., 2015)

« la priorité n’était plus à la question sociale dès lors, mais à la question de l’embellissement » 2

76

La production (re)structurée du territoire

3


Les chemins de la ville et le manuel des espaces publics

Pour encourager les premières opérations de rénovation des espaces publics et en apporter une certaine cohérence, la région crée de nouveaux cadres de références. Elle produit le programme des «chemins de la ville» pour une revalorisation globale des espaces publics centraux et le « manuel des espaces publics bruxellois » comme guide de conception pour la revalorisation urbaine des quartiers. Ces dispositifs assurent par ailleurs une forme de contrôle de la part de la région quant à la production esthétique de ces espaces publics3.

MORITZ, B., Concevoir et aménager les espaces publics à Bruxelles , in. Brussels Studies, Numéro 50, 21 juin 2011. 4

Le programme des «chemins de la ville» constitue un des projets d’envergure exemplaire4 mis en place par la région dans les années 90. Il propose une réflexion sur les espaces publics à l’échelle de la ville de Bruxelles en son centre historique par l’amélioration des liaisons entre le haut et le bas de la ville. Il entend servir de cadre à la production d’une cinquantaine de projets entre rues, places et parcs. Pour y répondre, le programme met en place la création d’un parcours aménagé de manière cohérente et ponctué d’espaces publics. Les différents lieux sont requalifiés de manière connectée et harmonisée par le recours à une charte d’aménagement prescrivant des éléments en termes d’aménagement tels que matériaux, éclairage, équipements, signalisation, végétalisation.

Fig.1 Fig1. Carte des espaces repris par «Les chemins de la ville» Source : Sarah Lévy, La planification sans le plan, règles et régulation de l’aménagement du territoire bruxellois, (Université libre de Bruxelles, sous la dir. Génard Jean Louis., 2015)

Fig.2

Fig.3

Fig.2. Schémas d’exemple de cohérence de mobilier pour le programme chemin de la ville, Source : JNC international Fig3. Dessin chemins de la ville, Source: JNC international

La production (re)structurée du territoire

77


Fig.1 Fig.1 . Couverture du «Manuel des espaces publics bruxellois» 1

Ibid.

DEMANET, M., MAJOT, J.-P., Manuel des espaces publics bruxellois, Région de Bruxelles-Capitale, éd.AAM, Bruxelles 1995 2

3

MORITZ, B., Op.Cit.

DESSOUROUX, C., Op. Cit. 4

5

Le manuel des espaces publics bruxellois, sorti dès les années 95, constitue une première tentative d’action plus maitrisée en termes d’intervention sur l’espace public à l’échelle des quartiers. Conçu comme un guide pratique, il encourage au travers de l’utilisation d’une série de concepts unificateurs la reconfiguration des espaces urbains bruxellois1 . Il sert également de grille d’analyse pour les autorités communales et régionales pour évaluer la qualité des projets en vue de l’obtention d’un permis. Au travers de cet outil, la ville vise une forme d’homogénéisation du territoire urbain tout en retravaillant son caractère scénographique2. Elle tente d’éviter tout du moins l’individualisation de chaque espace. Le manuel plaide pour un langage commun et des règles d’aménagements standards en proposant et encourageant un appel à l’utilisation d’un vocabulaire urbain fortement rationnalisé et minimalisé3 . Il émet de cette façon tant des recommandations en termes de conception de voiries, de choix de matérialité et nature des sols, de typologie d’éclairage et plantation qu’une proposition de méthodologie analytique des espaces urbains. La réception du manuel est à l’époque relative et à certains égards fortement critiquée reflétant les divergences de point de vue à ce sujet4. Ces deux outils mettent en place une première reconsidération esthétique réelle de conception et d’aménagement de l’espace public à différentes échelles. Bien qu’ils n’aient aucune valeur règlementaire, ils initient un processus d’homogénéisation et d’unification du territoire bruxellois. Du réaménagement de projets à échelle régionale, elle percolera et s’imposera progressivement à échelle plus locale5.

Ibid.

78

La production (re)structurée du territoire


Esthétisme des espaces publics

Le manuel des espaces publics et le programme des chemins de la ville mettent en place une approche esthétique et simplifiée des espaces publics. La sobriété revendiquée repose sur une intégration des objectifs fonctionnels et culturels de la ville. Les principes esthétiques sous-jacents s’inscrivent dans la lignée de la reconstruction de la ville européenne. Ils reposent ainsi sur la mise en évidence du cadre historique et patrimonial des espaces urbains en préconisant le recours à une utilisation de matériaux nobles (pierre, pavé), la rationalisation du langage, une économie de la signalétique et la mise en place d’une scénographie par l’intermédiaire des équipements d’éclairage6. Dans un souci de cohérence visuelle et de lisibilité spatiale, cette tendance aménagiste initie un processus de dégagement progressif de l’espace public. Cet esthétisme préconisé connait en parallèle une reconsidération et une critique notamment en termes de question d’usages et de pratiques socio-urbaines. Cette approche systématique de l’espace public par la mise en scène et la lecture de langage patrimonial ne tient alors pas comptes des spécificités des espaces urbains dans la vie urbaine ellemême : usages et par conséquent usagers fréquentant ces lieux.

DEMANET, M., MAJOT, J.-P., Op. Cit. 6

Fig.2. Extraits du manuel des espaces publics bruxellois Fig.2

La production (re)structurée du territoire

79


La gestion, la formation et la production qualitative des espaces publics

Dans les années 90 - 2000, la seconde génération militante re-questionne la production urbanistique et critique l’approche traditionnaliste, techniciste et systématique des espaces urbains. La question de la qualité architecturale des espaces publics intégrant les questions d’usages devient primordiale. Elle se pérennise par la production de nouveaux dispositifs tentant d’assurer une production qualitative et polyvalente des espaces publics de l’échelle locale à l’échelle territoriale.

L’aménagement d’un bassin d’orage nécessitant la destruction de l’espace initial donne l’opportunité à un mouvement citoyen contestataire d’en requestionner la qualification. Il est question de ne plus envisager le réaménagement de l’espace sous un angle purement technique mais d’intégrer les questions d’usages de cet espace pour les usagers du quartier. 1

Qualité architecturale et usages

Dans le courant des années 90-2000 émerge la question, associée à celle des usages, de la qualité et de l’ambition architecturale des projets d’espaces publics. Cette problématique, construite médiatiquement autour de la polémique du réaménagement de la place Flagey1 , met en place de nouvelles revendications émises par les milieux professionnels et académiques. La première repose principalement sur une critique de la production urbanistique encore très fermée et exclusive d’un point de vue professionnel. A cet égard, ces milieux plaident pour la mise en place d’un dispositif clair et plus équitable de sélection d’auteur de projet notamment par un système de concours. La seconde énonce la nécessité d’une ambition architecturale des projets et la mise en place de schémas directeurs pour en élaborer la programmation. L’espace public répondant au défi de l’attractivité jusque-là locale puis régionale participe également à la production d’une image et d’une identité internationale Bruxelloise. Avec la qualité architecturale, ils se retrouvent notamment inscrits dans le plan de développement international (PDI) dans l’objectif d’une amélioration du cadre de vie. En termes territorial, ces mouvements soutiennent l’idée d’une revitalisation socio-urbaine portée par un espace public structurant de qualité alliant infrastructures et usages : Un espace structurant, multifonctionnel, universellement accessible, écosystémique, métropolitain et citoyen. (Selon les six thèmes de définition d’un espace public de qualité par PYBLIK).

80

La gestion, la formation et la production qualitative de l’espace public


BLIC PUBLIC

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DÉCLARATION DÉCLARATION DÉCLARATION POUR UN UN ESPACE PUBLIC DE DE QUALITÉ À À DÉCLARATION POUR ESPACE PUBLIC QUALITÉ BRUXELLES BRUXELLES

DÉFINITION DÉFINITION L’espace public est est un lieu de rencontres, d’échanges et de L’espace public un lieu de rencontres, d’échanges et de soutien à laàqualité de vie. Il joue un rôle central dans la vie soutien la qualité de vie. Il joue un rôle central dans la vie urbaine: la qualité de son aménagement participe pleinement urbaine: la qualité de son aménagement participe pleinement nonnon seulement à la viabilité de la ville dense mais également à à seulement à la viabilité de la ville dense mais également sonson attractivité. Bruxelles, villeville région au centre de l’Union attractivité. Bruxelles, région au centre de l’Union en voie de densification et relève européenne, est est actuellement en voie de densification et relève européenne, actuellement ces ces défis. défis. C'est pour ces ces raisons qu'aujourd'hui, les les politiques publiques C'est pour raisons qu'aujourd'hui, politiques publiques régionales formulent uneune vision commune et mettent en place régionales formulent vision commune et mettent en place desdes dispositifs soutenant la gestion, la coordination et la dispositifs soutenant la gestion, la coordination et la production de l'espace public bruxellois. La présente production de l'espace public bruxellois. La présente Déclaration décline les les divers thèmes de cette vision dans Déclaration décline divers thèmes de cette vision dans laquelle les les différents acteurs de l'espace public - concepteurs, laquelle différents acteurs de l'espace public - concepteurs, fonctionnaires en charge desdes projets, mais aussi usagers - fonctionnaires en charge projets, mais aussi usagers peuvent se reconnaître. peuvent se reconnaître.

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20 14

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SIXSIX THÈMES THÈMES Cette Déclaration considère les les principales valeurs établissant Cette Déclaration considère principales valeurs établissant les les conditions d’un espace public de qualité, au départ de six conditions d’un espace public de qualité, au départ de six thèmes : thèmes :

1. ESPACE PUBLIC STRUCTURANT 1. ESPACE PUBLIC STRUCTURANT

L’espace public est est un élément central structurant pour la la L’espace public un élément central structurant pour qualité de vie en ville quiqui fédère et accompagne les les usages. qualité de vie en ville fédère et accompagne usages. Le cadre de vie est est créécréé parpar l’aménagement de l’espace public Le cadre de vie l’aménagement de l’espace public qui qui interagit avecavec le bâti de façon à dessiner l’urbanité –cette interagit le bâti de façon à dessiner l’urbanité –cette qualité qu’offre la vie en ville–, mais aussi sonson image. qualité qu’offre la vie en ville–, mais aussi image. LesLes espaces communs se déclinent à différentes échelles de la espaces communs se déclinent à différentes échelles de la Forêt de Soignes auxaux places régionales, auxaux avenues et rues, Forêt de Soignes places régionales, avenues et rues, Ils Ils auxaux parcs, en passant parpar les les espaces partagés de proximité. parcs, en passant espaces partagés de proximité. doivent êtreêtre planifiés comme un maillage quiqui garantit queque cette doivent planifiés comme un maillage garantit cette urbanité soitsoit lisible, continue et diversifiée. urbanité lisible, continue et diversifiée.

2. ESPACE PUBLIC MULTIFONCTIONNEL 2. ESPACE PUBLIC MULTIFONCTIONNEL L’espace public est est réfléchi dans sa multifonctionnalité et sa L’espace public réfléchi dans sa multifonctionnalité et sa complexité. complexité. L’espace public combine et alterne les les fonctions : convivialité L’espace public combine et alterne fonctions : convivialité et anonymat, utilité et divertissement, déplacement ou ou et anonymat, utilité et divertissement, déplacement occupation prolongée … occupation prolongée … L’espace public s’adresse à tout les les usagers, indépendamment L’espace public s’adresse à tout usagers, indépendamment du lieu de résidence ; il accueille les les habitants mais également du lieu de résidence ; il accueille habitants mais également les les usagers réguliers et occasionnels. usagers réguliers et occasionnels. L’espace public stimule les les rencontres intergénérationnelles et et L’espace public stimule rencontres intergénérationnelles interculturelles. interculturelles. La conquête, temporaire ou prolongée, et l’aménagement La conquête, temporaire ou prolongée, et l’aménagement d’espaces délaissés (toits, friches, espaces privés, îlotsîlots fermés) d’espaces délaissés (toits, friches, espaces privés, fermés) étend le territoire de l’espace public et suggère de nouveaux étend le territoire de l’espace public et suggère de nouveaux usages. usages.

3. ESPACE PUBLIC UNIVERSELLEMENT 3. ESPACE PUBLIC UNIVERSELLEMENT ACCCESSIBLE ACCCESSIBLE L’espace public garantit la sécurité, l’accessibilité, favorise les les L’espace public garantit la sécurité, l’accessibilité, favorise modes durables de déplacement et l’intermodalité. modes durables de déplacement et l’intermodalité. L’espace public est est garant de l’accessibilité universelle du du L’espace public garant de l’accessibilité universelle piéton, de tous, sanssans discrimination. piéton, de tous, discrimination. L’aménagement de l’espace public sécurise et leetrend L’aménagement de l’espace public sécurise le rend confortable à l’usage parpar desdes personnes souffrant d’un confortable à l’usage personnes souffrant d’un handicap et de plusplus globale les les personnes à mobilité handicap et façon de façon globale personnes à mobilité réduite, telles queque les les seniors, les les enfants, les les usagers de de réduite, telles seniors, enfants, usagers poussettes, les les livreurs, etc.etc. poussettes, livreurs, L’espace public hiérarchise les les modes de déplacement en en L’espace public hiérarchise modes de déplacement donnant la priorité auxaux modes durables: marche, vélovélo et et donnant la priorité modes durables: marche, transports en commun. Il rationnalise l’espace dédié à laà la transports en commun. Il rationnalise l’espace dédié circulation automobile au profit de fonctions de socialisation, circulation automobile au profit de fonctions de socialisation, de séjour et de durable. Il participe à laàprotection desdes de séjour et mobilité de mobilité durable. Il participe la protection quartiers contre le trafic de transit et intègre uneune politique de de quartiers contre le trafic de transit et intègre politique stationnement réfléchie. stationnement réfléchie. L’espace public est est équipé pour faciliter l’intermodalité parpar L’espace public équipé pour faciliter l’intermodalité l’ergonomie et laetvisibilité desdes trajectoires. l’ergonomie la visibilité trajectoires.

4. ESPACE PUBLIC TERREAU DE DE L'ÉCOSYSTÈME 4. ESPACE PUBLIC TERREAU L'ÉCOSYSTÈME L’espace public participe au rééquilibre de toutes les les L’espace public participe au rééquilibre de toutes composantes de l’écosystème. composantes de l’écosystème. L’espace public soutient la complexité de l’écosystème urbain L’espace public soutient la complexité de l’écosystème urbain en assurant la coprésence et en les les synergies entre en assurant la coprésence et favorisant en favorisant synergies entre les les divers éléments (milieux et organismes) qui le constituent : : divers éléments (milieux et organismes) qui le constituent nature, culture, faune, flore et modes de vie humains. nature, culture, faune, flore et modes de vie humains. L’espace public participe à laàstructuration de cet écosystème, L’espace public participe la structuration de cet écosystème, au travers desdes plans qui qui régissent sonson développement au travers plans régissent développement (maillages vert et bleu), en rééquilibrant et en combinant les les (maillages vert et bleu), en rééquilibrant et en combinant qualités de l’environnement sur sur le territoire de la qualités de l’environnement le territoire deville. la ville. L’espace public faitfait davantage de place auxaux mondes animal et et L’espace public davantage de place mondes animal végétal touttout en accueillant desdes formes sanssans cesse renouvelées végétal en accueillant formes cesse renouvelées de «denature urbaine » par desdes aménagements permettant « nature urbaine » par aménagements permettant l’entretien et laetgestion dans le temps. Agriculture et modes l’entretien la gestion dans le temps. Agriculture et modes variés de végétalisation de lieux sont favorables à variés de végétalisation de lieux sont favorables à l’apprentissage, au respect de l’environnement (biodiversité, l’apprentissage, au respect de l’environnement (biodiversité,

1/31/3


La formation ]Pyblik[, le bMa et l’ADT

La région va créer, sous l’initiative des groupes contestataires, une série de nouveaux dispositifs. Parmi eux, on compte la formation PYBLIK en 2007, la création de l’agence territoriale de développement (ADT) en 2008 et du poste de bMa (Maître architecte) en 2009 suivant le renouvellement de la gouvernance en 2004.

1

2

PYBLIK.BE

adt-ato.brussels

]Pyblik[ est une cellule de formation spécialisée autour de l’espace public créée en 2007 suite à la polémique construite autour du réaménagement de la place Flagey. L’objectif général de cet organe régional consiste à améliorer la qualité de l’espace public bruxellois afin d’en créer une culture commune par le biais de masterclasses, journées thématiques, bibliographie active, remise de prix, … Cet organe travaille spécifiquement sur l’anticipation des besoins programmatiques, la coproduction et la gestion urbaine. Ce pôle d’expertise, porté par l’association d’écoles d’architecture (à l’origine : La Cambre, Horta et Sint-Lucas architectuur) poursuit pour satisfaire cet objectif général trois enjeux en parallèle : la formation des professionnels (administrations,…) à la culture et l’aménagement de l’espace public, la sensibilisation du grand public, des professionnels et des politiques quant à la qualité de l’espace public et enfin la mise en place d’outil permettant la circulation et l’échange des idées et des pratiques1 . La région et son gouvernement créent également en 2008 l’agence territorial de développement dont l’objectif consiste à faciliter la compréhension du territoire et du développement urbain. Conçue comme une plateforme de travail et d’échanges pluridisciplinaire, l’ADT répond à différentes priorités telles que : le renforcement de la gouvernance et le développement cohérent du territoire, l’identification, l’observation et l’analyse des évolutions urbaines, la coordination du développement des zones stratégiques, l’écoute, l’éclairage et l’échange entre les acteurs2. En 2009, le poste de bMa, Maître architecte, à l’image de son homologue néerlandophone pour une durée mandataire de cinq années, est créé. La mission principale de celui-ci consiste à garantir la qualité architecturale et paysagère de projets publics –ou privés ayant un impact sur le domaine public – dont les espaces publics régionaux an agissant sur trois leviers d’action : programmation, procédure, et mise en place d’un comité d’avis. Les priorités d’action conduites par le bMa, définies par le gouvernement régional, s’articulent alors essentiellement autour des projets d’initiative régionale tels que les projets définis dans les contrats de quartiers, les projets sélectionnés par le gouvernement ou dont le maître d’ouvrage est une administration (para)régionale.

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La gestion, la formation et la production qualitative de l’espace public


Le premier mandat fut assuré par l’architecte Olivier Bastin, fondateur du bureau L’Escaut :

« Il y avait urgence en regard de 20 ans de procédures peu claires et de mauvaise qualité en Région bruxelloise , dit-il. Nous souhaitions aussi élaborer une véritable culture architecturale en Région bruxelloise. Trop de jugements sur des projets déposés semblaient uniquement fondés sur le goût et le bon vouloir des fonctionnaires intervenant dans la procédure de permis d’urbanisme. Je conçois le rôle d’un maître architecte comme celui d’instaurer une nouvelle culture architecturale et de la nourrir.» Bastin, O, La libre.be, 12.09.2014

Ces différents dispositifs d’expertise mis en place par la région ont donc cet objectif commun d’assurer une culture qualitative de l’espace public et du territoire urbain dans son ensemble. Il ne s’agit plus de le considérer exclusivement dans des aspects technico infrastructurels et esthétiques mais d’inclure ces aspects programmatiques et procéduraux tout en tentant d’assurer une articulation entre les échelles d’actions et les différents acteurs.

« Certaines administrations n’ont toujours pas compris notre rôle. Les blocages financiers que nous avons vécus sont dus à une profonde incompréhension, non pas du politique mais bien de ceux qui sont censés traduire sa vision en actions.»

Bastin, O., La libre.be, 12.09.2014

La gestion, la formation et la production qualitative de l’espace public

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1

MORITZ, B., Op. Cit.

2

Ibid.

Le traitement polyvalent des espaces publics

En intégrant la question qualitative, la conception de l’espace public semble évoluer en prenant en considération la complexité du cadre d’intervention, ses spécificités et la diversification des usages qui l’animent 1 . Les espaces publics en résultant constituent alors de réels projets d’architecture en ce qu’ils soutiennent tous ces éléments le définissant : usage(rs), équipements urbains et infrastructurels, matérialité, ... Cette nouvelle approche de l’espace public ne prétend donc plus répondre à un langage architectural préétabli2 en se dégageant des préceptes esthétiques en vigueur jusque-là. Les espaces publics se multiplient de tout type (parc, rues, places, aires de jeux, …) et de tout genre. Malgré cette diversification, une certaine tendance aménagiste tend à s’installer. Au profit du développement de pratiques socio-urbaines les plus diverses possibles, l’espace public tend à se désencombrer et se dégager. Une approche renforcée par la politique de rénovation urbaine initiée. Son approche multiscalaire du territoire pour tenter de répondre aux nouveaux enjeux sociétaux témoignerait de l’incapacité d’y répondre à un seul niveau d’échelle locale.

Fig1. Square des ursulines, Source : L’escaut Fig2. Parc petite Senne, Source : brusselnieuws Fig.1

Fig.3 Parc Reine verte, Source : erikdhont.com Fig4. Flagey, Source : Latz and partners Fig5. La Monnaie, Source : wbarchitectures.be Fig6. Projet parvis Saint Gilles, Source : pyblik.be

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Fig.4

La gestion, la formation et la production qualitative de l’espace public


Fig.2

Fig.5

Fig.3

Fig.6

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Contrats de quartier et projet régional de développement deviennent respectivement contrats de quartier durables et projet régional de développement durable. 1

DEGROS, A ., DE CLEENE, M., Bruxelles à la [re]conquête de ses espaces, l’espace public dans les contrats de quartiers durables, Région de Bruxelles capitale, 2014 2

3

Ibid.

La rénovation urbaine

Depuis 2010, le renouvellement de la politique régionale oriente un processus de rénovation urbaine soucieux des enjeux environnementaux, sociaux et culturels actuels. La mise en place d’une politique urbaine régionale métropolitaine se dessine davantage au travers du renouvellement récent des différents dispositifs1 et du projet de création de nouveaux instruments. L’ensemble de ces programmes se fait outils des nouveaux défis environnementaux s’additionnant aux intérêts urbains dont l’espace public se fait le lien de mise en commun2.

Un développement durable

A l’heure actuelle, Bruxelles doit faire face à de nombreuses transformations urbaines qu’elles soient, encore plus particulièrement, d’ordre sociodémographique ou d’ordre environnemental. Les temps ne seraient plus à l’attraction de résidents en ville mais à la gestion d’une pleine croissance démographique dans un tissu urbain dense. Les préoccupations sociodémographiques poussent à l’émergence d’un renouvellement du cadre de vie propice à l’accueil et la multiplicité des pratiques de l’espace public urbain bruxellois. Les préoccupations environnementales viennent quant à elles alimenter également le débat sur l’avenir des villes3. Ces mutations urbaines progressives ont guidé le renouvellement des politiques urbaines depuis les années 90 jusqu’à leur redéfinition globale depuis 2010. Associées à présent à l’enjeu de la durabilité, elles tentent d’insuffler, en particulier au travers de l’espace public, une nouvelle dynamique. L’enjeu actuel de la rénovation urbaine porterait sur une articulation des différentes échelles. Les interventions à échelles locales ne permettraient plus de répondre aux défis urbains régionaux tels que l’essor démographique, la dualisation du territoire, le développement socio-économique, la mobilité, l’environnement, la maitrise foncière, … Par la mise en place d’une approche multi-scalaire, la région tente d’élargir son champ d’action d’une part sur une zone étendue plus large que la zone de rénovation urbaine initiale (ex EDRLR), d’autre part sur l’inter-connectivité des quartiers entre eux. Cette approche viserait alors à une meilleure offre de services de proximité, d’espaces publics et d’espaces verts,... pour les différents quartiers, une simplification des procédures et l’échange d’acteurs dans un souci de transversalité.

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La rénovation urbaine


Le renouvellement des dispositifs

Depuis 2010, la transformation des dispositifs de contrats de quartier et de projet régional de développement a vu le jour. Cette réforme insiste sur le caractère durable du développement et vise à l’intégrer dans les différentes opérations urbaines4. Les contrats de quartier durables (Ord. Org 28.01.2010) reposent sur le modus operandi du dispositif originel : l’élection annuelle d’un contrat quadriennal d’un quartier en situation de précarité socio-économique parmi l’ensemble du périmètre définis par la région. Si les priorités restent également identiques à savoir création et rénovation de logements, réaménagement d’espaces publics, créations d’infrastructures de proximité et amélioration du cadre socioéconomique, la dimension environnementale vient s’y ajouter. Celle-ci vise à intégrer un des programmes notamment en termes de gestion de biodiversité, de déchets, d’eau, … tout en conservant un cadre participatif. Ce volet est, pour rappel, assuré sur l’ensemble du processus des CDQD par la tenue d’Assemblées générales, de commissions de quartiers, de journées participatives. A l’heure actuelle, 7 séries de contrats de quartiers durables ont vu le jour dont 2 séries achevées (soit 8 CDQD), 4 en cours (soit 17 CDQD) et 1 à l’étude (soit 2 CDQD) avec un budget régional alloué de 44 millions d’euros par an. La part attribuée aux différents volets priorise respectivement la production de logements, la création d’infrastructures, les espaces publics et enfin l’investissement dans des projets de type socio-économique.

Fig.3

La rénovation urbaine

4

Ibid.

Fig.1

Fig.2 Fig.1 . La participation dans les CDQD Source : quartiers. brussels Fig2. Composition de la commission de quartier qui se charge de définir les objectifs du CDQD Source : quartiers. brussels

Fig3. Zone EDRLR, Source : quartiers. brussels

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Le renouvellement du dispositif d’actions locales s’est également accompagné de l’élaboration d’un nouveau projet régional de développement. Ce PRDD identifie une série de défis urbains : Essor démographique, emploi, formation et enseignement, environnemental, dualisation de la ville, mobilité et internationalisation (PRDD). Il tente d’y répondre de manière prioritaire par différents objectifs : production de logements, développement d’équipements et du cadre de vie, développement des secteurs d’emploi, d’économie et de formation, amélioration de la mobilité (PRDD). Le plan propose alors un développement territorial sur plusieurs niveaux en intégrant la dimension environnementale : Organisation multipolaire et mosaïque, paysage et nature en réseau, armature de développement économique, armature de déplacements, développement territorial dans sa dimension métropolitaine (PRDD) L’espace public joue un rôle fondamental dans le projet de ville quant au support de la qualité du cadre de vie. Le PRDD détermine alors une série d’axes d’intervention : l’amélioration de la qualité de l’espace public dans tous les quartiers, l’augmentation de l’emprise de l’espace public dans les quartiers denses, la création d’espaces verts dans les quartiers déficitaires et le renforcement du rôle structurant des espaces publics régionaux. De cette manière, le projet de ville prône l’investissement important pour l’amélioration et l’étendue de l’espace public visant notamment à créer ou renforcer les pôles de centralités métropolitaines déterminés. Parmi les pôles prioritaires on citera l’axe du canal, principale fracture socio-urbaine de la ville, et territoire de développement défini par la région dès les années 90 pour la mise en place de l’ensemble des politiques urbaines.

Fig.1 . PRDD

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Fig.1

La rénovation urbaine


L’ensemble des objectifs à atteindre, des composantes de cette nouvelle perspective de rénovation urbaine ainsi que son territoire géographique ont été sollicité sur base d’une étude préalable donnant lieu au «plan guide de la rénovation urbaine» (2013). Ce dernier, commandé par la direction de la rénovation urbaine et réalisé par MSA et Idea consult, défini un cadre de référence pour les acteurs de la rénovation urbaine et des acteurs privés intervenants dans la ZRU (ancien EDRLR). Ce cadre de référence s’accompagne d’un cadre à la fois spatial ; l’extension du territoire géographique de la rénovation urbaine ; et interventionnel ; principes schématiques d’intervention autour de la question de la connectivité et l’articulation ; tout en proposant la production d’une série de nouveaux dispositifs permettant d’agir dans cette perspective. Par ailleurs, le plan propose une série démonstrative d’approches spatiales au regard de différentes lieux urbains par des exemples programmatiques et procéduraux et des logiques interventionnelles .

Fig.2

Fig.2. Plan guide de la rénovation urbaine, ZRU. Cette zone s’étend particulièrement vers l’ouest de la ville accompagnant le processus de migration intra-urbaines des populations précarisées. 1 C’est 5 ans déterminent la période d’exécution du programme Maillage urbain : stratégie intégrée pour le développement qualitatif et quantitatif des espaces publics, de l’environnement et du cadre de vie urbain en général, en vue notamment de rechercher et de créer des continuités entre les espaces publics pour les assembler en réseau, pour donner une structure, une cohérence et une lisibilité à la ville ; Projet Ord. Org. 2

Pour répondre à l’enjeu d’articulation d’échelles, d’acteurs et de quartiers, la région envisage la production d’une série de nouveaux outils en parallèle à ceux existants. Le nouveau projet d’ordonnance relatif à la revitalisation urbaine propose en ce sens la modification des CDQD et la création de Contrat de rénovation et un projet de politique de la ville. Le contrat de rénovation urbaine (CRU) s’étendra sur le territoire de plusieurs communes. Ce programme quinquénnal1 éligible annuellement et financé par la région entend renforcer le dispositif de CDQD et son effet de levier: 2 CDQD et 2 CRU seront dispensés chaque année. Il est destiné selon le projet, au maillage urbain2, à l’amélioration des espaces publics et à la création de liens entre les différentes zones de la région. Cette notion d’espace public inclut à présent les façades et les éléments de décor urbain ainsi que tous les espaces verts accessibles au public même s’ils constituent des propriétés privées. Le projet La rénovation urbaine

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politique de la ville s’axe sur l’aménagement du territoire et le développement des quartiers en s’attachant à la lutte contre l’insécurité et la promotion du vivre ensemble pour augmenter le bien être urbain. Elle prévoit notamment des actions rapides contre la détérioration des espaces publics. L’ensemble de ces dispositifs participe à la mise en place d’une rénovation urbaine régionale axée sur le renouvellement du cadre de vie des quartiers et du territoire bruxellois dans son ensemble. L’espace public en devient l’outil et le moteur principal.

Via leurs interventions touchant l’espace public, [ces nouveaux dispositifs] vont immanquablement améliorer l’attractivité des quartiers concernés […] et améliorer leur convivialité.

Projet d’ordonnance de la revitalisation urbaine

L’ensemble de ces dispositifs serait géré par un nouvel organe régional: le bureau bruxellois de la planification (BBP), une superstructure rassemblant l’ensemble des acteurs de l’aménagement du territoire bruxellois : AATL, BDU, ADT, bMa, … sous le contrôle du ministre en charge de l’aménagement du territoire.

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La rénovation urbaine


Vers des espaces publics multiscalaires

Au-delà de ce renouvellement syntaxique autour des politiques urbaines, on assiste également à un changement d’approche et de modes d’action autour de l’espace public dans les contrats de quartier. En effet, le contexte urbain dense de la ville pousse, dans un premier temps, les politiques d’aménagement d’espaces publics à reconquérir de nouveaux espaces telles que friches, parcelles privées, jardins afin de pouvoir augmenter la surface dédiée à l’espace public et multiplier les espaces de rencontres. Par ailleurs, ces politiques tentent également d’assurer une transformation des espaces du domaine public existants en espaces publics, espaces de rencontres, supports de vie, d’usages et de pratiques urbaines multiples. Pour satisfaire ces enjeux, de nouveaux modes d’action ont vu le jour ; la reliance consiste à réconcilier la parcelle ( éventuellement privative devenue publique) au reste de la ville, la réflexivité met en place des processus participatifs pour reconquérir l’espace et enfin l’art de la ruse fait appel à des détournements de l’espace urbain pour encourager l’apparition de nouvelles fonctions et d’usages1 . Réflèxivité

Fig.1

Art de la ruse

DEGROS, A., DE CLEENE, M., Op. Cit, p17. 1

Reliance

Fig.2

Fig.3

La production des espaces publics est à présent confrontée à l’approche multi-scalaire de la rénovation urbaine qui vise à satisfaire le développement durable urbain du territoire bruxellois. L’espace urbain ouvert devient l’élément de résolution en termes programmatique, procédural et spatial de l’ensemble des défis urbains. Il se doit d’accueillir une diversité d’usages et d’usagers, de favoriser la mobilité et les déplacements, de contribuer à une production et gestion durable de l’environnement. Associés qui plus est aux enjeux de renouvellement de cadre de vie, d’attractivité, d’identité, d’embellissement et de diversité, la tendance semble être au dégagement et au désencombrement des espaces publics : une approche par le vide pour permettre le plein ? La rénovation urbaine

Fig1. Espace Kessels, jardin semi-privatif, Schaerbeek, Source : ezelstad.be Fig2. Avenue Monplaisir, Schaerbeek, Source : irismonument. be Fig3. Dissémiation rose, Bruxelles, Source : lessaprophytes.org

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92


_ La lecture évolutive de ces différentes politiques urbaines atteste l’importance de la question de l’espace public dans l’aménagement du territoire bruxellois aujourd’hui. Cet outil s’est nourri de visions urbaines spécifiques et s’est construit sur différentes stratégies. Le renouvellement des politiques menées et des différents dispositifs produits ont contribués à la place et au rôle qu’il occupe actuellement. D’une stratégie à échelle locale à une stratégie à échelle globale, la ville semble actuellement au travers de la reconquête de ses espaces urbains se construire un nouveau modèle socio urbain traduit par une certaine tendance aménagiste. L’espace public, par tous les enjeux qu’il centralise, se fait à présent le principal outil d’une revitalisation urbaine motivée par l’attractivité urbaine comme moteur du renouvellement du cadre de vie. _

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III. L

C O N T R AT S D E Q U A R T I E R EN EXERCICE

es contrats de quartier ont joué un rôle fondamental dans al’évolution de la production de l’espace public à Bruxelles. Ils constituent le dispositif principal de la revitalisation urbaine du territoire. Par des interventions sur le cadre social et sur le cadre spatial, il est l’instrument majeur du renouvellement du cadre de vie des quartiers en difficultés, cible préférentielle des politiques de la ville. Depuis la création de ce dispositif soumis à de nombreux enjeux l’espace urbain s’est progressivement transformé sous l’influence croissante des visions territoriales sous-jacentes. Par l’analyse empirique suivante, nous appuierons l’impact de cette politique menée sur la question de l’espace public.



I. CADRE DE LA RECHERCHE Par l’étude du réaménagement de deux places, le projet de recherche a pour ambition d’étudier la problématique de la production de l’espace public au sein du dispositif de CDQ. A l’aide d’une grille d’analyse, d’une démarche prospective similaire et de la collecte de différents matériaux de recherche, les deux terrains d’étude seront analysés. Cette étude s’effectuera de manière indépendante pour chacun des deux espaces publics puis comparative pour conclure en tentant de dégager des éléments de réponse à la problématique posée.

Choix du terrain d’étude

Le choix du cas d’étude s’est porté, dans un premier temps, sur celui d’un quartier ; le coeur historique de Molenbeek. Par les enjeux régionaux et locaux qu’il centralise, ce terrain d’étude semblait judicieux afin d’illustrer le contexte et l’évolution du rapport à l’espace public développé dans la partie théorique. D’une part, la commune de Molenbeek fait partie du territoire du canal qui constitue un des six pôles de développement prioritaire de la région. Longtemps considéré comme une fracture urbaine et sociale dans la ville, celui-ci concentre aujourd’hui de nombreux efforts en termes de revitalisation urbaine. La ville de Bruxelles a fait de ce territoire un axe stratégique de son développement et tente de reconstruire et revaloriser cet espace comme nouvelle centralité urbaine attractive 1 . Par de nombreux biais, notamment marketing, la ville essaye de remettre en valeur le territoire du canal afin d’en faire un lien, un vecteur d’une identité commune construite autour de son héritage historique. La rénovation urbaine envisage ici de reconsidérer et transformer l’espace public du canal en un espace structurant pour la mobilité, mixte en fonctions et en usages2.

NAKHLE, L., RAYNAUD, F., Canal ? Vous avez dit canal ?!, Etat des lieux illustré du territoire du canal à Bruxelles, Agence de développement territorial, Bruxelles. 1

2

Ibid.

Le Canal doit bénéficier d’une attention forte pour faire de cet axe fluvial un lieu incontournable à Bruxelles. L’axe du Canal devra réunir les activités économiques, résidentielles, de divertissements dans un tout cohérent et de qualité. Ecoles, crèches, parcs complèteront l’offre d’infrastructures collectives. La nouvelle passerelle (rue Sainte-Marie) est un pont de plus, une chance de plus que la nouvelle majorité saisira pour relier Molenbeek à Bruxelles-Ville ;

Note d’orientation politique, Molenbeek, 2012-2015 Cadre de la recherche

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Carte reprenant la zone EDRLR, les CDQ et les pĂ´les de dĂŠveloppement prioritaires Source : urbanisme.irisnet.be

100

Cadre de la recherche


D’autre part, la commune de Molenbeek se situe dans la zone de rénovation urbaine ciblée par la région et dans laquelle prennent part l’ensemble des interventions publiques réalisées au travers des CDQ et CDQD. Sa situation a permis à la commune de bénéficier, jusqu’ici, de plus d’une dizaine de contrats de quartier (CDQ et CDQD). Quant au cœur historique, il en est a pas moins de 5 contrats cumulés jusqu’ici. Ce dispositif constitue donc le principal outil des transformations de revitalisation urbaine de ce territoire.

Escaut-Meuse 2004-2008

Autour de Léopold 20012-2016 Maritime 2003-2007

Rive Ouest 2007-2011

Crystal-Etangs Noirs 2000-2004

Parvis St Jean-Baptiste 1994-1998 Atelier-Mommaerts 2005-2009

Duchesse de Brabant 1999-2003

Fonderie-Pierron 2001-2005 Heyvaert 2002-2006 Ecluse-St-Lazar 2008-2012

Cinéma Bellevue 2009-2013

Petite Senne 2014-2018

Carte des CDQ pour Molenbeek

Source : HUBAUT, S., d’après urbanisme.irisnet.be

Cadre de la recherche

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Au sein de cette commune, la recherche s’articule autour de l’analyse comparative de deux espaces publics : Le parvis Saint Jean-Baptiste et la place communale. Le réaménagement du parvis correspond au premier CDQ réalisé dans la commune (1994-1998). Celui de la place communale, au dernier CDQD achevé en date (2009-2013). Ces deux lieux permettent de relever l’évolution des enjeux, traitements et usages de l’espace public de manière plus contextualisée, mais ne permettent pas de poser des généralités. Malgré la pertinence de ce choix de terrain d’analyse pour cette recherche, il est utile de préciser que des nuances mériteraient d’être apportées. Face à une question aussi complexe que celle de l’espace public, il faut être conscient des potentielles divergences et spécificités des contextes politiques, socioéconomiques et urbanistiques des quartiers.

Place communale CDQ Cinéma bellevue 2014

Fig.1 Parvis St Jean-Baptiste CDQ parvis St-Jean Baptiste 1999

Fig2. Parvis Source : Agora urbanisme Fig3. Place communale Source : A Practice

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Cadre de la recherche

Fig.2


Méthode d’analyse

De manière à poursuivre une analyse pertinente et significative des espaces publics en question, la recherche resituera tout d’abord le contexte général des transformations urbaines du cœur historique de Molenbeek. Nous prendrons, dans un premier temps, connaissance de l’histoire générale de la commune, de ses opérations de revitalisation urbaine et de l’état de ses espaces publics. Par une lecture et une analyse multidimensionnelle des deux espaces en question, nous tenterons d’identifier l’impact des contrats de quartier sur leur production. Le parvis saint Jean-Baptiste et la place communale seront de cette manière abordés dans leur cadres politique, architectural et social.

Collecte d’informations

Afin de mener cette étude de manière la plus complète possible, différents types de matériaux de recherche ont été collectés dans le but d’en croiser les informations. Tout d’abord, l’analyse s’appuie sur les différents dispositifs encadrant les réaménagements ; les contrats de quartiers (durables) 1 et le projet régional de développement (durable). Ces dispositifs permettent d’avoir une meilleure connaissance des enjeux sous-jacents. L’analyse reposera ensuite majoritairement sur une analyse de données secondaires empiriques2. Une série d’entretiens ont été recueillis par l’intermédiaire de travaux tiers. D’ordre général, ils concernent des acteurs de différents domaines : politique, administratif, architectural et usager. De plus, la participation à une série de conférence ou journée thématique (Pyblik, Brussels Academy,…) offre davantage d’informations d’expertise essentiellement professionnelle et politique. Quelques articles de presse et ouvrages ont également enrichi l’analyse de manière plus générale. Enfin, l’observation in-situ menée principalement sur une période allant de juin 2015 à octobre 2015 favorise la confrontation de l’ensemble des informations d’ordres politique et architectural à la réalité urbaine des usages et pratiques spatiales dans ces espaces publics.

Cadre de la recherche

Dans le cas du Parvis Saint Jean-Baptiste, l’analyse repose sur l’entretien mené auprès de l’a rchitecte en charge du projet et des documents fournis à défaut d’avoir pu prendre connaissance du CDQ. Les nombreuses demandes de consultation des archives des services concernés n’ayant obtenu de réponses. 1

Les entretiens de Pierre Lorand, architecte en charge du projet Parvis Saint JeanBaptiste, et Emmanuelle Lenel, doctorante en sociologie, ont été recueillis personnellement. Les entretiens espérés auprès d’a utres acteurs pour le parvis St JeanBaptiste n’ont pas trouvé de reponse. 2

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II. LE COEUR HISTORIQUE DE MOLENBEEK Au sein du quartier de Molenbeek Saint-Jean est menée depuis quelques années une politique de revitalisation intense basée sur son héritage historique et démographique particulier. Par son contexte historique, urbain, sociodémographique et politique le quartier cristallise un ensemble d’enjeux. Ceux-ci opèrent sur le réaménagement des espaces publics en lien avec l’évolution des pratiques et des conceptions urbaines.

Un village dans la ville

Le village agricole de Molenbeek s’établit, dès le 14e siècle, autour d’un vieux moulin. Il se situe dans un fond de vallée à l’extérieur de Bruxelles au-delà de sa seconde enceinte. Son développement urbanistique et socio-économique sera associé à l’histoire du développement industriel de la ville dès le 18e et à la création du canal de Charleroi. Il se voit alors transformé en vrai centre industriel, en atteste son nom « le petit Manchester », et attire une population ouvrière importante. Malgré le déclin économique de la période industrielle durant le 20e siècle, le quartier parvient à garder son statut de centre urbain à l’activité commerciale importante. C’est dans les années 60-70, avec les politiques de destructions massives que le quartier s’affaiblit. Les classes moyennes quitteront alors le centre au profit de la périphérie. De plus, la percée du métro en surface en 1974 permettra de connecter directement le quartier à la ville de Bruxelles mais obligera de nombreuses familles à le quitter. Une grande part des maisons seront expropriées et détruites et le quartier immobilisé pour la réalisation de cet aménagement. Ces transformations entraineront un important flux migratoire au profit d’une population plus précarisée et majoritairement immigrée. Depuis lors, les principales transformations urbanistiques dans ce tissu dense seront directement liées aux opérations de revitalisation urbaine dès les années 90 au travers d’un projet politique spécifique : faire revivre le village.

Le coeur historique de Molenbeek

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XIVe siècle : Molenbeek s’établit autour d’un moulin au-delà de la seconde enceinte de Bruxelles

Carte Province des Pays-Bas E.H, Fricx, 1744 Source : BRUgis

Carte de Vandermaelen, 1846-1854 Source : BRUgis

XVIIIe siècle : l’industrialisation et l’arrivée du Canal de Charleroi influence le développement de Molenbeek. Au XIXe, le développement rapide du canal entraine un accroissement démographique conséquent. Molenbeek passe de 1.380 habitants en 1800 à plus de 72.000 à la veille de la 2e guerre mondiale. Le déclin de la période industrielle durant le 20e siècle entraine un important flux migratoire vers la périphérie au profit de l’arrivée d’une population immigrée et précarisée. 106

Le coeur historique de Molenbeek


Après des débuts prestigieux, le vieux Molenbeek a souffert d'abandon durant plusieurs décennies. Aujourd'hui, grâce aux contrats de quartier, le « village » revit. leprince,p.,voogt,f., le renouveau du vieux molenbeek, le soir, 24 mars 2004

PLACE COMMUNALE

PARVIS SAINT JEAN-BAPTISTE

Orthophotoplan 1996 Source : BRUciel COEUR HISTORIQUE DE MOLENBBEK

Déclin dans les années 70 avec la percée du métro en surface XXe siècle : Faire revivre le village de Molenbeek

Le coeur historique de Molenbeek

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Un quartier dense et multiculturel

L’histoire sociale de la commune de Molenbeek est, depuis toujours, liée à sa situation dans la ville. Dès le moyen-âge, la structure sociale de la ville connait une dissymétrie liée à celle de sa topographie. Le fond de vallée sur lequel s’établit Molenbeek devient le lieu privilégié de l’établissement des quartiers populaires tandis que la bourgeoisie domine symboliquement la ville en s’installant sur ses plateaux. La période d’industrialisation au 18e siècle renforce ce caractère par le faible coût foncier de ses terrains. Celui-ci permet aux industries de s’y installer et entraine l’exode rural des classes ouvrières qui y viennent travailler. Le développement démographique de cette période laissera place, durant le 20e siècle, au départ des classes moyennes pour la périphérie. Le délaissement des logements permettra alors, dès les années 60, l’installation à faible cout de populations immigrées. Molenbeek a constitué et constitue encore une terre d’accueil qui compte plus de 100 nationalités différentes sur son territoire1 . Malgré cette diversité, l’image du quartier s’est essentiellement construite autour du développement d’une communauté dominante ; la communauté maghrébine . L’installation de cette communauté tient à la croissance économique et au plein emploi des années 60. Toutefois, la crise économique des années 70 et la fin de la politique d’immigration vont quelque peu en modifier le projet migratoire2. Les 10 années d’emplois ne vont pas permettre aux immigrés d’atteindre la réussite matérielle nécessaire pour rentrer au pays ; la fermeture des frontières, si elle leur permet de rentrer, ne leur permettra pas de revenir. La visibilité de cette communauté gagne en importance dans les années 80. La loi sur le droit du sol va permettre l’émergence d’une nationalité belgo marocaine et d’une identité musulmane belge ; Avec celle-ci le développement des structures religieuses, éducatives et économiques renforcé par une nouvelle vague d’immigration . Au-delà de son importante diversité culturelle, Molenbeek est également un territoire dense et jeune à grande précarité socio-économique ; 27 000 habitants dont 34% de jeunes inférieurs à 17 ans, un taux de chômage de 42% pour un revenu moyen par habitant en deçà des moyennes de la région. Cette situation socio-économique va permettre à la commune de bénéficier des politiques de rénovation urbaine et de justifier le renouvellement du projet politique basé aujourd’hui essentiellement sur « l’ouverture » du quartier.

Le coeur historique de Molenbeek

A l’heure actuelle, la part des ménages issus d’Afrique du nord représente 12,8% contre 4% en RBC. La part récente des populations des nouveaux pays membres de l’UE en représente 4%. 1

Molenbeek, une commune bruxelloise, Les cahiers de la fonderie, n°33, Bruxelles, 2005 2

Source des indicateurs: Monitoring des quartiers (statistiques 2009,2011,2013)

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Un quartier en transition

Depuis le début des années 90, la commune de Molenbeek bénéficie d’une politique de revitalisation intense. Ce régme d’intérêt politique et sociétal pour ce territoire clôt une période de délaissement important perceptible à l’époque dans la vie et les espaces urbains : trottoirs cassés, bâti en ruine, surpopulation, trafics de drogue, promiscuité due à la densité bâtie et démographique,... Les trajectoires familiales montantes restent rares et ceux qui s’améliorent partent. Le quartier marqué par les destructions et le délabrement souffre de sa densité urbaine et d’un manque d’espaces publics verts ou de jeux. Le parc Bonnevie voit le jour dans les années 90 sur un chancre urbain laissé par le tracé du métro grâce à la combattivité de la maison de quartier Bonnevie. Il est le résultat d’un processus participatif produit par l’activité des habitants tant sur sa conception que sa réalisation. Ce premier projet associatif sur l’espace public et en particulier sur cet axe constitue une première intervention signicative dans l’histoire du quartier. Les émeutes des années 90 dans différents quartiers soumis à de semblables tensions vont donner une certaine visibilité à ces zones déshéritées et problématiques. Ce retour de l’intérêt politique pour ces territoires se justifie également par l’apparition d’un nouvel et potentiel électorat. Il initie un long processus de revitalisation urbaine au travers du dispositif de contrats de quartier. Des opérations sur le cadre spatial et sur la cadre social spécifiques à cet outil seront mises en place afin d’assurer le renouvellement du cadre de vie de ces territoires. La première opération emblématique de ce dispositif reposera sur le réaménagement du parvis Saint Jean-Baptiste. Il constitue donc une première opération symbolique relative à l’espace public dans le cadre du dispositif de CDQ. Dès les années 2000, la politique de revitalisation urbaine est renforcée par un raccordement de programmations culturelles avec la création de la Zinneke parade ou encore l’ouverture de la maison des cultures et de la cohésion sociale. L’appropriation progressive de l’espace public est renforcée par une série d’initiatives souvent associées à des projets socio-artistiques. Ces dernières années, les opérations autour de la requalification des espaces publics se font de plus en plus nombreuses et sous diverses formes : réaménagement, Arts, installations, ... Le renouvellement de la politique de revitalisation urbaine du quartier se construit aujourd’hui dans une perspective d’ouverture sociale et urbanistique au travers d’un projet de transformation cosmopolite. Sous l’impulsion de nombreux dispositifs ; marketing urbain, évènementiel , contrats de quartiers, ... ; la commune tente de véhiculer une image, fortement stigmatisée, plus urbaine, cosmopolite, ouverte et connectée. La métamorphose urbanistique constitue l’axe d’intervention prioritaire du nouveau projet politique dans un souci de mixité et de vivre ensemble. 110

Le coeur historique de Molenbeek


Fig.1

Fig.2

Fig.3

Fig1. Rue Sainte Marie Source : reportage Panorama Molenbeek 1987 Fig.4

Fig2. Parc Bonnevie 90’ Source : Reportage «Parc Bonnevie», IEB, Viméo Fig3. Parvis Saint JeanBaptiste 1998 Source : Agora

Fig.5 Fig4. Zinneke parad Source : Lieven Soete

Fig.6

Fig5. Moulins à Vent Cdq Fonderie-Pierron 2001-2005 Source : Molenbeek. irisnet.be Fig6. Pietro Cdq Cinéma-Bellevue Source : Suede36 Fig7. Place communale Cdq Cinéma Bellevue Source : A Practice

Fig.7

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Le coeur historique de Molenbeek


« La mixité des fonctions et la mixité sociale sont une des réponses à ce postulat du vivre ensemble que la nouvelle majorité érige en principe fondateur de sa politique d’urbanisme. » Note d’orientation politique 2012-2015

Le coeur historique de Molenbeek

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III. LE PARVIS SAINT JEAN BAPTISTE e réaménagement du Parvis Saint Jean-Baptiste constitue la première aopération de revitalisation urbaine de Molenbeek dans le cadre d’un CDQ. Il constitue le cœur du contrat Parvis Saint-Jean Baptiste (1994-1998) dont le périmètre d’intervention s’étend géographiquement du parvis à quelques rues qui y sont attenantes. Ce contrat constitue le premier d’une longue série dont va pouvoir bénéficier la commune. Il initie la stratégie d’action communale pour le projet de revitalisation du quartier où la mobilité et l’espace publics en sont les principales considérations.

L

Nous analyserons cet espace public selon les cadres respectifs suivants : politique, architectural et social. Produire un espace fédérateur Le parvis Saint Jean-Baptiste doit son nom à l’église qui s’y est établie dès la fin du 11e siècle et dont plusieurs édifices se succèderont. La structure générale de l’espace telle qu’on la connait plus ou moins à l’heure actuelle remonte aux années 30. A l’époque, l’édifice religieux du 19e siècle est trop petit et sa situation empêche l’exécution des nouveaux plans d’ensemble. L’église moderniste actuelle est alors construite face à l’ancienne de manière à participer à l’embellissement de l’espace public et la valorisation du quartier.

Dans les années 90, l’évolution de cet espace en une mer d’asphalte dédiée à la circulation automobile et au stationnement ne permet pas au quartier historique de Molenbeek de disposer d’un espace public à proprement parler. Il souffre de sa densité urbaine et nécessite la création d’un espace de rencontres pour ses habitants. L’enjeu fut de redonner au Parvis Saint JeanBaptiste sa nature de place et de profiter de son caractère historique pour en faire le nouveau centre du quartier tout en revalorisant son image. Placé au cœur d’un objectif de centralité, il nécessitait la production d’un espace public structurant dont le caractère puisse susciter une certaine convivialité et identité. Il était donc nécessaire de restructurer le Parvis Saint Jean-Baptiste de manière à « recomposer son identité et rationnaliser ses usages » .

Le parvis Saint Jean-Baptiste

Fig.1

Fig.1 : Reconstruction de l’église Saint JeanBaptiste, Source : Molenbeek, une commune bruxelloise, Cahiers de la fonderie, n° , p.

http://quartiers.brussels/

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Bruxelles ancien vu du ciel

Parvis 1930-44

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Parvis 1953-71

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© Service public régional de Bruxelles, Direction Études et Planification, 2014

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Vues aériennes Source : Bruciel

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Carte postale 1956, Source : Delcampe.net

Photo après 1998, Source : Agora

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Fig1. Localisation du périmètre défini. Source : Archives Agora

Pour mettre en place ces intentions et enjeux politiques, la commune a bénéficié des modalités d’action propres au contrat de quartier. Dans le cadre du CDQ Parvis Saint Jean-Baptiste, les opérations des différents volets se situent dans un périmètre défini à partir du parvis qui en constitue le projet phare. Quelques opérations de logement social et de réaménagement de voiries verront également le jour. Fig.1

La production du dispositif des contrats de quartier s’est inscrite dans le processus de démocratisation mis en place fin des années 70 avec les procédures d’enquête publique et de commission de concertation. Si le CDQ Parvis Saint Jean-Baptiste fut soumis à cette législation, le cadre participatif semble s’en être tenu à ses strictes dispositions. Soumis à la concertation publique, le dialogue s’est en finalité essentiellement construit entre les structures administratives, politiques, professionnelles et d’expertises (Monuments et Site de Bruxelles) . La réalisation du contrat de quartier aura bénéficié de l’intervention financière régionale (1 498 319,52 ) à hauteur d’une intervention communale substantielle (499 439,84 ).

« A l’époque, on avait voulu aussi discuter avec les comités de quartiers pour voir ce qu’il en était. Et de mémoire, je pense qu’il y avait eu un holà de la part de la commune en disant «ne rentrez pas trop dans les détails de ce genre de chose, il y aura une réunion de concertation où on expliquera les choses »

La production de l’espace public peut se résumer ici à celle d’un cadre spatial et matériel propice au développement d’un cadre social. Le parvis saint JeanBaptiste constitue aujourd’hui incontestablement un centre identitaire important dans le quartier et joui, grâce au marché du jeudi, d’une reconnaissance internationale. Cet espace fédérateur est devenu le centre de rassemblement et de vie tout du moins pour la communauté dominante.

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Le parvis Saint Jean-Baptiste


Le parvis Saint Jean-Baptiste

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Un concept d’espace ségrégué

Avant son réaménagement, la place se résumait en un espace voué à la circulation automobile. Quelques modifications peu significatives apparaitront au cours du temps dans son organisation. Il faut attendre le CDQ Parvis Saint Jean-Baptiste pour mettre en place le partage et la structuration de l’espace tels qu’on les connait aujourd’hui. Le réaménagement du Parvis repose sur un principe d’espace ségrégué en vigueur depuis le 19e siècle. Il répondait à des nécessités de mobilité mais participait à l’époque également à des moyens de distinction sociale. La ségrégation spatiale repose sur un partage et une structuration de l’espace, chaque usage et usagers trouve une place déterminée. On y distingue automobilistes, piétons, espaces de circulation, espaces de rencontre, … Ces distinctions sont renforcées par la conception architecturale de l’espace : différences de niveaux, différences de matérialité, dispositifs de séparation, … Cette structuration de l’espace public vise ici à partager le parvis de manière plus équitable entre les différents types d’usagers. L’objectif était de redonner de la place à la mobilité douce et les piétons dans un espace dominé par la voiture. Dans un souci d’identification, de partage mais également de sécurisation, les différents types d’espaces sont séparés par des dispositifs techniques et physiques. La règlementation stricte de l’espace public permet de donner une place propre à chaque usager et d’encadrer les usages ; un espace de trottoir surélevé pour les piétons et le développement des terrasses, une voirie pour l’automobile, des parkings pour le stationnement, un espace central surélevé et sécurisé pour les jeux, la rencontre, les activités, … Pour définir un espace public de rencontres et de convivialité, le projet du bureau Agora propose une redéfinition spatiale à partir de la mise en valeur de l’Eglise Saint Jean-Baptiste. L’objectif était de redonner une visibilité à cet édifice et d’y développer un espace public central dégagé libre d’appropriation et susceptible d’accueillir différentes activités. Les architectes entreprennent donc de structurer et partager l’espace à partir de cet élément central. A partir de l’édifice religieux, un large espace de parvis est développé. On retrouve par ailleurs cette approche de continuité à l’arrière de l’édifice de manière plus restreinte. Le parvis est structuré sur ses abords par la mise en place de bancs, d’éclairage public et d’arbres. Une série d’éclairage au sol, usés ou détruits depuis lors, participait à cette mise en valeur. Cet espace central permet également de structurer les axes de circulation automobile et de redéfinir le cadre bâti le jouxtant ; différents dispositifs se sont multipliés de manière à sécuriser ce parvis et à distinguer chaque « zone » : travail sur les niveaux, utilisation de matériaux distincts, recours aux potelets, disposition du mobilier, … 120

Le parvis Saint Jean-Baptiste


Ces différents éléments participent en finalité à la valorisation et l’identification de l’espace central dont la simplicité du langage architectural en renforce la lisibilité.

Parvis Saint jean-Baptiste, Plan,

Source : Agora

Le parvis Saint Jean-Baptiste

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Un espace communautarisé

Le parvis Saint Jean-Baptiste constitue aujourd’hui un espace fédérateur pour un certain public. La population qui le caractérise semble principalement constituée d’une dominance communautaire maghrébine et de genre masculin.

Parvis, un soir d’été, juillet 2015

Cette dominance pourrait se justifier par un ensemble de paramètres. Dans un premier temps, elle serait d’ordre culturel. Le parvis Saint Jean-Baptiste semble constituer un territoire identitaire pour une population maghrébine empreinte d’un certain de nombre de traditions. Tenues vestimentaires traditionnelles, espace de rassemblement durant la période de ramadan et distinction des genres peuvent s’y observer. Les femmes se font rares au-delà des heures de sortie d’école et auquel cas s’y retrouvent alors en groupe le temps pour les enfants d’échanger quelques passes de ballon. Dans un second temps, elle serait d’ordre socio-économique. La présence, sinon constante tout du moins régulière, du public masculin sur les marches du parvis ou aux terrasses des commerces laisse supposer une absence d’activité socio-économique. Dans un troisième temps, cette dominance communautaire serait renforcée par l’activité commerciale présente. Au-delà des quelques commerces alimentaires et d’autres divers, une grande partie semble consacrée à un HORECA spécifique : le salon de thé. Le langage général de leurs enseignes reflète l’appartenance à cette communauté et leur visibilité dans l’espace public est liée au développement de leurs terrasses. Elles permettent à cette population majoritairement masculine de s’y installer et d’y observer flux et activités qui rythment cet espace. L’activité commerciale présente a donc tendance à s’adresser à un public plus ciblé.

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Le parvis Saint Jean-Baptiste


Les salons de thé, septembre 2015

Sortie d’école, septembre 2015

Le parvis Saint Jean-Baptiste

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L’ensemble de ces facteurs semble participer à la communautarisation du Parvis Saint Jean-Baptiste. Il constitue aujourd’hui un territoire identitaire commun de cette communauté et pour ce public spécifique un espace de séjour propice à l’accueil de différentes activités et pratiques socio-urbaines : rencontres, discussions, jeux, animations,…

Le marché du jeudi

Tous les jeudis, un marché important se tient sur le parvis. Il s’étend jusque la place communale située à proximité.

Espace de jeux

Le parvis est fréquemment utilisé en espace récréatif. Des tournois (foot, criquets) y prennent place. Les enfants des écoles de proximité s’y rendent souvent après la sortie des écoles pour y jouer quelques instants. Tournoi de criquet , avril 2016

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Le parvis Saint Jean-Baptiste


Espace de rassemblement

Le parvis constitue un haut lieu de rassemblement notamment lors des jours de ramadan.

Fin de soirée, période de ramadan, juillet 2015 Espace de rencontre

Les bancs situés à l’ombre des arbres sont propices au séjour, à la rencontre et à la discussion pour les habitants du quartier. Il n’est pas rare de voir des gens se rencontrer et prendre le temps de discuter. Un après-midi d’Août 2015

Le parvis Saint Jean-Baptiste

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← Centripète : dirigé vers le centre

RCUZ : Règlement communal d’urbanisme zoné

Cette appropriation fortement privatisée de l’espace permet d’identifier certains comportements liés à son caractère dès lors inhospitalier. La gente féminine quelle qu’elle soit y trouve peu souvent place et sa présence reste majoritairement furtive le temps nécessaire à son déplacement. L’ensemble de ces comportements semble pouvoir s’associer au processus de dégagement mis en place pour développer initialement de plus larges pratiques sociourbaines. L’espace central du parvis opère un vide que l’on pourrait qualifier d’ordre centripète . La structuration spatiale permet de dégager cet espace principal organisant la succession d’espaces spécifiques au caractère beaucoup plus encombré. De manière successive, on distingue un espace de parking, un espace de voirie soumis à la circulation automobile et au bruit qu’elle génère, un espace de trottoir multipliant les enseignes, les échoppes, les devantures hétéroclites et les terrasses. La zone dégagée permet au public de s’en saisir de manière plus spontanée pour y développer différentes activités. Elle semble également plus intrusive pour les autres usagers. Les individus, et en particulier féminins, relevant d’autres codes d’appartenance tendent à utiliser cet espace comme un espace de flux. Il est alors soumis à un certain contrôle renforcé par la multitude d’espaces de séjours en ses abords.

1

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Cette communautarisation de l’espace constitue une problématique à l’heure des enjeux de diversité, de mixité et de vivre-ensemble actuels auxquels la commune tente de répondre. Pour prévenir ce phénomène, elle a pour intention d’encadrer l’activité commerciale et sa visibilité sur l’espace public (enseignes, terrasses, vitrines, devantures …). Elle a donc mis en place très récemment un RCUZ1 . Il prescrit des règles urbanistiques sur un périmètre urbain défini dont fait partie le parvis. Cette initiative entreprend de poursuivre l’homogénéisation spatiale et visuelle que le réaménagement de la place communale a (ré)initiée; conçue comme un espace architecturalement « neutre » afin d’être saisissable par tous (2). Le parvis Saint Jean-Baptiste


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Saint JeanBaptiste

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Ecole

Place communale

■ Salons de thé . Espaces de séjours

- Hommes Espace de discussion femmes Espace de jeux privilégié par les enfants Espace polyvalent

→ FLux piétons dominants Le parvis Saint Jean-Baptiste

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IV. LA PLACE COMMUNALE e réaménagement de la place communale de Molenbeek constitue l’opération phare du contrat de quartier Cinéma-Bellevue (2009-2013). Ce contrat constitue le dixième d’une série dont a pu bénéficier jusqu’ici la commune. Par sa redéfinition en un espace partagé, il fait figure « d’avantgarde » dans le domaine de l’espace public bruxellois. Son réaménagement confirme le projet de revitalisation urbaine du quartier basé sur l’ouverture. L’espace public et la mobilité en sont les principaux modes d’action.

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Nous l’analyserons également selon les cadres respectifs suivants : politique, architectural et social. Produire une nouvelle centralité

Molenbeek devient une commune en 1795. La place communale actuelle, choisie comme telle, est inaugurée en 1858 dans une structure spatiale plus ou moins semblable à celle d’aujourd’hui. La maison communale y prend place en 1889. Aujourd’hui, la place se caractérise par un bâti architectural datant majoritairement du 19e siècle et une fonction historique associée au marché hebdomadaire.

La ségrégation progressive de l’espace entraine au cours du temps une monopolisation accrue de la circulation automobile et du stationnement. Cette fonction attribuée à la place communale ne semblait apparemment pas refléter la réalité sociale du quartier (seulement 50% des ménages Molenbeekois possèdent une voiture). Elle ne semblait pas non plus correspondre aux besoins réels de la population. Il paraissait alors nécessaire de compenser le manque de qualité spatiale des logements de ce quartier dense par la production d’un espace public pour ses habitants. L’enjeu fut de redonner à la place communale son identité et d’en faire une nouvelle centralité symbole d’une culture commune à construire.

La place communale

Fig.1 Place communale, carte postale, coll. Belfius Source : Bruciel

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1920

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Avant 2009

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La place communale


Place communale actuelle, Source : A Practice

« Faire de la place communale de Molenbeek le centre de gravité de la rive gauche du pentagone élargi, ce dernier étant une nouvelle définition du centre de Bruxelles comprenant l’actuel pentagone et la rive gauche tracée par le canal. »

La place communale

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La place communale de Molenbeek est en réalité placée au centre d’un double objectif de centralité. Sur le plan local, la densité du tissu urbain et social nécessite le dégagement de nouveaux espaces de rencontres. L’enjeu fut de redonner à cet espace sa nature de place et de profiter de son caractère historique pour en faire un nouveau centre du quartier tout en revalorisant son image. Sur le plan régional, le canal est soumis à un important processus de revalorisation et revitalisation pour en faire une nouvelle centralité attractive de Bruxelles. Le réaménagement de la place s’est inscrit dans cette volonté et cette stratégie d’étendre le centre urbain de la ville au-delà de ses limites actuelles. Une volonté perceptible dans le désir d’ouverture physique et symbolique du quartier vers la ville.

L’ancien cours de la Senne fut déjà mis en avant par un précédent CDQ : ateliers Mommearts. Le choix de cet axe repose également sur son potentiel de réaménagement par les nombreuses friches et d’espaces non bati dus à la mauvaise qualité de sol. 1

L’axe du métro SainteMarie fut déjà à de nombreuses reprises sujet à des opérations de revitalisation : logements de la SDRB (1995), CDQ FonderiePierron (2001-2005), Bonnevie (2006) 2

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Cette stratégie d’action communale pour le projet de revitalisation du quartier est particulièrement mise en évidence dans le programme du contrat de quartier Cinéma-Bellevue. L’espace public et la mobilité sont les principaux leitmotivs de cette rénovation urbaine. Ils sont utilisés comme point de départ pour la mise en place d’axes structurants et d’interventions prioritaires. Dans le cas présent, l’ancien cours de la Senne1 et l’Axe du métro Sainte-Marie2 sont les principaux appuis des opérations réalisées. Parmi les projets de réaménagement d’espace public les plus significatifs on peut citer; le projet Piétro (3.), un parcours de mobilité douce revalorisant des points de repères locaux et des espaces récréatifs existants ; La friche de la petite Senne (1.), qui permet la création d’équipements et logements et la mise en place d’une connexion piétonne ; La passerelle dans la continuité de l’axe Sainte-Marie et Sainte Catherine bien qu’elle ne fasse pas partie du CDQ, qui peine à se concrétiser ; La place communale (2.) qui constitue quant à elle le projet phare du contrat de quartier. Elle en est le centre de gravité. Les contrats de quartier sont en réalité envisagés comme des bras de levier pour la rénovation urbaine. Les efforts sont donc concentrés autour d’opérations phares qui permettent des effets immédiats. A Molenbeek, le travail et la connaissance du Service des Projets subsidiés sur les stratégies et politiques régionales (voir internationales) permet aujourd’hui l’apport de budget collatéraux important pour la réalisation de ces projets. Pour la place, le financement s’est réparti entre les interventions de BELIRIS (1.442.617,71), La région (477.000), l’état fédéral via les politiques des grandes villes (250.000) et la commune (53.000). La place communale


La place communale comme nouvelle centralité

← Place communale

Axe petite Senne

1.

Passerelle projetée Axe Ste Marie

2.

Axes structurants

3.

Source : A partir de documents de Vincent Degrune, Chef de projet du CDQ Cinéma-Bellevue au sein du service des projets subsidiés

Reseau piétro

La place communale

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1 Ce travail fut effectué par des étudiants d’une école d’a rchitecture

Etude de mobilité des espaces publics situés dans l’hypercentre, Bureau MSA 2

J. Van Damne, échevin de la mobilité à l’epoque 3

Quatre bureaux ont été invités à remettre une offre soumise au choix d’un jury composé du bMa, de la région, de la commune et de Beliris.

Si le réaménagement de la place était depuis longtemps envisagé, il repose initialement sur un jeu de débat politique. Certains décideurs ont dû au préalable convaincre d’autres acteurs politiques de la nécessité de transformer un espace dédié à la voiture en un espace public. La majorité de ceux-ci utilisaient eux-mêmes cette place pour leur propre stationnement. Une double stratégie fut nécessaire pour permettre l’émergence du projet : alimenter l’imaginaire d’un espace sans voiture1 et démontrer, par une étude2, la faisabilité de ce réaménagement en proposant des solutions alternatives de stationnement. Parmi les propositions formulées, le choix de transformer la place en un espace partagé semble être entre autre le fruit d’un « compromis politique »3 préalable et éventuellement une phase transitoire avant sa piétonnisation.

4

Fig.1 . Affiche

134

« Très fier du résultat, je crois aussi dans l’idée du Share Space comme concept mais là où il n’y a pas d’alternative et ici j’en vois objectivement aucune pour faire fonctionner parfaitement le tout [ Piétonniser la place].»

La proposition architecturale du projet du bureau d’architecture A-practice, lauréat du concours restreint4 lancé par la commune, ira dans le sens d’un espace partagé. L’originalité du concept a nécessité la production d’un travail participatif relativement conséquent. Ce cadre s’est essentiellement construit autour de séances de concertation, d’information et d’activités majoritairement par l’intermédiaire des structures associatives du quartier. Cette démarche participative outre la prise de connaissances des désidératas des habitants du quartier, a davantage reposé sur son aspect informatif et éducatif : convaincre les plus réticents au projet (dont les commerçants) et en expliquer le fonctionnement à ses usagers. Le volet participatif des contrats de quartier souffrirait de différentes difficultés : la motivation, l’implication et l’intérêt du public, la primauté de l’intérêt individuel sur le collectif et la structure temporelle du dispositif. La production de cet espace public, malgré les démarches participatives, semble davantage s’apparenter à une réappropriation politique symbolique.

La place communale


«C’est le problème des contrats de quartier. Fini un, on travaille déjà sur un autre. Peu de temps pour faire un suivi, pour faire une évaluation du volet participatif. [...] On manque de temps et de moyen pour être sur le terrain, informer et communiquer»

Fig2. Planning participation Source : A pactice Fig.2

La place communale

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Le réaménagement de la place a pour ambition, en qualité de nouveau centre, d’être le symbole d’une culture commune à construire. Une intention renforcée par la production d’un travail artistique intégré en cours de conception du réaménagement du projet. La démarche intellectuelle et le coût de l’œuvre ont suscité de nombreux débats quant à son accessibilité et sa nécessité. Le monument « zéro » consiste en une pierre de 32 tonnes, enfouie dans le sol, dont seule une trace est perceptible à sa surface. Considéré comme monument immatériel, le rôle de cette œuvre d’art repose essentiellement sur la transmission. Elle a pour objectif de participer à cette volonté d’instaurer une culture, une histoire et un lieu d’identification communs à la population molenbeekoise.

Fig.1

Fig.1 . Monument zéro sur la place communale, Source : A practice Fig.2. Coupe du monument zéro Source : A practice

136

Fig.2

La place communale


La place communale

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Un concept d’espace partagé

Avant son réaménagement, au-delà des jours de marché, la place était monopolisée par le stationnement. Son aménagement se caractérise alors par une division et ségrégation spatiale importante : une voirie principale pour la circulation automobile, une place en excroissance pour le stationnement et des trottoirs pour les piétons. Le tout est accentué par le recours à des matériaux différents et des dispositifs de démarcation (potelets).

Pierre Vanderstraeten, Sociologue, coconcepteur du projet pour le projet d’A practice 1

La proposition de réaménagement de la place communale de Molenbeek en espace partagé constitue le premier espace public du type sur le territoire Bruxellois. Le principe repose sur le partage de l’espace. A contrario, l’espace dit ségrégué est un espace où chaque usage et usager à une place déterminée. L’espace partagé propose un lieu de « mise en commun ». C’est un espace supposé polyvalent et mixte. Il n’y a plus de distinction: automobilistes, piétons, cyclistes, flâneurs, … partagent un même endroit régulé par les interactions entre ceux-ci. Cette mise en commun de l’espace public fait appel à une attention mutuelle des gens. Par une absence de démarcation, de signalisation et un désencombrement général de l’espace, on augmente le niveau de vigilance des usagers. L’automobiliste ralenti, le piéton jette un œil et tend l’oreille, … Dans cette configuration, la sécurité est abordée sous un angle comportemental. Les dispositifs techniques et physiques laissent place aux interactions entre les usagers et l’attention que cela requière. La « dérèglementation » de l’espace public est supposée se faire au profit d’« une capacité de responsabilisation des usagers les uns envers les autres »1 . Pour mettre en place le principe d’espace partagé sur la place communale, le bureau A-Practice propose un projet basé plus sur « la gomme que le crayon ». L’objectif était de redonner une lecture de place à cet espace et de redevenir propice à l’accueil d’une multitude d’usages. Les architectes entreprennent de dégager l’espace et, pour y parvenir, de le désencombrer. Le projet du réaménagement de la place communale repose essentiellement sur un sol. De façade à façade, intégrant les rues du Prado et de comte de Flandres, ce sol d’une même et unique matérialité est supposé redonner une continuité et une unité spatiale à cet espace. Y sont disposés de manière précisément étudiée des objets urbains afin d’assurer un cadre minimum et d’induire certains comportements. Si l’espace partagé propose un concept spatial où tout usager a la possibilité de se déplacer et d’agir selon son gré, il est nécessaire de guider les mouvements. La disposition des objets urbains permet donc de dégager implicitement des espaces de séjour tout en guidant la circulation automobile, dissuadant la vitesse et décourageant le stationnement. Le rôle de ces objets

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SchĂŠmas Analytiques de la place, source : A ractice

Plans, source : A Practice

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« informels », volontairement arrondis, repose sur leur polyvalence. Leur taille et leur forme supposent en permettre une appropriation et des usages multiples. La place communale de Molenbeek constitue à présent une place dont l’espace central dégagé permet toujours d’accueillir le marché hebdomadaire et de développer tout un panel d’activités. Son langage architectural épuré soutient une neutralité volontaire de l’espace public afin d’en permettre son appropriation par un public le plus large possible.

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La place communale

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Un espace voué à la mixité

Malgré la proximité spatiale évidente du parvis Saint Jean-Baptiste et de la place communale, les réalités socio-urbaines de ces espaces semblent relativement peu semblables. Soumis à des enjeux de mixité, le public de la place communale semble tout du moins d’une plus grande diversité que celui rencontré sur le parvis.

inauguration, juin 2014, Source : A practice

Cette diversité pourrait également se justifier par différents paramètres. Dans un premier temps, d’ordre culturel : la place communale semble toucher un public plus diversifié. Une plus grande mixité d’usagers semble effectivement la caractériser : Enfants, jeunes, adultes, hommes, femmes, figures maghrébines « traditionnelles » ou non, figures « belgo-belge », … La gente féminine semble d’ailleurs y trouver plus facilement une place. Dans un second temps, elle serait également d’ordre socio-économique. La diversité des activités, l’absence ou la coprésence d’usager reflète davantage les rythmes urbains quotidiens. Dans un troisième temps, elle s’illustre également par l’activité et l’offre commerciale présente : Horeca, textile, alimentation, médical, salon de coiffure,… Leur visibilité dans l’espace public, malgré la disparité du langage de leurs enseignes, reflète par ailleurs un caractère plus occidental par rapport aux commerces de type maghrébins du parvis. Elle semble également moins spécialisée. L’activité commerciale ici présente permet donc apriori de toucher un public plus diversifié. La place communale de Molenbeek constitue à présent une place dont l’espace central dégagé permet toujours d’accueillir le marché hebdomadaire et de développer tout un panel d’activités. Son langage architectural épuré soutient une neutralité volontaire de l’espace public afin d’en permettre son appropriation par un public le plus large possible. 142

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You Delice, Un des nouveaux commerces

un soir d’été, juillet 2015

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Le marché

Tous les jeudis, un marché important se s’étend de la place communale au parvis Saint Jean-Baptiste. Tous les dimanches matin, s’est un marché plus restreint qui s’y tient.

Espace de jeux

L’installation de jets d’eau a permis de donner un caractère ludique au lieu.

Un après midi de juillet 2015

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Espace de rassemblement

La place communale est devenue le lieu de rassemblement privilégié à l’occasion de manifestations ou d’activités de tout ordre.

Hommage aux victimes des attentats de paris, novembre 2015, Source : lesoir.be Espace d’animations

Molendance, un parcours de danse dans le coeur historique de la commune (rue Sainte Marie et Place communale) molendance, avril 2016, source : I like molenbeek

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← ←

Centrifuge : Qui éloigne du centre

Pour favoriser la mixité des fonctions et surtout des pratiques socio-urbaines diverses, la stratégie aménagiste caractéristique de la place communale repose sur le dégagement. Cette tendance au vide de l’espace public se formalise à nouveau de manière spécifique. Dans le cas présent, ce vide s’organise de manière qu’on pourrait qualifier d’ordre centrifuge . Le dégagement d’un espace central par la localisation des objets urbains sur les entrées et sorties de la place se diffuse aux espaces attenants par la continuité et l’homogénéité matérielle. Cet espace « vide » donne l’opportunité de conserver les dynamiques circulatoires existantes ; un axe longitudinal (comte de Flandres) pour les voitures, un axe métro (Comte de Flandres / Prado et Chaussée de Gand) pour les piétons et les quelques cyclistes ; et de développer de nouveaux usages et activités : marché, fêtes, manifestation, terrasses bien qu’elles se fassent encore timides et semblent être assez souvent vides,… Les objets urbains qui cadrent ce dégagement participent à la qualité spatiale et architecturale de l’espace par leur capacité à générer de nombreuses interactions ; ils dissuadent et encadrent la circulation automobile, définissent des sous espaces propices aux jeux, protègent piétons et devantures des voitures, elles deviennent scènes, assises ou échoppes.

Le travail de « gomme » et de dégagement de l’espace central ne permet pas jusqu’à présent au public de s’en saisir de manière spontanée. Sans le développement des activités, il encourage en autre temps les flux et les comportements automobiles traditionnels à reprendre une forme de domination sur l’espace public. Vitesse, circulation au-delà des « limites» conditionnées et stationnement inopiné au-delà des règles prescrites, caractérisent encore le quotidien de cet espace public. Pour l’usager « faible» ce vide semble alors plus s’associer à un espace destiné à être traversé. Ces pratiques sont encore associées à la mentalité et aux comportements en vigueur au cours des années précédentes. Les transformations spatiales étant récentes, celles relatives en termes de pratiques socio-urbaines se construisent progressivement encouragées par les nombreuses manifestations et animations organisées. 146

La place communale


Place voltaire

Métro

. ✳

.. . .. . .. . . .

.

Parvis Saint Jean-Baptiste

Ch. Gand

Parc Bonnevie

Maison communale Objets urbains polyvalents Espaces de séjours & ludiques Espace d’animations

La place communale

Flux piétons

→ →

Flux voitures prévus Flux voitures déviants

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Dans un souci d’ouverture du quartier, la commune a récemment entrepris de poursuivre le travail d’homogénéisation spatiale et visuelle que le réaménagement « désencombré » de la place a initié. Pour prévenir un phénomène de privatisation et communautarisation semblable à celui du parvis, elle a, pour rappel, récemment mis en place un projet de RCUZ. Ce règlement prescrit des règles urbanistiques sur un périmètre urbain défini depuis la place et s’étendant jusqu’au parvis. Il a pour objectif d’encadrer l’activité commerciale et sa visibilité sur l’espace public qui participent à l’alimentation de ces phénomènes. Enseignes, terrasses, vitrines, devantures, devront à l’avenir correspondre aux codes esthétiques définis par la commune et servir l’image de ce nouveau centre urbain.

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La place communale

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_ Molenbeek profite ces dernières années d’un processus de revitalisation urbaine intense. Le projet territorial local s’articule aujourd’hui à des ambitions territoriales régionales qui ne sont pas sans impact sur l’évolution de la production de ses espaces publics. Les réaménagements du parvis et de la place communale, malgré leurs presque vingt années d’écart, répondent à certains égards aux mêmes enjeux. Redonner une identité pour créer une centralité est la caractéristique commune aux motivations sous-jacentes de ces deux opérations de revitalisation urbaine. Elles sont avant tout liées à la nécessité de renouveler le cadre de vie des habitants motivées par des questions d’attractivité. Toutefois, ces revalorisations identitaires s’accompagnent d’une ambition et d’un projet politique tantôt local tantôt élargi : un espace public pour une population résidente pour le parvis, un espace pour un public plus «ouvert» et «mixte» pour la place communale. Ce glissement de stratégie s’accompagne par ailleurs d’une évolution dans le processus de production des espaces publics. Le cadre participatif institutionnalisé s’est enrichi d’activités à la fois informatives, consultatives et éducatives. A cet égard, il faut souligner le travail et la présence importante des structures associatives. Cette évolution notoire et cette tentative de «coproduction» semble dans le cas présent particulièrement nourrir le projet extra-territorial et légitimer les actions des initiatives politiques. Pour redéfinir des espaces en termes d’identité, de centralité et de sociabilité, la tendance architecturale s’oriente vers le dégagement et le désencombrement de l’espace public. L’expression architecturale de cette stratégie dépend par ailleurs de son contexte et de la même manière en est saisissable ou non. L’espace central du parvis renforce la sociabilité quotidienne d’un certain public. La dématerialisation de la place communale en un espace percolant renforce les flux et nécessite jusqu’ici un important travail d’animation pour en permettre l’appropriation.La capacité d’appropriation de cette tendance semble donc tributaire des mentalités, des comportements, des usagers et des activités propres au lieu. La production de ces deux espaces publics à Molenbeek dans le cadre de CDQ semble, en finalité, davantage le fruit d’une réappropriation politique symbolique de la ville. Malgré les enjeux urbains et sociétaux réels auxquels ils tentent de répondre, les processus mis en place questionnent encore 150


cette production de l’espace public. Fortement associée à la question de l’attractivité urbaine; les dispositifs récents de gestion et d’encadrement mis en place notamment autour de l’activité commerciale semblent en attester (RCUZ) ; elle ne peut se substituer à la question structurelle des conditions de précarité socio-économique du quartier. Elle ne suffit pas à elle seule à produire des conditions de « vivre-ensemble». La réalité quotidienne du Parvis Saint Jean-Baptiste en atteste et l’actualité récente le rappelle. _

151


152




C O N C LU S I O N



P

eut-on parler de l’espace public aujourd’hui comme un outil de démocratisation de la ville ? Lui permet-il de retrouver sa valeur d’usage ou participe-t-il à la construction d’un cadre propice in fine à sa marchandisation? Nous avons évoqué, dès l’introduction, l’importance de la question de l’espace public dans le débat et la société actuelle. Nous avons appuyé la construction progressive de cette culture par la multitude de démarches qui s’attachent à cette problématique. En portant la recherche sur les politiques d’aménagement du territoire bruxellois, nous nous sommes attaché ici, au terme d’une approche théorique (I), à interroger l’impact d’un certain cadre urbanistique sur la production de l’espace public (II). Nous avons pour ce faire appuyé l’analyse générale émise par l’étude d’un outil d’aménagement spécifique (III). Revenons, pour conclure, sur ces approches qui permettent d’identifier une instrumentalisation progressive du concept au profit de la construction d’un nouveau modèle socio-urbain. Face à l’omniprésence du terme espace public nous nous sommes attachés, au regard de différents champs disciplinaires, à en définir les contours. Par le caractère multidimensionnel du concept, nous avons démontré l’importance d’adopter une lecture plurielle de l’espace public. Cette approche s’avère indispensable pour aborder les politiques d’aménagement du territoire bruxellois afin de comprendre la place donnée à l’espace public dans une ville elle-même soumise à un bon nombre de ses paradoxes (privatisation, sécurisation). Dans cette perspective, nous avons pu constater comment ce caractère multidimensionnel a permis d’en faire un outil de résolution de nombreux enjeux. Au-delà des considérations esthétiques et d’embellissement, se sont progressivement agrégées des attentes en termes de participation citoyenne, de cohésion sociale, d’usages et enfin de mobilité. Cette même nature nous montre également les limites que peuvent impliquer la complexité de ce concept. Associé à des ambitions prioritaires d’attractivité dans un contexte de compétitivité, il participerait surtout à la construction d’une image de la ville servant de cadre propice au développement du privé et de moyens de légitimer les actions politiques. Nous avons vu comment, depuis le début des années 70, la question de l’espace public s’est nourrie et déplacée du cadre de différentes revendications sociales à celui des principales politiques urbaines mises en place. Les autorités publiques se sont progressivement attachées à développer une série de dispositifs permettant une évolution de la question de l’espace public et de sa production au travers des enjeux évoqués précédemment. Nous avons pu constater que la principale stratégie repose depuis les années 90 sur une revitalisation urbaine intense menée à échelle locale. La lecture des différentes politiques urbaines mises en place, nous a démontré que cette revitalisation urbaine s’est essentiellement motivée par des logiques d’attractivité en favorisant le développement territorial. Celui-ci semble de plus en plus servir d’instrument dans la mise en place d’une 157


stratégie globale visant la métropolisation et l’internationalisation de la ville. Cette logique est renforcée par le passage récent à une politique de rénovation dont les nouveaux instruments (CRU, Pdv, BBP) assureront notamment la primauté de production de l’espace public et surtout une forme de recentralisation des pouvoirs et des compétences.

TOUZRI, A., Développement local, acteurs et action collective : les minorités issues de l’immigration et les dispositifs de la revitalisation urbaine dans la commune bruxelloise de Molenbeek Saint-Jean, ( Université catholique de Louvain, sous la dir. Lapeyre Frédéric, 2007), p.315 1

2 3

Ibid. Ibid.

4

NOEL, F., Op. Cit.

5

TOUZRI, A., Op. Cit.

6

Ibid.

OBLET, Th, 2005, Gouverner la ville, le lien social, in. TOUZRI, A., Op.Cit, p.313 7

158

La revitalisation urbaine menée depuis les années 90 répond à une logique de revalorisation territoriale passant par des interventions sur le cadre physique et sur le cadre social. L’analyse empirique nous a montré comment cette valorisation profite des acquis et de l’évolution des dispositifs notamment par la promotion de la participation, de l’animation culturelle, sociale et urbaine des espaces publics. Elle semble s’accompagner d’une tendance architecturale au dégagement des espaces qui nourrit en finalité cette logique nécessaire à la réappropriation des espaces urbains et au développement de formes de sociabilité. Ce processus tendrait à la « restauration des valeurs d’échanges de la ville » en passant par « le redéploiement des valeurs d’usages, de l’animation sociale et culturelle comme levier d’un projet de ville »1 . A Molenbeek, la stratégie territoriale locale développée semble nous en assurer la démonstration sous le postulat d’un vivre ensemble dont la mixité (fonctionnelle et sociale) en est le principal moyen de résolution. La vocation urbanistique articulée à une perspective sociale de la politique de revitalisation urbaine défavoriserait au bout du compte les groupes sociaux minoritaires2. Elle ne produirait que de faibles opportunités socio-économiques et politiques favorisant « les conditions propices à la création d’un espace autonome qui s’apparente à un espace de défense et de résistance »3. Elle gommerait davantage l’inscription spatiale de la dualisation sociale et contribuerait « plus à rendre les symptômes urbains de la marginalisation sociale moins visibles qu’à agir sur les causes structurelles de celles-ci »4. La production participative de l’espace public permettrait par ailleurs difficilement d’intégrer les différents groupes sociaux et serait aujourd’hui plus de l’ordre d’une « coopération symbolique » 5 qu’un réel processus de démocratisation. Cette participation institutionnalisée s’apparenterait plus « à l’accomplissement d’un devoir civique, à un outil de communication politique ou à un espace d’expression de doléances qu’à un réel partage de pouvoir »6 .Dans cette perspective, l’émergence de cette culture de l’espace public façonnée par ces politiques participerait à la construction d’une mixité, d’un vivre-ensemble et d’un espace démocratique quelque peu illusoires.


Pour assurer un développement urbain économiquement, socialement et urbanistiquement durable, l’espace public s’avère certainement un outil indispensable. L’évolution du rapport à la question et sa production dans le territoire bruxellois a permis d’en saisir l’importance et la portée. Il ne peut toutefois suffire et se restreindre à la production d’une image urbaine attractive. Dans un contexte de compétitivité urbaine et de globalisation de l’économie, le projet de ville ne devrait-il pas impliquer « une alliance inédite entre la ville et la démocratie»7 plutôt que de devoir « redouter que le développement urbain, […], soit de plus en plus confisqué par des mécanismes financiers et technocratiques ? »8.

OBLET, Th, 2005, Gouverner la ville, le lien social, in. TOUZRI, A., Op.Cit, p.313 7

8

_

Ibid.

159


160


J’aimerais qu’il existe des lieux stables, immobiles, intangibles, intouchés et presque intouchables, immuables, enracinés ; des lieux qui seraient des références, des points de départs, des sources […] De tels lieux n’existent pas, et c’est parce qu’ils n’existent pas que l’espace devient question, cesse d’être évidence, cesse d’être incorporé, cesse d’être approprié. L’espace est un doute : il me faut sans cesse le marquer, le désigner ; il n’est jamais à moi, il ne m’est jamais donné, il faut que j’en fasse la conquête.

Journal d’un usager de l’espace, Georges Pérèc, Espèces d’espaces

161



L I S T E D ES A B R É V I AT I O N S



AAM : Archives d’architecture moderne ADT : Agence de développement territorial ARAU : Atelier de recherche et d’action urbaines CLDI : Commission locale de développement intégré CDQ : Contrat de quartier CDQD : Contrat de quartier durable EDRL : Espace de développement renforcé du logement EDRLR : Espace de développement renforcé du logement et de la rénovation IEB : Inter-environnement Bruxelles PRD : Projet régional de développement PRDD : Projet régional de développement durable RCUZ : Règlement communal d’urbanisme zoné ZRU : Zone de rénovation urbaine ZL : Zone lévier

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•MERCENIER, C., sous la dir. DAWANCE, S., Comment des actions d’initiative citoyenne peuvent-elles transformer la ville ?, Mémoire de fin d’étude, Faculté d’architecture de l’université de Liège, Avril 2015

THÈSES :

•DESSOUROUX, C., La production des espaces publics dans la ville contemporaine : enjeux, acteurs et logiques de gestion et d’aménagement dans trois communes de la Région de Bruxelles Capitale, (Université libre de Bruxelles, sous la dir Decroly Jean-Michel. ,2006) •LEVY, S., La planification sans le plan, règles et régulation de l’aménagement du territoire bruxellois, (Université libre de Bruxelles, sous la dir. Génard Jean Louis., 2015) •TOUZRI, A., Développement local, acteurs et action collective : les minorités issues de l’immigration et les dispositifs de la revitalisation urbaine dans la commune bruxelloise de Molenbeek Saint-Jean, ( Université catholique de Louvain, sous la dir. Lapeyre Frédéric, 2007)

RAPPORTS :

• A Practice, Dossier de présentation pour le prix de la maitrise d’ouvrage public, 2015 •]Pyblik[, La culture de l’espace public, Rapport de synthèse des midis du développement urbain, conférence du 17.06.2014 •Bruxelles change ! 10 ans de politiques de la ville en région de Bruxelles-Capitale, Les cahiers du SRDU, Région de Bruxelles-Capitale, n°4, Novembre 2007 •Espaces publics bruxellois, Etude de définition d’un plan d’amélioration des espaces publics bruxellois, Taktyk urbanisme, Bruxelles, Mars 2012 •LUALABA LEKEDE, A., Les contrats de quartier … 16 ans après, in. Bruxelles Santé, n° 56, Décembre 2009 •Molenbeek, une commune bruxelloise, Les cahiers de la fonderie, n°33, Bruxelles, 2005

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•Rapport de l’atelier « Genre et politiques urbaines », la place communale de Molenbeek et la place de la Monnaie, dir. LENEL, E., SCHAUT, C., Université Saint-Louis, 2014 •Réflexion, ]PYBLIK[, 2007-2010 •SCHAUT, C., La sécurité dans l’espace public à l’épreuve des usages et des représentations, rapport d’intervention

PÉRIODIQUES :

•41 ans, urbanisme et luttes urbaines, et alors ? , Bruxelles en mouvements, ed. Interenvironnement-Bruxelles, n°274, Janvier/ février 2015 •Bruxelles sous surveillance, Bruxelles en mouvements, ed. Inter-environnement-Bruxelles, n°230, 4 janvier 2010 •Le droit à la ville, Bruxelles en mouvements, ed. Inter-environnement-Bruxelles, n°259-260, Octobre 2012 •Le spectre de la gentrification, Bruxelles en mouvements, ed. Inter-environnement-Bruxelles, n°241, 10 Octobre 2010 •L’insécurité urbaine même pas peur, Bruxelles en mouvements, ed. Inter-environnementBruxelles, n°229, 7 décembre 2009 •Le droit à la ville, Bruxelles en mouvements, ed. Inter-environnement-Bruxelles, n°259-260, Octobre 2012 •Mixer social, Bruxelles en mouvements, ed. Inter-environnement-Bruxelles, n°246, 25 mars 2011 •Votre contrat de quartier, Bruxelles en mouvement, ed. Inter-environnement-Bruxelles, n°278, Septembre / Octobre 2015

DISPOSITIFS :

•Contrat de quartier Cinéma-Bellevue •Projet régional de développement 1995 •Projet régional de développement 2002 •Projet régional de développement durable 2010 •Plan guide de la rénovation urbaine •Projet d’ordonnance organique de la revitalisation urbaine 2016

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COURS :

•SCHAUT, C., plan du cours de sociologie des politiques de la ville, ULB, Bruxelles, 2013 •LEVERT, P., Introduction au droit de l’urbanisme, ULB, Bruxelles, 2014-2015 •HUBAUT, S., Rénovation urbaine : Contrat de quartier durable Cinéma Belle-vue, Molenbeek, Travail réalisé dans le cadre du cours de gestion des opérations de rénovation urbaine, J-L. Quoistiaux, ULB, 2013-2014

ARTICLES DE PRESSE :

•Un nouveau Saint-Géry d’ici trois ans à Molenbeek ?, La Libre, 15.04.2015 [En ligne] •Le bureau bruxellois de la planification manque le coche, Le Soir, 17.07.2015 [En ligne] •Le Renouveau du vieux Molenbeek, LEPRINCE, P, VOOGT, F., Le Soir, 24.03.2004 [En ligne] •Molenbeek : le patchwork d’enseignes et de couleurs, c’est fini place communale, L’avenir, 04.03.2016 [En ligne] •Olivier Bastin, Bouwmeester à Bruxelles, expose son bilan, La Libre, 12.09.2014 [En ligne]

FILMS :

•ARCHIURBAIN, A Practice, Place communale de Molenbeek, 10.10.2015 •ARCHIURBAIN, JNC international, les chemins de la ville, 08.12.2012 •DALSGAARD, A., The human Scale, 2012 •LABOREY, C., EVREUX, M., Mainmise sur les villes, Arte, France, 2015 •MAGIS, O., Bruxelles ou la quête d’ailleurs, Archibelge ! [1/3], OffWorld, Bruxelles, 2014 •Reportage, Panorama Molenbeek, 1987

CONFERENCES :

•Quel avenir pour nos villes ? , le soir et Mons 2015, Mons, 14.10.2015, •Journée thématique] Pyblik[ : la place communale de Molenbeek, Bruxelles, 04.12.2015 •Brussels Academy, Regards croisés sur Molenbeek ; réaménager l’espace public à Molenbeek, Bruxelles, 25.03.2016

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ENTRETIENS :

•Entretien de Degrune Vincent, in. Rapport de l’atelier « Genre et politiques urbaines », la place communale de Molenbeek et la place de la Monnaie, dir. LENEL, E., SCHAUT, C., Université Saint-Louis, 2014 •Entretien de Lenel Emanuelle, doctorante en sociologie sur les conditions de coexistence dans les espaces d’hétérogénéité sociale programmée, 18.05.2015 •Entretien de Lorand Pierre, architecte paysagiste, agence Agora, 22.03.2016 •Entretien de Vandestraeten Pierre.in. Rapport de l’atelier «Genre et politiques urbaines», la place communale de Molenbeek et la place de la Monnaie, dir. LENEL, E., SCHAUT, C., Université Saint-Louis, 2014 •Entretien de Van Damne Jeff.in. Rapport de l’atelier « Genre et politiques urbaines », la place communale de Molenbeek et la place de la Monnaie, dir. LENEL, E., SCHAUT, C., Université Saint-Louis, 2014 •Entretien de Bouvier Sarah.in. Rapport de l’atelier « Genre et politiques urbaines », la place communale de Molenbeek et la place de la Monnaie, dir. LENEL, E., SCHAUT, C., Université Saint-Louis, 2014 •Entretien de Giroux Vincent.in. Rapport de l’atelier « Genre et politiques urbaines », la place communale de Molenbeek et la place de la Monnaie, dir. LENEL, E., SCHAUT, C., Université Saint-Louis, 2014

SITES INTERNET :

•ADT : http://www.adt-ato.brussels/ •Bru+ : http://www.bruplus.irisnet.be/ •CDQ : http://www.quartiers.irisnet.be/ •Données : https://monitoringdesquartiers.irisnet.be •PRD : http://www.prdd.be/ •Pyblik : http://www.pyblik.be/Public/ •Molenbeek : http://www.molenbeek.irisnet.be/fr

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A N N E X ES



GRILLE D’ANALYSE :

PARVIS SAINT JEAN-BAPTISTE

I. Cadre politique : Contexte : Extérieur d u pentagone, N-E Bruxelles, rive gauche du canal Maitre d’ouvrage : commune de Molenbeek Cadre d’intervention : CDQ parvis Saint Jean-Baptiste (94-98) Processus participatif : pouvoir communal décisionnel + commission de concertation Stratégie : revaloriser identité + créer un espace structurant Financement : Région (BELIRIS) : 1 498 319.52  Commune : 499 439,84  Temporalité : 1996-2002 II. Cadre architectural : Contexte : Eglise moderniste Maître d’oeuvre : Agora Concept : partage et structure de l’espace > espace ségrégué Stratégie:Rationaliser les usages Recomposer une identité Réintégration de la place dans l’espace Créer des espaces différenciés Utilisation d’un mobilier sobre, de plantations structurantes, de jeux de lumières et de matériaux de qualité pour la mise en valeur d’un espace autrefois entièrement asphalté. Différenciation de matérialité Dispositifs de séparation III. Cadre social : Contexte : coeur historique > précarité socio-économique Usagers : espace genré (dominance masculine) espace communautarisé (dominance maghrébine) Usages : Temporaires : marché (jeudi), jeux, ramadan Permanent : séjour Type d’activité commerciale : dominance salon de thé snack khébab «légumier» (1) médical

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GRILLE D’ANALYSE :

PLACE COMMUNALE

I. Cadre politique : Contexte : Extérieur d u pentagone, N-E Bruxelles, rive gauche du canal Maitre d’ouvrage : commune de Molenbeek Cadre d’intervention : CDQ Cinéma-Bellevue (2009-2013) Processus participatif : pouvoir communal décisionnel + commission de concertation + AG, journées pédagogiques, activités Stratégie : revaloriser identité + créer une nouvelle centralité (hypercentre) Financement : Région (CDQ) : 477.000  BELIRIS : 1.442.617.71  Etat fédaral : 250.000  Commune : 53.000  Temporalité : 2010-2014 II. Cadre architectural : Contexte : Maison communale + bati 19e Maître d’oeuvre : A practice Concept : partage de l’espace > espace partagé Stratégie:Rationaliser les usages Recomposer une identité Réintégration de la place dans l’espace Créer une homogénéité et continuité spatiale Utilisation d’un mobilier polyvalent, matérialité sol unique et continue Intégration d’une oeuvre d’art III. Cadre social : Contexte : coeur historique > précarité socio-économique Usagers : espace genré (dominance masculine) espace communautarisé (dominance maghrébine) Usages : Temporaires : séjours et animations socio-culturelles Permanent : Flux Type d’activité commerciale : Textile Pharmaceutique Alimentaire HORECA 181





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