Chavanne Antoine_Matière(s) d’Architecture - Matériaux Traditionnels et Architecture Contemporaine

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// Matière(s) d’Architecture // Matériaux Traditionnels

et

Architecture Contemporaine

Master 1 2010-2011 ARCHITECTURE Eco-Habitat & CULTURES CONSTRUCTIVES

Chavanne Antoine


Directeur de Mémoire: Hubert Guillaud Jury: Anne-Monique Bardagot, Stéphane Sadoux et Hubert Guillaud.

Note: Mémoire Master 1 2

thématique

/ 20

Architecture Eco-Habitat

et

Cultures Constructives //

mai

2011 //


La matière première de l’architecture est l’architecture elle-même

Helio Piñon Enseignant de l’ Universitat Politècnica de Catalunya lors du Colloque international « Théorie et projet » organisé par la Société Française des Architectes en mai 2011 3


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RESPONSABLE : Anne-Monique BARDAGOT

DIRECTEUR DE MEMOIRE : Hubert GUILLAUD

// Matière(s) d’Architecture //

Matériaux Traditionnels et Architecture Contemporaine

CHAVANNE Antoine

ECOLE Master

1

NATIONALE ARCHITECTURE

SUPERIEURE ECO-HABITAT

&

D’ARCHITECTURE DE CULTURES CONSTRUCTIVES

GRENOBLE 2010-2011 5


/// Avant Propos

– ///


En architecture, la matière n’est pas la construction. Pourtant, une part considérable du plaisir de construire nous vient d’un rapport singulier, à la fois technique et spirituel, avec la matière. J’ai choisi le studio « CULTURES CONSTRUCTIVES ET ECO-HABITAT » car ce master se fonde sur une approche par les matériaux et les cultures constructives qui convoquent le champ de l’expérience. Le processus de conception pourrait sembler un exercice très abstrait. Il ne l’est jamais, et ceci notamment parce que, en amont d’abord - avec l’expérience de la matière, construite ou héritée - puis en aval - avec le geste de l’ouvrier qui, in fine met en scène le dessin - l’architecture est d’abord un corps matériel. L’idée de ma réflexion n’est pas de constituer un vaste panorama technique des matériaux disponibles, ni même d’offrir l’essentiel des connaissances techniques sur plusieurs matériaux. Personnellement il s’agit avant tout d’une rencontre. Rencontre entre la matière in situ d’une part, sur son lieu d’extraction, déchirée et modelée par l’outil et d’autre part des questions d’architecture. L’émotion éprouvée au contact des matériaux est toujours forte pour moi. La découverte de gestes et de savoir-faire, à la fois ancestraux et modernes: toutes ces matières sont aujourd’hui majoritairement produites par l’industrie contemporaine. Toutes ont pourtant été manipulées pendant des siècles. 7


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Sommaire /// INTRODUCTION ///

///P.10///

/// MATIÈRE / MATÉRIAUX / MATÉRIALITÉ ET ARCHITECTURE ///

///P.16///

// Définitions et Interpretations // Concepts Contemporains // Matérialité Contemporaine // Choix des matériaux

/// SIX MATÉRIAUX TRADITIONNELS /// // Les matières naturelles dites Brutes / La PIERRE / La TERRE / Le BOIS

//P.18// //P.22// //P.26// //P.29//

///P.34///

/P.36/ /P.44/ /P.54/

// Les matières artificielles dites Transformées / Le METAL / Le BETON / Le VERRE

/P.62/ /P. 72/ /P. 80/

/// REAPPROPRIATION / DETOURNEMENT DE LA MATIERE ///

///P.90///

// Corpus

/// CONCLUSION ///

///P.128///

/// BIBLIOGRAPHIE ///

///P.134///

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/// Introduction ///


Ce travail explore les relations entre la matière et l’architecture. L’architecture est ici vue comme un art de la transformation (transformation de la matière, du sol, des usages), de l’assemblage (des matériaux, des programmes) et un art du réel (dans son besoin de se matérialiser pour exister et dans la nécessité pour l’architecte de connaitre les conditions de sa réalisation). Comment les architectes expriment la matérialité aujourd’hui? L’émergence croissante d’impressions sensorielles et d’images variées ne s’arrête pas au pied de l’architecture, même si les réactions qu’elle engendre s’avèrent diverses. Certains architectes l’intègrent aux réalités de la construction et réagissent avec des images multicolores. D’autres, par contre se cramponnent aux qualités de matériaux confirmés, la pierre massive en structure, le béton apparent, le bois non traité… pour faire la démonstration de la présence physique d’un ouvrage bâti. Quel que soit l’angle d’approche, la surface et la texture jouent toujours un rôle déterminant. Au travers de la surface que nous voyons et ressentons, nous percevons l’architecture dans sa substance. A travers sa couleur, sa structure et son caractère, elle imprègne le caractère de l’espace. L’approche ludique et le plaisir d’expérimenter la matière enrichissent l’architecture. L’attrait de la nouveauté joue un rôle central. Tout architecte l’a expérimenté. Beaucoup cherche à travers le choix des matériaux l’innovation capable de donner un caractère unique à leur bâtiment. Celle-ci offre des possibilités toujours plus grandes. En effet, la diversité des matériaux et leur emploi décalé, le franchissement des limites de la technique, l’abus conscient ou l’importation depuis des champs d’applications étrangers à la construction sont les moyens stylistiques d’aujourd’hui. Les matériaux traditionnels redeviennent des leviers pour une architecture contemporaine environnementale. Les méthodes constructives, éloignées des techniques que l’on nomme aujourd’hui traditionnelles, sont certes peu employés, mais restent néanmoins actuelles. Ce travail permet de montrer la réappropriation que l’on peut développer avec ces matériaux et donc l’innovation conceptuelle et technique des matériaux pour révéler la relation entre Traditionnel / Modernité. 11


L’architecture a ses propres questions, qu’elle ne partage pas avec les autres disciplines, même si elles peuvent l’aider, parfois, à porter sur elles un éclairage intéressant tel que le rapport entre la ressource (le matériau) et le savoir- faire disponible. Les questions en elles-mêmes restent le cœur de la discipline architecturale, et, en conséquence, leur maîtrise conjointe et cohérente l’essentiel de la compétence de l’architecte. La matière est l’un des éléments majeurs dans la création d’un projet d’architecture. Quel rôle les architectes donnent-ils à la matière au cœur de leurs projets ? Quels liens créent-ils entre la conception architecturale et l’utilisation des matériaux traditionnels ? Comment explorer les liens entre matière et architecture? Comment le travail d’écriture architecturale permet à la fois l’interprétation et la restitution des caractères de ces matières? Comment l’architecte fait évoluer la matière pour lui donner un nouveau langage ? L’architecture donne corps à une idée conceptuelle. Le choix des matériaux détermine de manière décisive le passage du projet à la réalité et l’effet produit sur l’observateur. On dispose aujourd’hui d’un nombre infini de matériaux, cependant, un bon projet d’architecture se limite forcement à des matières spécifiques. Que signifie dans ce cas la matérialité ? Comme cela est fréquent dans le débat architectural actuel, c’est un concept emprunté, quelque peu brocardé, à la définition toujours floue et ambiguë. La plupart du temps, il se rapporte à la surface de l’architecture. L’apparence des matériaux concourt à la perception de l’espace à travers le toucher, l’ouïe et l’odorat. Mon travail repose sur une étude documentaire. La partie «Matière / Matériaux / Matérialité et Architecture » se base sur les tendances architecturales actuelles, le choix des matériaux et de leur intégration dans la conception et l’art de construire aujourd’hui. Une description de ces termes est faite pour comprendre les notions associées à celles-ci par rapport à l’architecture. Le point de vue purement sensoriel de la perception visuelle d’un matériau- de ses couleurs, texture, brillance, assemblage, etc... – occupe souvent la première place. Les perceptions par les autres sens – toucher, odeurs, comportement acoustique et thermique – sont inséparables de la première impression. 12


Durant plusieurs millénaires, le nombre des matériaux est demeuré très restreint. Ceux servant à la construction étaient rares, donc d’autant mieux connus et maitrisés. Le savoir faire lié à leur mise en œuvre s’est accumulé et transmis de génération en génération. Cet ensemble de connaissances, constitué au fil du temps et bien maitrisé, a éclatée depuis le début de l’industrialisation. Nous disposons aujourd’hui d’innombrables matériaux. Le champ des performances s’est élargi en même temps que l’augmentation du choix. Les effets de la construction ont leur origine avant tout dans les choix de matériaux. La partie Choix des matériaux traite les problèmes fondamentaux de l’emploi des matériaux. Cela permet de passer en revue les principales contraintes qui s’exercent sur un matériau et de poser les conditions d’une évaluation pertinente.

La structure physique, la charge admissible, la résistance, la durabilité et les multiples effets sur l’environnement, autrement dit les propriétés interne du matériau sont, elles, beaucoup moins faciles à appréhender. Les matériaux font l’objet de nombreux classements en fonction de leurs propriétés. Ce n’est pas l’objet de ce mémoire, cependant devant l’innombrable diversité des matériaux il est important d’avoir conscience des classements qui existent. Ils sont classés en fonction de leur composition, de leur structure moléculaire, des procédés d’extraction et de production et de leur dimension. La partie «Six matériaux Traditionnels » constitue l’occasion, à partir des six matières que sont la pierre, la terre, le bois, le métal le béton, et le verre, d’explorer des questions d’architecture. Cette partie part de la matière elle-même, de ses propriétés, des effets induits ou des questions qui lui sont associés en Architecture. Elle révèle la substance de la matière, ce qui l’identifie, et interroge les figures auxquelles elle renvoie dans l’architecture. Il s’agit à la fois d’une exploration de la diversité des matières dans leur propriétés, des rapports très contrastés avec les ressources territoriales et avec les gestes de fabrication. Ces matières naturelles et artificielles ont montré leurs multiples possibilités d’emplois, devenant témoins de cultures constructives. Ces six matières étant scindées en deux groupes, un pour les «matières brutes» et un pour les «matières transformées». Le premier groupe correspond aux «matières brutes»: la pierre, la terre et le bois. Ces trois matières peuvent être utilisées sans transformation substantielle après extraction. Le second groupe correspond aux «matières transformées»: le métal le béton, et le verre. Ces trois matières nécessitent une transformation préalable importante de différentes ressources. 13


L’objectif n’étant pas de dresser un inventaire complet mais de se concentrer sur les informations essentielles pour la conception architecturale et la perception future d’un bâtiment. L’accent sera mis sur l’emploi raisonné des différentes matières et de la diversité des possibilités qui en découlent pour le projet architectural. La partie « Réappropriation / Détournement de la matière » met en évidence les questions liées à la matière, à sa mise en œuvre, il interroge plutôt l’intention et le sens des choix opérés sur les matériaux, et la portée de leurs combinaisons. Pour appuyer mon propos je me réfère à un corpus composé de six projets, un pour chacune de ces matières, reflétant une nouvelle approche de ces matériaux que ce soit d’un point de vue technique / de mise en œuvre / de matérialité. Pour cela je guiderai mon argumentation à l’aide d’une grille d’analyse qui tiendra compte de facteurs tel que : le contexte / le programme / la démarche-conception du projet / les solutions techniques / la mise en œuvre / la matérialité… Ces analyses permettent de montrer l’évolution de ces matériaux et des différentes architectures qui requestionnent la matérialité. Ces exemples sont une manière d’analyser cette évolution de la matière / notion de réappropriation. Cette partie met en lumière les relations singulières, au cours du temps, entre nature et technique, en illustrant le propos par des analyses de projets et en le prolongeant jusqu’aux problématiques les plus contemporaines: en quoi le rapport à la matière, au delà d’un univers technique, renvoie-t-il à une dimension plus spirituelle, à des conditions pour habiter le monde dont nous faisons partie?

Le but étant de montrer la place de ces matières/matériaux et de faire un constat de la production architecturale actuelle vis-à-vis de ceux ci et de leur evolution.

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///Matière/ Matériaux / Matérialité et Architecture///


L’homme et les matériaux sont étroitement liés, l’un a fait évoluer l’autre et inversement. Le domaine de la matière et des matériaux convoque plusieurs disciplines : la chimie, la physique, l’ingénierie, s’intéressent à leurs propriétés techniques et leurs comportements ; les arts plastiques à leurs qualités symboliques, sensorielles ; la philosophie à leur sens ; la construction à leurs mises en œuvres ; et l’architecture prend en compte l’ensemble de ces dimensions. Matière, matérialité, matériau sont des termes proches mais qui expriment des nuances différentes. Il est donc nécessaire de définir ces notions. Pour cela je m’appuis sur des définitions du dictionnaire, scientifiques, philosophiques et sur le propos de certains architectes. Le but est de comprendre quelles positions adoptent aujourd’hui les architectes face aux nombres croissant de matériaux, et comment ils se différencient dans leur choix. C’est un moyen de prendre conscience de l’attitude des architectes vis-à-vis des matériaux. Il s’agit donc de dégager les grandes tendances de rapport à la matérialité dans l’architecture contemporaine. Toyo Ito parle de « nouvelle matérialité, née de la préoccupation de l’architecture contemporaine pour la surface »1. Nous tentons ici de comprendre ce qu’il entend par là. 1. Razavi Alireza / (R)évolution structurelle / D’A / Novembre 2007 / n° 168 , p.40


// Définitions et Interpretations // Source : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais-monolingue

/ Matière / Nom féminin (latin materia)

- Substance constituant les corps, douée de propriétés physiques : La structure de la matière. - Substance particulière dont est faite une chose et connaissable par ses propriétés - Ce qui constitue le sujet d’un ouvrage, d’un discours, le contenu d’une étude : Il y a là la matière d’un roman. - Discipline qui est l’objet d’un enseignement. - Documentation : En apposition à un nom désignant une catégorie de classement (mot, fichier, index), indique que cette catégorie est considérée du point de vue du ou des thème(s) abordé(s).

La matière est ce dont une chose est faite. Pour le physicien et le chimiste, c’est la substance des choses. Pour le constructeur, c’est la matière première non travaillée, dans l’état où elle est disponible avant d’entrer dans un cycle de fabrication de produit. Une matière première est une matière extraite de la nature, ou produite par elle. La matière est souvent caractérisée par ce qui se touche, le toucher livrant son existence et sa nature. Le rapport à la matière est de l’ordre du corps à corps. D’après Florence de Mèredieu, la matière est « conçue comme substance, texture résistante à l’œil et au toucher, surface sur laquelle viennent buter et reposer les organes des sens, la matière est d’abord caractérisée par son épaisseur »1. Dans ses Essais sur l’imagination de la matière, Gaston Bachelard rappelle que la matière « existe tout autant par la main industrieuse que la profondeur de l’imaginaire ».

/ Matériau / Nom masculin pluriel

- Matière d’origine naturelle ou artificielle qui entrent dans la construction des bâtiments - Substance quelconque utilisées à la construction des objets, machines, bâtiments, etc. (On classe les matériaux en grandes classes : métaux, céramiques, verres, textiles, polymères, pierres et bétons, matériaux composites naturels [bois, os] ou artificiels.) - Un matériaux d’origine locale. - Matière assemblée, combinée pour former un tout. - Ce qui sert à la rédaction d’un ouvrage : Rassembler des matériaux pour une enquête. À partir du moment où la matière est destinée à une utilisation précise, on parle de matériau. 1. De Mèredieu Florence / Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne / Bordas / 1994

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D’après la définition du dictionnaire, le matériau n’est donc pas une matière première mais un produit transformé pour être directement utilisable.2 La matière devient matériaux, c’est-à-dire intégrable dans un projet. Le matériau rempli une fonction contrairement à la matière. Tous les matériaux possèdent des performances techniques qui leurs sont propres (résistance, capacité thermique, masse volumique, …). La nature chimique et physique et l’état de surface des différentes matières premières qui sont à la base des matériaux confèrent à ceux-ci des propriétés particulières. Ezio Manzini définit ce terme comme « quelque chose qui dans des conditions déterminées se comporte d’une façon déterminée, c’est-à-dire fournit certaines performances »3.

/ Matérialité /

- Caractère, nature de ce qui est matériel. - Circonstance matérielle qui constitue un acte : Contester la matérialité d’un fait.

Nom féminin

D’après Richard Weston, la matérialité désigne toujours une démarche qui vise à exprimer ce que sont les matériaux, et s’intéresse plus à l’effet émotionnel qu’ils produisent sur l’observateur qu’à leurs emplois structurels classiques : « c’est le langage des matériaux, leur significations, c’est-à-dire ce qu’ils représentent. Ces appréciations sont largement partagées, sans être pour autant objectivables ».4 La notion de matérialité comprend la dimension culturelle des matériaux, c’est ce qu’explique François Roche dans un de ses ouvrages : « pour ceux qui savent regarder, la matière n’est jamais solitaire, […], elle prend sa place dans les provisions de sens qui fondent les cultures, par associations élémentaires ».5 Les matériaux revêtent un certain nombre de qualités sensorielles qui convoquent la perception des individus. La perception, phénomène physio-psychologique, nous relie au monde sensible par l’intermédiaire de nos sens. « Dans la nature, en nous et hors de nous, elles produisent les germes : des germes où la forme est enfoncée dans une substance, où la forme est interne. Mais outre les images de la forme, si souvent évoqués par les psychologues de l’imagination, il y a des images de la matière, des images directes de la matière. La vue les nomme, mais la main les connait. 2. Perdijon Jean / Contrôle des matériaux / Dunod / 2003 / 196 p. 3. Manzini Ezio / La Matiere De L’Invention / Centre Pompidou / 1989 / 214 p. 4. Richard Weston / Formes et Matériaux dans l’architecture / éditions le Seuil / 2003 / 232 p. 5. Roche francois, Gilles Desèvedavy, Stéphanie Lavaux / L’ombre du caméléon / Institut Français d’Architecture / 1994 / 214 p. 19


Ces images de la matière on les rêve substantiellement, intimement, en écartent les formes périssables, les vaines images, le devenir des surfaces ».6 La définition même du mot matérialité sous entend le mot matière dont la définition même est : ce dont une chose est faite. La matérialité relève donc du domaine visible, de ce qui se touche. Mais pas uniquement, car les matériaux ont une signification plus profonde que ce qu’ils laissent voir. Ils symbolisent des états de choses, suscitent des associations d’idées, produisent des émotions chez l’observateur. C’est un des aspects que l’on ressent à travers l’ouvrage de Peter Zumthor dans penser l’architecture : « Je crois que, dans le contexte de l’objet architectural, les matériaux peuvent revêtir des qualités poétiques. Mais il faut pour cela créer, au sein de l’objet lui-même, un certain rapport de forme et de signification, parce que les matériaux ne sont intrinsèquement pas poétiques. Le sens qu’il s’agit d’insinuer au cœur de la matérialité se situe au-delà des règles de composition, et de même la tactilité, l’odeur et l’expression acoustique des matériaux ne sont que des éléments de la langue dans laquelle nous devons parler. Le sens apparait lorsqu’on réussit à produire dans l’objet architectural des significations propres pour certains matériaux de construction qui ne deviennent perceptibles de cette manière que dans cet objet. Lorsque nous tendons à ce but, nous devons constamment nous demander ce que peut signifier un matériau donné dans un contexte architectural donné ».7 C’est en cela que la matérialité revêt deux aspects : la matérialité visible et la matérialité imaginaire. L’une est facilement perceptible, l’autre est difficilement objectivable.

// Constat //

L’équilibre entre les différents matériaux doit, dès la source du projet, contribuer à sa cohérence globale, en associant très tôt les particularités physiques (c’est à dire établies par sa nature) de la matière avec chacune des questions architecturales posées dans le projet. C’est pourquoi l’on parle de matières et non de matériaux car le regard se situe d’abord du côté de la nature des éléments, des territoires d’extraction, des gestes premiers de la transformation (ex : de la forêt à l’arbre, de l’arbre à la poutre, de la scie à l’assemblage...). Couramment, le choix d’une matière est une décision fondatrice: le projet ne s’adapte pas a posteriori aux matériaux, mais le propre dessin du plan implique des mesures et des dispositifs associés aux propriétés de la matière mise en œuvre. 6. Bachelard Gaston / L’eau et les rêves / éd. José Corti / 1942 / 268 p. 7. Zumthor Peter / Penser l’architecture / éd. Birkhauser / 2007 / 97 p.

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La matière implique un contexte, éminemment culturel: en un territoire donné, le lien entre les ressources, les savoir-faire techniques, l’héritage construit constitue à la fois un cadre économique et imaginaire, une «culture constructive», toujours localisée. Le contexte industriel globalisé est l’un des éléments contemporains de cette culture constructive, qui n’est cependant pas aussi «globale» que ce que le voyage des produits pourrait suggérer. La matière comme «ressource» et «résistance»: elle est pensée conjointement comme une ressource (ce qu’elle offre, ses potentiels) et comme une résistance (le cadre et les limites données par ses propriétés). Ce double aspect est valable aussi bien à l’échelle du grain de la matière qu’à l’échelle de l’étendue territoriale. Ceci suppose une certaine «philosophie» du projet, un rapport pacifié entre nature et technique, un sens de la mesure, une évaluation permanente. L’énergie mobilisée pour transformer la matière est un élément fondateur: à l’heure ou une économie durable semble s’imposer, on ne peut ignorer la quantité d’énergie et les durées mobilisées par la transformation des matières. Comprendre le lien entre les propriétés de la matière et les questions d’architecture est essentiel à l’architecte, et c’est d’ailleurs l’un des sujets de la plupart des traités d’architecture: jusqu’où un bâtiment en terre cuite ressemble à un édifice de pierre ou de bois, quelle est la part de la matière dans les variations du dessin, quel sens donner aux ambigüités (la plus célèbre étant celle des temples de pierre reprenant les motifs de la charpente). Ces ambiguïtés dans l’interprétation de la culture constructive sont peut être les plus importantes à appréhender : en architecture, les choix d’écriture se positionnent toujours vis-à-vis de la matière et interrogent la culture constructive, les limites du cadre de production. Enfin, il nous faut élargir le regard à d’autres contextes, d’autres géographies, d’autres pratiques : une meilleure compréhension des enjeux contemporains de la matière passe par la reconnaissance de thèmes transversaux, en d’autres lieux et d’autres temps « Si la matière n’est pas l’architecture, elle est sa peau, sa partie visible par laquelle elle transpire. C’est alors à l’architecte de faire accepter le vivant de la matière, de la mettre en scène, et d’en utiliser le potentiel. En architecture, la matière n’existe pas en elle-même. C’est sa transformation, sa mise en œuvre, ses différents assemblages, la matière grise qu’on lui ajoute qui lui permettent de raconter l’histoire des hommes, de donner un sens à l’artefact qu’elle représente »8.

8. Thierry RAMPILLON maison de l’Architecture de l’Isère en parlant de la manifestation Matière, temps, architecture http://www.ma38.org/manifestation/index.php?num=64&numcat=32 21


// Concepts dans l’architecture //

// La surface dans l’architecture contemporaine

Dès les origines et dans chaque culture, les humains ont accordé une attention particulière aux surfaces de leurs maisons et de leurs espaces, les mettant en forme et les décorant. Dans l’architecture contemporaine des courants se croisent, certains se concentrent sur la forme, d’autres prenant pour thème l’enveloppe. Incontestablement on met aujourd’hui l’accent sur la surface. C’est lié à la séparation croissante entre structure portante et enveloppe, mais aussi aux possibilités techniques nouvelles, telles l’impression sur verre rendue possible par les technologies informatiques. Bien entendu cette tendance fait que l’image d’un bâtiment devient parfois plus importante que le bâtiment lui-même. Avec la surface, le matériau se retrouve au premier plan du champ d’observation. En surface, le matériau accède à la considération et imprègne son caractère, avec des caractéristiques propres, selon qu’il s’agit de matériaux traditionnels ou industriels, selon qu’il a été mis en œuvre tel quel (naturel) ou avec un revêtement, qu’il est brillant ou mat, structuré ou uni, ou qu’il modifie ou non, de manière voulue ou spontanée, son aspect et ses propriétés au fil du temps. Comme par exemple le bois qui prend une teinte gris argent, les métaux que se patinent et s’estompent ou encore le grès non traité qui se colore en noir. Contrairement à ce qui se passait jadis, lorsque pour les constructions traditionnelles on ne pouvait se servir que de matériaux disponibles sur place, nous disposons aujourd’hui d’une variété inconnue jusqu’ici de matériaux de construction, provenant du monde entier et d’une diversité qui ne cesse de croître grâce aux nouvelles productions industrielles. Cela procure des possibilités insoupçonnées, mais aussi des risques, en premier lieu desquels la délicate question du choix.

/ Matériaux authentiques

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Le traitement réfléchi des matériaux dans l’architecture contemporaine n’est pas une nouveauté. Tadao Ando, par exemple, utilise depuis plus de vingt ans « d’authentiques matériaux de construction ayant une substance », tels le bois non traité ou le béton apparent, et sa puissance brute pour créer des volumes et produire des ambiances. Dans ses constructions les plus remarquables, les surfaces ne sont pas tout à fait planes, ce qui conduit, grâce au jeu de la lumière et de l’ombre, à un effet d’un vif raffinement.


Aujourd’hui, le béton est de plus en plus mis en lumière grâce à la diversité des ses formes apparentes : par le recours à de grands panneaux d’acier, par le rajout ultérieur de cannelures ou de traces de taille, il dégage un charme brut, plein d’effets. Le mélange de pigments colorants ou d’adjuvants spécifiques lui prête une qualité particulière de matière. La « vraie » pierre naturelle n’est plus mise en œuvre aujourd’hui majoritairement en surface, sous la forme de plaques sciées minces voire seulement de quelques millimètres, collés sur des panneaux d’aluminium, comme le montrent d’innombrables façades et foyers d’immeubles de banques et de compagnies d’assurances. L’œuvre de Peter Zumthor nous montre la maitrise qu’il a de l’usage du matériau. Ses constructions tirent leur impressionnante force de l’emploi conscient de peu de matériaux, en majorité non traités, comme la pierre, le bois ou le béton. Dans des ouvrages comme les thermes en pierre de Vals (1996), il lie étroitement le choix des matériaux aux traditions locales, enracinant ainsi les ouvrages à leur environnement : tel un monolithe poussé hors de la montagne, les bains de Vals se dressent dans le paysage, et la pierre, par des murs massifs en quartzite du pays et conduit à une multiplicité d’expériences esthétiques. / Les matériaux industriels

Le verre et les matériaux synthétiques transparents, mais aussi les tissages métalliques permettent, dans une certaine mesure, le jeu avec la surface et le tracé de la frontière entre physique et visuel. Il est particulièrement intéressant de sonder les multiples couches entre transparence et translucidité par superposition des verres avec des lamelles ou des matériaux perforés, par impression, par sablage ou par la mise en œuvre ciblée d’effets miroirs et de réflexion. Les qualités « matérielles » du matériau « invisible » en soi. Translucide mais non transparente, l’enveloppe constructive uniforme transforme son apparence en fonction de l’angle de vue, de l’heure du jour et des conditions de lumière.

// Surfaces en changements

L’effet et le rayonnement d’une façade sont singulièrement marqués par les propriétés des matériaux ou par leurs effets combinés, par le passage d’états fermés à états ouverts – ou même encore par des éléments en mouvement. Toutefois ces enveloppes susceptibles d’évoluer ne constituent pas un phénomène nouveau en soi. Les volets des fenêtres de jadis tout comme les protections solaires textiles non seulement remplissent une fonction mais ont de tout temps contribué à créer un effet formel. Or jusqu’à ce jour on avait guère accordé une telle importance à effet esthétique de façades mouvantes, pas plus que l’on avait mis en scène le contraste entre les états fermé ou ouvert de volets pliants, battants ou coulissants.

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// Les peaux transformables : tendance des nouvelles façades

Des enveloppes en filets de camouflage ou en bâches plastiques de couleur, de l’herbe verte qui sort de murs constitués de filets remplis de terre, des billes de plastique insérées entre deux films de plastique soudés, les habillages en métal déployé, l’acier auto patinable ou le verre imprimé de motifs colorés – on a vite l’impression en feuilletant les magazines d’architecture du monde entier qu’aucun matériau ou qu’aucune utilisation de matière, quelque soit son originalité, ne puisse pas servir pour les façades. Même s’il s’agit, dans certain des cas cités, d’exemples extrêmes et surtout médiatiques: les bâtiments et leurs peaux extérieures n’ont jamais connu une telle diversité, et de telles juxtapositions de formes, de matériaux et de couleurs. Avec toutes ses diversités et ses complexités l’architecture est un miroir de notre société plurielle et de notre époque dominée par la vitesse et les médias. Pour la première fois, il n’y a pas, aujourd’hui, de style dominant; de nombreux courants parallèles (parfois seulement des effets de mode) et différentes tendances règnent au lieu d’une seule orientation majeure. Minimalisme, biomorphisme ou nouvelle sensualité sont les notions actuelles de nos fonds de tiroir. La plus grande partie de l’activité construite se situe quelque part au milieu de tout cela. L’absence d’un style dominant avec ses fondements théoriques d’usage (et les liens sociaux qui s’y rapportent) peut conduire à des choix arbitraires ou au formalisme. Un grand nombre d’architectes stars les plus prisés, qui façonnent leur propre style comme une image de marque, se montrent eux aussi plus ou moins séduits par le formalisme. Et la façade se prête, comme une carte de visite de la maison et de son concepteur, plus que n’importe quelle autre partie du bâtiment à l’expression des images et à l’autoreprésentation. Cela est possible depuis que les préceptes du Mouvement Moderne imposant à l’enveloppe d’exprimer la vie intérieure, à la forme la fonction; préconisant l’harmonie entre intérieur et extérieur, perdent toujours plus de leur relevance. Qui peut donc s’étonner que la surface soit toujours plus le point central de l’attention?

// La surface dans les espaces intérieurs

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Pour les finitions de l’intérieur, en limite de l’espace lui-même, les matériaux employés pour les parois, les sols et les plafonds jouent un rôle essentiel. Leur surface, leur texture, leur couleur imprègnent l’atmosphère de façon tout à fait décisive. D’une manière complètement différente d’avec les façades, l’usager est en contact direct avec les matériaux. Les matériaux naturels et ceux liés à la terre, comme le bois, la pierre naturelle et le béton, rayonnent de chaleur, montrent une matérialité sensuelle, alors que les matériaux de construction synthétiques, avec traitements de surface, sont préférés pour réaliser des représentations formelles.


// Constat //

Qu’il s’agisse de matériaux plastiques, de verre ou de bois, susceptibles ou non de changements ou minimalistes, de couleurs variées ou monochromes, le thème de la surface connaît aujourd’hui un intérêt jamais atteint auparavant avec sa grande variété de possibilités. Partout on observe un plaisir particulier à expérimenter, à franchir des frontières, à remettre en question des habitudes visuelles dépassées, à mettre à l’essai de nouveaux matériaux et concepts. Toutefois la limite entre une innovation qui fait sens et un banal pillage d’effets est étroite. La focalisation croissante sur la surface présente aussi un risque de superficialité. Cela est notamment le cas avec les ornementations si prisées aujourd’hui, et pour lesquelles la limite entre le statut d’échantillon pertinent ou de pure décoration ne coule pas de source.

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// Materialité Contemporaine // Le but est de comprendre quelles positions adoptent aujourd’hui les architectes face aux nombres croissant de matériaux. C’est un moyen de prendre conscience de l’attitude des architectes vis-à-vis des matériaux. Il s’agit donc de dégager les grandes tendances de rapport à la matérialité dans l’architecture contemporaine. Jacques Herzog soutient que « la seule approche qu’un architecte puisse aujourd’hui adopter fac aux matériaux est intellectuelle.» Nous pouvons distinguer diverses positions quant à la matière dans la création architecturale actuelle. // Matérialisation / Dématérialisation

Certains architectes cherchent à exalter le toucher par l’utilisation de matériaux bruts. C’est le principe de base de la conception architecturale de Peter Zumthor. Il l’explicite clairement : « dans chacune de mes œuvres, le matériau a dicté ses lois. […] Les projets naissent d’une idée et cette idée, dans mon cas, est toujours accompagnée d’un matériau. Je ne conçois pas une façon de concevoir dans laquelle on décide d’abord de la forme puis les matériaux » et ajoute « Une grande partie de ma façon de concevoir consiste simplement à écouter le matériau que j’utilise, à faire attention à ses exigences »1. C’est ce que l’on remarque pour la chapelle Saint Nicolas de Flue où il met en jeu des accords de matières: le béton a été coulé avant sur un « tipi » de troncs puis a mis le feu à ceux-ci ; l’empreinte laissée par les troncs d’épicéas calcinés sur les parois de béton crée une atmosphère de caverne. Ces accords, leur vibration, leur présence, ne peuvent pas entièrement être pensés a priori : ils doivent se ressentir in situ. D’où l’importance du chantier comme lieu même du tâtonnement et du choix dans l’harmonie parfois subtile d’une teinte de bois en résonance avec le béton brut. A l’opposé de cette tendance, on remarque notamment celle de la dématérialisation de l’objet architectural, centrée sur le sens de la vue. Le travail de jean Nouvel en est très représentatif. Ses bâtiments sont construits à grand renfort de matière transparente et réfléchissante, verre, treillis métalliques, surfaces polies ou laquées. D’ailleurs, un article intitulé Explorer les variations de la matière, tiré d’AMC l’illustre tres bien :

Chapelle Saint Nicolas de Flue - 2007 Peter Zumthor

« Jean Nouvel explore les voies de la dématérialisation par ce terme, il désigne la tentative de faire disparaitre, conceptuellement mais aussi concrètement, la 1. Zumthor Peter / Penser l’architecture / éd. Birkhauser / 2007 / 97 p.

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Tour Jean

Agbar

-

Barcelone

-

2005 Nouvel

// Matériaux « sur mesure »

présence de la matière. […] Cette recherche d’effacement, accordée à la nature fondamentalement équivoque de son architecture, vise paradoxalement pour Jean Nouvel à mieux interroger et mettre en scène la matière. Ses réalisations des émotions esthétiques jusque-là inconnues dans le champ architectural, où la dématérialisation est prétexte à de multiples explorations sensorielles et esthétiques ».2 Selon Jean Nouvel, il n’est plus possible aujourd’hui de montrer en « surface » ce qui se passe en « profondeur ». C’est-à-dire de procurer une image « vraie » du travail de la structure et des propriétés des matériaux effectivement sollicitées, parce que la structure se distingue de moins en moins de l’enveloppe, parce qu’en outre cette enveloppe se fait de moins en moins matériellement présente. Il est de plus en plus fréquent de concevoir un matériau pour voir aboutir le projet. La conception informatique produit de telles formes qu’il est souvent nécessaire d’inventer les matériaux adaptés pour les concrétiser. D’après Ezio Manzini « pour un produit donné, il n’y a plus un seul matériau qui s’impose à l’évidence comme le choix quasi obligatoire : il existe au contraire plusieurs matériaux en concurrence. […] L’aboutissement de cette quête de performances complexes, toujours mieux adaptées à un champ d’application, est le « matériau sur mesure », spécialement mis au point pour un usage particulier. Il ne s’agit plus de choisir mais de concevoir ».

LITRACON

(pour light-transmitting concrete)

Béton photo-transmetteur inventé en 2001 par l’architecte hongrois Aron Losonczi.

// Matériaux « détournés »

Certains architectes décident de développer un matériau qui n’existe pas encore, en travaillant directement avec des fabricants pour la recherche et la conception d’un matériau spécial destiné à un projet spécifique. La conception d’un matériau prend en compte de nombreuses dimensions : aspect, fabrication, sécurité, etc… Le matériau nait d’une envie des architectes, puis suit une série d’étapes avant d’aboutir au matériau fini. Arriver au produit final implique beaucoup plus de temps, de travail et donc d’argent que de déterminer la forme seulement.

L’innovation dans ce domaine peut aussi consister à prendre un matériau tout à fait ordinaire et à le redéployer pour des usages différents. Le but est d’utiliser à l’inverse de sa fonction première un matériau, ou à l’inverse de ce que sa substance exprime. Faire léger avec du lourd, brillant avec du mat, corroder ce qui paraît inaltérable, etc... C’est le cas pour le projet de Plaza Chokkura au Japon de Kengo Kuma (cf. corpus 2. AMC / Hors série / Jean Nouvel : 25 projets / Editeur Le Moniteur / 2001 / 138 pages 27


p. 92 ) : il emploie une pierre local et la met en œuvre avec une structure en acier pour rendre « poreux » les façades, ce qui donne une légèreté et effet de tressage alors que le matériau est sensé être lourd et épais…

Cokkura Plaza - 2004 - Kengo Kuma

Petit à petit, les architectes font en sorte que des significations préconçues se détachent de ces matériaux. En effet, nous connaissons les matériaux sur leurs propriétés et sur leurs significations qui leur sont propre dû à une « mémoire » du matériau. Les architectes donnent un nouveau sens par l’usage particulier qu’ils en font. Propos expliqué par Martin Steinmann : « Il s’agit d’empêcher une perception des choses dictée par l’habitude. Il s’agit de découvrir par exemple, d’autres manières d’utiliser les matériaux, le bois, la pierre, la brique… et en faire ressortir de nouveaux effets. Mais il ne s’agit pas de faire du nouveau pour faire du nouveau : il s’agit de trouver la face cachée des choses familières, cela dans l’intention de dés automatiser une connaissance qui, par la familiarité des choses, a cessé d’être connaissance. »3

// Constat //

On a vu qu’il y a plusieurs manières de procéder dans le choix et la mise en œuvre des matériaux. Quelles que soit leur approche, les architectes s’interrogent sur les matériaux. Diverses positions et diverses poétiques concentrent le champ de la création. Certains ont une sorte de « philosophie » concernant la matière, comme Jean Nouvel qui recherche l’effacement, cette volonté guide ses choix ; ou Peter Zumthor qui conçoit selon les lois que lui dicte le matériau. La tendance actuelle est au détournement de la fonction des matériaux qui est normalement la leur. Ce travail porte plutôt sur la matérialité que sur les matériaux eux-mêmes. Les architectes sont à la recherche de poésie, d’effets et s’interrogent sur le sens des matériaux, sur leur signification. Ils s’approprient un matériau ordinaire afin de renouveler et enrichir l’expression architectural en créant de nouvelles expériences sensitives. A contrario de l’engouement pour le détournement, on peut constater que peu d’agences se lancent dans la conception de matériaux « sur mesure ». Cette démarche plutôt récente pose un problème de compétences dans ce domaine pour les architectes, mais aussi un problème économique car il faut trouver une application large du matériau conçu.La question des matériaux n’est pas un phénomène de mode mais est plutôt devenu une affaire commerciale. Toyo Ito parle de « nouvelle matérialité » mais n’y aurait-il pas un changement d’attitude vis-à-vis des matériaux ? 3. Découvrir le monde des choses, Extrait de FACES n° 38, printemps 1996

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// Choix des matériaux // L’exercice de l’architecture implique des choix. Une grande part d’entre eux concerne la matière. Tout ces choix résultent d’une position par rapport à des questions d’architecture. Ces questions ont le plus souvent une source séculaire, et se rencontrent en tout point. Durant plusieurs millénaires, le nombre des matériaux est demeuré très restreint. Ceux servant à la construction étaient rares, donc d’autant mieux connus et maitrisés. Le savoir faire lié à leur mise en œuvre s’est accumulé et transmis de génération en génération. Cet ensemble de connaissances, constitué au fil du temps et bien maitrisé, a éclatée depuis le début de l’industrialisation. Nous disposons aujourd’hui d’innombrables matériaux. Le champ des performances s’est élargi en même temps que l’augmentation du choix. On n’attend pas d’un architecte qu’il connaisse en détail toutes les propriétés de tous les matériaux, mais plutôt qu’il sache établir des liens et en tirer des conclusions. A la lumière de ces connaissances, il doit recenser, au moment du projet puis de sa réalisation, les différents niveaux d’appréciation du matériau. Aux exigences liées à la perception guidant la conception architecturale, s’en ajoutent d’autres liées à l’usage et à la technique. // Perception des matériaux

Tous nos canaux sensoriels perçoivent les effets produits par la matière. L’homme dispose pour cela de différents sens : la vue (voir), le toucher (toucher), le sens thermique (ressentir), l’ouïe (écouter) et l’odorat (sentir).

/ Perception Visuelle

Plus de 90% du flux des informations reçues par l’homme proviennent de la vue. Aussi, on notera sans surprise que la sélection visuelle constitue le premier critère de choix pour un matériau.

Perception des surfaces

Transparence

La vue se base sur la transmission d’un rayonnement. La capacité correspondante de la matière est la réflexion du rayon sur sa surface. C’est pourquoi la lumière qui éclaire un matériau joue un grand rôle dans la perception visuelle. La peau de la matière, selon qu’elle apparait brillante ou mate, claire ou foncée, homogène ou texturée, est le fondement de la création architecturale. L’aspect lisse des surfaces obtenues industriellement séduit tout autant que les traces irrégulières d’un travail manuel peu visibles au premier coup d’œil. Les volumes gagnent en profondeur lorsque la lumière tombe latéralement sur la texture. Des fenêtres ou des sources lumineuses judicieusement placées soulignent la plasticité de la matière. 29


Cet effet est si prononcé avec les matériaux transparents qu’il semble opérer en dehors de la matière. On peut ainsi superposer des surfaces de textures régulière, semi-transparente, en verre ou en résine mais aussi des matériaux opaques ou perforés. Suivant les différents points de vue, l’effet d’interférence recherché semble modifier la structure initiale. Le bâtiment s’anime, les grandes surfaces uniformes gagnent en vitalité. Couleur

La couleur des matériaux est significative, elle aussi. Si le matériau est clair, il est aussitôt perçu en volume, car l’œil saisit le contraste – c’est-à-dire la différence de luminosité – avant la couleur. Dans le cas de matériaux clairs, ce contraste entre ombre et lumière est très marqué. Quant aux matériaux sombres, ils n’offrent qu’une différence réduite, la plasticité de leur surface est moindre : on les perçoit en deux dimensions. Les couleurs influent sur la perception de l’espace. Les teintes chaudes donnent l’impression d’un espace plus petit, les froides, d’un volume plus grand. Elles agissent sur l’observateur au plan émotionnel et inconscient. Les couleurs froides repoussent et les couleurs chaudes attirent.

Echelle

La taille et l’échelle des matières et des surfaces déterminent l’effet produit. Les différentes textures agissent sur la perception à courte, moyenne et longue distance. L’impact d’un matériau diffère selon son degré de préfabrication, sa texturation, la taille de ses composants, leur assemblage et les autres traitements de surface. Le choix des matériaux permet aussi bien d’intégrer un bâtiment à son environnement que de l’en isoler.

Association d’idées

En situation de perception, l’observateur réduit le nombre infini de sollicitations visuelles aux plus essentielles et s’en fait une image personnelle en fonction de son expérience. L’architecte peut mettre à profit ce phénomène en jouant sur des associations d’idées connues. Par exemple, la mise en œuvre en façade de briques de format inhabituellement petit donnera l’impression d’un bâtiment beaucoup plus grand qu’il ne l’est, et ce, du fait de la perception inconsciente des échelles.

/ Perception Tactile

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Du point de vue de la perception tactile, le corps entier et surtout la main deviennent un organe sensoriel. Elle palpe la surface des matériaux et ses propriétés : plat ou inégal, lisse ou contendant, dur ou mou, froid ou chaud. Les températures de surface, le rayonnement et la réflexion des matières stimulent la perception thermique de la peau. L’impression est agréable et chaude si les parties du bâtiment en contact avec le corps n’en absorbe pas l’énergie, comme c’est le cas pour les matériaux dotés de faible coefficient d’absorption et d’un fort rayonnement. Les matériaux denses tels l’acier ou le béton absorbent la chaleur du corps et procurent une sensation de froid.


/ Perception Thermique

Ce principe fonctionne aussi sans le toucher car l’homme perçoit naturellement les différences de températures entre l’air et les surfaces environnantes. Une absence de rayonnement sera interprétée comme du froid. A l’inverse, des surfaces massives exposées au soleil seront encore perçues quelques heures plus tard, de nuit, comme source de chaleur. Quatre facteurs déterminent la perception thermique chez l’homme : la vitesse de l’air, sa chaleur, le rayonnement des surfaces proches et l’humidité. Le climat intérieur d’un espace donné résulte de ces quatre facteurs. L’humidité détermine de manière particulière le bien-être thermique. Si elle augmente, la température perçue s’élève aussi. Les matériaux absorbants régulent le taux d’humidité d’une pièce. Ainsi, le plâtre ou la terre, mais aussi bien d’autres matériaux pleins contribuent à créer une atmosphère agréable.

/ Conjonction des expériences sensorielles

Si la vue est le sens prédominant, les autres expériences sensorielles permettent d’appréhender de manière concrète les propriétés des matériaux. L’ouïe et l’odorat jouent eux aussi un rôle. On perçoit par exemple en marchant sur un chemin, le crissement atténué des grains de sable ronds ; l’odeur du bois dégage une sensation de bien-être. Plus le matériau sollicite des sens différent, plus global est le ressenti de la matière et de l’espace.

Contraste

Deux possibilités s’offrent à l’architecte : stimuler intentionnellement la perception et l’approfondir. Dans le premier cas, les canaux sensoriels perçoivent des expériences contrastées, par exemple une perception tactile en contradiction avec ce qui est vu. L’effet attendu ne venant pas, l’irritation se transforme en étonnement. Cependant, si ces contrastes dépassent une certaines mesure, ils peuvent susciter une sensation inconsciente désagréable.

Correspondance

Dans le second cas, on cherchera à assembler les matériaux de façon homogène et harmonieuse. Les correspondances et l’équilibre entre l’impression visuelle et les autres niveaux de perception tendent alors vers un bien être corporel. Ces diverses impressions se complètent, se densifient pour créer une image cohérente. L’architecture est alors perçue comme une diversité de perceptions simultanées. Cette image peut cependant parfois tomber dans la surcharge émotionnelle et dans la banalité.

// L’architecte, guide des matériaux de construction

Depuis toujours, des architectes essaient d’épuiser le potentiel conceptuel des matériaux disponibles. Jadis les possibilités formelles des matériaux se limitaient le plus souvent aux matériaux régionaux et aux technologies de mise en œuvre traditionnelles. Ceci s’est modifié de façon décisive au cours des dernières an31


nées par la globalisation du commerce et de la communication et la logistique de transport en réseau mondialisé. La recherche du matériau parfait se transforme, pour l’architecte, en recherche de l’aiguille dans la meule de foin globale. Dans la quête de matériaux innovants, deux options se font jour : soit on trouve des nouveautés technologiques, soit on transforme un matériau existant dans un autre contexte.

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/ Matériau et architecture

L’adaptation d’un matériau pour un nouvel usage est un thème de l’avant-garde de l’architecture, au moins depuis que Franck Gehry, dans les années 1970, a transformé et habilité sa maison avec des matériaux tels que du grillage, de la tôle ondulée et du contreplaqué. La transformation des matériaux dans un contexte inhabituel fascine les architectes dans la mesure où elle crée un nouvel espace de jeu esthétique. A la fin des années 1990, les expériences formelles sont devenues plus virtuelles : de nouveaux logiciels, dont l’origine se trouve dans l’industrie, ont rendu possible le développement de formes, complexes, qui ne peuvent se réaliser que très difficilement voire même pas du tout avec les matériaux de construction classique.

/ Couleurs thermosensibles

Les innovations avec les matériaux, de l’avis de Jürgen Mayer H., sont plus faciles à mettre en œuvre à l’intérieur du fait que l’exigence en termes de responsabilité et de garantie n’y est pas aussi élevée que pour les façades extérieures . Dans le cas d’innovations, les exigences de garantie des maîtres d’ouvrages sont de manière disproportionnelle plus élevées, de sorte qu’il faut fournir un travail de conviction considérablement plus important que lorsque l’on recourt aux matériaux traditionnels.

// Constat //

Contrairement à ce qui se passait jadis, lorsque pour les constructions traditionnelles on ne pouvait se servir que de matériaux disponibles sur place, nous disposons aujourd’hui d’une variété inconnue jusqu’ici de matériaux de construction, provenant du monde entier et d’une diversité qui ne cesse de croître grâce aux nouvelles productions industrielles. Cela procure des possibilités insoupçonnées, mais aussi des risques, en premier lieu desquels la délicate question du choix.



/// Six matĂŠriaux Traditionnels ///


Pour comprendre l’évolution de la matière et des matériaux, il faut d’abord les connaitre. Six matières sont donc explorées: la pierre, le bois, la terre, le verre, le métal et le béton. Naturellement, je sais bien que cette liste n’est ni exhaustive, ni même suffisamment précise. On pourrait y ajouter les matières plastiques, les textiles, les matières composites synthétiques. Mais j’ai souhaité restreindre le choix à ces six matières génériques, toutes à la fois éminemment contemporaines et ancrées dans une longue tradition. Bien évidemment, les intitulés restent volontairement très généraux: la «pierre» comporte en réalité une très grande variété de matériaux aux caractères parfois très opposés : le «bois» renvoie à toute la diversité des variétés d’arbres de la planète, du gaïac lourd et dur comme une pierre au balsa tendre comme du beurre; j’ai regroupé sous le terme «terre» la terre crue banchée aussi bien que la terre cuite ou la céramique, matériaux qui, pour être tous millénaires, ont des caractéristiques et des usages très différents; dire «le béton» ne suffit pas à préciser s’il est armé ou ductile ; le «métal» recoupe une immense palette potentielle, de la fonte aux profils laminés, le l’acier au cuivre, l’aluminium et autres ; enfin le « verre » lui aussi contient de nombreuses variantes, du verre émaillé en passant par le verre teinté ou encore le verre multicouches. Cette diversité est toujours déroutante: l’un des objectifs de ce mémoire est de rendre plus explicite les propriétés et les questions qui restent toujours attachées à ces six grandes familles que nous avons désignées, tout en rendant compte de la diversité de ses composantes.


//

Les

matières

naturelles

dites

Brutes

//

Ce premier groupe comprend la pierre, la terre et le bois. Ces trois des matières peuvent être utilisées sans transformation substantielle après extraction. Cependant l’ambiguïté du mot « brut » peut questionner : si la pierre, le bois ou la terre peuvent être mis en œuvre pratiquement dès extraction du milieu naturel, leur cadre de production contemporain est aujourd’hui essentiellement industriel, et la gamme des matériaux qui en sont issus est très étendue.


Pierre Avec l’argile et le bois, la pierre compte parmi les premiers matériaux que l’homme a utilisés pour construire. L’usage de la pierre comme matériau de construction remonte à 10000 ans pour le moins. Edifices religieux et funéraires, constructions défensives, monuments civils et ouvrages d’ingénierie tels que ponts et aqueducs, on la retrouve un peu partout. Les roches ont également servi pour fabriquer des éléments résistants : colonnes, arcs, voûtes, murs, etc., ainsi qu’ne tant qu’ornement d’intérieur et d’extérieur. Si, au départ, l’architecture résidentielle a peu à peu employée la pierre, l’urbaine et la rurale y ont recouru, et de plus en plus jusqu’à la fin de XIXe siècle, moment où apparaissent d’autres matériaux et notamment le béton. Du gisement à la phase finale des travaux, la pierre suit un processus de transformation allant de l’extraction dans la carrière aux finitions superficielles, en passant par le découpage et le dimensionnement. Toutefois, elle doit posséder un certain nombre de caractéristiques spécifiques capables d’en garantir le bon comportement dans un bâtiment. Les roches utilisées pour la construction présentent des particularités qu’on peut classer en deux groupes : la résistance mécanique et la durabilité. La résistance dépend des propriétés de la roche, à savoir son poids spécifique, sa dureté et sa résistance à la compression et à la traction par flexion, entre autres. Pour mesurer la durabilité, il faut tenir compte de l’action d’agents atmosphériques tels que les gelées, l’eau, le vent, les changements thermiques, etc. Actuellement, la pierre est surtout utilisée à proximité des carrières, car les coûts d’extraction et de transport y sont abordables. Plus loin, on n’y recourt que pour les réhabilitations, lorsque celles-ci le requièrent. La pierre de carrière entre dans la construction rustique, pour construire murs porteurs ou cheminées. Toutefois, son emploi comme revêtement a ouvert un énorme champ d’application. Les produits tels que les plaques, les dalles ou les pavés servent pour les façades et les intérieurs, soutenus, parfois, par de modernes systèmes de fixation et d’ancrage qui ont été brevetés. 37


// Ressource et extraction // // Origines des Pierres, Roches et Minéraux

D’après les scientifiques, la terre est apparue il y a environ 4,5 milliards d’années par l’agglomération de matières interstellaires. Apres le passage de l’état gazeux à l’état de fusion, il s’est formé la première croute : la surface de la terre. Les roches sont les constituants principaux de la croute terrestre. Agrégats naturels de minéraux, le terme « roche » s’oppose à ce qui est végétal ou animal. On parle couramment de pierre, surtout dans le domaine de la construction, roche étant une notion plus géologique. Les pierres sont nées de la cristallisation du magma liquide. Elles se composent d’un mélange de divers minéraux dont la cohésion est assurée par un enchevêtrement ou liant (par exemple l’argile). Le mode de formation est une des caractéristiques décisives pour classer les pierres dans les trois groupes principaux de roches : solidifiées, sédimentaires et transformées.La diversité des gisements et des dénominations est impressionnantes. Les dénominations pétrographiques (sciences de la pierre) aident l’architecte à faire son choix mais il est plus facile de comparer des pierres similaires.

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// Classement pétrographique

On classe les pierres en trois grandes catégories en fonction de leur roche-mère : les roches magmatiques ou ignées, les roches sédimentaires et les roches métamorphiques. Les premières sont issues d’un refroidissement direct du magma en fusion. Elles sont particulièrement résistantes, dures et très homogènes. Les roches sédimentaires proviennent de dépôts de sédiments. Elles contiennent de ce fait un grand nombre de cavités, de strates horizontales, de fossiles d’origine végétale ou animale. Elles sont moins dures que les roches magmatiques et donc plus facile à travailler. Les roches métamorphiques résultent de la transformation d’une roche préexistante sous l’effet de la pression, de hautes températures ou de processus chimiques. Leur structure est souvent dépourvue de cavités et leur texture est homogène.

// Gisement et Exploitation

L’exploitation des pierres naturelles se fait principalement dans des carrières à ciel ouvert. Seules quelques variétés de marbres, d’ardoises et de pierre calcaires sont extraites de mines. Au début de l’exploitation de nouveaux gisements, on analyse la viabilité économique et les propriétés physiques de la roche par des percements en profondeur et des mesures par ultrasons. Au moyen de coins hydrauliques, on fend les blocs le long des failles naturelles. Depuis quelques années, on emploie aussi des scies à câble et des « tronçonneuses ».


L’objectif de l’exploitation est la production de blocs bruts presque orthogonaux, avec le moins possible de déchets. C’est pourquoi on ne peut plus exploiter de gisements nouveaux qu’avec des autorisations administratives. Une « renaturation » est prescrite lorsque le gisement utilisable est épuisé. A l’instar des peaux d’animaux, les pierres disponibles sur terre sont toutes uniques. Elles proviennent d’une carrière précise, ont des spécificités générales partagées mais non garanties au sein d’un même filon exploité. La carrière voisine proposera des matériaux légèrement différents et cela implique quelques problèmes de suivi de l’approvisionnement, quand une exploitation ferme par exemple. Représentation systémique des types de roches Hegger Manfred , Fuchs Matthias , AuchSchwelk Volker , Rosenkranz Thorsten / Construire - Atlas des matériaux / Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) / 2010 / 280 p.

Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p. 39


// Propriétés // La diversité des pierres naturelles est impressionnante. En Europe centrale, il y a plus de 500 variétés de pierre, et plus de 5000 sur le marché mondial de la pierre naturelle. Comme chaque pierre dispose de particularités et de caractéristiques spécifiques, les possibilités d’emploi en sont d’autant plus variées. La pétrographie est la science qui étudie et décrit les roches. Elle estime l’adéquation d’une pierre en fonction de ses caractéristiques pétrographiques, c’est-à-dire minéralogiques et chimiques, ainsi que des caractéristiques techniques. Propriétés pétrographiques : structure, chimie, état minéral (couleur, structure, cristalline et dureté). Propriétés techniques : densité (densité pure, brute et porosité), solidité (à la pression, au fléchissement et à l’abrasion), conductivité thermique, dilatation thermique, résistivité thermique, comportement au gel point de rosée, capillarité et comportement face aux agents chimiques.

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// Caractéristiques des pierres

De nombreux paramètres permettent de décrire les propriétés des pierres. Densité, résistance à l’écrasement, apparence de la cassure interviennent par exemple fortement dans le choix d’une pierre.

// Dureté

C’est la capacité de la pierre à résister au poinçonnement. On distingue les pierres très tendres, tendres, demi-fermes, fermes dures, très dures et ultra dures. Plus les pierres sont dures, plus elles seront difficiles à travailler.

// Structure

On différencie aussi les pierres par leur structure : lamellaire, compacte, granuleuse, cristalline, granitoïde, schistoïde, grésiforme, etc.… On parle de pierre coquillière si elle contient des coquillages fossiles, de pierre ferrée si elle renferme des zones très dures, de pierre pleine ou entière si elle ne présente pas de fêlure ou de veine, de pierre feuilletée si elle a tendance à s’écailler en lames, etc…

// Porosité

Certaines roches sont inséparables, comme l’argile, d’autres poreuses, comme le grès qui laissera l’eau s’infiltrer.

// Gélivité

On dit d’une pierre qu’elle est gélive si elle ne résiste pas aux cycles successifs de gel et de degel. Pour des utilisations en extérieur,

// Risques et spécificités

Dès la conception il faut tenir compte des propriétés suivantes : - Température : La dilatation thermique peut atteindre de 0,3 à 1,25 mm /m selon la variété de pierre. - Il peut y avoir des dégâts dus au gel, lorsque l’eau contenue dans les porosités et capillarités de la pierre se dilate. Certes la plupart des pierres sont ingélives,


mais il faut néanmoins faire attention à de nombreuses particularités lors de la mise en œuvre. - Stabilité chimique : des acides et des polluants aériens sont susceptibles de provoquer des dégâts importants sur les pierres calcaires et les grès. - Il faut prendre en compte la bonne conductivité thermique de la pierre naturelle, les sols en pierre par exemple sont souvent ressentis comme froids au toucher. Par contre, en cas de chauffage, leur capacité de stockage thermique peut présenter des avantages. // Teinte/texture

Les pierres existent en un grand choix de teintes et de textures. Celles-ci changent de coloration ou s’altèrent sous l’effet du climat. L’agencement de plaques de différentes textures fournit en général une impression d’ensemble homogène et le fort contraste des couleurs crée une surface vivante. L’image tres répandue d’une pierre tres résistante au vieillissement est parfois contredite par la désagrégation ou l’altération de ses surfaces.

// Les pierres travaillées// // Utilisation des pierres

Les pierres sont majoritairement utilisées dans le domaine du bâtiment. On parle d’ailleurs de pierre à bâtir, pour designer celles qui seront utilisées en maçonnerie (granit, grès, marbres, silex, etc…). Des différentes pierres, selon les usages prévus, on tire des blocs (de fortes dimensions non taillées) ; des pierres de taille (mises au carré pour pouvoir être assemblées) ; des moellons (pierre de taille de petits format) ; des morceaux de granulats ou des poudres fines destinées pour les bétons, les mortiers, pour des matières plastiques ou pour obtenir des pierres reconstituées. En general, les pierres conviennent On retrouve aussi certaines roches volcaniques sous forme de laine de roche (bon isolant thermique et acoustique) et d’autres pierres, sculptées, comme certains marbres, pour fabriquer des statues ou divers ornements.

// Jointement

Le jointement des pierres dépend étroitement des formats choisis. Ceux-ci s’étendent de la pierre ronde, trouvée dans les champs, de l’appareil cyclopéen et des moellons quadrangulaires de diverses tailles jusqu’aux blocs taillés avec précision en vue d’un appareillage soigné ou encore aux plaques de façades polies et chanfreinées. En accentuant ou en estompant les joints, on donne à la surface un caractère différent : plus la couleur du joint est proche de celle de la pierre, plus la perception d’une structure animée évolue vers une surface monolithique. Plus le joint est sombre, plus la pierre parait lumineuse.

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// Traitement des surfaces

La finition d’une pierre est essentielle, il en va de questions pratiques (contrainte d’une surface plus ou moins glissante par exemple) comme de questions esthétiques. Les différents aspects de surface et les traitements appliqués sur les pierres permettent quelquefois de changer totalement leur apparence. La surface souhaitée dépend en fait du travail manuel ou mécanique de la pierre. Les pierres peuvent ainsi être brutes, sciées, clivées, bouchardées, bossagées, grésées, adoucies, polies, flammées, etc… La pierre brute, à peine dressée, présente une esthétique archaïque. Les arrêtes vives, les traces de clivages, de découpe ou d’explosion témoignent de son origine et de son extraction. Les techniques de taille plus fines comme le piquage (martèlement au pic), le layage (avec une laye ou un ciseau grain d’orge), le bouchardage (avec une boucharde), le ponçage ou le polissage prêtent à la pierre un caractère spécifique. Le polissage fait ressortir la texture de la pierre, les salissures et le vieillissement semblent passer sur elle sans laisser de trace.

// Applications contemporaines

Dans les façades d’aujourd’hui, la pierre naturelle a perdu sa fonction statique. En Europe, à cause des exigences accrues d’isolation thermique et de technologie pour les enveloppes, est la plupart du temps superflue et renchérit la mise en œuvre et les fixations. L’industrie a réagi à cela : des plaques de granit et des méthodes constructives d’assemblage avec des parements de pierre sont disponibles sur le marché. La pierre naturelle a connu au cours des dernières années une renaissance surprenante.

///////// Références ///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// Hegger Manfred , Fuchs Matthias , Auch-Schwelk Volker , Rosenkranz Thorsten / Construire - Atlas des matériaux / Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) / 2010 / 280 p. Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p. Hegger Manfred , Drexler Hans, Zeumer Martin / Basics : Matérialité / Birkhäuser / Collection Basics / 2007 / 88 p.

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Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p.



Terre Les premières civilisations se développèrent dans les grandes vallées fluviales où terre de glaise et argile étaient des matériaux de construction facilement disponibles. Les civilisations du Nil en Egypte et de Mésopotamie sont les mieux étudiées. Là sont apparues, il y a environ 5000 ans, les premières villes construites en argile. Même la grande muraille de Chine, connue comme la plus grande construction sur notre planète, a été pour sa plus grande partie construite en terre. En Europe aussi, la construction en terre a une longue tradition. Elle est liée à l’apparition de l’ère industrielle : en raison du recul de la forêt, le bois devenait rare et cher, on commença alors à construire en terre. Dans les villes, l’argile était la plupart du temps utilisée pour le remplissage et les enduits des maisons en colombage. Cependant, il ne s’est jamais développé de terminologie propre du matériau. La terre était considérée comme le matériau de construction des pauvres et se cachait le plus souvent derrière des façades enduites. Elle perdit de plus en plus d’importance, avec l’industrie de la brique qui se développa vers la fin du 19e siècle. Après la Première et la Seconde Guerre mondiale, alors que régnait une pénurie de matériaux de construction, d’énergie et d’argent, on eut de nouveau d’avantage recours à l’argile. Ce n’est qu’avec la crise de l’énergie et des mouvements environnementalistes des années 1970, que l’intérêt pour les matériaux argileux se réveilla à nouveau. 45


// La construction en argile de nos jours // Encore de nos jours un tiers de l’humanité habite dans des maisons en terre, dans les pays en développement plus de la moitié. L’utilisation de la terre repose d’aujourd’hui sur des motivations très diverses. Dans les contrées pauvres, il n’existe quasiment pas d’alternative équivalente à l’argile comme matériau de construction local et abordable. En Europe centrale, depuis sa redécouverte, on utilise l’argile pour ce qu’elle offre : une bonne ambiance intérieure, et un espace habitable sans produit toxique. L’adaptation de la construction traditionnelle de terre de manière contemporaine a suscité, ces dernières années, des innovations fondamentales dans le domaine de développement du produit et dans celui de l’intégration du matériau, dans l’industrie de la construction moderne. De nos jours, la construction en terre est un des segments de marché en plus forte expansion du secteur économique de la construction. Cette tendance se remarque dans le nombre des objets réalisés et dans l’augmentation continue des produits de construction en argile « préfabriqués », qui ne sont pour la plupart pas employés comme éléments porteurs. Aujourd’hui la plupart des anciennes normes ont été actualisées, complétées et rééditées en Allemagne comme dans d’autres pays européens en réinstaurant la construction en terre en tant que technique de construction actuelle.

// Propriétés // Les caractéristiques principales de l’argile sont sa massivité, sa viscosité et ses performances. Les additifs les plus divers (par exemple le p ? lait, la soude), ainsi que des adjuvants organiques ou minéraux garantissent l’optimisation caractéristiques du matériau de construction en terre est sans odeur, non toxique et d’une mise en œuvre agréable. Plus que tout autre matériau de construction la terre répond aux critères de la construction écologique préservant les ressources. Elle est disponible dans la presque totalité des régions du monde. Par l’utilisation des carrières d’argile on peut économiser l’énergie du transport.

Schéma triangulaire des argiles de construction

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La production d’une paroi massive de terre banchée ne nécessite qu’une petite partie de l’énergie nécessaire pour une paroi comparable en béton ou en brique. La terre est réutilisable aussi souvent que l’on veut et peut être remise en circulation sans problèmes dans la nature. Sa bonne capacité de stockage de chaleur peut participer à la compensation des variations de température. Par sa


capacité d’absorber la vapeur d’eau et la res ? selon les besoins, elle participe à l’amélioration des conditions climatiques. La capacité d’absorption des enduits argileux est de 1,5 à 3 fois supérieure à celle des enduits conventionnels. Pour être sûr du bon usage de l’argile dans une construction, il faut bien connaître les variétés des gisements et les différences dans la composition des composants qui y sont liées. Sans additif, l’argile est très sensible à l’eau. Par forte humidification, elle perd sa solidité ; c’est pourquoi il faut protéger les surfaces exposées aux intempéries contre l’érosion. Par le séchage, on voit apparaitre éventuellement des fissures de sécheresse ou plutôt de retrait qui…. En comparaison avec d’autres matériaux de construction, l’argile ne présente qu’une résistance plutôt réduite – comparable à celle d’un béton maigre -, Qui cependant est absolument suffisante pour la majorité des usages de construction. // Surfaces

On distingue les constructions avec des enduits décoratifs d’argile et les constructions sans enduits en argile compactée (« construction en pisé »). Des constructions exceptionnelles enduites en terre sont sous la protection des monuments historiques, tout comme des parois colorées très anciennes. De même l’architecture contemporaine, en Europe et aux Etats-Unis, a redécouvert la qualité des surfaces brutes, sans traitement.

// Glaise // La glaise se compose principalement d’argile, de sable de fines (sables très fins). En outre, des particules de roches plus grosses (graviers par exemple) et des composants organiques peuvent y être mélangés. En fonction des composants, on parle de glaise sableuse, fine ou argileuse. L’argile a le rôle de liant parmi d’autres « matériaux de remplissage », sable, fines et graviers. // Formation

// Extraction

La glaise provient de la décomposition de roches primaires dont le produit final constitue en majeure partie des minéraux. Des réactions mécaniques et chimiques agissent sur la roche et la transforment. Selon leur localisation et leurs caractéristiques, les roches donnent différents nom à la glaise tel que : glaise de montagne ou de relief, glaise de décomposition, marnes, glaise alluvionnaire, ou encore lœss. Lorsque le produit d’extraction est utilisé directemnt comme terre de construction, la carriere doit etre suffisament profonde et purgée de racine et d’humus. En outre, la possibilité existe de se procurer de la terre de carriere dans l’industrie tuiliere. En raison de propriétés et de composition tres differrentiées, il faut 47


verifier que les glaises conviennent à chaque fois au domaine d’utilisation. A coté des essais en laboratoire, il existe des methodes simples qui permettent de premieres estimations des propriétes des glaises. Elle suffisent à l’appréciation des utilisations accessoires, comme par exemple les remplissages, les banchages et les mortiers. Pour les glaises broyées de carrieres et les glaises seches (produits en sac), l’essai du materiau est generalement supprimé. // Préparation

Selon l’origine et l’utilisation de la glaise, il existe diverses possibilités d’amélioration des propriétés du matériau comme par exemple le lagunage, le broyage, le melange, le tamisage, le vieillissement (stockage de la glaise humide pour augmenter la capacité de liant de l’argile) le debourbage, ou l’amigrissement (mise en place avec des additifs, pour réduire la part d’argile). L’adjonction de complements organiques (paille, caséine,fibres cellulosiques) ou de mineraux (chaux, argile aerée) optimise les propriétés comme la solidité, la dislocation et l’isolation thermique.

Représentation des matériaux de construction à base d’argile Hegger Manfred , Fuchs Matthias , AuchSchwelk Volker , Rosenkranz Thorsten / Construire - Atlas des matériaux / Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) / 2010 / 280 p.

// Matériaux de construction en terre // La classification de matériaux de construction en terre se fait d’après la densité, les additifs, la mise en œuvre ou l’usage. Lors de la mise en œuvre il faut faire attention à ce que les matériaux concernés, puissent justifier d’une période de séchage de 3 à 1à semaines selon l’épaisseur des parois, la température et l’hygrométrie.

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Pisé

C’est le matériau de construction en terre le plus lourd et il peut être utilisé pour des murs porteurs. On y dispose de la glaise humidifiée par couches de 10 à 15 centimètres entre les tranches et on la compacte. Cette stratification est visible ensuite à la surface et constitue la texture spécifique du matériau. Les épaisseurs habituelles pour les parois porteuses sont d’environ 40 à 60 centimètres

Torchis

On utilise généralement la technique du torchis dans la restauration de bâtiments historiques. On dispose le mélange semi-rigide de paille et de glaise par couches au moyen de fourche à foin. La découpe des faces de la paroi se fait à l’aide de bèches affutées servant à réaliser de parois relativement planes.

Terre paillée (terre à fibres)

La terre paillé est un mélange, d’une consistance plastique souple, d’argile et de fibres végétales (le plus souvent de la paille) qui est employé pour le remplissage des colombages, ou est transformé par pressage dans des moules en forme de moellons ou plaques de terre.

Terre légère

Selon les adjuvants, on distingue des terres légères organiques et minérales. Ce matériau convient pour des parois, divers remplissages, mais ne doit recevoir aucune charge à l’exception de son poids propre. Il est coffré à l’état humide, ou conditionné sous forme de moellons ou de plaques.

Remblai

Pour fabriquer de tels matériaux, on mélange des additifs organiques ou minéraux avec une terre de construction humide. Le matériau utilisable pour les remplissages de masse de planchers d’étages.

Mortiers de terre pour enduits et mortiers de maçonnerie

Tous les grands fabricants proposent aussi des mortiers de terre aujourd’hui, qui, par adjonctions de pigments, parviennent à offrir un large spectre de couleurs. A l’inverse d’autres mortiers, le mortier de terre ne se délie pas. Le temps de mise en œuvre peut être rallongé à volonté par adjonction d’eau. Pour les mortiers d’enduit, les adjonctions de mélanges de fibres servent d’armatures pour éviter les fissures dans la couche d’enduit.

Parpaings

De nombreuses tuileries fabriquent aussi des briques de terre et des «grünling». On parle de parpaings de terre pour les moellons qui conviennent pour les remplissages, les revêtements de planchers et de parois. Lorsque leur solidité est suffisante ils peuvent aussi remplir des fonctions porteuses. Les briques de terre crues que l’on appelle « compressed blocks » constituent les matériaux en terre les plus répandus au monde. Le terme de brique crues désigne les briques hautement densifiées qui sont employées sans cuisson. Leur grande teneur en glaise leur confère une forte capacité d’absorption. On les utilise dans le domaine non porteur, à l’abri du gel et des intempéries. 49


Dalles

Sous le terme de dalles en terre, on désigne tous les matériaux de construction en terre de moins de 5 centimètres d’épaisseur. On les emploie dans la maçonnerie de parois non porteuses. De nouveaux produits en terre légère armée de tiges de roseaux servent aussi au revêtement de parois sèches. Leur surface plane convient bien comme support à des enduits de terre.

///////// Références ///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// Hegger Manfred , Fuchs Matthias , Auch-Schwelk Volker , Rosenkranz Thorsten / Construire - Atlas des matériaux / Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) / 2010 / 280 p. Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p. Hegger Manfred , Drexler Hans, Zeumer Martin / Basics : Matérialité / Birkhäuser / Collection Basics / 2007 / 88 p.

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Bois & Dérivés Le bois et ses dérivés constituent la principale ressource végétale du bâtiment. Des milliers d’années durant, il a été aux côtés de la terre crue et de la pierre l’un des matériaux les plus populaires, en raison de sa résistance mécanique et de sa légèreté. Il présente cependant certains inconvénients qui l’ont fait supplanter par des matériaux comme le béton ou l’acier, mais son usage n’a pas disparu et, récemment, il semble connaître un nouvel essor grâce à l’architecture écologique. Le bois est un matériau d’origine végétale qui peut être employé quasiment sans transformation, après abattage et écorçage des arbres. On pourrait dire que c’est le seul matériau de construction renouvelable : il peut être planté et exploité, puis, après utilisation, recyclé et revalorisé. Ceci suppose une économie énergétique, le respect de l’environnement et la préservation de l’équilibre écologique. En général, la structure cellulaire du bois est légère mais d’une grande résistance. Sa teneur en humidité ayant une influence sur la plupart de ses propriétés, le bois ne peut avoir le comportement approprié qu’après séchage, lorsque cette teneur est en équilibre avec l’humidité de l’environnement dans lequel le matériau doit être utilisé. Le bois a une conductivité thermique faible, ce qui en fait un bon isolant. Bien que combustible, il résiste assez correctement au feu, grâce à la combustion périphérique (la combustion de l’extérieur vers l’intérieur est lente). Sa longévité est élevée s’il est correctement traité, mais, utilisé à l’extérieur, il est plus vulnérable aux intempéries et aux assauts des champignons et des insectes. La couleur et la texture des sa superficie en font un matériau agréable, sensuel et chaleureux. Son utilisation séculaire a donné lieu à de multiples méthodes de construction et de structures, ainsi qu’à une foule de produits dérivés. En l’occurrence, la structure des fibres est modifiée, et certaines des propriétés du bois changent à leur tour. La résistance, par exemple, dépendra de la pression exercée sur le matériau à la fabrication. Mais qu’il s’agisse de planches, de contreplaqué ou d’autres produits, les résidus du bois sont mis à profit pour fabriquer de nouveaux matériaux aux formes stables et aux propriétés définies, qui fournissent nombre de solutions dans le domaine de l’architecture. 53


Le bois est une matière végétale renouvelable, disponible partout et aux applications très variées. Aisé à transformer, il possède une odeur particulière selon son essence. Ses surfaces présentent des textures et des teintes naturelles qui s’assombrissent ou s’éclaircissent. Au toucher, le bois absorbe peu la chaleur du corps. Il est donc perçu comme une matière agréable, sensuelle et chaude.

// Ressource et exploitation forestière //

// Sylviculture

La forêt nous approvisionne en matière première (le bois), une matière qui a la particularité d’être renouvelable (à court terme en comparaison des énergies fossiles) et recyclable. Le bois est autant une matière qu’une énergie et la forêt représente un gigantesque réservoir de matière première. Sur la planète, elle représente environ 30% des terres émergées. La gestion raisonnée du patrimoine forestier a généré l’élaboration de techniques de régulation appelées sylviculture. Ces techniques visent à régénérer les espaces boisés qui existent et à en créer artificiellement de nouveaux, permettant d’obtenir dans des délais relativement courts des écosystèmes exploitables en état d’équilibre. La sylviculture plante, sélectionne, ajoute et supprime, entretient en permanence, gère les équilibres sophistiqués et subtils de la forêt, détecte les parasites et les maladies et agit continuellement sur l’état de santé du massif forestier jusqu’à son exploitation. Cette exploitation forestière est une véritable industrie, employant, en France, plus de personnes que dans l’automobile.

// Propriétés physiques // Les propriétés physiques particulières du bois lui permettent d’être employé de multiples façons dans la construction. Sa mise en œuvre dans les règles de l’art suppose toutefois la connaissance de ses caractéristiques spécifiques, des essences et des modes de construction appropriés. // Structure

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En général, la structure cellulaire du bois est légère mais d’une grande résistance. Elle peut absorber beaucoup de tension, de pression et de charge de flexion. Le bois des conifères est moins adapté aux charges compressives et de tension. Celui de certains feuillus présente une structure cellulaire complexe, plus dense et forte.


Le bois possède une structure fibreuse, un poids généralement faible et une bonne rigidité. Les fibres étant orientées dans le sens de la croissance du tronc, le bois est plus résistant à la traction, à la compression et à la flexion dans ce sens que dans l’autre. C’est pourquoi il est préférable de le solliciter en charge et en contreventement de la même façon que l’arbre d’origine. En même temps, il possède une forte inertie calorique et une faible conductibilité thermique. Il stocke efficacement le CO2 et s’intègre parfaitement au cycle de vie des matériaux. // Anisotropie

On qualifie d’anisotrope (qui signifie inégal en grec) une matière dont les qualités varient en fonction des directions. Le verre ou le métal sont par exemple isotropes : leurs propriétés sont identiques dans toutes les directions. L’anisotropie du bois, qui résulte de l’évolution de l’évolution des fibres du bois selon le sens de croissance du tronc d’arbre et de celle des branches, est visible sur les différentes coupes (transversale, longitudinale et radiale) réalisées sur une pièce de bois.

// Masse volumique

On entend par masse volumique le rapport entre masse et volume, y compris tous les vides. Il s’agit pour le bois d’une des principales caractéristiques physiques car c’est d’elles que découlent les propriétés technologiques essentielles que sont la rigidité, la dureté ou l’imprégnabilité. La détermination de la masse volumique se fait en tenant compte de la teneur en humidité (masse et modification du volume par gonflement et retrait) ainsi que la position dans le tronc.

// Humidité du bois

Le bois peut absorber de grandes quantités d’eau grâce à la structure poreuse de ses cellules. L’humidité du bois peut représenter 70% de la masse d’un arbre vivant. Pour les essences utilisées dans le bâtiment, le point de saturation des fibres est atteint à partir de 30-35% (le bois mis en œuvre est généralement avec un taux d’humidité maximum de 20%). Au dessus de ce point, les pores se remplissent d’eau libre, ce qui fait de la modification de la forme par gonflement ou retrait ne progresse pratiquement plus. L’absorption d’eau ne se fait toutefois pas seulement à l’état liquide. Par ses propriétés hygroscopiques, le bois échange de l’humidité avec l’air ambiant. Sa teneur en humidité ayant une influence sur la plupart de ses propriétés, le bois ne peut avoir le comportement approprié qu’après séchage, lorsque cette teneur est en équilibre avec l’humidité de l’environnement dans lequel le matériau doit être utilisé. Le bois doit si possible être mis en œuvre en se basant sur le taux d’humidité local prévu à long terme. C’est une condition essentielle pour éviter les mesures préventives de protection chimique. 55


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// Dilatation / Rétractation

La dilatation thermique est encore accrue en cas d’humidité ou réduite à cause d’une rétraction des fibres en cas d’air sec. Le bois emmagasine en effet l’eau dans ces cellules et la rejette lorsque le taux d’humidité diminue. Il convient donc de prendre en compte ce comportement dans la conception et la mise en œuvre d’une construction en bois. Des fentes de retrait, n’ayant qu’un faible impact sur sa capacité statique, apparaissent parfois au séchage.

//Essences

Les propriétés du bois varient beaucoup d’une essence à l’autre, mais elles dépendent toutes des facteurs de croissance. La nodosité et les cernes de croissance nous renseignent à ce sujet. Les arbres se partagent en deux grandes famille : les résineux et les feuillus. Les bois résineux, le groupe le plus ancien dans l’évolution des espèces, présente une structure cellulaire plus simple et des propriétés similaires (par exemple la masse volumique). Ces essences (épicéa, pin, sapin) poussent plus vite, affichent des cernes plus marqués et n’offrent qu’une résistance plus faible à la traction et à la compression. On observe une plus grande spécialisation de la structure cellulaire des bois feuillus. Les essences d’Europe centrale (chêne, bouleau, érable) font preuve d’une masse volumique et d’une résistance plus élevées que celles des résineux. Leur bois de cœur composé de cellules mortes contenant du tannin est souvent d’une autre couleur que l’aubier. La diversité de leurs textures et de leurs teintes, associées à de multiples propriétés, offre des possibilités d’utilisation plus variées.

// Resistance

La résistance à la rupture définit la résistance d’un matériau de construction. Le bois possède un large éventail de propriété élastomécaniques qui résultent de la diversité des essences, des propriétés de croissance, du taux d’humidité, de la durée de l’effet de charge et de l’angle entre les forces et les fibres. En raison de son caractère anisotrope, le bois présente de bonnes propriétés statiques dans le sens parallèle aux fibres. Soumis à la traction, le bois se révèle très cassant tandis qu’à la compression ou la flexion entrainent des déformations plastiques avant la rupture. La résistance à la traction est environ deux fois supérieure à la résistance à la compression. Une forte proportion de nœuds perturbe le parcours des fibres et entraine donc une diminution des coefficients de résistance. Propriétés thermiques La porosité du bois explique ses bonnes propriétés en matière d’isolation thermique et ses températures de surfaces agréables.

// Fissures

La présence de fissures dues aux orages et au gel apparues au cours de la vie de l’arbre ne sont pas acceptables pour un bois destiné à être porteur. En revanche, on autorise clairement les fissures de retrait qui apparaissent au cours de la


phase de séchage. Toutefois, même un bon choix de matériau et une mise en œuvre dans les règles de l’art ne permettent pas d’éviter complètement les fissures. // Protection du bois

Le bois correctement mis en œuvre a une très grande longévité. En extérieur, il est menacé par les intempéries, les parasites et la putréfaction. Les substances tanniques contenues dans le bois de cœur ou la résine, chez les résineux, lui servent de protection naturelle. Il existe des solutions pour préserver le bois de l’eau de pluie et contribuer ainsi à sa durabilité. Les avancées de toit par exemple protègent les tranches très absorbantes, réduisent l’impact oblique de la pluie sur la façade et dévient le ruissèlement de l’eau. Le bois peut par ailleurs recevoir des traitements chimiques : application en surface de produits anti parasites, imprégnation des fibres du bois sous pression ou cuisson à haute température.

Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p.

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Tableau des bois et produits dérivés du bois Hegger Manfred , Fuchs Matthias , AuchSchwelk Volker , Rosenkranz Thorsten / Construire - Atlas des matériaux / Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) / 2010 / 280 p.

// Construction en bois massif // L’industrie du bois gère l’hétérogénéité des essences en les classant par catégoLa longue tradition de la construction en bois a donné naissance à un grand nombre de techniques et de produits. // Eléments en bois massif

// Planches et bardeaux

Le bois de construction est obtenu par débit ou profilage du tronc d’arbre en section rectangulaire. Selon l’épaisseur de la pièce de bois, on distingue entre madrier, bastaing, planche, volige et latte. Pour les éléments en bois massif de construction, la structure n’est que peu voire pas du tout modifiée. Selon le produit, le traitement comprend les opérations suivantes : sciage, séchage, sélection, enture et collage de surface. Avec l’industrialisation du traitement du bois, de nombreux nouveaux produits en bois massif été développés tel que : bois rond / bois massif de construction / poutre collée-croisée / poutres duo et trio / Bois lamellé-collé L’industrie du bois gère l’hétérogénéité des essences en les classant par catégorie. La technique du lamellé collé a permis d’éliminer les défauts de croissance du matériau brut. L’assemblage des planches ou des bardeaux utilisés en couverture ou en façade se fait à l’aide de systèmes d’écailles, de recouvrement ou de rainures et languettes (bouvetage). Les bardeaux, posés en plusieurs couches, résistent bien au temps. Planches et des bardeaux peuvent être bruts, rabotés ou poncés.

// Dérivés du bois // Depuis plus de 50 ans, les produits dérivés du bois sont utilisés dans le bâtiment sous forme de panneaux de bois aggloméré ou de fibres de bois. Aujourd’hui, 58


l’industrie propose une grande diversité de produits et on peut dans un futur proche s’attendre à l’arrivée d’autres produits encore plus résistants. // Structure

// Fabrication et propriétés

// Surfaces

// Emploi

// Habillage

Les produits dérivés du bois sont fabriqués à partir de bois ou de déchets broyés, puis agglomérés avec ou sans liant pour constituer un nouveau produit. La structure fibreuse bois étant réorganisée, on obtient des produits plans de forme stable et dotés de caractéristiques précises, fabriqués industriellement et facile à transformer. Ils tendent à imiter l’apparence du bois ou alors à s’en démarquer. On divise les dérivés de bois selon leur composant de base en feuille de pacage, en panneaux de particules et en panneaux de fibres. Les aspects naturels du bois sont relégués au second plan, même s’ils demeurent plus ou moins apparents. La solidité de ces produits provient de leur fabrication sous pression, de la résistance des composants de base et de la dureté du liant. L’orientation des plaques, des fibres ou des particules détermine les futures possibilités d’utilisation. Plus la matière obtenue est orientée, plus elle est adaptée à des éléments soumis à des charges. La masse volumique augment parallèlement à la résistance mécanique. Plus les particules sont petites, moins la structure est orientée : un panneau de contreplaqué est orienté dans deux directions du fait du positionnement alterné des fibres à 90°, tandis qu’un panneau de fibres est mono-orienté. Par rapport au bois, les dérivés se différencient à la fois par leur surface et leur structure. Si l’on se sert en placage de feuilles de qualité supérieure, à l’apparence régulière et solide, on utilisera des particules plus fines et plus fortement compressées afin d’obtenir une surface lisse. La différence entre la surface et l’âme est visible sur la tranche des panneaux. Ces produits sont aussi bien utilisés en intérieur qu’en extérieur, dans les domaines du génie civil, des revêtements, de l’architecture d’intérieur et du design d’objets. En façade, ils devront être protégés des intempéries et des infiltrations pour conserver leur durabilité. Leur grande résistance leur permet d’être employés au sein de structures porteuses. Leur résistance mécanique, alliée à leur malléabilité et leur façonnabilité, offre de multiples possibilités de création. Utilisés en parement, la taille réduite de ces panneaux oblige à les assembler. Souvent assemblés par joints classiques, ils sont parfois bouvetés (rainure-languette) ou posés en recouvrement. Il faut donc prêter attention au phénomène de dilatation et de rétraction du bois. Les fameux craquements à l’intérieur d’un bâtiment sont causés par une mauvaise confection des joints : les tensions pro59


duites par la dilatation due aux écarts thermiques se libèrent. La disposition des différents type de fixation (vis, clous, agrafes) est étudiée en détail. Leur matière et leur mise en valeur jouent un rôle prépondérant pour l’effet architectural. On peut choisir de les cacher, de les enfoncer ou de les souligner, notamment par des éléments intercalaires répartissant la pression (rondelle).

///////// Références ///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// Hegger Manfred , Fuchs Matthias , Auch-Schwelk Volker , Rosenkranz Thorsten / Construire - Atlas des matériaux / Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) / 2010 / 280 p. Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p. Hegger Manfred , Drexler Hans, Zeumer Martin / Basics : Matérialité / Birkhäuser / Collection Basics / 2007 / 88 p.

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// Les

matières artificielles dites

Transformées //

Ce deuxième groupe comprend le métal, le béton et le verre. Ces trois des matières nécessitent une transformation préalable importante de différentes ressources. Là encore, même si ces matières sont effectivement plus facilement associées à un processus de transformation, leur ambiguïté présente un intérêt théorique essentiel : elles peuvent d’une part être considérées comme une «matière première» utilisée brute (une paroi en verre, un sol de béton, etc.) et d’autre part sont constituées à partir de ressources dont la plupart sont elles aussi extraites du milieu naturel. Dans les trois cas, aujourd’hui, la part croissante du recyclage (de métal, de granulats, de verre) modifie toutefois le sens profond de leur mise en œuvre.


Métal L’emploi des métaux et de leurs alliages remonte à des milliers d’années. Le métal a été utilisé comme matériau de construction auxiliaire ou à fins décoratives, mais ce n’est que vers la seconde moitié du XIXe siècle que son usage s’est généralisé dans le bâtiment. La Révolution Industrielle et les méthodes de fabrication de l’acier et de l’aluminium ont imposé les métaux dans le domaine du bâtiment. Techniquement parlant, selon la division du tableau périodique, on distingue les métaux alcalins des alcalino-terreux, mais il existe également une autre classification historique qui, elle, différencie métaux ferreux et métaux non ferreux. Parmi les premiers, il y a le fer-forgé ou fondu- et l’acier : parmi les seconds l’aluminium, le zinc, le plomb et le cuivre, ainsi que leurs alliages. Le succès du métal est imputable à ses multiples propriétés, notamment sa dureté et sa résistance à la compression et à la tension, sa flexibilité et sa facilité de recyclage. C’est également un matériau opaque, brillant et ductile, doué d’une grande conductivité thermique et électrique. Il convient à la construction pour ses caractéristiques mécaniques, ainsi qu’en raison de sa grande résistance à la traction. Sa résistance à la compression et au cisaillement est également très élevée. Certains métaux peuvent être soudés et donnent des fixations d’une grande solidité. Il existe cependant des phénomènes susceptibles de perturber les propriétés du métal. Bien que pratiquement incombustible, celui-ci peut perdre une partie de sa résistance mécanique s’il est soumis à une hausse de la température. L’oxydation est une autre réaction habituelle des métaux. Le processus d’aggrave avec l’intervention d’autres métaux ou d’eau, et l’on parle alors de corrosion. Pour éviter cela, le matériau doit être protégé par des revêtements galvanisés ou des peintures. Le fer et l’acier sont deus des métaux les plus employés. Les métaux ferreux contenant moins de 2% de charbon sont connus sous le nom d’acier. Plus élastique que le fer, celui-ci peut être soudé. Le fer s’oxyde et doit être protégé. Pour d’avantage de résistance, les éléments de construction en acier et en fer sont moulés, ce qui permet d’en optimiser la forme et l’efficacité. Le zinc et le cuivre sont aisés à travailler et résistants à l’eau, ce qui les rend idéals pour les revêtements de façades. L’aluminium, métal léger de faible densité, s’emploie quant à lui pour les constructions réclamant légèreté et résistance à l’eau, ainsi qu’avec les éléments de façades. 63


// Métalurgie // // Gisement et Production

Les métaux n’existent pas dans la nature tels que nous les connaissons dans notre quotidien. Seuls certains, comme le cuivre, l’or, le platine ou les roches météoritiques conte nant du fer et du nickel, sont naturellement disponibles, on dit d’eux qu’ils sont des métaux à l’état natif. C’est d’ailleurs sous cette forme que l’homme a commencé à les travailler. Les métaux se présentent donc la plupart du temps oxydés, sous forme de minerais et il est nécessaire d’effectuer quelques transformations (une réduction de l’oxydation, entre autres) afin de les obtenir sous une forme plus familière. Quand ils s’associent avec d’autres éléments comme l’oxygène, les atomes métalliques subsistent le perte d’un ou plusieurs électrons : c’est l’oxydation. La réduction permet donc de regagner les électrons perdus et d’ainsi retrouver les atomes métalliques de départ. La métallurgie désigne toutes les étapes de transformation du minéral au métal jusqu’à la fabrication de semi-produits. Le secret de la réduction de l’oxydation consiste en l’apport d’un élément chimique (souvent le carbone) au minéral, sous haute température. C’est ainsi que l’hématite (le minéral fer) est associé au charbon dans de hauts-fourneaux pour donner de la fonte puis de l’acier. C’est aussi ainsi que le rutile donnera le titane ou que la bauxite, plus complexe à travailler, aujourd’hui « transformée » de manière électrolytique, donnera l’aluminium.

// Structure d’un Métal // La structure d’un métal est caractérisée par des liaisons métalliques, qui permettent la cohésion de ses atomes. Les propriétés des métaux sont tout d’abord déterminées par la constitution des réseaux cristallins d’ions puis par l’agencement de ces réseaux entre eux, c’est-à- dire dans la répartition des grains, les joints de grains, les dislocations, les impuretés, l’apport d’autres matières, etc. Un cristal contient toujours des défauts, accidentels ou volontaires et paradoxalement, ce sont ces défauts qui déterminent les propriétés majeures des métaux. C’est là que les métallurgistes exercent leur maîtrise et sont à même de proposer des matériaux aux propriétés mécaniques variables et finement mises au point. 64


Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p.

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// Popriétés des Métaux // De cette structure moléculaire spécifique dépendent les grandes propriétés des métaux. Elles conditionneront leur mise en œuvre autant qu’elles répondront aux exigences de cahiers des charges de pièces, d’objets ou de constructions métalliques.

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// Eclat des Métaux

Une des grandes caractéristiques des métaux réside dans leur éclat… métallique. Ces matériaux, une fois polis, peuvent réfléchir la lumière jusqu’à renvoyer une image parfaite, comme les miroirs (avec l’étain, de l’argent ou de l’aluminium déposés sur un support plastique ou en verre). Les métaux sont aussi à l’origine de l’obtention d’effets colorés et réfléchissants que l’on retrouvera ensuite dans les peintures ou d’autres matériaux… Une pièce plastique « métallisée » par exemple, contient soit du métal dans sa masse, soit un dépôt métallique sur sa surface.

// Dureté

C’est la résistance à la pénétration et à l’abrasion de la surface d’une pièce. Cette notion est, en fait, large et toute relative. Cependant, les métaux sont rangés parmi les matériaux les plus durs. Ils constituent souvent, d’ailleurs, la matière des outils. Obtenir « plus dur que dur » est un des enjeux importants aujourd’hui en termes de recherche et développement.

// Résilience

C’est la résistance aux chocs, la capacité à absorber une énergie mécanique en peu de temps, à une température donnée. Un matériau de faible résilience est dit fragile. Pour les aciers, par exemple, plus le matériau est froid, plus il est fragile, plus on montera en température, plus le matériau sera à même d’être mis en œuvre.

// Elasticité

C’est l’aptitude à reprendre sa forme initiale après sollicitation. L’acier et les alliages métalliques peuvent en général être considérés comme parfaitement élastiques jusqu’à un certain point, appelé limite élastique. L’élasticité est par excellence utilisée dans les ressorts.

// Plasticité / Ducilité

Une fois passé le domaine élastique, on entre dans la plasticité du métal. Ce sera son aptitude à subir, sans rupture, une déformation permanente et irréversible. Cette qualité permet des mises en œuvre de la matière à froid, comme le pliage ou le profilage. La ductilité, aptitude à l’étirement sans rupture est l’exercice de cette plasticité du matériau. L’or est le métal le plus ductile : 1g d’or peut être étiré en un fil de 2,4 km sans se rompre !

// Magnétisme

Les métaux sont les matériaux privilégiés au développement des phénomènes magnétiques. Historiquement, la magnétite, contenue dans certains gisements


ferreux, est la matière de constitution des aimants. Cependant, certains métaux sont aussi magnétiques ou facilement magnétisables, comme le fer, donc, mais aussi l’acier ou le cobalt. Une fois plongés dans un champ magnétique, ils peuvent devenir des aimants, permanents ou temporaires ou bien des électroaimants. Les propriétés magnétiques des métaux permettent aussi de les identifier. En effet, l’aluminium comme certains aciers inoxydables ne réagissent pas au pouvoir d’un aimant. Ils sont dits « amagnétiques ». // Isotropie

Les métaux sont communément considérés comme des matériaux isotropes, c’est-à-dire qu’ils ont le même comportement dans les trois directions de l’espace. Cependant, leur structure cristalline et le mode de production des semiproduits métalliques (laminage, étirage, …) induisent certaines orientations de la matière et révèle, de fait, une anisotropie. Elle sera souvent négligée mais n’en existe pas moins.

// Conduction de l’electricité

Les métaux sont en général de bons conducteurs d électricité, en particulier l’argent, le cuivre, l’aluminium et l’or. Cette propriété est expliquée par la nature des liaisons métalliques, qui permettent la circulation d’électrons libres au sein du réseau cristallin. Ceux-ci conduisent l’électricité à travers le matériau.

// Conduction de la chaleur et Dilatation

Pour des raisons similaires, les métaux sont en général de bons conducteurs de chaleur. Lorsqu’on élève la température d’un métal, celui-ci se dilate. Cette dilatation est en général réversible. Une barre d’acier de moins de 1m de long s’allongera de 1,2 mm entre 0°C et 100°C ! C’est donc une caractéristique très importante à prendre en compte dans la conception des pièces métalliques, en particulier pour le moulage ou la soudure, où dilatation et retrait peuvent entraîner des déformations, voire des ruptures.

// Alliages // Les métaux sont rarement utilisés purs. En réalisant des combinaisons d’un métal avec un ou plusieurs autres éléments (métalliques ou non), on augmente considérablement les propriétés du nouveau matériau ainsi obtenu. Le composant principal de l’alliage est le métal de base, les éléments ajoutés, éléments d’alliages, peuvent intervenir jusqu’à de très petites proportions (on parle alors de métaux faiblement alliés). Les alliages se déclinent en « nuances », nombreuses et constamment perfectionnées. Les alliages de fer et de carbone donnent les fameux fonte et acier. Les aciers, à leur tour, seront à de nombreux composants additionnels qui permettront de varier finement leurs propriétés. 67


Tableau des metaux et de leurs alliages Hegger Manfred , Fuchs Matthias , AuchSchwelk Volker , Rosenkranz Thorsten / Construire - Atlas des matériaux / Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) / 2010 / 280 p.

// Sidérurgie // La sidérurgie concerne la métallurgie des alliages à base de fer, les fontes et aciers en particulier. Deux procédés d’élaboration coexistent aujourd’hui : La fonte est issue de l’ajout de carbone au minerai de fer, apporté par le coke (charbon) dans les hauts-fourneaux. Une fois liquide, la fonte passe dans un convertisseur à oxygène pour abaisser son taux de carbone et devient acier. On parle à cette étape, d’acier « sauvage ». Les fontes ont ainsi une teneur en carbone entre 2 et 6% tandis que les aciers n’excèdent pas 2%. La filière « fonte »

Les aciers sont issus du recyclage et de la refonte de pièces récupérées. Le passage de ces ferrailles dans un four électrique permet d’obtenir de l’acier sauvage. Cette filière de recyclage est loin d’être négligeable en termes de production. C’est d’ailleurs, avec le verre, l’une des premières filières de recyclage industriel de matériaux à avoir été mis en place.

La filière « ferraille »

Les deux filières se rejoignent pour affiner l’acier sauvage et formuler différentes nuances d’alliages selon les besoins finaux. Puis vient le laminage, à chaud ou à froid, où la matière est écrasée progressivement, ultime étape menant à l’obtention de produits sidérurgiques longs tels que des bobines de tôle, des plaques, des poutrelles ou des fils d’acier.

// Traitements // Les procédés mécaniques des métaux peuvent être modifiés par des traitements thermiques, une fois les pièces réalisées. On vient alors modifier la structure du matériau. Il existe trois grands types de traitements thermiques : 68


Le recuit

La pièce métallique est chauffée (entre 500et 850°C), maintenue en température puis refroidie lentement. Les tensions internes du métal sont ainsi relâchées, rendant la matière plus malléable. On retourne à une structure d’équilibre.

La trempe

De même, la pièce est chauffée (>800°C pour les aciers, par exemple), maintenue en température puis refroidie brutalement (avec de l’eau, de l’huile, de l’air ou des gaz). Deux trempes sont possibles : dans la masse ou superficielle. Le métal devient alors très dur mais cassant.

Le revenu

Une fois la trempe réalisée, on chauffe à nouveau la pièce pour atténuer, entre autres, l’effet fragilisant de la trempe. On peut aussi pratiquer l’écrouissage. C’est une modification de l’état du métal visant à le rendre plus dur en le déformant plastiquement à froid. Paradoxalement, le terme désigne aussi bien un défaut de fatigue qui surviendra à force de solliciter la matière qu’une qualité de résistance obtenue, justement, en exerçant au préalable la matière à cette fatigue.

// Corrosion // Tous les métaux sont sujets à la corrosion, à des degrés divers, de manière plus ou moins visible et selon les conditions climatiques auxquelles ils sont exposés (taux d’humidité, température, etc.). C’est une réaction de dégradation irréversible liée au contact avec l’oxygène, que l’on appelle communément rouille. Le métal retourne en fait simplement à son état d’oxyde naturel. Les métaux les plus vulnérables sont les fontes et les aciers ; le cuivre, le laiton et le bronze tiennent assez bien à la corrosion : l’aluminium et le zinc la supportent très bien et l’argent, le chrome, le titane et l’or y résistent exceptionnellement. Pour se protéger de la corrosion, l’acier s’allie au chrome, par exemple, pour donner un acier inoxydable (inox). Il peut aussi être recouvert d’autres métaux comme le zinc par électro-zingage ou galvanisation, comme le chrome pour du chromage ou bien être peint, émaillé ou vernis… Ce qui retarde le processus de la rouille. L’aluminium, de son côté, peut être anodisé. Sa surface est alors chimiquement par électrolyse et au-delà d’une couche d’oxydes d’aluminium protectrice, l’anodisation peut apporter des effets colorés. Certains métaux créent ce que l’on appelle une couche de passivation sorte d’auto-protection, sous la forme d’une couche superficielle corrodée qui, paradoxalement, protège le matériau à cœur. 69


// Cycle de vie des matériaux // Sans perte de qualité pour le produit, les métaux peuvent être intégralement réintroduits dans la production. Cela permet par rapport à la fabrication ex nihilo une diminution notable de la quantité d’énergie nécessaire à la refonte. Le taux de recyclage du métal récupéré se situe en général autour de 90% et approche les 100% pour l’acier.

// utilisation contemporaine // La grande part du métal employé de nos jours se trouve sous forme d’acier laminé dans les structures porteuses des halles et immeubles de grande hauteur, mais aussi comme armature en acier pour le béton armé. le metal se retrouve egalement deans de nombreux éléments de construction: depuis les aménagements extérieurs jusqu’aux toitures et revêtements par exemple, ainsi que dans les éléments de contreventement et les installations techniques.

///////// Références ///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// Hegger Manfred , Fuchs Matthias , Auch-Schwelk Volker , Rosenkranz Thorsten / Construire - Atlas des matériaux / Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) / 2010 / 280 p. Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p. Hegger Manfred , Drexler Hans, Zeumer Martin / Basics : Matérialité / Birkhäuser / Collection Basics / 2007 / 88 p.

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Béton Actuellement, le béton est le matériau de construction par excellence. Sa très large utilisation et son association avec presque tous les types d’architecture sont dus à plusieurs raisons fondamentales : la découverte du ciment Portland et la disparition du béton armé. L’abondance et le coût peu élevé de ses composants principaux expliquent également son expansion et son succès. Pourtant, le béton ne date pas d’hier. Bien qu’on l’utilise de nos jours, les Romains l’employaient déjà comme matériau de construction en mêlant eau, chaux et pouzzolane (cendre volcanique) (Borallo, 2000). Grossier mais économique, il était ensuite revêtu de briques ou de pierres. Le béton armé actuel, différent du précédent par ses caractéristiques, s’obtient en incorporant à la masse des barres, des fils ou des mailles d’acier. On a commencé à s’en servir vers la moitié du XIXe siècle. Actuellement, le béton se compose essentiellement de ciment, d’agrégats (sables et graviers) et d’eau. On y ajoute aussi fréquemment des adjuvants pour modifier une partie de ses propriétés. Le ciment est chargé d’assurer la cohésion entre les agrégats. Ces derniers représentent entre 60% et 80% du béton, aussi leurs propriétés – résistance et poids, entre autres- sont-elles importantes au regard du comportement du béton durci. Une distinction doit être faite entre béton frais et béton durci. Le premier peut être moulé entre le moment où il sort de la bétonnière et celui où il commence à prendre. Il possède des propriétés telles que la consistance, la ductilité et l’homogénéité ; en fonction du type de ciment employé, de la quantité d’eau ou des adjuvants. L’homogénéité s’obtient grâce à un contrôle des procédés de brassage, de transport, de coulage et de compactage. Le mélange est coulé dans un moule ou un coffrage. Ceci fait, on élimine les poches d’air à l’aide de techniques de compactage, tel le cylindrage ou le vibrage. Durant la phase finale, la cure, divers aspects doivent être pris en compte, et notamment la température et l’humidité ambiante. Une fois durci, le béton se transforme en un matériau résistant et durable. La possibilité d’utiliser des éléments préfabriqués en béton, avec les mêmes garanties techniques, a contribué à populariser ce matériau. Cette option, d’abord intéressante pour la construction civile, les bâtiments industriels, etc. s’est également imposée dans le domaine de l’architecture résidentielles. Le fait de pouvoir tirer du béton des formes audacieuses à la fois stables et résistantes procure en effet une grande liberté aux architectes. 73


Le béton est le matériau phare de l’architecture du XXe siècle dont il a fortement marqué l’évolution. C’est un matériau ambivalent : mise en œuvre à l’etat liquide, cette pierre artificielle est appréciée pour sa résistance. Sa surface extérieure reflète moins sa propre structure que celle de son coffrage. Certains apprécient le béton pour son esthétique puriste, d’autres le qualifie de brutal et d’inhumain. Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p.

// Composition générale des bétons // Le mot « béton » est aujourd’hui un terme générique qui désigne un matériau de construction composite fabriqué à partir de granulats (sable, gravillons) agglomérés par un liant et assorti quelquefois d’adjuvants. Il existe différents types de liant :

Liant hydraulique

Il fait prise par hydratation. Couramment appelé ciment, ce liant permet d’obtenir du mortier ou du béton. Lorsque les agrégats utilisés avec le liant hydraulique se réduisent à des sables, on parle alors de mortier (plutôt destiné à des opérations de finitions tel que ragréage, imperméabilisation, scellement, jointage, collage,…) ; lorsque les agrégats sont plus volumineux, on parle alors de béton de ciment. La préparation d’un béton à base de ciment passe par l’étape de gâchage, où l’eau est ajoutée à la matière sèche et le tout malaxé pendant plusieurs minutes. Ces opérations peuvent être réalisé manuellement ou mécaniquement (bétonnière, malaxeur à axe vertical…)

Liant hydrocarboné

De type bitume. le béton bitumineux (aussi appelé enrobé bitumineux) utilise des gravillons enrobés de bitume. C’est le béton de nos routes. Il est fabriqué à chaud pour faciliter l’enrobage et devra être compacté avant refroidissement par des rouleaux compacteurs afin d’assurer une bonne cohésion et résistance de l’ensemble. Une fois mis en œuvre, le béton bitumineux peut tout de suite être utilisé, ce qui n’est pas le cas du béton de ciment.

Liant à base de polymère

On parle alors de béton de résine, comme pour les sols coulés.

// Le béton de ciment // Le béton de ciment est le béton par excellence. Connu depuis le XIXe siècle, il est, à l’heure actuelle, le matériau de construction le plus utilisé. Ce succès 74


s’explique en partie par le fait que ce matériau est transformable à volonté ; qu’il ne nécessite pas de cuisson et qu’il peut être travaillé directement sur chantier. La recette est relativement simple, même si les équilibres à respecter sont précis : de 7 à 15 % de ciment, 60 à 70% de granulats, de l’eau, des adjuvants (moins de 2%) et de l’air (1 à 6% du volume. La nature précise des ingrédients, ainsi que les proportions, diffère bien entendu suivant le type de projet. On ne retrouve cependant les bases suivantes : Le ciment

Produit à partir de matières premières naturelles et abondantes, le calcaire et l’argile, le ciment est une poudre minérale cuite qui, mélangée avec de l’eau, forme une pate qui prend prise. Apres durcissement, cette pate conserve sa résistance et sa stabilité, même sous l’eau. Le ciment, composant de base du béton, est le matériau de construction le plus utilisé dans le monde car presque tout les pays en produisent.

Les granulats

Généralement d’origine minérale, sous forme de gravier ou de sables, il peut aussi s’agir d’argile expansée, de billes de verre, de matériaux de recyclage (bétons, dechets, brique…), de copeau de bois ou de polystyrène expansé.

Les adjuvants

Minoritaires dans la composition, ils sont cependant essentiels aux qualités demandées au béton. Les plastifiants permettent une forte réduction de la proportion d’eau, ce qui augmente très sensiblement les qualités mécaniques du béton. Il existe aussi des accélérateurs ou retardateurs de prise, pour faciliter le travail sur chantier ou permettre certains effets de surface spécifiques, par exemple. On trouve aussi des adjuvants hydrofuges qui permettent un protection supplémentaire face aux agressions extérieures ; des oxydes qui augmente les capacité d’autonettoyage, voire de dépollution des bétons ; des antigels qui permettent d’éviter l’éclatement des blocs sous l’effet du froid ou des fluidifiants qui permettent des coulées autonivelantes, etc.

// Caractéristiques des bétons // La qualité d’un béton tiendra beaucoup au dosage précis en eau et à la durée ainsi qu’à la bonne dispersion du malaxage des composants entre eux. L’objectif est d’obtenir une matière la plus homogène possible. // Resistance et fissuration

Le béton possède des propriétés mécaniques intéressantes en compression. Cependant, sa résistance en traction est limitée et provoque rapidement sa fissuration et sa rupture s’il n’est pas armé ou fibré. 75


// Ouvrabilité

L’ouvrabilité d’un béton mesure son aptitude à être mis en œuvre facilement. Elle dépend de la rhéologie du mélange obtenu (élasticité, plasticité, viscosité…) et du mode de mise en œuvre prévu.

// Ouvrabilité

Les bétons font partie de la famille des matériaux lourds. On distingue cependant plusieurs catégories : les bétons tres lourds, lourds, légers et tres légers.

// Resistance au feu

Les bétons sont des matériaux généralement considérés comme incombustible et ininflammables. Ils ont la capacité de ralentir la progression de la chaleur, ne dégagent que peu de fumées et ne fondent pas. Ils pourront cependant, exposition prolongée à la flamme et à de fortes chaleurs aidant, finir par s’effriter et se décomposer, ils sont à même, malgré tout, de prévenir les risques d’effondrement et assureront la sécurité des personnes dans les bâtiments.

// Laitance

La laitance est un mélange tres fluide de ciment, d’éléments fins et d’eau, qui a tendance à migrer vers la surface et à couler dans les irrégularités, trous et interstices des moules, créant alors des taches et de auréoles blanchâtre. La laitance doit être éliminée avant l’application d’un revêtement ou d’une peinture, par brossage, ponçage ou traitements chimiques par exemple.

// Désactivation

On ralentit la prise du liant à la surface du béton, par pulvérisation d’un des activant. Cela permet, par rinçage à forte pression, de se débarrasser de la laitance et de révéler les granulats présents dans le mélange, pour un effet esthétique plus brut. Le béton désactivé se retrouve souvent dans les revêtements de sols urbains (places publics par exemple)

//Coloration

Le béton peut être teinté dans la masse, grâce à l’incorporation de pigments ou d’oxydes métalliques dans le mélange.

Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p. 76


//Mise en oeuvre des bétons// Coffrage

Les bétons sont en général coulés par gravité dans des moules, coffrages, des caissons ou sur de grande surface prêtes à être revêtues (sols en béton coulé). Ce type d’opérations peut être réalisé au préalable (sur des pièces préfabriquées) ou in situ sur un chantier.une fois la matière coulée, on procède à son compactage par vibrations (sauf dans le cas de bétons autoplacant ou autonivelant) grâce au placement d’aiguilles vibrantes. Les bulles sont alors ramenées à la surface et les vibrations assurent un bon placement de la matière dans les coffrages, par exemple, une bonne répartition autour des armatures, une plus grande homogénéité mécanique et esthétique. Le coffrage est une opération essentielle, exécutée par des coffreurs-boiseurs. Les coffrages sont faits à façon, de manière artisanale, la plupart du temps avec du bois (résineux ou contreplaqués performants) mais il existe aujourd’hui des éléments de coffrage standardisés, préfabriqués à partir de structures métalliques, comprenant des vérins, pouvant intégrer des fonctions de chauffage et de vibration.

Béton autocompactant

Les bétons autoplacants et autonivelants sont des bétons tres fluides, homogènes et stables, qui se caractérisent par leur rapidité de mis en place. Ces bétons tres compact et faiblement perméables permettent de s’affranchir des opérations de ragréage (mise à niveau d’un sol et obtention d’une surface plus nette pour accueillir un revêtement de sol) et de vibration lors de la mise en œuvre.

Post traitement

La température et l’humidité de l’air influencent le processus de durcissement et les propriétés du béton. C’est pourquoi les éléments de construction doivent être traités conformément aux règles de l’art au moins sept jours après leur réalisation. Pour éviter un séchage prématuré, le béton est laissé dans le coffrage recouvert d’un liant minéral ou bien aspergé d’eau ou d’un produit de posttraitement. Les délais de décoffrage sont liés aux dimensions de l’élément de construction et à la classe de résistance du béton employé. Il est à noter qu’un béton de ciment classique n’acquiert pas immédiatement toutes ses caractéristiques : sa mise en œuvre ne sera complète qu’après un tems de séchage qui peut s’avérer assez long. On a coutume d’évaluer le béton 28 jours après sa pose où l’on considère que près de 80% de sa résistance finale sont alors acquis.

Armature

L’armature faite de treillis métalliques soudés et de ronds de béton constitue un matériau de construction composite qui a de bonne résistance à la traction et à la compression grâce à la solidarisation entre l’acier le ciment durci. Les armatures en acier empêchent en outre la formation de fissures liées au retrait. 77


Certains bétons, comme les bétons renforcés en fibres, peuvent être mis en œuvre par projection, d’autres par enduction.

// Béton et innovation // Des bétons à ultra-hautes performances (BUHP), avec de tres grandes qualités mécaniques, une porosité quasi nulle et une grande élasticité sont aujourd’hui disponibles. Leurs constituants tres fins (souvent biens inferieurs au micron) et leur tres grande fluidité permettent une mise en œuvre autoplacante du matériau ainsi que la reproduction tres fidele de textures en fond de moule. Le béton, matériau opaque depuis toujours, s’associe à la lumière et la transmet, devient translucide, soit par adjonction d’agrégats transparents (aérogels de verre ou granulées plastiques), soit grâce à une disposition judicieuse de fibres optiques traversantes. L’effet est toujours saisissant et ouvre considérablement l’espace des possibles architecturaux. Enfin, et ce n’est pas le moindre de ses paradoxes, le béton se pare aujourd’hui de réelles qualités environnementales. Grace à une simple incorporation de dioxyde de titane dans la formulation classique du béton, les façades de bâtiments réalisés dans ce matériau se transforment en véritable aspirateurs à pollution, par l’action conjuguée de la lumière naturelle et des oxydes de titane. Des réactions photo-catalytiques permanentes décomposent les salissures, nettoient la surface, purifient l’air ambiant en détruisant les oxydes d’azote.

///////// Références ///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// Hegger Manfred , Fuchs Matthias , Auch-Schwelk Volker , Rosenkranz Thorsten / Construire - Atlas des matériaux / Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) / 2010 / 280 p. Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p. Hegger Manfred , Drexler Hans, Zeumer Martin / Basics : Matérialité / Birkhäuser / Collection Basics / 2007 / 88 p.

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Verre Le verre est connu depuis l’an 10 000 ans avant J.-C. Le XXe siècle supposera l’expansion définitive de l’architecture mettant à contribution le verre, en particulier pour les façades. Les verres commerciaux sont fabriqués à partir de silice de fondants et de stabilisant. La silice ayant un point de fusion très élevé, au-dessus de 1700°C, on lui ajoute un fondant, généralement de la soude ou de la potasse, pour en abaisser la température d’amollissement. Ceci améliore les propriétés de moulage, mais le verre qui en résulte n’a guère de durabilité chimique. Pour éviter cela, on adjoint des stabilisants, chaux ou plomb, qui en améliore la stabilité. Le procédé de fabrication débute par le mélange des matières premières. La température de fusion se situe entre 1200 et 1650 °C, en fonction de la composition. La pâte de verre est alors envoyée au moulage, qui se déroule à plus faible température et peut mettre en œuvre des techniques telles que le soufflage, l’étirage, le pressage ou le flottage. Le flottage est le procédé le plus fréquent pour fabriquer du verre plat. Ensuite vient le moment du refroidissement et de la recuisson, grâce auxquels on élimine les tensions produites pendant le refroidissement. La phase finale consiste en des opérations de doucissage et de polissage. A l’état brut, le verre a une couleur verdâtre ou bistre, en fonction des impuretés qu’il contient. En lui adjoignant d’autres substances, on obtient la transparence caractéristique qui en a déterminé l’emploi en architecture, bien que les verres translucides ou colorés aient également leur utilité. Le verre n’est pas un bon isolant, ni acoustique, ni thermique, car on l’emploie en très mince épaisseurs. Pour qu’il devienne, on fabrique des doubles vitrages ou vitrages isolants, composés de deux vitres séparées par une épaisseur d’air. Le verre réagit bien aux changements de température, à condition qu’ils soient graduels. Sa densité est comparable à celle de la pierre, et il est durable, imperméable et hygiénique. La fragilité est une autre de ses caractéristiques, encore que les progrès techniques aient permis de mettre au point des verres plus performants à cet égard. Le verre trempé, soumis à un refroidissement rapide pour en augmenter la résistance à l’impact et au choc thermique, est employé pour les vitres de sécurité. Le bâtiment a à sa disposition une grande variété de verres, mais le plus fréquemment utilisé pour les fermetures ou le vitrage de façades reste le verre plat. 81


Au sens courant, le verre est une matière solide amorphe constituée d’un élément inorganique. Cet état amorphe apparait lorsqu’une coulée refroidit sans permettre la formation d’une structure cristalline. Même si cela est inexact du point de vue scientifique, on peut qualifier le verre de liquide figé. Les propriétés spécifiques du verre – isotropie, résistance et comportement thermique – s’expliquent par cet état.

// La matière minérale et l’art du feu // Les verres sont fabriqués à partir de matière minérale (sable de silice pour le verre ou terre argileuse pour la céramique) et doivent passer par une phase de cuisson plus ou moins longue pour être produits. Cette montée en température leur permet d’ailleurs d’effectuer une transformation physico-chimique irréversible. Les verres sont des matériaux très durs, qui résistent bien aux fortes températures et qui sont, en général, de très bons isolants électriques et thermiques. Ils ont une très faible élasticité, la rupture est facilement atteinte sans phase de déformation plastique.

// Le verre // L’indivisibilité du verre est presque supranaturelle ! Avant l’arrivée des matières plastiques, seuls l’air, le vide et éventuellement l’eau savaient être aussi transparents… Le verre, par sa forte singularité optique, est donc un des rares matériaux qui arrive à abuser la nature (les mouches ou les oiseaux se laissent tromper par des vitres de fenêtres transparentes). Cet idéal d’invisibilité fascine depuis des millénaires et est d’ailleurs une source récurrente d’inspiration Le verre est un solide amorphe obtenu par figeage d’un liquide surfondu. Dans la plupart des matériaux, et à l’état solide, les atomes sont organisés entre eux suivant un agencement bien précis (structure ou semi-cristalline, comme pour la plupart des métaux). Cet agencement stabilise et compacte la matière. Dans le cas du verre en fusion, le liquide se fige progressivement en gardant sa structure désordonnée (état vitreux). On dit alors que le matériau est non cristallin, ou amorphe. L’état vitreux est un état « intermédiaire », qui prend sa place aux côtés des états « liquide, solide et gazeux » consacrés. Le verre est essentiellement constitué de silice (sable), de soude et de chaux mais on peut obtenir 82


des matériaux vitreux sur d’autres bases. Il existe par exemple aujourd’hui des verres métalliques, c’est-à-dire des métaux qui, à l’état solide, ont une structure atomique totalement désordonnée. Le verre est le matériau paradoxal par excellence : un solide à structure de liquide, un matériau cassant et rigide à température ambiante mais extrêmement plastique si on le chauffe… Il s’amuse à nous dérouter. On fabrique par exemple du verre –amorphe- avec du quartz, qui a lui, une structure cristalline évidente.

// Composition du verre // Il existe une grande variété de qualités de verre, suivant la composition et les équilibres de base, formulées en fonction de l’usage et des propriétés désirées. La structure atomique non ordonnée du verre facilite d’ailleurs l’intégration d’éléments étrangers (ils ne viennent pas modifier le cadre rigide et strict régnant dans une structure cristalline). Cependant, certains éléments sont indispensables : Le vitrifiant

Matière première de base. Généralement de la silice sous forme de sable.

Les fondants

Soude, sodium ou plus généralement des oxydes alcalins. Ces éléments permettent d’abaisser la température de fusion. La silice pure fond vers 1800°C. En mélangeant à la silice ces oxydes, la fusion peut alors intervenir à partir de 1400°C.

Les stabilisants

Les stabilisants L’ajout de chaux permet au verre d’être plus stable et inerte, et notamment de ne plus être soluble dans l’eau.

Les additifs

Au mélange silico-sodo-calcique de base, on adjoint une longue liste d’éléments afin d’améliorer les qualités opaques (indice de réfraction, transmission lumineuse, couleur,…) ou physiques de la matière vitreuse (malléabilité, stabilité thermique…).

// Propriétés du verre // Nous l’avons vu, la structure du verre est désordonnée. C’est cet état amorphe spécifique qui induit les principales propriétés de ce matériau paradoxal. 83


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// Transparence

L’absence de diffraction des ondes sur ce solide lui permet d’être plus ou moins transparent, suivant sa composition, son niveau de pureté et l’attention portée à sa fabrication. Cependant le verre n’est pas transparent sur tout le spectre de lumière. Ainsi dans les domaines de l’ultraviolet et de l’infrarouge, l’absorption est très importante, le verre est alors opaque. Ce phénomène explique que nous soyons partiellement protégés des UV derrière une vitre, cela explique aussi l’effet de serre, les infrarouges restant prisonniers sous une verrière. Dans le domaine où se situe le spectre visible, le verre est transparent.

// Stabilité

Le verre est isotrope, c’est-à-dire qu’il garde les mêmes propriétés dans toutes les directions de l’espace, c’est une matière qui n’a pas de sens. Dans la plage thermique courante d’utilisation, le verre a une très nonne stabilité dimensionnelle, il ne varie que peu en fonction des changements de température.

// Instabilité

Paradoxalement, malgré son apparente pérennité à l’échelle humaine, le verre est un matériau qui est foncièrement instable. Il va, d’une part, lentement mais inexorablement se cristalliser, éventuellement s’opacifier et devenir pulvérulent, et d’autre part continuer à rester fluide, et donc à couler ou s’affaisser.

// Isolation

Chaleur massique et dilatation thermique en font un bon isolant thermique. Il est aussi isolant électrique à basse température, mais devient conducteur lorsqu’on le chauffe suffisamment. C’est également un bon diélectrique et il résiste bien aux forts champs électriques.

// Inertie

Le verre est un matériau « fermé » il est relativement inerte chimiquement, résiste à la plupart des acides et des basses, n’est pas sensible aux UV, à l’oxydation ou aux agressions atmosphériques.

// Densité

La densité du verre est de 2,5, soit sensiblement la même qu’un béton classique. Autrement dit, une feuille de verre plan présente une masse de 2,5kg par mètre carré et millimètre d’épaisseur. S’il est fortement chargé de plomb, il peut avoir une densité supérieure à 6.

// Dualité

Ce liquide infiniment visqueux est dur et cassant à température ambiante, mais comme on peut jouer sur son degré de viscosité en le chauffant, il peut devenir malléable et plastique.

// Recyclage

Le verre est sans doute le premier matériau à avoir bénéficié d’un circuit de recyclage, soit sous forme de consigne pour réemploi direct (les qualités d’inertie et de dureté du verre lui permettent d’être utilisé tel quel, après un simple nettoyage), soit en suivant un circuit de recyclage après tirage et broyage, pour être réintroduit dans la fabrication sous forme de calcin. Si certains verres techniques


posent quelques soucis de recyclage, le verre courant, lui, peut se recycler indéfiniment sans perdre ses qualités.

// Traitement du verre // // Recuit

A l’issu de la mise en forme à hautes températures d’un élément (étirage, coulage, pressage, float, soufflage, etc.), il se produit dans le verre d’importantes tensions dues aux différents gradients de température. Si rien n’est fait pour équilibrer à nouveau la matière, les tensions peuvent littéralement faire exploser la pièce en verre. Le but du traitement de recuisson est donc de ramener ces tensions à un niveau acceptable, en réchauffant le verre, puis en le ramenant à la température ambiante par un refroidissement lent, contrôlé et le plus homogène possible. Cette opération permettra une découpe normale du verre.

// Trempe thermique

Cette fois, il s’agit justement de jouer avec les tensions internes du verre, mais de façon contrôlée. Le procédé consiste à chauffer l’objet considéré jusqu’à sa température de ramollissement puis à refroidir rapidement sa surface externe par soufflage (en quelques secondes le verre passe de 600°C à 300°C). Cette différence de température entre surface et cœur crée un état de contrainte permanente dans le verre dont la surface est mise en compression. La résistance du verre à la compression est bien plus forte que celle de l’extension, le procédé de trempe apporte donc une augmentation des propriétés mécaniques. Un verre trempé ne peut plus alors être découpé, et lors d’un choc violent, il se fracturera en une multitude de petits éclats non coupants.

// Trempe chimique

La trempe consiste de même à créer à créer des tensions en modifiant la composition chimique de la surface de l’objet en verre. On immerge la pièce dans une solution de sels fondus, le tout est chauffé à 400°C, il y a alors permutations entre la solution ionique et le verre, les échanges chimiques ayant pour effet de compresser les faces extérieures. Par rapport à la trempe thermique, cette technique a le double avantage de pouvoir être mise en œuvre pour des pièces minces ou des formes compliquées, et de conduire à des propriétés mécaniques cinq fois supérieures.

// Fabrication du verre // Le verre existe à l’état naturel, sans l’intervention humaine. Le verre livre du fond de ses entrailles du verre sous forme de roche magmatique (obsidiennes, tectites) et la foudre peut ; elle aussi, « fabriquer » du verre lorsqu’elle s’abat sur 85


du sable et le chauffe violemment (fulgurites). Le premier producteur mondial de verre n’est pas l’homme, mais une petite algue unicellulaire (diatomée) du fond des mers ! Cette plante rudimentaire sait se fabriquer une coque en verre aux formes complexes, grâce à un procédé de chimie douce encore mal connu. Elle synthétise du verre à partir des silicates présents dans l’eau (procédé sans fusion, dit solgel). Constituant du plancton, la masse de ce verre est considérable et dépasse largement la production humaine… La fabrication et le travail du verre ont connu de nombreuses évolutions au cours de l’histoire, passant de techniques rudimentaires de coulage et moulage de matière vitreuse impure pour obtenir des éléments massifs de petites dimensions (perle, boules, émaillage), aux magnifiques pièces des verres de Murano, de Bohème ou de Baccarat, qui font appel à une science alchimique et un savoirfaire hors pair. Une des plus importantes évolutions concernant ce matériau intervient sans doute au milieu du XXè siècle, lorsque la société anglaise Pilkington finalise le procédé de fabrication Float Glass. Ce mode de production du verre plat permet enfin une industrialisation lourde de ce matériau, rendant du même coup le kilo de verre moins cher qu’un kilo de pommes de terre ! Aujourd’hui, le verre plat est principalement fabriqué en suivant cette technique du float, les autres grands modes de mise en œuvre du verre étant le moulage – soufflage pour le verre creux, le filage à chaud pour les fils, fibres et laines de verre. Il subsiste encore une activité artisanale ou semi-industrielle de production du verre étiré et soufflé, notamment, mais aussi de soufflage à la canne, de moulage au sable, de fusing (morceaux de verres fondus et assemblés), de fabrication de pâte de verre, de travail des émaux…

Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p. 86


// Verre et Innovation // Les compositions affinées des verres, les ajouts hétérogènes (feuilletés, dépôts…) permettent de donner de plus en plus de qualité ou fonctions aux complexes verriers. On trouve aujourd’hui : Du verre thermochrome ou photochrome

Le verre change de couleur sous l’influence de la température ou du rayonnement UV.

Du verre électrochrome

Le verre change sous l’influence d’un champ électrique (par commande et ajustable).

Du verre chauffant

Une nouvelle génération de vitrages chauffants à l’usage du bâtiment et de l’électroménager. On utilise la couche métallique conductrice de certains verres (certains verres à couches à basse émissivité obtenues par pyrolyse).

Du verre autonettoyant

Un verre à couche de dioxyde de titane. Par effet photo-catalytique, l’oxyde de titane agit comme catalyseur. Sous l’effet des UV, ce dernier décompose les éléments organiques (salissures graisseuses).

Du verre à cristaux liquides

Un verre feuilleté composé de 2 verres et de 2 films intercalaires entre lesquels est placé un film « LC » (liquid crystal), film renfermant des cristaux liquides. Au repos, les cristaux liquides ont une orientation quelconque, le verre est translucide ; sous l’influence d’un champ électrique, ces cristaux s’alignent et le verre devient transparent. Les recherches actuelles portent principalement sur les capacités d’isolation thermique des verres, ce qui va permettre l’arrivée de vitrages isolants plus performants que les cloisons opaques. L’aérogel de verre, composé d’environ 95% d’air et le reste de verre, possède des propriétés isolantes exceptionnelles. La légende le nomme « fumée solide » et veut qu’un morceau d’aérogel dans votre main soit aussi léger que… rien ! Les nouveaux modes de production sans fusion du verre (procédés sol-gel) sont eux aussi très prometteurs et ouvrent la voie à des traitements de surface performants, en couches minces. C’est l’opportunité d’obtenir des verres dits hybrides, où minéral et organique (qui a du mal à supporter la chaleur, entre autres) se rencontrent.D’autres recherches sont en cours concernant des verres éclairants ou des verres super légers. Enfin, le verre intervient aujourd’hui dans le traitement des déchets radioactifs 87


ou toxiques (résidus d’épuration ou d’ordures ménagères, contenant des métaux lourds, par exemple). On procède ainsi au confinement des déchets par vitrification dans des verres borosilicates.

Tableau des principaux produits en verre Hegger Manfred , Fuchs Matthias , AuchSchwelk Volker , Rosenkranz Thorsten / Construire - Atlas des matériaux / Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) / 2010 / 280 p.

///////// Références ///////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////////// Hegger Manfred , Fuchs Matthias , Auch-Schwelk Volker , Rosenkranz Thorsten / Construire - Atlas des matériaux / Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR) / 2010 / 280 p. Kula Daniel , Ternaux Elodie , Hirsinger Quentin / Materiology - Matériaux et technologies : l’essentiel à l’usage des créateurs / Birkhäuser / 2009 / 400 p. Hegger Manfred , Drexler Hans, Zeumer Martin / Basics : Matérialité / Birkhäuser / Collection Basics / 2007 / 88 p.

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///Réappropriation / Détournement de la matière ///


Apres avoir pris notion des propriétés et des particularités de ces matériaux dits traditionnels, il est intéressant de confronter ces connaissances à la production architecturale actuelle. Le but étant ici de mettre en évidence l’évolution de la matière. Les références architecturales sont toujours source de réflexion et de retour sur le travail de conception, mais aident aussi à forger la personnalité de l’architecte, lui permettant de se positionner. Pour appuyer mon propos je me réfère à un corpus composé de six projets, un pour chacune de ces matières, reflétant une nouvelle approche de ces matériaux que ce soit d’un point de vue technique / de mise en œuvre / de matérialité. Ces analyses permettent de montrer l’évolution de ces matériaux et des différentes architectures qui requestionnent matérialité. Les projets présentés ici, sont choisis pour leur exemplarité dans leurs démarche, leurs réalisation, mais surtout dans leurs capacités à faire évoluer la potentialité dans la matérialité de ces six matériaux que sont la pierre, le bois, la terre, le verre, le métal et le béton. Ces projets font écho à une démarche contemporaine: ils traduisent la volonté des concepteurs de valoriser ces matériaux, de réhabiliter l’image traditionnel que l’on a de ceux ci, voir de les «détournés», et surtout de se les réapproprier sans négliger leurs principaux atouts.


// Chokkura Plaza // Architectes // Kengo Kuma & Associates Takanezawa / PrĂŠfecture de Tochigi / Japon / 2006

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La conception a été en grande partie inspirée par les caractéristiques de son matériel prédominant: la pierre d’Oya.

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Vue extérieure du centre social avec l’entrepôt plus ancien à l’arrièreplan.

Coupes et élévation de l’ancien entrepôt de riz.

L’entrepôt de riz proprement dit a été rénové et reconverti en centre de conférences et de réunions.

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Une section du bâtiment s’ouvre pour faire office d’abris


// Contexte / Situation / Programme //

Située à proximité de la station ferroviaire de Hoshakuji, la place dénommée Chokkura contient entre autre des équipements destinés à accueillir des expositions ainsi que des réunions locales, dans un emplacement contenant déjà une maison abandonnée de stockage de riz construite dans la pierre d’Oya.

// Démarche / Conception //

Ce bâtiment polyvalent et lieu d’exposition d’un seul niveau explore les possibilités offertes par un type de pierre. Kuma commença par s’intéresser à un vieil entrepôt de riz désaffecté en face de l’esplanade, construit dans ce matériau. Parce qu’il se trouvait juste à coté d’un ancien entrepôt de riz construit en pierre Ooya, l’architecte japonais a souhaité réutiliser ce même matériau d’une manière contemporaine. Cette Roche, très tendre et poreuse, propose une nouvelle architecture ferroviaire où priment habituellement le verre et l’acier. Kengo Kuma a tenté d’élaborer un bâtiment pouvant devenir la nouvelle image de la ville tout en rappelant le hangar de pierre.

// Espace //

D’une surface de 670 m² et voisine de la gare d’ Hoshakuji (elle aussi remise à neuf par Kuma), elle propose un plan d’une extrême simplicité, divisé presque à égalité en trois volumes principaux : café, boutique de souvenirs et petite salle d’exposition. D’une longueur de 8 mètres, ce pavillon englobe ces fonctions s’inscrivent dans un parallélépipède unifié par une toiture unique. Une section du bâtiment s’ouvre pour faire office d’abris ; le lattis d’acier de son plafond fait échos aux motifs de la façade et enrobe le vide avec douceur. L’entrepôt de riz proprement dit a été rénové et reconverti en centre de conférences et de réunions. L’ensemble des façades et de la toiture ajourées est donc réalisé en pierre, ici mise en œuvre de façon aussi singulière qu’identitaire de l’édifice.

// Solutions Techniques //

La pierre Ooya est unique dans la mesure où elle se caractérise par les mêmes propriétés que la terre c’est-à-dire la souplesse. La partie la plus souple et la plus marron de la pierre s’appelle « miso » ; elle résulte du terreau restant à l’intérieur de la pierre. L’oya comporte des trous et des dentelures dans lesquels s’insinuent la poussière et le substrat du sol, d’où son aspect moucheté de brun, de kaki et de gris. La portion brun foncé de la pierre est souvent appelée miso, par référence à la pâte de haricots utilisée pour la soupe japonaise du même nom. Si l’acier n’est à première vue que peu apparent, il joue pourtant un rôle essentiel dans la structure : pour conférer au bâtiment une certaine porosité, l’architecte a imaginé avec l’ingénieur et l’entreprise une structure métallique qui rigidifie l’ensemble et rend possible la mise en œuvre du matériau sous forme de tissage. Tout au long des façades, étirés et superposés des plats en acier supportent 95


Vues des intérieurs du centre social.

Schéma de principe de fixation de la structure en acier et les blocs de pierre d’Oya. Les plats en acier forment le squelette de la structure et les surfaces en pierre sont tissées entre eux. L’ensemble donne l’aspect d’un panier tressé.

Les surfaces des façades jouent avec la lumière et les transparences.

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des éléments en pierre. Le dessin des plats, tel une succession d’accents circonflexes, génère des jours successifs et la légèreté recherchée par Kengo Kuma malgré la robustesse du matériau utilisé. La pierre joue aussi un rôle structurel et ne se limite pas à un rôle de remplissage. Ainsi la combinaison ingénieuse de l’acier et de la pierre crée une nouvelle finition pour le matériau fini. // Mise en œuvre //

Les blocs de pierre ont été taillés dans la carrière locale puis acheminées sur le site. Les plats qui constituent la structure en acier ont été soudés sur place les uns aux autres puis fixés sur les blocs de pierre.

// Matérialité //

Dans Chokkura Plaza, la pierre semble former à la fois le revêtement et l’ossature par l’utilisation qui en est faite. Malgré la charpente et les soffites métalliques du bâtiment, la pierre ne constitue pas une mince couche de surface, mais des formes d’une réelle épaisseur. L’architecte a tiré parti de son aspect spongieux pour instaurer une trame alternant les pleins et les vides: Kengo Kuma joue sur la massivité de la pierre Oya qui est perforée et donne lieu à un filtre translucide. La construction ressemble à un ouvrage de vannerie, voire à un textile. Le niveau de signification du matériau se déplace pour définir une nouvelle qualité matérielle.

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// Maison Rauch // Architectes // Roger Boltshauser// Schlins / Vorarlberg / Autriche / 2008

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Littéralement sorti de terre – le matériau qui compose le bâtiment fut extrait sur place -, la maison en pente de Martin Rauch, réalisée avec l’architecte Roger Boltshauser, est un manifeste contemporain de l’architecture de terre à la fois techniquement rigoureuse et esthétiquement simple. Ce projet montre que l’ont peut utiliser une technique de construction archaïque de manière contemporaine.

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// Contexte / Situation / Programme //

Situé entre les villes de Feldkirch et Bludenz, Schlins est une petite commune dans la vallée Walgau dans le Vorarlberg. Le village abrite un certain nombre d’exemples de constructions en terre crue. Schlins s’est imposé comme un haut lieu pour ce type de constructions expérimentales. Martin Rauch, le spécialiste de la construction en pisé, a bâti cette maison d’habitation, pour lui et sa famille, en collaboration avec le cabinet d’architectes Boltshauser Architekten. Le principal objectif pour Rauch était de construire avec des matériaux qui n’ont pas besoin de beaucoup d’énergie primaire pour être transformées ou mise en œuvre.

// Démarche / Conception //

L’expertise de Rauch, en tant que constructeur et fabricant dans le domaine du pisé, a été combinée avec l’approche concise de conception de l’architecte. Ils ont répondu au terrain étroit et escarpé à travers la matérialité et la forme, le volume monolithique du bâtiment a été littéralement sculpté à flanc de colline. L’intégration de murs homogène et massifs en pisé dans une architecture qui possédait qualités spatiales et esthétiques s’est avéré une tâche difficile. Aussi, la réflexion sur la structure et l’éclairage naturel ont impliqués une attention particulière pour les ouvertures. Contrairement à d’autres constructeurs de pisé, Martin Rauch a pris la décision de ne pas utiliser de ciment dans sa maison. Bien que cette approche de maximiser la réutilisation des matériaux et de réduire au minimum l’utilisation d’énergie primaire, il dû réfléchir à des solutions structurelles innovantes et pousser les détails de construction plus loin que si il avait suivi un procédé plus classique.

// Espace //

La maison a été pensée sous la forme de séquences spatiales qui répondent, pour chaque étage à une fonction précise : nuit (deuxième étage), jour (premier étage) et service (rez-de-chaussée).Un porche d’entrée couvert, qui sert aussi de garage, conduit les visiteurs dans la résidence. Le rez-de-chaussée abrite un studio indépendant ainsi qu’un espace de stockage qui donne sur la roche du site. Un escalier en colimaçon dessert les trois niveaux. À l’arrivée au premier étage, l’ambiance rude et terreuse du niveau inférieur cède la place à la vie lumineuse et aérée, cuisine, salle à manger et des espaces. Un espace à double hauteur, éclairé au nord par une grande fenêtre à claire-voie, et deux terrasses s’ouvrent sur le paysage environnant. Le deuxième étage comprend une chambre, une salle de bains et un bureau, et se caractérise par un raffinement des finitions de surface. La chambre à coucher principale est située au dernier étage de la maison. La salle de bains attenante d’un carrelage en céramique, qui au mur, est agrémenté de disques de verre. 101


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// Solutions Techniques //

Le bâtiment se compose à 85% de terre du site sur lequel il est construit: les planchers et les plafonds voûtés, le plafond et les murs, les lavabos, carreaux, tuiles de la toiture et les escaliers - tous ont fabriqués à partir de l’argile seul matériau dans ses différentes formes. Au départ, tous les matériaux extrait du site ont été classés puis remixés pour être utilisé pour les différents usages et applications. L’utilisation de la chaux comme liant hydraulique au lieu de ciment ont permis à Rauch d’atteindre les qualités matérielles proches du béton.

// Mise en œuvre //

La construction a duré trois ans, car Rauch avaient d’autres projets en cours en Autriche et à l’étranger, temps qui lui a permis de bien planifier les détails et de réfléchir à toute les possibilités. La terre fut compactée dans les coffrages en utilisant marteaux-piqueurs, la densité et le poids des murs sont proche des valeurs du béton. Les murs porteurs périphériques de 45cm d’épaisseur étaient construits par tranches successive de trois mètres de haut, ils avaient le temps de sécher. Pour renforcer et protéger les murs, des rangées de tuile en argile ont été posées entre chaque couche. Les murs comportent des couches d’isolation en roseau, et les finitions intérieures sont recouvertes d’un enduit d’argile. Les sols sont en terre tassée et cirée.

// Matérialité //

Cette maison par Martin Rauch pour son propre compte est un exemple brillant qui montre comment il est possible de retrouver une technique de construction comme celle du pise qui était encore pratiquée couramment au début du 20e siècle mais adaptée cette fois a la construction contemporaine. Les couches brutes de terre compactée utilisées pour construire la maison racontent l’histoire de sa construction. La maison se développe à partir du matériau même si le caractère expérimental écologique et technologique est lié à une volonté de qualité formelle particulièrement ambitieuse. Rauch fait la démonstration avec sa maison que l’ancienne méthodologie du pise pourrait trouver de nouvelles perspectives dans les pays en voie de développement.

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// Kärsämäki Church // Architectes // Anssi Lassila //

Kärsämäki / Finlande / 1998-2004 Photos: Jussi Tiainen

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Le volume de l’église est épuré, creusé aux angles pour laisser pénétrer les visiteurs et filtrer la lumière, et révéler la boite méditative.

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Elegant travail de la matiere, selon les techniques d’antan. Le temps et la pattine font le reste.

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Le plan exprime bien l’enroulement des parois, accompagnant le visiteur et préservant le chœur des regards extérieurs.


// Contexte / Situation / Programme //

Consacré en juillet 2004, l’église Kärsämäki est édifiée au centre géographique « officiel » de la Finlande, à proximité du lac Pyhäjoki, sur le site d’une ancienne église du XVIIe siècle (démolie en 1841). C’est le doyen Jorma Niinikoski, le pasteur de Kärsämäki, qui a le premier avancé l’idée de la construction d’une nouvelle église. L’église a été construite, conformément à l’idée de l’architecte Panu Kaila, par les méthodes artisanales du 18ème siècle. C’est Anssi Lassila, à l’époque étudiant d’architecture à l’Université d’Oulu et aujourd’hui architecte enregistré, qui a gagné le concours de conception avec son projet intitulé Cantata (soit Cantate). L’église s’intègre par sa forme dans les bâtiments environnants et son architecture épurée poursuit la tradition d’églises en bois des anciens constructeurs issus du peuple.

// Démarche / Conception //

L’architecte Panu Kaila, expert des techniques de construction traditionnelles, a alors suggéré d’honorer la mémoire de l’église précédente par l’emploi de méthodes de travail et de matériaux du XVIIIe siècle mais de réaliser l’édifice dans un style architectural contemporain. Selon le procédé de boite dans la boite, Anssi Lassila mise sur un fort contraste entre l’écrin d’écailles de bois bituminés et la carnation de la chambre pieuse, entre rugosité du module répété et parois lisses disposées en lit horizontaux à joints creux. Les bardeaux et la fondation ont été faits par des bénévoles. L’ossature en bois équarri et les autres structures ont été construites sous la direction de professionnels. La construction de cette église a permis d’apprendre l’emploi des méthodes traditionnelles et de produire un matériel éducatif.

// Espace //

Sa forme est remarquable par sa simplicité expressive, un cube surmonté d’une toiture à quatre pans, pour une conception ingénieuse et tournée vers le détail. La charpente est est percée au sommet par un lanterneau, les arrêtes latérales des façades entaillées affirmant l’apparente lévitation du manteau protecteur de bardeaux comme carbonisés. En effet, ce voile d’écailles bituminées qui affleure le sol s’accroche à la structure principale, en retrait. Cette dernière définit les dimensions du chœur (un carré de 10 mètres de cotés). Entre peaux et structure, un déambulatoire de 2,50 mètres de large tout autour, ménage les accès (rampes), un vestibule, un vestiaire et des rangements. Un sas vitré assure l’isolement, et l’absence d’ouvertures latérales concentre la communion d’esprit sur le lanterneau zénithal. Aucun signe ostentatoire ni de la fonction, ni de la structure. L’ouverture des angles nord-est et sud-ouest intrigue par l’absence de poteaux, laissant deviner le volume intérieur, boite solidement appuyée au sol, sans regards direct sur son intimité. 107


Le vestibule s’ouvre vers le paysage forestier par ses ouïes verticales.

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Savant assemblage des pieces de structure qui se rejoignent au centre en un poincon. Contraste d’ambiance dans les circulations avec un parement clair et le ch’oeur se deployant en hauteur.


// Solutions Techniques //

L’église se compose d’un « cœur » en madriers équarris et d’un « manteau » en bardeaux goudronné noir. Cette solution est tant structurelle que fonctionnelle et vise à assurer une résistance optimale aux intempéries. La structure de poutres (12,7 x 12,7 cm de section) étirée au droit du lanterneau zénithal reprend en poinçon les efforts des parois périphériques, et les charges reportées des voiles en bardeaux. En résulte une croix rayonnante dans les trois dimensions. Des poutres aux angles triangulent l’ensemble de l’ossature.

// Mise en œuvre //

La construction s’est déroulée sur quatre années, au rythme des saisons, grâce à l’aide de quelque 200 bénévoles, étudiants venant de tous les pays. Il a été réalisé sans machines, ni électricité, ni béton. Des rondins de bois ont été abattus à la main et acheminés sur le site à cheval. Selon leurs dimensions, ils ont été équarris à la main ou dans une ancienne scierie, pour constituer la structure porteuse de l’église. Pas moins de 50 000 bardeaux en bois, pièces fendues puis taillée au couteau ont été nécessaires pour la toiture et le bardage. Les clous de fixation de ces pièces ont été forgés à la main par des forgerons estoniens et finlandais, soit 73000 attaches. Les ouvriers-bâtisseurs ont utilisé de vieux outils : haches, scies et ciseaux de charpentier. Les fondations sont réalisées à partir de pierre posées, taillées à la main. Les systèmes de levage ont été mis sur pied en 2001, la structure fut érigée in situ et les panneaux de bouleau de la toiture furent fixés. Les assemblages ont été exécutés à l’aide de goujons de bois (chevilles) qui maintiennent les poutraisons entaillées. La couverture et le bardage des parois furent posée en 2002.

// Matérialité //

La construction se fait abstraction, malgré son matériau, réel, brut, extrait du site, qui tend vers « une atmosphère d’une simplicité archaïque » selon les termes d’Anssi Lassila. C’est un projet unique, promotionnel du bois et du savoirfaire finlandais en la matière. L’association de pratiques de construction traditionnelles au langage formel actuel a lancé des défis aux concepteurs à maints égards, mais Panu Kaila peut maintenant dire avec certitude que les techniques de construction traditionnelle ne limitent pas nécessairement l’expressivité architecturale. L’église de Kärsämäki prouve clairement qu’il est possible de parvenir à la haute qualité d’une finition moderne en utilisant des techniques de construction durables, écologiquement saines et ayant passé l’épreuve du temps. Cette église est une véritable démonstration des savoir-bâtir avec le bois, l’expression habile, intelligente et très élégante de la culture finlandaise, où la tradition est mise au service d’une architecture contemporaine. On peut voir là, la nécessité ou le besoin de l’expérience intellectuelle, mystique même de la fabrication, ensemble, d’une construction pour la communauté.

« Le visiteur traverse un espace atmosphérique à l’éclairage diffus pour entrer dans le hall principal éclairé par le haut. La forme du bâtiment, dans laquelle il est aspiré à la clarté poétique, contient des références à l’histoire de l’architecture religieuse en bois comme à celle de notre temps », explique Anssi Lassila.

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// Echigo Naturelles

de

MusĂŠe des Sciences Matsunoyama // Architectes // Takaharu & Yui TEZUKA Architects //

Niigata / Japon / 2006

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Lors des chutes de neiges, cet edifice ressemble à un sous-marin avec sa tour comme périscope. Le musée ressemble plus à un vestige industriel qu’à un établissement culturel flambant neuf. La forme irrégulière de l’édifice et sa surface variée contribuent à son apparence unique. « Je voulais faire un bâtiment qui ressemble à une ruine » explique Takaharu Tezuka.

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A l’intérieur, un parcours sinueux dont la forme rappelle les sentiers de promenade des forets des alentours le guide le visiteur à travers le musée. Le plan, en forme de serpent, suit le modèle des chemins entourant le site. En raison de la charge de neige, les énormes ouvertures ont dû être faite d’acrylique, le matériau utilisé dans les aquariums.

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// Contexte / Situation / Programme //

Situé dans les montagnes de Matsunoyama, une région de la préfecture de Niigata connue pour ses fortes chutes de neige, Kyororo est une installation dédiée à des activités éducatives et de recherche dans le domaine des sciences naturelles. La zone entourant le site est célèbre pour ses belles forêts de hêtre. Les chutes de neige dans la région atteignent souvent 30 mètres par an et les congères peuvent monter à une hauteur de sept mètres, de sorte que le bâtiment doit pouvoir supporter une charge totale de quelque 2000 tonnes. Commandé pour le triennal 2003 Echigo-Tsumari Art, un événement régional qui comprenait la sculpture publique et de nouveaux bâtiments par le cabinet néerlandais MVRDV et basée à Tokyo, le projet occupe un site magnifique à 200km au nord de Tokyo, où les montagnes se champs autrefois cultivée pour le riz.

// Démarche / Conception //

L’installation a été conçue pour abriter à la fois une base permanente pour les scientifiques et les espaces d’exposition pour le grand public. Un grand accent a été mis sur l’intégration des milieux naturels et climatiques de l’environnement dans le concept. Conçu comme un sous-marin pour résister aux charges de neige massives, l’ensemble fait penser à un serpent se redressant car il est divisé en deux volumes avec une tour, dont la forme rappelle un périscope géant, et un rez-de-chaussée zigzagant. Plus haut que l’accumulation de neige, l’observatoire de la tour est l’endroit idéal pour étudier. Une entreprise spécialisée dans la construction navale a été appelée pour aider les architectes dans leur démarche.

// Espace //

L’installation a été conçue pour abriter à la fois une base permanente pour les scientifiques et les espaces d’exposition pour le grand public. Un grand accent a été mis sur l’intégration des milieux naturels et climatiques de l’environnement dans le concept : le rapport à l’extérieur est plus important que l’intérieur car l’environnement offre un enseignement sur la nature. La structure de la section a été inspirée par les hangars de la région qui protègent les routes locales de la neige. Et le plan horizontal, en forme de serpent, suit le modèle des chemins entourant le site. L’hiver les visiteurs sont dirigés par les congères qui donnent l’impression d’entrer dans un tunnel protégé contre les rigueurs du climat. La largeur du coffre à l’intérieur reflète la circulation des personnes, offrant de grands espaces à angles où les visiteurs pause pour observer la nature et de plus en plus étroites où ils marchent. À des moments clés à l’intérieur du bâtiment, des fenêtres, haute du plancher au plafond, donnent une vue spectaculaire sur le payasage environnant. Seule la tour panoramique de 34 m de haut est visible depuis le musée ; avec sa forme de serpent, le bâtiment principal de 160 m de long, avec des salles d’exposition, sa salle d’activités, sont café et ses salles de recherche, se cache tel un sous-marin sous les masses neigeuses.

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A chaque cassure du bâtiment, des fenêtres panoramiques de hauteur d’étage offrent l’occasion de se trouver face au thème de l’exposition, à savoir la nature environnante.

Les plaques de plâtres montées sur une ossature secondaire indépendante ne subissent pas les mouvements de l’enveloppe extérieure. L’espace intermédiaire permet le passage d’air chaud en hiver et d’air froid en été, ce qui assure un climat intérieur tempéré.

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// Solutions Techniques //

Pour pouvoir supporter les charges de la neige (1,5 t/m²), l’enveloppe est constituée de plaques de tôle en acier Corten de 6mm d’épaisseur, résistant aux intempéries, avec une surface oxydée rouge brunâtre sur une ossature en poteaux poutres d’acier. A la manière d’une bouteille thermos, l’enveloppe comprend deux couches séparées. Les variations de température ( -20°C en hiver et 45°C en été) expliquent que la peau extérieur en acier peut se dilater dans le sens horizontal jusqu’à 20cm. Ces dilatations longitudinales sont reprises par les appuis mobiles des poteaux métalliques sur les fondations. La structure n’est fixée qu’en trois points, de sorte que le bâtiment reprend toujours sa position d’origine. Les plaques de plâtres montées sur une ossature secondaire indépendante ne subissent pas les mouvements de l’enveloppe extérieure. L’espace intermédiaire permet le passage d’air chaud en hiver et d’air froid en été, ce qui assure un climat intérieur tempéré. Les nombreuses fenêtres sont des épaisses plaques d’acryliques transparentes à 98%. Le bâtiment est fixé aux fondations en béton avec un certain jeu afin de pouvoir laisser se dilater et se contracter l’enveloppe en CORTEN de 20 cm sur les 160m de long du bâtie.

// Mise en œuvre //

La structure en acier fut préfabriquée en usine et recouverte de plaque d’acier CORTEN de 6mm soudées entre elles directement sur site.

// Matérialité //

Dans se projet on peut voir que les connaissances techniques sont indispensables à la réalisation d’un tel bâtiment car les contraintes environnementales sont importantes. La maîtrise de la technique permet d’exprimer une idée forte, dans le processus de conception les architectes n’ont pas été freinés par la complexité de mise en œuvre. La construction de l’édifice a donc été influencée par son utilité. Aujourd’hui les connaissances techniques sont telles que tout est quasiment possible, la construction a laissé beaucoup de liberté à la conception architecturale, ce qui a permis aux architectes de jouer avec la matière et la forme et de donner une identité forte à leurs projet.

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// CrĂŠmatorium Meiso no Mori // Architectes // Toyo Ito & Associates //

Kakamigahara / Gifu Prefecture / Japan / 2002

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Floor plan

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03 12

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01 waiting room 02 storage 03 sub-entrance 04 dry area 05 telephone area 06 kitchenette 07 toilet 08 pump room 09 rest room 10 control room 11 furnace room 12 machine room 13 sub-entrance hall 14 hall 15 charnel 16 ante-room 17 administrative 18 valedictory room 19 inurnment room 20 entrance hall 21 windbreak room 22 lobby

Vues sur l’entrée : le dais de béton répond au mouvement de la colline. S’harmonisant avec les hauteure vallonées du paysage environnant, le funérarium de Toyo Ito est un lieu de médiation sereine, un volume dont les courbes organiques et sensuelles suggèrent une relation étroite avec la nature et avec l’ordre naturel des choses. La construction enveloppe l’extremité d’un petit plan d’eau.

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East-west section 01 dry area 02 control room 03 furnace equipment room 04 furnace room 05 hall 06 valedictory room 07 entrance hall 08 wind break room 09 pavement 10 drive way

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Le dais ondoyant est doucement éclairé par le dessous et le marbre poli s’épand comme une nappe d’eau sur le sol. Mais contrairement à l’eau, il remonte pour revêtir les habitacles intérieurs. Un couloir central sépare les salons d’adieu aux défunts et de rites funéraires, de l’incinérateur qui est complètement caché au regard. L’ondulation du toit recouvre des volumes rectilignes

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// Contexte / Situation / Programme //

Le crématorium est au cœur du cimetière, aux allures de parc, de Gifu, ville préfecture de 150 000 habitants, entre une colline boisée au sud et un étang artificiel au nord. La démolition du bâtiment d’origine a permis à Toyo Ito de réaliser une chapelle funéraire dégagée de tout contenu religieux.

// Démarche / Conception //

Il souhaitait créer un lieu de recueillement avec une liaison étroite avec la nature, soulignée par son écriture organique. Conçu par Toyo Ito, en collaboration avec l’ingénieur de structure Mutsuro Sasaki, ce travail poursuit les explorations de l’architecte sur l’ambiguïté spatiale. Au départ, l’esquisse était intuitives, basée sur la pratique, ses coordonnées spatiales ont été numérisées puis soumises à une analyse statique menée par ordinateur. Il est apparu nécessaire de minimiser les forces internes et d’assurer une pente suffisante pour l’évacuation de l’eau de pluie dans les têtes des poteaux. Des centaines de cycles de calcul ont fini par donner le modelé d’une forme optimale, inconnue dans sa version finale aussi bien par l’architecte que par l’ingénieur. L’architecte a cherché à dématérialiser la structure formelle en faisant flotter sur le paysage un vaste voile ondulant dans pour abriter les fonctions officielles du crématorium.

// Espace //

Le toit constitué de formes concaves et convexes de béton blanc de 20 cm d’épaisseur se prolonge sous la forme de 12 poteaux coniques et s’appui aussi sur le noyau de deux niveaux. Le toit couvert sert à protéger un écran de 19 mm de verre recouvrant l’ensemble du bâtiment. Des cubes habillés de marbre constituent des espaces introvertis dans lesquels les rituels des adieux, jusqu’à la crémation, peuvent se dérouler. Le plan intérieur est organisé autour d’un arrangement régulier rectiligne de chambres fonctionnelles et rituelles placées entre les colonnes comme fenêtre, décodeur-éclairé de la pierre de travertin. Au-delà de l’entrée, les visiteurs accèdent à deux domaines dans lesquels ils peuvent rendre un dernier hommage aux défunts. Un couloir mène à l’attente chambres et une salle avant d’entrer dans la zone de la crémation.

// Solutions Techniques //

L’architecte est arrivé avec la forme et l’ingénieur testa celle-ci grâce à la modélisation informatique, pour arriver avec une meilleure et plus élégante forme et raconte l’architecte comment le faire. C’est sur la base de ces données numériques que les éléments de la coque et les poteaux ont été préfabriqués. La mise en œuvre de toute la coque – seulement de faibles variations pouvaient être tolérées – et de la phase de bétonnage ont été un défi : seul le travail parfaitement exact avec un béton à durcissement rapide a permis de réaliser la coque dans une épaisseur régulière et homogène. Les colonnes servant à dissimuler les égouts des eaux pluviales semblent avoir été posé comme un avec le toit. 119


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// Mise en œuvre //

Un moule/coffrage en bois fut confectionné sur lequel venait reposer un tapis de renforcement métallique. Le béton fut projeté à l’aide d’un mélange à prise rapide pour éliminer la possibilité à celui-ci de glisser hors les sections courbes. La forme du toit a été déterminée avec précision, en utilisant 3700 points de contrôle sur une grille. Il a été construit par continuellement contre-vérifier la position de tous les points, un par un, avec des niveaux laser, pour assurer une profondeur constante de 200 sur toute la surface, avec une tolérance de 10 mm seulement. Une fois durcie, toutes les marques de niveaux ont été enlevées avec des machines de broyage puis rebouchées et lissées sur toute la surface du toit à la truelle avec un mortier pour créer une surface unique. Une couche imperméble à base d’uréthane a été ajoutée plus tard, pour compenser tout léger mouvement de la surface de béton.

// Matérialité //

On n’associe pas forcément la légèreté au béton armé et pourtant, le toit du crématorium «Meiso no Mori» – forêt de méditation – semble flotter au dessus du paysage. Le résultat est une architecture remarquable de légèreté, de fluidité édifiante. Le crematorium d’Ito, avec son toit de forme presque libre et la série de volumes plus logique qu’il recouvre, explore deux vocabulaires architecturaux. L’émotion intense qui se dégage de cette dualité prépare à la séparation ultime.

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// Laminata House // Architectes // Kruunenberg Van der Erve Architecten //

Leerdam / Pays-Bas / 2002

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Vue de loin, la maison ne présente rien de particulier. Mais en s’approchant, on perçoit sa légère luminosité due aux fines tranches des plaques de verre qui constituent ses façades.

Photos: © KRUUNENBERG VAN DER ERVE ARCHITECTEN

Le couloir semble creusé dans un bloc de verre. Pourtant, bien que massifs, les murs diffusent subtilement la lumière naturelle à l’intérieur de la maison.

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Concept d’assemblage des plaques de verre : 1 Bloc de verre feuilleté

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2 Découpe sinueuse 3 Rainurage des tranches pour créer des espaces internes

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1.!"#$%&## entrée 2.'"()&&*+)& couloir 3.,"%)*-#% toilettes ."-*/*$0 4.1"%#&&2(# cuisine 5.3"4-##5*$0"&))6 séjour 7"82-9"*$"(-)4#% 6.:";2%<&))6 terrasse ="4%>+? 7. chambre 8. salle de bains 9. placard 10. bureau

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Une séquence de coupes programmées lors de la conception du volume de verre organise la maison autour d’un séjour, avec des pièces secondaires de part et d’autre. Au centre du bâtiment, une cour intérieure desservant les deux niveaux apporte lumière et air frais. Le sous sol en béton abrite les espaces demandant d’avantage d’intimité.

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6

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// Contexte / Situation / Programme //

Le site est une parcelle résidentielle isolée proche de la ville de Leerdam, foyer de l’industrie du verre aux Pays-Bas. La construction résulte d’un concours lancé par l’association de construction et rénovation de logements, GWL Koopwoningen, pour marquer le 40e anniversaire de la société immobilière de la ville de Leerdam.

// Démarche / Conception //

La maison Laminata exprime un parti architectural entièrement nouveau, qui exploite le verre pour ses façades principales, mais non sous la forme courante de vitres ou de double vitrages. Ici, les murs et l’ensemble de la structure sont uniquement composés en verre. Ce projet expérimental audacieux crée une ossature en feuilles de verre, tout en répondant aux exigences d’intimité et de sécurité des habitants.

// Espace //

La maison occupe un terrain rectangulaire de 500 mètres carrés. Elle se présente comme une maison d’un seul niveau à toit plat. Sur plan, elle est fractionnée en deux parties dans le sens de la longueur ; la plus spacieuse accueille les surfaces principales, avec deux chambres doubles, une salle de bains commune et un bureau, la plus étroite un WC et un vestibule. Entre les deux ailes s’insèrent un espace séjour-salle à manger librement aménageable accompagné d’une terrasse , et une cour d’entrée à double hauteur descendant jusqu’a un niveau en sous-sol qui abrite un garage et un atelier.

// Solutions Techniques //

Ce volume massif de verre feuilleté est coiffé d’une couverture en contreplaqué. La construction est posée sur une dalle de béton et utilise le chauffage par le sol et un réseau de conduits électriques. L’épaisseur inhérente des murs absorbe le gain de chaleur extérieur et l’évacue sans le transmettre aux intérieurs, ce qui supprime les fluctuations thermiques et le besoin de climatisation pendant les mois d’été. La maison se compose de couches individuelles de verre feuilleté de un centimètre d’épaisseur, accolées verticalement sous la forme de 10000 feuilles séparées et découpées une par une et collées sur site par un joint à base de silicone, afin d’obtenir des formes de verres pleines dans lesquels les espaces internes sont évidés. L’épaisseur des murs ainsi façonnés va de 20 centimètres à 2 mètres. Le parcours incurvé du « couteau » qui incise le verre est particulièrement visible dans le couloir principal qui se prolonge sur tout la longueur nord-sud de la maison, de l’entrée principale au sejour. Ici, le verre enfle et s’affine en un volume sculptural harmonieux, et les bords vifs des feuilles de verre définissent un motif d’une opulence inattendue qui ondoie sur la surface des murs, encore rehaussée par le jeu de la lumière et de l’ombre. 125


D’étroits et longs vitrages transparents sont encastrés dans les murs en verre feuilleté afin d’obtenir des vues de l’extérieur nettement encadrées.

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La lumière variable qui traverse l’épaisseur inégale des murs crée un effet saisissant, passant de l’opacité dense et protectrice des murs les plus épais à la transparence limpide des plaques les plus fines. Les quatre ans et demi du programme de recherche, développement et construction s’expliquent en partie par la difficulté de trouver une colle satisfaisante pour assembler les feuilles de verre. Une solution révolutionnaire a été mise au point: une colle résistant aux UV et conservant une souplesse permanente, tout en répondant à la dilatation et à la fragilité du verre. Ce parti préserve un minimum de mobilité structurelle entre chaque feuille de verre et garantit la flexibilité de l’ensemble. Quant à la résistance, et bien qu’ne feuille de verre unique soit facilement pulvérisée par un marteau, le verre feuilleté ainsi associé se révèle plus robuste que le béton. // Mise en œuvre //

Si le concept mettait en œuvre un énorme bloc de deux mille plaques de verre, la construction la réalisation a exigé en fait treize mille éléments découpés en usine, puis méticuleusement ajustés et assemblés sur site.

// Matérialité //

La maison Laminata représente une prouesse exceptionnelle par son traitement de la lumière et sa masse volumétrique, comparable à celle de la glace. A la différence de projets expérimentaux antérieurs utilisant le verre comme matériau architectonique, en exploitant principalement sa légèreté apparente et sa transparence, Gerard Kruunenberg et Paul Van der Erve sont parvenus à renouveler les propriétés sensibles de la substance. Ici, le verre perd sa fragilité et acquiert masse et volume. Le résultat redéfinit entièrement son utilisation comme matériau de construction et signe d’une révolution architecturale.

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/// Conclusion ///



Le nombre croissant des matériaux a donné naissance à une nouvelle matérialité. Nous sommes loin de l’époque où le choix des matériaux résultait des ressources naturelles se trouvant à proximité de la construction (même si cela existe encore, ce n’est plus la norme). Cette réalité à donc remis en cause la place des matériaux et donc la matérialité dans le processus de conception. Il semble, suite à l’analyse de plusieurs projets, qu’il n’y ait pas une réponse mais une variété de réponses. Les études de cas ont mis en évidence une multiplicité d’approches de la matérialité dans le projet architectural, aussi bien dans la manière d’intégrer la matérialité au processus de conception, de faire évoluer les matériaux ou en détournant leurs sens. Quelle que soit le process, le choix des architectes est de plus en plus guidé par un désir d’effet visuel, d’esthétisation du bâtiment. Face aux innombrables possibilités, les architectes mettent à l’épreuve les matériaux. Ils testent de nouveaux assemblages, de nouvelles associations ou mise en œuvre, ils cherchent à trouver la face cachée des matériaux. Le choix des matériaux, leur emploi et le jeu de détails jouent un rôle décisif au sein du processus de conception. Même si la perception prime parfois sur les autres critères, de nombreuses dimensions sont à prendre en compte simultanément (mécanique, confort, environnementale, etc...). Il semble que la volonté d’expérimenter, de comparer les matériaux, de les sortir de leur contexte permet d’innover dans ce domaine. Les architectes cherchent avant tout à mettre en avant l’esthétique, à créer des effets, c’est ce qu’on appelle la matérialité. La façon d’intégrer la matérialité au sein du processus est des plus diverses. Quelle que soit l’approche, la matérialité ne peut être traitée indépendamment des autres données. Dans le processus de conception, il existe un aller-retour incessant entre la forme, les matériaux, les usages… il semble qu’il n’y ait pas de règle à ce sujet, certains architectes conçoivent à partir des matériaux, d’autres non. La mise en œuvre est un moyen pour les architectes de matérialiser, c’est-à-dire ce qui guide leur choix comme la dématérialisation, le changement de signification,… Pour certains architectes, l’innovation passe par ce biais et pensent que c’est dans la manière d’utiliser les matériaux qu’il y a beaucoup de choses à inventer. 131


L’approche de la matérialité est en pleine mutation, tant au niveau de sa position dans le processus de conception que des innovations de matériaux. Avec la production de formes toujours plus complexes grâce à la conception assistée par ordinateur d’autres question se posent : comment construire ces formes et avec quels matériaux ? En cherchant mon sujet de mémoire, je me suis interrogé sur les termes précis que je voulais développer : Matière ? Matériau ? Matérialité ? Ces notions, au premier abord si familières, semblaient se volatiliser au fur et à mesure que j’en tentais une définition. Je saisi très rapidement la vanité de l’entreprise. D’apparence banale, cette notion de matière m’a interpelé par ces nombreuses interrogations. L’une des difficultés majeures pour appréhender le concept de matière, est qu’il fait appel à de nombreux outils qui n’ont pas tous le même niveau de langage et d’approche. Expérience de perception sensorielle, description technique, théorie scientifique, approche philosophique, etc… Autant d’entrées qui croise des éléments de définition et qui m’ont porté à croire que cette notion de matière n’existait pas « matériellement » au sens commun du terme. Plaisir et frustration ont présidé à l’écriture de ce mémoire… Le plaisir simple de la matière et de son contact, le désir de la comprendre. La frustration récurrente de ne trouver que des ouvrages austères, nécessitant en général des pré-requis conséquent. Mon objectif n’était pas de realiser un travail de spécialiste, bien au contraire, mais d’apporter un premier niveau de compréhension des matières, pour conduire ultérieurement le lecteur à se tourner vers des travaux spécialisés si la curiosité lui en pique. L’architecture c’est aborder la transversalité, la globalité, la complexité de façon concrète en reliant des expériences, des savoirs, des techniques, des émotions, de la créativité appartenant à divers champs de pratiques pédagogiques et éducatives et à toutes les disciplines d’enseignement. L’arbitrage sur le niveau d’information à traiter est toujours difficile. Pour ma part, j’ai été guidé par la volonté de ne pas surcharger le contenu, d’aller à l’essentiel, afin de garder une fluidité et une unité de lecture.

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/// BIBLIOGRAPHIE ///


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