TOME_2
KAWÉNI ENTRE PAYSAGE DU RISQUE ET PÉDAGOGIE DE L’ALÉA
ENSAG_2017/2018 ARCHITECTURE_VILLE_RESSOURCES Tatsiana SMYKOUSKAYA _ Gaëtane ECHE
MASTER «Architecture, Ville, Ressources» 2017-2018
KAWÉNI TOME 2 ENTRE PAYSAGE DU RISQUE ET PÉDAGOGIE DE L’ALÉA
Tatsiana SMYKOUSKAYA _ Gaëtane ECHE
SOMMAIRE INTRODUCTION
PARTIE I
KAWÉNI : LES ALÉAS D’UNE FRONTIÈRE EN RECONVERSION..............p. 10 1.1 CARNET D’OBSERVATION : ENJEUX URBAINS À L’ÉCHELLE HUMAINE ........................................................p. 12 Kawéni Village : un quartier stratifié et enclavé Zone scolaire : les traces des flux et des appropriations ZIC : la façade occidentale, vestige de la colonisation 1.2 RENOUVELLEMENT URBAIN..........................................................................................................................p. 20 Une opportunité foncière, levier de continuité paysagère et urbaines Parcelle Cananga : entre crêtes et mangroves 1.3 L’ÉCOLE DES CONSTRUCTEURS DE LA MITIGATION ....................................................................................p. 32 Les aléas et risques naturels liés à une urbanisation galopante Auto-construction et identité communautaire Une programmation hybride pour les jeunes adultes du Village Approche sensible de l’aléa : l’Urbanisme de cycles 1.4 LE SOL ET SES EXPRESSIONS.........................................................................................................................p. 42
PARTIE II - LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE :
UN PAYSAGE DES FORCES TELLURIQUES..................................................................p. 44 2.1 LE SOL GÉOLOGIQUE : LA RAVINE, ÉLÉMENT PAYSAGER VECTEUR DE RISQUE........................................p. 46 2.2 LA RAVINE, COLONNE VERTÉBRALE DU PROJET PAYSAGER ......................................................................p. 50 2.3 TECTONIQUE DU PROJET : PRINCIPE DES MURS-DIGUES..........................................................................p. 54 2.4 L’ÉCOLE DES CONSTRUCTEURS DE LA MITIGATION : ENTRE LES MURS ....................................................p. 56 2.5 RAPPORT ENTRE LE GRAND PAYSAGE ET LE DÉTAIL CONSTRUCTIF Vers un régionalisme critique?...................................................................................................................p. 62
PARTIE III - LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DE LA CASE FAMILIALE:
PÉDAGOGIE DE L’ALÉA.................................................................................................................p. 66 3.1 LE SOL, PATRIMOINE EN HÉRITAGE ..............................................................................................................p. 68 3.2 PÉDAGOGIE DE L’ALÉA : L’ARCHITECTURE DE LA MAIN OUVERTE ..............................................................p. 70 3.3 L’ÉVOLUTIVITÉ DE LA MAISON, SIGNE DU PROGRÈS SOCIAL FAMILIAL. .....................................................p. 74
PARTIE IV - LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU QUARTIER ET DE LA VILLE :
UN QUARTIER EN ŒUVRE OUVERTE, ENTRE VILLE ET RAVINE........................................................................................................................p. 76 4.1 LE SOL, RESSOURCE FONCIÈRE RARÉFIÉE ....................................................................................................p. 78 4.2 LES ESPACES PUBLICS SÉCURISÉS.................................................................................................................p. 80 4.3 LE MUR-AQUEDUCS : VIABILISATION ET TRAME..........................................................................................p. 84 4.4 ECHOS DE KAWÉNI VILLAGE : UN PAYSAGE HYBRIDE TRANSCALAIRE........................................................p. 88 4.5 SCÉNARIO CATASTROPHE ET RÉSILIENCE........................................... ........................................................p. 92
CONCLUSION....................................................................................................................................................................p. 95 BIBLIOGRAPHIE..............................................................................................................................................................p. 96 TABLE D’ILLUSTRATIONS............................................................................................................................................p. 98
fig. 1: Graffiti sur le mur du stade de la zone scolaire de KawĂŠni, Mayotte
INTRODUCTION Dans le Tome 1 de ce mémoire, «MamoudzouDzaoudzi, Paroles à la Génération Département», nous nous étions appliquées à analyser les différences et les inégalités entre Grande Terre et Petite Terre au travers du regard des jeunes de la «Génération Département»,représentants involontaires des dualités de la culture mahoraise, désormais hybride, entre traditions et modernité.
Cet ancien cratère est un lieu phare de Mamoudzou, à moins de 5 minutes en voiture de l’embarcadère de la barge. Unique zone industrielle et commerciale de l’île, il s’agit également d’un des plus vieux quartiers du pôle urbain : c’est ici que la première usine de cannes à sucre s’est implantée en 1848, durant la colonisation de l’île.
Ces regards croisés nous avaient permis d’approcher une réalité vécue de Mayotte, dernier département français, victime de ces préjugés dus à la distance qui le sépare de la métropole et des vestiges du colonialisme.
De plus, Kawéni est la quartier le plus jeune de toute l’île : plus de 70% de la population à moins de 18 ans. Il ne s’agit pas pour autant de jeunes issus de la «Génération Département». Majoritairement nés de parents immigrés, parfois clandestins, les jeunes de Kawéni ne profite pas des avantages de la départementalisation. Discriminés, ils sont mis en marge de la société.
Dans la continuité de notre analyse dans le tome 1, nous avons arpenté le territoire de l’agglomération de Mamoudzou, qui s’étend sur plusieurs dizaine de kilomètres le long de la côte. A la recherche des accrocs dans le tissu urbain hétérogène, nous avons observé les lieux de tensions, de friction entre l’ancien et le nouveau, l’urbain et la nature, le traditionnel et le moderne. Bien que très dichotomique, et donc limitée, cette méthode d’arpentage nous a mené vers un quartier bien particulier de l’agglomération, donc nous avions brièvement parler dans le tome 1 : Kawéni.
Attractif par bien des aspects, le quartier n’en est pas moins en crise. Ségrégation, tension foncière, population fragile, zone naturelle en danger : la zone est en pleine reconversion, entamée par le programme d’aide de l’ANRU. Nous percevons le potentiel de ce quartier en terme de renouvellement urbain mais aussi en terme d’hybridité : à la fois contraint par le manque de foncier et les risques naturels qui menacent la ville, entre paysage urbanisé et nature volcanique, entre tissu urbain traditionnel et zone commerciale à l’occidentale, Kawéni se questionne sur son avenir.
7 Introduction
Au second semestre, nous avons eu la chance de pouvoir nous rendre à Mayotte. Projetées dans cette réalité que nous n’avions qu’entreaperçut, notre compréhension de l’île en a été bouleversée.
N
8
GRANDE TERRE
KAWÉNI
Mamoudzou
Agglomération de Mamoudzou
PETITE TERRE
9 Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
Agglomération de Dzaoudzi Dzaoudzi
0
500
1000 m
fig. 2: Carte des agglomérations Mamoudzou et Dzaoudzi
PENTES HABITÉES DU CRATÈRE
MAMOUDZOU CENTRE
ROUTE NATIONALE MANGROVES
KAWÉNI VILLAGE
I. KAWÉNI : LES ALÉAS D’UNE FRONTIÈRE EN RECONVERSION ZONE SCOLAIRE
ZONE ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE
fig. 3: Vue sur le cratère de Kawéni, Grande Terre, Mayotte
Le cratère de Kawéni est une zone urbaine polarisante de l’agglomération de Mamoudzou. Elle est composée de trois entités fortes : la zone commerciale et industrielle, le village et la zone scolaire. Ces trois entités s’opposent et se repoussent, chacune représentant une réalité des villes mahoraise. Le quartier du village, historique et fragile, fait aujourd’hui partie des quartiers prioritaires pour le renouvellement urbain. Un requestionnement du quartier est donc en cours, et nous avons voulu croiser nos observations sur le terrain avec les projet qui se dessine pour le futur village.
1.1 CARNET D’OBSERVATION : ENJEUX URBAINS À L’ÉCHELLE HUMAINE Lors de notre arrivée à Kawéni, nous nous sommes rendues compte que la meilleure façon d’approcher le site et ses habitants passerai par le dessin. Nous avons donc arpenter le quartier avec notre carnet d’observation à la main : en voici la restitution.
fig. 4: Carte mentale de Kawéni
KAWÉNI VILLAGE: UN QUARTIER STRATIFIÉ ET ENCLAVÉ Kawéni Village est un quartier extrêmement dense. Le village est séparé de ses entités voisines par différentes limites physiques comme la route nationale du coté de ZIC, ou la Ravine de la Poste du coté de la zone scolaire. Néanmoins, ce sont les limites symboliques de la ségrégation qui séparent le village du reste de la ville. Le quartier nous a marqué par sa densité, faite de bric et de broc. L’absence de foncier disponible a provoqué la densification de la ville par des constructions plus ou moins informelles avec un confort de vie insuffisant,non-raccordées aux réseaux ou sur des terrains à risques inconstructibles.
fig. 5: Carte mentale de Kawéni village
14 42% de construction en dur, reliée au réseau urbain
30% de construction en dur sans confort sanitaire de base
fig. 6: Niveau du confort des habitats à Kawéni village
. Les ruelles étroites et le voisinage proche représentent bien la spatialisation de la vie communautaire mahoraise, la rue étant comme l’extension des maisons, avec des petits commerces en rdc. Les rares espaces publics dans ce tissu labyrinthique sont des repères, comme les trois mosquées qui structurent le paysage. Dans le village sont dispersés des micro-espaces
fig. 7: Élévation de Kawéni village
28% de maisons en tôle (habitats précaires des pentes ou construits sur les toits)
publics à l’échelle communautaire comme les bornes fontaines qui deviennent de véritable lieu de socialisation autour de l’eau, une ressource partagée. L’évolution au coup par coup des maisons, sans PLU, a créé un effet de «patchwork» urbain, particulièrement visible sur les façade du village tournés vers la RN1, comme une vitrine étonnante.
1969
1989
2003
2017
fig. 8: Frise chronologique d’évolution de Kawéni village
1. L’installation
du village prés de l’usine Cananga en pieds de coteaux.
2. L’extension du village
vers l’Est sur une zone relativement plane grâce à l’aménagement de la RN1.
3. L’urbanisation progressive
et spontanée des hauts attend des zones aux contraintes topographiques de plus en plus importantes, et gagne des espaces cultivés.
4. En 15 ans, le village a
continué de s’étendre et de se densifier. Les constructions spontanées dans les hauts se sont
multipliées et agrandies.
15
Le quartier s’est densifié depuis 1987 avec le développement de la zone d’activité mais aussi car Kawéni est souvent le premier point d’ancrage des migrants comoriens, qui y retrouvent une communauté immigrées issue de la colonisation. Le village souffre donc particulièrement de la
discrimination et de la haine des mahorais envers leurs anciens frères des Comores : peu à peu, Kawéni se replie sur lui-même, enfermé par les murs qui se construisent autour de lui, la manière de la façade opposée sur la RN1, qui ferme le quartier à la ZIC.
Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
fig.9: Coupe de la rue principale : l’habitat se densifie horizontalement puis verticalement, sur les toits.
ZONE SCOLAIRE : LES TRACES DES FLUX ET DES APPROPRIATIONS La zone scolaire de Kawéni accueille aujourd’hui 10 000 élèves de tout âge, issus pour la plupart du Village. Le site de l’entreprise Cananga, entre le Village et la zone scolaire est marqué par un grand flux de jeunes, qui traversent le site par le «Chemin des Zebus». L’installation sur l’axe de cette traversée de la MJC favorise l’appropriation informelle des écoliers et de leurs mères. Les autres équipements publiques, comme les stades, sont aussi des lieux de socialisation et de recréation pour les jeunes. fig. 10: Carte mentale de Kawéni zone scolaire
16
Cette zone monofonctionnelle est donc entièrement dédiées à l’éducation des enfants, de 2 à 18 ans. La scolarisation obligatoire et publique est l’une des avancées sociales majeures depuis la départementalisation. Neanmoins à Kawéni, 42 % des jeunes de 15 ans et plus ne sont pas inscrits au lycée et 68 % des habitants du Village n’ont pas de diplômes qualifiants.1 1 La Fabrique Urbaine, «NPNRU du quartier prioritaire de Kawéni. Phase Appropriation du territoire - Enjeux.», septembre 2017.
fig. 11: Élévation de Kawéni zone scolaire
8 écoles
3 collèges
2 lycées
1969
1989
2003
2017
fig. 12: Frise chronologique d’évolution de Kawéni zone scolaire
1. La zone scolaire était à l’origine une zone vierge de toutes constructions destinée à la culture.
2. L’urbanisation de la zone est initiée sur sa frange sud le long de la seule voie qui pénètre dans le site Cananga.
3. Plusieurs équipements scolaires sont construits, et une frange nord habitée s’urbanise le long du chemin existant. La zone maraîchère est ainsi contournée, et l’urbanisation de la zone s’opère par les franges et le long des voies aménagées.
4. L’urbanisation par la frange s’est prolongée avec la construction de nouveaux équipements au nord. Cependant, aucune autre voies de desserte n’a depuis été créée. Ainsi, le cœur de la zone scolaire reste encore aujourd’hui un espace végétalisé
17 Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
fig. 13: Vue sur le marché spontané des femmes, sur le terrain vague de l’entreprise Cananga Il n’y a pas de cantines scolaires, les enfants viennent donc se nourrir à l’extérieur pendent la pause.
ZONE D’ACTIVITÉS : LA FAÇADE OCCIDENTALE, VESTIGE DE LA COLONISATION La zone d’activités de Kawéni est le coeur de l’économie mahoraise. Située entre la RN1 et la mangrove, elle tourne le dos au village de Kawéni et à la zone scolaire, séparée par le flux constant de voitures, rythmé par les mouvements pendulaires des travailleurs et clients de la zone. On y trouve de grandes enseignes à l’occidentale (Tati, HD, l’équivalent de nos supermarchés, Opel, Toyota, etc...) ainsi que des industries du BTP. La ZAC concentre la majorité des emplois de l’île ainsi que l’offre commercial à l’occidentale, inaccessible aux mahorais des classes les plus pauvres, dont font partie les habitants de Kawéni Village, de l’autre côté de la RN1.
fig. 14: Carte mentale de la ZAC, un paysage de frontières et d’impasses, entre la RN1 et la mangrove.
18 58% Commerces
25% Industrie
17% Services fig. 15: Paysage de containers, symbole d’une société de consommation à l’occidentale
fig. 16: Élévation de Kawéni ZIC : totalement fermée sur Kawéni Village, la ZIC se protège...
1969
1989
2003
2017
fig. 17: Frise chronologique d’évolution de Kawéni ZIC
1. La plaine de cratère
est un lieu d’implantation propice à l’agriculture durant la période coloniale. Peu à peu, les ravines sont canalisées afin d’irriguer les plantations de cannes à sucre et d’ylang ylang.
2. Avec la fin de
l’agriculture de fleurs à parfums, les grands propriétaires vendent peu à peu leur terrain le long de la route, future RN1.
3. Les industries
grignotent de plus en plus les terrains sur la mangrove. Les grands terrains commecent à se subdiviser afin d’accueillir de nouvelles activités. La zone se densifie.
4. La ZIC est à l’aube de grandes transformation, avec le départ des dernières grandes industries, délocalisées au Nord. La question se pose de la reconversion de l’offre commerciale. La mangrove recule toujours plus, la Nature et ses traces ont quasiment disparu.
19 Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
fig. 18: Façade aveugle de climatisateurs, symbole d’un confort occidental, qui tourne le dos à la ravine
N
Majicavo Koropa
20
RN1
Cananga Kawéni
Port de Mamoudzou
Mamoudzou Cavani fig. 19:Figure urbaine choisie: les traversées paysagères et notre site de projet 0 100 200
500 m
1.2 RENOUVELLEMENT URBAIN : Une opportunité foncière levier de continuité paysagère et urbaines Kawéni est une zone clés de l’agglomération urbaine de la capitale mais aussi dans le fonction générale de l’île. C’est aussi une zone fragile et divisée, comme nous l’avons vu dans notre arpentage. A ce titre, elle fait partie, depuis 2015, du Nouveau Programme de Renouvellement Ubrain de l’ANRU. C’est le premier quartier de Mayotte a profité de cette aide de l’état, depuis la départementalisation. Nous avons eu la chance, durant notre arpentage, de pouvoir rencontrer et discuter avec les acteurs politiques et associatifs du quartier mais aussi avec l’équipe de maîtrise d’oeuvre en charge du NPNRU. Nous avons eu accès à leurs documents de travail et à leur premières hypothèses urbaines pour la zone du cratère.
Nous nous sommes inspirées de ce travail, tout en prenant en compte nos observations sur place. Notre arpentage et nos recherches nous ont mené vers un site à la frontière des trois identités de Kawéni : le site Cananga. Rue des Crêtes
RN1 boulevard urbain
La parcelle en reconversion est donc potentiellement à vendre, le conseil départemental est le premier intéressé : cette parcelle pourrait sans doute jouer un grand rôle dans le projet de renouvellement urbain financé par l’ANRU, étant donné la tension foncière de la zone. Le site est d’autant plus intéressant qu’il se situe entre pentes et mangroves : son potentiel paysager est accentué par son histoire agricole. Il est bordé au Sud par une ravine canalisée qui se déversé dans la mangrove. Nous percevons le potentiel de ce site en terme de foncier mais aussi de façon plus symbolique : à la frontière de la ZIC, du Village et de la zone scolaire, le projet du site Cananga pourra peutêtre réconcilier les trois frères de Kawéni. Nous faisons donc le choix de nous concentrer sur la parcelle Cananga comme pièce urbaine à reconvertir. La vitrine maritime
Le triptyque Rue active
fig. 20: Concepts urbains et figures de projet
21 Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
La Fabrique Urbaine, l’équipe d’architectes et d’urbanistes en charge, a ainsi illustré quatres situtions urbaines potentielles pour le renouvellement de Kawéni: un boulevard urbain le long de la RN1, une route secondaire sur les crêtes pour soulager le traffic intense du quartier, une rue active dans la zone commerciale et enfin, les traversées paysagères d’ouest en est, des pentes jusqu’à la mangrove.
Cet immense site de plus de 15 hectares appartient au groupe historique Cananga, groupe héritier de SPPM, premier exploitant agricole de Kawéni durant la période coloniale. Aujourd’hui, Cananga considère quitter son site historique pour développer ses activités industrielles au nord de l’île.
N
Entreprise Cananga Tour de Cananga MJC
TATI
Poste
PARCELLE CANANGA : ENTRE CRÊTES ET MANGROVES
Le site de projet est une longue bande de terre, perpendiculaire à l’axe très passant de la RN1. On y trouve un tissu urbain disparate, parfois densemment construit, pafois laissé à l’abandon.
RN 1
A l’ouest, proche des pentes, l’entreprise Cananga, propriétaire de la parcelle, a construit ses entepôts de logistique. Puis une terrain vague sert de zone tampon entre la zone scolaire et Kawéni Village, appréciée des enfants qui en fait leur terrain de jeu.
Bureaux
Proche de la RN1, des grandes enseignes métropolitaines offrent leur vitrine achalandée, tandis que l’est du site est dédié à une zone industrielle de logistique appartenant elle aussi à Cananga.
fig. 21: Vue aérienne du site Cananga, Kawéni, Mayotte
REPÈRES VERTICAUX
fig.22: (Vue 1)Vue depuis la route nationale vers la Mosquée du vendredi fig.23: (Vue 2)Vue de l’ancien tour de l’usine de Cananga que les habitants appellent «minaret»
2
1
LA RAVINE CANALISÉE
fig.24: (Vue 1)Vue de la Ravine de la Poste en direction de la tour de Cananga fig.25: (Vue 2)Vue vers la Ravine de la Poste en direction de la mangrove
12
TRACES DES FLUX
fig.26: (Vue 1)Chemin des zĂŠbus sur le site de Cananga
1
TENSION ENTRE NATURE ET VILLE
fig.27: (Vue 1) Le tension entre la ville et la nature
fig.28: (Vue 2)Ravinement des fondations par la ravine
fig.29: (Vue 3) Bidoneville en pente inconstructible Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
2 fig.30: (Vue 4)Destruction des habitats par le glissement de terrain
3
1
N
32 0 100
200
500 m
fig. 31: PPRN de Kawéni
Légende: aléa faible mouvements indifférenciées aléa moyen chutes de blocs dominantes et glissements de terrains aléa fort chutes de blocs dominantes et glissements de terrains aléa moyen glissements de terrains dominants et chutes de blocs aléa fort glissements de terrains dominants et chutes de blocs
fig.32: La croissance urbaine sur le terrain de l’aléa, Kawéni
1.3 L’ÉCOLE DES CONSTRUCTEURS DE LA MITIGATION LES ALÉAS ET RISQUES NATURELS LIÉS À UNE URBANISATION GALOPANTE Comme nous l’avons vu dans le Tome 1 de ce mémoire et dans l’analyse géologique du sol, Kawéni est représentatif de la situation générale de Mayotte en terme de risques naturels. De par sa géologie, sa topographie, sa situation géographique et de par les effets du réchauffement climatique, Mayotte est soumise à de nombreux aléas naturels. Le
territoire est exposé à 6 des 8 aléas majeurs définis par le Ministère de l’Environnement : mouvements de terrain (glissements et chutes de bloc), inondations (débordements et ruissellements), séismes, tsunamis, feux de forêts et cyclones.
potentielle de l’aléa sur un espace habité : sans hommes ou d’habitations, pas de risque. C’est la raison pour laquelle le risque et
l’urbanisation de l’île sont indissociables. L’Etat français est responsable de la gestion, de la sensibilisation et de la prévention en cas de risques majeurs. Pour cela, il a plusieurs outils et plusieurs acteurs vers qui se tourner. L’un des documents les plus importants en terme de mitigation du risque est le PPRN : le Plan de Prévention des Risques Naturels. Il est établi par la préfecture et validé par le conseil municipal qui a la charge de faire correspondre le PLU avec les zones délimitées. Il s’agit d’une servitude d’utilité publique associée à des sanctions pénales en cas de non-respect de ses prescriptions et à des conséquences en terme d’indemnisations pour catastrophe naturelle.
1 Dossier des Risques Majeurs.
De fait, face à la pression foncière, ce sont les populations les plus pauvres et les plus fragiles qui font fi des prescriptions publiques et construisent leurs maisons sur les terrains délaissés à risque. Ainsi, les pentes abruptes et les lits des ravines sont souvent urbanisés par des bidonvilles (ou bangas), qui se reconstruisent de bric et de broc aussi vite que les rythmes des saisons, comme ceux que l’on retrouve sur les hauteurs du village de Kawéni, s’étendant rapidement au cours du temps. Les collectivités territoriales, impuissantes, ferment les yeux sur ces situations, au risque de mettre la vie des habitants en danger. Chaque année, plusieurs dizaine d’habitants des bidonvilles meurent, emportés par les coulées de boue, inondations ou dans l’effondrement de leur habitat de fortune en tôle. Cette situation choquante ne peut pas être réglée seulement par l’architecture ou l’urbanisme mais aussi par une sensibilisation au long terme des habitants par les collectivités et par la prise en compte réelle des dynamiques socio-économique du développement urbain.
33 Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
D’après le Dossier des Risques Majeurs, document produit par la préfecture de Mayotte, le risque majeur se définit comme «un phénomène d’origine naturelle ou technologique dont les conséquences sont catastrophiques pour la collectivité»1. Le risque est donc la conséquence
Néanmoins, à Mayotte, les collectivités territoriales ont encore du mal à faire respecter ces documents face à l’urbanisation galoppante et au manque de sensibilisation des populations.
3 34
fig. 33: Maison familiale mahoraise en chantier
AUTO-CONSTRUCTION ET IDENTITÉ COMMUNAUTAIRE
L’État français est responsable de la prévention et de la protection des biens et des personnes face aux risques naturels1. Mayotte est un territoire où cette mission est difficile à accomplir, du fait de son développement rapide et du manque d’infrastructure. Depuis 1976, la population de l’île est passé de 47 274 à 256 278 habitants, avec un accroissement moyen de plus de 4.1%. Cette croissance exponentielle s’accompagne d’une densification urbaine intense dans un contexte de tension foncière qui a entraîné à une augmentation du prix des terrains.
Ce réseau alternatif et communautaire repose sur le savoir technique de quelques habitants qui ont parfois été formés en France, ou bien par copie des modèles occidentaux importés. Ce savoir-faire, ces
techniques constructives sont également issues des traditions mahoraises : les jeunes mahorais sont censés partir du foyer familial et construire leur banga, sorte de case, eux-même4.
des logements en durs, construits avec des matériaux monolithiques et importés, les techniques constructives ont évoluées mais ne répondent pas aux enjeux des risques naturels auxquels elles sont soumises. Les mahorais utilisent souvent le mot «magnégné» qui signifie un travail mal fait en shimaoré pour qualifier les maisons construites à la va-vite, sans réel savoir-faire ou qui ne perdurent pas dans le temps : en moyenne, l’espérance des maisons mahoraises est de 30 ans5. Face au prix du foncier, les mahorais n’ont souvent pas le choix : l’argent va dans le terrain, qui prend rapidement de la valeur, plutôt que dans la maison en elle-même, dans les matériaux ou dans l’emploi d’ouvriers qualifiés. Ce choix économique peut néanmoins avoir des conséquences dramatiques en cas de catastrophes naturelles. Pourtant ce système communautaire de construction semble être l’une des seules solutions face à la demande en logement et à la densification urbaine. Comment faire en sorte alors que ces savoirs-faire puissent participer au renouvellement urbain de Kawéni, tout en assurant la sécurité des habitants ?
Quelle place laisser à l’aléa(toire) dans la ville mahoraise, dans le contexte du renouvellement urbain ?
1 2 Pôle emploi, Dossier annuel 2016 3 DRAC, «Architecture Mahoraise» 4 Voir Tome 1 : «Mamoudzou-Dzaoudzi, Parole à la Génération Département». 5 DRAC, «Architecture Mahoraise»
35 Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
Bien que le secteur du BTP soit l’un des plus florissant de Mayotte2, le manque de logement se fait sentir : il manquerait plus de 50 000 logements décents aujourd’hui sur l’île3. Les habitants n’ont pas attendu une réponse de l’Etat : ils ont créé leur propre réseau de construction. Grâce à l’entraide et à la thésaurisation des matériaux, ils construisent eux-même leur logement.
Malheureusement, ces savoirs-faire sont rarement para-sinistres. Depuis l’apparition
CAMPUS URBAIN DES TECHNIQUES CONSTRUCTIVES TROPICALES
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Pédagogie Lot 1 GROS OEUVRES
Pédagogie Lot 2 SECONDS OEUVRES
Pédagogie Lot 3 RESEAUX
Stage Pratique CHANTIER
Fondation Maçonnerie Couverture
Menuiserie Revêtement Mobilier
Réseau humide Réseau sec Protection solaire
Construction de logements pour les habitants de Kawéni village
3 mois
6 mois
9 mois
12 mois
UNE PROGRAMMATION HYBRIDE POUR LES JEUNES ADULTES DU VILLAGE Nous avons commencé le récit du premier tome de ce mémoire par les récits des jeunes mahorais de la «Génération Département». Ces jeunes, entre 21 et 28 ans, ont tous eu l’opportunité de partir étudier en France métropolitaine : ils font en ce sens d’une partie privilégiée de la population mahoraise. Beaucoup n’ont malheureusement pas cette chance. Avec une seule université sur l’île et un taux de déscolarisation à partir de 15 ans de plus de 75%1, les jeunes mahorais ne semblent pas avoir d’avenir professionnel assuré. Seulement 26.8% des jeunes ont un diplôme qualifiant (dont 8.1% de bacheliers) contre 68,5% en France métropolitaine2. L’égalité réelle semble donc bien loin, d’autant que ces jeunes de moins de 20 ans représentent plus de 60% de la population mahoraise.
enfermé par les préjugés et la misère social.
Ces jeunes laissés sur le carreau par l’Éducation Nationale sont pourtant les futurs travailleurs de Mayotte. Or, le travail ne manque pas dans ce département en construction : infrastructure, écoles, systèmes de santé, loisirs, commerces et services, tourisme, tous ces secteurs n’aspirent qu’à se développer et à employer des mahorais qualifiés.
jeunes dans les secteurs les plus dynamiques et vecteurs d’émancipation sociale.
Nous proposons donc une formation professionnelle aux techniques du bâtiments en zones à risques afin de répondre à la demande de logement et de permettre à une jeunesse délaissée de trouver sa place dans la société mahoraise. La formation devient alors un vecteur de désenclavement urbain et social pour les jeunes adultes du quartier. Cette École des Constructeurs de la Mitigation s’inscrit dans un campus urbain, une large bande active qui mêlera les trois identités de Kawéni : commerces, éducation et logements dans un grand parc urbain. La pédagogie de l’école est tournée vers la
prise en compte des techniques constructives et des moyens locaux ainsi que leur amélioration afin de réduire la vulnérabilité physique et économique des habitants. Deux
types de formations professionnalisantes sont proposées : une formation longue, qui qualifie les étudiants dans les trois domaines de la construction (Réseaux, Gros œuvre et Second œuvre) durant un an, ainsi qu’une formation de 3 mois sur l’un des trois domaines du bâtiment. L’école aura aussi pour ambition de répondre de façon ciblée à la crise du logement et à la demande très forte en habitats décents : les étudiants participeront, avec les habitants, à la construction de plusieurs logements qui viendront s’étendre dans le parc. Ils mettront ainsi en pratique leur apprentissage, partageront leur savoir avec les habitants et mettront en valeur leur quartier.
1 INSEE, «Trois mahorais sur quatre sans diplômes», Dossier «Formation et emplois en 2014» 2 ibid. 3 Ibid. 4 Ibid.
37 Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
Dans le village de Kawéni, la situation est encore pire. D’après l’INSEE, l’absence de diplôme qualifiant est lié au lieu de naissance3. Or, à Kawéni, plus de 70% de la population est d’origine comorienne4. On peut donc supposer, d’après les chiffres de l’INSEE, que plus 90% des jeunes de Mayotte resteront sans diplômes qualifiants. Le quartier est encore enclavé,
C’est précisément ce point que nous voulons développer : pour que Mayotte obtienne l’Egalité Réelle, il faut donner aux mahorais de demain les moyens de construire ce département. Cela passera, selon nous, par la formation des
CAHIER DE CHARGES 1. Ecole ; Unité pédagogique x 3 atelier artisanal 150 m² salle de cours 50 m² x 3 stockage des matériaux 70 m² amphithéâtre / refuge collectif 200 m² accueil/gestion du quartier 50 m²
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2. Extension du quartier
3. Usine coopérative de BTC
Logements individuels
fabrication / séchage 600 m² stockage / vente 300m²
4. Commerces
5. Bureaux
6. Parc urbain Aménagement paysagère, ludique et sportif
Total: 15 ha
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39 Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
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fig. 34: Plan guide du campus urbain à Kawéni
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1 an : cycle pédagogique
40 fig. 35: Schéma des cycles du projet
6 mois : cycle saisonnier
Lexique du projet Aléa naturel: «Evénement qui a pour origine un phénomène naturel. Il s’agit donc d’ un évènement à probabilité non nulle qui a sa source et se développe initialement dans un milieu naturel (eau, air, sol).»1D’après le directeur de la Stratégie Internationale pour la Réduction des Catastrophes c’est «l’Homme qui 2 transforme l’aléa naturel en catastrophe.» Risque majeur: «Le risque majeur est un phénomène d’origine naturelle ou technologique dont les conséquences sont catastrophiques pour la collectivité.»3 Mitigation: «Limitation, en tout ou en partie, des conséquences négatives du risque qui sont considérées comme inévitables ou probables.»4 1 Glossaire GéoRisques, en ligne : <georisques.gouv.fr> 2 Article du Monde, le 27.08.2018, en ligne 3 Dossier des risques majeurs, Préfecture de Mayotte, mai 2010 4 Marco Stathopoulos, , dans Qu’est que la résilience urbaine?, revue Urbanisme n°381
Résilience: «Contrairement à la ville stable, sécurisée, hiérarchisée, optimisée et normée, chère au développement durable, la ville résiliente est flexible et transformable. Le risque fait partie de ses fondements, tout comme les ressources qui peuvent s’en5 dégager…. La crise est révélatrice d’opportunités…» , ou encore «la résilience, c’est à la fois parvenir à réduire la vulnérabilité d’un territoire, faire d’un risque un «atout» de son projet de développement, et rendre ainsi ce territoire plus facilement adaptable aux événements à venir.»6 Réduction de la Vulnérabilité: Action coordonnée afin d’éviter, de soustraire ou d’atténuer les effets des risques sur les biens ou les personnes. Cela nécessite que les degrés de vulnérabilité aient été établis en amont.
5 Marco Stathopoulos, , dans Qu’est que la résilience urbaine?, revue Urbanisme n°381 6 Vocabulaire de la gestion du risque, Office québecois de la langue française, en ligne
APPROCHE SENSIBLE DE L’ALÉA : L’URBANISME DE CYCLES Face aux risques naturels auxquels la ville est soumise, l’architecte-urbaniste peut adopter plusieurs postures dans son approche : l’opposition, symbolisée par les grandes infrastructures parasinitres, le retrait, c’est à dire l’évitement du risque, la sanctuarisation de la zone touchée ou bien la résilience du système. D’après nous, l’architecte doit savoir quand faire barrage et quand s’incliner face à la force de la Nature. Il ne s’agit alors pas d’un abandon mais d’un recours à une force équivalente : la résilience des systèmes humains. La résilience est un concept galvaudé dans le domaine architectural. Il représente pourtant un dynamique intéressante à l’échelle du territoire. Elle peut par exemple être appliqué à la planification urbaine et territoriale grâce une démarche : l’urbanisme de cycles1.
Ce nouvel urbanisme des cycles «substitue aux stratégies d’effrois et de régulation techniques une hypothèse où l’incertitude, les variations et le mouvement de la Nature redeviennent une ressource et se combinent avec une intelligence collective renforcée, des solidarités humaines et 2 des savoirs-faire urbains exacerbés. » .
1 Bonnet F., «Atout Risques», 2015, Paris 2 Bonnet F., «Atout Risques», p.46 3 Eco U., «L’oeuvre ouverte», 2015, Paris, Point.
Nous nous inspirons de cette démarche pour penser notre projet dans le long terme. Notre projet s’inscrit ainsi dans des cycles courts, saisonniers, pédagogiques, des cycles de vie des bâtiments mais aussi les cycles des catastrophes naturelles et ceux du ré-questionnement des modes de vie. Au cours du temps, les risques changent, évoluent, s’intensifient ou plus rarement disparaissent. Il convient donc de ré-évaluer constamment les zones à risques et les documents officiels qui les délimitent. Le projet n’est en ce sens pas fixe, il est constante évolution, dans un processus itératif qui fait écho à la pédagogie de l’École. La résilience des habitants de Kawéni, qui font évoluer leur habitat et leur quartier face à l’adversité est ici une ressource inestimable, que l’École mettra à l’oeuvre dans des cycles plus courts, pédagogiques et architecturaux, en construisant et reconstruisant sans cesse le nouveau quartier adjacent. Nous faisons ici appel à la théorie d’Umberto Ecco de l’œuvre ouverte3: le projet n’est pas une fin en soi, mais un canevas, sur lesquels les habitants et usagers peuvent projeter leur vision, leur envie, et en ré-dessiner constamment la forme, au sein de la trame que nous dessinons.
41 Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
Nous nous sommes ainsi inspirées du travail des Ateliers Nationaux «Territoires en mutation exposés aux risques», menés par Frédéric Bonnet. Aux travers de ces ateliers proposés par le Ministère du Logement et de l’Égalité Réelle des Territoires à différentes communes, l’équipe pluridisciplinaire de F. Bonnet s’emploie à interroger le rapport de ces territoires, souvent en reconversion agricole ou industrielle, avec le(s) risque(s) qui les balaie(nt) régulièrement.
Transcalaire, l’urbanisme de cycle insiste sur les complémentarité des territoires, sans chercher à aménager avec la même intensité et les mêmes moyens toutes ses parties : il s’agit en ce sens d’une approche véritablement territoriale.
1.4 LE SOL ET SES EXPRESSIONS
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fig. 36: Coupe synthèse des sols
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Afin de problématiser notre site projet, nous décidons de parler d’une de ses composantes fondamentales : son sol. Le sol à Mayotte représente plusieurs réalités, il concentre les enjeux passés et futurs de l’île en terme de développement. Il est une ressource extrêmement rare, du fait de la densification mais aussi du fait de sa qualité géologique : l’histoire proche et ancienne de cette île volcanique devient une donnée actuelle incontournable du projet. Nous détaillons trois données majeures porteuses de projet, à trois échelle : le sol géologique, à l’échelle territoriale et paysagère, le sol patrimoine en héritage à l’échelle familiale et le sol ressource foncière à l’échelle urbaine.
43 Partie _1 KAWÉNI : LES ALÉAS D’UN IÈRE EN RECONVERSION
fig. 37: Coupe synthèse des sols
II. LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE :
UN PAYSAGE DES FORCES TELLURIQUES Notre compréhension des enjeux territoriaux des aléas nous incite à aménager toute la bande de notre site, des pentes du cratère à la mangrove. Le projet revêt alors un caractère éminemment paysager, en lien avec le sol et le climat du site. Tectonique, le projet change profondemment le site afin de créer un écosystème anthropisée qui questionnent le rapport tissu urbain/ nature à risque
2.1 LE SOL GÉOLOGIQUE : LA RAVINE, ÉLÉMENT PAYSAGER VECTEUR DE RISQUE Kawéni est le cratère d’un des volcans effusifs de l’île, il est donc entouré de pentes fortes fragilisées par les ruissellement d’eau dans la ravine. Ces pentes fortes (+de 15%) représentent plus de 60% du territoire de Mayotte, soit plus de 225km² de terrains inconstructibles ou fortement instables1. Cette problématique
des sols constructibles se fait d’autant plus sentir que la pression foncière à Mayotte est chronique. Certains font donc le choix que construire leur habitat sur les pentes, au risque de les voir détruites ou emportées par les coulées de boues. La principale donnée du sol à Kawéni et (à Mayotte en général)2 est sa composition géologique : celle-ci détermine si le terrain est instable ou bien constructible.
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Dans le cratère de Kawéni, les sols sont principalement alluvionnaires : il s’agit d’un sol meuble composé de sédiment fins (sables, limons, sol argileux), qui recouvre un sol d’alluvions grossiers, d’une profondeur entre 4 et 10 mètres. Ces alluvions sont la résultante de la stratification des dépôts successifs dans le bassin du cratère mais aussi de la dégradation des roches basaltiques en profondeur (environ 7mètres). Ces roches basaltiques sont issue des coulées de laves du volcan effusif. Les ruissellements d’eau dans les roches basaltiques entraînent leur dégradation en sol ferrugineux et leur lent «pourrissement» : inexorablement, les sols s’affaissent.
1 Voir Tome 1. 2 BRGM «Carte géologique de Mayotte et notice»
fig. 38: Composition des sols autour de la ravine
En amont du cratère, autour de la ravine de notre site, les sols supérieurs sont extrêmement fragiles. Il s’agit de colluvions basaltiques (bloc de roche basaltique altérée), instables et fortement rongées par les ravines et le ruissellement sur la pente. Ils forment des « padzas » ou « badlands », des espaces de pentes mis à nu par les glissements de terrains, la déforestation et l’installation humaine. Ces phénomènes d’érosion de la pente rendent les espaces en aval plus fragiles face aux risques naturels.
En aval, du fait de son sol alluvionnaire et de l’imperméabilisation anthropisée des sols, le site est sujet aux inondations. En effet, le climat à Mayotte est marqué par une saison de pluie durant laquelle les précipitations peuvent attendre jusqu’à 500 mm. en aval.
Les sols imperméabilisés par le goudron n’absorbent plus l’eau, paralysant ainsi la ville et créant des inondations. La zone aval est également sujette aux submersions marines. En effet, la topographie du cratère a permis à un bras de la mer de rentrer par l’embouchure Yamaha. La mangrove protège la zone contre la montée des eaux mais elle est aujourd’hui fragilisée par l’urbanisation et les déchets qui s’accumulent, charriés par la ravine. Sans l’écosystème riche de la mangrove, le site pourrait être sujets aux submersions marine set au recul progressif de la ligne de côte. On comprend donc que la composition géologique et la topographie du cratère ont toujours été les premiers critères de l’urbanisation de Kawéni mais aussi les premiers vecteurs d’aléas auquel il est soumis.
Légende ravine débordement de cours d’eau ou de ravine. Faible débordement de cours d’eau ou de ravine. Moyen débordement de cours d’eau ou de ravine. Fort ruissellement urbain. Fort écoulement souterrain (ouvrages). Fort
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fig. 39: Carte des aléas d’inondation à Kawéni
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fig. 40: Carte hydrographique Mayotte 0
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La ravine est l’un des éléments paysagers les plus importants et récurrents à Mayotte : on en compte plus de 200 à Mayotte. Elles sont à l’origine de la plupart des villes et villages (Bandrele, Tsoundzou, M’tsapere, etc...), puisqu’elles représentent le seul réseau hydrographique sur une île où l’eau tend à manquer. Elles partent des pentes des montagnes, ravinant le paysage sur 3m de profondeur en moyenne, jusqu’à se déverser dans le lagon.
Elles serpentent dans le tissus urbain, trame verte souple qui détonnent avec le tracé anthropisé de la ville Vues du ciel, on perçoit bien leur constante négociation, entre «humain» et «non-humain», ville et nature.
Si elles représentent un danger bien réel pour l’installation humaine, elles sont aussi une structure et un vecteur de confort climatique pour la ville.
Partie _2 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE : UN PAYSAGE DES FORCES TELLURIQUES
fig. 41: Tissu urbain adopté au cours d’eau
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2.2 LA RAVINE, COLONNE VERTÉBRALE DU PROJET PAYSAGER Le projet que nous proposons restructure profondément le site Cananga : il agit de façon tectonique, comme l’expression du sol excavé. Sans proposer un master plan rigide, nous dessinons un plan guide qui exprime nos intentions : faire jouer l’architecture et son
emplacement avec le risque afin de dessiner un paysage hybride et changeant.
Nos intentions paysagères et urbaines sont donc les suivantes : - Ralentir les eaux pluviales se déversant dans le cratère en déroutant la ravine et en créant de larges méandres inondables, supports de bassins de phytoépuration. La canalisation déjà présente est sousdimensionnée. Elle est néanmoins conservée afin de servir de canal secondaire pour les crues exceptionnelles.
- Transformer les espaces creusés en des carrières durables, où le sol mis à nu est stabilisé. Les horizons supérieurs du site sont par endroits trop instables pour être constructibles mais leur composition est particulièrement adaptée à la production de matériau de construction en terre. - Délimiter des zones claires à urbaniser et d’autres inondables ou considérées trop risquées. Ces zones sont déterminées par la qualité de leur sol et par les mouvements de l’eau pluviale dans les méandres de la ravine. Bien qu’inconstructibles, elles n’en sont pas moins qualifiées par des activités paysagères qui ne seront pas mis en danger par les risques liées à la ravine : agriculture inondables, parc pour enfants, amphithéâtre en saison sèche, etc... - Créer à long terme une continuité paysagère des zones à risques (trames vertes et bleues), des pentes jusqu’à la mangroves.
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fig. 42: Plan guide paysager du site Cananga
Les trois bâtiments de l’école trouvent leur place au point de concentration des flux
humains et non-humains et joueront le rôle d’acupuncture paysagère. Disséminés sur
le site, les unités pédagogiques forment une barrière, une protection, derrière laquelle de nouveaux îlots peuvent se construire.
Pour répondre à la pression foncière, de nouveaux îlots d’habitations voient le jour, construits grâce à un réseau local de production de brique BTC issues de la terre du site. Les îlots sont viabilisés par un réseau d’eau potable non pas enterré mais aérien, distribué dans les logements par des murs-aqueducs qui délimitent les nouveaux logements. Le réseau d’eau est un système clos, captant l’eau de la ravine, la nettoyant et la ré-injectant en permanence dans le système. Une partie du projet aurait également pu porter sur la reconversion de la zone industrielle à l’est de la parcelle et sur la proposition d’un nouveau modèle commercial pour Kawéni. Nous laissons ces propositions en suspens et nous concentrerons donc par la suite sur la partie ouest du site, et de sa connexion avec Kawéni Village et la Zone Scolaire.
Partie _2 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE : UN PAYSAGE DES FORCES TELLURIQUES
La bande urbaine du site Cananga répond également en enjeux programmatique de Kawéni : entre travail, vie domestique et éducation, un grand parc s’étend. De la tour sucrière jusqu’à la mangrove, ce campus urbain croisent plusieurs traversées urbaines NordSud, mais également une grande traversée paysagère le long de la nouvelle ravine, rejoignant à terme la nouvelle route des crêtes à port de Mamoudzou par la mangrove. La mobilité douce est fortement privilégiée, séparée du trafic intense de la RN1, accompagnant en sécurité les déplacements des habitants et des écoliers.
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1.
Démolition des bâtiments de SPPM déconstruction et réorganisation de stockage de Tayota et Tati
2. Delogement des petites commerces industrielles 3.
Fin des baux commerciaux de Toyota et Tati
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fig. 43: Plan de protoamenagement du site du projet
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bâtiments à préserver
contexte à prendre en compte
temporalité de déconstruction
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fig. 44: Plan de canalisation les flux des ravines création des carrières
usine BTC
route de crête chemin de déviation piéton
digue paysagère
AMÉNAGEMENT DU SITE, ÉTAPE PAR ÉTAPE A.PROTOAMENAGEMENT 1) Rachat de la parcelle de Cananga par le Conseil Départemental avec l’aide financier de l’ANRU. Les baux emphitéotyques des locaux
commerciaux (TATI, Toyata, HD,...) sont transmis au conseil départemental. 2) Proto-aménagement du site : déstruction des hangars de logistique de Cananga sans qualités architecturales ou non-reconvertibles. Conservation des bâtiments historiques du site (tour de cheminée). 3) Destruction séquencée sur 3 ans des autres locaux commerciaux, reconstruits selon
le nouveau plan guide.
Du fait de la taille de notre site et de l’échelle territoriales de risques naturels, nous devons penser notre projet dans un temps long, par étapes afin d’aménager le site durablement. Le site doit être vivable et appropriable durant toute la durée du chantier. Le projet urbain et paysager s’organise donc autour des espaces libres du site, les passages et cheminements déjà présents. L’espace vide détermine ainsi les espaces bâtis. Dans un premier temps, nous choisissons de détruire une partie des bâtiments commerciaux et de logistique se trouvant sur le site. Ce choix s’effectue selon des critères de qualités architecturales, de continuités paysagères et de qualités des sols.
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1) Création de la ravine principale, convergence des trois ravines en amont en
une ravine aux larges méandres, de façon à construire sur les zones où le sol est stable. 2) Carrières creusées dans les méandres, extraction des horizons argileux afin d’en faire des BTC, produites dans les bâtiments issus de la période coloniale à l’ouest de la parcelle. 3) Création de la Route des crêtes et
raccordement à la rue SPPM. 4) Construction des murs paysagers, digues contres les inondations et éboulement de terrains.
Puis nous entamons l’aménagement paysager de la nouvelle ravine, colonne vertébrale du projet. Ses méandres sont déterminés à partir de la qualité des sols alluvionnaires ainsi que par la vélocité des flux en période de moussons. Les méandres deviennent des carrières d’où nous extrayons les horizons argileux et poreux qui deviendront la matière première de la coopérative de brique BTC. De façon stratégique, nous construisons de murs paysagers, sorte de digues qui protègent la ville du flux de la ravine sur les points de concentration. Ces acupunctures paysagères sont la préfiguration du projet architectural.
Partie _2 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE : UN PAYSAGE DES FORCES TELLURIQUES
B.CANALISER LES FLUX DES RAVINES
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2.3 TECTONIQUE DU PROJET : PRINCIPE DES MURS-DIGUES Notre projet est lié au sol : il est l’expression en surface de sa réalité tectonique. Il s’appuie sur
Or, la filière de la construction en terre est durable et locale. Elle est d’ailleurs globalement bien acceptée par les mahorais depuis l’opération des Cases SIM en 1976 : le laboratoire CraTerre avait alors introduit la BTC dans le paysage constructif de l’île2.
Les zones à urbaniser sont déterminées par la composition du sol. Lorsque la couche des horizons supérieures (sol alluvionnaire argileux) est épaisse, nous déterminons que le site est constructible, tandis que si les horizons inférieurs instables (sols de roches basaltiques altérées) sont proches de la surface, nous conseillons plutôt de les rendre inconstructibles et exploitables pour les carrières de petites tailles.
Les horizons (sols) supérieurs du cratère de Kawéni sont argileux, et l’on trouve sur plusieurs site de la pouzzolane, deux des matières nécessaires à la fabrication de brique BTC. La revalorisation de la filière terre et BTC pourrait donc être une réponse concrète à la crise constructive de Mayotte. Ce paysage de
Le sol est l’une des nombreuses richesses sous exploitée de Mayotte. Du fait de sa situation géographie et de son industrialisation tardive, Mayotte est très dépendante de ses
Afin d’accompagner les flux et de protéger les espaces urbanisés, des murs digues prennent place aux convergences stratégique du site. Ils
les forces telluriques du site : la composition et la porosité des sols, les traces historiques du passé, les cheminements instinctifs et empiriques sur le site.
Pourtant, le Bureau des Recherches Géologiques et Minières estime que les sols de Mayotte sont propices à leur extraction et à leur exploitation raisonnée1.
sont les lieux de friction entre le quartier, échelle domestique, et le grand paysage, échelle territoriale.
Lignes tectoniques paysagère, le mur-digue s’hybride pour devenir une épaisseur protectrice autour des écoles et des maisons, une façade indépendante, modulable, qui protègent sans s’opposer aux éléments naturels.
1 Rapport «Schéma des carrières de Mayotte», BRGM, juillet 2002 2 CRAterre, «Les cases SIM à Mayotte»
fig. 45 a,b,c,d,e: Coupes géologiques de principe : ce paysage de carrières et de murs-digues est l’expression en surface des forces
55 Partie _2 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE : UN PAYSAGE DES FORCES TELLURIQUES
pays voisins et de la métropole en matière première et en matériaux de construction.
carrière est une mise en scène du sol dans toute sa diversité.
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fig. 46: Plan RDC d’une Unité pédagogique de l’École de constructeurs de le mitigation des risques naturels 0
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2.4 L’ÉCOLE DES CONSTRUCTEURS DE LA MITIGATION : ENTRE LES MURS
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L’École est l’expression en volume des forces qui s’exercent sur elle : vent Nord-ouest, pluie tropicale, soleil écrasant, flux de la ravine etc. Elle est la continuité des murs digues, jouant sur l’épaisseur de ses parois en fonction des aléas et des degrés de sécurité. Ces murs s’hybrident, entre angles saillants et plis qui forment des impluviums.
Bâtiment-paysage, elle joue à pile ou face, entre la ravine à l’arrière et la place à l’avant. Ces deux façades sont très différentes, l’une ouverte sur la ville, l’autre fermée au risque mais qui permet tout de même les traversées vers le paysage. Le bâtiment en lui même est composé de quatre éléments. Tout d’abord, la tour, à l’ouest, à la fois tour du vent et citerne du quartier, reliée à l’amphithéâtre, lieu public de discussion et refuge en cas de catastrophes naturelles. Puis les bureaux et la salle de classes de l’École, et enfin les ateliers machines, ouverte sur la place des expérimentations, où les habitants peuvent venir observer le travail des étudiants.
Partie _2 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE : UN PAYSAGE DES FORCES TELLURIQUES
Les Ecoles des Constructeurs de la Mitigation se trouvent au point de concentration des flux, au bord de la ravine. Nous décidons de développer l’une des trois écoles, au contact de Kawéni Village.
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CLIMAT PÉDAGOGIQUE A Mayotte, comme ailleurs, le climat est une des données principales dans les projets. Sans faire un bâtiment en référence direct à l’esthétique bio-climatique, souvent fonction des solutions techniques appliquées, nous instaurons des principes climatiques passifs dans la longueur de l’école : baghir (tour du vent) pour capter la fraîcheur, toiture colonisée par la végétation pour gérer la chaleur, moucharabieh en hauteur, inertie des murs, effet venturi dans les pincements du bâtiment, impluvium dans les failles.
Afin de réduire les transmission de vibrations sismiques, les quatre bâtiments sont séparés par des joints de dilatation, tandis les fondations, tantôt en pieu, tantôt en plots, varient en fonction de la charge et du degré de vulnérabilité des différents espaces.
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En effet, l’un des espaces de l’école est traité d’une façon particulière : l’amphithéâtre / Refuge collectif. En cas de cyclones, le refuge peut accueillir plus de 150 personnes, avec un espace d’eau et de vivres sous les marches de l’amphi. Le refuge est également connecté de façon directe avec la citerne d’eau : il peut donc vivre en autonomie pendant 3 jours en cas de confinement prolongé.
Enfin, nous ne pouvions pas omettre le caractère saisonnier du risque à Mayotte : à la saison des pluies, le principal risque vient du trop plein d’eau pluvial. A ce titre la toiture végétalisé très légèrement en pente retient temporairement l’eau puis l’évacue dans les impluviums, point d’inflexion de l’école en lien avec la ravine.
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fig. 47: Coupe longitudinale avec ambiance climatique à l’École
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BÂTIMENT PAYSAGE L’École est le bâtiment public de notre projet : il est donc la vitrine de l’action public à Kawéni. Par sa forme et son expression plastique, il représente une certaine idée du collectif et de la présence de l’État Français à Mayotte, au même titre qu’un collège, une mairie ou une bibliothèque. Nous nous sommes donc posées la question de l’image que nous voulions transmettre: architecture imposante? Bio-climatique technique ? Faussement vernaculaire ? Nous avons plutôt choisi de dessiner un bâtiment paysage, un mur mouvant dont les faces sont autant d’expression de la matérialité du site : la terre.
La forme est simple, tectonique, à la fois massive et transparente grâce à la BTC en moucharabieh. Les différentes mises en oeuvre de la brique rappelle la vocation pédagogique empirique de l’école. Une tour s’élève, rappel des verticalités ponctuelles des villes mahoraises : tour de minaret, tour sucrière, tour de contrôle, tour de station météorologique. La verticalité marque l’extra-ordinaire à Mayotte, le repère et le lien avec le ciel, à la fois symbolique et physique.
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fig. 48: Façade de l’École du coté de la ravine
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fig. 49: Détail de l’impluvium dans l’Ecole
2.6 RAPPORT ENTRE GRAND PAYSAGE ET DÉTAIL CONSTRUCTIF : VERS UN RÉGIONALISME CRITIQUE ? Face au risque, les architectes que nous sommes peuvent être tentées de faire appel aux normes pour réduire la vulnérabilité du bâtiment. Pentes de toiture, matériaux, détail de mises en oeuvre, profondeur et types de fondations : la formalisation du cadre normatif est une réponse trop souvent systématique pour les architectes de métropoles qui doivent répondre de leur bâtiment et assurer la sécurité des personnes. Or, Mayotte ne correspond en rien au contexte européen qui a permis la création de la norme par l’expérimentation des solutions et mises au test de l’architecture. Ici, la norme telle que nous la connaissons n’a pas de sens.
Dans le cas de notre école, nous n’avons pas la prétention d’avoir créé la norme de Mayotte, mais nous avons l’ambition de créer le cadre dans lequel cette norme pourra voir le jour et être diffusée au plus grand nombre.
Du sol avec fondation en pieux et sousbassement béton, à la structure hybride portique acier/mur brique BTC creuse jusqu’à la toiture végétalisé en bac acier inversé pour retenir l’eau, l’école est l’expression des hybridité constructives qui vont parfois à l’encontre des nos instincts européens et cherchent plutôt l’adaptation patiente et empirique du détail au service du contexte. Néanmoins ces réponses ne pourront être considérées pertinentes que si on les mets en œuvre et on en fait l’expérience dans le temps. En ce sens, l’école ne peut pas être un modèle mais un exemple parmi d’autres de bâtiments publics mitigeurs du risque, dont il conviendra d’observer l’évolution et la réaction face aux catastrophes. Face au développement urbain intense, il est logique de se poser la question de la pertinence du modèle architectural français à Mayotte. C’est toute la question du régionalisme critique et de l’adaptation au contexte des modèles prédominants, telles que la norme. L’architecture de notre projet se présente donc comme une architecture dénormée.
63 Partie _2 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE : UN PAYSAGE DES FORCES TELLURIQUES
Les solutions architecturales globales adaptées au contexte du risque à Mayotte ne sont pas encore connues et reconnues par les architectes. On peut bien sûr trouver, si l’on observe bien la ville, des réponses ingénieuses, parfois même issues de l’habitat informels : tôle ondulée dont l’onde est inverse au sens de la pente afin de retenir l’eau, détournement des parpaings creux comme parois ventilées au nord, etc. Ces détournements des matériaux issus de la globalisation sont autant de signes que la norme universelle n’existe pas et qu’il faut faire preuve d’une ingéniosité liée au contexte pour créer une norme véritablement adaptée au site et à ses enjeux.
L’Ecole n’est donc pas en elle-même un quelconque modèle à suivre, mais une sorte de réponse hybride, entre la norme européenne et l’intelligence du site. Ces hybridations ont toutes un seul but : concourir à la mitigation des risques naturels qui s’appliquent sur le bâtiment.
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Partie _2 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU TERRITOIRE : UN PAYSAGE DES FORCES TELLURIQUES
fig. 50: Le rapport du mur digue de l’Ecole avec le sol et la ravine
fig. 51: Ă&#x2030;volution de la maison, du mur-aqueduc au bout de la parcelle
III. LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DE LA CASE FAMILIALE :
PÉDAGOGIE DE L’ALÉA Face à la pression foncière et immobilière qui fragilise les populations les plus pauvres de Kawéni, le projet, plutôt que de fermer les yeux sur cette réalité, prend le partie de créer un nouveau quartier d’habitation. Colonisé au fur et à mesure par des architectures spontannées, il tente de répondre à l’enjeu primordiale de la sécurité des individus au cœur de leur vie : dans leur maison. Ces maisons, évolutives dans leur conception et dans leur forme, sont également un terrain d’expérimentation pour l’école. Le quartier pourrait devenir la boite de pétri de l’école, où les étudiants viendraient mettre en œuvre des techniques constructives innovantes et hybrides et les mettre au test, tout en assurant la sécurité des habitants. Ce volet du projet se concentre principalement à assurer la sécurité des habitants mais aussi à leur offrir à un cadre de vie qualitatif et vecteur de progrès social et d’évolutivité à l’échelle familiale.
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Les habitants utilisent pour la plupart le même principe constructif : des poteaux/dalles en béton armé et des murs en remplissage bloc de ciment. Ils stockent alors les matériaux nécessaires à la construction des étages supérieurs en toiture, directement sur le futur site de chantier. On remarque néanmoins qu’ils se distinguent tous par un goût pour la couleur, les motis , les ornements en balustrade et dans la ferronerie des fenêtres, donnant ainsi à leur maison un aspect singulier et individuel. fig. 52: Le quartier en chantier discontinu
3.1 LE SOL, PATRIMOINE EN HÉRITAGE La morphologie de Kawéni Village est intrinséquement liée avec l’histoire de l’agriculture coloniale de SPPM. Lorsque la société acquiert les terrains du cratère en 1848, année de l’abollition de l’esclavage , elle propose à des ouvriers venant des Comores de s’installer à proximité du site, de l’autre côté de la ravine canalisée. Le quartier prend peu à peu forme, les ouvriers construisent des petites cases, suivant un plan urbain spontané.
Les maisons sont donc en constante évolution, dans un esprit d’inachèvement permanent, illustrés par les fers en attente pointés vers le ciel. Du fait des ressources limitées des familles, la maison est construite grâce à l’entraide familiale et communautaire, souvent grâce à l’aide d’un «fundi», une personne ressource qui a une expérience dans la construction. La maison est donc également le résultat de l’intelligence collective, le chantier étant un moment fort dans le quartier.
fig. 53: Frise chronologique d’évolution de Kawéni village
fig. 54: Frise chronologique d’évolution de Kawéni village
69 Partie _3 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DE LA CASE : PÉDAGOGIE DE L’ALÉA
Le village de Kawéni est encore aujourd’hui majoritairement habité par une population comorienne, naturalisée ou immigrée clandestine. Au fil des années, les ouvriers sont devenus propriétaires des terrains. Alors qu’ils sont marginalisés sur le reste de l’île, le village est un lieu d’appartenance et de fierté historique pour les comoriens vivant à Mayotte : on y retrouve un fort sentiment de communauté et de solidarité. L’espace de la maison est en ce sens véritablement le symbole de l’émancipation des comoriens de Mayotte et de l’expression collective du Village.
Elle est généralement composée de deux ou trois niveaux. Les étages ont souvent une entrée indépendante soit par un escalier extérieur ou intérieur. La maison familiale est souvent composée d’une superposition d’étages identiques. Traditionnellement, l’espace de la maison est le cœur de la vie de la famille étendue : ce sont les filles qui ramènent leur nouvel époux dans le foyer familial. Les parcelles se sont donc subdivisées, les extensions s’étendant à l’horizontale d’abord, vers la cour et le fond de la parcelle, puis à la verticale, sur les toits plats.
Arche béton armé Menuiserie préfab. Evacuation eau pluviale Haut mur-aqueduc
Réseau d’eau acheminé par mur-aqueduc
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Fondation pieu «à l’épreuve» Poteau béton armé Fer en attente
Mur de refend Maçonnerie chaînée
Evacuation eau pluviale : drain
fig. 55: L’ossature du refuge
3.2 PÉDAGOGIE DE L’ALÉA : L’ARCHITECTURE DE LA MAIN OUVERTE La principale question que nous nous sommes posées dans la conception de ces logements est la suivante : Comment interroger le modèle traditionnelle de la case mahoraise afin d’en conserver les caractéristiques essentielles, tout en réduisant la vulnérabilité des habitants ? La case mahoraise, symbole de fierté, est avant tout évolutive, comme nous l’avons vu précedemment. Jamais totalement finie, elle colonise parfois l’espace public autour d’elle. La question était donc également de permettre la spontanéité de l’architecture tout en lui donnant un cadre, afin qu’elle n’accentue pas le risque.
Le mur-aqueduc est un vecteur de confort de vie, avec l’eau courante, mais aussi de sécurité : en béton armé, tramé par des arches de 2 mètres de large et contreventé, il est une structure sur laquelle la maison pourra s’appuyer. Un espace de la longueur du mur (7m soit trois travées) et de 3m50 de profondeur est alors dédié à la construction d’un refuge pour les habitants. Ce refuge, financé en partie par l’Etat, est construit par les étudiants de l’Ecole. En effet, la sécurité des personnes ne peut pas être assurée par le mode «auto-construit» qu’on observe à Kawéni Village. Ce refuge est l’espace de la maison qui coûtera sans doute le plus cher, mais qui servira de base sur laquelle la maison se construira de façon plus pérenne. > Où mettre l’argent public ? Dans le confort de base et dans la sécurité des habitants. Ils ont la capacité et les techniques pour construire le reste de la maison. Il faut donc assurer la réduction de la vulnérabilité des habitants.
Construit par les étudiants, le refuge est un exercice pédagogique pour l’Ecole qui sort de ses murs. Néanmoins, notre responsabilité est d’installer le cadre de cet exercice afin que la sécurité des personnes soient toujours assurées. Ce cadre se formalise dans un «squelette» de refuge, un ensemble d’éléments en attente qui offre une trame sécurisée sur laquelle les étudiants peuvent expérimenter. Ces éléments forment une infrastructure de mitigation des risques : depuis le mur aqueducs en béton armé, aux pieux à l’épreuve, au mur de refend en maçonnerie chaînée et aux mur en béton armé avec ferraillage en attente, nous installons les règles du jeu pour la suite. Les étudiants pourront ensuite innover sur la forme, les matériaux, les principes de ces refuges/espaces de vie afin de proposer une architecture à la fois performante, économique et adaptées au contexte de Mayotte. A ce titre et afin de juger de la pertinence des réponses sur le long terme, nous déterminons quatre critères d’évaluation des refuges : 1) la sécurité des personnes 2) le confort climatique 3) l’efficience économique 4) l’évolutivité 5) la sécurité des biens
71 Partie _3 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DE LA CASE : PÉDAGOGIE DE L’ALÉA
Nous avons donc décidé de délimiter les parcelles par un système de mur-aqueducs dans l’un des côtés les plus courts de la maison. La parcelle est en longueur, avec deux entrées, afin d’assurer le plus d’évolutivité futur pour la famille.
Le refuge est un espace en lien avec le muraqueduc : on y trouve donc les pièces d’eau (sdb et toilettes) ainsi que la cuisine. Il devient alors possible de séjourner dans le refuge pendant de longues périodes en cas de catastrophes naturelles. Plus qu’un bunker, le refuge est un lien de vie, le cœur de la maison, ouvert sur l’extérieur grâce aux arches qui s’ouvrent sur un venelle intime.
D’UNE ARCHITECTURE DÉNORMÉE À UNE NORME TROPICALE ?
Sécurité des personnes
Sécurité des biens
Confort de vie Efficience
Évolutivité
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Sécurité des personnes
Sécurité des biens
Confort de vie Efficience
Évolutivité
Sécurité des personnes
Sécurité des biens
Confort de vie Efficience
Évolutivité
Sécurité des personnes
Sécurité des biens
Confort de vie Efficience
Évolutivité
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Sécurité des biens
Confort de vie Efficience
Évolutivité
0
1
2
5m
A terme, le but de l’exercice n’est pas de valider les compétences des étudiants, mais bien de mettre au test puis de diffuser des réponses architecturales et techniques adaptées au contexte du risque à Mayotte.
fig. 56: L’exercice pédagogique «Construire le refuge»
La coopération des étudiants et des habitants lors de la construction du refuge est la première étape vers la sensibilisation à une architecture mitigatrice et à ses avantages sociaux, climatiques et esthétiques.
Partie _3 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DE LA CASE : PÉDAGOGIE DE L’ALÉA
Sécurité des personnes
N
0
1
2
5m
fig. 57:Plan de case familiale
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fig. 58: Exemple des extensions autoconstruites
3.3 ÉVOLUTIVITÉ DE LA MAISON, SIGNE DU PROGRÈS SOCIAL FAMILIAL Le concept de la case que nous proposons est une densification de la parcelle du plus durable et contrôlé (le refuge) au plus éphémère et spontané (le logement auto-construit). Cette densification dans le temps, depuis la venelle et le mur-aqueduc jusqu’à la façade sur la rue principale permet une évolutivité de la maison comme microcosme familiale tout en respectant les gabarits que nous dessinons pour le quartier. L’évolutivité constante de la maison traditionnelle mahoraise est fonction de l’évolution de la famille, de l’évolution social et de celle des modes de vie. Nous souhaitions conserver cet aspect social de la maison et même l’accentuer, afin de participer à l’amélioration du statut social des familles de Kawéni.
La construction d’une maison mahoraise est une forme extrêmement répandue d’épargne physique pour les familles. Elles économisent pour acheter des matériaux, qu’elles stockent sur le site du futur chantier, en attendant d’en avoir assez pour construire les extensions.
Une large place est donc laissée à l’aléatoire sur la parcelle mais nous établissons des règles urbanistiques simples afin d’assurer la sécurité et le confort de tous. Ces règles ne sont pas écrites mais implicitement appliquées par le refuge. Sa taille et son orientation implique la profondeur et la hauteur du logement autoconstruit. Ainsi, il est impossible de construire sur le toît, le retrait de 3m50 de toutes extensions en R+1 assure donc un ensoleillement dans la venelle tout en évitant les chutes d’objets en cas de cyclone.
fig. 59:L’organisation spatiole d’une rue typique mahoraise
75 Partie _3 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DE LA CASE : PÉDAGOGIE DE L’ALÉA
Les principes de logements que nous dessinons répond donc à deux principes : - la thésaurisation des matériaux sur la parcelle - la liberté de densifier sa parcelle sans pour autant porter atteinte au confort et à la sécurité de tous.
Nous voulions permettre ces moments de pause, d’épargne, sur la parcelle. Ainsi , la forme de la parcelle, avec le refuge construit dans un premier temps permet cette thésaurisation sur le terrain, la famille ayant dès le départ les espaces les plus nécessaires à disposition (cuisine et salle d’eau). Le projet fait donc écho aux différents temps de la maison : le temps de l’épargne, le temps de la construction, le temps des extensions et le temps de l’entretien. Cette évolutivité est également un des caractères de la résilience dans la ville : on construit, on ajoute, puis on détruit pour mieux recommencer.
fig. 60: vue aĂŠrienne du projet
IV. LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU QUARTIER ET DE LA VILLE :
UN QUARTIER EN ŒUVRE OUVERTE ENTRE VILLE ET RAVINE
EEnfin, notre projet propose un système à l’échelle urbaine, entre le grand paysage du risque et l’échelle familiale et sociale de la maison. Ce système, ce métabolisme urbain, tente de réconcilier les entités de Kawéni tout en reliant les quartiers par des espaces publics généreux et sécurisés. De nouveaux repères apparaissent dans le paysage, faisant écho à l’existant. Ils participent tous à la vie quotidienne mahoraise, mais aussi à la sensibilisation et à la protection des habitants de Kawéni durant les périodes de risques naturels.
N
78
0
fig. 61: Carte PLU Kawéni 100
200
Légende zones urbaines zones urbaines industriels zones à urbaniser zones agricoles milieu naturel forêts des Mangroves RN1
4.1 LE SOL, RESSOURCE FONCIÈRE RARÉFIÉE A Mayotte, le premier critère de développement urbain est le foncier constructible. Aujourd’hui, plus de 67 % des terrains constructibles sont occupés, alors que ceux-ci représentent moins de 15% du territoire de l’île1. Cela est principalement du à la topographie de l’île, à la composition géologique des sols mais aussi aux risques qui s’appliquent sur le territoire. Cette tension foncière a engendré une densification de l’urbain existant et un défrichage des zones naturelles, telle que le cratère de Kawéni. Dès 1911, la reconversion du cratère agricole en une zone industrielle et commerciale et en un quartier dense a induit une division des grands terrains agricoles en parcelles plus petites.
Face à cette urbanisation exponentielle, le PLU a pour but d’encadrer l’évolution du quartier, afin de permettre le développement de la zone tout en préservant les qualités paysagères du cratère, des crêtes à la mangrove. La création d’un Etablissement Public Foncier d’État à l’horizon 2025 aura aussi pour but de créer une réserve foncière et une meilleur gestion des terrains pour les grands projets publics d’aménagement2. La question de la gestion du foncier dans le contexte de tension foncière croise celle de l’espace public dans la ville dense : comment créer (et conserver!) des espaces publics qualitatifs qui ne soient pas colonisé par de l’habitat spontané ou deviennent des espaces délaissés ?
1 Cf. Tome 1. 2 Mayotte 2025 : une ambition pour la République, 2016
N
fig. 61a: Croquis du parcellaire
79 Partie _4 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU QUARTIER ET DE LA VILLE : UN QUARTIER ÉVOLUTIF, ENTRE VILLE ET RAVINE
On remarque néanmoins une différence frappante dans le parcellaire : les parcelles de la ZIC sont nettement plus grandes que celles de Kawéni Village. Cela s’explique par l’attractivité du quartier : les terrains constructibles sont une ressource rare à Mayotte et à Kawéni, si bien que tout le territoire subit une tension foncière forte (voir Tome 1). Le terrain est l’investissement le plus important pour la construction d’un bâtiment, si bien que les parcelles sont de plus en plus petites, se subdivisant en fonction de l’activité qu’elles accueillent.
Dans la ZIC, les grandes parcelles industrielles disparaissent peu à peu pour accueillir des activités de commerce ou de service, signe de la reconversion de la zone. La situation est plus complexe à Kawéni Village : il s’agit de la zone urbaine la plus dense de Mayotte. Les parcelles sont subdivisées au fur et à mesure des évolutions de la famille, tandis que les maisons montent en hauteur : la densification est donc à la fois verticale et horizontale. De même, des bidonvilles s’étendent peu à peu dans les pentes du cratère, fragilisant le milieu instable des crêtes.
4.2 LES ESPACES PUBLICS SÉCURISÉS Le principe du quartier est l’ hybridité des espaces publics : supports de vie urbain, ils sont également des lieux de sécurisation des personnes en cas de catastrophes. Nous ne dessinons ainsi pas que des refuges fermés (l’amphithéâtre ou le refuge familial) mais aussi des espaces-abris ouverts : les venelles et le plateau sportif. Les espaces sont dessinés en fonction de degrés de vulnérabilité variables : les usagers savent se diriger d’un endroit à un autre en fonction des risques. Les espaces publics que nous dessinons relient les différents quartiers de Kawéni, mais aussi trace une traversées urbaines et paysagères claire. De la mosquée historique SPPM à la MJC, cet axe reprend le tracé du Chemin des Zébus, chemin emprunté quotidiennement par les écoliers qui traversent le site.
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Cet axe est ponctué de deux grandes places publiques. La première, située entre la mosquée et la ravine, est dédiée à une usage récréatif avec des espaces de sports et un terrain de foot. Comme nous l’avons dans le tome 1, les plateaux sportifs sont les seuls espaces «vides» non-colonisés dans la ville. Cette place devient, en cas de séisme, le lieu de rassemblement des habitants. La deuxième place est liée à l’école : il s’agit d’une place aménagée pour l’expérimentation des étudiants, où ils peuvent mettre leur construction au test de climat et où les habitants peuvent venir observer leurs prototypes. Le risque lié à la ravine est quant à lui géré grâce à l’ancienne ravine canalisée : elle joue le rôle de trop-plein en cas de crue. Ce système de vases communicants permet un fonctionnement du site en permanence.
N
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Partie _4 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU QUARTIER ET DE LA VILLE : UN QUARTIER ÉVOLUTIF, ENTRE VILLE ET RAVINE
20 m
10
5
0
fig. 62: Plan RDC du nouveau quartier
N
fig. 63: Schéma de viabilisation du quartier par la création d’un réseau d’eau citerne collective station d’épuration
zone inondable bassin phyto-épuration ravine
chemin de déviation piéton digue paysagère mur aqueduc
82
N
fig. 64: Schéma de densification du quartier densification des logements
unité pédagogique
AMÉNAGEMENT DU SITE, ÉTAPE PAR ÉTAPE - DEUXIÈME SÉQUENCE C. CHEMIN DE L’EAU ET VIABILISATION DU SITE 1) Création des bassins de phyto-épuration dans les anciennes carrières et d’une station
d’épuration pour les eaux usées près de la mangrove. 2) Mise en eau du site 3) Réseau d’eau en cycle fermé : Depuis
la ravine, dans les bassins de phyto-épuration jusqu’à la mangrove puis ré-injectée dans le réseau grâce au château d’eau près de la cheminée et redistribuée au quartier par les murs aqueducs. 4) Viabilisation des quartiers: Nous décidons de donner plus de souplesse au futur quartier en mettant les réseaux d’eau hors de la terre. Des murs aqueducs parcourent le site, délimitant les futurs quartiers et les parcelles des bâtiments à venir.
La question de l’eau est l’un des premiers critères d’installation des quartiers spontanés à Mayotte. Plus de 25 % des logements de l’île ne sont pas raccordées au réseau d’eau des villes et ce pourcentage passe à 58% à Kawéni. La pollution de l’eau est un problème endémique, d’autant plus grave que Mayotte connaît régulièrement des pénuries d’eau durant la saison sèche. L’eau est donc une ressource à préserver et son traitement doit être mis en valeur afin de sensibiliser les habitants. L’eau de pluie ainsi que les eaux grises issues des pentes et des quartiers en amont sont traitées dans les bassins au fur et à mesure de la ravine. Arrivées en aval, elles sont soit retraitées par la station d’épuration du quartier, soit directement ré-injectées dans le réseau grâce à une pompe et au château d’eau se trouvant à côté de la tour de cheminée en amont du site, puis redistribuée aux maisons via un système de mur aqueducs.
1) Construction des Unités Pédagogiques
qui protègent physiquement le quartier des inondations tout en servant de refuge en cas de cyclone ou de tempêtes. Les écoles fait le lien entre l’échelle communautaire des nouveaux quartiers et celle territoriale de l’aléa naturel de la ravine. 2) Création des deux places publics : celle des expérimentations de l’école et celle qui lie quartier et ravine 3) Construction des noyaux des logements
: les futurs habitants, avec l’aide des étudiants, construisent le noyau de leur logement : un abri raccordé au réseau d’eau. 4) Densification du quartier : les habitants agrandissent au fur et à mesure leur logement autour de l’abri.
Les Ecoles sont construites dans l’épaisseur des murs digues, au croisement de la ravine et des réseaux d’eau potable. Elles jouent également le rôle de citerne pour le quartier en cas de pénurie et de refuge face aux cyclones saisonniers. Une fois que les trois unités pédagogiques sont construites, le chantier du quartier d’habitation commence, mené par les étudiants et les habitants, en accord avec les techniques apprises dans l’école et avec celles vernaculaires du quartier. Peu à peu le quartier se densifiera, puis se renouvellera, dans une logique d’urbanisme de cycle, qui ré-interroge en permanence les modes de vie et de ville.
Partie _4 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU QUARTIER ET DE LA VILLE : UN QUARTIER ÉVOLUTIF, ENTRE VILLE ET RAVINE
D.ECOLES ET QUARTIER
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4.3 LES MURS-AQUEDUCS : VIABILISATION ET TRAME Face à l’opportunité foncière que représente le site pour la ville et ses habitants, nous cherchons à viabiliser le quartier pour les habitants futurs tout en contrôlant l’évolution spontanée inévitable. Cette viabilisation et ce contrôle sont gérés par une trame de mur-aqueduc qui préfigure le quartier. Nous voulions dessiner un réseau, une trame, autour de laquelle la ville pourrait venir s’étendre de façon plus souple. Les murs-aqueducs, déclinaison des murs-digues paysagers, ont plusieurs rôles : - Le contrôle (relatif) de l’évolution du quartier grâce à une trame de rues, venelles et parcelles. Ce contrôle va de pair avec une plus grande liberté future grâce au réseau d’eau nonenterré, plus évolutif;
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- Un apport de confort de vie : Le mur-aqueduc marque l’entrée dans la maison par le refuge mais aussi l’arrivée de l’eau potable dans un quartier où plus de 58% des maisons n’ont pas accès à l’eau courante.
Parcelle
Venelle
Parcelle
Il marque également le chemin de l’eau sur le site, depuis la citerne de l’Ecole jusqu’au bassin en fin de mur. Il assure le confort des habitants, même en cas de catastrophes naturelles. - Un repère urbain de repli: Les murs aqueducs forment une venelle de 3m50, contreventée par des arches. Cette venelle devient un repère dans la ville en cas de risque naturel : les habitants peuvent s’y réfugier temporairement, avant de rejoindre des refuges plus fermés. La trame des murs-aqueducs dans le quartier forment un réseau de rue plus ou moins large : une rue au gabarit similaire à celui de Kawéni alterne avec la venelle plus intime. Les accidents intentionnels dans la trame en fin des murs marquent l’ouverture du quartier vers Kawéni Village grâce à des bassins d’eau qui jouent le rôle de borne fontaine pour tous.
Rue principale
Parcelle
Venelle
3m
Refuge
3m
Refuge
Evacuation de l’eau pluviale
Refuge
N
85 0
5
2200 m
Parcelle
Rue principale
Parcelle
Venelle
Parcelle
3m
Refuge
Refuge
Refuge
0 1
5
1 m 10
fig. 66: Coupe principe du quartier
Partie _4 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU QUARTIER ET DE LA VILLE : UN QUARTIER ÉVOLUTIF, ENTRE VILLE ET RAVINE
fig. 65: Plan RDC du quartier
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IDENTITÉ ET PROPRIÉTÉ Face à ce tout nouveau quartier qui sort de terre, nous voulions faire en sorte de donner la possibilité aux futurs habitants de s’approprier les espaces publics aussi privés. Cette appropriation, cette forme de propriété collective et individuelle du quartier passe beaucoup à Kawéni Village par l’expression de l’identité des habitants de maison dans la construction et les finitions. Néanmoins la première raison de l’appropriation des espaces est le fait d’en être propriétaire. Pourtant à Kawéni et à Mayotte en général, dans le contexte de tension foncière et de construction en zones à risques, la question de la propriété foncière peut paraître plus complexe.
1 H. Bernouli, «Die Stadt and ihr Boden», Ehrlenbach, 1943.
Dans le contexte de tension foncière, une parcelle de plus de 15 hectares est une ressource qu’il convient de mettre à profit pour le plus grand nombre. Comment mettre en valeur ces m² disponibles tout en prenant en comptes les risques naturels et les évolutions futurs du quartier ? Nous décidons à ce titre de nous tourner vers un théoricien des enjeux du foncier : le suisse Hans Bernoulli. Cet urbaniste s’est intéressé au rôle de l’Etat et des collectivités sur la gestion du foncier. Il explique dans son livre «Die Stadt und ihr Boden»1 (La ville et son sol), que l’enjeu principal d’après lui pour les villes et de «garder la main» sur une réserve foncière importante afin de lui permettre de renouveler régulièrement le tissu urbain.
87
Nous proposons donc des terrains avec des baux emphytéotiques, qui induisent un autre rapport au sol et à la propriété pour les habitants. Plutôt que d’être propriétaires du sol de leur logement, ils sont propriétaires du bâtiment et jouissent de l’usage du terrain. Au bout d’une certaine durée définie par le contrat, le sol et les constructions reviennent à la ville, qui peut alors déterminer s’il convient de reconstruire ou si la zone est devenue trop dangereuse pour être constructible. Néanmoins, les habitants peuvent construire leur maison comme bon leur semble, et lui donner une identité propre. Cette identité peut être esthétique, graphique ou bien matérielle : les mahorais n’ont souvent pas froid aux yeux !
Les arches du murs-aqueduc créent un rythme dans la façade de la venelle : elles cadrent la richesse des identités des maison, créant une forme d’adressage informelle du quartier. Cette échelle a pour ambition de développer une autre forme de propriété à Mayotte: l’appropriation temporaire par l’autoconstruction et la construction d’un quartier dans son ensemble par le détail de l’inattendu.
Partie _4 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU QUARTIER ET DE LA VILLE : UN QUARTIER ÉVOLUTIF, ENTRE VILLE ET RAVINE
2
fig. 67: Appropriation des façades de la venelle, choix personnel economique, constructif et esthétique
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4.4 ECHO DE KAWÉNI VILLAGE : UN PAYSAGE HYBRIDE TRANSCALAIRE Le projet cherche à créer une transition entre l’échelle de Kawéni Village et l’échelle de la zone scolaire. Il joue alors le rôle de «zone tampon», entre les deux, à la fois en terme d’usages mais aussi dans le domaine du risque. L’Ecole se positionne comme une transition physique : traversable, elle permet d’accéder à la ravine et de rejoindre la zone scolaire en saison sèche. Elle est également un mur, une protection claire dans le paysage, derrière laquelle la ville est moins vulnérable aux vents violents, aux inondations et au coulée de boue. Ce bâtiment joue à pile ou face : d’un côté la ville et la place, de l’autre la ravine et le risque mouvant.
Néanmoins, plus que l’Ecole, c’est le site tout entier qui joue avec le paysage et le climat. Le projet tente de répondre aux enjeux des îlots de chaleur urbains, très présents à Mayotte en captant et rafrâichissant les vents N.-O au dessus des bassins de la ravine. Les arbres sur la berge ainsi que la façade Nord de l’Ecole ralentissent quant à eux les vents parfois violents, tout en créant des effets d’aspirations dans les venelles du quartier, jusqu’à Kawéni Village. C’est un écosystème hybride, entre urbain et paysage qui apparaît, passant d’une échelle à une autre, chaque détail participant au confort de l’ensemble.
20 m 10 5 0 1
89 fig. 68: Coupe paysagère du quartier, vue sur la tour de Cananga
Partie _4 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU QUARTIER ET DE LA VILLE : UN QUARTIER ÉVOLUTIF, ENTRE VILLE ET RAVINE
LES REPÈRES DANS LA VILLE : ECHOS DE KAWÉNI VILLAGE A la croisée de Kawéni Village et de la Zone scolaire, le projet veut accompagner les cheminements déjà présents tout en accentuer le dialogue en cours entre les deux entités. De la mosquée historique SPPM à la MJC, lieu dédié aux jeunes, nous conservons l’axe du Chemin des Zébus, en le ponctuant de deux places. Entre les deux bâtiments-repères, l’Ecole et sa tour font le trait d’union, dans un mouvement courbe.
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Partie _4 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU QUARTIER ET DE LA VILLE : UN QUARTIER ÉVOLUTIF, ENTRE VILLE ET RAVINE
fig. 69: Insertion paysagère du projet
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fig. 70: Destruction des maison pendent catastrophe Ă st. Martin
4.5 SCÉNARIO CATASTROPHE ET RÉSILIENCE Le métabolisme urbain que nous dessinons s’inscrit dans une démarche d’urbanisme de cycles. Ces cycles sont pédagogiques (1 an), saisonniers (6 mois), sociaux (20 ans) mais aussi beaucoup plus longs, à l’échelle des grandes catastrophes naturelles et des changements profonds qu’ils opèrent sur la ville.
Cette acception de la vulnérabilité de notre projet est un plaidoyer pour une nouvelle gestion du risque en milieu urbain, qui va de pair avec l’urbanisme de cycles. Nous revendiquons la fragilité inhérente de notre projet car il s’agit là d’une posture qui tend à plus de résilience. Le temps de la catastrophe sera donc celui du «crash-test» des bâtiments que nous construisons en tant qu’architectes, mais aussi celui des refuges et habitations construits par les étudiants, avec les habitants. En sécurité dans leur refuge, les habitants pourront ensuite observer les dégâts et désordre dans leur logement et prendre des décisions avisées par le suite, avec l’aide de l’Ecole, sur ce qui fonctionne et ce qu’il faudra éviter à l’avenir.
Car le projet affirme aussi la nécessaire résilience à l’échelle paysagère et urbaine : Faut-il vraiment construire en zone à risque ? Nous faisons l’hypothèse de départ que oui, que le site de Cananga est compatible avec une densification raisonnée, mais cela ne sera peut-être pas toujours le cas. Les risques naturels évoluent avec la ville et le changement climatique, une zone sûre peut parfois devenir trop risquée avec le temps. Le dernier cycle, celui des catastrophes naturelles est donc aussi celui du requestionnement des modes de vie et de ville.
93 Partie _4 LES ALÉAS À L’ÉCHELLE DU QUARTIER ET DE LA VILLE : UN QUARTIER ÉVOLUTIF, ENTRE VILLE ET RAVINE
Nous avons imaginer ces moments sous la forme d’un «scénario catastrophe» : les choix que nous avons fait en terme de réduction de la vulnérabilité des personnes et de mitigation des risques sont alors mis au test. Nous n’avons pas la prétention d’être des expertes en matière de mitigation des risques, toutes nos décisions pour ce projet ont été dirigées vers plus de sécurité pour les habitants, mais aussi plus de résilience pour la ville. A ce titre, nous ne voulions pas dessiner un quartier figé face au risque, mais un projet avec divers degré de vulnérabilité, afin qu’il puisse se reconstruire et se reconfigurer en cas de catastrophe.
Les éléments plus stables du projet (les mursdigues, les murs aqueducs, le réseau d’eau aérien, l’amphithéâtre de l’école,les refuges des habitants,...) serviront ensuite de base sur laquelle reconstruire - ou non - le quartier.
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fig. 71: Synthèse transcalaire du projet
CONCLUSION Pour conclure, à travers ce projet transcalaire, nous nous sommes interrogées sur le rôle et les limites de l’architecture dans un contexte du renouvellement urbain de Kawéni. Kawéni est, par bien des aspects, la synthèse des problématiques et des ressources de Mayotte: une dynamique communautaire forte mais ségréguée qui ne trouve pas sa place dans la construction du tout jeune département de Mayotte, tiraillé entre traditions et modernité.
En proposant une École de l’aléa architectural, nous espérons mettre en avant un modèle où les savoirs-faire mahorais seront ré-injectés durablement dans le paysage architectural tout en donnant une chance aux jeunes de trouver leur place dans la société. Volontariste et peut-être par moment utopique (ou naïf), notre projet défend l’action croisée des instances publics et de l’intelligence vernaculaire des habitants.
Cette poésie de l’aléa nous semble inhérente aux villes mahohaises, en perpétuelle mutation. Pour citer l’excellent travail de F. Bonnet et de ses Ateliers Nationaux : «La fragilité essentielles des constructions humaines, les cycles donnés par les phénomènes naturels, ainsi que toute la richesse des savoirs-faire et des pratiques pour s’y adapter et parfois y remédier introduisent un autre rapport entre nature et culture, un autre rapport au temps.»1 Nous avons tenter de donner une trame durable pour les villes mahoraises : face à la densification urbaine, il est nécessaire de laisser une place à la Nature et à ses phénomènes. Au travers de ce projet nous avons voulu mettre en valeur l’incroyable richesse de Kawéni à travers toutes ses identités et tenter de faire tomber les frontières qui s’élèvent si rapidement à Mayotte. Face à la ségrégation, aux inégalités et à une histoire coloniale difficile à dire, la Nature et ses manifestations ont selon nous le pouvoir de dessiner un nouveau paysage résilient, pour les beaux jours ou les jours de pluie (tropicale!).
La question qui traverse tout notre travail est donc la suivante : Quelle place laisser à l’aléa(toire) dans la ville mahoraise ?
1 Atout risques, Des territoires exposés se ré-inventent, BONNET Frédéric, 2016, p. 149
95 Conclusion
Dans le premier tome de ce mémoire, nous avons donné la parole aux jeunes de la «Génération Département», ces jeunes issus des familles les plus aisées de Mayotte qui ont la chance de pouvoir partir faire des études en métropole. Or, si Mayotte est le département le plus jeune de France, la politique de l’Éducation Nationale laisse sur le côté une bonne partie de ces jeunes. Nous nous sommes donc penchées sur les potentiels de la future génération de travailleurs de Mayotte.
En nous inspirant de la démarche temporelle de l’urbanisme de cycle, nous prenons en compte l’urgence de la précarité urbaine à Kawéni tout en laissant la possibilité au système de se reconfigurer sur le long terme.
BIBLIOGRAPHIE OUVRAGES AQUILINO M.J., «Beyond Shelter : Architecture for crisis», Thames and Hudson, Londres, 2011. BERNOULI H. , «Die Stadt and ihr Boden»,Sammelwerk die menschliche Siedlung, Ehrlenbach, 1943. BONNET F., «Atout risques, des territoires exposés se ré-inventent», Parenthèses, Marseille, 2016, Collection Territoire en projet, ISBN 978-2-86364-244-3 FRAMPTON K. , «Towards a Critical Regionalism: Six points for an architecture of resistance», dans «Anti-Aesthetic. Essays on Postmodern Culture.» Seattle: Bay Press, 1983. GARNIER P., MOLES O., «Aléas naturels, Catastrophes et Développement local», Editions CRAterre, Grenoble, 2011, ISBN-13 : 978-2-906901-67-4 GUILLAUD H., JOFFROY T., ODUL P., CraTerre EAG, «Bloc de Terre Comprimé» dans «Volume II Manuel de conception et de construction», DZE Gate, Berlin, 1995. JIGYASU R., «Reducing Disaster Vulnerability through Local Knowledge and Capacity», Norwegian University of Science and Technology, PhD Thesis, Trondheim, 2002. OLIVER, P. «Shelter and society», Edition Barrie and Rockliff, Londres, 1969.
96
SLANEY S., «Stormwater Management for Sustainable Urban Environments», Images Publishing, Victoria (Australie), 2016, ISBN : 978-1864707076
SOURCES OFFICIELLES DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS IEDOM, «Habitat social à Mayotte» Note express n° 66, Février 2010, PDF en ligne consulté le 10/10/17, URL : < http://www.iedom.fr/mayotte/publications/les-notes-expresses/les-notes-expresses-eclairage/> DRAC Mayotte, «Architecture Mahoraise», juillet 2016 INSEE, « Formations et emplois 2014 : Trois mahorais sur quatre sans diplôme», INSEE Flash, Novembre 2014, PDF disponible en ligne. La Fabrique Urbaine, «Maitrise d’oeuvre urbaine dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain du quartier prioritaire de Kawéni. Rapport de présentation du plan guide a l’echelle du territoire - version 1.», novembre 2017. DOCUMENTATIONS RISQUES Préfecture de Mayotte, Rapport BRGM «Dossier des Risques Majeurs», Février 2014. DOCUMENTATIONS GÉOLOGIE BRGM, «Carte géologique de Mayotte et notice», Janvier 2013, PDF en ligne. BRGM, «Rapport Schéma des carrières de Mayotte», Juillet 2002, PDF en ligne.
SOURCES WEB «La poétique de la ville spontanée, neo-primitifs urbains», Arpla, consulté le 16/01/2018, URL : <http://www.arpla.fr/mu/formes02/2016/01/25/la-poetique-de-la-ville-spontanee/>
«Kawéni Hima», tournée par les habitants du quartier Kawéni, Vidéo consultée en ligne le 12/12/2017, URL : < https://www.youtube.com/watch?v=FfjmSXrJ0xE&t=1391s> «La Brique de Terre Crue Compressée : vers une nouvelle tradition à Mayotte», J. Ohling, Mémoire de Recherche étudiant, ENSAP Lilles, mai 2014, consulté en ligne le 07/03/2018, < https://issuu.com/julienohling/docs/annexes>
« Catalogue pour les nouveaux constructeurs de Ouagadougou», C. Chabaud, Mémoire étudiant, ENSA Marseille, juin 2016, consulté en ligne le 20/04/2018, < https://issuu.com/cyril.chabaud/docs/catalogue_ouagadougou_part_1>
«Maillage, distribution et trame parcellaire» (p. 345-360) dans «Les Faubourgs de Damas», Y. Roujon et L. Vilan, Presses de l’Ifpo, mise en ligne le 20 mai 2014, consulté le 14/04/2018,
< http://books.openedition.org/ifpo/4125>
ARTICLES JOURNAUX
« Glissement de terrain à Koungou, récupération pour tous et responsabilité pour personne ?», Le journal de Mayotte, article du 15 janvier 2018. «CraTerre tourne l’architecture en terre crue vers l’avenir», L.R. Destours, Dossier La Revue Durable, N°19, mars 2006.
Bibliographie
Entretien avec Salvana Briceno, directeur de la Stratégie Internatione pour la Réduction des risques. Le Monde, 27.08.2018, «http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/08/27/l-hommetransforme-l-alea-naturel-en-catastrophe_1403380_3244.html»
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TABLE D’ILLUSTRATIONS fig.1: Photo de Nikishyn Aliaksei fig.2: Collage personnelle, réalise à la base des donnée de https://www.geoportail.gouv.fr/carte fig.3: Source : La Fabrique Urbaine, «Maitrise d’œuvre urbaine dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain du quartier prioritaire de Kawéni. Rapport de présentation du plan guide a l’échelle du territoire - version 1.» fig.4: Illustration personnelle fig.5: Illustration personnelle fig.6: Illustration personnelle, réalisé à la base de source : La Fabrique Urbaine, «Maitrise d’œuvre urbaine dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain du quartier prioritaire de Kawéni. Rapport de présentation du plan guide a l’échelle du territoire - version 1.» fig.7: Illustration personnelle fig.8: Source: La Fabrique Urbaine, «Maitrise d’œuvre urbaine dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain du quartier prioritaire de Kawéni. Rapport de présentation du plan guide a l’échelle du territoire - version 1.» fig.9: Illustration personnelle Fig.10: Illustration personnelle fig. 11: Illustration personnelle fig. 12: Source: La Fabrique Urbaine, «Maitrise d’œuvre urbaine dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain du quartier prioritaire de Kawéni. Rapport de présentation du plan guide a l’échelle du territoire - version 1.» fig.13: Illustration personnelle
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fig. 14: Illustration personnelle fig.15: Illustration personnelle fig.16: Illustration personnelle fig. 17: Source: La Fabrique Urbaine, «Maitrise d’œuvre urbaine dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain du quartier prioritaire de Kawéni. Rapport de présentation du plan guide a l’échelle du territoire - version 1.» fig. 18: Illustration personnelle fig.19: Illustration personnelle fig.20: Source: La Fabrique Urbaine, «Maitrise d’œuvre urbaine dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain du quartier prioritaire de Kawéni. Rapport de présentation du plan guide a l’échelle du territoire - version 1.» fig.21: Collage personnelle, réalise à la base des donnée de https://www.geoportail.gouv.fr/carte fig. 22: Photo de Tatsiana Smykouskaya fig.23: Photo de Tatsiana Smykouskaya fig. 24: Photo de Gaëtane Eche fig. 25: Photo de Gaëtane Eche fig. 26: Photo de Gaëtane Eche fig. 27: Photo de Aliaksei Nikishyn fig.28: Photo de Aliaksei Nikishyn fig. 29: Photo de Aliaksei Nikishyn fig. 30: Récupéré le 5 avril 2018 sur https://www.ledauphine.com/france-monde/2018/01/11/pluies-diluviennes-cinqpersonnes-retrouvees-mortes fig. 31: Illustration personnelle fig.32: Source: La Fabrique Urbaine, «Maitrise d’œuvre urbaine dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain du quartier prioritaire de Kawéni. Rapport de présentation du plan guide a l’échelle du territoire - version 1.»
fig. 33: Photo de Gaëtane Eche fig. 34: Illustration personnelle fig. 35: Illustration personnelle fig.36: Illustration personnelle fig.37: Illustration personnelle fig.38: Illustration personnelle fig.39: Illustration personnelle, réalisé à la base de source : La Fabrique Urbaine, «Maitrise d’œuvre urbaine dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain du quartier prioritaire de Kawéni. Rapport de présentation du plan guide a l’échelle du territoire - version 1.» fig.39: Illustration personnelle fig.41: Collage personnelle, réalise à la base des donnée de https://www.geoportail.gouv.fr/carte fig.42: Illustration personnelle fig. 43: Illustration personnelle fig. 44: Illustration personnelle fig.45: Illustration personnelle fig.46: Illustration personnelle fig.47: Illustration personnelle fig.48: Illustration personnelle fig.49: Illustration personnelle fig.50: Illustration personnelle fig.51: Illustration personnelle fig.52: Photo de Aliaksei Nikishyn fig.54: Source : La Fabrique Urbaine, «Maitrise d’œuvre urbaine dans le cadre du nouveau programme de renouvellement urbain du quartier prioritaire de Kawéni. Rapport de présentation du plan guide a l’échelle du territoire - version 1.» fig.55: Illustration personnelle fig.56: Illustration personnelle fig.57: Illustration personnelle fig.58: Illustration personnelle fig.59: Illustration personnelle fig.60: Illustration personnelle fig.61: Illustration personnelle fig.62: Illustration personnelle fig.63: Illustration personnelle fig.64: Illustration personnelle fig.65: Illustration personnelle fig.66: Illustration personnelle fig.67: Illustration personnelle fig.68: Illustration personnelle fig.69: Illustration personnelle fig.70: Illustration personnelle fig.71: Illustration personnelle
Table d’illustrations
fig.53: Illustration personnelle
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KAWÉNI Entre paysage du risque et pédagogie de l’aléa
«La fragilité essentielles des constructions humaines, les cycles donnés par les phénomènes naturels, ainsi que toute la richesse des savoir-faire et des pratiques pour s’y adapter et parfois y remédier introduisent un autre rapport entre nature et culture, un autre rapport au temps.»1 1Bonnet F. «Atouts risque»