Pierre Bonnard Édouard Vuillard Une amitié
2
La simple évocation des noms de Bonnard et de Vuillard fait inévitablement penser à cette émouvante déclaration de Vuillard – la dernière – à l’attention de son ami de toujours : « Si je vous écrivais chaque fois que je pense à vous, à notre passé, à la peinture, etc., vous auriez une bibliothèque à compulser1. » Vuillard devait mourir à La Baule quelques semaines plus tard, sans laisser à Bonnard – inconsolable – le temps de lui répondre. Leur amitié n’est pas une légende, Thadée Natanson – époux de la sulfureuse Misia –, a évoqué à son tour leurs liens indéfectibles dans ses souvenirs. Amis de la première heure, les deux artistes se rencontrent en 1889 à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris et suivent ensemble les cours libres de l’Académie Julian. Ils partagent un temps le même petit atelier au 28 de la rue Pigalle avec Maurice Denis et Lugné-Poë. Les deux jeunes peintres sont inséparables au point de faire partie de la famille de l’un et l’autre ; Bonnard est reçu aux soupers de la mère de Vuillard et ce dernier passe des vacances au Grand Lemps dans la propriété familiale des Bonnard en Isère où se réunit la famille Terrasse au complet, comme en témoignent les charmantes photographies de Vuillard. Pour Bonnard, sa sœur Andrée, sa cousine Berthe – son premier amour de jeunesse –, ses neveux et nièces, bientôt Marthe rencontrée dans une rue de Paris deviennent des sujets récurrents tout comme Vuillard se nourrit de l’atmosphère feutrée et entièrement féminine de l’atelier de corsetterie de sa mère. À cette époque leur œuvre est si proche qu’elle peut être confondue, à l’instar de ce commentaire célèbre de Gustave Geffroy, écrit à l’occasion de la première exposition personnelle de Bonnard à la galerie de Paul Durand-Ruel en 1896 : « […] Pierre Bonnard expose un grand panneau, une quarantaine de petits cadres, quelques affiches et lithographies, l’ornementation d’un petit solfège et deux paravents. Ces diverses manifestations le montrent comme son ami, son compagnon, son frère d’existence, Vuillard, en possession du don, instinct et science, habitude de penser et manière de voir personnelles. Il y a évidemment une ressemblance entre les deux artistes dans la façon de rendre une scène… et je vois de grandes différences: ainsi Vuillard est un coloriste plus franc, plus hardi à faire éclater les floraisons bleues, rouges, jaune d’or, et en même temps on le sent d’esprit mélancolique, de pensée grave. Bonnard, au contraire, est un peintre gris, se plaît aux nuancements du violacé, du roux, du sombre; et pourtant dans chacune de ses notations la malice d’observation, la gaîté gamine se révèlent d’une distinction charmante. […] Nul ne note plus finement l’aspect de la rue, les silhouettes passantes, la tache colorée vue à travers la fine brume parisienne. Nul
1 Lettre de Vuillard à Bonnard, 4 mai 1940, in Bonnard/Vuillard Correspondance, édition d’Antoine Terrasse, éd. Gallimard, Paris, 2001, p. 103.
ne transcrit plus fidèlement la pantomime enfantine, la grâce frêle de la fillette. […] C’est la poésie de la vie qui a été, c’est le souvenir des choses, des animaux, des êtres humains… 2 » S’ils n’ont jamais désiré exposer ensemble, d’autres y ont pensé pour eux, réunissant leurs noms et leurs œuvres dans un même lieu en 1932 à la Kunsthaus de Zurich puis en 1938 à l’Art Institute de Chicago ; plus récemment, des collections prestigieuses aussi comme celle du couple Marcie-Rivière y étaient presque exclusivement consacrées. À Washington, la Collection Sant a donné l’accent à la période nabi des deux artistes comme à leurs amis, tout comme celle des Hays promise au musée d’Orsay. L’ensemble des dessins réuni ici fait revivre cette vive amitié entre les deux hommes, leur connivence même ; dessins préparatoires à des peintures ou simples croquis d’études, ces feuilles témoignent de leur passion de la ligne sous l’influence des estampes japonaises, influence qui valut d’ailleurs à Bonnard le surnom de Nabi Japonard, puis de leur indépendance respective quant aux courants d’avant-garde, préservant le travail constant du dessin. Après 1900, Vuillard trouve en Lucie Hessel – épouse du marchand Jos Hessel – une protectrice et amie fidèle, facilitant des commandes ; elle est omniprésente dans les intérieurs du peintre, inscrivant sa silhouette élégante dans le décor environnant, où miroirs et papiers peints jouent des rôles de premier plan. De son côté, Bonnard vit de plus en plus retiré de Paris, entre la Normandie et le Sud de la France, partageant son temps entre son atelier et d’incessantes balades dans les environs, croquant un effet ou notant le temps qu’il fait, cherchant la sensation qui donnera vie à ses tableaux futurs. Marthe est au cœur de son œuvre depuis 1893 jusqu’à sa mort en 1942, devenant l’archétype même de sa peinture entre intérieurs et nus, tout en partageant quelque temps l’amour passionné du peintre avec Lucienne et Renée que l’on retrouve immortalisées dans quelques dessins et toiles. Les deux amis ne partagent plus leur quotidien, se voyant beaucoup moins, mais leur émouvante correspondance atteste assurément de leur amitié profonde. Véronique Serrano Conservateur en chef du Patrimoine, directeur du musée Bonnard, Le Cannet
2
4
Propos rapportés par Charles Terrasse, Bonnard, éd. Floury, Paris, 1927, p. 57-58.
Mentioning the two names together, Bonnard and Vuillard, one is inevitably reminded of the very moving letter –the last one– Vuillard sent to his old friend: « If I wrote to you every time I think of you, our past, painting, etc., you would, have enough letters to fill a library. » Vuillard would die in La Baule a few weeks later and Bonnard, inconsolable, never had time to write back. Their friendship is no legend, Thadée Natanson, married to the sultry Misia, mentioned, as others did, their unbreakable ties in his memoirs. Friends from the beginning, the two artists meet in 1889 at l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris and both study at l’Académie Julian. For a while, they even share a little workshop, 28 rue Pigalle with Maurice Denis and Lugné-Poë. The two young painters are inseparable, to the point of becoming part of each other’s family. Bonnard is often invited to Vuillard’s mother’s suppers and Vuillard spends his vacation at Bonnard’s family property in Grand Lemps in Isère, where the whole family Terrasse assembles. Many of Vuillard’s charming photographs witness these moments. For Bonnard, his sister Andrée, his cousin Berthe –his first love–, his nephews and nieces, as well as Marthe, whom he met in Paris, become recurring subjects for his art. In the same way, Vuillard’s source of inspiration is the intimate and essentially feminine atmosphere of his mother’s corsetry workshop. In those days, their work is so similar that it is not always easy to distinguish one from the other, as stated by Gustave Geoffroy, in a famous comment, at the occasion of Bonnard’s first personal exhibition at the gallery Paul Durand-Ruel in 1896, he wrote: ‘[…] Pierre Bonnard is presenting one large panel, about forty little frames, a few posters and lithographs, his illustration of Petit Solfège and two decorative screens. On these different occasions, he shows, as well as his friend, his companion, his brother in life, Vuillard, that they possess a gift, instinct, science and a very personal vision and way of thinking. There is of course a resemblance between the two artists in the way they deliver a scene… and I see great differences: Vuillard uses colours in a more vibrant manner, he does not hesitate to enhance his floral arrangements with blues, reds and golden yellows, and at the same time, he expresses deep thoughts and melancholy. Bonnard, on the other hand likes to paint in grey, with purple, rust and sombre shades; and yet, he always delivers a bit of mischief in his observation, a childish cheerfulness in a different and charming way. […] No one captures better the atmosphere of a street, silhouettes of people passing by, a patch of colour through the Parisian mist. No one renders more
faithfully the character of a child, the frail grace of a little girl […]. It’s poetry of lives past, of memories of things, animals, people...’ If they never desired a joint exhibition, others did it for them, uniting their names and work at the Kunsthaus in Zurich in 1932, and in 1938, at the Art Institute in Chicago; more recently, prestigious collections (like that of the Marcie-Rivière) were almost exclusively dedicated to them. In Washington, the Sant collection put the emphasis on the Nabi period of the two artists and their friends, so does the Hays collection coming to the Musée d’Orsay. The drawings assembled here bring a new life to their complicity and warm friendship, preparatory drawings for paintings, or simple sketches, all express their common passion for the line, influenced by Japanese printmaking, which earned Bonnard his nickname of ‘Nabi Japonard’. It also demonstrates their respective independence from avant-garde movements, preserving their constant attention to drawing. After 1900, Vuillard finds in Lucie Hessell –married to the art dealer Jos Hessel– a faithful friend and protector, facilitating clients orders. She is omnipresent in his interiors, her elegant silhouette becoming part of the decor, where wallpapers and mirrors play a major role. As for Bonnard, he lives away from Paris, more and more, either in Normandy or in the South of France, sharing his time between his workshop and his incessant walks in the surroundings, sketching an effect or taking notes on the weather, searching for the emotion which will bring life to his future paintings. Marthe has been at the heart of his work since 1893 and will be until her death in 1942, becoming the archetype of his paintings between interiors and nudes, even when he feels for a moment, passionate love for Lucienne or Renée, immortalised in a few drawings and paintings. The two friends do not share their everyday life, nor spend much time together anymore but their very moving correspondence attests of their deep and lasting friendship. Véronique Serrano Heritage curator in chief, director of the Bonnard museum, Le Cannet
6
Pierre Bonnard et Édouard Vuillard à bord d’un bateau naviguant sur le lac de Côme en 1899. Photographie de Ker-Xavier Roussel. Pierre Bonnard and Édouard Vuillard on a boat sailing on Lake Como in 1899. Photography of Ker-Xavier Roussel.
8
Pierre Bonnard
En 1890, Pierre Bonnard rentre fasciné de sa visite de l’exposition d’estampes japonaises de l’École des Beaux-arts de Paris et s’imprègne dès lors du style des maîtres de l’Ukiyo-e. Ici, le recours au format kakemono, la mise en page, le jeu d’arabesques entre branches stylisées, les lignes ondulantes des personnages et la technique de l’encre traitée au pinceau justifient à l’évidence le surnom de « nabi japonard » donné à Bonnard. Ce dessin est probablement une illustration de l’un des programmes des soirées musicales organisées par son beau-frère Claude Terrasse dans la maison qu’il loue à Arcachon, la villa Bach. In 1890, Pierre Bonnard is fascinated by the exhibition of Japanese prints at the École des Beaux-arts in Paris. Consequently, he finds inspiration in the style of the Ukiyo-e masters. The layout, the kakemono format, the stylization of the branches forming arabesques and wavy outlines with the silhouettes, as well as the technique of ink and brush reveal a Japanese influence on Bonnard’s work, who is nicknamed the very ‘Nabi Japonard’. This drawing is probably one of the illustrations which Claude Terrasse, his brother in law, uses for the programmes of his musical evenings taking place at the villa Bach that he rents in Arcachon.
Femme dans un paysage, au clair de lune 1891
10
Encre de Chine au pinceau sur papier 18,5 x 9 cm
Pierre Bonnard exécute plusieurs portraits de Berthe Schaëdlin, sa cousine, dont il est tombé amoureux autour des années 1889-1890. Berthe l’a néanmoins éconduit et a refusé à contrecœur sa demande en mariage, dissuadée semble-t-il par les siens d’accorder sa main à un artiste. Ce dessin adopte toutes les caractéristiques des œuvres du mouvement nabi : cadrage souligné, trait sinueux, frontalité du sujet et motifs décoratifs des tissus. Les nuances du travail à la pierre noire de la robe de Berthe contrastent avec la blancheur de son visage comme pour dévoiler la douceur et la fragilité de la jeune fille. Au verso, un autre portrait de Berthe où cette fois il se concentre sur le visage qu’il traite de façon détaillée, nous renvoyant une image joyeuse d’une jeune fille au regard pétillant. Contrastant avec les courbes fortes et sinueuses du cou, du visage et de la chevelure, le tissu du vêtement qui enveloppe le corps juvénile de la jeune fille n’est que moelleux et douceur. Pierre Bonnard executes several portraits of Berthe Schaëdlin, his cousin with whom he fell in love around 1889/1890. She turned him away, against her will, under pressure from her family, unwilling to let her marry an artist. This drawing holds all the characteristics of the Nabi approach to artwork: broad outlines, frontal framing, sinuous lines and fabrics with decorative patterns. The nuances of the work with lead pencil on Berthe’s dress contrast with the paleness of her face as to unveil the young lady’s sweet and fragile nature. On the back, there is another portrait of Berthe where he focuses on her face with great detail, projecting a cheerful image of a young girl with sparkling eyes. The strong and windy curves of her neck, face and hair contrast with the soft and fluffy fabric of the garment covering her young body.
Portrait de Berthe Schaëdlin assise dans un intérieur Double face Vers 1892 Pierre noire 36 x 24 cm Provenance : Collection privée, Paris 12
La division de la feuille en quatre espaces évoque les quatre panneaux du paravent dont ce dessin esquisse le décor. Bonnard, Vuillard, Denis, Ranson, Sérusier, tous ont peint des paravents, leur désir étant de créer des objets du quotidien susceptibles « d’embellir la vie » en effaçant les frontières entre les beaux-arts et l’artisanat. Il était donc tout à fait naturel que cet objet décoratif ait retenu leur attention. Donnant à voir sa mère et sa sœur affairées dans le jardin accompagnées du chien qui joue avec les enfants, le « peintre du bonheur » aime à nous entraîner dans ces moments enchantés de la vie familiale. This drawing is divided into four spaces which represent the four panels of the screen depicting the scene. Bonnard, Vuillard, Denis, Ranson, Sérusier all painted decorative screens. They wanted to create everyday life objects to ‘embellish life’ by erasing the boundaries between fine arts and craftsmanship. It was quite natural that this decorative piece would capture their interest. Representing his mother and sister, busy in the garden, and the dog playing with the children, the ‘painter of happiness’ enjoys sharing enchanting moments of family life.
14
Madame Bonnard et Madame Terrasse entourées de leurs enfants Vers 1893 Mine de plomb sur papier 21 x 25 cm
Cette encre de Chine a servi d’illustration pour le roman Marie de Peter Nansen, édité par La Revue blanche à Paris en 1898. Cadré en gros plan, le modèle nu en buste se tient dos au miroir. L’artiste traite ce dessin à la manière des peintres de l’estampe japonaise, chère au mouvement nabi. Le visage de Marie légèrement incliné, juste suggéré, le sein découvert et la chevelure en chignon très travaillée rappellent les geishas d’Utamaro. Créée en 1891 sous l’impulsion des frères Alexandre, Thadée et Louis-Alfred Natanson, La Revue blanche est rapidement devenue le symbole de la défense des avant-gardes artistiques littéraires, musicales, théâtrales aussi bien que picturales. This is an illustration for Marie, the novel by Peter Nansen, published by La Revue blanche in Paris in 1898. It is a close up of a model, naked, in bust, standing with her back to the mirror. The painter addresses the subject in the manner of Japanese printmaking, dear to the Nabi movement. Marie’s face is only suggested, slightly turned away, her breast uncovered and her hair done in a sophisticated bun, reminiscent of Utamaro’s geishas. La Revue Blanche, founded in 1891 by the Natanson brothers, Alexandre, Thadée and Louis-Alfred, quickly became the symbol and defender of the artistic avant-garde as far as literature, music, theater and pictorial arts were concerned.
Marthe de profil, étude pour Marie. 1898
16
Encre de Chine au pinceau 19,5 x 15 cm Signé en bas à droite Exposition : Bonnard Illustrateur, musée Bonnard, Le Cannet, 2005 Bibliographie : Bonnard Illustrateur, édition Le Cannet Côte d’Azur, 2005, p. 79
Ce dessin exécuté au pinceau à l’encre de Chine, d’une gestuelle rapide, sans repentir, affirme une grande liberté de trait. Le cadrage japonisant découpe la silhouette et ne laisse visible que le haut du corps et une partie des bras à l’exclusion des jambes. Bonnard dispose en arrière-plan un miroir qui donne toute sa profondeur à l’œuvre et renvoie la vibration de la lumière sur la peau du modèle. Sa chevelure noire contraste avec la blancheur de son corps et met en relief ses seins et sa cambrure. Cette oeuvre est préparatoire à une illustration pour le roman de Peter Nansen, Marie, édité en 1898 à Paris par La Revue blanche, fervent soutien des peintres nabis. This drawing is executed with Chinese ink and brush, in a single stroke, which attests of great freedom of line. The Japanese style framing cuts the silhouette, leaving only the top of the body and the arms to be seen, at the exclusion of her legs. In the background, a mirror gives depth to the work and projects a vibrating light on the model’s skin. Her black hair contrasts with the paleness of her body and underscores her breast and the curve of her back. This is a preparatory drawing for an illustration of Marie, a Peter Nansen’s novel, published in Paris in 1898 by La Revue blanche, fervent supporter of the Nabi painters.
Marthe nue de face, étude pour Marie 1898
18
Encre de Chine au pinceau 19 x 11 cm Exposition : Bonnard Illustrateur, musée Bonnard, Le Cannet, 2005 Bibliographie : Bonnard Illustrateur, édition Le Cannet Côte d’Azur, 2005, p. 78
Ce dessin est une des œuvres représentant Marthe alanguie exécutée en 1899 pour illustrer l’ensemble de poèmes érotiques de Paul Verlaine Parallèlement, publié en 1900 par Ambroise Vollard. L’ambition de Pierre Bonnard pour ce premier livre d’artiste était d’accompagner le texte puissamment évocateur du poète de lithographies spontanées, sensuelles et suggestives. Ce modèle vu de dos révèle une indéniable sensualité. This drawing belongs to a series representing Marthe laying down which Bonnard composed in 1899 to illustrate an ensemble of poems by Paul Verlaine, Parallèlement, published in 1900, by Ambroise Vollard. This first ‘book of artists’ had the ambition to combine the poet’s powerfully evocative text with the painter’s sensual, spontaneous and allusive lithographs. Here, the model, seen from behind, reveals her undeniable sensuality.
20
Femme de dos – Le réveil de l’indolente Vers 1899 Encre de Chine, gouache et lavis sur papier 30 x 15 cm Provenance : Collection privée, Paris
C’est en 1905 que Bonnard inaugure ses variations sur le thème « Nu à sa toilette » dont sa compagne deviendra le modèle. Marthe est ici représentée en pied, le regard dirigé vers le bas. Troublée elle se tient la tête légèrement inclinée, la joue contre son épaule. Le meuble de salle de bain nous situe la scène dans l’intimité et la réalité du quotidien. Le modelé souple du trait, souligné de quelques accents de pierre noire, dévoile la douceur de la lumière sur le corps blanc du modèle. It is in 1905 that Bonnard starts his variations on the theme ‘Nu à sa toilette’ for which his companion Marthe will become the model. It is a full length portrait, her head is slightly tilted, her cheek pressed against her shoulder, she is looking down, feeling a little uneasy. A piece of furniture in the bathroom sets the scene with a sense of casual intimacy. The fluid, smooth modeling with lead pencil reveals the softness of the light on her pale body.
Femme nue à sa toilette 1905
22
Mine de plomb sur papier 30 x 24 cm Cachet du monogramme en bas à gauche Étude pour l’huile sur toile Nu debout de profil, Catalogue raisonné de l’artiste (vol I, n° 373, p. 323)
Plus d’un tiers des œuvres de Bonnard témoignent de sa grande tendresse à l’égard des animaux et notamment les chats. Intégrés dans les scènes familiales, ils en deviennent souvent le sujet principal. En mouvement, pattes avants en appui et pattes arrière tendues, les oreilles aux aguets, celui-ci s’apprête à bondir sur la table et quitter les genoux de Marthe. Le visage de sa maîtresse, resté dans l’ombre, est simplement crayonné. Par cet effet de contraste l’artiste met en lumière l’animal. Cette œuvre est préparatoire au tableau Le déjeuner ou la mère et les deux enfants à table, conservé dans la collection de Bernheim-Jeune, reproduite dans le Catalogue raisonné de l’artiste (vol. II, n° 388, p. 37). More than a third of Bonnard’s work reveals a great tenderness for animals, especially cats. Represented in family scenes, they often become the main characters. Here, the cat sitting on Marthe’s lap, with its ears perked up and both its paws positioned, is ready to jump. Its owner’s face is only pencilled in the shadow, as the whole light shines on the cat. This is a preparatory work for the central character for the painting Le déjeuner ou la mère et les deux enfants à table which is part of the Bernheim-Jeune collection, reproduced in the artist’s Catalogue raisonné (vol. ll, # 388, p. 37).
Femme au chat 1906
24
Mine de plomb sur papier 15 x 9,5 cm Bibliographie : L’art, c’est le temps arrêté, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2014, p. 5
Ce dessin, l’un des seuls représentant Misia Sert dénudée, révèle l’intimité entre Bonnard et cette femme qui fut l’égérie et la mécène de nombreux peintres et musiciens. Sa beauté, son charisme et son talent lui ont assuré une grande influence sur la scène artistique parisienne en général et auprès des peintres nabis en particulier, lesquels se disputent le droit de faire son portrait. Pierre Bonnard et Édouard Vuillard comptent parmi ses premiers et plus fidèles amis. Au verso, Bonnard nous dévoile une calèche emportant la jeune femme. Le mouvement est suggéré par le cadrage du dessin. L’artiste n’hésite pas à couper la silhouette du conducteur qui sort ainsi de la feuille comme d’un champ cinématographique. This work is one of the only drawings representing Misia Sert undressed. It reveals the intimacy between Bonnard and this lady who was a muse and benefactor to many painters and musicians. Her beauty, charisma and talent led her to play an influential role on the Parisian artistic scene in general and particularly with the Nabi painters who competed to paint her portrait: Pierre Bonnard and Édouard Vuillard were among her first and most faithful friends. On the back, Bonnard shows us a carriage carrying the young woman away. The movement is suggested by the framing of the drawing, the artist does not hesitate to cut out the silhouette of the driver who comes out of the page, as in a cinematographic view.
Misia dénudée / Promenade en calèche Dessin double face 1906
26
Mine de plomb sur papier 12,5 x 9 cm Cachet du monogramme en bas à gauche Cachet Antoine Terrasse en bas à gauche Provenance : Collection Antoine Terrasse
Marthe est ici représentée nue dans la salle d’eau de « La Roulotte », la modeste maison où Pierre et Marthe ont emménagé à Vernonnet. La salle d’eau était un grand luxe pour l’époque. Elle est aussi essentielle pour Marthe que précieuse pour l’artiste qui y puise un de ses plus beaux sujets d’inspiration. Dans cette œuvre, Bonnard, tel un spectateur qui observe sans être vu, joue avec le reflet de Marthe dans le miroir. La lumière qui vibre sur sa peau et le mouvement suggéré de ses bras accentuent le sentiment d’instantanéité, d’intimité et de pudeur. Marthe is represented here, naked, in the bathroom of ‘La Roulotte’, the modest house which became Pierre and Marthe’s new home in Vernonnet. A bathroom was a great luxury in those days, but was deemed essential for Marthe and a source of great inspiration for the artist. Bonnard furtively watches Marthe, like an unseen spectator, he plays with her reflection in the mirror. The light, the highlights on her skin, the suggested motion of the arms accentuate a sense of intimacy and modesty.
28
Nu à la toilette vers 1910 Mine de plomb sur papier 37 x 28 cm Signé en bas à droite Provenance : Collection Eugène V. et Clare E. Thaw
Cette vue des personnages aux silhouettes coupées et du dossier des chaises visibles au premier plan indiquent que l’artiste est assis en terrasse, derrière la devanture de la brasserie Le Wepler. Ce cadrage photographique sur des passants aux mouvements rythmés, soulignés par la rapidité du trait et la force des hachures associées au contraste des ombres et accents de lumière, dévoile l’instantanéité du moment tout en affirmant le caractère réaliste de la scène. Ce dessin est préparatoire au tableau La place Clichy peint pour l’appartement parisien du quai de Grenelle de M. et Mme George Besson. Offerte au musée du Louvre en 1965, cette peinture est actuellement conservée au musée des Beaux-Arts de Besançon. The viewpoint, the cut out silhouettes of the figures and the top of the chairs, in the foreground, indicate that the artist is sitting at the terrace in front of the brasserie Le Wepler. He catches the moment, like a photographer, using a quick line and strong hatching to suggest the pace of people passing by; he also creates a contrast, playing with shadows and accents of light, rendering a very realistic scene. This a preparatory drawing for the painting La place Clichy destined for Mr. and Mrs. George Besson’s Parisian apartment, quai de Grenelle. It was offered to the Louvre in 1965 and is now part of the collection of the Musée des Beaux-Arts of Besançon.
La place Clichy, Paris 1912
30
Mine de plomb sur papier 11 x 17,5 cm Bibliographie : L’art, c’est le temps arrêté, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2014, p. 11
Bonnard a vingt-six ans lorsqu’il rencontre Marthe qui devient son modèle, puis son épouse. Quelle qu’en soit la technique, en peinture comme en dessin, elle restera toute sa vie son sujet favori. À sa toilette, dans le jardin ou dans son intérieur, il aime la représenter dans son quotidien, comme lors de cette scène de repas exécutée à la pierre noire où Marthe est assise à table, son chat à ses côtés. Ce dessin est préparatoire au tableau La Femme au chat de 1912, conservé au musée d’Orsay. Bonnard is twenty-six years old when he meets Marthe, who becomes his model, and then his wife. Whatever the subject or the technique, painting or drawing, she will remain his favourite subject throughout his life: at her toilette, in the garden or in her interior. Here, he draws her with lead pencil, sitting at the table at meal time, with her cat next to her. This is in preparation for the painting La Femme au chat in 1912, currently held at the Musée d’Orsay.
Marthe à table avec son chat 1912
32
Mine de plomb sur papier 17,5 x 22,2 cm
Marthe est ici observée à la dérobée à sa toilette. Sans jamais poser, elle est toujours là. Portraiturée nue, debout, la tête légèrement inclinée, elle révèle un corps juvénile. Ses longues jambes, ses seins hauts et ses hanches étroites en font l’image intemporelle et idéalisée de la femme aimée. Marthe baigne dans un contre-jour exprimé par les hachures au crayon qui couvrent son corps d’ombre et de lumière, tandis que ses bras comme en mouvement suggèrent vivacité et dynamisme. Spectateurs, nous sommes touchés par la grâce de ce moment d’intimité donné en partage. Bonnard watches Marthe at her toilette, furtively, she does not pose, she is always there. This is a portrait of her, naked, standing, slightly bowing her head, unveiling her young body; she is long legged, her breasts are set high, her hips are narrow, she embodies the ideal, timeless, beloved woman. Bonnard uses pencilled hatching, covering her body with shadows and light to render the backlighting effect she is bathing in, her arms suggest momentum and dynamism. In sharing this moment of grace and intimacy, Bonnard touches the heart of the viewer.
Nu à sa toilette bras droit levé 1912
34
Mine de plomb sur papier 16 x 11,5 cm Cachet du monogramme en bas à gauche Cachet de la signature au dos
Pierre Bonnard, lors de l’exécution de ce dessin en 1912, vient de s’installer à Vernon, non loin du domaine de Giverny où vit Monet à qui il rend visite en voisin. Comme lui, il s’inspire des paysages normands et la beauté des arbres le fascine. Il cherche ici à rendre les différentes tonalités de couleurs des feuillages au travers d’une multitude de points, de virgules et de petites hachures traités à la pierre noire et à l’encre de Chine. Le sol couvert d’herbe au premier plan et le ciel exécuté de délicates volutes encadrent et apportent la pleine perspective à ce paysage. Pierre Bonnard, during the execution of this drawing in 1912, has just settled in Vernon, not far from the Giverny estate where Monet lives and whom he visits as a neighbor. Like him, he is inspired by Norman landscapes and the beauty of the trees fascinates him. Here he seeks to render the different tones of colors of the foliage through a multitude of dots, commas and small hatching treated with black chalk and Indian ink. The ground covered with grass in the foreground and the sky executed in delicate volute frame and bring full perspective to this landscape.
36
Les arbres en Normandie Vers 1912-1913 Pierre noire et encre de Chine sur papier 18,5 x 27 cm Cachet du monogramme en bas à droite L’œuvre est référencée dans l’inventaire de la succession Bonnard sous le n° 523.
Cette huile sur papier est une oeuvre préparatoire pour l’affiche des Ballets russes, La légende de Joseph, commandée à Pierre Bonnard par l’Opéra de Paris en 1914. La Légende de Joseph est un ballet en un seul acte créé sur une musique de Richard Strauss. La chorégraphie était réalisée par Vaslav Nijinski et les costumes par Léon Bakst et Alexandre Benois. La troupe des Ballets russes était dirigée par Serge Diaghilev. L’histoire relate l’épisode biblique de la vie de Joseph, fils de Jacob, interprété ici par le jeune danseur, alors âgé de dix-huit ans, Leonide Massine. La première réprésentation a eu lieu à l’Opéra Garnier le 14 mai 1914. Une autre esquisse pour cette affiche, un pastel sur papier, est conservée au musée d’Orsay. This oil on paper is the project for Les Ballets Russes poster, La légende de Joseph, commissioned to Pierre Bonnard by the Opéra de Paris in 1914. The Legend of Joseph is a one-act ballet, performed at the Opéra Garnier on May 14, 1914. Richard Strauss composed the music, Vaslav Nijinsky choreographed it and Léon Bakst and Alexandre Benois created the costumes. Serge Diaghilev was the director of the company Les Ballets russes. It is a biblical story about Joseph, son of Jacob, the young performer for this role was Leonide Massine who was eighteen years old at the time. Another sketch, a pastel on paper, is part of the Musée d’Orsay’s collection.
Ballets russes : « La Légende de Joseph » 1914
38
Huile sur papier 32,5 x 23,5 cm Cachet du monogramme en haut à gauche
Marguerite Chapin, plus connue sous le nom de Marguerite Caetani, devint par alliance la princesse de Bassiano, duchesse de Sermoneta. De nationalité américaine, naturalisée italienne, cette femme de lettres et journaliste était également mécène et collectionneuse d’œuvres d’art. Elle est amie de Derain, Vuillard et Bonnard à qui elle rend souvent visite. On la voit ici attablée en compagnie d’un chat à peine suggéré au second plan. Bonnard aime souvent représenter cet animal qui par ses espiègleries anime avec humour ses scènes du quotidien. Marguerite Chapin, better known as Marguerite Caetani, became Princess of Bassiano, Duchess of Sermoneta through her marriage. An American, naturalised Italian, she was a writer, journalist, a patron of the arts as well as a collector. She is a friend of Derain, Vuillard and Bonnard to whom she often visits. She is represented sitting at the table, with a cat suggested in the background. Bonnard enjoys representing cats, he likes their mischievous character which adds humour to everyday life.
Portrait de la princesse de Bassiano 1916
40
Mine de plomb sur papier 15 x 9,5 cm Bibliographie : L’art, c’est le temps arrêté, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2014, p. 4, La volupté du trait, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2006, p. 30
Pierre Bonnard représente Marthe se lavant, accroupie dans une bassine que l’on devine. Son visage, hors-champ, n’apparaît pas dans ce cadrage très photographique. Pierre Bonnard s’inspire souvent des nombreux clichés qu’il prend de Marthe pour réaliser ses dessins les plus intimes. « À travers la photo, il cherchait à capter la vie elle-même et à confronter cette technique avec celle de la peinture… », confirme son neveu Antoine Terrasse. Ce dessin est préparatoire au tableau Grand tub ou Femme s’épongeant dans un tub, conservé au musée d’Orsay. Marthe is represented at her toilette, squatting over an unseen tub. Her face is off screen and does not appear in this photographic layout. Pierre Bonnard often takes photographs of Marthe and uses them to create the most intimate drawings. ‘Through photography, he tried to capture life itself and confront this technique to painting…’ confirms his nephew Antoine Terrasse. It is preparatory drawing for the painting Grand tub or Femme s’épongeant dans un tub held at the Musée d’Orsay.
Femme se lavant dans un tub 1917
42
Mine de plomb sur papier 17,5 x 12,5 cm Cachet du monogramme en bas à droite Provenance : Atelier de l’artiste Collection Bernheim-Jeune (1917) Collection privée
Pierre Bonnard pratique moins la nature morte pour elle-même qu’il n’y trouve un prétexte pour une recherche « d’émotion impressionniste ». Le désordre apparent de ce bouquet de fleurs des champs dissimule en réalité une savante harmonie organisée, où le vase occupe le centre d’une composition parfaitement équilibrée. Cette composition classique ménage une place à l’expression, qui semble essentielle à Bonnard : celle de dévoiler l’instantanéité du moment à travers la lumière. La moindre vibration lumineuse est restituée par un faisceau de croisillons ou, comme ici sur la nappe, par des aplats d’encre appliqués d’un geste rapide . Ce dessin est préparatoire à l’huile sur toile Marguerite et coquelicot au pot blanc, 1918, répertoriée dans le Catalogue raisonné de l’artiste (vol. II, n° 953, p. 443). Pierre Bonnard only paints still life as a pretext to find an ‘impressionist emotion’. This bouquet of wildflowers appears disorderly, but is in fact a well thought, organised harmony, where the vase is the centre of a perfectly balanced composition. Even with a classical layout, he manages to express what is essential to him; the light of the instant. A bundle of little crosses represent each vibration of light, or in some spots, like on the tablecloth, with patches of ink, swiftly applied. Preparatory drawing for an oil on canvas Marguerite et coquelicot au pot blanc, 1918, published in the artist’s Catalogue raisonné (vol. II, # 953, p. 443).
Bouquet de marguerites et coquelicots 1918
44
Encre de Chine au pinceau sur papier 14,5 x 15 cm Cachet de la signature en bas à gauche Cachet du monogramme en bas à droite
Dans ce dessin, Paysage du Morvan, l’artiste fait littéralement entrer le spectateur dans le sujet grâce à un jeu de perspectives très ouvertes et un travail détaillé du premier plan. Les accents d’ombre et de lumière traités à la pierre noire invitent le regard à la promenade jusqu’à la cime des collines pour se perdre dans un ciel nuageux. In this drawing, Landscape of the Morvan, the artist literally lets the viewer in through a very open perspective and a very detailed work in the foreground. The accents of light and shadows, executed in Pierre Noire, invite the gaze through the walkway on to the top of the hills, and up to the cloudy sky where it gets lost.
46
Paysage du Morvan Circa 1920 Mine de plomb sur papier 12 x 17,5 cm Bibliographie : L’art, c’est le temps arrêté, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2014, p. 9 L’œil du chasseur, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2002, p. 9
Bonnard s’intéresse au monde du travail, comme en témoigne la sortie d’usine dans La Foule. La composition centrée représentant une foule particulièrement dense transmet une sensation d’oppression, mais l’ensemble est nuancé par la présence plus joyeuse au premier plan d’enfants et d’un marchand des quatre saisons. Ce dessin est reproduit dans l’Almanach de l’Humanité édité en 1920, p. 85. Bonnard shows an interest for the workers world, as demonstrated in this drawing of a crowd, exiting a factory. The composition with a frontal layout of a very dense crowd creates a sense of multitude and oppression, somewhat softened by the presence of children and a street vendor in the foreground. Preparatory drawing for l’Almanach of l’Humanité in 1920, p. 85.
La Foule 1920
48
Encre de Chine au pinceau sur papier 25,5 x 20,5 cm Signé en bas à droite Provenance : Offert par François Crucy à Luc David, ce dessin est resté dans la même famille jusqu’à ce jour. Bibliographie : Dessin préparatoire pour l’Almanach de l’Humanité de 1920, p. 85
Dès 1904, Bonnard découvre le sud de la France en rendant visite à son ami Vuillard à Saint-Tropez. Il y multipliera les séjours jusqu’à son installation au Cannet en 1920. Chaque jour, il arpente la région et prend des notes sur ses carnets. La courbe des collines, la végétation, la luminosité de la mer, tout est un enchantement. Retranscrits dès son retour sur toile, ces dessins sont les précieux témoignages de son ressenti face à cette nature et à la lumière chaude du Midi, admirablement restituée ici par la couleur rouge de la sanguine. La composition panoramique chère à l’artiste nous invite à embrasser la large perspective où la mer se confond avec le ciel. As early as 1904, Bonnard discovers the South of France while visiting his friend Vuillard in Saint-Tropez. He will visit many times until he moves to Le Cannet in 1920. Every day, he walks in the countryside and takes notes on the curve of the hills, the vegetation, the luminosity of the sea, it is all enchanting! He lays it all on canvas as soon as he gets home. These drawings are precious witnesses of the emotion he experiences in this nature, with the warm light of the South of France, which he renders beautifully with the red colour of the sanguine. The panoramic composition, dear to the artist, invites the viewer into a large perspective where the sea and the sky become one.
Bord de mer dans le Midi 1921
50
Sanguine sur papier 10,4 x 15,6 cm Cachet du monogramme en bas à droite Cachet Antoine Terrasse en bas à droite Provenance : Collection Antoine Terrasse Collection privée
Cette jeune femme blonde est Renée Monchaty. Renée fut la maîtresse de Pierre Bonnard de 1920 à 1925, année où elle se suicide par amour, un mois après le mariage de ce dernier avec Marthe. Ses portraits sont très rares, Marthe ayant exigé de son mari la destruction de toutes les œuvres représentant son ancienne maîtresse. This young blond lady is Renée Monchaty. Renée was Pierre Bonnard’s mistress between 1920 and 1925, the year she committed suicide, heartbroken, a month after the artist married Marthe. Her portraits are very rare because Marthe demanded that her husband destroy all pieces representing his old mistress.
52
Portrait de jeune femme blonde Circa 1922 Mine de plomb sur papier 31,7 x 22,8 cm Signé en bas à gauche Provenance : Collection privée, Bruxelles
Cette œuvre est préparatoire au tableau intitulé Les comptes de la journée. Pierre Bonnard dépeint l’un de ces moments de bonheur paisible du quotidien qu’il affectionne particulièrement. Au premier plan, très détaillé, le profil de femme est celui de la domestique représentée à droite de Marthe dans l’œuvre finale. Elle est attablée, un crayon à la main. L’artiste lui accorde toute son attention : elle bouge, il la regarde, il crayonne, reprend la courbe du bras tout en fixant résolument les ombres et la lumière sur ses épaules et sa chevelure. Au second plan de ce travail figurent également deux profils légèrement esquissés. This work is preparatory to the painting entitled Les comptes de la journée. Pierre Bonnard depicts one of the peaceful moments of daily life that he is par ticularly fond of. In the foreground, he draws, with great detail, a woman, in profile, who will be sit ting to the lef t of Mar the in the final work. She is sit ting at a table with a pen in her hand, focusing on her task, and the artist is giving her all his attention: she is moving, he is watching her, he is sketching, retracing the curve of her arms, outlining her hair and shoulder with a contrast of light and shadows. There are two more slightly sketched profiles in the background.
Les comptes de la journée 1924
54
Mine de plomb sur papier 17,5 x 11 cm Œuvre préparatoire au tableau Les comptes de la journée, reproduite in Catalogue raisonné (vol. III, n° 1262, p. 218) Bibliographie : L’art, c’est le temps arrêté, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2014, p. 6 La volupté du trait, édition Galerie BerthetAittouarès, 2006, p. 18
Bonnard exécute ce dessin à l’heure du thé. Marthe est attablée une tasse à la main, tandis que la gouvernante à ses côtés pose un verre sur la table. Il fixe dans cette scène tout le naturalisme du quotidien. L’œuvre finale sera une lithographie beaucoup plus détaillée. Une belle coupe de fruits et une carafe disposées sur la table viendront agrémenter la composition. Bonnard sketches the scene at tea time. Marthe is seated, holding a cup in her hand, as the maid next to her sets a glass on the table. In this drawing, Bonnard catches the naturalism of everyday life. The final work will be a more detailed lithograph La coupe et le compotier. A beautiful fruit bowl and a carafe will be placed on the table to embellish the composition.
Marthe à l’heure du thé 1925
56
Mine de plomb sur papier 16,5 x 24,2 cm Cachet du monogramme en bas à droite Œuvre préparatoire à la lithographie La coupe et le compotier. Bibliographie : L’art, c’est le temps arrêté, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2004, p. 16
Dans cette composition triangulaire, le couteau posé en travers de la table guide notre regard vers la coupe de fruit puis vers le verre en cristal. Sur la nappe, un plat de fruits de saison — poires et raisins — occupe le centre de la table. En traitant l’ombre et la lumière de façon très contrastée à l’aide de son pinceau imbibé d’encre l’artiste nous dévoile presque la couleur de chaque fruit. Les motifs des chaises et de la table, débordant au-delà des limites de la feuille, ouvrent la composition et mobilisent notre imaginaire. Antoine Terrasse indique que « ce dessin a la destination probable d’illustration de livre ». In this triangular composition, the knife, set across the table, guides the viewer’s gaze toward the fruit bowl and on to the crystal glass. On the tablecloth, a dish with seasonal fruit, pears and grapes, is at the center of the table. Treated with brush and ink, the strong contrast between light and shadows seems to be revealing the true colors of each fruit. The patterns on the table and chairs overflow outside the drawing, as a continuity to the composition, and trigger the imagination. Antoine Terrasse indicates that ‘this drawing is probably destined for the illustration of a book’.
58
Assiette de fruits sur une table Circa 1920-1925 Encre au pinceau 14 x 22,5 cm Cachet du monogramme en bas à droite Cachet de la signature en bas à gauche
En 1926, Bonnard, définitivement installé au Cannet, se promène carnet en main en quête de lumière comme un peintre impressionniste. « J’ai eu un coup des Mille et Une Nuits : la mer, les murs jaunes, les reflets aussi colorés que les lumières », écrit-il un jour à sa mère. Mais le choix de ce lieu lui fut sans doute également dicté par le climat réputé bénéfique du Cannet, préconisé pour améliorer la santé délicate de Marthe, son épouse. Ici, le ciel chargé traité au crayon tourbillonnant laisse percer la lumière sur les maisons blanches. In 1926, Bonnard settles in Le Cannet for good. He takes long walks with his sketchbook in his hand, searching for light, like an impressionist. ‘I have experienced a dazzle, a stroke of the thousand and one nights: the sea, the yellow walls, the reflections as highly colored as the light itself’, he wrote to his mother. His decision to move was probably dictated by the delicate health of his wife, Marthe, for whom Le Cannet’s climate was beneficial. Here the sky is overcast, represented by swirling lines, still the light, piercing through, shines down on the white houses.
60
Paysage du Cannet Circa 1927 Mine de plomb sur papier 12,2 x 15,5 cm Cachet du monogramme en bas à droite
Marthe est représentée se lavant, courbée dans sa baignoire. Son corps, sa chevelure et l’ovale de son sein sont figurés au moyen de hachures serrées très appuyées ne laissant apparaître qu’un halo de lumière sur son dos. Pierre Bonnard travaille ici tel un peintre impressionniste, capable de capter la lumière de l’instant. Juste suggérée, la baignoire évoque la salle de bain du Bosquet. Marthe is represented at her toilette, bent over in the bathtub. Her body, hair, and the curve of her breast are drawn in bold, tight hatching, letting only a halo of light appear on her back. Pierre Bonnard approaches this drawing like an impressionist, able to catch the light in the instant. The bathtub is only suggested, an evocation of the bathroom in Le Bosquet.
Marthe au tub 1927
62
Mine de plomb sur papier 11,5 x 17,5 cm Bibliographie : Répertorié dans le catalogue de l’exposition « Intimacy! Bathing in Art », Kunstmuseum Ahlen, janvier-avril 2010, catalogue 28. Reproduit dans L’art, c’est le temps arrêté, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2014, p. 13.
Prête à enjamber la baignoire, Marthe est croquée par l’artiste à la dérobée, depuis la porte entrebâillée de la salle de bain qui ouvre sur le petit salon. La fugacité du mouvement est parfaitement saisie par la rapidité du trait. Tout semble mobile, qu’il s’agisse du bras, de la jambe ou même du visage. Ce dessin est préparatoire à la peinture Nu debout acquis en 1929 par Bernheim Jeune puis par Adolphe Kahn avant d’entrer dans la collection Maurice Renou. He sketches Marthe, glimpsed through the half opened door of the bathroom, leading into the petit salon; she is about to step into the bathtub. There is no stillness: her arm, leg and even her face seem to be in motion. The fleetingness of the movement is perfectly expressed by the swiftness of the line. Preparatory drawing for the painting Nu debout acquired in 1929 by Bernheim Jeune and later, Adolphe Kahn and now part of Maurice Renou’s collection.
Nu debout au tub 1928
64
Fusain sur papier 23 x 15 cm Cachet du monogramme en bas à droite
Marthe, enveloppée dans son peignoir, est comme absorbée dans une écoute attentive. Le visage relevé, elle est assise de profil, adossée contre le mur suggéré par le bord de la feuille. En arrière-plan, le miroir ouvre une perspective lumineuse. Marthe, wrapped in her bathrobe, is sitting with her back to the wall, represented by the edge of the paper. Her face is upright, she seems to be listening with great attention. A mirror in the background opens a perspective and lets the light in.
Marthe assise en peignoir 1928
66
Mine de plomb sur papier 24 x 16,5 cm Cachet du monogramme en bas à droite
Marthe assise, le regard dissimulé par l’inclinaison de son visage, regarde ses mains. L’emploi du crayon brun annonce les coloris orangés du tableau final dans lequel le modèle ne sera plus assis sur une chaise mais sur un lit à côté d’un radiateur. Comme toujours chez Bonnard, le modèle ne pose pas, il vit, saisi ici dans l’atmosphère chaude et lumineuse du moment. Selon le peintre « Le dessin n’est pas la forme, il est la manière de voir la forme. » Cette oeuvre est préparatoire au tableau Nu au radiateur, vers 1928, aujourd’hui conservé dans une collection privée. Marthe is sitting, she is looking at her hands, the inclination of her face is hiding her gaze. The artist uses a brown pencil to suggest the orange colours he will use in the final painting, in which the model will no longer be sitting on a chair, but on a bed, next to the radiator. As usual with Bonnard, the model does not pose, she just is. He catches her in the moment, in a warm atmosphere, flooded with light. According to the painter, ‘the drawing is not the form, it is the way one sees the form’. Preparatory work for the painting Nu au radiateur around 1928, now part of a private collection.
68
Marthe assise Circa 1928 Crayon brun sur papier 14 x 11 cm Bibliographie : L’art, c’est le temps arrêté, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2014, p. 15 La volupté du trait, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2006, p. 19.
Installé au Cannet, Bonnard apprécie beaucoup la petite ville pour son calme et la douceur de son climat mais également pour sa proximité de Nice et de la Méditerranée. L’artiste ne dessine pas à l’atelier mais au cours de ses promenades ou de ses villégiatures. Il reste toujours ouvert à la surprise et à l’émotion du moment, crayonnant sur un carnet à disposition dans sa poche. « Il faut dessiner sans cesse pour avoir toujours à sa mémoire un répertoire de formes », dit-il. En témoigne ce bateau, amarré au quai depuis lequel il croque avec vigueur, d’un trait appuyé, la voile, les cordages et les contours de la coque. Le cadrage de sa composition et la perspective plongeante nous transportent au cœur du sujet, nous permettant presque de ressentir le mouvement de la mer. Au dos : Non loin de là sur le chemin du retour, subjugué par la beauté du paysage vallonné, insatiable, il saisit à nouveau son carnet. Le peintre lui-même constate : « J’ai acquis une âme de paysagiste ayant fini par me débarrasser du pittoresque, de l’esthétique, et autre convention dont j’étais empoisonné. » Ce dessin est préparatoire à la peinture Voilier à quai dans un port du Midi de 1929, conservée dans une collection privée. Living in Le Cannet, Bonnard appreciates the little town very much for its quietness and mild climate, but also for its proximity to Nice and the Mediterranean Sea. He does not draw in his workshop but during his walks and escapades, always open for something new or the emotion of the moment, sketching on the notebook he always keeps in his pocket. ‘It is necessary to draw constantly to memorize a repertory of forms’, says he. As he demonstrates in this drawing of a boat tied to the dock, from which he vigorously draws the sail, the ropes and the curve of the boat hull in very bold lines. The layout and the plunging perspective transport the viewer to the heart of the subject and one can almost feel the motion of the sea. On the back: not far from there, on his way back, he is overwhelmed by the beauty of a hilly landscape, and, insatiable, he grabs his sketchbook again. He declares: ‘I have acquired the soul of a landscape artist, now that I am finally rid of the picturesque, esthetic and other conventions that were poison to me’. Preparatory work for the painting Voilier à quai dans un port du Midi, 1929, private collection.
Voilier à quai en Méditerranée Paysage du Midi Double face 1929
70
Pierre noire 12 x 15 cm Cachet du monogramme en bas à gauche Cachet de la signature en bas à droite
La santé de Marthe oblige le couple à se rendre régulièrement à Arcachon, à Luxeuil ou à Saint-Gervais-les-Bains. Il émane des œuvres réalisées au bassin d’Arcachon, où le peintre laisse libre cours à sa sensibilité, une fraîcheur intense. Il poursuit inlassablement ses recherches sur la couleur, mais aussi sur la composition toujours plus forte et plus libre. L’audacieux cadrage rapproché, comme par un zoom cinématographique, de cette composition savante aux chromatismes radieux illustre un moment de bonheur dans l’éclatante luminosité du plein été. Liberté et modernité émanent de ce tableau où les deux jeunes femmes coiffées à la « garçonne » ont succombé à la mode, symbole de leur émancipation. The fragility of Marthe’s health incites them to visit Arcachon, Luxeuil or Saint-Gervais-lesBains regularly. In Arcachon, the painter gives free reins to his artistic sensitivity and intense vibrancy. He is constantly looking to improve his palette and also to achieve an ever freer, stronger composition. This daring, close up framing, like a cinematic zoom, offers a well thought composition, with radiant colours expressing a moment of happiness, captured in the dazzling brightness of the summer. Modernity and freedom emanate from this painting where the two young ladies gave in to the new fashion ‘à la garçonne‘, a sign of their emancipation.
Jeunes femmes à Arcachon 1925
72
Aquarelle sur papier 49 x 31 cm Cachet de la signature en bas à droite Bibliographie : La volupté du trait, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2006, p. 25.
Deauville, Cannes, Arcachon… Les lieux d’élection de Bonnard se situent souvent en bord de mer. Dans les années 30, le bassin d’Arcachon joue un rôle aussi essentiel dans l’œuvre de l’artiste que Le Cannet pour les décennies suivantes. Un ciel très menaçant contraint ce petit voilier à rentrer rapidement au port. Bonnard capte la lumière particulière du moment. En jouant du contraste entre la fluidité de l’eau et le ciel chargé, travaillé au crayon appuyé et tourbillonnant, il entraîne notre œil vers l’horizon et élargit notre champ de vision. Deauville, Cannes, Arcachon… Bonnard’s favorite spots are often by the sea. In the thirties, the Bassin d’Arcachon plays a major role in the artist’s work, as important as Le Cannet will become in the following decades. This little sailboat hurries back to port because of a very menacing sky. Bonnard catches this particular light of an instant. Playing with the contrast between the fluidity of the sea and a dark sky, which he treats with bold and swirling lines, he leads the viewer’s gaze towards the horizon, widening the field of vision.
74
Voilier à Arcachon Circa 1930 Mine de plomb sur papier 12,5 x 18 cm
L’installation de Bonnard à Vernon, où il a acquis sa maison baptisée « La Roulotte », date de 1912. Ses promenades sur les rives de la Seine offrent de nombreuses échappées à travers les feuillages qu’il traduit en petites études impressionnistes. Ces bords de Seine à Vernon deviendront le sujet d’un paravent intitulé Au bord de l’eau. Bonnard acquires a house in Vernon, nicknamed ‘La Roulotte’ in which he moves in 1912. He goes on walks along the Seine, and transcribes his escapades in the foliage, into small impressionist studies. The banks of the Seine in Vernon will become the subject of a decorative screen entitled Au bord de l’eau.
76
La Seine, vue du jardin de Vernon Circa 1930 Mine de plomb et crayon gras sur papier 16,4 x 12,5 cm Cachet du monogramme en bas à droite Provenance : Galerie Claude Bernard, Paris Galerie Alice Pauli, Lausanne, Suisse Collection privée, Paris
C’est en photographe que Bonnard compose cette scène. La perspective s’accélère en zoom avant et se ferme, tandis que les champs extérieurs s’évident donnant un sentiment d’oppression. Nous sommes le soir, le ciel hachuré est noir et le tout est traité sur un papier brun. Notre regard est attiré au centre par la lumière intérieure d’une échoppe dans l’encadrement d’une porte. Un personnage installé devant, le boutiquier, anime la scène. Bonnard composes this scene as a photographer. The perspective accelerates in a forward zoom and closes in, as the external fields of vision are getting empty, which conveys a sense of oppression. It is the evening and the sky is executed in thick black hatching on brown paper. There is a way out, right in the center, a light inside a shop, seen through the door, attracts the eye. A figure, the shopkeeper, sitting there, brings the drawing to life.
78
Ruelle dans le paysage Circa 1930 Mine de plomb sur papier 35 x 24 cm Cachet du monogramme en bas à gauche
Constamment animé d’un désir de communion avec la nature, Bonnard s’engage dans l’exploration de cette nature primitive et universelle comme dans une véritable quête initiatique : « L’art ne pourra jamais se passer de la nature » écrit-il. De son œil d’explorateur, il saisit toute l’intensité de cette nature et nous livre ici une végétation foisonnante sous un ciel tourbillonnant. Lumière et couleur : tout est restitué par le riche nuancié de gris et de noir de son crayon. Bonnard feels a regular need to connect with nature, and he explores its primitive and universal aspect which he considers to be a real initiatory journey. He writes “Art will never be able to do without nature”. With the vision of an explorer, he totally grasps the intensity of this nature and delivers a flourishing vegetation under a swirling sky. He uses rich shades of black and grey to express lights and colours.
80
Paysage Mine de plomb sur papier 12,5 x 16,5 cm Bibliographie : L’œil du chasseur, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2002, p. 47
Entourée d’éléments familiers — vase de fleurs et pots disposés sur les meubles de son salon — Marthe, assise et pensive, est observée dans son quotidien par le peintre qui nous livre ici l’une de ces scènes familières qu’il affectionne particulièrement. Marthe, surrounded by familiar objects, vases with flowers and pots laid out on the living room furniture, is sitting deep in her thoughts. The artist is observing her in her daily life and delivers one of the intimate scenes he is particularly fond of.
82
Femme au jardin Mine de plomb sur papier 10,5 x 15 cm Cachet de la signature en bas à gauche Cachet du monogramme en bas à droite Bibliographie : L’art, c’est le temps arrêté, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2014, illustré p. 8 La volupté du trait, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2006, p. 30
Sortant de son bain, Marthe, nue de face, s’essuie le haut du corps avec sa serviette sans chercher à se dissimuler. Tout en la dessinant d’un trait vif et rapide, Bonnard parvient à capter la lumière qui éclaire le côté droit de son corps et son visage à peine esquissé. Marthe is coming out of the bathtub, naked, facing the artist, she is not trying to hide her nudity as she is wiping the top of her body with a towel. Drawing with a swift and vibrant line, Bonnard captures the light shining onto the right side of her body as well as onto her face, which is only sketched.
84
Femme à sa toilette Mine de plomb sur papier 16,1 x 12,3 cm Cachet du monogramme en bas à droite Bibliographie : Pierre Bonnard, L’œil du chasseur, édition Galerie Berthet-Aittouarès, 2002, illustré p. 16
Les scènes de rues animées figurent parmi les sujets traités par Pierre Bonnard. Le peintre de l’intime aimait également s’asseoir à une terrasse de café ou se poster derrière une fenêtre pour croquer des moments de la vie citadine. Quelques annotations suffisent ici à situer le lieu, le café « Au bon coin », et à donner vie à cette scène familière et joyeuse. Scenes of animated streets are another one of Bonnard’s favorite themes. The painter of the intimate also liked to sit at the terrace of a café or stand behind a window to sketch moments of city life. A few annotations give us a clue as to the location: the ‘Café Au bon coin’ and make this cheerful, familiar scene come to life.
86
Le café Au bon coin Mine de plomb sur papier 10,4 x 15,8 cm Cachet du monogramme en bas à droite Au dos : cachet de la signature Provenance : Collection Arthur Brandt Collection privée
Bonnard témoigne ici de l’approche avisée qu’il fait des paysages, lesquels sont pour lui un sujet de travail récurrent : « Dans mes promenades du matin je m’amuse à définir les différentes conceptions de paysages, paysage “espace”, paysage intime, paysage décoratif, etc. Mais comme vision je vois chaque jour des choses différentes, le ciel, les objets, tout change continuellement, on peut se noyer là-dedans. Mais cela fait vivre. » (Extrait d’une lettre adressée à Matisse en février 1940). Bonnard demonstrates his enlightened approach to landscapes which are a recurring theme of his. “During my morning walks, I enjoy imagining different concepts, ‘landscape space’, intimate landscape, decorative landscape, etc. But I see different things every day, the sky, the objects, everything changes constantly, you could drown in this, but it keeps you alive” (quote from a letter he wrote to Matisse in February 1940).
88
Paysage Mine de plomb sur papier 12,5 x 16 cm Cachet du monogramme en bas à droite
Travaillés en hachures et grisaille, la maison et le paysage paraissent comme découpés sur un fond, tandis que le ciel saturé de lumière laissé en réserve donne une grande profondeur à l’espace. Comme l’écrit Claude Terrasse : « La multiplicité des traits, leur diversité, leurs tensions opposées suggèrent la richesse des couleurs. Son invention réside dans ces lignes emmêlées telles des laines, ou comme des mailles d’un filet, qui s’unissent au sujet plus qu’elles ne le circonscrivent, apprivoisent le modèle plus qu’elles ne le saisissent, évoquent l’objet plus qu’elles ne le définissent. » Bonnard draws the house and the landscape in thick lines and grey tones, as if cut out and pasted on the background. The sky is left out, saturated with light, which gives great depth to the space. Claude Terrasse wrote: “The multitude of lines, their diversity, the contrasting tensions suggest rich colors. His invention resides in creating these lines intertwined like wool or the mesh of a net. They bond with the subject rather than contain it, they do not seize the model, they tame it, they evoke the object, they do not define it.”
90
Maison dans un paysage Mine de plomb sur papier 10 x 15 cm Cachet du monogramme en bas à droite Cachet de la signature au dos
Bonnard se pose avec son carnet à dessin sur les hauteurs du Cannet, fasciné par la perspective du paysage et la vue sur la mer. L’utilisation de la sanguine restitue la sensation de chaleur des paysages du sud tandis que le ciel hachuré et les contrastes de lumière situent la promenade du peintre en fin de journée. Bonnard sits with his sketchbook on the heights of Le Cannet, fascinated by the perspective of the landscape and his view of the sea. His use of the sanguine conveys the feeling of warmth of the Southern landscapes, as the sky, drawn in hatches, and the contrast in light set the scene late in the afternoon.
92
Paysage les environs du Cannet Sanguine sur papier 14,7 x 19,5 cm Cachet du monogramme en bas à droite
94
Édouard Vuillard
Réalisé en 1890, ce dessin appartient à la période nabie de l’artiste. De la fin des années de 1880 à 1900, Vuillard est avec ses amis Pierre Bonnard, Maurice Denis, Paul Sérusier, Paul-Élie Ranson, puis Ker-Xavier Roussel, à l’initiative d’un nouveau mouvement pictural influencé à la fois par l’estampe japonaise et par le travail de Paul Gauguin. Le cerne du dessin souple et sinueux et la composition frontale du sujet, dont une partie disparaît hors champs du support comme ici le cerceau, relèvent de la technique des Nabis. La silhouette traitée au second plan, floue et évanescente, nous annonce l’influence du focus photographique sur le travail de l’artiste. Exécutée au dos d’une lettre de la maison de couture de Mme Vuillard, mère de l’artiste, cette première réalisation sur le thème des « Jardins publics » anticipe celle de neuf grands panneaux destinés à orner le salon de l’hôtel particulier de son mécène Alexandre Natanson, fondateur de La Revue blanche. Cette œuvre est préparatoire à l’huile sur toile Fillette au cerceau de 1891 conservée dans une collection privée. This work dating from 1890 belongs to the artist’s Nabi period. From the end of the 1880s to 1900, Vuillard forms along with his friends Pierre Bonnard, Maurice Denis, Paul Sérusier, Paul-Élie Ranson and later Ker-Xavier Roussel a new pictorial movement influenced by Japanese printmaking and Paul Gauguin’s work. Both the frontal layout, where part of the subject disappears off camera, like the hoop here, and the soft and sinuous outline are Nabi techniques. The blurred and evanescent figure in the background reveals the influence of the focuser in photography on the artist’s work. This is the first drawing, executed on the back of the stationery of his mother’s couture house, on the theme ‘Jardins publics’ for which Vuillard will end up producing nine large panels destined to decorate the salon of Alexandre Natanson’s mansion. Alexandre Natanson was his patron as well as the founder of La Revue blanche. Preparatory work for an oil on canvas representing a young girl playing hoops in a public garden.
96
Fillette au cerceau circa 1890 Mine de plomb sur papier 12,5 x 9,5 cm
Ce dessin est préparatoire à une œuvre destinée à son commanditaire et ami Thadée Natanson. Il représente l’intérieur du salon de ce dernier, animé par ses occupants. On reconnaît Misia, l’épouse de Thadée Natanson, assise à l’extrémité du canapé et une femme de dos dont n’apparaissent au premier plan que la nuque et le chignon. En adoptant le choix de fondre les silhouettes dans un décor chargé de bibelots, tableaux et tapisseries, le peintre signifie qu’il cherche moins à fixer une scène d’intérieur qu’à restituer l’intimité d’un lieu de vie. Conservée dans la collection Bürlhe, la peinture Le salon des Natanson rue SaintFlorentin est reproduite dans le Catalogue raisonné de l’artiste (vol. I, chap. 6, n° 39, p. 480). This is a preparatory drawing for a painting intended for his friend and patron Thadée Natanson, depicting the interior of his salon with its occupants, among which: Misia, Thadée Natanson’s wife, sitting at the end of the sofa, and a woman, seen from the back with only her neck and bun showing in the foreground. Confirming his choice to melt the silhouettes into the decor, busy with knick-knacks, paintings and tapestries, the artist expresses that he is not only representing an interior scene but rather conveying the intimacy of a place of life. Part of the Bürlhe collection, the painting Le salon des Natanson rue Saint Florentin is published in the artist’s Catalogue raisonné (vol. I, chap. 6, # 39, p. 480).
98
Le salon des Natanson, rue Saint-Florentin circa 1897-1898 Mine de plomb sur papier 10,7 x 13,5 cm Cachet du monogramme en bas à droite
Offert au poète Paul Géraldy par le critique d’art Roger Marx, ce dessin était accompagné de ces mots : « Si près de Vuillard, bien amicalement. » Géraldy, qui considérait Vuillard comme le peintre de l’intimité, fit appel à lui en 1912 pour illustrer son recueil de poèmes Toi et Moi. C’est en 1902 que Vuillard rencontre le marchand d’art Jos Hessel et sa femme Lucie. Lucie devient rapidement son modèle, sa muse puis sa maîtresse. Il l’a représentée à tous les âges, le plus souvent rêveuse et alanguie. Ce dessin est préparatoire au tableau éponyme de 1911, reproduit au Catalogue raisonné de l’artiste (vol. II, chap. 9, n° 184, p. 1127). This drawing was a present to the poet Paul Géraldy from the art critic Roger Marx who wrote those words: ‘So close to Vuillard, friendly regards’. Géraldy, who considered Vuillard to be the painter of intimacy asked him to illustrate his collection of poems Toi et Moi in 1912. In 1902 Vuillard meets Jos Hessel, the art dealer, and his wife Lucie who becomes his model, muse and, later, his mistress. He represented her at all ages, mostly in a sensual and dreamy state. This is a preparatory drawing for a painting of the same name, published in Vuillard’s Catalogue raisonné (vol. II, chap. 9, # 184, p. 1127).
100
Madame Hessel somnolant circa 1909 Mine de plomb sur papier 18,5 x 12,8 cm Signé en bas à droite
Vuillard ne faisait jamais poser ses modèles, préférant les surprendre chez eux, dans leur décor familier. Dans l’angle gauche du salon, sa mère apparaît vêtue de cette robe à motifs vermiculés rouges qu’on lui connaît dans d’autres portraits de la même année. Le fauteuil est l’un des deux crapauds de couleur safran, éléments du mobilier du 26 rue de Calais. « Ne bougez plus, restez comme ça ! », intimait le peintre à ses modèles, esquissant alors un croquis qui s’avérait une mise en place annonçant déjà tous les éléments du tableau. « Certaines de ses œuvres exigeront des mois, voire des années de travail, mais une fois achevées elles conserveront la fraîcheur de la première vision », nous révèle son neveu Antoine Salomon. Vuillard did not have posing sessions with his models, he would rather surprise them in their familiar settings. In the left corner of the salon, his mother appears in a red patterned dress which was seen in other portraits of her that same year. Also familiar is the armchair, one of the two saffroncolored ones which are pieces of furniture at the 26 rue de Calais. ‘Do not move, just stay put’ would order the painter to his models as he would sketch them in a setting already containing all the elements of the painting. ‘Some of his work will take months, sometimes years to achieve but, once done, they will retain the vibrancy of the first vision’ says his nephew Antoine Salomon.
Madame Vuillard, rue de Calais 1909
102
Crayons de couleur et mine de plomb sur papier 13 x 10 cm Cachet du monogramme en bas à droite
C’est entre 1900 et 1905 que l’artiste Félix Vallotton présente Vuillard à Lucie et Jos Hessel, son futur marchand. Tout l’été 1909, le couple séjourne en Bretagne au bord de la mer, à Saint-Jacut, où il a loué la villa « Les Écluses ». C’est sur cette plage que Vuillard représente ici Lucie allongée. Au premier plan, traitée au crayon noir, il la dessine assoupie. La lumière du soleil perçant à travers le ciel breton est évoquée au moyen de petites touches de pastel doré, tandis qu’au loin une ligne bleue très soutenue restitue les reflets de la mer. It is between 1900 and 1905 that Vuillard meets Lucie and Jos Hessel who will become his art dealer, through the artist Félix Vallotton. During the summer of 1909, the couple resides in Brittany, in Saint-Jacut where the couple rented the villa ‘Les Écluses’. It is on the beach that Vuillard depicts Lucie, lying down. He draws her, in the foreground, with crayon noir, while she is drowsing, bathing in the sunlight piercing through the Breton sky, treated with small touches of golden pastel, as in the distance, a deep blue line restores the reflections of the sea.
Lucie Hessel sur la plage à Saint-Jacut 1909
104
Pastel et mine de plomb sur papier 9 x 12,8 cm Cachet du monogramme en bas à gauche
Désormais, l’artiste n’hésite pas à convier des modèles féminins qu’il fait poser nu dans son salon parisien de la rue de Calais. On perçoit cette nouvelle liberté dans l’attitude de la jeune fille debout dos au miroir qui nous fait face, baignée de la lumière blanche entrant par la fenêtre et dont la nudité se détache sur le décor chargé et confiné du salon. Le musée des Beaux-Arts de Winterthur possède un dessin où l’on reconnaît le même modèle. From now on, the artist does not hesitate to invite his female models to pose in the nude in his Parisian salon, rue de Calais. We can perceive this newly acquired freedom in the young lady‘s attitude, standing with her back to the mirror, facing us, bathing in the white light coming through the window as her nudity stands out against the busy and cozy decor of the salon. The Winterthur Museum owns a drawing with the same female model.
Nu dans le salon de la rue de Calais 1909-1910
106
Mine de plomb sur papier 30,7 x 23,4 cm Cachet du monogramme en bas à droite Provenance : Collection Philippe Huismann, Paris Collection privée
L’appartement parisien où Vuillard s’installe en 1907, 26 rue de Calais, donne sur la place Vintimille. Ornée d’une sculpture de Berlioz, cette petite place et son jardin offrent à l’artiste un nouveau théâtre d’observation. Depuis sa fenêtre, protégé des bruits et mouvements de la ville, il multipliera les représentations des saisons, des lumières et des passants qui animent ce petit microcosme parisien. Vuillard settles in 1907 at the 26 rue de Calais, in an apartment with a view on the Place Vintimille in Paris. This little square, adorned with a statue of Berlioz, and its garden give the artist a new field of observation. Behind his open window, away from the city noise and turmoil, he will represent, over and over, the seasons, the lights, and the passers-by who animate this small Parisian microcosm.
108
La place Vintimille Circa 1910 Pastel et mine de plomb sur papier 17,2 x 9,6 cm Cachet du monogramme en bas à droite
Lucie Hessel, devenue la maîtresse de Vuillard avec le consentement tacite de son époux Jos, apparaît une centaine de fois dans l’œuvre de l’artiste. Tous les soirs vers dix-huit heures, l’artiste est reçu dans le salon de ses amis, rue de Rivoli. Lucie est ici représentée profondément endormie sur le canapé comme observée en silence par le peintre. Cette œuvre d’une grande sérénité constitue aussi un merveilleux témoignage de leur intimité. Lucie Hessel, who became Vuillard‘s mistress with the implicit approval of her husband, Jos Hessel, appears about one hundred times in his work. Every evening, around six, the artist meets his friends in their salon, rue de Rivoli. Here, Lucie is represented profoundly asleep on the sofa, as he is silently watching her. A sense of great serenity emanates from this work which also bears witness to their wonderful intimacy.
110
Lucie Hessel se reposant Circa 1910-1911 Mine de plomb sur papier 10 x 13 cm Cachet du monogramme en bas à droite Provenance : Collection privée
Ce dessin représente Gaston Thomson (1848-1932), député de Constantine et ministre de la Marine sous la IIIe République, accompagné de ses petites-filles. Le cercle familial de ses amis est un sujet cher à Vuillard, observateur ici d’un petitdéjeuner. La composition très ouverte est une incitation à faire participer le spectateur, comme attablé lui aussi. Les accents d’ombre et de lumière à la pierre noire restituent le doux climat d’une matinée d’été, tandis que les détails du coussin à carreaux rappellent le vif intérêt porté par l’artiste aux tapisseries dans ses compositions. Au verso de la feuille, on relève trois mentions autographes : « Il ne faut jamais désespérer de la vie : le sort se lasse d’être injuste. », Les Embrasés (citation signée par Michel Corday, auteur du roman Les Embrasés) / « Donne-lui un lorgnon ! » (mention autographe par Gaston Thomson) / « À la gentille petite Frédégonde, très affectueusement » (mention autographe de Valentine Thomson, fille du précédent). This drawing represents Gaston Thomson (1848-1932 ), elected representative of Constantine and minister of Marine during the Third Republic, in the company of his granddaughters. His friends’ family circle is a subject which is very dear to Vuillard, who is observing a breakfast scene. The very open composition is an invitation for the viewer to participate as if sitting at the table with them. The accents of light and shadows, executed with lead pencil, evoke a summer morning, in a mild climate, as the details of the checkered patterned cushion is a reminder of the artist’s strong interest for tapestries, often depicted in his compositions. On the back, there are three handwritten annotations: ‘Never lose hope, fate grows weary of being unfair’, Les Embrasés, quote by Michel Corday, author of the novel Les Embrasés. ‘Give him a monocle!’ annotation in Gaston Thomson’s handwriting. ‘To the sweet little Frédégonde, affectionately’, handwritten annotation by Valentine Thomson, daughter of the latter.
112
Gaston Thomson entouré de ses filles Circa 1913-14 Mine de plomb sur papier 9,5 x 13,6 cm Signé en bas à droite
Cette œuvre est préparatoire à l’une des figures centrales du tableau Le Grand Teddy commandé à Vuillard en 1918 par l’architecte d’intérieur Francis Jourdain pour décorer les murs du bar-café Grand Teddy à Paris. À la fermeture du café en 1922, l’œuvre fut rachetée par Jos Hessel, son marchand et ami. L’artiste utilise ici le fond du papier comme une teinte claire et souligne par de fortes touches de pastel la silhouette de la jeune fille. C’est une élégante en chapeau et fourrure. Une petite touche de rouge aux lèvres illumine son visage. Assise, attablée seule au centre de la composition, elle boit un verre au café du Grand Teddy. Ce pastel provient de la collection d’Alexandre Natanson et est reproduit dans le Catalogue raisonné de l’artiste (vol. III, chap. 10, n° 225, p. 1286). This is a preparatory work for one of the central figures in the painting Le Grand Teddy, commissioned in 1918 by interior designer Francis Jourdain to hang on the walls of the Grand Teddy bar and cafe in Paris. With the closure of the cafe in 1922, the painting was bought by Jos Hessel, Vuillard’s friend and art dealer. The artist uses here the light shade of the paper as a background and outlines the young lady’s silhouette with strong touches of pastel. She is elegant, wearing fur and a hat, her face illuminated by an accent of red on her lips. She is sitting at a table, by herself, in the center of the composition. She is having a drink at the café ‘Le Grand Teddy’. This pastel comes from the Alexandre Natanson collection. Published in the artist’s Catalogue raisonné (vol. III, chap. 10, #. 225, p. 1286).
Femme assise au café Le Grand Teddy 1918
114
Pastel et mine de plomb sur papier 16,3 x 9,4 cm Cachet du monogramme en bas à droite Provenance : Collection Alexandre Natanson
Prétexte à cadrer le paysage comme un tableau tout en préservant le sentiment d’intimité d’un lieu feutré où se trouve l’observateur, la fenêtre est pour Vuillard un sujet de prédilection. Dominant le luxuriant décor dans lequel vient se noyer la silhouette de sa mère brodant au premier plan, un ciel pastellisé très lumineux semble émerger du cadre doré constitué par la teinte jaune uniforme des murs intérieurs. Windows are a favorite subject of Vuillard. They offer a pretext to frame a landscape, like a painting, maintaining the sense of intimacy of a cozy place where the viewer finds himself. Dominating the luxurious decor in which his mother’s silhouette, embroidering in the foreground, seems to blend in, the bright sky, heavily worked with pastels seems to emerge from the golden frame of the solid yellow interior walls.
116
Madame Vuillard sur le balcon de la Closerie des Genêts Circa 1919-1921 Pastel et mine de plomb sur papier 20 x 11 cm Cachet du monogramme en bas à droite
Le jardin public est l’un des thèmes abordés dès 1890 par Édouard Vuillard. Les sujets de plein air et de la nature dans la ville témoignent chez lui de l’héritage des impressionnistes. Sur une feuille teintée couleur sable, la composition panoramique semble embrasser d’un seul regard toute la scène d’un joyeux brouhaha d’enfants et de nourrices affairées. Au-delà du premier plan où le pastel ajoute détails et couleurs aux personnages, les silhouettes s’estompent progressivement jusqu’à se résumer au seul mouvement. Public gardens become a theme for Édouard Vuillard as soon as 1890. Open air spaces and nature inside the city are subjects that bear witness to the legacy of the Impressionists. On a sand colored paper, this panoramic composition embraces, at one glance, a joyful scene of children playing loudly under the supervision of their busy nurses. In the background, the use of pastel brings details and colors to the figures, the silhouettes gradually fade away until they become movement.
118
Jeunes filles dans un parc Circa 1920 Pastel sur papier 24,5 x 33 cm Cachet du monogramme en bas à droite Provenances : Collection Bellier Collection particulière Expositions : Berry Hill Galleries, New York, 2003 Connaught Brown, Londres
Le Clos Cézanne est une propriété du couple Hessel achetée en 1920 grâce à la vente d’un tableau de Paul Cézanne. Édouard Vuillard était régulièrement invité dans ce lieu, refuge bucolique où il retrouvait sa maîtresse Lucie. Il la représente ici en chapeau et fourrure, telle une fleur surgissant d’un écrin de verdure. The Clos Cézanne is a property acquired by the Hessels, in 1920, with the proceeds of the sale of a painting by Paul Cézanne. Édouard Vuillard was a regular guest at this pastoral refuge, where he would meet up with his mistress Lucie. She is represented wearing a hat and fur, like a flower emerging from a green setting.
120
Madame Hessel au jardin du Clos Cézanne Circa 1920 Mine de plomb sur papier 20,6 x 11,5 cm Cachet du monogramme en bas à droite Provenance : JPL Fine Arts, London. Collection Paul Vallotton, Lausanne
Lulu est la fille adoptive du couple Hessel. L’artiste nous la dépeint apportant gaieté et joie dans le cercle familial. Par sa posture désinvolte, appuyée sur une jambe, un genou sur le canapé, il nous révèle la complicité joyeuse que la jeune fille partage avec sa mère Lucie. Vuillard s’attache à détailler chaque élément du salon, de la variété des textiles – tapisserie du canapé, broderies des vêtements… –, jusqu’au miroir au cadre doré. Celui-ci ouvre la perspective et offre ainsi une troisième dimension à l’espace. Lulu is the Hessels’ adopted daughter. She is depicted bringing joy and cheerfulness into the family. Her posture, standing on one leg with her knee on the sofa, reveals the joyful complicity she shares with Lucie, her mother. Vuillard is committed to representing in detail all the elements of the salon; the different fabrics, the patterned cover of the sofa, the embroideries of their clothes and also the golden framed mirror that opens the perspective, giving the room a third dimension.
Lulu et Lucie Hessel dans le salon rue de Naples 1925
122
Mine de plomb sur papier 17 x 9,7 cm Cachet du monogramme en bas à droite
Accoudée à la table du salon, Lucie, assise dos à la cheminée, est entourée d’objets familiers, de tableaux et de sculptures. Ce sujet de la femme assise sous la lampe, traité par Vuillard depuis sa période nabie, est pour l’artiste un prétexte à travailler les reflets de la lumière électrique sur les modèles et les objets. Ce dessin est préparatoire au tableau Dans le salon le soir rue de Naples de 1933, où il représente dans une atmosphère tamisée de l’appartement familial les trois femmes de sa vie réunies pour le thé. Le tableau est conservé à la National Gallery of Art de Washington et reproduit au Catalogue raisonné de l’artiste (vol. III, chap. 12, n° 105, p. 1507). Lucie is sitting, her elbows resting on the table, her back to the fireplace, surrounded by paintings, sculptures and familiar objects. Since his Nabi period, the subject of a woman sitting under a lamp, has been a pretext to work on the reflections of electrical light on objects and models. This is a preparatory drawing for the painting Dans le salon le soir, rue de Naples dating from 1933. In the salon’s subdued atmosphere, he represents the three women in his life having tea. The painting is held at the National Gallery of Art in Washington and published in the artist’s Catalogue raisonné (vol. III, chap. 12, # 105, p. 1507).
Femme assise dans le salon le soir, rue de Naples 1931
124
Mine de plomb sur papier 10,5 x 15 cm Cachet du monogramme en bas à droite
Édouard Vuillard nous convie à l’intérieur de sa chambre chez les Hessel, au château des Clayes. Il y est heureux et tout dans cette œuvre exprime ce bonheur. La pièce est baignée de lumière. Les murs et le sol sont traités au pastel jaune tandis qu’une petite touche de bleu souligne l’aspect soyeux du coussin de la chaise placée devant son bureau. Sur la cheminée, devant le miroir, un vase accueillant un bouquet de fleurs rouges finit d’égayer les lieux. Cette œuvre est préparatoire au tableau éponyme conservé à l’Art Institute de Chicago et reproduit au Catalogue raisonné de l’artiste (vol. III, chap. 12, n° 255, p. 1579). Édouard Vuillard invites us inside his bedroom at the Château des Clayes, the Hessels‘ home. He is happy and everything in this work conveys that feeling. The room is flooded with light. The floor and walls are treated with yellow pastel and a little touch of blue indicates the silky cushion of the chair in front of his desk. A bouquet of red flowers in a vase, on the fireplace, in front of the mirror, as a final note, brightens up the place. Preparatory work for the painting of the same name, held at the Art Institute in Chicago and published in the artist’s Catalogue raisonné (vol. III, chap. 12, # 255, p. 1579).
126
La chambre d’Édouard Vuillard au château des Clayes Circa 1932 Pastel et mine de plomb sur papier 16 x 11 cm Cachet du monogramme en bas à gauche
Les vues d’extérieur, plus rares dans l’œuvre de Vuillard, sont prétextes à faire partager des moments de villégiature. L’importance ici n’est pas donnée au lieu mais à l’atmosphère restituée par la pluie à laquelle il accorde la moitié de sa composition. Outdoor scenes are not so common in Vuillard’s work, they are a reason to celebrate and share happy moments. The emphasis is not on the location but on the atmosphere, conveyed by the rain, taking over half the composition.
Village sous la pluie 1932
128
Mine de plomb sur papier 17 x 12 cm Cachet du monogramme en bas à droite
Vuillard observe à la dérobée Lulu, la fille de ses amis Lucie et Jos Hessel. Il la représente ici de dos, légèrement déhanchée, dans une posture désinvolte, presque humoristique et révélatrice du caractère joyeux de la jeune fille. Sa silhouette comme découpée se détache sur un fond de tapisserie aux motifs luxuriants. La composition asymétrique donne à l’œuvre un aspect très moderne qui nous rappelle le goût de l’artiste pour la pratique de la photographie. Vuillard is furtively observing Lulu, his friends Lucie and Jos Hessel’s daughter. He represents her, seen from the back, slightly swaying in a carefree almost funny posture which reveals the young girl’s cheerful disposition. Her silhouette seems to be cut out and pasted on a tapestry with lush patterns. The asymmetrical composition is very modern and definitely a reminder of his interest in photography.
Lulu dans le jardin des Clayes 1932
130
Mine de plomb sur papier 16 x 9,3 cm Cachet du monogramme en bas à droite
Propriété du couple Hessel depuis 1925, le château des Clayes est l’un des lieux d’inspiration privilégiés du peintre. Ce pastel témoigne du procédé de la réserve, dite aussi « art de l’esquisse achevée », technique chère à Vuillard. Le peintre anime le brun du papier, utilisé comme fond, de lumineuses touches de pastel pour restituer la chaude lumière de cette fin de journée. Il joue avec la perspective de l’allée qui apparaît au travers des barreaux verticaux de la grille du parc et nous invite par une porte ouverte à pénétrer jusqu’au château. The Château des Clayes was acquired by the Hessels in 1925 and is one of the painter’s favorite source of inspiration. This pastel is a representation of the ‘procédé de la réserve’, a technique, dear to Vuillard, called ‘art de la technique achevée’. Using a brown paper as a background, the artist renders the warm light of the end of the day by applying large touches of bright pastel. He plays with the perspective of the alley, partly revealed through the vertical bars of the park gate. The open door invites the gaze of the viewer all the way into the castle.
132
La grille du potager aux Clayes Circa 1932-1938 Pastel sur papier bistre 32 x 24 cm Cachet de la signature en bas à droite Bibliographie : Reproduite dans le Catalogue raisonné de l’artiste (vol. III, chap. 12, n° 347, p. 1610)
Édouard Vuillard offre ici une étonnante composition. Attentif à l’observation du réel, il focalise son objectif sur un buisson fleuri animé de petites touches de couleurs rouges. Cette œuvre sera incluse au supplément du Catalogue raisonné de l’artiste en préparation. Édouard Vuillard delivers an amazing composition. He is very dedicated to observing reality, and focuses his attention on a flowering bush, enlivened by little touches of red paint. This work will be included in the addition of the artist’s Catalogue raisonné, in the making.
Les serres dans le parc du château des Clayes 1932-1938
134
Pastel et mine de plomb sur papier 12,5 x 20,5 cm Cachet de la signature en bas à droite Annotations de la main de l’artiste en bas
Si Vuillard ne semble pas accorder habituellement une importance majeure aux traits des visages, il démontre ici une capacité à saisir dès l’esquisse le caractère juvénile de son modèle Henri Malégarie. Il pose la lumière à l’aide de touches de pastel blanc qui accentuent le regard vif du jeune homme. Cette œuvre est préparatoire au tableau éponyme représentant Henri Malégarie en pied dans un intérieur, reproduit au Catalogue raisonné de l’artiste (vol. III, chap. 12, n° 150, p. 1538). If Vuillard does not usually seem to pay much attention to facial features, he demonstrates here an ability to grasp, while sketching, the childlike character of the model. He underscores the young man’s bright eyes, enlightening them, using little touches of white pastel. Preparatory work for a painting of the same name representing Henri Malégarie, full length in an interior, published in the artist’s Catalogue raisonné (vol. III, chap. 12, # 150, p. 1538).
Portrait de Henri Malégarie 1938-1939
136
Pastel sur papier 32,5 x 25 cm Cachet du monogramme en bas à droite Provenance : Collection Alexandre Natanson
Le texte de présentation a été rédigé par Véronique Serrano, conservateur en chef du patrimoine et directeur du musée Bonnard, Le Cannet Traduction en langue anglaise de Marie Casanova Photographie de Bertrand Hugues Maquette réalisée par Maïwenn Cudennec
Les mentions Catalogue raisonné renvoient aux ouvrages Pierre Bonnard, Catalogue Raisonné de l’Œuvre Peint, par Jean et Henry Dauberville, Éd. Bernheim Jeune, Paris de 1965 à 1974 Édouard Vuillard, Catalogue critique des peintures et pastels par Antoine Salomon et Guy Cogeval, Éd. Skira/Wildenstein Institute, publié en 2003.
ISBN 978-2-9565974-1-4
© Galerie AB Paris
138
G A L E R I E
A B
Agnès Aittouarès 14, rue de la Grange Batelière 75009 Paris +33 (0)1 45 23 41 16 +33 (0) 6 14 42 96 83
galerieab@gmail.com www.galerieab.fr