Roman Noir

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L’Arbousier 1 avenue Abdon Martin 04700 Oraison Tél / Fax 04 92 78 61 08 librairielarbousier@tiscali.fr

Lucioles 13-15 place du Palais 38200 Vienne Tél 04 74 85 53 08 Fax 04 74 85 27 52 lucioles@free.fr + www.librairielucioles.com

L’Astrée 69 rue de Lévis 75017 Paris Tél/Fax 01 46 22 12 21 lastree@free.fr + www.lastree.com

La Manœuvre 58, rue de la Roquette 75011 Paris Tél 01 47 00 79 70 Fax 01 47 00 77 55 La_manoeuvre@yahoo.fr info@lamanoeuvre.com

Atout-livre 203 bis avenue Daumesnil 75012 Paris Tél 01 43 43 82 27 Fax 01 43 43 82 73 info@atoutlivre.com + www.atoutlivre.com

Maupetit 142-144 La Canebière 13001 Marseille Tél 04 91 36 50 50 Fax 04 91 36 50 79 maupetit@actes-sud.fr

Blandine Blanc 19 rue Pierre Bérard 42000 Saint-Étienne Tél / Fax 04 77 32 58 49 + librairiebb@free.fr

Le merle moqueur 51 rue de Bagnolet 75020 Paris Tél 01 40 09 08 80 Fax 01 40 09 86 60 mailing@lemerlemoqueur.fr www.lemerlemoqueur.fr

Le bruit des mots 11 place du Marché 77100 Meaux Tél 01 60 32 07 33 Fax 01 60 32 07 34 bruit.des.mots@wanadoo.fr Le cadran lunaire 27 rue Franche 71000 Mâcon Tél 03 85 38 85 27 Fax 03 85 40 92 16 cadran.lunaire@wanadoo.fr Comme un roman 27 rue de Saintonge 75003 Paris Tél 01 42 77 56 20 Fax 01 42 77 56 20 commeunroman@wanadoo.fr www.comme-un-roman.com Les cordeliers 13 côte des Cordeliers 26 100 Romans-sur-Isère Tél 04 75 05 15 55 Fax 04 75 72 50 56 libcordeliers@wanadoo.fr Le cyprès 17 rue du Pont Cizeau 58000 Nevers Tél 03 86 57 53 36 Fax 03 86 59 59 24 L’échappée belle 7 rue Gambetta 34200 Sète Tél 04 67 43 64 54 Fax 04 67 74 74 18 libechappeebelle@aol.com www.lechappeebelle.fr L’écritoire 30 place Notre-Dame 21140 Semur-en-Auxois Tél 03 80 97 05 09 Fax 03 80 97 19 89 librairie.ecritoire@wanadoo.fr www.ecritoire-semur.com Le grain des mots 13 boulevard du Jeu de Paume 34000 Montpellier Tél 04 67 60 82 38 Fax 04 67 60 82 91 info@legraindesmots.com Gwalarn 15 rue des Chapeliers 22300 Lannion Tél 02 96 37 40 53 Fax 02 96 46 56 76 librairie.gwalarn@wanadoo.fr La librairie... 12 rue Chaperonnière 49000 Angers Tél 02 41 87 48 43 Fax 02 41 87 47 70 lalibrairie@wanadoo.fr

Millepages 174 rue de Fontenay 94300 Vincennes Tél 01 43 28 04 15 Fax 01 43 74 44 13 millepages@wanadoo.fr www.millepages.fr Millepages jeunesse 127 rue de Fontenay 94300 Vincennes Tél 01 43 28 84 30 Fax 01 43 28 71 77 millepages.jeunesse@wanadoo.fr www.millepages.fr Millepages bd et disques 133 rue de Fontenay 94300 Vincennes Tél 01 43 28 04 50 Fax 01 43 28 04 54 millepages.bd@wanadoo.fr www.millepages.fr M’Lire 3 rue de la Paix 53000 Laval Tél 02 43 53 04 00 Fax 02 43 53 23 52 mlire@wanadoo.fr

La réserve 81 avenue Jean Jaurès 78711 Mantes-la-Ville Tél 01 30 94 53 23 Fax 01 30 94 18 08 librairie.lareserve@wanadoo.fr

LE ROMAN NOIR

La Librairie/Niort Place Pilori 79000 Niort Tél 05 49 04 05 03 Fax 05 49 17 18 80

La librairie du rivage 82 Boulevard Aristide Briand 17200 Royan Tél/ Fax 05 46 22 05 16 librairie.rivage@wanadoo.fr www.librairie-du-rivage.fr Les saisons 2 rue Saint Nicolas La Rochelle Tél 05 46 37 64 18 Fax 05 46 34 05 58 Les saisons.ubacto.com + librairie@lessaisons.fr Le scribe 115 faubourg Lacapelle 82000 Montauban Tél 05 63 63 01 83 Fax 05 63 91 20 08 libscribe@aol.com Le square (L’université) 2 place du docteur Léon Martin 38000 Grenoble Tél 04 76 46 61 63 Fax 04 76 46 14 59 libsquar@club-internet.fr www.librairielesquare.com Vent d’ouest 5 place du Bon Pasteur BP 31626 44016 Nantes Cedex Tél 02 40 48 64 81 Fax 02 40 47 62 18 librairie@ventdouest.org www.librairie-nantes.fr Vent d’ouest au Lieu unique 2 rue de la Biscuiterie 44000 Nantes Tél 02 40 47 64 83 Fax 02 40 47 75 34 ventdouestalu@hotmail.com Voix au chapitre 67 rue Jean Jaurès 44600 Saint-Nazaire Tél 02 40 01 95 70 Fax 02 51 76 39 32 glambert3@club-internet.fr librairievoixauchapitre.com

Mots et Images 10 rue Saint-Yves 22200 Guingamp Tél 02 96 40 08 26 Fax 02 96 40 08 27 mots-et-images@wanadoo.fr Les mots passants 2 rue du Moutier 93300 Aubervilliers Tél / Fax 01 48 34 58 12 les.motspassants@wanadoo.fr Nordest 34 bis rue de Dunkerque 750010 Paris Tél / Fax 01 48 74 45 59 lib.nordest@wanadoo.fr Obliques 68 rue Joubert 89000 Auxerre Tél 03 86 51 39 29 Fax 03 86 52 11 83 librairie.oblique@wanadoo.fr Le poivre d’âne 9 place de l’Hôtel de Ville 04100 Manosque Tél 04 92 72 45 08 Fax 04 92 72 40 03 librairiepoivredane@wanadoo.fr Le poivre d’âne 12 rue des Frères Blanchard 13600 La Ciotat Tél 04 42 71 96 93 Fax 04 42 73 19 68 Quai des brumes 120 Grand’Rue 67000 Strasbourg Tél 03 88 35 32 84 Fax 03 88 25 14 45 quaidesbrumes@wanadoo.fr

INITIALES 51, rue de Bagnolet 75020 PARIS Tél: 01 40 09 08 75 Fax : 01 40 09 08 76 info@initiales.org www.initiales.org DOSSIER INITIALES N° 20

DOSSIER INITIALES NUMERO 20

Antipodes 8 rue Robert Schuman 95880 Enghien Tél 01 34 12 05 00 Fax 01 34 17 69 26 nobru24@free.fr

N° 20



o t i ed illon, Jun d u a nne n ie e V Par R cioles, librair

ie Lu

Il y a quelques temps déjà, j’assistai à la représentation de Oh les beaux jours de Samuel Beckett. Je fus terriblement touché par cette pièce, par la clarté du regard posé sur la condition humaine et les moyens désespérés (désespérants ?) que met en œuvre le personnage pour tenter de s’en sortir. Un peu plus tard, je tombai sur une déclaration du metteur en scène Frederick Wiseman, qui résonnait en moi d’une manière particulière. « Quand je cherche à comprendre pourquoi je ne comprends rien du monde, je lis Beckett et je me console par la conscience, qui est la sienne, de l’impossibilité de le comprendre. Oh les beaux jours est une radiographie de notre manière de vivre, de penser, de sentir. Comme toutes les radiographies, cette pièce est triste, drôle et tragique à la fois, ne prescrit pas de remède, mais décrit, sans illusions, ce qui est, pour ceux qui veulent savoir ». «N’est-ce pas là une réflexion que l’on pourrait appliquer au « roman noir » ? Trop souvent considéré comme une médiocre littérature de genre, réduite à son lot de clichés et de sentiers battus, rebattus à en devenir des autoroutes qu’empruntent sans vergogne certains écrivains-poids lourds, le roman noir de qualité place avant toute chose l’Homme et ses manières, l’Homme et ses moyens, l’Homme et ses tentatives au centre de ses préoccupations littéraires. De son rayon X, le roman noir balaie les sociétés et révèle conflits, tensions et « crises » pour reprendre un mot de Manchette, qu’elles se déroulent sur le plan social, politique ou culturel. Plus près, il s’insinue dans cette part d’ombre, incertaine mais tenace, tapie en chacun de nous pour tenter d’en saisir le reflet, de l’apprivoiser sans qu’elle nous saute au visage, imprévisible. Ce dossier ne se veut pas une liste encyclopédique exhaustive. Et encore moins un tour du monde de la planète « polar », avec guide et escales dans chaque pays. Il s’agit plutôt d’un hommage à tous ceux qui s’interrogent sur l’issue du combat. Le combat que se livrent perpétuellement le Mal et le moindre Mal, le Mal et le «Ce-Qui-Nous-Différencie-DesBêtes», une bataille originelle. Et par conséquent, plus que jamais d’actualité. Sachez enfin que l’ensemble des articles que vous vous apprêtez à lire sont inédits, rédigés spécialement pour ce dossier « roman noir », réalisés exclusivement pour les librairies du groupement Initiales. Que les intervenants (auteurs, traducteurs, professeurs, dessinateurs, libraires et journalistes), tous enthousiastes, passionnés – et bénévoles – soient chaleureusement remerciés.


Chapitre -5-

Cellule de crise ou le roman noir entre quatre murS Par Jean-Claude Lecocq

CHAPITRE -1Chapitre -6-

Chrysalide ou la naissance du roman noir Par Franck Lhomeau, Elfriede Müller, Pascal Garnier, Jean-Hugues Oppel

Les mots de la crise ou l’ecriture du roman noir Par Dominique Manotti, Scott Wolven, James Sallis, Marcus Malte

Chapitre -2Chapitre -7-

Crise en ThEme

Crisissimo

ou le regard du roman noir sur le monde

ou la melodie du roman noir

Par Laurent Lombard, Robert Amutio, Iain Levison, Philippe Corcuff

Par Ludwig Blondel, Erik Fitoussi

Chapitre -8-

Chapitre -3-

Piquer une crise

Crise de nerfs

ou le roman noir mort de rire

ou le roman noir des coeurs cabosses

Par Franz Bartelt

Par Elwood Reid, Martine Laval, Ken Bruen

Chapitre -9-

Chapitre -4-

Casus crisi

Crise de rage, crise de race ou l’antagonisme blanc/noir dans le roman noir Par Eddy Harris, Jake Lamar, Samuel Blumenfeld

ou les traits du roman noir Par Chauzy

Chapitre -10-

Petite bibliotheque noire -2-

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Le roman noir

Le roman noir


CHRYSALIDE Ou la naissance du roman noir

*** « Le but du roman noir, dans ce qu’il a de mieux, a toujours été de détruire le mal en le décrivant ; c’est une littérature positive et non pas négative, ne serait-ce que parce qu’elle montre tout ce qui dans notre société est négatif. » Robin COOK Mémoire Vive

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Le roman noir

Le roman noir


Le roman noir americain, qui s’en prend a l’American Way of Life, s’est fait l’echo du krach de Wall Street, qui a precipite les etatsUnis au bord du gouffre... Le roman noir s’inscrit-il forcément dans un contexte sociopolitique (prohibition, seconde guerre mondiale, crise économique) ?

E LE TERSM RECITS E I O L P LE EM E M I E R , G O T H I Q U E E TO I R , E L L E , R P E L N N , TON QUIIFIER LE ROMAUE DU ROMAN OUTEFOIS, ON E R B E Q ANDR QUAL MATI IDATI IER. T SI C’ESTAN NOIR POURVANTE, LA THEROMAN POLIC TANT QU’ELUECC POE, DE ROMREUR, D’EPOULA SOURCE DUN POLICIER ENFINISSENT AV VONS DE TERAVANT TOUT A INES DU ROMA ENIGME SE DE OUS LE CONCERE PUISE QUE LES ORIGLUTION D’UNE OIR TEL QUE N 30. RENCONT ALORS IME OU RESO , LE ROMAN N E DES ANNEES D’UN CRIAU OU BALZAC NS L’AMERIQU E DU GENRE, G A B O R D ’ H U I N A I T D A U , S P E C I A L I S T L E S L I G N E S. AUJOURRANCK LHOMEAN NOIR ENTRE AVEC F IRE LE ROMA POUR L Le roman noir américain naît-il aux États-Unis avec les légendaires Hammett, Chandler et McCoy ? Quels sont les véritables débuts de son histoire ? Franck Lhomeau : Lorsque Marcel Duhamel lance sa célèbre collection « Série Noire », en 1945, il entend proposer au public français un genre nouveau — que vous appelez « roman noir » — en publiant des ouvrages qui rompent résolument avec le roman à énigme cher aux lecteurs d’Agatha Christie. Cette nouvelle littérature ne semble pas alors avoir d’histoire et apparaît plutôt comme l’expression la plus contemporaine du genre policier. Pourtant, le roman noir compte déjà plusieurs décennies et un grand nombre d’ouvrages (dont peu ont été traduits en français entre les deux guerres, quelques romans de Dashiell Hammett, Whitfield, Cain, Latimer ou Clarke). Depuis, nous connaissons mieux son histoire et ses grandes périodes. Né au cours des années 20

aux États-Unis dans les pulps (magazines imprimés sur un papier bon marché), le genre hardboiled, que nous nommons roman noir, renouvelle l’intrigue policière qui n’est plus simple jeu de déduction mais histoire criminelle qui prend à son compte la vie quotidienne mais aussi les grands mythes de la société dans laquelle évoluent les personnages, dont le plus emblématique est celui du détective privé. Si Carroll John Daly est considéré comme le père de l’école hardboiled pour avoir mis en scène un personnage de dur à cuire puis le privé Race Williams, Dashiell Hammett est à juste titre la figure tutélaire du genre. Maître du style béhavioriste, il crée celui qui deviendra l’archétype du privé, Sam Spade, dont la première aventure, Le Faucon maltais, est publiée en 1929 dans Black Mask, creuset du roman noir. C’est dans ce pulp que nombre d’auteurs du genre vont se faire connaître : Raoul Whitfield, Horace McCoy ou Raymond Chandler, notamment.

F.L. : Les auteurs que nous venons d’évoquer plongent les héros de leurs intrigues dans la réalité de leur temps. Pour Dashiell Hammett : l’époque particulièrement violente de la guerre des gangs et de la prohibition. Chandler écrit que « l’écrivain réaliste » parle du monde dans lequel il vit, « dans lequel les gangsters peuvent gouverner les nations et où un juge à la solde de la politique se contentera d’intervenir pour la forme. » Le roman noir américain, qui s’en prend à l’American Way of Life, s’est fait l’écho du krach de Wall Street, qui a précipité les États-Unis au bord du gouffre, du Maccarthysme, terrible période de chasse aux sorcières contre les personnes soupçonnées de sympathies communistes, des guerres, et particulièrement celle du Vietnam. Toutefois, le contexte de crise sociale ou politique ne suffit pas à caractériser le roman noir dont l’une des qualités (pour ce qui est de ses œuvres majeures) est la volonté de transgresser les normes. Quelles sont les nouvelles caractéristiques du roman noir, peut-on dégager des thèmes propres au XXIe siècle ? F.L. : Le XXIe siècle vient tout juste de débuter et il est trop tôt pour en percevoir les nouvelles perspectives. Mais ce qui caractérise l’évolution du genre durant ces dernières années, c’est assurément son appropriation par des auteurs de pays toujours plus nombreux, parmi lesquels, et seulement à titre d’exemple et exception faite de la France dont vous parlez plus loin dans ce dossier : l’Afrique du Sud, avec Deon Meyer ; la Chine, avec Xiaolong Qiu ; la Suède, avec Henning Mankell ; l’Islande, avec Arnaldur Indridason ; le Danemark, avec Leif Davidson ; la Russie, avec Alexandra Marinina ; l’Angleterre, avec John Harvey ; l’Allemagne, avec Akif Pirinçci ; l’Autriche, avec Wolf Haas ; l’Écosse, avec Ian Rankin ; l’Algérie, avec Yasmina Khadra ; Cuba, avec Leonardo Padura ; l’Argentine, avec Rolo Díez ; le Mexique, avec Ignacio Taibo II, l’Espagne, avec González Ledesma ; l’Italie avec Andrea Camilleri ou Marcello Fois ; et bien d’autres dont la liste dépasse le cadre qui m’est imposé ! L’époque de la suprématie du roman noir américain semble révolue. Le Dictionnaire des

littératures policières1, que dirige Claude Mesplède et dont nous préparons une nouvelle édition (parution octobre 2007) rend compte de ce phénomène : la richesse et l’universalité du roman noir contemporain sont à l’origine du renouvellement des thèmes, mais aussi des formes. Il n’en reste pas moins que les auteurs américains avec Michael Connelly, George Pelecanos, Larry Beinhart, Robert Crais, James Crumley, Dennis Lehane, James Lee Burke, James Ellroy, et beaucoup d’autres comptent parmi les grands noms du genre. Un autre phénomène récent est l’apparition de nombreuses romancières qui pendant de longues décennies se sont cantonnées aux intrigues de mystère ou de suspense et qui aujourd’hui abordent également avec talent le genre noir. Qu’en est-il de la masculinité dans les romans noirs, des personnages rugueux avec parfois la loi du talion en bandoulière ? Mike Hammer est-il mort sans enfants ? F.L. : Le protagoniste de Mickey Spillane use en effet de méthodes musclées lors de ses enquêtes et incarne la lutte sans merci contre toute forme de déviance. Nul doute qu’il aurait eu du mal à accepter la paternité de Donald Strachey, le privé homosexuel créé par Richard Stevenson, ou de Lauren Laurano, la détective lesbienne imaginée par Sandra Scoppettone ! Mais ce ne sont pas seulement les personnages de privé qui ne correspondent plus aux stéréotypes anciens. À présent, le roman noir met en scène des êtres moins monolithiques parce que confrontés à des conflits beaucoup plus complexes dont ils ne sortent que rarement indemnes.

la richesse et l’universalite du roman noir contemporain sont a l’origine du renouvellement des themes, mais aussi des formes... Propos recueillis par Renaud Junillon, librairie Lucioles, Vienne Et Christophe Davy, librairie Millepages, Vincennes. Frank LHOMEAU : Directeur littéraire des éditions Joseph K., Franck Lhomeau est également rédacteur en chef de la revue Temps Noirs. (1) Joseph K., édition revue, mise à jour et augmentée, 2.200 pages

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Le roman noir

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Dans les années 1980-1990, les femmes auteurs deviennent de plus en plus nombreuses – Dominique Manotti, Fred Vargas, Chantal Pelletier ou Hélène G. Couturier – et la présence latente des traces de l’histoire au sein de la société devient chez nombre d’auteurs le point de départ d’une enquête historique. Cette chronique sociale n’écarte aucun sujet : collaboration, résistance, guerre, racisme, antisémitisme, exclusion sociale… Les romans ne se concluent jamais par un happy end, ils laissent au lecteur un arrière-goût amer. Le polar remet ainsi tout en question, sauf peutêtre le sujet, qu’il réhabilite sans le laisser intact. Le néo-polar se situe donc à l’opposé non seulement du réalisme socialiste mais aussi du structuralisme. Le polar a émancipé la littérature de la science et de la pensée élitiste. Des sujets qu’il ne convenait pas de représenter pour un écrivain : criminels, prostituées, souteneurs, meurtriers, chômeurs, sans-abris, etc… sont précisément les protagonistes du polar qui prend le contre-pied du nouveau roman de Robbe-Grillet, ou de Sollers, renouant avec la lignée de Balzac ou Flaubert. Le succès du polar a contribué à la redécouverte du roman en général. Il est, selon Patrick Raynal, la version actualisée du roman tel que le XIXe l’avait connu : son sujet est certes altéré mais n’en reste pas moins un sujet, ce que le structuralisme avait liquidé depuis longtemps.

Pa Selon Jean-François Vilar les origines du polar remontent au temps de la Révolution Française. Les «romans terrifiants», comme on les appelait à l’origine, étaient en effet des histoires ahurissantes qui se déroulaient dans des châteaux disparus. Puis, au cours des années 30, le genre se renouvela en France, tandis que parallèlement émergeait aux États-Unis le hardboiled, après les désillusions de la première guerre mondiale. Le véritable coup d’envoi fut donné avec le lancement de la célèbre «Série noire», créée en 1945. Les premières œuvres venaient des États-Unis et quelques auteurs français prirent même un pseudonyme américain. C’est en 1950 que Jean Amila, qui devait être le modèle de la plupart des auteurs qui commençaient à écrire à la fin des années 70, fit son entrée en scène. Il avait écrit son premier livre en 1942 mais il ne le publia qu’en 1950. Il attaque dans un style flamboyant tout ce qui tient au cœur du petit bourgeois français : la patrie, l’armée et son culte du héros, les services secrets, l’injustice organisée par l’État. Didier Daeninckx fait d’Amila le sujet de son polar Nazis dans le métro.

E MU D E I R f l rE

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Le polar se transforma et se radicalisa, comme toute la société française, en 1968. Le situationniste JeanPatrick Manchette fut le précurseur de ce que j’appelle le polar post-soixante-huitard, brisant avec les conventions d’un roman policier français majoritairement de droite voire d’extrême droite. Cette radicalisation a deux conséquences : l’une est artistique, la densité du style, l’autre de contenu, la politisation systématique des sujets. Les personnages de Manchette sont sans illusions et condamnés à échouer. L’humanisation progressive du tueur provoque en vérité son élimination d’autant plus systématique. Dès lors les polars présentent un autre style. Les polars noirs de la gauche déçue sont l’enfant légitime de la révolution manquée qui jette un regard pessimiste sur le monde. Ces polars vont à contrecourant du traditionnel roman policier, qui se focalise sur la pure élucidation du crime : ils situent la critique sociale et la description détaillée des divers milieux sociaux au centre de la trame narrative qui ne suppose plus aucune réconciliation avec le monde décrit.

La continuité historique joue un rôle décisif dans le courant du polar post-soixante-huitard. Il s’y fait jour une certaine nostalgie pour les époques, sinon meilleures du moins nettement plus combattives, qu’ont connues les auteurs et les protagonistes. Mais surtout, et c’est là un point de rencontre important, l’histoire est la clé de l’interprétation du présent. Dans le polar, les événements historiques sont rattachés à des destinées individuelles et ce sont en un sens des témoins de l’époque, des survivants qui agissent ou poussent à l’action. Le polar s’évertue avec mélancolie à repérer les occasions manquées dans l’histoire, et il les fait parfois revenir comme farce dans le contexte historique présent. Le national-socialisme, la guerre d’Espagne, la guerre d’Algérie, 1968 et les années du gouvernement de gauche de François Mitterrand sont quelques-unes des stations du polar. Désillusion et sentiment d’angoisse pèsent sur la vision rétrospective et surtout sur les perspectives. Les représentants les plus exposés de ce courant des «dissidents désespérés» comme Dominique Manotti l’appelle, sont: Frédéric H. Fajardie, Didier Daeninckx, Jean-Bernard Pouy, Dominique Manotti, Thierry Jonquet, Jean-François Vilar, Patrick Raynal.

l’extrême gauche. Les anti-héros mélancoliques de cette littérature se trouvent dans la même crise que la société dans laquelle ils vivent. Ils sont malheureux : leur malheur est social. Les personnages n’ont plus que l’échec comme point de départ. L’anti-héros du roman noir arrive à la fin de ses recherches, sans que le monde reprenne ses vieilles formes, mais il regarde comme l’inspecteur Cadin – un anti-héros de série de Daeninckx – dans des abîmes. Les romans cherchent les responsables des crimes et rencontrent également les marges de la société, leurs lignes de fuite. Les acteurs entament, avec leurs recherches, un voyage dont ils ne reviennent pas sans blessures ni identiques à eux-mêmes. Il n’y a plus de réconciliation du détective et de la société dans le polar post-soixante-huitard. Le roman noir se politisait quand la société française se dépolitisait, dans ces fameuses années Mitterrand, si cruellement décrites par Frédéric H. Fajardie ou Dominique Manotti. Alors que la gauche perdait son hégémonie culturelle dans la société, elle gagnait du terrain dans le polar. Les auteurs témoignaient par leur propre biographie qu’il n’existait plus de structures collectives mais seulement des francs-tireurs de gauche. Ces individus conservent la conscience politique et l’idée d’une émancipation sociale. Ils politisent le crime et par conséquent le lecteur, établissent la filiation entre le crime apparemment individuel commis dans le présent et le crime historique qui reste caché, comme par exemple la guerre d’Algérie et la collaboration en arrière plan de la montée du Front National. J’ai ainsi découvert que le polar se comprend comme un moyen de lutte contre la montée du Front National sans avoir forcément une révolution victorieuse au bout de l’horizon. La mélancolie de ces romans, les sujets anti-héroïques qui tous demandent beaucoup plus à la vie que la simple recherche des traces de l’histoire à travers l’élucidation d’un crime sont une manière de raconter l’histoire à travers les défaites révolutionnaires et les crimes de la société bien équivalente aux manuels scolaires ou aux textes scientifiques ou même mieux, car plus amusante et souvent mieux écrite.

Les polars post-soixante-huitards écrits à partir de la fin des années 70 jusqu’à aujourd’hui se distinguent radicalement des habituelles histoires de détectives à cause de leur prise de position politique à gauche voire à

ELFRIEDE MÜLLER : Elfriede MÜLLER, née en 1957 à Mayence, vit depuis 1993 à Berlin. Elle a été libraire, a fait des études d’Histoire à Fribourg-sur-Breslau. Elle a été chargée de l’art public à l’Union Professionnelle des artistes Berlinois. Ses publications récentes portent entre autres sur l’affaire Garaudy/Abbé Pierre (1997), les bolcheviques et la violence (1998), le nationalisme républicain et le fascisme en France (2000).En collaboration avec Alexander Ruoff, elle a écrit Le polar français, crime et histoire paru aux éd. La fabrique 2002.

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garn l a c s a rp

Le roman policier, comme son nom l’indique, implique des policiers ou tout au moins un enquêteur chargé de démêler une intrigue, résoudre une énigme. La question que le lecteur se pose est : « Qui a tué ? » et en principe, à la fin, il obtiendra une réponse unique : « C’est lui… ou elle. » C’est un genre tout à fait respectable mais c’est un genre obéissant à des règles bien précises. Je crois qu’on en fait remonter l’origine au Double assassinat dans la rue Morgue d’E.A. Poe. Belle référence ! Mais que dire des autres romans ?... Sont-ils noirs ? Sont-ils blancs ?... Même si certains regorgent de cadavres, ce ne sont pas pour autant des romans policiers ou alors il faudrait classer les tragédies grecques et la plupart des contes pour enfants dans cette catégorie. Ce qui fait la différence alors c’est que face au drame on ne se demande plus « Qui a tué ? » mais « Pourquoi ?». Là, les réponses sont aussi multiples que les nuances de gris allant du noir au blanc. Le meilleur exemple pour illustrer la confusion qu’engendre ce besoin assommant de vouloir classer les auteurs par genre est le cas de Simenon. Prononcez son nom et aussitôt on vous répondra Maigret. C’est un peu court. Je n’ai rien contre les Maigret, au contraire,

mais il est regrettable que la silhouette du grand Jules relègue dans l’ombre le meilleur de sa production, des romans comme Betty, Trois chambres à Manhattan, Pedigree… et tant d’autres. Enfin, on supposera le lecteur suffisamment averti pour aller dénicher ce qui se cache sous les étiquettes, qu’elles soient noires ou blanches.

PASCAL GARNIER : Né en 1949 à Paris, Pascal GARNIER passe son adolescence à voyager à travers le monde. Adepte des textes courts, auteur de romans noirs et de littérature enfantine, il est un écrivain prolifique et multicartes qui n’a pas d’égal pour mettre en scène des personnages insipides. Mais ce regard n’est jamais blessant ni méprisant. Ses premiers textes paraissent en 1986. Dernières parutions : Comment va la douleur ? , Flux, Grand Prix de l’Humour noir, Nul n’est à l’abri du succès - parus aux éd. Zulma 2003, 2004 et 2006. Pascal Garnier s’est installé en Ardèche, où il continue de peindre et d’écrire.

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Par Jea

« J’ai besoin de scénarios, monsieur Servilliez, trouvez-m’en mais qu’ils ne soient pas comme celui-là, et vous n’en trouverez que si vous ne lisez pas les sondages; parce que les sondés mentent, ils disent qu’ils aiment les films calmes et doux parce qu’ils ont peur du sondeur, mais ce qu’ils veulent c’est le contraire: ils veulent du cul, et du sang. Faites-moi un film avec des putes et des tueurs et un grand type souriant qui tue les tueurs et qui baise les putes jusqu’à ce qu’elles en deviennent honnêtes, et je vous finance jusqu’à la fin de vos jours. » Extrait de Darakan, de Claude Klotz (alias et hélas désormais pour toujours Patrick Cauvin). C’est un grand format paru en son temps chez J.C. Lattès et jamais repris en poche nulle part - mais je ne désespère pas de convaincre un éditeur de le faire, c’est pourquoi j’ai relu ces lignes qui datent de… 1978 ! Pas pris une ride, non ? Klotz fut l’un de mes auteurs-pères fondateurs. L’autre était Jean-Patrick Manchette. Après Darakan, Nada. Nada et sa violence désespérée du terrorisme gauchiste impuissant à contrer le terrorisme étatique - la claque ! Pour moi, la voie était enfin tracée : il fallait écrire -

PPE O s e u g n-Hu

le genre de bouquin qui vous degoute d’ecrire dans un premier temps, mais vous botte ensuite le cul pour (essayer de) faire mieux plaisir tout en écrivant-combattant sans tomber dans l’écriture-boursouflure du moi. Tout un programme. Je ne fus pas le seul à l’adopter. Je pris une nouvelle claque (avec du retard sur la publication) dans les années 90 avec L’étage des morts de Hugues Pagan, le genre de bouquin qui vous dégoûte d’écrire dans un premier temps, mais vous botte ensuite le cul pour (essayer de) faire mieux. Les livres de Pagan m’ont accompagné un bout de chemin (pas ma faute : l’animal n’écrit plus - enfin, ne publie pas…); ceux de Fred Vargas (je n’ai pas attendu les libraires et les lectrices de “Elle” pour découvrir que c’était bien et sacrer au plus haut pour ma part L’homme à l’envers), qui a bien raison de dire “On écrit pour vivre demain”, et les pages noires de la

AT T e ’ D E R RTIAL e I N A M EN LIEUX PA tif DESnon defini et

blonde Stéphanie Benson (qui n’a pas lu Le loup dans la lune bleue n’a rien lu du polar contemporain - enfin, pas tout…) continuent de cheminer avec moi au rythme de leur parution. Ces deux grandes dames de mon panthéon polardeux ont bientôt été rejointes par une troisième à la plume tout aussi redoutable, Dominique Manotti, qui, de Sombre sentier en Lorraine connection, sait porter le fer là où ça fait mal pour secouer (réveiller en sursaut ?) notre (mauvaise) conscience citoyenne, mais surtout nous rappeler au devoir de vigilance, devoir plus que jamais d’actualité en ce troisième millénaire qui commence bien mal. Voilà pour ne parler que des Français-es. Je ne citerai qu’un seul étranger, pour l’édification des auteurs nouveaux venus : relisez l’autobiographie de Robin Cook (le seul, le vrai avec un béret), Mémoire vive chez Rivages/Écrits Noirs. Il y parle certes de lui, mais plus encore et de manière passionnante de réflexion sur le roman noir, que d’aucuns prétendent écrire alors qu’ils se limitent aux facilités de la littérature de genre, clichés et lieux communs à peine revisités et passés à la moulinette du service minimum de l’écriture sujetverbe-complément (dans le meilleur (!) des cas), quand ils ne se vautrent pas dans l’autofiction la plus banale : mon nombril, mon nombril sale et noir de mes errances nocturnes, pauvre victime sociale forcément innocente

ou héros-écrivain au talent évident bien entendu ignoré - mais mon nombril quand même, alors que le terrorisme économique de la dictature du CAC 40 triomphe chaque jour un peu plus sur cette foutue planète… Réveille-toi, Jean-Patrick, ils sont devenus fous !

JEAN HUGUES OPPEL : Né en 1957, Jean-Hugues Oppel termine ses études à l’Ecole Nationale d’Opérateurs Louis Lumière. Il travaille comme deuxième assistant caméra pour des films comme Saxo d’Ariel Zeitoun (1987), Lacenaire de Francis Girod (1990), La passion Béatrice (1987) et La vie et rien d’autre (1988) de Bertrand Tavernier. Il a également été le premier assistant caméra de Roman Polanski pour La jeune fille et la mort (1994). Après avoir débuté par la SF, il est à présent écrivain noir à plein temps et vit en région parisienne. Auteur d’une trentaine de romans policiers adultes et jeunesses, on lui doit notamment Réveillez le Président, French tabloïd, Ténèbre, Prix Sang d’Encre 98 parus aux éd. Rivages 2007, 2005, 1998 ainsi que La déposition du tireur couché ou Ippon parus aux éd. La branche 2006, Syros 1997.

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CRISE EN THEME Ou le regard du roman noir sur le monde

*** « Il ne peut pas trouver de nom pour ce qu’il éprouve. C’est de la tristesse mais c’est quelque chose d’autre en plus. Et ce quelque chose d’autre en plus est ce qui fait qu’il reste assis là sans bouger au lieu de démarrer la camionnette. Il a déjà éprouvé ce sentiment avant mais pas depuis longtemps et dès qu’il a dit cela il sait aussitôt ce que c’est. C’est la défaite. C’est le sentiment d’avoir été battu. Plus amer pour lui que la mort. Il faut que tu surmontes ça, dit-il. Puis il démarre. » Cormac McCARTHY Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme

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évanoui. Nous sommes dans une époque de lendemains qui déchantent. La désillusion post-révolutionnaire et le changement rapide depuis 15-20 ans marquent la fin d’un temps, la fin d’une foi. Il n’y a plus d’illusions consolantes, on démolit les mythes. Ni Marx ni Jésus. C’est la misère pascalienne de l’homme sans Dieu. Car c’est bien de misère dont il est question dans les romans de Carlotto, de misère morale surtout. Elle marque le visage de ses personnages, aussi bien des anciens révolutionnaires, des mal repentis qui cherchent un sens à leur vie et à leur révolution passée (citons par exemple le cynique Giorgio Pellegrini de Arrivederci amore), que tous ceux qui subissent l’aliénation économique et intellectuelle. Un des plus beaux exemples de la littérature sur ce dernier sujet, Carlotto nous le donne avec son court récit Rien, plus rien au monde, chefd’œuvre narratif, gravure hyper-réaliste d’une époque, la nôtre, et du milieu ouvrier qui a tout perdu, jusqu’à son existence même.

au L r a P

ARD B M O nt L

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Le mal est un instrument de l’Universel, un produit de sont les mêmes. Ils se recentrent principalement autour tradition. C’est parce qu’il est si présent en l’homme, de la misère de l’homme, de la pandémie de l’argent, parce qu’il fait l’homme, qu’il est si présent dans les du bouc émissaire, ou du pouvoir, « de la tendance à écrits. C’est à ce croisement que se situe le roman pouvoir exercer en général une influence sur les autres policier. Le roman policier dit le mal au cœur de hommes », pour citer Kant. l’humanité. Le roman policier dit l’homme, il place Massimo Carlotto place l’homme au centre de son l’homme au centre de sa réflexion. C’est à ce titre qu’il art, et s’inscrit donc de plain-pied dans une tradition existe sans exister car il ne fait que s’inscrire dans la littéraire qui va au-delà de la simple question du genre longue tradition littéraire primordiale qui a toujours et de la forme. Toute son œuvre dit le mal qui est dans traité de l’homme et de son mal : le Mal. Il se nourrit l’homme. Pour l’auteur, il n’y a pas de distinction possible des mythes et des thèmes entre le mal physique (ou fondateurs, la plupart L’intolerable, pour Carlotto, douleur) et le mal moral (ou méditerranéens, qui sont une c’est la souffrance des humanites culpabilité). Il y a problème recherche constante d’une mal dès lors que tout alienees et exploitees, celles- du définition de l’homme et de sa mal, s’appelât-il guerre, la meme qui n’ont plus pour place dans l’univers. Poussé maladie, corruption, misère, elle qu’une part de conscience implique une dévalorisation jusqu’au bout de sa logique, il met en question la condition de l’être. L’intolérable, pour malheureuse, celles-la meme de l’homme dans le monde. qui n’ont plus d’espoir car plus Carlotto, c’est la souffrance Mais comment dire le mal ? des humanités aliénées et de paradis a venir. C’est là que la littérature se exploitées, celles-là même donne des genres et qu’elle fait évoluer ses formes en qui n’ont plus pour elle qu’une part de conscience fonction de l’évolution de l’homme et de la société dans malheureuse, celles-là même qui n’ont plus d’espoir laquelle celui-ci vit. On a voulu donner des noms aux car plus de paradis à venir. Massimo Carlotto nous différentes époques littéraires qui ont traité du mal, les parle de notre époque marquée par une génération codes narratifs changeant en fonction des époques. Mais où l’idée de révolution, en tant que paradis à atteindre, au-delà de la forme, force est de constater que, dans n’est plus qu’un souvenir amer, parfois une inaccessible l’histoire longue de la littérature, les thèmes abordés repentance. L’idéal poursuivi dans les années 60-70 s’est

C’est dans cette région, locomotive de l’économie italienne et capitale européenne du recyclage de l’argent sale qu’il plante les actions de son personnage sériel l’Alligator (alias Marco Buratti), un privé qui, avec l’aide de ses deux acolytes qui ne sont pas des enfants de chœur, tente de résoudre des affaires inextricables pour la justice institutionnelle. C’est là également que se déroule l’action de romans, tels que Arrivederci amore ou L’immense obscurité de la mort, où l’auteur attarde sa plume sur des thèmes qui vont de l’immigration sauvage à la corruption, de l’exploitation du plus faible à la décadence du plus fort. Des thèmes en plein dans leur époque. Le Nord-Est se fait la métaphore du monde comme il est, du monde comme il va (ou ne va pas !). Il est le creuset de l’indifférenciation des êtres, énorme marmite de la dé(confiture) humaine où l’individu n’est plus qu’une chair pauvre, faible, malade. Ce phénomène de décomposition qui fait partie intégrante d’une volonté de noirceur narrative, Carlotto la figure par la thématique Les romans de Carlotto racontent l’histoire de tous de la perversion qui consiste à muer des images les jours, des habitudes qui la composent. On y voit ordinairement chargées de connotations positives en des gens vivre dans une société, italienne dans les leur contraire. Le pur devient l’impur, l’amour est maladie. faits mais universelle dans l’idée, passée des Trente Cela conduit au renversement systématique de certaines G l o r i e u s e s a u x Tr e n t e figures : la campagne, lieu de Piteuses, du plein emploi repos, devient le lieu de trafic L’organisation et l’evolution au plein chômage. On y voit des déchets industriels ; les de notre societe, Carlotto des gens écrasés par un prêtres, les juges, les avocats, les saisit donc et surtout par les policiers se muent en quotidien gris où l’espoir ne passe que par la destruction la description de la mondialisation personnages corrompus, de soi (alcool, drogue) et/ou aux pratiques et à la morale et de ses consequences des autres (meurtre). Une abjectes ; les bons pères et les regionales et sociales. société accélérée qui ne se bons maris préfèrent passer laisse pas le temps d’être saisie et où plus personne leurs heures vespérales au bordel plutôt qu’en famille. ne contrôle plus rien. Ça s’agite dans tous les sens et Ce qui est impitoyable, dans les récits de Carlotto, c’est on n’y comprend plus rien. La mondialisation, puisque que la méchanceté touche tout le monde ; la morale de c’est de cela dont il est question, marque la fin d’une plus d’un personnage, c’est en effet richesse oblige. Et ère de sédentarisation. Nous sommes revenus à une il n’y a pas forcément de manichéisme, où les gens du société d’errance où, comme on le voit très bien dans peuple seraient les dépositaires naturels de l’humanité, les romans de Carlotto, les richesses et les populations et les possédants seraient par principe inhumains. Aussi se déplacent et où les mercenaires (aujourd’hui les l’œuvre de l’auteur fourmille de vilenies commises par organisations criminelles nationales et internationales) ces prétendus anges que seraient les petites gens. On font rage. exploite, on escroque, on tue à tous les niveaux chez Carlotto, chez les classés comme chez les déclassés. L’organisation et l’évolution de notre société, Carlotto Les victimes deviennent bourreaux et/ou les bourreaux les saisit donc et surtout par la description de la de leurs bourreaux, les systèmes d’injustice engendrent mondialisation et de ses conséquences régionales et leurs propres fossoyeurs. sociales. Mondialisation économique bien sûr, mais aussi Tout cela est parfaitement visible en un lieu récurrent criminelle. Ainsi, l’auteur n’a de cesse dans ses textes dans l’œuvre de l’auteur, la prison, bas-fond de de nous parler du partage territorial du vrai pouvoir : l’humanité malade. Elle en est le microcosme, avec son celui des nouvelles mafias. La mafia, première entreprise lot d’horreurs et de torture que Carlotto, à l’instar de d’Italie avec un chiffre d’affaires estimé à plus de 100 l’écrivain André Héléna, considère comme une matrice milliards d’euros, est la mondialisation incarnée. criminelle. Rares sont les romans qui intègrent dans Ainsi les organisations mafieuses italiennes, chinoises, la dynamique de la mondialisation capitaliste l’essor albanaises, roumaines se partagent le territoire italien et des marchés illégaux carcéraux et leur impact sur les notamment le Nord-est, lieu de prédilection de l’auteur. détenus. La mondialisation trouve pourtant là l’une

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de ses pires formes d’incarnation tout comme elle la trouve dans un autre secteur de l’économie mondiale, celle de l’industrie du sexe. Chez l’auteur, la question de l’aliénation des corps et de leur marchandisation est omniprésente parce qu’elle va de pair avec le déplacement des populations, et qu’elle représente une des rentes les plus profitables de l’économie mafieuse. Bien sûr, Carlotto se positionne d’autorité comme un écrivain révolté. Ce qui en fait un grand écrivain, c’est qu’il n’a jamais cru à l’innocence de l’écrivain. Pour l’auteur, la littérature est une institution et elle est, ipso facto, une force indissociable du processus démocratique, c’est-à-dire de la liberté de parler, de dire ou de ne pas dire ce que l’on veut. Il n’est pas permis à la littérature d’aujourd’hui de se limiter à des sujets anodins. Les écrits de Carlotto ne sont jamais anodins : ce sont des avertissements, des mises en garde, des supplications, des exhortations. Il s’agira pour lui de montrer, non d’expliquer ou d’expliciter. Cela aboutit à une simplicité d’écriture, qui loin de représenter un manque, régit plutôt la démarche même de l’auteur : coller au plus près du réel. Cette apparente simplicité d’écriture est la preuve d’une confiance mimétique dans le roman, le pari étant de faire croire à l’authenticité des voix que l’auteur invente, d’autant que la narration est toujours à la première personne. C’est que Carlotto donne à la langue parlée une place considérable ; il ne fait pas écrire ses personnages, il les fait parler. Impossible alors pour le lecteur de ne pas être pris dans ces dialogues, de ne pas être emporté dans le tourbillon de ces vies, ces terribles vies, et de pénétrer au plus profond du cœur des hommes, là où se dissimulent la misère et le Mal. Dans les romans indispensables de Carlotto, comme un jeu de miroirs nécessaire, le lecteur rencontre l’homme, l’homme nu au-delà du mal, l’homme seul au milieu des autres, l’homme égaré en deçà de la misère, l’homme qui ne trouve plus dans l’espérance le sens de son existence. MASSIMO CARLOTTO : Massimo Carlotto est né à Padoue en 1956. Il vit actuellement à Cagliari, en Sardaigne. Très tôt militant au sein du groupe révolutionnaire d’extrême gauche “Lotta continua”, il est injustement condamné à dix-huit ans de réclusion après avoir découvert le corps d’une jeune femme poignardée. Après onze procès, six ans de prison, trois ans de cavale, Massimo Carlotto obtient la grâce présidentielle en 1993. Auteur de roman noir, il écrit également des pièces de théâtre et collabore à divers quotidiens nationaux. Tous ses romans traduits sont disponibles aux éditions Métailié, mis à part La vérité de l’alligator chez Gallimard. L’œuvre de Massimo Carlotto a déjà été adaptée au cinéma ou en BD (Arrivederci Amore chez Vents d’Ouest et L’alligator chez Casterman). LAURENT LOMBARD : Spécialiste des littératures policières, Laurent Lombard est docteur ès Lettres et traducteur littéraire, notamment de l’œuvre de Massimo Carlotto.

Ne m’interrompez pas. Vous êtes Horacio Castellanos Moya, né en 1957, au Honduras, de nationalité salvadorienne. Le Salvador, l’Amérique Centrale, ça commence mal. Vous vous expliquerez plus tard. Peutêtre. Ce dont vous êtes accusé, vous le saurez bien assez tôt. Voici la suite, et les œuvres comme autant de pièces à conviction. Vous faites des études à Toronto. Vous revenez dans votre pays au moment de la guerre civile. Puis vous le quittez, vous allez au Costa Rica, au Mexique. Vous écrivez de la poésie, heureusement introuvable aujourd’hui. Vous êtes journaliste. 100.000 morts plus tard, en 1992, la paix est signée au Salvador. Mais vous êtes passé au roman en 1988 : La Diaspora. Vous y racontez quelques semaines de la vie d’un Salvadorien qui arrive à Mexico et ne veut que fuir le plus loin possible, non plus de ses ennemis, mais aussi de ses camarades de la guérilla. La révolution commence à dévorer ses enfants. Mais déjà l’ombre plane sur l’ogre : qui sont ces révolutionnaires qui vont bientôt

si bien s’adapter au marché, je veux dire à l’époque, qu’ils vont mettre de côté leurs idéaux et devenir des narcotrafiquants ? Morsure en 1996. Voilà un texte qui inquiète sur votre santé mentale. Un individu dérangé erre dans une capitale latino-américaine à bord d’une Chevrolet jaune, accompagné d’une poignée de serpents femelles qu’il lâche de temps à autres pour se venger ou pour que ces ophidiens venimeux se dégourdissent les anneaux et les crochets. La ville est prise de convulsions chaotiques, le président du pays lui-même fuit piteusement. Dans ce texte halluciné, vous semblez appeler de vos vœux l’apocalypse. Et vous trouvez ça drôle, on dirait. Le dégoût, 1997. Sous titre : Thomas Bernhard à San Salvador. Qui êtes-vous pour insulter ce qu’est devenu votre pays ? Rien n’échappe à votre haine, à celle de votre personnage. Rien, la bière qui est à vomir, les bordels où l’on glisse sur le sperme, l’université aux couloirs ornés d’étrons, les sportifs, des sous-alimentés demeurés, les femmes obnubilées par les feuilletons

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télévisés, les enfants obèses et décérébrés. Vous avez reçu pour cela des menaces de mort qui venaient, c’est vrai, d’un pays dont vous soutenez qu’il n’a ni littérature ni lecteurs, et ces non-lecteurs n’ont pas non plus le sens du comique hénaurme du monologue de votre personnage ivre. Vous récidivez avec La mort d’Olga Maria en 2000. Vous vous en prenez à la haute et bonne société. Au fil de son monologue à propos de la mort de sa grande amie Olga Maria, Laura, une bourgeoise de la capitale, met à nu la personnalité de cette femme exemplaire qu’un tueur, Robocop, a liquidé sous les yeux de ses enfants, crime dont il a déjà été question dans Le dégoût. Et que nous apprenez-vous ? Que rien n’importe à ces femmes que la réalisation de leurs désirs, que l’assouvissement de leurs caprices, que la haine qu’elles éprouvent de tout ce qui s’oppose à leur ego. Que leurs hommes ne valent pas mieux : politiciens corrompus, narcotrafiquants, assassins, tout cela à la fois. On rit, et on regrette de rire. L’homme en arme, 2001. Vous ressortez de l’ombre, qu’il n’aurait pas dû quitter, votre tueur Robocop. Le voilà démobilisé avec les accords de paix, livré à luimême dans la capitale. Cet homme ne sait rien faire, à part tuer des subversifs. Les temps ont changé, mais la guerre se poursuit : désormais, on ne se bat plus pour des idéaux mais pour des négoces autrement plus lucratifs. Le voilà recruté et manipulé dans une guerre des cartels de la drogue, qui le dépasse. Robocop se sent trahi, il se venge en plongeant ses mains dans la cervelle de son ennemi. Il finira..., mais vous savez quelle fin sarcastique vous avez faite à ce Robocop. Déraison, en 2004. Vous nous plongez dans l’histoire récente d’un pays voisin du Salvador. Un homme, poursuivi pour ses articles dans ce dernier pays et frais exilé, est chargé par l’un de ses amis de relire le dossier,

constitué par l’Archevêché, concernant les milliers de crimes commis par l’armée sur les populations indigènes. Vous faites le malin : on pourrait croire que l’homme est paranoïaque, il se sent menacé, et ses crises de démence le rendent comique, mais ses amis sont-ils des amis, ses craintes d’être tué par des sbires de l’armée sont-elles seulement imaginaires ? Voilà le genre de doute que vous voulez nous instiller. Ne pouviez-vous pas laisser les Indiens enterrer leurs morts et les militaires continuer leur carrière ? Vos derniers livres bien sûr ne sont pas parus au Salvador. Vous avez préféré ne pas vivre dans un pays que vous n’aimez pas et qui ne vous aime pas. Alors vous avez vécu au Guatemala, au Mexique, puis en Allemagne et maintenant aux États Unis. Vous bénéficiez d’un programme international qui permet à certains écrivains de continuer à vivre normalement, ou en tout cas à vivre, et à écrire malgré les menaces qui pèsent sur eux. Vous dites que vous n’êtes pas un écrivain politique, que vous n’écrivez pas de témoignages, que vous faites de la littérature, mais n’aggravez pas votre cas. Votre nom apparaît lié ici à d’autres, Brigitte Bouchard, André Gabastou, Robert Amutio, que nous avons l’habitude de voir accolés à d’autres entreprises plus honorables. Il faudrait sans doute revoir leur cas. À part vos œuvres, Horacio Castellanos Moya, qu’avez-vous à dire pour votre défense ? Ne m’interrompez plus.

Tous les titres cités, à l’exception de La diaspora, non traduit, sont parus ou à paraître aux éditions Les Allusifs. Robert Amutio est le principal traducteur en France de Horacio Castellanos Moya, Roberto Bolano et Ramon Gomez de la Serna.

Comme la boue colle aux godasses, la misere ne lache pas les personnages de Iain Levison. Chomage, criminalite, prison : la vie n’en finit pas d’etre chienne pour qui y a goute une fois. Rencontre avec un auteur attachant et drole dont la noirceur de la plume s’inspire directement de la realite sociale de la plus grande puissance economique de la planete. François Reynaud : Vous considérez-vous comme un auteur de romans noirs ? Iain LEVINSON : Je pense que cela varie d’un roman à l’autre. Je reconnais que tout ce que j’ai écrit jusqu’à présent est plutôt sombre. Mais ce sont pourtant des histoires américaines, simplement différentes de celles, joyeuses, que ce pays s’efforce avec insistance d’imposer au reste du monde. Nous avons les meilleurs taux de criminalité et d’emprisonnement au monde ! Pourquoi ne pas en parler aussi ? F.R. : La question sociale est omniprésente dans chacun de vos romans et, avec elle, la morale sociale. Dans Un petit boulot, vous établissez un parallèle entre un pauvre type criblé de dettes obligé de devenir criminel pour survivre et une entreprise prospère qui délocalise ses activités vers un pays socialement moins exigeant, licenciant au passage des centaines de

travailleurs, dans le seul but d’engranger de plus importants bénéfices. I.L. : J’aime établir des parallèles entre ces types monstrueux qui dirigent des entreprises comme Enron et le commun des meurtriers. Il y a une fascinante obstination des médias américains qui consiste à croire que n’importe quel type blanc en chemise représente le Bien. Ainsi, un noir qui tue un type lors d’une bagarre pour une histoire de drogue est le diable en personne alors que Ken Lay1, lui, n’aurait fait que quelques erreurs. Ce sont des mensonges pareils, ces excuses automatiques que l’on fait aux types blancs en costume – et peu importe qu’ils soient antisociaux – qui me foutent vraiment en l’air.

Ce qui est drole c’est que les Americains parlent de races sans la moindre gene, mais de classes en aucun cas. F.R. : En lisant un livre comme Un petit boulot, on pense forcément à Ken Loach et à des films tels que My name is Joe. Comment expliquez-vous que la littérature d’Amérique du Nord s’intéresse aussi peu aux questions sociales ? I.L. : C’est amusant que vous mentionniez Ken Loach, il est comme moi originaire de Glasgow. L’Amérique pense que les classes sociales n’existent pas. Ce qui est drôle c’est que les Américains parlent de races sans la moindre gêne, mais de classes en aucun cas. Cela leur est complètement étranger. Je pense que c’est parce que la classe moyenne à beaucoup de mal à parler des pauvres. Cela ne leur pose aucun problème si ces pauvres sont noirs… Non plus si cette misère survient après l’ouragan Katrina… Mais cela ne peut concerner la population blanche. C’est une des principales failles de la psychologie américaine. Le mythe veut qu’un blanc ne peut être pauvre en ce pays.

*Ken Lay — PDG du groupe Enron jusqu’à la faillite de l’entreprise en 2001. Reconnu coupable de malversations financières de très grande ampleur, il est mort quelques temps avant de voir confirmée sa condamnation pour fraude et conspiration. Il risquait 165 années de prison…

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J’aime me pencher sur la difference entre ce que les gens sont sur le papier et la facon dont ils se conduisent dans la vie F.R. : La question sociale est aussi omniprésente dans Une canaille et demie. Dixon n’attaquerait pas une banque s’il n’était condamné à travailler dans un entrepôt de bois à 6 dollars de l’heure jusqu’à la fin de ses jours. Pourtant lui-même se considère comme « l’un des êtres les plus nobles qu’il ait connu ». C’est le fonctionnement de tout un système que vos romans dénoncent? I.L. : J’aime écrire sur des personnages comme Dixon parce que j’ai connu des types comme lui. Ce sont des gens méprisés par n’importe quelle organisation ou institution. Sur le papier, ils se résument à une série d’échecs. Pas de fric, un casier judiciaire, pas de famille. Mais humainement, ils ont de réelles valeurs. J’aime me pencher sur la différence entre ce que les gens sont sur le papier et la façon dont ils se conduisent dans la vie. Cela donne à réfléchir sur ces types qui établissent l’échelle des valeurs. Il y aurait tellement à dire sur le sujet. Je pourrais en parler pendant des années et j’espère bien le faire. F.R. : A vous lire, il semble que la « valeur humaine » ait disparu des Etats-Unis. Voici l’argument du mafieux Gardocki pour convaincre Jake de devenir tueur à gages : « C’est ça qui manque d’abord quand on n’a pas de travail. L’argent bien sûr, mais aussi l’idée que l’on vaut quelque chose aux yeux de quelqu’un. » I.L. : Après l’ouragan Katrina, le congrès américain a voté une loi rendant plus dur le recours à la faillite personnelle. Des centaines de gens venaient tout simplement de perdre leur maison et le congrès s’est empressé de protéger les banques ! Voilà ce qui se passe vraiment ! Oui la « valeur humaine » a disparu. Mais depuis 6 ans à peine. Je pense que cela a commencé quand ces criminels de religieux fondamentalistes se sont emparés du gouvernement en 2000. Rien n’est irréversible, d’accord, mais il reste peu de temps.

F.R. : Qu’avez-vous à l’encontre des banques ? I.L. : Quand j’étais au chômage à Philadelphie, j’avais environ 500$ sur mon compte. Du jour au lendemain la banque m’a tout pris. Tout ! Ils ont dit que je devais payer divers frais et taxes. Je n’ai plus jamais mis d’argent en banque depuis. Un matelas ou un trou dans la pelouse valent bien mieux. Il y a beaucoup à dire sur les « banques-trou-dans-la-pelouse ». Accès libre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, retraits quotidiens illimités, aucun gouvernement pour y trouver à redire. Plus vous enterrerez votre argent loin d’une banque, plus vous aurez de chances de le retrouver le lendemain. Je ferais beaucoup plus confiance à un SDF drogué pour veiller sur mon argent qu’à n’importe quelle banque. F.R. : En tant qu’écrivain, le cynisme et l’humour sont-ils les meilleures armes pour parler d’un monde cynique mais totalement dépourvu d’humour ? I.L. : Je pense que cela varie d’un écrivain à l’autre mais il est sûr qu’ils le sont pour moi. Je ne suis pas du genre intellectuel, plutôt un comique, mais j’ai vu suffisamment de trucs dans ma vie pour être un petit peu amer. Propos recueillis par François Reynaud, Librairie Lucioles, Vienne

IAIN LEVISON : Iain Levison vit aujourd’hui à Raleigh en Caroline du Nord. Né à Aberdeen en Ecosse en 1963, il arrive aux Etats-Unis en 1971 et poursuit sa scolarité à Philadelphie. Après son bac, il retourne en Angleterre pour intégrer l’armée. De retour à Glasgow, dix mois de chômage le décident à retourner en Amérique où il devient travailleur itinérant. Pendant prés de dix ans, il exerce différents petits boulots à travers tout le pays : conducteurs de camions, peintre en bâtiments, déménageur, et même pêcheur en Alaska ! Tous ces jobs serviront de cadre à son premier livre Working Stiff’s Manifesto à paraître en septembre 2007 aux éditions Liana Levi. Egalement disponible chez cet éditeur Un petit boulot et Une canaille et demie (traduits par Fanchita Gonzalez Batlle).

«Ça faisait une paye que je causais tout seul moi aussi. C’était exactement ce que j’étais en train de faire l’après-midi où l’ex-femme de Trahearne m’avait appelé - assis dans mon petit bureau de Meriwether, dans le Montana, à contempler la benne-poubelle du Prisunic qui débordait dans la ruelle par-derrière, en train de me dire que ça m’était égal que les affaires soient au point mort, en train de me dire qu’en fait ça me convenait parfaitement.» James Crumley, Le dernier baiser (The Last Good Kiss) chez Gallimard, «Folio policier» 1978 - trad. Philippe Garnier

Un vie médiocre, un horizon qui ressemble à une benne à ordures : The Last Good Kiss de James Crumley part, comme le meilleur du roman noir, d’un état de crise existentielle. Et le trouble métaphysique gagne en intensité au fil de la narration : «Personne ne vit éternellement, personne ne reste jeune assez longtemps. Mon passé m’apparaissait comme autant d’excédant de bagages, mon avenir comme une longue série d’adieux et mon présent comme une flasque vide, la dernière bonne lampée déjà amère sur la langue». Quand on a perdu à la fois son passé, son présent et son avenir, la rositude des églises et des politiques de tous poils n’est guère audible… Les incertitudes sur le sens de sa propre vie rejoignent alors les interrogations sur le cours du monde, la crise existentielle se faisant indissociablement crise sociale.

«Des fois j’arrive plus à savoir si c’est moi qui débloque ou si c’est le monde qu’est devenu une fosse septique», lance à un moment le détective Sughrue. «Les deux. Mais votre plus gros problème c’est que vous êtes un moraliste», lui répond l’écrivain Trahearne. En tout cas du côté de la subjectivité individuelle comme de celui de la société, Crumley ne se raconte pas et ne nous raconte pas des contes de Noël sirupeux. «Moraliste», mais pas moralisateur, il vit cette situation en écorché éthique, et pas en militant évangélisateur. Le poids du fric et de la violence, du côté du monde, les faiblesses, voire les saloperies, du côté des âmes humaines. Crumley n’est ni un chantre conservateur des bienfaits de l’ordre social face aux débordements des individus, ni un apologue «rousseauiste» de l’homme bon par nature et perverti par la société. Plutôt un observateur participant de nos désillusions tant collectives qu’individuelles.

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Le roman noir

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Crumley n’est ni un chantre conservateur des bienfaits de l’ordre social face aux debordements des individus, ni un apologue rousseauiste de l’homme bon par nature et perverti par la societe

lipp Par Phi

Ce climat de désenchantement n’épargne pas les rêves hippies et gauchistes des années 1960-1970. Le dernier baiser est aussi une traversée de la face sombre de ces espérances ensoleillées. « “Drogue, Sexe et Rock’n’Roll“ n’est plus le cri de la liberté, mais un slogan commercial de plus », note Crumley dans un recueil de nouvelles (Putes, 1ère éd. : 1988 ; trad. chez Rivages/noir). Mais le cheminement chaotique de Sughrue est parfois ébloui de trouées d’inédits. Ce qui lui permet de résister au cynisme. D’abord, parce que la bonté, sans les dégoulinements sentimentaux propres aux religions ou aux médias, n’est pas complètement absente. Émerge ainsi la figure de Selma, mère-accueil qui a rendu possible la rédemption de Betty Sue. Ce n’est d’ailleurs pas par naïveté que l’éthique se fraye un passage, mais en toute connaissance de l’humaine inhumanité : «Une femme qui avait connu toute la cruauté que le monde avait à offrir, qui l’avait endurée et qui trouvait encore le moyen de pardonner, contre toute raison». Et puis l’amour, non partagé, pour Betty Sue fait de nouveau vibrer le cœur endolori de notre détective. L’éclair d’un baiser réveillera alors, dans un instant d’immortalité, la possibilité de l’utopie, bien que nous continuions à patauger dans la merde. Enfoncé jusqu’au cou dans une ambiance glauque de crise, Le dernier baiser ne referme pas définitivement les portes de ce qui pourrait encore nous arriver de pas trop moche… JAMES CRUMLEY : James Crumley est né le 12 octobre 1939 à Three Rivers (Texas). Après deux ans passés dans l’armée et des études au Texas, il devient conférencier et enseigne la littérature dans plusieurs universités pour finalement s’installer à Missoula où il rencontre Richard Hugo, James Lee Burke et bien d’autres. James Crumley y vit toujours. Il a notamment publié Folie douce (trad. Patrice Carrer) paru aux éd. Fayard Noir 2005, La contrée finale (trad. Philippe Garnier), La danse de l’ours (trad. François Lasquin) et Un pour marquer la cadence (trad. Nicolas Richard) parus aux éd. Gallimard 2004, 1999, 1997.

e Corcu

ff

L’œuvre de David Goodis (1917-1967) est parcourue par une certaine fatalité du désespoir. Un personnage de Rue barbare (Street of the Lost, 1952, trad. Michel Lebrun en Rivages/noir) en donne un aperçu saisissant : «Le couvercle saute, l’eau déborde. On ne peut pas échapper à ça. On ne peut pas échapper à la douleur. Même si on fait semblant de l’ignorer, elle est toujours présente.» Cette tristesse obsédante a des racines sociologiques, tout en alimentant une interrogation philosophique. Goodis décrit ainsi en sociologue les clients du vendredi soir du «Harriet’s Hut» dans Tirez sur le pianiste! (Down There, 1956, trad. Chantal Wourgaft chez Gallimard, «Série noire») : «Les gars avaient travaillé dur toute la semaine aux usines de Port Richmond et quand ils venaient là, c’était pour boire, pour boire encore, oublier les soucis, noyer dans l’alcool la réalité de ce monde, trop sec et trop gris, qui les attendait au-delà de la porte.» Chez lui la déchéance prend alors une forme inextricablement sociale et métaphysique. Dans La lune dans le caniveau (The Moon in the Gutter, 1953, trad. Daniel Bondil en «10/18»), William Kerrigan, docker de 35 ans, habite Vernon Street, rue de la misère et de la décomposition sociales. Il est hanté par le suicide de sa jeune sœur après un viol. La question philosophique du sens de l’existence est constamment agitée en lui. Cette inquiétude existentielle n’est pas le simple produit des déterminations sociales, sans pouvoir être détachée d’elles. Elle déborde le sociologique tout en étant tramée par lui. Mais parfois les personnages de Goodis rencontrent sur leurs chemins semés de ronces des pâquerettes d’utopie. Dans La pêche aux avaros (The Raving Beauty, 1967, trad. Jean Rosenthal chez Gallimard, «Folio policier») la magie de La rencontre (avec un L majuscule) est approchée : «La seule chose qui me revienne, c’est une sorte de frémissement intérieur, une vibration, une sorte de contact entre deux personnes. Seulement, ça n’a rien de physique. C’est beaucoup plus profond que ça. Et quand on l’a éprouvé une fois, on en reste marqué». Cette expérience humaine de l’éternité ouvre sur l’infini : «Il avait l’impression d’avoir longtemps cheminé sur un mauvais sentier boueux, crevé d’ornières, au tracé incertain, et que, soudain, il débouchait sur une route cimentée, blanche, large, lisse, propre et qui s’étendait jusqu’à l’infini». (Cauchemar – Dark Passage, 1946, trad. Noël Chassériau, Gilles Malar, Minnie Danzas chez Gallimard, «Folio policier»). Entre le désespoir et l’utopie, éclosent des peut-être. Le peut-être est l’aiguillon du rêve, malgré la conscience de la noirceur du monde. Il pointe une possibilité (cela peut être) et une incertitude fondamentale (peut-être ?) pour les funambules de la vie que dépeint Goodis. Dans La blonde au coin de la rue (The Blonde on the Street Corner, 1954, trad. franç. en Rivages/noir), c’est ce qui donne l’éclat à ceux qui sont écrasés par le poids social des impossibilités : «Tout ce temps passé, c’était un pari sur l’avenir; leur numéro sortirait peut-être un jour, ou il ne sortirait jamais. Mais tant que les dés n’avaient pas cessé de rouler, il y avait toujours un certain éclat dans ce qu’ils faisaient. Le simple fait de se dire que leur numéro sortirait peut-être, ou qu’il pouvait ne jamais sortir... Peut-être et encore peut-être ou peut-être pas. Mais tant qu’il y avait un “peut-être“, il leur restait l’éclat.» Un grand point d’interrogation, dans les entrelacements de la douleur et du rire… DAVID GOODIS : David Loeb Goodis est né le 2 mars 1917, à Philadelphie. Ecrivain prolifique pour pulps, il obtient le succès en 1946 avec son second livre Cauchemar. L’adaptation de ce livre en 1947, sous le titre Les Passagers de la nuit avec Humphrey Bogart et Lauren Bacall, lui vaut d’être engagé par la Warner Bros comme scénariste à Hollywood. Puis c’est la lente dégringolade qui le ramène à Philadelphie en 1950 où il continue d’écrire. Des problèmes familiaux l’entraînent dans l’alcool et la déprime. Il tombe malade fin 1966 et décède à l’hôpital le 7 janvier 1967, seul et dans l’indifférence générale. Oublié dans son pays natal, David Goodis doit son succès en France à l’adaptation de plusieurs de ses livres au cinéma, dont Tirez sur le pianiste par François Truffaut 1960 (dont c’est le deuxième long-métrage), La lune dans le caniveau par Jean-Jacques Beinex 1983 ou encore Rue Barbare par Gilles Béhat en 1984. Les romans de David Goodis sont édités par Gallimard et Rivages. PHILIPPE CORCUFF : Philippe Corcuff est sociologue à l’Institut d’Études Politiques de Lyon. Il est également chroniqueur avec Charb de «Phil noir» sur le site Le Zèbre - www.lezebre.info

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CRISE DE NERFS Ou le roman noir des coeurs cabosses

*** « Il ne savait pas d’où venait cette colère. Il avait envie de gifler quelqu’un, voilà tout. Il n’avait pas besoin de la regarder pour savoir qu’elle avait toujours les yeux rivés sur lui, que l’assiette devant elle était vide, que sa bouche tremblait et tentait de sourire. Ce qui le rendait malade de honte mais lui donnait en même temps envie de la tuer ». Harry CREWS La foire aux serpents

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oo Par Elw

Je me souviens du jour où j’ai découvert le recueil de nouvelles de Denis Johnson, Jesus’ Son - à l’époque, je maniais encore le marteau et je bossais la nuit, à vider poivrots et drogués belliqueux d’une boîte de nuit punk du Michigan. Mais j’écrivais aussi, coinçant un couple d’heures ici et là entre deux chantiers, et je lisais comme un fou furieux. Quand il m’arrivait de boucler ma journée plus tôt, j’allais traîner mes guêtres dans les librairies, à la recherche de bouquins comme le recueil de récits de Carver Where I’m Calling From ou le Rock Springs de Richard Ford – deux livres que j’ai lus et relus des dizaines de fois. De ces livres qui me donnent envie d’être meilleur écrivain et ont rempli les longues heures vides que je gaspillais à monter des murs ou à en abattre. J’avais passé toute la matinée à défoncer un plafond à caissons, arrachant les panneaux en lambeaux et démontant les cadres d’aluminium aux arêtes vives qui m’entaillaient les doigts plus souvent qu’à leur tour. Un électricien était censé avoir coupé le courant sur le chantier mais quand j’ai tendu la main pour virer un caisson d’éclairage, j’ai pris le jus. Le câble électrique que j’essayais d’arracher de la boîte de dérivation était toujours sous tension. Pour tout arranger, j’étais grimpé sur une vieille caisse en bois, sans contact avec la terre, et le courant n’avait nulle part où s’évacuer. Je me suis donc ramassé 110 volts plein pot, les mâchoires verrouillées, la main en feu. J’avais l’impression qu’on m’avait découpé le cœur de la poitrine pour l’accrocher à une clôture électrique. La boîte de dérivation crachait et fumait quand, d’un coup, comme ça, sans raison, il n’y a plus eu de courant et je me suis retrouvé au tapis, à plat dos au milieu

d Reid F.H. passe une grande partie du texte shoote a l’heroine comme a toutes les drogues qu’il reussit a taper au passage, au cours de sa quete bordelique de redemption, a mesure qu’il se laisse deriver a travers le foutoir d’une Amerique etrange

J’avais dans l’idEe de me trouver un livre, de me saouler puis de me lever le lendemain et de remettre Ca.

d’un tas de dalles de plafond déchiquetées. J’ai pris ça pour un signe, il était l’heure de débaucher. J’ai donc rangé mes outils et j’ai roulé jusqu’en ville, encore bourdonnant de la tête aux pieds après le choc reçu. J’avais dans l’idée de me trouver un livre, de me saouler puis de me lever le lendemain et de remettre ça. Je suis passé à la librairie, les vêtements empuantis par l’odeur de gaines électriques cramées et de dalles de plafond moisies. Après quelques minutes passées à feuilleter des bouquins, un vendeur que je connaissais m’a collé un petit livre noir entre mes mains encrassées par le boulot en me disant : - Lis ça, ça te laissera le cul par terre. Le livre était Jesus’ Son. J’ai reconnu le titre, un vers de l’hymne junkie du Velvet Underground, Heroin. J’ai lu le début de la première nouvelle, Accident en Stop

qui commence comme ça : Un représentant qui partageait sa bouteille et conduisait en dormant... Un Cherokee nageant dans le bourbon... Une VW transformée en bulle de fumée de hash avec un étudiant aux commandes. Et une famille venant de Marshalltown qui percutait de face et tuait à jamais un homme sortant de Bethany, dans le Missouri, et roulait vers l’ouest. Okay, le cul par terre, en effet. Je me suis retourné vers le vendeur qui a hoché la tête avec un petit sourire narquois comme s’il venait de me refiler un peu de came en douce, j’ai acheté le recueil et je l’ai lu d’un trait. Comparés à ça, les 110 volts que je m’étais pris la veille n’étaient que de la broutille. Je suis retourné bosser le lendemain, la tête grondant et palpitant de la prose incantatoire de Johnson – cocktail à parts égales

de Bukowski, Rimbaud et James M. Cain. Les phrases étaient entortillées et pures – elles me brûlaient des trous dans le cerveau et m’obligeaient à re-penser tous les mots que j’avais jusque là pu coucher sur le papier. J’ai recommandé Jesus’ Son à des amis, avec insistance. Certains l’ont dévoré comme je l’avais fait – d’un trait, collés dans leur fauteuil, la tête emportée comme par un coup de sang, d’autres se sont contentés de hausser les épaules en disant que c’était pas mal – ils n’appréciaient guère les personnages, tous des « losers. » Ceux-là, je les ai rayés de la liste des amis de Elwood. Si vous n’aimez pas ce livre, eh bien, je ne peux pas vous aider. Nous n’avons rien à nous dire parce que Jesus’ Son est un recueil parfait semé à l’envi de phrases splendides qui vous coupent le sifflet à vous faire tomber raide. Les récits de Jesus’ Son retracent les aventures d’un loser magnifique, que ses amis connaissent sous le surnom de Fuck Head et les lecteurs aux oreilles sensibles, F.H. passe une grande partie du texte shooté à l’héroïne comme à toutes les drogues qu’il réussit à taper au passage, au cours de sa quête bordélique de rédemption, à mesure qu’il se laisse dériver à travers le foutoir d’une Amérique étrange. Le livre est plein de moments à couper le souffle et d’images surprenantes, comme ce vol en deltaplane de l’exépouse complètement nue d’un ami, un homme avec un couteau dans l’œil, un Mennonite qui lave les pieds de sa femme après une dispute et ainsi de suite.

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La première nouvelle, Accident en Stop, nous apprend que notre narrateur, pour tout camé et foiré impérial qu’il soit, est aussi capable de percevoir de ces instants qui changent la vie à jamais. Voici comment il décrit l’arrivée à l’hôpital d’une femme, dont le mari vient de périr dans un accident de voiture... La femme est arrivée dans le couloir. Elle était glorieuse, incandescente. Elle ne savait pas encore que son mari était mort. Nous, on le savait. Le médecin l’a fait entrer dans un bureau à l’autre bout du couloir, et, sous la porte fermée, une ligne brillait avec une grande intensité, rayonnant comme si, par un procédé prodigieux, on incinérait des diamants dans la pièce. Quelle paire de poumons ! Elle a hurlé comme seul un aigle, dans mon imagination, aurait pu le faire. Quel bonheur d’être en vie pour pouvoir entendre ça ! C’est une sensation que j’ai cherchée partout, depuis. Le livre est plein de moments comme celui-là – une émotion brute incontrôlée, transpercée de beauté fulgurante. Les nouvelles de Jesus’ Son ne répondent à aucune structure de fait, elles possèdent leur propre logique déchirée/défoncée où des instants de beauté incroyable coexistent joue contre bajoue avec violence et cruauté. À aucun moment Johnson ne range son lecteur dans sa petite boîte pour le juger. Ces nouvelles sont à l’inverse absolu de la fiction américaine du moment visant pour lecteurs ceux qui cherchent à se sentir malins et préfèrent qu’on leur serve leurs émotions par le biais d’un clin d’œil ironique et entendu ou pis encore, d’une note de bas de page. Si vous voulez éprouver quelque chose au cours de vos lectures, si vous voulez des phrases qui schlinguent la beauté cruelle de la vie dans toute sa gloire foireuse, eh bien, ne vous y trompez pas, il n’y a pas mieux que Jesus’ Son. 160 pages enlevées et stimulantes qui tiennent en réserve plus de coups au cœur et à l’âme que tout autre livre de ma connaissance, des coups qui laissent des marques et perdurent. Ces courts récits totalement dénués de prétention qui ne laisseront plus jamais de vous affecter ressemblent à des brèves sur quelque tranche oubliée de l’Amérique. Racontés sans pitié avec un œil de poète dont le regard ne cille devant rien. Voilà la crème du réalisme américain, simple et sans fioriture. La douleur, ressentez-la, lisez Denis Johnson. Le recueil de nouvelles de Barry Hannah, Airships, a changé ma vie – recadrant toute l’approche que j’avais de mon propre travail – et après toutes ces années, ce livre possède toujours son étrange pouvoir, car il continue à me donner envie de laisser tomber l’écriture. Partout, tout le temps, j’ai avec moi un exemplaire de Airships et de Ray, le court roman de Hannah, aussi dingue qu’inexplicablement fabuleux. Ce sont mes deux diapasons à fiction : il suffit de quelques phrases de Hannah pour enclencher le détecteur à conneries quand

je m’attaque à mon propre travail d’écrivain. À la lecture de Hannah, je me suis senti comme les joueurs de saxo la première fois qu’ils ont entendu Charlie Parker leur souffler Cherokee aux oreilles – à parts égales, écrasant respect admiratif et haine pure pour ce talent qui coulait à flots au fil des notes. Comme tout grand art, tout le monde ne pige pas. Certains détestent la voix de Hannah, comme un ça brut de décoffrage. La voici, dans toute sa gloire et son honnêteté, extraite de la nouvelle Love Too Long dans le recueil Airships. Le narrateur a des problèmes amoureux et commence son récit comme suit... J’ai la tête qui crame à petit feu et un cœur sur le point de me jaillir des côtes. Tout ce que je suis capable de faire se résume à me traîner de fauteuil en fauteuil avec ma cigarette. Je porte des lunettes de soleil. Impossible de lire une revue. Certains jours, je prends mes jumelles et je regarde en l’air. Ils m’ont licencié. Je n’arrive pas à retrouver de boulot. Ma femme, elle, elle en a un et prend des leçons de pilotage. Quand elle passe audessus de la maison dans son avion, j’ai toujours peur qu’elle foire son coup et s’écrase. Faut que je retrouve un boulot et cette sensation de me faire émousser tous mes angles. Faut que je redevienne un homme. On peut quand même pas passer ses journées à se balader dans sa maison de long en large en buvant du café, avec une seule image en tête, elle qui enlève son soutien-gorge. On a été mariés et on a divorcé deux fois. Parfois, je regrette de n’avoir pas un sport favori. J’ai acheté un ensemble de croquet, à crédit, chez Penny. Le premier jour, ça m’a fichu tellement les boules que j’ai balancé les billes dans les mauvaises herbes où elles sont toujours, à pourrir doucement, couvertes de moisi je parierais, mais je veux pas aller voir. Certains après-midi, elle arrive juste au-dessus du toit et bascule son appareil, tête en bas. Ou alors c’est peut-être son instructeur. Je ne sais pas où elle en est de sa formation. J’ai peur de demander, quand elle rentre à la maison, tous les trois soirs. J’ai envie de lui arracher le bras. J’ai envie de dormir dans son utérus avec rien que mon pied qui dépasse. Certains soirs, elle me laisse lécher ses oreilles et ses pieds. Je ne peux pas en parler. À force, je me sens devenir geignard et plein de regrets. Peut-être bien que Hobe Lewis me laissera servir l’essence aux clients et vendre des appâts de pêche dans sa station service. J’ai la tête prise, à me demander où je pourrais bien faire un boulot de Nègre. J’accepterais du boulot de Juif, de Suisse, d’Espagnol. N’importe quoi. Cru, lubrique et grossier, mais on comprend sur le champ que ce Narrateur-là ne va rien garder pour lui – qu’il va ouvrir son cœur en grand et déverser toute la beauté du monde en même temps que les sales

pensées des parts de ténèbres que nous abritons en nous sans jamais les énoncer de vive voix. Si l’extrait cidessus ne vous plaît pas, alors arrêtez immédiatement de lire, allez vous pelotonner en compagnie d’un petit Alice Munro bien gentillet pour mourir vite d’ennui. Ce qu’écrit Hannah n’est pas fait pour les fleurs bleues ou les individus qui aiment les petits récits bien peinards mettant en scène des gens bien élevés. Et ça ne me dérange en rien. Je divise le monde en deux catégories de lecteurs : ceux qui comprennent Hannah et les malheureux débiles qui ne pigent pas. Je ne tiens pas à traîner mes guêtres avec les seconds : ils peuvent rester le cul dans leur fauteuil et disséquer à l’envi la culture pop et les allusions philosophiques dignes d’un cours de première année de fac dans les ouvrages de David Foster Wallace. Dans une seule phrase, ceux de Hannah détiennent plus d’âme et de menace que ne sauraient vous en offrir la plupart des écrivains en cinq cents pages. Les personnages qui peuplent les nouvelles de Hannah (menteurs, engnôlés en mal d’amour, médecins ratés, frustrés insatisfaits et revanchards) vous sautent au visage avec une urgence à vous raconter leurs histoires qui n’a son pareil chez aucun écrivain. Phrases et syntaxe sont uniques entre tous – à parts égales jazz et feux d’artifice, deux images récurrentes dans son écriture. Voici un avant-goût de Testimony of Pilot

Je divise le monde en deux catEgories de lecteurs : ceux qui comprennent Hannah et les malheureux dEbiles qui ne pigent pas.

– véritable tour de force de compression, tout l’éclat et l’émotion d’un roman en 28 petites pages qui vous prennent à la gorge – qui retrace les existences de deux amis d’enfance. Le narrateur décrit une femme du public venue assister au concert de sa fanfare de lycée... Une femme d’une trentaine d’années était assise au premier rang de l’auditorium. Elle portait une robe bain de soleil avec un décolleté draconien ; l’air d’avoir traîné ses guêtres à La Nouvelle-Orléans et capable de vous écrabouiller le cœur des deux pieds. Ou encore cet extrait de Constant Pain in Tuscaloosa : Je tremblais de partout. Mon estomac dansait la retourne et ma jambe n’avait jamais cessé de me faire mal. Un autre truc. Je me baladais en ville sur ma moto, à penser des choses sur la réalité et l’éternité et je suis passé à plusieurs reprises devant l’église baptiste en lisant la bannière au-dessus de l’auvent : elle disait : Payez Maintenant, Prenez l’Air Plus Tard. J’ai décidé d’arrêter là mes conneries de jean-foutre pour devenir chrétien. Hannah a le cœur sauvage et sans peur – chose rare en ce temps de fiction couarde. Les personnages qui peuplent ses nouvelles sont désespérés, au bout du rouleau, et ils essaient malgré tout de donner un sens à leur pitoyable place en ce bas monde. Vous ne pouvez pas les haïr, vous ne pouvez pas les juger – Hannah est trop intelligent pour ça. Il cherche autre chose : appelez ça la grâce, celle du sang et des tripes. Et il y parvient par le biais de phrases tordues et éblouissantes qui vous tranchent la gorge et vous font rire. Traduction de Freddy Michalsky

ELWOOD REID : Elwood Reid est originaire de Cleveland, dans l’Ohio. Ancien n°59 de l’équipe de football de l’université du Michigan, il a vécu de petits boulots comme videur de bars ou charpentier en Alaska avant de se consacrer à l’écriture. Il est l’auteur de La double vie de D.B. Cooper, Midnight Sun et Ce que savent les saumons, Albin Michel (2005,2002 et 2001, tous traduits par Freddy Michalsky). DENIS JOHNSON : Né à Munich en 1949, Denis Johnson est le fils d’un agent de renseignements américain et passe son enfance entre le Japon, l’Allemagne, Manille et les Etats-Unis, écrit et publie un recueil de poèmes dès dix-neuf ans. Son œuvre a été couronnée notamment par le National Endowment for the Arts en 1983 et le Whiting Writer’s Award en 1987. Il vit actuellement dans l’Idaho, entre le Montana et le Canada. Les titres de Denis Johnson sont disponibles aux éditions Christian Bourgois, notamment Rêves de train (trad. Brice Matthieussent), Un pendu ressuscité et Jesus’son (trad. Pierre Furlan - 2007, 2004 et 1996). BARRY HANNAH : Né à Clinton dans le Mississippi, Barry Hannah est aujourd’hui professeur de littérature à l’université. En 1973, il remporte le prix Faulkner pour son premier roman Geronimo Rex. Il est également l’auteur de deux recueils de nouvelles La tête à l’envers (trad. Philippe Mikriammos) et Les grands solitaires et d’un second roman Là-bas se tient ton orphelin (trad. Christophe Mercier), tous disponibles chez Gallimard (1996, 2002 et 2004).

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tine Par Mar

LAVAL

Merde. Il est mort. Larry Brown est mort et c’est tout ce que l’on pouvait dire. C’était en novembre 2004, et nous étions quelques - uns à rester sur le flanc, muets, interdits. Orphelins. Impossible d’imaginer de ne plus avoir à lire ce petit gars du Mississippi qui nous en fit voir de toutes les couleurs avec ses livres - frissons, exaltations - qui mettait à nu une autre Amérique, déployait un autre langage, énergique, familier, comme s’il parlait à des complices, nous ses lecteurs français ! Larry Brown est mort et on ne veut toujours pas le croire. Nous restent de lui cinq romans, deux recueils de nouvelles. A nous de les faire lire, les faire vivre. Parce qu’il nous manque, lui et sa sensibilité d’écorché vif, on va désormais parler de lui au présent. Larry Brown écrit autant qu’il peut, bosse dur comme il l’a fait dans une autre vie, quand il était prolo, comme ses potes, et pas encore écrivain. On lit dans Dur comme l’amour : « J’essaie d’y mettre des couilles, du cœur, et du sang. » Trois mots virils, guerriers, trop machistes ? Non, trois mots d’une vigueur désespérée. Bière, blues et bourdon.

Larry Brown fait front. Il se jette tout entier, corps et âme dans cette foutue écriture. Il ne veut pas faire beau, sans doute ne s’est-il jamais posé la question. Il veut faire vrai, puissant. Juste ça : que ça parle. Il fait de la poésie rauque, et il fait mouche. Avec ses pauvres mots, il percute de plein fouet. Magie de la littérature. Celle de Larry Brown s’adresse à ceux qui n’ont pas renié le genre humain, ni sombré dans le cynisme, le conservatisme. Elle est faite pour ceux qui aiment les histoires des autres parce qu’elles les aident à vivre, à tenir debout. Pas d’identification avec ses personnages, simplement quelque chose comme de la compassion (mot ringard aujourd’hui ?) pour ces destinées fracassées. L’authenticité est chez lui une affaire de droiture, d’honneur. Larry Brown ne sait pas raconter de bobards. Il dit la détresse, la tendresse. Il invente des histoires où il tient le second rôle, celui d’auteur, raconte surtout des types qu’il connaît, voisins, copains, hommes et femmes rencontrés au hasard des chemins, compagnons de bars d’un soir - il faut bien se serrer les coudes, et ne serait-ce qu’un peu, se donner l’impression d’exister. Il écrit pour eux, pour lui, que toutes vies riment enfin à quelque chose, même d’infime. Il est l’écrivain des regards apeurés, des gestes maladroits, de la mouise, des soubresauts amoureux, des espérances sans lendemain et de l’envie de mordre, d’en démordre malgré tout. Il est l’écrivain des enfances cabossées (Fay), des amours dépenaillées (Dur comme l’amour), des gamins abandonnés (Joe), des pères perdus (Père et fils). Il exorcise les démons d’aujourd’hui - hypocrisie, individualisme, lâcheté, égoïsme, la liste est longue avec des nouvelles et des romans qui sont des mains

tendues aux inconnus, gens de tous les ailleurs, de toutes les infortunes. Larry Brown ne théorise pas. Il n’a jamais été formaté pour ça, n’a guère connu les écoles. Il se lance dans l’écriture comme si c’était normal pour un type comme lui. Il rame. Mais sa grande victoire, c’est de croire en ce qu’il fait, de se faire confiance comme il fait confiance aux siens, ceux de la working class. Il est plein d’innocence et ne parle que de l’innocence perdue, celle de son pays, cette Amérique schizophrénique, menteuse, crapuleuse, et puis celle bien sûr des estropiés du destin, estampillés bons à rien, bons à crever, ses copains. Tous des perdants au pays de l’opulence. En France, la littérature a pris pour habitude de les regarder de loin ces gens-là. Aux Etats-Unis – paradoxe ! – un tas d’écrivains leur donnent vie, Chris Offut (Sortis du bois), Daon Chaon (Parmi les disparus), Eric Miles Williamson (Gris-Oakland), Tom Franklin (Braconniers). Il est vrai qu’eux aussi ont connu la galère. Souvent, Larry Brown prend la fuite. A bord d’une vieille bagnole, il va s’encanailler sur des routes qui ne mènent nulle part, boit, roule, écoute de la musique, et rentre au bercail. Il n’est pas un aventurier, juste un mec ordinaire qui un jour s’est pris de déraison et d’amour pour l’écriture. Parfois, il ne se trouve pas tendre avec ses personnages, aimerait leur inventer une autre vie, un peu d’amour, mais toujours il se fait rattraper par la réalité. Il regarde la femme qui partage son lit et dit : « Elle a fermé les yeux. Je ne sais plus quoi faire d’elle. Je ne sais pas comment on est devenu aussi vieux. » Larry Brown le tendre n’a à offrir que quelques pauvres rêves, et des tonnes de dignité.

Il ecrit pour eux, pour lui, que toutes vies riment enfin a quelque chose, meme d’infime. Il est l’ecrivain des regards apeures, des gestes maladroits, de la mouise, des soubresauts amoureux, des esperances sans lendemain et de l’envie de mordre, d’en demordre malgre tout.

LARRY BROWN : Larry Brown est né le 9 juillet 1951 à Oxford, Mississippi. Il a servi dans les corps de Marines de 1970 à 1972 et, en 1973, au Département des pompiers d’Oxford où il est capitaine jusqu’en 1990. Une crise cardiaque l’emporte le 24 novembre 2004. Ses cinq romans – L’usine à lapins (trad. Pierre Furlan), Fay (trad. Daniel Lemoine), Sale boulot (trad. Francis Kerline), Père et fils (trad. Pierre Furlan), Joe (trad. Lili Sztajn) – ainsi que ses deux recueils de nouvelles – Faire front, Dur comme l’amour (trad. Pierre Furlan)– sont tous publiés chez Gallimard. MARTINE LAVAL : Martine Laval est journaliste à Télérama.

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Etant donné que Taylor ne rend de comptes à personne, il peut recourir à des méthodes interdites aux enquêteurs plus officiels. R.J. : Le détective privé taquinant la bouteille est un des aspects fondateurs du mythe. Mais chez vous, l’alcool est plus qu’un simple accessoire et l’usage de drogues dépasse le cadre du cliché. De quel malaise profond et violent est-il révélateur ?

Renaud Junillon : Dans le monde du roman policier, on discerne trois grandes figures de héros : le détective au discours cynique comme chez Hammet ou Chandler, le justicier aux méthodes expéditives à qui l’on fait appel lorsque les lois sont impuissantes comme Mike Hammer, et enfin le héros broyé par le monde, marqué par la fatalité. Que pensez-vous de cette terminologie ? Comment définiriez-vous Jack Taylor ?

nquetes e s e d ruen serie Avec la Taylor, Ken Bigure de Jack pare de la f tive s’em e du detec mythiqu st pour mieux et se ais c’e prive. Murer, malaxernnage. trit r le perso u oprie si les codes de r p p a e r e m Car mem presents, meune sont ans genres eur se situe dion, eux si l’aut rtaine tradit eclats. ce lent enusement o v S E h les clicsont dangere chants. Et tran

Ken Bruen : C’est une brillante façon de diviser les héros de polar, j’adore ! Jack Taylor est différent, dans la mesure où il est le plus mauvais détective de la planète. La plupart du temps, les affaires semblent se résoudre malgré lui et non pas grâce à lui. Jack ne croit plus en la justice des tribunaux. Pour lui, on la rend mieux dans les arrière-cours et les ruelles sombres. D’ailleurs, il lui arrive de provoquer la mort d’un homme qu’il a aimé, pour ce qu’il estime être une juste vengeance. Les gens viennent voir Jack quand tous les autres moyens ont échoué. Il est l’ultime recours. R.J. : Jack Taylor est un ancien guarda ; de même le détective privé est souvent un ancien flic qui s’est fait virer ou a démissionné. Comme s’il était impossible de « faire le bien » tout en étant à l’intérieur de la société : être en marge, est-ce là la principale caractéristique du détective privé ? K.B. : C’est indéniable. Taylor agit souvent de façon entièrement illégale, il doit donc être le marginal par excellence. Il achète de la drogue et rend sa propre justice et de nombreux marginaux, les tinkers* eux-mêmes, savent qu’il est le seul à pouvoir leur venir en aide.

K. B. : Une maladie de l’âme. Je voulais également montrer la terrible réalité de ces deux dépendances, qui ont causé la perte de mon frère et de mon meilleur ami. La littérature, et plus généralement la culture irlandaises sont connues pour célébrer les joies de l’alcool, ce qu’on appelle chez nous le craic. J’ai voulu créer un cycle de romans qui montre la souffrance, la douleur, la détresse et les vies brisées qui vont de pair avec l’alcoolisme. Cela m’a attiré de nombreuses critiques virulentes. Les Américains découvrent avec stupéfaction cette facette de l’Irlandais insouciant. Guinness a mis ma tête à prix et l’office du tourisme irlandais m’a inscrit sur sa liste noire. Ils m’ont accusé de leur enlever le plaisir de boire ! Tu parles… Pour moi, il était vital qu’un cycle de romans montre l’enfer de l’alcoolisme, qui touche la plupart des familles irlandaises d’une façon ou d’une autre : les vies ruinées, le carnage quotidien sur les routes, les suicides… R.J. : La Ville est un lieu privilégié où le Mal vit et grandit. Jack Taylor est un enfant de Galway. Comment expliquez-vous la relation particulière qui unit un détective privé à sa ville ? K.B. : C’est une relation conflictuelle. Jack est déchiré entre la ville de son enfance, aux airs de village accueillant, et la nouvelle Irlande qui, elle, est riche et avide. Pelecanos est attaché à Washington et Ellroy à Los Angeles. Jack, quant à lui, a grandi dans un village qui est devenu une ville cosmopolite du jour au lendemain. Il est perdu, pris entre l’ancien temps qu’il regrette et l’Irlande nouvelle qui le déconcerte… Et évidemment, avec la prospérité sont arrivés les drogues et le crime. Dans les grandes villes, le Mal peut se cacher n’importe où. Jack est un enfant de cette ville mais ne s’y sent plus le bienvenu. R.J. : A la manière de James Sallis, les citations ou les références littéraires sont extrêmement présentes dans la série des Jack Taylor. D’ailleurs,

à propos de Jack Taylor, vous écrivez dans Le martyre des Magdalènes : « Les livres préservaient ma santé mentale. » Comment définiriez-vous ce rapport très intense à la littérature ? K.B. : Les livres m’ont sauvé de la folie ; je devais donc leur rendre cet hommage. Sans livre, nous sommes des zombis. Je vis entouré de livres et je serais perdu sans eux. Enfant, Jack a reçu une carte de bibliothèque et cela lui a ouvert de merveilleux horizons. Devenu adulte, alors que sa vie et le monde partent en lambeaux, il se fie à la seule chose qui ne l’ait jamais trahi : les livres. Quand il se retrouve seul au monde, sans rien ni personne à aimer, les livres demeurent et plus important encore, ils ne le jugent pas. Au contraire, c’est lui qui les juge. R.J. : On a le sentiment qu’une ombre accompagne Jack, celle de Robin Cook. Quel est le lien qui peut les unir ? K.B. : Tous deux vivent dans les ténèbres et malgré la noirceur de leur âme, ils ont une rare compassion pour les paumés. Ils foulent tous deux les chemins de la damnation et cela ne les impressionne pas. C’est en France qu’on a reconnu le génie littéraire de Cook pour la première fois. Il utilisait ses romans noirs pour dénoncer les horreurs et les bassesses de notre société. Jack est mon témoin, celui de toutes les histoires dont on n’entend jamais parler : les tinkers, les blanchisseries des sœurs Magdalènes, les suicides d’adolescents, le scandale de l’Eglise bourreau d’enfants, le pays devenu obsédé par le gain, le racisme envers les nouveaux étrangers. Ils n’apprécient pas trop la compagnie des autres, mais je crois volontiers que Jack et Robin auraient aimé prendre un verre ensemble. Propos recueillis par Renaud Junillon, librairie Lucioles, Vienne et traduits par Alexandre Edo

KEN BRUEN : Né en 1951 à Galway (Irlande), Ken Bruen décide de se consacrer à l’écriture après une carrière d’enseignant qui l’a mené en Afrique, en Asie du Sud-Est et en Amérique du Sud. Deux séries sont disponibles chez Gallimard : la série du détective privé Jack Taylor avec Delirium tremens (trad. Jean Esch), Toxic Blues (trad. Catherine Cheval, Marie Ploux) et Le martyre des Magdalènes (trad. Pierre Bondil) et la série des R & B avec Le gros coup, Le mutant apprivoisé et Les Macs Cabées (trad. Catherine Cheval, Marie Ploux).

*les gitans irlandais, NdT

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4 CRISE DE RAGE, CRISE DE RACE Ou l’antagonisme blanc/noir dans le roman noir

*** « Ils viennent avec de quoi manger et boire, et les odeurs des poulets rôtis et des tartes sortant du four leur mettent l’eau à la bouche. Ils viennent avec de la saleté sous les ongles et l’haleine empestant la bière. Ils viennent en chemises repassées et robes à fleurs, cheveux bien peignés et cheveux fous. Ils viennent la joie au ventre et la vengeance en tête, l’excitation lovée tel un serpent au creux de leur ventre. Ils viennent voir brûler l’homme ». John CONNOLLY, Le baiser de Caïn

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Jake Lamar : C’est intéressant de noter que les trois derniers présidents démocrates Johnson, Carter et Clinton étaient tous sudistes. E.H. : Il faut gagner le Sud pour gagner le pays. R.J. : Le narrateur se voit comme « un enfant de la transition », que cela signifie-t-il ? E.H. : Quand je suis né, le pays était toujours un pays de ségrégation mais à partir des années 60/70, quelque chose a changé. Le pays s’est ouvert, voilà la transition. Je connais les deux situations : un peu de ségrégation mais pas beaucoup de discrimination. Face à cela, mon père était un peu choqué, un peu perturbé aussi parce que les choses qui se passaient lui étaient inconnues. Il était pour bien sûr, mais en même temps, il était un peu distancé. Il voulait que je vive dans un monde plus ouvert, plus libre mais c’était un monde qu’il ne comprenait plus tout à fait. R.J. : Nous avions un rêve. En français, le titre fait clairement référence à Martin Luther King. Par contre, le titre original anglais est différent. J.L. : Oui, c’est The last integrationnist, « le dernier intégrationniste », littéralement. J’ai choisi ce titre parce que, lorsque j’ai commencé ce livre, j’avais l’impression que, malgré l’intégration des universités, des entreprises, de quelques quartiers, malgré tout le progrès social depuis les années 60, il était resté une espèce de

r, c’est a m a L e t de Jakts-Unis. C’est e s i r r , a a d’Eddy Hstoire des Etire americainer s e r v i l rniers ents ans d’hi ommunaute no urel, plonge . e d s e l Lire ser deux c ut de la c cial et cult iminatoires embrasender le statson statut so ciaux et discrnquante ans appreh ’evolution de problemes ra seulement ci s conditions saisir l au coeur des moi a debutet temoigne de rs le recit iter et e secession e siecle a travedere comme p u J e u d i Tandis qes la guerre ant le 20eme un reve, cons mardesque. apr s dur , Nous avions utur cauche r i o N s e f de vie dre paternellel, depeint un a gu raci de la fi un 1984

Renaud Junillon : Jupiter et moi retrace l’histoire de votre père. En même temps, ce livre est une recherche sur ce qu’est l’identité de ce que l’on nomme le Sud. Eddy Harris : Bien sûr, c’est une enquête dans son histoire, dans son passé : pourquoi il est devenu comme ça et pourquoi moi, je suis devenu ce que suis. Connaître le passé, notre passé, savoir pourquoi nous avons quitté le Sud pour le Nord, quelles étaient les conditions de vie des Noirs dans le Sud avant The great migration. Cinquante ans après la guerre de Sécession, il y a eu toute une série de faits politiques, une période de réconciliation entre le Nord et le Sud. Le président de cette époque, Wilson, était complètement raciste. Rien n’a été fait pour la situation des Noirs. La réconciliation a bien eu lieu entre Blancs du Nord et Blancs du Sud mais sans les Noirs. Si l’on regarde le pays, même si le Nord a remporté la guerre, c’est bien la mentalité du Sud qui a gagné. Le parti républicain et maintenant le parti démocrate jouent le jeu des sudistes.

Si l’on regarde le pays, meme si le Nord a remporte la guerre, c’est bien la mentalite du Sud qui a gagne. ségrégation choisie, quelque chose d’ancré dans les mentalités des gens. Le vrai rêve de Martin Luther King, une Amérique où tous se comprennent au sein d’une véritable mixité, n’existe pas. Les dernières barrières sont dans l’esprit, ce sont les plus fortes. R.J. : Le personnage principal Melvin Hutchinson est Attorney Général ; il est un farouche défenseur de la peine de mort et du système répressif. Il est aussi en passe de devenir le premier viceprésident noir des Etats-Unis. Le lecteur se retrouve au cœur du pouvoir, entre hypocrisie, racisme et manipulation. J.L. : Tous mes personnages sont des compositions entre plusieurs influences. A l’époque, j’étais fasciné par un phénomène dont nous parlons souvent avec Eddy. Aux Etats-Unis, 90% des Noirs sont à gauche et votent démocrate. Or, les politiques noirs importants, comme

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Condoleanza Rice et Clarence Thomas - le seul noir à la Cour Suprême - par exemple, et certains intellectuels noirs les plus en vue sont à droite. Je voulais écrire un livre sur quelqu’un comme ça. Melvin, comme beaucoup d’autres Noirs en vue à cette époque, était à gauche au début de sa carrière. C’est un avocat des droits civiques qui va devenir de plus en plus conservateur pour différentes raisons. C’est une contradiction, un paradoxe qui me fascine. Mais il y a une autre source d’inspiration pour ce livre. En 91, quand j’ai commencé la rédaction de ce livre, il y avait une rhétorique très troublante qui se développait dans le pays. Comme si, la guerre froide terminée, les politiques cherchaient un nouvel ennemi. Après les communistes, ils se sont tournés vers le bouc émissaire traditionnel, c’est-àdire, les Noirs pauvres. Il y avait des politiques comme Newt Gingrich qui expliquait que les jeunes noirs sans emploi, sans espoir, constituaient une menace pour la civilisation. Dans le même temps, le sociologue Charles Murray racontait qu’effectivement les Noirs étaient génétiquement inférieurs. Et je me suis dit, si un groupe social est une menace pour la civilisation et génétiquement inférieur, il existe une solution finale à ce problème. Je voulais montrer où une mentalité pareille peut mener une société. E.H. : Que disaient les critiques aux Etats-Unis à propos de ton livre ?

siècle, c’est dans la tête des gens maintenant. Prenons un exemple : les dernières élections dans le Tennessee pour un siège au Sénat qui opposait un républicain blanc et un jeune homme noir Harold Ford, Jr. C’est à ce moment-là que PlayBoy Magazine organise une fête gigantesque pour le SuperBowl, le plus grand événement sportif aux Etats-Unis. Il y avait plus de 3000 personnes, Harold Ford était présent lui aussi. Et bien son rival républicain a diffusé une pub à la télé dans laquelle on voyait une blonde assez trash qui disait : « j’ai rencontré Harold au PlayBoy Club » et à la fin de cette pub elle ajoute : « Harold, téléphone-moi ! ». Quelle est la signification de cette pub ? Harold est allé au PlayBoy Club pour chercher des jeunes Blanches. C’est un message subtil mais très clair et si évident que la presse américaine a attaqué cette pub. Elle a été diffusée officiellement une seule fois mais moi, qui habite en France, je l’ai vue plusieurs fois sur Internet. Et Harold Ford a perdu la campagne. Il existe toujours cette légende comme quoi les Noirs sont des animaux sexuels qui vont prendre les Blanches, au 21ème siècle c’est absurde… et personne ne va lyncher Harold Ford. R.J. : Le question centrale de vos deux romans reste celle de l’héritage. En quoi la question de la mémoire, de la transmission est-elle essentielle à la construction de sa propre identité ?

E.H. : Pour moi, c’est essentiel de savoir d’où l’on vient J.L. : En fait, les critiques dans des journaux comme et aussi de savoir pourquoi on est dans l’endroit où Kirkus, c’est-à-dire des publications pour éditeurs et l’on se trouve. La chose la plus importante que mon libraires, ont été très enthousiastes. Mais un journaliste père m’ait léguée, c’est un cadeau en négatif. Il ne a publié une chronique plus m’a pas donné sa rancœur. Il dramatique dans le Daily y a beaucoup de Noirs qui ont La chose la plus importante News, il était complètement pardon sur les épaules : le que mon pere m’ait leguee, c’est un dérangé par le livre. Il pardon du racisme, le pardon me trouvait parano et ne un cadeau en negatif. Il ne m’a pas du passé. Mon père a trouvé donne sa rancoeur. comprenait pas comment le moyen de me transmettre un un jeune Noir pouvait écrire héritage où se révèle le diamant quelque chose comme ça contre les Etats-Unis. sans le charbon. Les choses portées par le père le sont aussi par le fils. Comme le nom. Le problème, c’est de E.H. : Toutes mes œuvres sont bien reçues par la parvenir à se souvenir du passé sans être enterré par le critique, c’est plus problématique avec le public. passé et ses affections. Notamment avec l’un de mes livres qui parlait d’un voyage que j’avais fait en Afrique et j’étais très critique R.J. : Vous êtes tous deux noirs américains nés aux mais honnête. Aux Etats-Unis, si l’on est noir et que Etats-Unis, vous vivez depuis plusieurs années l’on dit des choses pareilles, on est rejeté. Ce sont des en France tout en écrivant en anglais. C’est une sujets tabous. situation particulière. Que signifie pour vous le terme « étranger » ? Un étranger peut-il avoir un J.L. : Je crois aussi qu’il y a une manière d’écrire sur les chez soi ? Peut-on être étranger chez soi ? questions raciales qui est acceptée. On doit être sérieux, respectueux. Et moi j’écris sur le sujet avec beaucoup J.L. : C’est une question pertinente. Je ne me considère d’irrévérence, avec un humour acerbe, avec un ton de pas du tout comme un exilé. C’est un choix pour la dérision. L’idée qu’il est impossible pour une Blanche et France et non contre les Etats-Unis : le respect pour un Noir de vivre heureux ensemble existe partout, c’est les êtres humains, la beauté de Paris, la rencontre avec ridicule. Il n’y a plus les lynchages comme au 19ème ma femme. Je crois qu’il y a plus de mixité ici, malgré

les problèmes raciaux et sociaux. Je me sens plus à l’aise ici. E.H. : Pour moi, il s’agit de la quête de mon identité. C’est le sujet de mon prochain livre : pourquoi avoir choisi la France. Pour répondre à cela, il faut que je me penche sur mes autres voyages et mes autres livres : une balade le long du Mississippi, un voyage en Afrique, un voyage dans les états du Sud, un voyage dans Harlem et maintenant en France. On peut dire que j’ai suivi les cheminements de la diaspora. En remontant jusqu’à mes arrières-grands-pères dans l’état de Virginie, puis, comme beaucoup de Noirs à l’époque, un périple les conduit dans les états du Nord et les villes industrielles comme Chicago, Détroit, New York et pour moi, c’était Harlem. Peu après, les artistes, les écrivains et tous ceux qui en avaient la possibilité ont quitté les Etats-Unis pour venir en France. Tout comme je l’ai fait à mon tour ! Ce périple hante la structure de mon récit et aussi peut-être ma vie. Je ne savais pas tout ça avant de me lancer dans le livre que je prépare maintenant : j’ai découvert cette structure en l’écrivant. Peut-être est-ce cela la base de ce choix de vivre en France ?

empire. Je comprends pourquoi, si je perds mon passeport en Afrique, je cherche un moyen de quitter le pays pour l’Europe dès le lendemain… Propos recueillis par Renaud Junillon, librairie Lucioles, Vienne. Le 27 novembre 2006 autour d’un café au « Train Bleu », Paris Gare de Lyon. Retrouvez l’intégralité de l’entretien sur le site www.initiales.org

EDDY L. HARRIS : Eddy Harris est né à Saint-Louis. Il fait des études dans un collège blanc catholique, premier pas vers la Stanford University. Aujourd’hui, il a élu domicile en France, essentiellement pour des raisons politiques, culturelles et raciales. Il est l’auteur de Jupiter et moi (trad. Alexandre Gouzon) et de Harlem (trad. Christine Denizon) parus aux éd. Liana Levi en 2005 et 2000.

R.J. : Et après la France ? E.H. : Et bien je reviens juste d’Afrique, de Tombouctou. Rien n’a changé depuis mon premier voyage. Les gens vivent dans des conditions abominables, la pollution

JAKE LAMAR : Jake Lamar est né dans le Bronx en 1961. Après ses études à Harvard University, il travaille comme journaliste au Time Magazine pendant six ans avant de se consacrer à l’écriture. Il vit à Paris depuis dix ans. Il est l’auteur de Nous avions un rêve et Le caméléon noir (trad. Nicholas Masek) parus aux éd. Rivages en 2005 et 2003. La sortie de son prochain livre Rendez-vous 18ème est prévue pour septembre 2007.

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feld

Par S Pendant longtemps la littérature noire américaine des années 1960 et 1970 se résumait à un trio magique, Chester Himes, Richard Wright et James Baldwin, dont le destin, miraculeux, devait tout, ou presque, à des éditeurs français. Il ne serait alors venu à l’idée de personne que ces écrivains se dressaient comme trois immenses chênes qui cachaient une forêt encore plus grande. Pour Richard Wright ou Chester Himes, qui se regardaient eux-mêmes comme des anomalies, une telle idée aurait semblée absurde. Au début des années 1990, je tombais, par hasard, sur le roman d’un certain Donald Goines, L’Accro (publié plus tard en France chez Gallimard), le récit insoutenable de deux jeunes adolescents héroïnomanes et de leur dealer tortionnaire. Donald Goines était un ancien maquereau, dealer et gangster qui avait trouvé un salut provisoire dans l’écriture. Ses 17 romans écrits entre 1968 et 1974 constituent l’un des témoignages les plus poignants, les plus violents et les plus vrais sur les ghettos urbains. Ils faisaient dire récemment à Quentin Tarantino, qui avaient pensé à adapter à l’écran l’un de ses romans, Daddy Cool, qu’il lui serait malheureusement impossible de restituer leur violence à l’écran. « Too fucking violent » avait-il conclu. Donald Goines mourut brutalement, d’une balle dans la tête, à la suite d’un deal de drogue qui avait mal tourné. La fin brutale de Goines ne marqua pas, loin s’en faut, un coup d’arrêt à sa carrière littéraire. Au contraire, ses romans continuèrent de se vendre par millions d’exemplaires aux Etats-Unis, principalement dans les quartiers noirs. Un succès qui ne s’accompagnait d’aucune reconnaissance académique. Encore aujourd’hui, les romans de Goines ne sont toujours pas disponibles dans les librairies des grands centres urbains américains. La découverte de Goines ne pouvait, à mon sens, rester isolée. Il existait nécessairement une génération d’écrivains noirs américains dans les années 1960 et 1970 qu’il faudrait déterrer, à la manière d’un

lumen amuel B

archéologue. L’existence d’une telle génération me semblait évidente. La culture populaire noire américaine a connu un âge d’or dans les années 1970, que ce soit avec la musique soul ou avec le cinéma de « Blaxploitation ». Il était impensable que cette explosion n’ait pas été aussi romanesque. Cette intuition est à la base de la collection «Soul Fiction». Trouver ces écrivains n’a pas été facile. Il m’a fallu faire le tour des libraires d’occasion à travers les Etats-Unis, et consulter les catalogues de la librairie du Congrès, pour constater que, jusque dans les années 1970, celle-ci jetait systématiquement les romans de poche. Qui sont précisément ceux où étaient édités les écrivains que je recherchais. J’ai même dû embaucher un détective privé pour retrouver les traces de la fille de Charles Perry, l’auteur de Portrait d’un jeune homme qui se noie. Au bout de deux ans, j’avais une liste de cinquante livres pour une dizaine d’écrivains, inconnus des histoires littéraires ou des anthologies, voire même de leurs héritiers, souvent surpris d’apprendre que leur père ou leur oncle avait écrit des livres. Le destin des écrivains publiés dans «Soul Fiction» est incroyable. Clarence Cooper Jr., l’auteur de Bienvenue en Enfer, est mort d’une overdose. Son corps avait été retrouvé à la YMCA à New York. Il avait écrit six romans, six chefs d’œuvres, qui se vendirent à l’époque à une poignée d’exemplaires. Iceberg Slim était un ancien maquereau, dont le livre de mémoires, Pimp, vendu pourtant à plus d’un million d’exemplaires, n’a jamais dépassé les frontières du ghetto. Vern Smith, un ancien reporter avait écrit Apportez-moi la tête de Lennie Jack à partir de ses reportages sur le trafic d’héroïne parus dans Newsweek. Herbert Simmons avait remporté la fameuse Houghton Mifflin Fellowship – pratiquement l’équivalent d’un Goncourt – pour Corner Boy, sans que cette récompense ait le moindre effet sur ses ventes. Une question évidente se posait pour «Soul Fiction» lors de son lancement en 1997. Pourquoi ces livres

avaient-ils aussi lamentablement échoué à leur époque ? Répondre à cette question constituait aussi un moyen de s’assurer que l’échec d’hier ne se reproduirait pas de nouveau. Les réponses sont venues facilement. Clarence Cooper Jr., Charles Perry, Gil Scott-Heron ou Herbert Simmons avaient cru, à juste titre, que le mouvement des droits civiques leur ouvrirait désormais les portes de la société américaine. Mais ce mouvement ne reflétait pas l’état réel du pays. Il faudrait encore au moins dix ans pour que les Etats-Unis intègrent véritablement les acquis du mouvement des droits civiques. Parmi ceux-ci, le fait qu’un noir puisse être écrivain, et pas seulement danseur, musicien ou sportif. Les romans de Clarence Cooper, Gil Scott-Heron ou Charles Perry sont d’une audace incroyable. Leur charge politique, contre la société blanche, mais aussi contre les torpeurs de la société noire ; leur audace formelle qui intégre les rythmes du jazz et les inventions de la beat génération ; leur capacité à mêler la structure du roman criminel, Raymond Chandler, Dashiell Hammett, avec des classiques comme Crime et châtiment ou Ulysse de James Joyce montre leur profonde originalité tout

en signalant leurs limites sur un plan commercial. En avance sur son époque, cette génération perdue était condamnée à la marge. Le lectorat blanc s’intéressait peu à cette littérature expérimentale et à ces écrivains en colère. L’intelligentsia noire préférait Ralph Ellison ou James Baldwin dont le travail était en prise directe avec les préoccupations de l’époque. Clarence Cooper ou Iceberg Slim ne proposaient aucune fin heureuse, encore moins de solutions. Les bouleversements politiques de l’époque leur apparaissaient comme de simples soubresauts qui ne sortiraient jamais l’homme noir de la misère. Rétifs aux mots d’ordre de l’époque, ils finirent par être inévitablement ignorés. Quarante ans après, ils sont pourtant devenus nos contemporains.

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SAMUEL BLUMENFELD : Samuel Blumenfeld est directeur de la collection «Soul Fiction» aux éditions de l’Olivier. Il est actuellement journaliste au Monde.


5 CELLULE DE CRISE Ou le roman noir entre quatre murs

*** « Pour la plupart des gens, le dimanche matin est un moment de loisir, mais pour les détenus, ce n’est qu’un jour comme un autre, ou, plutôt, un jour qui passe encore plus lentement ». Donald GOINES Justice blanche, misère noire

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Pa Royaume de l’ombre, la prison est, par définition, un lieu incontournable du roman noir. A la croisée des destins entre chevaliers de l’ordre et desperados de l’illégalité, elle est le châtiment suprême, la sanction qui guillotine les rêves de liberté et distille la mort lente. Dans l’argot du début du XXème, la plume désignait le pied-de-biche, instrument qui bien manié, ouvrait toutes les portes. Pour témoigner d’un monde où chaque jour est une entreprise de survie, de résistance à l’absurde et à la folie, pour s’en évader aussi (bien qu’on ne puisse parler en l’occurrence de littérature d’évasion) certains ont pris la plume et nous ouvrent les portes des prisons. Bien souvent, leurs oeuvres en disent plus long sur le quotidien des détenus que bien des études sociologiques. Bienvenue dans les coursives de l’horreur ! Edward Bunker, s’il avait un patronyme prédestiné, a eu un itinéraire qui n’avait rien de prémédité. De son plus jeune âge à la quarantaine, il a passé la plupart de son temps dans les maisons de corrections et les divers établissements pénitentiaires des Etats-Unis. Dans La bête contre les murs (adapté au cinéma sous son titre original « Animal Factory » par Steve Buscemi), Ron, un jeune dealer des beaux quartiers va « en apprendre ici plus en quatre mois qu’en deux années d’université » sous la protection de Earl, vieux cheval de retour diplômé es culture criminelle de l’université de Saint Quentin, double évident de l’écrivain. Dans la lutte quotidienne pour la survie, entre trafics, violences et conflits raciaux, il n’y a pas de place pour une quelconque rédemption. Donald Goines, issu du ghetto noir de Detroit, toxicodealer, maquereau, voleur, a découvert la lecture et l’écriture en prison. Il a été abattu de plusieurs balles chez lui alors qu’il travaillait à son quinzième roman. Dans Justice blanche, misère noire il inverse le rapport de force racial. Plus pauvres, donc incapables de se payer avocats ou liberté sous caution, les noirs majoritaires en prison font subir aux blancs les pires turpitudes. Chester Hines, le héros de ce roman, (en hommage à

Claude r Jean-

Lecocq

Chester Himes qui, avant de devenir auteur de polar publia Regret sans repentir, témoignage sur son propre séjour en prison) bien que rompu aux mœurs de la vie carcérale finira broyé par l’engrenage. Dans l’Hexagone, s’il faut citer Le trou de José Giovanni rendu célèbre grâce au film de J. Becker, et Les hauts murs d’Auguste Le Breton, le roman noir carcéral est essentiellement issu des mouvements de révolte des années 70 contre les conditions de détention et surtout les QHS. Alexandre Dumal, dont Je m’appelle reviens fut salué par Jean Patrick Manchette en ces termes « Pour savoir écrire, il faut savoir vivre ! Les romanciers seront secrètement outragés de voir que le bandit écrit mieux qu’eux. Dumal dit avoir échangé le P38 contre le stylo “parce que c’est une arme bien plus efficace“ ». Alain Dubrieu (décédé en 2002) le prouve dans Le désert de l’Iguane, styliste hors-pair aux accents céliniens, mitraille la loi et l’ordre dans cette symphonie poignante de la révolte et de la solitude. Abdel-Hafed Benotman, dans son recueil de nouvelles Les forcenés se contente de textes courts et précis mais d’une efficacité redoutable tel un sniper qui, le soir, à la fenêtre de ses rêves, descendrait les matons de l’angoisse un par un comme on compte les jours au fond de son cachot. Les écrivains de polar, même s’ils ne sont jamais passé de l’autre côté des murs sont très présents en prison à travers rencontres et ateliers d’écriture. Pas de doute, le polar carcéral a de l’avenir… Hélas !

JEAN-CLAUDE LECOCQ : Spécialiste des littératures policières, Jean-Claude Lecocq est libraire à Urubu, Valence. Il est également organisateur du festival de polar « La cambuse du noir » et auteur de nouvelles.

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6 LES MOTS DE LA CRISE Ou l’ecriture du roman noir

*** “ Des livres au creux desquels je lis le mode d’emploi pour vivre. Et quand je n’ai pas de livre ouvert sous les yeux, c’est autour de moi que je pioche, mais c’est pour d’autres livres, mes constructions (quand j’étais petit je voulais être maçon, oui) : comme j’aimerais en lire ». Pierre PELOT Natural killer

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ANOTTI

Pa Toute une lignée des polars post soixanthuitards, ou des romans noirs français, sont des « chroniques sociales », comme le dit Elfriede Müller dans son article. C’est probablement pour cela que la question revient, presque lancinante, dans toutes les rencontres avec les lecteurs : « Dans vos romans, quelle est la part de la réalité et celle de la fiction ? » Essayons de répondre concrètement. En ce qui me concerne, après avoir choisi le sujet de mon prochain roman, l’affaire Thomson-Daewoo par exemple dans le cas de Lorraine Connection, je commence d’abord par un travail de documentation, journaux, essais divers. A ce stade d’accumulation des « faits », le travail ne diffère de celui d’un historien que par des questions techniques que je n’aborde pas ici. Ensuite, je cherche à interviewer des gens qui, à un titre ou un autre, ont participé à l’affaire. Il faut les écouter, les oreilles grandes ouvertes. Savoir écouter, c’est commencer à savoir écrire, d’une certaine façon. Mais là non plus, nous ne sommes pas loin des méthodes de l’histoire orale. Puis commence le travail du romancier. Les faits accumulés, en eux-mêmes, ne signifient rien. Il faut éliminer, tailler, choisir, organiser, pour leur donner leur cohérence, leur rythme, leur vérité, le mot est lâché. Reprenons Thomson-Daewoo. Pour moi, et c’est précisément cela que je veux raconter, le scandale financier et politique de 1996 est la cause des fermetures et de l’incendie d’usine de 2003, avec son train de misère ouvrière. Dans la réalité temporelle, 1996-2003, le lien est distendu, perceptible simplement par le raisonnement intellectuel, beaucoup plus difficilement par la sensibilité et le cœur du lecteur. Alors, je refabrique tout, le scandale, l’incendie, la fermeture de l’usine se déroulent en quinze jours, j’invente des liens romanesques forts entre ces trois faits, et je donne à lire (du moins, j’essaie) la vérité émotionnelle des évènements. Même travail avec les personnages. Souvent très loin, ou sans rapport avec les gens rencontrés dans la phase de documentation, ils sont construits pour exprimer l’intensité dramatique des situations. En préparant Lorraine Connection, je n’ai

ique M r Domin

rencontré aucune ouvrière de l’usine Daewoo qui avait brûlé. Pourtant, dans le roman, le personnage ouvrier central est une femme, parce qu’une femme porte un autre regard sur la Lorraine post sidérurgique que n’aurait pu le faire un homme, et qu’il s’agit là d’un des thèmes majeurs du roman. Et le tout à l’avenant. C’est bien parce que le romancier opère ce travail d’altération, de distorsion conscientes du réel qu’il touche beaucoup plus profondément le lecteur qu’un essai sociologique ou historique. S’il fait bien son travail, il déclenche, pour le lecteur, tout un ensemble de réactions en chaîne dans le domaine de l’imaginaire, et permet d’atteindre la vérité, au delà du réel. Mais dans ce domaine, le roman noir ne procède pas autrement que le roman tout court. Aragon l’avait déjà magnifiquement écrit : « L’extraordinaire du roman, c’est que, pour comprendre le réel objectif, il invente d’inventer. Ce qui est « menti » dans le roman libère l’écrivain, lui permet de montrer le réel dans sa nudité. Ce qui est menti dans le roman est l’ombre sans quoi vous ne verriez pas la lumière. Ce qui est menti dans le roman sert de substratum à la vérité. » C’est pourquoi j’ai mis en exergue de Lorraine Connection : « Ceci est un roman. Tout est vérité, tout est mensonge. »

DOMINIQUE MANOTTI : Dominique Manotti est née à Paris en 1942. Dès l’adolescence, elle milite d’abord à la fin de la guerre d’Algérie pour l’indépendance de l’Algérie, puis dans les années 60 et 70, dans différents mouvements et syndicats (marxiste et syndicaliste révolutionnaire). Historienne de formation et de métier, Dominique Manotti est venue à l’écriture sur le tard, « le roman noir apparaît comme la forme la plus appropriée pour raconter ce que fut l’expérience de ma génération ». Elle est l’auteur de Lorraine Connection, Nos fantastiques années fric, Kop, A nos chevaux aux éditions Rivages. Le corps noir et Sombre sentier Prix Sang d’Encre 95 sont édités au Seuil.

OLVEN

tt W Par Sco C’est un grand honneur pour moi de savoir que mes nouvelles sont publiées en France. En les écrivant, je n’ai jamais imaginé qu’elles seraient un jour traduites dans une autre langue. Je voulais avant tout les coucher sur le papier et faire en sorte qu’elles soient les meilleures possibles. Mon but est toujours de raconter une bonne histoire, d’essayer de donner vie aux mots, aux personnages et aux situations. De créer des «faits de fiction» comme les appelle John Edgar Wideman. L’écriture est synonyme de solitude et savoir que mes nouvelles ont traversé l’Atlantique est très agréable. Tout ce que je pourrais dire sur l’art de la nouvelle a déjà été dit et bien dit par de grands auteurs. Je préfère toujours écrire des nouvelles plutôt qu’écrire sur mes nouvelles. Charles M. Russell, le grand artiste de l’Ouest américain, disait que les cow-boys, de retour en ville après des semaines passées avec les troupeaux, se retrouvaient et se racontaient des histoires. Celui qui racontait la meilleure de toutes se voyait offrir sa chambre par les autres. J’aimerais croire qu’avec certaines nouvelles de La Vie en flammes, j’aurais alors gagné une nuit dans un hôtel de Havre, Montana, ou de Casper, Wyoming. On m’a souvent demandé d’où venaient mes nouvelles. Peut-être la fiction est-elle pour moi l’une des formes de la vérité. Peut-être la fiction naît-elle quand l’expérience, vécue, observée ou transmise, entre en contact avec l’esprit d’un écrivain. Peut-être la fiction est-elle l’échelle

que les auteurs utilisent pour élever le mensonge au rang d’art. Ce que je veux dire, c’est que j’écris sur des sujets qui sont importants pour moi, que j’écris les nouvelles que j’aimerais lire. L’Amérique abrite une population à l’intérieur de sa population, tous ces gens qui sont en prison et qui ont maille à partir avec la justice. Aux EtatsUnis, rencontrer des gens qui ont connu la vie carcérale est assez fréquent et cela m’a beaucoup inspiré dans mes nouvelles. Je crois que la violence occupe une place importante dans le monde d’aujourd’hui et j’essaie d’écrire sur les différentes formes qu’elle revêt. Je choisis souvent des lieux isolés comme le Nord du Vermont ou certains endroits de l’Ouest, car la nature est importante pour moi. J’ai envie d’emmener le lecteur là où il n’est jamais allé auparavant. Afin qu’il voit ce qu’il n’a jamais vu, qu’il rencontre des gens et des situations qu’il n’a jamais rencontrés. Parce que je suis écrivain et non philosophe, j’essaie de ne pas penser à la problématique du bien et du mal lorsque j’écris. Cela soulève toutes sortes de questions. Entre autres, cherchons-nous à attribuer ces concepts du monde réel (le bien/le mal) à des créations fictives ? Ce pourrait être une pratique dangereuse. Pete Tosh a déclaré un jour : «Je ne suis pas un homme politique, j’en subis juste les conséquences». Cela pourrait s’appliquer aussi aux personnages de mes nouvelles. Ils sont engagés dans le quotidien, dans leur monde, et

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non dans sa théorie. Peut-être que chez eux les actes viennent en premier et les actes limitent réellement le temps et la capacité qu’ont ces personnages de penser à des concepts tels que le bien et le mal. A la fin de la nouvelle qui donne son titre au recueil, le personnage principal dont on ignore la véritable identité rencontre un autre homme et, de nouveau, ment sur son nom. Il prétend s’appeler John Wilson. L’homme répond d’une voix douce : «C’est mon nom.» Pour moi il y a tellement de choses contenues dans ces mots et j’espère qu’il en va de même pour le lecteur. Qui le narrateur a-t-il rencontré ? Est-ce une vision future de lui-même, est-ce juste un homme perturbé, son nom est-il vraiment John Wilson ? Est-ce ce qui arrive quand on n’accepte pas sa propre identité ? Le narrateur rencontre-t-il réellement quelqu’un ou tout cela se passet-il dans sa tête ? Parfois, les gens me posent des questions sur ma relation à mes personnages. Je pense que c’est Raymond Carver qui a écrit : «Nous ne sommes pas nos personnages, mais nos personnages sont nous.» Il y a de la vérité dans ces mots. J’ai vu des boules de foudre, des cerfs albinos et l’Hudson River. Les montagnes Rocheuses. Parmi bien d’autres choses. Souvent mes personnages les voient aussi. Joseph Conrad avait une grande maxime : «Ce n’est pas ce que tu inventes, c’est ce que tu imagines.» Un écrivain peut inventer n’importe quoi mais c’est quand il imagine qu’il peut donner à ce qu’il écrit l’apparence de la vie. Si je m’y suis pris correctement, ces nouvelles contiennent des émotions, des émotions qui résonneront chez le lecteur. J’espère y être parvenu dans Tigres par exemple. Le style est différent des autres nouvelles et pendant une minute, j’imagine que le lecteur est là lui aussi, par une nuit froide, debout au milieu d’une voie ferrée avec le train à l’approche. Ou qu’il assiste au match de boxe qui se déroule sur un chantier forestier dans El Rey. J’essaie d’utiliser l’action pour rendre ces émotions que j’estime importantes. Pour exprimer ce qui ne peut être dit directement. C’est ce que j’essaie toujours de faire. D’écrire quelque chose qui vous changera quand vous le lirez et que vous n’oublierez jamais. Traduit par Francis GEFFARD

SCOTT WOLVEN : Scott Wolven a grandi dans les Catskill, dans l’état de New-York. Il a enseigné l’écriture à l’Université de Binghamton et a fréquenté l’Université de Columbia. Salué par Richard Ford et George Pelecanos, le recueil de nouvelles La vie en flammes (trad. Cécile Deniard) est le premier livre de Scott Wolven, publié en 2007 dans la collection Terres d’Amérique dirigée par Francis Geffard.

n chat, u ’ u q s e i nt de v tiques. Multia t u a e c , t ans doubreux et ecle de nouvelles s a s i l m al st ur James Sravaux sont non, poete, aute er Himes) il ese lai est ivai st tant se mentiste, ecrtamment de Ch ond Queneau, Brusse instru iographe (no rancais (Raym onge) et de hov). cis P de f chek te, b essayis t traducteur Bonnefoy, Fran Pasternak, T antes et s en (Boris s plus touch elle le egalem Cendrars, Yve e serie d rain, dans laquOrleans. e n u ’ d o r l’auteu noir contemp e la Nouvelle i s s u a Il est es du roman e les rues d la l t l n mélancolie, e a n h n n o pers e Lew Griffi par l’incapacité d’exprimer ce qu’il ressent au fond de lui, et par une priv Renaud Junillon:En tant que poète, essayiste mais aussi auteur de polar et de SF, quelle est votre vision du roman noir ? Comment est né votre personnage récurrent Lew Griffin ? James Sallis : Je n’avais pas l’intention spécifiquement d’écrire sur un Afro-Américain. J’avais l’image d’un personnage, qui est essentiellement la première page du livre Le faucheux mais je ne savais rien de lui. Et je me suis posé des questions : qui est-il ? Qu’est-ce qu’il fait là ? A quoi ressemble le fond sonore derrière lui ? J’avais là le premier chapitre. J’ai écrit à peu près une trentaine de pages de plus avant de réaliser qu’il était Afro-américain. A ce moment-là, j’ai dû faire machine arrière et réécrire. Le livre a changé, il a trouvé sa forme. Une fois que j’ai pris conscience que Lew Griffin était noir et qu’il vivait dans le Sud, j’ai commencé à avoir une idée de ce que le livre serait. Les autres livres de la série étaient des moyens d’explorer les changements de ses perceptions au fur et à mesure qu’il vieillissait et d’explorer les changements sociaux autour de lui.

quête de rédemption pour un acte passé qui le ronge. C’est une des caractéristiques du roman noir. J.S. : Oui c’est vrai. Un de mes amis me disait qu’il n’y avait que deux intrigues dans les romans policiers : la revanche et la rédemption. Je pensais qu’il exagérait, mais après avoir écrit le premier roman, je me suis dit qu’il avait peut-être raison lorsqu’il affirmait cela ! J’écris autant sur la société américaine qu’à propos d’un individu. La société américaine a produit des choses terribles et on a toujours fait en sorte d’aspirer à être différent. Lew Griffin part de très bas, avec de faibles espérances et, d’une certaine manière, c’est lui qui fabrique ses propres espérances. Il n’arrive jamais à accorder cette rédemption à lui-même mais d’une certaine façon il réussit à l’offrir à ceux qu’il rencontre. R.J. : Cette ville, La Nouvelle-Orléans, est différente des autres mais elle reste marquée par la violence, par cette «folie des USA» et de la même manière, Lew Griffin est cultivé, d’une grande sensibilité mais il peut frôler la folie. Deux entités cohabitent et se télescopent.

R.J. : C’est un personnage attachant, marqué par

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Un de mes amis me disait qu’il n’y avait que deux intrigues dans les romans policiers : la revanche et la redemption. Je pensais qu’il exagerait, mais apres avoir ecrit le premier roman, je me suis dit qu’il avait peut-etre raison lorsqu’il affirmait cela ! J.S. : J’essaie vraiment de donner une image de l’Amérique aussi complète que possible en me concentrant sur le personnage de Lew, à La NouvelleOrléans dans des époques bien définies, chaque titre correspondant à une période bien particulière. Nous sommes une société violente, nous avons créé notre pays en volant et en tuant les Indiens. Nous devrions l’accepter et vivre avec. L’image de la violence que je renvoie en mettant en scène Lew est en partie le reflet de la violence de la société américaine que l’on voit un peu partout dans les centre-villes et ce depuis des années. En essayant de rendre Lew aussi crédible que possible, en essayant de représenter la société, j’ai pensé qu’il me fallait un personnage violent. Lew est un homme violent, et quand il ne l’est pas, sa violence se retourne contre lui et devient auto-destructrice. Quand il la laisse s’exprimer, c’est toujours avec une bonne excuse. D’une certaine manière, cela lui enlève cette part d’agressivité qu’il retournerait contre lui. Le monde lui permet de continuer à avancer de façon plus aisée. R.J. : Lew Griffin évolue dans un récit qui n’est jamais linéaire ou chronologique mais composé de flash-backs ou de sauts dans le futur. Que permet cette mise en scène du temps ? J.S. : Premièrement, pour rester éveillé quand j’écris. Beaucoup d’entre nous savent que l’on va consacrer beaucoup de temps à l’écriture d’un livre, alors on ruse, on invente des petits jeux pour garder de l’intérêt dans le roman. Ensuite c’est une question de structure des choses. Je parle de toute la vie de Lew Griffin, d’assez jeune - quand il arrive à la Nouvelle Orléans pour la première fois - jusqu’à sa mort. Je pense que certains d’entre nous n’ont pas la sensation de leurs propres vies. Gertrude Stein a dit que prendre part au présent est toujours biaisé par la mémoire et l’anticipation, le passé et le futur. Et je pense que nos vies sont à cette image. Alors quand j’essaie de créer la vie de quelqu’un et l’image d’une ville, je pense qu’il est absurde de n’avoir qu’un seul « regard ». Parce qu’en fait je peux être en train de marcher dans la rue ou de descendre la poubelle mais, dans ma tête, je suis en train de vivre le dîner de la semaine dernière chez un ami ou une chose

horrible que j’ai commise il y a huit ans, et tout ça c’est de la sueur et du sang. C’est la façon dont nous faisons l’expérience de la vie. Ce que j’essaie de faire dans ces livres, c’est de représenter de manière la plus complète possible la façon dont nous évoluons dans la vie et la façon dont on assemble les pièces du puzzle qui sont disponibles pour nous faire un monde à nous, un monde que l’on porte à l’intérieur de nous. R.J. : Autre particularité de la série, c’est cet effet de miroir. Le lecteur se trouve en face de Lew qui lui-même est face au livre qu’il est en train d’écrire et qui raconte l’histoire d’un détective privé à la Nouvelle

Orléans. On ne peut s’empêcher de voir James Sallis face au roman qu’il est en train d’écrire avec un personnage de détective privé à La NouvelleOrléans. J.S. : Là encore c’est un jeu que j’ai mis en place pour maintenir l’intérêt et même le susciter en écrivant le livre. Je suis un grand admirateur de Vladimir Nabokov et de Raymond Queneau, et ce sont des jeux auxquels ils jouaient. Un de mes livres préférés est Pnine que beaucoup de gens trouvent illisible, mais moi, je le trouve génial. Je suis infecté par le même virus qui les a poussé à écrire ce qu’ils ont écrit. Je trouvais cela intéressant de faire le portrait de la société américaine avec ce visage noir dans le miroir. Mais il y a aussi mon visage en surimpression et c’est pire parce que j’écris un livre à propos de Lew Griffin à La Nouvelle-Orléans, et Lew Griffin est censé écrire un livre sur La NouvelleOrléans bien que l’on se rende compte, avec le sixième roman, qu’en fait il n’a jamais écrit ce livre, que c’est quelqu’un d’autre. Je dis à mes étudiants - j’enseigne

l’écriture - que je suis certainement un des rares auteurs à avoir fait une série de six romans dans laquelle il y a une telle surprise à la fin. R.J. : Vous allez très loin avec cet effet de miroir : vous allez jusqu’à mettre en scène Lew Griffin expliquant à ses étudiants que le seul protagoniste, finalement, c’est le temps ! J.S. : Oui, quand les gens enseignent la littérature aux Etats-Unis, ils ont des expressions consacrées et l’une d’entre elles - que l’on entend continuellement - est « le roman est une question de Temps» et Lew est l’un de ceux qui ne veulent pas répéter ces expressions encore et encore. Alors quand il le dit, il le dit comme une blague, et il dit aussi qu’il a honte de passer du temps là-dessus et il continue son cours. C’était une blague pour moi et pour mes lecteurs qui apprécient ces clins d’œil. Je me suis fait plaisir, du style : « Vous avez vu la blague, vous l’avez comprise ? ». Je pense que les lecteurs contemporains savent que nous jouons un jeu. En tant que lecteur, j’aime être emporté dans ce jeu et qu’on me demande d’y participer, sachant que mes lecteurs éprouvent la même chose. R.J. : Un nombre impressionnant d’auteurs, poètes – de Thomas Bernhardt à Raymond Roussel – sont cités dans vos livres. Même si vous utilisez les codes du roman noir, en faisant référence aux plus grands écrivains, vous vous inscrivez dans une littérature qui est beaucoup plus large, beaucoup plus « littéraire ». Comment l’harmonie se fait-elle entre ces deux genres? Pourquoi alors utiliser les codes du roman noir? J.S. : Il y a plusieurs raisons. Il faut que je parle de mes romans et de mes goûts. Au fur et à mesure que l’on avance dans la série des Lew, la chose la plus importante dont il faut se souvenir est que Lew Griffin est un autodidacte. Ce qu’il connaît, il l’a appris par la lecture. Il se sent marginalisé, il est à la recherche de littératures de marge. Et une des choses les plus importantes au sujet de la littérature marginale, c’est qu’elle est écrite par des écrivains marginaux ou par des gens qui se sentent marginalisés. Il lit de tout à l’aveugle et ça se voit : beaucoup des citations sont la preuve qu’il n’a pas d’échelle. «Grande littérature, littérature de basétage», tout est de la littérature et c’est sa façon de penser. De la même manière, il fonctionne ainsi avec les gens. Il comprend qu’il y ait des problèmes de classes sociales mais pour lui il s’agit juste de personnes. En ce qui me concerne, en plus d’être romancier et poète, je fais beaucoup de critiques littéraires et j’enseigne, mon credo a toujours été d’essayer d’enlever les étiquettes qu’on colle à la

Gertrude Stein a dit que prendre part au present est toujours biaise par la memoire et l’anticipation, le passe et le futur. Et je pense que nos vies sont a cette image.

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littérature. J’y crois honnêtement. Un des mes romans préférés est certainement Ulysse de James Joyce, mais vient juste ensuite Fais pas ta rosière de Chandler. Je ne fais pas de distinctions dans mes lectures. Oui, ce sont des romans différents mais ce sont tous deux des oeuvres littéraires. À part essayer de me mettre dans la tête de Lew et de le voir comme un penseur égalitaire, je le regarde comme un critique, et j’essaie de dire : « Vous savez, il n’y a pas de raison que ce livre soit apparemment meilleur ou plus important que cet autre qui est plutôt différent. » C’est dur de se dire, par exemple, qu’il est meilleur que Le facteur sonne toujours deux fois, un roman dont personne ne se souvient aux Etats-Unis mais dont l’écriture est magnifique et qui produit exactement ce à quoi il était destiné. R.J. : La traduction en français ne rend pas compte du fait que tous les titres de cette série ont des noms d’insectes. J.S. : Là encore ça n’était pas prévu quand j’ai écrit le premier roman qui s’intitule The Long-Legged Fly en anglais. C’est tiré d’un poème de Yeats. Il me semble

que le poème décrit trois épisodes dans l’histoire des temps anciens à des temps plus récents. Et l’insecte y est décrit comme s’il était assis sur le voile du temps, flottant, regardant mais n’y prenant jamais part. Je voulais utiliser ce titre depuis longtemps et, songeant à Lew Griffin, je me suis dit : « Oh c’est le genre de choses qu’il fait. » Il est un peu au-dessus, il regarde sans passion et décrit ce qui arrive pendant ces décennies de la vie américaine. Je voulais que les lecteurs s’en rendent compte. J’ai réalisé qu’il y aurait un second, et peut-être un troisième, un quatrième et un cinquième roman, je voulais que les lecteurs puissent dire « OK, c’est un de la série. » Je n’ai écrit que six romans parce que je n’avais plus de bons titres avec des insectes !

Gaby noyé le mois dernier dans un étang près de Varennes comme un vulgaire braconnier. Identifié grâce à ses dents – son blanc dentier de porcelaine mordant la vase – car il souriait.

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Entretien réalisé par Renaud Junillon, libraire Lucioles, Vienne. Propos traduits et transcris par Aude Samarut, librairie Le merle moqueur, Paris.

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Retrouvez l’intégralité de l’entretien sur www.initiales.org

Un des mes romans preferes est certainement Ulysse de James Joyce, mais vient juste ensuite Fais pas ta rosiere de Chandler. Je ne fais pas de distinctions dans mes lectures. JAMES SALLIS : James Sallis est né à Héléna dans l’Arkansas en 1944. Poète, auteur de nouvelles, essayiste, enseignant, biographe (notamment de Chester Himes) il est également traducteur de français (Raymond Queneau, Blaise Cendrars, Yves Bonnefoy, Francis Ponge…) et de russe (Boris Pasternak, Tchekhov) et fondateur du magazine de SF New Worlds avec Michael Moorcock. Passionné de musique, il alterne guitare, guitare hawaïenne, mandoline, sitar et dobro au sein de son groupe de early country/bluegrass « Three-Legged Dog ». Considéré comme un écrivain du Sud, il habite maintenant à Phoenix, Arizona. La saga de Lew Griffin comprend Le faucheux (trad. Jeanne Guyon, Patrick Raynal), Papillon de nuit (trad. Elizabeth Guinsbourg, Stéphanie Estournet), Le frelon noir (trad. Elizabeth Guinsbourg, Stéphanie Estournet), L’œil du criquet (trad. Isabelle Maillet, Patrick Raynal), Bluebottle (trad. Isabelle Maillet) et Bêtes à bon dieu (trad. Stéphanie Estournet, Sean Seago) : tous ces titres sont édités chez Gallimard ainsi que Bois mort (trad. Stéphanie Estournet, Sean Seago), une nouvelle série avec l’ex-flic Joe Turner. Egalement disponibles chez Rivages : Drive (trad. Isabelle Maillet) et Chester Himes, une vie (trad. Eleonre Cohen-Pourriat).

Avant lui c’était Roméro, ombre sur pattes, indien des toits, il a glissé son numéro à la Grande Pirate du Ciel pour qu’elle l’appelle, encore une fois. Et monte-en-l’air un coup de trop.

Et puis Cassis, et puis La Poire. L’un qui s’évapore par l’éther entre les serres de sa mémoire, l’autre qui fuit de toutes parts, pendu aux branches des cathéters. Des fruits amers et des trous noirs.

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Je n’oublie pas non plus Jean-Gilles, autoproclamé Prince des rues, stoppé au vol par deux vigiles, deux jeunes laquais de succursale, alors qu’il était seul et nu, tout ça pour moins de cinquante mille.

MARCUS MALTE : Marcus Malte est né en 1967 à la Seyne-sur-Mer où il réside. Après plusieurs romans au Fleuve Noir, il écrit également des ouvrages pour la jeunesse ainsi qu’un épisode du Poulpe. La plupart de ses romans sont disponibles aux éditions Zulma : notamment Garden of love en 2007, Intérieur Nord en 2004, La part des chiens, Prix Lucioles des Lecteurs en 2003.

Je n’oublie pas le Moine errant dans cet étrange monastère où sont les fantômes vivants. Centrale. Cellule. Bruits de fermoirs. Je sais la gueule que l’on peut faire, suivant son propre enterrement.

Léon, mon frère, je ne prie pas, je murmure ton nom aux étoiles quand vient le soir. Je n’oublie pas et puis je chiale, sur vous, sur nous, sur la poussière de nos étoiles, et mes yeux brillent comme ceux des rats.

Nous avons eu vingt ans, brigands des grandes villes, cow-boys aux colts fumants, nous avons eu trente ans, l’or et les filles plein les sacoches, c’était du vent. Vient la récolte. L’hiver approche, et moi j’attends.

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7 Crisissimo ou la melodie du roman noir

*** « On répétait dans la remise depuis deux ans. Pour ma part, je me contentais d’une caisse claire, de deux toms et d’une cymbale. Mon frère wallace était à la basse. Le troisième type, Rocket, parvenait à produire une imitation passable, à la guitare électrique, du genre de « swamp blues » qui guérissait par la foi, arrachait des larmes spontanées et conjurait les mauvais esprits. Rocket ne se débrouillait pas mal en fait. Et je ne peux pas en dire autant de Wallace et de moi. Je ne savais pas jouer de la batterie, et je ne sais toujours pas ». Rick MOODY Le James Dean Garage Band tiré de L’étrange horloge du désastre

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wig Bl Par Lud « J’ai renoncé à la cigarette, et à d’autres vices coûteux et mortels mais personne ne m’a jamais proposé un traitement contre ma maladie musicale ». Cette phrase de James Crumley a l’air simple à première vue mais quiconque a le virus de la musique dans la peau et les nerfs comprendra qu’il n’y pas d’antidote à cette maladie. Je peux l’avouer aujourd’hui, je suis un grand malade. J’ai pris ma première véritable dose de musique à onze ans et vingt ans plus tard je suis encore accro. N’étant ni intellectuel ni quelqu’un de très cultivé, je le dis sans aucune forme de fausse modestie, la lecture est venue à moi assez tard. Trop occupé à écouter des disques sûrement, trop paresseux tout simplement. Seulement voilà, je me suis mis à lire des romans qui ressemblaient étrangement à la musique que j’écoutais. Hasard ou pas je suis tombé dans le roman noir comme dans une chanson de Tom Waits et je ne m’en suis jamais remis. Ce qui me touche le plus dans la fiction « noire », c’est la musique qui s’en dégage. Nombre d’écrivains de polar ont un rapport fort avec la musique : Nick Tosches est l’auteur de livres épatants sur la country, le rock, la soul. Peter Guralnick a publié voilà quelques années un excellent roman Nighthawk blues et une non moins formidable histoire du rythm’n’blues Sweet soul music. La regrettée collection Soul Fiction des éditions de l’Olivier portait magnifiquement bien son nom et nous a donné quelques romans poignants dont Le vautour du chanteur Gil Scott-Heron. Les exemples sont multiples, de Hammet à Chandler, de Ellroy à Connelly, le jazz a balayé les écrits noirs de fond en comble. Le blues n’est pas en reste à lire un chef-d’œuvre comme Le chanteur de blues de Harry Crews ou le beau Blues bar de Ace Atkins… Mais le plus troublant dans le livre dit noir, c’est cette

part de musique latente. Dès que j’ouvre un livre la musique se fait entendre. Le Dave Robichaux de James Lee Burke me fait penser instantanément au bluesman Coco Robochaux, la mélancolie qui draine les mots de Daniel Woodrell fait écho invariablement aux chansons de Towns Van Zandt ou Neil Young, le sombre David Peace n’est pas sans rappeler les heures sombres d’un Lou Reed, quant à Larry Brown il est le dernier écrivain qui m’a le plus violemment ému. Il demeure celui qui a donné un son, un rythme aux petites gens, à monsieur et madame tout le monde. Des histoires comme Joe et Sale boulot m’ont transporté comme le Nebraska de Springsteen ou les textes de John Fogerty. Si on lit attentivement L’usine à Lapin on peut trouver une discographie imaginaire sublime. Que nous raconte cet énorme bouquin ? Ni plus ni moins que ce que nous chante Hank Williams, Johnny Winter (que Larry Brown adorait) ou Bob Seger. Fay est tout aussi dense, un peu brouillon même, qu’importe, l’histoire de cette gamine de dix-sept ans, c’est écouter Young blood ou The last chance Texaco de Rickie Lee Jones. Dur comme l’amour et Faire front sont deux recueils de nouvelles qui flirtent avec les thèmes chers à Bob Dylan et Léonard Cohen. Ça n’est pas toujours bien écrit, ça n’est pas toujours bien chanté mais c’est humain dans toute sa médiocrité et sa splendeur. Le roman noir et la musique sont liés d’amitié par un pacte d’imperfection mais ça sonne juste et c’est tout ce qui compte.

LUDWIG BLONDEL : Ludwig Blondel est libraire au Square, Grenoble. Actuellement, il lit et écoute des disques. A moins que ce ne soit le contraire.

k Fito Par Eri

Bon dieu mais pourquoi j’avais accepté cette enquête ? Je savais bien que le commissaire Junille avait deux marottes, les polars et la musique, et comme c’était un vieux copain des années punk (eh oui, même les flics ont commencé petits !), j’avais accepté de lui retrouver LA guitare de Elek Szeged, ce génial guitariste tsigane évaporé en 1966. Les indices pour la retrouver étaient, selon lui, dispersés dans les quelques romans noirs et polars où la musique jouait le rôle principal. «Et comme t’aimes bien la musique, ce job est pour toi», qu’y m’disait gentiment le Junille... Je glisse sur les détails de l’affaire, mais pour espérer tomber sur cette guitare, fallait sans doute se lever aux horreurs - et d’abord je n’étais même pas sûr, vu les rares photos de l’homme, que ce soit une Gibson ou une Epiphone... Bon, je me suis attelé à l’attache, vu celle que j’avais avec Junille, et je me suis donc tapé quelques kilos de livres. J’ai rencontré des auteurs, des personnages de romans, et même des jazzmen morts depuis pas mal de temps que j’ai réussi à débusquer par l’intermédiaire d’un maître Bardo, vous voyez un peu le genre de boulot hors normes. Et donc quelques voyages de plus pour ma pomme, géographiques ou en chambre temporelle, m’ont entraîné sur une toile mygaloïde sacrément dérapante, les références ne cessant de s’ajouter les unes aux autres.

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Des docks de Cardiff à Los Angeles en passant par Moizy-les-Bauges (si, si !) la réponse était évidente : la musique était PARTOUT dans les romans noirs, et TOUTES LES SORTES de musiques. J’en ai vu de toutes les couleurs et je ne vais vous faire ici qu’un tout petit topo, je vous renvoie surtout à la bibliographie qui suit, car l’intégralité de mes aventures serait indigeste comme une valse de Richard Clayderman. Alors je glisserai rapidos sur quelques grands toujours en forme : Chester Himes où traîne toujours un vieux blues ou un air de jazz, Jean Amila et ses chants militaires - rouges ou pas, Manchette et ses grands be-boppeurs, Harry Bosch toujours prêt pour une bonne bière et la trompette de Louis Armstrong, James Lee Burke et son zydeco cajun décoiffant. Kurt Wallander m’a un peu trop tenu la jambe avec l’opéra italien et surtout sa chanteuse préférée, Erik Winter m’a bien fait marrer en passant de Coltrane aux Clash, suivre Ellroy et ses démons n’est pas de tout repos, surtout pour mon foie, mais ce n’était rien à côté de Nick Tosches, là ça chauffait, comme avec les bouquins du Cohn. J’ai bien cru trouver le Graal chez Pelecanos, vu l’abondance des références soul chez lui, des années 50 à nos jours et peut-être encore plus brûler avec Charles Resnick, malgré ses punaises de chats, surtout dans Now’s the time où l’animal indiquait ses disques préférés mais nada : toujours rien sur cette bon dieu de gratte. Les frenchies se débrouillaient pas si mal avec la musique, polardeux ou provocateur crypto-célinien. Ils aimaient bien la vraie musique, Bo Diddley, Django, Lady

day, le jazz bien glaireux et le festival de Vienne, mais toujours pas de six cordes en vue. J’ai ensuite fouillé dans les écrits plus directement musicaux, mais noirs, forcément noirs. Un conseil : foncez d’abord sur Jazz impro de Geoff Dyer, vous comprendrez beaucoup de choses, puis passez aux autobiographies et aux superbes bouquins chez Allia et les autres. Après tout ça, toujours pas d’indice concluant sur l’obscur objet de mon enquête, c’était à la fois simple et angoissant : le sujet était inépuisable, sans fin comme le dernier mouvement de la symphonie des adieux. Donc adieu : Junille m’a bien eu, à cause de lui je vais plutôt me remettre moi-même à la guitare plutôt que rechercher celle des autres! Et quant aux livres du genre, je vous laisse poursuivre, moi j’en peux plus, voyez donc ma bibliographie. Elle n’est pas exhaustive et je suis sûr que vous allez dire : « Ouais, il a oublié truc et machin », mais regardez les quelques pépites à dénicher. Et maintenant cher lecteur : à toi de lire et de jouer!

ERIK FITOUSSI : Guitariste éclectique et esthète musical, Erik Fitoussi a accompagné à la guitare Marie et les garçons, l’un des meilleurs groupes lyonnais des années punk. Il est aujourd’hui libraire à Passages, Lyon.

la bibliographie — Theodor Adorno, Le caractère fétiche de la musique (trad. Christophe David) Allia, « Petite collection », 2001.

— Lester Bangs, Fêtes sanglantes et mauvais goût, Tristram, 2005. Psychotic reactions, Tristram, 1996.

— Jake Arnott, Crime song (trad. Colette Carrière), « 10/18 », 2005. Crime unlimited (trad. Colette Carrière), « 10/18 », 2005.

— Yves Buin, Thelonious Monk, P.O.L., « Birdland », 1988.

— Noël Balen, La planche à frissons, Mille et une nuits,2002. L’odyssée du jazz, Liana Levi, 2003. — Luc Baranger, D e r n i è r e s nouvelles du blues, L’écailler du Sud, « Spéciales », 2004.

— Lloyd Bradley, Bass culture (trad. Manuel Rabasse), Allia, « Musique », 2005. — Pamela Des Barres, Les confessions d’une groupie (trad. Julia Dorner), Serpent à plumes, « Musique », 2006. — Nik Cohn, Triksta (trad. Bernard

Hoepffner et Catherine Goffaux), l’Olivier, 200 6. A n a r ch i e a u Royaume-Uni (trad. Elisabeth Pe e l l a e r t ) , l ’ O l i v i e r, « Pe t i t e bibliothèque de l’Olivier », 2002. Awopbopaloobop Alopbamboom (trad. Julia Dorner), « 10/18 », 2001. — Michael Connelly, Wonderland avenue (trad. Robert Pépin), le Seuil, « Points Policiers », 2003. L’oiseau des ténèbres (trad. Robert Pépin), le Seuil, « Points Policiers », 2003. Les égouts de Los Angeles (trad. Jean Esch), le Seuil, « Points Policiers », 2000. La blonde en béton (trad. Jean Esch), le Seuil,

« Points Policiers », 1997. La glace noire (trad. Jean Esch), le Seuil, « Points Policiers », 1996. — Bob Dylan, Tarantula (trad. D a s h i el l H ed ay at ), H a ch et te littératures, 2001. — Geoff Dyer, Jazz impro (trad. Rémy Lambrechts), Joëlle Losfeld, 1995. — Ake Edwardson, Un cri si lointain (trad. Anna Gibson), 10/18, « Grands détectives », 2004. — James Ellroy, TOUT ! — Anthony Frewin, London blues (trad. Sylviane Lamoine), le Seuil, « Points policiers », 2001. — Peter Guralnick, Sweet soul music (trad. Benjamin Fau), Allia, 2003. Nighthawk blues (trad. Patrick Couton), Gallimard, « La Noire », 1994. — John Harvey, Derniers sacrements (trad. Jean-Paul Gratias), Rivages, « Rivages-noir », 2004. Now’s the time (trad. Jean-Paul Gratias), Rivages, « Rivages-noir », 2004. Eau dormante (trad. JeanPaul Gratias), Rivages, « Rivagesnoir », 2003. Preuve vivante, (trad. Jean-Paul Gratias) Rivages, « Rivages-noir », 2000. Lumière froide (trad. Jean-Paul Gratias), Rivages, « Rivages-noir », 1999. Off minor (trad. Jean-Paul Gratias), Rivages, « Rivages-noir », 1997. Cœurs solitaires (trad. Olivier Schwengler), Rivages, « Rivagesnoir », 1993. — Billie Holiday, Lady sings the blues (trad. Danièle Robert), Parenthèses, « Eupalinos », 2003. — Barney Hoskins, Waiting for the sun (trad. Héloïse Esquié et François Delams), Allia, « Musique », 2004. — François Joly, Les fans s’en balancent, la Branche, « Suite noire », 2006. Be-bop à Lola, Gallimard, « Folio policier », 2003.

Notes de sang, Gallimard, « Série noire », 1997. — Douglas Kennedy, Cul de sac (trad. Catherine Cheval), Gallimard, « Folio policier », 2006. — Nick Kent, The dark stuff (trad. Laurence Romance et François Gorin), Naïve, 2006. — Eddie Little, Du plomb dans les ailes (trad. Emmanuel Jouanne et Benoît Farcy), Gallimard, « Série noire », 2005. — Legs McNeil et Gillian McCain, Please kill me, Allia, « Musique », 2006. — Charlie Mingus, Moins qu’un chien, Parenthèses, « Epistrophy », 1985. — Bill Moody, Sur les traces de Chet Baker (trad. Jean-Paul Gratias), Rivages, « Rivages-Noir », 2004. — Christopher Moore, Un blues de coyote (trad. Luc Baranger), Gallimard, « Folio policier », 2005. — Marc-Edouard Nabe, Nuage, le Dilettante, 1993. L’âme de Billie Holiday, Denoël, 1992. — George P. Pelecanos, Hard revolution (trad. Etienne Menanteau), le Seuil, « Points », 2006. Soul circus (trad. François Lasquin et Lise Dufaux), le Seuil, « Points Policiers », 2005. Tout se paye (trad. François Lasquin et Lise Dufaux), le Seuil, « Points Policiers », 2004. Funky guns, (trad. Frédéric Pressmann), le Seuil, « Points Policiers », 2004. Blanc comme neige (trad. François Lasquin et Lise Dufaux), le Seuil, « Points Policiers », 2003. Suave comme l’éternité (trad. Frédéric Pressmann), le Seuil, « Points Policiers », 2002. King suckerman (trad. Frédéric Pressmann), le Seuil, « Points Policiers », 2001. — Art Pepper, Straight life (trad. Christian Gauffre), Parenthèses, « Epistrophy », 1989.

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— Ian Rankin, Le carnet noir (trad. Michèle et Frédéric Witta), Gallimard, « Folio policier », 2000. — Patrick Raynal, Le ténor hongrois, J’ai lu, 2004. — James Sallis, Bluebottle (trad. Isabelle Maillet), Gallimard, « La Noire », 2005. L’œil du criquet (trad. Isabelle Maillet et Patrick Raynal), Gallimard, « La Noire », 2003. — Luna Satie, A la recherche de Rita Kemper, Gallimard, « Folio policier », 2004. — Alain Tercinet, Be-bop, P.O.L., « Birdland », 1991. — Nick Tosches, Night train (trad. Julia Dorner), Rivages, «Rivages-noir», 2007. Fuckthelivingfuckthedead (C.D.), (trad. Julia Dorner), Allia, 2004. Dino (trad. Jean Esch), Rivages, « Rivages-noir », 2003. Héros oubliés du rock’n’roll (trad. Jean-Marc Mandosio), 10/18, « Musiques et Cie », 2003. Blackface (trad. Héloïse Esquié), Allia, « Musique », 2003. Hellfire (trad. Jean-Marc Mandosio), Allia, « Musique », 2001. Trinités (trad. Elis abeth Guinsbourg), Gallimard, « Folio policier », 2000. Country (trad. Julia Dorner), Allia, « Musique », 2000. — Marc Villard, La guitare de Bo Diddley, Rivages, « Rivages-noir », 2003. — Charles Williams, Celle qu’on montre du doigt (trad. Gilbert Sollacaro), Gallimard, « Folio policier », 2002. — John Williams, Cardiff dead (trad. Christine Raguet), 10/18, « Domaine étranger », 2006. Le prince de Galles (trad. Christine Raguet), Esprit des péninsules, 2005. Cinq pubs, deux bars et une boîte de nuit (trad. Christine Raguet), Esprit des péninsules, 2001.


8 PIQUER UNE CRISE Ou le roman noir mort de rire

*** « L’humour noir est borné par trop de choses, telles que la bêtise, l’ironie sceptique, la plaisanterie sans gravité… (l’énumération serait longue), mais il est par excellence l’ennemi mortel de la sentimentalité à l’air perpétuellement aux abois – la sentimentalité toujours sur fond bleu – et d’une certaine fantaisie à court terme, qui se donne trop souvent pour la poésie, persiste bien vainement à vouloir soumettre l’esprit à ses artifices caducs, et n’en a sans doute plus pour longtemps à dresser sur le soleil, parmi les autres graines de pavot, sa tête de grue couronnée.» André BRETON Anthologie de l’humour noir

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Mais y’en a qu’un, le meilleur, le plus grand, l’ardennais retranché, l’amoureux des mots patenté : Franz BARTELT ici nommé. Le bougre il connait la musique, sept blanches pour deux noires. Ami lecteur crois-moi il t’en fera voir de toutes les couleurs, de toutes les saveurs. Et quand il te prend par la main c’est pour mieux te perdre. Vas-y laisse-toi faire, c’est lui le capitaine, embarque et vogue le bateau, voguent les mots. Le gars qui t’emmène est de belle lignée, sacré pedigree, fils prodige de Jarry et Simenon mélangé, digne héritier d’Allais et d’Aymé, « cinémascopé » du côté de Tati, Mocky et Carné. De lui tu ne sauras rien, ou presque. Mais rien que le meilleur, ses livres. Et oui, claquemuré, à sa table de travail vissé, il bosse, il peaufine, il « orfèvre ». Compte pas sur moi pour tout analyser, décortiquer. Un « Bartelt » ça se laisse apprivoiser pour après se savourer à grandes lampées. Juste une piste, un conseil d’ami, va voir du côté du jardin du bossu, pour te familiariser. Après t’es piqué, complètement shooté, camé. Tu sais, on est déjà un paquet à s’être fait prendre dans les filets, alpagués, intoxiqués. Alors tu pourras rejoindre le cercle très prisé des Bartelt accoutumés, adhérer au front de prolifération des Franzisés. Engagez-vous qu’y disait et adhère d’un pas pressé au « Malgré lui », le seul fan club pour un auteur bestsellarisé à l’insu de son plein gré.

Illustrations : Daniel Casanave

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- Hum Humour

OUI JE M’ENGAGE (DÈS TOUT DE SUITE) À LIRE ET À FAIRE CONNAÎTRE LES ŒUVRES COMPLÈTES DE MON MAÎTRE ES HUMOUR NOIR FRANZ BARTELT. OUI JE SOUTIENS LE JARDIN ET LE BOSSU, EHO PLONQUE ET SA FAMILLE CHAOTIQUE ET TOUTE LA CLIQUE ET JE JOINS MON CHÈQUE DE SOUTIEN (100 000 $) À L’ORDRE DU « MALGRÉ LUI » SANS PLUS TARDER. POUR LUI, POUR TOI, POUR NOUS, MERCI. Jean-Marc, librairie Le cadran Lunaire, Mâcon Président du « Malgré Lui », fan-club officiel de Franz Bartelt

Le président Tongo a mauvaise réputation. Il fait souvent parler de lui. C’est un dictateur comme l’Afrique sait en produire : noir. Presque chaque mois, les institutions internationales lancent des appels à pétition pour tenter de sauver les victimes de ses jugements. Un jour, il condamne un voleur de pièces jaunes à avoir la main coupée. Un autre jour, une jeune femme qui refuse le mari qu’on lui impose est condamnée à être ensablée jusqu’au cou dans la position debout et au soleil brûlant. Un mois plus tard, un journaliste est arrêté et ses juges l’expédient à l’échafaud. Les opposants sont traqués, jetés dans les geôles, menacés de mort. Tout le monde craint le président Tongo. Pourtant, c’est un homme blessé, un père meurtri. Son fils préféré, Yamémé, souffre d’une maladie incurable. Même les médecins blancs qui l’ont examiné ont dit que Dieu seul pouvait le guérir. Tout dictateur qu’il est, le président Tongo n’en a pas moins un cœur. Et ce cœur se brise devant le paisible spectacle de l’enfant attablé dans sa chambre. Tongo sait qu’un jour, bientôt, cette image s’effacera de la surface de la terre et qu’il restera seul sur le sol africain, avec son immense douleur et ses yeux pour pleurer. L’enfant n’a plus que la force de classer des timbres dans de grands albums. Il est attentif et soigneux. Très en avance pour son âge. Douze ans. C’est encore un petit. Mais il pose sur les choses un regard déjà empreint de gravité. « Yamémé, comment te sens-tu aujourd’hui ? » demande le président Tongo. − Je vais bien », répond l’enfant en réprimant une grimace, pour ne pas inquiéter son père. Depuis quelques temps, en effet, des cailloux acérés roulent dans sa poitrine. Il sent des clous s’enfoncer dans sa tête. Ses jambes ne le portent plus. C’est pourquoi maintenant il passe les journées à ranger ses collections de timbres. C’est sa passion, sa consolation, le seul vrai remède à son angoisse. Il aurait voulu voyager, mais les marabouts comme les médecins blancs ont jugé que les fatigues du transport hâteraient sa mort. Il imagine donc les pays à travers ce que lui en montrent les vignettes postales. Il connaît surtout

les pays d’Europe. La France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, la Hollande. Il s’en récite parfois les noms à mi-voix, juste pour le plaisir de sentir se former dans sa bouche des sons merveilleux et lointains. Le président Tongo l’embrasse sur la tempe, respire son odeur. Puis, il va d’un pas lourd s’enfermer dans son bureau. Là, il pleure. Il ne peut pas s’empêcher de pleurer. Il lui semble que son corps est empli d’une incalculable quantité de larmes. Au fond, il est tendre comme la pulpe de la banane. Il est doux comme une averse du matin. Il lui arrive même de composer quelques poèmes affectueux où il parle de son enfant, de son amour, de sa peine. Enfin, ayant fait un effort terrible pour se ressaisir, il décroche le téléphone et appelle son ministre de l’Intérieur : « À partir d’aujourd’hui, décrète-t-il, tous les citoyens pesant plus de quatre-vingts kilos et qui critiqueront mon pouvoir et mes décisions auront la langue arrachée. » Il repose le téléphone. Une vague apaisante lui parcourt le corps. Ce nouveau perfectionnement de la cruauté de son régime le fait transpirer de satisfaction. Demain, les lettres de protestation arriveront par dizaine de milliers du monde entier. Et surtout d’Europe où les timbres sont si beaux.

FRANZ BARTELT : Franz Bartelt vit dans les Ardennes. Il est l’auteur d’une dizaine de romans la plupart édités chez Gallimard. DANIEL CASANAVE : Né en 1963 dans les Ardennes, Daniel Casanave, après un diplôme des Beaux-Arts de l’Académie de Reims, partage son temps entre l’illustration, la scénographie et le bande dessinée, adaptant par exemple Ubu Roi d’après Alfred Jarry éd. Les 400 coups 2001, L’histoire du soldat d’après Charles-Ferdinand Ramuz ou L’Amérique d’après Kafka éd. 6 pieds sous terre 2005 et 2006.

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Réponse : Fantasia chez les ploucs de Charles WILLIAMS, chez Gallimard (trad. Marcel Duhamel).

Histoire -2Deux ploucs pêchent le poisson-chat dans le bayou, une bière à portée de main. L’un deux sort de l’eau un bras humain et reste interloqué. - Eh, vise-moi ça ! On trouve de sacrés morceaux par ici ! - Diable ! C’est que La bouffe est chouette à Fatchakulla ! de Mr. CRABB, Ned chez Gallimard (trad. Sophie Mayoux).

De Mr. KENNEDY, Douglas chez Gallimard (trad. Catherine Cheval).

Histoire -3-

Devinette -1Je raconte les histoires d’un petit Nicolas en pension chez la famille Duck, famille vedette de « shérif fais-moi

Lors d’un vernissage d’une exposition consacrée à Jackson Pollock, un critique d’art au nez plein et au verre vide s’extasie devant une immense toile constellée du maître de l’action painting.

de Mr. GUINZBURG, Mickael chez Gallimard (trad. Daniel Lemoine).

Devinette -2Quel est le titre de cette chanson d’après la trilogie de Philippe Thirault éditée au Seuil? « Harvey n’est pas fou oh non Et même s’il aime une trucidée C’est son monde qu’est sous cach’ton Des zombis, des nymphos, des tarés »

Mon premier est une variété de godzilla qui n’aime pas le blues. Mon second est une aimable bourgade côtière lieu de résidence de mon premier. Mon tout a été écrit par un fou furieux amateur de polo à dos d’éléphant. Qui suis-je ?

Devinette -3« C’est ce qu’il y avait écrit sur la plaque fixée sur la porte Du placard à balais que je loue dans une galerie commerciale De copacabana... avant qu’on ne finisse par me piquer la porte »

A. Hémoglobine blues B. La java rouge C. Quand nous chanterons, le temps des saigneurs D. Serial Killer, mon kiffe Réponse : A

Un pigiste sans avenir décide de tout plaquer et part pour l’Australie. Arrivé sur place, il se lance dans la traversée du pays. Le désert australien, des kilomètres de pistes solitaires. Et une auto-stoppeuse. Avec un short en jean plus court que les idées d’un républicain. - Chéri, tu connais la différence entre « prendre en stop » et « être pris en otage » ? - Non ma belle, mais je suis prêt à tout pour un Cul-de-sac pareil !

Charade -1-

Réponse : Jack Tance, un privé à Rio de V.L. Fernando, éd. Ecailler du sud (trad. Richard Roux).

peur », et réputée pour son alcool de contrebande. Qui suis-je ?

Histoire -1-

- Quel talent ! Quel génie ! Ne ressent-on pas ici toute entière L’irremplaçable expérience de l’explosion de la tête !

Le lézard lubrique de Melancholy Cove de Christopher Moore, éd. Gallimard (trad. Luc Baranger).

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9 CASUS CRISI Ou les traits du roman noir

*** « Je comprends ton désir compulsif de taillader notre vie, tes canines secrètes de chien, ta peur du sang de ce loup inconnu, et ton amour de prendre la nuit, seul, comme une épreuve de force, la grâce dissimulée entre les vagues noires démoniaques. Mais tu vas regretter tout ça. » Kate BRAVERMAN Lithium pour Médée

CHAUZY Né en 1964, Chauzy commence dans l’illustration pour la presse rock indépendante avant d’être édité chez Futuropolis et Casterman. Il travaille avec les auteurs de polar Marc Villard et Thierry Jonquet, adaptant en BD notamment Rouge est ma couleur ou La vie de ma mère, parus aux éd. Casterman.

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10 PETITE BIBLIOTHEQUE NOIRE Liste de romans noirs non-exhaustive

*** « Les hommes regardaient, troublés et effrayés. Ils avaient tous tué le cochon à l’automne, dépecé et vidé des cerfs sur place dans les bois. Ils avaient vu des hommes esquintés sortir des mines sur des civières - broyés, devenus bleus par manque d’oxygène, cramés noirs par un coup de grisou. Mais aucun n’avait encore regardé un homme mourir à petit feu. » Chris OFFUTT Kentucky Straight

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LA FORET MUETTE de Pierre Pelot Verticales/Seuil Difficile de choisir un titre chez Pelot, tant ses romans noirs sont rugueux et poignants. Essayez celui-ci : respirez un grand bol d’air avant de tenir compagnie à deux bûcherons brutaux pressés de quitter une forêt sombre et pourrissante. Du grand art. TRAIN D’ENFER de Trevor Ferguson trad. Ivan Steenhout - Serpent à Plumes A sa manière, l’auteur se ré-approprie Au cœur des Ténèbres. Plus de fleuve à remonter, mais des rails à poser dans les montagnes hostiles. A travers ce microcosme du genre humain se dessine peu à peu la figure du Mal.

es t i p e p Les SHUTTER ISLAND de Dennis Lehane trad. Isabelle Maillet - Rivages Une tension et un suspens incroyables se jouent du lecteur alors qu’un jeune Marshall au passé trouble enquête sur une mystérieuse disparition. Angoisse et faux-semblants au cœur d’un pénitencier pour fous dangereux. LE FACTEUR SONNE TOUJOURS DEUX FOIS de James Caïn trad. Sabine Berritz - Gallimard « L’auteur a pris comme héros un vagabond, et ce vagabond agit comme tel : il paraît inspiré directement de la vie ; son action, ses réactions, son langage et son remords n’ont absolument rien de livresque, et ceci, à mon sens, est l’un des mérites les plus singuliers d’un livre attachant à tant d’égards. » Irène Nemirowsky. LA PEUR DES BETES de Enrique Serna trad. François Gaudry - Phébus Les voies de le rédemption sont impénétrables, surtout au Mexique. Burlesque et violent. Une charge impitoyable contre le régime politique et intellectuel du pays. 1974 de David Peace trad. Daniel Lemoine - Rivages Suivie de 1977, 1980 et 1983 : une tétralogie

NON CE PAYS N’EST PAS POUR LE VIEIL HOMME de Cormac McCarthy trad. François Hirsch - l’Olivier Une écriture sur le fil du rasoir, des dialogues magnifiquement ciselés et un shérif désabusé qui ne comprend plus le monde qui l’entoure. Superbe.

« ellroyenne » qui retrace l’affaire de l’éventreur du Yorshire. Une saisissante plongée au cœur du Mal et de la folie. Un puzzle à l’écriture impitoyable.

SYLVIA d’Howard Fast trad. Lucile du Veyrier - Rivages Intrigue banale : un détective est chargé de retrouver un mystérieuse femme pour un milliardaire qui veut en savoir plus avant de l’épouser. Mais notre détective finit par tomber amoureux de cette inconnue qui toujours lui échappe. Pas de mort ni de bagarre mais quelques bouteilles de bourbon pour ce roman noir d’amour.

LA MALEDICTION DU GITAN de Harry Crews trad. Philippe Garnier - Gallimard Melvin Molard n’a pas plus de jambes que de langue, mais il a un cœur. Bouleversant roman d’amour dans l’univers âpre et tendu des Freaks. Lire une page de Crews est comparable à l’effet que procure une suée glaciale le long de l’épiderme.

SEMPRE CARO de Marcello Fois trad. Serge Quadruppani - Seuil Se déroule dans la campagne de Sardaigne, austère et sauvage. Un avocat bucolique part chercher le meurtrier d’un paysan aisé dont la fille fréquente un berger. Ce petit roman est un superbe poème à l’âme sarde.

LONDRES EXPRESS de Peter Loughran trad. Marcel Duhamel - Gallimard Londres express, c’est le train dans lequel se retrouve un marin qui vient de rater son embarquement. Cynique aux idées « limite », le voilà coincé dans un compartiment avec une jeune fille et deux bonnes sœurs. Long monologue intérieur d’une noirceur absolue, ce chef-d’œuvre nous entraîne dans les tréfonds de l’âme humaine.

AIME-MOI CASANOVA de Antoine Chainas Gallimard Milo Rojevic est flic. Ni motivé, ni vraiment concerné, il laisse le soin de gérer les affaires courantes par son efficace coéquipier Giovanni. Mais la disparition de ce dernier le jette au cœur d’une spirale infernale : enquêter sur son « double » revient à enquêter sur lui-même. Un premier roman noir qui, comme les bonnes séries Z, joue en virtuose de la dimension symbolique.

DU LITHIUM POUR MEDEE de Kate Braverman trad. Françoise Marel - Quidam « Ce livre ne parle pas de cocaïne ou d’amphétamines à chaque ligne mais représente page après page la tension et le manque qui les caractérisent ainsi que la descente qui leur fait suite. » Rick Moody.

LA PISTE DE GLACE de Roberto Bolano trad. Robert Amutio - Bourgois Roman noir mélancolique et amours impossibles. Un écrivain chilien désabusé, un poète mexicain sans papiers gardien de camping et un membre de la mairie fou amoureux prennent tout à tour la parole et nous

ouvre la porte d’un étrange bâtiment renfermant une piste de glace clandestine. 1275 AMES de Jim Thompson trad. Marcel Duhamel - Gallimard Le shérif Nick Corey est le souffre-douleur d’un village de péquenots méchants et mesquins. Bel échantillon de l’espèce humaine grouillante. Il réfléchit. Il voudrait bien faire quelque chose, mais quoi ? A moins que… « […] outrances de style, de langage et de sentiment ressemblant à s’y méprendre à des hurlements de damnés. Et parfois font penser à Henry Miller, Céline, Jarry, Caldwell et même Lautréamont » Marcel Duhamel. LE SEIGNEUR DES PORCHERIES de Tristan Egolf trad. Rémy Lambrechts - Gallimard Ce pourrait être la conjuration des crétins et de l’ignorance ; ou comment un jeune homme, en butte à la méchanceté et la bêtise sans fond d’une communauté de la Corn Belt, prend la tête d’une révolte qui se termine en cataclysme. Un roman puissant, drôle et violent, un pamphlet autant qu’une mise à mort symbolique d’une certaine Amérique.

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— LE POLAR FRANÇAIS, CRIME ET HISTOIRE D’Elfried Muller, Alexandre Ruoff La fabrique — LE ROMAN POLICIER De Siegfried Kracauer // Payot — LE POLAR AMERICAIN, LA MODERNITE ET LE MAL De Benoît Tadié // PUF — CHRONIQUES De Jean-Patrick Manchette // Rivages — MEMOIRE VIVE De Robin Cook // Rivages — DICTIONNAIRE DES LITTERATURES POLICIERES Sous la direction de Claude Mesplède Joseph K. — La revue MOUVEMENTS N°15 « Le polar : entre critique sociale et désenchantement » // La découverte

— La revue POLAR 24 numéros // Rivages — La revue TEMPS NOIRS 10 numéros // Joseph K. — LE POLAR De Jacques Baudou, Jean-Jacques Schleret Larousse — LIRE LE ROMAN POLICIER De Franck Evrard // Dunod — LE ROMAN POLICIER De Yves Reuter // Nathan, coll. 128 — LE ROMAN NOIR FRANCAIS De Jean-Paul Schweighaeuser PUF, Que sais-je ? — LA LITTERATURE FANTASTIQUE De Jean-Luc Steinmetz // PUF, Que sais-je ? — LE ROMAN POLICIER FRANÇAIS ? De André Vanoncini // PUF, Que sais-je ?

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Des polars et plus encore… L’inspecteur Chen revient

Aux auteurs, traducteurs, éditeurs, professeurs, dessinateurs, libraires et journalistes qui ont accepté, avec un bel enthousiasme, de jouer le jeu et de m’accorder un peu de leur temps ô combien précieux. Sans eux… Qu’ils reçoivent ici mes plus sincères et chaleureux remerciements.

son regard sur la Chine post-Mao, ses plats favoris ses proverbes fétiches sa modestie légendaire...

Et tout particulièrement : Francis Geffard pour avoir répondu présent. À Alexandre Edo pour ses talents de traducteur et sa disponibilité edo.alexandre@club-internet.fr À François Reynaud et Célia Vienney pour les coups de main et dépannages en tous genres. À Michel Edo pour ses poilades polarisantes. À Aude Samarut pour sa présence indispensable aux côtés de James Sallis. À Catherine Fradier pour ses précieuses pistes biographiques. À Michel Bazin pour la relecture. À celle qui est à mes côtés. Direction et Coordination : RENAUD JUNILLON, librairie Lucioles - renaud.junillon@wanadoo.fr Conception graphique : LIONEL SHILI - lescaillou@wanadoo.fr Impression : IMPRIMERIE STIPA (MONTREUIL)

Suspense derrière le mur

un thriller teinté d’espionnage la peinture d’une société totalitaire des personnages qu’on retrouve de décennie en decennie...

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Le roman noir

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Libraires indépendants, partageant la même passion du livre et de notre métier, nous avons choisi de nous rassembler en créant, en 1997, le groupement Initiales. Nous sommes aujourd’hui une quarantaine de librairies, répartie sur toute la France, et nous avons tous à cœur d’être des librairies privilégiant le conseil, l’offre plutôt que la demande, la mise en avant d’un fond important, favorisant les rencontres autour du livre et de ses acteurs. Notre volonté est d’être avant tout des « passeurs ». Par nos actions communes, nous souhaitons réaffirmer le rôle essentiel du livre comme outil de connaissance, de réflexion et de liberté et affermir dans la diversité leur présence dans la vie culturelle. C’est dans cette optique que, depuis sa création, Initiales a édité différents dossiers autour d’auteurs - tels que Julien Gracq, Samuel Beckett, René Fallet, Raymond Carver, Jorn Riel, Nancy Huston, Mario Rigoni Stern, Annie Saumont, Raymond Queneau, Pierre Michon, André Dhôtel, Jacques Séréna – ou de thématiques – littérature Algérienne, Africaine, des Etats-Unis et du Canada, Humour, Littératures de l’Imaginaire, Le roman noir. Nous avons également publié, généralement en cadeau de fin d’année, des textes inédits de MartinWinckler, Erri De Luca, Dany Laferrière, Philippe Claudel, Hubert Mingarelli, Elwood Reid, Patrick Deville, Christian Garcin ou encore Russell Banks. Dossiers et nouvelles vous sont offerts dans chacune de nos librairies sur simple demande. Pour connaître la librairie Initiales la plus proche, pour découvrir nos coups de cœur et nos prochaines rencontres, il suffit de se rendre sur le site www.initiales.org. A très bientôt, Les libraires Initiales

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