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PROPOSITIONS POUR LE QUÉBEC AVRIL 2014
GEDI.CA
INTÉGRITÉ SERVICE DE LA DÉMOCRATIE PRAGMATISME TOLÉRANCE ESPRIT D’INITIATIVE
TABLE DES MATIÈRES TABLE DES MATIÈRES
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INTRODUCTION 4 éducation 5 Institutions démocratiques
13
Aménagement urbain et transport collectif
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Vers un système en meilleure santé
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Développement économique et innovation
32
Développement durable
44
Accès au marché du travail
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Finances publiques
53
Question nationale
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Lutte à la Pauvreté
66
Arts et culture
76
ENVIRONNEMENT ET CHANGEMENTS CLIMATIQUES
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INTÉGRATION DES IMMIGRANTS
86
Ressources naturelles
90
CONCLUSION 99 remerciements 100
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INTRODUCTION À propos de Génération d’idées
C’est toujours animés par leurs valeurs d’intégrité, de service de la démocratie, de pragmatisme, de tolérance et d’esprit d’initiative que de nombreux bénévoles de Génération d’idées ont entrepris, il y a plus de deux ans, la tâche colossale de réunir en un seul recueil les propositions qui leur semblaient les plus porteuses pour l’avenir du Québec. Pour les élaborer, ils se sont basés sur les nombreuses idées émises au fil des 6 ans d’existence de l’organisme au travers des dizaines de Remue-GEDI, des cinq revues, du site Internet et, surtout, des deux Sommets tenus en 2010 et 2011. Par un travail rigoureux de recherche, ils ont peaufiné ces idées et y ont ajouté leur grain de sel pour parvenir à ces 200 propositions déclinées en 14 thèmes, allant de la santé au développement durable en passant par le développement économique, la lutte à la pauvreté et l’éducation.
Génération d’idées est une organisation à but non lucratif, indépendante et non partisane dont la mission est d’offrir à la relève un espace dans lequel elle peut contribuer activement à l’avancement de notre société. Conscient de l’apport de la diversité des opinions, cet espace encourage les regards nouveaux sur les enjeux politiques, sociaux, économiques et culturels propres à notre société. Il valorise l’expression des opinions divergentes et stimule l’innovation émergeant de la confrontation de celles-ci. Animé par la conviction de l’importance pour la relève d’investir le débat public, Génération d’idées se veut donc un incubateur d’idées porteuses pour l’avenir de notre société et un porte-voix qui les exprime au nom de notre génération au sein du débat public.
Ce recueil de propositions ne prétend pas détenir toutes les solutions, mais se veut plutôt une base de discussion appuyée de données factuelles et d’exemples concrets afin de poursuivre le débat public sur les pistes d’avenir pour bâtir un Québec à la hauteur des aspirations de ses citoyens. Ses auteurs et idéateurs espèrent que ce recueil contribuera à rehausser la qualité des discussions et à ramener à l’avant-plan certains enjeux chers aux 20-35 ans, comme l’éducation, le développement durable et la confiance en les institutions démocratiques.
Pour garantir ce rôle d’acteur public, Génération d’idées mise à la fois sur la mobilisation et l’activisme de ses membres, ainsi que sur un dialogue intergénérationnel
C’est donc avec espoir qu’un meilleur Québec peut émerger d’une réflexion approfondie sur les enjeux cruciaux auquel il est confronté que Génération d’idées lance cette série de propositions. Nous vous invitons maintenant à prendre part au débat en apportant votre contribution à cet édifice qui, nous le souhaitons, mènera notre société vers un avenir plus prospère, équitable, démocratique, ouvert, innovant, créatif et durable.
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éducation Génération d’idées mieux travailler. Ces ressources additionnelles permettront, entre autres, de miser sur des programmes d’intervention précoce en lecture, l’ajout de ressources spécialisées et la mise sur pied de programmes d’accompagnement afin de prévenir le phénomène du décrochage.
L’éducation est la pierre angulaire de la prospérité d’une société, tant sur le plan économique que sur les plans social et démocratique. Sans vouloir nier certains progrès récents ainsi que quelques bonnes nouvelles telles que la bonne performance des étudiants québécois aux examens du PISA en mathématiques, les dernières années ont permis de constater des résultats décevants de notre système scolaire en matière de décrochage, de maîtrise du français et d’acquisition de connaissances générales. De plus, à la fois cause et symptôme de certains des ratés actuels de notre système d’éducation public, le réseau privé continue de gagner du terrain face au public. Aussi, la réforme de l’éducation sur laquelle on comptait pour endiguer une partie des problèmes n’a pas donné les résultats escomptés.
B. Mettre fin au décrochage chez les jeunes professeurs Un témoignage récurrent vise l’organisation du travail dans l’éducation. Le travail serait structuré d’une telle manière que les tâches et le contrat de travail sont souvent si inflexibles, qu’il devient démotivant pour l’enseignant d’enseigner, enlevant ainsi un espace d’initiative et de créativité nécessaire pour celui-ci. En ce sens, le fonctionnement des conventions collectives devrait être revu de manière à laisser plus de liberté à l’enseignant dans la réalisation de son projet éducatif. L’expertise de l’enseignant devrait être pleinement reconnue et une conséquence logique de cette reconnaissance est que le MELS devrait moins s’immiscer dans la pédagogie et la façon dont les enseignants diffusent leur contenu en classe3.
Pourtant, l’étude du fonctionnement du système d’éducation d’autres nations qui connaissent du succès en matière d’éducation démontre qu’il existe des solutions applicables dans le contexte québécois. Notamment, pour augmenter la qualité de notre système d’éducation, il est nécessaire de sélectionner les futurs professeurs parmi les meilleurs candidats et de valoriser le rôle de l’enseignant1.
Il paraît aussi important de s’attaquer au problème de la précarité et de l’instabilité d’emploi qui touche présentement près de 40 % du personnel enseignant et dont les impacts se font surtout sentir chez les jeunes enseignants. Les nouveaux enseignants au statut précaire se voient souvent affectés à des tâches d’enseignement dans des disciplines différentes de celles pour lesquelles ils ont été formés. Pour arriver à compléter leur tâche, ils peuvent être amenés à enseigner dans plusieurs établissements différents en même temps et on leur refile souvent les groupes les plus difficiles. De plus, plusieurs nouveaux enseignants ne connaissent souvent le contenu de leur tâche que quelques jours avant la rentrée des classes. C’est environ 20 % des nouveaux enseignants au statut précaire qui abandonnent l’enseignement dans les cinq premières années passées sur le marché du travail4.
Dans les pages qui suivent, nous exposerons des propositions dans le but de revaloriser le rôle de l’enseignant au Québec. Nous ferons également des propositions pour mettre un frein à l’exode des étudiants du système public vers le privé et nous discuterons de la façon de rééquilibrer la réforme afin d’en améliorer les résultats. Enfin, nous aborderons aussi des pistes de solutions touchant à d’autres problématiques en éducation, dont celle du sous-financement de l’éducation postsecondaire.
1. Revaloriser le rôle de l’enseignant A. Donner aux enseignants les outils pour travailler
Pour pallier à ce problème, il faut repenser la façon dont les tâches sont attribuées. Il serait également approprié de revoir les quotas d’admission dans les facultés d’éducation pour mieux les arrimer en fonction des besoins à combler (cf. section sur hausser les standards d’admission). Par ailleurs, les commissions scolaires devraient tenter d’améliorer leur mode de fonctionnement en ce
Constatant des coupures de 180 millions dans le système d’éducation en 20112, Génération d’idées propose de réinvestir dans le système d’éducation publique au primaire et au secondaire, de manière à donner aux écoles et aux enseignants des outils pour
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1. 2. 3. 4.
http://mckinseyonsociety.com/downloads/reports/Education/Worlds_School_Systems_Final.pdf http://www.ledevoir.com/politique/quebec/331668/quebec-coupe-800-millions http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/education/201312/01/01-4716529-un-chercheur-dresseun-portrait-inquietant-du-metier-denseignant.php Ref : http://www.youtube.com/watch?v=PGZNoVEstO0
5.
http://mckinseyonsociety.com/downloads/reports/Education/Worlds_School_Systems_Final.
qualité de l’enseignement au Québec qu’au respect de la fonction d’enseignant, qui s’élèverait désormais à titre de profession. Il n’y aurait pas d’incompatibilité entre un tel organisme et le rôle des syndicats, dont la mission est plutôt de promouvoir l’intérêt de ses membres. Cet ordre professionnel permettrait donc, à l’instar d’autres ordres professionnels, l’évaluation des professeurs, suivant les standards de rendement déterminés par l’ordre. Même si un enseignant ne satisfaisant pas aux exigences minimales de compétence établies par l’ordre pourrait à terme se voir retirer son droit d’exercer la profession, ces évaluations devraient avoir pour objectif premier de permettre aux enseignants de parfaire leurs compétences et non de menacer l’emploi du professionnel évalué. Les évaluations devraient donc être accompagnées d’une bonification de l’offre de formation continue de façon à permettre à l’enseignant d’améliorer sa pratique. La mise en place d’un ordre professionnel contribuerait également à la reprise de confiance de la population québécoise en notre système d’éducation publique et lui permettrait de s’adresser à cet organisme au besoin, plutôt que d’envoyer massivement leurs enfants vers les écoles privées, tel que constaté au cours de la dernière décennie.
qui a trait à l’embauche des nouveaux enseignants, de façon à ce que l’embauche des professeurs au statut précaire et la confirmation de leur tâche aient lieu le plus tôt possible. Enfin, il est aussi possible que certains candidats à l’enseignement arrivent à un très jeune âge sur le marché du travail, ce qui fait qu’ils ne sont pas assez bien préparés au coefficient de difficulté et à la persévérance qui sont inhérents à la poursuite de l’excellence à titre d’enseignant. Génération d’idées propose de limiter l’obtention du brevet d’enseignant aux candidats détenteurs d’un baccalauréat en enseignement et d’une maîtrise en enseignement ou aux candidats possédant un baccalauréat dans une autre discipline que l’enseignement et une maîtrise en enseignement (cf. section sur hausser les standards d’admission). Génération d’idées propose également un programme de mentorat intergénérationnel renforcé et étendu à tous les milieux scolaires. c. Assurer aux enseignants un environnement de travail empreint de respect De nombreux échanges tenus avec les enseignants et gestionnaires du réseau de l’éducation ont permis de constater que les parents se désinvestissent souvent de leur rôle d’éducateur et blâment simultanément l’enseignant pour les conséquences de ce désinvestissement. Par ailleurs, les cas rapportés d’intimidation par les parents ou par les enfants sont en hausse. Dans un tel contexte, Génération d’idées propose la mise en place de politiques de prévention en la matière et une campagne de sensibilisation de la population quant à l’importance du rôle de l’enseignant.
e. Hausser graduellement les standards d’admission à la faculté d’éducation La qualité de la formation des enseignants est liée à la qualité de l’enseignement qu’ils ont reçu. Bien que la couverture médiatique soit parfois injustement dure vis-à-vis des professeurs, on ne peut passer sous silence les nombreux reportages sur des professeurs qui ne maîtrisent pas le français ou qui maîtrisent à peine la matière qu’ils enseignent. Dans la perspective d’améliorer la qualité des professeurs et d’éviter ces dérapages qui sont coûteux sur le plan de la considération accordée à l’enseignement, Génération d’idées propose de :
d. Mettre sur pied un ordre professionnel des enseignants L’enseignement, de par son importance dans la vie des gens et dans l’essor social et économique d’une société, est une profession et devrait s’afficher telle quelle. Les enseignants ne devraient pas avoir peur des évaluations et de la mise en place de normes déontologiques applicables à l’exercice de leur profession si fondamentale à notre société. En ce sens, la mise sur pied d’un ordre professionnel qui veillerait à la protection du public et à la mise en œuvre des plus hauts standards professionnels apparaît essentielle. Cet ordre professionnel contribuerait tant à rehausser la
• Faire la promotion de la profession d’enseignant de manière à la rendre plus attrayante, notamment auprès des candidats qui ont déjà acquis un baccalauréat dans une autre matière et qui pourraient enseigner après une propédeutique d’un an suivie d’une maîtrise de deux ans; • Rehausser les exigences d’entrée dans les facultés d’éducation (cote R exigée, entrevues, examen, mise en situation,
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6. 7. 8. 9.
pdfhttp:// http://www.economist.com/node/9989914 http://mckinseyonsociety.com/downloads/reports/Education/Worlds_School_Systems_Final.pdf http://www.litteratie-quebec.com/ http://www.ledevoir.com/societe/education/330606/l-analphabetisme-au-quebec-un-fleau-pourtoute-la-societe
10. Ibid.
projet écrit, etc.) et s’assurer de sélectionner les étudiants les plus aptes à l’exercice de la profession5;
s’accommoder de la situation à une époque où la majorité des emplois se situaient dans le secteur manufacturier, il n’en va pas de même aujourd’hui, alors que la plupart des postes à pourvoir résident dans le secteur tertiaire et que parallèlement la vie se complexifie sans cesse.
• Renforcer la formation initiale des professeurs et exiger une double diplomation pour l’accès à la profession (baccalauréat dans une autre matière et propédeutique suivie d’une maîtrise spécialisée en enseignement, ou baccalauréat en enseignement et maîtrise spécialisée en enseignement).
En ce sens, il est proposé de : • Intensifier les efforts de prévention du décrochage scolaire
Toujours dans l’objectif de recruter les futurs enseignants parmi les meilleurs candidats, Génération d’idées propose de s’inspirer du modèle finlandais en diminuant les quotas d’admission dans les facultés d’éducation de façon à ce qu’ils reflètent mieux le nombre de postes à pourvoir6. En plus d’avoir pour effet de rehausser les standards de sélection, cette mesure contribuera à endiguer le problème de la précarité chez les nouveaux diplômés.
• Mettre plus de moyens dès la petite école pour l’apprentissage de la lecture • Rapprocher les familles de l’école et impliquer ces familles dans la mission de bien apprendre à lire et écrire • À l’instar de l’Ontario, faire de l’amélioration du rendement en littératie une priorité et, par conséquent, mettre en place un programme d’intervention précoce en lecture
En parallèle avec le resserrement des critères d’admission, plus de ressources devraient être investies dans la formation des futurs enseignants, de façon à s’assurer d’obtenir le meilleur de chaque diplômé et à contribuer à rendre la profession plus attrayante7. De même, un suivi plus serré des nouveaux enseignants accompagné de mentorat devrait avoir lieu lors des premières années d’exercice de la profession.
• De façon à améliorer les compétences en littératie d’une plus grande proportion de travailleurs et de travailleuses, bonifier la formation aux adultes de manière à offrir une formation complémentaire aux personnes n’ayant pas les compétences minimales en matière de lecture et d’écriture.
Enfin, en ce qui concerne les enseignants au DEP et au Cégep qui ne sont pas visés par les mesures décrites ci-dessus, l’obtention d’une formation en éducation serait quand même à encourager. Dans cette perspective, l’offre en formation continue devrait être bonifiée et des mesures incitatives devraient être mises en place pour motiver les enseignants à souscrire à cette formation.
3. Revaloriser l’acquisition de connaissances On ne peut passer sous silence les nombreuses critiques de la réforme de l’éducation et de l’approche des compétences transversales. Lancée en 2000, la réforme scolaire suscite toujours la controverse. Ses partisans continuent à défendre l’esprit du renouveau pédagogique et son approche basée sur les compétences, alors que ses opposants réclament le retour à un enseignement axé sur la transmission de connaissances. De l’avis de plusieurs, cette réforme a amené des résultats décevants, particulièrement sur le plan de l’acquisition de connaissances en français11. Les résultats des tests PISA des 10 dernières années confirment la performance de nos élèves en mathématiques et en science, mais relèvent du même coup des lacunes dans des matières telles que
2. S’attaquer à l’analphabétisme Malgré le fait que le Québec ait une économie développée et beaucoup de moyens à sa disposition, les données en matière de littératie sur une base comparée sont alarmantes. Environ 49 % des Québécois ont des difficultés de lecture, cherchent à éviter les situations où ils ont à lire et, lorsqu’ils parviennent à décoder une phrase, n’en saisissent pas forcément le sens8,9. Dans l’ensemble du Canada, cette proportion est de 42 %10. Or, si l’on pouvait
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11. http://www.ledevoir.com/politique/quebec/112055/reforme-scolaire-resultats-decevants 12. http://www.ledevoir.com/societe/education/361978/quelle-liberte-de-choix-au-juste 13. http://www.lapresse.ca/actualites/education/201210/12/01-4582543-la-fin-du-financement-desecoles-privees.php
14. http://www.mels.gouv.qc.ca/fileadmin/site_web/documents/publications/Reseaux/Ens_prive/etablissements_prives.pdf
l’histoire et la géographie. De plus, les évaluations des apprentissages portent davantage sur la réalisation de projets et l’acquisition de compétences, comme la capacité des élèves à écrire un texte cohérent ou descriptif, que sur la maîtrise de notions de base en grammaire, syntaxe ou ponctuation. Cependant, il est à noter que la réforme s’est instaurée très rapidement, sans concertation avec les enseignants, avec peu d’adaptation à la réalité québécoise et sans formation conséquente de ceux-ci pour la mettre en place, ce qui a pu amener à des résultats loin d’être optimaux.
12 % de l’ensemble des étudiants des niveaux préscolaire, primaire et secondaire de la province. Si l’on se restreint au niveau secondaire, ce taux grimpe à 20 %. Montréal est l’endroit où le taux de fréquentation des écoles privées est le plus élevé avec 30 %12. Les écoles secondaires privées misent sur des tests d’admission pour sélectionner leurs élèves; il y a là un risque sérieux de « ghettoïsation » des écoles publiques, qui pourraient devenir des endroits de moins en moins recommandables étant donné la proportion d’élèves en difficulté qu’elles abritent. En plus de l’écrémage des élèves les plus doués qui continuent d’affluer vers les écoles privées, le réseau public a vu sa proportion d’élèves handicapés ou d’élèves en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) passer de 14,8 % en 2004 à 20,1 % en 2012. Sur la même période, ce taux est passé de 2,5 % à 2,6 % dans le réseau privé13.
Bien que certains des objectifs visés par la réforme étaient louables, plusieurs d’entre eux n’ont pas été atteints à cause des difficultés d’implémentation de la réforme et parce que les moyens mis en place pour y parvenir se sont souvent montrés mal adaptés. Les activités que les élèves développent dans le cadre de la pédagogie par projet, aussi passionnantes soient-elles, ne suffiront pas à les préparer adéquatement à une vie de plus en plus complexe si elles ne sont pas soutenues par des connaissances de base.
a. Revoir le financement des écoles privées Dans ces circonstances, il est nécessaire de supporter et financer l’excellence dans le secteur public, tout en repensant le financement accordé aux écoles privées, de manière à permettre une éducation publique non seulement accessible mais également de qualité. Afin de permettre au réseau des écoles privées de s’adapter aux changements, une diminution graduelle du financement public des écoles privées est proposée, jusqu’à l’atteinte d’un niveau de financement équivalent à celui prévalant en Colombie-Britannique14. Ce faisant, le taux de financement des écoles privées, qui est présentement de 60 % de ce que reçoivent par étudiant les écoles publiques, passerait progressivement à un taux de 30 %. Il serait cependant possible pour une école d’augmenter celui-ci jusqu’à 50 % si elle accepte de choisir au moins 15 % de ses étudiants sans avoir recours à des tests de sélection. Ceci pourrait être accompli, par exemple, par l’entremise d’une loterie. Pour recevoir le financement, il faudrait bien sûr que ces écoles respectent les modalités et exigences du Ministère de l’Éducation, des Loisirs et du Sport (MELS). Par ailleurs, les contrôles en ce sens devraient être resserrés.
Génération d’idées propose un certain rééquilibrage afin de s’assurer que les élèves sachent d’abord lire, écrire et compter avant d’emprunter les chemins des autodidactes. En ce sens, la réintégration dans une certaine proportion de l’approche magistrale axée sur l’acquisition de connaissances semble souhaitable. Pour ce faire, il serait opportun de lancer un processus menant à un ajustement des programmes. Cette démarche devrait cependant être faite en impliquant, dès le départ, les professeurs, premiers concernés par tout changement à ce niveau, dans la réflexion à ce sujet afin d’assurer un bon équilibre entre connaissances et compétences, ainsi qu’une certaine flexibilité afin d’encourager aussi l’innovation pédagogique.
4. Miser sur une éducation publique de qualité Sans remettre en question l’existence des écoles privées au Québec, il est constaté que la proportion d’étudiants qui fréquentent les écoles privées est en croissance depuis les années 80. Les écoles privées ont notamment vu leur clientèle augmenter de 20 % lors de 10 dernières années pour atteindre présentement
Une telle modification du niveau de financement public des établissements d’enseignement privés aurait l’avantage de ramener sur les bancs de l’école publique une partie des étudiants l’ayant désertée pour le privé, sans toutefois menacer l’existence même
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15. Ibid 16. Ibid 17. https://www.cas.ulaval.ca/files/content/sites/cas/files/documents/Centre_documentation/Guides_ outils/ENAP_DevoirsCA.pdf
18. http://www.nytimes.com/2012/03/11/opinion/sunday/friedman-pass-the-books-hold-the-oil.html 19. http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/Budget/archives/fr/documents/1980-81_fine.pdf 20. http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/Budget/2012-2013/fr/documents/Discours.pdf
du réseau privé dans la plupart des régions du Québec15. De plus, il est peu probable que cette modification entraîne des coûts additionnels importants pour l’État. En fait, ce changement du niveau de financement public des écoles privées pourrait même se traduire par des économies pour le MELS16.
droit, en formation personnelle et sociale (touchant notamment la santé physique et mentale et la sexualité), apparaissent nécessaires pour la santé, la situation socioéconomique et l’épanouissement des personnes, et devraient donc être réintégrées au cursus scolaire. Une autre manière de favoriser l’éducation à la démocratie est de reconnaître l’engagement communautaire et d’en faire une partie intégrante de certains cours au primaire et secondaire.
b. Améliorer la gouvernance des écoles privées Enfin, puisque l’État finance en partie les écoles privées, il devrait exiger certaines règles pour la composition de son conseil d’administration. Ainsi, tout en se basant sur les meilleures pratiques en matière de responsabilité et de représentativité des administrateurs17, leurs conseils d’administration pourraient inclure notamment :
6. Investissements en éducation et sources de financement A. Investissements en éducation La principale richesse que l’on retrouve au Québec est au nombre de 7,8 millions : ses citoyens. La société dans son ensemble a avantage à tirer profit de cette ressource en investissant massivement dans ses citoyens afin de développer leurs compétences et leur plein potentiel créatif.
• un membre venant de la commission scolaire du secteur; • un membre élu par les parents; • un membre élu par les professeurs;
L’investissement dans le système d’éducation à tous les niveaux, dans les cycles post-secondaires notamment, est l’un des rares investissements où le gouvernement obtient un retour garanti. En effet, une population éduquée ayant généralement un revenu par habitant plus élevé, elle paiera conséquemment plus de taxes et d’impôts. Un tel investissement en éducation est particulièrement essentiel dans le contexte d’une nation riche en ressources naturelles, car leur exploitation a une corrélation négative avec le niveau d’éducation et la prospérité économique d’une nation18.
• un membre de la MRC; • une certaine rotation des membres. c. Encourager les collaborations entre les écoles Les quartiers, municipalités ou MRC, selon la densité de population du territoire, devraient aussi voir la mise en place de tables de concertation comprenant les écoles privées et publiques, ainsi que la commission scolaire, pour favoriser les échanges de pratiques, les projets conjoints et la complémentarité.
Les tentations sont grandes de hausser les droits de scolarité de façon arbitraire ou brusque. Par contre, dans le cadre d’une politique de saine gestion des finances publiques, ces entrées d’argent seraient négligeables vis-à-vis les sommes qui pourront être récupérés dans lutte à la corruption et aux « extras », de même que dans le contrôle de la croissance des dépenses du budget de la santé. Ce poste budgétaire siphonne les maigres entrées d’argent neuf, année après année, depuis au moins 20 ans, la proportion du budget consacrée à la santé et aux services sociaux passant de 30,6 % en 1980-1981 à 47,8 % en 2012-2013, alors que la proportion consacrée à l’éducation passait de 29,3 % à 25,5 % au cours de la même période19 20.
5. Ramener une éducation sur la citoyenneté, l’histoire et la démocratie Les connaissances des fondements de notre histoire et de notre système démocratique manquent cruellement à notre système d’éducation. En ce sens, il est proposé de mettre l’accent sur ces notions au secondaire. De plus, les notions essentielles à la citoyenneté, telles les notions de base en finances personnelles, en
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21. Le service civil constitue un investissement personnel de temps au service de la communauté pour une période de 1 à 2 ans, dans des domaines tels que l’éducation, la culture, l’environnement, la solidarité sociale, la santé, la citoyenneté et les sports.
Différentes avenues sont possibles afin de conserver les droits de scolarité abordables et s’assurer que l’État en tire également un bénéfice :
butions afin d’éviter de verser le tout dans le compte consolidé de la province. Il pourrait y avoir une proportion des revenus versés ou encore un plancher minimal lors des cycles moins avantageux. Si le gouvernement compte exploiter les éventuelles ressources pétrolières que contiendrait notre sous-sol, il sera alors impératif de disposer d’une politique claire quant aux revenus générés par ces ressources non-renouvelables.
• Indexer les droits de scolarité au coût de la vie. Il est alors plus facile d’établir les entrées d’argent futures pour les administrations des établissements. Cela évite également des crises sociales à tous les 5 ans (en moyenne) pour tenter de réajuster les frais.
Également, cette étude démontre qu’il y a une corrélation négative entre les richesses qu’un pays tire de ses ressources naturelles et le niveau de performance au test PISA de mathématiques. Lorsqu’elle devient dépendante (fiscalement, pour le marché de l’emploi, les investissements extérieurs et domestiques) à ces ressources non renouvelables, une société tend à perdre ses instincts d’apprentissage et peine à développer une culture de formation continue. Réinvestir les redevances des ressources naturelles en éducation pourrait aider à prévenir cet effet pervers.
• Instaurer un « service civil21 » pour une période de 1 à 2 ans à l’étudiant en échange d’une remise de dette d’études. • Mettre un ticket modérateur aux années d’études illimitées, tel que l’on retrouve au Danemark et en Suède, ou encore instaurer un « compte crédit » qui indiquerait combien de crédits restants peuvent être financés par l’État au niveau collégial ou universitaire.
L’apprentissage qu’on fait aujourd’hui, le système d’éducation en place aujourd’hui donne une bonne idée de la richesse et de la mobilité sociale à long terme dans cette société. Le savoir et le savoir-faire est de plus en plus la « devise » du XXIe siècle. La bonne nouvelle est que, contrairement à une devise monétaire, il est possible d’en « imprimer la quantité que nous voulons ».
• Revoir l’efficacité de la gestion de nos universités. Il ne faudrait pas que les avantages qu’on récolte maintenant en termes économiques et sociaux de la politique d’éducation des 45 dernières années ne soient sacrifiés pour une lutte à courte vue au déficit budgétaire, surtout que les hausses de droits de scolarité sont loin de pouvoir solutionner le problème du déficit structurel. Il en va d’une équité intergénérationnelle : les générations futures doivent pouvoir bénéficier d’avantages comparables à celle qui les ont précédées et doivent pouvoir miser sur un niveau d’éducation élevé. Il leur faut, de la même façon que leurs prédécesseurs, tous les outils possibles au maintien ou au développement de leur situation et de leurs possibilités.
Le Canada se classe encore bien malgré sa situation de pays riche en ressources naturelles, car il a des stratégies de réinvestissement de ses dividendes dans l’éducation et autres programmes sociaux. Peut-on faire mieux au niveau provincial ? L’exploitation des ressources naturelles peut représenter une opportunité unique de contribuer à élever le niveau de vie d’une population, à condition que celui-ci s’élève via l’accès à l’éducation et l’établissement d’une culture de formation continue.
B. Financement et exploitation des ressources naturelles Une idée intéressante de financement de l’éducation issue de la même étude de l’OCDE pourrait s’appliquer très bien au contexte québécois : réinvestir les redevances tirées de l’exploitation des ressources naturelles dans l’éducation. Le gouvernement le fait déjà en partie via certaines contributions au « Fonds des générations » en vue de la réduction de la dette provinciale, mais il faut une politique plus claire et ferme et un compte dédié à ces contri-
7.Décentraliser la gouvernance en éducation Il ne semble pas utile d’abolir les commissions scolaires au Québec. En effet, des organismes de coordination et de représentation régionaux sont nécessaires entre le Ministère de l’Éducation
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22. Réforme pedago-industriel de J Facal 23. http://lesdroitshumainsaucoeurdelacite.org/spip.php?article14 24. http://www.ledevoir.com/politique/montreal/369458/le-budget-participatif-pour-changer-la-vie-et-laville
25. École communautaire : http ://www.fcsq.qc.ca/Perfectionnement/Congres/Congres-2005/ html/ forum_planif-6.htm ; http ://www.fcsq.qc.ca/dossiers/ecole-communautaire/_pdf/modele-americain. pdf ; ; http ://www.fcsq.qc.ca/Publications/Savoir/Decembre-2004/Savoir-Page-16.pdf ; http ://www. mels.gouv.qc.ca/lancement/ecole_communautaire/446909.pdf 26. États-Unis - Conseils pour la mise en oeuvre de l’enseignement extrascolaire : http ://observgo.uquebec.ca/observgo/fichiers/89576_State_Guide.pdf 27. Conseil de la famille et de l’enfance (2000), Pour une plus grande complicité entre les familles et les écoles, Gouvernement du Québec, p.22. 28. Goupil, G. (2007), Les élèves en difficulté d’adaptation et d’apprentissage, 3e édition, Montréal : Gaëtan Morin éditeur, p.316.
et l’école elle-même. Cependant, ces commissions scolaires devraient délaisser certains pouvoirs au profit des écoles, dont entre autres l’embauche du personnel, de manière à favoriser l’autonomie de chaque école et rendre les établissements plus responsables et imputables de l’atteinte de leurs objectifs. Par ailleurs, l’existence de Régies régionales du ministère de l’Éducation, qui dédoublent essentiellement le travail déjà effectué par les Commissions scolaires, pourrait être à revoir.
munautaire25 et la valorisation de l’enseignement extrascolaire26 pourraient répondre, du moins en partie, à ces aspirations et fourniraient des pistes intéressantes pour la suite de la réflexion. Par ailleurs, les responsabilités éducatives se partagent entre l’école et les parents. En effet, « lorsque les parents s’investissent dans leurs fonction parentale, valorisent les études et transmettent des aspirations élevées à leurs enfants, tout en leur imposant des règles et des exigences fermes et en leur assurant une présence chaleureuse, ils augmentent leurs chances de réussite27 ». Ainsi, conscients de l’importance capitale des parents dans la réussite éducative de leurs enfants, il faut impliquer les parents davantage en valorisant la relation parents-professeur-élève dans des cycles d’enseignement plus long (deux ou trois ans plutôt qu’un enseignant différent par année scolaire). De cette manière, tous les acteurs auraient plus de temps pour se connaître et le lien n’aurait pas à être renouvelé avec de nouvelles personnes chaque année. Cette mesure est déjà en place dans certaines écoles où on retrouve des classes à niveaux multiples, ou du looping, et dans beaucoup d’écoles alternatives.
Il semble aussi souhaitable d’assurer une meilleure autonomie des écoles vis-à-vis du Ministère de l’Éducation, qui exige plusieurs formulaires et redditions de compte, ce qui détourne l’école de sa fonction principale, soit celle d’instruire ses élèves. Une diminution de la bureaucratie venant du ministère permettrait aux écoles de performer plus librement et efficacement22. Parallèlement à cette décentralisation, de façon à encourager l’implication des parents et des autres acteurs du milieu scolaire concerné par la réussite de la mission éducative des écoles, Génération d’idées propose de s’inspirer du Brésil et de plusieurs pays d’Europe en implantant des budgets participatifs. Cette façon de déterminer certaines des priorités budgétaires des établissements a l’avantage de faire collaborer un grand nombre d’intervenants du milieu tout en donnant aux individus une responsabilité personnelle favorisant le sentiment d’appartenance au projet2324.
Il est aussi proposé d’établir une meilleure communication enseignants-parents au moyen d’agenda, de courriels hebdomadaires, d’appels téléphoniques, de rencontres ou autres dans une perspective de coéducation. Il est primordial « d’établir le plus tôt possible dans l’année scolaire des contacts avec les parents avant que ne survienne une situation problématique […] pour faciliter les contacts qui se révéleront dans des circonstances plus difficiles28 ». Il devient alors important de miser, dès le début de la scolarisation et encore plus dans le cas des élèves en difficulté, sur les forces de la famille, les compétences des parents et d’éviter une relation basée sur le blâme.
8. Soutenir les efforts de l’ensemble de la société autour de l’éducation Comme le dit un proverbe africain, il faut tout un village pour élever un enfant. Dans cette logique, il est proposé de mieux arrimer l’école dans sa communauté en renforçant l’utilisation des ressources des milieux communautaires et professionnels (implication des organismes communautaires, des entreprises, conférences de professionnels à l’intérieur de l’école, stages ou visites de milieux professionnels, etc.).
Enfin, il faut miser sur un meilleur outillage des parents dans leur rôle pour favoriser l’apprentissage des enfants et augmenter le niveau socio-économique des familles défavorisées. « L’engagement des parents envers leurs enfants, tout au long du cheminement scolaire, est un élément indéniable de la réussite des jeunes. Plusieurs recherches démontrent que l’effet de l’engagement parental est durable et qu’il se répercute sur les attitudes et les comportements des jeunes à l’égard de l’école et du travail scolaire, sur leur persévérance, sur leurs résultats scolaires ainsi que sur
Il s’agit de faire en sorte que les occasions d’apprendre ne s’arrêtent surtout pas aux murs des écoles et que toute une communauté soit partie prenante de l’évolution de ses apprenants. L’éducation devient une force collective… Le principe d’école com-
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29. 30. 31. 32.
MEQ (2004), Rapprocher les familles et l’école primaire. Québec : ministère de l’Éducation, p.2. MEQ (2004), Rapprocher les familles et l’école primaire. Québec : ministère de l’Éducation. Centre de la petite enfance, sur Wikipedia, consulté le 23 novembre 2012 Pierre Fortin, Luc Godbout, Suzy St-Cerny, L’impact des services de garde à contribution réduite du Québec sur le taux d’activité féminin, le revenu intérieur et les budgets gouvernementaux, Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques, février 2012. 33. http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2014/02/20/005-garderie-augmentation-tarif-cpebudget.shtml, mai 2010.
leur développement global. […] La collaboration entre l’école et les parents permet à l’école de mieux comprendre la situation des familles et de répondre à leurs besoins, en s’alliant, entre autres, avec la communauté. Les liens qu’établit l’école avec la communauté permettent d’accroître grandement l’efficacité et la complémentarité des actions entreprises par l’école29 ».
anticipés. Ce réseau n’est néanmoins pas facilement accessible, vu son coût, pour les personnes à plus faible revenu, qui étaient pourtant les premières visées par la mise sur pied du réseau de garderies à contribution réduite. Une récente étude réalisée par la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques32 démontre que chaque tranche de 100 $ investi par le gouvernement dans les services de garde à contribution réduite amène des revenus fiscaux de 104 $ pour le gouvernement du Québec et de 43 $ pour le gouvernement fédéral. De plus, les enfants ayant pu bénéficier de ce milieu propre à stimuler leur développement auront moins de difficulté d’apprentissage et d’insertion sociale, un bénéfice important pour les enfants comme pour l’ensemble de la société. Un des enjeux des années à venir consistera en l’ajustement, ou non, de la tarification afin d’équilibrer les bénéfices issus de ce réseau et la rentabilité observée jusqu’à maintenant. En février 2014, à la veille des élections provinciales, le gouvernement du Parti québécois a annoncé vouloir augmenter les tarifs à 8 $ par jour dès septembre 2014, et 9 $ en septembre 2015, suivi d’une indexation annuelle par la suite. Le budget n’ayant pas été adopté, il faudra voir si cette mesure sera reprise par le parti qui formera le prochain gouvernement33.
À cet égard, le MEQ (2004), dans le cadre du programme « L’école montréalaise », a soulevé quatre domaines de collaboration qui pourraient servir d’outil pour une réflexion plus poussée dans le domaine de l’éducation, et plus spécifiquement de l’implication des parents. Il s’agit de : 1) diversifier et faciliter la communication ; 2) faciliter l’exercice du rôle parental ; 3) encourager la participation des parents à la vie de l’école ; et 4) collaborer plus étroitement avec la communauté pour répondre aux besoins des familles et des jeunes30.
9. Donner accès aux garderies à contribution réduite à tous les parents, et prioritairement à la clientèle à revenus modestes
Considérant ces différents arguments, il est proposé de compléter, le plus rapidement possible, le développement du réseau de service de garde à contribution réduite, en faisant bien attention d’attribuer les places prioritairement dans les quartiers plus défavorisés et dans ceux où le nombre de places disponibles par enfant de 0 à 4 ans est le moins élevé. On doit aussi coordonner leurs emplacements avec les objectifs d’urbanisme et de transport énoncés dans la section consacrée à ces thématiques.
Mis sur pied en 1997, le réseau de garderies éducatives à contribution réduite, ou « garderies à 5 $ », a été créé à l’origine avec une triple mission31 : • voir au bien-être, à la santé et à la sécurité des enfants qui leur sont confiés • leur offrir un milieu de vie propre à stimuler leur développement sur tous les plans, de leur naissance à leur entrée à l’école
Le développement se fera prioritairement dans le réseau des CPE. Du côté des garderies du réseau privé, le développement se fera avec l’objectif d’arrimer leur fonctionnement avec les CPE en termes de programme éducatif offert comme de gouvernance. Le mode de gouvernance encouragé fera ainsi place à l’implication des parents.
• prévenir l’apparition ultérieure de difficultés d’apprentissage, de comportement ou d’insertion sociale. Or, au fil des années, le programme s’est révélé tellement populaire que le nombre de places ne suffit pas à la demande. Un réseau parallèle de services de garde s’est développé, dont les coûts, entièrement assumés par les parents, peuvent mener à l’obtention d’un crédit d’impôt sujet à un remboursement par versements
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Institutions démocratiques génération d’idées Contexte
• Représentativité et impartialité des institutions démocratiques;
Entre corruption et collusion, entre les révélations de la Commission Charbonneau et les arrestations de l’Unité permanente anticorruption, la confiance des Québécois envers leurs élus est mise à mal. Et ça ne date pas d’hier. Déjà, en 2010, un sondage Angus Reid réalisé pour le compte du journal La Presse révélait que « 85 % des Québécois [faisaient] peu ou pas du tout confiance » aux politiciens et que « près de 9 électeurs québécois sur 10 se [disaient] «adécouragés ou rebutés» par les politiciens. »34
• Participation accrue des citoyens à la vie politique; • Lutte à la corruption, à la collusion et aux conflits d’intérêt.
Propositions 1. Assurer un financement entièrement public des partis politiques
Les effets de cette crise de confiance sont nombreux et inquiétants : faibles taux de participation aux élections, dons aux partis politiques en chute libre35, difficulté à attirer une relève politique… La situation inquiète grandement les jeunes, comme en fait foi les hauts taux de participation à tous les ateliers portant sur la question lors des Sommets Génération d’idées 2010 et 2011.
Il y a plus de 35 ans, le Québec faisait le choix, avec l’adoption par le gouvernent Lévesque de la Loi sur le financement des partis politiques, d’éviter la possibilité de conflits d’intérêts en interdisant aux entreprises, syndicats et groupes de pression de donner de l’argent aux partis politiques.36 Or, les révélations de la Commission Charbonneau nous permettent de constater que, malgré ces règles strictes, des voies de contournement ont été trouvées par plusieurs organisations pour obtenir des retours d’ascenseurs en échange de financement illégal, dont les prête-noms, les ristournes, les élections clé-en-main et les désormais célèbres « enveloppes brunes ».37,38
Parmi les solutions proposées lors des deux Sommets, la grande majorité laissait entrevoir la nécessité de revoir en profondeur plusieurs mécanismes propres à nos institutions démocratiques.
Objectifs et principes
Depuis le début de ces révélations, plusieurs gestes ont été posés afin de rendre le contournement de la loi plus difficile. Notamment, de 3 000 $, le montant maximal de don par personne est passé à 1 000 $, puis 100 $ au provincial39 et 300 $ au municipal.40 Si ce sont des pas dans la bonne direction, il semble nécessaire d’aller plus loin en révisant plus en profondeur le système de financement afin de s’assurer de contrer les conflits d’intérêts, mais aussi d’assurer plus d’équité entre les partis établis et les partis émergents.
Vision: Doter le Québec d’institutions démocratiques aptes à favoriser la transparence, la représentativité, la participation des citoyens et la confiance envers le système politique. Objectifs : • Rapprocher les citoyens de leurs élus et des décisions qui les concernent; • Rebâtir le lien de confiance entre les citoyens et leur système démocratique.
En ce sens, il est d’abord proposé d’interdire toute forme de financement privé des partis politiques en rendant ce financement complètement public et ce, à tous les paliers gouvernementaux et pour toutes les activités des partis politiques. Considérant qu’auparavant plus de 75 % du financement était public, au moyen du crédit d’impôt remis aux donateurs et du financement direct accordé par nombre de votes, et qu’il est maintenant plus élevé
Principes : • Transparence de l’information; • Accès à des données fiables et non partisanes;
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34. http://www.cyberpresse.ca/actualites/quebec-canada/politique-quebecoise/201005/07/014278043-les-politiciens-ninspirent-pas-confiance.php 35. « Dons aux partis politiques – une chute inquiétante », Josée Boileau, ledevoir.com, 28 juin 2010. http:// www.ledevoir.com/politique/quebec/291648/dons-aux-partis-politiques-une-chute-inquietante 36. La loi de René Lévesque, sur Radio-Canada.ca, 8 décembre 2012, http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Politique/2010/12/08/001-financement-quebec.shtml 37. Philippe-Vincent Foisy, Commission Charbonneau : l’heure est au bilan, dans Métro, 20 juin 2013, http://journalmetro.com/dossiers/la-commission-charbonneau/332389/leffet-charbonneau/ 38. François Messier, Qui a dit quoi à la Commission Charbonneau, sur Radio-Canada.ca, mis à jour le 9 janvier 2013, http://www.radio-canada.ca/sujet/visuel/2013/01/09/002-commission-charbonneaurevelations.shtml 39. Directeur général des élections, Réforme du financement des partis politiques du Québec – Le maximum de contribution permis au palier provincial est maintenant de 100 $, 1er janvier 2013, http:// www.electionsquebec.qc.ca/francais/actualite-detail.php?id=5329 40. Jean-Marc Salvet, Nouvelles règles de financement des partis politiques municipaux, dans Le Soleil, 12 mars 2013, http://www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/politique/201303/12/01-4630350-nouvellesregles-de-financement-des-partis-politiques-municipaux.php 41. Paul St-Pierre Plamondon, Des jeunes et de l’avenir du Québec, Éditions Les Malins, 2010 42. Unité permanente anticorruption, www.upac.gouv.qc.ca
43. Jean-Louis Fortin, Félix Séguin, Andrew McIntosh, 37 suspects arrêtés par l’UPAC, sur TVA Nouvelles, 9 mai 2013, http://tvanouvelles.ca/lcn/infos/faitsdivers/archives/2013/05/20130509-063354.html 44. Michael Applebaum fait face à 14 chefs d’accusation, sur Radio-Canada.ca, 17 juin 2013, http:// www.radio-canada.ca/nouvelles/societe/2013/06/17/001-michael-maire-applebaum-montreal-arrestation-upac.shtml 45. Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, https://www.ceic.gouv.qc.ca/
vu le faible montant des contributions permises, le financement totalement public n’entraînerait pas de dépense publique additionnelle significative, et permettrait d’interdire toute transaction financière entre des organisations, particuliers et les partis politiques. Le financement deviendrait ainsi totalement transparent. De plus, le financement public libérerait les partis politiques de l’obligation de consacrer du temps et des ressources à la levée de fonds, permettant de consacrer plus de ressources à l’exercice de la démocratie au sein des partis et aux liens avec la population. Les tâches de contrôle du Directeur général des élections à cet effet pourraient aussi être consacrées à d’autres fins, comme le renforcement des mécanismes démocratiques.
l’apparition de mécanismes potentiels de corruption, collusion ou conflits d’intérêts, comme le Directeur général des élections et le Vérificateur général. Afin d’assurer une meilleure coordination et collaboration entre ces instances, il est proposé de mettre sur pied un comité permanent et indépendant se réunissant régulièrement pour assurer une veille sur les moyens de lutte à la corruption, à la collusion et aux conflits d’intérêt. En plus des instances ci-haut mentionnées, ce comité pourrait notamment comprendre d’anciens élus, juges ou commissaires, ainsi que des organisations de la société civile intéressées par ces questions. Le mandat de ce comité pourrait inclure :
Pour assurer une meilleure équité entre les partis, deux ajustements seraient aussi prévu à ce financement public. Le premier consisterait à ce que le financement, basé sur le nombre de votes reçus aux élections, suive une progression logarithmique de façon à ce que les partis en émergence reçoivent davantage d’argent par vote que les partis établis, leur donnant ainsi une meilleure chance de se mesurer à ces partis.41 Le deuxième viserait à contrer l’impossibilité de créer de nouveaux partis, vu l’absence complète de financement pour ceux-ci, en leur permettant de recueillir des fonds jusqu’à un maximum par contribution, avec un plafond, ce jusqu’à ce que des élections leur permettent d’avoir accès au financement public.
• Une veille sur le niveau de rémunération des hauts cadres de la fonction publique et des sociétés d’État, des élus et des membres du système judiciaire requis afin de diminuer la corruption et les conflits d’intérêts • Un ajustement continu du niveau de sanctions requis et des membres du secteur public assujettis à ces sanctions • Une veille sur les secteurs à surveiller et sur les nouveaux mécanismes de corruption potentiels (à la manière, par exemple, de la lutte antidopage) • Un échange sur les bonnes pratiques et la mise en place, si pertinent, de nouvelles instances, projets ou mécanismes de lutte à la corruption, à la collusion et aux conflits d’intérêt
2. Mettre en place une instance de lutte à la corruption, à la collusion et aux conflits d’intérêt
• Tout autre élément jugé pertinent pour assurer le Québec de demeurer à l’avant-garde dans la lutte à la corruption, la collusion et les conflits d’intérêt
La mise sur pied, en 2011, de l’Unité permanente anticorruption (UPAC)42 s’est révélée une excellente initiative qui a entre autres mené à l’arrestation de plusieurs politiciens, membres de la haute fonction publique et employés d’entreprises, dont l’ex-maire de Laval, Gilles Vaillancourt43, et le maire par intérim de Montréal, Michael Applebaum.44 Parallèlement, la Commission Charbonneau45 permettra de faire le point sur les mécanismes sous-jacents aux systèmes de corruption et de collusion ayant cours dans l’industrie de la construction au Québec. Plusieurs autres mécanismes et instances permettent aussi de mettre au jour et de surveiller
Le comité pourrait mettre en place les nouveaux mécanismes, si cela relève du mandat de ses membres, et émettre des recommandations publiques au gouvernement concerné, si cela sort de leurs pouvoirs. Les élus auraient l’obligation de réagir publiquement à ces recommandations, particulièrement pour expliquer, s’il y a lieu, les raisons qui empêcheraient leur mise en œuvre. Un premier mandat de ce comité pourrait être de revoir la rémunération actuelle des élus, particulièrement au palier municipal,
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46. Martine Letarte, La rémunération des élus municipaux, dans La Presse, 25 novembre 2013, http://affaires.lapresse.ca/cv/vie-au-travail/201311/25/01-4714393-la-remuneration-des-elus-municipaux.php
47. Directeur général des élections, Modalités du scrutin mixte compensatoire : le DGE illustre différentes options, 21 décembre 2007, http://www.electionsquebec.qc.ca/francais/actualite-detail.php?id=2310 48. Mouvement Démocratie nouvelle, http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/la-solution-democratiqueexiste/ 49. Prenez votre place, Rapport du comité directeur sur la réforme des institutions démocratiques, Gouvernement du Québec, mars 2013, http://www.democratie-nouvelle.qc.ca/wp-content/uploads/2013/01/ rapport_finalcomitedirecteuretatsgenerauxmars2003.pdf
où dans certains villes et villages les postes de conseillers et même de maires ont des salaires si faibles qu’ils entraînent l’obligation d’avoir d’autres sources de revenus.46 Si dans certains cas la grandeur de la ville justifie un emploi à temps partiel, il demeure important de s’assurer que lorsque les responsabilités entraînent une tâche à temps plein, le salaire soit suffisant pour diminuer les risques de corruption.
loi en ce sens soit enfin adoptée. Néanmoins, vu la situation de gouvernement minoritaire, cette loi a été contournée par le gouvernement même qui l’a proposée , celui-ci ayant demandé une dissolution hâtive du gouvernement selon son propre échéancier. L’ajout de modalités à cet égard, tel que proposé précédemment, serait donc à prévoir. Des sanctions devraient aussi être mises en place pour éviter des dérogations, comme ça a été le cas au palier fédéral récemment.
3. Assurer le respect des élections à date fixe
4. Réformer le mode scrutin
Sans des élections à date fixe, le parti au pouvoir dispose d’un avantage indu sur ses opposants en déterminant le déclenchement des élections au moment qui lui convient le mieux. Cette tradition ne sert pas le bien commun, mais plutôt le bien du parti au pouvoir, seul à maîtriser ainsi l’échéancier. Les autres partis doivent disposer de la même chance que le parti au pouvoir et connaître, longtemps à l’avance, la date du déclenchement des élections. Cela permettrait à tous les partis de disposer de disposer du même temps pour se préparer aux élections en finalisant leur plateforme, en louant salles et autobus, en mobilisant les bénévoles…
Le mode de scrutin serait en partie responsable de la désaffection de la population pour les élections. En effet, le mode de scrutin majoritaire uninominal à un tour semble régulièrement accentuer l’impression que certains votes « ne comptent pas ». Dans certains comtés où un parti semble assuré de gagner, des citoyens ne se présenteront pas aux urnes, convaincus que leur vote n’aura aucun impact. Et ce, même si l’élection est très serrée et que ceuxci souhaiteraient participer à la nomination du gouvernement. De même, il est arrivé que le parti qui remporte le plus de votes aux élections ne soit pas celui qui soit élu, puisqu’il a remporté moins de sièges vu la concentration de son vote dans certaines circonscriptions.47 Finalement, ce mode de scrutin rend difficile la représentation des plus petits partis, dont le vote est disséminé d’une circonscription à l’autre, ne permettant l’élection que de peu voire pas de députés.
De plus, des élections à date fixe simplifient grandement les démarches du Directeur général des élections pour organiser les élections, en plus de préparer l’ensemble des citoyens, de la société civile et des médias à l’arrivée des élections. Finalement, cela permet de mettre fin à la spéculation constante sur l’arrivée prochaine d’élections, qui crée beaucoup d’incertitudes pour la réalisation de projets, notamment en termes d’appui financier.
Pour améliorer la proportionnalité tout en préservant une importance à la représentation régionale, plusieurs alternatives ont été proposées au fil du temps, dont le scrutin mixte compensatoire48, où certains députés sont élus par circonscription et d’autres à partir d’une liste nationale ou régionale permettant de compenser pour atteindre une meilleure proportionnalité par parti, et la proportionnelle régionale49, où plusieurs députés sont élus par circonscription. Évidemment, dans les deux cas, les circonscriptions s’avéreraient plus grandes de façon à maintenir un nombre similaire de députés élus. Si elles diminuent la représentativité régionale, ces solutions permettent de la maintenir en partie tout en améliorant l’adéquation entre les votes exprimés pour chacun des partis et la place qui leur revient à l’Assemblée nationale. L’intro-
Dans le cas de gouvernements minoritaires, il est proposé de sanctionner tout gouvernement demandant une dissolution du parlement selon sa convenance, comme ça a été le cas en 2014. Ainsi, un gouvernement minoritaire pourrait être dissout à la suite d’un vote de confiance, par exemple lors de la présentation du budget, mais devrait sinon attendre l’expiration de son mandat. Plusieurs partis se sont engagés, au fil des ans, à instaurer des élections à date fixe, mais il aura fallu attendre juin 2013 pour qu’une
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50. Directeur général des élections, Les modalités d’un mode de scrutin mixte compensatoire, décembre 2007, http://www.electionsquebec.qc.ca/documents/pdf/DGE-6360.pdf 51. Louis Massicotte, À la recherche d’un mode de scrutin mixte compensatoire pour le Québec, Gouvernement du Québec, 2004, http://www.institutions-democratiques.gouv. qc.ca/publications/mode_scrutin_rapport.pdf 52. Léa Clermont-Dion, Monsieur Lisée : pourquoi je ne voterai pas stratégiquement, dans Le Devoir, 26 août 2012, http://voir.ca/lea-clermont-dion/2012/08/26/monsieur-lisee-pourquoi-je-ne-voterai-passtrategiquement/
53. Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale, 2010, http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=5&file=2010C30F.PDF 54. Commissaire à l’éthique et à la déontologie, http://www.ced-qc.ca/fr/mission.shtml 55. Hugo Pilon-Larose, SAQ : autre nomination partisane du PQ, dans La Presse, http://www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201304/10/01-4639656-saq-autre-nomination-partisane-dupq.php
duction de la proportionnalité augmente les chances de voir apparaître des gouvernements minoritaires, ce qui peut être déploré par certains, parce que cela donne parfois la balance du pouvoir à certains partis plus petits et crée des gouvernements de moins longue durée. Néanmoins, cela amène aussi les partis à discuter et à négocier davantage qu’une situation majoritaire.
une partie participative où les citoyens apporteraient leurs idées dans la définition des enjeux locaux et provinciaux et dans la recherche de solutions novatrices. Cela permettrait aussi de nourrir le travail des élus. Afin de maximiser l’accessibilité de ces rencontres pour les citoyens, elles devraient être tenues dans des endroits variant selon les mois et à des heures différentes (matin, jour, soirée) afin de rejoindre le plus vaste public possible. Un accès facile, lorsque disponible, au transport en commun dans les villes serait aussi à privilégier.
Le gouvernement du Québec, au travers du Directeur général des élections50 et du Secrétariat aux institutions démocratiques et à la participation citoyenne51, a fait réaliser des études sur les différentes variantes du scrutin mixte compensatoire. Avec toutes ces données en main, et des promesses maintes fois exprimées par des partis de réaliser des modifications52, il ne manque vraiment qu’une volonté politique affirmée pour mettre en œuvre cette réforme nécessaire.
6. Assurer l’application du code d’éthique des élus Tous les élus, à la manière des médecins, devraient être soumis à un code d’éthique extrêmement rigoureux, prévoyant des sanctions claires et applicables s’il y a faute. Or, si un tel code existe bien à l’Assemblée nationale53, son application dépend du commissaire à l’éthique et à la déontologie, nommé par l’Assemblée nationale et dont les propositions de sanctions sont sujettes à l’approbation de celle-ci.54 Lui donner des pouvoirs plus étendus en matière d’enquête et de sanction, à l’instar des ordres professionnels, permettrait de diminuer l’influence de la politique partisane dans l’application du code d’éthique.
5. Instaurer des assemblées de comté régulières obligatoires Actuellement, certains députés organisent, à leur discrétion, des assemblées de comté afin de rendre compte à leurs électeurs de leurs actions ou de les consulter sur des enjeux spécifiques. Or, des assemblées plus régulières et obligatoires, à l’image des conseils de ville et d’arrondissement, qui sont obligatoires à l’échelle municipale, auraient de nombreux avantages : meilleur contact des élus avec les citoyens, meilleure connaissance des élus des enjeux locaux, plus grande représentativité des visions locales à l’Assemblée nationale, meilleure connaissance de la population des enjeux nationaux et de leurs députés…
7. Instaurer des nominations apolitiques dans les sociétés d’état
En ce sens, il est proposé de rendre obligatoires des assemblées de comté pour tous les élus, peu importe le palier gouvernemental. De telles assemblées, tenues par exemple une fois par mois ou aux deux mois, permettraient de faire le bilan des sessions parlementaires, des commissions parlementaires et des débats actuels, et incluraient une période de questions pour les citoyens, comme les conseils de ville. Mais plus, afin d’éviter des séances axées sur la confrontation, de recueillir les idées des citoyens et de les responsabiliser dans la résolution des problèmes identifiés, les séances (incluant celles à l’échelle municipale) devraient inclure
Le processus de nomination aux postes-clés de l’État, comme les sociétés d’État et les délégations étrangères, est actuellement très dépendant de la politique partisane. Les nombreux remplacements à ces postes de pouvoir fort bien rémunérés lors d’un changement de gouvernement, comme ça a été le cas avec l’arrivée récente au pouvoir du Parti québécois55, alimente le cynisme des électeurs et entraîne des doutes à l’effet que les meilleures personnes occupent ces postes. Compte tenu de l’importance de ces sociétés et délégations en
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56. Données ouvertes, sur Wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Donn%C3%A9es_ouvertes, consulté le 26 février 2014 57. Gouvernement ouvert, Données ouvertes, Gouvernement du Québec, http://www.donnees.gouv. qc.ca/?node=/accueil 58. Ville de Montréal, Portail données ouvertes, http://donnees.ville.montreal.qc.ca/ 59. Ville de Québec, Données ouvertes, http://donnees.ville.quebec.qc.ca/ 60. Constitution du Québec, sur Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Constitution_du_Qu%C3%A9bec, consulté le 26 février 2014
termes de revenus et de dépenses pour l’État, ainsi que d’impacts sur les citoyens, il importe de s’assurer d’avoir les meilleures personnes aux meilleurs endroits. Pour éviter que la politique partisane n’influence ces choix, Génération d’idées propose de remplacer le processus de nomination actuel par un processus éclairé et neutre. Ce processus se baserait sur un appel public de candidatures, suivi d’un processus rigoureux faisant appel à des critères de sélection précis, mené par un comité de sélection non partisan et indépendant. Plusieurs pays, comme la Suède, procèdent de cette façon, qui procure à toutes ces instances importantes une indépendance et une objectivité plus grandes, aptes à aider à prendre les meilleures décisions peu importe le contexte électoral à court terme.
sa première élection fédérale, de sa première élection provinciale et de sa première élection municipale. Un crédit d’impôt serait offert pour chacun de ces trois paliers, et seulement pour la première élection après la majorité.
10. Tendre vers un gouvernement ouvert Les données ouvertes sont des données numériques produites par une collectivité ou un service public et qui sont diffusées « de manière structurée selon une méthodologie et une licence ouverte garantissant [leur] libre accès et [leur] réutilisation par tous, sans restriction technique, juridique ou financière. »56 Cette ouverture des données permet à tous les citoyens et organisations de la société civile d’avoir un accès beaucoup plus facile aux données, sans avoir recours, par exemple, à la Loi sur l’accès à l’information. Cela permet notamment de réutiliser certaines données pour réaliser des projets citoyens, par exemple des applications mobiles sur les réseaux de transport ou la salubrité des restaurants. Cela améliore aussi grandement la transparence des pratiques gouvernementales.
8. Créer un organisme indépendant de planification budgétaire Évoquée dans la section portant sur les finances publiques, la mise en place d’un organisme indépendant de planification économique et budgétaire aurait aussi des impacts très positifs sur l’augmentation de la confiance du public envers ses institutions démocratiques. En effet, cet organisme permettrait de présenter un portrait objectif des finances publiques avant chaque élection, chaque budget et toute nouvelle mesure d’importance. La mission de vulgarisation de cet organisme permettrait aussi aux citoyens de mieux comprendre les enjeux économiques et de finances publiques et, ainsi, de faire des choix plus éclairés lors des élections.
Au Québec, quelques initiatives ont déjà été prises en ce sens, notamment au Gouvernement du Québec57, à la Ville de Montréal58 et à la Ville de Québec.59 S’il s’agit déjà d’une grande avancée dans la bonne direction, le nombre de données effectivement disponibles demeure cependant limité. En ce sens, il est proposé d’accélérer la cadence de mise à disposition des données, en collaboration avec les administrations concernées.
9. Prévoir une incitation au premier vote
11. Adopter une constitution québécoise
Au Québec, il apparaît inadmissible que près 40 % de la population ne prenne pas le temps d’exercer son droit de vote à chaque élection. Il s’agit bel et bien d’un droit, mais également d’un devoir. Les Québécois doivent sentir que le vote n’est pas optionnel, mais plutôt un engagement sérieux. Or, le premier vote est souvent représentatif des habitudes de vote qui seront prises par la suite.
Une constitution est un ensemble de règles qui régissent le fonctionnement d’un État. Au Québec, de telles règles existent, notamment au travers de nombreuses lois, mais elles ne sont pas rassemblées dans un document unique. À ce titre, on dit que la constitution du Québec est de nature coutumière, c’est-à-dire qu’elle existe en tant qu’ensemble de « règles à caractère général et durable qui régissent l’organisation du système politique et les valeurs fondamentales du Québec. » 60 Cette constitution est donc
En ce sens, il est proposé que lorsqu’un jeune atteint l’âge de voter, il reçoive un crédit d’impôt remboursable s’il va voter lors de
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61. Ibid.
en grande partie composée de règles contenues dans la Constitution du Canada et de lois ordinaires adoptées par l’Assemblée nationale. Cette situation soulève notamment deux difficultés. D’abord, certaines règles relevant de la Constitution du Canada ne peuvent être modifiées sans l’accord du fédéral ou des autres provinces concernées. Néanmoins, certaines règles relevant de cette Constitution, lorsqu’elles ne concernent que la province souhaitant faire des changements, peuvent être amendées de façon unilatérale. Par exemple, le Québec a agi de cette façon tout à fait légitime en 1968 pour abolir son Conseil législatif (formé de membres nommés par le lieutenant-gouverneur), ne conservant que l’Assemblée nationale dûment élue.61 Une deuxième difficulté, plus problématique, vient du fait qu’une grande partie des règles composant la Constitution du Québec sont contenues dans des lois ordinaires québécoises, qui peuvent en tout temps être modifiées par le gouvernement au pouvoir. En ce sens, l’adoption d’une constitution québécoise présenterait l’avantage d’avoir préséance sur les lois ordinaires et d’obliger un gouvernement à une plus grande concertation avec les autres partis pour effectuer tout changement. En ce sens, il est proposé de mettre en place une consultation populaire menant à l’élaboration d’une Constitution québécoise formelle permettant d’enchâsser les réformes des institutions démocratiques présentées plus haut (élections à date fixe, mode de scrutin, etc.) dans un cadre plus durable et de rassembler la population autour de valeurs et de principes communs à y inclure. Cette Constitution devrait être élaborée en cohérence avec la Constitution canadienne, pour ce qui en relève, et pourrait inclure les lois déjà adoptées, les modifications aux lois proposées plus haut, ainsi que la Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
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Aménagement urbain et transport collectif génération d’idées Contexte et approche
1. Se doter d’une politique provinciale d’aménagement, d’urbanisme et de développement durable
Malgré le faible taux de croissance démographique observé au Québec, malgré toutes les campagnes de sensibilisation favorisant l’utilisation du transport collectif et malgré le déploiement d’incitatifs par les villes pour attirer des familles, le Québec voit toujours l’étalement urbain et l’utilisation de la voiture augmenter
Le fonctionnement actuel de l’aménagement et de l’urbanisme au Québec repose presque en totalité sur les municipalités et MRC. Leurs actions sont encadrées par la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, qui oblige les communautés métropolitaines, MRC et municipalités à réaliser, respectivement, leurs plans métropolitains, schémas d’aménagement et plans d’urbanisme. Ces différentes planifications doivent ensuite être vérifiées pour s’assurer qu’elles correspondent aux orientations gouvernementales et aux planifications de niveau supérieur.
Or, il est difficile de passer sous silence les effets de l’étalement urbain et de la croissance du parc automobile. Outre l’augmentation des gaz à effet de serre et leur effet sur les changements climatiques, souvent évoqués, d’autres effets sont à prendre en compte. Ainsi, la Commission de protection du territoire agricole du Québec recense 50 000 hectares dézonés depuis 1994; lorsqu’on sait que les terres arables constituent à peine 2 % du territoire québécois, et qu’une fois dézonées et transformées elles ne peuvent être reconverties, il y a urgence d’agir. Le même phénomène peut aussi s’appliquer aux milieux forestiers ou humides, aussi entamés au profit de quartiers résidentiels ou commerciaux.
Or, actuellement, les différents organismes publics et parapublics responsables de l’application de ces plans accordent constamment des dérogations afin d’accommoder leurs activités et ce, de façon désarticulée. De plus, il n’y a aucun indicateur de performance ou d’évaluation des mesures prises par les municipalités. D’autre part, certains gestes semblent contredire les politiques officielles, tels que le désir de rentabiliser les infrastructures de transport collectif financées par l’État ou les villes alors qu’on élargit chaque année le réseau routier.
En outre, le réseau de transport routier se voit prolongé chaque année; les budgets d’entretien croîtront de la même façon à court terme puisque plus on construit, plus il faudra maintenir. L’étalement urbain ne concerne plus que les villes à proprement dit; de nouveaux secteurs, autrefois de villégiature, se voient convertis en zones habitables à l’année, entraînant la mise en place et la prestation des services municipaux nécessaires tels que le déneigement, l’extension du réseau d’aqueduc, etc. De plus, plus cette situation persiste et se consolide, plus les ressources affectées au développement des métropoles sont dispersées, ce qui peut diminuer d’autant l’attrait du centre par rapport à la périphérie, et accélérer encore le phénomène.
L’État doit disposer de moyens techniques pour accompagner les municipalités, comme de puissants incitatifs favorisant l’atteinte des objectifs. Certains pouvoirs additionnels permettront au gouvernement de lier plus efficacement cette politique à d’autres objectifs globaux fixés par celui-ci, comme la réduction de l’émission de GES et la politique de mobilité durable. Cette politique devrait aussi influencer les mesures et politiques prévus dans les domaines d’activités suivants : le transport, l’agriculture, le développement économique et social, la santé et l’environnement. En effet, les mesures prévues dans ces domaines, si elles ne sont pas cohérentes avec la politique d’aménagement, peuvent entraîner des effets venant empêcher l’atteinte des objectifs prévus à la politique d’aménagement.
Les principaux défis à cet égard consistent à s’assurer que la croissance soit contenue dans le périmètre déjà urbanisé tout en s’assurant que cet espace urbain réponde adéquatement aux besoins de la population en termes de qualité de vie et de transport, ce dans un contexte où nous sommes encore bien dépendants de l’automobile. Cela nécessitera un réaménagement de nos habitats, ainsi qu’un soutien et une grande écoute des besoins de la population dans ces grandes transformations.
De façon plus concrète, cette politique procéderait entre autres à : • La fixation des périmètres urbains de l’ensemble des municipalités et régions métropolitaines, en collaboration avec les administrations municipales; 19
• L’établissement d’un moratoire sur le dézonage agricole;
elles soient encouragées et soutenues à leur juste valeur.
• L’implantation de cette politique comme outil principal de coordination des actions des autres branches d’activités de l’État.
Ainsi, en milieu urbain, notamment dans les quartiers centraux de Montréal et de Québec, l’aménagement répond déjà à des critères de mixité et de densité très élevés, qu’il convient de protéger, de renforcer et d’encourager.
• L’établissement de critères d’évaluation des mesures urbanistiques adoptées par les municipalités. Ce pourrait être, à titre d’exemple, l’augmentation de la part modale des transports collectifs, l’optimisation de la densité résidentielle ou la fixation de cibles de réduction des émissions de GES/ habitant, de proportion de logements abordables ou sociaux, de mixité des fonctions, etc. Ces critères seraient établis en partenariat avec les différentes agglomérations du Québec
Ailleurs au Québec, certains projets de développement axés sur les infrastructures de transport en commun (transit oriented development) ont été réalisés ou prendront leur envol dans les prochains mois, par exemple à Sainte-Thérèse, Candiac, Saint-Hubert et Blainville. Le point de départ commun de ces projets consiste en une gare de train de banlieue. L’objectif : comment vivre, travailler et magasiner à quelques centaines de mètres d’un transport collectif permettant aussi d’avoir accès au reste de la région métropolitaine. À noter également des expériences en cours à Washington D.C. et fonctionnelles à Freiburg (Allemagne) et Stockholm (Suède).
• L’exigence, auprès des municipalités, de l’atteinte de seuils de mixité de fonctions résidentielle-commerciale-industrielle légère ; • L’ajout de pouvoirs réglementaires aux municipalités afin qu’elles puissent plus facilement intervenir sur certains aspects, comme l’obligation pour les promoteurs immobiliers d’inclure des logements sociaux, abordables et familiaux ;
Dans les villes de taille moyenne ou plus petite, les mesures de renforcement des artères commerciales des centres-villes ou d’augmentation de la densité et de la mixité près du centre doivent aussi être encouragées pour diminuer la longueur des déplacements et faciliter les transports actifs.
• L’accompagnement par l’État des municipalités en diffusant les meilleures pratiques dans le domaine et en soutenant l’adaptation aux nouveaux objectifs.
Voici des exemples d’objectifs poursuivis avec l’implantation de tels critères :
Certaines de ces mesures existent dans la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, et doivent simplement être renforcées. D’autres avaient été suggérées lors de la refonte de cette Loi, mais ont été retirées suite aux consultations sur le sujet. Elles devraient néanmoins être réintroduites, tout en tenant compte des avis exprimés pour faciliter l’adhésion à leur application.
CRITÈRES D’ÉVALUATION Augmentation de la part modale des transports actifs
Projet favorisé Installation de supports à vélos près des zones d’affluence
Aménagement de sentiers pédestres entre des zones d’affluence Optimiser la densité rési- Privilégier les investissements en infrastrucdentielle tures en fonction de seuils de densité résidentielle Fixer une cible de réduc- Investissement prioritaire dans les transports tion des émissions de GES/ collectifs plus que dans le réseau routier habitant Établir la gratuité du transport collectif aux
Ce rôle « d’Aménagiste en chef » de l’État vise ultimement à lier le financement des différents projets municipaux de même que l’approbation réglementaire de ces mêmes projets à l’établissement et à l’atteinte de ces critères. Il ne vise pas à ce que l’État s’ingère de près dans la gestion de l’aménagement des municipalités, mais simplement à ce qu’il s’assure que les mesures d’aménagement conservent une certaine cohérence et que les meilleures d’entre
étudiants de niveau collégial ou universitaire (initiative de la région de Sherbrooke)
Proportion de logements Règlement municipal fixant la proportion de abordables ou sociaux logements sociaux dans tout nouveau développement
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2. Fixer les périmètres urbains des municipalités
mental provincial, en collaboration avec les municipalités, afin d’établir une cohérence et l’atteinte des objectifs ainsi qu’éviter de déplacer le problème dans une localité voisine.
L’outil principal la politique d’aménagement évoquée précédemment consisterait à fixer le périmètre urbanisé du territoire québécois : les municipalités existantes verraient leur portion urbanisée délimitée, fixée. Au défi de maintenir la population en place là où elle se trouve présentement, s’ajoute celui de la gestion de la croissance démographique des villes tout en limitant l’empiètement sur les milieux naturels et agricoles. En effet, une fois urbanisés, ceux-ci ne peuvent être réhabilités à des fins agricoles, récréotouristiques ou de protection des milieux naturels.
3. Réviser les politiques de soutien financier de même que le financement des infrastructures Cette révision s’avère nécessaire puisque les revenus municipaux sont composés à 70 % des taxes foncières et des autres tarifs reliés (permis de construction, droits de mutation, etc.). La tentation de l’étalement urbain devient alors très forte. En parallèle, il est pertinent de rappeler que les facteurs les plus influents du choix de la résidence sont d’abord le type de logement, le prix demandé en regard du caractère sécuritaire du quartier, le cachet de même que l’accès facile au réseau routier. Parmi les critères les moins importants, on peut compter les rabais de taxes foncières ou les facilités d’accès au transport collectif.
Un exemple flagrant du manque actuel de cohésion dans l’aménagement de nos régions est l’adoption par certaines agglomérations de plans d’aménagement (région métropolitaine de Montréal, Laval, Sherbrooke, Québec) alors que les zones limitrophes ne s’engagent pas : les problématiques risquent simplement d’être déplacées. Ainsi, l’étalement urbain touche maintenant les zones dites périurbaines, à la limite entre les banlieues et la campagne, comme les zones de villégiature qui se transforment en secteur résidentiel permanent.
Dans ces circonstances, la tentation de l’étalement urbain vient d’un côté de la ville, qui veut augmenter ses recettes fiscales, et des citoyens, qui sont attirés en banlieue, notamment, par l’offre plus abondante de logements familiaux, par leur prix plus abordable et par leur perception du caractère plus sécuritaire des quartiers. Or, en investissant peu afin de rendre la perception des quartiers établis plus sécuritaire, afin d’augmenter l’offre de grands logis abordables pour les familles et de solutions de déplacements faciles et abordables, la situation n’est pas prête de se renverser. Il faut alors agir sur les plans de l’urbanisme, du type de logement offert et de la mixité fonctionnelle des quartiers, celle-ci contribuant à renforcer le sentiment de sécurité et la qualité de vie.
Ce manque de cohésion pourrait amener certaines municipalités limitrophes de zones régies par un plan de développement soient tentées, afin d’augmenter leur assiette fiscale, de faciliter le dézonage de territoire agricole ou naturel, ou encore de mettre en place une réglementation moins exigeante que la zone voisine. Cette concurrence inégale serait faite au détriment du bien-être collectif et de l’atteinte des objectifs provinciaux. Autre exemple, une ville régie par un plan de développement favoriserait les déplacements en transport actif (marche, vélo), alors que sa voisine consacrerait l’ensemble de son budget à développer un réseau routier. On pourrait ainsi voir apparaître, de part et d’autre d’une même rue, un développement résidentiel non diversifié et un quartier disposant d’une mixité de fonctions exemplaire.
Des mesures doivent aussi être prises pour diversifier les sources de revenus des villes, afin qu’elles dépendent moins des taxes foncières et autres tarifs reliés à la construction de nouveaux développements résidentiels. Non seulement cette dépendance entraîne les villes, pour augmenter leurs revenus, à construire de plus en plus de nouveaux quartiers hors de leur périmètre urbain actuel, mais même en milieu urbain, elle entraîne une diminution de la mixité fonctionnelle, les commerces et lieux d’emploi étant rem-
La fixation des périmètres urbains constitue un préalable important à l’adoption d’autres mesures ainsi qu’un facteur déterminant dans la compétitivité des villes entre elles comme du transport collectif face à l’automobile. C’est pourquoi il est proposé que la fixation de ces périmètres urbains soit faite au palier gouverne-
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4. Plan SUD : Améliorer la balance commerciale du Québec en transférant 20 % du transport par voiture vers les transports collectifs d’ici 2030
placés par des résidences, ces dernières rapportant davantage de revenus. De plus, les subventions des gouvernements de paliers supérieurs pour les nouveaux quartiers favorisent cet étalement en finançant par exemple 100% des coûts de construction, d’entretien et de déneigement des routes provinciales, autoroutes et bretelles d’accès, alors que les immobilisations de transport collectif comme l’achat d’autobus (financement à 50%), de tramways (financés à 100%) est globalement moindre puisque l’exploitation de ces réseaux est financée par les villes (40%), les usagers (40%) et les gouvernements provincial et fédéral (20%).
Les dépenses reliées à l’automobile et son utilisation totalisaient 47,5 G $ par année en 2002, entraînant une balance commerciale négative de 21 G $, soit 20 % du PIB québécois. En même temps, le Plan québécois d’infrastructures pour la période 2011-2016 prévoit dépenser 85 % de son budget dans le réseau routier et 15% dans les transports collectifs. Lorsqu’on considère que les régions urbaines de la vallée du SaintLaurent ont une densité suffisante pour justifier le développement d’un réseau de transport collectif, et que 1 M $ dépensé dans le transport collectif crée 11,4 emplois contre 5,5 pour le même investissement dans le réseau routier, réviser l’aménagement des régions urbaines et des infrastructures de transport devient un impératif pour la santé économique du Québec. Il est important de propulser le Québec parmi les leaders en consolidant et en développant une industrie exportatrice en ce domaine.
L’État peut aussi jouer un rôle concret via les différents ministères et agences. Ceux-ci peuvent contribuer à changer la situation actuelle en sélectionnant l’emplacement de leurs différents bâtiments et points de service selon des critères favorisant le développement des périmètres urbains actuels. Par exemple, la Société des alcools du Québec (SAQ) pourrait établir des succursales en tenant compte de l’accessibilité du transport actif ou collectif, ou encore dans le but de favoriser l’établissement de commerces de proximité. Les CLSC, écoles, sièges administratifs et autres devraient aussi tenir compte de l’accessibilité des lieux par transport collectif ou actif.
Pour ce faire, les actions suivantes sont proposées : • Transférer 80 % du budget consacré aux nouveaux axes de transport routier vers le développement des transports collectifs, tout en maintenant les budgets affectés à l’entretien et à la réfection du réseau routier existant;
La révision des politiques de soutien financier viserait : • La diversification des sources de revenus des villes. Par exemple : augmentation de la contribution provinciale à la construction et au fonctionnement des transports collectifs, remboursement ajusté de la TVQ, taxation variable selon la contribution du lot aux objectifs cités dans la section précédente;
• Consacrer 100 % des nouveaux revenus de la taxe sur l’essence modifiée (voir point 6) à la construction de nouveaux équipements de transport collectif, à leur entretien et à leur fonctionnement; • Modifier la façon de faire du ministère des Transports du Québec et des agences liées au transport dans le but de gérer la mobilité des citoyens plutôt que le « béton », c’est-àdire les infrastructures seulement;
• L’orientation du soutien financier de l’État lors de travaux d’infrastructures ou de planification-conseil vers des projets visant à densifier les municipalités ou à implanter des infrastructures de transport collectif;
• Inscrire les investissements majeurs en transport collectif dans les axes densément peuplés en priorité;
• À doter le gouvernement provincial d’une politique de localisation des édifices publics afin de faciliter l’accès aux usagers de ces services (écoles, CPE, etc.) avec le transport collectif.
• Développer une économie de transport vert, collectif et électrique;
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ont des réseaux sans interconnexion; ainsi, les correspondances entre différents équipements (métro, trains de banlieue, autobus) sont mal adaptées. Il en résulte qu’il est parfois impossible de vivre sans voiture à l’extérieur de Montréal, voire souvent difficile, car la voiture est fréquemment le moyen le moins long pour assurer ses déplacements.
• Modifier les paliers de tarification à la SAAQ afin de les ajuster à la cylindrée et au taux d’émission de CO2 rejeté; • Inclure l’accès à un stationnement gratuit comme un avantage imposable, comme l’est l’achat de titres de transport en commun par l’employeur.
Même en pleine ville, que ce soit à Québec, à Montréal ou dans les villes de taille moyenne, de nombreux obstacles à la fréquentation du transport en commun encouragent les gens à se tourner vers la voiture : la fréquence insuffisante sur certains trajets, notamment vers les pôles d’emploi, la surcharge de certaines lignes de métro et trains de banlieue, la longueur des trajets imposée par les nombreux arrêts et transferts, les augmentations des coûts des passes et billets de transport en commun dépassant largement l’inflation…
5. Améliorer l’offre et l’efficacité des transports collectifs L’amélioration de l’offre de transport en commun devrait être un objectif pour toutes les régions où le transport collectif peut être offert, ce tant dans un objectif de mobilité durable que pour des raisons d’accès accru des citoyens aux services, peu importe leur revenu. Or, il n’y a souvent aucun réseau desservant les étudiants des cégeps en région, pas plus que pour les élèves du secondaire après les heures de classe. Et quand un tel réseau existe, sa fréquence et les plages horaires pendant lesquelles il est offert sont souvent insuffisantes pour combler les besoins. Il en résulte beaucoup de déplacements pour les parents, un accès moindre à l’éducation ou aux services, ainsi que, dans certains cas, l’obligation pour les jeunes d’acheter une voiture dès l’obtention du permis de conduire s’ils veulent étudier, travailler ou se divertir.
De plus, les infrastructures de transport actif, comme les voies cyclables, sont souvent pensées pour des usages récréatifs, alors qu’elles sont de plus en plus utilisées pour le travail. Leur nombre insuffisant obligent les cyclistes ou piétons à choisir entre des voies plus rapides, mais moins sécuritaires, ou des trajets allongés pour rejoindre les voies cyclables, ce qui rallonge leur trajet. Des personnes qui auraient pu être intéressées à ce type de transport vont ici vers la voiture pour des raisons de sécurité et d’économie de temps.
Plusieurs services de transport collectif sont offerts dans les plus grandes villes du Québec, cependant les gains les plus intéressants dans le transfert de déplacement vers les transports actifs (marche, vélo) et collectifs sont à réaliser dans les villes de taille moyenne (ex. Victoriaville, Sherbrooke, Saguenay, Gatineau). Génération d’idées propose que, suite à ce constat, l’implantation de moyens de transport actif dans les villes moyennes de même que l’étendue de la fréquence de service dans les transports collectifs soient des mesures prioritaires afin de favoriser l’accès à un moyen de transport abordable aux Québécois de toutes les régions de la province.
Afin d’améliorer l’offre de transport collectif, il faudra : • Réduire le nombre d’autorités de transport collectif dans la grande région de Montréal; • Transférer la gestion et les budgets de transport scolaire des agglomérations moyennes aux villes ou MRC; • Dans le même élan, demander aux villes ou MRC de transformer le transport scolaire au secondaire en transport collectif pour tous;
Dans la région de Montréal, plus de 15 autorités doivent se concerter afin de bien desservir l’agglomération; c’est la seule ville (ou l’une des rares) de cette taille à compter une organisation si fragmentée. Des autorités voisines (Laval, Montréal et Longueuil)
• Implanter un réseau d’auto-partage dans les agglomérations comptant 40 000 habitants et plus (total de 29 agglomérations), en prenant en exemple la collaboration de la ville de Gatineau et Communauto;
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• Financer à 50 % l’implantation des bornes de recharge électrique des entreprises d’auto-partage à condition qu’elles rendent accessibles au moins 20 % de ces bornes au public.
deux premières hausses seraient prélevées immédiatement, alors que l’on décréterait les hausses subséquentes au même rythme que l’augmentation de l’offre de transport en collectif. Pour les citoyens vivant dans des zones éloignées, le montant de cette hausse serait retourné sous forme d’abattement fiscal. La réinstauration d’un réseau de péage sur les routes québécoises de même qu’une taxe sur les stationnements d’établissements commerciaux compléteraient les mesures phares de cette contribution des secteurs du transport et de l’aménagement.
• Investissement majeur tant dans l’efficacité des réseaux de transport collectif (service minimum, interconnexions, voies réservées) que dans l’offre de service (trains de banlieue plus fréquents, achat d’autobus électriques); • Réduire le coût des titres de transport en commun pour certaines catégories d’usagers, notamment les personnes à faible revenu;
Voici un récapitulatif chiffré de certaines mesures proposées dans cette politique. Il s’agit d’estimations selon les données accessibles.
• Augmenter le soutien financier aux mesures de transport actif.
Mesure
6. Financement des changements dans le secteur du transport collectif Le financement des changements suggérés jusqu’à ce point est un aspect important qui assurera la réussite d’autres volets de cette grande politique. De l’argent neuf doit être investi. Les municipalités n’ont présentement pas les pouvoirs ni les ressources pour mettre de l’avant les mesures aptes à inverser la tendance en matière d’urbanisme et de transport. Des fonds importants sont confiés en ce moment au ministère des Transports du Québec pour le développement du réseau routier (environ 712,5 M $); 80 % de cette somme serait redirigée vers le développement des infrastructures de transport collectif. Cette proportion devra se montrer souple afin de s’accorder avec les niveaux d’investissements consentis au fil des ans. Combinées à une révision du mode de financement de ces infrastructures par les municipalités et les paliers supérieurs de gouvernement, de grandes améliorations pourraient voir le jour en quelques années seulement. D’autre part, il faut concevoir les sources de financement de façon plus globale en incluant tous les aspects de la mobilité. Ainsi, il est proposé de hausser graduellement la taxe sur l’essence de 0,10 $ le litre sur 2 ans pour atteindre un total de 0,50 $ en 10 ans. Les
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Objectif minimum (en millions de $)
Objectif maximum (en millions de $)
Investir 80 % du budget de développement du réseau routier dans les infrastructures de transport collectif (montant de 712,5M$ en 2012-2013)
570
570
Augmentation des taxes sur l’essence graduelle en moyenne de 0,1$ par 2 ans pour 0,5$ par litre sur 10 ans (850M$ par 0,10$ d’augmentation
1700
4250
Péages sur les ponts et l’ensemble des autoroutes du Québec (selon IEDM)
1200
1600
Taxe sur le stationnement commercial au Québec (0,50$ par jour)
375
375
TOTAL (en millions de $) :
3845
6795
62. Coût évalué à partir de celui du métro de Laval, soit 150 M $ par kilomètre 63. Ville de Longueuil, 2008 64. Robert Dutrisac, Train léger du pont Champlain – Québec réclame 1 milliard d’Ottawa, dans Le Devoir, 14 novembre 2013, http://www.ledevoir.com/politique/quebec/392679/quebec-reclame-un-milliardd-ottawa 65. Karine Gagnon, Le projet de tramway hybride reprend vie, dans Le Journal de Québec, 22 février 2010, http://fr.canoe.ca/cgi-bin/imprimer.cgi?id=616178 66. Société des transports de Montréal, Budget 2013
Conclusion
À titre indicatif seulement, voici une liste de projets déjà évoqués sur la place publique qui pourraient être financés par ces nouveaux revenus :
L’aménagement de nos villes comme l’organisation des infrastructures peuvent difficilement se concevoir séparément. Génération d’idées veut aborder sérieusement les enjeux reliés au choc démographique annoncé depuis si longtemps et devant lequel le Québec ne semble pas être préparé. Il faut réfléchir aux moyens dont nous nous doterons afin d’assurer aux personnes de tous les âges et de toutes les occupations des milieux de vie sécuritaires, favorisant l’autonomie.
• Prolonger la ligne bleue du métro de Montréal vers l’est (750 M $100) • Fermer la boucle de la ligne orange du métro de Montréal (1,2 G $62) • Prolongement de la ligne jaune du métro à Longueuil (1,2 G $63)
De même, les défis environnementaux qui nous attendent sont nombreux. Cette politique se veut donc une contribution significative à l’atteinte des objectifs modestes contractés par le gouvernement du Québec, notamment en matière de lutte aux changements climatiques, mais plus encore une impulsion afin que celui-ci rejoigne le rang des leaders en cette matière.
• Système léger sur rail du Pont Champlain (1,3 à 2 G $64) • Réseau de tramway de Québec (721 M $65) • Réseau de tramway de Montréal (1,112 G $66)
L’État a à sa disposition de puissants leviers afin d’orienter le développement d’une collectivité de même que pour inviter le milieu des affaires et les municipalités à concocter des réponses innovantes aux objectifs établis par celui-ci. Génération d’idées est convaincue que l’adoption de ces mesures stimulera le développement économique dans plusieurs régions du Québec et que cela sera un élément essentiel favorisant le développement d’une expertise gagnante qui inspirera d’autres administrations.
Le total de ces projets s’élevant à environ 7 milliards de dollars, il va sans dire que la mise en œuvre d’un tel plan financier permettrait de réaliser en quelques années des changements majeurs, menant à l’avènement rapide de modes d’aménagement et de transports beaucoup plus durables.
7. Aménager nos espaces et privilégier les modes de déplacement favorisant notre santé
Valeurs de l’organisation mises en cause dans l’application de ces solutions
Génération d’idées propose d’innover avec un autre type de mesure : le transfert de 2 % des budgets de la santé, ainsi que de 2 % des dépenses, vers les villes afin qu’elles prennent des actions visant à améliorer la santé de leur population par la prévention et l’encouragement de saines habitudes. L’objectif est ici d’inciter les villes à investir dans des domaines où la santé publique peut être grandement améliorée comme l’entretien des trottoirs, la mise sur pied d’un service de vélos en libre-partage ou la planification de quartiers où les gens peuvent facilement se déplacer à pied. Le calcul devra se faire en tenant compte non seulement de la population de l’agglomération, mais aussi de ses caractéristiques socio-économiques.
• Pragmatisme : évaluation d’études menées par des spécialistes; • Esprit d’initiative : position audacieuse porteuse pour les générations futures; • Service de la démocratie : projet bénéfique pour la collectivité.
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Vers un système en meilleure santé GÉNÉRATION D’IDÉES Les dépenses en santé, soit plus de 38,2 milliards de dollars au Québec en 2009, sont en constante augmentation.67 Comptant pour 31 % des dépenses de programmes en 198068, aujourd’hui c’est près de 43 % des dépenses de programmes du Québec qui y seront consacrés, soit plus de 31,3 milliards de dollars d’argent public69. Les dépenses de santé augmentent plus rapidement que la richesse collective, ce qui résulte en une hausse du pourcentage du PIB attribué à la santé. Cette tendance inflationniste n’est pas propre au Québec. Elle s’observe dans plusieurs autres pays de l’OCDE, que le fondement du financement de leur système de la santé soit public ou privé. L’orientation de nos réflexions ira donc au-delà du débat entourant le financement privé ou public de la santé et ce, en s’appuyant sur la conviction que l’amélioration de la performance repose sur des solutions autres que celles portant sur les sources de financement et qu’un système majoritairement public comme le nôtre peut être très performant.70 Or, depuis quelques années, plusieurs se questionnent sur l’effet positif des sommes investies dans le système de soins sur la santé de la population, et avec raison. Sachant que les québécois investissent amplement en santé, soit 4 878$/habitant71 en 2009 comparativement à la moyenne des autres pays de l’OCDE qui était de 3 233 $/habitant72, la solution ne peut se résumer à l’ajout de ressources, mais doit s’orienter davantage vers une réorganisation des ressources déjà présentes. Les valeurs de solidarité et d’équité sur lesquelles repose notre système de santé n’ont de sens et ne se traduisent concrètement que si l’on réalise le maximum avec les ressources disponibles.73
soins, élément important dans l’atteinte d’une meilleure performance de notre système74, ainsi que l’approche collaborative et le travail en interdisciplinarité ont peine à pleinement se déployer. Des pressions constantes et grandissantes d’intérêts divers, le plus souvent financiers, rendent difficile l’amorce du virage que doit prendre notre système de santé. Ceci a comme conséquence d’écarter notre système de sa mission propre, soit répondre aux besoins en soins et en services de santé de la population. L’accroissement du domaine d’action de la médecine (nouvelles connaissances et technologies), les changements démographiques et environnementaux, jumelés aux pressions induites par les groupes d’intérêts sur le système de santé, semblent avoir modulé la prestation des soins, créant un écart entre les soins et les services produits et les besoins réels de la population. Cette distorsion de notre système de santé éloigne le pouvoir du geste du professionnel de la nature même de son travail, voir au meilleur de la santé de son patient et de la population. C’est l’intérêt du patient qui doit être au centre des décisions, au cœur de notre système de santé, et non l’intérêt des travailleurs qui l’animent ou de l’institution. En bref, remettre l’intérêt de la santé du patient et de celle de la population au centre des décisions est un élément crucial dans l’amélioration de la performance de notre système de santé.
Pour une approche différente
Afin que l’argent engagé en santé demeure un investissement, une question légitime se pose : est-ce que l’argent investi produit vraiment de la santé? Malgré la complexité que soulève une telle question, prise sous l’angle de la pertinence, elle peut mener à des réflexions riches en pistes de solutions; des solutions pour rendre notre système plus performant, centré davantage sur les besoins des patients et orienté vers une santé globale de la population.
L’approbation de la construction de méga-hôpitaux universitaires sous le règne du parti libéral et le financement des établissements de santé octroyé en fonction des services rendus (financement par activité) appuyé par le parti Québécois et la Coalition Avenir Québec sont toutes des solutions qui incitent à une augmentation de la productivité. Allons-nous vraiment de cette façon avoir un impact déterminant sur la santé de la population? « Produire plus de soins » ne signifie pas nécessairement « mieux performer ».
État des lieux : La dérive du système
Avant de se lancer dans des actions ayant pour finalité l’augmentation de la production, il serait sage de se questionner sur la pertinence des soins produits au Québec. Des recherches sou-
Aussi compétents et bien intentionnés soient-ils, les professionnels de la santé travaillent dans un système où l’intégration des
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67. Institut canadien d’information sur la santé, Tendances des dépenses nationales de santé, 1975 à 2011, Ottawa (Ont.), ICIS, 2011. 68. http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/Budget/2010-2011/fr/documents/VersSystemeSante.pdf 69. Gouvernement du Québec, « Plan budgétaire – budget 213-2014 », 2012 70. OCDE (2004), Vers des systèmes de santé plus performants : Résumé, consulté le 1er avril 2013 URL : http://www.oecd.org/fr/els/systemes-sante/31785614.pdf 71. Institut canadien d’information sur la santé, Tendances des dépenses nationales de santé, 1975 à 2011, Ottawa (Ont.), ICIS, 2011. 72. OCDE (2011), « Dépenses de santé par habitant », dans Panorama de la santé 2011 : Les indicateurs de l’OCDE, Éditions OCDE. URL : http://dx.doi.org/10.1787/health_glance-2011-60-fr 73. Castonguay Claude (2012), « SANTÉ, l’heure des choix », Édition Boréal 74. Contandriopoulos A.-P., Denis J.-L., Touati N., Rodriguez R. (2001), Intégration des soins: dimension et mise en œuvre, Rupture- Revue transdisciplinaire en santé, vol8, no2, p38-52 75. Collectif (2008), Pomey M-P, Contadriopoulos D.; Blais R., Améliorer la pertinence des soins au Québec : une alternative à la privatisation? Dans Presse de l’Université de Montréal, Le privé dans la santé – Les discours et les faits, p.387-404 76. Collectif (2008), Pomey M-P, Contadriopoulos D.; Blais R., Améliorer la pertinence des soins au Québec : une alternative à la privatisation? Dans Presse de l’Université de Montréal, Le privé dans la santé – Les discours et les faits, p.387-404
77. Contandriopoulos A.-P., Contandriopoulos D.et Brousselle (2012), « Pour un système de qualité pour tous », Le devoir, 24 février 78. Institut canadien d’information sur la santé (2012), Nombre, répartition et migration des médecins canadiens 2011, Ottawa (Ont.), ICIS
tiennent que « compte tenu de la nature des soins médicaux tout accroissement des capacités de production sans l’instauration de mécanisme robuste pour maximiser la pertinence a toutes les chances de se traduire par une augmentation du volume total et une hausse des coûts, mais par peu ou pas d’amélioration de l’état de santé de la population. »75 Penser résoudre les problématiques que par des solutions axées sur la simple augmentation de la production, c’est actuellement faire fausse route. Il est essentiel de se questionner sur la pertinence dans notre système de santé afin de s’assurer que le rendement en terme de « santé » soit optimisé tant pour le patient que pour le citoyen.
un psychiatre qui fait un suivi en première ligne…pourquoi pas! Cependant, tous ces actes peuvent être réalisés par un médecin généraliste ou même un autre professionnel de la santé (ex : infirmière clinicienne, infirmière praticienne spécialisée, sage-femme). Pouvons-nous nous permettre de payer nos services plus chers? Est-ce pertinent? Ceci n’est socialement pas acceptable dans un système où les ressources gaspillées causent préjudice aux autres patients en attente de soins et services. Aborder les problématiques de notre système de santé sous l’angle de la pertinence, pour le bien du patient et de la santé de la population, mène à des réflexions et à des orientations qui peuvent être source de mobilisation et de changement.
La pertinence des soins et services 76 Un geste médical est pertinent lorsqu’il prolonge la vie d’un patient ou lorsqu’il lui permet de mieux vivre. Brièvement, il faut que les avantages pour le patient soient supérieurs aux conséquences négatives. Cet aspect de la pertinence s’apprécie par les études épidémiologiques ou pharmacologiques qui mesurent les probabilités qu’une intervention ou une technologie soit bénéfique ou non pour le patient. Les données probantes existantes dans le domaine de la santé deviennent donc une source importante et précieuse d’informations à considérer lors de la prise de décision.
Les trois grands axes où la pertinence prend tout son sens 1. La pertinence d’une première ligne forte et soutenue; une nécessité pour faire face à la nouvelle réalité Depuis plusieurs années, voire des décennies, la présence d’une première ligne forte est décrite comme étant d’une importance capitale dans l’atteinte d’un système de santé performant. Les évidences soutiennent ses effets positifs tant sur la qualité des soins, sur l’accessibilité que sur le contrôle des coûts.77 Il devient donc impératif de se doter d’une première ligne forte pour répondre à la majorité des problèmes de santé de la population, accessible en tout temps, où le médecin de famille devient le pilier central assurant le suivi du patient et ce, appuyé par la grande spécialisation de la connaissance offerte en deuxième et troisième lignes. La force de la première ligne nécessite un appui soutenu et important des autres niveaux de soins. Dans un environnement où la médecine tend vers la spécialité, un nombre grandissant d’intervenants sont appelés à joindre leurs expertises dans le suivi et le traitement d’un même patient. Au Québec, le nombre de médecins spécialistes surpasse celui des médecins de famille.78 La hausse du nombre d’intervenants impliqués dans le suivi du patient fragilise
La non-pertinence peut se traduire par la sur-utilisation résultant en du gaspillage, tel que par la pratique d’une médecine défensive où les investigations sont justifiées uniquement pas le souci de protection judiciaire du médecin, ou par l’exposition du patient à des risques inutiles, comme par la réalisation d’un IRM pour l’obtention d’un diagnostic sans impact sur la conduite thérapeutique ou par une sous-utilisation qui réduit l’efficacité de l’intervention. De plus, la pertinence des soins et services, c’est aussi la réalisation d’une intervention, par exemple, au moindre coût tout en ayant le maximum d’efficacité. Les éléments les plus étudiés et ayant une influence sur le coût sont le lieu (exemple à l’hôpital versus en service ambulatoire), le type de professionnel impliqué, les technologies d’intervention choisies et le type de médicament utilisé. Par exemple, un pédiatre suivant un enfant en bonne santé, un gynécologue réalisant des accouchements « normaux »,
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79. Dahrouge,S and al. (2012), The economic impact of improvements in primary healthcare performance, Canadian Health Services Reseach Foundation 80. Dionne S. K & al. (2013), Europe’s Strong Primary Care Systems Are Linked To Better Population Health But Also To Higher Health Spending Health Affairs, 32, no.4: 686-694 81. Ministère de la santé et des services sociaux (2012), Cadre de référence pour la prévention et la gestion des maladies chroniques physiques en première ligne, Gouvernement du Québec 82. Friedberg Mark., Peter S. Hussey and Eric C. Schneider (2010), “Primary Care : A Critical Review of the Evidence On Quality And Costs of Health Care”, Health Affairs, Vol. 29, No.5 pp. 766-772
83. Pineault, R. & al. (2005). Collectif de recherche sur l’organisation des services de première ligne au Québec : Rapport synthèse, Direction de la santé publique, Agence de développement de réseaux locaux de services de santé et de services sociaux de Montréal, Montréal
la continuité de l’épisode de soin et la vision globale de la santé du patient. Le médecin de famille devient un acteur clé, coordonateur et responsable du patient, afin d’assurer le suivi et de soutenir l’intégration des soins et des services.
decins influence les services rendus à la population. Au cours des dix dernières années, la première ligne médicale a subi plusieurs changements; l’avènement des groupe de médecine de famille (GMF), l’inscription de la clientèle, les forfaits pour patients vulnérables, l’intégration des infirmières GMF, l’implantation des dossiers médicaux électroniques (DMÉ). Tranquillement, le terrain se prépare pour l’épanouissement d’un mode de rémunération mixte par capitation majoritaire. Favorisant le travail interdisciplinaire et le suivi rigoureux des maladies chroniques, ce mode de rémunération procure au médecin un forfait de prise en charge pour chaque patient en tenant compte de son âge et de son état de santé. À ce forfait s’ajoutent des incitatifs à la qualité qui sont proportionnels au bon contrôle des maladies chroniques chez la clientèle. Le médecin est ainsi encouragé à s’entourer des autres professionnels de la santé et à déléguer certains actes. Le système de santé du Royaume-Uni et celui des Pays-Bas constituent de bons exemples des avantages de la capitation.
Bien qu’une première ligne forte ne vise pas directement la réduction des coûts, le contrôle des dépenses en santé reste une considération majeure lors des prises de décision par notre gouvernement. Des études soutiennent qu’assurer la continuité des soins en première ligne peut résulter en des économies substantielles dans plusieurs secteurs de la santé.79 De plus, les pays ayant une première ligne forte démontrerait une augmentation plus lente des dépenses en santé. 80 Aujourd’hui, la maladie aiguë, qui évolue rapidement et qui dure peu de temps, laisse davantage sa place aux maladies chroniques, soit un problème de santé qui nécessite une prise en charge sur une période de plusieurs années ou plusieurs décennies, amenant avec elle une toute autre réalité clinique. En 2009-2012, 44 % des Québécois âgés de 20 ans et plus vivaient avec au moins une maladie chronique.81 La gestion des maladies chroniques nécessite une participation active du patient (il doit assumer une partie du processus de soin), une implication de son entourage et un travail concerté de la part de plusieurs professionnels; c’est là tout un défi pour le système de santé. Le médecin de famille appuyé par les autres professionnels devient un atout majeur dans le soutien et le maintien de la santé des patients atteints par une ou des maladies chroniques. Dans un tel contexte, l’importance du déploiement et du renforcement de la première ligne prend tout son sens.
Le mode de rémunération des médecins doit aller bien au-delà du nombre d’actes posés; dorénavant, il doit orienter les pratiques des médecins de famille vers les résultats souhaités, soit une amélioration de la performance de notre système de santé. Celle-ci passe, entre autres, par une utilisation judicieuse des ressources, une amélioration de l’accessibilité, un meilleur encadrement et implication du patient et une intégration accrue des pratiques de promotion de la santé et de prévention des problèmes de santé. Le paiement par capitation encourage à mettre la santé du patient au cœur des décisions. Le mode de rémunération n’est pas une solution en soi, mais un pré-requis à toute solution visant la création d’une première ligne forte et efficace.83 La présence d’une première ligne forte et soutenue, impliquant le déploiement accru de soins à domicile, sera une avenue à considérer dans les années à venir, particulièrement dans un contexte où le vieillissement de la population est important et où le nombre de personnes atteintes de maladies chroniques est en forte croissance.
Notre système de santé doit favoriser la consolidation d’une première ligne forte tout en assurant son soutien important par les deuxième et troisième lignes ainsi que les autres professionnels de la santé. 82 Dans un objectif de changer les façons de faire et la dynamique interprofessionnelle, voici notre proposition : A. L’introduction, pour les médecins de famille, d’un mode de rémunération mixte par capitation majoritaire pour favoriser le travail interdisciplinaire et le suivi des maladies chroniques. Les preuves ne sont plus à faire, le mode de rémunération des mé-
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84. Institut canadien d’information sur la santé, Dépenses en médicaments au Canada, de 1985 à 2011, Ottawa (Ont.), ICIS, 2012 85. Castonguay Claude (2012), « SANTÉ, l’heure des choix », Édition Boréal 86. INSPQ (2008), « le National Institut for Heath and Clinical Excellence (NICE) : Une analyse en lien avec les mandats prévus pour l’Institut national d’excellence en santé et services sociaux », Direction des systèmes de soins et politiques publiques, Programmes de dépistage, génétique et lutte au cancer
2. Une pertinence « payante » : La hiérarchisation des soins
3. La connaissance au service de la santé de la population
Nos dépenses élevées en santé, le peu de ressources médicales et d’infirmières que nous avons au Québec (comparativement aux pays de l’OCDE) jumelées à notre faible nombre de lits, incitent à conclure que nous payons cher pour ce que nous avons. Il est donc important de s’assurer que les soins soient prodigués par le bon professionnel et au bon endroit. La mise en place des CSSS, fusionnant hôpitaux, CLSC et CHSLD, en 2006 a permis la création d’une structure permettant, entre autres, l’amélioration de la hiérarchisation des soins.
Phénomène constaté dans plusieurs pays, le budget consacré aux nouvelles technologies, ce qui inclut les médicaments, a explosé ces dernières années. Au Québec, il serait passé de 8,3 % en 1985 à 19,7 % du budget provincial en 201184, soit une augmentation de 137 %. Le marché des nouvelles technologies est en pleine effervescence et leurs coûts augmentent sans cesse. Il existera toujours une nouvelle technologie qui permettra de prolonger une vie. Même le pays le plus riche ne peut se payer toutes les technologies disponibles sur le marché. Dans ce marché bouillonnant où les intérêts sont divers, des choix doivent être faits. Des choix qui, dans l’utilisation des ressources disponibles, se doivent d’être orientés vers les technologies qui produisent les meilleurs résultats en termes de santé et de prévention.
Dans un contexte où les soins et services sont en demande croissante, il est essentiel de : B. Mettre à profit toutes les compétences et l’expertise actuelles de chacun des professionnels de la santé afin de maximiser leur impact sur la santé de la population
Le Québec a fait un pas dans la bonne direction en 2010 en créant l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS). Cependant, il devrait être inclus dans ses fonctions d’assurer la délimitation de la couverture des technologies et la priorisation des choix que cela implique.
Les soins et les services offerts par un médecin de famille dans le cadre d’un suivi d’un enfant en bonne santé ou d’un patient ayant de légers troubles psychiatriques seront efficaces et, fort possiblement, plus efficients que ceux prodigués par les médecins spécialistes. Laissons aux spécialistes la chance de mobiliser leurs connaissances et leur grande expertise dans la gestion des cas complexes. De plus, une valorisation et une expansion du rôle des infirmières et des pharmaciens afin qu’ils assurent des fonctions pour lesquelles ils ont été formés permettront aux médecins de pouvoir consacrer davantage de temps aux cas qui nécessitent leur expertise propre. L’utilisation pertinente et adéquate des compétences de chacun de nos professionnels viendra moduler l’organisation de la dispensation des soins et permettra de dégager des marges de manœuvre intéressantes dans l’atteinte d’un système de santé plus performant.
C. Le Québec doit accroître le rôle de l’INESSS et lui attribuer la fonction de délimiter la couverture des technologies et ainsi choisir les technologies les plus pertinentes pour la santé de la population, le tout soutenu par un processus de décision crédible et transparent. Ces choix sont ardus et leur rationalité doit se fonder sur l’évaluation du coût, de l’efficacité et de l’acceptation sociale, et ce, par des processus décisionnels crédibles et rigoureux.85 Seule la transparence et l’accès à l’information rendu par cet organisme indépendant permettront de diminuer l’influence des nombreux intérêts autres que celui de la santé de la population dans la prise de décision. Plusieurs pays se sont déjà engagés dans cette voie. En Grande-Bretagne, le National Institute for Heath and Clinical Excellence (NICE), l’organisation responsable d’établir les standards cliniques du système de santé britannique, en est un très bon exemple.86
Le lieu où le soin ou le service est prodigué a aussi une grande influence sur le coût, sans pour autant affecter la qualité de celuici. Encore trop de soins et services sont dispensés en milieu hospitalier, nourrissant l’hospitalocentrisme de notre système, quand ils pourraient l’être à domicile ou en première ligne.
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87. Comité sénatorial permanent des affaires sociales, sciences et technologie, (2008). Politiques sur la santé de la population : enjeux et options, Quatrième rapport du Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, sciences et technologie
Conclusion Plusieurs autres aspects du système de santé méritent une profonde réflexion et des changements majeurs si la priorité de notre société est de tendre vers l’excellence en santé : revoir la gouvernance, le financement, se doter de modes d’évaluation de la performance tant clinique qu’organisationnelle… Des dizaines d’années d’espérance de vie que l’homme a gagnées au cours du dernier siècle, seulement 25 % de ces années serait attribuable à la présence d’un système de santé.87 Malgré le fait que notre système de santé, si peu influent soit-il sur la santé de la population, accapare une proportion démesurée de ressources, il n’en demeure pas moins qu’une grande importance doit être accordée aux politiques touchant les autres déterminants de la santé (habitudes de vie, éducation, emploi et conditions de travail, niveau de revenu et statut social, etc.) qui ont une influence majeure sur la santé. Dans un objectif d’une meilleure santé de la population, l’effet attractif que notre système de santé a sur nos ressources se doit d’être transformé et modulé afin d’être entièrement mis au service de la santé individuelle et populationnelle du Québec. Une volonté politique jointe à une mobilisation des professionnels de la santé et des citoyens pour la noble cause qu’est l’excellence de notre système de santé seront indispensables dans la concrétisation de cette vision.
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Développement économique et innovation GÉNÉRATION D’IDÉES Contexte
On constate que le niveau de vie du Québec est presque à parité avec celui des six autres provinces non pétrolières, mais que ce « groupe des sept » est de 15 % à 17 % moins riche que les États-Unis89. Dans les trois provinces pétrolières, le niveau de vie a connu une ascension extraordinaire par suite de l’explosion du prix mondial de l’or noir depuis 15 ans. Leur élan de croissance était évidemment impossible à égaler.
Le développement économique est souvent énoncé comme étant une priorité absolue, ou du moins majeure, de la plupart des partis politiques. Croissance des revenus de l’État, création de richesse, création d’emplois, lutte à la pauvreté sont évoqués pour mettre de l’avant de nombreuses mesures de soutien aux entreprises. La croissance économique est recherchée afin de faire progresser le niveau de vie (pouvoir d’achat) des citoyens. Le graphique ci-dessous établit la position comparative du Québec sur ce plan en 2012. Quatre régions du continent nord-américain sont distinguées : le Québec, les six autres provinces sans pétrole (trois provinces Maritimes, l’Ontario, le Manitoba et la Colombie-Britannique), les États-Unis et les trois provinces productrices de pétrole (Terre-Neuve, la Saskatchewan et l’Alberta). Sur la base États-Unis = 100, le niveau de vie du Québec en 2012 était à 83, celui des autres provinces sans pétrole à 85 et celui des provinces avec pétrole à 124. La statistique utilisée est le PIB par habitant exprimé en unités de pouvoir d’achat comparables entre les régions88.
C’est la croissance des 25 dernières années qui a permis au Québec de rattraper le niveau de vie des autres provinces non pétrolières. Sur la base niveau de vie = 100 en 1989 et inflation déduite, le PIB par habitant avait grimpé en 2012 à 138 aux États-Unis, à 137 au Québec, à 125 dans les six autres provinces non pétrolières et à 194 dans les trois provinces pétrolières. Cumulativement, en 23 ans, la croissance québécoise a donc été à peu près la même que la croissance américaine, et beaucoup plus rapide que la croissance observée dans les autres provinces sans pétrole, ce qui a justement permis le rattrapage québécois. La bonne tenue de l’économie québécoise s’est aussi manifestée par une meilleure résistance à la récession de 2008-2009 et à ses séquelles. Sur la base niveau de vie = 100 en 2007 (dernière année de l’expansion économique), le PIB par habitant en 2012 affichait 103 dans les provinces pétrolières, 102 au Québec et 99 dans les autres provinces non pétrolières et aux États-Unis.
Revenu intérieur (PIB) par habitant exprimé en unités comparables de pouvoir d'achat au Québec, dans les autres provinces (pétrolières ou non) et aux États-Unis en 2012 (indice USA = 100) 140
PROV. AVEC PÉTROLE=124
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En matière d’inégalités socio-économiques, la performance est généralement meilleure au Québec que dans les autres provinces et États d’Amérique du Nord. Au Québec, le taux de pauvreté est parmi les plus faibles du continent et les parts du revenu marchand et du revenu disponible après impôts et transferts captées par le plus riche 1 % des contribuables n’ont pas augmenté de manière vertigineuse comme dans les autres régions depuis 35 ans. Contrairement à ce qu’on observe ailleurs, le revenu disponible des 20 % les plus pauvres des familles québécoises a augmenté dans la même proportion que celui des 20 % les plus riches.
120 110 100 90
USA=100 PROV. SANS PÉTROLE=85 QC=83
80 70 60 50
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Ces éléments positifs ne diminuent toutefois pas l’importance de poursuivre et d’intensifier plusieurs mesures pour assurer aux Qué-
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Source : Calculs basés sur les données de Statistique Canada et du U.S. Department of Commerce.
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88. Cela veut dire 1) que le montant du PIB des États-Unis en dollars américains est transformé en un montant en dollars canadiens procurant un pouvoir d’achat comparable au moyen du taux de conversion publié annuellement par Statistique Canada ; et 2) que les différences de prix entre les provinces sont aussi prises en compte. À noter que ces derniers sont les prix de tous les biens à l’achat desquels le PIB est consacré, soit non seulement les prix de la consommation privée (« coût de la vie »), mais aussi ceux des services publics, de l’investissement des entreprises et de l’investissement en infrastructures publiques. Les calculs présentés ici sont conformes à l’exposé de P. Fortin à l’adresse www.lactualite.com/ lactualite-affaires/les-etats-unis-plus-riches-de-45-que-le-quebec-arretons-dexagerer/ 89. L’excédent de richesse des Américains est fortement concentré parmi les 5 % (et même le 1 %) les plus riches. En fait, le revenu marchand des 95 % les moins riches n’est pas plus élevé aux États-Unis que dans les provinces non pétrolières du Canada, Québec compris. Voir, à ce sujet, J.-F. Lisée, Comment mettre la droite K.-O. en 15 arguments, Éditions internationales Alain Stanké, 2012.
90. Chambre de commerce du Montréal métropolitain, La compétitivité de l’environnement d’affaires de la région métropolitaine de Montréal, Une étude sur la perception des entreprises, 2012
bécois un bel avenir économique. En effet, avec le vieillissement annoncé de la population et l’état actuel des finances publiques, il importe de faire des choix stratégiques afin d’assurer un maximum de bénéfices sur la création et le maintien d’emplois et sur la compétitivité du Québec à long terme. Il faut tout particulièrement noter que la croissance plus rapide de l’économie québécoise doit une fière chandelle à l’entrée massive ou au maintien des femmes de 25 à 54 ans dans la population active, qui ont été encouragés par la politique familiale (garderies à tarif réduit, congés parentaux étendus, soutien aux enfants, réforme de l’aide sociale, prime au travail, équité salariale). Le taux d’activité féminin va continuer à augmenter encore quelque temps, mais va ensuite ralentir, puis se stabiliser. Également, la croissance du PIB par habitant au Québec va être ralentie plus vite qu’ailleurs par le poids accru de la population des aînés à la retraite. Ayant cessé de travailler, ces derniers ne contribueront plus au PIB, mais vont demeurer la population. Les 65 ans ou plus forment présentement 16 % de la population du Québec. Le pourcentage atteindra 25 % en 2030.
• Épanouissement des entreprises québécoises à l’international • Priorité à l’éducation initiale et continue des Québécois • Soutien au développement de l’entrepreneuriat sous toutes ses formes • Stimulation de la diversification économique dans toutes les régions • Stimulation de l’intégration de l’innovation dans les structures tant privées que publiques • Arrimage entre les opportunités locales et les entreprises développées • Intégration d’une vision de développement basée sur des retombées durables sur tous les plans • Encouragement à la collaboration entre les acteurs • Décloisonnement et simplification des structures
Objectifs et principes
• Planification stratégique des décisions économiques par l’État
Vision: Encourager le développement économique de façon à en maximiser les bénéfices, à long terme, sur l’économie, la société, l’environnement et la culture. Objectifs :
Propositions pour le développement économique et l’innovation
• Miser sur les ressources humaines, financières et naturelles de chacune des régions du Québec pour soutenir les projets entrepreneuriaux les plus innovants, diversifiés et adaptés aux besoins locaux ou internationaux;
1. Positionnement concurrentiel du Québec Selon une étude réalisée par KPMG en 2010, les critères déterminants pour l’investissement des entreprises dans les principales métropoles sont90 :
• Développer ces ressources de façon à assurer le développement de notre société pour les générations à venir. Principes :
• la stabilité politique et juridique (92 %);
• Maintien et promotion des avantages du Québec comme environnement d’affaires auprès des entreprises d’ici et d’ailleurs
• l’accessibilité et la taille du marché (89 %); • la croissance économique (89 %);
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91. Ibid. 92. Montréal International, Le Grand Montréal, Une économie propulsée par le savoir, Indicateurs d’attractivité, 2011-2012 93. Chambre de commerce du Montréal métropolitain, op. cit. 94. Chambre de commerce du Montréal métropolitain, op. cit.
A. maintenir nos avantages concurrentiels, notamment en accélérant la rénovation de nos infrastructures physiques, en maintenant bas les coûts d’exploitation des entreprises et en poursuivant nos efforts d’éducation;
• les infrastructures de transport, TI, autres (89 %); • la disponibilité des ressources humaines qualifiées (86 %); • les charges, coûts salariaux et la fiscalité (83 %).
B. faire la promotion de ces avantages concurrentiels, à l’étranger comme auprès des entreprises déjà établies.
Le Québec, et plus spécifiquement la région métropolitaine montréalaise, présente à ces égards plusieurs avantages91,92 : une excellente stabilité politique et juridique, une grande résilience économique observée dans la récente crise économique, une grande qualité de la main-d’œuvre, la proximité du marché des États-Unis, un taux d’imposition corporatif faible… De plus, selon l’édition 2010 de l’étude Choix concurrentiels de KPMG93, Montréal arrive au 3e rang sur les 100 métropoles étudiées partout dans le monde, après Monterrey et Mexico au Mexique, en matière de faible coût d’exploitation des entreprises.
2. Réorientation du soutien financier aux entreprises Le soutien au développement économique a longtemps pris, et prend encore souvent, la forme « top down », où le gouvernement travaille à attirer dans une région donnée une industrie apte à créer de l’emploi par des incitatifs fiscaux ou financiers. Si elle fonctionne, cette méthode a le désavantage de ne pas être pérenne. En effet, dès que l’incitatif disparaît, ou qu’un autre pays prévoit des incitatifs supérieurs, l’industrie présente de forts risques de quitter, à moins de surenchérir sur l’incitatif. De même, si son secteur d’activités est en difficulté, c’est toute la région concernée qui en souffre. Ça a été le cas de tout le secteur du textile, et c’est maintenant celui d’autres secteurs, comme les pâtes et papiers, les industries pharmaceutiques et l’amiante. En outre, certaines industries peuvent devenir dépendantes de ce type d’aide de financière, sans laquelle elles auraient soit fermé leurs portes, soit déménagé, soit relevé leurs manches pour innover et trouver des créneaux dans lesquels elles pourraient avoir une certaine rentabilité.
Cependant, le Québec doit redoubler d’efforts pour améliorer ses faiblesses s’il souhaite attirer des investissements, celles-ci étant notamment94 : • une faible persévérance scolaire; • un faible taux de diplomation universitaire; • un fort taux d’imposition des particuliers; • un faible taux de productivité; • des infrastructures physiques en mauvais état; • une faible commercialisation de la recherche;
De plus, la présence d’industries (extraction de ressources, transformation...) capables de pourvoir des emplois bien rémunérés demandant peu de qualification a eu sur certains régions et quartiers un impact que l’on ressent encore aujourd’hui en incitant les travailleurs à n’acquérir qu’une formation vraiment minimale. Cela diminue aussi l’intérêt à se lancer en affaires. Dans la perspective où aucune industrie ne peut être assurée d’une pérennité absolue, il importe de favoriser dans ces régions la formation des travailleurs et la stimulation de l’entrepreneuriat afin d’assurer, au minimum, une innovation et productivité continues dans les
• des difficultés d’accès au capital de risque; • des coûts élevés de télécommunications; • une faible notoriété internationale du Canada, du Québec et du Grand Montréal comme lieu d’affaires. Pour rehausser l’intérêt de l’environnement d’affaires québécois, il importe donc d’adresser ces différents enjeux, dont la plupart sont traités plus loin. Il est aussi proposé de :
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95. OCDE, Examens territoriaux de l’OCDE, Montréal, Canada, 2004
96. Société de développement économique Ilnu, histoire, http://sdei.ca/la-sdei/histoire 97. Municipalité canton de Saint-Camille, historique, www.saint-camille.ca/visiteurs/historique
industries afin qu’elles demeurent compétitives et, dans l’idéal, le développement de nouveaux créneaux économiques.
sances advenant la fermeture ou la délocalisation de l’entreprise;
Dans un autre ordre d’idée, une étude95 étoffée de l’OCDE réalisée en 2004 sur 65 régions métropolitaines de plus de deux millions d’habitants a révélé que l’écart de PIB réel par habitant de la région métropolitaine de Montréal s’expliquait, à 62 %, par une productivité moyenne plus faible, alors qu’au contraire son taux d’activité élevé l’avantageait (+ 37 %) et que son taux d’emploi n’avait qu’un faible impact (- 1%). Cet écart de productivité était explicable, à 98 %, par le niveau d’éducation plus faible de la population et par une insuffisance de l’investissement en équipements et en recherche et développement, surtout dans les PME. Sans pouvoir appliquer directement le résultat à l’ensemble du Québec, il appert tout de même incontournable d’agir sur ces facteurs pour rehausser la création de richesse au Québec.
• À quelles conditions les aides jugées les moins structurantes à long terme pourraient être diminuées, puis éventuellement cessées sans créer un impact négatif trop important à court terme pour la région concernée et en facilitant l’éclosion de nouvelles industries et l’adaptation des compétences des travailleurs. Ainsi, plutôt que d’attendre que des fermetures d’entreprises et des pertes d’emplois massives sonnent la cloche et obligent l’établissement de fonds de diversification des économies régionales, le soutien au développement économique prendrait une forme plus proactive visant à assurer en tout temps une diversification, une main-d’œuvre qualifiée et des innovations suffisantes pour assurer des perspectives économiques favorables dans toutes les régions du Québec.
Dans un souci de durabilité, de diversification et de productivité de l’économie québécoise, il importe donc de réorienter une partie du soutien actuellement dirigé vers les grandes industries ou concentré dans des secteurs en déclin ou stagnants vers le financement du système éducatif initial et continu, la stimulation de l’innovation et l’entrepreneuriat. Cependant, ce changement ne peut être envisagé ni de façon absolue, ni en mode accéléré. Il doit au contraire faire l’objet d’études d’impact, permettant d’établir :
3. Renforcement du réseau de développement économique local Le développement économique local est une approche qui mise sur les entreprises, citoyens, organisations et ressources locales pour identifier les opportunités de développement et les encourager. Cette approche mise notamment sur le démarrage de nouvelles entreprises, le soutien à la croissance d’entreprises existantes et l’adaptation des compétences des travailleurs. En misant sur des créneaux de développement choisis en fonction des caractéristiques du territoire et de sa population, elle assure une certaine pérennité, puisqu’il y a un enlignement entre les opportunités et les entreprises développées. Par exemple, la communauté autochtone de Mashteuiatsh96 a misé sur le développement forestier durable et le tourisme, le village de Saint-Camille97 sur l’agriculture à échelle humaine et le développement culturel, et tous deux ont vu leur population comme leur nombre d’emplois croître en conséquence. De plus, ce type de développement permet aussi le développement de produits et services utiles pour la population locale, car il amène une connaissance approfondie de ses besoins.
• Quels secteurs d’activités ont le meilleur potentiel de rétention et de développement à long terme, et quelles sont les meilleures façons de les soutenir : investissement en innovation, développement de programmes de formation adaptés…; • Quel est le retour sur investissement des aides accordées, et quel serait le potentiel de retour si l’investissement était effectué plutôt en éducation, innovation ou entrepreneuriat dans la même région; • Le potentiel d’assujettir les aides financières à des critères d’investissements des entreprises, de création d’emplois de qualité ou de cession de certains équipements et connais-
Le Québec comporte actuellement un réseau de développe-
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98. Réseau des CDEC de Montréal, Développer Montréal quartier par quartier, Réalisations 2007-2012, Perspectives 2012-2017, avril 2012, http://lescdec.org/display339
99. Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), Le Québec économique 2010, Vers un plan de croissance pour le Québec, sous la direction de Marcelin Joanis et Luc Godbout, Presses de l’Université Laval, 2010 100. OCDE, Regards sur l’éducation, Éditorial, 2012, http://www.oecd.org/fr/edu/french%20editorial.pdf 101. Daphnée Dion-Viens, Un décrocheur coûte 500 000 $, dans Le Soleil, 25 octobre 2008, http://www. lapresse.ca/le-soleil/actualites/education/200810/24/01-32717-un-decrocheur-coute-500-000.php
4. Investissement prioritaire en éducation initiale et continue
ment économique local composé notamment du réseau des 120 centres locaux de développement (CLD) et corporations de développement économique communautaire (CDEC) ayant un mandat CLD, auquel s’ajoutent d’autres acteurs locaux comme les CDEC sans mandat CLD, les centres d’aide aux entreprises (CAE) et les sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC).
Comme l’avenir du développement économique repose en grande majorité sur le capital humain disponible pour entreprendre, innover, créer, gérer et opérationnaliser, il importe que ce capital soit développé à son plein potentiel. Tel qu’abordé précédemment, la qualité de la main-d’œuvre est aussi un facteur incontournable pour assurer la compétitivité du Québec pour attirer et retenir les investissements.
L’intervention de ces organisations locales est très variable, selon leur gouvernance et leur dynamisme. Ainsi, certains CLD, dont le conseil d’administration est composé d’élus locaux et de gens d’affaires, reçoivent des mandats à caractère politique qui les éloignent parfois de leur mission première. Au contraire, d’autres CLD ou CDEC développent une vision à long terme et, ainsi, initient ou soutiennent des projets extrêmement structurants pour leur milieu98 : Technopôle Angus, Chat des artistes, Festiblues, Campus des technologies de la santé, Fermes Lufa, Sherbrooke Innopôle…
En ce sens, il importe de prévoir un réinvestissement massif dans l’ensemble du réseau d’éducation, de la petite enfance à l’université, et dans le soutien à la formation continue, afin de renouveler et développer le potentiel des travailleurs comme des personnes cherchant à accéder à l’emploi. Or, la proportion du budget de l’État affectée à l’éducation a constamment diminué dans les dernières années, subissant une érosion due à l’augmentation important des coûts associés au secteur de la santé. Par exemple, la croissance annuelle moyenne des dépenses d’éducation a été de 1,2 % pour la décennie 1989-1999 et de 2,3 % pour la décennie 1999-2009, alors que la santé montrait une croissance annuelle moyenne de 1,6 % et 4,5 % pour les mêmes périodes, et les dépenses totales de programmes de 1,3 % et 3,4 %. Il en résulte que la part de l’éducation dans les dépenses totales est désormais de 18,9 %, comparativement à 45,7 % pour la santé. C’est une part plus petite que la moyenne canadienne, située à 22,2 %99.
Le développement économique local a un énorme potentiel pour faciliter un virage vers la diversification et la durabilité des économies régionales. Cependant, pour maximiser ses retombées, les organisations locales pourraient bénéficier des améliorations suivantes, qu’il est proposé de mettre en place : A. Diversifier la gouvernance des organisations en intégrant dans les conseils d’administration des institutions publiques, organisations communautaires, syndicats et résidants du territoire; B. Évaluer la possibilité de fusionner certaines organisations agissant sur un même territoire afin de les rendre plus fortes et intégrées;
Il est important de renverser cette tendance, car les bénéfices sociaux et économiques obtenus grâce aux fonds publics investis pour favoriser l’accès aux études supérieures atteint en moyenne 100 000 $ U.S. par personne dans les pays de l’OCDE, soit 4 fois le montant moyen de l’aide consenti100. À l’inverse, les coûts associés aux pertes de revenus en impôts et aux dépenses supplémentaires en santé dus au décrochage sont estimés à 500 000 $ par personne qui abandonne l’école101.
C. Stimuler le développement de projets structurants par la mise en place, via une réaffectation de certains fonds notamment régionaux, de fonds de développement substantiels et accessibles à ces organisations en fonction des retombées envisagées; D. Faciliter le transfert d’expertise et la complémentarité des organisations par le biais d’une organisation ou structure de concertation agissant sur le plan provincial.
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102. Innovation, dans Wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Innovation 103. Ibid.
104. Bharat Mediratta, The Google Way : Give Engineers Room, dans The New York Times, 21 octobre 2007, http://www.nytimes.com/2007/10/21/jobs/21pre.html?_r=0 105. European Network of Living Labs, http://www.openlivinglabs.eu/
5. Accélération de l’innovation
leurs l’innovation au cœur de leurs valeurs, en l’accompagnant de mesures concrètes, comme du temps de travail libéré pour innover104 ou des boîtes à idées recueillant les suggestions des employés, chacune étant analysée de façon systématique et parfois assortie de bonus.
L’innovation peut être définie comme « le développement de nouvelles valeurs grâce à des solutions qui répondent à des nouvelles exigences, des nouveaux besoins ou d’anciens besoins d’un marché ou d’une société102 ». L’innovation peut prendre plusieurs formes, selon103:
Dans les dernières années, un nouveau type d’innovation a fait son apparition dans les entreprises : l’innovation ouverte, ou cocréation. Celle-ci se distingue de l’innovation traditionnelle par sa mise à contribution des environnements internes et externes de l’entreprise: employés, clients actuels ou potentiels, partenaires, fournisseurs, organisations publiques, entreprises complémentaires... En intégrant dans le processus d’innovation toutes les parties prenantes, l’innovation ouverte entraîne :
• son niveau d’intensité: amélioration continue, innovation mineure, innovation majeure ou transformationnelle; • son type: innovation de produits (produit ou service nouveau ou amélioré), innovation de processus (méthode de production ou distribution), innovation organisationnelle (pratiques d’affaires, organisation du travail, relations externes), innovation marketing (design, emballage, positionnement, promotion, prix);
• Une accélération de l’innovation par l’apport d’idées nouvelles via un regard différent sur l’entreprise, ses produits et services et ses pratiques d’affaires;
• le domaine touché: innovation technologique, sociale, environnementale, etc.
• Une réduction du temps de développement des nouveaux produits et services;
L’innovation contribue à accroître de différentes façons la compétitivité des entreprises: développement de nouveaux produits et services, hausse de la productivité, prise de parts de marché dans les marchés établis, baisse des coûts de production ou de distribution... Selon son niveau d’intensité, l’innovation peut simplement permettre à une entreprise de conserver ses parts de marché, ou à l’inverse l’amener à connaître une croissance extrêmement élevée, souvent très difficile à maîtriser.
• Un meilleur alignement des produits, services et pratiques d’affaires développés avec les besoins réels des clients, partenaires ou employés; • Une réduction du risque lié à l’innovation; • Une meilleure adhésion des clients actuels et potentiels, des partenaires d’affaires et des employés à l’entreprise.
En entreprise, le moyen habituellement utilisé pour refléter l’investissement en innovation est la hauteur des dépenses en recherche et développement. Or, si la R&D constitue, dans certains types d’entreprises (notamment technologiques), un aspect crucial et incontournable de l’innovation, elle ne reflète qu’en partie l’importance réellement consacrée à l’innovation dans l’entreprise. Les autres types d’innovation, notamment en ce qui a trait aux processus, à l’organisation du travail, aux pratiques d’affaires et au marketing, sont habituellement intégrées dans l’organisation, soit au sein des postes cadres, soit au sein de certaines ou de l’ensemble des équipes de travail, ce qui les rend beaucoup plus difficiles à comptabiliser. Certaines entreprises mettent d’ail-
Actuellement, au Québec, si certaines pratiques de collaboration existent, comme c’est le cas entre certaines grandes entreprises et universités, les pratiques d’innovation plus ouvertes, intégrant davantage de parties prenantes, sont plus rares. Vu l’importance et la reconnaissance de la créativité québécoise, il importe d’accélérer le mouvement pour demeurer à l’avant-garde de ces nouvelles tendances pour en faire profiter nos entreprises et notre économie. Parmi les plateformes de stimulation de l’innovation ouverte, les lieux physiques où la rencontre entre entreprises, citoyens et organisations est encouragée et encadrée, comme les laboratoires vivants ouverts (living labs105), sont à encourager. Les pratiques
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106. Alex Navarre, La valorisation de la recherche universitaire piétine, dans Découvrir, décembre 2012, http://www.acfas.ca/publications/decouvrir/2012/12/valorisation-recherche-universitaire-pietine
107. Gouvernement du Québec, Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation 2010-2013, 2010, http://www.mesrst.gouv.qc.ca/fileadmin/contenu/publications/administratives/strategies/sqri/sqri. pdf 108. Ibid. 109. Sherbrooke Innopole, Pôle universitaire, http://sherbrooke-innopole.com/fr/entreprendre-et-investir/ pole-universitaire/ 110. École de technologie supérieure, Centre de l’entrepreneurship technologique, http://www.etsmtl.ca/ services/Centech/accueil
d’innovation ouverte permettent aussi de stimuler d’autres types d’innovation, comme l’innovation organisationnelle, marketing ou de processus, jusqu’ici plus difficiles à qualifier et quantifier.
des pays de l’OCDE en termes de dépenses de recherche et développement (2,63 % du PIB en 2007 par rapport à 1,90 % au Canada et 2,28 % dans l’OCDE)107. De plus, l’environnement fiscal pour la R & D y est très favorable, Montréal arrivant en 2e position, après Melbourne, à cet égard108.
Afin d’accélérer l’intégration des différents types d’innovation dans les entreprises, ainsi que le passage d’une culture d’innovation traditionnelle à une d’innovation ouverte, il est proposé de :
Or, malgré ces résultats encourageants, et la présence de diverses organisations de valorisation et de transfert de la recherche universitaire, il y a toujours peu de collaborations entre les PME et le milieu universitaire. Si les grandes entreprises établissent souvent des collaborations, voire mettent sur pied des chaires de recherche industrielles, avec les universités, ces collaborations sont plus rares pour les PME, qui n’ont souvent pas de départements ni de budgets strictement dédiés à la R & D. Pourtant, les PME, pour survivre et se développer, bénéficieraient grandement d’échanges d’idées et de partages de ressources avec le milieu universitaire.
A. Mettre en place des financements spécifiques pour soutenir la mise en place d’activités d’innovation ouverte, soit en incluant ces activités dans les programmes de financement actuellement dédiés exclusivement à la recherche et développement et en bonifiant ceux-ci en conséquence, soit par un financement séparé de ces activités d’innovation ouverte; B. Soutenir techniquement et financièrement la mise en place de plateformes physiques et numériques d’échanges, comme les « hubs » et les laboratoires vivants ouverts;
Inversement, le milieu universitaire pourrait bénéficier de liens avec les entreprises, tant pour l’échange d’idées que pour faciliter l’accès au marché du travail des doctorants. Sans compromettre la neutralité et la liberté de recherche du milieu universitaire, des collaborations et projets ponctuels pourraient prendre place. De plus, un accès, payant, des entreprises à certaines infrastructures de recherche non utilisées à leur plein potentiel permettrait d’augmenter les revenus des universités tout en diminuant les coûts d’infrastructures des entreprises. Certaines universités, comme l’Université de Sherbrooke109 et l’École de technologie supérieure110, ont développé des initiatives intéressantes à cet égard, dont il serait pertinent de s’inspirer.
C. Donner à certaines structures de développement économique le mandat de mettre en place de l’information, des outils et des services pour aider les entreprises, surtout les PME, à devenir davantage innovantes.
6. Maximisation des retombées de la recherche en milieu universitaire Malgré un grand potentiel de commercialisation de certaines innovations issues de la recherche universitaire, peu de ces innovations sont effectivement transférées vers les entreprises, ou mènent à la création d’entreprises. En effet, par dollar investi en recherche et développement, le nombre de licences est moindre qu’au Canada et aux États-Unis, le déficit d’inventions générées par dollar investi atteint 25 % par rapport au Canada et, surtout, seules 7 entreprises ont été créées au Québec sur 68 au Canada en 2011, soit une sur dix, alors que ce ratio était de une sur quatre en 2001106.
Dernier élément, la formation des étudiants à la maîtrise et au doctorat est actuellement quasi-exclusivement axée sur la recherche, alors que les postes qu’ils occuperont, notamment en recherche industrielle ou universitaire, demanderont aussi d’autres compétences, comme la gestion des ressources humaines, la gestion de budgets de recherche et le leadership. De plus, certains étudiants pourraient être tentés, à la fin de leurs études, de lancer une entreprise fondée sur certaines des innovations issues de leur recherche, mais ils ne sont pas formés à cet égard non plus.
Pourtant, le milieu de la recherche au Québec est très bien financé : le Québec vient au premier rang des provinces et au 8e rang
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En ce sens, Génération d’idées propose de :
du Soleil? Seul un effort de soutien aux entrepreneurs pour qu’ils prennent leur place à l’échelle internationale pourra permettre de le savoir.
A. Intégrer dans la formation des professeurs et chercheurs des éléments de gestion;
En ce sens, il est proposé de :
B. Prévoir des mesures pour stimuler la fibre entrepreneuriale des étudiants;
A. Identifier et maintenir une veille sur les créneaux porteurs d’opportunités de croissance à l’international;
C. Faciliter l’accès des entrepreneurs potentiels issus du milieu universitaire aux structures d’aide à l’entrepreneuriat, comme les CLD;
B. Stimuler les entrepreneurs d’ici, spécialisés dans ces domaines ou dans des domaines connexes pouvant permettre des transferts vers les créneaux porteurs, à investir en ce sens;
D. Susciter les collaborations entre les acteurs impliqués dans le développement économique et ceux liés au monde de la recherche;
C. Outiller davantage les organismes de développement économique, notamment les CLD, pour qu’ils puissent repérer les entreprises à haut potentiel de croissance et d’exportation et leur offrir un soutien technique supplémentaire pour démarrer des opérations d’exportation;
E. Soutenir la mise en place de plateformes de contacts entre les PME et le milieu de la recherche universitaire, comme les incubateurs technologiques et les laboratoires vivants ouverts;
D. Effectuer davantage de missions commerciales à l’étranger, par secteur d’activité, en s’assurant d’y inclure les PMEs ayant le plus de potentiel de croissance et d’exportation;
F. Favoriser l’accès payant des PME aux équipements de pointe universitaires n’étant pas utilisés à leur pleine capacité; G. Rétablir le financement des fonds de recherche au même niveau qu’en 2011;
E. Maintenir et développer les réseaux d’affaires internationaux mis en place lors de ces missions, notamment via les délégations étrangères, et faciliter leur mise en contact avec l’ensemble des entreprises québécoises pertinentes, notamment via les CLD et structures de développement économique;
H. Maintenir un bon équilibre de financement entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée.
F. Évaluer la possibilité d’établir de nouvelles délégations générales dans des régions à fort potentiel de croissance des échanges commerciaux, notamment en Asie.
7. Encouragement aux créneaux à fort potentiel d’exportation Dans les dernières années, l’État québécois a beaucoup mis l’accent sur l’attraction d’entreprises étrangères au Québec, notamment par la mise en place de différents crédits et subventions. Or, il existe aussi au Québec un fort potentiel d’exportation des produits et services de plusieurs de nos entreprises, sur lesquels plus d’énergie pourrait être investie. De plus, considérant la taille réduite du marché québécois, il importe de tourner rapidement les entreprises à fort potentiel de croissance vers les marchés étrangers. Qui pourrait être le prochain Bombardier ou Cirque
8. Consolidation administrative des démarches des entrepreneurs Au Québec, le réseau de développement économique est relativement complexe, comprenant des programmes de soutien aux échelles locale, régionale, provinciale et fédérale, ainsi que
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111. Gouvernement du Québec, Création d’un comité de suivi en matière d’allègement réglementaire et administratif, 24 janvier 2013, http://communiques.gouv.qc.ca/gouvqc/communiques/GPQF/Janvier2013/24/c8434.html 112. Ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation, Rapport de consultation, Vers une stratégie de l’entrepreneuriat, 2011, http://www.economie.gouv.qc.ca/fileadmin/contenu/ publications/administratives/rapports/entrepreneuriat_rapport_consultation.pdf
des programmes par clientèles (femmes, immigrants, jeunes…) et par secteur (économie sociale, technologie, fabrication…). De plus, certains acteurs comme les chambres de commerces ou des fonds privés souhaitent aussi avoir accès à des fonds publics pour offrir des services aux entreprises. Il en résulte une très grande confusion pour les entrepreneurs et certains dédoublements de services. Par exemple, une jeune entrepreneure immigrante dans le domaine technologique peut avoir affaire à plus d’une dizaine d’intervenants différents pour développer son projet.
formulaires, octroi des financements à partir d’un minimum d’agents économiques, intégration de plusieurs financements disponibles en un seul financement, modulable selon les variables jugées désirables (ex. secteur d’activité, profil de l’entrepreneur); E. Tendre vers une simplification et une accélération des processus d’accession au financement, par un montage et un traitement plus rapide des demandes; F. Poursuivre les mesures d’allègement des démarches administratives et réglementaires amorcées111.
Cette complexité se reflète aussi dans le financement, qui comprend un nombre incalculable de programmes à tous les niveaux, chaque programme faisant l’objet d’un formulaire et d’une démarche différente. De plus, des programmes d’investissement ou de financement privés viennent s’ajouter, avec d’autres démarches à entreprendre. Si elle offre un certain reflet de la diversité entrepreneuriale, cette situation complexifie les démarches des entrepreneurs à un point tel que certains, malgré qu’ils soient très prometteurs, doivent se débrouiller sans soutien faute d’entrer dans les critères ou de s’astreindre à y consacrer le temps nécessaire.
9. Offre d’un soutien plus complet aux entrepreneurs et entreprises Malgré la présence de nombreux types d’aide financière aux entreprises, plusieurs entrepreneurs « déplorent l’inaccessibilité du financement pour des projets qui ne correspondent pas exactement aux critères d’admissibilité des programmes112. » Notamment, les critères basés sur l’âge sont dénoncés, ainsi que les difficultés d’accès à du financement à certains stades pourtant critiques du développement des entreprises, soit la pré-commercialisation et la croissance.
Un réaménagement de ces programmes de soutien et de financement doit être abordé selon les grandes orientations suivantes, en mettant à contribution tous les acteurs économiques et les entrepreneurs :
En effet, le soutien actuel est beaucoup axé sur le démarrage et sur la phase de recherche et développement. Ainsi, lorsque la recherche permet d’identifier un produit à fort potentiel de commercialisation, les fonds pour amener ce produit vers le marché (design, mise en place des moyens de production, développement de marchés) sont difficiles à recueillir. De même, lorsqu’une entreprise prend un envol rapide, par exemple par la confirmation d’une première grosse commande ou par une phase d’expansion rapide, l’argent n’est pas toujours au rendez-vous pour financer le fonds de roulement, qui permet de mettre sur pied les ressources humaines et techniques nécessaires pour produire ces produits et services, qui ne seront souvent payés qu’après livraison.
A. Choisir une seule porte d’entrée officielle des entrepreneurs, qui leur permette d’accéder à tous les services complémentaires à partir d’un seul agent de référence; B. Ajuster le financement de ce guichet multiservices en conséquence; C. Ramener le rôle des autres organisations de développement économique à des services complémentaires au guichet multiservices, comme de la sensibilisation ciblée ou des services spécialisés; D. Entreprendre une démarche de consolidation administrative de tous les financements disponibles, d’abord dans le réseau public, puis, dans la mesure du possible, avec certains acteurs privés : harmonisation et simplification des
Dans beaucoup de pays, ces phases de développement sont financées par les anges financiers et le capital de risque (venture capital). Cependant, au Québec, vu le plus petit nombre de grandes
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113. Association des CLD du Québec, Fonds local d’investissement, http://www.acldq.qc.ca/fr/entrepreneur-fli.php 114. Fonds de solidarité FTQ, Fonds locaux, http://www.fondsftq.com/fr-ca/financement/fonds-locaux.aspx 115. Budget 2013, Le Fonds de solidarité FTQ en campagne pour sauver les fonds des travailleurs, dans Radio-Canada.ca, 3 avril 2013, http://www.radio-canada.ca/nouvelles/Economie/2013/04/03/008fonds-solidarite-ftq-annulation-credit-impot-offensive.shtml
116. Fondation de l’entrepreneurship, Indice entrepreneurial québécois 2011, Culture entrepreneuriale au Québec : nos entrepreneurs prennent-ils racine?, 2011 117. Fondation de l’entrepreneurship, Indice entrepreneurial québécois 2012, Plan E : Cap vers un Québec plus entrepreneurial, 2012
entreprises locales, ce type de capital est moins fréquent, et souvent soumis à des conditions plus contraignantes pour les entrepreneurs. L’État a pris la relève à certains égards, notamment avec les fonds locaux d’investissement113. Les fonds de travailleurs (Fondaction CSN, Fonds de solidarité FTQ) jouent souvent un rôle complémentaire à ces fonds publics, notamment via les Fonds locaux de solidarité114. Cependant, pour s’assurer que nos entrepreneurs ne voient pas leur croissance stoppée par un manque de financement, il importe d’accélérer les efforts en ce sens et de maintenir les crédits d’impôt existants pour les fonds de travailleurs, dont le gouvernement fédéral prévoit l’abolition progressive115.
E. Élargir le spectre d’intervention des financements et soutiens offerts par les organisations de développement économique pour toucher les phases de croissance et de précommercialisation; F. Bonifier certains programmes de financement et, au besoin, en créer pour mieux soutenir la pré-commercialisation et la croissance; G. Assurer un déploiement complet des réseaux de mentorat d’affaires sur l’ensemble du territoire; H. Soutenir la mise en place de réseaux et cercles d’échanges entre gens d’affaires.
De plus, actuellement, le soutien technique relève beaucoup des CLD et autres structures de développement économique, où des conseillers en gestion donnent aux entrepreneurs de la rétroaction sur leurs projets et apportent des conseils pour les bonifier. Si cette aide est cruciale et augmente grandement les chances de survie des entreprises, elle peut être complétée par d’autres types d’approches, basées sur l’échange entre entrepreneurs, notamment le mentorat et les réseaux et cercles d’échanges. Ces approches, déjà existantes et relativement bien développées, sont néanmoins d’accès inégal selon les régions et quartiers.
10. Stimulation de la culture entrepreneuriale Source de création d’emploi, d’innovation et de croissance économique, l’entrepreneuriat est une clé importante du développement des différentes villes et régions du Québec. Or, selon une étude de la Fondation de l’entrepreneurship réalisée en 2011116, il y a 1,7 fois moins de propriétaires d’entreprises au Québec que dans le reste du Canada et, fait encore plus préoccupant, les Québécois ont 1,6 fois moins l’intention d’entreprendre. Pourtant, les Québécois sont plus nombreux qu’ailleurs à avoir eu de l’information sur la possibilité de choisir l’entrepreneuriat comme carrière. Toujours selon cette étude, réalisée auprès de 16 000 Québécois et Canadiens, les causes possibles de cette fibre entrepreneuriale plus faible seraient plutôt liées à la culture québécoise, au soutien et aux obstacles administratifs, notamment :
En ce sens, Générations d’idées propose de : A. Ne pas complètement exclure des possibilités de financement par subvention certaines catégories de profil d’entrepreneur, comme c’est le cas, par exemple, des hommes de plus de 35 ans nés au Québec; B. Stimuler les investissements privés de type capital de risque et anges financiers via des avantages fiscaux et de la sensibilisation;
• une plus grande peur de l’échec;
C. Faire des liens avec des structures d’investissement privé du Canada et des États-Unis;
• la perception négative de l’ambition et du succès financier; • la difficulté d’accès aux ressources de soutien et financières;
D. Faire des représentations auprès du fédéral pour maintenir l’avantage fiscal de 15 % liés aux fonds de travailleurs, et maintenir cet avantage au-dessus de 20% si le fédéral se retire;
• et la complexité administrative, légale et fiscale. Il ressort aussi d’une étude économétrique réalisée en 2012117 que les deux cibles à prioriser pour avoir le plus d’impact pour stimuler
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118. Fondation de l’entrepreneurship, Indice entrepreneurial québécois 2013, Les entrepreneurs du Québec font-ils preuve d’audace?, 2013 119. Gouvernement du Québec, Foncez! Tout le Québec vous admire, Stratégie québécoise de l’entrepreneuriat, novembre 2011
120. Suzanne Dansereau, Guerre de chiffres sur le Plan Nord, Les Affaires, http://www.lesaffaires.com/dossier/plan-nord/guerre-de-chiffres-sur-le-plan-nord/542230#.UZ_OBV-1bIU 121. Gérald Fillion, Le yin et le yan du Plan Nord, Radio-Canada, http://blogues.radio-canada.ca/geraldfillion/2012/03/14/plan-nord-iris-secor-charest-redevances-miniere/ 122. Paul Journet, Le PQ reprend les investissements du Plan Nord libéral, La Presse, http://www.lapresse. ca/actualites/politique-quebecoise/201305/07/01-4648441-le-pq-reprend-les-investissements-duplan-nord-liberal.php
les démarches de création et de reprise d’entreprise sont le développement :
miques, sociaux, environnementaux et culturels aient été dûment documentés par l’État ou, s’ils l’ont été, sans que cette information soit rendue publique, ni avant, ni par la suite. Le Plan Nord en est probablement l’exemple récent le plus flagrant : deux études, l’une de l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques, l’autre de SECOR, démontraient des retombées complètement opposées des investissements prévus.120,121 Or, devant ces états de fait, le gouvernement n’a jamais été en mesure de produire des données internes démontrant, chiffres à l’appui, l’apport positif du Plan Nord sur le développement du Québec. La situation est d’autant plus préoccupante que le changement de gouvernement ne semble pas avoir amené de regard plus éclairé sur la situation, le nouveau Plan Nord étant en grande partie semblable à l’ancien.122 Or, le Plan Nord est loin d’être une exception : du gaz de schiste, dont l’exploration a été autorisée sans aucune évaluation environnementale indépendante, au soutien continu à des secteurs pourtant en déclin, le gouvernement semble naviguer au gré des investissements et emplois créés à court terme et des données fournies par les entreprises, sans données indépendantes ni vision stratégique à long terme.
• de qualités et de compétences entrepreneuriales; • et de réseaux de relations professionnelles. Si certains indicateurs ont, depuis, évolué de façon positive118, notamment grâce à plusieurs mesures de valorisation de l’entrepreneuriat mises en place par le gouvernement dans le cadre de la Stratégie de l’entrepreneuriat119, il importe de maintenir le cap. En ce sens, outre les mesures de simplification administrative, de réseautage et d’accès facilité aux ressources, mentionnées plus haut, il importerait d’agir aussi sur la démystification de l’entrepreneuriat auprès de la population, notamment avec les moyens suivants : A. Valoriser tous les types de parcours entrepreneuriaux, avec leurs échecs et leurs succès; B. Mettre aussi de l’avant d’autres types d’entrepreneuriat que celui à but lucratif (économie sociale, entrepreneuriat communautaire);
Dans ce cadre, la mise en place d’au moins deux nouveaux outils est proposée pour améliorer la prise de décisions économiques stratégiques au Québec :
C. Faciliter le développement des compétences de type entrepreneurial en insérant dans les parcours scolaires et de formation continue des activités de formation non traditionnelles, stimulant le leadership, l’apprentissage par les pairs et l’auto-développement;
A. Un département de recherche stratégique interne, qui pourrait travailler en collaboration avec les universités pour doter le gouvernement de données fiables et indépendantes de toute influence ou conflit d’intérêt;
D. Mettre en place plus de points de contacts entre les entrepreneurs et la population, notamment au travers du système éducatif et des lieux d’implication des adultes (centres de loisirs, milieux communautaires ou nouvelles plateformes).
B. Une stratégie de développement économique intégrée, élaborée à partir des résultats de recherche et en partenariat avec les parties prenantes de toutes les régions du Québec.
11. Doter l’État d’outils de planification stratégique efficaces Au cours des dernières décennies, plusieurs décisions économiques d’importance ont été prises sans que les impacts écono-
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Références
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Développement durable GÉNÉRATION D’IDÉES 1. L’attribution de la responsabilité du développement durable au Conseil du trésor
Au cours des 25 dernières années, les gouvernements successifs du Québec ont progressivement intégré la notion de développement durable au sein de l’administration publique. Le développement durable s’entend d’un développement « qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »123.
En 2006, la Loi sur le développement durable a attribué à l’ancien ministère de l’Environnement la responsabilité principale de la réalisation des objectifs du développement durable dans la stratégie du gouvernement du Québec. Parmi d’autres tâches, ce ministère est mandaté d’assurer la promotion du développement durable au sein de l’administration publique, la coordination des travaux des différents ministères portant sur la stratégie de développement durable et des bilans périodiques sur sa mise en œuvre, l’amélioration de l’expertise du gouvernement dans le domaine et la réalisation par le gouvernement des objectifs du développement durable, en lui prêtant conseil et expertise127.
Les efforts en ce sens remontent à la parution même du Rapport Brundtland, suite auquel le gouvernement a créé une Table ronde sur l’environnement et l’économie en 1998. Se succèderont, en 1989, la tenue d’un forum sur le développement durable, en 1991, la mise sur pied d’un Comité interministériel sur le développement durable, et depuis lors, plusieurs réorientations du ministère de l’Environnement centrées autour du concept du développement durable, l’adoption de lois, plans d’action et stratégie et la participation du Québec au Sommets mondiaux sur le développement durable en 1992, 2002 et 2012124.
À notre avis, l’attribution de ce rôle à l’ancien ministère de l’Environnement ne permet pas de refléter les ambitions transversales du concept de développement durable. Tel que précisé par Loi sur le développement durable, le développement durable « s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique des activités de développement » 128. Or, en donnant un rôle prépondérant à l’ancien ministère de l’Environnement, la Loi sur le développement durable a rattaché la notion de développement durable à la seule sphère environnementale et a délaissé l’approche trans-sectorielle du développement durable, dont relevait la création antérieure du Comité interministériel du développement durable.
L’adoption en 2006 de la Loi sur le développement durable constitue la plus récente étape charnière d’un long processus visant la recherche du développement durable au Québec. Cette loi vise à instaurer un nouveau cadre de gestion de l’administration publique axé sur les principes du développement durable et à assurer la cohérence et l’imputabilité des actions gouvernementales dans ce domaine.125 Pour ce faire, la loi oblige le gouvernement à développer et appliquer une Stratégie de développement durable, à laquelle les ministères et organismes publics se doivent de contribuer en se fixant des objectifs, en adoptant des activités et en faisant état de leurs progrès. Par ailleurs, la loi institue la fonction de Commissaire au développement durable et lui accorde la responsabilité de soumettre à l’Assemblée nationale un rapport annuel sur l’application de la Loi sur le développement durable et sur l’action gouvernementale dans ce domaine.126
Pour accorder une plus grande cohérence institutionnelle à la recherche du développement durable, lui attribuer une certaine prépondérance au sein du gouvernement et s’assurer que sa mise en œuvre investisse pleinement les sphères économiques et sociales, Génération d’idées propose que la responsabilité pour le développement durable soit attribuée au Conseil du trésor. Le Conseil du trésor est un comité permanent du Conseil des ministres composé de cinq ministres et est présidé par le Ministre responsable de l’Administration gouvernementale. Puisque le Conseil du trésor a pour tâches principales de conseiller et soutenir le gouvernement et les ministères dans leur gestion des ressources, il est bien positionné pour exercer un contrôle et une coordination trans-
Grâce à ces développements législatifs, le Québec dispose actuellement d’un des cadres institutionnels les plus avancées en matière de développement durable en Amérique du Nord. Tout de même, Génération d’idées est d’avis que plusieurs réformes et mesures sont nécessaires pour que la société québécoise puisse réellement prendre le virage vers un développement durable.
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123. Loi sur le développement durable, L.R.Q. D-8.1.1, art. 2. 124. Ministère du développement durable, de l’environnement, de la faune et des parcs, « Le Québec sur la voie du développement durable», http://www.mddefp.gouv.qc.ca/developpement/voie.htm. 125. Loi sur le développement durable, L.R.Q. D-8.1.1, art. 1. 126. Loi sur le vérificateur général, L.R.Q., chapitre V-5.01. 127. Loi sur le développement durable, L.R.Q. D-8.1.1, art. 13. 128. Loi sur le développement durable, L.R.Q. D-8.1.1, art. 2. 129. Rapport du Vérificateur général du Québec à l’Assemblée nationale pour l’année 2011-2012, Rapport du commissaire au développement durable, Printemps 2012, chapitres 2 et 3. 130. Produit intérieur brut, dans Wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Produit_int%C3%A9rieur_brut 131. Robert Repetto, et al., Wasting Assets: natural resources in the national income accounts, Washinton, DC, World Press Institute, 1989.
132. Voir « Happy Planet Index », http://www.happyplanetindex.org. 133. Mario Polèse, Five principles of urban economics, City Journal, 2013, http://www.city-journal. org/2013/23_1_urban-economics.html
sectorielle efficace et rigoureuse de la recherche du développement durable dans l’administration publique. Ainsi, l’attribution de la responsabilité pour le développement durable au Conseil du trésor pourrait pallier aux nombreuses lacunes identifiées par le Commissaire au développement durable dans l’approche actuelle du gouvernement, notamment le manque de précision et de suivi dans la planification et la mise en œuvre des plans d’action des ministères, le manque de coordination interministérielle et le manque de rigueur dans l’évaluation des performances et de la reddition des comptes129. Enfin, un autre avantage d’une telle réforme serait que le ministère de l’Environnement pourrait retrouver sa fonction originelle et naturelle – celle d’assurer une meilleure gouvernance de l’environnement au Québec.
production totale actuelle de l’économie, comme le fait le PIB, il tente d’évaluer la capacité productive d’un État. À la production brute calculée par le PIB, il ajoute les variations en capital, en ressources naturelles, en qualité de l’environnement et celles de bien d’autres items. Un PIB en croissance peut cacher un PNN vert en décroissance si les ressources non renouvelables sont exploités rapidement et si la qualité de l’environnement se dégrade. Enfin, le « Happy planet index », développé par un think thank britannique, est un autre exemple d’un indicateur qui vise à mesurer le progrès d’une société d’une manière holistique.132 Génération d’idées propose de doter le Québec d’un indice qui permette de refléter le développement durable du Québec, incluant ses composantes économiques, sociales et environnementales, ce afin de bien mesurer l’impact des décisions prises et de pouvoir comparer son évolution d’une année à l’autre. Cet indice pourrait se baser sur plusieurs indicateurs mesurables, comme le pouvoir d’achat, le niveau d’éducation ou l’espérance de vie. Il faudrait y faire attention à la distribution des données, afin de ne pas fausser les résultats par la présence de données extrêmes (comme les revenus très élevés), qui ont une forte influence sur les moyennes. Une fois développé, l’indice pourrait devenir une référence à tous les niveaux décisionnels, dans tous les secteurs et fournir un outil important pour mesurer le progrès du Québec.
2. La modification des indicateurs de suivi du développement du Québec Depuis l’adoption de la Loi sur le développement durable, les ministères et organismes publics ont adopté plusieurs indicateurs pour mesurer leur actions et performances dans le domaine du développement durable. Cependant, l’indicateur le plus utilisé et médiatisé en ce qui concerne le suivi du développement de la province demeure le produit intérieur brut (PIB). Le PIB « mesure la valeur de l’ensemble des biens et services produits sur le territoire d’un pays donné au cours d’une période donnée. »130 En ne mesurant que ce qui fait l’objet d’une transaction monétaire, il ne prend donc pas en compte certaines activités, comme le travail domestique et le bénévolat, et inclut des activités qui génèrent des retombées négatives pour l’environnement, comme l’exploitation non durable des ressources, ou pour la société, comme la production d’armes de guerre et les accidents.
3. Une meilleure planification des grands projets Tout grand projet a un impact sur le développement d’un milieu, mais l’impact économique peut varier grandement selon la pertinence et la planification du projet. Dans certains cas, l’impact peut même se révéler négatif, comme ça a été le cas de l’aéroport de Mirabel qui, en obligeant le transit des passagers d’un aéroport à l’autre, a mené à l’abandon de Montréal comme lieu de transit et donc, comme pôle de développement, entre autres, du secteur financier133. Aussi, les impacts sociaux et environnementaux d’un projet peuvent, à long terme, diminuer le potentiel économique d’un projet. Les impacts d’un projet peuvent aussi empêcher son acceptabilité sociale par le milieu. Souvent, ce rejet est justifié par des arguments méritant considération et qui, en étant intégrés,
En cela, le PIB n’est pas un indicateur de développement, mais bien de simple croissance économique. Plusieurs indicateurs ont été créés dans les dernières décennies pour tenter de mieux refléter le développement dans toutes ses composantes, dont l’Indice de développement humain développé par le Programme des Nations unies pour le développement. Le produit national net vert (PNN vert) est un indice qui a reçu depuis les 15 dernières années une attention toute particulière131. Au lieu de se concentrer sur la
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134. Voir Jean Baril, Le BAPE devant les citoyens. Pour une évaluation environnementale au service du développement durable, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2006.
135. Pistes de réflexion pour un Conseil citoyen, Mémoire présenté conjointement par le Conseil des aînés, le Conseil de la famille et de l’enfance et le Conseil permanent de la jeunesse, Juin 2011, disponible à l’adresse suivante : < http://www.jeunes.gouv.qc.ca/documentation/publications/publications-cpj/ documents/histoire-du-conseil/memoire-pistes-reflexion-conseil-citoyen.pdf>, à la page 9. 136. Ibid., à la page 10.
4. La création d’un conseil citoyen
pourraient améliorer le projet et ses impacts à long terme. Cependant, parfois, un rejet résulte d’une incompréhension des enjeux ou du phénomène de “pas dans ma cour”.
En 2011, le gouvernement du Québec a intégré le Conseil consultatif du travail et de la main-d’œuvre, le Conseil de la science et de la technologie, le Conseil des relations interculturelles, le Conseil de la famille et de l’enfance, le Conseil des aînés et le Conseil permanent de la jeunesse aux ministères desquels ils relevaient. Déplorant la disparition de ces conseils comme instruments démocratiques ayant pour objectif d’assurer la participation des citoyens au processus de politique publique, les membres du Conseil des Aînés, du Conseil de la famille et de l’enfance et du Conseil permanent de la jeunesse ont convié une rencontre spéciale ayant dégagé un consensus pour la création d’un Conseil citoyen.
La planification du projet en misant sur une gouvernance transparente, inspirant la confiance et mettant à contribution le milieu en amont du développement, peut permettre la maximisation des impacts positifs et la minimisation des impacts négatifs, tout en diminuant le risque de rejet par la population. L’expérience du Bureau d’audiences publiques en environnement (BAPE) démontre l’importance d’avoir une institution crédible pour examiner les impacts des activités économiques sur l’environnement et d’assurer la participation des citoyens au processus de prise de décision.
Génération d’idées propose d’aller dans ce sens de créer un conseil citoyen qui « aurait pour mission de conseiller le gouvernement quant à l’orientation des politiques en faveur de l’ensemble des citoyens à tous les âges de la vie, tout en se préoccupant des besoins spécifiques de chaque génération et des liens entre elles, dans un contexte caractérisé par de constants changements sociodémographique »135. Composé d’individus représentant des différents secteurs et issus des différentes générations, le Conseil citoyen serait un organisme de recherche et de concertation qui viserait à « contribuer à l’étude et à la résolution de questions dans une perspective d’équité et de solidarité intergénérationnelle. »136.
Génération d’idées propose une réforme majeure du BAPE pour rehausser sa crédibilité en tant qu’institution d’une part et pour étendre son mandat aux composantes sociales des projets et activités économiques d’autre part. En ce qui concerne sa crédibilité, la direction du BAPE devrait être nommée directement par l’Assemblée nationale et la marge de manœuvre du BAPE pour se saisir des projets à évaluer devrait être élargie (notamment pour éviter les manœuvres de certains projets pour s’y soustraire) et indépendante de l’approbation du gouvernement134. De plus, le BAPE devrait avoir le mandat d’effectuer des évaluations stratégiques touchant aux questions environnementales et sociales selon des seuils d’activation définis et raisonnables. En fin de compte, le BAPE doit devenir un mécanisme transparent permettant de :
5. L’aide à l’adaptation des entreprises au développement durable
• fournir des données indépendantes et complètes sur le projet et ses impacts économiques, environnementaux et sociaux;
Vu la conscientisation grandissante des clients, partenaires d’affaires et investisseurs, il importe que les entreprises prennent en considération des notions de développement durable et de responsabilité sociale. Une prise en compte seulement partielle ou superficielle peut amener un risque important dans le développement de l’entreprise. De plus, ces notions peuvent permettre aux entreprises d’innover et de découvrir des opportunités importantes de baisses de coûts (ex. efficacité énergétique, efficacité des processus, productivité amenée par la motivation des employés) et de nouveaux marchés. Avoir une longueur d’avance en ce sens peut permettre d’obtenir un avantage concurrentiel important, à court terme comme à moyen et long terme.
• impliquer toutes les parties prenantes dans la définition du projet dès que celui-ci est envisagé; • recueillir les commentaires sur la version finale du projet afin de le bonifier avant de le mettre en œuvre; et • assurer un suivi auprès des parties prenantes sur la mise en œuvre du projet et, si des changements sont apportés, sur les motifs de ces changements.
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Pour encourager le changement de pratiques des entreprises québécoise, il importe de :
Dans le monde, il n’existe pas une stricte définition de l’économie sociale. Au Québec, le Chantier de l’économie sociale définit une entreprise de l’économie sociale selon les cinq critères suivants : elle a pour finalité de servir la collectivité plutôt que de simplement viser le rendement financier; elle a une autonomie de gestion par rapport à l’État; elle intègre un processus de décision démocratique; elle défend la primauté de la personne sur le capital; et elle fonde ses activités sur le principe de la prise en charge individuelle et collective. Pour répondre à ces critères, les entreprises d’économie sociale sont habituellement incorporées sous forme de coopérative ou d’organisme à but non lucratif.
• Mettre au point, au sein des structures de soutien existantes, des outils de facilitation de la mise en œuvre de mesures de développement durable • Inciter les entrepreneurs à considérer ces éléments dans tout projet de démarrage ou d’expansion de leur entreprise • Ne pas hésiter à recourir, lorsqu’utile, à une réglementation restrictive afin de forcer les entreprises à adopter des comportements responsables
Le gouvernement a récemment conçu une loi-cadre en économie sociale, qui est actuellement en consultation. C’est un très bon pas dans la bonne direction. Pour poursuivre dans le même sens, Génération d’idées suggère les mesures suivantes :
• Permettre aux clients et investisseurs de reconnaître les entreprises durables en mettant en valeur leurs réussites et en faisant connaître les certifications existantes.
• S’assurer d’ouvrir et d’adapter tous les programmes, de financement comme d’achat public, aux entreprises d’économie sociale
Ayant adopté plusieurs stratégies pour améliorer sa contribution au développement durable, Génération d’idées propose que le gouvernement multiplie les efforts pour aider les entreprises à prendre le virage du développement durable.
• Mieux faire connaître la notion d’économie sociale aux citoyens, au travers du système éducatif mais aussi des médias rejoignant les adultes, comme la télévision
6. Le soutien au développement de l’économie sociale
• Faciliter la reconnaissance, par les citoyens, des entreprises d’économie sociale, par une certification, un sceau ou la promotion des portails existants
L’économie sociale, qui marie les valeurs économiques et humaines en visant le développement durable, se manifeste de plus en plus au Québec. Au Québec, il est estimé que l’économie sociale représente 7 à 8 % du PIB québécois. Les deux plus grands employeurs privés au Québec font partie de cette micro-économie: les Caisses populaires Desjardins et le réseau des CPE.
7. Le soutien au développement de l’économie verte L’essoufflement de la croissance économique en Occident, la remise en question des modèles d’affaires traditionnels et la détérioration constante de la planète et de son atmosphère ont mené à l’élaboration d’un nouvelle approche pour atteindre un développement plus durable : l’économie verte.
Les entreprises d’économie sociale ont à la fois une mission économique et une mission sociale. Comme toutes autres entreprises, elles produisent des biens et services destinés à l’économie du marché. Elles se distinguent de l’économie traditionnelle en gérant leurs activités et en utilisant leurs profits en fonction du bien-être collectif et de l’unité sociale. Ces entreprises ne font pas partie du marché boursier.
Selon les Nations Unies, l’économie verte est « une économie qui entraîne une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale, tout en réduisant de manière significative les risques envi-
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137. Programme des Nations Unies pour l’environnement, Vers une économie verte : Pour un développement durable et une éradication de la pauvreté – Synthèse à l’intention des décideurs, disponible à l’adresse suivante : <http://www.unep.org/greeneconomy/Portals/88/documents/ger/GER_synthesis_fr.pdf>, à la page 1. 138. World Resources Institute, « A Compilation of Green Economy Policies, Programs, and Initiatives from Around the World », disponible à l’adresse suivante: <http://www.uncsd2012.org/rio20/content/documents/compendium_green_economy.pdf>.
ronnementaux et la pénurie de ressources »137. Suite à la crise économique de 2008, plusieurs gouvernements autour du monde ont adopté des plans d’action pour favoriser l’essor d’une économie verte et ainsi repenser le cadre règlementaire de l’activité économique, améliorer la compétitivité de leurs entreprises, créer des emplois verts et favoriser le développement et la diffusion des technologies propres138. En ce sens, Génération d’idées suggère que le gouvernement développe une stratégie et adopte des mesures pour soutenir le développement d’une économie verte au Québec.
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Accès au marché du travail GÉNÉRATION D’IDÉES secondaire trois complété. Avec un secondaire 3 ou moins, bon nombre de DEP ne leur sont même pas accessibles lorsqu’ils retournent à l’école pour obtenir une formation qualifiante.
Au Québec, le marché du travail se porte plutôt bien et renferme son lot d’opportunités pour les années à venir. Selon un rapport d’Emploi-Québec, il est attendu que plusieurs secteurs d’activités seront en croissance entre 2011 et 2021. C’est le cas notamment du secteur des ventes et services, dont la variation projetée est de plus de 60 000 emplois, du secteur des sciences naturelles et appliquées, pour une variation de près de 55 000 emplois, et du secteur de l’enseignement, de l’administration publique et des sciences sociales,139 avec une variation de près de 55 000 emplois. Les emplois qui connaîtront une croissance sont d’abord les emplois de niveau collégial technique, au deuxième rang ceux nécessitant un DEP et au troisième rang, les emplois nécessitant un diplôme universitaire.
En ce sens, la mesure suivante est suggérée : 1. Obligation de demeurer à l’école jusqu’à l’obtention d’un dep ou des ou de l’âge de 18 ans.
Mise à part l’obtention d’un diplôme qualifiant, il est important pour tous les Québécois qu’ils soient en mesure de bien lire, écrire et compter. Cela est non seulement essentiel pour la vaste majorité des emplois dans le marché du travail actuel, mais aussi pour la pleine participation à titre de citoyen dans l’espace public. Malheureusement, le taux d’analphabétisme fonctionnel est assez inquiétant. Ainsi, il est impératif de poursuivre les efforts pour offrir des formations de qualité permettant la pleine acquisition des compétences de base à tous les niveaux : au secondaire, à l’éducation aux adultes, dans les établissements d’enseignement, dans le communautaire de même qu’en entreprise. Ce point névralgique est abordé plus en détail dans la section portant sur l’éducation.
Tel que l’indiquent ces chiffres, l’obtention d’une formation qualifiante est grandement porteuse d’avenir et l’éducation est un élément excessivement important pour favoriser l’intégration des Québécois dans le marché du travail. C’est avant tout sur la qualification des citoyens qu’il faut miser : lutte au décrochage scolaire, accélération du processus de reconnaissance des acquis et accès au processus de requalification. En second lieu, il faut s’attaquer aux autres causes des difficultés d’insertion, notamment la discrimination systémique et l’insuffisance de certains mécanismes d’insertion. Les prochains paragraphes seront consacrés à détailler ces problématiques et à proposer des solutions.
Un autre point important est la reconnaissance des acquis et compétences. Les adultes qui ont appris sur le tas leur métier, mais qui n’ont pas de diplôme pour le prouver et dont l’absence d’un papier leur nuit dans leurs démarches d’emploi peuvent faire le processus de reconnaissance des acquis et compétences (RAC) afin de décrocher le diplôme ou l’accréditation nécessaire. Malheureusement, cela prend habituellement le même temps pour reconnaitre les compétences de l’individu via le programme RAC140 que s’il avait fait le diplôme du début. Par ailleurs, l’attente pour débuter le processus peut prendre d’une à deux années, ce qui était le cas des hygiénistes en 2010, et ensuite cela prend encore une, deux voire trois années avant qu’on reconnaisse finalement les compétences. Ceci est trop long et coûteux, c’est un grand gaspillage pour tous.
Éducation et qualification des Québécois : priorité numéro un Plusieurs jeunes décrochent du secondaire avant d’avoir obtenu un DEP ou DES et, en conséquent, feront face à très peu d’opportunités sur le long terme. Le chômage des gens sans diplôme au Québec atteint les 15,3 % comparativement à 8 % pour le reste de la population. Il existe plusieurs solutions pour améliorer cette situation, dont plusieurs ont été élaborées en détail dans le document sur l’éducation. Une de ces solutions sur lequel ce document aimerait s’attarder et qui peut paraître inhabituelle serait de ne pas permettre l’abandon scolaire avant l’âge de 18 ans ou avant l’obtention d’un DEP ou DES. Actuellement, les jeunes peuvent quitter à 16 ans alors que certains d’entre eux n’ont même pas un
En ce sens, les mesures suivantes sont proposées : 2. Mettre un plafond sur les délais pour reconnaître les qualifications bien en deçà du temps pour faire la formation à partir de zéro.
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139. Le libellé de cette catégorie gouvernementale contient également le secteur « religion » bien qu’il soit peu probable que ce secteur voit une croissance importante 140. Abréviation pour Programme de reconnaissance des acquis et compétences
141. Boudarbat, B. et Boulet, M. (2010). 142. Chicha M.-T., & Charest, É. (2006).
3. Faire la promotion de ce processus afin de s’assurer que tous les Québécois ayant besoin de la RAC connaissent cette opportunité et s’en prévalent.
une durée de 6 mois. Vers la fin de leur parcours, les individus se cherchent un nouvel emploi. Malheureusement, pour une partie de ces personnes, malgré l’expérience fraîchement acquise, elles n’arrivent pas à décrocher un emploi de manière durable. Certaines d’entre elles font même deux ou trois entreprises d’insertion et toujours rien. Dans ces cas, force est de constater qu’il est impossible que la personne s’insère dans le marché du travail régulier. Ainsi, il est inévitable d’avoir dans le secteur privé et public, des emplois de solidarité sociale pour ces individus afin d’éviter qu’ils ne se retrouvent sur l’aide sociale ou sans revenu.
Certains Québécois travaillent dans des secteurs en décroissance et peu porteurs d’avenir. Ces travailleurs doivent être redirigés vers d’autres secteurs en croissance. Par contre, ceci nécessite très souvent une formation et la personne sans emploi n’a pas toujours les moyens de subvenir à ses besoins de base en plus d’assumer les coûts d’une formation à temps plein. Malheureusement, depuis 2010, le nombre de formations financées par Emploi-Québec et permettant cela a diminué considérablement. Il est important de renverser cette tendance afin de s’assurer que les travailleurs passent un minimum de temps hors du marché du travail.
En ce sens, il est proposé de : 6. Favoriser la création de poste de solidarité sociale au sein des entreprises privées et organismes publics et faire connaître les initiatives qui existent actuellement en ce sens. Une compensation et un accompagnement pourraient être offerts par le gouvernement en guise de soutien.
En ce sens, les mesures suivantes sont proposées : 4. Assurer une offre suffisante de formations subventionnées par Emploi-Québec pour ceux n’ayant pas les moyens de se requalifier. 5. Avoir des ressources humaines et financières suffisantes pour intervenir lors de l’annonce d’une fermeture d’usine ou du déclin d’un secteur afin de faciliter la transition des employés avant qu’ils soient sans emploi.
Certains groupes historiquement discriminés continuent à subir une plus grande difficulté d’intégration. Ceci est le cas des minorités culturelles, des femmes, des Autochtones et des personnes handicapées. À titre d’exemple, les immigrants ayant obtenus leur diplôme au Canada ont un taux de chômage plus de deux fois plus élevé que les natifs universitaires.141 En 2001, le gouvernement québécois, pour réduire ces inégalités d’accès, a mis en place une loi forçant tout organisme public et compagnie désirant obtenir plus de 100 000 $ en contrat du gouvernement à adopter un programme d’accès à l’égalité en emploi pour ces quatre groupes. Malheureusement, le suivi est inadéquat, tel que le révèle l’étude de Chicha.142
D’autres individus peinent à se trouver du travail car ils n’ont aucune expérience ou que cette expérience n’est pas reconnue par les employeurs. Ceci est le cas des jeunes tentant d’obtenir leur premier emploi, mais également des femmes s’étant absentées du marché du travail pendant une longue période par obligation familiale, des assistés sociaux ayant un trou important dans le cv et des nouveaux arrivants dont les expériences dans leur pays d’origine ne sont pas toujours reconnues au Québec. Pour contrer cette problématique, des entreprises d’insertion et d’entrainement ont été mises sur pied dans le milieu communautaire. Elles offrent une expérience de travail afin d’acquérir des compétences pour
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143. Un test en ligne est disponible afin de vérifier si l’on a nous-même cette tendance : https://implicit. harvard.edu/implicit/
144. Concernant la mobilité horizontale, l’étude de Noiseux, Y. et Marie-Pierre Boucher (2010) illustre adéquatement cette problématique.
Afin de persévérer dans la réduction des inégalités, il est proposé de :
lement 10 % des conseils d’administration des entreprises canadiennes alors que ces endroits sont excellents afin d’enrichir son réseau de contact. Finalement, les membres de ces groupes connaissent moins de mobilité verticale et horizontale.144
7. Effectuer un suivi approprié du programme d’obligations contractuelles qui, conjointement avec d’autres mesures, vise à assurer l’égalité entre tous les individus dans le secteur de l’emploi.
Il existe d’autres catégories qui peinent à trouver du travail, mais qui ne sont pas couvertes par les programmes d’accès à l’égalité en emploi. Ceci est notamment le cas des ex-détenus, des personnes souffrant de santé mentale ou de trouble envahissant du développement. Il existe des services d’accompagnement et des entreprises d’insertion pour ces clientèles, mais malheureusement ils ne suffisent pas à la demande.
8. Continuer la sensibilisation aux causes de la discrimination systémique et des raisons pour lesquelles de tels programmes sont essentiels.
Cette deuxième solution est particulièrement importante pour deux raisons. Premièrement, si un employeur et ses employés ne connaissent pas les causes de la discrimination systémique, ils verront un tel programme comme quelque chose d’inéquitable nuisant non seulement à la réussite du programme, mais pouvant même avoir des conséquences néfastes sur les groupes qu’il tente d’aider. Deuxièmement, si les gens sont persuadés que l’inégalité est chose du passé, ils maintiendront le statu quo. À titre d’exemple, bon nombre de Québécoises ne savent pas que les femmes gagnent seulement 79 % du salaire des hommes pour un nombre d’heures équivalent, et sont moins de 2 % dans les métiers de la construction du Québec et encore trop peu nombreuses chez les cols bleus, emplois offrant pourtant de bonnes conditions. Sans réel conscience de la persistance des inégalités, impossible de mobiliser les entreprises et organismes dans l’atteinte d’une réelle égalité dans le marché du travail.
Tout comme le font des organismes communautaires tel Action main-d’œuvre, des personnes ayant des difficultés à s’insérer dans le marché du travail régulier peuvent tout de même avoir des talents extraordinaires et ainsi exceller dans certains types d’emploi. Ce type d’organisme ou d’entreprise fonctionne très bien aujourd’hui et constitue un modèle dont il est intéressant de s’inspirer afin de ne pas marginaliser une partie des citoyens québécois qui sont différents, mais qui ont tout du même un grand potentiel. Bien que cette proposition ne couvre pas à elle seule la totalité des problématiques soulevées par cet enjeu, il est proposé de : 9. Continuer à offrir subventions et soutien pour la mise sur pied d’initiatives communautaires ou privées visant par des manières innovantes l’insertion d’individus actuellement à l’écart du marché du travail.
Mais en fait, qu’est-ce qui cause la discrimination systémique? Il y a trois grandes pistes d’explication. D’abord, il y a le fait que ces groupes discriminés ont tendance à être sous-estimés par rapport à leurs capacités. À titre d’exemple, bon nombre d’études, dont celles de l’Université Havard, ont démontré qu’il était plus difficile pour la majorité des individus d’associer des qualités de leadership aux femmes ou aux minorités visibles qu’aux hommes blancs.143 Ensuite, il y a le fait que ces groupes discriminés font moins partie des réseaux de contacts des employeurs et employés, et que, par conséquent ils sont moins au fait des opportunités d’emploi du marché caché, c’est-à-dire ces offres qui se transmettent par bouche-à-oreille. À titre d’exemple, les femmes constituent seu-
Un autre facteur nuisant à l’intégration dans le marché du travail, mais qui est peu mentionné, est le désespoir. Tout être humain, s’il essuie de nombreux refus à répétition, va sentir qu’il lui est impossible de réussir. Après plusieurs mois de recherche, les gens deviennent complètement découragés et ils n’y croient plus du tout. Avant que le chercheur d’emploi en arrive à un tel découragement, il doit recevoir un soutien professionnel d’un conseiller en emploi ou autre professionnel afin de le soutenir dans ses démarches et de lui conseiller les pistes les plus porteuses de réus-
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RÉFÉRENCES
site. Malheureusement, plusieurs personnes ne connaissent pas ces ressources qui sont pourtant très souvent gratuites. S’ils les connaissent, ils croient souvent à tort qu’ils n’en ont pas besoin. Un exemple de cela est que plusieurs chercheurs d’emploi utilisent comme stratégie principale la recherche et l’envoi de CV par Internet, alors que ceci constitue une des pires manières de procéder. Un professionnel du marché du travail saurait déconstruire certains mythes et mieux outiller la personne. Un deuxième problème est le fait que plusieurs mesures de soutien pour les personnes éloignées du travail, dont les démarcheurs d’emploi, ont été sabrées en 2010 et en 2011.
Chicha M.-T., & Charest, É. (2006). L’accès à l’égalité en emploi pour les minorités visibles et les immigrants : l’importance d’un engagement collectif. Mémoire soumis à la Commission de la Culture à l’Assemblée Nationale Noiseux, Y. et Marie-Pierre Boucher (2010). « Effets de la libéralisation des marchés sur les conditions de travail des Québécoises : huit études de cas », Les cahiers de l’IREF, no. 23, Institut de recherches et d’études féministes (IREF)-Institut d’études internationales de Montréal (IEDM)- Fédérations des femmes du Québec (FFQ), Montréal, 127 p
En ce sens, il est proposé de :
Boudarbat, B. et Boulet, M. (2010) « L’immigration au Québec : une ressource sous-utilisée » dans Le Québec économique 2010 : vers un plan de croissance pour le Québec / sous la direction de Marcelin Joanis, Luc Godbout ; [avec la collaboration de Catherine Beaudry ... et al.] Québec : Presses de l’Université Laval. 421p.
10. Avoir suffisamment de programmes de soutien pour les différents types de chercheurs d’emploi, dont les personnes éloignées du marché du travail, et qu’ils soient financés adéquatement. 11. Faire la promotion 1) de ces services d’accompagnement afin que tous les Québécois connaissent leur existence et à quelle porte frapper s’ils perdent leur travail et 2) qu’ils soient également conscient de leur utilité et de certains mythes entourant le marché du travail.
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Finances publiques GÉNÉRATION D’IDÉES Contexte
Malgré ces éléments, la situation demeure préoccupante à plusieurs égards et la marge de manœuvre pour faire certains réinvestissements, dont ceux prévus en éducation, demeure très limitée. Devant cette situation délicate, il importe de faire des choix stratégiques pour atteindre un équilibre entre équité intergénérationnelle, équité sociale, viabilité économique à court terme et viabilité durable, à long terme.
Avec des contextes économique, démographique et politique sans cesse changeants, la gestion des finances publiques, qui dépend fortement de tous ces facteurs, se révèle d’une complexité importante. Au Québec, pour rester près du déficit zéro, la marge de manœuvre budgétaire est très mince. Chaque coupe dans les services, chaque hausse dans les taxes, tarifs ou impôts perçus, chaque changement organisationnel pouvant avoir un impact sur les revenus ou les dépenses gouvernementaux sont scrutés à la loupe et entraînent beaucoup de débats dans l’espace public.
Principes et objectifs Vision : Gérer les finances publiques de façon stratégique afin d’assurer à long terme l’avenir économique, social et durable du Québec.
Selon plusieurs, l’état des finances publiques au Québec est inquiétant, voire catastrophique, notamment à cause de : • le niveau relativement élevé de notre dette brute, à 103 % de notre PIB en 2011-2012145 ;
Principes : • Équité sociale
• le vieillissement de la population, qui entraînera une baisse des revenus tirés de l’imposition sur le revenu et une augmentation des dépenses de santé et services sociaux.
• Équité intergénérationnelle • Viabilité économique de l’État
Cependant, d’autres éléments sont à considérer, qui font que la situation n’est pas si critique qu’elle pourrait le paraître au premier abord :
• Choix budgétaire stratégiques Objectifs :
• la dette nette, qui ne considère pas que le passif, mais aussi les actifs, comme les placements et investissements, était de 45,1 % seulement en 2011-2012, largement sous celles de l’OCDE (62,6%) ou des États-Unis (74,8 %)146 ;
• Offrir des infrastructures et services publics efficaces et durables ; • Viser une rentabilité économique ou sociale des investissements effectués ;
• l’atteinte du déficit zéro pendant plusieurs années, et sa proximité actuelle, n’oblige pas à des coupures drastiques pour que les finances publiques demeurent viables147 ;
• Encourager ou limiter certains comportements des consommateurs par l’internalisation de certains coûts ;
• les grandes maisons de notations de crédit (Moody’s, Fitch, DBRS, S&P) continuent d’attribuer au Québec des cotes fort acceptables148,149 ;
• Redistribuer une partie de la richesse générée entre les citoyens ; • Limiter les impacts de toute mesure sur les ménages à revenus modestes ou moyens ;
• la hausse de la proportion de personnes diplômées sur le marché du travail et l’augmentation du taux de participation des femmes et des personnes de plus de 55 ans au marché du travail compenseront en bonne partie les effets du vieillissement de la population150.
• Diminuer l’impact des chocs des cycles économiques ;
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145. Jean-François Lisée, Comment mettre la droite KO en 15 arguments, Stanké, 2012 146. Ibid. 147. Jacques Parizeau, Les finances publiques du Québec, un désastre ?, dans Le Devoir, mai 2013, http:// www.ledevoir.com/jacques-parizeau-les-finances-publiques-du-quebec-un-desastre-version-integrale 148. La Presse canadienne, Moody’s maintient la cote de crédit du gouvernement du Québec, dans Les Affaires.com, 3 septembre 2010, http://www.lesaffaires.com/secteurs-d-activite/gouvernement/moody-s-maintient-la-cote-de-credit-du-gouvernement-du-quebec/518004/ 149. Ministère des Finances et de l’Économie, Cote de crédit, http://www.finances.gouv.qc.ca/fr/page. asp?sectn=10&contn=97 150. Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), Le Québec économique 2010, Vers un plan de croissance pour le Québec, sous la direction de Marcelin Joanis et Luc Godbout, Presses de l’Université Laval, 2010 151. Crise de la dette dans la zone euro, dans Wikipedia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_de_la_dette_ dans_la_zone_euro
152. Ministère des Finances et de l’Économie, Fonds des générations, http://www.budget.finances.gouv. qc.ca/fondsdesgenerations/ 153. Tommy Chouinard, « Dégraisser » avant de taxer, propose le PQ, dans La Presse, 29 janvier 2010, http:// www.lapresse.ca/actualites/politique/politique-quebecoise/201001/29/01-944167-degraisser-avantde-taxer-plus-propose-le-pq.php 154. Michel Laliberté, Dégraisser la bureaucratie en santé et en éducation, dans La voix de l’Est, 24 février 2011, http://www.lapresse.ca/la-voix-de-lest/actualites/201102/24/01-4373473-degraisser-la-bureaucratie-en-sante-et-en-education.php 155. Ministère des Finances et de l’Économie, Budget 2013-2014, Plan budgétaire, novembre 2012, http:// www.budget.finances.gouv.qc.ca/Budget/2013-2014/fr/documents/Planbudgetaire.pdf, p. A23 156. Ministère des Finances du Québec, Budget 2012-2013, Plan budgétaire, mars 2012, http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/Budget/2012-2013/fr/documents/Planbudgetaire.pdf 157. Pauline Gravel, Fonds de recherché du Québec – Les chercheurs se mobilisent contre les coupes, dans Le Devoir, 11 décembre 2012, http://www.ledevoir.com/politique/quebec/366098/les-chercheurs-semobilisent-contre-les-coupes
• Assurer une contribution équitable de toutes les générations ;
à la relance de l’économie et permettre un retour plus rapide à l’équilibre budgétaire.
• Réaliser les perceptions de revenu créant le moins de distorsions possibles dans l’économie et la société ;
Dans les périodes où l’économie va bien, il importe cependant d’en profiter pour améliorer la situation financière publique. En ce sens, le Fonds des générations a été créé pour faciliter le remboursement de la dette152. À partir de ce Fonds, et selon les taux d’intérêt en vigueur et les revenus d’intérêt potentiels de placements, une partie des montants devrait aller au remboursement de nos prêts venant à échéance, et le reste devrait être investi en placements.
• Faciliter l’accès à l’information sur les finances publiques et la compréhension de celle-ci par tous les citoyens.
Positions 1. Viser un équilibre budgétaire stratégique L’importance de viser un certain équilibre budgétaire n’est plus à démontrer. En effet, l’accumulation de déficits de fonctionnement, année après année, mène à un endettement qui handicape par la suite la capacité à réinvestir, entraîne à consacrer une part de plus en plus grande du budget courant au remboursement des intérêts, augmente la cote de crédit et donc le montant de ces intérêts, et peut fragiliser un État au point de le faire sombrer. Les exemples récents en Europe151 ainsi que la douloureuse atteinte de l’équilibre budgétaire des années 1990 sont d’excellents incitatifs pour rappeler l’importance de maintenir le cap sur cet objectif.
2. Effectuer des choix budgétaires stratégiques Pour maintenir ou atteindre l’équilibre budgétaire, beaucoup proposent de réduire la taille de l’État, voire de « dégraisser » celuici.153,154 En ce sens, la plupart des mesures mises de l’avant dans les dernières années ont consisté à contenir, dans la mesure du possible, la croissance presque hors de contrôle du budget de la santé, à augmenter légèrement d’autres secteurs, notamment celui de l’éducation, et à couper tous les autres ministères et secteurs en conséquence. Ainsi, par exemple, dans le budget 2013-2014, le budget alloué à la santé augmentait de 3,4 %, celui à l’éducation de 1,8 %, celui à l’enseignement supérieur et la recherche de 2 %, celui à la famille de 3,2 %, alors que tous les autres ministères étaient coupés de 2 %.155 Il s’agit là d’une situation similaire à celle du gouvernement précédent, où la majorité des ministères étaient coupés de 0,9 %.156
Cependant, il demeure raisonnable pour l’État de s’endetter lorsque la dette s’accompagne d’actifs et que ceux-ci sont utiles ou rentables. C’est le cas, notamment, des dépenses d’infrastructures essentielles à notre développement futur, comme celles prévues à court terme pour réparer et remplacer certaines infrastructures routières désuètes.
Cette approche, où la grande majorité des ministères doivent effectuer des coupures pour pallier une hausse de quelques-uns, ne semble pas optimale, car elle ne prend pas en compte l’impact à long terme des coupures effectuées. En effet, par exemple, des coupures en innovation, recherche et développement, comme celles annoncées en décembre 2012157, peuvent amener, à long terme, à un déficit de compétitivité et d’innovation néfaste à l’attraction et à la rétention des entreprises et investisseurs, si importants pour maintenir notre croissance économique.
À l’inverse, il ne faut généralement pas s’endetter pour payer les dépenses courantes. Cependant, le gouvernement peut et doit avoir recours à des déficits, de manière temporaire, lorsque l’économie se porte moins bien. En effet, à ces moments où les revenus baissent et les dépenses augmentent, une coupure massive dans les dépenses publiques pour ramener l’équilibre peut avoir un effet d’entraînement néfaste sur le reste de l’économie, accroissant encore le déficit qu’on souhaitait diminuer. Au contraire, un endettement plus élevé pour, par exemple, des dépenses d’infrastructures ou des mesures de stimulation de l’emploi, peut aider
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158. Conseil du trésor du Québec, Budget des dépenses 2012-2013, Volume II, Crédits des ministères et organismes pour l’année financière se terminant au 31 mars 2013, http://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/publications/rapport_gestion_2012/Budget_depenses_2012_2013_volII.pdf, p. 107 159. Conseil du trésor du Québec, Budget des dépenses 2011-2012, Volume II, Crédits des ministères et organismes pour l’année financière se terminant au 31 mars 2012, http://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/budget_depenses/11-12/Volume_II_FR.pdf, p. 103 160. Conseil du trésor du Québec, Budget des dépenses 2013-2014, Crédits des ministères et organismes pour l’année financière se terminant au 31 mars 2014, http://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/ budget_depenses/13-14/2-Credits_des_MO.pdf, p. 91 161. Gouvernement du Québec, Budget en un coup d’œil, Budget 2013-2014, Un Québec pour tous, 2012, http://www.budget.finances.gouv.qc.ca/Budget/2013-2014/fr/documents/CoupOeil.pdf 162. Luc Godbout, Suzy St-Cerny, Stéphane Paquin, Une contribution accrue des taxes à la consommation : la voie à suivre pour le Québec?, Chaire de recherche en fiscalité et finances publiques, Université de Sherbrooke, mars 2011 : http://www.usherbrooke.ca/chaire-fiscalite/fileadmin/sites/chaire-fiscalite/ documents/Taxes_a_la_consommation/Dosage-Final.pdf
163. Ibid. 164. Luc Godbout, Suzy St-Cerny, La perception du caractère régressif des taxes à la consommation au Québec est-elle fondée?, Chaire de recherche en fiscalité et finances publiques, Université de Sherbrooke, mars 2011 : http://www.usherbrooke.ca/chaire-fiscalite/fileadmin/sites/chaire-fiscalite/documents/ Taxes_a_la_consommation/Taxes-consommation-Final.pdf
De même, les coupures, effectuées année après année, dans les programmes d’aide à l’emploi158,159, diminuent constamment la capacité d’Emploi-Québec, ainsi que celles des organismes qu’il soutient, à aider les personnes sans emploi à intégrer le marché du travail. De plus, les coupures à l’aide sociale effectuées en 2012-2013 s’accompagnent d’une baisse drastique des mesures d’aide à l’emploi160, fragilisant encore davantage la possibilité pour ces personnes d’intégrer le marché du travail. Or, en se privant des compétences de ces personnes, on se prive aussi de leur capacité de générer des revenus tant privés que publics, sans compter les effets néfastes sur leur santé, leur qualité de vie et leur épanouissement personnel. On handicape donc ainsi notre capacité, à moyen ou long terme, d’atteindre non seulement le bien-être de la population mais aussi la création de richesse, l’évitement de coûts et donc, l’équilibre budgétaire qui s’ensuit.
• La taxation pénalise moins les travailleurs faisant des revenus supplémentaires (heures supplémentaires, augmentations salariales, promotions…), incitant donc davantage au travail et diminuant la frustration d’être privé, à la source, d’un argent parfois durement gagné ; • La taxation de la consommation génère moins d’évasion fiscale que la taxation sur le revenu, cette dernière représentant 72 % des évasions fiscales, et touche aussi les revenus générés par l’économie informelle163 ; • La taxation de la consommation touche tous les produits et services, peu importe où ils ont été produits, alors que la taxation des revenus ne touche que l’activité économique au Québec, désavantageant celle-ci ; • En touchant les dépenses de consommation, la taxation peut avoir pour effet, chez certaines personnes, d’encourager l’épargne et l’investissement.
Il importe donc, lorsque des coupures doivent être envisagées dans certains secteurs, de réaliser celles-ci avec une vision stratégique de leurs impacts à court, moyen et long terme.
Un argument souvent évoqué contre la taxation de la consommation est son effet régressif sur les populations à faible revenu alors qu’au contraire, l’impôt sur le revenu est reconnu pour sa progressivité. Si cela est vrai, plusieurs pistes existantes et possibles peuvent augmenter la progressivité de la taxation sur le revenu164 :
3. Réorienter la fiscalité vers une plus grande équité intergénérationnelle Au Québec, en 2012-2013, la principale source de prélèvements fiscaux, soit 28 %, provenait de l’impôt sur le revenu des particuliers, une proportion qui s’élève à 37 % si on lui ajoute la taxe santé161. Venaient ensuite les taxes à la consommation, à 24 %. Si l’on compare le Québec à d’autres pays ayant une forte pression fiscale, comme les pays nordiques, il ressort qu’il est l’un de ceux ayant le plus recours à l’imposition et le moins aux taxes à la consommation. Ainsi, le poids relatif des impôts par rapport aux taxes est le plus élevé des pays à forte pression fiscale, et parmi les plus élevés dans l’OCDE162.
• Exemption de taxation des produits de base, notamment l’alimentation, le logement, les biens usagés et certains produits et services essentiels ; • Instauration d’un palier de taxation plus élevé pour les produits de luxe ; • Instauration de mesures d’atténuation, comme le crédit de solidarité.
Or, il y a plusieurs avantages à recourir à la taxation de la consommation plutôt qu’à l’impôt sur le revenu :
En ce sens, nous proposons de mettre en place une réforme de la fiscalité incluant les mesures suivantes :
• En s’appliquant à tous, notamment aux personnes retraitées, la taxation peut permettre d’amortir l’effet de la transition démographique sur les finances publiques et permettre une plus grande équité intergénérationnelle ;
A. Baisse des taux d’imposition pour les gens à modeste et moyen revenu, et maintien du taux actuel pour les personnes à revenu élevé, afin d’augmenter la progressivité de l’impôt ;
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165. Centre québécois de formation en fiscalité, Les courbes de Laferrière : pour connaître les taux « réels » d’imposition sur un revenu additionnel…, https://www.cqff.com/claude_laferriere/accueil_courbe.htm 166. MedCorp, Incorporation des médecins, Calculez vos économies, http://www.medcorp.ca/medcorp/ s10_f.php 167. Jean-François Lisée, Pour une gauche efficace, Boréal, 2008
B. Augmentation de la taxe de vente du Québec de 2 ou 3 points de pourcentage ;
entraîne des frais élevés relativement à leur revenu. Or, cette complexité fiscale semble préoccupante à plusieurs égards :
C. Instauration d’un palier de taxation pour les produits de luxe de 2 ou 3 points de pourcentage supérieur à la taxe de vente de base ;
• Dans les cas de modestes et moyens revenus, le retrait de certains crédits ou déductions à partir d’un revenu précis peut entraîner un taux d’imposition marginal supérieur à 80 %, voire à 100 % du revenu supplémentaire gagné dans certains cas165 ;
D. Évaluation de la pertinence de prévoir dans l’exemption de taxe d’autres produits ou services essentiels ; E. Utilisation d’une partie substantielle des revenus générés par la hausse de taxes pour bonifier certains programmes existants pour amener un effet non pas nul, mais positif, sur les ménages à faible revenu.
• Beaucoup des crédits et déductions existantes sont inaccessibles aux classes moyennes et modestes, celles-ci n’ayant souvent pas des revenus suffisants pour effectuer des placements complexes et nombreux ;
Cette réforme serait prévue de façon à avoir un effet nul sur les finances publiques. Elle permettrait simplement une redirection des revenus de façon à augmenter la contribution des personnes à revenu élevé et des personnes retraitées, notamment via les taxes à la consommation, à augmenter le pouvoir d’achat de la classe moyenne et des travailleurs à plus faible salaire, et à améliorer la situation financière des personnes à faible et modeste revenu. À moyen terme, elle aura cependant un effet positif sur les finances publiques, notamment en améliorant l’incitation au travail et en tirant davantage de revenus de la classe, qui ira grandissant, des personnes retraitées. Elle permettra donc d’atténuer en partie la transition démographique à prévoir.
• Certaines modalités actuelles d’imposition permettent à des travailleurs autonomes, comme les médecins, de s’incorporer, ce qui leur permet de payer des taux d’imposition relatifs aux entreprises plutôt qu’aux particuliers, et ainsi d’éviter de payer leur pleine part d’impôt166 ; • Plusieurs hauts salariés et travailleurs autonomes ont accès à des frais de représentation (repas, hébergement, loisirs) qui ne sont pas considérés dans leurs revenus, en étant déduits ou étant déboursés par leur compagnie sans que cela soit considéré comme avantage imposable167. Sans se prononcer sur la pertinence exacte de tel ou tel crédit ou déduction, il apparait important de prévoir une réévaluation de l’ensemble de ceux-ci afin de rendre l’impôt plus efficient pour tous, d’en diminuer la complexité et de restreindre au minimum les occasions d’évitement fiscal légal. Il va sans dire que la lutte à l’évasion fiscale doit aussi se poursuivre avec une intensité accrue.
4. Améliorer l’efficience de l’imposition du revenu Le calcul des impôts, au-delà des tables d’imposition selon le revenu, comporte d’innombrables crédits, déductions et autres montants à considérer. Le calcul du revenu lui-même comporte certains ajouts (avantages imposables) et déductions à la source. Si plusieurs de ces éléments sont nécessaires, leur nombre élevé tend à rendre l’impôt extrêmement complexe et opaque pour qui n’est pas spécialiste en la matière. Si les gens fortunés, les travailleurs autonomes et les entreprises ont, le plus souvent, recours à des comptables pour minimiser leur prélèvement d’impôt, ce n’est pas le cas des classes moyennes et modestes, pour lesquelles cela
5. Instaurer une taxation et une tarification différenciée
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168. Société de l’assurance automobile du Québec, Sécurité routière, Excès de vitesse, Amendes et points d’inaptitude, http://www.saaq.gouv.qc.ca/publications/permis/exces_amendes_points.pdf 169. Jean-François Lisée, Pour une gauche efficace, Éditions Boréal, 2008 170. Ibid.
171. La Presse canadienne, Perte de 40 milliards à la Caisse de dépôt - L’opposition fait front commun pour réclamer une enquête, dans Le Devoir, 30 mai 2009, http://www.ledevoir.com/politique/quebec/252814/perte-de-40-milliards-a-la-caisse-de-depot-l-opposition-fait-front-commun-pour-reclamer-une-enquete 172. Michel Girard, Une grosse réserve pour la RRQ, dans La Presse, 8 août 2001, http://affaires.lapresse.ca/ opinions/chroniques/michel-girard/201108/08/01-4424270-une-grosse-reserve-pour-la-rrq.php 173. Ibid.
Actuellement au Québec, certaines modalités existent pour moduler les taxes, notamment l’exclusion des taxes de certains biens essentiels, comme l’alimentation, et les taxes supplémentaires pour certains produits, comme l’essence ou les cigarettes. Néanmoins, à quelques exceptions près, les taxes et tarifs sont uniformes pour tous les citoyens et pour tous les produits et services.
B. Augmenter la taxe à la consommation pour les véhicules très énergivores et pour les produits néfastes ;
Or, certaines modulations supplémentaires pourraient être envisagées pour viser deux objectifs :
D. Voir la possibilité de considérer l’intangibilité des produits et services dans le mode de taxation.
C. Augmenter le nombre de paliers de consommation d’électricité afin de faire payer davantage les grands consommateurs d’électricité ;
• Assurer une meilleure équité entre les différents niveaux de revenu ;
6. Assurer une retraite confortable pour tous
• Décourager les comportements néfastes en internalisant certains coûts.
Dans la foulée de la crise économique de 2008 et des pertes colossales de la Caisse de dépôt et placement du Québec171, bien des inquiétudes quant à nos retraites ont gagné les esprits. Alors qu’on promettait la retraite à 55 ans il y a encore peu de temps, le vieillissement de la population et l’incertitude économique demandent une bonne réflexion sur l’avenir des différents régimes de retraite, qu’ils soient privés ou publics.
Pour ce qui est de l’équité, celle-ci est liée au fait qu’un tarif ou une amende d’un montant fixe n’a pas du tout le même impact pour une personne à faible revenu que pour une personne à revenu élevée. Par exemple, l’amende pour un grand excès de vitesse sur l’autoroute varie entre 635 $ et 2 925 $168. Pour une personne ayant un revenu de 20 000 $, cela correspond à 3 à 15 % de son salaire, ce qui est très dissuasif. Par contre, pour une personne ayant un revenu de 80 000 $, l’impact est quatre fois moindre, donc beaucoup plus négligeable. Des amendes basées sur un équivalent « jour de travail », c’est-à-dire en pourcentage du revenu annuel, comme cela se fait notamment en Allemagne, en France, au Royaume-Uni et en Finlande169, permettrait de mieux décourager ces comportements tout en augmentant les revenus. Ainsi, il est proposé d’évaluer les possibilités d’application de ce type de modulation pour l’ensemble des amendes et tarifs existants.
Le remplacement du revenu au Québec compte trois sources, ou « étages ». Il y a d’abord la « Pension de sécurité de la vieillesse » (ci-après PSV) du Canada, ensuite la Régie des rentes du Québec (ci-après RRQ; obligatoire pour tous les travailleurs) et en dernier lieu les initiatives privées comme les RÉER, fonds de pension et autres économies. Dans le cas de la RRQ, alors qu’en 1982 on comptait 7,5 travailleurs cotisants pour chaque prestataire, il en restait 3 en 2010, et ils ne seront que 2 vers 2021172. Le gouvernement québécois a apporté des modifications au régime en 2012 en ordonnant des hausses graduelles des cotisations sur 5 ans. S’il n’avait pas agi, la caisse aurait été vide dès 2039 et il aurait fallu compenser cet état de fait par une hausse brusque des cotisations (à hauteur de 12 %) cette même année173.
Une autre façon d’augmenter les revenus étatiques serait d’appliquer une taxe supplémentaire sur les produits de luxe, c’est-à-dire un pourcentage de taxation supplémentaire s’appliquant lorsque le prix des produits ou services dépasse un certain seuil170.
Le rapport D’Amours174 offre un portrait éclairant de la situation actuelle. On y constate que les régimes publics constituent une bonne protection pour les travailleurs à faibles revenus, une des meilleures parmi les pays industrialisés, mais qu’au fur et à mesure que le revenu augmente, la protection ne suit pas la même courbe.
Pour ce qui est de décourager certains comportements néfastes pour l’environnement, les mesures suivantes sont proposées : A. Introduire une taxe sur le carbone (voir section sur l’environnement) ;
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174. Comité d’experts sur l’avenir du système de retraite québécois, Sommaire – Innover pour pérenniser le système de retraite, 2013, http://www.rrq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/www.rrq.gouv.qc/ Francais/publications/rapport_comite/Sommaire.pdf 175. Ibid., p.29
176. Ibid., p.186
Entre autres, le régime fédéral (PSV) ne suit plus la croissance des salaires suite aux modifications apportées par le gouvernement fédéral en 2012, le niveau d’épargne est insuffisant chez les travailleurs à revenus moyens et supérieurs et une majorité de travailleurs québécois n’ont pas de régime complémentaire de retraite. La situation est particulièrement problématique pour les travailleurs gagnant entre 20 000 et 60 000 dollars par an.
du cadre législatif dans le décaissement de l’épargne-retraite176. Finalement, une troisième proposition intéressante est celle qui consiste à régler les déficits des régimes à prestations déterminées publics et privés en les rapprochant de la vérité des coûts par l’utilisation de la méthode d’évaluation dite de la « capitalisation améliorée », en donnant davantage de latitude dans la gestion des régimes et en donnant une période de 3 ans aux employeurs et employés pour parvenir à une entente pour restructurer leur régime, au-delà de quoi les employeurs pourraient modifier le régime unilatéralement sous certaines conditions.
Des inquiétudes surgissent, tant dans la population que chez nos gouvernants, puisque l’espérance de vie s’accroît régulièrement, alors que les travailleurs travaillent moins longtemps qu’il y a 40 ans. Les régimes à prestations déterminées sont sous pression ou tendent à disparaître et il est calculé que même une embellie du marché boursier ne serait pas suffisante pour combler les besoins actuels et futurs.
Outre les propositions du Rapport d’Amours, plusieurs initiatives d’autres États mériteraient d’être étudiées pour amoindrir les impacts du vieillissement de la population et de l’incertitude économique sur les régimes publics ainsi que sur les régimes de retraite de la fonction publique, et donc sur les finances publiques. En effet, certains États ont mis en place des mesures afin de prévenir la décapitalisation et les déficits dans leurs régimes publics d’épargne-retraite. Pour ne citer qu’un seul exemple, les Pays-Bas, lors de situations économiques difficiles, prévoient dans l’ordre : l’arrêt de l’indexation des prestations, la révision des cotisations, puis, si nécessaire, la baisse des prestations. Le but de ces différentes mesures est de recapitaliser le régime pour ainsi prévenir le phénomène de la « caisse vide » ou la mise en place d’ajustements brusques. Les Néerlandais visent une capitalisation de 105% de leur régime; lorsqu’ils voient poindre ce chiffre, les différentes mesures sont mises en place.
Les propositions contenues dans le rapport D’Amours nous apparaissent adaptées et pragmatiques afin de se prémunir contre des chocs brutaux à venir. Une première idée vise à instaurer une « rente longévité » visant à mieux soutenir les aînés à un moment où l’épargne personnelle peut venir à se tarir. Selon cette proposition, tous les travailleurs et leurs employeurs cotiseraient obligatoirement à parts égales, outre la RRQ, à la « rente longévité », qui servirait à couvrir leurs besoins au-delà de 75 ans. Cette disposition contribuerait à faciliter la planification de l’épargne personnelle en vue de la retraite pour tous, diminuant l’incertitude liée à l’espérance de vie ou à la faillite possible d’entreprises offrant des régimes de retraite à prestations déterminées. Outre cette rente, plusieurs modifications proposées aux régimes publiques sont intéressantes, comme de mettre fin « aux effets non intentionnels de la règle applicable aux revenus de travail gagnés après l’âge de 60 ans » 175 et d’assurer une capitalisation de toute amélioration future au RRQ. Avec toutes ces actions, le filet social des travailleurs serait beaucoup mieux assuré à la retraite.
Une dernière mesure qu’il serait intéressant d’évaluer est la possibilité que les travailleurs bénéficiant de revenus se situant au-delà des seuils maximaux actuels de cotisation continuent de cotiser, en contrepartie d’une rente plus élevée au moment de leur retraite. En résumé, il est proposé de : A. Poursuivre l’évaluation du potentiel de la rente longévité;
Une deuxième recommandation intéressante vise à aider les travailleurs à épargner davantage pour la retraite en améliorant l’efficacité du système. En ce sens, il est proposé de mettre en place des régimes volontaires d’épargne-retraite et un assouplissement
B. Assouplir le cadre législatif de décaissement de l’épargneretraite;
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177. Congressional Budget Office : http://www.cbo.gov/ 178. Office for Budget Responsibility : http://budgetresponsibility.independent.gov.uk 179. CPB Netherlands Bureau for Economic Policy Analysis : http://www.cpb.nl/en/node/ 180. Swedish Fiscal Policy Council : http://www.finanspolitiskaradet.se 181. Bureau fédéral du Plan : http://www.plan.be 182. Directeur parlementaire du budget, Bibliothèque du Parlement : http://www2.parl.gc.ca/ 183. Independent Budget Office of the City of New York : http://www.ibo.nyc.ny.us/
C. Faciliter le règlement des déficits des régimes à prestations déterminés publics et privés en les rapprochant de la vérité des coûts;
• effectuer des projections économiques et budgétaires indépendantes ; • informer le citoyen et les partis quant aux enjeux budgétaires et économiques, notamment en vulgarisant ceux-ci.
D. Prévoir des révisions périodiques de la capitalisation des différents régimes relevant du public : RRQ, rente longévité, PSV, CARRA et autres régimes de retraite de la fonction publique ;
Ce type d’organisation indépendante existe dans de nombreux pays, notamment aux États-Unis177, au Royaume-Uni178, aux PaysBas179, en Suède180, en Belgique181et au Canada182, où le directeur parlementaire du budget, poste créé en 2008, a un mandat d’analyse indépendante des finances et des dépenses gouvernementales, ainsi que des tendances de l’économie nationale. Il semble cependant qu’aucun de ces organismes n’ait de mandat clair de vulgarisation et d’information aux citoyens, visant plutôt les parlementaires et les médias. Un modèle au mandat visant aussi le public est celui du Independent Budget Office de la ville de New York, qui publie des documents vulgarisés sur le budget183.
E. Lorsque les régimes sont sous-capitalisés, prévoir rapidement des mesures de réajustement, en concertation avec les travailleurs touchés, pour éviter des ajustements brusques futurs; F. Évaluer la possibilité que les travailleurs bénéficiant de revenus au-delà des seuils maximaux actuels de cotisation continuent de cotiser, en contrepartie d’une rente plus élevée au moment de leur retraite.
Il est certain que les gouvernements provincial et fédéral produisent déjà plusieurs projections économiques, données budgétaires et des documents vulgarisés sur le budget. Ce rôle pourrait être transféré en bonne partie vers cette nouvelle structure indépendante, ce qui ne créerait pas de coûts supplémentaires importants. De plus, en ayant accès à cette expertise, les partis politiques n’auraient plus à engager autant de coûts pour faire leurs propres projections, pouvant compter sur l’indépendance des données fournies.
7. Assurer une planification rigoureuse et non partisane des finances publiques Considérant l’importance des finances publiques dans la planification de l’État, il apparait incontournable que toute proposition amenée par le parti au pouvoir, par l’opposition ou lors des élections repose sur des données financières fiables et indépendantes. Or, ces données sont souvent fournies par les partis euxmêmes et, même lorsqu’elles sont fournies par l’État, elles sont trop souvent compilées et présentées de façon à mettre en valeur la proposition partisane, plutôt que de façon à présenter les avantages et désavantages financiers réels. L’exemple le plus éloquent de cette situation est le budget, sur lequel, lors d’un changement de parti au pouvoir, le nouveau gouvernement accuse souvent l’ancien d’avoir omis des données ou utilisé les conventions comptables à son avantage.
Un autre avantage indéniable de cette structure serait de faciliter le transfert de connaissances lors de changements de gouvernement et d’assurer une continuité dans la façon d’analyser et de présenter les données. En effet, dans les dernières décennies, la confusion amenée par les changements fréquents des normes comptables a diminué la fiabilité des données au point d’affecter, parfois, les prises de décision gouvernementales184. Mais surtout, la création de cet organisme permettrait de rehausser la qualité du débat public en donnant à tous les partis, médias, organismes et citoyens un accès égal de l’information fiable, indépendante, exhaustive et compréhensible.
Or, pour que les citoyens comme les partis puissent faire des choix éclairés, il importe qu’ils aient accès à des données financières sur lesquelles ils peuvent se fier. En ce sens, il est proposé de mettre en place un organisme indépendant ayant deux mandats principaux, soit :
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184. Jacques Parizeau, Les finances publiques du Québec, un désastre ?, dans Le Devoir, mai 2013, http:// www.ledevoir.com/jacques-parizeau-les-finances-publiques-du-quebec-un-desastre-version-integrale 185. IEDM 186. Luc Godbout, Suzie St-Cerny, Chantal Amiot, Année d’imposition 2008: une charge fiscal nette plus faible et des impôts sur le revenu plus élevés qu’ailleurs, est-ce possible?, Chaire de recherche en fiscalité et finances publiques de l’Université de Sherbrooke, juin 2010 187. Jean-François Lisée, Comment mettre la droite K.-O. en 15 arguments, Stanké, 2012
D. Tant pour améliorer la perception que pour simplifier la vie aux Québécois, inclure dans le prix payé les taxes de vente, comme cela se fait partout en Europe.
8. Changer la perception des finances publiques Le Québec est souvent décrit comme un « enfer fiscal », où les Québécois sont surtaxés et où les dépenses publiques sont inefficientes et exagérées.185 Or, une étude186 a révélé que le fardeau fiscal est, pour l’immense majorité des Québécois, inférieur à celui du G7 et même, dans certains cas, à celui des États-Unis. En effet, lorsqu’on inclut dans le calcul non seulement les impôts et taxes prélevés, mais aussi l’argent retourné directement aux contribuables, il appert, par exemple, que les couples avec deux enfants gagnant 40 000 $ ont une charge fiscale nette négative, loin derrière le 14 % de charge fiscale nette des États-Unis pour le même salaire. Et cela, sans même inclure les garderies à frais réduits ou les frais de scolarité peu élevés, mais vraiment seulement les crédits et prestations directes. De plus, un rapport récent a démontré que ce que les Québécois paient de plus en impôt n’est pas perdu en inefficacité et corruption, mais est bel est bien retourné en valeur de service bien supérieure à ce qui est déboursé. En effet, pour un investissement de 7 milliards de plus en impôt au Québec qu’en Ontario, 17,5 milliards de services de plus sont reçus, soit un retour sur investissement de 250 %187. Pour changer cette perception négative que beaucoup de Québécois peuvent avoir de leur contribution à l’État, nous proposons de mieux faire mieux connaître les données réelles d’imposition nette des particuliers. Pour ce faire, quatre mesures sont proposées : A. Une campagne de sensibilisation pour mettre en valeur les services publics et le retour sur investissement des impôts et taxes perçus au Québec ; B. La diffusion des données claires sur la situation de la dette et des finances publiques à travers le nouvel organisme indépendant planification économique et budgétaire ; C. L’envoi, à chaque Québécois, d’une « facture » de la valeur des services reçus dans l’année;
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Références
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Question nationale GÉNÉRATION D’IDÉES Contexte
entre le Québec et le Canada depuis 1980, qui donne à la grande majorité des Québécois l’impression légitime de s’être fait flouer. Les promesses de renouvellement trahies, la « Nuit des longs couteaux », les nombreuses allégations de corruption et les malversations dans le cadre du 2e référendum, mais surtout le recul de tout ce qui est francophone ou québécois au sein de la fédération, amèneront plusieurs Québécois à vouloir réfléchir à nouveau à la souveraineté, car il n’y a pas, à l’heure actuelle, de projet crédible d’intégration du Québec au sein du Canada. Cette évolution signifie également que le slogan « un non, ça veut dire du changement » de Pierre-Elliott Trudeau n’aurait fort probablement plus aucune résonance dans l’éventualité d’un troisième référendum.
La question nationale québécoise ne s’éteindra pas de sitôt. En effet, la période de grande fracture qui a suivi le référendum de 1995 tire peut-être à sa fin, mais cela ne veut pas dire pour autant que la question nationale est morte et enterrée. Contrairement à ce que prétendait une édition du magazine Maclean’s suivant le deuxième référendum, laquelle montrait la pierre tombale du mouvement souverainiste, ce dernier se maintiendra à moyen terme pour plusieurs raisons. Premièrement, il y a l’évidence à laquelle il faut se rendre devant les échecs des négociations de Meech et de Charlottetown : le Canada n’a toujours pas trouvé de solutions pour réintégrer le Québec au sein de la constitution canadienne. Par ailleurs, l’attitude des fédéralistes vis-à-vis le Québec et la langue française depuis la relative perte de vitesse de l’option souverainiste n’aide en rien et n’offre pas beaucoup d’alternatives constructives. En effet, on aurait pu penser qu’après une victoire par une faible marge en 1995, les stratèges fédéralistes auraient voulu stabiliser la situation du Québec en misant sur les intérêts des Québécois plutôt que leur position politique. Au contraire, les années 2000 ont vu naître une indifférence politique grandissante vis-à-vis la langue française à l’échelle du Canada, de même qu’un activisme politique citoyen qui s’oppose au français à titre de langue officielle au Québec, mouvement connu sous le parapluie des « angryphones ». Dans le reste du Canada, l’absence de nomination francophones à la Cour Suprême, la négation du droit d’ester en justice en français pour la minorité francophone de la Colombie-Britannique, le refus du ministre Baird de répondre en français, et le fait qu’il y avait plus de français aux Jeux olympiques de Beijing qu’à ceux de Vancouver n’ont rien fait pour améliorer la situation. Cette dynamique est étonnante du point de vue de quiconque voudrait élaborer une stratégie fédérale de stabilisation du Québec dans le Canada.
Si plusieurs Québécois ont une ouverture au Canada et aux Canadiens, le fédéralisme canadien actuel ressemble donc de plus en plus à un énorme mensonge qui pousse tous ses problèmes sous le tapis des « vieilles chicanes » et qui ne cherche plus à solutionner ses difficultés. Par exemple, dans une lettre ouverte datée de juillet 2013 intitulée Quebec separatism is dead188, le directeur de l’institut McDonald-Laurier Brian Lee Crowley suggère que la stratégie fédérale devrait consister à rappeler aux Québécois combien onéreux et difficile sur le plan légal serait l’accession à la souveraineté. Il suggère également à ses compatriotes de faire comprendre aux Québécois le prix énorme que le Canada leur ferait payer dans l’hypothèse d’une séparation, notamment via des tentatives de partition du territoire québécois. Pas un mot sur les compressions dans les programmes de bilinguisme, sur l’affaiblissement démographique du français au sein de la fédération, sur les modifications constitutionnelles qui pourrait accommoder une nation distincte au sein du Canada, ou sur une quelconque réintégration constitutionnelle du Québec au sein du Canada. Cette approche des stratèges fédéralistes est très symptomatique du retour probable du débat sur la souveraineté : aucunement à la recherche de solutions, le discours tient essentiellement depuis 1995 à faire peur aux Québécois ou sinon à les ignorer. Le problème avec cette approche intimidation-indifférence inspirée du plan B de Jean Chrétien, c’est qu’elle peut durer un temps, mais elle n’est pas fondée sur des solutions gagnants-gagnants durables. Tôt ou tard, la peur se dissipera et la réalité démographique et politique prendra le dessus. Si des penseurs fédéralistes dotaient Ottawa et
Par conséquent, nous assisterons probablement dans les prochaines années à l’épuisement du plan B, cette approche amorcée par le gouvernement Chrétien à partir de 1997 visant à intimider le mouvement souverainiste sans toutefois proposer une relance pour la place du Québec au sein du Canada. À ce titre, il ne faut pas perdre de vue la trame factuelle des négociations
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188. http://www.montrealgazette.com/news/time+tell+truth+about+Quebec+separatism/8611777/story. html
189. http://argent.canoe.ca/nouvelles/affaires/saignee-des-sieges-sociaux-le-quebec-perd-lecontrole-15092011
Québec d’un plan de match pour réintégrer pour de bon le Québec dans le Canada, le pronostic serait probablement différent, quoiqu’il faille en plus compter sur le lourd cynisme découlant de l’échec fédéral suite à chacun des deux premiers référendums.
que, contrairement à une idée très répandue, le référendum de 1995 n’est pas le facteur déterminant dans cette dynamique économique entre les deux villes189. Cette hypothèse est d’ailleurs validée par le fait que l’exode des sièges sociaux vers Toronto a débuté par le déménagement des compagnies d’assurance au début des années 50, une époque où l’idée de souveraineté n’était nullement évoquée. Non seulement l’argument économique ne sert donc plus vraiment la cause fédérale comme à l’époque des deux référendums, il est possible que la souveraineté soit le seul moyen par lequel Montréal puisse retrouver l’activité économique dans le secteur de la finance, du droit et de la consultation qui est présentement effectuée à Toronto alors même qu’elle découle d’activités commerciales ayant lieu au Québec. En d’autres termes, si Montréal pouvait réellement craindre la fuite des camions de la Brinks dans les années 70, cette ville jadis un centre d’affaires important mais désormais décimée de ses sièges sociaux et réduite au statut d’amuseur public de la côte-est Américaine, n’aurait plus grandchose à perdre et tout à gagner sur le plan des affaires dans le cadre d’un projet de pays souverain.
Il est aussi difficile de ne pas faire de lien entre cette approche politique des penseurs fédéralistes et la vague de Quebec Bashing : l’intimidation a été payante sur le plan politique entre 1997 et aujourd’hui, alors pourquoi pas surfer sur cette vague dans l’espace médiatique tant qu’elle dure. Mais il s’agit bel et bien seulement d’une vague, car cette approche n’est ni fondée sur la bonne foi, ni sur l’équité, ni sur la recherche de solutions durables. A l’instar de relations conjugales malsaines entre deux individus, un pattern relationnel entre deux collectivités où l’une dévalorise l’autre et où cette dernière s’en culpabilise ne prendra fin que lorsque la victime dit non et se décide fermement à mettre fin au pattern. Or, l’histoire nous enseigne que les relations entre nations fondées sur la coercition plutôt que sur une relation gagnant-gagnant ne durent pas, comme en témoigne l’indépendance des États-Unis de leur mère patrie, de l’Inde vis-à-vis l’Angleterre ou de la Norvège vis-à-vis de la Suède. En d’autres mots, si le fédéralisme des années 70 et 80 était fondé sur l’espoir, celui des années 2000 est fondé sur le décrochage et l’intimidation, et ce n’est pas bon signe pour la fédération canadienne.
Troisièmement, il y a un déplacement évident du pouvoir vers l’ouest au sein de la fédération, ce qui a beaucoup d’impact sur l’aptitude des Québécois à prendre le pouvoir et l’exercer à Ottawa. Bien illustré par le titre de l’ouvrage « Reconquérir le Canada », le fédéralisme des Québécois a historiquement été relativement intéressé dans la mesure où il reposait sur l’aptitude à prendre le pouvoir et l’exercer à Ottawa. Aujourd’hui, les leviers économiques de l’Ouest et une organisation politique plus solide dans cette partie du pays font en sorte que l’influence québécoise sur la fédération diminuera en même temps que son poids démographique dans la fédération, lequel est passé de 29 % en 1959 à 22 % au cours des dernières années. Or, affaiblissement démographique rime normalement avec affaiblissement politique. Ainsi, l’élection fédérale de 2011 démontre qu’il est désormais possible de gagner une majorité sans le Québec : son poids dans la fédération n’est plus suffisant pour lui garantir de toujours faire partie de l’équation politique canadienne.
Deuxièmement, depuis les années soixante nous assistons à un déplacement de nombreux sièges sociaux vers Toronto, à l’abandon de la bourse de Montréal, au recul de l’aéroport et du port de Montréal, le tout au bénéfice de sa rivale Toronto. Comme l’indiquait, dès 1980, l’experte en urbanisme Jane Jacobs dans son ouvrage The Question of Separatism, Montréal serait condamnée à jouer, au sein de la fédération canadienne, un rôle de ville secondaire tel Lyon en France ou Nuremberg en Allemagne, en contraste avec des capitales de petits pays elles-mêmes plus petites que Montréal, tels Oslo, Stockholm, Copenhague, Helsinki, Luxembourg et Amsterdam, qui jouent un rôle central au plan des affaires malgré leur petite taille. Un fait très intéressant à ce titre est que bon nombre des déménagements de sièges sociaux de Montréal vers Toronto se sont produits sous l’égide des Libéraux entre 2003 et 2012 à une époque où la question référendaire était complètement absente du débat public québécois, ce qui suggère
Au sujet de ce déplacement de pouvoir, Michel Auger décrit certains effets concrets du point de vue purement politique. Par exemple, il y a un projet de loi, pas encore adopté, visant à équilibrer la repré-
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190. Ibid. 191. FORTIN, Pierre, Le petit Fortin économique; l’économie du Québec racontée à mon voisin, Éditions Rogers, Montréal, 2013, p. 104-105
la Hollande ou d’autres nations de taille similaire dont l’économie est axée sur le commerce à l’étranger. Tant sur le plan commercial que celui de l’immigration, la fédération canadienne n’est pas un avantage pour le Québec, car il tend à mettre en veilleuse sa spécificité qui pourrait être source d’avantage concurrentiel, en plus de faire au Québec une mauvaise publicité à travers le phénomène de Quebec bashing décrit plus haut.
sentativité des provinces à la Chambre des Communes : l’Alberta réclame 5 sièges de plus, la Colombie-Britannique 7 et l’Ontario 10 tandis que le Québec… pas un de plus. Cela voudrait dire que le Québec occuperait 22,7% de sièges si cette réforme était acceptée contrairement à 24,5% actuellement. Ce poids allant diminuant, les relations avec ses voisines pourrait prendre des tangentes agitées : certaines provinces canadiennes riches (ne recevant pas de péréquation) croient et martèlent que le Québec vit à leur crochet en se payant de généreux services sociaux190, malgré les démonstrations chiffres à l’appui de l’économiste Pierre Fortin, parmi tant d’autres191. L’attitude de ces provinces lors de négociations sur divers sujets pourrait se révéler moins favorable à une véritable recherche de solutions qui satisferaient tous les partenaires.
Bref, pris dans son ensemble, le Québec retire donc de moins en moins de bénéfices de la fédération et il verra apparaître petit à petit des arguments inédits en faveur de son indépendance. Dans le domaine de l’administration des affaires, il est bien connu que le changement d’une compagnie à une autre pour un consommateur ne dépend pas seulement du rapport qualité-prix offert par chaque compagnie, il dépend aussi des « switching costs », des coûts qui découleront du changement lui-même. L’argumentaire du camp du Non a toujours misé principalement sur la peur des conséquences économiques d’un oui et sur l’espoir de renouveler la place du Québec dans le Canada. Au cours dernières années, non seulement la participation dans le Canada sous le gouvernement Harper est-elle devenu moins attrayante et moins porteuse d’espoir pour les Québécois, mais les coûts et le risque relatif à un changement politique ont diminué de manière substantielle au fur et à mesure que Montréal perd aux mains de Toronto où sont désormais centralisées les activités économiques du pays. Considérant le désir d’autonomie inhérent du fait que le Québec est une nation avec sa propre langue et sa propre culture, laquelle existe de manière constante depuis des siècles, les deux résultats post-référendaires décevants pour le Québec au sein de la fédération canadienne et l’incapacité des stratèges fédéralistes à sortir du plan B laissent présager que la question nationale regagnera en pertinence dans un avenir rapproché : la question ne deviendra pas soudainement obsolète, comme semble se conforter une partie du mouvement fédéraliste.
Il ne faut pas être inutilement alarmiste – la population totale de francophones au Canada est toujours en légère hausse – mais il est prévisible qu’au fur et à mesure que le groupe francophone recule en proportion de la population canadienne et en pouvoir au sein de la confédération, il sera tentant pour le Québec de s’organiser autrement pour protéger ses intérêts. Les décisions du gouvernement Harper en matière linguistique, ou sa décision de publiciser qu’il combattra devant les tribunaux le droit des québécois à s’autodéterminer suivant une règle de 50% +1, sont bien symptomatiques de cette dynamique d’affaiblissement politique. Hormis le poids démographique, notons que le scandale des commandites et la perception d’une interminable et insoluble lamentation du Québec au sein de la fédération a beaucoup changé la bonne volonté des Canadiens anglais vis-à-vis une entente constitutionnelle négociée avec le Québec, particulièrement dans l’ouest où le pouvoir politique et économique s’exerce. La globalisation change également la dynamique de la question nationale. Jadis un luxe facultatif, la représentation du Québec visà-vis des autres États devient plus névralgique dans une économie globale, car cette nouvelle économie comporte de plus en plus d’ententes de coordination des intérêts économiques de chaque État. Le Québec, pour se démarquer dans une économie où les nations se livrent une forte concurrence, aurait également intérêt à se mettre davantage en marché et faire la promotion de son caractère distinct. A ce titre, j’ai toujours été surpris du peu de notoriété dont dispose le Québec par rapport à l’Irlande, la Suède,
Cependant, parallèlement, la majorité des Québécois ne semble pas vouloir d’un troisième référendum à court terme, et le temps pour établir les fameuses « conditions gagnantes » peut se révéler très long. En ce sens, l’obsession des souverainistes de tenir et gagner un référendum ressemble à du harcèlement psychologique pour une majorité de la population, et détourne le Québec d’autres enjeux pressants.
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Si l’on ne peut ignorer l’existence de la question nationale, on doit également constater que le chevauchement entre la question nationale et le processus électoral paralyse réellement le débat public québécois à un moment où le Québec a réellement besoin de s’attaquer à ses nombreux défis. Alors, comment faire si l’on ne peut ignorer la question nationale alors que celle-ci est dans une impasse? Les héritiers de la fracture 50-50 de 1995, la génération Y, doivent trouver une sortie s’ils veulent voir le Québec se tirer d’affaire et prospérer.
pourrait enfin se concentrer sur ses défis pressants sur le plan démocratique, économique et social. Cette approche plus souple permettrait aux Québécois de demeurer réactifs au lieu de devoir être figés dans un cadre prédéterminé quant aux relations Québec-Canada et leur donnerait un levier démocratique permettant d’envoyer un signal de leur proche chef si ces relations se dégradent. À quel pourcentage de l’électorat devrait se situer ce seuil? Au double du seuil proposé par le Parti Québécois, 30 %? La question n’est pas simple dans le contexte de taux de participation d’environ 40 % aux élections municipales, un taux de participation ayant descendu sous la barre des 60 % au provincial en 2008 et des expériences de référendum d’initiative populaire dans d’autres nations qui démontrent que l’atteinte d’un seuil de 15 % dans un registre est très difficile. Mais nul doute que ce seuil devra non seulement être suffisamment exigeant pour s’assurer de la volonté populaire de poser un geste sérieux comme celui de la tenue d’un référendum : il devra permettre de constater une volonté réelle des gens de se retrousser les manches pour relever les défis qu’implique un projet tel la souveraineté du Québec. En effet, dans la mesure où il n’y aurait même pas 30 % des citoyens du Québec qui seraient prêts à se déplacer une heure pour inscrire leur nom dans un registre, il semble peu probable qu’un projet aussi colossal et risqué que celui de l’indépendance en découlant se déroule bien.
Une proposition : respecter l’intelligence collective et la volonté des gens Le principe de la démocratie, selon la formule d’Abraham Lincoln, est des plus simples : le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple. En d’autres termes, le peuple est souverain : c’est lui qui décide où, quand comment et pourquoi. Si les Québécois ont le pouvoir démocratique de décider de leur avenir au sein de la fédération canadienne, pourquoi n’auraient-ils pas le pouvoir de décider à quel moment? Pourquoi devraient-ils subir la tenue d’un troisième référendum lorsque 65 % de la population n’en veut pas? Ainsi, l’idée d’un référendum d’initiative populaire pour le déclenchement d’un référendum qui avait été proposé au congrès du Parti Québécois en 2012 n’était pas une mauvaise idée, si ce n’est du fait que, venant d’un parti dédié à l’indépendance du Québec beau temps mauvais temps, le mécanisme a été instrumenté pour permettre le plus rapidement possible la tenue d’un référendum. Le seuil de 15 % qui avait alors été proposé équivalait en effet à confirmer la tenue automatique d’un scrutin sur l’indépendance. Cependant, dans l’éventualité où le seuil requis afin d’enclencher le processus référendaire garantisse le caractère absolument nécessaire de la tenue d’un tel référendum, l’idée permettrait de séparer la question nationale du processus électoral et ainsi, de débattre des enjeux sociopolitiques du Québec lors des élections. Ainsi, un référendum n’aurait lieu que si les Québécois en veulent et au moment où ils en veulent, dans le respect du principe démocratique et de respect de la volonté des gens. Dans la négative, ou dans l’intervalle, le Québec trouverait un peu de stabilité et
Un référendum sur la souveraineté est un processus sérieux et lourd de conséquences dans lequel on s’engage seulement lorsqu’on est prêt à mettre les nombreux efforts qui sont liés à un tel choix, et seule l’atteinte d’un seuil minimum élevé en ce sens devrait pouvoir déclencher la tenue d’un référendum. Le respect de la volonté populaire devrait non seulement avoir préséance en tout temps, mais également la volonté des gens de travailler pour bâtir un pays est un ingrédient essentiel au succès d’une telle aventure. Rien ne sert de forcer personne; si l’intelligence collective existe et que la démocratie fonctionne, la volonté des gens prendra la bonne direction. Une telle séparation entre plate-forme électorale et projet de souveraineté permettrait donc de mettre de l’avant des projets progressistes et de se concentrer sur des enjeux urgents, sans pour autant nier la question nationale.
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Lutte à la Pauvreté GÉNÉRATION D’IDÉES Dépendamment de la mesure utilisée, de 9 à 12 % des Québécois vivent dans une situation de pauvreté...192 Chez les personnes seules, ce pourcentage se situe entre 20 et 30 % selon la mesure utilisée. Ces proportions sont majeures considérant le niveau de vie au Québec. Par ailleurs, certains groupes sont davantage à risque d’être pauvres. C’est le cas des femmes (notamment les mères monoparentales), des aînés, d’une partie des minorités visibles, des gens provenant des régions périphériques et des gens faiblement scolarisés.193
Finalement, une des conséquences de la pauvreté qui n’est pas à négliger est le stigma qui l’accompagne et l’énorme impact que cela a sur l’estime de soi. En cette ère de méritocratie, on juge souvent bien vite les pauvres : on les catégorise, à la va-vite, en pauvre « méritant » et « non méritant ». Comme si cela n’était pas assez de continuellement se priver dans cette société d’abondance, le jugement des autres vient ajouter au fardeau et augmenter d’autant la difficulté de se sortir de cette situation. Par conséquent, par souci de réelle égalité entre les citoyens et d’accès à une qualité de vie décente pour tous, Génération d’idées propose les solutions suivantes.
La pauvreté a de nombreuses conséquences sur les individus qui la subissent. D’abord, elle affecte la santé physique et mentale, et en fin de compte la qualité de vie. En effet, la pauvreté se traduit souvent par un logement insalubre et mal isolé, situé dans un milieu davantage pollué. Elle se solde aussi par le fait de ne pas manger à sa faim et de souffrir de malnutrition. Il y a bien sûr les banques alimentaires, mais les dons courants qu’elles reçoivent ne sont pas les aliments les plus sains et on y retrouve peu de fruits et légumes frais. Ainsi, pour leurs usagers, malgré ce soutien, il y a souvent une carence nutritionnelle. Une telle situation a des impacts sur la santé des adultes, mais encore plus sur celle des enfants qui sont en pleine croissance et en développement de leurs capacités cognitives, d’autant plus que 50 % des utilisateurs des banques alimentaires sont des familles.194 Selon un rapport canadien, environ 40 % des enfants vivant dans la pauvreté n’ont pas les apports nutritionnels recommandés par le guide canadien.
1. Assurer un revenu décent pour tous Tel que spécifié précédemment, plus d’un Québécois sur dix vit dans une situation de pauvreté. Parmi ce nombre, il y les travailleurs pauvres qui connaissent des périodes de chômage à répétition, des salaires stagnants ou à la baisse ou du temps partiel malgré eux. Les employés au salaire minimum travaillant à l’année sont eux aussi sous le seuil de faible revenu199, réalité qui sera précisée davantage dans la section suivante. En ce qui a trait aux personnes seules sur l’aide sociale sans contrainte ou avec contraintes légères à l’emploi, elles recevaient 7 861 $200 annuellement en 2011, revenu bien en deçà de plusieurs mesures de faible revenu. Les assistés sociaux avec contraintes sévères à l’emploi, pour leur part, recevaient 11 494 $201 par année en 2011. Quant à l’assurance-chômage, 2 chômeurs sur 4 se la voient refuser et elle devient de plus en plus contraignante, notamment suite aux changements apportés par le gouvernement fédéral au milieu des années 90, puis il y a moins d’un an.
La misère et la crainte de ne pouvoir combler ses besoins de base entraînent pour leur part une bonne dose de stress et ce, au quotidien, ce qui nuit également à la santé physique et mentale. Pour toutes ces raisons, il n’est pas surprenant qu’au Québec, l’écart d’espérance de vie entre les plus favorisés et les plus défavorisés soit de quatre ans chez les femmes et de huit ans chez les hommes.195 Chez les hommes autochtones, cet écart grimpe à 17 ans.196
Un nombre trop important de Québécois se retrouvent dans une situation de grande précarité et n’arrive plus à combler ses besoins de première nécessité. Afin d’assurer un revenu décent à tous les citoyens, Génération d’idées propose deux solutions : offrir une allocation universelle de base et majorer quelque peu le salaire minimum, solution détaillée dans la prochaine section.
Ensuite, la pauvreté peut entraîner l’itinérance. Au Canada, un tiers des itinérants sont des familles et un tiers sont des jeunes âgés de 16 à 24 ans.197 De plus, un client sur sept dans les refuges est un enfant.198
Une allocation universelle signifierait que tous les citoyens, sans
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192. Lacourse, M-T. (2011) p.93 193. Lafontant, J. dans Lafontant et Laflamme, 2008. 194. St-Onge. M. (2011). Naufragés de villes, épisode 6. 195. Fortier, J-F. et Pizarro Noël, F. (2013). 196. Idem 197. Laird, 2007 198. Laird, 2007 199. Blogue Gérald Fillion (1er mai 2013) 200. Revenu annuel disponible 201. Revenu annuel disponible
202. Couturier, E. L., (2013). 203. Blais, F. (2001)
exception, recevraient un revenu minimum suffisant afin d’assurer un niveau de vie décent. Par conséquent, les autres soutiens gouvernementaux seraient abolis, sauf exception. Cette mesure qui peut paraître utopiste et gauchiste est en fait accessible et a été revendiquée par des individus de gauche comme de droite, qu’on pense au manifeste Pour un Québec lucide, à Charles Sirois ou à Michel Chartrand. Une telle mesure aurait plusieurs avantages. Premièrement, elle assurerait un revenu décent peu importe le statut social. Ceci viendrait grandement en aide aux individus vulnérables, notamment les travailleurs pauvres, les personnes incapables de s’insérer dans le marché du travail et les aînés, et réduirait le taux de pauvreté de manière substantielle.
travaillées fut très faible202. Par ailleurs, une baisse d’heures de travail chez une partie des employés ne se solderait pas nécessairement par une baisse globale des heures travaillées dans le marché du travail. Une baisse pour certains pourrait être compensée par d’autres individus désirant davantage d’heures ou voulant intégrer le marché du travail. Dans tous les cas, il est primordial qu’une évaluation rigoureuse des impacts tant sociaux qu’économiques soit effectuée avant d’établir le montant de l’allocation souhaité, et que son introduction soit effectuée de manière progressive, avec une évaluation en continu, afin de faire les ajustements nécessaires au fur et à mesure. Comment instaurer et financer une telle mesure? Au début, ce revenu de base pourrait être faible le temps de l’instituer et de remplacer d’autres programmes sociaux. Son implantation pourrait d’abord passer par le remplacement et l’uniformisation des différents programmes d’aide sociale. Cette allocation de départ serait modulée en fonction de la situation familiale. De plus, tout apport de revenu de la personne en bénéficiant, plutôt que d’amener une coupe comme c’est le cas actuellement, amènerait une coupe partielle modulée de façon à ce que l’apport d’un revenu de travail ou autre pour complémenter l’allocation soit encouragée, donc par une baisse progressive jusqu’à l’obtention d’un revenu autonome réellement décent où l’allocation ne serait plus nécessaire.
Deuxièmement, elle remplacerait une foule de programmes sociaux complexes, dont la lourdeur bureaucratique empêche certains individus d’y avoir accès, et diminuerait grandement les contrôles et vérifications puisqu’il s’agirait d’un programme universel. Troisièmement, elle permettrait aux citoyens désirant faire une réorientation de carrière, démarrer une entreprise ou encore se perfectionner sur le plan professionnel d’entreprendre un tel projet en recevant un soutien financier minimal. Cette capacité financière serait donc non seulement bénéfique pour le citoyen, mais également pour la société québécoise qui a fortement besoin de personnes qui se forment et se perfectionnent et d’entrepreneurs. Finalement, et ceci est un avantage majeur, une allocation de type universel réduirait le stigma entourant le fait de recevoir des prestations et de vivre au soi-disant crochet de l’État.
L’admissibilité à l’allocation serait ensuite graduellement ouverte à de plus en plus de catégories de personnes (aînés, travailleurs à faible revenu, chômeurs, entrepreneurs, travailleurs autonomes, artistes, personnes sans revenu…), en cohérence avec les programmes fédéraux, et en abolissant au fur et à mesure les mesures provinciales qu’ils remplacent : crédits d’impôt pour enfant à charge, allocations familiales, remboursements de TPS et de TVQ (devenu crédit de solidarité sociale)...203
Face à cette idée, certains s’inquiètent qu’en ayant un revenu de base, les gens n’iraient plus travailler. D’abord, il faut spécifier que le montant de cette allocation serait établi de façon à minimiser les impacts sur la participation au marché du travail et assurerait ainsi uniquement les besoins les plus minimaux. La plupart des Québécois souhaitent un niveau de vie plus élevé et continuerait ainsi à travailler. Aussi, une part non négligeable de citoyens aiment leur travail, ils s’imaginent ainsi mal rester à la maison. De plus, le travail constitue non seulement un avantage financier, mais il est un lieu de socialisation, de réalisation personnelle et de possibilité d’obtenir des avantages sociaux. En Namibie, au Manitoba et aux États-Unis, où des projets pilotes de revenu de base ont été mis en place pendant quelque temps, la baisse d’heures
Le montant serait probablement trop faible au début pour vivre décemment, ce qui obligerait les individus à travailler pour obtenir un salaire d’appoint, ou à vivre avec très peu comme c’est le cas actuellement des personnes ne bénéficiant que de l’aide sociale ou n’ayant même aucun revenu. Avec la modulation liée au travail, elle constituerait néanmoins un gain appréciable pour les
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travailleurs à faible revenu. Bien que cette situation doive seulement être temporaire, pénalisant trop ceux qui sont incapables de trouver un emploi, ce départ progressif faciliterait son acceptation sociale. Les augmentations permettant d’atteindre le montant visé seraient en partie financées par les économies de la suppression bureaucratique de divers programmes sociaux, mais aussi par la réduction de différents coûts sociaux qu’entraîne la pauvreté, dont plusieurs ont été mentionnés en introduction. Le reste du financement de l’augmentation de l’allocation pourrait provenir de certaines mesures prévues dans la section sur les finances publiques, dont l’augmentation de la taxe à la consommation, l’abolition de certains crédits d’impôt qui ont été ajoutés dans les dernières années et qui sont accessibles seulement pour une faible proportion de la population ou une combinaison de ces différentes mesures.
situation et ce, au bénéfice tant des gens à faible revenu que de la société toute entière.
2. Ajuster le salaire minimum Le salaire minimum a connu depuis les 25 dernières années une augmentation appréciable, dépassant même l’inflation. Il a atteint au 1er mai 2013 le montant de 10,15 $ de l’heure pour les employés généraux, et de 8,75 $ de l’heure pour les employés à pourboire. En considérant un travail à 40 heures par semaine, 52 semaines par année, il permet d’atteindre un revenu de 21 112 $ par année. Ce revenu annuel permettrait, selon la Mesure du panier de consommation, de se payer les biens et services essentiels, estimés à 15 208 $ en 2010 pour une personne seule habitant la région métropolitaine de Montréal. Cependant, il ne permet pas d’atteindre le seuil de faible revenu tel que défini par Statistique Canada. Ce seuil est basé sur la part de revenu consacré à l’achat de nécessités comme la nourriture, le logement et l’habillement. Lorsque celui-ci dépasse de plus de 20 points de pourcentage celui d’une famille moyenne, le ménage est considéré sous le seuil du faible revenu.
Pour conclure, il est important de rappeler que cette mesure est non seulement pour les personnes sans emploi, mais aussi pour les travailleurs pauvres et à faible revenu ainsi que la classe moyenne basse, plus vulnérable qu’auparavant. Une autre modalité à inclure dans ce changement est une modification de l’approche gouvernementale envers les personnes bénéficiant d’une allocation gouvernementale : d’un rôle de contrôle, il est souhaité que les agents aient plutôt un rôle d’accompagnement, ce afin d’aider les personnes à améliorer leur situation économique et sociale.
Actuellement, au Québec, 6,5 % des travailleurs travaillent au salaire minimum, dont plus de la moitié à temps partiel et 64 % de ces travailleurs ont de 15 à 24 ans. Le revenu minimum ne peut donc être considéré comme un instrument absolu de lutte à la pauvreté, mais il est important pour son impact sur le reste de la structure salariale et afin d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés à faible revenu, pouvoir d’achat qui peut aussi entraîner de la création d’emplois par la consommation accrue qu’il permet.
En effet, le rôle actuel des agents est beaucoup axé sur le contrôle des personnes ayant de l’aide sociale : demandes constantes de papiers prouvant leurs contraintes à l’emploi, contrôle de leurs dépenses, vérification de leurs comptes… Si cette situation permet d’éviter certains abus, elle est excessive considérant la faiblesse des montants impliqués. Un tel contrôle de près devrait être réservé pour lutter contre le travail au noir, la corruption, l’évasion et l’évitement fiscaux, pas pour faire économiser à l’État une vingtaine de dollars pour un déplacement jugé abusif. Au contraire, en établissant entre les agents gouvernementaux et les personnes bénéficiant d’allocations une relation de confiance et d’accompagnement, plutôt que de méfiance réciproque, il est possible de diminuer certains abus commis pour « se venger » du système et, surtout, d’offrir une aide réelle aux gens pour améliorer leur
En ce sens, Génération d’idées propose d’atteindre, par une augmentation graduelle sur 5 ans, un salaire minimum permettant à une personne seule habitant dans une municipalité de plus de 500 000 personnes et travaillant 40 heures par semaine à l’année longue d’atteindre le seuil de faible revenu, qui était de 22 171 $ avant impôt en 2008 (soit 10,66 $ de l’heure). Malgré ses effets positifs, le salaire minimum pourrait avoir un impact sur le décrochage scolaire, rendant plus attractif pour les
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204. Conseil du trésor du Québec, Budget des dépenses 2012-2013, Volume II, Crédits des ministères et organismes pour l’année financière se terminant au 31 mars 2013, http://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/publications/rapport_gestion_2012/Budget_depenses_2012_2013_volII.pdf, p. 107 205. Conseil du trésor du Québec, Budget des dépenses 2011-2012, Volume II, Crédits des ministères et organismes pour l’année financière se terminant au 31 mars 2012, http://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/budget_depenses/11-12/Volume_II_FR.pdf, p. 103 206. Conseil du trésor du Québec, Budget des dépenses 2013-2014, Crédits des ministères et organismes pour l’année financière se terminant au 31 mars 2014, http://www.tresor.gouv.qc.ca/fileadmin/PDF/ budget_depenses/13-14/2-Credits_des_MO.pdf, p. 91
difficultés à s’insérer dans le marché du travail, notamment dû à une discrimination systémique ou à une trop longue absence du marché du travail. Cela peut passer par la mise sur pied d’emplois de solidarité sociale dans le privé et le public et par un suivi approprié du programme d’obligations contractuelles visant à assurer une égalité d’accès à l’emploi pour différents groupes discriminés.
jeunes élèves le fait de quitter l’école pour joindre le marché de travail. Pour limiter cet effet, il est proposé de prévoir une mesure pour pénaliser les jeunes élèves tendant à consacrer plus de 15 h par semaine à leur travail, nombre d’heure à partir duquel le risque de décrochage est accru. Cette pénalité pourrait être incluse à même le rapport d’impôt, où chaque tranche d’heure excédentaire pourrait entraîner un prélèvement, soit sous la forme d’impôt ou même sous une autre forme rendant l’argent inaccessible à court terme (ex. envoi obligatoire vers un REER). Le calcul du nombre d’heures pourrait être fait en soustrayant les périodes de vacances, et devenir inopérant dès que l’élève obtient un diplôme ou un travail à temps complet. Les modalités fines seraient à établir suite à une analyse plus poussée.
L’accessibilité à des formations afin de se perfectionner ou de se réorienter est également fondamentale afin de permettre une adaptation aux besoins du marché du travail et de demeurer compétitif dans l’économie actuelle. De plus, afin de s’attaquer à l’analphabétisme fonctionnel d’un trop grand nombre de travailleurs, il est essentiel d’offrir un nombre suffisant de cours dans le milieu communautaire, dans le réseau de l’éducation et en entreprise pour les gens étant en emploi. D’autres mesures pour combattre l’analphabétisme sont mentionnées dans le texte portant sur l’éducation.
3. Offrir des mesures d’employabilité suffisantes et adéquates 4. Mieux soutenir les organismes communautaires
Mis à part d’assurer un filet de sécurité minimal, il est essentiel dans la lutte à la pauvreté d’offrir des mesures d’employabilité adéquates à ceux cherchant du travail. Plusieurs solutions ont été mises de l’avant en ce sens dans le texte sur le marché du travail. En voici un bref résumé. Dans un premier temps, il importe d’assurer un financement adéquat des mesures d’employabilité, que ce soit l’offre de formations subventionnées ou les services conseils offerts aux chercheurs d’emplois. Le budget d’Emploi-Québec a été amputé à plusieurs reprises204,205,206 ces dernières années et ceci n’aide en rien la lutte à la pauvreté. Dans un deuxième temps, il est suggéré de réorienter le plus tôt possible les travailleurs dans des secteurs en déclin ou employés dans une entreprise qui fermera prochainement ces portes. Dans un troisième temps, il est proposé d’imposer un plafond pour les coûts et les délais qui peuvent être exigés pour la reconnaissance des acquis et des connaissances des travailleurs déjà expérimentés, mais n’ayant pas de diplôme pour le prouver. Actuellement, les délais de reconnaissance sont dans plusieurs programmes aussi longs que si la personne avait fait la formation de A à Z, assise sur les bancs d’école, ce qui est insensé. Cette section met également l’accent sur l’importance d’aider les populations éprouvant davantage de
Les organismes communautaires sont la première ligne pour venir en aide aux personnes dans le besoin, que l’on pense seulement aux banques alimentaires, aux refuges, aux magasins-partage, aux organismes d’employabilité ou aux entreprises d’insertion. Il existe au Québec 50 000 organismes à but non lucratif, dont 8 000 correspondent à des organismes communautaires autonomes tels que définis par le Cadre de référence en matière d’action communautaire. Le gouvernement du Québec a versé, en 2011-2012, 882,9 millions de dollars à 5 076 organismes communautaires, ce dans le cadre de 64 programmes et mesures de soutien financier différents, gérés par treize ministères et neuf organismes gouvernementaux. De ce soutien financier, 60 % a été versé en appui à la mission globale, 8 % en appui à des projets ponctuels et 32 % sous la forme d’ententes de services. L’enveloppe globale du soutien financier aux organismes communautaires a augmenté de 2,7 % en 2011-2012. L’augmentation a
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été plus grande pour les projets ponctuels (15,5 %) que pour le soutien à la mission (1,7 %), ce qui reflète bien la tendance des dernières années, qui a été pour le gouvernement de privilégier l’augmentation du financement par projets plutôt qu’à la mission. Or, cette situation a amené les organismes, pour avoir accès à du financement, à multiplier les projets en silos et le temps passé à remplir des demandes de subvention plutôt qu’à se concentrer sur leur mission première, sur la mobilisation de leurs membres et sur la mise en place d’innovations ou d’adaptations pour améliorer leur réponse aux besoins.
C. Rediriger au moins la moitié des financements actuellement accordés par projets vers des financements à la mission, notamment pour rendre pérenne le financement de projets répondant à des besoins importants et complémentaires à ceux déjà financés D. Prévoir un rehaussement des financements à la mission et par entente de service de façon à améliorer les conditions de travail dans le secteur communautaire E. Assurer le renouvellement aux trois ans et l’indexation des financements à la mission, sous réserve d’atteinte de résultats
L’annonce récente du gouvernement du Québec de réinvestissement de 120 millions de dollars sur 3 ans dans le soutien à la mission globale des organismes est un très grand pas en avant pour redonner aux organismes plus d’autonomie. Néanmoins, selon le Réseau québécois de l’action communautaire autonome, qui représente 4 000 organismes communautaires, c’est une augmentation de plus de 350 millions de dollars qui serait nécessaire pour offrir des services adéquats à l’ensemble de la population québécoise et pour maintenir la vitalité de la vie associative des groupes communautaires.
F. Assurer l’indexation des financements par entente de service G. Simplifier et harmoniser les redditions de compte pour les baser prioritairement sur des rapports annuels mettant en valeur les objectifs à la fois qualitatifs et quantitatifs H. Donner aux agents gouvernementaux assurant le suivi des subventions un rôle d’accompagnement des organismes et de transfert des meilleures pratiques plutôt qu’un rôle surtout axé sur le contrôle des résultats
Or, l’action des organismes communautaires auprès des Québécois est très importante, tant pour leurs liens directs avec la population que pour l’expertise qu’ils ont développée et qui leur permet de démontrer un grand sens de l’initiative dans leur réponse aux besoins. Les effets positifs de leurs actions méritent d’être mieux connus et diffusés via de la recherche, et leur autonomie mieux respectée tant dans les pratiques gouvernementales que dans les formes de financement à privilégier.
I. Soutenir et diffuser les projets de recherche réalisés en collaboration entre les réseaux académiques et le milieu communautaire J. Mieux faire connaître les histoires de succès du milieu communautaire, par exemple en mettant à profit l’expertise pro bono de compagnies de communication marketing pour concevoir une campagne en ce sens
En ce sens, il est proposé de: A. Adopter un nouveau Plan d’action gouvernemental en matière d’action communautaire en fonction des recommandations du rapport d’évaluation de la mise en œuvre de la Politique gouvernementale sur l’action communautaire
5. Développer l’offre de logements communautaires et abordables
B. Poursuivre le soutien aux structures de concertation communautaire locales et sectorielles afin de s’assurer que tous les services offerts sont complémentaires, et non dédoublés
L’accès à un logement décent et abordable est fondamental dans la qualité de vie et dans le maintien en santé des personnes. Il s’agit aussi d’une condition essentielle pour qu’une personne dans
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une situation sociale difficile puisse entreprendre des démarches pour améliorer sa situation et celle de ses proches.
loyers qui suivent le marché spéculatif. En ce sens, il existe actuellement un programme gouvernemental, le programme Accès-Logis. Celui-ci subventionne les coûts de construction, de recyclage ou de rénovation de façon à ce que les loyers atteignent 95 % du coût médian des loyers pour le secteur, puis donne une subvention à la moitié des ménages locataires, soit ceux à plus faibles revenus, afin que ceux-ci ne paient que 25 % de leur revenu.
Or, selon les données du recensement de 2006, compilées par le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), 448 840 ménages locataires québécois consacraient plus que la norme de 30 % de leur revenu pour se loger, dont 203 085 plus de 50 % et 87 075 plus de 80 %. De plus, 112 755 logements, soit 8,9 % des logements, avaient besoin de réparations majeures. Le Québec dispose actuellement de différents outils pour assurer aux locataires un certain droit au logement. Le principal outil est la Régie du logement qui, outre sa mission de règlement des litiges liés aux baux, peut aussi, dans certaines circonstances, jouer un rôle de protection des locataires et de conservation du parc locatif. Or, en ce sens, certaines améliorations pourraient être apportées, dont l’instauration d’un registre des baux permettant aux locataires de refuser des augmentations indues de loyer, l’ajout de certaines restrictions par rapport à la conversion d’appartements en copropriétés et la diminution des délais de traitement des plaintes des locataires.
Il serait avantageux d’accélérer les investissements dans ce programme, notamment à cause de sa pérennité: en effet, une fois sortis du marché spéculatif, les immeubles tendent à s’autofinancer, et à terme, on peut même espérer que les loyers tendent d’eux-mêmes vers un prix correspondant à 25 % des revenus des ménages, sans besoin de réinvestissement supplémentaire. Plusieurs autres avantages peuvent être évoqués, notamment la possibilité pour les locataires de participer directement aux conseils d’administration de leur OBNL ou coopératives et la mixité de ménages qui évite une ghettoïsation des ménages à faible revenu. En ce sens, il est proposé de :
Au-delà de la Régie, l’élément qui pousse le plus à la hausse les loyers actuellement est la spéculation immobilière, qui est très importante notamment dans certains quartiers de Montréal et Québec ainsi que dans certaines villes connaissant une croissance rapide, comme sur la Côte-Nord. Cette spéculation encourage les propriétaires à exiger des augmentations de loyer plus élevées que celles prévues par la Régie, car s’ils agissent autrement, lors de la revente, les loyers ne seront potentiellement pas suffisants pour couvrir l’hypothèque et les autres frais du prochain acheteur.
A. transformer le programme Accès-Logis, dont les investissements ont fluctué d’années en années sous les derniers gouvernements, en un programme pluriannuel permettant l’ajout d’un minimum de 3 000 unités de logement par année sur 5 ans; B. bonifier ce programme pour tenir compte de la spéculation ayant eu cours dans les dernières années, pour permettre l’achat de bâtiments locatifs ne demandant pas de rénovation majeure et pour assurer certains montants récurrents pour soutenir la vie associative et le soutien aux locataires sur les lieux;
Un des moyens pour diminuer cet effet spéculatif est d’encourager la construction ou l’acquisition, par des sociétés à but non lucratif ou des coopératives, d’immeubles locatifs. Ces organisations ayant la mission de conserver l’immeuble à des fins locatives au coût le plus avantageux possible, tout en couvrant leurs frais, elles ne subissent pas de pression spéculative, car elles ne visent pas une revente éventuelle. Les loyers peuvent ainsi suivre une augmentation dans les paramètres de la Régie, et se retrouvent donc éventuellement à être beaucoup plus abordables que la majorité des
C. poursuivre l’évaluation en cours du potentiel du capital patient et d’autres outils financiers pour augmenter le nombre d’unités de logement financées par année à partir du même montant d’argent public;
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207. Perreault, 2012
Cependant, la pénurie de places, particulièrement dans les milieux défavorisés, limite l’accès des enfants qui, pourtant, pourraient en bénéficier le plus. Comme expliqué plus en détails dans le chapitre sur l’éducation, il faut rapidement réajuster le tir pour compléter le réseau, en agissant prioritairement dans les milieux défavorisés et dans les territoires où le nombre de places disponibles par enfant est le moins élevé.
D. tendre à transférer les Suppléments au loyer actuellement affectés à des appartements privés vers des OBNL, coopératives ou offices municipaux d’habitation; E. habiliter les municipalités à rendre obligatoire, par réglementation, un pourcentage d’inclusion de logement communautaire et abordable dans les projets de construction ou rénovation portés par des propriétaires privés.
Ces mesures doivent être complétées par une intervention précoce, au primaire, lorsque des difficultés d’acquisition des compétences de base ou des problèmes majeurs de comportement sont observés, notamment par l’ajout de professionnels pouvant supporter les professeurs en ce sens. Ces éléments sont discutés plus en détails dans la partie sur l’éducation, mais ils sont à ne pas négliger dans la lutte à la pauvreté étant donné leurs impacts sur l’égalité des chances.
6. Intervenir dès la petite enfance Malgré les progrès notables du système d’éducation et des programmes sociaux, les personnes nées dans un milieu défavorisé ont plus de chances de vivre, à l’âge adulte, en situation de pauvreté. Une des raisons est que dès leur arrivée à l’école, une plus grande proportion des enfants venant de familles défavorisées accusent déjà un retard de développement, et ne sont donc pas aussi prêts que les autres enfants à entrer à l’école. À titre d’exemple, les enfants provenant des milieux défavorisés ont un déficit de lecture de près de 2000 heures par rapport à ceux de milieu plus scolarisés.207 Un retard de développement à plusieurs niveaux entraîne ensuite souvent d’autres problèmes, comme des difficultés de lecture, de la frustration ou une diminution de l’estime de soi, qui suivront l’enfant dans son développement et seront des obstacles importants pour accéder à un emploi et une situation sociale à la hauteur de ses capacités.
7. Diminuer la détresse psychologique et améliorer la santé mentale Source d’absentéisme, de perte d’emploi, de difficultés d’accès au marché du travail, d’isolement et d’obstacles à la persévérance scolaire, la détresse psychologique et les problèmes de santé mentale sont des réalités à ne pas négliger au Québec. En effet, une étude réalisée par l’Institut de la statistique du Québec en 2008 démontrait qu’un Québécois sur 5 était en situation de détresse psychologique. Et, à tout moment, une personne sur 6 souffre d’une forme ou d’une autre de maladie mentale.
Or, une solution existe déjà en ce sens, soit le réseau des CPE et garderies à 7 $, qui visait originalement à:
Parmi les 129 640 adultes prestataires de l’aide sociale présentant des contraintes sévères à l’emploi, la majorité, soit 42,6 %, présentaient un diagnostic médical lié à la santé mentale. Et c’est sans compter tous ceux qui, en raison de difficultés psychologiques, diagnostiquées ou non, vivent en situation d’itinérance ou de l’aide sociale tout en étant considérés aptes à l’emploi, ou d’emplois à temps partiel, précaires ou mal rémunérés.
• voir au bien-être, à la santé et à la sécurité des enfants qui leur sont confiés • leur offrir un milieu de vie propre à stimuler leur développement sur tous les plans, de leur naissance à leur entrée à l’école • prévenir l’apparition ultérieure de difficultés d’apprentissage, de comportement ou d’insertion sociale.
Même si elle est de moins en moins taboue au Québec, notamment grâce aux campagnes de publicité et autres témoignages de personnes l’ayant vécue, la maladie mentale demeure stigmatisée.
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208. Comité consultatif de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale. (2008) 209. TROVEP, 2013 210. Ibid.
Et surtout, lorsqu’il en est question, on parle de la situation ou de ses traitements, plus rarement de la prévention ou des moyens de maintenir une bonne santé mentale.
D. Faire la promotion, auprès des omnipraticiens et des psychiatres, de la prescription de services psychologiques ou de livres de psychologie dûment approuvés par des praticiens, lorsque cela pourrait s’avérer aussi ou plus profitable que la médicalisation;
Pourtant, des millions sont investis dans la promotion d’une meilleure santé physique, tant par les individus et les fondations privées que par le gouvernement: gyms, guides de nutrition, centres d’abandon du tabagisme, campagnes de publicité, activités de mise en forme... La promotion de pratiques pouvant favoriser une meilleure santé mentale et un plus grand épanouissement personnel serait aussi à privilégier pour diminuer les coûts de santé et de prestations sociales qui y sont liés, diminuer les absences du marché du travail, et surtout, assurer un plus grand bonheur à la population.
E. Intensifier les efforts pour la mise en place de mesures de conciliation travail - vie privée et de prévention de l’épuisement professionnel en milieu de travail.
8. Instaurer une tarification sociale pour le transport en commun Les coûts des billets de transport en commun ont augmenté plus rapidement que l’inflation dans la dernière décennie : au Québec, entre 2000 et 2006, les prix du transport en commun ont augmenté deux fois plus rapidement que l’indice général des prix à la consommation (29,2 % contre 13,6 %)208. Cela n’est guère mieux dans la grande métropole du Québec, où, entre 1999 et 2009, la carte mensuelle a augmenté de 49 %, la carte mensuelle à tarif réduit de 85 % et les billets en paquet de 6 de 54 %209. Une partie de cette hausse est due au retrait graduel du gouvernement du Québec dans le financement : sa contribution a diminué de 23,6 % entre 1991 et 2009210. Sur la Rive-sud, pour ne prendre qu’un autre exemple, les usagers de l’AMT ont connu une hausse des tarifs de 6,25 %211 les deux dernières années. En milieu rural, où la desserte de transport en commun est minime voir absente, l’augmentation des coûts de transport en automobile a doublé, passant à 35,5 % en raison de l’augmentation du coût de l’essence.
De même, alors que le système actuel tend surtout vers la médicalisation, le recours accru à la psychothérapie pourrait permettre un meilleur maintien de la santé mentale à long terme et pourrait, selon certains psychiatres, permettre d’éviter beaucoup de coûts liés aux médicaments. En effet, actuellement, plusieurs médecins ressentent une forte pression de leurs patients pour se faire prescrire des antidépresseurs et autres psychotropes, et ce, même s’ils n’éprouvent pas de problème de santé mentale dûment diagnostiqué, mais plutôt des difficultés psychologiques temporaires. Cette tendance, renforcée par la publicité des compagnies pharmaceutiques, fait qu’en 2009, parmi les 2,54 millions de Québécois assurés par le régime public d’assurance médicaments, un sur sept prenait des antidépresseurs. En ce sens, il est proposé de: A. Intensifier les efforts de promotion de la santé mentale, de démystification de la détresse psychologique et, surtout, des moyens de maintenir une bonne santé mentale;
Un transport en commun peu abordable est particulièrement problématique pour les personnes à faible ou très faible revenu, qui sont contraintes de diminuer leurs déplacements ou d’arrêter complètement d’emprunter les transports en commun, ce qui nuit à leurs démarches de recherche d’emploi, à leurs démarches administratives et minimise la visite d’amis et de proches. Or, pire que la pauvreté est le fait d’être isolé, marginalisé. En ce sens, une offre de transport en commun de moins en moins accessible contribue à cette exclusion des plus démunis.
B. Augmenter les effectifs et faciliter le recours à des services psychologiques au sein du réseau scolaire; C. Évaluer la possibilité d’inclure dans le réseau public un accès accru aux services psychologiques, notamment en termes de modalités d’application (remboursement des services privés, embauche massive dans le domaine public, etc.);
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211. http://journalmetro.com/actualites/montreal/187482/hausse-de-tarifs-de-3-a-lamt/
C’est pourquoi il est proposé qu’un tarif réduit soit mis en place pour les gens à faible revenu dans tous les villes et villages ayant un transport en commun. Un tarif réduit existe déjà, à bien des endroits, pour les aînés et les étudiants, et il paraît sensé, par souci d’équité, d’étendre un tel tarif au segment de la population comblant à peine ses besoins essentiels. Le gouvernement provincial, qui s’est désinvesti dans les dernières années à cet égard, devrait soutenir les différentes sociétés de transport à travers la province dans la mise en place d’un tel tarif d’autant plus que cette mesure va dans le même sens que son plan de lutte à la pauvreté et celui de développement durable pour les générations futures. Ce tarif va également de pair avec une stratégie d’employabilité accrue puisque cela permet une meilleure mobilité pour se trouver un emploi ou un meilleur emploi. Par exemple, la Ville de Calgary a adopté la tarification sociale pour les transports en commun, et lors d’un sondage portant sur cette mesure, 49 % des répondants ont affirmé que l’accès à un mode de transport abordable leur a permis de se trouver un nouvel ou un meilleur emploi et chez 59 % des répondants, elle leur a permis de conserver leur emploi. Par souci de simplification, cette tarification sociale ainsi que la mesure d’allocation universelle élimineraient les divers programmes épars visant le remboursement de frais de transport pour une partie des gens à faible revenu ou les démarcheurs d’emploi.
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références
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Arts et culture GÉNÉRATION D’IDÉES Mise en contexte
canadien. Toujours selon le Conference Board, en 2007, le secteur culturel a produit 25 milliards de dollars en taxes pour les trois ordres de gouvernement. Ce chiffre est trois fois plus élevé que les dépenses gouvernementales investies en culture cette même année (8,2 milliards $).
Chaque époque se définit à travers de nouveaux défis qui nécessitent de nouvelles solutions. Le milieu culturel québécois n’y échappe pas. Aujourd’hui, plusieurs questions débattues sur la place publique portent à penser que les modèles doivent être adaptés à la réalité artistique actuelle ou que d’anciens modèles ne répondent plus aux besoins actuels. Est-il possible que les paradigmes qui ont guidé les fondements, l’organisation et l’épanouissement de la culture au Québec dans les dernières décennies soient arrivés à échéance ? Le gel des fonds accordés au secteur des arts est sans doute symptomatique de cette situation qui entraîne une remise en question des pratiques du milieu artistique et provoque le désir de proposer de nouvelles voies, de nouvelles façons de répondre aux complexités inhérentes à notre époque.
En 2011, le budget du Conseil des Arts du Canada (CAC) représentait moins de 5,43 $ per capita, alors que celui du Conseil des arts de Montréal (CAM) s’élevait à 7,10 $. Quant à celui du Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ), il s’élève à 12,37 $ per capita (le budget du CALQ, évalué à 89,5 M $, représente environ 14 % du budget total du ministère de la Culture et des Communications, lequel représente un peu plus de 1 % du budget total du Québec). Dans les pages qui suivent, nous allons nous pencher sur quelques idées pouvant être mises de l’avant afin de favoriser la reconnaissance, la consolidation et le développement artistique au Québec. Néanmoins, la complexité et les subtilités fondamentales inhérentes à chacune des disciplines artistiques et culturelles nous amènent à préciser que ce portrait, comme les propositions qui s’ensuivent, sont avant tout un appel à l’échange, une fenêtre sans prétention qui mènera, nous l’espérons, à une discussion profonde et véritable entre tous les concernés, c’est-à-dire nous tous.
Un récent rapport de Hill Strategies financé par Patrimoine Canadien, le Conseil des arts du Canada et le Conseil des arts de l’Ontario vient confirmer qu’il existe un lien de cause à effet entre l’art et le bien-être individuel au Canada. En effet, on y mentionne que «de nombreux amateurs des arts ont une meilleure santé, font plus de bénévolat et sont plus satisfaits de la vie»212. L’étude213 la plus complète sur la contribution des arts à l’économie canadienne, Valoriser notre culture : Mesurer et comprendre l’économie créative du Canada, a été réalisée en août 2008 par la Conference Board du Canada. La Conference Board estime que la contribution économique du secteur culturel se chiffre à 46 milliards de dollars annuellement, soit 3,8 % du produit intérieur brut (PIB) total. En 2012, on dénombrait 640 000 emplois dans ce secteur d’activité au Canada.
1. Fréquentation obligatoire de l’art au primaire et secondaire À travers de multiples études et rapports d’enquête effectuées au Québec ou à l’extérieur, on constate que l’art joue un rôle essentiel, à la fois sur le plan individuel et collectif. Les arts professionnels constituent un apport indispensable au bien-être de chaque individu, à son épanouissement et à sa participation active en tant que membre créatif de sa communauté. Tel que mentionné un peu plus tôt, les arts sont un puissant vecteur de cohésion sociale et de construction de la citoyenneté. Or, la question que l’on pose est la suivante : comment faire pour sensibiliser davantage les enfants et les adolescents aux pratiques artistiques et comment encourager la fréquentation des arts pour ceux-ci ?
La part du PIB augmente considérablement lorsqu’on considère les effets indirects (par exemple, les dépenses de construction d’un théâtre) et les effets induits (dépenses et investissements des gains des employés et propriétaires du secteur culturel) de l’activité culturelle. En tenant compte des effets indirects et induits, on estime que l’empreinte économique du secteur culturel se chiffre en fait à 84,6 milliards de dollars, soit 7,4 % du PIB canadien. Cet effet multiplicateur du secteur culturel fait en sorte que pour chaque dollar produit par le secteur, 1,84 $ vient s’ajouter au PIB
Une étude menée par Hill Strategies mentionne :
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212. http://www.hillstrategies.com/fr/content/les-arts-et-le-bien-%C3%AAtre-individuel-au-canada 213. http://www.conferenceboard.ca/e-library/abstract.aspx?did=2566 214. http://www.hillstrategies.com/sites/default/files/ARM_vol11_no5.pdf 215. http://www.hillstrategies.com/fr/content/la-participation-aux-activit%C3%A9s-artistiques-et-de-lecture-des-enfants-en-dehors-de-l%E2%80%99%C3%A9cole-en
revanche, environ deux tiers (64 %) des enfants ne prennent « presque jamais » de tels cours. Seulement 1 % des enfants de tous les groupes d’âge prennent des cours ou des leçons de danse, de gymnastique ou d’arts martiaux « environ une fois par mois ».
«Parmi les résultats scolaires, les chercheurs ont constaté que, comparativement aux élèves ayant peu ou pas d’exposition aux arts, les élèves qui avaient une forte exposition ont obtenu: • Des taux de réussite des études secondaires supérieurs; • Des moyennes pondérées cumulatives générales supérieures;
• Une majorité d’enfants lisent de leur propre initiative chaque jour : 73 % des enfants de trois ans le font (y compris ceux qui « feuillettent des livres »), 68 % des enfants de quatre et cinq ans le font et 70 % des enfants de six ans lisent chaque jour. Le pourcentage est inférieur pour les enfants de sept ans, dont 52 % lisent par plaisir chaque jour. Remarque : Il est possible qu’une formulation légèrement différente de la question pour les enfants de sept ans (lecture « par plaisir ») ait un effet sur ces résultats.
• Des moyennes pondérées cumulatives légèrement supérieures en mathématiques; • Des résultats supérieurs sur les tests de science et de rédaction; • Des aspirations supérieures en ce qui concerne les études postsecondaires;
La formation des enseignants (primaire et secondaire)
• Des taux d’inscription supérieurs aux établissements postsecondaires ainsi qu’aux programmes professionnels;
On remarque que les enseignants du primaire et secondaire sont de moins en moins outillés pour faire des choix de sorties culturelles à l’école. La préparation et le soutien spécifiques aux élèves ayant un cheminement particulier nécessitent de leur part de plus en plus de temps et d’énergie. Or, on remarque que ces sorties représentent, bien souvent, un moment de détente et de divertissement que l’enseignant accorde à ses élèves. Cette vision entraîne une dévaluation de la qualité des sorties en milieu scolaire.
• Des taux supérieurs de réussite de baccalauréat et de meilleures notes à l’université.» On remarque également qu’«être exposé à des événements artistiques et être encouragé à participer à des activités artistiques pendant l’enfance contribuent réellement aux chances que l’on développe un intérêt toute la vie durant pour les arts et des relations actives avec ceux-ci214».
Une façon de contrer cette tendance est d’intégrer au cursus universitaire des étudiants en éducation primaire et secondaire la fréquentation obligatoire d’œuvres artistiques, peu importe la discipline. Aussi, parce que le lien entre l’éducation et le marché du travail est de plus en plus ancré dans notre société, et parce que les débouchés en culture sont souvent dévalorisés ou découragés, on constate un appauvrissement de l’espace réservé à l’apprentissage des arts et aux sorties artistiques en contexte scolaire.
Bien qu’il existe très peu d’information statistique au sujet de la participation aux arts des enfants au Canada ou au Québec, l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes permet de constater que215 : • 18 % des enfants de trois à sept ans suivent des leçons ou des cours hebdomadaires de musique, d’art ou d’activités non sportives. D’autre part, 80 % d’entre eux suivent « rarement ou jamais » de tels cours ou leçons. Les autres 2 % en suivent « environ une fois par mois ».
Des pistes de solution à explorer : A. Augmenter la visibilité et le financement des maisons de la culture à Montréal et instaurer ces modèles dans d’autres grandes villes du Québec afin que les jeunes familles aient davantage accès à des œuvres artistiques de qualité partout sur le territoire ;
• 35 % des enfants de trois à sept ans prennent des leçons ou cours hebdomadaires de danse, de gymnastique ou d’arts martiaux (ou « activités physiques organisées »). En
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216. http://www.statcan.gc.ca/pub/87f0001x/2012001/part-partie1-fra.htm
B. Insérer dans le programme de formation initiale des maîtres et dans la formation continue des enseignants des mesures d’encouragement à la fréquentation des lieux de diffusion professionnels afin de mettre les futurs enseignants en contact direct avec les productions professionnelles et en relation avec les artistes ;
municipaux au chapitre de la culture pour l’année financière 20092010. Il en ressort que :
C. Former un comité composé d’artistes et d’enseignants (dont les mandats individuels seraient d’une durée limitée et non renouvelables) afin qu’il établisse une présélection d’œuvres dont la qualité artistique est reconnue et qu’il fasse des recommandations aux enseignants pour simplifier leur recherche de sorties artistiques.
• L’administration fédérale a dépensé 4,16 milliards $ au titre de la culture en 2009-10 ;
• Les dépenses culturelles combinées des trois paliers de gouvernement (municipal, provincial et fédéral) ont atteint 9,59 milliards de dollars en 2009-2010 ;
• La radiodiffusion et télévision ont eu la part du lion (46,7 %) des dépenses fédérales totales, suivies du secteur du patrimoine (29,5 %) et des arts (7,2 %) ; • Les administrations provinciales et territoriales ont dépensé 3,02 milliards $ pour la culture en 2009-2010, et les administrations municipales ont dépensé 2,95 milliards $.
2. Financement des organismes artistiques En avril 2012, Statistique Canada216 a rendu publics les chiffres des dépenses des gouvernements fédéral, provinciaux/territoriaux et
Voici les différentes organisations en arts et culture soutenues au Québec :
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217. Le Conseil québécois du Théâtre a lancé, le 19 mars 2014, la vidéo «Imaginer un monde sans culture». Bien que pertinente et nécessaire, cette vidéo n’a pas rencontré un large public, par manque de fonds pour la faire connaître.
Gel des fonds alloués au CALQ (et des autres conseils des arts)
Comme le démontre le graphique ci-haut, plus de la moitié des dépenses engendrées par le MCCQ sont consacrées aux projets d’immobilisation via, en grande partie, son programme Aide aux immobilisations. Dans les normes définies par ce programme, uniquement les dépenses en équipements et les honoraires des professionnels de la construction sont admissibles. Par conséquent, les salaires des travailleurs culturels et des artistes qui consacrent plusieurs années de leur carrière (en moyenne 8 ans) à la mise sur pied d’un lieu à vocation artistique, et qui ultimement sont responsables de ce lieu, ne sont pas admissibles. Les 90,4 M $ démontrés au graphique ci-haut couvrent donc les coûts de construction et de ses professionnels. D’un autre côté, une fois le lieu de construction sur pied, aucune aide n’est garantie pour le fonctionnement et les opérations de ces lieux.
Depuis de nombreuses années, les subventions octroyées aux artistes par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) sont gelées, ce qui crée, en raison de l’inflation, l’effet d’une coupure pour l’ensemble des organismes et artistes bénéficiaires.
Mauvais arrimage entre les écoles de formation en arts et le marché du travail Depuis des années, une majorité d’institutions de formation professionnelle en arts acceptent et forment davantage d’artistes que le marché est capable d’en accueillir. Ceci s’explique par le fait que ces écoles sont financées en fonction du nombre d’étudiants qu’ils accueillent. À défaut de trouver de l’emploi dans les lieux qu’offre le milieu, un bon nombre d’étudiants décident de fonder leur propre véhicule de création et de travail. On constate donc un nombre croissant de compagnies de création, également à la recherche de fonds publics pour accomplir leur mission artistique.
Or, non seulement le CALQ n’est pas en mesure de soutenir les organismes qu’il soutient déjà à la hauteur de leurs besoins, mais il n’arrive pas, ou que très rarement, à faire de la place aux artistes émergents ni à accueillir les nouveaux lieux. Soulignons également que les organismes culturels propriétaires de lieux et soutenus par le Conseil des arts et des lettres du Québec doivent assumer à même leur budget de fonctionnement le coût d’entretien et de réparation de leur bâtiment. Ce principe n’est cependant pas appliqué aux musées nationaux et lieux de diffusion tels que la Place des Arts, puisque ceux-ci bénéficient non seulement de subventions pour la mission artistique qu’ils remplissent, mais également d’un soutien distinct pour le maintien de leur actif.
Des projets d’immobilisation en culture... c’est payant pour qui ? Voici la répartition des dépenses des programmes d’aide financière du MCCQ :
Des pistes de solution à explorer : A. Augmenter de 13 M $ le budget alloué au Conseil des arts et des lettres du Québec afin de soutenir l’émergence, la consolidation et le rayonnement de la pratique artistique professionnelle au Québec; B. Mettre sur pied une campagne de visibilité majeure qui valorise et encourage le travail des artistes dans notre société217. Cette campagne viserait à de faire des pressions sur les gouvernements afin qu’ils augmentent leur budget destiné aux arts;
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218. Ministère de la culture et des communications, Pour mieux vivre de l’art, Plan d’action pour l’amélioration des conditions socioéconomiques des artistes, 2004 219. http://www3.tfo.org/videos/GP198093/etre-musicien-les-chiffres
Pour poursuivre l’amélioration des conditions de vie des artistes, il est proposé de:
C. Revoir le mode de financement des écoles de formation et assurer la complémentarité de leurs mandats (éviter que toutes les écoles offrent les mêmes formations).
A. Explorer la possibilité de permettre aux artistes de faire un étalement sur 2 ou 3 ans du paiement de leur impôt : par exemple, un artiste ayant gagné une première année 50 000 $ et la seconde 15 000 $ pourrait décider d’étaler sur 2 ans ses revenus et ainsi être imposé sur 32 500$ par an;
3. Conditions de vie des artistes Malgré que, selon une étude218 réalisée en 2001, le revenu médian des artistes était similaire à celui de la population générale, une grande proportion des artistes, soit 44 %, gagnait moins de 20 000 $ par année. 29 % des artistes vivaient de travail autonome, 27 % de travail salarié, et 33 % d’une mixité de travail autonome et salarié. Le tiers d’entre eux avaient vu leurs revenus fluctuer de plus de 50 % dans la dernière année.
B. Mettre à jour les données sur les conditions socioéconomiques des artistes, notamment afin de bien prendre la mesure des avancées ou reculs réalisés; C. Adopter une nouvelle version ou une mise à jour du plan d’action;
Depuis l’adoption du Plan d’action pour l’amélioration des conditions socioéconomiques des artistes, en 2004, plusieurs mesures ont été mises de l’avant pour diminuer la précarité économique des artistes: meilleure couverture par la CSST, ajustements à l’assistance-emploi, améliorations fiscales... Cependant, plusieurs mesures prévues stagnent, comme l’amélioration des cachets des artistes ou les couvertures d’assurances collectives et de régimes de retraite. De plus, la réforme de l’assurance-emploi peut venir rendre encore plus précaire la situation de certains artistes.
D. Prévoir, dans la nouvelle allocation universelle (voir section sur la lutte à la pauvreté), des bonifications pour les personnes ayant une pratique artistique professionnelle; E. Mettre sur pied des séances de formation continue sur la gestion budgétaire pour les travailleurs autonomes et pour les organismes culturels.
L’illusion d’un star-système
4. Concertation du milieu artistique
Après avoir dépeint cette situation socio-économique précaire des artistes au Québec, comment expliquer le préjugé voulant que les artistes gagnent bien leur vie? En fait, lorsque ces mêmes artistes défilent sur un tapis rouge et sont vus dans les différents médias (de masse ou non), la perception du public est tout autre, et il semble alors difficile de crier haut et fort que les artistes manquent d’argent et de défendre qu’il est légitime que les gouvernements leur en accordent davantage. Dans un reportage préparé par la TFO219, Yuarni Fragata, réalisateur à Bande à part, mentionnait cette incongruité dans le système en citant à titre d’exemple Urbain Desbois : celui-ci débarquait en limousine et défilait sur le tapis rouge lors d’un gala de l’ADISQ. Dans le même reportage, celui-ci venait de mentionner qu’il pouvait gagner, dans les bonnes années, entre 25 000 $ et 30 000 $ par année et que maintenant, il s’occupait de préparer les décors à Radio-Canada pour gagner sa vie.
Afin de se faire entendre auprès des gouvernements et d’unir leur voix autour d’enjeux partagés, les différents milieux artistiques se sont regroupés et ont mis sur pied différentes organisations, souvent par discipline artistique : le Regroupement québécois de la danse (RQD), le Conseil québécois du théâtre (CQT), le Conseil québécois de la musique (CQM), Regroupement En Piste, Regroupement des arts interdisciplinaires du Québec, le Regroupement des centres d’artistes autogérés du Québec, le Conseil québécois des arts médiatiques, pour ne nommer que celles-ci. Elles collaborent aussi fréquemment dans le développement de projets. Cependant, contrairement au milieu communautaire, le milieu culturel est plus rarement regroupé sur une base territoriale, que ce soit au niveau régional ou local. Il existe certaines initiatives,
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comme Culture Montréal, le Conseil de la culture des régions de Québec et de Chaudières-Appalaches, ou des initiatives locales comme le Regroupement art et culture Rosemont-Petite-Patrie. Or, la concertation en ce sens peut avoir plusieurs avantages: complémentarité de l’offre culturelle, collaborations interdisciplinaires, représentation auprès des décideurs, initiatives de rapprochement avec les citoyens, développement d’outils pour le milieu artistique...
en effet, l’amélioration de la ville, du quartier et des bâtiments fait augmenter les prix du marché immobilier, et donc le prix des baux commerciaux et résidentiels, ce qui force les artistes à quitter. Pour maintenir les artistes et la vitalité qu’ils amènent dans les villes et quartiers où ils sont implantés, il est possible soit de favoriser l’implantation de baux à long terme, soit de faciliter l’acquisition de bâtiments par des coopératives ou OBNL d’artistes. Cette deuxième solution est préférable, vu sa pérennité et le fait que le remboursement de l’hypothèque permet de maintenir des loyers modérés sans besoin aucun de subvention, sauf lors de l’acquisition. L’argent investi a ainsi un impact durable.
Pôles culturels Le territoire québécois est vaste et étendu; en ce sens, la diffusion artistique et son financement doivent être réfléchis en tenant compte de cette réalité. Il est donc nécessaire, pour que l’ensemble de la population du Québec ait accès à des activités artistiques et culturelles de qualité, que les gouvernements soutiennent de manière continue, accrue et cohérente les différents lieux de diffusion de la province. Ainsi, par l’augmentation et le maintien du financement de ces lieux et par le développement économique qui en découlerait, les régions du Québec deviendraient de véritables pôles culturels qui veilleraient à une diffusion courageuse, active et diversifiée de l’offre artistique et culturelle.
En ce sens, le gouvernement du Québec a annoncé la mise en place d’un fonds de 18 M $, dont 5,65 M $ provenant du palier provincial, pour améliorer l’accès à des lieux dédiés à la création. Les pistes à explorer A. Maintenir ce fonds et, à son épuisement, mettre à jour les besoins et le reconduire si besoin est; B. Tendre à diriger les artistes actuellement soutenus par des subventions récurrentes pour l’accès à leur atelier vers ces lieux sécurisés et hors du prix du marché spéculatif;
En ce sens, il est proposé de: A. Soutenir techniquement et financièrement les initiatives de regroupement territorial des artistes et groupes culturels existantes et émergentes;
C. Encourager les artistes à se doter d’outils de développement et de gestion leur permettant de faciliter leur regroupement, de faire des acquisitions ou de négocier des baux à long terme, et soutenir adéquatement de tels outils.
B. Soutenir de manière continue, accrue et cohérente les différents lieux de diffusion de la province.
6. Intégration de l’art à l’aménagement
5. Sécurisation de la présence des artistes
L’art, l’architecture et le design sont d’une grande importance en ce qui a trait à l’accès des citoyens à la culture et à la beauté et la qualité de vie des villes.
La présence d’artistes dans un quartier ou une ville permet de créer des emplois directs et, par leurs achats, indirects, d’attirer des entreprises dites «créatives», de créer des liens avec les résidants et de créer un sentiment d’appartenance. Les artistes s’installent aussi souvent dans d’anciennes manufactures, leur redonnant vie et les rénovant. Ironiquement, cette revitalisation amenée par les artistes finit par créer les conditions de leur exode:
Les pistes à explorer A. Confirmer la volonté du gouvernement d’obliger la tenue de concours d’architecture dans l’ensemble des projets d’immobilisation et prioriser les candidatures québécoises
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RÉFÉRENCES
(pensons au pont Champlain dont le contrat a été octroyé à un architecte européen, sans tenue de concours);
Ministère de la culture et des communications, Pour mieux vivre de l’art, Plan d’action pour l’amélioration des conditions socioéconomiques des artistes, 2004
B. Intégrer davantage d’aspects artistiques aux espaces publics et au mobilier urbain en encourageant les collaborations entre artistes et urbanistes lors de la création et la restauration de parcs et espaces extérieurs publics;
Groupe de travail sur les ateliers d’artistes, Rapport d’étude sur les ateliers d’artistes, octobre 2012
C. Poursuivre le soutien à la rénovation d’édifices patrimoniaux classés;
Daniel Arbour et ass. Ateliers d’artistes et artisans, diagnostic et plan d’action pour la ville de Montréal. 2006
D. Soutenir les études et les projets de requalification à des fins publiques ou communautaires d’édifices patrimoniaux, comme les églises, même lorsque ceux-ci ne sont pas classés;
Comité aménagement et culture Rosemont-Petite-Patrie, Mémoire sur le Plan de développement urbain, économique et social, 2013 CDEC de Montréal, Mémoire sur le Plan de développement de Montréal, 2013
E. Encourager l’adoption, par les municipalités, de Plans d’implantation et d’intégration architecturale dans les quartiers d’intérêt patrimonial ou architectural.
Gouvernement du Québec, Rendez-vous 2012 - Montréal, métropole culturelle- La première ministre du Québec annonce quatre mesures pour soutenir Montréal comme métropole culturelle, 26 novembre 2012, http://communiques.gouv.qc.ca/gouvqc/ communiques/GPQF/Novembre2012/26/c3571.html
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220. http://www.mcc.gouv.qc.ca/fileadmin/documents/publications/Rapport_annuel/RAG-20122013MCC.pdf
Tableaux annexes220
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ENVIRONNEMENT ET CHANGEMENTS CLIMATIQUES GÉNÉRATION D’IDÉES des objectifs mondiaux en matière de changements climatiques. Ainsi, la détermination des cibles québécoises de réduction des émissions de GES devrait tenir compte de la nécessité de « libérer » l’atmosphère pour permettre aux pays en voie de développement d’exercer leur droit d’émettre des GES pour parvenir à leurs besoins économiques. Deuxièmement, dans un processus visant l’utilisation équitable de l’atmosphère, la détermination des cibles québécoises de réduction des émissions de GES devrait viser une cible de convergence à l’horizon 2050. Les cibles de convergence les plus courantes impliqueraient une moyenne globale des émissions de GES par habitant aux alentours de 2 tonnes de CO2 éq. par habitant222 à l’horizon 2050, soit près de sept fois moins que la moyenne québécoise actuelle.
La préservation de l’environnement, loin d’être un obstacle au développement économique, doit être vu comme une condition pour poursuivre tout développement économique et social, ainsi qu’une opportunité d’améliorer la qualité de vie de l’ensemble des Québécois, tant sur le plan de la santé physique et mentale que sur les plans de l’offre de loisirs, de la beauté des paysages, des opportunités d’emplois, etc. Dans ce texte, des propositions sont amenées par rapport aux changements climatiques, mais une réflexion plus poussée est nécessaire afin d’élaborer davantage de propositions touchant notamment la préservation de la biodiversité, la qualité de l’environnement, la conservation d’aires protégées et l’application effective des réglementations en vigueur par le ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs.
En somme, Génération d’idées propose que le Québec développe une nouvelle cible pour l’horizon 2050 et ce non seulement en fonction de la réduction d’émissions de GES, mais également en fonction de la réduction des émissions de GES par habitant.
1. Adopter une cible de réduction des gaz à effet de serre d’ici 2050 La cible actuelle de réduction des gaz à effet de serre de 20 % par rapport à l’année de référence 1990 permet au Québec d’être un leader dans ce domaine au niveau nord-américain, mais elle ne lui permet pas d’être un leader au niveau mondial, alors que la Norvège et la Suisse se sont fixé des cibles de réduction de 30 % et que l’Union européenne pourrait également se doter d’une cible similaire221. Par ailleurs, bien que les émissions québécoises de GES ne représentent que 0,2 % du bilan mondial, le Québec représente 0,1 % de la population mondiale et sa part en émissions de GES représente donc le double de sa part de la population mondiale. À cet égard, il est important de noter que les émissions de GES du Québec par habitant demeurent tout de même près de trois fois plus importantes que celles de la Chine et près de sept fois plus importantes que celles de l’Inde, deux pays en voie de développement parmi les plus avancés.
2. Instaurer une taxe sur le carbone De façon générale, au Québec, les coûts réels de l’utilisation des combustibles fossiles dépassent les coûts assumés par les utilisateurs. Ainsi, certaines externalités ne sont pas prises en compte, notamment l’impact sur l’environnement par l’entremise des changements climatiques. Par conséquent, en complément du système québécois de plafonnement et d’échange des droits d’émission de gaz à effet de serre (cap and trade), il est proposé de mettre en place une taxe, fiscalement neutre, sur les émissions de GES. En plus de réduire l’iniquité qui prévalait en forçant les émetteurs de GES à assumer une plus grande partie des coûts réels associés à leurs émissions, la taxation est un moyen efficace de changer les comportements des individus et des entreprises de façon à réduire les GES.223, 224, 225 À titre d’exemple, plusieurs juridictions se sont déjà dotées d’une taxe sur les émissions de GES avec pour résultat une réduction de ces dernières. C’est notamment le cas de la Colombie-Britannique, où deux études sont récemment venues démontrer des gains environnementaux significatifs réalisés grâce à la taxation.226, 227
Deux conclusions principales s’imposent donc dans ce contexte. Premièrement, il est important de reconnaître que des efforts supplémentaires de la part du Québec, comme tout autre pays industrialisé, seront nécessaires pour éviter que l’atteinte par les pays en voie de développement de leurs objectifs en matière de développement économique ne vienne compromettre l’atteinte
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221. L’Union Européenne s’engagerait à une cible de réduction de 30% si les autres pays industrialisés adoptent des cibles similaires et si les pays en voie de développement les plus avancés, la Chine et l’Inde, s’engagent à adopter à une cible de réduction. 222. Voir généralement Nicolas Stern, Key Elements of a Global Deal on Climate Change, 2009, en ligne: http://www.occ.gov.uk/activities/stern_papers/Key%20Elements%20of%20a%20Global%20Deal%20 -Final01may.pdf. 223. Nicolas Stern, Stern Review on the Economics of Climate Change, 30 octobre 2006. 224. McKibben, Warwick, Morris, Adele, Wilcoxen, Peter et Cai, Yiyong,The Potential Role of a CabonTax in U.S. Fiscal Reform, Brookings. 24 juillet 2012 225. Alex Bowen, The Case for Carbon, Pricin,Granhtam Research Instituteon Climate Change and the Environment, Center for Climate Change and Economics and Policy, décembre 2011. 226. Sustainable Prosperity, British Columbia’s Carbon Tax Shift: The First Five Years, juillet 2013. 227. Nicholas Rivers, Brandon Schaufele, Carbon Taxe Salience and Gasoline Demand, 25 juillet 2012. 228. An Open Letter the Leader of Canada’s Federal Political Parties, signed by 255 leading economist. octobre 6, 2008. At http://worthwhile.typepad.com/worthwhile_canadian_initi/2008/10/an-open-letter-to-the-leaders-of-canadas-federal-political-parties-from-economists-teaching-in-canadian-collegesand-unive.html 229. Ibid 230. William Nordhaus, Economic Issues in a Designing a Global Agreement on Global Warming, mars 2009. 231. The Pembina Institute,The 2010 Gobal Thought Leader Survey on Sustainability, mai 2010.
232. Sustainable Prosperity, loc.cit.
Soulignons aussi qu’une telle initiative ferait écho à un consensus assez large au sein d’une grande majorité d’économistes comme étant le meilleur moyen de s’attaquer aux problèmes des changements climatiques.228 Voici quelques-uns de ces principaux avantages sur les plans fiscal et économique pouvant expliquer cette préférence :
namiser le marché de l’emploi, d’augmenter la compétitivité des entreprises peu polluantes et de favoriser l’innovation. En effet, la taxe étant fiscalement neutre, les revenus de cette dernière seront entièrement réinjectés dans l’économie sous forme de réductions d’impôt sur le revenu des contribuables et des entreprises. D’ailleurs, si on se réfère encore au cas de la Colombie-Britannique, l’introduction d’une taxe carbone accompagnée de diminutions d’impôt ne semble pas avoir eu d’impact négatif sur l’économie de cette province. De façon analogue, l’économie des pays européens ayant opté pour la taxation des émissions de GES ne semble pas avoir été affectée négativement par cette mesure.232 L’utilisation judicieuse des revenus de la taxe pour réduire les impôts contrebalancera les impacts négatifs que la taxe carbone pourrait avoir sur l’économie, tout en encourageant un réalignement de celleci sur des industries plus concurrentielle sur le plan mondial en matière énergétique et environnementale.
• Fiscalement facile à implanter; • D’une grande simplicité administrative (utilise les structures déjà en place); • Stabilité du montant de la taxe (ce qui rend la planification et les décisions d’investissement plus faciles); • Grande transparence; • Facilité de couverture des différentes sources d’émissions.229, 230
Compte tenu du fait que la taxation peut s’avérer être une mesure régressive si les réductions d’impôt ne sont pas appliquées de façon à contrer cet effet, il est primordial que les crédits d’impôt soient attribués de façon à rendre cette mesure progressive.
De façon plus générale, c’est aussi la solution qui est majoritairement retenue par les décideurs et les experts. Au Canada, c’est dans une proportion de 66 % que les personnes en position d’influence provenant du gouvernement, des milieux académiques, de l’industrie et des organisations à but non lucratif favorisent cette approche comme moyen de réduire les émissions de GES.231
De plus, pour des raisons d’équité et pour augmenter l’acceptation sociale d’une telle taxe, et donc la faisabilité politique de cette dernière, nous proposons de faire bénéficier les gens habitant en région hors des grands centres urbains d’un retour de taxe annuel supplémentaire.
Étant donné les bons résultats obtenus en Colombie-Britannique après l’introduction de leur taxe carbone, il serait judicieux de s’inspirer de ce qui a été expérimenté dans cette province pour établir les échéanciers et les modalités de la taxe. Nous proposons donc d’implanter la taxe avec une valeur initiale de 10 $ sur la tonne d’équivalent CO2 pour la première année. Ensuite, ce montant se verrait augmenté de 5 $ par année, pour les 4 années qui suivraient, de façon à ce qu’à terme, le montant de la taxe s’appliquant à une tonne d’équivalent CO2 soit de 30 $. À titre indicatif, quatre années après son implémentation, l’incidence de cette taxe sur le prix de l’essence à la pompe se traduirait par une augmentation d’environ 7,2 cents par litre. En plus d’être un outil efficace de réduction des GES et une façon de diminuer notre dépendance au pétrole, une telle taxe doit aussi être vue comme une opportunité de réduire les impôts, de dy-
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INTÉGRATION DES IMMIGRANTS GÉNÉRATION D’IDÉES cela peut prendre de 3 à 4 ans et coûter 2 500 $239; et pour celui de médecin, cela peut prendre de 6 à 8 ans240 et coûter 10 000 $.241 Tel que le démontre ces chiffres, les délais ainsi que les coûts exigés par certains ordres sont substantiels. Il n’est donc pas surprenant que 43 % des immigrants interviewés dans le cadre d’une enquête considéraient le coût des ordres comme un obstacle.242
Le Québec reçoit des immigrants très qualifiés. En fait, 63 % des immigrants en âge de travailler admis en 2011 ont plus de 14 années d’études.233 Ils sont en majorité jeunes, connaissent le français234 et ils sont remplis d’espoir de participer à la société québécoise. Leur présence est bénéfique à plusieurs égards. Sur le plan économique, pour ne nommer que quelques exemples, ils démarrent des entreprises, font augmenter la population âgée de moins de 18 ans, accroissent le nombre de consommateurs et comblent certaines pénuries de main-d’œuvre, notamment en région. Sur le plan culturel, ils enrichissent notamment la scène artistique et culinaire et ils apportent une diversité de points de vue et de connaissances qui constituent une richesse inestimable pour toute société.
Au niveau des emplois de techniciens, la reconnaissance des compétences des immigrants est aussi problématique. Cela prend habituellement le même temps pour reconnaitre les compétences de l’individu via le programme de Reconnaissance des acquis et des compétences (RAC) que s’il avait fait le diplôme du début. Par ailleurs, l’attente pour débuter le processus peut prendre d’une à deux années, ce qui était le cas des hygiénistes en 2010, et ensuite cela prend encore une, deux voire trois années avant qu’on reconnaisse finalement les compétences. Ceci est trop long et coûteux, c’est du gaspillage pour les immigrants et la société d’accueil. Il faut accélérer le processus et en ce sens, Génération d’idées propose les mesures suivantes.
Afin de faciliter l’intégration des immigrants, le gouvernement et le milieu communautaire ont mis en place plusieurs initiatives. Toutefois, certains immigrants peinent à s’intégrer dans le marché du travail à la hauteur de leurs compétences. Pour les immigrants récents et ayant des études postsecondaires, le chômage est près de 9 % plus élevé que chez les natifs.235 Génération d’idées a pour principes fondamentaux l’inclusion de chaque individu dans la société, le traitement équitable de tous de même que le respect des différences. En ce sens, ainsi que pour les bénéfices socioéconomiques qui en découlent, il est primordial de faire mieux en matière d’intégration des immigrants.
1. Offrir plus fréquemment les examens d’évaluation des ordres • Actuellement, plusieurs examens sont seulement offerts 1 ou 2 fois par année 2. Offrir des mises à niveau dans les domaines où il y a pénurie de main-d’œuvre et prendre en compte les années d’expérience déjà acquises
De plus, bien qu’il y ait une inévitable période d’adaptation avant qu’un nouvel arrivant réussisse à s’intégrer dans le marché du travail, un écart aussi important n’est pas inévitable. Par exemple, en Colombie-Britannique et en Ontario, le taux d’emploi des immigrants est beaucoup plus élevé et l’écart du taux de chômage entre natifs et immigrants récents y est beaucoup moins important.236,237 Ainsi, la longue et difficile intégration en emploi n’est pas un mal nécessaire.
• Ex.: un médecin formé à l’étranger doit souvent refaire sa résidence au complet alors qu’il a déjà plusieurs années d’expérience 3. Mettre un plafond sur les délais pour reconnaître les qualifications bien en deçà du temps pour faire la formation à partir de zéro
Malheureusement, les immigrants rencontrent de nombreux obstacles pour s’intégrer. Dans un premier temps, il y a la reconnaissance de leur diplôme et de leurs qualifications, qui est un processus souvent complexe, long et coûteux. Par exemple, pour recevoir le titre d’ingénieur, cela peut prendre près de deux années et coûter environ 2 000 $238; pour celui de comptable agréé,
4. Rendre la reconnaissance des qualifications des immigrants financièrement accessible • Imposer une limite sur les coûts exigés pour reconnaître les compétences des immigrants
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233. Toutes nos origines, http://toutesnosorigines.gouv.qc.ca/comprendre/ (consulté le 15 janvier 2012) 234. En 2011, 70 % des personnes ayant immigré au Québec avaient moins de 35 ans et 63 % d’entre eux ont déclaré connaître le français (http://toutesnosorigines.gouv.qc.ca/comprendre/). 235. 223 Caractéristiques de la population active selon le statut d’immigrant de la population âgée de 25 à 54 ans et le niveau de scolarité, Statistique Canada, 2010, http://www40.statcan.gc.ca/l02/cst01/ labor90a-fra.htm 236. En 2006, l’écart du taux d’emploi entre immigrants récents et natifs était de 10 % au Québec contre 5 % en Ontario et en Colombie-Britannique. L’écart du taux de chômage entre immigrants récents et natifs était de 6% au Québec contre 1,8% en Ontario et 0,7% en Colombie-Britannique. Boudarbat, B. et Boulet, M. (2010) « L’immigration au Québec : une ressource sous-utilisée » dans Le Québec économique 2010 : vers un plan de croissance pour le Québec / sous la direction de Marcelin Joanis, Luc Godbout ; [avec la collaboration de Catherine Beaudry ... et al.] Québec : Presses de l’Université Laval. 421p. 237. En 2009, le taux d’emploi des natifs était de 82,3% et de 70% pour les immigrants (Gilmore 2009). Au Canada ce taux était de 82,2% pour les natifs et 74,9% pour les immigrants (Zietsma) Statistiques provenant de Béji, K. et Pellerin, A. (2010) « Intégration socioprofessionnelle des immigrants récents au Québec : le rôle de l’information et des réseaux sociaux »Relations industrielles / Industrial Relations, vol. 65, n° 4, p. 562-583. 238. Information obtenue auprès de l’ordre professionnel 239. Ibid
240. Chicha, M-T. et Centre Métropolis du Québec-Immigration et Métropoles. (2009) Le mirage de l’égalité : Les immigrées hautement qualifiées à Montréal. Rapport de recherche présenté à La fondation canadienne des relations raciales. 136 p. http://im.metropolis.net/research-policy/research_content/doc/ MTChicha_.Mirage_de_l’egalite.pdf (consulté le 18 mai 2012) 241. Information obtenue auprès de l’ordre professionnel. 242. Chicha, M-T. et Centre Métropolis du Québec-Immigration et Métropoles. (2009) Le mirage de l’égalité : Les immigrées hautement qualifiées à Montréal. Rapport de recherche présenté à La fondation canadienne des relations raciales. 136 p. http://im.metropolis.net/research-policy/research_content/doc/ MTChicha_.Mirage_de_l’egalite.pdf (consulté le 18 mai 2012) 243. Eid, P. (2012) dans Guy Drudi « Le choc discriminatoire, obstacle à la mise en valeur professionnelle des personnes issues de l’immigration. » Bulletin de l’Observatoire international sur le racisme et les discriminations | Volume 8 - Numéro 2 p 5-7 244. CanadaNewswire, 12 janvier 2011, Un sondage du Conseil du patronat du Québec révèle que la grande majorité des entreprises québécoises est prête à relever le défi de l’accès à une main-d’œuvre qualifiée. (consulté en ligne 28 février 2013) 245. Boudarbat, B. et Boulet, M. (2010) « L’immigration au Québec : une ressource sous-utilisée » dans Le Québec économique 2010 : vers un plan de croissance pour le Québec / sous la direction de Marcelin Joanis, Luc Godbout ; [avec la collaboration de Catherine Beaudry ... et al.] Québec : Presses de l’Université Laval. 421p. 246. Par exemple : programme de parrainage à la Ville de Montréal et celui des chambres de commerce
• Offrir des prêts endossés par le gouvernement, semblables aux prêts et bourses, à ceux qui n’ont pas les moyens de payer les frais des ordres à court terme
7. Conscientiser tous les employeurs québécois au fait que les immigrants reçoivent, à leur arrivée, des formations sur la culture québécoise ainsi que sur la culture du travail ici.
Dans un deuxième temps, les immigrants font face à une réticence de certains employeurs à les embaucher. Lors d’une étude243, la CDPDJ a envoyé des CV à profil et à qualifications égaux, certains portant un nom à consonance québécoise et d’autres à consonance étrangère, et les CV au nom québécois avait au moins 60 % plus de chance d’être appelés en entretien que les CV ayant des noms d’origine étrangère. Un autre exemple de cette réticence provient d’un sondage du Conseil du patronat en 2011, qui révèle que 33 % des chefs d’entreprise interrogés ne manifestent aucun intérêt à embaucher des travailleurs immigrants n’ayant encore jamais travaillé au Québec.244 Ceci est problématique, car un nouvel arrivant a inévitablement besoin qu’on lui donne sa première chance pour acquérir sa toute première expérience ici.
8. Accroître le nombre de programmes de stage246 afin de faciliter l’accès à une première expérience québécoise. Les propositions précédentes sont importantes pour augmenter le degré d’ouverture face à l’embauche des immigrants, mais elles ne sont pas suffisantes. La méconnaissance de certaines cultures et certains préjugés sont en partie responsables de cette problématique. De plus, la couverture médiatique des accommodements raisonnables, de la Charte des valeurs québécoise et certaines informations biaisées transmises dans ces circonstances ont contribué à accroître la discrimination envers les immigrants247. Afin d’inverser cette tendance, des actions de sensibilisation sont de mise. 9. Promouvoir l’apport des immigrants et des communautés culturelles, notamment dans le marché du travail.
Les deux exemples donnés dans le paragraphe précédent peuvent sembler des cas isolés. La majorité de Québécois sont convaincus que tous les citoyens sont jugés uniquement sur la base du mérite et qu’il y a peu de discrimination, qu’elle soit volontaire ou systémique. Malheureusement, de nombreuses recherches démontrent la présence d’une discrimination. Pour n’en nommer qu’une dernière, même en allant se chercher un diplôme canadien, les immigrants connaissent un taux d’emploi plus faible que les natifs ayant le même niveau de scolarité.245 Afin d’arrêter ce gaspillage de talents d’une partie de la population, encore plus de mesures doivent être mises en œuvre.
10. S’attaquer à certains mythes, dont celui que la plupart des immigrants vont exiger des accommodements. 11. Promouvoir les éléments que les immigrants aiment du Québec. Un certain nombre d’intervenants travaillant auprès des immigrants se disent très touchés par ce que les immigrants apprécient de leur société d’accueil. Ce message, que peu de Québécois entendent, gagnerait à être connu248. En 1987, le gouvernement québécois a également légiféré afin d’obliger les entreprises de plus de 100 employés voulant obtenir du gouvernement des contrats dépassant 100 000 $ à mettre sur pied une politique d’embauche des groupes sous-représentés, notamment les minorités visibles, groupe en partie constitué d’immigrants. Malheureusement, le suivi d’une telle loi, même après une décennie, semble défaillant.249
5. Faire davantage de sensibilisation auprès des employeurs afin qu’ils aient des points de repère quant à la valeur des diplômes des immigrants et qu’ils connaissent l’évaluation comparative des diplômes du Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles qui certifie l’authenticité des diplômes et le niveau de scolarité atteint. 6. Évaluer non seulement l’authenticité du diplôme étranger, mais également sa concordance par rapport à la formation québécoise. Le gouvernement pourrait effectuer cette évaluation seul ou en partenariat avec les établissements d’enseignement. Suite à cette évaluation, l’immigrant recevrait un papier officiel de cette évaluation qu’il pourrait ensuite présenter aux employeurs.
12. Effectuer un suivi approprié du programme d’obligations contractuelles qui, conjointement avec d’autres mesures, vise à assurer l’égalité entre tous les individus dans le secteur de l’emploi.
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247. Potvin, 2010 dans Béji, K et Pellerin, A. (2010) « Intégration socioprofessionnelle des immigrants récents au Québec : le rôle de l’information et des réseaux sociaux »Relations industrielles / Industrial Relations, vol. 65, n° 4, p. 562-583. 248. Information provenant de conseillers en emploi auprès des immigrants. 249. Chicha M.-T., & Charest, É. (2006). L’accès à l’égalité en emploi pour les minorités visibles et les immigrants l’importance d’un engagement collectif. Mémoire soumis à la Commission de la Culture à l’Assemblée Nationale. http://im.metropolis.net/research-policy/research_content/doc/Memoire_ consultation_racisme_Chicha_Charest.pdf (consulté le 18 février 2013) 13 p. 250. Tel que Mentorat Montréal (CRÉ) et ceux de plusieurs organismes communautaires. 251. Béji, K et Pellerin, A. (2010) « Intégration socioprofessionnelle des immigrants récents au Québec : le rôle de l’information et des réseaux sociaux »Relations industrielles / Industrial Relations, vol. 65, n° 4, p. 562-583.
252. Dans certains pays, les futurs nouveaux arrivants visionnent une vidéo leur décrivant le Québec et son marché de l’emploi. De plus, depuis quelques années, les futurs immigrants signent un document attestant qu’il est possible qu’ils ne trouvent pas d’emploi et que leurs qualifications ne soient pas reconnues. Par contre, est-ce que les immigrants prennent réellement conscience du document étant donné les nombreux documents qu’ils signent? Y a-t-il une discussion avec le fonctionnaire à cet égard?
Plusieurs immigrants peinent à s’intégrer en emploi, en outre, car ils n’ont pas de réseau de contacts, si précieux pour connaître les opportunités d’emploi. Pour y remédier, des programmes de jumelage et de mentorat250 ont été mis sur pied. Il est essentiel de poursuivre dans cette voie et que le financement de telles initiatives soit suffisant, qu’elles soient connues des citoyens et qu’il y ait un suivi adéquat afin d’en évaluer la qualité. Par exemple, le programme de mentorat de la Conférence régionale des élus de Montréal est une excellente initiative, mais elle est peu connue et par conséquent, il manque souvent de mentors pour les nombreux immigrants qui veulent être mentorés.
Du côté de la sélection des immigrants, l’information n’est pas toujours aussi transparente qu’elle devrait l’être. À l’étranger, le Québec et le Canada font de la publicité qui incite les jeunes diplômés à immigrer, car, prétend-on, il y a de nombreuses opportunités d’emploi. De plus, lorsque les immigrants appliquent pour obtenir la résidence permanente, ils récoltent de nombreux points pour leur formation et niveau de scolarité dans la grille de sélection. Ils ont ainsi l’impression qu’on les choisit pour leurs études alors qu’arrivés au pays, certains peinent à se faire reconnaitre leur diplôme qu’on avait pourtant tant prisé lors du processus de recrutement. À cela s’ajoute le fait qu’en moyenne, deux années se sont écoulées entre le début du processus de demande d’immigration et l’arrivée de l’immigrant en sol canadien, et donc que le marché de l’emploi a inévitablement connu des changements durant cette période. Le gouvernement a pris certaines mesures pour mieux informer les futurs immigrants, mais les efforts doivent se poursuivre.252
13. Assurer un financement et une promotion suffisants des initiatives de mentorat et de jumelage. Un autre problème majeur auquel les immigrants font face est la quantité incroyable d’information qu’ils reçoivent, surnommée par certains chercheurs « d’infobésité »251, ainsi que le fait que certaines de ces informations sont biaisées alors que d’autres sont absentes. Une explication de la multitude d’informations reçues est la sous-traitance de plusieurs services dans le milieu communautaire et l’explosion du nombre d’organismes s’occupant des immigrants dans la dernière décennie. Un autre élément qui accroit le nombre de sources d’information est que les nouveaux arrivants, dans leur démarche, se renseignent également auprès d’ordres professionnels, d’universités et/ou cégeps, d’employeurs ainsi qu’auprès de leur communauté. Difficile de se retrouver pour l’immigrant parmi ces différents acteurs, d’autant plus que les informations qu’ils offrent ne concordent pas toujours entre elles.
17. Prendre davantage en compte le délai de deux ans entre le début et la fin du processus (1) dans la grille de sélection (2) lors des discussions entre agents d’immigration et candidat (3) dans l’anticipation des employeurs des futures pénuries de maind’œuvre. 18. En collaboration avec les ordres professionnels et établissements d’enseignement, profiter de la période d’attente pour entamer les processus de reconnaissance des diplômes ou des compétences, ainsi que, si nécessaire, de l’acquisition du français, de façon à accélérer l’accès au marché du travail des immigrants à leur arrivée.
Afin d’améliorer cette situation, les mesures suivantes sont proposées.
Les différentes propositions énumérées ci-dessus peuvent paraître coûteuses. Cela dit, une importante partie des fonds pour les mettre en place existe déjà. Actuellement, le Ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles ne reçoit pas tous les fonds qui lui sont pourtant alloués. Chaque année, le gouvernement d’Ottawa effectue des transferts gouvernementaux au gouvernement du Québec pour l’intégration des immigrants, mais, malheureusement, une partie importante de ces sommes est transférée à d’autres ministères ayant peu à voir avec l’intégration des nouveaux arrivants.253 Ces sommes doivent être réallouées à l’intégration des immigrants.
14. Mettre en place une meilleure coordination de l’information entre les ordres professionnels, les universités et cégeps d’une part, et les organismes communautaires d’autre part. 15. Assurer une uniformité de l’information entre les différents organismes communautaires. Les tables de concertation pourraient se charger de cela. 16. Diminuer la décentralisation des services aux immigrants et arrêter la prolifération des acteurs impliqués.
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253. Table de concertation des services aux personnes réfugiées et immigrantes, 2012. Communiqué : L’arnaque du budget Bachand: le gouvernement détourne 25 millions du transfert fédéral dédié à l’intégration et la francisation des immigrants pour rembourser la dette. http://www.tcri.qc.ca/pdf/Communique_BudgetBachand-20mars2012.pdf (consulté le 11 mars 2012)
19. Consacrer les transferts fédéraux pour l’intégration des immigrants aux projets ayant cet objectif. 20. Assurer un financement adéquat des mesures d’intégration des immigrants qui soit également modulé selon le nombre d’immigrants reçus à chaque année. Tel que vu précédemment, l’intégration des immigrants est une responsabilité partagée par plusieurs acteurs : les immigrants eux-mêmes, les institutions gouvernementales, les ordres professionnels, les établissements d’enseignement, les organismes communautaires et les employeurs. Certaines avancées ont été faites, mais il est essentiel de faire encore mieux, car les immigrants constituent une richesse inestimable pour le Québec. Ils ont un apport économique et culturel très important; il faut donc s’assurer de leur offrir tous les outils pour qu’ils puissent participer pleinement à la société. Objectifs prioritaires pour l’intégration des immigrants : • Offrir des prêts endossés par le gouvernement, semblables au programme de prêts et bourses actuel, à ceux qui n’ont pas les moyens de défrayer les frais des ordres à court terme. • Offrir des mises à niveau dans les domaines où il y a pénurie de main-d’œuvre et prendre en compte les années d’expérience déjà acquises. • Mettre un plafond sur les délais pour reconnaître les qualifications bien en deçà du temps pour faire la formation à partir de zéro. • Accroître le nombre de programmes de stage afin de faciliter l’accès à une première expérience québécoise. • Effectuer un suivi approprié du programme d’obligations contractuelles qui, conjointement avec d’autres mesures, vise à assurer l’égalité entre tous les individus dans le secteur de l’emploi. • Consacrer tous les transferts fédéraux pour l’intégration des immigrants aux projets ayant cet objectif.
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Ressources naturelles GÉNÉRATION D’IDÉES pour réduire notre dette, pour améliorer nos infrastructures, pour financer notre système d’éducation, pour développer et diversifier l’économie de ces régions comme celle de la province de manière durable, etc., et non pour payer « la facture d’épicerie », c’est-àdire les dépenses courantes ne générant pas de bénéfices à long terme.
Le développement de notre société depuis quatre siècles a été en large partie tributaire de l’exploitation des ressources naturelles que sont la faune, la forêt, les minéraux, l’énergie et l’eau. Bien qu’en 2014 le poids de ce secteur dans le PIB québécois soit relativement mineur lorsque comparé à celui des services – nous sommes, après tout, une société développée – il continue d’occuper une place importante à la base de l’économie de plusieurs régions du Québec. Il n’est donc pas étonnant de voir les questions de ressources naturelles occuper une place importante dans les débats et dans l’actualité : chacun a sa propre idée de ce qu’on devrait faire avec ce trésor collectif.
Vision globale Le débat portant sur les ressources naturelles se fait trop souvent en silo, où l’on ne considère qu’une facette à la fois. Or, les impacts de l’exploitation de ces ressources sont multiples et parfois méconnus. Les orientations prises par le gouvernement doivent donc tenir compte, dans la mesure du possible, de l’ensemble des impacts sur la société québécoise de l’exploitation des ressources : impacts sociaux; redevances, taxes, impôts et subventions (explicites ou implicites); création d’emplois; contamination de l’environnement; effets structurants sur l’économie (en amont et en aval de l’activité d’extraction ou de production); déplétion des stocks; mal hollandais (déclin des autres secteurs d’activités entraîné par la hausse du dollar, elle-même causée par l’exploitation des ressources); etc.
Le présent texte porte sur le rôle de l’État québécois en matière de ressources naturelles. Dans la première partie de ce texte, nous exposerons notre vision de ce rôle à travers certains grands principes. Dans la seconde partie, nous discuterons de ces principes à travers des exemples concrets reliés au domaine des mines. Enfin, en troisième partie, nous examinerons brièvement les enjeux relatifs aux autres ressources.
Section 1 - Grands principes Les ressources naturelles se trouvant sur notre territoire sont une richesse appartenant au peuple québécois. Dans ce domaine, le gouvernement doit donc agir en tant que fiduciaire et tenter de maximiser les bénéfices, nets des coûts tels les impacts environnementaux, que nous retirons collectivement – et que nos enfants et leurs enfants retireront – de ces ressources, dans une perspective de développement durable.
Il est aussi important de garder à l’esprit la place du Québec dans le monde. Nous sommes un petit producteur, parfois loin des marchés (Chine), avec un vaste territoire et un climat rigoureux. Nous sommes en concurrence avec d’autres États (Brésil, Australie, Russie, etc.), que ce soit pour écouler nos produits, pour attirer des investissements ou autrement. Le poids dans l’économie du secteur primaire, donc de l’extraction des ressources naturelles (mines, forêts, pêche, eau) correspondait, en 2008, à 2,7 % du PIB en termes de production254. Par contre, certaines régions dépendent beaucoup de ce secteur, par exemple l’Abitibi-Témiscamingue où c’est le premier secteur d’activité en termes de PIB, à 21,6 %.
Développement durable L’exploitation des ressources naturelles ne devrait pas s’inscrire dans une logique de profit à court terme mais plutôt d’un développement durable, à long terme. Ce principe, qui relève aussi bien du « gros bon sens » que de l’équité intergénérationnelle, ne trouve pas seulement application dans le cas des ressources renouvelables, mais aussi dans celui des ressources non-renouvelables. En effet, si la ressource non-renouvelable, par définition, disparait des réserves nationales une fois extraite, les bénéfices qu’elle procure peuvent et doivent être répartis dans le temps : les redevances minières, par exemple, devraient être utilisées
Le débat requiert donc que l’on considère un grand nombre de facteurs afin de prendre la décision la plus éclairée possible et ce, pour chacune des ressources naturelles.
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254. Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), Le Québec économique 2012, Le point sur le revenu des Québécois, sous la direction de Marcelin Joanis, Luc Godbout et JeanYves Duclos, Presses de l’Université Laval, 2012
255. http://consultationenergie.gouv.qc.ca/pdf/Rapport-consultation-energie.pdf Voir notamment la recommandation 52
Intervention du gouvernement
sion sur les enjeux énergétique du Québec (Lanoue-Mousseau) a d’ailleurs fait une recommandation dans ce sens – au sujet des questions énergétiques - dans le rapport qu’elle a rendu public cette année.255
Selon la ressource en question, le gouvernement pourra intervenir de diverses façons : règlementation ou prohibition de l’exploitation d’une ressource; taxation; tarification; développement d’infrastructures nécessaires à l’exploitation; et exploitation (seul ou en partenariat). Il est important de garder à l’esprit qu’il n’y a pas un seul modèle applicable à tous les contextes d’exploitation de nos ressources : ainsi, par exemple, la nationalisation du réseau électrique en 1962 était une bonne décision stratégique, mais comme le contexte de 1962 n’est pas celui de 2012, et que les enjeux, le niveau de risque et les retombées sont très différents d’une ressource à l’autre, il importe de bien peser chaque scénario d’intervention pour choisir le plus stratégique et adapté au contexte.
Enfin, pour créer un contexte d’investissement et d’opération intéressant pour les entreprises, il importe qu’une fois les consultations dûment menées, en toute transparence, les orientations prises ne soient pas constamment remises en question. En effet, les entreprises prennent parfois de grands risques en investissant des sommes importantes dans ce secteur. On peut certes changer les règles du jeu (fiscalité, normes environnementales, etc.) en cours de route, mais il faut éviter de le faire trop souvent : d’abord, parce qu’une entreprise qui aurait investi des sommes importantes dans un projet qui ne s’avère plus réalisable ou rentable en raison d’un changement du cadre réglementaire pourrait poursuivre l’État québécois; mais aussi, de manière générale, afin de minimiser le « risque réglementaire ». Ce risque réglementaire n’est qu’un aspect du contexte québécois que les entreprises vont considérer avant de s’implanter chez nous : si ce risque est perçu comme étant trop élevé, les entreprises peuvent réévaluer leur décision de s’implanter ici.
De la même façon, alors qu’on pourrait bénéficier des meilleures pratiques à l’échelle de la planète, il faut bien les évaluer afin qu’elles soient appropriées au contexte québécois. Par exemple, la réalité du secteur du fer en Australie est très différente de celle du même secteur au Québec.
Gouvernance et transparence
La propriété collective des ressources naturelles implique que les citoyens soient consultés sur les orientations qu’entend prendre le gouvernement, et ce, suffisamment tôt dans le processus pour ne pas que ceux-ci se retrouvent devant un fait accompli. Il est primordial que toutes les parties prenantes (les municipalités entre autres) soient informées des enjeux et qu’elles participent aux débats de façon à parvenir à des orientations bonifiées et recueillant le consensus le plus large possible.
Ainsi, pour les entreprises comme pour les citoyens, mieux vaut consacrer le temps pour prendre une décision éclairée suite à des consultations menées en toute transparence plutôt que de constamment avancer, reculer et hésiter, créant ainsi un contexte d’incertitude néfaste tant pour la société que pour l’économie.
Section 2 – Application au secteur minier
De plus, afin que ces consultations soient les plus éclairées possibles, il est essentiel de maintenir un haut niveau de transparence et de reddition de comptes de la part de ces mêmes intervenants tout comme des entreprises qui déposent de tels projets. La situation actuelle où l’intégrité de différentes administrations est remise en question et l’information est difficilement accessible ne favorise pas un débat éclairé et une connaissance adéquate des enjeux par les citoyens. En ce sens, l’accès de tous à des données fiables, indépendantes et complètes est primordial. La Commis-
Le régime minier s’est retrouvé sous les projecteurs au cours des dernières années. Les débats se sont principalement articulés autour de trois thèmes, qui, incidemment, sont les trois composantes du développement durable : économique (ex. redevances); social (ex. « free mining »); et protection de l’environnement. Nous examinerons ces questions en abordant également certaines questions liées à la transparence.
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256. http://www.finances.gouv.qc.ca/documents/autres/fr/AUTFR_NouveauRegimeImpotMinier.pdf
257. Voir notamment le texte de Terry Heaps et John F. Helliwell, The Taxation of Natural Resources, dans Handbook of Public Economics, vol. I, 1985, pp. 449 et suivantes 258. Ceci amène une autre question : est-il préférable d’extraire la ressource maintenant, ou plutôt, à quel rythme devrait-on extraire nos ressources? Cette question a fait couler beaucoup d’encre depuis que Harold Hotelling a publié un article à ce sujet, il y a près d’un siècle. Pour une étude relativement récente sur cette question, voir le texte suivant de Gérard Gaudet de l’Université de Montréal :http:// www.middleeastoil.net/Natural%20Resource%20Economics%20under%20the%20Rule%20of%20 Hotelling1.pdf
uniquement comme plancher – est qu’une telle redevance peut rendre déficitaire un projet pourtant rentable, alors que si l’on ne taxe que les profits, on devrait éviter une telle situation.257
Calcul des redevances
Les redevances ou « droits miniers » visent à faire profiter l’État de la rente économique associée à l’exploitation de ses ressources. Dans le cas des mines, les redevances sont particulièrement importantes puisque le minerai, une fois extrait du sol, sort du patrimoine collectif. La redevance versée permet donc de compenser la diminution du patrimoine national qui découle de la déplétion de nos stocks de ressources naturelles.
Ainsi, par exemple, si un projet aurifère devient suffisamment rentable pour aller de l’avant à 800 $/oz, et que le prix du marché pour la ressource est de 820 $/oz, mais qu’il existe une redevance de 3 % sur la valeur du minerai extrait, le prix réellement obtenu par la minière sera de 796 $/oz (820 $/oz x 97 %). Dans un tel cas, la minière n’exploitera pas la ressource, malgré le fait que le marché la valorise suffisamment pour offrir un prix supérieur au seuil de rentabilité du projet. Alors que certains y voient une perte d’opportunité de création d’emplois et d’activité économique, d’autres soutiennent que l’État conserve tout de même ses ressources dans son sous-sol pour plus tard, ce qui pourrait, dans certains cas, s’avérer plus avantageux.258
En avril 2009, le commissaire au développement durable du vérificateur général du Québec (« VGQ ») publie son rapport dans lequel il affirme qu’entre 2002 et 2008, les redevances versées au gouvernement ne représentaient que 1,5 % de la valeur des minéraux extraits. Cette conclusion a choqué tant les partis d’opposition que les citoyens. Comment se faisait-il que l’exploitation de nos richesses (non-renouvelables) ne nous rapportait au final que des peccadilles ?
Par ailleurs, le développement d’une mine exige, dans les premières années, l’investissement de sommes importantes avant d’extraire et de vendre la ressource. Un des éléments de réflexion dans la modification du régime d’impôt minier est l’équilibre entre la perception d’un juste retour sur la ressource exploitée et le soutien dans le projet de développement de ladite mine.
Une modification du régime de redevances était demandée. Généralement, bien que dans certaines juridictions les redevances minières soient établies en fonction de la valeur du minerai extrait, on la retrouve plus souvent exprimée en fonction des profits tirés de ce minerai. C’est notamment le cas du Québec, dont le taux nominal des redevances à verser en fonction des profits est passé de 12 % en 2009 (à l’époque du rapport du VGQ) à 16 % en 2012. En 2013, le gouvernement de Pauline Marois a proposé un nouveau régime hybride pour l’ « impôt minier » (le nouveau nom des droits miniers). Cet impôt demeurait fonction des profits dans la mesure où les redevances dépasseraient un « plancher » calculé sur la valeur de production à la tête de puits (1 % sur les premiers 80 M $ de minerais extraits; 4 % par la suite).256 De plus, le taux applicable aux profits était appelé à croître avec la marge bénéficiaire, en fonction de paliers (16 % pour les premiers 35 % de marge bénéficiaire; 22 % de 35 à 50 %; et 28 % de 50 % à 100 %).
Certains répondraient toutefois que la formule basée sur les profits peut s’avérer moins heureuse que celle qui se fonde sur la valeur des minéraux en raison de la définition même des « profits ». Dans sa plus simple expression, le terme « profit » renvoie à la différence entre les revenus (tirés de la vente des minéraux extraits) et les coûts (main d’œuvre, immobilisations, équipements). Or, lorsque vient le temps de calculer les profits, la définition de Revenu Québec de ce que sont les « coûts » peut différer de celle des compagnies minières (et de leurs avocats-fiscalistes). À l’inverse, lorsque les redevances s’appliquent uniquement aux revenus ou à la valeur brute des minéraux, on évite ce genre de débat.
Or, cette proposition a été très critiquée, entre autres par l’industrie minière, et le projet de loi (55) du gouvernement visant à apporter les modifications appropriées à la Loi sur l’impôt minier est mort au feuilleton. Le principal argument qu’on oppose généralement à la redevance sur la valeur de production – utilisée ici
Malgré tout, il nous semble plus judicieux de miser sur une approche visant à établir les droits miniers en fonction des profits plutôt que de la valeur du minerai extrait, notamment pour éviter que les fluctuations du marché amènent des exploitations à fermer abruptement ou commandent des réajustements constants
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Taux des redevances
des redevances pour permettre à l’exploitation de se poursuivre. Il découle toutefois de ce choix qu’il est très important de bien définir ce qu’est le «profit» et comment il est déterminé; peut-être une refonte de certaines lois fiscales serait-elle appropriée en ce sens pour s’assurer de limiter l’évitement fiscal.
Lorsqu’il est question d’établir le taux optimal des redevances, plusieurs éléments sont à considérer, ce tant du côté des compagnies que de l’État. Du côté des compagnies, il importe de tenir compte que dans le grand marché des investissements miniers, le sous-sol québécois est en concurrence avec celui des autres provinces et pays. Or, tel que mentionné, les redevances ne sont qu’un des éléments d’une équation plus large des bénéfices respectifs que tirent une compagnie minière et l’État hôte à l’égard d’un projet minier donné. En effet, avant d’investir dans un projet donné, la compagnie examinera une foule d’autres critères qui auront un impact sur son bénéfice escompté : la localisation et l’accessibilité de la ressource, la disponibilité et la qualité de la main-d’œuvre, la réglementation (CSST, environnementale, etc.), la stabilité politique, la stabilité réglementaire, les garanties contre l’expropriation sans juste compensation, etc. Pour évaluer la compétitivité du Québec à attirer les compagnies, le taux des redevances doit donc tenir compte aussi de ces éléments.
Impôt mine par mine Tel que mentionné précédemment, le gouvernement de Jean Charest a augmenté de 4 points de pourcentage le taux des droits miniers; en même temps, il a aussi déterminé que ceux-ci seraient déterminés « mine par mine » plutôt que pour l’ensemble des mines d’une compagnie. Ce deuxième changement est majeur et intéressant pour le gouvernement et les citoyens puisqu’il empêche qu’on se serve d’une mine déficitaire pour mettre à l’abri les profits d’une mine rentable. Il est donc crucial de conserver cette modalité d’imposition pour maximiser les redevances reçues de l’exploitation de ces ressources. Imposition progressive des profits Tel que mentionné, la réforme proposée par le gouvernement Marois conservait les redevances sur les profits (le nouvel « impôt minier ») qu’elle rendait toutefois progressives. L’imposition progressive des profits est certes un concept intéressant dans la mesure où elle permet d’aller chercher davantage de redevances sans affecter la décision d’aller de l’avant avec un projet ou d’en prolonger la durée de vie. On peut toutefois se demander pourquoi le gouvernement a décidé d’utiliser le concept de marge bénéficiaire plutôt que celui de retour sur investissement, le second étant généralement utilisé dans le domaine de l’analyse financière pour examiner la rentabilité des entreprises.
Du côté de l’État, on pense notamment à la création d’emplois directs et indirects (et aux salaires versés), à l’impôt corporatif (24 % des profits, combiné fédéral/provincial), à l’occupation du territoire, à l’installation d’infrastructures qui pourront être utilisées par tous (si celles-ci sont défrayées par les compagnies plutôt que par l’État) et aux « effets structurants » sur l’économie – bien que la grosse machinerie vienne généralement d’ailleurs, certains équipements et pièces pourront venir de fournisseurs locaux, qui, de ce fait, pourront à long terme développer une expertise - ; sans oublier, le cas échéant, le passif environnemental que l’exploitation minière peut laisser sur le territoire.
On peut aussi se questionner sur les paramètres choisis : combien de compagnies vont atteindre une marge bénéficiaire de 50 %? de 75 %? Même avec une marge bénéficiaire de 50 % (ce qui semble élevé), le taux effectif des redevances, à 17,8 %, ne sera pas beaucoup plus élevé qu’il ne l’est actuellement (16 %). Bref, si la modification semble opportune en principe, elle ne risque pas d’entraîner des avancées majeures en pratique.
Dans cette optique, la détermination du taux des droits miniers ne peut se faire en vase clos, mais doit plutôt prendre en considération tous ces critères, ce qui rend d’autant plus difficile l’exercice de déterminer si l’actuel taux de 16 % est optimal. En fait, pour nous, simples citoyens, cette tâche est quasi-impossible, non seulement parce que nous ne sommes pas spécialisés en cette matière, mais aussi, et plus fondamentalement encore parce que, à
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259. http://www.vgq.gouv.qc.ca/fr/fr_publications/fr_rapport-annuel/fr_2012-2013-CDD/fr_Rapport20122013-CDD-Chap01.pdf 260. h t t p : / / w w w 2 . p u b l i c a t i o n s d u q u e b e c . g o u v. q c . c a / d y n a m i c S e a r c h / t e l e c h a r g e . php?type=5&file=2013C32F.PDF
l’instar du gouvernement, nous n’avons que très peu de données sur les bénéfices que retire réellement le Québec des différents projets miniers. L’exercice de modification du régime de redevances minières auquel s’est livré le Québec ces dernières années a suscité de la nervosité de la part des investisseurs miniers. À notre avis, il aurait été plus sage de procéder à un examen complet du secteur minier avant d’avancer des propositions concrètes et éviter de procéder à des modifications à répétition. Espérons que les prochains développements dans ce domaine permettront de statuer une fois pour toutes sur cette question.
mais aussi, conséquence directe, la population elle-même n’avait pas accès à l’information nécessaire pour lui permettre de fonder sa propre opinion sur la situation. La situation a-t-elle évolué depuis la publication de ce rapport en avril 2009? Jusqu’à l’an passé, non, ou du moins, pas assez, si l’on se fie au rapport publié en 2013 par le commissaire au développement durable259 : «12 Les progrès réalisés à cet égard sont insatisfaisants. Le ministère n’a pas fait d’analyse pour évaluer si les bénéfices retirés des activités minières compensent les coûts qui y sont associés. Or, sans un tel exercice, il demeure impossible d’estimer les retombées nettes des activités minières pour la société québécoise. »
En ce sens, il est proposé de : 1. Procéder à un examen complet du secteur minier afin de déterminer adéquatement, de manière plus pérenne, le type et le ou les taux exacts de redevances à exiger pour l’exploitation des ressources minières québécoises.
La situation a toutefois évolué dans la dernière année. Ainsi, avec l’adoption du projet de loi 70 en décembre 2013260, le gouvernement obtient davantage d’information sur les projets miniers. La plupart des informations reçues deviennent aussi publiques – ce qui implique qu’un citoyen peut les obtenir en présentant une demande d’accès à l’information. De plus, certaines informations spécifiques devront être rendues publiques, et ce, pour chaque bail minier (plutôt que de manière agrégée) :
Accès à l’information Avant que le gouvernement de Jean Charest ne revoie sa stratégie minière, il semblerait qu’il était, lui aussi, incapable de déterminer si le Québec en avait pour son argent avec le secteur minier. En fait, au-delà même du taux de 1,5 % dont nous avons déjà traité, c’est sûrement la conclusion la plus forte qui sorte du rapport du VGQ :
• la quantité et la valeur du minerai extrait au cours de l’année précédente;
«2.42. Nous nous serions attendus à ce que le MRNF, en tant que gestionnaire des ressources minérales, connaisse et analyse de manière plus exhaustive les coûts et les bénéfices associés aux interventions gouvernementales et qu’il les considère lors de la planification de ce secteur. Le caractère incomplet de ses analyses est surprenant, particulièrement au moment de produire une première stratégie minérale. Le ministère se prive d’une information essentielle afin d’évaluer si les bénéfices réels retirés actuellement des activités minières justifient ses interventions et compensent les coûts liés aux répercussions de ces activités à court et à long terme. »
• les redevances versées au cours de l’année précédente; • l’ensemble des contributions versées par le titulaire (par année); • le plan de réaménagement et de restauration approuvé par le ministre; • le montant total de la garantie financière exigée (pour la restauration du site). L’adoption de ces dispositions représente donc un pas dans la bonne direction en matière de transparence. Cela dit, il faudra voir de quelle manière ce sera appliqué : le ministre optera-t-il pour une divulgation proactive selon les règles de l’art en matière de données ouvertes et de manière à en faciliter la compréhension
Il ressort de cet extrait du rapport du VGQ que non seulement le gouvernement libéral d’alors n’était pas capable de s’assurer d’un bénéfice net de l’exploitation des ressources pour sa population,
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261. Ce principe est codifié à l’article 23 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels : « 23. Un organisme public ne peut communiquer le secret industriel d’un tiers ou un renseignement industriel, financier, commercial, scientifique, technique ou syndical de nature confidentielle fourni par un tiers et habituellement traité par un tiers de façon confidentielle, sans son consentement.
de même lorsque le gouvernement investirait des sommes dans les projets ou dans l’infrastructure requise par les projets. Évidemment, il faudra tenir compte des avantages et inconvénients pour le gouvernement dans le calcul d’une éventuelle participation au capital d’une compagnie.
par les citoyens, ou au contraire se limitera-t-il au strict minimum, forçant ainsi les citoyens intéressés à dépenser temps et énergie en demandes d’accès à l’information? Espérons qu’il choisisse la première avenue. Ainsi, il est proposé de :
Quant à une nationalisation complète, ceci nous semble inapproprié considérant le niveau élevé de risque auquel fait face l’industrie minière. La gestion d’une entreprise dans ce domaine exige des compétences pointues et, considérant que cette industrie évolue dans un marché cyclique, les investissements nécessaires ou requis en période de cycle baissier pourraient créer une certaine anxiété chez nos dirigeants comme chez les contribuables.
2. Consolider toute l’information publique et la présenter de manière à favoriser un débat intelligent sur des bases factuelles communes. Prise de participation publique dans les projets miniers On entend souvent qu’il faudrait que l’État prenne une participation dans les projets miniers, voire même qu’il nationalise l’ensemble du secteur. Il faut distinguer à ce niveau entre une prise de participation dans un nouveau projet de celle dans un projet existant.
Free mining En 2014, les minières détiennent toujours le pouvoir d’exproprier (moyennant compensation) les propriétaires de terrains sous lesquels se trouvent les gisements sur lesquels ils ont les droits. S’il est vrai que ce pouvoir n’est pas souvent utilisé – il y a quelques années, une compagnie ayant installé une mine en plein village a réussi à s’entendre de gré-à-gré avec les propriétaires de la plupart des terrains dont ils avaient besoin - le spectre de l’expropriation (et des coûts d’un recours judiciaire éventuel) n’est jamais loin, ce qui peut inciter les propriétaires de terrain à accepter l’offre qui leur est faite.
Le Canada est un État de droit, et en ce sens, toute participation du public dans un projet privé existant devra être (i) négociée de gré-à-gré ou (ii) faite en vertu des principes de l’expropriation, ce qui signifie, notamment, une compensation équivalente à la valeur du bien exproprié. Ceci implique que le Québec (par la SGF, la CPDQ ou autrement) paierait cher pour l’acquisition d’actions des compagnies exploitant les mines existantes, soit le prix d’un marché qui connaît présentement des années de vache grasse; d’ailleurs, tant que le marché s’attendra à des hauts profits futurs pour le secteur des ressources, le prix des actions des compagnies œuvrant dans ce secteur demeurera élevé.
Par ailleurs, ce ne sont pas tous les terrains se trouvant près d’une mine qui sont expropriés. Ainsi, on peut se réveiller un jour avec une mine dans le voisinage et les inconvénients qui en découlent (bruit, poussière, etc., ainsi que le risque de la contamination de leur environnement) sans compensation.
On ne peut pas, non plus, procéder indirectement à une expropriation sans compensation, en résiliant les permis octroyés aux minières : la province de Terre-Neuve et Labrador l’a essayé en 1980 afin de récupérer l’électricité vendue jusqu’en 2041 à HydroQuébec à un prix dérisoire, mais s’est fait débouter par la Cour suprême du Canada.261
Ici aussi, l’adoption du projet de loi 70 a permis quelques avancées, sans toutefois remettre en question le principe du free mining. Ainsi, les MRC pourraient dorénavant avoir le droit d’interdire les activités minières sur certaines parties de leur territoire afin d’éviter des conflits avec d’autres activités (résidentielles, commerciales, etc.). L’usage du conditionnel ici dénote le fait que l’article de loi en question (304.1.1 de la Loi sur les mines) n’entre en vigueur qu’à la date choisie par le gouvernement, ce qui ne semble pas encore avoir été fait. La Loi prévoit toutefois dans l’intérim que
Cela dit, on pourrait penser, pour l’avenir, à assujettir l’obtention de nouveaux droits miniers à un droit, pour le Québec, de devenir partenaire dans l’exploitation des ressources exploitées. Il en irait
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262. http://affaires.lapresse.ca/economie/energie-et-ressources/201208/10/01-4564151-orbite-pourraitdevoir-se-soumettre-a-une-etude.php
toute nouvelle activité minière est interdite dans les périmètres urbanisés (les activités découlant de droits miniers obtenus avant décembre 2013 peuvent continuer).
priétaires qui se font approcher par les minières et sur qui plane la menace d’une expropriation afin qu’ils soient en mesure de mieux négocier la vente de leur immeuble.
Par ailleurs, le titulaire d’un claim devra dorénavant informer les personnes concernées – notamment le propriétaire des lieux visés par le claim, tout locataire et la municipalité – de l’inscription de ce claim dans les 60 jours. Il doit aussi aviser le propriétaire et la municipalité (mais pas le locataire) au moins 30 jours avant d’effectuer des travaux. Ici aussi, cette nouvelle disposition n’a pas encore pris effet; le gouvernement doit, au préalable, amender un règlement.
Enfin, la loi prévoit aussi maintenant qu’un comité de suivi soit formé dans les 30 jours de la délivrance d’un bail pour favoriser l’implication de la communauté locale sur l’ensemble du projet. Ces changements permettront donc de rétablir, dans une certaine mesure, l’équilibre des intérêts en l’instance, à partir du moment où ils entreront en vigueur. Il est donc primordial pour le gouvernement d’être diligent dans ce dossier pour que ces changements puissent prendre effet le plus rapidement possible.
Par ailleurs, le seuil à partir duquel un projet de minerai métallique ou d’amiante est soumis au processus d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement – lequel comprend généralement une audience devant le BAPE – est abaissé de 7 000 à 2 000 tonnes métriques par jour, et tous les projets de traitement de terres rares sont maintenant visés : donc davantage de projets seront dorénavant visés. Bien que le BAPE n’ait qu’un pouvoir de recommandation à l’égard des projets qu’il examine, ce processus permet tout de même d’assurer une plus grande transparence dans la décision que prendra ultimement le gouvernement à l’égard du projet. Aussi, pour les projets de moins de 2 000 tonnes, des consultations publiques de moindre envergure devront avoir lieu.
En ce sens, il est proposé de : 3. Mettre en œuvre le plus rapidement possible les changements instaurés par la Loi modifiant la Loi sur les mines 4. Effectuer un suivi de l’impact des modifications apportées et réévaluer, notamment par une consultation des parties prenantes, si des modifications supplémentaires seraient à prévoir
Garanties financières - décontamination
Au Québec, on dénombre plusieurs sites orphelins provenant d’activités minières et dont les coûts de décontamination s’élèvent à plusieurs milliards de dollars. En effet, la Loi sur la qualité de l’environnement n’ayant été promulguée qu’en 1972, plusieurs sites ont été contaminés sans que les compagnies responsables n’aient l’obligation de les restaurer; même depuis, plusieurs d’entre elles sont disparues avant de procéder à la restauration de sites. Si on exige le dépôt de garanties financières afin de pallier ce problème, même en 2012, un nouveau site orphelin s’est ajouté à la liste.
On peut toutefois se demander si le seuil choisi (2 000 tonnes) sera suffisamment bas; en fait, d’une manière générale (et qui sort du domaine des ressources naturelles), on peut se demander si le fait de prévoir des seuils est vraiment une bonne façon de procéder pour déterminer quels projets seront potentiellement soumis au BAPE, surtout lorsque l’on voit des projets d’envergure y échapper de près.262 Enfin, ici aussi, la nouvelle disposition n’est pas encore en vigueur.
En 2013, la proportion des coûts prévus pour la restauration des sites devant être versée sous forme de garantie financière est passée de 70 % à 100 % et a depuis été enchâssée dans la loi (elle se trouvait auparavant dans un règlement). Il semblerait aussi que ces sommes doivent dorénavant être versées avant le début des travaux. Ces avancées sont rassurantes; il est à espérer que leur application sera effective rapidement.
Autre avancée du nouveau régime : la minière qui voudra acquérir un immeuble résidentiel ou agricole devra assumer les honoraires de services professionnels nécessaires à la négociation d’une entente avec son propriétaire jusqu’à concurrence de 10 % de la valeur de l’immeuble. Ceci permettra de mieux outiller les pro-
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5. Encourager l’exploitation durable de la ressource, par la replantation et la coupe planifiée durablement, tant pour préserver la ressource elle-même que pour des raisons écologiques (absorption de gaz à effet de serre) et économiques (certification durable recherchée par les consommateurs).
Transformation Il est relativement aisé d’exporter des ressources à l’état brut pour les transformer ailleurs, plus près des marchés. Or, la transformation est généralement une activité à haute valeur ajoutée, qui amène développement et prospérité économique.
6. Encourager l’innovation et la recherche et développement afin de diversifier les débouchés liés à la ressource : valorisation ou utilisation des résidus du bois pour produire de l’énergie, mise en valeur des produits forestiers à des fins alimentaires ou de santé, utilisation accrue du bois dans le secteur de la construction, etc.
Si la présence de minéraux est insuffisante pour inciter les entreprises à les transformer ici, on peut compter sur un atout de taille : de l’énergie à faible prix, surtout notre hydroélectricité. On pourrait certes aller plus loin et lier l’exploitation des minéraux québécois à leur transformation locale, associées à des conditions d’affaires plus avantageuses. Cependant, avant de fixer une telle réflexion, il faut s’assurer de leur rentabilité, surtout à long terme – on veut créer de nouvelles filières durables et non répéter l’expérience du secteur pharmaceutique.
Eau L’eau est une ressource essentielle à la vie, et en ce sens, la priorité pour son utilisation doit demeurer le bien-être et la santé de la population québécoise. La préservation des lacs, rivières et nappes phréatiques dans l’état le plus naturel possible doit être une priorité, tant pour des raisons de santé publique que pour la faune, la flore et les usages récréotouristiques, notamment la chasse et la pêche.
Un premier pas a d’ailleurs été franchi en ce sens par l’adoption du projet de loi 70, en décembre 2013, lequel requiert dorénavant qu’un promoteur minier dépose une étude d’opportunité économique et de marché pour la transformation au Québec.
Ainsi, si certains usages industriels et exploitation à des fins d’exportation peuvent être autorisés, les règles environnementales doivent être extrêmement strictes, et les impacts économiques et sociaux dûment évalués. Toute exploitation à plus grande échelle devrait aussi faire l’objet d’une réflexion plus en profondeur, impliquant l’ensemble des acteurs socioéconomiques concernés.
Section 3 – Autres ressources En ce qui a trait aux autres ressources naturelles, les mêmes principes de transparence des données, de respect de l’environnement et des communautés locales, de consultations publiques et de recherche des meilleures retombées économiques à long terme s’appliquent. Certaines particularités sont cependant à considérer pour chacune.
Le Québec dispose d’une loi afin de gérer ses ressources en eau, la Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection (REF LOI), qui en affirme le caractère collectif. Au projet d’exploitation s’oppose l’enjeu de la conservation des réserves. Disons simplement que pour le moment, les redevances en matière d’exploitation commerciale ou industrielle est de 70 $ par million de litres prélevés ou, plus simplement, 0,07 $ la tonne. De plus, il faut noter que nos infrastructures de même que nos habitudes de vie font de nous de grands consommateurs d’eau : environ 425 litres par jour comparé à 329 au Canada ou 150 en France.
Forêt Le secteur forestier au Québec, ainsi que les industries de pâtes et papiers qui y sont liées, ont subi au cours de la dernière décennie des difficultés économiques très importantes, notamment à cause du passage au numérique et de la crise du bois d’œuvre. Or, la forêt québécoise recèle encore un très beau potentiel. En ce sens, il est proposé de :
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263. Recommandations 41 et suivantes
7. N’entreprendre toute exploration ou exploitation des combustibles fossiles qu’après une évaluation rigoureuse de ses impacts environnementaux et socioéconomiques et une consultation publique sur le sujet.
De façon générale, les intervenants s’entendent en disant qu’il faut économiser notre consommation d’eau. Nous lançons, à propos de l’eau, des pistes de réflexion : • Tarifer la consommation d’eau est-elle un bon moyen d’économiser la ressource ?
Électricité Considérant les surplus actuels d’électricité, le développement de nouveaux barrages ou parcs éoliens n’est pas une priorité; la récente Commission sur les enjeux énergétiques du Québec recommandait d’ailleurs que le gouvernement et Hydro-Québec agissent immédiatement pour cesser tout ajout de capacité de production d’électricité.263 Il pourrait être évalué sous certaines considérations (changement du contexte d’exportation, développement de l’autonomie de communautés éloignées, etc.), mais ne doit pas faire l’objet de grands développements à court terme. Cependant, dans un contexte de lutte aux changements climatiques et de diminution des coûts énergétiques des entreprises et résidences, le cap sur une plus grande efficacité énergétique des bâtiments et des procédés industriels doit être maintenu.
• Devrait-on modifier la politique de redevances sur l’exploitation industrielle ou commerciale de l’eau ? • La gestion des réserves hydrologiques peut-elle représenter un secteur d’expertise, d’innovation en vue d’économiser et de mieux exploiter cette ressource qui devient de plus en plus précieuse à chaque année qui passe ?
En ce sens, la tenue d’une réflexion collective sur le sujet pourrait être appropriée.
Combustibles fossiles Les exploitations du gaz de schiste et du pétrole font actuellement l’objet d’évaluations environnementales, qui doivent être poursuivies; les études devraient aussi être transmises au public de façon totalement transparente dès que disponibles. Avant d’entreprendre toute exploration ou exploitation de ces ressources, il importe d’ajouter à ces études environnementales des études socioéconomiques afin de voir à quelles conditions et dans quelle mesure une exploitation pourrait être profitable au Québec, et entreprendre des consultations sur le sujet. En effet, une décision d’aller vers ces exploitations pourrait avoir des impacts majeurs sur la structure économique du Québec, et en ce sens, ne peut être prise à la légère.
RÉFÉRENCES - Eau Loi affirmant le caractère collectif des ressources en eau et visant à renforcer leur protection, L.R.Q. c. C-6.2 http://www.canlii.org/fr/qc/legis/lois/lrq-c-c-6.2/derniere/lrq-c-c6.2.html Règlement sur la déclaration des prélèvements d’eau, http:// www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/dynamicSearch/telecharge.php?type=2&file=%2F%2FQ_2%2FQ2R3_2_1.htm Projet de règlement sur la redevance exigible pour l’utilisation de l’eau
S’il importe néanmoins de poursuivre l’évaluation de ces filières, toute exploitation potentielle devrait être faite en tenant compte des objectifs de lutte aux changements climatiques dans les critères d’évaluation.
http://www.mddep.gouv.qc.ca/eau/redevance/reglement.htm http://www.jccm.org/data/M%C3%A9moires%20et%20divers/ jccm_memoire_eau.pdf
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CONCLUSION C’est inspirés par un espoir inébranlable de pouvoir apporter leur contribution à l’amélioration du Québec que des dizaines de jeunes et moins jeunes ont travaillé bénévolement ces dernières années à réfléchir et à élaborer ces propositions. Ils ont fait des recherches, consulté des spécialistes et débattu avec ardeur pour tenter, au mieux de leurs connaissances, d’établir les propositions qui leur semblaient les plus réalistes et porteuses de changements bénéfiques pour notre société. De cette réflexion collective, il ressort quelques grandes tendances : • Une forte volonté de voir l’État agir de façon stratégique dans ses prises de décision, notamment par la recherche d’information exhaustive et indépendante sur les impacts de toute décision sur les plans économique, social, environnemental et culturel; • Un désir de voir les citoyens et la société civile être davantage parties prenantes de la vie politique et des décisions prises par l’État; • Un fort engagement vers un développement durable de leur société, non par des actions ponctuelles, mais par un rééquilibrage réel des moyens mis en œuvre pour parvenir à prendre des décisions positives sur le long terme, sur tous les plans; • Une foi importante en la capacité de l’éducation, de l’innovation et de la prévention des problématiques sociales pour bâtir un Québec plus fort, prospère et juste. Les auteurs de ces lignes sont conscients que cette réflexion n’est qu’un début. Certains thèmes restent à explorer et à approfondir, d’autres pourront être l’objet de changements sur les plans nationaux voire internationaux dans les prochaines années, qui seront à surveiller. Ils espèrent que ce travail pourra être une base sur laquelle continuer à construire des idées aptes à être débattues dans la sphère publique et, espérons-le, à inspirer les décideurs. Et surtout, il est à souhaiter que toutes ces idées puissent aussi inspirer l’implication de davantage de jeunes dans les sphères publiques, sociales, économiques et politiques. Car le Québec a, plus que tout, grand besoin de toutes ses forces vives pour relever avec brio les défis qui l’attendent.
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remerciements GÉNÉRATION D’IDÉES Coordination
Réflexion
Geneviève Dorval-Douville
Ces 200 propositions sont le fruit du travail de plusieurs dizaines de bénévoles ayant débattu, réfléchi, recherché, consulté et bonifié ce contenu, ce pendant plus de deux ans.
Recherche et rédaction
En plus des recherchistes et rédacteurs mentionnés plus haut, dont certains ont été de presque toutes les rencontres et de tous les sujets, plusieurs dizaines de bénévoles impliqués dans Génération d’idées, de spécialistes de certains sujets et de mentors ont participé à des rencontres, commenté des textes ou des idées.
Éricka Alnéus Sébastien Boyer Héléna Bureau Olivier Charest Kimberlee Desormeaux Geneviève Dorval-Douville
De plus, difficile de passer sous silence la précieuse contribution de centaines de jeunes et de mentors ayant participé aux deux Sommets ainsi qu’aux nombreuses activités et plateformes de Génération d’idées. Ils ont en effet été la source d’inspiration première de la réflexion sur laquelle est basé ce document.
Véronique Fontaine Jean-François Gingras Sébastien Jodoin Jean-Philippe Massicotte Alexandre St-Pierre Paul St-Pierre Plamondon
Révision Jean-Sébastien Bourret Julie Daubois Geneviève Dorval-Douville Jean-François Gingras Alexandre St-Pierre
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