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Que la force soit avec l'os
Discussion scientifique « Que la force soit avec l'os »
Entretien avec le professeur Jung-Chul Park et Niklaus Stiefel conduit par le Dr Giulia Cerino et Verena Vermeulen
La régénération osseuse est-elle plus efficace avec un comblement « aéré » du défaut ou le tassement du substitut osseux est-il bénéfique ? Le professeur Jung-Chul Park, Corée du Sud, fait partie des premiers chercheurs à poser la question dans une étude clinique. Ici, il discute avec Niklaus Stiefel du département recherche de Geistlich, des preuves existantes et des conjectures dans le domaine des forces de compression.
Prof. Park, vous avez mené la première étude clinique sur l'impact de différentes forces de compression sur la préservation de la crête. Pourquoi ? Pr Park : Lors d'une procédure de préservation de la crête, les particules d'os sont parfois expulsées de l'alvéole dans le temps. C'est pourquoi nous avons décidé de tasser le comblement osseux dans l'alvéole. Il n'y avait eu aucune étude sur les forces de compression les plus efficaces pour la préservation de la crête ou la régénération osseuse guidée. Nous avons alors décidé de comparer les effets d'une pression extrême et d'une pression faible3 .
Comment l'étude a-t-elle été réalisée ? Pr Park : Nous avons inclus 20 patients nécessitant l'extraction d'une seule molaire maxillaire ou mandibulaire. Après l'extraction, les alvéoles ont été comblées avec 250 mg de Geistlich Bio-Oss® Collagen, appliqués avec une faible pression, 5 newtons, ou une pression extrême, 30 newtons. Nous avons ensuite recouvert les alvéoles avec une double couche de Geistlich Bio-Gide® et réalisé des sutures croisées internes sur le dessus.
Qu'avez-vous observé ? Pr Park : L'intérêt portait sur les variations de volume osseux et de tissu mou, la survie de l'implant et la formation d'os nouveau. Cette dernière a été évaluée au moyen d'analyses histologiques à partir de biopsies. Le gain de volume et la survie des implants étaient similaires dans les deux groupes, mais la quantité d'os nouveau était supérieure dans les alvéoles comblées avec des forces de compression élevées.
FIG. 1 : Quelle pression Geistlich Bio-Oss® peutil supporter avant l'écrasement des particules ? Pr. Jung-Chul Park (milieu) et Niklaus Stiefel (droite) discutent des propriétés du produit.
4,1 g 8,2 g
1 2 10 g
2 50 g
3 200 g
4
1 Contrôle 500 g
1 3000 g
2
20 animaux (80 défauts)
Fermeture de défaut
1 2
47% ±8,5 88% ±7,3
Zone extérieure de formation d'os nouveau
1 2
39% ±5,3 88% ±7,3
Étude préclinique1 (voûte crânienne de lapin) avec un substitut osseux synthétique (Osteon™ Sinus) et 2 forces de compression 6 animaux (96 alvéoles)
Contour osseux (volume au-dessus de la partie supérieure linguale/vestibulaire de l'os natif, volume maxi.) 1 2 3 4 0,9 mm² 1,4 mm² 2,9 mm² 3,8 mm² Formation d'os nouveau apicale
1 2 3 4
38,6% ±2,8 29,6% ±1,3 30,5% ±1,4 39,5% ±1,2
Étude préclinique2 (mandibule de chien) avec un substitut osseux synthétique (Bone Ceramic™) et 4 forces de compression 20 patients (20 alvéoles)
Formation d'os nouveau
1 2
6,7% ±7 13,6% ±5,6
Étude clinique3 (extraction de molaire dans la mandibule ou le maxillaire) préservation de la crête avec Geistlich Bio-Oss® Collagen, Geistlich Bio-Gide® et 2 forces de compression
FIG. 2 : La compression des biomatériaux conduit-elle à une ostéoformation supérieure dans le site comblé ? Voici les preuves existantes.
Vous n'avez toutefois pas observé de différences en termes de gain de volume ni de survie des implants. Pr Park : Vrai. Nous avons déjà un taux de réussite élevé avec la planification du traitement, les implants et les biomatériaux actuels. Si tout fonctionne si bien, alors pourquoi se soucier de la force de compression ? Même si cela ne fait pas une grosse différence pour tous les patients, la compression peut avoir un impact énorme chez ceux ayant des problèmes médicaux tels que l'ostéoporose ou le diabète ou des pertes osseuses importantes. Nik Stiefel, vous suivez les développements dans ce domaine. Le lien entre compression et quantité d'os nouveau supérieure vous surprend-il ? Nik Stiefel : Oui et non. Oui, car il est recommandé en dentisterie d'appliquer le comblement osseux aussi délicatement que possible pour ne pas perdre l'architecture trabéculaire et la porosité du greffon. Et non, parce que la compression augmente la stabilité mécanique du greffon particulé et il n'y a pas de raison pour que le principe de la mécanobiologie « plus de stabilité égale plus d'os » ne s'applique pas à la formation d'os crânien. Pourriez-vous expliquer l'effet positif de la compression ? Nik Stiefel : D'après les lois mécanobiologiques, la quasi-absence de mouvement entraîne l'ostéoformation tandis que l'excès de mobilité entraîne la formation de tissu mou. La compression augmentant la rigidité mécanique du matériau particulé, on s'attend à moins de mouvements et, donc, à une moindre formation de tissu mou et une formation d'os plus importante.
Ce principe est-il démontré ? Nik Stiefel : Oui. Nous savons que la stabilité du caillot sanguin et la stabi-
lité globale du site jouent un rôle crucial dans la régénération osseuse. Par exemple, dans la fracture du tibia chez le rat, certains types de contraintes entraînent la formation de cartilage plutôt que d'os4 .Alors que le défaut contenu s'ossifie complètement pendant la régénération osseuse avec de l'os particulé5 , une stabilisation mécanique est nécessaire pour l'ostéoformation dans le défaut vertical6. Il est aussi prouvé qu'au niveau du tissu les contraintes mécaniques et le mouvement des fluides ont un impact sur les cellules telles que les ostéoblastes7, les cellules endothéliales8 ou les cellules souches mésenchymateuses humaines9 utiles pour la régénération tissulaire.
Pr Park : D'autres facteurs pourraient intervenir. La transduction mécanique avec la signalisation via les intégrines-β dans les ostéocytes est un principe bien étudié. La formation facilitée de ponts osseux dans une cavité densément comblée en est un autre - il s'agit de l'ostéogenèse de contact. Tout simplement, en tassant le biomatériau nous l'introduisons de force dans la partie la plus apicale de l'alvéole. Tout ce que nous savons aujourd'hui est que plus nous tassons le biomatériau, plus nous obtenons de l'os nouveau, mais nous ne savons pas si c'est cette force qui améliore l'ostéoformation ou autre chose, par exemple la stabilité du biomatériau.
Attendriez-vous le même effet avec un autre biomatériau ? Pr Park : Notre étude a été réalisée avec Geistlich Bio-Oss® Collagen dont les fibres de collagène pourraient assurer le maintien d'espace entre les particules d'os et empêcher l’écrasement du biomatériau. Les choses pourraient être différentes avec les particules de Geistlich Bio-Oss®. Il faut tenir compte d'autres variables comme le type de procédure (augmentation horizontale ou verticale ou préservation crestale), origine du biomatériau (matériau xénogénique, allogénique ou synthétique), taille des particules (fine ou large), qualité de l'os environnant (p. ex. défaut à 3 parois ou 1 paroi). Comment décider ? Si l'on pense que la compression est un facteur important, mille questions émergent.
Y a-t-il des recherches en cours dans ce domaine ? Pr Park : Il y a beaucoup de recherches sur la manière d'améliorer la régénération osseuse avec des facteurs de croissance, des anabolisants, des inhibiteurs de la résorption osseuse, etc. Tous ces traitements adjuvants ont des effets secondaires. Mais une adaptation minime d'une procédure clinique de routine peut faire une différence. Et, en tant que clinicien, je ferais presque n'importe quoi pour améliorer et accélérer la cicatrisation osseuse.
Références 1 Romanos GE, et al.: Clin Oral Impl Res 2015; 29(6):612-619. 2 Delgado-Ruiz R, et al.: Clin Oral Impl Res 2016; 29(7)792-301. 3. Cho IW, et al.: J Periodontal Implant Sci 2017; 47(1): 51-63. 4 Miller GJ, et al.: Biomech Model Mechanobiol 2015; 14(6): 1239-53. 5 Hwang D, SonickM: Implant Site Development.
John Wiley & Sons Ltd: Sussex 2012. 6 Urban I: Implant Site Development. John Wiley &
Sons Ltd: Sussex 2012. 7 Knothe Tate ML, et al.: Int J Biochem Cell Biol 2008; 40(12): 2720-38. 8 Califano JP, Reinhart-King CA: Journal of
Biomechanics 2010; 43(1): 79. 9 Gjorevski N, Lutolf M: Prog Mol Biol Transl Sci 2014; 126: 257-78. D'autres voix sur la question : « Comprimer ou ne pas comprimer ? »
Pr Maurício Araújo Université d'État de Maringa | Brésil
« Lors d'une préservation de crête, je comprime d'habitude le biomatériau jusqu'à sentir une résistance. Pour obtenir la plus grande stabilité possible de la plaie, je ne veux pas de granules de biomatériau dispersés dans le défaut. Pour cette raison, je préfère Geistlich Bio-Oss® Collagen car le collagène assure une stabilité supplémentaire aux granules. »
Dr Mario Roccuzzo Université de Turin | Italie
« Lors d'une préservation de crête, je n'utilise d'habitude que Geistlich Bio-Oss® Collagen et le recouvre avec Geistlich Mucograft® Seal. Je le compresse pour m'assurer qu'il n'y a pas de vides dans l'alvéole. »
Pr aux. Thiago Morelli Université de Caroline du nord | États-Unis
« Lors des procédures de préservation de la crête, la plupart des cliniciens (y compris moi) ont une tendance à comprimer les biomatériaux dans les défauts osseux pour stabiliser les particules et combler l'espace avec la quantité maximale possible de biomatériau. Même si cliniquement cela remplit l'objectif, je m'inquiète de l'écrasement excessif des biomatériaux. L'écrasement pourrait endommager les particules et détruire ainsi la structure pour la formation d'os nouveau. L'utilisation de biomatériaux à base de collagène tel Geistlich Bio-Oss® Collagen peut limiter la nécessité de trop comprimer en assurant la stabilisation du greffon. »