Compte-rendu du colloque du 6 décembre 2012

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Colloque de « Génération entreprise – Entrepreneurs associés »

« Fuite de nos entreprises, de nos capitaux, de nos talents : quel avenir pour la France ? » Assemblée nationale – Jeudi 6 décembre 2012 Olivier DASSAULT Député de l’Oise, Président de « Génération entreprise – Entrepreneurs associés ». « Si nous sommes réunis ce matin, c’est pour initier un début de reconquête

intellectuelle pour notre famille politique », a déclaré Olivier Dassault. En effet, « il ne peut y avoir de victoire électorale sans domination intellectuelle ». C’est pourquoi, « Génération entreprise -­‐ Entrepreneurs associés », groupe qui rassemble plus de 80 Députés et de nombreux entrepreneurs, « a l’ambition est d’être une force de frappe politique et intellectuelle pendant les cinq prochaines années ». Le Député de l’Oise a poursuivi : « L’économie n’est pas une idéologie ; elle n’est ni de droite ni de gauche, mais elle a besoin d’être défendue, surtout lorsque l’on voit ressurgir, des limbes du passé, le spectre de la « nationalisation » que l’on croyait définitivement oublié ». « Pour le Gouvernement actuel, réaliser des profits « En France, le succès est mal vu et nos n’est pas vu comme pouvant bénéficier à entrepreneurs sont toujours l’objet de l’ensemble de l’économie, mais comme une activité suspicions » suspicieuse. Le mouvement des pigeons est venu nous rappeler que trop c’était trop », a-­‐t-­‐il ajouté. Olivier Dassault s’est ensuite interrogé : « Augmentation généralisée des impôts, taxe à 75 %, nationalisation, climat anti-­‐entreprise… On s’étonnerait presque qu’il reste encore des entrepreneurs en France, mais, peut-­‐être, n’est-­‐ce qu’une question de temps ? S’il est vrai, et c’est à craindre, que nous assistons à un exode des cerveaux et des capitaux, peut-­‐être serait-­‐il temps de réfléchir à comment les retenir ? ». « Par une fiscalité, parfois totalement confiscatoire, le pouvoir socialiste semble pousser de plus en plus de Français à choisir l’exil fiscal. Mais combien sont-­‐ils depuis 6 mois ? Où vont-­‐ils ? Quels sont les outils dont nous disposons ? », a demandé Olivier Dassault aux intervenants. Le Président de GEEA a conclu son intervention par ces mots : « J’espère qu’à la fin de ce colloque nous nous quitterons mieux armés, dans nos têtes et dans nos cœurs, pour penser la société qui nous entoure, esquisser des solutions et entamer la longue marche vers la reconquête du monde des idées ».


Jean-­‐Michel FOURGOUS Maire d’Elancourt, Délégué général et Porte-­‐parole de « Génération entreprise – Entrepreneurs associés ». « Si Génération entreprise vous invite ce matin, c’est avant tout pour tirer la sonnette d’alarme », a commencé par dire Jean-­‐Michel Fourgous. En effet, « le projet de loi de finances est dangereux : il montre le divorce entre l’État et l’entreprise. En prévoyant près de 40 milliards d’euros d’impôts nouveaux, il s’agit du choc fiscal le plus violent depuis la Seconde guerre mondiale. Jacques Attali a même parlé de suicide fiscal ». Pour le Maire d’Elancourt, « avec des taxes uniques au monde (taxe à 75%, hausse de l’ISF, taxe sur les plus-­‐values), la France devient un « enfer fiscal », le pays le plus hostile d’Europe aux entrepreneurs ». Cela a pour conséquence, une fuite sans précédent de « La France se vide de son sang nos entreprises et de nos talents : « Depuis le 6 mai, ce entrepreneurial, il faut stopper au plus phénomène d’exode fiscal s’est accéléré ! Ils étaient vite l’hémorragie ! » 600 à quitter la France chaque année, ils sont aujourd’hui près de 5.000 ! ». Pour le Porte-­‐parole de GEEA, les Français partent pour fuir une fiscalité excessive, punitive, confiscatoire. « Les entrepreneurs veulent bien faire des efforts, mais à condition que l’État fasse des économies ! » a-­‐t-­‐il expliqué avant d’évoquer un niveau toxique d’impôt qui détruirait bien plus de recettes fiscales qu’il n’en créerait, postulat développé par l’économiste Arthur Laffer (« Trop d’impôts tue l’impôt »). Une théorie qui ne semble malheureusement pas être à la mode actuellement, contrairement à celle de Karl Marx : « Il n’y a qu’une seule façon de tuer le capitalisme : des impôts, des impôts, des impôts ! »… Jean-­‐Michel Fourgous pointe aussi du doigt le climat anti-­‐entreprise qui sévit en France : « Nos entrepreneurs se sentent incompris, méprisés, mal-­‐aimés ! ». Il cite le manque de culture économique qui désespère nos chefs d’entreprise : « La France est l’un des pays les plus analphabètes du monde en économie ! ». Le Prix Nobel d’économie, Edmund Phelps, affirme d’ailleurs que « la France perd 1 point de croissance à cause de son ignorance économique ». Notre élite politique provient en grande partie du secteur administratif protégé et n’a jamais vu les contraintes d’un marché concurrentiel mondialisé. 90% des collaborateurs de M. Hollande et M. Ayrault n’ont jamais travaillé en entreprise… Pour le Porte-­‐parole de GEEA, on retrouve cet illettrisme économique dans les médias (moins de 10% des journalistes ont une formation en économie) et à l’école où l’ « on fait de nos enfants des spectateurs critiques de l’entreprise plutôt que des acteurs responsables ». Pour conclure, Jean-­‐Michel Fourgous appelle de ses vœux la mise en place de 4 mesures : -­‐ Plus de mixité culturelle dans le processus décisionnel français. -­‐ Une étude d’impact d’urgence des mesures fiscales du gouvernement. -­‐ Créer un produit fiscal pour aider le financement de nos PME. -­‐ Rétablir la compétitivité de nos entreprises grâce à une harmonisation fiscale européenne. Une pétition a d’ailleurs été mise en ligne (www.generation-­‐entreprise.fr/petition). Tous ceux qui refusent le sort réservé aux entrepreneurs sont invités à la signer.


Frédéric DABI Directeur général adjoint de l’IFOP Frédéric DABI a présenté une série de sondages sur la compréhension économique des Français et leur image de l’entreprise. Un premier chiffre a montré une défiance de nos compatriotes vis-­‐à-­‐vis du système capitaliste et de l’économie de marché : 33% des Français considèrent que le système capitaliste fonctionne mal et qu’il faut l’abandonner, contre seulement 3% dans la Chine communiste. C’est un rejet inédit dans le monde. De même, 45% des Français sont persuadés qu’il faut taxer davantage les plus hauts revenus afin de stimuler l’activité économique. Les solutions de soutien aux entreprises sont systématiquement reléguées derrière les mesures de relance par la redistribution… Au niveau des connaissance de l’entreprise, le Directeur général adjoint de l’IFOP relève un réel déficit de la culture économique. « Ce qui est le plus « 88% des Français surévaluent la part des remarquable, c’est la sous-­‐évaluation du poids des dividendes payée aux actionnaires, qui est salaires dans la richesse produite par l’entreprise et en réalité inférieure à 5% » la surestimation, presque de manière fantasmatique, de la distribution des dividendes aux actionnaires et du nombre de CDD au sein des entreprises ». Quelques éléments nuancent ces propos : « 26% des Français ont envie d’entreprendre, sans pour autant qu’un clivage politique entre la droite et la gauche n’entre en jeu ». Les chefs d’entreprises sont-­‐ils mal-­‐aimés des Français ? Ce n’est pas tout à fait le cas, selon Frédéric Dabi. « Il y a une véritable évolution du côté de l’opinion publique. Les Français font la distinction entre les patrons des PME, jugés vertueux, et les dirigeants des grandes entreprises, dont l’avis est plus contrasté », relève-­‐t-­‐il. Un sondage sur la représentativité du monde de l’entreprise au sein de la sphère politique, spécialement réalisé pour GEEA, montre que 73% des Français considèrent que les patrons et les cadres du secteur privé sont sous-­‐représentés à l’Assemblée nationale. « La faible représentation des dirigeants de PME est reconnue par les Français », a-­‐t-­‐il déclaré. Inversement, 50% des Français pensent que les fonctionnaires sont surreprésentés dans l’hémicycle.


Table ronde n°1 : « L’État et nos entreprises : les raisons du divorce »

« Exode entrepreneurial: mythe ou réalité ? »

Jean-­‐Philippe DELSOL Avocat fiscaliste, Administrateur de l’IREF (Institut de Recherches Économiques et Fiscales). Pour Jean-­‐Philippe DELSOL, « le nombre d’entrepreneurs, qui partent ou songent à partir à l’étranger, n’a jamais été aussi élevé depuis la révocation de l’Édit de Nantes ». Chaque année, entre 800 et 1000 entrepreneurs quittaient notre territoire. Mais en 2012, l’avocat fiscaliste estime que 5000 entrepreneurs sont sur le départ. « Les personnes partent pour ne pas se faire piller les fruits de leur travail, de leur risque, de leur créativité »

Pour Jean-­‐Philippe Delsol, les profils de ceux qui partent sont de plus en plus jeunes. Ces derniers vont entreprendre en Angleterre, en Asie, aux États-­‐Unis, ou au Brésil, plus forcément en Belgique ou en Suisse. « Les entreprises elles-­‐mêmes accompagnent le départ de leurs principaux cadres », a-­‐t-­‐il poursuivi.

En effet, « selon la dernière étude PWC, la France est au 169ème rang sur 185 en termes d’attractivité fiscale des entreprises. Elle est la championne du taux d’imposition sur les revenus supérieurs. Les entrepreneurs ne veulent plus que les médias et une partie de l’opinion publique les rejettent et les haïssent ». De plus en plus, ces gens là ne considèrent plus la France comme un État de droit, a-­‐t-­‐il conclu, parce que : -­‐ Les lois sont instables : elles sont abolies avant même d’être mises en œuvre. -­‐ Les lois sont incertaines et incompréhensibles, votées dans la précipitation. Seuls les spécialistes de la fiscalité peuvent les comprendre. -­‐ Les lois sont injustes : on ne taxe pas les plus-­‐values mais le produit même de la vente. -­‐ Les lois sont paralysantes : elles sont de plus en plus votées pour traquer la matière fiscale ce qui effraie les investisseurs et empêche les sociétés de se restructurer. -­‐ Les lois sont inefficaces : au-­‐delà d’un certain seuil, l’impôt tue l’impôt et incite beaucoup de ceux qui aiment la France à partir…


« Climat anti-­‐entreprises : une spécificité française ? Quelles explications historiques ? »

Alexis BREZET Directeur des rédactions du Figaro

« Les Français sont-­‐ils schizophrènes ? » s’est interrogé Alexis Brézet. Pour étayer ses propos, le directeur du Figaro a souligné que « bien que l’opinion publique n’aime pas le système capitaliste dans son ensemble, les Français sont nombreux à aimer leur propre entreprise et leur propre patron ». Pour comprendre ce paradoxe, Aléxis Brézet propose un « travail archéologique », en creusant dans notre Histoire pour y « exhumer les traits constitutifs de notre identité française ». La première pierre sur laquelle on tombe, c’est l’État, qui constitue une vraie singularité française : « En France, c’est L’État qui a construit la Nation au fil des siècles, de Philippe Auguste à Napoléon, en passant par Richelieu et Louis XIII, Colbert et Louis XIV »… Pour Alexis Brézet, les Français vivent depuis des siècles dans l’idée que l’État représente le Bien commun et qu’il doit s’affirmer contre les intérêts particuliers, symbolisés notamment par les entreprises. Ce modèle compte certes des réussites, des manufactures royales de Sèvres et des Gobelins jusqu’aux grands projets industriels de la Vème République, mais il a toujours conduit à distinguer les intérêts privés de l’intérêt général… Preuve en est l’Affaire Mittal et son projet de nationalisation, largement partagée à droite comme à gauche, qui est un pur produit de la culture française. La deuxième pierre, c’est l’église. Marqués par la culture catholique, les Français se méfient souvent de l’enrichissement et de l’épargne, thèse bien connue depuis les écrits de Max Webber et son « Éthique protestante et esprit du capitalisme » ou d’Alain Peyrefitte et son « Mal français »… Bien qu’elle ait beaucoup apporté, cette tradition catholique rend d’autant plus difficile pour les Français une perception positive de l’entreprise et du marché. Une troisième raison vient s’ajouter aux deux précédentes : c’est la révolution française qui a valorisé le principe d’égalité, prolongeant les idéaux d’égalité de tous devant Dieu et l’État, et dont le versant sombre est la jalousie… Pour le Directeur du Figaro : « A part la Russie puis « Le capitalisme, en consacrant une l’URSS, il n’y a pas une seule autre nation dans le certaine forme d’inégalité, heurte toute monde construite autour de ces trois traits notre tradition française marquée par constitutifs : un État centralisateur, une culture l’État, l’Église et la Révolution » catholique forte et une révolution faite au nom de l’égalité »… Cette tradition pose la question des responsabilités politiques. Face à un pays façonné depuis des siècles par cette culture, il n’est pas facile pour un homme politique de parler d’économie, surtout devant des citoyens qui sont souvent réticents à ce genre de discours. Deux solutions s’offrent alors à lui : -­‐ Faire des réformes sans le dire parce qu’en France, il est difficile de remporter des élections sur des thèses libérales. Or, à force de ne pas évoquer les nécessités, on risque de ne pas réaliser les réformes nécessaires… -­‐ Entraîner les Français au-­‐delà de ces présupposés et de cette tradition historique, pour enchâsser le projet économique dans un projet plus large d’intérêt général qui parle de la France : c’est ce qu’avait fait, en son temps, le Général de Gaulle.


« Fuite des cerveaux : comment retenir en France nos talents ? »

Valérie Pécresse Ancien Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Ancien Ministre du Budget, Députée des Yvelines. « Je suis très inquiète », a déclaré Valérie Pécresse. En effet, pour la Députée des Yvelines, « cette question de la fuite des cerveaux était déjà très présente il y a 5 ans, et nous avions alors décidé de nous y attaquer sans tabou, ce qui ne semble plus être le cas aujourd’hui ». « En 2007, nous nous sommes dis que la France devait attirer les cerveaux, nous avions placé cette question de l’attractivité de la France au premier plan pour ne plus être dans une logique défensive, mais offensive », a-­‐t-­‐elle ajouté. Le gouvernement de Nicolas Sarkozy et François Fillon avait alors joué sur trois leviers : 1) La formation supérieure avec la loi sur l’autonomie des universités qui revient à « donner aux acteurs de l’université la capacité de se battre à armes égales dans un monde global avec leurs concurrents internationaux ». Or, certaines universités ont actuellement peur de l’autonomie et retournent en arrière. Même pour l’actuelle Ministre de l’Enseignement supérieur, Geneviève Fioraso, le mot « excellence » est tabou car cela reviendrait à se placer dans une logique élitiste ou de compétition… Cela est très inquiétant pour Valérie Pécresse, d’autant plus que « tous les autres pays qui nous entourent n’ont qu’une seule idée en tête : celle d’être les meilleurs », notamment en Chine, où « l’université est vouée à la suprématie économique et culturelle de l’Empire du Milieu, avec une ouverture aux entreprises et un grand pragmatisme ». Pour la Députée des Yvelines : « On est en concurrence mondiale, on ne fermera pas les « La pensée de Mao a beaucoup plus frontières, on n’empêchera pas nos jeunes d’aller imprégné le fonctionnement de étudier à l’étranger ». Pour freiner la fuite des l’université française que celui de cerveaux : il faut donc « sauver l’autonomie de nos l’université chinoise » universités et continuer à faire une politique d’excellence pour les universités françaises ».

2) La Recherche en triplant le Crédit Impôt Recherche, mesure portée avec vigueur par Génération entreprise. Résultat : « le nombre d’Investissements étrangers en France a été triplé pendant le quinquennat dernier, parce que nous avions le fiscalité la plus incitative du monde pour innover » ! Or, pour Valérie Pécresse, « cela ne suffira plus à garder les chercheurs en France dès lors qu’on matraquera fiscalement nos entreprises ». Concernant le pôle de Saclay, qui devait « représenter 25% de la Recherche mondiale et tirer toute la croissance de la France », « ce projet est mort-­‐né avec un gouvernement incapable de le mener à bien »... Au sujet du principe de précaution, inscrit dans la Constitution, il n’était pas censé empêcher d’entreprendre : « nous ne pouvons pas mourir de la précaution parce que la recherche et l’innovation, c’est une part de risque », a ainsi déclaré Valérie Pécresse. Aujourd’hui, le Gouvernement refuse l’investissement en recherche pour découvrir une technique d’exploration non polluante des gaz de schistes. Pour l’ancienne Ministre : « Un gouvernement qui refuse la Recherche est un gouvernement obscurantiste ». Selon elle, « demain, on innovera, sauf que la France ne sera pas au rendez-­‐vous car le Gouvernement est tiraillé entre ses accords politiques avec les Verts et son idéologie anti-­‐entreprise »… 3) La Compétitivité en s’attaquant à la taxe professionnelle ou en créant une TVA anti-­‐délocalisation, mais aussi avec l’aménagement de l’ISF PME, mesure soutenue par GEEA. En conclusion, Valérie Pécresse a rejoint l’analyse de Jean-­‐Philippe Delsol sur l’instabilité fiscale et a proposé qu’une règle d’or des lois fiscales soit établie afin de mettre fin à ces changements permanents de cadre juridique qui handicapent tant nos entrepreneurs.


« Le mouvement des pigeons : une nouvelle jacquerie fiscale ? »

Nicolas BOUZOU, Économiste, Président d’ASTERES (cabinet d’études économiques et de conseil), Membre du Conseil d’analyse de la société.

« Le soulèvement des pigeons a été très peu analysé économiquement » a constaté Nicolas Bouzou. Pourtant, « quand on regarde l’Histoire, on remarque qu’un début de révolte des entrepreneurs est un signal fort pour la société ». Contrairement au marasme ambiant, l’économiste a tenu à souligner que « tous les clignotants économiques mondiaux sont au vert : la croissance mondiale a rarement été aussi forte et le nombre de pauvres n’a jamais été aussi faible ». Nous sommes en fait en train de vivre un changement de cycle économique, qui tous les 50 ans, voit arriver une vague d’innovations, de « destructions créatrices », qui transforment notre économie. Depuis la fin des Trente Glorieuses, nous vivons le début d’un nouveau cycle consacré aux nanotechnologies, à l’informatique ou encore à l’intelligence artificielle. Or, comme l’avait montré Fernand Braudel, à chaque vague d’innovation, la géographie économique du monde change. Ce qui compte, pour que notre pays profite de ces mutations technologiques, c’est l’attractivité économique de son territoire, en attirant la classe créatrice composée : -­‐ des scientifiques : Or, avec un principe de précaution aussi fécond en interdictions et en réglementations, ce n’est pas le meilleur moyen de les faire venir… -­‐ des entreprises : car c’est le lien entre les découvertes scientifiques et la vie de tous les jours. -­‐ des jeunes dont Valérie Pécresse a parlé avec la loi sur l’autonomie. L’économiste a insisté sur la rapidité à laquelle la géographie économique pouvait se déplacer, les cycles « Le mouvement des Pigeons est une d’innovations durant entre 15 et 20 ans. Bien qu’il y illustration tangible de notre déficit ait rarement un appauvrissement absolu d’un pays ou d’attractivité » d’un territoire, il peut y avoir des appauvrissements relatifs si ce pays ne parvient pas à être attractif, ce qui peut générer du mal-­‐être. Historiquement, pour Nicolas Bouzou, « la situation actuelle a une certaine consonance avec l’Ancien Régime : une croissance économique qui repart mais une France qui décroche, en étant incapable d’innover parce que ses cerveaux fuient ». Finalement, pour l’économiste, « cette histoire de Pigeons est un « signal faible », peut-­‐être anecdotique, mais qu’il ne faut pas prendre à la légère ».


« Mesurer l’exil fiscal : comment obtenir des statistiques fiables ? »

Gilles CARREZ Président de la Commission des Finances de l’Assemblée Nationale, Député du Val-­‐de-­‐Marne.

Pour le Président de la Commission des Finances, « ce qui est frappant dans notre pays, c’est notre addiction totale à la dépense publique sous toutes ses formes, depuis plus de 20 ans ». Contrairement à d’autres pays, comme la Suède, le Canada, ou l’Allemagne, « les Gouvernements passent, les majorités changent et le poids des dépenses publiques reste désespérément constant ». Conséquence, « la France vient de basculer dans l’overdose fiscale qui va accélérer l’exode de nos talents »… « Un phénomène de rupture » peut suivre, nos entrepreneurs ne supportant plus l’instabilité fiscale : « Depuis des décennies, chaque loi de finances apporte sont lot de modifications fiscales qui ne servent qu’à financer des dépenses qu’on est incapable de maîtriser… ». Mais pour Gilles Carrez, « au delà de cette overdose fiscale, nous faisons face à un climat anti-­‐ « Parmi les Députés de la majorité, il y a un entrepreneur qui est très inquiétant ». Par exemple, climat de défiance à l’égard de l’entreprise « parmi les nouveaux députés membres de la qui est absolument stupéfiant » Commission des finances qui appartiennent à la majorité, il n’y en a qu’un seul sur une quinzaine qui a un jour travaillé dans une entreprise ». Certains considéraient même que « c’était injuste de donner un crédit d’impôt aux chefs d’entreprise alors que les secteurs associatif, coopératif et médico-­‐social n’en profiteront pas… » C’est pourquoi, pour le Député du Val-­‐de-­‐Marne, « tous les ingrédients pour des départs massifs sont réunis». Deux phénomènes nouveaux sont notamment à souligner : -­‐ Les jeunes (35 – 40 ans), qui ne sont pas encore riches, et qui n’ont pas l’assurance de réussir dans leur propre pays. -­‐ Les « petits riches », qui sont aussi de plus en plus nombreux à s’exiler. Face à un « déni total de la réalité de la part du gouvernement », « une omerta » sans précédent, Gilles Carrez à écrit aux Ministres des Finances pour obtenir des statistiques fiables. « J’attends toujours une réponse » a-­‐t-­‐il regretté. Sa démarche menée conjointement avec Philippe Marini, Président de la Commission des finances du Sénat, et leur pouvoir de contrôle sur pièces et sur place, pourraient les aider dans leur demande. Gilles Carrez a alors conclu son intervention par ces mots : « Nous sommes au bord de la rupture et nous avons besoin d’éléments statistiques sur cet exode fiscal, sur ce sujet d’une telle importance ».


Table ronde n°2 : « Quelles solutions pour réconcilier l’État avec nos entrepreneurs ?»

« Rétablir la compétitivité française : mission impossible ? »

Alain Madelin, Ancien Ministre de l’Économie et des Finances, Ancien Député d’Ille-­‐et-­‐Vilaine, Président de Latour Capital.

« Je crois vraiment au rôle des idées. Semez les idées du renouveau, vous récolterez les bonnes politiques ! ». C’est par ces mots qu’Alain Madelin a introduit son intervention. Pour l’ancien Ministre, « il faut mener d’urgence une politique libérale car on ne peut pas continuer cette fuite en avant de l’endettement ». La situation actuelle semble d’ailleurs très proche de la veille de la Révolution française : « mêmes niveaux de dette et de déficit, ainsi que des élites qui savaient ce qu’ils fallait faire tout en étant incapables de le réaliser »… Pour Alain Madelin, « nous ne vivons pas une crise, mais une mutation, avec l’émergence d’un nouveau monde. Après les civilisations agricoles et industrielles, « nous vivons une « troisième vague », où le savoir, la connaissance, et l’immatériel comptent plus que tout ». Cette immense révolution chamboule tout, tant la sphère économique que politique. « Dans cette nouvelle civilisation de la connaissance numérique mondialisée, il ne faut pas restaurer les solutions d’hier, sinon notre pays restera à la traine »… Nous devons comprendre ce nouveau monde pour y rentrer. Il a deux moteurs : l’innovation, avec une « révolution informatique fascinante », et la mondialisation, avec « l’optimisation des talents à l’échelle de la planète ». Pour gérer cette transition, « laissons-­‐faire les entrepreneurs ». Pour améliorer la compétitivité française, Alain Madelin propose d’agir sur la compétitivité de « Les Français ont élu un Président normal, l’État (« Il ne s’agit pas uniquement de baisser les dépenses publiques, mais de redéfinir l’État, de ils attendent maintenant une fiscalité retracer ses frontières, de redessiner son normale ! » périmètre légitime d’intervention »), mais également sur la compétitivité des entreprises en améliorant leur productivité, plutôt qu’en cherchant, par des transferts de charges complexes et inefficaces, à baisser le coût du travail. Pour y parvenir, il faut injecter du capital dans notre économie et ne surtout pas chercher à aligner l’imposition du capital sur celle du travail. Il faudrait également robotiser nos usines : « En 2011, on comptait 3 000 robots en France contre 19 000 en Allemagne. Pourtant, ce que les Chinois font, nos robots le feront demain, cela permettrait une « robolocalisation » ! La France a aussi besoin d’une fiscalité compétitive : « Plus l’impôt augmente, plus les incitations à épargner, à investir baissent ». Il faut enfin attirer les cerveaux et les conserver grâce à un marché du travail qui permette d’embaucher facilement et des dispositifs de formation qui facilitent la mobilité. « Donnons l’envie de créer et de produire en France ! » , a appelé de tous ses vœux Alain Madelin en guise de conclusion. « Aujourd’hui, ce n’est malheureusement pas le cas », a-­‐t-­‐il regretté. Et à l’ancien Ministre de citer Arnold Toynbee, grand Historien des civilisations : « Lorsque nous sommes dans des changements de mutation profonde, soit les élites savent conduire le changement, soit le peuple change d’élite »…


« Sortir des exceptions françaises : un impératif ? » Sophie Pedder, Chef du bureau de « The Economist » à Paris. « Être journaliste dans un journal libéral en France, ce n’est pas toujours facile ! » a d’emblée relevé Sophie Pedder en présentant « The Economist ». Après avoir insisté sur une première exception française, à savoir le niveau de nos dépenses publiques (57% du PIB, record en Europe), Sophie Pedder a voulu se concentrer sur les « 3 T », les trois principales singularités de notre pays : 1) Le temps de travail. Pour la journaliste économique, « plus que les 35 heures, c’est la gestion des « RTT » et des congés qui stupéfait le plus les entrepreneurs étrangers ». Un homme d’affaire étranger s’est même récemment étonné de devoir prendre ses décisions entre les mois de septembre et décembre, pour éviter un éparpillement de ses équipes du fait des nombreuses vacances … De plus, Sophie Pedder souligne « qu’entre 55 et 64 ans, la participation dans le marché du travail français n’est que de 40%, contre plus de 70% en Suède, qui est pourtant un exemple de politique sociale pour la France ». 2) La taxation. « La France est le seul pays au monde qui a l’ISF. C’est difficilement compréhensible à l’étranger, c’est une vraie exception française », a-­‐t-­‐elle insisté. De même, « la taxe à 75% a beaucoup marqué les esprits à l’étranger, tant on est loin de la moyenne des pays développés… La France se retrouve une nouvelle fois devant la Suède dont la tranche marginale la plus élevée ne se situe pourtant qu’à 56,5% »... Au niveau des prélèvements obligatoires, la France est « Toutes les exceptions françaises rendent à hauteur de 43%, alors que la moyenne de l’OCDE se la gestion de l’entreprise très difficile … » situe à 34%.... 3) Le tabou, à savoir la réglementation du travail. Pour Sophie Pedder, « il n’y a aucun débat en France sur la réglementation du travail qui pèsent sur les entreprises. C’est un vrai frein à la croissance et à la création d’emplois »… Elle cite ainsi une étude, réalisée cette année, qui montre qu’en France, on compte 2 fois plus d’entreprises de moins de 49 salariés que celles dont l’effectif dépasse le chiffre de 50. « C’est parce que les seuils sociaux deviennent très lourds à gérer », conclut-­‐elle, regrettant le manque d’entreprises de tailles intermédiaires (« ETI ») comme en Allemagne…


« Comment créer les conditions optimales pour développer nos entreprises ? »

Agnès Verdier-­‐Molinié, Directrice de l’IFRAP.

Pour la directrice de l’IFRAP, « la situation de la France est extrêmement préoccupante ». « En tant que think tank, il est difficile de faire des propositions alors que le gouvernement fait exactement l’inverse de ce qui devrait être mis en oeuvre », a-­‐t-­‐elle ajouté. Pour créer des conditions optimales pour développer nos entreprises, « il faut garder nos riches et nos talents ! ». Revenant sur l’alignement des taxations du travail et du capital, Agnès Verdier-­‐Molinié est persuadée qu’« en France, on veut systématiquement séparer les entrepreneurs des investisseurs, avec un dogmatisme sidérant. Alors qu’on a besoin des 2, il ne faut surtout pas les opposer » ! Citant Pierre Moscovici pour qui « les investisseurs sont ceux qui s’enrichissent en dormant », Agnès Verdier-­‐Molinié a souligné que « c’est une idée qu’il faut combattre en permanence. Cela voudrait-­‐il dire que tous ceux qui vont financer des entreprises, en risquant leur propre argent, dorment ? C’est choquant ». Évoquant la fiscalité des entreprises, la directrice de « Depuis 2010, il y a 35 milliards d’euros l’IFRAP a affirmé que « les entreprises françaises de fiscalité supplémentaire sur le dos de payent chaque année 153 taxes, contre seulement 55 pour leurs concurrentes allemandes »… nos entreprises » C’est pourquoi, il faut redéfinir le rôle de l’État: « Il n’y a malheureusement aucune évaluation des dépenses publiques. L’IFRAP demande l’ouverture des données publiques. Le système ne doit pas s’auto-­‐censurer. La société civile doit s’emparer de ces données et évaluer l’efficience de notre modèle social » ! Agnès Verdier-­‐Molonié préconise aussi « une évaluation permanente des niches fiscales ». Il faut les hiérarchiser et favoriser celles qui permettent l’investissement dans nos entreprises : « La niche « Madelin » est par exemple rentrée dans le plafond global des niches à 10.000 euros. Les ménages doivent donc choisir entre la nounou, l’emploi à domicile et l’investissement dans une PME »… De même, pourquoi d’autres niches, comme celles concernant les « DOM TOM », le cinéma, ou l’immobilier sont-­‐elles déplafonnées ? », s’est-­‐elle interrogée. Enfin, la directrice de l’IFRAP est revenue sur « la flexibilité du temps de travail, à l’embauche et au licenciement », actuellement en discussion entre les partenaires sociaux. Selon elle, il y aurait « une grève larvée des entrepreneurs à l’embauche car ils ne peuvent plus travailler avec tout ce que l’État leur a mis sur le dos »… Plutôt que de taxer les CDD, comme le suggère le gouvernement, Agnès Verdier-­‐Molinié propose que les entreprises puissent mettre en place des CDD de 36 mois. « Pour rappel, l’État fait déjà des CDD de 3 ans renouvelables, sans pour autant payer des taxes sur ces emplois précaires », a-­‐t-­‐elle remarqué. Pour Agnès Verdier-­‐Molinié, une baisse des charges aurait été préférable au crédit d’impôt voté récemment : « Cette mesure est une plaie car elle va être brandie pendant 5 ans comme étant un cadeau fait aux entreprises » a-­‐t-­‐elle conclu.


« Asphyxie du financement de nos PME : comment y faire face ? » Dominique Reynié, Directeur de la Fondapol.

Pour expliquer « ce que doit être une fiscalité pour l’entrepreneur », le directeur de la Fondapol a d’abord souligné que « la fiscalité ne doit plus être un outil politique comme en France, au service d’intérêts partisans ou idéologiques, mais un instrument d’efficacité économique au service de la croissance et de l’emploi ». Il a ensuite pointé du doigt les autres traits constitutifs de notre système fiscal : « Dans un monde ouvert, une fiscalité ne peut pas être rétroactive, or elle l’est, ni confiscatoire, or elle le devient ». « Elle devrait davantage orienter l’épargne vers le risque ou l’encourager », a-­‐t-­‐il ajouté. De même, « la fiscalité doit être neutre et soutenable pour l’entrepreneur. Il faut pouvoir s’en acquitter sans se paupériser et qu’elle offre la possibilité de planifier son existence. Or, en fixant un revenu à ne pas dépasser, la fiscalité française interdit la planification d’une vie économique réussie aux jeunes générations en bornant son horizon ». Conséquence : « les jeunes ont le sentiment que c’est une malchance de vivre en France aujourd’hui dans un monde qui est plein d’opportunités »… Enfin, « la fiscalité ne permet pas de garantir aux entrepreneurs âgés qui envisagent de céder leurs activités d’avoir une vue assurée sur leurs revenus futurs à cause d’une instabilité fiscale que n’admettraient jamais les salariés ! » Dominique Reynié a également défendu un contrôle beaucoup plus stricte de la dépense publique, qui passe notamment par l’open data : « il faut que toutes les administrations mettent à disposition leurs données. Cela ne coûte rien mais permettrait de changer de culture, en amenant l’administration à justifier ses choix et ses dépenses », a-­‐t-­‐il déclaré, avant de citer l’exemple de la ville de Chicago qui publie les noms et les salaires de ses fonctionnaires, ou le mouvement de la « Big Society » dans la Grande-­‐ Bretagne de David Cameron. De même, « pour faire pénétrer un nouvel esprit au cœur même du système, il faudrait demander à tout élu, s’il est fonctionnaire, de choisir entre son statut et son mandat. C’est indispensable ». Pour le directeur de la Fondapol, « vous ne pouvez pas demander au législateur, quand il est peuplé de fonctionnaires, de surveiller la dépense publique. Ce n’est pas conforme à la séparation des pouvoirs » ! Dominique Réynié est aussi revenu sur le scepticisme ambiant des Thinks tanks : « l’effet de nos travaux sur « Ce n’est pas à la Gauche qu’il faut les décisions des acteurs politiques est d’une modestie reprocher d’augmenter les impôts, c’est qui nous laissent très perplexes ». Pour étayer ses son travail, mais la Droite ne peut pas se propos, il a souligné « l’insensibilité de la courbe de permettre de faire la même chose ! » la dette, des Prélèvements obligatoires, des déficits, et de la dépense publique, aux alternances politiques »… « Qu’à dit la droite pour être battue ? », s’est interrogé Dominique Reynié. « Impôts, Hallal, frontières, Sortir de Schengen, s’en prendre aux corps intermédiaires…Je n’ai pas entendu les mots entreprise, entrepreneurs, innovations, futur, avenir, confiance, optimisme… », a-­‐t-­‐il relevé. Selon lui, « il y a eu un concours de protections, sociales à gauche, nationales à droite ». « Les nouvelles générations ne sont pas pessimistes pour elles-­‐mêmes mais pour leur pays », a affirmé Dominique Reynié, avant de terminer son intervention par cette formule : « On peut aimer son pays si on est fier de lui, et on est fier de son pays quand il réussit dans le monde d’aujourd’hui, c’est-­‐à-­‐ dire quand il est capable de faire de la croissance ».


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