Pollution lumineuse : faut-il dire adieu aux nuits étoilées ? [GEO]

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LE MONDE EN CARTES

CANADA Le pays des grands espaces est lui aussi exposé à une forte luminosité la nuit, notamment autour de la mégapole de Toronto. Au point qu’un grand observatoire universitaire, pâtissant du halo projeté par la ville, a failli fermer en 2007.

POLLUTION LUMINEUSE

FAUT-IL DIRE ADIEU AUX NUITS ÉTOILÉES ?

FRANCE L’éclairage nocturne y a augmenté de 94 % en vingt-cinq ans selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Depuis le 1er juillet 2018, toutes les enseignes commerciales doivent être éteintes entre 1 h et 6 h du matin.

SINGAPOUR Ici, on ne connaît plus de nuits noires. Avec une densité de population parmi les plus fortes au monde (7 800 hab./km2), c’est l’un des Etats les plus touchés par la pollution lumineuse. 100 % des habitants vivent sous un ciel intensément éclairé.

PAR DÉBORAH BERTHIER (TEXTE) ET HUGUES PIOLET (ILLUSTRATION)

Source : The New World Atlas of Artificial Night Sky Brightness, CreateSpace Independent Publishing Platform, 2016, non traduit en français.

E

clairage urbain, enseignes publicitaires, vitrines de magasins, bureaux allumés… A la nuit tombée, d’innombrables sources de pollution lumineuse abolissent l’obscurité naturelle. «83 % de la population mondiale subit ce phénomène qui, depuis quinze ans, ne cesse d’augmenter», souligne le physicien italien Fabio Falchi, auteur en 2016 d’un atlas mondial de la pollution lumineuse, en collaboration avec une équipe internationale de chercheurs. Les scientifiques commencent à étudier les répercussions de la disparition des nuits noires sur le vivant : le cycle de la photosynthèse affecté, les oiseaux migrateurs désorientés, les pollinisateurs nocturnes, comme certains papillons de nuit, perturbés. L’homme aussi en subit les effets : son horloge biologique est bouleversée (le système hormonal a besoin de cinq à six heures d’obscurité), inhibant par exemple la production de mélatonine (l’hormone du sommeil) et provoquant des troubles de l’endormissement. Pour préserver la nuit noire, l’association International DarkSky, créée en 1988, a identifié treize zones qui jouissent de nuits vierges de lumière artificielle et leur a attribué le statut de «réserve internationale de ciel étoilé». Dernier à avoir reçu ce label, en août 2018, le parc national des Cévennes, en France, la plus grande réserve du genre en Europe. C

Part de la population qui ne voit plus la Voie lactée en raison de la pollution lumineuse (luminosité >688µcd/m2)

ÉGYPTE 97,5 % de la population ne voit plus la Voie lactée, alors que seuls 4,9 % du territoire sont concernés par un haut niveau de pollution lumineuse. Explication : la majorité des habitants vivent sur les rives du Nil. Le reste du pays est nettement moins éclairé.

SLOVÉNIE Le pays a adopté en 2007 des règles très restrictives contre la pollution lumineuse. Les lampadaires urbains orientés vers le ciel ou l’horizon sont interdits. Et la consommation en termes d’éclairage public est limitée à 44,5 kWh/hab./an en ville.

100 % 80 à 99,8 % 50 à 77,6 % 20 à 49,9 % moins de 20 %

LES TREIZE RÉSERVES INTERNATIONALES DE CIEL ÉTOILÉ

DES ESPÈCES NOCTURNES QUI BROIENT DU NOIR LA GRENOUILLE TUNGARA Exposée à l’éclairage arti­ ficiel à proximité des villes, la femelle de ce batracien d’Amérique du Sud devient moins sélec­ tive dans le choix de son partenaire… Faute de temps. En effet, elle préfère s’accoupler vite pour éviter d’être expo­ sées aux prédateurs en pleine lumière.

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LE MICROCÈBE MURIN En 2016, une étude a mis en évidence l’impact de la pollution lumineuse sur ce petit lémurien, qui vit à Madagascar. L’exposition à l’éclairage artificiel en­traîne notamment des chaleurs précoces. Les petits naissent alors dans une saison moins favorable à leur survie.

LE PÉTREL DE BARAU En avril, lors de son pre­ mier vol qui a lieu de nuit, le petit de cet oiseau marin endémique de La Réunion confond éclairage public et reflet de la lune, son repère. Il s’échoue souvent au sol, inca­ pable de redécoller. Désor­mais, on éteint les lampadaires à cette époque cruciale.

LA TORTUE MARINE La jeune tortue sortie du nid utilise la brillance de la mer et la réverbération de la lune pour s’orienter. Les lumières artificielles en bord de mer la déso­ rientent et la rendent vulnérable aux prédateurs. Résultat, pour pondre, les femelles désertent les plages éclairées.

LE VER LUISANT Dépourvue d’ailes, la femelle émet de la lumière à l’extrémité de son ab­domen. Le mâle, ailé, vole alors vers elle. Mais la lumière artificielle le con­ duit souvent sur de fausses pistes et met en danger la survie de l’espèce dans certaines zones.

1. NamibRand (Namibie) 2. Aoraki Mackenzie (Nouvelle-Zélande) 3. Mont Mégantic (Canada) 4. Central Idaho (Etats-Unis) 5. Exmoor (Angleterre) 6. Moore (Angleterre) 7. Kerry (Irlande) 8. Snowdonia (Pays de Galles) 9. Brecon Beacons (Pays de Galles) 10. Cévennes (France) 11. Pic du Midi (France) 12. Westhavelland (Allemagne) 13. Rhön (Allemagne)


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