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lES PREMIERS INSTANTS DE LIBERTÉ John Godfrey Morris, figure du photoLa carte officielle de John G. Morris sur le théâtre des opérations en France.
journalisme américain, a capté les journées qui ont suivi le D-Day. Il ouvre
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Un GI noir (membre des MP, la police militaire) embrasse une femme blanche… Cette scène m’a ravi, moi qui me battait contre la ségrégation. 76 GEO HISTOIRE
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Photos : John G. Morris/Contact Press Images
ses archives et témoigne pour nous.
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La vie reprenait son cours. Après les bombardements, ces femmes avaient toutes les raisons de haïr les Américains. Et pourtant, elles les ont accueillis avec bienveillance.
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J’ai croisé des familles de réfugiés, des enfants épuisés par la guerre, des jeunes volontaires prêts à en découdre… Avec toujours cette même dignité dans le regard.
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Ce GI avait repéré une pile de «Signal», un magazine de propagande nazie. Il a pris soin de choisir celui avec des filles en couverture, pas ceux avec Rommel ou Himmler !
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L’été 1944 était caniculaire. Cette grand-mère normande me scrutait, l’air amusé… J’étais probablement le premier Américain qu’elle ait jamais vu.
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Mon cliché le plus célèbre. A Saint-Malo, les Allemands venaient de capituler. Mon œil fut attiré par ce soldat qui ne devait pas avoir plus de 16 ans. Pauvre gamin…
Miriam Ruisseau
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Ma fonction ne m’obligeait pas à partir en Normandie. Mais je voulais, au moins une fois, accompagner les photographes que j’envoyais au cœur de la guerre.
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ohn G. Morris prévient d’emblée, comme pour s’excuser : «Je ne suis pas photographe !» Lorsqu’il nous reçoit dans son appartement-atelier près de la place des Vosges (il s’est installé à Paris en 1983), cet Américain de 97 ans rappelle que son rôle au magazine «Life», puis au «New York Times», consistait à diriger le travail des photoreporters. A ce titre, il a fréquenté les plus grands, de CartierBresson à Capa, dont il fut très proche. «En 1944, j’ai envoyé six photographes, dont Capa, couvrir le Débarquement pour “Life”. Je n’étais pas contraint de quitter mon bureau de Londres pour traverser la Manche. Mais, en juillet, j’ai eu envie de suivre la campagne sur le terrain. Dans mes bagages, j’ai pris mon appareil photo, au cas où j’obtiendrais un scoop…» Il n’y aura pas de scoop. Mais ses photos, dont la plupart ne furent exhumées que récemment (elles sont rassemblées dans le livre «Quelque part en France», éd. Marabout, sorti cette année), dressent un panorama saisissant de la Normandie et de la
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Bretagne encore éprouvées par les effets du Débarquement. Pas des photos de combat, plutôt des portraits et des instantanés. Souvent émouvants (la solidarité des réfugiés, la joie des premiers instants de liberté…). Parfois cruels, comme ce cliché d’un cadavre de soldat américain, drapé d’un linceul. En revoyant cette photo, John G. Morris soupire. «Et dire qu’après tout ça, on se remet en 2014 à parler de Guerre froide…» Aujourd’hui, son engagement reste toujours aussi entier : avant de partir, il nous offre un exemplaire du magazine «Frontline», dans lequel il vient de signer un plaidoyer antinucléaire intitulé «Enough is Enough». Il songe maintenant à exposer ses photos en Allemagne. Et nous avoue espérer que le jeune soldat à l’enfance volée, dont il a capté le regard il y a soixante-dix ans (photo ci-contre), se reconnaisse et vienne lui serrer la main.
Frédéric Granier
A voir : «La Libération de la Bretagne», une expo de John G. Morris, au Festival photo de La Gacilly (56). www.festivalphoto-lagacilly.com
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