Un autre regard sur Calais

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Un autre regard sur Calais GIOVANNI AMBROSIO

A school trip to Dunquerke and Calais. Teachers and pupils meet migrants. 2015 - 2017 Euroschool Luxembourg 1. Teachers: M. Louis, M. Di Scala.


2014



Luxembourg Euroschool luxembourg 1

La première image incertaine du voyage scolaire de Monsieur Sébastien Louis, professeur d’histoire, est celle de Yunus. Jeune parmi les jeunes, Yunus, le premier réfugié mineur de l’histoire de Luxembourg, rencontre les élèves qui se préparent au voyage à Calais. En français, il raconte une partie de son histoire et puis parle de sa participation au voyage de l’année précédente. Sa famille perdue en Turquie, les passeurs l’achemiment, sans raison apparente, vers Luxembourg Ville. Il frappe à la porte de la police un soir de Noël.






A Dunquerke la première rencontre avec Plateforme Services aux Migrants, une ONG locale, est une présentation/ débat sur les routes migratoires, la situation des camps, les projets et les actions des bénévoles.

Dunquerke


Sèbastien Louis, professeur d’histoire et de sociologie, avec Olivier Di Scala, professeur d’histoire, invite les élèves à comprendre, découvrir, rencontrer, partager, poser des questions. Mais aussi à aider. Nous sommes accompagnés par Fahrid, ancien migrant iranien qui s’est établi à Dunquerke où il travaille comme soudeur au port. C’est notre guide : il connaît les réglès, les manières de communiquer et les langues. Avec une bénévole de PSM il nous aide à traverser la frontière entre ville et campement. Qui, comment et pourquoi photographier. La question de la distance, du seuil, des visages des autres s’inscrit dans l’acte de l’image. Les élèves observent, rentrent, dialoguent, essaient de comprendre. Tout le monde perçoit les indices d’une violence diffuse, immatérielle, empreignée dans le bois mou des panneaux agglomérés, dans un paysage surréel. Il est difficile de distinguer, dans le camp, les passeurs. Mais leur présence est hors de doute.







Finalement, la situation se retourne. Nous ne sommes pas les seuls à avoir des appareils photos, des téléphones portables.



Nous dormons à l’auberge de jeunesse de Calais. Au milieu des nouveaux quartiers. Deux membres d’un comité local d’aide aux migrants viennent parler aux élèves de la situation à Calais, du conflit latent entre citoyens actifs et autorités dans l’approche des stratégies de soutien.



Comment traverser une frontière? A Calais, aux abords du port, non loin du centre ville, un campement a occupé un terrain vide sur un espace industriel coupé par des rails pour les convois marchandise. Pour y rentrer, il suffit de traverser la rue. Si on tourne à droite, on trouve l’entrée de l’espace de distribution des repas.







Avant chaque voyage, des vêtements sont collectés et triés, puis rangés dans des sacs de courses résistants. Ils sont ensuite distribués aux associations ou directements aux personnes qui en ont besoin. Les sacs cabanes, légers, imperméables, solides, sont aussi des outils importants. Ici les élèves, dans un cinéma desaffecté au centre ville, aident une association à distribuer chaussure et vétements.




Plus loin du centre une autre association prépare les repas. Les élèves se divisent en groupes, selon les différentes tâches auxquelles ils participent. Nous aidons à la préparation de pots de yaourt. Nous croisons les représentants d’une association musulmane de Lille. Une discussion informelle sur la valeur de l’aide aux autres en découle.





Puisque il nous est donné de pouvoir traverser toutes les frontières, nous allons derrière le port, nous pouvons parcourir un espace sauvage près de la mer. Le sol est jonché de ruines de ce qui avait été une jungle. J’observe le professeur et les élèves circuler dans cette espace, puis je les vois se diriger vers la mer.



Sur le chemin du retour, nous avons une dernière étape, à Boulogne-sur-Mer. Dans un restaurant nous retrouvons l’Abbé Boutoille, engagé dans l’accueil des migrants.





2015



Nous rencontrons encore une fois la Plateforme Services aux Migrants, comme l’année précédente. Nous sommes accompagnés par uné équipe de la télévision nationale luxembourgeoise. L’échange que nous avons avec le bénévole qui nous accueille nous informe que la situation est encore plus dure.

Dunquerke


Nous avons la possibilité d’écouter le point de vue des institutions. Rencotre avec le Sous-Prefet de Calais.


Calais


A l’auberge de jeunesse c’est un représentant d’une association locale qui raconte aux élèves la situation actuelle des migrants dans la ville





Nous traversons en bus la ville de Calais, ce qui nous donne une vision presque panoramique. Dans les rues, sur les trottoirs, sur nos côtés, nous voyons ces silhouetes noires qui marchent, furtivement, ou, peut-être, c’est notre regard qui est furtif. La difficulté du regard, même animé par une volonté de comprendre, reste très présente.




Nous revenons à l’ancien cinéma au centre ville. La décharge des sacs de la soute du bus précède la chaîne de distribution. Cette fois-ce, devant les élèves, défilent aussi des personnes en situation de marginalité ou pauvreté qui ne sont pas sur les routes migratoires.



Nous pouvons traverser.




Le Maire Adjoint de Calais expose la position et les partis pris de son administration.






Dans un terrain en périphérie, dans une zone d’activités et de supermarchés discount, nous entrons dans une nouvelle zone de campement. Tout le monde s’assoit ici et là, comme quand on rend visite. Tout le monde accepte un verre de thé à l’eau chauffée au feu de bois. Les journalistes qui nous acompagnent enregistrent le récit dun trio de frères. Voyages, violences, passages. Ils filment leurs pieds, mais de toute façon la lumière descend. Et nous devons partir.







Nous découvrons les ruines du passé industriel de Calais. Un site entier d’une ancienne usine est transformé en zone d’hébergement et de vie, geré par l’association radicale No Borders. Ici ma capacité de transformer mon regard en photographie faiblit définitivement. Je me souviens d’une histoire racontée en italien. C’est un jeune homme venu de Milan et né dans un pays dont il n’a pas le passeport qui la raconte : sa tentative passage en Angleterre est dictée par le désir d’aller rencontrer une jeune femme qu’il a connue sur un chat.


Juin 2015 A l’école Européenne de Luxembourg Sébastien Louis et Olivier Di Scala, avec les élèves, rendent compte aux parents du voyage scolaire.



Partir à calais Sébastien louis

Partir à Calais avec des adultes peu au fait des réalités du terrain peu sembler une gageure. Se décider à y emmener des élèves d’une école privilégiée relève du projet insensé. Quel est l’intérêt pédagogique d’un tel voyage, qui de prime abord peut sembler naïf, voir même relever du voyeurisme ? Pourtant, si l’on daigne approfondir la question et ne pas se contenter des clichés inhérents à ce type d’expédition, on retrouve des adolescents curieux, un vieux monsieur plein de sagesse et une volonté de comprendre un phénomène social complexe. A la genèse d’un tel voyage il y a une rencontre organisée avec Stéphane Hessel à l’Ecole Européenne. En septembre 2010, peu de gens le connaissent. Ce dernier n’a pas encore publié son best-seller «Indignez-vous» et j’ai l’occasion de l’inviter pour rencontrer mes élèves de sociologie. Ces derniers sont marqués par le discours passionné de cet homme dont la vie épouse les tourments du vingtième siècle. A 92 ans, ce personnage captive son auditoire, il séduit par ses paroles simples mais fortes. Après deux heures de discussion, quelques élèves viennent me trouver et désirent s’engager. Ils se saisissent d’une de mes propositions et d’un commun accord, nous vient l’idée de travailler sur les phénomènes migratoires. Six mois plus tard, en mars 2011, me voici embarqué pour Calais avec six élèves. Ces deux jours sur le terrain se sont révélés être une expérience extraordinaire. Depuis lors, le projet est devenu une réalité bien ancrée, avec l’appui de la direction. Plus d’une cinquantaine d’élèves ont été à Calais, quatre voyages vers le Nord de la France ont eu lieu, plus de 600 kg d’habits ont été récoltés et distribués, deux expositions ont eu lieu, un cycle cinématographique avec la cinémathèque a été organisé, sans compter les différents articles de presse. Aujourd’hui, c’est un livret réalisé à plusieurs mains, pour poursuivre cette aventure humaine hors du commun et documenter ce voyage. Il est important de témoigner des conditions sur place, des doutes sur les politiques migratoires, de la réalité du terrain, mais aussi de la générosité de nos élèves, de leur naïveté parfois, de leur sincérité surtout. Les différentes

rencontres, avec les autorités, les bénévoles et les migrants leur ont permis d’appréhender un phénomène dans toute sa complexité. Ils ont été à la rencontre d’êtres humains, victimes des crises géopolitiques ou des inégalités de développement qui les ont emmenés dans l’impasse Calaisienne. L’humanité de ces personnes et l’humilité de ces adolescents a permis une telle rencontre, c’est pourquoi il était nécessaire d’en rendre compte. Il reste des questions sur le pourquoi d’un tel parcours de ces migrants, sur la générosité de certaines personnes, sur l’égoïsme d’autres, sur l’altruisme de certains Calaisiens, sur une ville et une population en difficultés car confrontés à un phénomène dont elle n’est pas responsable mais qu’elle vit depuis plus de quinze ans maintenant. Il est impossible d’y répondre et ce livret ne se veut pas exhaustif, mais il est une première piste pour comprendre. Pour conclure, je laisse le mot de la fin à Stéphane Hessel, tel un hommage à celui qui a mis la première pierre à l’édifice de ce projet.

Toute simplification est toujours dangereuse. Il faut nous habituer à penser avec sagesse - cela ne relève pas de l’intelligence ni de la créativité, mais du sens de l’équilibre. On ne peut pas être seulement yin ou seulement yang, il faut un balancement. (Indignez-vous, Indigène éditions, Montpellier, 2010, p.56)


Il est important de témoigner des conditions sur place, des doutes sur les politiques migratoires, de la réalité du terrain, mais aussi de la générosité de nos élèves, de leur naïveté parfois, de leur sincérité surtout.



2017


maison paroissiale de Norrent-Fontes

Les élèves rencontrent un petit groupe de migrants aidés par Terre d’errants une association qui a son siège dans la paroisse d’une église. Des photos des installations d’aide aux personnes dans les campement circulent de main en main.







Saint-omer Saint-Omer Cricket Club Stars

Christophe Silvie est le fondateur de SOCCS, èquipe de cricket composée de jeunes migrants d’Afghanistan et du Pakistan. Nous allons passer un moment à leur terrain d’entrainement, les élèves et les professeurs apprennent les mouvement de base du jeu.






Au terrain il y aussi un trio d’adolescents afghans qui restent sur le banc de touche ce jour. Leur anglais est plutôt bon et leur jeune âge les rend très proche des élèves. Ils finissent par se joindre à notre voyage.




Je découvre le voyage des barrières. Nos passages en bus sont comme dans un immense couloir au milieu d’endroits que personne ne doit parcourir.





Il n’y a presque plus de migrants dans la ville de Calais. Nous l’apprenons dans la rencontre avec l’un des bénévoles que nous avions vu en 2014. La mission des associations semble être au point zéro.







Calais, opaquement diurne.






Nous nous rendons dans un grand centre de dépôt loin du centre ville. Ici les associations stockent tout ce qui peut être utile à la survie dans les différentes jungles dans le Calaisis.



















Calais, opaquement nocturne.




Le Maire Adjoint de Grande Synthe accueille les élèves avant de les guider dans le campement de la ville.















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