École d’Architecture PARIS VAL-DE-SEINE Xavier Malverti – Séminaire « Villes et réseaux »
La dissolution de l’espace public dans l’espace marchand Mémoire de 4ème année - 2006 Glenn Sinzelle - Atelier H&M 5 septembre 2006
Glenn Sinzelle – Atelier H&M - Mémoire de 4ème année – Septembre 2006
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Sommaire Problématique : La standardisation induite par la société de consommation élimine les caractéristiques culturelles.
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Préambule 1. La ville, la rue, les lieux
4 6
a.
La ville post-moderne
b.
La rue et les espaces publics
10
c.
Les nouveaux lieux
12
2. Le centre commercial
6
16
a.
L’histoire du centre commercial
16
b.
20
c.
La société de consommation à l’origine du développement du centre commercial Les centres commerciaux, nouveaux centres-villes
d.
Architecture ?
30
3. Standardisation par l’Architecture marchande
23
32
a.
Monotonie, un phénomène mondial
32
b.
L’anonymat de la ville post-moderne
34
c.
Conclusion
36
Bibliographie
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Notes hors texte
38
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Préambule « Les hommes se rassemblent dans les villes pour vivre. Ils y restent ensemble pour jouir de la vie.» c’est par ces mots qu’Aristote définit le concept de ville. Le fait urbain, semble-t-il, est indissociable des populations humaines. La cohésion de ces agglomérations crée un confort que seules les villes peuvent étayer. La ville est le lieu du pouvoir, siège des instances religieuses, culturelles et économiques mais aussi une structure. Elle constitue un système organisationnel dont l’humanité ne peut se défaire, elle institue des rapports d’interdépendance sociales et économiques entre les humains. La proximité des différents acteurs dans le fonctionnement urbain est le réel support des agglomérations. La ville apparaît il y a plus de trois millénaires au Moyen Orient, où les archéologues considèrent que Çatal Höyük ( Anatolie – Turquie ) fut la première « ville », elles se multiplient dans les vallées du Jourdain, de l’Indus et du Yangzi Jiang. Le développement de l’agriculture au néolithique permet de réaliser une surproduction alimentaire qui autorise les populations à se spécialiser dans des secteurs autres que l’agriculture. Issues de grands empires agricoles, les premières villes donnent la possibilité de former des élites administratives, sacerdotales, commerçantes et militaires(1). Ainsi la ville est par essence un pôle économique où le centre a toujours été dédié aux échanges culturels, politiques, religieux et surtout marchands. Du bazar méditerranéen, aux places des villes moyenâgeuses en passant par les halles et le forum romain, l’emploi économique est assimilé aux lieux les plus marquants de la ville. De par leur aspect moins institutionnel, ces lieux se différencient des autres endroits du centre-ville, qui sont pour la plupart les instances des pouvoirs temporels et intemporels (politique et religieux). Les bâtiments administratifs sont plus austères et l’entrée dans ces lieux est beaucoup plus contraignante que l’utilisation de l’espace public. Terrains des échanges aussi formels qu’informels, les commerces servent « à la fois de lieux de rencontre pour les habitants, actuels ou anciens, les commerçants et de lieu de ressourcement d’une certaine mémoire collective.»(2). L’Agora de la Grèce antique en est un exemple polyvalent: lieu d’échanges politiques où se tenaient les assemblées et les discussions sur la gestion de la cité, lieu d’échanges culturels où se déroulaient les commémorations et les fêtes, lieu d’échanges commerciaux où s’installaient les marchés et les vendeurs ambulants (2). A chaque époque le centre de la ville fut habité par des chevauchements entre les fonctions sociales, économiques, administratives et religieuses. Le forum et la place médiévale ne sont pas organisés pour la vente mais c’est bien là qu’elle se tient : au cœur de la ville.
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Perspective sur l’Agora Une large place est aménagée pour les activités urbaines
Plan de l’Agora
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Les commerçants s’organisent peu à peu pour voir apparaître une nouvelle couche sociale : la bourgeoisie, qui s’organise dès le XIIIéme siècle pour prendre le pouvoir dans les villes ( la hanse (3) ). Les halles de marchés et les foires se localisent alors dans des équipements collectifs urbains, encore une fois au centre de la ville, près des commerçants locaux. La ville est donc le lieu de développement de l’économie mais en priorité le siège de l’espace public où les affaires de la cité se déroulent. La révolution industrielle a permis le développement d’autres topographies de localisation des lieux et des actes marchands comme les passages couverts, les grand magasins, les rues piétonnes ou les centres commerciaux. La ville en passant dans l’aire moderne puis post-moderne a vu son organisation se modifier de façon radicale. Les espaces publics et privés n’ont plus la même fonction, et ainsi de nouveaux lieux ont vu le jour : des lieux hybrides nés des changements impliqués par la société de consommation. Semi-publics/semi-privés ces espaces sont appelés « des non-lieux » par Marc Augé et des « junkspaces » par Rem Koolhaas, ceux-ci sont pour la plupart des espaces marchands où le public est invité à consommer. Ces espaces envahissent les panoramas urbains de la ville hypermoderne (4). Le centre commercial constitue l’un de ces non-lieux, un nouvel objet architectural qui devient de plus en plus présent dans les paysages citadins dans monde entier, véritable vecteur de la globalisation. Le centre commercial a des codes et un mode de fonctionnement particulièrement caractéristique par rapport à d’autres bâtiments de la post-modernité urbaine, aussi bien dans la ville que dans son organisation. L’architecture et l’urbanisme sont donc des vecteurs forts de la constitution de la ville contemporaine, et de la ville qui va se constituer par la mondialisation. Support de l’automobile et de la vente, une fois le centre commercial franchisé : ces espaces ont tendance à devenir des lieux de rendez-vous et aussi un lieu de détente familial dans un univers destiné a encore subir beaucoup de mutations.
1. La ville, la rue, les lieux : a. La ville post-moderne Issue de l’industrialisation, la ville post-moderne est, désormais, une étendue qui ne peut se parcourir qu’avec un moyen de transport motorisé : la voiture ou les transports en commun. L’automobile devient donc le seul procédé d’occupation de la ville dans sa totalité spatiale. Au moyen de la machine motorisée, la ville s’est étalée au fur et à mesure de l’exode rural (5) tout en amplifiant le nombre de personnes habitant dans des agglomérations. Mais c’est surtout la recherche d’une vie meilleure pour les populations de la classe moyenne désirant quitter les « mauvais quartiers » qui amplifient l’étalement urbain. La motorisation permet au travailleur d’effectuer sa tâche plus loin qu’auparavant. La distance s’est accrue mais le temps de voyage dû aux migrations pendulaires est resté le même grâce à la vitesse de déplacement atteinte par les automobiles. Ainsi les employés ont pu habiter dans des zones moins denses et plus calmes, plus loin du centre-ville, et privilégier la qualité de vie dans les campagnes. La recherche du calme et de la nature fut l’un des moteurs de cet exode urbain apparu après la guerre mais c’est le coût du foncier qui a été le catalyseur de la « suburbanisation » explosive.
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La halle d’Arpajon, espace marchand au centre de la ville médiévale
Les Ulis, ville nouvelle ( années 70 ) La ville post-moderne sectorisée : l’autoroute / rocade, le centre commercial et la ville
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La ville post-moderne motorisée a aussi facilité la sectorisation des lieux de la vie urbaine s’opposant au modèle radioconcentrique (école de Chicago) qui était la typologie commune. Ainsi « Le nouveau Meccano urbain qui se met en place le système radioconcentrique s’effiloche, les anciens villages sont sectorisés par les contournements et les voies d’accès aux nouveaux villages.» David Mangin dans la « Ville Franchisée » nous révèle le véritable visage des villes françaises du XXIème siècle. La sectorisation emprisonne par des cloisonnements routiers les lieux de la ville autrefois concentrés en un point. Désormais la ville se divise en autant de secteurs que d’activités. Comme à Los Angeles la ville n’a plus véritablement un centre mais plusieurs centres interconnectés que seule la voiture permet de relier. Par le fait routier la ville se divise donc en secteurs qui sont autant de ghettos au niveau de la population tant par ses activités que par ses loisirs et son travail. Trois exemples de type de localisation d’habitat existent désormais dans les villes contemporaines. Un système transnational s’applique dorénavant presque dans tous les pays qui tendent à suivre le modèle de développement occidental. La maison individuelle est dans une zone pavillonnaire à l’image des recherches « apprendre à Levittown » menées par Robert Venturi (p.164 ens. Las Vegas). Dans les banlieues c’est l’image d’une architecture rêvée qui est l’exemplaire prototype mis en série par des promoteurs immobiliers. Dans d’autres banlieues que l’on peut nommer de « zones sensibles », la vie y est encore plus coupée du monde, zones souvent exagérément appelées « ghetto » par les propres habitants de ces unités, lesquelles sont le plus souvent des logements sociaux qui posent de gros problèmes d’intégration urbaine. Le troisième type d’habitat, peu répandu en France mais très présent aux Amériques, est le condominium. Territoire enfermé dans une enceinte clôturée telle une nouvelle forteresse, c’est là où les plus riches s’enferment dans un but sécuritaire. Personne ne peut y entrer sans avoir décliné son identité ; L’enclos d’habitation est surveillé jours et nuits, pour s’éloigner, encore une fois, de la violence des villes. Le travail est aussi isolé dans des parcs, des tours, dites de bureaux, des Zones d’Activités Concertés (Z.A.C.) ou Zones Industrielles (Z.I.). Dans la ville ou hors de la ville les zones de production du secteur industriel et de services ne sont que dévolues à une seule activité : en effet, le travail n’y intègre aucun support de vie, et seulement un fonctionnement « NON centré » sur des rapports sociaux. Ces lieux sont donc désertés la nuit et les jours chômés. Les grands quartiers commerciaux sont eux aussi isolés dans des « secteurs » uniquement accessibles par la route, bien que certains magasins soient en centre-ville sous forme de franchise, ou d’artisanat qui est de plus en plus rare. Un centre commercial comme les Quatre`Temps® à la Défense voit une fréquentation de plus de 100 000 personnes par jour, mais doit adjoindre des cinémas à ses magasins pour y faire venir du public en soirée et au cours des week-ends. Les zones d’activités commerciales sont donc exclusivement réservées à la vente. Ces territoires ont la spécificité étrange, mais logique, de tous se ressembler … : les enseignes présentes dans ces lieux appliquent toutes les mêmes méthodes. Dans les Mc Donald’s® ou Ikea®, par exemple, l’architecture est identique de Brest à Strasbourg, de Lille à Marseille, la franchisation des zones marchandes mais aussi des entrées de ville revêtent un caractère somme toutes assez monotone.
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Le rêve pavillonnaire … mis en série ( Cf. l’enseignement de Las Vegas )
La ville sectorisée : Bureaux et Centre Commercial indépendants ( Les 4 Temps, la Défense )
Zone Industrielle de 91-Courtaboeuf
Une zone industrielle en Bretagne
… Les zones Industrielles …
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Les centres-villes se gentrisent(6) et deviennent des lieux de patrimoine sans vie. L’agglomération Venise & Mestre en est un bon exemple : Venise est devenue une ville-musée quasi exclusivement touristique, tandis que Mestre est le véritable centre d’activité de la région. Une grande partie des vénitiens ont choisi d’aller vivre dans une ville plus confortable, notamment vis-à-vis des transports et de la salubrité … La ville est donc clairement divisée en entités spécialisées telles que le taylorisme peut les définir (7) : chacun ne serre le boulon ( … chaque partie de la ville … ) que d’un seul quart de tour comme dans les Temps Modernes de Charlie Chaplin et le boulon n’est complètement vissé qu’en bout de chaîne ( … la ville ne forme qu’une entité par le biais des multiples morceaux séparés puis réunis par les moyens de transport …). La sectorisation de la ville est donc une vision très industrielle de la ville, qui ne semble pas être aussi efficace que son application au produit manufacturé. En effet les temps de transit entre le point A de travail, B du logement, C de l’école, D d’achat des marchandises alimentaires ou autres, multiplient les points de vie et les temps passés dans les transports comme la voiture. Et pourtant rien n’a pu enrayer le développement illogique de la voiture en ville, ni la congestion du trafic, ni les hausses successives du prix du foncier en banlieue, de la voiture ou de l’essence. C’est au contraire la voiture qui a aidé à l’émergence de la sectorisation. La ville post-moderne est donc une ville étendue, sectorisée et source de pollutions très importantes autant visuelles qu’environnementales. Ainsi la ville correspond plus ou moins au terme de la Charte d’Athènes développée par Le Corbusier : une ville Sectorisée dont l’automobile est la colonne vertébrale …
b. La rue et les espaces publics Dans cette ville sectorisée post-moderne, la question de l’espace public se pose car tous les lieux énoncés ci-dessus sont des territoires de type privé. La rue constitue l’un des espaces publics qui a subi le plus de mutations. La rue est un constituant indispensable de la ville : espace de circulation mais aussi structurant des parcelles d’un cadastre elle dessert les logements et les commerces. Les voies urbaines sont aussi le siège d’échanges et de communications. Elles sont des identifiants cultuels majeurs, les numérotations des bâtiments diffèrent d’un pays à un autre : aux Etats-Unis les numéros peuvent dépasser les dix-mille, tandis qu’à Prague deux plaques signalant l’adresse sont posées sur un même bâtiment. La rue est un espace public où la rencontre avec le monde est privilégiée, d’après Victor Hugo « La rue est le cordon ombilical qui relie l’individu à la société ». En temps qu’espace public la rue relève du domaine public et son statut est inaliénable. Géré par les autorités, c’est par le biais démocratique que l’espace public est réglementé et reste le garant du statut ouvert et anonyme de la rue. Appartenant à tous et à personne, la rue garantit à chacun la liberté de circuler, qui est un droit fondamental. Dès lors, les différentes couches de la population s’y mélangent constituant alors un des seuls points, avec l’école, où la société prend la forme d’un réel creuset culturel. La rue est même l’origine de plusieurs musiques importantes du XXème siècle : Le Jazz, ou la culture dite Hip-Hop. Pour des raisons toutes différentes, ces musiques et mouvements se sont formés dans la rue. Le Jazz venant des « marching-band »( 8 ) de la Nouvelle-Orléans, le Hip-hop à cause de la promiscuité des logements dans les ghettos noirs américains.
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La Ville Radieuse, Le Corbusier
Marching Band du sud des Etats-Unis : Exemple de vie culturelle dans la rue
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En fait la rue a été pour ces cultures synonyme de Liberté. Champs de vie collective et de liberté incontestable la rue est une boîte de Pétri culturelle essentielle : par son Architecture, ses expressions politiques (manifestations), ses coutumes (carnavals) et ses rendez-vous économiques (les marchés), la rue reste un espace qui préserve le statut social et l’anonymat de chacun tout en étant le garant de l’identité culturelle d’un peuple. La rue comme espace public est aussi le champ d’action du pouvoir politique. Les monuments, l’organisation des réseaux urbains, les réalisations d’ouvrages publics comme les ponts et les chaussées. Les révolutions partent toujours de l’espace privé pour finir dans l’espace public (Habermas). Les répressions ont aussi lieu dans la rue : la fameuse photographie de TienanMen où un homme seul fait face à une colonne de chars sur la voie publique. Les émeutes de South Central à Los Angeles en 1992 eurent lieu dans la rue, ainsi que très récemment (2006) en France les banlieues s’enflammèrent encore une fois dans les rues qui furent toujours des champs de bataille dans les siècles passés. Bien sûr l’espace public doit être comparé à l’espace privé. La différence s’effectue dans le rapport de l’appartenance de l’espace privé à une personne physique, la propriété, mais aussi à la notion de franchissement. Au moment du passage de l’espace public vers l’espace privé, dans lequel notre identité doit être définie et notre anonymat levé.
c. Les nouveaux lieux La post-modernité a fondamentalement changé notre rapport à la ville et de nouveaux lieux se sont donc créés par rapport au besoin découlant de l’industrialisation et notre appartenance acquise à la société de consommation. Ces nouveaux lieux sont des lieux semi-publics/semi-privés. Les non-lieux et les junkspaces sont localisés dans de nouveaux espaces tels que : Les autoroutes, les centres commerciaux, les aéroports, les stations de métro, les chambres d’hôtel ... Une des caractéristiques fondamentales de ces endroits est ancrée dans le fait qu’il faille décliner son identité à l’entrée pour immédiatement redevenir anonyme. Ce qui diffère entre les espaces purement privés ou les espaces publics est que le statut de l’individu est soit anonyme, soit connu. L’identification personnelle doit bien souvent être levée dans un but purement commercial : il faut payer pour y entrer. La déclinaison de notre identité n’est dans ces cas pas uniquement la divulgation de notre nom mais aussi notre âge, notre sexe notre profession et surtout notre statut social qui peut aller jusqu’à notre compte en banque, la carte bleue. Rem Koolhaas propose cette phrase : « ils savent tout de vous, à l’exception de qui vous êtes. » (They know everything (9) about you, exept who you are) . Le non-lieu est donc un espace qui a un but défini précis : « des espaces constitués en rapport à certaines fins (transport, transit, commerce, loisir), et le rapport que des individus entretiennent avec les espaces » (10). L’individu dans son espace est donc important mais surtout l’espace n’est pas la finalité mais le contenant de celle-ci. L’important dans le junkspace issu du consumérisme n’est pas le bâtiment mais l’objet qui est à l’intérieur ou l’utilité au niveau fonctionnel de ce que l’on va trouver dans celui-ci. Le non-lieu n’est souvent qu’un lieu de transit qui n’est pas un lieu de vie considéré comme tel par ses utilisateurs.
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Ainsi les consommateurs ne sont pas très charmés par ce genre de lieu : « Le principal reproche qui est fait aux centres commerciaux, et qui provoque un net rejet, est l’absence d’humanité et le manque de convivialité » (11) Au-delà du passage et du but du non-lieu, le junkspace est, pour Koolhaas, défini par la présence de l’air conditionné. Comme un rideau transparent dont on ne peut percevoir les limites, les limites du volume qui est déterminé par une barrière donc peut passer inaperçu. La délimitation du lieu par l’air conditionné parait être une perte de l’architecture. La climatisation des espaces est même, selon les dires de l’architecte, une révolution. Mais une révolution qui, en fait, détruit la réelle architecture tout en en formant une nouvelle. Dès lors c’est la climatisation qui unit tout les bâtiments entre eux et c’est l’air conditionné qui devient la clef de voûte de nos nouvelles cathédrales. Koolhaas pense aussi que les junkspaces sont la punition des architectes pour n’avoir jamais pu expliquer les espaces. Empilement de décorations, de contradictions et, sous une mégastructure, les junkspaces ne sont qu’un module pour les marques mondiales ou des devises comme les Euros ou le Dollars, et où l’espace n’est que la simulation médiocre du réel défini par - selon lui - une « non-architecture » : un grotesque jardin d’enfant. Ces nouveaux territoires sont des électro-aimants de population, ils sont destinés à accueillir un grand nombre de personnes. Le public doit entrer en grand nombre pour pouvoir consommer, se détendre ou voyager. De par leur caractère de franchissement presque douanier « les non-lieux créent une contractualité solitaire » bien que plongés dans un espace destiné à recevoir un large public. Nous restons définitivement seuls dans un non-lieu, on est avec les autres tout en étant complètement seul. Quand on n’est pas seul c’est avec sa propre tribu (12) … Dans un non-lieu on n’est jamais confronté à l’autre sauf peut être à la caisse enregistreuse ou au comptoir. Le comptoir qui est un lieu de simulacre de sourire forcé, Jean Baudrillard le définit comme complaisant complément obligatoire du bien-être ensemble prodigué par ces nouveaux espaces de vie : « Le Junkspace est comme être condamné à un jacuzzi perpétuel avec vos meilleur amis » ( Cf. Rem Koolhaas ). Autre qu’un simulacre de sourire le non-lieu est un simulacre de bâtiment et d’architecture. Ainsi les junkspaces sont « les retombées radioactives » de « la modernisation en marche » ce sont « les triangles des Bermudes des concepts » (architecturaux). L’Architecture se pare alors de décoration, de gadgets technologiques comme les escalators. Surtout ces espaces sont d’ « utopies banales » (13) de clichés qui feignent toujours la réalité pour toujours mieux vendre. L’indéfinition est ce qui définit ces espaces de Londres à New York en passant par Rio de Janeiro ou Tokyo, l’anonymat transnational de ces lieux est l’essence même de ces constructions mutantes. Ces édifices ont une notion temporelle très différente des autres, et leurs besoins immédiats et économiques impliquent une mise en place rapide, vite construits et à un faible coût. La qualité de leurs matériaux et de leur édification sont donc très succinctes, leur durée de vie faible. Comme à Las Vegas, plusieurs générations de réhabilitations se succèdent en un temps record pour ne pas les voir mourir d’une vieillesse prématurée, contrecoup de leur négligence constructive. Les vitrines sont aussi une partie de ces non-lieux : on ne peut les définir à la fois en dedans et au dehors, la vitrine (14) ne nous renvoie que notre propre image comme dans tous les Junkspaces.
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Les centres commerciaux, comme non-lieux mondiaux ( Cf . Project in the City 2 )
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Les centres commerciaux, comme non-lieux mondiaux ( Cf . Project in the City 2 )
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Il semble donc que les nouveaux lieux forment de nouvelles architectures et que l’Homme en lui-même ne soit pas le but affiché de ces lieux. Ces lieux servent au transit et notre passeport vers ces espaces reste notre carte de crédit. Le junkspace se veut donc ouvert à tous mais est le siége de la nouvelle ségrégation de la société de consommation post-moderne. Le non-lieu est aussi un simulacre de véritable lieu où la rencontre ne s’y produit généralement pas et véritablement jamais. Les junkspaces ne créent donc pas de lien social, se sont seulement des lieux qui deviennent des objets utilitaires comme la fourchette nous permet de prendre les aliments ou une chaussure nous permet de marcher. Le Junkspace est, comme tout les objets de consommation courante, dédié à être jeté, et ne peut pas être remémoré.
2. Le centre commercial : L’un des principaux non-lieux semble être le centre commercial qui peu à peu a pris une importance prédominante dans la vie de chacun, peu importe sa condition sociale ou son lieu géographique.
a. L’histoire du centre commercial La généalogie du centre commercial est un point intéressant à soulever lorsqu’on souhaite parler de son importance croissante dans notre relation aux nouveaux espaces communs de la société de consommation. Son histoire commence à Paris, bien que les germes de son concept soient dans les « macellums » de la Rome Antique ou dans les souks et bazars du monde arabomusulman. C’est en 1784 qu’on considère que les premiers passages couverts apparaissent en recouvrant la rue et en créant un sorte de copropriété que ces magasins arrivent à concurrencer les magasins conventionnels donnant sur la rue, tout en restant très semblables les uns aux autres. C’est en fait un nouveau type de vente qui fait venir les acheteurs, pour la plupart riches dans ces lieux. « Le nouveau commerce » et « le commerce moderne » applique donc des méthodes que l’on verra s’appliquer tout au long de l’histoire de la société de consommation : les prix fixes et affichés, la multiplication des comptoirs, la vente à perte, les reprises, les promotions, la publicité et les catalogues. Mais s’est surtout le court-circuitage des intermédiaires lors de la vente qui permet la réduction des marges bénéficiaires, ce qui fait profiter une baisse des prix significative aux clients. Les passages, réservés à un public plutôt aisé, sont ouverts à tous par la Révolution Française qui, en abolissant les privilèges, permet à tous de consommer et d’entreprendre librement. Puis l’apparition des grands magasins donne le véritable départ de la consommation de masse. En multipliant les surfaces de vente et en donnant libre accès aux produits, le grand magasin devient un signe de confort social et économique des classes hautes. La modernisation de la ville par Haussmann et aussi un des catalyseur du grand magasin car sa vison de la ville moderne et salubre met les grands magasins en plein centre de la ville. La Samaritaine® ou le Printemps® sont encore de nos jours des bâtiments symboles de la ville qui s’inscrivent dans le patrimoine culturel et historique de la ville tout en réunissant nos souvenirs d’enfants ...
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Les grands magasins remplacent donc la vie des rues marchandes où les artisans et les vendeurs au détail faisaient vivre la ville d’une façon naturelle et spontanée.
Macellums romains
Le souk
Un passage couvert ( Le passage Verdeau ) Quelques espaces marchands …
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Comme les maisons à colombage du Paris médiéval, cette vie marchande était sans doute un patrimoine culturel incomparable. Mais les grands magasins ne sont accessibles qu’aux riches tandis que les classes populaires y travaillent. C’est justement avec les classes modestes que la grande distribution va encore évoluer d’une manière encore plus économique. Ce sont les économats et les coopératives qui vont être le moyen de baisser encore les prix mais cette fois ci des biens de consommation courante. Grâce au nombre et à l’importance de la demande, ces systèmes communautaires répondent à la demande des plus modestes qui ne peuvent accéder facilement à des produits de qualité. Les enseignes de grands magasins répliquèrent alors avec des magasins adaptés au « petit peuple » … encore en place de nos jours comme Monoprix ®. La crise de 1929 change les modes de consommation et c’est au États-Unis que le supermarché apparaît sous forme de discount mettant en vente un petit nombre d’articles de grande marque, mais aussi d’articles de moindre qualité à très bas prix. Michael Cullen, l’inventeur du discount se sert de la crise en écoulant à bas prix les invendus des usines, il réduit les coûts de location en ne s’installant pas en centre-ville mais dans un hangar. Ces recettes feront leurs preuves plus tard avec LIDL® ou Leaderprice ®. Après la guerre, le supermarché fait sa véritable apparition en France et le centre-ville est le point de départ cette nouvelle industrie. Edouard Leclerc®, en 1949, ouvre dans son salon un magasin avec un seul produit ( … des biscuits bretons … ). Le succès est immédiat car il se trouve dans une rue très passante de Landerneau en Bretagne et qu’il pratique des prix 20 à 30 % moins chers que ses concurrents. Aidé par le taux de croissance soutenu des trente glorieuses le marché de détail explose. Très vite le besoin d’aller hors du centre-ville se fait sentir car les petites surfaces ne permettent pas de donner un grand choix en self-service au client, de plus l’utilisation de la voiture facilite l’éloignement relatif des hypermarchés. Le premier est créé à Ste Geneviève des bois en 1963. Les deux initiateurs sont, l’un propriétaire de magasins de nouveauté et l’autre exploitant d’une chaîne de petits magasins alimentaires, et montent ce magasin grâce à l’idée d’un représentant américain de caisse enregistreuse dont l’une des devises est « No parking, no business ». La voiture et donc l’importance de la ville moderne en construction sont les facteurs de la réussite de cette entreprise car désormais avec la ville étendue, l’automobile et l’hypermarché auront un développement commun (c.f. Mangin p.76). La distance à la ville permet une réduction encore plus drastique des coûts du foncier et permet de grandes surfaces d’exploitation en rez-de-chaussée. Mais ce qui fait la force des hypermarchés Carrefour® c’est sa vente multi plateforme où l’ont trouve toutes sortes de marchandises, du textile aux légumes, à un prix modique. Carrefour® sera même un exemple outre-atlantique créant une expression les « Hypermarché à la française ». Sur le volet économique, le supermarché permet aussi de pouvoir juguler l’inflation car il nivelle les prix et donne une certaine stabilité à l’achat et au prix de vente toujours plus bas aux clients. Le centre commercial régional apparaît à la fin des années soixante en France encore inspiré d’un modèle états-unien dont Victor Gruen est le penseur. Architecte, il construit deux malls (15) sur la côte-est américaine entre 1954 et 56 qui seront les prototypes des centres commerciaux. Dans l’hexagone, le modèle concurrencé par les hypers, a du mal à démarrer et les villes nouvelles des années soixante ne sont pourvues que de petites galeries marchandes additionnées d’une grande surface.
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No parking, no business ( Cf . Site « Clearchannel » )
Parly 2, le premier « mall » français
Southdale Shopping Center, de Victor Gruen ( 1956 )
La grande distribution
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Parly 2 ® est le premier centre commercial français construit dans une banlieue résidentielle fortement motorisée et la plus riche de l’île de France. Mais les grands magasins qui devaient être le fer de lance de ces « Shopping-center » ne purent amener une grande population et furent vite remplacés par des enseignes de grandes distributions. Les centres commerciaux de type mall à l’américaine accueillent alors des petites et moyennes surfaces spécialisées, éventuellement réduites par rapport à leurs maisons mères, comme C&A ® ou la FNAC ® , pour être rentables. Les entrées de villes ont aussi subi le contrecoup du développement de la société de consommation. Les discounts apparaissent en fait très tôt dans nos villes, en 1966 le nord de Marseille voit se développer des hangars dans lesquels une pratique de prix cassés en échange du déplacement pour aller chercher les produits devient un concept qui rassemblera toutes sortes de marchandises. L’explosion de ces zones d’activités à lieu dans les années quatre-vingt, les axes routiers sont les vecteurs et la publicité des enseignes de discount. Le principe de réalisation applique les méthodes connues : agencements sommaires, personnel réduit, bon rapport qualité / prix et produits d’appels à prix cassés. Les groupes de grandes surfaces développent alors ce filon juteux et construisent des chaînes de grandes surfaces spécialisées. La démarche de Auchan ® est l’une des plus intéressantes : en implantant un hypermarché, le groupe propose des locations d’emplacements à d’autres magasins non concurrents afin de s’apporter mutuellement des clients dans des emplacements bien desservis. La dernière modernisation du centre commercial est véritablement l’aboutissement de la prise de pouvoir de la société de consommation. En effet, le centre commercial ne se réduit plus à l’achat, et maintenant au loisir : le facteur « e » c'est-à-dire « entertainement » est la nouvelle valeur ajoutée. Dans ces centres on trouve tout pour tout le monde, le centre commercial se transforme maintenant en réel parc d’attraction, le plus grand mall aux USA, mall of America, dispose de grands-huits, et attire plus de visiteurs que Disney World® sur une surface de 400 000 m². Aux quatre coins de l’Europe et dans les pays du Golfe Persique, on construit aussi ces complexes qui deviennent des monuments que les touristes fréquentent tels le Château de Versailles, l’Empire States Building, ou le Palais du Shogun à Tokyo. ( Partie réalisé a l’aide du livre « Les boîtes » de René Péron )
b. La société de consommation à l’origine du développement du centre commercial L’industrialisation est à l’origine de la vente en grandes surfaces. La mise en série de la production des marchandises, autrefois artisanale, a facilité le développement des grandes surfaces de vente. L’automobile fut aussi un facteur amplificateur du développement de la société de consommation. La vente au meilleur rapport qualité / prix est la recherche de tout industriel, car la vente ne se produit que si les coûts de production sont bas et donc que si le prix est bas. Car le prix est la locomotive de l’achat.
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Évolution et filiation des centres commerciaux, simulacre de rues …
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Centres commerciaux …
Développement pavillonnaire, croissance des supermarchés et du nombre des automobiles
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La facilitation de l’achat est aussi accru par des méthodes de vente qui sont appliquées dans l’architecture, ainsi, pour que la vente se réalise, le consommateur doit toujours être en mouvement, s’il est statique il ne pourra pas être tenté par les vitrines ou les rayonnages qui sont des publicités pour le produit. L’escalator est donc l’un des moyens architecturaux de maîtriser les flux. Mais surtout l’acheteur doit être immergé dans une ambiance qui le rassurera et le transportera dans un monde où il est plus enclin à consommer. Lors de la construction d’un lieu de consommation les coûts de fabrication sont un facteur aussi important que le coût du foncier. Les centres commerciaux sont donc élevés avec des coûts minimums et des matériaux de basse qualité. Ainsi l’aspect architectural est le dernier élément que l’on posera à la construction. En France combien de zones d’activités ou d’entrées de centre-ville sont réalisées sur un modèle répétitif avec les mêmes matériaux : du bardage en métal. Les hangars sont en fait la forme architecturale de base du centre commercial et pourquoi ? Tout simplement les coûts et la rapidité d’exécution car tout le monde le sait, maintenant : time is money. Mais aussi parce que le hangar est le symbole de la modernité et de l’industrie. Les architectes du Bauhaus ainsi que Le Corbusier furent inspirés par les formes pures des usines et des bâtiments industriels. La consommation est tellement prégnante dans nos vies qu’elle s’est érigée en véritable culture à part entière dans laquelle le supermarché et le centre commercial sont les cathédrales soutenues par l’air conditionné bien sûr. En fait les nouveaux lieux centraux de la vie culturelle de notre société sont les non-lieux. Le culte de l’objet nous a conduit à ne privilégier que le matériel et l’éphémère ainsi l’Architecture qui se veut concept et pérennité ne serait-elle qu’un résidu la cerise sur le gâteau, comme d’ailleurs tous les Art Majeurs. Le Pop-art en est la démonstration (16) , cet art se veut bien sûr critique et sarcastique, ce qu’il est, mais il n’est que le reflet de notre propre civilisation. Dès lors même notre plaisir passe par la consommation : désormais des familles entières accomplissent leur promenade hebdomadaire dans les supermarchés où tous les membres de la famille y trouvent leur compte. Les parcs ou les espaces publics ne sont plus les lieux de vie ou même de villégiature centraux de notre société comme ils ont pu l’être. Toutes les classes de la population s’y trouvent mélangées pour la même raison : consommer … Mais tout cela dans un univers totalement aseptisé. Pour Jean Baudrillard le supermarché est un mass média en lui-même qui est le modèle de ce qu’est la société de consommation c'est-à-dire « la rapidité, l’éphémère, l’urgence, dans l’imaginaire du quotidien. » (17)
c. Les centres commerciaux, nouveaux centres-villes La société de consommation a transformé nos vies très profondément depuis plus d’un demi siècle maintenant, et désormais la ville n’a pas la même valeur qu’elle pouvait avoir anciennement. La ville, et surtout la rue, n’ont plus qu’une valeur de passage : la voiture étant quasiment le seul emploi de l’espace urbain de nos jours. Impossible de traverser une rue à pied sans risquer un danger. Mais surtout la route prend dans l’espace public un espace bien supérieur aux autres.
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Andreas Gursky, « 99 cents », l’Architecture noyée sous la profusion
Le supermarché, simulacre de la ville … La ville se transforme en supermarché
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Les espaces « non commerciaux » rapportent désormais plus d’argent qu’un centre commercial moyen … ( Expositions, Musées, etc … )
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Sur l’espace public, la voie pour les véhicules motorisés est énorme ainsi que l’entretien qui engloutit des budgets énormes destinés aux moyens de transport qui ne sont rentables, en réalité, que pour les constructeurs de voitures eux-mêmes. La congestion des trafics routiers est telle que le temps qu’ils pourraient faire gagner est maintenant dénué de tout sens financier pour les employés banlieusards. Lors des migrations pendulaires, les voies de circulation sont congestionnées alors que ce devrait être le seul moment où la circulation aurait besoin d’être fluide. La rue est donc complètement dévalorisée car elle est impraticable aussi bien par les piétons, que par les automobiles. De plus, la ville est contaminée par le spectre de la violence qui est un problème grandissant. La ville est donc désertée par la population qui ne se sent plus en sécurité. La rue est devenu un no man’s land où l’on risque d’être victime d’une agression ou d’un vol. La ville est aujourd’hui en recherche ultra sécuritaire, et le sentiment d’insécurité est devenu dans les pays industrialisés un thème politique, alors que nous sommes bien loin des taux de criminalité observés dans des pays comme l’Afrique du sud ou le Brésil. La vidéo de surveillance et la présence policière sont les réponses urbaines à la violence qui serait en fait inhérente à la société de consommation. Le centre commercial est quand à lui un havre de paix où la sécurité est déjà appliquée depuis longtemps avec le concept de tolérance Zéro car le processus de vente ne pas y être perturbé. Mais le centre commercial est dans son concept même un substitut au centre-ville. Victor Gruen imagine les shoppings-malls tout en ayant en tête la dégénérescence de la ville dans le modèle de vie occidentale. Il veut ordonner la vie qu’il considère comme trop chaotique dans la ville ( Project in the City 2 - p.384). Pour lui le Mall doit devenir un centre urbain, et tout a déjà été fait pour essayer de sauver les centres-villes. Les qualités de son espace sont nombreuses et parmi elles la sécurité, l’exposition des marchandises à un maximum de trafic piéton, séparer le trafic piéton du trafic des marchandises, créer un maximum de confort pour les consommateurs ainsi que pour les vendeurs et enfin réussir l’alliance de l’ordre, de l’unité et de la beauté. Le désir le plus profond de Gruen est que le mall remplace le centre urbain ainsi que ses facilités administratives. Il n’est pas étonnant que le modèle ait très bien fonctionné, en effet le plan de base des centres commerciaux ait inspiré les plans des centresvilles. Son but est vraiment de transporter la population des villes dans un milieu confortable que l’on pourrait appréhender sans problème : « plus qu’un endroit où l’on vient juste acheter, il doit être lié, dans nos esprits aux activités culturelles et à la détente » (Gruen/Smith 1960). On observe aussi que certains centres commerciaux sont directement intégrés avec des immeubles de bureaux, ainsi le centre commercial Rio-Sul ® à Rio de Janeiro est non seulement un îlot sécurité, un lieu de villégiature, un lieu de drague mais aussi un lieu de travail : en fait les bureaux constituent la majorité de son programme architectural (18) en une gigantesque tour de 42 étages. Les Quatre Temps ® aussi sont un lieu où la vie allie le travail dans le secteur tertiaire et les espaces commerciaux de type mall.
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Rénovation du Centre Commercial « Les 4 Temps » ( La Défense )
Centre commercial « Créteil Soleil »
Aire de repos = Bancs publics ??
Aire de jeux = Bac à sable ??
« Créteil Soleil »
… une ressemblance troublante …
« Créteil Soleil »
Travail + shopping + loisirs = Forteresse de Rio Sul ( Brésil )
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L’amusement est, comme nous l’avons vu lors de l’historique du centre commercial, le dernier ajout que l’on a placé dans les centres commerciaux mais ce facteur a toujours été latent. L’air conditionné, facteur présent dans tous les supermarchés, est un de ces gadgets qui nous permettent de nous sentir dans un autre monde car le climat invariable du centre commercial nous projette dans cet autre monde. Les espaces de vente en masse nous projettent aussi dans le monde de l’irréel aussi parce qu’il n’est qu’un simulacre de l’abondance. Jean Baudrillard décrit la société de consommation, et donc le supermarché, comme un mirage de l’abondance. Ainsi nous serions comme les mélanésiens attendant que les dieux nous envoient les cargos réservés au blancs qui eux seuls contrôlent les profits des denrées du cargo … Il est en effet impossible pour la plupart d’entre nous de pouvoir posséder tout ce qu’une grande surface englobe. Pour Ricardo Freitas le centre commercial est tout simplement simulacre de la convivialité urbaine car on n’y trouve que d’infimes parties de socialité décrites dans la notion de non-lieu. La convivialité du centre commercial est aussi une notion erronée mais semble devenir la nouvelle notion phare des espaces de vente. Tellement inscrits dans nos vie, les bâtiments de l’accueillant commerce sont devenus des endroits où l’ont voudrait que l’on passe nos vies : achats, travail, forme de socialité et maintenant loisirs. L’architecte John Jerde, et l’autres grands architectes du mall, lui aussi étatsunien, construit des centre commerciaux de centre-ville où des petites et moyennes enseignes, et des restaurants [ food court ] sont rassemblés. Mais Jerde veut faire une rupture avec le monde extérieur, ses bâtiments utilisent dans leurs codes architectoniques des références directes au rêve et à la démesure. Le but de Jerde est au contraire de Gruen de ne pas intimider le sujet mais de subjuguer le consommateur. L’architecture de Jerde est celle du spectacle, il utilise des formes extraordinaires et complexes. Les constructions hybrides qu’il met en place sont en fait des architectures entre les achats et l’amusement, formes qui sont en fait en train de devenir le modèle dominant dans l’urbanisme des centres-villes. Ainsi les rues clef-enmains ( telle le Cours Saint Émilion à Paris ) sont des exemples d’architecture de façades qui cachent tout simplement un centre commercial à ciel ouvert additionné de quelques boites de nuits branchées, prés d’un petit manège pour enfants. Ainsi il ne resterait plus que l’habitat qui ne serait pas inclus dans les centres commerciaux, bien que les concepts issus des buildings érigés à Manhattan soit basés sur un batiment-monde qui englobe le plus de programmes possibles. On a même imaginé à l’époque que chaque étage de gratte-ciel serait un paysage en lui-même. Le Corbusier aussi a voulu réaliser un bâtiment-monde avec la Cité Radieuse de Marseille en imaginant une construction où les habitants auraient toutes les facilités de la vie moderne sous un seul et même toit. Mais comme le dit Rem Koolhaas, les junkspaces que sont les « Shoppings centres » doivent avaler de plus en plus de programme architectural pour survivre. Le « Centre-ville » s’est déplacé vers le « Centre commercial », non seulement pour des raisons de concept architectural, mais aussi par les différents simulacres de rapports sociaux faibles, développés par la proximité des nouvelles urbanités, des facilités de liaisons apportées par l’automobile, et du faible coût des objets de consommation courante, et enfin … la recherche d’une certaine sécurité.
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Profusion de couleurs et de formes au mall de Santa Monica ( Californie ) [ Architecte : John Jerde ]
Bercy 2, par Renzo Piano
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d. Architecture ? La question de l’architecture peut donc se poser dans ces lieux. Organisant son plan sur un axe central piéton, ou avec un volume central, le centre commercial à des contraintes architecturales très strictes ( « Project in the City 2 - p.462). L’utilisateur du centre commercial doit être tout le temps en mouvement et la vente doit être épaulée par l’architecture et l’organisation structurelle du magasin. Le programme de base d’un mall est fait toujours sur un même plan systématique et très succinct : une grande surface, des galeries commerçantes, de larges « rues » et un parking de plain-pied montrant la facilité d’accès du complexe commercial. Quelques variantes sont possibles si l’on désire faire deux grandes surfaces : on mettra chacune aux deux points opposés de la galerie marchande. Si l’ont veut plusieurs étages on installera un atrium central et le second étage possédera une coursive ouvrant ainsi le magasin à la lumière du jour ( comme à Créteil Soleil ®, par exemple (19) ). Les équipements sont toujours les mêmes : les sorties de secours, les caméras de surveillance, le fameux air conditionné, les fauteuils et les plantes dans le milieu des allées, pour mieux singer l’espace public des parcs, les lumières identiques d’un mail (20) à l’autre … En fait peu d’architectes se sont vraiment penchés sur la question des centres commerciaux car trop souvent reconsidérés comme un espace architectural inintéressant. Parmi les vingt et un vainqueurs du Pritzker, sept n’ont pas construit d’espaces de ventes et presque la moitié n’en n’ont fait qu’un seul, incluant des bâtiments non réalisés et seulement huit ont produit plusieurs bâtiments dévolus au « shopping centre ». Dans ces conditions, l’architecture commerciale semble être le parent pauvre des réalisations effectuées par les grands esprits architecturaux du XXème siècle. Ainsi Le Corbusier et Frank Lloyd Wright n’ont pas non plus dessiné beaucoup de centres commerciaux : seulement un showroom pour Wright et des rues commerçantes pour Le Corbusier. Très peu d’architectes se sont donc intéressés au mall. Jean Nouvel a réalisé le complexe Euralille ®, les Galeries Lafayette ® à Berlin et un centre commercial de luxe à Prague, Renzo Piano a lui aussi dessiné le centre commercial Bercy 2 ® mais ces réalisations restent proches de l’architecture de spectacle qui ne répond souvent pas aux attentes du client comme de l’utilisateur. À Bercy 2 ® par exemple, il faut traverser tout un étage dans sa longueur pour monter à l’étage supérieur et surtout le centre commercial est au sommet du bâtiment, ce qui n’est pas très pratique pour le fret de la ménagère, comme pour la livraison des produits. L’architecture des centres commerciaux est donc totalement délaissée par les architectes sauf quelques rares exceptions comme pour les show room Best dessinées par l’équipe SITE ( … mais qui ne sont que des grands espaces vides … ). Pourtant centres de l’urbanité post-moderne l’architecture des malls est laissée entièrement au client qui ne privilégie que ses besoins économiques qui est la base de la société de consommation. Les bâtiments issus de l’architecture commerciale ne sont en fait que des hangars sans architecte et sans tissu urbain autre que les voies de circulation motorisées.
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Distribution
Production
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Consommation
Distribution ? Consommation ? Production ?
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3. Standardisation par l’architecture marchande : Nous avons vu dans les parties précédentes que l’architecture et le fait commercial étaient au cœur des villes depuis l’antiquité et que la société de consommation fut le catalyseur de cette tendance.
a. Monotonie un phénomène mondial La demande architecturale du centre commercial est une demande systématique qui est à l’écoute des besoins économiques, en conséquence la réponse donnée à l’investisseur, sans haute architecture, est une réponse monotone et triste. Entrez dans des grandes surfaces et vous pourrez constater que l’organisation est la même partout. Passez les portiques d’entrées d’un supermarché et les rayons se développeront irrémédiablement sur votre droite, l’électroménager avec les produits culturels sur votre gauche ( … vendus en masse) et les écrans plats ( … la nouvelle modes c.f. J. Baudrillard). Quelle monotonie !!!! Pas une seule enseigne autour du monde ne change la méthode car les humains auraient une tendance naturelle à tourner vers la gauche quand nous rentrons dans un édifice. Dans le centre commercial ou l’hypermarché ce n’est pas l’architecture qui fait le bâtiment mais c’est le marketing (21). Les méthodes sont en fait des méthodes de contrôle de la personne, une sorte de propagande invisible développée par tous les moyens possibles comme l’air conditionné, les escalators, les lumières, la couleur, le sourire de complaisance, les marques … L’Architecture commerciale est créée par les marques et les têtes de gondole. Un univers aseptisé où, comme des zombies (Film de Georges A. Romero de 1978), nous errons dans les supermarchés à la recherche d’une véritable vie. Cette vie qu’on nous propose par le biais d’une disparition des centres-villes qui maintenant deviennent eux aussi des centres commerciaux sans vie ou le seul sentiment de l’espace public est la peur. Dans les centres commerciaux ce sont les marques qui deviennent les éléments architectoniques majeurs, les rayonnages et l’accumulation des produits représentent les nouveaux hiéroglyphes des cathédrales. Destinées à la population mondiale sous une même forme, les marques sont les icônes des supermarchés et des centres commerciaux. Les entreprises multinationales de la grande consommation produisent des produits identiques pour le monde entier, et quelquefois distribuent des produits culturellement identifiés juste pour se donner bonne conscience. Ainsi Pizza-Hut ® crée une « pizza poulet-tandoori » en Inde puisque que la majorité de la population est végétarienne. Les marques sont en fait ce que Jean Baudrillard appelle le plus petit commun multiple. Nouvel évangile qui n’est que la représentation de notre propre société, se répétant telle une mise à la chaîne, fait disparaître les cultures dans une confusion mêlant media de masse ( qu’est le centre commercial ), profusion de l’objet industriel, mise en série et publicité. L’architecture, comme tout les Arts Majeurs est victime de la société de consommation. Les maisons individuelles aussi sont mises en série, et les lotissements et les routes sont supposées être des marques de confort, mais les notions de liberté, de propriété ou de bien-être ne sont que des leurres qui supportent des bénéfices économiques des grandes marques. La population mondiale ne semble être qu’une masse informe à qui l’on applique des recettes de ventes pour faire fonctionner les grands « trusts » industriels et transmondiaux. Les rapports sociaux n’ont alors plus d’importance, car on veut vendre … La dissolution de l’espace public dans l’espace marchand
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Partout et nulle part … Entrée de ville
Sortie de ville La dissolution de l’espace public dans l’espace marchand
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Ainsi la ville n’a plus raison d’être car c’est l’objet et le gadget qui sont les buts de notre société. Les constructions, vidées des concepts qui ont créé l’Architecture, ne sont désormais que des hangars de métal sans vie. L’Architecture risquerait alors de devenir une « architecture de prestige » démonstratrice d’une certaine culture … Pédante démonstration de savoir élitiste, éliminant une majeure partie de la population de la compréhension de ses concepts. L’impossibilité de compréhension des concept culturels réels par chacun interdit le développement de concepts propres à chaque culture, dès lors, les caractéristique culturelles s’effacent pour laisser place à la culture des non-lieux : la Non –culture …
b. L’anonymat de la ville post-moderne Le contrecoup de la société post-moderne est l’augmentation de plus en plus grande de l’anonymat et la ville est un transmetteur de cette individualisation de la société. En se transformant en ville sectorisée où la sécurité à tout crins est le seul mot d’ordre, la ville se transforme en une vaste, mais simple, autoroute … Où le seul regard que nous donnons à l’autre n’est fait que pour l’éviter dans notre trajectoire comme dans les centres commerciaux ou le flux piéton est un des concepts phares (p.47 « Les centres commerciaux » de Jean-Marc Poupard ). Les Contacts sociaux sont donc minimisés au simulé dans la ville post-moderne, ce qui implique une perte totale d’une culture commune géographique. Les seuls rapports sociaux et publics qui pourraient être prégnants sont peut-être ceux instaurés dans les stades. Sorte de communion et de sentiment d’appartenance à une identité représentée sur le terrain, le stade est unificateur des foules sous un même drapeau ou sous une même passion, dans un contexte festif. Mais dans ces lieux publics la violence, la publicité et la triche ( le dopage en tant que simulacre de la performance ) sont des lieux de communion voués à n’être encore que des substituts plus ou moins ratés de la vie en société. Internet semblait, aussi, à ses débuts, un autre lieu exutoire à notre manque de liens sociaux, espace de liberté où chacun aurait pu exprimer son bonheur ou son désarroi. Mais comme tous les moyens de communications, comme la télévision, le medium est le message. La ville n’est donc pas, pas plus qu’un autre lieu, un endroit – un refuge - où la modernité arrive à palier notre solitude et le vide des relations humaines, seule notre tribu devient un lien de référence … Les nouveaux centres-ville ne font de nous que des machines à consommer. Le Corbusier employait le terme de « machine » pour toutes les choses que l’humain employait : machine à habiter, la machine à s’asseoir, la machine à voyager … Désormais l’humain est devenu la machine à consommer. Wright avait lui aussi bien deviné ce que l’avenir nous réserve peut-être. Les plans de Broadacre City préfiguraient ainsi le futur de nos villes. Des villes étendues où les marchés sont des sortes de centres culturels dans un tissu urbain motorisé, faites de grandes étendues résidentielles. Aucun des deux architectes urbanistes n’avait pourtant envisagé que les populations ne pourraient perdre leur identité à l’issue de la période industrielle : que les unités d’habitation de Le Corbusier perdent leur gloire espérée, et que les maisons individuelles du type « prairie » de Wright deviennent des modèles pour les banlieues pavillonnaires tentaculaires des villes post-modernes.
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Tokyo ( Ginza ) la nuit … Architecture extérieure « mondiale » ?
Andreas Gursky … « Rayonnages 99 cents » … Architecture intérieure « mondiale » ?
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c. Conclusion Le commerce et la surproduction furent les facteurs de création des villes et de leur prospérité. L’organisation des villes est due en partie aux échanges économiques, mais aussi à la cohésion sociale et aux pouvoirs, que les villes ont créés. Les tissus urbains et les cultures ont pu se développer grâce à la ville et croître en même temps que l’économie, mais la révolution industrielle changea la donne et l’écoulement des marchandises fut la cause du développement de structures qui coupèrent la ville du commerce. Emportant avec lui toute la société et la culture, le centre commercial est donc devenu le centre de la vie et donc lune nouvelle forme de centre-ville. Ce centreville qui malgré son histoire et les liens qu’il crée entre ses habitants n’a pas pu résister à sa modernisation et devient maintenant un territoire franchisé comme tous les secteurs géographiques de nos villes et de notre espace de communication. Certaines écoles sont maintenant sponsorisées par des grandes entreprises privées. Les processus de la transformation de la société par la consommation ont transfusé de l’espace public, libre et inaliénable, vers des espaces privés, dont on peut craindre un aspect liberticides, n’étant en fait que des portails vers la consommation. En fait, l’espace public existe toujours mais il a glissé vers un espace privatisé tout acquis aux grandes marques qui vendent indifféremment des produits identiques sur tout le globe. L’Architecture en tant que support culturel majeur de l’espace public est la première touchée par la standardisation des produits issus de l’industrialisation. Les méthodes de marketing de baisse des coûts ont donné le coup de grâce à l’Architecture en tant qu’affirmation culturelle majeure. Nous ne laisserons donc pas des pyramides à nos enfants, mais peut être des milliers de hangars, des mégastructures, des coquilles vides; Des bâtiments qui n’auront qu’une enseigne lumineuse sur leur faîte, nous rappelant que celui-ci est un monument, que celui-là est un centre commercial comme à Las Vegas. On pourra alors se demander ce que sera l’Architecture mais n’est pas seulement l’art de mettre un toit au dessus de nos têtes.
Extraits du livre « L’enseignement de Las Vegas » de Robert Venturi -=o§o=-
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Bibliographie Marc Augé Non-lieux,1992 Librairie du XXIème siècle – Seuil – Édition avril 1992 Jean Baudrillard La société de consommation, 1986 Folio Essais – Édition mai 2006 Françoise Choay Urbanisme, utopie et réalité, 196 – Seuil – Édition octobre 1979 Le Corbusier Urbanisme, 1948 – Flamarion – Édition janvier 1994 Mike Davis City of quartz (Los Angeles, capitale du futur), 1997 La Découverte – Édition de 2006 Ricardo Ferreira Freitas Centres commerciaux : îles urbaines de la post-modernité, 1996 L’Harmattan / Nouvelles Études Anthropologiques – Édition octobre 2001 Jürgen Habermas L’espace public, 1962 Critique de la Politique / Payot - Réédition 1992 Benoît Heilbrunn La consommation et ses sociologies, 2005 Armand Colin – Édition novembre 2005 Rem Koolhaas New York délire, 1978 – Parenthèses – Édition avril 2003 Chuihua Judy Chung, Rem Koolhaas, Jeffrey Inaba, Sze Tsung Leong, Project on the city 2, 2001 Taschen – Édition 2001 David Mangin La ville Franchisée, 2004 – Seuil / La Villette – Édition de 2004 René Péron Les boîtes, 2004 – L’Atalante – Édition novembre 2004 Jean-Marc Poupard Les centres commerciaux de nouveaux lieux de la socialité dans le paysage urbain, 2005 L’Harmattan / Logiques Sociales – Édition décembre 2005 Robert Venturi, Denise Scott Brown, Steven Izenour L’enseignement de Las Vegas, Édition complète 1971 Architecture et Recherches / Mardaga - Édition abrégée 1977 (Troisième édition) Frank Lloyd Wright - Living City, 1958 Évoqué dans l’ouvrage « L’utopie urbaine du XX Mardaga - 1979
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ème
siècle » par Fishman Robert, Édition
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Notes hors texte (1)
« La Nouvelle Encyclopédie » de François Martinot et Jacques Pigeau
(2)
« Les centres commerciaux », page 8, de Jean-Marc Poupard
(3)
« La hanse »
ème
ème
Association des cités marchandes de la Baltique et de la Mer du Nord, du XII au XVII siècle ; Constituée d’abord par les marchands de Lübeck, Hambourg et Cologne. Elles ème regroupaient, au XIV siècle, 70 à 80 villes qui en formaient le noyau actif. Elles avaient, en outre, des comptoirs à Novgorod, Bergen, Londres et Bruges. Son déclin s’accéléra après la défaire infligée à Lübeck par le Danemark ( 1534 – 1535 ).
(4)
« Hypermoderne » Terme inventé par François Ascher, dans son livre « Metapolis », faisant appel au concept de post-modernité.
(5)
« Exode rural » Situation vécue par les populations rurales lors de leurs exodes vers les villes, afin d’y trouver du travail.
(6)
« gentrise » Substantif issu du mot « gentrification » : phénomène qui désigne la fuite des populations modestes des centres-villes, vers les périphéries, laissant ainsi la place à des populations plus aisées, ce qui conduit à une augmentation du marché immobilier en centre-ville, et, en conséquence à une sorte de « ghettoïsation des riches » en centres urbains. Ce qui le cas, non seulement de Paris, mais aussi de toutes les grandes métropoles du monde.
(7)
« Taylorisme » Système d’organisation du travail à la chaîne établi par Frederic Winslow Taylor, qui établit également les contrôles des temps de travail, et, en conséquence les rémunérations des ouvriers.
(8)
« Marching band » Orchestres du sud des Etats-Unis, faisant largement appel aux cuivres, et qui déambulaient dans les rues les jours de fêtes et les jours d’enterrements, faisant ainsi de la rue une identité culturellement festive et vivante
(9)
Extrait d’un texte de l’architecte hollandais Rem Koolhaas, dans le livre « Project in the city 2 »
( 10 )
Extrait d’un texte de Marc Augé, cf. son livre « Non lieux »
( 11 )
Extrait d’un texte de Jean-Marc Poupard, repris par J. Lemoine en 1999, dans son livre « Les pôles commerciaux des périphériques ».
( 12 )
Extrait d’un texte de Jean-Marc Poupard, repris par Ricardo Freitas dans son livre « Centres commerciaux : Îles urbaines de la post-modernité » et par Jean Baudrillard dans « La société de consommation ».
( 13 )
Extrait d’un texte de Ricardo Freitas, dans son livre « Centres commerciaux : Îles urbaines de la post-modernité »
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Glenn Sinzelle – Atelier H&M - Mémoire de 4ème année – Septembre 2006
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Défini par Jean Baudrillard dans « La société de consommation », page 264.
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Ces deux premiers « malls » : le « Norden Shopping Center » de Detroit, et le « Southdale » de Mineapolis ;
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Défini par Jean Baudrillard dans « La société de consommation », page 174 : Le Pop-Art, un art de la consommation.
( 17 )
Extrait d’un texte de Ricardo Freitas, dans son livre « Centres commerciaux : Îles urbaines de la post-modernité » page 10
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Extrait d’un texte de Ricardo Freitas, dans son livre « Centres commerciaux : Îles urbaines de la post-modernité », lorsqu’il s’agit de Rio de Janeiro, point 4.3 page 108
( 19 )
Extrait d’un texte de Jean-Marc Poupard, dans son livre « Les centres commerciaux », page 61 : Le rôle de l’environnement sur les flux de circulation : Analyse de la Place de la Croisée des Chemins, au centre commercial Créteil Soleil ®.
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« Mail », vieux mot français, provenant d’une promenade publique bordée d’arbres, où l’on jouait au mail, équivalent au jeu de croquet.
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« Marketing », ensemble des actions coordonnées qui concourent au développement des ventes, d’un produit ou d’un service.
La dissolution de l’espace public dans l’espace marchand
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