28 OCTOBRE 2019, TORONTO
Les Canadiens acteurs de changement dans le monde :
une mobilisation pour un impact mondial Un mot des co-organisateurs En faisant le point sur un siècle d’action indépendante du Canada sur la scène mondiale, nous constatons que l’année 2019 n’a pas été la première fois que les Canadiens ont regardé avec anxiété un environnement international qui soudain est source de division et se montre plus hostile à leurs intérêts. En 1919, après le carnage de la Première Guerre qui a anéanti l’illusion d’un ordre mondial eurocentré et pacifique, le Canada a joué pour la première fois un rôle indépendant dans les affaires mondiales, en tant que signataire du Traité de Versailles et membre fondateur de la Société des Nations. Dans les années 1930, nous avons vu des idéologies totalitaires se répandre à travers l’Europe, pendant que notre assurance principale de notre position dans le monde jusque-là, l’Empire britannique, commençait son déclin. Les Canadiens ont trouvé la volonté de s’engager, sang et argent, pour la défense de leurs compatriotes démocrates pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce faisant, nous avons forgé avec les États-Unis et nos alliés de l’OTAN un partenariat stratégique durable qui a fourni une nouvelle base pour notre sécurité nationale. Dans les années 1960, l’ordre mondial établi après la guerre a subi des tensions sans précédent alors que des pays en développement, nouvellement indépendants mais pauvres, tombaient dans des coups d’État, des guerres civiles et des intrigues de la guerre froide. Le Canada ayant été un acteur central dans la création de cet ordre, les Canadiens ont joué un rôle essentiel dans la mobilisation de la puissance économique du Nord mondial pour le développement international, en élargissant les avantages de l’ordre international et en permettant aux nations en développement d’y prendre part. Chaque fois que le Canada a opéré un changement de stratégie majeur, ce fut le fruit d’une collaboration entre le gouvernement et la société dans son ensemble. Les dirigeants politiques et les fonctionnaires ne peuvent constituer à eux seuls l’engagement nécessaire pour modifier de manière significative et durable les interactions de notre nation avec le monde. C’est pourquoi Canada Global et le Conseil international du Canada (CIC) ont réuni en octobre 2019 des personnalités de premier plan de la société canadienne ainsi que des représentants de la base de chaque région, communauté et perspective politique. En jetant un regard sur cent ans d’impact canadien dans les affaires mondiales, nous avons commencé à susciter l’engagement dont notre nation a besoin pour un nouveau changement. Nous décrivons dans le présent rapport comment cette conversation a commencé et nous présentons certaines des orientations que les participants ont proposé de suivre à partir de là.
Robert Greenhill, président exécutif de Canada Global Ben Rowswell, président du Conseil international du Canada 1.
Introduction Le 28 octobre 2019 avait lieu une expérience inhabituelle, à l’initiative de Canada Global et du Conseil international du Canada (CIC). Pour commémorer un siècle du rôle indépendant qu’a joué notre pays dans les relations internationales, nous avons invité des figures marquantes de divers secteurs ainsi que des militants de la base, de diverses communautés, afin d’explorer l’impact que le Canada peut avoir sur le monde. Cent-cinquante leaders canadiens se sont réunis au sommet du Globe and Mail Centre qui surplombe le centre-ville de Toronto, pour réfléchir aux moyens par lesquels notre pays est parvenu à altérer le cours d’événements mondiaux pendant le siècle dernier, et aux façons par lesquelles il pourrait le faire à nouveau en ces temps troublés. Nous avons donné à chacune et à chacun d’entre eux la possibilité de participer activement – et voici ce qui s’est passé.
2.
Discours inaugural : Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre Un des lauréats de notre Prix du leadership mondial, Mark Carney, gouverneur de la Banque d’Angleterre, a prononcé le discours d’ouverture de l’événement par vidéo. Monsieur Carney a demandé que les détails de son discours ne soient pas enregistrés. Monsieur Carney a la capacité éminemment canadienne de saisir quels intérêts les citoyens du monde entier partagent et de les articuler comme un ensemble d’objectifs communs. Au fil des décennies, le Canada a incarné une approche d’« internationalisme coopératif » entre pays : une reconnaissance de notre interconnexion et de nos obligations mutuelles. Cette interconnexion est devenue de plus en plus forte avec la montée de la mondialisation. L’accroissement des inégalités, avec l’avènement du changement climatique, les nouveaux obstacles au commerce mondial et les technologies numériques qui perturbent les vies humaines, signifie que le temps est venu d’adopter une approche véritablement inclusive et durable. Les citoyens du monde entier veulent plus qu’un ordre international fondé sur des règles : ils veulent un ordre international qui produise des résultats dans leur vie quotidienne. _____________________________________________________________________________________________ Nul ne représente mieux l’influence possible de chaque Canadien sur la scène internationale que cet homme qui a grandi dans les T.N.-O., qui dirige aujourd’hui la banque centrale d’un autre pays et, à qui les Nations Unies ont demandé de diriger la lutte mondiale contre les changements climatiques.
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3.
Panel d’ouverture : 100 ans d’engagement mondial du Canada Il y a un siècle, les politiques étrangères du Canada étaient dirigées par le Royaume-Uni. En 1919, le premier ministre conservateur Borden a insisté pour que le Canada ait sa propre voix lors de la Conférence de paix de Paris. L’amère leçon de la Première Guerre mondiale était que les enjeux internationaux importent trop pour être délégués à d’autres. Puis, en 1928, Borden a fondé le Conseil international du Canada afin que les Canadiens demeurent engagés dans les enjeux internationaux. Il y a 50 ans, l’ancien premier ministre libéral Lester B. Pearson présidait le rapport marquant de la Banque mondiale intitulé Partners in Development, qui a été un cadre pour l’aide internationale moderne. Les auteurs ont présenté un raisonnement reposant sur un « intérêt personnel éclairé et constructif » : si nous voulons un monde sécuritaire et prospère, nous devons démontrer une préoccupation partagée à l’égard de ses problèmes. Lors du panel d’ouverture de l’événement, Jennifer Welsh, Chaire de recherche Canada 150 en gouvernance et sécurité mondiales, Université McGill, a signalé le rôle historique que des pays comme le Canada ont joué pour faire face à de profondes menaces à notre système mondial. Nous pouvons compléter l’apport de puissances comme les États-Unis (et l’avons déjà fait), en jouant un rôle distinct pour appuyer des objectifs communs et introduire des innovations propices à leur avancement. John English, directeur fondateur, Bill Graham Centre for Contemporary International History, a décrit comment Sir Robert Borden avait rompu avec la tradition afin de lutter pour une reconnaissance sur la scène internationale après les terribles sacrifices faits par notre nation lors de la Première Guerre mondiale. Alors que plusieurs souhaitaient que l’attention se retourne vers l’intérieur, pour confronter des soulèvements sociaux comme la Grève de Winnipeg en 1919, le premier ministre Borden est demeuré à Paris pour négocier la paix, affirmant que les problèmes dont il s’occupait là-bas comportaient de bien plus grandes conséquences pour les intérêts du Canada à long terme. Un siècle plus tard, a déclaré le professeur English, les actions du Premier ministre Borden semblent justifiées – et le Canada reste fermement engagé dans le monde : un rôle pour le Canada que nous devrions chérir. _____________________________________________________________________________________________ Le Canada a connu des moments plus sombres dans l’histoire mondiale, et a entrepris de façonner un monde meilleur. ______________________________________________________________________________________________
4.
Khalil Shariff, PDG de la Fondation Aga Khan Canada, a relaté combien Lester Pearson avait dévoué son leadership à relever des défis mondiaux pressants. Dans l’année suivant sa démission du poste de premier ministre, Pearson a dirigé la commission de la Banque mondiale qui a créé le schéma directeur pour le développement international – le rapport intitulé « Partners for Development ». Monsieur Shariff a décrit l’engagement du premier ministre Pearson à l’idéal d’une « humanité commune », et a tracé un parallèle avec la notion de « communauté mondiale » qu’il suggère que nous cherchions à cultiver aujourd’hui. Les approches durables et inclusives pour la résolution de problèmes proviennent en grande partie du travail du premier ministre Pearson sur le développement, a déclaré monsieur Shariff, et de sa capacité à élucider l’à-propos stratégique d’un impératif de développement. Les défis actuels comme le changement climatique constituent un argument stratégique clair en faveur d’une action similaire, mais une « fragilité du consensus » dans le monde actuel menace cette logique. Monsieur Shariff a évoqué deux défis majeurs : il peut être difficile de persuader d’autres dirigeants d’inclure le Canada et il est difficile de convertir une impulsion morale en un programme d’actions concrètes. Il a conclu par un appel à l’action, nous demandant de nous inspirer des idées de Pearson et d’un idéal de consensus mondial. Historiquement, le Canada a réussi à renforcer les normes et institutions qui façonnent le comportement des États, grands et petits, en faveur d’intérêts communs. Jennifer Welsh a signalé cinq défis auxquels le Canada est confronté dans le monde d’aujourd’hui. Premièrement, les États-Unis ne soutiennent plus l’ordre international fondé sur des règles. Ils semblent vouloir assister au déclin des normes et des institutions, et agissent désormais avec grande imprévisibilité. Deuxièmement, en raison d’une résurgence du nationalisme, les pays affirment de plus en plus vigoureusement leurs propres intérêts particuliers au détriment des intérêts communs. Troisièmement, alors que les États-Unis battent en retraite, nous observons une configuration de pouvoir jamais vue auparavant. Il ne s’agit pas d’un système multilatéral, mais de quelque chose de beaucoup plus chaotique. Quatrièmement, la concurrence géopolitique émergente est très instable. Les puissances montantes testent leur force par le biais de guerres par procuration; et les contraintes sur la prolifération des armes - y compris les armes nucléaires - s’affaiblissent. En outre, le recul de la démocratie a miné l’ensemble de valeurs qui unissaient traditionnellement le Canada et d’autres démocraties. La stratégie d’internationalisme coopératif qui a bien servi le Canada pendant des décennies est mise à rude épreuve. Comment le Canada peut-il reconstruire un ordre international fondé sur des règles alors que le monde est devenu si instable ?
5.
Ateliers : Mobiliser les secteurs de capacité du Canada
Il n’y a pas que le gouvernement qui a une contribution à apporter. Chaque secteur de la société canadienne et chaque industrie de l’économie canadienne représente une « capacité » nationale qui peut se mobiliser pour projeter l’influence de notre nation.
Considérant l’histoire, comme guide, et constatant l’ampleur des défis actuels, les participants ont examiné ce que leurs secteurs respectifs pourraient faire pour accroître l’impact du Canada.
Avec les autres participants de son secteur, chacun a pris part à une discussion en réponse à ces deux questions : « Où les Canadiens ont-ils/elles fait la plus grande différence dans le passé? Où pouvons-nous avoir l’impact le plus marqué dans le futur? »
6.
Présentations éclair pour les politiques publiques : Quelles innovations peuvent rehausser le mieux l’impact mondial du Canada? Le groupe Leaders canadiens mondiaux a invité des figures de proue à faire part d’une initiative qui, selon elles, pourrait contribuer à définir le rôle futur du Canada dans le monde. Les présentations éclair offertes par ces invités, à titre de moteurs du domaine des politiques, ont exhorté les participants à saisir des occasions convaincantes d’avoir un impact mondial.
Certaines des initiatives les plus prometteuses pourraient inclure un large éventail transversal de la société canadienne. Quelles initiatives pourraient galvaniser notre pleine détermination nationale et définir le rôle de notre nation dans le monde, en 2020 et au-delà?
Innovations en leadership pour le climat a été l’exposé de Steve Cornish, PDG. de la Fondation David Suzuki Inspiré par un entretien avec Greta Thunberg et par sa participation à des manifestations qui ont mobilisé des milliers de participants, monsieur Cornish a mentionné à quel point ces événement arrivent à point nommé, alors que partout dans le monde les gens demandent du changement. Monsieur Cornish a souligné que nous disposons de 10 ans pour agir afin de prévenir un désastre planétaire irréversible, considérant le changement climatique. Il a demandé l’application d’une perspective climatique à l’aide en matière de développement ainsi qu’une collaboration mondiale afin de fournir des solutions. Il a prôné que l’on oriente les politiques étrangères en fonction du changement climatique et de l’objectif de faire en sorte que la totalité des finances internationales deviennent respectueuses des exigences climatiques. Avec un investissement d’un autre milliard de dollars dans les infrastructures vertes et des recherches du CRDI pour déterminer quels produits sont les plus efficaces, monsieur Cornish a invité les participants à se joindre à lui pour affronter ce défi de la plus grande urgence.
7.
L’innovation autochtone a été l’exposé de Jocelyn Mackie, Co-PDG de Grands Défis Canada, et de Sara Wolfe, directrice des Initiatives d’innovation autochtone de Grands Défis Canada. Sara Wolfe a partagé l’insight selon lequel les décisions de nos ancêtres, tout comme nos décisions d’aujourd’hui, allaient avoir une incidence pour les générations futures. Le concept autochtone des « Sept générations » illustre cette invitation à considérer nos actions dans une perspective à long terme. Jocelyn Mackie a montré comment cette vision des choses permettait aux Autochtones, encore considérés comme assaillis par les problèmes de notre société, de « renverser » cette perception et de proposer des solutions aux problèmes de tous et toutes. L’appropriation, l’innovation et le pragmatisme dont font preuve les Premières Nations, les Inuits et les Métis pour sortir leurs communautés de la pauvreté constituent un modèle pour l’autonomisation des communautés marginalisées dans d’autres pays.
Le Canada peut dégager cette énergie positive en formant des entrepreneurs et des transformateurs autochtones et en réduisant les obstacles à leur entrée; en réduisant les silos ministériels au sein du gouvernement; en augmentant les investissements dans les ressources autochtones; et en offrant une plateforme pour soutenir les populations autochtones. Cette approche, qui a fait ses preuves dans un contexte international et humanitaire, peut mobiliser les jeunes Autochtones, la tranche la plus jeune et qui connaît la plus forte croissance, de la population mondiale, en particulier pour répondre à des enjeux comme le changement climatique.
8.
Diasporas pour le développement a été l’exposé de Tina Sweeney de la succursale torontoise du CIC. Madame Sweeney a demandé l’adoption d’une stratégie nationale pour offrir la bonne infrastructure afin que les nouveaux Canadiens pleins de talents offrent leurs connaissances, leurs réseaux et leurs habiletés pour aider le gouvernement à répondre aux problèmes tenaces dans leurs pays d’origine. Madame Sweeney nous a demandé de réfléchir aux moyens par lesquels nous pouvons encourager la diaspora à redonner à ses pays d’origine. Elle a invité les participants à prioriser des évaluations des besoins et des recherches, au sein de leurs domaines spécifiques et de leurs organismes. Nous exhortant à travailler ensemble à ces fins, madame Sweeney a conclu sa présentation par un proverbe africain : « Si tu veux aller vite, vas-y seul. Si vous voulez aller loin, allez-y ensemble. » Bâtir un accord de Bretton Woods pour le numérique a été l’exposé de Rohinton Medhora, président du Centre for International Governance Innovation (CIGI), et de Taylor Owen, titulaire de la Chaire Beaverbrook en éthique, média et communication, et professeur agrégé à l’École de politiques publiques Max Bell de l’Université McGill. Taylor Owen a décrit comment l’écosystème numérique produit un nouveau type d’ordre, dans nos institutions sociales, démocratiques et économiques, tout en causant un certain nombre de préjudices. Le manque de réglementation dans ce domaine et le fossé entre les menaces en général et notre capacité à les gouverner, nous offrent une occasion de bâtir une nouvelle architecture de gouvernance mondiale. Rohinton Medhora a rappelé aux participants que le Canada est un leader au sein du G20 en ce qui concerne l’éthique relative aux nouvelles technologies, y compris en matière d’intelligence artificielle. Il a décrit ce qu’il considère comme étant le cadre de réglementation idéal, qui fonctionnerait de manière quasi équivalente à la Déclaration universelle des droits de l’homme. Les plus grandes régions de réglementation, le bloc Chine centré sur l’État, le bloc États-Unis et le bloc du RGPD [Règlement général sur la protection des données], sont à certains égards cloisonnés. Le Canada pourrait jouer un rôle de médiation entre ces blocs, a suggéré monsieur Medhora, et pourrait également être un phare pour les pays qui cherchent à bâtir un langage partagé pour réglementer le domaine numérique. Élément tout aussi important, les politiques fiscales entre États doivent être coordonnées afin d’éviter des cas d’arbitrage soulevés par les plateformes numériques multinationales ainsi que des « courses vers le bas » entre les juridictions fiscales. En fin de compte, l’objectif est de former un contrat numérique mondial pour le bien commun. Lier ensemble le profit et l’utilité, ici et à l’étranger a été l’exposé de Brian Gallant, responsable de la viabilité, Canada Global, et ancien premier ministre du Nouveau-Brunswick. Monsieur Gallant a commencé par affirmer que le capitalisme n’est pas un système trop grand pour échouer, tout en exhortant le monde des affaires à se retrousser les manches et à fournir un développement inclusif et durable pour la société, puisque le problème majeur du capitalisme est actuellement une tendance à trop d’exclusivité. Les entreprises qui investissent dans le bien social réussiront mieux à long terme. Il a affirmé qu’en pratique, le Canada pourrait être le pays en tête de file pour indiquer comment faire fonctionner le capitalisme dans une approche soutenable. Il a promis que Canada Global produirait un rapport sur les meilleurs moyens d’y arriver et organiserait une conférence de presse sur le sujet au cours de l’année 2020.
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Raviver les politiques étrangères du Canada a été l’exposé de l’honorable Perrin Beatty, président-directeur général de la Chambre de commerce du Canada et ancien ministre des Affaires étrangères. Monsieur Beatty a déclaré aux participants que le Canada « n’a jamais été aussi seul dans le monde qu’aujourd’hui ». Il a cité le retrait des États-Unis de l’internationalisme, les technologies perturbatrices, la montée des inégalités et le déclin des valeurs fondamentales d’une démocratie libérale. Le Canada a beaucoup à offrir sous la forme d’un jugement réfléchi sur les enjeux mondiaux, en tant qu’intervenant aux « mains propres » et qui n’aspire pas à dominer les autres. Nous pourrions contribuer à l’élaboration d’approches visant à prévenir le fléau du changement climatique, le terrorisme et les pandémies, et aider à sortir les pays de la pauvreté. Pour que cela fonctionne, a-t-il déclaré, nous devrions d’abord reconstruire notre sensibilité multipartite ici même, au Canada, et nous engager sur la scène internationale pour trouver des alliés. Monsieur Beatty a affirmé que si les politiciens ne peuvent pas diriger cet effort, d’autres ont l’obligation d’aller de l’avant. « Le monde ne nous attendra pas – les enjeux sont tout simplement trop grands. » Après avoir entendu ces présentations éclair, les participants à la conférence ont rejoint des groupes de discussion pour approfondir les idées.
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Ministres des Affaires étrangères : Réflexions sur le leadership personnel pour faire avancer le rôle du Canada dans le monde Quatre personnes présentes ce jour-là dans la salle étaient des hommes qui ont joué un rôle central dans la projection de l’influence du Canada sur la scène mondiale. La discussion avec un panel d’anciens ministres des Affaires étrangères du pays a offert aux participants une rare occasion d’entendre les réflexions personnelles de ceux qui se trouvaient à l’apogée du leadership canadien à des moments critiques des affaires étrangères du Canada contemporain. Le panel était composé du très honorable Joe Clark, ancien premier ministre et ancien ministre des Affaires étrangères (sous Brian Mulroney); l’honorable Lloyd Axworthy et l’honorable Bill Graham, qui ont été ministres des Affaires étrangères sous Jean Chrétien; et l’honorable Peter McKay, qui fut ministre des Affaires étrangères, de la Défense nationale ainsi que de la Justice, sous Stephen Harper.
Il faut plus que des idées inspirantes pour avoir un impact sur le monde. Il faut un leadership individuel.
Un ministre des Affaires étrangères efficace, selon les participants, possède une capacité à établir la confiance et à faire preuve de discrétion, deux éléments essentiels pour développer les bonnes relations nécessaires à la réussite dans cette fonction. Une expérience préalable en matière de politique étrangère et la capacité à entretenir une relation étroite avec le premier ministre, basée sur des objectifs communs, sont également utiles. De même, un solide soutien mutuel entre un ministre et son service des affaires étrangères fait une différence cruciale quant à la facilité et à l’efficacité de la fonction. Puisque le Canada a une bonne réputation dans le monde, le ministre des Affaires étrangères doit prendre courageusement le parti du changement et établir un consensus international en sa faveur, en le ramenant au centre de notre approche et de nos actions internationales.
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Changer les choses : Exemples de persévérance individuelle et d’impact collectif Tout au long de l’histoire internationale du Canada, les citoyens ont joué un rôle clé dans la création et la mise en œuvre de nouvelles normes des droits de la personne, y compris les droits des autochtones, souvent malgré la résistance des gouvernements des États. Les gouvernements peuvent mobiliser des ressources importantes et projeter la puissance d’une nation, mais l’élan du changement vient souvent de citoyens canadiens. Que faut-il pour fournir un leadership individuel dans les affaires internationales? Quelles leçons en tirer pour les autres Canadiens qui souhaitent exercer une influence pour rendre le monde meilleur? Deux modèles de ce type de leadership ont partagé leurs expériences : l’honorable Louise Arbour, ancienne HauteCommissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et ancienne juge de la Cour suprême du Canada, et le grand chef Wilton Littlechild, grand chef du Traité 6 (Alberta), ancien commissaire de la Commission vérité et réconciliation et ancien président du Mécanisme d’experts des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. La discussion était animée par Valerie Galley-Bellegarde, stratège et conseillère politique sur les questions autochtones. L’une et l’autre ont présenté une perspective unique sur l’ONU, en ce sens que la perception du public sur le rôle du Canada à l’ONU est peut-être trop romantique. Par exemple, en 2007, le Canada a voté contre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA/UNDRIP). Le chef Littlechild a mentionné qu’il s’était senti totalement trahi par cette déclaration, après y avoir travaillé pendant 27 ans, et qu’il avait le sentiment que les personnes impliquées n’avaient pas respecté les droits de la personne. Madame Arbour a affirmé qu’il faut du courage pour joindre le geste à la parole en matière de droits de la personne. Les pays occidentaux ont souvent excellé à demander aux autres de faire un travail difficile dans ce domaine, mais lorsqu’il a incombé au Canada d’affronter des problèmes difficiles chez lui, « nous étions invisibles ». « Nous devrions prendre l’initiative sur ces enjeux domestiques difficiles », a-t-elle ajouté.
Les leaders responsables de la présence du Canada à l’international proviennent de la société toute entière, et non pas seulement du gouvernement.
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Le chef Littlechild a expimé son accord avec ses points de vue, et signalé que les Autochtones semblent devoir s’adresser à des institutions onusiennes, à l’étranger, pour susciter des changements chez eux, au Canada, alors qu’il devrait être possible de faire ceci ici. Il a suggéré que, pour une plus grande efficacité, la communication et l’influence au sein du « club de l’ONU » pourraient être mieux coordonnées et en collaboration plus étroite avec des ONG. Avançant une idée qu’elle a qualifiée de radicale, madame Arbour a suggéré une réforme afin que les Nations Unies et la Cour internationale de Justice incluent une plus grande représentation officielle d’acteurs non étatiques, comme les Autochtones, les femmes ainsi que les groupes d’intérêt, suivant en quelque sorte un modèle sénatorial. Le chef Littlechild a signalé que les peuples autochtones se sont adressés aux Nations Unies non pas uniquement avec des problèmes, mais aussi en proposant des solutions basées sur des années de sagesse collective et d’intendance de la terre – des solutions qui permettraient d’avoir un grand impact dans la réponse à des défis comme le changement climatique ainsi qu’en matière de résolution de conflit. Il a mentionné que cette volonté de contribution était le but premier, en entrant sur la scène internationale. Appuyant le point de vue selon lequel nous avons besoin d’une multiplicité de voix, madame Arbour a affirmé qu’il est de plus en plus important de comprendre les perspectives des peuples autochtones. Les panélistes ont réitéré leur engagement à la justice et à l’égard des générations futures. Le chef Littlechild et madame Arbour s’entendaient à dire qu’il reste encore beaucoup de travail à faire en ce qui concerne la réconciliation et la réparation des dommages causés par l’indifférence apparente, pour les filles et femmes autochtones disparues, de même que par le système des pensionnats. Dans une reconnaissance profonde et émouvante de la souffrance des peuples autochtones à ces égards, le chef Lifflechild et madame Arbour ont convenu qu’il s’agissait réellement de génocides d’après la définition onusienne de ce terme, et qu’une grande partie du Canada est en déni à cet égard.
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Discours de clôture : Réflexions de Michaëlle Jean sur le leadership canadien Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean, 27e gouverneure générale du Canada et 3e secrétaire générale de la Francophonie, a fait remarquer que les valeurs universelles constituent le fondement de l’engagement du Canada dans le monde: des valeurs qui incluent la démocratie, la primauté du droit, la bonne gouvernance, l’égalité et la diversité. Ces valeurs permettent au Canada d’engager et d’inspirer les gens du monde entier. Le monde compte pour les Canadiens et les Canadiens comptent pour le monde, a-t-elle insisté. Partout dans le monde, les gens se tournent vers le Canada pour savoir ce qui se passe ici et prêtent attention à la fois aux organisations de la société civile et aux citoyens, en encourageant les contacts et en ouvrant le dialogue, ce qui est important car cela nous donne l’occasion de créer des changements. « Nous devons nous réinventer dans un monde de plus en plus tumultueux », a expliqué l’ancienne gouverneure générale, et le faire avec un but précis, une direction ainsi que l’engagement d’ajouter une réelle valeur à la vie des gens partout dans le monde. Elle a déclaré que « le Canada doit être exemplaire », ne pas se replier sur le provincialisme, renoncer à un plus grand intérêt personnel éclairé par l’intérêt national à court terme et d’esprit étroit. En effet, le Canada est dans une position unique pour forger des alliances, étant donné notre tendance à rechercher un partenariat complet basé sur la réciprocité. La gouvernance internationale est trop importante pour être laissée aux seuls gouvernements – et toutes les solutions doivent impliquer la société civile. « Les citoyens auront le dernier mot » a-t-elle déclaré, et nous devons les écouter.
La journée a débuté avec un exemple concret démontrant combien les canadiens sont bel et bien ancrés dans le monde. Elle s’est terminée par un exemple de l’ancrage profond du monde dans le Canada.
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Souper de célébration et présentation de prix honorifiques Lors du souper de célébration du 28 octobre, Canada Global a remis pour la première fois des Prix du leadership mondial, à des Canadiens qui ont contribué toute leur vie à projeter l’influence de notre pays dans la résolution des défis mondiaux. Les lauréats et lauréates des Prix du leadership mondial sont le gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney; l’honorable Louise Arbour; Lyse Doucet, correspondante internationale de la BBC; le grand chef Wilton Littlechild; John et Marcy McCall MacBain, cofondateurs de la fondation McCall MacBain; le très honorable Brian Mulroney, 18e premier ministre du Canada; et Steven Pinker, scientifique cognitif, psychologue expérimental, professeur à l’Université Harvard. L’honorable Elizabeth Dowdeswell, lieutenante-gouverneure de l’Ontario, a souhaité la bienvenue aux invités au souper de célébration et à la remise des prix. Elle a décrit la conférence comme une journée de dialogue sur l’identité canadienne et sur le type de nation que nous pourrions et devrions être. Alors que nous réfléchissons aux obligations et aux opportunités dans le monde en général, a déclaré madame Dowdeswell, nous devrions nous concentrer sur la durabilité et la résilience, sans oublier notre patrie et le risque de perte d’un mode de vie traditionnel et d’une identité commune. Les gens sont en quête de leadership et cette conférence a généré de nombreuses idées convaincantes sur ce front ainsi qu’une déclaration de responsabilité collective. « Nous sommes un pays qui donne l’exemple, avec une générosité d’esprit et un engagement peu commun en faveur de la justice sociale et d’une paix durable. »
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Comprendre le monde et l’améliorer Lors d’une table ronde, Lyse Doucet, correspondante de la BBC, Steven Pinker, professeur à Harvard, et John McCall MacBain, philanthrope, ont fait part de leurs observations concernant les liens tissés par les Canadiens à l’échelle internationale et l’utilisation qui en est faite pour influencer leur vie au pays et à l’étranger. Dans son introduction, madame Doucet a mentionné que les membres du panel étaient originaires de petites villes et que cela leur avait peut-être donné, pour représenter le Canada sur la scène mondiale, de précieuses habiletés basées sur la tradition de traiter les gens de manière ouverte, amicale et égale.
Madame Doucet a fait remarquer que les institutions journalistiques sont maintenant attaquées et, par le fait même, les autres institutions démocratiques également. Sous des applaudissements enthousiastes, elle a imploré le public à considérer les journalistes comme un aspect vital du tissu social et de ne jamais les tenir comme acquis. Malgré le changement perçu dans le discours politique récemment, elle a demandé aux panélistes s’ils voient encore le Canada comme étant exceptionnel? M. Pinker a indiqué qu’il est inévitable de rencontrer des problèmes, mais que des données démontrent que la vie est en fait meilleure aujourd’hui que dans le passé. Des statistiques canadiennes indiquent également que de nombreuses facettes de la vie ici sont effectivement meilleures que dans d’autres pays industrialisés, et nous devrions en être fiers, a-t-il ajouté. Faisant allusion à la mesure du « bonheur », il a signalé que le Canada se situe au très respectable neuvième rang parmi 193 pays. Il a adopté une vision tout aussi optimiste pour l’avenir, affirmant qu’il ne s’attendait pas à ce que le Canada succombe au populisme autoritaire qui est actuellement en essor dans le monde. Le Canada n’aspire pas à être exceptionnel, a ajouté M. Pinker, mais il s’efforce d’améliorer la vie des gens et se maintient à l’avant-garde du progrès.
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On a ensuite souligné l’importance de l’éducation comme facteur le plus important qui contribue à la qualité de vie d’une population ainsi qu’au degré de stabilité et à la croissance d’un pays. Consciente de ce fait, la Fondation McCall MacBain, fondée par John et Marcy McCall MacBain, a fait don de dizaines de millions de dollars en bourses d’études et ressources éducatives dans le monde entier. Ancien boursier Rhodes, et membre du conseil de gouvernance du Rhodes Trust, monsieur McCall MacBain a déclaré qu’il s’efforce d’accroître les possibilités offertes aux jeunes qui démontrent le potentiel d’améliorer des vies et de représenter leur pays aux plus hauts échelons de leadership. C’est en investissant dans le capital humain que l’on fait le plus de différence, a-t-il affirmé, en décrivant comment madame McCall MacBain et lui se sont sentis interpelés à soutenir des causes éducatives. En offrant une bourse d’études pour fréquenter l’Université McGill, leur souhait est de se concentrer non seulement sur les étudiants les plus brillants déjà inscrits dans des universités prestigieuses, mais aussi sur ceux et celles qui pourraient autrement passer inaperçus ici, au Canada. Monsieur McCall MacBain a déclaré espérer que les bourses d’études accordées par sa fondation permettent de façonner les capacités de leadership des générations futures, et il a souligné le fait que des Canadiens et des Canadiennes occupent partout des postes prestigieux de leadership, à la tête d’établissements universitaires et autres.
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Leçons en matière de leadership mondial Pour couronner la soirée, Lisa Laflamme, chef d’antenne et rédactrice en chef de CTV News, a interviewé le 18e premier ministre du Canada, le très honorable Brian Mulroney. Citant l’ancien président américain Bill Clinton, monsieur Mulroney a déclaré que « le leadership est la capacité de regarder un peu plus loin que le coin de l’histoire ». Il a expliqué que son leadership a cherché à le faire, et a vu la mondialisation se produire. Actuellement, le leadership est miné par l’accent mis sur la popularité, a-t-il dit, plutôt que sur l’obtention de résultats. Il a fait remarquer que la prise de décisions difficiles et l’obtention de résultats ne sont pas à la hauteur de la popularité, en particulier au Canada, car il estime que les Canadiens sont particulièrement résistants au changement. De cette façon, le leadership ne consiste pas à décider si une décision est bonne pour la popularité, mais plutôt si elle est bonne pour le Canada. Concernant la notion de déclin de la respectabilité dans le discours public, le culte de la personnalité et les nouvelles divisions dans la société, monsieur Mulroney a adopté un point de vue optimiste, suggérant qu’il ne s’agissait pas vraiment de phénomènes nouveaux mais qu’il faudrait un bon leadership pour surmonter les problèmes actuels. Il a fait remarquer que les dirigeants politiques actuels ont de plus grands défis à relever qu’à son époque, en ce qui touche les relations internationales, notamment avec l’administration états-unienne.
Monsieur Mulroney a décrit le Brexit comme une calamité, et a déclaré qu’il estimait qu’une fausse notion de souveraineté et une tromperie pure et simple ont rendu les gens aveugles aux rôles de maintien de la paix et de leadership que peuvent jouer les pays au sein d’unions stables. Il a fait remarquer que le Canada excelle depuis longtemps dans le maintien de la paix, par exemple en ex-Yougoslavie, et qu’il devrait redynamiser son rôle dans les missions de maintien de la paix à l’échelle internationale. En réponse à une question visant à savoir si le Canada s’est égaré à certains égards, monsieur Mulroney a mentionné que nous devrions contribuer davantage à l’aide internationale et aux institutions internationales comme l’OTAN et l’ONU. Il a mis en garde contre la supposition voulant que « le monde a besoin de plus de Canada », laissant entendre que cette déclaration deviendra vraie lorsque le Canada sera à la hauteur de ses responsabilités de leader.
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En conclusion, Ben Rowswell a remercié les participants des 16 sections du Conseil international du Canada, d’un océan à l’autre, qui se sont joints aux discussions tenues à Toronto. Ensemble, les Canadiens qui se rassemblés ici représentent une communauté de citoyens engagés pour un rôle plus ambitieux de notre pays sur la scène mondiale. Cette communauté a la possibilité de se rassembler pour se mobiliser et pour mobiliser les autres Canadiens afin de commencer à renforcer l’impact de notre pays dans le monde. Robert Greenhill a conclu en demandant aux participants de prendre en compte les générations futures et de s’engager à long terme en faveur du développement international. « Non seulement est-il possible de faire mieux, c’est ce que nous avons fait dans le passé – et il est temps pour nous de redécouvrir cela. »
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Merci Canada Global et le Conseil international du Canada remercient les organisations suivantes pour leur soutien :
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