Recensement des laridés hivernants en Normandie (hiver 2012-2013) 4ème recensement des laridés en hiver Bruno Chevalier (mai 2013)
Résumé : Le GONm a mené son quatrième recensement des laridés hivernants au cours de l’hiver 2012-2013. Cet article se propose de comparer ces nouvelles données à celles collectées lors des précédentes enquêtes1.
1. Méthode L’enquête a été conduite selon les mêmes procédures que lors des éditions précédentes : recensement des goélands et des mouettes à leur arrivée au dortoir. Elle prévoyait de recenser les laridés entre le 8 et le 23 décembre. Dans les faits, 75 % des oiseaux ont été dénombrés en décembre, et 25 % du 1er au 15 janvier, dont l’ensemble de ceux hivernant en Seine-Maritime, recensés à l’occasion de l’enquête WI « Oiseaux d’eau en janvier ». Selon la nature des sites, les recensements ont été réalisés seuls ou en réseau. De fait, si il n’est pas trop compliqué de recenser quelques centaines à quelques milliers de laridés sur un plan d’eau, le dénombrement de plusieurs dizaines de milliers d’oiseaux arrivant aux dortoirs dans les grandes baies normandes, nécessite un travail en équipe, d’observateurs expérimentés. Par ailleurs, un certain nombre d’espèces ne se prêtent pas à cette méthode (goéland leucophée, mouette pygmée, tridactyle, sterne caugek et autres laridés plus rares), raison pour laquelle elles ont été recensées le plus souvent en journée. 2. Qualité de la couverture régionale Plus de 45 observateurs ont participé à ce quatrième recensement des laridés hivernants en Normandie, le premier organisé par P. Sagot ayant eu lieu en 1984, les suivants organisés par G. Debout en 1996-1997 et 2004-2005. Lors de ce dernier hiver, la couverture régionale a été très bonne dans la Manche et le Calvados (> 80 %), bonne en Seine-Maritime (+/- 80 %), médiocre dans l’Eure (< 50 %) ; aucune donnée dans l’Orne. Cependant, nous considérons que les enquêtes de 1996-1997, 2004-2005 et 2012-2013 ont bénéficié globalement d’une couverture comparable, même si localement nous observons des écarts non négligeables qu’il est impossible, a posteriori, d’imputer plutôt à cette variable, aux compétences des observateurs, où encore à des fluctuations d’origine diverses (météorologie, évolution de l’aire d’hivernage, dynamique des populations, etc.). Informé trop tardivement pour relayer l’enquête nationale mise en œuvre en décembre 2011, le GONm a transmis à cette date les données partielles qu’il avait recueillies et a fait savoir à l’animateur, Philippe-Jacques Dubois, que l’enquête serait faite en Normandie, l’année suivante. Cependant, celui-ci a jugé depuis que ce décalage ne permettait pas d’intégrer les recensements réalisés en 2012-2013. 1
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3. Résultats Le tableau présente la part relative des laridés hivernants en Normandie pour chacune des trois dernières enquêtes, par rapport au total national. Pour établir cette proportion pour la dernière édition, nous avons déduit des effectifs nationaux les effectifs partiels transmis pour 2011- 2012, puis intégré ceux recensés en 2012-2013. Malgré cette liberté prise avec le protocole national, quand la couverture nationale présente elle-même des variations importantes qui biaisent les analyses issues de ces comptages, nous pouvons admettre que la Normandie occupe toujours la seconde place en France métropolitaine, derrière la Bretagne, avec plus de 20 % des effectifs recensés. Espèce
1996-1997 2004-2005
2012-2013
Laridés species
0
-
48.76
Grand labbe
-
100
21.43
Goéland marin
24.55
31.16
26.54
Goéland brun Goéland leucophée Goéland argenté Goéland bourgmestre
0.21 0.04 33.5 33.33
0.5 0.14 24.61 0
2.09 0.11 29.16 12.50
Goéland cendré
25.27
47.56
35.54
0
0
20.00
Mouette mélanocéphale
9.32
19.84
20.72
Mouette rieuse
17.68
23.77
21.82
Mouette pygmée
35.55
52.4
27.03
Mouette tridactyle
82.63
35.67
16.65
Sterne pierregarin
0
-
33.33
0.68
9.29
6.79
17.42
22.93
22.26
Goéland à bec cerclé
Sterne caugek TOTAL
Figure 1 : Part relative de la population nationale des laridés hivernant en Normandie
Pour les raisons évoquées précédemment (couverture, compétences, fluctuations, effectifs en présence…), le bilan des trois derniers recensements de laridés hivernants en Normandie (figures 2, 3, 4 & 5) ne permet pas de proposer une tendance pour chacune des espèces concernées malgré un pas de temps suffisant. Cependant, nous pouvons dire que : - Le goéland marin progresse proportionnellement au nombre de nicheurs, les effectifs du goéland brun progressent d’un facteur 3, et ceux de la mouette mélanocéphale ont été multipliés par 10 depuis 1997. Ces trois espèces ont progressé dans les mêmes proportions au niveau national au cours des 15 dernières années ; - Le goéland leucophée, moins présent à cette date et sous détecté lors de ces enquêtes en Normandie, est, néanmoins, jugé stable comme au niveau national, remarque qui vaut également pour la sterne caugek dont les données de l’enquête Wetlands vont dans ce sens également depuis 2006, après avoir nettement progressé en Normandie au cours de la décennie précédente ; - La mouette rieuse est en diminution de 25 %, comme au niveau national ; le goéland
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argenté connaît un recul sensible depuis l’hiver 1996-1997 que l’on est tenté de lier à la baisse des effectifs nicheurs observés en Europe de l’ouest, même si l’on note une nouvelle progression entre l’hiver 2004-2005 et 2012-2013 ; Les effectifs de goéland cendré recensés en Normandie sont fortement influencés par les rigueurs climatiques observées en Belgique et aux Pays-Bas qui accueillent 50 % de l’effectif européen ; La présence en nombre d’espèces pélagiques sur nos côtes (mouette tridactyle, mouette pygmée) est liée aux dépressions affectant la mer de la Manche.
Espèce Laridés species Grand labbe Goéland marin Goéland brun Goéland leucophée Goéland argenté Goéland bourgmestre Goéland cendré Goéland à bec cerclé Mouette mélanocéphale Mouette rieuse Mouette pygmée Mouette tridactyle Sterne pierregarin Sterne caugek TOTAL
Nombre d'oiseaux 1997 2005 2013 0 0 6227 0 1 3 2944 3478 4735 202 273 825 50 55 61 76752 44219 58759 2 0 1 18528 27863 15025 0 0 1 373 1304 3935 205671 210175 154932 305 131 60 352 112 196 0 0 1 5 25 41 305184 287611 244802
Evolution en % 1997-2005 2005-2013 1997-2013
18 35 10 -42 -100 50
-46
+61 +308 +22 -23 -50 -19
250 2 -57 -68
202 -26 -54 75
+955 -25 -80 -44
400 -6
64 -15
+720 -20
Figure 2 : Evolution des effectifs entre 1996 et 2012
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200 36 202 11 33
Figure 3 : Evolution relatives des effectifs entre 1996 et 2012
Figure 4 : Variations des effectifs de goéland argenté, cendré, et de mouette rieuse depuis 1996
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Figure 5 : Variation des effectifs de goéland marin, brun, et de mouette mélanocéphale depuis 1996
4. Répartition régionale Cette répartition se fait en fonction de l’importance de la zone intertidale, de la géomorphologie des côtes, de la couverture des sols arrière-littoraux et du réseau hydrographique (espèces plus continentales que marines), de la proximité des sites de nidification (cf. figures 7,8 & 9). Dans le tableau ci-dessous (figure 6), nous présentons la part relative spécifique des sites fonctionnels cumulant au moins 50 % des effectifs, et indiquons leur part régionale globale. Dix sur 30 au total (baie de Seine comprise), accueillent près de 75 % des laridés hivernant en Normandie. Comme pour d’autres oiseaux d’eaux, quand bien même ceux-là se dispersent sur de vastes territoires en journée, on observe de fortes concentrations y compris pour les espèces les mieux représentées. Ainsi, plus de 50 % des mouettes rieuses et des goélands cendrés (figure 7) passent la nuit dans seulement 2 sites fonctionnels (baie des Veys et baie du Mont-Saint-Michel) ; plus de 50 % des mouettes mélanocéphales (figure 8) hivernent entre Grandcamp-Maisy (14) et Barfleur (50), soit 10 % du littoral normand ; les côtes du Calvados accueillent plus de 45 % des goélands argentés (figure 7) regroupés pour l’essentiel entre Courseulles-sur-Mer et Deauville, soit 7 % de notre linéaire côtier ; le littoral Seino-marin accueille 53 % des goélands marins et 83 % des goélands bruns (figure 8) ; la quasi totalité des goélands leucophées (figure 9) sont recensés sur le littoral augeron (sous détectés dans l’Eure). Les autres espèces, outre les pélagiques, ont des comportements plus erratiques, mais la mouette tridactyle (figure 9), par exemple, s’observe presque exclusivement sur les côtes du Calvados et du littoral Seino-marin, non loin des colonies.
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Baie des Veys Baie d'Orne Baie du Mont-Saint-Michel Canal de Caen à la mer Côte de Nacre Côte du Bessin Grande rade de Saint-Vaast-la-Hougue Littoral augeron Littoral Seino-marin
13 33
56 32
10 10 23 32
9 98 83
53
Figure 6 : Importance relative des principaux sites d'hivernage en 2012-2013
Figure 7 : Répartition des 3 principales espèces de laridés l’hiver 2012-2013
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TOTAL
Sterne caugek
24 70
22 13
Mouette tridactyle
Mouette rieuse
Mouette pygmée
Mouette mélano
Goéland marin
Goéland leucophée
Goéland cendré
Goéland brun
Goéland argenté
Importance des sites fonctionnels par espèce et globalement (%)
18 2 23 2 4 1 3 6 8
Figure 8 : Répartition des espèces de rang 4 à 6 l’hiver 2012-2013
Tableau 9 : Répartition des espèces de rang 7 à 10 l’hiver 2012-2013
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Conclusion
Malgré les difficultés liées à la réalisation de ce 4ème recensement (une certaine approximation des comptages en présence d’un très grand nombre d’oiseaux, les problèmes d’identification en vol, à grande distance, dans des conditions médiocres du fait de l’horaire, de la saison…), du même ordre que celles rencontrées lors des éditions précédentes et constituant de ce fait un biais acceptable, les résultats de cette nouvelle enquête répondent aux attentes. A savoir, disposer d’une nouvelle série de données qu’il est possible de comparer aux précédentes, permettant de suivre l’évolution numérique et la répartition géographique de ce groupe assez peu étudié en dehors de la période de reproduction.
Je remercie très chaleureusement les contributeurs mentionnés ci-après et ceux que j’aurais pu oublier : Jacques Alamargot ; Philippe Allain ; Alain Barrier ; Matthieu Beaufils ; Guy Béteille ; Bretagne-Vivante-SEPNB ; Luc Calais ; Claire Chapon ; Samuel Crestey ; Franck Dauguet ; Gérard & Claire Debout ; Marc Deflandre ; Thierry Démarest ; Jocelyn & Céleste Desmares ; Catherine Faucheux ; Fabrice Gallien ; Christian Gérard ; Daniel Giot ; Audrey Hémon ; Yannick Jacob ; James Jean Baptiste ; Stéphanie Josse ; Stéphane Lecocq ; Charles Legeleux ; Laurent Legrand ; Samuel Lothon ; Daniel Lung ; Jean-Pierre Marie ; Gilles Poidevin ; Vincent Poirier ; Sébastien Provost ; Régis Purenne ; Jacques Ramond ; Jean-Luc Rezé ; RNN estuaire de Seine ; Eric Robbe ; Gilbert Vimard ; Elisabeth Willay.
Bibliographie : • P. Sagot (1985). Recensement hivernal des laridés en France (Janvier 1984. GTOM/CRBPO. Rapport dactylographié, non paginé. •
CREAU, Y. & DUBOIS, P.J. (1997).- Recensement des laridés hivernant en France. Hiver 1996/97. Ornithos 4(4) : 174-183
• Y. Créau (1998). Les recensements de laridés au dortoir sur les côtes de la mer de la Manche au cours de l’hiver 1996/1997. Le Cormoran (47 : 130-134. • DUBOIS, P.J. & JIGUET, F. (2006) - Résultats du 3ème recensement des Laridés hivernants en France (hiver 2004-2005). Ornithos 13(3) : 146-157. • DUBOIS, PJ. & ISSA, N. (2013) - Résultats du 4ème recensement des Laridés hivernants en France (hiver 2011-2012). Ornithos 20(2) : 107-121.
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