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ARCHITECTURE
LA PIEDAD : ARCHI-SCULPTURE
par AURORE DE GRANIER
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La Piedad © César Béjar
Une maison est avant tout un lieu de vie. Un espace fait pour accueillir des habitants, seul, en famille, utilitaire, fonctionnel en un mot. La base de l’architecture, sa fonction première, est le résultat des logements que nous connaissons si bien et se fondant sur un principe simple, celui de la nécessité. Quatre murs et un toit pour se préserver de l’extérieur, une cuisine, des chambres, une salle d’eau pour répondre à nos divers besoins. Mais depuis toujours les architectes repoussent les limites de cette discipline, conservant l’utile, mais le mêlant à l’agréable, et au beau. Le projet de La Piedad, situé dans la province de Michoacán au Mexique et imaginé par le bureau d’architectes Cota Paredes Arquitectos, semble repousser encore un peu les frontières de la discipline en proposant un espace d’habitation s’apparentant à une sculpture. Quand la maison joue les œuvres d’art.
La Piedad © César Béjar
La Piedad © César Béjar
Au milieu du désert, elle s’élève comme une sculpture monumentale renfermant un mystère. La Piedad, projet porté par le bureau d’architectes Cota Paredes Arquitectos suite à la commande d’une famille, surprend et fascine. Blanche comme la craie, la villa aux étranges formes géométriques, toute en hauteur et en recoins, s’est débarrassée de tous les préjugés qui entourent l’architecture classique d’une demeure familiale. Sa structure rappelle la coquille de l’escargot, s’enroulant sur elle-même mais dans des formes beaucoup moins organiques, faisant à l’inverse appel à une géométrie stricte où l’angle droit règne en maître. Ce choix structurel, et l’élévation du bâtiment, relèvent de la parcelle sur laquelle la villa se devait d’être construite. Ses dimensions réduites, ne dépassant pas les 10 mètres sur 35 mètres au sol, et l’inclinaison du sol sur 3 mètres ont forcé les architectes à revoir les codes de la maison pour aboutir à un projet cohérent dans un espace aussi restreint. L’élévation monumentale du bâtiment prend alors tout son sens. La disposition des lieux est elle classique, pièces à vivre au rez-de-chaussée, accompagnés d’une chambre, et le reste de l’espace nuit à l’étage.
Mais les codes de l’architecture classique s’arrêtent ici. Le rez-de-chaussée est lui-même divisé en trois patios, offrant un rapport ambigu entre extérieur et intérieur. Ils viennent diviser les espaces de vie commune, et offrent une certaine intimité, toujours créée par ces murs blancs éclatants identiques à la façade extérieure. De prime à bord, les deux espaces, hors et dans les murs, semblent bel et bien distincts, et pourtant en pénétrant dans les lieux le lien se fait évident. Au centre de la maison, comme point de convergence des trois patios, se trouve un jardin intérieur où la verdure vient tout à coup donner vie et casser le caractère immaculé de la villa. Si les alentours de la propriété sont relativement désertiques, le vert est omniprésent à La Piedad. Un jardin a été ajouté à l’arrière de la maison, tandis qu’un ficus pandurata a été planté dans le patio principal. Les touches de verdure se manifestent aussi dans les recoins de la maison, des pots monumentaux - et blancs comme neige, évidemment - contiennent des plantes exotiques, conférant à La Piedad une palette bicolore mêlant l’organique et la pureté.
La taille restreinte de la parcelle utilisée pour cette construction aurait pu aboutir à un résultat étriqué, étouffant. Mais les choix des architectes, notamment la faible exploitation de la mezzanine qui ne recouvre pas toute la surface du rez-de-chaussée, permet une impressionnante hauteur sous plafond dans les pièces à vivre, conférant un caractère aéré encore renforcé par le jardin intérieur.
La Piedad est alors à la fois indéniablement une villa, et indéniablement une sculpture. De l’extérieur, rien ne laisse transparaître de ce qu’elle renferme, ce qu’elle cache au regard, mais une fois entrés dans l’espace, c’est la maison idéale qui se dévoile. Un mirage d’archi-sculpture au milieu du désert.