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ART / EXPO
ARNE QUINZE, À FLEUR DE PEAU
par MINA SIDI ALI
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Arne Quinze dans son studio © Photographie: Dave Bruel
L’art tout entier de Quinze Arne s’inspire des beautés de la nature et des fleurs en particulier, qu’il passe des heures à cultiver et à étudier dans son jardin sauvage savamment aménagé autour de sa maison. Son arme de construction massive ? La beauté. Son dessein ? Nous interroger et nous convier à renouer avec nos racines : la nature ! Hôte d’honneur de la foire d'antiquités et d'objets d'art Brafa (19-26 juin), le plasticien déploiera ses pétales de talents à travers des peintures de grand format, dont un quadriptyque inspiré de son jardin aux quatre saisons, une série d’œuvres sur papier, une sculpture monumentale, des installations spatiales, sonores et vidéo, sans oublier un dessin du tapis. Tête à tête coloré avec un talent géant comme ses œuvres - aussi prolifique que philosophique.
Arne Quinze dans son jardin © Photographie: Dave Bruel
Vous êtes l’hôte d’honneur de la foire d'antiquités et d'objets d'art Brafa. Que nous réservez-vous lors de la manifestation ?
C’est une surprise ! Mais je peux déjà vous affirmer qu’il y aura beaucoup de couleurs. C’est essentiel dans cette vie remplie de gris surtout quand on vit dans un milieu urbain. L’homme s’éloigne de la nature et sa beauté. Je me sens investi par une mission : celle d’apporter de la couleur dans nos vies !
Vous avez débuté votre carrière artistique en tant que graffeur. Du street art à l’art public, il n’y a qu’un pas. On retrouve ici une griffe dissidente…
J’ai grandi dans un petit village au beau milieu de la nature entouré d’animaux, d’insectes et de plantes. À l’âge de 9 ans, on a déménagé à Bruxelles. J’imaginais Star Wars ou Avatar, un lieu fantastique. Mais la déception fût grande quand j’ai découvert une cité grisâtre, terne où tout était monotone où les baraques étaient limitées par leurs murs de béton. Par rébellion, je me suis entouré de mes couleurs. J’ai commencé par peindre des murs, des métros….Quand j’avais 15 ans, j’avais peint une rame de métro qui devait être inaugurée le lendemain. C’était du pur vandalisme mais une grande partie du public présent a pensé que cela faisait partie du show et a applaudi ! Cela a créé un débat entre ceux pour et ceux contre cette intervention. J’ai aimé l’énergie dégagée et cela m’a fait un déclic : j’avais trouvé comment reconnecter les gens. Notre premier contact avec le monde se fait dans une salle d’hôpital entre 4 murs en briques, puis on passe le plus clair de son temps durant son enfance à l’école entre 4 murs de béton, idem pour le travail plus tard et on finit dans un cercueil entre 4 planches de bois. Je ne comprends pas comment l’homme a pu se distancer autant de la nature. Les murs nous distancient les uns des autres. J’ai passé beaucoup de temps à étudier les habitats. C’est en se reconnectant à la nature que l’homme pourra revivre en symbiose et épanoui en zone urbaine à travers la notion de diversité et d’équilibre. J’aimerais qu’on tende vers ces villes humaines où prévalent les interactions sociales.
Et vous où habitez-vous ? Il y a t’il encore des murs dans votre maison ?
J’ai investi une vieille écurie et j’y ai mis plein de couleurs et cassé plein de murs ! (rires) Je vous avoue que je vis dans un quartier résidentiel entouré de voisins aux jardins tondus à la perfection. Je suis à l’encontre de cette tendance, ce qui a tout d’abord effrayé le voisinage. J’ai amené plein de pelleteuses et j’ai planté 25’000 plantes avec des centaines d’espèces différentes. Puis, j’ai ouvert mon jardin ce qui a rassemblé tout le monde. Cela me tient à cœur de planter. Depuis que je suis né (en 1971), l’Homme a détruit plus de 40% de la faune et la flore. N’avoir que du gazon bien vert, cela s’apparente à un désert. Il me semble essentiel de redonner à la nature un peu de tout ce qu’on lui prend en plantant. Cette notion de partage et d’ouverture est primordiale dans mon travail. Ainsi, je souhaite également qu’on ouvre les espaces culturels trop souvent emmurés.
Arne Quinze, Lupine sculpture © Photographie: Dave Bruel
Arne Quinze, Mojave sculpture
Arne Quinze, Lupine Centaurea, Mons © Photographie: Dave Bruel Vous avez réussi le pari d’intégrer des musées. Selon vous, est-ce un dilemme d’être un artiste de la rue, spécialisé à investir des espaces publics puis l’art institutionnel, muséal ?
Le dialogue est complètement autre. La démarche artistique est différente. Quand je réalise une installation dans la ville, c’est pour réagir à l’environnement. Je ne suis pas là pour créer un consensus mais pour les connecter et provoquer un dialogue. Dans un musée, j’amène mes couleurs et mes fleurs en apportant le dehors à l’intérieur. Et vice versa. Je veux ouvrir le musée à l’extérieur. Nous devons apprendre à regarder, à embrasser la beauté de la nature. C’est ce que j’essaie de transmettre à travers toutes mes œuvres.
Il y a chez vous une vraie démarche écolo-responsable. Quels sont vos matériaux de prédilection pour créer vos gigantesques installations ?
C’est très difficile de vivre complètement écolo. Cela passe d’abord par son alimentation. On tend du mieux qu’on peut vers cet idealtype. Dans ma vie privée, je roule en voiture électrique et j’use de panneaux solaires. Pour mes créations, je n’use que de matériaux recyclables à 100%. Ainsi, je n’use désormais plus que d’acier et d’aluminium. Ce n’est pas le plus écologique mais en contrepartie je plante un maximum de plantes. Pour un artiste, ce n'est pas évident. Même la peinture à l’huile n’est pas recommandée. Mais ces enjeux dépendent avant tout des actions de nos politiciens.
Arne Quinze à la 67ème édition Brafa Foire des Antiquaires de Belgique Tél. +32 02 513 48 31 www.brafa.art www.arnequinze.com
LE CHAT DÉAMBULE SUR LA RADE
par AMBRE OGGIER
Exposition le chat déambule © Le Chat
Le Chat le plus célèbre (après Hermès et Mishima bien évidemment) débarque à Genève. Après Paris, Bordeaux et Caen, l’exposition « Le Chat déambule » s’installe sur le quai Wilson avec vingt statues monumentales en bronze figurant le mythique Chat de Philippe Geluck. Une drôle de promenade à travers l’univers rempli d’humour et de philosophie de son créateur qui saura ravir toutes les générations. À découvrir jusqu’au 24 avril.
Exposition le chat déambule © Le Chat
Le Chat, l’illustre héros de bande-dessiné imaginé par l’artiste belge Philippe Geluck, prend ses quartiers sur la rive droite de Genève. Cet anti-héros inventé il y a presque quarante ans jouit d’une popularité intarissable auprès du public qui est toujours aussi friand de son humour décalé et de ses frasques aux accents philosophiques. Avec cette gigantesque exposition en plein air qui voyage de ville en ville, le dessinateur extirpe sa vedette de son cadre habituel en deux-dimensions pour lui donner vie à travers la sculpture en bronze. Pour réussir ce coup, il aura fallu plus de deux ans de travail à Philippe Geluck, aidé d’une soixantaine de collaborateurs, pour donner vie à son personnage. Les vingt œuvres en bronze massif ont nécessité un important déploiement de moyens. Il faut dire que ces statues ne sont ni légères ni discrètes. Culminant jusqu’à deux mètres de haut et pesant jusqu'à 2,5 tonnes chacune, elles viennent chambouler le paysage genevois de leur humour décalé.
« Roméo et Juliette ». Tel est le titre d’une des sculptures monumentales arrivées à Genève le mois précédent. Figurant le Chat qui tient une courte échelle au bout de laquelle se trouve un oiseau, cette œuvre peut prêter à sourire tant elle paraît incongrue. « Chaperlipopette » alors, qu’est-ce que l’artiste a voulu nous dire en comparant le mythique couple maudit à cette sculpture d’un chat et d’un oiseau perché ? « L’amour impossible » explique simplement Philippe Geluck le sourire en coin. À côté, d’autres sculptures sont plus cyniques, comme le Chat représenté en Atlas qui est condamné à soutenir une sphère remplie de déchets en plastique, un message fort sur le poids de la folie des hommes et notre impact sur l’environnement. Une exposition engagée qui interroge les comportements humains avec un humour mordant mais jamais acerbe.
Après s’être pavanée sur les Champs-Élysées à Paris au printemps dernier, l’exposition « Le Chat déambule » a été présenté à Bordeaux et Caen avant de poser ses quartiers en terre genevoise pour deux mois. Ensuite, l’exposition continuera sa route avec une prochaine étape annoncée à Bruxelles, la ville natale de Philippe Geluck. Une exposition itinérante qui a déjà su charmer le public et à raison.
Le Chat déambule Quai Wilson, 1201 Genève Jusqu’au 24 avril 2022 www.lechat.com
ANAIS COULON X CARAN D'ACHE : REFLETS DE NOS PAYSAGES
par AURORE DE GRANIER
La boutique Caran d’Ache des arcades de Plateforme 10 à Lausanne se met aux couleurs du paysage lémanique. L’artiste franco-suisse Anaïs Coulon vient investir ses vitrines l’espace de quelques jours avec pour source d’inspiration première le panorama du Lac Léman. Grâce à la gamme de peinture acrylique Caran d’Ache elle nous emmène alors dans un univers qui se veut miroir du paysage, où la poésie et l’onirisme viennent se mêler à la nature.
© Caran d’Ache
Au cœur du nouveau quartier artistique de Plateforme 10, la boutique Caran d’Ache nous offre une exposition à ciel ouvert, que l’on découvre d’abord depuis la rue. Ses vitrines ont été investies par l’artiste Anaïs Coulon et le resteront jusqu’au 6 mars prochain, donnant des couleurs aussi vives que poétiques à la boutique lausannoise. Dans ce projet, on retrouve toutes les influences de l’artiste qui a grandi au cœur d’une famille toute aussi créative, au mode de vie bohème et coloré. Après avoir décroché son diplôme à la HEAD, elle devient graphiste indépendante et multiplie les projets dans des univers divers, permettant à la créatrice de développer son travail dans différentes directions. Ses expériences la mènent alors à son style actuel, où la poésie de la couleur et de la touche est omniprésente. Expérimentant sur tous les supports, et fortement inspirée par la nature, elle se laisse tenter par l’acrylique dans ce projet pour la maison Caran d’Ache, où encore une fois les paysages environnants lui servent de source d’inspiration. Sur les vitrines de la boutique, les taches de couleurs vives explosent sur des panneaux modulables en bois venant offrir relief et profondeur à la composition. À travers les formes et les couleurs primaires employées, Anaïs Coulon propose alors un reflet du paysage lémanique tout en rêves et poésie. On y distingue les montagnes et les forêts, les végétaux, les collines, quelques références aux villes, et bien sûr, d’un bleu profond, le Léman. Dans la rue, les acryliques vives de Caran d’Ache nous interpellent, et nous invitent à entrer dans ce reflet des panoramas qui nous entourent pour les redécouvrir dans leur essence rêvée.
Installation d’Anaïs Coulon à la boutique Caran d’Ache de Plateforme 10 Lausanne À découvrir jusqu’au 6 mars 2022 Plateforme 10 – Arcades de 8 à 11, 16 Pl. de la Gare, 1003 Lausanne www.carandache.com
LE DESSIN : AUX ORIGINES DU DESIGN
par AURORE DE GRANIER
Pierre Charpin, Loop Drawing © Droits Réservés
Les créations de designers sont toujours découvertes dans leur finalité, mais au départ, tout commence par un dessin. C’est de cette phase cruciale qu’a décidé de traiter la nouvelle exposition hors les murs de la Villa Noailles, qui vient investir l’Hôtel des Arts TPM de Toulon avec un premier cycle dans cette série d’expositions dédiées aux dessins de designers. Le premier à en faire l’objet est Pierre Charpin, designer français notamment connu pour ses luminaires et son mobilier, mais qui se distingue également par son approche du dessin dans l’univers du design. L’exposition « Avec le dessin » nous propose de découvrir ses croquis et ses dessins aboutis dont certains d’entre eux sont présentés pour la première fois, de manière à mieux comprendre l’objet, mais pas seulement. Car au-delà de la finalité, le processus de création sur le papier se fait artefact à part entière, ouvrant une porte sur l’univers secret de l’esprit du designer. Quand le design dévoile ses origines.
Affiche de l'exposition Pierre Charpin, Avec le Dessin © Hôtel des Arts TPM de Toulon
PIERRE CHARPIN, DESSINATEUR DESIGNER Les objets imaginés par le designer français Pierre Charpin offrent au regard une délicatesse et une pureté indéniable. Ce caractère marqué dans ses créations est avant tout lié à son processus de travail, et à son amour pour le dessin. Depuis sa plus tendre enfance, Charpin dessine. Fils d’artistes, il confie « Si les souvenirs de mon enfance sont désormais vagues et lointains, je crois être en mesure de dire qu’à peine en capacité de tenir en main un crayon et de pouvoir ébaucher un signe, j’ai toujours dessiné ». Une passion inscrite dans ses gènes qu’il voit déjà comme son futur, sa carrière, avant qu’il ne rencontre le design italien. Par le hasard de la vie, Pierre Charpin change alors son regard sur le dessin, et s’il lui confère toujours une finalité artistique, il imagine l’emmener plus loin. Étape intermédiaire capitale dans le design d’objet, le dessin pour Charpin n’en reste pas moins un aboutissement à part entière, peu importe la finalité à laquelle il vise. La pratique du designer se distingue alors de celle de ses collègues. Il imagine « le dessin de dessin », des représentations en grand format de ces croquis aboutis, de ses études, qui rendent le travail du papier autonome, malgré son caractère préparatoire, l’étape qu’il constitue dans un projet de plus grande ampleur.
LA PART DU DESSIN Dessiner c’est aussi s’affranchir. Dans ses croquis préparatoires, Pierre Charpin imagine la forme, se joue de ses règles et oublie parfois ses contraintes. Seulement par le trait et la surface, il parvient à nous faire entrevoir le cheminement liant son esprit à sa main, le dessin à l’objet. En observant ses créations, parfois juxtaposées aux créations design auxquelles elles devaient aboutir, parfois autonomes, seules ou en série, on oublie presque la finalité de cet acte. Le dessin vit pour lui-même, et les contours du créateur se fondent entre artistes et designer, les deux fonctions inséparables.
Ses dessins mêlent alors avec équilibre recherche de la forme, étude de la fonction, et expression de la couleur. Qu’il s’agisse de recherches visant à une création précise, ou alors d’études sans but prédéterminé, les dessins de Pierre Charpin nous entraînent dans un univers où le design côtoie la poésie. On se laisse volontiers hypnotiser par ses traits infinis, tandis que parfois la simplicité d’une forme, le choix d’une couleur primaire, nous interpellent. L’exposition présentée à l’Hôtel des Arts TPM de Toulon rassemble des créations de toutes années confondues, témoignant à la fois de la versatilité du designer mais aussi de l’évolution de son dessin. Des célèbres Loop hypnotisants à la simplicité géométrique des Formes Noires, en passant par l’exploration des couleurs, c’est un panorama du designer qui nous est proposé, et qui en profite pour nous ramener à l’essence du design : le dessin.
Pierre Charpin, Avec le Dessin Du 5 mars au 30 avril 2022 Programmation de la Villa Noailles Hors les murs à retrouver à l’Hôtel des Arts TPM de Toulon 236 Boulevard Maréchal Leclerc, 83000 Toulon, France, www.hda-tpm.fr/fr/pierre-charpin-avec-le-dessin
EDOUARD JOHN RAVEL : TRIBUT
par MINA SIDI ALI
E. Ravel-Autoportrait © MAH Genève
Autrefois très célèbre et oublié après sa mort, le genevois Édouard John Ravel (18471920) se voit exposer à la Galerie du Boléro à Versoix à travers une réjouissante rétrospective. Très éclectique, le peintre, dessinateur, graveur, illustrateur et créateur d'affiches - oncle de Maurice Ravel - y révèle tous les talents de sa palette artistique. À aller zieuter jusqu’au 1er mai.
E.Ravel, Les premiers pas, 1884 © Collection J.L. Foralosso Geneve
E.Ravel, Saint-Honorat (Îles de Lérins) © Collection D. Rast
E.Ravel, L'école de dessin, 1879 © MAH Genève Le peintre Édouard John Ravel est né à Versoix en 1847. Après une très belle carrière, il sombre dans un oubli quelque peu illégitime. Pour remédier à cette injustice, le Boléro, Centre d'art et de culture de la Ville de Versoix propose une rétrospective de cet artiste aussi prolifique que talentueux. Scène de genre, portrait, peinture d’histoire, allégorie et décoration monumentale, la polyvalence d’Édouard John Ravel est mise en exergue avec dextérité dans le très bel édifice à l’architecture moderne. On notera que le nom de la galerie - trouvé par Olivier Delhoume, Chef du Service de la culture de la commune - sied à merveille au peintre, oncle du célèbre compositeur, Maurice Ravel.
Plus de 60 œuvres, proposées en huit thématiques, dévoilent la richesse et la diversité de la production du peintre genevois. Qu’il s’agisse d’immortaliser les portraits de notables locaux ou le charme médiéval d’Estavayer, cet amoureux du Valais est un adepte de la peinture en plein air. De l’impressionnisme à l’abstraction en passant par le fauvisme et l’art nouveau, Édouard John Ravel est passé à côté de tous les grands mouvements qui ont marqué son époque. Il a touché à tout. Pratiquant tous les genres et toutes les techniques, son éclectisme explique probablement la raison de son oubli dans les livres d’histoires d’art. Mais son prénom a également été éclipsé par celui de son neveu Maurice Ravel, qui fut également son héritier, et qui put ainsi acquérir la maison du Belvédère à Montfort-l'Amaury, devenue aujourd'hui la célèbre « Maison-Musée de Maurice Ravel ».
De nombreux musées et collectionneurs privés ont contribué à cette exposition exceptionnelle qui nous livre un trésor tant documentaire que patrimonial qu’il serait fort dommage d’ignorer. Notre coup de cœur ? La modernité et la fraîcheur déconcertante de certaines toiles.
RAVEL, le peintre! à la Galerie Boléro Jusqu'au 1er mai 8, chemin Jean-Baptiste Vandelle, Versoix. Tél. 022 755 16 54 www.versoix.ch