La Présidente
Lyon, le 4 septembre 2013
N°___________ Recommandée avec A.R. er
REF :
Ma lettre n° D131912 du 1 août 2013
P.J. :
1
Monsieur le Maire, Par lettre citée en référence, je vous ai communiqué le rapport d’observations définitives de la chambre régionale des comptes concernant la gestion de la commune de Tarare au cours des exercices 2006 à 2012. Celui-ci a également été communiqué, pour ce qui le concerne, à votre prédécesseur. A l’issue du délai fixé par l’article L. 243-5 du code des juridictions financières, je vous notifie à nouveau ce rapport, accompagné de votre réponse écrite. En application du même article, vous avez l’obligation de communiquer le rapport d’observations de la chambre, auquel doit être jointe votre réponse écrite, à votre assemblée délibérante, dès sa plus proche réunion. Il doit faire l’objet d’une inscription à l’ordre du jour de celle-ci, être joint à la convocation adressée à chacun de ses membres et donner lieu à un débat. Ce rapport devenant communicable dès cette réunion à toute personne qui en ferait la demande, conformément aux dispositions de l’article R. 241-18 du code des juridictions financières, je vous serais obligée de bien vouloir m’indiquer à quelle date ladite réunion aura eu lieu. En application de l’article R. 241-23 du code des juridictions financières, une copie du rapport d’observations est, en outre, communiquée au préfet de la région Rhône-Alpes, préfet du Rhône et au directeur régional des finances publiques de Rhône-Alpes et du département du Rhône. Je vous prie d’agréer, Monsieur le Maire, l’expression de ma considération la plus distinguée.
Catherine de Kersauson
Monsieur Thomas CHADOEUF-HOEBEKE Maire de la commune de Tarare Hôtel de Ville Place de la République 69170 TARARE
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RAPPORT D’OBSERVATIONS DEFINITIVES COMMUNE DE TARARE (Département du Rhône) Exercices 2006 à 2012
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SOMMAIRE
1-
PRESENTATION DE LA COMMUNE ............................................................................ 7
2-
L’EXAMEN DE LA FIABILITE DES COMPTES – PRESENTATION DES BUDGETS ET APPROCHE BUDGETAIRE ..................................................................................... 7 2.1La tenue de la comptabilité d’engagement ................................................... 7 2.2Les processus de préparation et d’exécution budgétaire ........................... 7 2.2.1La préparation du budget et les débats d’orientation budgétaire ................ 7 2.2.2L’exécution du budget ................................................................................ 9 2.2.3La reprise des résultats et le résultat global de clôture 2012 .................... 10
3-
LA SITUATION FINANCIERE...................................................................................... 11 3.13.23.33.4-
4-
L’autofinancement ........................................................................................ 11 Le financement des investissements .......................................................... 12 Les marges de manœuvre ........................................................................... 15 Synthèse des observations relatives à la situation financière .................. 16
LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES ......................................................... 16 4.14.24.3-
Une hausse très importante des dépenses de personnel depuis 2007 .... 17 Une information sur les effectifs lacunaire ................................................. 17 Une gestion critiquable des agents contractuels de catégorie A ainsi que des emplois fonctionnels ............................................................................. 18 4.3.1Les recrutements de non-titulaires sur des postes de catégorie A ........... 18 4.3.2La gestion des collaborateurs de cabinet et des emplois fonctionnels ..... 20 4.4Le départ du directeur de cabinet dans une entreprise dans des conditions non conformes aux prescriptions légales ............................... 23 4.4.1Rappel des prescriptions législatives et règlementaires ........................... 23 4.4.2L’absence de saisine de la commission par l’agent et l’administration ..... 24 4.5Synthèse des observations relatives à la gestion des ressources humaines....................................................................................................... 24 5-
LA COMMANDE PUBLIQUE ....................................................................................... 25 Un régime de délégation très large consenti à l’ordonnateur dans un contexte d’absence de service organisé et de procédure ......................... 25 5.1.1Les dispositions applicables..................................................................... 25 5.1.2Les délégations en matière de marchés et de l’information transmise ..... 25 5.1.3L’absence de service organisé et de cadrage en matière de marchés à procédure adaptée en interne .................................................................. 26 5.2L’examen d’un échantillon de marchés ...................................................... 28 5.2.1Le marché de végétalisation de l’Hôtel de Ville ........................................ 28 5.2.2Les achats de fournitures et de mobilier de bureau auprès de l’entreprise B entre 2009 et mi-2012 .......................................................................... 31 5.3La gestion du projet des Teintureries ......................................................... 34 5.3.1Eléments de contexte et rappel des faits.................................................. 34 5.3.2Rappel des modalités d’usage des avenants ........................................... 35 5.3.3L’utilisation potentiellement irrégulière d’avenants dans le cadre du marché de maitrise d’œuvre afin d’en changer l’objet .............................. 36 5.3.4L’utilisation potentiellement irrégulière d’avenants dans le cadre du marché de travaux ................................................................................... 36 5.1-
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5.4-
6-
Synthèse des observations relatives à la gestion de la commande publique ........................................................................................................ 38
LA GESTION DU PATRIMOINE COMMUNAL ............................................................ 38 Les règles de compétence et de mise en œuvre en matière d’aide à l’immobilier d’entreprise .............................................................................. 38 6.1.1Des actions exercées en non-conformité avec le respect du principe de compétence de la communauté de communes ........................................ 38 6.1.2Rappel des règles applicables en matière d’aide à l’immobilier d’entreprise .............................................................................................. 39 6.1.3Les règles applicables sur le territoire communal ..................................... 40 6.2La cession d’un domaine acquis par la commune ..................................... 41 6.2.1Eléments de contexte et rappel des faits.................................................. 41 6.2.2Des conditions très attractives consenties à l’entreprise, sans contrepartie formelle en matière de création d’emplois ................................................ 41 6.3L’opération de crédit-bail du 1er mars 2012 au profit de la société C........ 43 6.3.1Eléments de contexte et rappel des faits.................................................. 43 6.3.2L’examen du contrat ................................................................................ 43 6.4Synthèse des observations relatives à la gestion du patrimoine communal ..................................................................................................... 45 6.1-
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SYNTHESE La chambre régionale des comptes d’Auvergne, Rhône-Alpes a examiné les comptes et la gestion de la commune de Tarare de 2006 à 2012. Ses observations essentielles portent sur les pratiques budgétaires et comptables, la situation financière, la gestion des ressources humaines, la commande publique, ainsi que sur la gestion du patrimoine et les aides à l’immobilier d’entreprise. De manière générale, la qualité des procédures doit être améliorée dans plusieurs domaines, ce qui devrait passer par l’établissement d’un contrôle interne. Les progrès à accomplir en matière de gestion comptable et budgétaire concernent la sécurisation du circuit de la dépense, le suivi des engagements, mais aussi, en amont, la qualité des informations transmises aux élus préalablement au débat d’orientation budgétaire et la fiabilisation des annexes budgétaires relatives à l’état du personnel. Pour ce qui est de la gestion de ce dernier, la sécurisation des pratiques vise à assurer la maitrise des dépenses ainsi qu’à respecter les dispositions législatives et règlementaires, en particulier dans le domaine des emplois de non-titulaires. En matière de commande publique, l’absence de véritable service référent et de mesures d’encadrement interne jusqu’en fin d’année 2012 est sans doute l’une des causes des anomalies importantes constatées dans les procédures d’achat, qui mettent en cause la sécurité juridique des opérations examinées. Après un turn-over important de cadres entre 2009 et 2012, la commune a entamé, à la faveur d’une stabilisation de son organigramme, la refonte de l’ensemble de ses procédures. La chambre ne peut qu’encourager la collectivité à mener ce travail à son terme. La situation financière au début de l’année 2013 apparait comme très fragilisée, après une période critique entre 2011 et 2012. L’endettement a atteint un point haut alors que les taux d’imposition sont déjà supérieurs à ceux de la strate. La commune doit retrouver des marges de manœuvre internes, en comprimant la hausse tendancielle de ses dépenses de gestion, ainsi qu’en réduisant ses dépenses d’investissement et son endettement. Ces mesures imposent une réorientation drastique, notamment après l’importante opération de requalification de l’emprise industrielle des Teintureries de la Turdine. L’ensemble des coûts associés à cette dernière a entraîné à la fin de 2012 un déficit budgétaire de plus de 15 %, que la commune espérait limiter par la mise en place au début de 2013 d’un budget annexe à caractère industriel et commercial lui permettant d’y transférer la dette correspondante et de récupérer un crédit important de TVA. Cette démarche demeure sur le fond d’une régularité sujette à caution. Elle ne modifie en outre pas radicalement la situation de la collectivité qui n’a plus aujourd’hui de capacité substantielle de financement. Confrontée aux conséquences de la crise économique, la commune a réagi à partir de 2008 en mettant en place une politique destinée à attirer des investisseurs ou des entreprises, dont la requalification du site des Teintureries de la Turdine a constitué l’axe majeur. Pour les opérations concernées, les conditions d’installation très favorables consenties aux entreprises n’ont cependant été assorties d’aucune contrepartie formelle précise, notamment en termes de créations d’emplois. Ces opérations ont ainsi souvent été conduites en contradiction avec les prescriptions de l’Union européenne en matière d’aides économiques.
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RECOMMANDATIONS
1. Poursuivre la démarche de fiabilisation des procédures de contrôle interne en matière de circuit de la dépense et de marchés publics, notamment en mettant en place des personnels référents et des guides de procédure dans ces domaines. 2. Produire les informations nécessaires à destination des élus en amont des débats d’orientation budgétaire afin de sécuriser l’adoption des budgets. 3. Se conformer à la règlementation en matière de gestion des agents non titulaires, en particulier en revoyant au besoin les délibérations-cadres afférentes. 4. Sécuriser les procédures de gestion du patrimoine, notamment en matière d’aide à l’immobilier d’entreprise.
***
La chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes a procédé, dans le cadre de son programme de travail 2012, à l’examen de la gestion de la commune de Tarare pour les exercices 2006 à 2012. Le contrôle a été engagé par lettre de la présidente de la chambre en date du 30 août 2012, adressée, d’une part, à M. Thomas Chadoeuf-Hoebeke, maire de la commune depuis le 15 mars 2008 et, d’autre part, à M. Robert Lamy, son prédécesseur sur la période contrôlée. Les investigations ont porté plus particulièrement sur les points suivants :
la situation financière ; les dépenses de personnel ; la commande publique ; la gestion du patrimoine communal.
Les entretiens préalables prévus par l’article L. 243-1 du code des juridictions financières ont eu lieu le 15 février 2013 avec M. Bruno Peylachon, dûment mandaté pour représenter M. Lamy, et le 19 février 2013 avec M. Chadoeuf-Hoebeke. Lors de sa séance du 12 mars 2013, la chambre a formulé des observations provisoires qui ont été adressées le 9 avril 2013 à M. Chadoeuf-Hoebeke, ainsi que, pour celles les concernant, à M. Lamy et aux personnes physiques ou morales nominativement ou explicitement mises en cause. Après avoir examiné les réponses écrites et entendu en audition M. ChadoeufHoebeke le 5 juillet 2013, la chambre, lors de sa séance du même jour a arrêté les observations définitives reproduites ci-après.
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1-
PRESENTATION DE LA COMMUNE
La commune de Tarare est située dans les vallées des rivières Turdine et Taret à 45 km au nord-est de Lyon et à 25 km de Villefranche-Sur-Saône. Peuplée d’environ 10 500 habitants, elle s’étend sur une superficie de 1 399 ha dont un tiers boisé. Le budget de la commune dépassait 20 M€ en 2012 hors budgets annexes. Tarare est la ville centre de la communauté de communes du pays de Tarare (CCPT), qui comprend 16 communes pour un total de 22 900 habitants et exerce notamment des compétences déléguées en matière de développement économique et d’aménagement et de gestion des zones d’activités. Sur un plan historique, la ville doit son développement économique à l’industrie textile et plus particulièrement à la mousseline et à la draperie. Cette industrie a été progressivement complétée par les industries de l’agroalimentaire, de revêtement de sols et de construction navale de plaisance. Une partie significative de ce tissu industriel et commercial est aujourd’hui en crise. La commune connait un taux de chômage élevé ainsi qu’un nombre de foyers imposables très inférieur à la moyenne départementale. 2-
L’EXAMEN DE LA FIABILITE DES COMPTES – PRESENTATION DES BUDGETS ET APPROCHE BUDGETAIRE
2.1-
La tenue de la comptabilité d’engagement
La commune ne tient pas de réelle comptabilité d’engagement en l’absence d’engagement juridique global, notamment pour ses marchés, en contradiction avec les dispositions de l’instruction budgétaire et comptable M14 (Tome 2, titre 4, Chapitre 1) et de l’article L. 2342-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Elle ne disposait pas non plus, à la date du contrôle de la chambre, de document(s) ou de procédure(s) interne(s) sur le sujet. Ceux-ci étaient encore en cours d’élaboration depuis le milieu de l’année 2012. Ce manquement explique en partie les difficultés de paiement rencontrées par la collectivité à l’égard de ses fournisseurs entre l’été 2011 et l’été 2012. Dans sa réponse aux observations provisoires, l’ordonnateur indique qu’une procédure conforme a été mise en place au sein du service des finances, et doit maintenant être appliquée par les services. En matière d’engagement comptable, la chambre relève l’inexistence de procédures formalisées ainsi que l’absence de tenue exhaustive de comptabilité jusqu’au milieu de l’année 2012. Afin de sécuriser le processus de dépense, la chambre invite la commune à se conformer aux dispositions prévues par les textes en consolidant les procédures récemment formalisées. 2.2-
Les processus de préparation et d’exécution budgétaire
2.2.1-
La préparation du budget et les débats d’orientation budgétaire
• Rappel des modalités règlementaires encadrant le débat d’orientation budgétaire Conformément aux dispositions de l’article L. 2312-1 du CGCT, les communes de plus de 3 500 habitants doivent organiser dans les deux mois précédant l’adoption du budget un débat d’orientation budgétaire (DOB) qui porte sur les orientations générales du budget ainsi que sur les engagements pluriannuels envisagés. Le DOB, tenu dans des conditions fixées au sein du règlement intérieur, doit permettre à l’assemblée délibérante de déterminer les
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orientations à venir en termes de fonctionnement et d’investissement, de fiscalité et de recours à l’emprunt. Le débat est obligatoirement suivi d’une délibération qui prend acte de sa tenue. Sa préparation est assurée en amont par la communication d’une note de synthèse contenant les données essentielles permettant d’assurer une information suffisante des élus conformément à l’article L. 2121-12 du CGCT. • Les constats : des informations transmises en amont du débat de qualité très insuffisante depuis 2010 Les débats d’orientation budgétaire conduits jusqu’en 2009 apparaissent d’une bonne tenue générale et les documents de préparation alors transmis en amont sont de qualité. A l’inverse, la qualité des informations se réduit au titre des préparations des débats à partir de 2010, certes en l’absence de directeur financier mais alors même que des informations précises étaient disponibles du fait du soutien d’un cabinet extérieur pour l’élaboration des budgets. En matière d’investissement, aucun document pluriannuel relatif au plan d’investissement n’a ainsi été produit avant 2011, ce qui constitue une lacune substantielle dans un contexte où des travaux très importants ont été conduits. Au titre du budget 2013, l’information transmise s’améliore en qualité sans être a priori suffisante pour satisfaire aux exigences définies par la réglementation et la jurisprudence, la réunion de la commission des finances avant le débat ne pouvant se substituer à la transmission en amont des documents à l’ensemble des conseillers municipaux. Les conseillers municipaux ont ainsi reçu un rapport consistant en la mise à jour de l’analyse financière sans véritable note de synthèse expliquant les informations transmises et préparant au DOB. Aucun commentaire n’accompagne la mention du déficit global d’exécution 2012, ce qui ne permet pas d’appréhender les conséquences de ce résultat pour les exercices 2013 et suivants. Cette situation, en même temps qu’elle nuit à la transparence de données de gestion essentielles, est susceptible de faire peser un risque juridique important sur la procédure. Il a été en effet jugé qu’une note explicative de synthèse insuffisamment détaillée, ne permettant pas de considérer que les conseillers municipaux ont bénéficié d’une information suffisante, constitue une irrégularité substantielle de nature à entacher d’irrégularité la procédure d’adoption du budget primitif. Dans sa réponse, l’ordonnateur conteste l’observation de la chambre, en arguant principalement du fait que les débats ont toujours eu lieu, et que le CGCT pose très peu d’obligation de fond ou de forme quant aux documents à remettre ou transmettre aux élus. La chambre relève qu’il résulte bien des dispositions combinées des articles L. 2312-1 et L. 2121-12 qu’une note de synthèse doit être adressée aux élus en vue du débat. Elle observe par ailleurs que la jurisprudence a fait du DOB une formalité substantielle1, ainsi qu’elle a été amenée à préciser le niveau de détail qui était attendu, toujours dans le but que les membres de l’assemblée bénéficient d’une information suffisante pour se prononcer (cf. réponse ministérielle à la question n°113040 du 05/07/2011 – JOAN du 25/10/2011). La chambre relève que depuis 2010 la commune ne se conforme pas aux dispositions de l’article L. 2312-1 du CGCT en matière d’information transmise en amont du débat d’orientation budgétaire. La chambre engage la commune à produire les documents de synthèse nécessaires afin de sécuriser sur le plan juridique sa procédure d’adoption du budget.
1
CAA Douai 14 juin 2005, commune de Breteuil-sur-Noye ; TA Nice 10 novembre 2006, M. Antoine Di Lorio c/ commune de La Valette-du-Var ; TA Nice 19 janvier 2007, M. Bruno Lang c/ commune de Mouans-Sartoux).
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2.2.2-
L’exécution du budget
• L’exécution des recettes et des dépenses réelles de fonctionnement La prévision et la réalisation des recettes sur la période 2005 à 2012 n’appellent pas de remarque particulière, si ce n’est la part importante prise par les cessions dans les prévisions de recettes. La prévision et l’exécution des dépenses ont connu des variations plus marquées. Jusqu’en 2010, l’écart est proche de 10% entre la prévision et la réalisation, ce qui tend à indiquer une surévaluation des dépenses sur cette période. Le changement de mandature en 2008 s’accompagne de la plus faible consommation des crédits alloués, à moins de 85%. Toutefois, la hausse des dépenses exécutées est ensuite très rapide et le taux d’exécution en 2011 est de plus de 99%, un niveau qui n’atteste pas de la qualité des prévisions, mais de tensions extrêmes sur la trésorerie (cf. situation financière).
Sources : chambre régionale des comptes d’après les budgets et comptes administratifs de la commune
• L’exécution des dépenses réelles d’investissement En vue de réaliser son programme d’investissement, la commune a renforcé l’effectif des services techniques à compter de 2009. L’exécution des dépenses d’investissement a connu un point haut entre 2010 et 2012 notamment en raison des dépenses de travaux liées à la requalification du site des Teintureries de la Turdine en un pôle à vocation tertiaire. En raison notamment des tensions sur les finances entre 2010 et 2012, le niveau des restes à réaliser a atteint des montants significatifs et sous-évalués pour partie, en raison des lacunes d’enregistrement des engagements. Dans sa réponse aux observations de la chambre, la commune précise vouloir à l’avenir mettre en œuvre la gestion sous forme d’AP/CP afin de limiter les crédits inscrits en recettes et dépenses au budget.
Sources : chambre régionale des comptes d’après les budgets et comptes administratifs de la commune
Le niveau des dépenses exécutées, en fonctionnement comme en investissement, a augmenté rapidement à partir de 2008. L’exhaustivité et l’exactitude des restes ne peuvent être attestées entre 2009 et 2011 en l’absence d’un circuit fiabilisé de la dépense.
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2.2.3-
La reprise des résultats et le résultat global de clôture 2012
• La reprise des résultats des comptes de gestion et des comptes administratifs L’article L. 2121-31 du CGCT dispose d’une part, que « le conseil municipal arrête le compte administratif qui lui est annuellement présenté par le maire », et, d’autre part, qu’« Il entend, débat et arrête les comptes de gestion des receveurs sauf règlement définitif ». Le vote du conseil municipal arrête ainsi la conformité des deux documents, qui retracent la tenue des mêmes opérations chez le comptable et l’ordonnateur. Le conseil municipal a arrêté les comptes de gestion 2008 et 2009 alors que leurs résultats ne concordaient pas avec les comptes administratifs des années concernées. La différence provient de la reprise au budget principal 2008 du déficit de fonctionnement de clôture 2007 du budget annexe « Lotissement ». Conformément à la délibération 1-4 du 10 avril 2008, celui-ci a été repris en 2008 au compte de gestion alors que la collectivité a intégré ce résultat seulement en 2010 par décision modificative lors de la séance du vote du compte administratif 20092. • Le résultat global de clôture 2012 Selon les dispositions de l’article L. 1612-14 du CGCT : « Lorsque l'arrêté des comptes des collectivités territoriales fait apparaître dans l'exécution du budget, après vérification de la sincérité des inscriptions de recettes et de dépenses, un déficit égal ou supérieur à 10 % des recettes de la section de fonctionnement s'il s'agit d'une commune de moins de 20 000 habitants et à 5% dans les autres cas, la chambre régionale des comptes, saisie par le représentant de l'Etat, propose à la collectivité territoriale les mesures nécessaires au rétablissement de l'équilibre budgétaire, dans le délai d'un mois à compter de cette saisine (… ) ». En début d’année 2013, l’arrêté provisoire du compte administratif 2012 faisait ressortir un déficit de plus de 2,2 M€, équivalent à 15,3% des recettes de la section de fonctionnement. Afin de rétablir la situation, la collectivité a mis en place un budget annexe à caractère industriel et commercial regroupant l’ensemble des opérations conduites sur le site des Teintureries. Ce choix permet à la commune de récupérer une fraction importante de TVA (crédit TVA). Sur la forme, cette opération de création d’un budget retraçant l’activité d’un service public à caractère industriel et commercial (SPIC) a été conduite tardivement alors qu’elle aurait dû l’être dès le commencement du projet. La chambre la considère par ailleurs discutable sur le fond : tout d’abord au vu de la nature des opérations conduites (cessions et crédit-bail), qui ressortent plus d’opérations d’aménagement devant être rattachées à un budget retraçant l’activité d’un service public administratif (SPA), ensuite au regard du respect du partage des compétences opéré entre la commune et la communauté de communes (cf. partie 6). La chambre rappelle à la commune qu’il appartient au conseil municipal de vérifier la réalité de la concordance des comptes administratifs et des comptes de gestion et notamment des résultats d’exécution. Le résultat global de clôture 2012 est déficitaire de plus de 10 %, ce qui a entrainé une saisine de la chambre par le préfet pour déficit excessif.
2
De plus, la délibération du compte administratif 2009 reprenait le résultat du compte de gestion et non pas le résultat du compte administratif
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3-
LA SITUATION FINANCIERE
3.1-
L’autofinancement 1.1. La capacité d'autofinancement brute en €
Ressources fiscales propres + Ressources d'exploitation = Sous-total produits "flexibles" (a) Ressources institutionnelles + Produits de l'intercommunalité = Sous-total produits "rigides" (b) Production immobilisée (c ) = Produits de gestion (a+b+c=A) Charges à caractère général + Frais de personnel + Subventions de fonctionnement + Autres charges de gestion = Charges de gestion (B) Excédent brut de fonctionnement (A-B) en % des produits de gestion + Résultat financier + Résultat exceptionnel (réel hors cessions et quote part des subventions d'inv. transférées) = CAF brute
2006
2007
2008
2009
2010
5 717 241 389 405 6 106 646 6 256 217
5 721 443 462 045 6 183 488 5 902 992
6 114 624 414 483 6 529 106 5 664 481
6 310 252 409 913 6 720 165 5 469 495
6 860 944 506 019 7 366 963 5 654 880
6 256 217 5 902 992 5 664 481 5 469 495 5 654 880 294 789 283 409 298 465 428 730 307 130 12 657 651 12 369 889 12 492 052 12 618 389 13 328 972 2 460 064 2 284 290 2 519 980 2 715 696 3 032 065 4 678 550 4 975 003 5 061 731 5 356 285 5 552 400 1 340 225 1 168 678 1 221 808 1 260 080 1 433 088 621 229 642 516 706 463 580 535 531 057 9 100 069 9 070 487 9 509 983 9 912 596 10 548 610 3 557 583 3 299 401 2 982 070 2 705 793 2 780 363 28,11% 26,67% 23,87% 21,44% 20,86% -376 231 -350 767 -337 917 -231 114 -197 811
2011
2012 non voté
5 199 325 464 389 5 663 714 6 143 515 1 065 388 7 208 903 349 192 13 221 809 3 380 936 5 708 365 1 467 855 560 214 11 117 370 2 104 439 15,92% -249 824
5 062 002 542 113 5 604 115 4 190 000 2 998 344 7 188 344 245 516 13 037 975 3 466 479 5 648 365 1 119 415 672 836 10 907 095 2 130 880 16,34% -341 416
Var annuelle moyenne -2,36% 0,1% -2,2% 1,0% #DIV/0! 5,1% 5,4% 1,7% 10,3% 3,5% 5,9% -3,4% 5,2% -10,6% -8,1%
-1 204
-581
-5 901
40 290
43 320
-57 258
-49 443
215,1%
3 180 148
2 948 054
2 638 252
2 514 970
2 625 872
1 797 358
1 740 022
-11,6%
Sources : chambre régionale des comptes d’après les comptes administratifs et comptes de gestion de la collectivité
L’excédent brut de fonctionnement (EBF) représente l’excédent des produits courants sur les charges courantes de la section de fonctionnement, hors produits et charges financières ainsi qu’exceptionnelles. La capacité d’autofinancement (CAF) représente l’excédent du fonctionnement utilisable pour financer l’investissement. Une fois déduit de la CAF brute l’amortissement du capital de la dette, on obtient la CAF nette disponible ou épargne nette qui va permettre de financer les dépenses d’équipement de la commune. Jusqu’en 2008, la commune dégage un EBF plutôt satisfaisant, autour de 25% des produits de gestion, suffisant pour conduire une politique d’investissement raisonnée et programmée comprise autour de 3,5 M€ par an (hors amortissement du capital de la dette). Cet excédent ainsi que la CAF brute s’effritent toutefois progressivement jusqu’en 2010 du fait de la stagnation des produits de gestion. En 2011 et 2012, la CAF brute chute massivement principalement du fait d’une hausse très rapide de l’ensemble des charges de gestion et des charges financières, et alors même que les produits de gestion sont en hausse depuis 2011. Par rapport à 2006, la CAF brute en 2012 a ainsi diminué de 45%, l’essentiel de la baisse ayant été enregistré entre 2010 et 2011. Sauf mobilisation des marges de manœuvre, cette compression importante et très rapide de la CAF signifie des capacités d’investissement substantiellement réduites pour l’avenir. Le graphique ci-après représente la progression des produits et des charges de gestion entre 2005 et 2011. Les hausses d’impôts en 2009 et 20113 apparaissent 3
La hausse de 2011 est due au transfert de la part départementale de la taxe d’habitation dans le cadre de la réforme de la taxe professionnelle, et ne procède donc pas d’une action de la collectivité sur les taux.
12/45 Rapport d’observations définitives – Commune de Tarare (69)
insuffisantes pour contenir la montée tendancielle des charges dans un contexte où l’évolution des bases nettes s’effondre. Dans ce domaine, la commune a lancé récemment un diagnostic fiscal des bases pour les locaux d’habitation.
Sources : chambre régionale des comptes d’après les données de la commune
L’autofinancement de la collectivité est en baisse sensible depuis 2010, essentiellement sous l’effet des hausses de l’ensemble des charges de gestion et des frais financiers. Sur la période les charges de gestion évoluent à un rythme annuel moyen de 5,2% contre 1,7% pour les produits malgré la hausse des taux d’imposition, dans un contexte où les bases fiscales nettes s’effondrent depuis 2006 du fait des difficultés rencontrées par le tissu industriel local. Cette perte de bases a été temporairement compensée par la hausse des taux d’imposition à deux reprises en 2009 et 2011. La compression des dépenses au cours de l’année 2012 doit à cet effet être consolidée sur la durée si la collectivité veut retrouver une marge de manœuvre financière substantielle à l’avenir. Dans sa réponse aux observations de la chambre, la commune précise que le travail de maitrise des dépenses entamé en 2012 sera poursuivi au cours des deux prochains exercices budgétaires. Selon l’ordonnateur, la réforme du schéma départemental de coopération intercommunale devrait constituer par ailleurs une opportunité complémentaire de maitrise des dépenses. 3.2-
Le financement des investissements
Le financement propre disponible représente l’ensemble des ressources dont dispose la collectivité hors emprunt une fois les charges et les dettes payées. Il comprend la CAF disponible (ou nette) ainsi que les autres ressources d’investissement : FCTVA, subventions, cessions d’actifs etc. Le tableau ci-dessous présente le détail des principales masses entrant dans la composition du financement propre (hors détail des produits et recettes d’ordre et intérêts courus non-échus).
13/45 Rapport d’observations définitives – Commune de Tarare (69)
1.4 Le financement des investissements
en €
2006
2007
2008
2009
2010
2011
2012 non voté
Var annuelle moyenne
= CAF brute
3 180 148
2 948 054
2 638 252
2 514 970
2 625 872
1 797 358
1 618 622
-10,65%
- Annuité en capital de la dette
1 521 401
4 063 440
1 460 552
1 142 145
2 951 783
826 713
1 122 041
-4,95%
= CAF nette ou disponible (C) Taxes locales d'équipement et d'urbanisme + FCTVA + Subventions d'investissement + Produits de cession
1 658 747
-1 115 386
1 177 699
1 372 825
-325 911
970 645
496 581
-18,21%
613 155 494 120 492 519
328 452 443 219 0
274 588 1 479 929 0
901 835 935 959 0
386 266 61 839 0
391 945 683 431 15 266
1 507 803 1 120 609 1 033 170
16,18% 14,62% 13,14%
+ Autres recettes (y c. ICNE)
27 528
= Recettes d'inv. hors emprunt (D) = Financement propre disponible (C+D) Fi. propre dispo / Investissements - Dépenses d'équipement (y compris travaux en régie et dons en nature) - Participations et inv. financiers nets - Var. de stocks de terrains, biens et produits - Charges à répartir - Var. dettes non financières Besoin (-) capacité (+) de financement propre
1 599 794 3 258 541 168,0%
771 671 -343 716 -10,3%
1 754 517 2 932 217 86,7%
1 837 794 3 210 619 91,5%
448 105 122 194 2,8%
1 090 641 2 061 287 21,5%
3 689 109 4 185 690 53,1%
14,94% 4,26% -17,48%
1 939 153
3 337 505
3 380 212
3 510 478
4 370 171
9 593 542
7 889 858
26,35%
0 0 0 -135 1 319 523
0 0 0 -270 -3 680 951
0 0 0 45 -448 041
0 0 0 -690 -299 169
0 0 0 -225 -4 247 752
0 0 0 3 892 -7 536 148
37 871 0 0 -360 -3 741 679
+ Solde des affectations et concessions d'immo.
0
0
0
0
0
0
0
+ Solde des opérations pour compte de tiers = Besoin (-) ou capacité (+) de financement Nouveaux emprunts de l'année (y compris pénalités de réaménagement) Mobilisation (-) ou reconstitution (+) du fonds de roulement Fonds de roulement net global CAF nette/dépenses d'équipement
0 1 319 523
0 -3 680 951
0 -448 041
0 -299 169
0 -4 247 752
0 -7 536 148
0 -3 741 679
0
2 883 441
1 351 821
0
2 610 786
7 115 045
0
1 319 523
-797 510
903 780
-299 169
-1 636 966
-421 103
-3 741 679
2 125 504 85,54%
1 327 994 -33,42%
2 231 774 34,84%
1 932 605 39,11%
295 639 -7,46%
-125 464 10,12%
-3 867 143 6,29%
17,76%
Sources : chambre régionale des comptes d’après les comptes administratifs et comptes de gestion de la collectivité
La commune a conduit un effort important de désendettement jusqu’en 2010 qui a grevé de manière sensible le niveau de sa CAF, notamment en 2007. De fait la CAF nette dégagée est d’un niveau plutôt faible, voire régulièrement négatif et baisse massivement en tendance dans la part qu’elle représente au sein des dépenses d’équipement. Sur la période, à l’exception de l’année 2006, la commune a systématiquement dégagé un besoin de financement, c'est-à-dire que ses ressources disponibles- autour de 3 à 4 M€ de capacité annuelle- ont presque toujours été insuffisantes pour faire face à ses dépenses d’équipement. De manière générale, les dépenses d’équipement ont franchi un palier à la hausse à compter de 2010, pour partie en raison d’opérations de réhabilitation et de rénovation du patrimoine4, pour l’essentiel du fait de l’impact du projet majeur de requalification du site des Teintureries de la Turdine en un pôle à vocation tertiaire d’accueil d’entreprises. Selon l’ordonnateur, ces actions étaient nécessaires afin de remettre aux normes une partie du patrimoine communal, ainsi que de soutenir l’économie locale dans un mouvement de participation au plan de relance national décidé en 2008. Après avoir consommé l’intégralité de son fonds de roulement -ses réserves financières accumulées antérieurement- la commune a eu recours de manière importante à l’emprunt en 2011 afin de financer pour partie ce projet, une partie du solde des travaux ainsi que d’autres dépenses courantes étant réglées en 2012 à partir d’une ligne de trésorerie.
4
Pour un peu plus de 3 M€ environ : rénovation du cinéma, des gymnases, des écoles, de l’Eglise, d’un centre social etc.
14/45 Rapport d’observations définitives – Commune de Tarare (69)
De manière générale, le niveau global des dépenses engagées a placé la collectivité dans une situation financière très difficile entre l’été 2011 et l’été 2012, avec des ruptures temporaires de paiement de certains fournisseurs, ce qui a amené la commune à souscrire plusieurs lignes de trésorerie auprès d’établissements bancaires. Selon l’ordonnateur, l’assèchement de la trésorerie au cours du premier semestre 2012 s’explique principalement par l’écart et le décalage dans le temps entre les entrées de recettes et le décaissement des dépenses, de nombreux projets d’investissement ayant été mandatés et certaines recettes d’investissement et de fiscalité étant restées en attente d’encaissement. La commune rappelle pour exemple que le reversement de TPU (taxe professionnelle unique) de 1,2 M€ est intervenu avec cinq mois de retard. La chambre observe toutefois qu’un pilotage financier adéquat aurait dû permettre à la commune de se rendre compte qu’elle ne disposait plus de réserves financières dès la fin de l’année 2010, comme l’atteste le niveau de son fonds de roulement (tableau ci-avant). Sa situation financière était donc fragile dès le début de l’année 2011. La chambre, si elle retient le retard de versement de TPU comme facteur aggravant, observe sur le fond que c’est bien l’importance financière du projet des Teintureries, inadaptée aux ressources de la collectivité dans un temps de réalisation aussi contraint, qui a entrainé indirectement l’assèchement de la trésorerie et les retards de paiement, parfois très importants, des fournisseurs. En conséquence, après un désendettement continu entre 2006 et 2010, le recours à l’emprunt a ramené la commune dans une zone à risque en 2011 et 2012 au regard du ratio de capacité de désendettement, qui est passé de 3 ans à plus de 7 ans en raison de l’effritement de la CAF et malgré un tassement de l’encours de dette autour de 12-13 M€. 2.1 Le stock de dettes
en €
2011
2012 non voté
Var annuelle moyenne
2006
2007
2008
2009
2010
Encours de dette budget principal au 31 déc.
9 630 854
8 451 125
8 342 349
7 200 894
6 860 123
13 176 412
12 046 170
3,80%
Charges d'intérêts et pertes nettes de change Taux d'intérêt apparent du budget principal Encours de dette agrégé (y c. budgets annexes) Capacité de désendettement en années (dette agrégée / CAF brute du BP) Nbre d'habitants au 1er janvier Encours de dette agrégé / habitant 31 déc.
376 231 3,9% 9 630 854
350 767 4,2% 8 451 125
337 917 4,1% 8 342 349
230 715 3,2% 7 200 894
197 811 2,9% 6 860 123
249 824 1,9% 13 176 412
341 416 2,8% 12 046 170
-1,61% -5,21% 3,80%
3,03
2,87
3,16
2,86
2,61
7,33
7,44
16,17%
10 638 905,33
10 638 794,43
10 638 784,20
10 865 662,76
10 869 631,16
10 487 1 256,45
10 487 1 148,68
-0,24% 4,05%
Sources : chambre régionale des comptes d’après les comptes administratifs et comptes de gestion de la collectivité
L’encours de dette par habitant, après avoir baissé jusqu’en 2010, a atteint en 2011 un niveau très supérieur à celui de la strate : 1 256 € par habitant par rapport à 935 € par habitant pour les communes de 10 000 à 20 000 habitants. Le ratio de désendettement ne tient toutefois pas compte des ressources de trésorerie extrabudgétaire non consolidées dans la dette au 31 décembre 2012. Comme cité auparavant, la commune a financé une partie de ses investissements avec une ressource à court terme, un découvert bancaire de 3,5 M€ en quelque sorte, ce qui est interdit en l’espèce et aurait dû donner lieu à consolidation dans la dette communale. La consolidation obligatoire de cette ligne de trésorerie non-soldée aurait dû amener la commune à constater un niveau réel d’endettement fin 2012 de plus de 15 M€, soit un ratio de désendettement proche de 10 ans (cf. tableau ci-après) :
15/45 Rapport d’observations définitives – Commune de Tarare (69)
2012 corrigé Compte 164 – Balance d’entrée du compte de gestion 13 137 683,17 Emprunts nouveaux 0,00 dont lignes de trésorerie revolving 16449 C dont ligne de trésorerie 51931 et 51932 C 1 000 000,00 Amortissements du capital 1 122 040,57 dont ligne de trésorerie 16449 D dont ligne de trésorerie 51931 et 51932 D 4 500 000,00 Variation de la dette 2 377 959,43 Encours de la dette 15 515 642,60 Sources : chambre régionale des comptes d’après les comptes administratifs et comptes de gestion de la collectivité
L’argument de la collectivité dans sa réponse aux observations de la chambre, selon lequel celle-ci n’aurait pas recouru à l’emprunt en 2012, est donc inopérant si l’on considère que la collectivité s’est exonérée de cette opération de consolidation obligatoire. Dans ses réponses aux observations de la chambre, la commune précise qu’elle a procédé en 2013 au remboursement intégral d’une des lignes de trésorerie. Elle rappelle n’avoir prévu aucun emprunt au budget principal pour 2013 et dit compter sur l’opération de régularisation par le biais du budget annexe « Teintureries » afin de reconstituer progressivement son fond de roulement. La chambre observe que ce redressement dépend, en l’état, de la réalisation des nombreux produits de cession inscrits au budget principal et au budget annexe, une condition qui si elle se réalise, épuisera une grande partie des réserves patrimoniales cessibles de la collectivité. La situation de la commune demeurera en conséquence encore fragile. Sur la période, la commune a dégagé en tendance un niveau de financement propre de 3 à 4 M€, assez fortement contraint du fait de son niveau d’endettement et d’une CAF brute en érosion. De manière générale, le niveau des dépenses d’équipement a toujours excédé les ressources dégagées en propre par la collectivité alors qu’elle conduisait dans le même temps jusqu’en 2010 un effort important de désendettement. A partir de 2010, l’impact des opérations combinées de rénovation et du projet majeur de requalification des Teintureries a dépassé les capacités de financement de la collectivité, ce qui a entrainé des problèmes majeurs de retard de paiement auprès de certains fournisseurs. L’intégralité des réserves financières a été consommée, l’endettement a atteint un point dangereux et la commune a eu massivement recours à des lignes de trésorerie à court terme pour 3,5 M€. En contradiction avec les prescriptions budgétaires et comptables, ces concours bancaires n’ont pas été soldés ni consolidés en dette en fin d’année 2012. La commune attend de la création du budget annexe des Teintureries le rétablissement de sa situation financière en 2013. Dans un contexte où une partie des recettes attendues (produits de cession) reste incertaine, la chambre observe que le redressement financier de la commune passe tout d’abord par une consolidation de la maitrise des dépenses sur le long terme, et que l’opération de « régularisation » demeure discutable sur le fond et sur la forme. 3.3-
Les marges de manœuvre
Les collectivités disposent usuellement de trois marges de manœuvre mobilisables. Le recours à l’endettement dépend de la signature de la collectivité, c'est-à-dire d’un certain nombre de ratios financiers de solvabilité. La fiscalité et l’autofinancement constituent des marges mobilisables en propre. Les marges de manœuvre apparaissent très contraintes en matière d’endettement et de fiscalité. La commune a atteint un point haut en matière d’endettement, dans un contexte d’accès au crédit cher et restrictif de surcroît. Sur la reconduction d’une ligne de trésorerie en décembre 2012, la commune paye ainsi une marge de 2,80% sur EONIA. Pour ce qui concerne la fiscalité, les taux d’imposition sont supérieurs à la moyenne de la strate et la collectivité les a déjà augmentés en 2009.
16/45 Rapport d’observations définitives – Commune de Tarare (69)
Comparaison des taux
2005
taux communaux taux moyen de la strate
14,44% 12,79%
taux communaux
2006
2007
2009
2010
2011
2012
Taxe d'habitation 14,44% 14,44% 14,44% 13,13% 13,18% 13,30% Foncier bâti
15,45% 13,44%
15,45% 13,10%
20,65% 20,71%
20,65% NC
20,39%
20,39%
20,39%
21,82%
21,82%
21,82%
21,82%
taux moyen de la strate
17,81%
18,55%
18,54% 18,72% Foncier non bâti
18,46%
18,33%
18,92%
NC
taux communaux taux moyen de la strate
55,38% 51,08%
55,38% 55,38% 55,38% 51,22% 49,74% 49,50% Taxe professionnelle
59,25% 47,54%
59,25% 48,80%
62,12% 54,79%
62,12% NC
taux communaux
16,06%
16,06%
17,18%
taux moyen de la strate
13,02%
22,08% 20,27%
22,08% 20,67%
20,39%
16,06%
2008
16,06%
12,99% 12,85% 12,87% 17,18% Cotisation foncière des entreprises
taux communaux taux moyen de la strate Sources : chambre régionale des comptes
Dans ce contexte, la commune doit faire porter ses efforts sur ses charges de gestion en consolidant sur au moins trois ans les efforts engagés en 2012, ainsi qu’en limitant ses investissements, afin de retrouver à terme une marge de manœuvre substantielle. 3.4-
Synthèse des observations relatives à la situation financière
De manière générale à partir de 2007 la commune a presque toujours dépensé plus que son niveau de ressources propres disponible, notamment en puisant dans ses réserves et en appelant ponctuellement l’emprunt. Cette tendance s’est aggravée à partir de 2010 et jusqu’en 2012 quand les investissements conduits ont consommé la totalité des réserves financières en même temps qu’ils ont ramené l’endettement à un point haut. La situation financière de la commune est aujourd’hui très affaiblie après avoir connu une phase critique entre 2011 et 2012. Dans un contexte de fiscalité déjà supérieur à la strate et d’endettement dangereux, la restauration progressive d’une marge de manœuvre financière substantielle passe par une compression des charges et une pause des investissements sur au moins trois ans.
4-
LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES
En matière de gestion du personnel, les observations du précédent contrôle de la chambre concernaient, d’une part, la mise à jour du tableau des effectifs, et, d’autre part, le recrutement des agents non titulaires. L’organisation des services a connu sur la période de nombreux ajustements, notamment à partir de 2009, dans un contexte de turn-over important des agents et des principaux cadres. Ce contexte a eu sans doute pour partie des conséquences sur l’absence de définition et de diffusion de procédures internes d’encadrement des principales opérations de gestion, dans le champ des ressources humaines notamment, mais pas uniquement. La stabilisation de l’organigramme autour de 6 pôles opérationnels est aujourd’hui arrêtée depuis mi-2012 et l’arrivée d’un nouveau directeur général des services.
17/45 Rapport d’observations définitives – Commune de Tarare (69)
4.1-
Une hausse très importante des dépenses de personnel depuis 2007
L’évolution des dépenses de personnel est reprise repris dans le tableau ci-après : 2012 Evolution provisoire 2006/2012
(en milliers d’euros)
2005
2006
2007
2008
2009
2010
2011
Charges de personnel
4 690
4 765
5 054
5 124
5 444
5 654
5 834
5 765
423
446
509
539
637
791
948
835
1,60%
6,06%
1,40%
6,23%
3,87%
3,18%
-1,18%
46,95%
44,84%
50,00%
47,41%
49,23%
48,40%
47,31%
NC
50,40%
50,21%
51,07%
51,15%
52,09%
51,67%
49,94%
NC
Dont non titulaire (c/64131) Variation annuelle des charges de personnel Part des dépenses de personnel moins atténuation de charges Moyenne de la strate
20,99% 87,27%
Evolution annuelle moyenne
3,23% 11,02%
Source : logiciel chambre régionale des comptes
Si la part des charges de personnel reste inférieure à celle de la strate, la chambre relève une forte évolution en 2007, puis à compter de 2009 avant un premier effort de maitrise en 2012. L’évolution des charges de personnel est liée pour l’essentiel à la hausse des rémunérations versées aux agents non-titulaires au sens large : agents non titulaires sur emplois permanents, occasionnels, vacataires etc. La commune a entamé à compter de 2012 une première action de maitrise des dépenses avec pour la première fois depuis 2006 un recul des dépenses de masse salariale: non remplacement de tous les départs, limitation des remplacements, etc. Cet objectif sera vraisemblablement difficile à tenir du fait de la régularisation de nombreux personnels contractuels en 2012, dont l’évolution de situation risque d’entrainer des dépenses supplémentaires. 4.2-
Une information sur les effectifs lacunaire
Les états du personnel au 1er janvier et au 31 décembre sont des éléments d’information annexés aux budgets et comptes administratifs. Ces états font partie intégrante de la maquette budgétaire M14. Les grades et les emplois sont désignés conformément à une circulaire5 de 1995. Cette annexe permet d’indiquer aux élus et aux citoyens sur quels effectifs budgétaires repose la masse salariale (chapitre 012)6 ainsi que le nombre de postes effectivement pourvus7. Cette annexe informe enfin sur le nombre d’agents non titulaires (ou d’un autre statut) employés par la collectivité, ainsi que sur la nature et le niveau de rémunération de ces contrats. Malgré une réduction sur la période sous revue de l’écart entre postes budgétaires et postes pourvus, le tableau des effectifs n’est pas conforme aux maquettes de l’instruction budgétaire M14. La chambre relève ainsi l’absence de total général des effectifs budgétaires et pourvus ainsi que de recensement des emplois par catégorie ou grade. Sur la période sous revue aucune information n’est disponible sur les emplois de cabinet et les emplois sur autres statuts8, des erreurs nombreuses portent par ailleurs sur le recensement ainsi que sur les niveaux de rémunération. Au final, cette annexe ne permet pas de savoir sur quel effectif repose le budget de la collectivité. A l’inverse, les données des bilans sociaux apparaissent plus fiables mais leur degré ainsi que leur fréquence de diffusion sont moindres. Ces 5
Circulaire n° NOR/INT/B/95/00 102/c du 23 mars 1995 Postes déjà crées par le conseil ou prévision de postes à créer par le conseil municipal. 7 Soit par un agent titulaire, soit par un agent non titulaire ou soit par un agent sous autre statut. 8 Comme le personnel extérieur dans les structures d’accueil de loisirs – dit emplois vacataires 6
18/45 Rapport d’observations définitives – Commune de Tarare (69)
données permettent de constater que la hausse des charges s’est faite malgré une baisse sensible du nombre des agents. En effet, les effectifs globaux au 31 décembre se décomposent de la manière suivante : 2007
2009
2011
Agents en position d'activité (tous statuts)
212
216
160
Titulaire stagiaire
137
134
123
Non titulaire sur emplois permanent
16
28
14
dont remplaçants
9
6
2
Agents n'occupant pas un 59 54 emploi permanent Sources : chambre régionale des comptes d’après les bilans sociaux
23
Toutefois, dans la mesure où 160 agents de tous les statuts étaient en poste au 1 er avril 2013 dans la collectivité, il semble que cette baisse marque une phase plateau depuis 2011. Dans sa réponse aux observations de la chambre, l’ordonnateur a précisé que le tableau des effectifs avait été révisé à l’occasion de l’approbation du compte administratif 2012 et du vote du budget prévisionnel 2013. La chambre incite la commune d’une part, à améliorer la fiabilité et la sincérité des données concernant l’annexe aux documents budgétaires dite C1 « état du personnel », et, d’autre part, à mettre à jour celle-ci conformément à la maquette budgétaire M14 et aux prescriptions de la circulaire du 23 mars 1995 relative aux annexes à joindre aux documents budgétaires. La chambre rappelle que la détermination du tableau des effectifs relève de la compétence exclusive du conseil municipal. 4.3-
Une gestion critiquable des agents contractuels de catégorie A ainsi que des emplois fonctionnels
4.3.1-
Les recrutements de non-titulaires sur des postes de catégorie A
Sur la période, la collectivité a procédé à la création d’un certain nombre de postes de catégorie A puisque, d’après les comptes administratifs, ce nombre passe en effectif budgétaire de 8 (dont 2 non titulaires) en 2006, toutes filières confondues, à 17 (dont 6 non titulaires) en 2011. D’après le bilan social 2011, ces 17 agents se répartissent entre 7 titulaires et 8 non titulaires sur emplois permanents9 auxquels il convient d’ajouter 2 autres emplois non permanents : pour un besoin saisonnier, et une doctorante sur convention CIFRE10. Les créations de poste de catégorie A sont effectuées la plupart du temps sur la base de délibérations générales qui ne précisent pas la nature des emplois ouverts sur ces postes, en contradiction avec l’article 34 de la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 qui dispose que : « Les emplois de chaque collectivité ou établissement sont créés par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement. La délibération précise le grade ou, le cas échéant, les grades correspondant à l'emploi créé. Elle indique, le cas échéant, si l'emploi peut également être pourvu par un agent contractuel sur le fondement de l'article 3-3. Dans ce cas, le motif invoqué, la nature des fonctions, les niveaux de recrutement et de rémunération de l'emploi créé sont précisés. Aucune création d'emploi ne peut intervenir si les crédits disponibles au chapitre budgétaire correspondant ne le permettent. » 9
Non compris le poste de directeur de cabinet et les emplois occasionnels. Convention industrielle de formation par la recherche.
10
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Les constats concernant le recrutement d’agents non titulaires sur des emplois de catégorie A sont repris dans le tableau ci-dessous : Délibérations création poste Alinéa de la loi n° 86-53 23/07/2001 « emplois saisonniers » Art. 3 alinéa 2
26/05/2008 et 28/02/2012 Art. 3 alinéa 5
30/03/2010 N° 12 = Art. 3 alinéa 1 n° 13 = Choix doctorante 29/06/10 Pas de recrutement non titulaire spécifié 5/12/2011 et 3/04/2012 Art. 3-3-2° 5/12/2011
Constats
- Rémunération non-conforme à la délibération qui stipule « ils seront er er rémunérés sur la base du 1 échelon du 1 grade du cadre d’emploi dans lequel se trouve l’agent remplacé » - La convention indique que « le stage n’ouvre pas droit à rémunération » 11 mais à une gratification comme le prévoit un décret de 2009 . - une délibération du conseil municipal du 30/06/2009 autorise cette gratification exonérée de charge. La première délibération créé un poste d’attaché territorial sans plus de précision alors que le conseil municipal aurait dû déterminer la nature du poste et de l’emploi ouvert, et autoriser dès le départ si nécessaire le recrutement d’un non-titulaire. Seule la première délibération prévoit un recrutement pour 1 an, alors que l’agent contractuel est recruté pour trois ans. La délibération ne spécifie pas la possibilité de recruter un non-titulaire, ni la durée du contrat, ni la rémunération. Absence de délibération pour deux autres contrats. L’agent occupe en fait, cet emploi depuis avril 2009 mais sur un poste contractuel porté par le CCAS . Déclaration de vacance le 15 décembre 2011 et date limite de candidature le 5 janvier 2012.
Source : chambre régionale des comptes
De manière générale, la collectivité recrute des agents non-titulaires sur ses emplois de catégorie A à un niveau de rémunération, pour certains agents, particulièrement favorable et dans des conditions non conformes à la règlementation : contrats ne respectant pas les délibérations, confusion entre services de la ville et CCAS, durée de réponse aux déclarations de vacances plutôt courtes, parfois en périodes de vacances. De surcroît, certains contrats de recrutement ont été signés sur la base de délibérations n’ouvrant pas la possibilité de recruter des agents non-titulaires. Dans ce domaine, la chambre constate que les observations antérieures n’ont pas été prises en compte par la collectivité. De manière générale et du point de vue de la gestion, ces recrutements représentent un coût important, par exemple dans le cas du recrutement de l’agent contractuel en charge de la commande publique entre 2010 et 2012. Entre 2006 et 2011, la commune a fortement augmenté ses postes de cadres. Une partie substantielle de ces emplois a été pourvue ou l’est encore par des agents nontitulaires, dans des conditions la plupart du temps non conformes à la règlementation et parfois à des niveaux de rémunération particulièrement avantageux. Ces recrutements ont participé de la hausse des charges de personnels à compter de 2009. Des observations similaires avaient déjà été effectuées par la chambre à l’occasion du précédent rapport. La chambre engage la commune à respecter les lois et les règlements en matière de recrutement d’agents contractuels, à revoir et sécuriser ses procédures internes ainsi qu’à reprendre au besoin ses délibérations-cadres correspondantes. Dans sa réponse aux observations de la chambre, la commune indique offrir à ses agents contractuels des conditions de rémunération similaires à celles des agents titulaires. La chambre prend acte de la réponse de l’ordonnateur qui entend respecter à l’avenir les dispositions afférentes à la création de ces postes et aux conditions d’emploi des 11
Décret n° 2009-885 du 21 juillet 2009 relatif aux modalités d’accueil des stagiaires. Le montant minimum en 2011 était fixé à 417,09 € par mois.
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personnels. 4.3.2-
La gestion des collaborateurs de cabinet et des emplois fonctionnels
4.3.2.1-
Un recrutement des collaborateurs de cabinet non conforme à la réglementation
Le recrutement de collaborateurs de cabinet relève de l’article 110 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 84 modifiée. Le décret d’application n° 87-1004 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales précise dans son article 3 qu’« aucun recrutement de collaborateur de cabinet ne peut intervenir en l'absence de crédits disponibles au chapitre budgétaire et à l'article correspondant. L'inscription du montant des crédits affectés à de tels recrutements doit être soumise à la décision de l'organe délibérant ». La délibération n°12 du 31 mars 2009 créant l’emploi de directeur de cabinet n’est pas conforme à la règlementation en tant qu’elle ne spécifie pas le montant des crédits affectés à ce recrutement. Le même constat peut être tiré de l’examen des contrats successifs des différents collaborateurs de cabinet, a fortiori le contrat du collaborateur actuel, recruté en juillet 2012 sur la base de la même délibération, avec une rémunération indiciaire en hausse de 10%12. Dans sa réponse aux observations de la chambre, l’ordonnateur rappelle que la formation du cabinet est du seul ressort de l’autorité territoriale et cite à l’appui un extrait de la circulaire INTB0100217C du 23 juillet 2001. La chambre observe que ces éléments n’entrent pas en contradiction avec les observations relevées et que les dispositions de la circulaire citée mentionnent la nécessité d’une délibération portant sur les crédits à inscrire au titre de ce (ces) poste(s). 4.3.2.2-
Le recrutement illégal d’un agent contractuel en tant que directeur général adjoint puis directeur général des services
• Rappel des prescriptions législatives et règlementaires Les emplois de direction générale (DG) représentent la permanence de l’action publique. Ce sont des emplois dit « fonctionnels ». La loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ouvre aux collectivités deux possibilités de recrutements, le détachement d’un fonctionnaire de catégorie A en vertu des articles 53 et 6-1 ou le recrutement direct en vertu de l’article 47. L’article 64 de cette même loi précise que « le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son cadre d'emploi, emploi ou corps d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps, de ses droits à l'avancement et à la retraite ». Une note du 14 mars 2008 de la direction générale des collectivités locales aux préfets des départements rappelle les règles relatives à ce type d’emplois. Le statut particulier de ces emplois relève des décrets n° 87-1101 et 87-1102 du 30 décembre 1987. L’article 7 du décret n°87-1101 du 30 décembre 1987 précise bien que : « Seuls les fonctionnaires de catégorie A peuvent être détachés dans un emploi de : 1. Directeur général des services d'une commune de 2 000 à 40 000 habitants ; 2. Directeur général adjoint des services d'une commune de 10 000 à 150 000 habitants. » Les collectivités territoriales peuvent par ailleurs recruter des agents contractuels sur des emplois du niveau de la catégorie A en vertu des dispositions de l’article 3 alinéa 5 de la loi du 26 janvier 1984 qui dispose que : « Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée et sous réserve de l'article 34 de la présente loi, des 12
Passage d’un indice brut de 786 à d’un indice brut de 863 plus un régime indemnitaire.
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emplois permanents peuvent être occupés de manière permanente par des agents contractuels dans les cas suivants : (…) 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. » Ce type de recrutement concerne la plupart du temps des postes de cadre pour des emplois spécifiques : politique de la ville, communication, développement économique etc. L’encadrement des recrutements de contractuels sur la base de l’alinéa 5 de l’article 3 a été défini par la jurisprudence sur la base de l’existence d’un faisceau d’indices. Pour justifier de recrutements sur la base de cet alinéa, la collectivité doit prouver :
qu’une urgence rend impossible l’attente d’un recrutement par la voie normale ; qu’il s’avère impossible de faire face à un besoin précis faute de candidats ; qu’elle a agi au titre de l’intuitu personae, lorsque le profil particulier d’un agent ne se rencontrerait pas dans la fonction publique. Hormis le fait que les emplois fonctionnels ne sont à l’évidence pas concernés par cette disposition, une collectivité pourrait peut-être justifier d’une urgence particulière pour recruter son directeur général des services sur la base de cet alinéa. Dans ce cas, en dehors des justifications nécessaires à apporter, les modalités de rémunération, entre autres, de l’agent en question devraient être établies à partir de la grille indiciaire afférente à la catégorie A. • Rappel d’éléments de contexte : une succession importante de directeurs en 4 ans Le changement d’équipe municipale à compter de 2008 s’est traduit par un renouvellement important des effectifs de cadres de la collectivité, et en particulier des agents sur emplois fonctionnels. Le tableau ci-après présente la succession des différents agents au poste de directeur général des services de la commune entre 2009 et 2012 : DGS ENTREE Mme V 15/06/2000 M. W 04/05/2009 M. X 01/10/2010 M. Y 01/05/2012 Source : commune
INFO AU CM 27/01/2009 29/06/2010 23/01/2012
DEPART 22/04/2009 01/10/2010 06/06/2012
Suite au départ en avril 2009 de la directrice générale des services, un jury de recrutement retient la candidature d’un agent titulaire, M. W. Un poste de directeur général adjoint est en outre créé par délibération en date du 31 mars 2009. Le jury de recrutement réuni le 17 avril 2009 n’ayant pas retenu de candidature statutaire, le conseil municipal autorise le recrutement en tant que directeur général adjoint d’un contractuel sur la base de l’article 3 alinéa 5 de la loi du 26 janvier 1984. Une déclaration simple de création d’emploi au centre de gestion est faite le même jour. L’agent, M. X, agent non-titulaire embauché par la collectivité en 2007 sur un poste de chef de projet développement social et rénovation urbaine, est recruté au 1er mai 2009 pour une durée de 3 ans. La rémunération est fixée au 7ème échelon (IB 821) de l’échelle indiciaire de directeur général adjoint des services des villes de 10 à 20 000 habitants conformément au décret n° 87-1102 précité. Le contrat est transmis en sous-préfecture le 7 mai 2009. Le 1er octobre 2010, le contrat de M. W est rompu pour perte de confiance et l’intéressé exerce son droit à congé spécial en l’absence de poste proposé par la commune. A compter de la même date, M. X est recruté comme directeur général des services en vertu de l’article 3 alinéa 5 de la loi du 26 janvier 1984. La rémunération est fixée au 9ème échelon (IB 985) de l’échelle indiciaire de directeur général des services des villes de 10 à 20 000 habitants conformément au décret n° 87-1102.
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• Des recrutements successifs potentiellement irréguliers La délibération-cadre du 31 mars 2009 : Sur le fond, cette délibération, autorisant le recrutement d’un directeur général adjoint des services en vertu de l’article 3 alinéa 5, est susceptible d’être qualifiée d’irrégulière. En effet, la délibération ainsi que les contrats liés ne font jamais référence aux articles 47 et 53 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ni aux décrets n° 87-1101 et 87-1102 du 30 décembre 1987, alors que la rémunération est fixée conformément à la grille indiciaire afférente du décret 87-1102 du 30 décembre 1987. Le recrutement en tant que DGA, puis DGS de M. X Alors que la collectivité a reçu d’autres candidatures de candidats titulaires pour le poste de DGA notamment, aucun des motifs susceptibles d’être invoqué et pouvant justifier du recrutement d’un agent non-titulaire au poste de DGA puis de DGS n’apparait au cas d’espèce avancé. La collectivité aurait dû utiliser la procédure de droit commun réservant ce type de poste à des fonctionnaires titulaires, ou à la rigueur mettre en œuvre ce recrutement sur la base de l’alinéa 5 article 313 en démontrant notamment l’urgence, mais dans ce cas en établissant des modalités de rémunération conformes à la catégorie des attachés (catégorie A). Par ailleurs, sur le plan de la gestion, les déclarations de vacance d’emploi au centre de gestion sont antérieures ou du même jour que les délibérations de création de poste ce qui va à l’encontre premièrement, de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales qui dispose que « les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. » et deuxièmement, de l’article 41 de la loi n° 84-53 qui dispose que « lorsqu’un emploi est créé ou devient vacant l’autorité territoriale en informe le centre de gestion…. », ce qui en l’espèce n’était pas le cas puisque les délibérations n’étaient pas prises ou n’étaient pas encore exécutoires. Le choix du licenciement de l’ancien DGS a aussi abouti au fait qu’il continue à être rémunéré par la collectivité jusqu’à la fin de son détachement de 5 ans14, ce qui représente un coût non négligeable pour les finances de la commune. La commune n’a pas respecté les prescriptions législatives et règlementaires à compter de 2009 pour ce qui concerne le recrutement des collaborateurs de cabinet et du directeur général adjoint, devenu directeur général des services en 2010. La chambre invite la commune à revoir l’ensemble de ses procédures en la matière afin de sécuriser ses actes de gestion. Dans sa réponse aux observations de la chambre, l’ordonnateur conteste l’analyse produite ci-avant et justifie le recrutement de l’agent X, à titre exceptionnel, par le souci à l’époque de préserver les intérêts de la collectivité. Il rappelle que l’intéressé a été licencié en mars 2012 et qu’un nouveau directeur général des services, fonctionnaire territorial, a été recruté à compter du 1er mai 2012. L’intéressé mis en cause conteste l’appréciation des faits tout en arguant qu’il ne saurait être tenu pour responsable des éventuelles irrégularités mentionnées, n’étant pas lui-même à l’origine de son recrutement.
13 14
La régularité d’une telle procédure restant à l’appréciation du juge du fond. En vertu de son droit à congé spécial.
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4.4-
Le départ du directeur de cabinet dans une entreprise dans des conditions non conformes aux prescriptions légales
La chambre s’est intéressée aux conditions dans lesquelles le directeur de cabinet du maire en poste de 2009 à mars 2012, M. Z, a rejoint une entreprise installée récemment sur le territoire communal, l’entreprise A. Cette entreprise a bénéficié en effet de conditions d’installations avantageuses consenties par la commune, sans contrepartie formelle (cf. partie 6.2 - la gestion du patrimoine). L’installation de l’entreprise a été gérée par M. Z, dont le premier poste était celui de chargé de développement économique et qui a continué à suivre ce dossier en tant que directeur de cabinet. 4.4.1-
Rappel des prescriptions législatives et règlementaires
En tant qu’agents publics, les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales qui quittent leurs fonctions sont soumis à des obligations statutaires. La loi n°83-634 du 13 juillet 198315 dispose, dans son article 25, que les fonctionnaires ne peuvent prendre « par eux-mêmes ou par personnes interposées, dans une entreprise soumise au contrôle de l'administration à laquelle ils appartiennent ou en relation avec cette dernière, d'intérêts de nature à compromettre leur indépendance. » Ce principe général a été décliné par la loi n°93-122 du 29 janvier 199316, modifiée par la loi n°2009-972 du 3 août 200917. Son article 87 prévoit l’institution d’une commission de déontologie, placée auprès du Premier Ministre et chargée « d’apprécier la compatibilité de toute activité lucrative, salariée ou non, dans une entreprise ou un organisme privé ou toute activité libérale, avec les fonctions effectivement exercées au cours des trois années précédant le début de cette activité par tout agent cessant ses fonctions ». Le I de l’article 87 de la loi n°93-122 du 29 janvier 1993 dispose que les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales informent la commission de déontologie « avant d’exercer toute activité lucrative ». Cette saisine est obligatoire selon le II de l’article 87 lorsque ces agents ont été chargés : « (…) soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise privée, soit de conclure des contrats de toute nature avec un entreprise privée ou de formuler un avis sur de tels contrats, soit de proposer des décisions relatives à des opérations effectuées par une entreprise privée ou de formuler un avis sur de telles décisions ». (…) La commission peut être saisie : Par tout agent entrant dans le champ du I ou par l’administration dont relève cet agent, préalablement à l’exercice de l’activité envisagée » (…) Par ailleurs, le décret n°2007-611 du 26 avril 200718 précise les formes que doivent prendre l’information ou la saisine de la commission. Cette saisine s’impose aussi à l’administration, de manière obligatoire, selon l’article 3-1 qui dispose : « 1° L'autorité dont relève l'agent saisit par écrit la commission dans un délai de quinze jours à compter de la date à laquelle elle a été informée du projet de l'agent. Ce dernier reçoit copie de la lettre de saisine ». Cette obligation est doublée par l’obligation qui est faite aux agents prévoyant de rejoindre le secteur privé d’informer « par écrit l’autorité dont ils relèvent un mois au plus tard 15
Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires dite « Loi Le Pors » Loi n°93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques 17 Loi n°2009-972 du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique 18 Décret n°2007-611 du 26 avril 2007 relatif à l’exercice d’activités privées par des fonctionnaires ou agents nontitulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions et à la commission de déontologie 16
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avant la cessation temporaire ou définitive de leurs fonctions ». La saisine est en effet systématique dès lors que l’agent concerné a été « effectivement » chargé, au cours des trois années précédant son départ, soit d’assurer la surveillance ou le contrôle d’une entreprise, soit de conclure avec elle des contrats de toute nature (ou de formuler sur eux des avis), soit encore de proposer des décisions relatives à des opérations effectuées par elle (ou de formuler sur elles des avis). Les contrats mentionnés sont tous ceux qui concernent notamment la réalisation de travaux, la fourniture de biens ou la prestation de services. Lorsqu’elle se prononce sur le départ d’un agent vers le secteur privé, la commission de déontologie peut soit formuler un avis favorable, soit formuler un avis favorable assorti de réserves pour une période de 3 ans suivant la cessation de fonctions, soit formuler un avis défavorable. Contrairement à l’avis favorable19, l’avis défavorable de la commission lie l’administration. Celle-ci peut cependant solliciter une seconde délibération de la commission. Dès lors que la commission de déontologie a été consultée et qu’elle n’a pas émis d’avis défavorable, l’agent public ne peut plus faire l’objet de poursuites disciplinaires. Dans le cas inverse, le manquement aux obligations auxquelles sont soumis les collaborateurs de cabinet des autorités territoriales souhaitant rejoindre le secteur privé les expose à des sanctions disciplinaires ou à des retenues sur pensions, après avis du conseil de discipline du corps auquel ils appartenaient. Le départ d’un collaborateur de cabinet dans le secteur privé exclut donc celui vers une entreprise avec laquelle il aurait été amené à conclure des contrats ou pour laquelle il aurait formulé un avis sur des contrats. Il en va de même si l’intéressé a proposé à l’autorité compétente des décisions, ou formulé des avis sur des décisions, relatives à des opérations réalisées par l’entreprise avant un délai de trois ans. 4.4.2-
L’absence de saisine de la commission par l’agent et l’administration
La chambre relève que ni la commune ni l’agent concerné n’ont saisi la commission de déontologie, en infraction avec les textes rappelés ci-avant. L’agent concerné avait pourtant été en charge du développement économique au sens large ainsi que des relations avec l’entreprise A dans le cadre de son installation sur le territoire communal. Ces éléments pouvaient de surcroît difficilement être ignorés par l’ordonnateur. 4.5-
Synthèse des observations relatives à la gestion des ressources humaines
De manière générale, les informations annexées aux documents budgétaires sur l’état du personnel sont peu fiables, ce qui nuit à la transparence nécessaire dans un contexte où les charges de personnel ont augmenté de manière importante entre 2007 et 2011. Entre 2006 et 2011, la commune a fortement accru le nombre de ses postes de cadres. Une partie substantielle de ces emplois a été occupée ou l’est encore par des agents non-titulaires, dans des conditions la plupart du temps non conformes à la règlementation, assorties parfois de niveaux de rémunération particulièrement avantageux. Ces recrutements ont impacté à la hausse l’évolution des charges de personnel à compter de 2009. De la même manière, la commune n’a pas plus respecté les règles afférentes à la gestion des collaborateurs de cabinet et des emplois de direction. Le recrutement d’un agent contractuel en tant que directeur général adjoint, puis directeur général des services, apparait comme potentiellement illégal de même que le départ d’un collaborateur de cabinet en 2012 dans une entreprise privée installée sur le territoire communal. 19
L’administration demeure en mesure de refuser la demande de l’agent pour raisons de service ou en vertus des règles statutaires applicables.
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Du point de vue de la gestion, le licenciement d’un ancien directeur général des services en 2010, appartenant au cadre d’emploi des directeurs, fait que la commune paye aujourd’hui encore ses salaires suite à son droit à congé spécial et ce, jusqu’en 2014. La chambre invite en conséquence la commune à revoir l’ensemble de ses procédures de gestion afin de sécuriser ses actes en la matière.
5-
LA COMMANDE PUBLIQUE
5.1-
Un régime de délégation très large consenti à l’ordonnateur dans un contexte d’absence de service organisé et de procédure
5.1.1-
Les dispositions applicables
Le conseil municipal peut déléguer au maire, en tout ou partie et pendant la durée du mandat un certain nombre de ses compétences. La gestion des marchés inférieurs aux seuils définis en matière de procédures formalisées peut être ainsi déléguée au maire selon le 4° de l’article L. 2122-22 du CGCT qui dispose que : « Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (…) « 4° De prendre toute décision concernant la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres d'un montant inférieur à un seuil défini par décret ainsi que toute décision concernant leurs avenants qui n'entraînent pas une augmentation du montant du contrat initial supérieure à 5 %, lorsque les crédits sont inscrits au budget ; » (version en vigueur du 22 décembre 2007 au 19 février 2009). La loi n° 2009-179 du 17 février 2009 a supprimé toute condition portant sur les seuils ainsi que sur les avenants. Seule la condition d’une inscription des crédits au budget demeure en matière de délégation de gestion des marchés. La loi de 2009, outre l’extension de la possibilité de délégation à l'ensemble des marchés comme vu ci-dessus, autorise donc l'assemblée délibérante à déléguer à l'exécutif les avenants de l'ensemble des marchés, y compris ceux dont le montant excède 5 % du marché initial. Toutefois, sans que les limites librement fixées par l’assemblée ne soient assorties de définitions précises au sein du CGCT, il est admis par les ministères de l’Intérieur et de l’Economie que les délibérations de délégations doivent être circonscrites. Ainsi, une délibération insuffisamment précise, trop large ou ne fixant pas de limites au champ des pouvoirs délégués peut être sanctionnée par le juge administratif au titre de l’incompétence négative de l’assemblée délibérante. Sur ce point, le Conseil d’Etat a estimé que « une délégation qui se réduit à retranscrire le texte des articles du CGCT ou même à en étendre le champ en spécifiant la compétence illimitée de l’autorité délégataire est entachée d’illégalité »20. Enfin, selon les dispositions de l’article L. 2122-23, l’usage des pouvoirs délégués par l’ordonnateur doit faire l’objet d’une information précise à l’occasion des réunions obligatoires du conseil municipal. 5.1.2-
Les délégations en matière de marchés et de l’information transmise
La décision prise au cours du premier trimestre 2008 donne une délégation globale de gestion pour ce qui concerne les marchés inférieurs aux seuils, sans toutefois inclure la question des avenants. Ceux-ci demeurent donc a priori de la compétence du conseil 20
CE, 2 février 2000, Commune de Saint-Joseph.
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municipal. La collectivité n’a pas repris par la suite de délibération de délégation pour intégrer au besoin les avenants supérieurs à 5% dans le champ des compétences de l’exécutif. Le 18 septembre 2012, une nouvelle délibération de délégation a été prise autorisant la gestion de l’ensemble des marchés passés en procédure adaptée. De manière générale, l’information transmise sur l’exécution des marchés est faible, voire inexistante, le recensement exhaustif des documents dépendant beaucoup de la qualité de l’archivage des services. La commune a ainsi rarement pu transmettre l’intégralité des pièces demandées à l’occasion du contrôle de la chambre. Par ailleurs, les procèsverbaux des conseils municipaux ne présentent pas de compte-rendu exhaustif des marchés passés en procédure adaptée, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2122-23 du CGCT. Dans sa réponse aux observations de la chambre, l’ordonnateur a toutefois précisé que l’ensemble des marchés passés en procédure adaptée faisait « l’objet d’une communication ». Enfin, la commune ne se conforme pas à ses obligations règlementaires en matière d’information à destination des tiers extérieurs, dont les autorités de contrôle :
absence de publication des marchés conclus, en contradiction avec les dispositions de l’article 133 du code des marchés publics (CMP) ;
absence de rédaction des rapports de présentation, en méconnaissance des dispositions de l’article 79 du CMP. Etabli en fin de procédure pour tous les marchés passés en procédure formalisée, ce rapport est avant tout à destination des instances de contrôle dans le cadre d’un contrôle des marchés. Il n’en demeure pas moins qu’il reste l’une des pièces constitutives du marché. Ce rapport doit contenir, entre autres renseignements, notamment la liste des candidats retenus et nonretenus ainsi que les motifs de ces choix. 5.1.3-
L’absence de service organisé et de cadrage en matière de marchés à procédure adaptée en interne
● Les règles et principes applicables En matière de commande publique et de publicité, les marges de manœuvre des collectivités sont encadrées par le code des marchés publics au-dessus de certains seuils et précisées par la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (ex-CJCE) et du Conseil d’Etat, pour certains marchés inférieurs au seuil défini à l’alinéa 5 de l’article 28 du code des marchés publics. Pour ces marchés, dispensés des procédures les plus contraignantes en matière de publicité et de consultation, les juges communautaire et administratif veillent néanmoins au respect des grands principes de la concurrence : liberté d’accès à la commande, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures. Ces principes imposent l’existence d’une publicité et d’une mise en concurrence minimales, dont les modalités doivent être fixées au niveau local. Cette exigence est le plus souvent remplie, de manière usuelle, par l’instauration d’une demande de 3 devis. Le seuil des marchés dispensés de procédure a varié de manière importante ces dernières années : 1. seuil de 4 000 € HT jusqu’au 19 décembre 2008, tout en sachant qu’entre 4 000 € HT et 20 000 € HT, la jurisprudence administrative impose une publicité minimale ; 2. seuil de 20 000 € HT suite à la publication du décret du 19 décembre 2008, jusqu’à l’annulation du décret par l‘arrêt du 10 février 2010 n° 329100, M. Perez, du Conseil d’Etat ; 3. seuil de 4 000 € HT du 1er mai 2010 au 9 décembre 2011 ; 4. seuil de 15 000 € HT depuis le 9 décembre 2011, suite à la parution du décret n°20111859, intégré par l’article 19-1 au sein de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 par l’article 118 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012.
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La notion de marchés « dispensés de procédure », doit donc être comprise avec précaution, celle-ci n’impliquant en aucun cas la dispense de mise en œuvre de garanties destinées à respecter les grands principes de la commande publique. La dispense de procédure s’applique par ailleurs à la publicité et au caractère écrit du contrat, qui est désormais exigé formellement au-delà de 15 000 € HT par l’article 11 du CMP depuis le 9 décembre 2011. Toutefois, il est fortement recommandé que les commandes, mêmes inférieures au seuil de 15 000 €, restent passées par écrit, a minima via un échange de lettre(s) ou de devis. A ce titre, la circulaire du 14 février 2012 relative au guide de bonnes pratiques en matière de marchés publics, rappelle notamment : « C'est pourquoi l'article 28 impose des garanties destinées à respecter les principes de la commande publique. L'acheteur doit veiller :
à choisir une offre répondant de manière pertinente au besoin; à faire une bonne utilisation des deniers publics ; à ne pas contracter systématiquement avec un même prestataire, lorsqu'il existe une pluralité d'offres potentielles susceptibles de répondre au besoin. Les acheteurs publics doivent toujours respecter leurs obligations en matière de définition préalable des besoins (art. 5). La détermination de la valeur estimée des besoins au regard des notions d'opération et de prestations homogènes doit faire l'objet d'une attention particulière (art. 27). L'acheteur ne doit jamais découper le montant de ses marchés, de façon à pouvoir bénéficier artificiellement de la dispense des obligations de publicité et de mise en concurrence, aux dépens de la sécurité juridique des contrats ainsi conclus et au risque, pour lui, de commettre un délit de favoritisme (..) » Au-delà du seuil des marchés dispensés de procédure et jusqu’à 90 000 € HT, l’acheteur est libre de déterminer les modalités de publicité « appropriés aux caractéristiques de ce marché, et notamment à son objet, à son montant, au degré de concurrence entre les entreprises concernées et aux conditions dans lesquelles il est passé » (Conseil d’Etat, 7 octobre 2005, Région Nord Pas de Calais). L’important est que la publicité suscite une concurrence garante d’un achat efficace. Par ailleurs, la CJCE21 a rappelé que la publicité ne signifie pas nécessairement publication. De manière générale et aussi bien pour les marchés dispensés de procédure que pour les marchés au-dessus du seuil de dispense et inférieurs à 90 000 € HT, l’acheteur doit toujours être en mesure de justifier de son choix a posteriori, ce qui implique de garder des traces écrites des procédures de passation et d’examen des candidatures et des offres. ● L’absence de procédures internes en matière de passation et de suivi Les délégations, plutôt larges, ont été accordées en l’absence de service spécifiquement chargé de la gestion de la commande publique ainsi que de procédures formalisées à compter de 2009. Un agent contractuel a été recruté de manière intermittente afin de renforcer le suivi de certains dossiers, sans être toutefois en charge du contrôle et/ou de la formalisation de l’ensemble des procédures passées au sein des services. En l’absence de directeur général des services à compter du début de l’été 201122, cet agent rendait compte directement au directeur de cabinet et à l’ordonnateur. De fait, la gestion et le suivi des marchés les plus courants ont été assurés par les différents services de la collectivité23, sans considération a priori de montant, les projets d’envergure étant suivis en particulier par des personnels identifiés, notamment le directeur de cabinet et l’agent contractuel intermittent à compter de 2009. De manière générale, aucun niveau unique de 21
CJCE, 21 juillet 2005, Consorzio Aziende Metano. Absence de ce dernier pour congés maladie. 23 Pour l’essentiel, par les services techniques. 22
28/45 Rapport d’observations définitives – Commune de Tarare (69)
centralisation n’est identifiable a priori, dans un contexte où certains agents exerçaient des responsabilités qui ne relevaient pas de leur fonction. Il en est ainsi du directeur de cabinet, qui avait notamment autorité sur les pôles associations et culture, dans le cadre de la nouvelle organisation retenue en fin d’année 2010. La commune n’a pas mis en place non plus de commission spécifique en charge de l’examen des candidatures et des offres pour les marchés passés en procédure adaptée. Dans le cadre du régime de délégation définie, la responsabilité du choix repose donc entièrement sur l’ordonnateur. Ce manque de service spécifique, dans un contexte d’achats importants entre 2009 et 2011, s’est doublé de l’absence de procédures internes. Ainsi en matière de procédure adaptée la commune n’a pas établi de guide alors que cette démarche relève de sa responsabilité. En matière d’analyse des offres la commune utilise une grille simple intégrant le plus souvent la qualité technique et le prix, sans toutefois avoir formalisé l’usage et la pondération de sous-critères, ce qui suscite un doute systématique sur l’objectivité des notes établies au sein des rapports des analyses des offres. Malgré quelques avancées en 201024, dans un contexte où la commune a lancé un certain nombre de projets d’envergure, cette absence de service référent, couplé à une dispersion de la gestion des dossiers a eu des conséquences sensibles sur la commande publique en général. La chambre relève le caractère large de la délégation consentie à l’ordonnateur en matière de marchés publics depuis 2008, dans un contexte d’absence de service chargé de cette mission et de procédures organisées. Par ailleurs, la commune ne s’est pas conformée à ses obligations d’information à l’égard des élus et des instances de contrôles, en ne publiant pas les comptes rendus des marchés passés en procédure adaptée, ni la liste des marchés conclus ainsi que les rapports de présentation, en contradiction avec les dispositions des articles 133 et 79 du code des marchés publics. Dans sa réponse aux observations de la chambre, la collectivité précise avoir entamé depuis mi-2012 un travail important de formalisation de ses procédures. Elle a notamment édité un guide de la commande publique comprenant des règles plus strictes que celles qui découlent du droit commun : publicité préalable dès le seuil de 5 000 € HT, encadrement de l’attribution des marchés supérieur à 90 000 € HT. La chambre ne peut qu’inciter la commune à diffuser cette procédure au sein de ses services afin de sécuriser sa politique d’achat. 5.2-
L’examen d’un échantillon de marchés
La chambre a procédé à un examen par sondage des marchés passés par la commune. Elle a retenu en particulier l’examen du marché de végétalisation de l’Hôtel de Ville, en raison des relations entretenues entre la commune et l’entreprise, les achats de fournitures de mobiliers de bureaux dans le cadre du réaménagement de l’Hôtel de Ville, et le projet de requalification des Teintureries, qui représente le projet le plus complexe et le plus couteux engagé par la commune depuis 2006, soit près de 10 M€. 5.2.1-
Le marché de végétalisation de l’Hôtel de Ville
La chambre a examiné les conditions dans lesquelles un marché de végétalisation de la mairie a été attribué à l’entreprise A, nouvellement installée sur le territoire communal (voir partie 6.2 sur la gestion du patrimoine). Ce marché a été passé en procédure adaptée pour un montant d’environ 200 000 € HT, soit l’offre la plus chère parmi celles des trois entreprises ayant transmis une offre. Au cas d’espèce, le pouvoir de prendre toute décision en matière de marché passé sans formalité préalable a été délégué à l’ordonnateur par la 24
Création du portail d’acheteur sur le site internet de la commune, etc.
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délibération du 31 mars 2008. • Une procédure de sélection relativement opaque et surtout formelle L’examen du rapport d’analyse des offres en date du 15 avril 2011 reflète une procédure conduite de manière peu transparente et au cours de laquelle la commune ne semble pas avoir cherché à préserver ses intérêts financiers. Les critères de sélection retenus par la commune étaient la valeur technique pondérée à 40 %, le prix à 35% et les délais à 25%. La commune a admis les candidatures des trois entreprises qui ont soumissionné et a examiné les trois offres, sans toutefois chercher à susciter une concurrence réelle selon la chambre. Ainsi les renseignements relatifs au délai des travaux, non transmis dans le mémoire technique d’une entreprise, n’ont pas permis la notation de ce critère pour celle-ci alors même que son prix était le plus bas. Face à un nombre d’offres correct sans être trop important, une demande complémentaire d’information était possible et aurait permis d’avoir véritablement trois offres en concurrence, d’autant que plus de deux mois se sont écoulés entre la fin de réception des offres et le rapport d’analyse. En choisissant de noter une offre sans faire préciser le critère « délai » par l’entreprise, et donc de l’écarter de facto (critère non noté), la commune n’a pas conduit une analyse sérieuse sur le fond mais s’est attachée à un respect essentiellement formel de la procédure de mise en concurrence. De la même manière, la commune n’a pas cherché à faire préciser les conditions et/ou le coût assorti d’une réduction des délais d’exécution auprès d’une autre entreprise. Tout en se conformant à la durée prévisionnelle des travaux fixée dans l’avis d’appel à la concurrence (10 semaines), le mémoire technique de cette entreprise précisait qu’une réduction des délais était possible. Là encore, les délais auraient permis à la commune de faire préciser ce point. Enfin, la fiche explicative de classement des offres ne présente pas si la commune a retenu des sous-critères et dans ce cas lesquels ont été utilisés pour l’élaboration de la note relative à la valeur technique, où les écarts ont été les plus importants. Concernant celle-ci, les mentions portées à l’appui de la note délivrée pour chaque offre se réfèrent pour la majorité aux caractéristiques attendues de l’ouvrage, or de manière générale la valeur technique ne peut s’apprécier sur la conformité au cahier des clauses techniques car celle-ci est du ressort de la recevabilité de l’offre. La commune a précisé quant à la méthodologie retenue « qu’aucune trace des calculs n’a été conservée ». Si la chambre a pu reconstituer les modalités de calcul des critères « prix » et « délais »25, l’attribution de la note de valeur technique apparait opaque. Si le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de mentionner les méthodes de notation dans l'avis de publicité ou le règlement de la consultation, il doit respecter les principes fondamentaux de la commande publique et pouvoir justifier son choix. Dans un souci de bonne administration et afin d'éviter d'éventuelles contestations, il est usuellement recommandé d'assurer la plus grande transparence des méthodes de notation, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Le tableau ci-après rappelle les notations attribuées aux entreprises et le classement final :
25
Calculs effectués selon la méthode dégressive classiquement retenue : (Offre la plus compétitive/ Offre à évaluer)*pondération. La meilleure offre reçoit la note maximale.
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Fournisseurs Première entreprise Entreprise A
Note technique (40%) (9/20) 0,2 (18/20) 0,4
Prix HT (35%) (118 400 €) 0,35 (198 852,5 €) 0,208
Délai (25%)
Note finale
Classement
Non noté
0,55
3
0,25
0,858
1
Troisième (13/20) (140 200 €) entreprise 0,28 0,295 0,18 0,755 2 Source : chambre régionale des comptes d’après les pièces transmises par la commune
Dans sa réponse aux observations de la chambre, la collectivité précise qu’elle s’est conformée strictement à la jurisprudence qui impose au pouvoir adjudicateur d’écarter une offre incomplète et que la possibilité de régularisation ne concerne que l’examen des candidatures et ne peut permettre à l’entreprise de modifier son offre. La chambre rejoint la collectivité sur cette analyse qui repose sur un strict respect de la lettre du texte des articles 52 et 53 du code. Elle relève toutefois qu’en matière de marchés passés en procédure adaptée, le ministère des finances a admis depuis 2010 que la négociation pouvait permettre au pouvoir adjudicateur de demander à un candidat de régulariser une offre irrégulière (cf. question n°70215 de M. Daniel Fidelin et réponse du 04/05/2010), cette position ayant été admise par la jurisprudence26. Selon la chambre, il ne parait donc pas assuré que les exigences de sécurité juridique commandaient à la commune un rejet immédiat de la première offre, ce qui semblait d’ailleurs peu opportun sur le simple plan de la gestion au regard notamment de la différence de prix. • Une résiliation critiquable du marché opérée dans des conditions juridiques fragiles Les notifications de rejet aux candidats évincés n’ayant pas été envoyées, la commune a écrit au cours de l’été 2011 afin d’obtenir confirmation des offres reçues et de proroger la durée de validité de celles-ci. D’après les courriers examinés par la chambre, il semble que des études d’exécution aient été engagées par l’entreprise retenue entre novembre 2011 et janvier 2012, en lien avec les services de la commune et en vue d’une intervention programmée entre juin et septembre 2012. Par un courrier en date du 22 novembre 2012, la commune a résilié le marché pour « motif d’intérêt général », sur la base de l’article afférent du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG travaux), en évoquant les difficultés financières rencontrées et en proposant une indemnité de résiliation d’environ 10 000 € HT. Cette offre a été acceptée par l’entreprise le 15 janvier 2013. Cette résiliation a été opérée dans des conditions juridiques fragiles. La chambre relève qu’en l’absence de référence expresse au CCAG travaux dans les documents constitutifs du marché, la commune ne peut pas se prévaloir de l’article 46 alinéa 6 fixant les modalités de la résiliation et des indemnités afférentes. Elle peut toutefois résilier unilatéralement le marché pour un motif d’intérêt général, en l’absence de toute faute du cocontractant. Ce pouvoir est en effet reconnu de manière générale à tout pouvoir adjudicateur, même en l’absence de texte. Ce motif doit toutefois être pleinement justifié sans quoi l’entrepreneur a droit à l’indemnisation de l’intégralité de son préjudice27. A cet égard, la chambre relève que le motif avancé par la commune dans sa lettre, soit les difficultés financières de la ville, s’il parait avéré au regard de la situation financière de la collectivité à cette date, n’est que faiblement étayé, ce qui aurait pu ouvrir une possibilité
26
Cf. Cour administrative d’appel de Bordeaux, 8 janvier 2013, Société DTP Terrassement et Conseil d’Etat, 30 novembre 2011, Ministère de la Défense c/ EURL Qualitech. 27 Conseil d’Etat, 29 juin 1990, Sté études-recherches-ingénierie-constructions (ERIC).
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contentieuse28. Ensuite en l’absence de mention du CCAG travaux, les modalités de négociation de la résiliation auraient dû être établies par une procédure de transaction, définie aux articles 2044 et 2045 du code civil. Cette dernière nécessite une délibération préalable d’autorisation du conseil municipal, qui n’a pas été délivrée en l’espèce, puisque c’est l’ordonnateur qui a fixé le montant de l’indemnisation en visant les articles du CCAG dont il ne pouvait se prévaloir. Dans sa réponse aux observations de la chambre, l’ordonnateur précise que : « Or, en l’espèce, les difficultés de réalisation de l’opération de végétalisation de l’Hôtel de Ville ont clairement justifié aux yeux de la collectivité l’abandon du projet. A ce motif technique s’ajoute celui des difficultés financières de la ville. » Compte tenu de ces difficultés, la chambre observe qu’aucun débat ne semble avoir eu lieu au conseil municipal sur l’abandon du projet ou sur le versement d’une indemnité en contrepartie, alors même que le délai séparant la signature du marché et la résiliation apparait plutôt long. Au regard de l’ensemble de la procédure, la chambre relève au final le caractère très critiquable et peu transparent de cette résiliation et de ces modalités de mise en œuvre. 5.2.2-
Les achats de fournitures et de mobilier de bureau auprès de l’entreprise B entre 2009 et mi-2012
La chambre a examiné les conditions dans lesquelles la commune a engagé les dépenses relatives au renouvellement des fournitures et du mobilier de bureau, en particulier dans le cadre des travaux de réfection de l’Hôtel de Ville. Entre 2009 et mi-2012, la commune a dépensé pour près de 287 000 € TTC d’achats dans ce domaine, dont une partie substantielle auprès d’un même fournisseur, l’entreprise B. Plus de 181 000 € TTC ont ainsi été payés à son profit, soit plus de 60% des dépenses d’achat dans ce domaine. La collaboration a été particulièrement active en 2011, année où les commandes passées représentent plus de 90% des dépenses. Entre 2009 et 2012, un seul marché a été passé, celui relatif au réaménagement du service d’état civil de la mairie en 2011. Le document ciaprès recense les factures payées à l’entreprise entre 2009 et 2012. Le marché d’équipement de l’état civil est surligné. Bud
Exer.
Facture int.
Fournisseur
Facture fourn.
Date émission
01
2009
093603
007808
F6649/3935
02/12/2009
Montant TTC
46 639,57 € Mobilier Salle Conseil Municipal et Salle des mariages
Libellé
01
2010
103689
007808
F6821/4164
05/11/2010
16 522,86 € Mobilier postes accueil
01
2011
110371
007808
F6858/4231
31/01/2011
01
2011
110403
007808
F6871/4233
31/01/2011
01
2011
110773
007808
F6905/4255
04/03/2011
15 730,61 € Accueil Services Techniques
01
2011
112526
007808
F6959/4346
27/06/2011
58 773,46 € Etat Civil
01
2011
112527
007808
F6979/4347
27/06/2011
3 948,90 € Association
01
2011
112528
007808
F6996/4348
27/06/2011
2 371,19 € Etat Civil
01
2011
112529
007808
F6981/4351
27/06/2011
1 812,37 € Services Techniques
01
2011
112638
007808
F6980/4349
10/05/2011
5 264,53 € CCAS
01
2011
112640
007808
F6978/4350
27/06/2011
1 330,33 € Accueil
01
2011
112868
007808
6978 SOLDE/4356
12/07/2011
1 995,50 € Fauteuil Visiteurs
01
2011
112869
007808
6980 SOLDE/4355
12/07/2011
665,17 € Fauteuil Visiteurs
01
2011
113009
007808
7005/4384
27/07/2011
9 771,32 € Signalétique Etage
01
2011
113485
007808
F6998/4409
13/09/2011
8 557,14 € Luminaire Etat Civil
01
2011
113704
007808
7064/4421
30/09/2011
01
2011
113901
007808
F7019/4437
24/06/2011
1 712,67 € Meuble rangement Etat Civil
01
2012
115142
007808
7038/4493
19/12/2011
2 730,47 € Voile de fond et cloison Accueil(dépenses reportées)
01
2012
121967
007808
F7121/4641
14/06/2012
1 913,60 € Etat Civil 741,52 € Complément Poste accueil
380,33 € Etagère
785,77 € Poste d'accueil (dépenses reportées) 181 647,31 €
Source : données commune, validées par la chambre
28
D’autant que le réel motif semble bien plutôt avoir été celui de l’inadaptation complète du projet au bâtiment. Les nouveaux cadres recrutés entre l’été et l’automne 2012 ont appelé l’attention sur les problèmes posés, non détectés a priori en début de procédure : problèmes de fenêtre, murs amiantés etc. Les difficultés financières de la collectivité ne l’ont en effet pas empêché de payer d’autres travaux.
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5.2.2.1-
Les conditions de paiement des mandats V : 231/6887 du 28/12/2009 et V : 267/6701 du 02/12/2010
En fin d’année 2009, la commune a payé près de 47 000 € pour équiper en mobilier la salle du conseil municipal et la salle des mariages, en procédant à une mise en concurrence minimale. En fin d’année 2010, une commande de mobilier pour l’accueil de la mairie a été passée pour un peu plus de 16 500 €. Cette dernière prestation n’a pas fait l’objet de mesure de publicité ni de mise en concurrence alors qu’une publicité adaptée aurait dû être mise en œuvre29 en raison du dépassement du seuil de 4 000 € HT qui prévalait à l’époque. Au regard des équipements livrés, la chambre relève que cette prestation peut être considérée comme un premier fractionnement du marché de rééquipement du service d’état civil de la mairie. 5.2.2.2L’analyse du marché d’équipement du service d’état civil de la mairie en 2011 • Une attribution dans des conditions discutables L’objet du marché concernait la fourniture, la pose et l’agencement intérieur du service d’état civil de la mairie. Les prestations demandées incluaient notamment la fourniture de rangements, de mobiliers et de parements acoustiques muraux. La commune a choisi de passer par une procédure adaptée selon le cadre défini par l’article 28 du CMP, sans définir toutefois précisément de seuil estimatif pour ce marché composé d’un seul lot. La commune a procédé à une publicité par l’affichage en mairie et publication sur le site internet de la ville à compter du 15 février 2011, la date limite de réception des offres étant fixée au 8 mars 2011 à 12h00. Les offres de deux entreprises ont été examinées à l’issue de la procédure. Le 15 mars 2011, l’ordonnateur a retenu l’offre de l’entreprise B, conformément au classement effectué sur la base des critères énoncés : la valeur technique (60%), le prix (40%). La différence essentielle s’est faite sur la base de l’appréciation de la valeur technique des offres, or le mode de calcul de celle-ci, notamment la prise en compte éventuelle de sous-critères et leur pondération, n’est pas explicité dans le tableau d’analyse de la collectivité. La commune a indiqué qu’«aucune trace des calculs n’a été conservée ». Si la commune n’est pas tenue de publier sa méthode de notation à l’attention des candidats, elle doit à l’inverse être en mesure de justifier les notes attribuées sur la base d’éléments objectifs, précis, et non discriminatoires, ce qui n’est pas le cas en l’espèce alors que la note technique attribuée à l’entreprise B est deux fois supérieure à celle de l’autre candidat. Analyse des offres Valeur Technique Prix des prestations 60% 40% Entreprises Montant HT Note Nombre de point Note en € après pondérée attribuées (sur 10) vérification Première entreprise 4 2,40 56 602,00 8,56 Entreprise B 8 4,80 45 491,69 10,00 Source : rapport d’analyse des offres du 15 mars 2011
Note pondérée 3,43 4,00
Note finale 5,83 8,80
La chambre relève aussi que le principe d’égalité n’a pas été respecté entre les candidats contrairement aux dispositions de l’article 1er du CMP. En effet, un mandat de près de 2 000 € a été payé le 17 février 2011 à l’entreprise B pour une prestation d’étude d’installation du mobilier dans le service faisant l’objet du marché (état civil). Cette prestation a donc eu lieu avant la procédure de publicité (avis de publicité publié le 15 février), pendant 29
La commune justifie ce choix « afin de conserver l’unité esthétique pour l’accueil de la mairie, situé à proximité des salles déjà équipées ».
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la phase de définition de l’opération. • Un montant de dépenses réelles qui excède significativement le montant du marché Le marché initial fixait le prix des prestations à près de 60 000 € TTC, une limite respectée au regard du mandat afférent au marché. La chambre relève pourtant que près de 95 000 € TTC de dépenses ont été mandatées et sont susceptibles de rentrer dans le cadre défini par l’objet général du marché30, à savoir l’agencement intérieur du service d’état civil. Le tableau ci-après détaille les dépenses précitées : PRESTATION ETUDE MOBILIER ETAT CIVIL 1 913,60 17/02/2011 FOURNITURE CAISSON SUR ROULETTE 741,52 17/02/2011 MOBILIER ETAT CIVIL 58 773,46 18/07/2011 MOBILIER ACCUEIL MAIRIE 1 330,33 07/07/2011 MOBILIER ACCUEIL MAIRIE 1 995,50 19/08/2011 ETAT CIVIL ETAGERES ORGANISATION 380,33 27/10/2011 ISOLATION ACOUSTIQUE ETAT CIVIL 2 371,19 18/07/2011 ACCEUIL MAIRIE +ETAT CIVIL 1 712,67 16/11/2011 FOURNITURE MOBILIER POSTE D'ACCEUIL 16 522,86 02/12/2010 Luminaire Etat Civil 8557,14 TOTAL 94 298,60 Source : chambre régionale des comptes d’après les pièces transmises par la commune
Ce dépassement représente près de 60% du montant du marché initial, un montant insusceptible de rentrer dans le cadre d’un avenant éventuel (principe de nonbouleversement de l’économie du marché), ou d’une décision de poursuivre prise dans le cadre de l’article 118 du CMP, cette dernière possibilité n’étant par ailleurs pas prévue par le pouvoir adjudicateur dans le règlement de consultation. Aucune de ces modalités de régularisation n’était a priori possible juridiquement, et n’a d’ailleurs été mise en œuvre par la collectivité. Plusieurs dépenses ont aussi été engagées auprès du même fournisseur alors que leur objet ne répond manifestement pas à celui défini dans le marché initial, tout en s’inscrivant selon la chambre dans la notion de prestations homogènes. La chambre relève ainsi que 37 000 € d’achats ont été effectuées au profit d’associations, du CCAS et des services techniques de la ville pour la fourniture de mobilier de service d’accueil et de rangements. Une première commande de mobilier à destination de l’accueil des services techniques a par ailleurs été mandatée le 17 mars 2013 pour une prestation effectuée avant la fin de la période de remise des offres. ECLAIRAGE LED + CASCADE 9 771,32 19/08/2011 MOBILIER SERV TECHNIQUES COMPLEMENT 1 812,37 18/07/2011 MOBILIER ACCEUIL SERV TECH HOTEL VILLE 15 730,61 17/03/2011 MOBILIER POLE ASSOCIATIONS 3 948,90 18/07/2011 MOBILIER CCAS 5 264,53 07/07/2011 MOBILIER CCAS 665,17 19/08/2011 TOTAL 37 192,90 Source : chambre régionale des comptes d’après les pièces transmises par la commune
Au final, en ne considérant que les dépenses pouvant être rattachées à une prestation homogène entre la fin de l’année 2010 et la fin de l’année 2011 et répondant globalement au 30
Sans inclure les dépenses mandatés en 2010, notamment celle de 16 522,86 € TTC concernant la fourniture de mobilier pour le poste d’accueil (mandat V : 267/6701 du 02/12/2010) qui aurait dû s’inscrire dans le marché si les besoins avaient été définis de manière plus rigoureuse en amont.
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besoin de rééquipement en mobilier et agencement d’un certain nombre de services de la commune, cette dernière a payé 131 491,5 € TTC au profit de ce fournisseur, un montant excédant largement celui prévu dans le seul marché passé, sans que la commune ne régularise la situation en passant de nouveaux marchés. Ces dépenses auraient dû s’inscrire dans le cadre d’un marché global, au besoin assorti de plusieurs lots, et respectant de facto une publicité adéquate -publication au BOAMP ou dans un journal d’annonce légale- car elles excèdent le seuil de 90 000 € HT. Sur la base de ce constat, la chambre considère que la commune en ne définissant pas en amont de manière suffisamment précise ses besoins, a opéré un fractionnement artificiel de ses commandes, qui lui a permis d’échapper aux modalités de publicité obligatoires adaptées au cas d’espèce, en contradiction avec les dispositions de l’article 5 du CMP qui dispose que : « I. - La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins. II. - Le pouvoir adjudicateur détermine le niveau auquel les besoins sont évalués. Ce choix ne doit pas avoir pour effet de soustraire des marchés aux règles qui leur sont normalement applicables en vertu du présent code. » Ce fractionnement a eu pour effet de conférer à l’entreprise B un avantage supplémentaire en restreignant la concurrence à l’entrée (un seul autre candidat a soumissionné), dans un marché où elle avait déjà bénéficié de commande sans aucune mise en concurrence (depuis au moins la fin de l’année 2010), dont une directement en rapport avec l’objet du marché en amont de la procédure, en contradiction avec les textes règlementaires afférents et la jurisprudence administrative. La chambre considère par ailleurs que l’attribution de ce marché s’est faite dans des conditions opaques, dans le sens où la commune n’a gardé aucune trace des pièces ou critères justifiant l’attribution de la note de valeur technique sur laquelle s’est joué l’essentiel de la différence en faveur de l’entreprise B. En dehors de ce marché, l’entreprise a par ailleurs continué de bénéficier de commandes qui auraient dû faire l’objet de marchés nouveaux. La chambre a examiné deux marchés qui ont concerné des prestations effectuées au profit du bâtiment de l’Hôtel de Ville en 2011 : un marché de végétalisation conclu avec une entreprise récemment installée sur la commune, et des achats de mobiliers effectués dans le cadre du réaménagement des locaux d’accueil. Dans le premier cas, la commune a retenu l’offre la plus chère après avoir conduit une procédure de mise en concurrence essentiellement formelle, au cours de laquelle elle ne semble pas s’être attachée à préserver ses intérêts financiers. Le marché a finalement été annulé et la commune a signé une transaction avec l’entreprise, dans des conditions juridiques fragiles qui auraient dû faire l’objet d’une autorisation du conseil municipal. Dans le second cas, une partie substantielle des commandes passées a excédé les limites fixées au contrat dans des proportions telles que de nouveaux marchés auraient dû être passés par la collectivité. Ces prestations effectuées sans support contractuel peuvent être regardées comme un fractionnement illicite qui a soustrait la commune à ses obligations de publicité, dans un contexte où ce prestataire avait déjà bénéficié d’une commande sans aucune mise en concurrence en fin d’année 2010. 5.3-
La gestion du projet des Teintureries
5.3.1-
Eléments de contexte et rappel des faits
La commune a racheté en 2008 le site de l’entreprise Teintureries de la Turdine,
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fermée en 2009 suite à la crise du secteur textile. Le site a été dépollué par l’EPORA (établissement public foncier de Rhône-Alpes), puis racheté par la commune en fin d’année 2008 pour 1 230 887 €. Le projet de l’équipe municipale en place en 2007 était de transformer le site en un pôle culturel en déménageant le théâtre du centre-ville et en créant une maison des associations afin de regrouper sur un même lieu les structures associatives hébergées dans différents bâtiments communaux. Un premier concours de maitrise d’œuvre a eu lieu au début de l’année 2007 afin de faire préciser ce projet. En 2008, la nouvelle équipe municipale a souhaité revoir la destination de l’emprise en la transformant en une surface d’accueil à destination d’entreprises comprenant notamment une brasserie et un café-concert. Les travaux ont commencé en 2010 et se sont achevés en 2012. Les marchés de travaux ont été attribués par procédure d’appel d’offres. 5.3.2-
Rappel des modalités d’usage des avenants
Un avenant constate l’accord des parties à un contrat en vue de modifier une ou plusieurs dispositions de l’accord initial. Il ne fait pas naître un nouveau contrat mais s’incorpore au contrat existant. Les conditions de conclusion d’un avenant sont strictement encadrées par les textes et la jurisprudence administrative et communautaire. Les conditions générales de procédure en matière de recours aux avenants résultent des dispositions de l’article 8 de la loi n°95-127 du 8 février 1995 relative aux marchés publics et délégations de service public, modifié par la loi n°2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit et par la loi n°2009-179. Elles sont rappelées ci-après :
un avenant ne nécessite l’avis de la commission d'appel d'offres que si le marché a été attribué par cet organe et si l'avenant dépasse 5% ;
un avenant peut, pour tous les marchés, être signé par l'exécutif si l'assemblée délibérante a délégué cette compétence, la décision de l'exécutif devant viser l’avis de la commission d'appel d'offres quand celui-ci est requis. Sur le fond, le code des marchés publics pose une règle supplémentaire, l’interdiction du changement de l'objet et du bouleversement de l'économie du marché, dont le juge administratif module la portée. Une modification substantielle des prestations peut donc rendre nécessaire une nouvelle mise en concurrence. L’article 20 du CMP dispose en effet que : « En cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision de poursuivre peut intervenir quel que soit le montant de la modification en résultant. Dans tous les autres cas, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut bouleverser l’économie du marché, ni en changer l’objet » Ainsi lorsqu’un avenant ou le cumul des avenants augmente de 15% à 20% (d’après la doctrine ministérielle) ou plus le prix d’un marché, il est susceptible d’être regardé comme bouleversant l’économie de ce marché et de ce fait, peut être qualifié d’irrégulier, le juge administratif statuant toutefois au cas par cas. Seules des sujétions techniques imprévisibles et ne résultant pas du fait des parties sont susceptibles de rendre acceptable un avenant ayant conduit à un bouleversement de l'économie du marché. Dans une réponse écrite, le ministère de l’Economie rappelle que « En adoptant cette disposition, le législateur a mis en place une procédure d'alerte qui rappelle à la vigilance sur les conditions d'exécution du marché et le respect de la mise en compétition initiale. D'une manière générale, il est en effet rappelé que l'avenant ne peut être considéré comme une modalité normale de gestion d'un contrat. La procédure a un double objet. Elle vise à rendre transparente la passation des avenants, en invitant les commissions prévues pour les marchés à se prononcer préalablement sur l'opportunité de toute modification envisagée du contrat entraînant une augmentation du montant initial supérieure à 5%. Elle constitue également pour les collectivités une forte incitation à procéder avant le lancement de la consultation des entreprises à une meilleure analyse préalable de leurs besoins. »
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Par ailleurs, tout avenant à un marché de plus de 206 000 € HT, seuil prévu par le décret n°2008-171 du 22 février 2008, est à transmettre au représentant de l'État (cf. réponse ministérielle à la question n° 00664 publiée au JO du Sénat). 5.3.3-
L’utilisation potentiellement irrégulière d’avenants dans le cadre du marché de maitrise d’œuvre afin d’en changer l’objet
Le marché de maitrise d’œuvre de requalification a été notifié le 15 juin 2007 pour un montant de rémunération provisoire de 660 780 € HT avec le cabinet D, mandataire du groupement, en charge de la mission complémentaire d’OPC (ordonnancement, coordination, pilotage). Le 3 septembre 2010, l’ordonnateur a notifié un premier avenant à ce marché afin de prendre en compte le changement de destination du site (salle de concert, brasserie, bureaux etc.) ainsi que les reprises d’études nécessaires. Ce premier avenant a porté la valeur du marché à 690 130 € HT, soit une hausse de 4,39% par rapport au montant initial. Le montant prévisionnel des travaux a également été revu à la hausse à un peu plus de 5 M€, une hausse de 9,34% par rapport au coût prévisionnel en valeur de janvier 2007. Un second avenant a été notifié le 6 février 2012 pour un montant de 35 925,38 € HT, portant le marché à un montant de 726 055,38 € HT afin de prendre en compte de nouvelles adaptations de programme : démolition d’un bâtiment, étude de faisabilité pour l’aménagement d’un hôtel dans l’aile Est, demandes d’adaptation complémentaires pour les locaux de la brasserie etc. Ces deux avenants ne répondent pas aux exigences d’usage de ces procédures sur le fond comme sur la forme. Au regard des dispositions précitées (article 20 CMP), la chambre relève que les deux avenants passés successivement pourraient être regardés comme ayant changé l’objet du marché, défini à l’origine comme étant destiné à l’opération suivante : la «(…) création d’un pôle culturel regroupant un théâtre et une maison des associations destinés aux activités de pratique musicale ». A l’inverse, le nouveau projet est décrit dans les documents de marché de travaux comme concernant « la requalification d’un ancien site industriel (…) en pôle tertiaire (…) Le bâtiment abritera dans son aile est trois plateaux destinés à accueillir des bureaux et un hôtel, dans son aile ouest, à rez-de-chaussée, une brasserie, une distillerie et un café-concert, au 2ème étage un plateau destiné à accueillir des bureaux ». Les avenants passés apparaissent a posteriori comme potentiellement irréguliers. Sur la forme, la chambre constate que le 2ème avenant notifié en février 2012, entraine une hausse du prix du marché de 5,21% et non pas de 4,94% comme indiqué dans le document. En l’espèce, il aurait dû être soumis à l’avis de la commission d’appel d’offre puisque son montant cumulé à celui de l’avenant antérieur excédait le seuil de 5%, avis dont l’assemblée délibérante aurait dû être saisie pour décision dans la mesure où ce pouvoir n’avait pas été délégué à l’ordonnateur. Pour ce qui concerne le cas spécifique des marchés de maitrise d’œuvre, le ministère de l’Intérieur dans une réponse écrite31a précisé que les avenants dépassant 5% doivent être soumis à l’avis de la commission d’appel d’offres. Il apparait donc que cet avenant en particulier ne pouvait pas être signé par l’ordonnateur dont la seule délégation concernait les marchés à procédure adaptée. 5.3.4-
L’utilisation potentiellement irrégulière d’avenants dans le cadre du marché de travaux
Sur un montant initial d’environ 7,5 M€ de travaux, la commune a passé 24 avenants 31
Question n°20441 de M. Bernard Durosier, publiée au JO le 08/04/2008.
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entre les mois de juin 2011 et d’avril 2012, pour un montant proche de 500 000 €. Au total 12 avenants passés par la collectivité ont dépassé la limite des 5% d’augmentation par rapport aux marchés initiaux. L’examen des avenants passés appelle deux catégories d’observations, sur la forme et le fond des procédures suivies par la commune. Sur la forme, l’ensemble des avenants précités a été signé uniquement par l’ordonnateur alors qu’ils auraient dû être approuvés par l’assemblée délibérante après avis de la commission d’appel d’offres pour deux raisons :
ces marchés ont été attribués par procédure formalisée d’appel d’offres ; l’exécutif ne possédait aucune délégation lui autorisant la signature de ces avenants. Ces avenants n’ont de plus pas été transmis au contrôle de légalité alors qu’ils concernaient des marchés supérieurs au seuil. Sur le fond, le cumul des avenants serait susceptible d’être qualifié comme bouleversant l’économie des marchés, logiquement induit par les atermoiements successifs dans l’exécution32. Le tableau ci-après détaille les principaux lots concernés : LOT
LOT 1 gros LOT 2 charpente œuvre couverture Nombre d’avenants 5 2 Montant avenants TTC 262 234,14 € 53 013,15 % global / marché initial TTC 16,14% 14,26% Source : chambre régionale des comptes
LOT 8 plâtreries peinture 2 88 651,15 14,44%
LOT 13 chauffage ventilation plomberie 1 110 039,83 17,90%
En dehors du lot 13 mentionné ci-avant et pour lequel un possible bouleversement substantiel de l’économie du marché aurait dû être détecté immédiatement (un seul avenant signé), certains dépassements auraient dû alerter rapidement les services de la collectivité. La chambre relève pour exemple les avenants du lot n°1 ci-après qui dépassaient les 10% d’augmentation dès le 2ème avenant : LOT 1
Montant initial Avenant 1 Nouveau M Avenant 2 Nouveau M 1 624 926,20 147 720,04 1 772 646,24 33 734,97 1 806 381,21 Hausse cumulée % 9,09% 11,17% Date 09/06/2011 05/09/2011 Source : chambre régionale des comptes
Avenant 3 20 269,68 12,41% sept-11
Nouveau M Avenat 4 Nouveau M 1 826 650,89 60 521,28 1 887 172,17 16,14% 31/01/2012
Avenant 5 Nouveau M Total avenants -11,83 1 887 160,34 262 234,14 16,14% 16,14% 19/04/2012
Dans sa réponse aux observations de la chambre, l’ordonnateur affirme regretter les errements constatés et compte sur les nouvelles procédures internes mises en place en 2012 afin d’éviter pour l’avenir de tels dysfonctionnement. Il conteste par ailleurs l’analyse de l’illégalité potentielle des avenants passés au marché de maitrise d’œuvre. La chambre maintient cette observation en tant que la jurisprudence citée en réponse par l’ordonnateur ne permet, à son sens, en aucun cas un changement d’objet du contrat, l’opération étant passée en l’espèce d’un pôle culturel à un pôle tertiaire. La chambre relève la gestion juridique défaillante du projet de requalification du site des Teintureries, aussi bien dans les phases de maitrise d’œuvre que de travaux.
32
Projet d’hôtel finalement abandonné mais qui explique en partie la forte hausse du montant du lot 13, travaux importants de renforcement de la dalle dans le lot 1 afin de prendre en compte de nouvelles surcharges de cuves pour la brasserie etc.
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Alors que le changement de destination du projet à compter de 2008 aurait vraisemblablement dû faire l’objet d’un nouveau marché, la commune a signé successivement deux avenants au contrat de maitrise d’œuvre, en contradiction avec les dispositions de l’article 20 du code des marchés publics. Par la suite, entre les mois de juin 2011 et d’avril 2012, la moitié des avenants aux marchés de travaux (12) aurait dû faire l’objet d’un avis de la commission d’appel d’offres et d’une décision de l’assemblée délibérante, puisque ces avenants excédaient le seuil de 5% d’augmentation par rapport aux marchés initiaux. La plupart de ces avenants étaient susceptibles d’être qualifiés comme bouleversant l’économie de leurs marchés respectifs, ce qui est interdit en l’espèce par le code des marchés publics. 5.4-
Synthèse des observations relatives à la gestion de la commande publique
La gestion de la commande publique s’est fortement dégradée à compter de 2008, avec des conséquences sensibles sur l’information publiée et la sécurité juridique des actes passés par la collectivité. En l’absence de service spécifique et de personnel référent à plein temps, la chambre relève parmi l’échantillon de procédures retenues un cumul inquiétant d’irrégularités substantielles. Ainsi la gestion du projet de requalification des Teintureries s’est faite sur la durée sans consultation de la commission d’appel d’offres et de l’assemblée délibérante, en matière d’avenants en particulier, alors que ceux-ci bouleversaient potentiellement l’économie des marchés conclus. Dans ce contexte, la chambre invite la commune à se doter de procédures internes rigoureuses et à les diffuser afin de sécuriser sur le plan juridique l’ensemble de ses actes d’achats.
6-
LA GESTION DU PATRIMOINE COMMUNAL
La commune a conduit depuis 2008 une politique de cession importante, afin de financer ses projets d’investissement et d’attirer des entreprises sur son territoire. Elle a également conduit une politique importante de réhabilitation d’un certain nombre d’emprises : écoles municipales, cinéma, etc. En matière d’aide aux entreprises, la commune a essentiellement mobilisé son patrimoine au travers de deux opérations : la cession d’un domaine acquis au profit de l’entreprise A et l’opération de crédit-bail mise en œuvre en 2012 au profit de la société C. La chambre a controlé notamment le respect du principe de compétence du fait de l’appartenance de la commune à une structure intercommunale, la bonne application des prescriptions règlementaires et communautaires dans ce domaine, ainsi que l’équilibre coût-avantage des opérations conduites. 6.1-
Les règles de compétence et de mise en œuvre en matière d’aide à l’immobilier d’entreprise
6.1.1-
Des actions exercées en non-conformité avec le respect du principe de compétence de la communauté de communes
De manière générale, la jurisprudence soutient qu’une commune ne peut plus prendre de décision dans un domaine de compétence transféré à un établissement public de
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coopération intercommunale. Ce principe a été reconnu en matière d’aide aux entreprises33. La commune de Tarare appartient à la communauté de communes du Pays de Tarare (CCPT), dont les principales compétences déléguées sont :
l’aménagement de l’espace ; le développement économique ; la protection et mise en valeur de l’environnement ; la création ou aménagement et entretien de la voirie d’intérêt communautaire ; le logement social.
La compétence développement économique, telle qu’elle est détaillée dans les statuts de la CCPT34, renvoie aux actions suivantes :
aménagement, entretien et gestion de zones d’activité industrielle, commerciale,
tertiaire, artisanale ou touristique d’intérêt communautaire. Sont d’intérêt communautaire : les zones transférées des SIVOM antérieurs, les zones existantes de la communauté de communes, toutes les nouvelles zones à créer, dont la superficie est supérieure à 5 000 m². actions de développement économique ; accueil des entreprises, réalisation et gestion d’immobilier d’entreprises industrielles et artisanales de production et de services aux entreprises ; étude de toutes actions économiques et/ou touristiques concernant plusieurs communes ; opération de restructuration du commerce concernant au moins deux communes ; promotions économique et touristique du territoire communautaire et soutien financier à l’office du tourisme ; pépinières d’entreprise.
Les actions d’accueil aux entreprises, incluant notamment les actions de réalisation et de gestion d’immobilier d’entreprises ont ainsi été transférées à la CCPT. Sur le fond, l’ensemble des actions mises en œuvre par la commune de Tarare en matière d’aide à l’immobilier d’entreprise sur le site des Teintureries apparaissent comme irrégulières, de même a priori que la constitution du budget annexe SPIC regroupant les opérations des Teintureries (cf. partie 2.2.3). Selon les documents de chantier, la surface concernée par les travaux d’aménagement mis en œuvre représente plus de 6 000 m² (hors espace de distribution commune), ce qui rattache les opérations conduites à la compétence communautaire. Dans sa réponse aux observations de la chambre, l’ordonnateur précise que c’est la réticence des élus communautaires qui a amené la municipalité à mettre en œuvre ce projet, dans le respect des statuts de l’intercommunalité si l’on considère l’emprise foncière du bâti, soit 3 677 m². 6.1.2-
Rappel des règles applicables en matière d’aide à l’immobilier d’entreprise
Une collectivité peut faire usage de son patrimoine afin d’atteindre des objectifs de développement économique. De manière générale, les collectivités ne disposent en ce domaine d’une totale liberté qu’en matière d’aide à l’immobilier d’entreprise, sous couvert toutefois dans le cas d’une commune que la compétence de développement économique n’ait pas été transférée à l’établissement public de coopération intercommunale (cf. 6-1-1). 33
Conseil d’Etat, 9 mai 2005, Soc. Id toast. Arrêté n°1333 du 24 janvier 2005 relatif aux statuts et aux compétences de la communauté de communes du Pays de Tarare.
34
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Le cadre général de ces interventions est fixé par l’article L. 1511-3 du CGCT qui dispose que : « Le montant des aides que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer, seuls ou conjointement, sous forme de subventions, de rabais sur le prix de vente, de location ou de location-vente de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés est calculé par référence aux conditions du marché, selon des règles de plafond et de zone déterminées par décret en Conseil d'Etat. Ces aides donnent lieu à l'établissement d'une convention et sont versées soit directement à l'entreprise bénéficiaire, soit au maître d'ouvrage, public ou privé, qui en fait alors bénéficier intégralement l'entreprise (…) » Les modalités règlementaires en matière d’aide à l’investissement d’immobilier d’entreprise ont été définies par les décrets n°2007-1282 du 28 août 2007 et n°2009-1717 du 30 décembre 2009 qui ont modifié la partie règlementaire du code (Livre V Dispositions économiques). Ces dispositions s’inscrivent dans le respect des aides accordées par l’Etat, qui s’inscrivent elles-mêmes dans le respect des prescriptions communautaires. Dans ce domaine, les aides locales comme les aides d’Etat -plus précisément la différence entre le prix de marché et le prix réellement consenti qui constitue l’aide publique- tombent sous le principe de l’interdiction de l’article 87 du traité instituant la communauté européenne (TCE). Cette incompatibilité de principe connait toutefois un certain nombre d’exceptions dont les modalités d’admission sont fixées en matière d’immobilier d’entreprise dans les règlements relatifs aux petites et moyennes entreprises (PME) et dites de minimis. Selon les dispositions du nouvel article R. 1511-4-1, les aides accordées dans le cadre de contrats de crédit-bail sont considérées comme des aides à l’investissement. 6.1.3-
Les règles applicables sur le territoire communal
Au cas d’espèce, et d’après les règles encadrant le zonage des aides, la commune de Tarare se situe dans une zone d’aide à l’investissement des PME et doit donc se conformer aux dispositions propres à cette catégorie d’aide économique définies à la sous-section 2 du titre I du Livre V du CGCT35. En zone d’aide à l’investissement des petites et moyennes entreprises, trois séries de contraintes règlementaires sont à valider pour assurer la sécurité juridique du dispositif mis en place :
la fixation préalable de la valeur vénale de référence par France Domaine ou un expert (article R. 1511-4) qui servira de base pour établir le montant de l’aide accordée ; la définition par l’assemblée délibérante des conditions d’attribution, de liquidation, de versement, d’annulation et de reversement des aides accordées ; le respect des limites de rabais accordés fixées au CGCT en fonction du zonage, soit 10% de la valeur vénale de référence lorsque l’aide est accordée à une entreprise moyenne, ou 20% dans la limite de 200 000 € par entreprise sur 3 ans, le montant des aides à la location étant astreint au respect des mêmes seuils ; selon les cas, le respect des règles de notification à la Commission en cas de franchissement du seuil de minimis, démarche qui impose dans la convention la mention par l’entreprise de toutes les aides obtenues ou sollicitées pendant l’exercice fiscal en cours et les deux précédents. Par ailleurs, l’obligation de notification pour les PME est acquise lorsque le montant total de l’aide est supérieur ou égal à 7,5 M€.
35
Soit les articles R.1511-5 à R.1511-9, en plus des dispositions communes.
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6.2-
La cession d’un domaine acquis par la commune
6.2.1-
Eléments de contexte et rappel des faits
La commune a cédé à l’entreprise A en mai 2011 un domaine de plus de 12 000 m² comprenant une maison et un terrain arboré acheté à la Chambre de commerce et d’industrie en mars 2010 pour un prix de 900 000 €. Les conditions d’acquisition du bien par la commune ont été inscrites dans la délibération du 14 décembre 2009. Selon les termes de la délibération, cette opération a été motivée par le souhait d’accueillir dans ce lieu des activités créatrices d’emplois pérennes et de leur offrir des conditions d’installation attractives. L’instruction a montré que la Chambre de commerce et d’industrie, propriétaire des lieux, ne souhaitait pas vendre directement cette emprise à l’entreprise A et que le directeur de cabinet du maire M. Z, en charge du développement économique, a négocié les conditions de portage par la commune et ensuite de cession à l’entreprise. Au regard des modalités de la délibération du 20 septembre 2010 approuvant la vente, le domaine a été vendu en mai 2011 avec transfert de propriété différé jusqu’au complet paiement du prix sur une période de 20 ans, soit 900 000 € payables en 239 échéances mensuelles constantes de 2 250 € et une 240ème échéance de 362 250 €. L’acquisition anticipée est permise à l’issue d’une période de trois années, et par la suite à chaque date anniversaire du contrat, sous couvert du paiement de l’intégralité du prix par anticipation. De plus, la délibération fait mention de l’imputation au prix de vente d’une indemnité mensuelle (redevance d’occupation) de 1 500 €, versée de manière complémentaire par le preneur. Le contrat est qualifié dans la délibération et l’acte notarié de « vente avec transfert de propriété différé ». 6.2.2-
Des conditions très attractives consenties à l’entreprise, sans contrepartie formelle en matière de création d’emplois
La chambre relève que l’estimation du prix de cession a été faite au début de l’été 2010 (1er juin) par le service des domaines. Le service a confirmé le prix proposé par la commune de 900 000 € +/- marge de négociation de 10%. Or la commune a engagé un certain nombre de travaux afin de réhabiliter le domaine pour un montant global d’un peu moins de 15 000 € en fin d’année 2010, auprès de prestataires extérieurs. La chambre n’a pas pu évaluer la part complémentaire prise par d’éventuels travaux en régie de sorte que la somme précitée doit apparaitre comme une somme a minima. A la suite de ces travaux, la commune n’a pas sollicité de nouvel avis afin de préciser la valeur vénale du bien après les opérations engagées. La chambre a calculé le coût réel de l’opération consentie par la commune en calculant le taux actuariel comparable à tout taux de crédit. D’après les calculs de la chambre, le taux effectif global ainsi que le taux annuel équivalent sont de 0%, soit des conditions très avantageuses pour l’entreprise, alors que c’est la collectivité publique qui a porté le financement de l’acquisition. Ce constat valide celui effectué lors de l’examen formel du contrat, l’imputation des redevances d’occupation sur le solde à payer neutralisant le coût de l’option d’achat en fin de contrat et aboutissant in fine à un loyer « gratuit » pour l’entreprise. Pour la commune, ce portage financier constitue donc un coût d’opportunité très important. Pour l’entreprise, l’économie globale générée, par rapport aux coûts induits par un financement par emprunt, peut être évalué a minima entre 100 000 € et 150 000 € En l’espèce, la chambre relève qu’en lieu et place de ce mécanisme pour le moins opaque, la commune avait la possibilité de céder l’emprise au travers d’une vente classique, à laquelle elle aurait pu appliquer une réduction transparente de 20% de la valeur vénale de référence, ou de demander une évaluation de la valeur vénale du montant des loyers si elle retenait l’option d’une location simple. Cette option aurait toutefois nécessité une
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réévaluation suite aux travaux de rénovation. La chambre considère que l’opération accorde bien un avantage important à l’entreprise dont la légalité, au regard de la règlementation des aides publiques économiques locales, est conditionnée par la conformité de ses dispositions aux articles L. 1511-3 et R. 1511-4 à R. 1511-23-1 du CGCT. Le montant des aides consenties aurait dû en l’espèce être évalué et faire l’objet d’une convention entre la commune et l’entreprise. Cette convention aurait permis un débat et la formalisation précise des engagements de l’entreprise au regard des conditions consenties par la commune, conformément aux dispositions de l’article R. 1511-4-2 du CGCT qui mentionne que : « Les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements déterminent les conditions d’attribution, de liquidation, de versement, d’annulation et de reversement des aides accordées en vertu de la présente section. Le bénéfice de ces aides est subordonné à la régularité de la situation de l’entreprise au regard de ses obligations fiscales et sociales. La convention mentionnée à l’article L. 1511-3 comporte une déclaration dans laquelle l’entreprise bénéficiaire mentionne l’ensemble des aides reçues ou sollicitées pour le financement de son projet pendant l’exercice fiscal en cours et les eux exercices fiscaux précédents. Elle précise le montant des aides dites « de minimis » qui lui ont été accordées ou qu’elle a sollicitées (…) » A l’inverse, la chambre relève que ces conditions ont été consenties sans l’exigence d’aucune contrepartie formelle en matière d’emplois, en contradiction avec la motivation première de cette acquisition qui était « de permettre en ce lieu l’accueil d’une ou plusieurs activités créatrices d’emplois pérennes »36 et alors que la délibération du 20 septembre 2010 présente le type d’activité conduite par l’entreprise comme « un atout pour le rayonnement de la ville de Tarare et pour son développement économique ». Le seul recrutement local avéré a concerné le directeur de cabinet de l’ordonnateur, M. Z, qui a accompagné le projet. Celui-ci a été embauché par l’entreprise en mars 2012, soit moins d’un an après la signature de l’acte de cession, dans des conditions qui apparaissent comme non conformes aux prescriptions règlementaires régissant les obligations statutaires et pénales des collaborateurs de cabinet des autorités territoriales (cf. § 4.4 de la gestion des ressources humaines). La chambre relève enfin que l’acquisition du domaine a contribué à fragiliser la situation financière de la ville en 2010 en amputant sa trésorerie de 900 000 €. Dans sa réponse aux observations de la chambre, l’ordonnateur rappelle que le montage effectué est, selon lui, protecteur des intérêts de la collectivité et que cette opération a été justifiée par un motif d’intérêt général. La chambre relève les conditions avantageuses accordées à l’entreprise A dans le cadre d’une cession différée d’un domaine racheté à la chambre de commerce et d’industrie par la commune en mars 2010, puis revendu moins d’un an et demi après. La commune a fait le choix d’un mécanisme de cession complexe -un contrat de vente avec transfert de propriété différé- et peu transparent qui occulte l’aide importante accordée à l’entreprise sur une durée longue. La chambre constate l’absence de contrepartie formelle exigée en matière d’emploi, en contradiction avec les dispositions réglementaires et avec la définition de l’objet du projet, alors même que la commune a supporté l’entièreté du poids financier de l’acquisition. Elle relève à l’inverse que l’ancien directeur de cabinet du maire a été recruté en mars 2012 comme directeur général de l’entreprise.
36
Délibération du 20 septembre 2010.
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6.3-
L’opération de crédit-bail du 1er mars 2012 au profit de la société C
6.3.1-
Eléments de contexte et rappel des faits.
La commune a signé le 1er mars 2012 un contrat de crédit-bail immobilier avec la société C, portant location pour 30 ans d’un espace de plus de 2 000 m² au sein de l’ancien site industriel de la société des teintureries de la Turdine. La société C est un acteur économique dans le domaine de la brasserie, de la restauration et du spectacle. La société emploie environ 170 salariés et a dégagé un chiffre d’affaires de plus de 10 M€ en 2011. La location de l’espace à Tarare a permis la délocalisation de la fabrique de bière, située initialement à Lyon Gerland (libération de 600 m²) ainsi que l’installation d’une unité de production de plus grande taille, diversifiée vers de nouvelles boissons à terme. Le nouvel espace inclut un restaurant. Le contrat a été signé pour la commune par l’ordonnateur habilité par délibération du conseil municipal en date du 23 janvier 2012. Le contrat prévoit l’installation d’une brasserie, d’une distillerie et d’un restaurant café-concert. 6.3.2-
L’examen du contrat
La commune et l’entreprise ont signé chez notaire l’acte de contrat. Les modalités de paiement, de cession et d’entretien de la structure sont clairement explicitées. Elles précisent les modalités de cession : option d’achat pouvant être levée au bout de 6 années et valeur résiduelle du bien fixé à un euro si l’acquisition survient au terme de la dernière échéance (le 1er mars 2042). La chambre relève toutefois un certain nombre de manquements. • Le non-respect des modalités de fixation de la valeur vénale de référence du loyer En contradiction avec les dispositions relatives aux modalités de fixation de la valeur vénale de référence, la commune n’a pas fait appel à un expert alors que le service des domaines avait refusé de procéder à cette évaluation en estimant que cette mission n’entrait pas dans les attributions que lui conféraient les textes. L’article R. 1511-4 du CGCT impose pourtant que « Pour l'application de la présente section, la valeur vénale des terrains ou bâtiments utilisée comme référence pour la détermination du montant des aides que peuvent attribuer les collectivités territoriales et leurs groupements est fixée par le service des domaines ou par un expert. (…) ». Les loyers consentis dans le cadre de contrat de créditbail ressortent clairement du champ des aides économiques, ainsi que le rappelle l’article R. 1511-4-1 : « (…) Les aides accordées sous les formes prévues par l’article L. 1511-3 pour le financement de projets immobiliers dans le cadre de contrats de crédit-bail et de locationvente sont considérés comme des aides à l’investissement ». Les loyers de crédit-bail comprennent usuellement une quote-part liée au remboursement du capital des emprunts souscrits et une redevance d’occupation, de manière à couvrir l’ensemble des coûts de l’opération financés par la collectivité. Dans ce cas, les aides à l’investissement ne peuvent excéder les montants prévus à l’article R. 1511-6 du CGCT. Plutôt que de faire appel à un service expert conformément aux textes, la commune a fixé les modalités du loyer dans des conditions qui apparaissent discutables. Elle a ainsi retenu un prix de cession d’environ 2,3 M€ HT, sur la base des seules sommes financées au cours des travaux concernant cette partie de la structure, à l’exclusion des coûts engagés pour l’achat du bâtiment et des frais de maitrise d’œuvre par exemple. A partir de ce prix de cession, la collectivité a déterminé un montant de loyer mensuel de 6 375,60 € HT, sur une période de 30 ans, soit l’équivalent d’un prêt à taux zéro consenti à l’entreprise. Le loyer a par ailleurs été fixé sur la base exclusive de ce montant, sans quote-part liée à l’occupation puisque que le paiement pendant 30 années de cette somme suffit à rembourser l’intégralité du prix de cession. Ce mécanisme aboutit à une cession à titre gratuit par la commune en fin
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de contrat si l’option d’achat est levée par l’entreprise. Nonobstant le fait que la valeur vénale du loyer aurait dû être fixée au préalable par recours à un expert ou à France Domaine, une estimation minimale plus fidèle du loyer aurait dû intégrer l’ensemble des coûts afférents à la mise à disposition de l’ouvrage selon par exemple une clé de répartition par surface occupée. Une évaluation sommaire sur la base d’une quote-part des surfaces intégrant l’ensemble des coûts connus ramènerait le loyer mensuel plutôt autour de 8 000 € HT sur la période, soit une réduction minimale consentie en l’espèce par la commune au regard du loyer actuel de plus de 25%. De plus, l’entreprise n’a pas payé les loyers dus au titre de l’année 2012 et cette régularisation n’intervient progressivement que depuis le début de l’année 2013. Ces retards représentaient au moment du contrôle un manque à gagner supérieur à 75 000 € pour la commune. Sur la base de ces estimations, la chambre considère que le loyer consenti à l’entreprise C constitue bien une aide économique au sens des prescriptions communautaires, qui aurait dû en l’espèce faire l’objet d’une évaluation et d’une convention entre les parties, conformément aux dispositions de l’article L. 1511-3 du CGCT. Par ailleurs, l’aide consentie excède a priori le seuil admis en matière de réduction du loyer défini à l’article R. 1511-6 du CGCT. Dans sa réponse aux observations de la chambre, l’ordonnateur conteste que l’intégralité des dépenses exposées doive être prise en compte dans le calcul de la valeur marchande du bien. La chambre relève pourtant qu’en l’absence de valeur vénale fixée par un service tiers, il s’agit là d’un mode de calcul usuellement pratiqué en matière de fixation de loyers de crédit-bail, compatible avec les modalités de fixation de la valeur vénale telles qu’elles sont définies à l’article R. 1511-4 du CGCT : « (…) La valeur vénale est déterminée (…) sur la base d’indicateurs de marchés et de critères d’évaluation communément acceptés ». Sans constituer une règle absolue mais plutôt un usage, ce mode de fixation est enfin, par nature, protecteur des intérêts financiers de la collectivité. Il est par ailleurs conforme aux stipulations du contrat signé avec l’entreprise. • L’absence de contreparties formelles exigées de la part de la commune, notamment en termes de création d’emplois. Sur le plan du droit, il est admis que la location ou la vente puisse se faire à des conditions en-deçà de celles du marché, cette situation devant être justifiée par des motifs d’intérêt général ainsi que l’apport de contreparties suffisantes, notamment en termes de création d’emplois. En conformité avec les dispositions de l’article R. 1511-4-2 du CGCT, ces contreparties, quelles qu’elles soient, doivent être déterminées par le conseil municipal et inscrites dans une convention. En l’espèce, la venue d’une entreprise nouvelle au sein de la commune pourrait être admise comme constituant une contrepartie suffisante, mais insuffisamment précisée quant à ses déclinaisons concrètes. A ce titre, la chambre relève qu’aucune contrepartie en termes de créations d’emplois n’a été demandée par la collectivité alors que c’est elle qui supporterait le risque d’une défaillance ou d’un départ. Dans ce contexte, les conditions d’indemnisation ou de clause pénale contenues dans le contrat constituent une sauvegarde, sans doute limitée au regard des frais qui devraient être engagés au titre de la reconversion du site. Dans sa réponse aux observations de la chambre, l’ordonnateur rappelle qu’il a imposé à l’entreprise la création d’un bar-restaurant avec une programmation culturelle, ces demandes pouvant, selon lui, être entendues comme des contreparties suffisantes. Il rappelle par ailleurs que la société a créé 6 emplois en contrat à durée indéterminée. La chambre relève toutefois qu’au regard de la réponse de l’entreprise, il semble que celle-ci envisage localement des projets d’investissement de long terme (création d’une distillerie,
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projet de filière de culture du houblon notamment) et que, dans ce contexte, des contreparties en matière de recrutement auraient pu être exigées vu la durée du contrat (30 ans), d’autant que la commune s’est privée de la possibilité de réviser les loyers à la hausse pour l’avenir. La chambre relève les conditions avantageuses accordées à l’entreprise C dans le cadre de l’opération portant occupation d’une partie du site des Teintureries, par crédit-bail pour une durée de 30 ans. La chambre constate l’absence de contrepartie formelle exigée en matière d’emploi, en contradiction avec la définition de l’objet du projet, et alors même que la commune a supporté des frais très importants de reconversion du site, qui vont durablement peser sur sa situation financière. La commune ne s’est pas conformée aux prescriptions relatives aux aides économiques, notamment en ne faisant pas appel à un service expert pour la fixation du montant du loyer, ainsi qu’en s’exonérant du respect des dispositions de l’article R. 1511-4-2 du CGCT. A l’inverse, les modalités retenues par la collectivité pour la fixation du loyer ne reflètent pas l’exhaustivité des charges engagées et aboutissent à une réduction d’environ 30%, supérieure au taux maximum admis par l’article R. 1511-6 du CGCT. 6.4-
Synthèse des observations relatives à la gestion du patrimoine communal
La politique mise en œuvre à compter de 2008 en matière de gestion patrimoniale a suivi deux axes principaux : la réhabilitation d’infrastructures jugées prioritaires, une mobilisation du patrimoine communal en vue d’un objectif de développement économique. La commune a ainsi engagé des montants importants afin de réhabiliter un certain nombre d’emprises (écoles, parc, cinéma, église, etc.). Pour ce qui concerne le développement économique, la chambre relève que la collectivité a lancé plusieurs opérations de gestion active de son patrimoine afin d’attirer des entreprises, en particulier la cession d’un domaine ainsi que la location d’un espace par crédit-bail sur le site des Teintureries. Ces opérations ont été conduites en méconnaissance des règles afférentes, alors que la compétence de développement économique a été transférée à la communauté de communes, ainsi qu’avec un degré d’encadrement plutôt faible du conseil municipal. Les conditions consenties aux entreprises apparaissent avantageuses. Aucune contrepartie formelle en matière d’emplois n’a été ainsi exigée de la commune, alors même que le coût de portage de ces opérations va peser durablement sur sa situation financière.