(année universitaire 2011-2012)
Grade : Licence 3 Pôle d’enseignement : Economie, Entreprises & Secteur Public Matière : Les Réalités de l’Entreprise Date de la soutenance : Mercredi 15 Février
SUJET
« LA PERFORMANCE EN ENTREPRISE » Correspondant du groupe : Léa MOREIRA Membres du groupe : -‐ Léa MOREIRA -‐ Juliette GALLOU -‐ Delphine DENIS -‐ Guillaume MAHAUT -‐ Pierre TRIBONDEAU
Institut Supérieur du Management Public et Politique (ISMaPP) Établissement d’enseignement supérieur privé reconnu par l’Etat 80, rue Taitbout 75009 PARIS +33 (0) 1 55 50 12 40 cg@e-ismapp.com
LA PERFORMANCE EN ENTREPRISE Séminaire de Recherche Appliquée 2011 – 2012
-‐ Réalisé par les élèves Licence 3 de l’ISMaPP –
Séminaire de Recherche Appliquée : “La Performance en Entreprise” 2011-‐2012
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SOMMAIRE Préambule et Introduction Générale I/ La Performance, Concepts et Limites
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1. Historique
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2. Définition des concepts
Page – 9
3. Les limites et dérives
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II/ La Performance Extra-Financière
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1. Historique
Page – 19
2. Définition des concepts
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3. Les Limites et dérives
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Conclusion Bibliographie et Sources
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Remerciements
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Table des matières
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PREAMBULE et INTRODUCTION GENERALE § Préambule Tous issus d’une classe préparatoire littéraire, nous avons décidé, d’un commun accord, de nous pencher sur l’aspect très conceptuel de la performance, en nous appuyant sur les écrits de grands théoriciens, plus que sur l’aspect économique, très technique. Ainsi, les notions économiques sont éclairées sous forme d’encadrés, répondant à une définition simple et claire, nous permettant d’avancer plus facilement dans notre travail. De plus, nous avons, pour compléter notre travail et lui donner une dimension de terrain, réalisé des interviews de professionnels œuvrant dans différents domaines économiques ainsi que des universitaires. Ce préambule, situant le cadre de notre travail, nous vous souhaitons une agréable lecture.
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§ Introduction Investis du sujet « La performance en entreprise », nous nous sommes réunis afin de dégager nos premières impressions sur la question. Autour d’un vif débat, nous nous sommes rendu compte que cela évoquait pour nous, un aspect avant tout financier, comme une marche à suivre pour obtenir le meilleur profit possible, en entreprise. Ce qui reprenait la théorie néolibérale, au sens où l’interventionnisme de l’Etat fut remis en cause dans les années 1970, au profit de la promotion de l’économie de marché avec la valorisation de l’individu et de l’efficacité économique. Néanmoins, comment ne pas cacher notre surprise, quand Gérard LESEUR, président du groupe Altergis nous a reçu, pour une interview, et nous a répondu, à propos de sa définition de la performance en entreprise : « On ne peut pas concevoir la performance en entreprise sans une équipe et cela passe avant les chiffres »1. Ainsi, cette interview préliminaire, nous a permis d’ouvrir nos horizons de recherche, sur le thème de la performance extra-‐financière, notamment avec le concept de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) qui place l’entreprise responsable vis-‐à-‐vis de la société et de l’environnement. Cette dernière, ne peut alors plus être considérée comme indépendante, mais bien appartenant à un ensemble d’acteurs, ancrée dans la société et investie d’un souci nouveau au sujet des questions environnementales. Et c’est alors naturellement que nous nous sommes posé la question de la relation entre cette dernière et la performance financière. De la sorte comment, les deux aspects de cette notion, s’articulent-‐ils ? La performance financière est-‐elle dépassée ? Peut-‐on rencontrer des entreprises ayant un mode de fonctionnement différent de celui décrit par la théorie néolibérale ? C’est pourquoi nous étudierons, la performance, financière dans un premier temps, puis extra-‐financière dans un second temps, ainsi que leurs limites respectives, dans le but d’éclairer ces différentes interrogations. Rédaction : Juliette Gallou 1
Cf : Interview numéro 1 dans le dossier annexe
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I/ LA PERFORMANCE, CONCEPTS et LIMITES
1. Historique
a. Définition b. Une évolution de la notion de Performance
2. Définition des Concepts
a. Les indicateurs de la performance financière en entreprise b. L’évolution de l’évaluation de la performance
3. Limites et Dérives
a. La performance financière ne peut être conçue sans la dimension sociale et environnementale b. Les dérives liées au mal-‐être au travail c. Les indicateurs de la performance étendus au domaine de la RSE, mais qui pour autant, posent problème
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1. HISTORIQUE a. Définition
Il convient de rappeler brièvement la définition stricte de la performance pour appréhender au mieux l’apparition de cette notion au sein des entreprises, de sa définition et son évolution. La performance est un résultat chiffré dans une perspective de classement (par rapport à soi – améliorer ses performances et/ou par rapport aux autres). Dans le cadre d’une entreprise, dont l’objectif est par nature de dégager des bénéfices grâce à une activité propre l’évaluation de la performance se construit donc au regard d’un référentiel, d’une échelle de mesure. Comme l’explique P. Lorino2, ce référentiel est pendant longtemps resté d’essence économique, ne mesurant que la création nette de richesse. Une entreprise performante était donc une entreprise bénéficiaire, à la lumière du ratio entre valeur produite et ressources consommées. Cette conception primaire de la performance a servi de socle à son évolution et à celle des moyens utilisés pour la mesurer. Dès les débuts de la rationalisation du travail au XXème siècle, sous l’impulsion des travaux de Taylor, la « mesure » devient la règle du pilotage de l’entreprise : mesure des coûts, chronométrage, décomposition des actions etc. Cette conception reposait sur l’acceptation de deux hypothèses que décrit P. Lorino. La première est la simplicité du fonctionnement de l’entreprise, la performance globale de l’entreprise ne sera qu’addition des performances des unités locales. La seconde est la stabilité des lois auxquelles obéit l’entreprise : dans un contexte peu évolutif, la norme de fonctionnement de l’entreprise établie par le passé peut être utilisée dans le présent et dans le futur, comme une « recette miracle ». La performance de l’entreprise est donc apparue théoriquement comme performance de la gestion des ressources et de leurs flux ; le mot ressource recouvrant l’idée de « quantité de richesse mesurable » et excluant toute notion qualitative.
b. Une évolution de la notion de Performance
Or depuis la seconde moitié du XXème siècle, les évolutions liées au champ des entreprises ont été considérables, remettant à plat cette conception de la performance fondée sur des hypothèses de stabilité et de simplicité. Le rythme des innovations technologiques, la complexification des marchés et de la structure des entreprises, la hausse du niveau de compétences des employés, l’élargissement des gammes de produits et de la concurrence ; toutes ces modifications ont rendu caduque le modèle classique de la performance. Cependant la simplicité du modèle classique lui confère encore une forte acceptation au sein des entreprises, et une certaine attractivité auprès des dirigeants ; d’où l’abondante littérature publiée depuis prônant son dépassement, et soutenant le passage à une nouvelle forme de performance pour le pilotage de l’entreprise. Ainsi, des auteurs tels
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P. Lorino est fait partie du corps professoral de l’ESSEC Buisiness School, il est docteur en science de gestion et est polytechnicien e formation
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que P.Lorino ou Y.Pesqueux se penchent3 de manière académique sur cette question de la performance, véritablement (et seulement) étudiée depuis la fin des années 1970. Ces travaux veulent théoriser et représenter, faire de ce qui n’était jusqu’à présent que des méthodes appliquées au sein des entreprises un véritable objet d’étude. P. Lorino écrit d’ailleurs à ce sujet : « le problème d’hier : mesurer la performance ; le problème d’aujourd’hui : représenter la performance. Il suffisait de compter la performance, il faut désormais la raconter dans un langage compris par tous. ». On voit donc clairement tous les enjeux et problèmes soulevés par la performance ; ceux d’une composante essentielle de l’entreprise longtemps réduite et sous-‐étudiée, qui semble aujourd’hui au centre de toutes les attentions et revendications.
Théorie de l’agence La théorie de l'agence se base sur une opposition entre deux agents : d'une part, le détenteur des moyens de production, alors appelé « actionnaire » ; d’autre part « l'agent » qui exploite les moyens de production du premier à sa demande. L’apparition de la société anonyme par actions et sa généralisation dans les pays capitalistes ont conduit à une séparation croissante entre propriété (de l’actionnaire) et gestion de l’entreprise (par l’agent). De telles relations sont nombreuses au sein de l’entreprise, à tel point qu’elle peut être considérée comme un nœud de contrats ; le salarié passe par exemple un contrat avec l’employeur, tout comme le fournisseur avec son client ou l’actionnaire avec le gestionnaire. Tout l’enjeu de la bonne gestion de l’entreprise est donc de réussir à conduire l’ensemble de ces contrats entre les différentes parties prenantes. Or chacune des parties prenantes peut avoir intérêt à ne pas respecter son contrat, de manière rationnelle, afin de tirer le maximum de profit à elle : c’est ce qu’on peut désigner comme « l’opportunisme » des individus. Cet opportunisme peut se traduire par la dissimulation d’informations ou une gestion défavorable à l’une des parties. Ainsi, un système de contrôle doit être mis en place pour limiter cet opportunisme ; les coûts liés à l’élaboration de ce système sont appelés « coûts d’agence ». L’actionnaire devra donc engager des dépenses de surveillance et d’incitation, tandis que l’agent contractera des dépenses dites d’obligations afin de signaler la bonne exécution du contrat (publier des rapports, des comptes etc.). Se pose donc la question de la rentabilité d’une telle relation, et cette réponse est apportée par le marché financier. Sur le marché financier s’échangent en effet des droits de propriétés sur les entreprises, les actions. Le marché permet l’évaluation permanente du prix d’une action, et constitue donc un témoin de la bonne gestion de l’entreprise par l’agent dans le sens des intérêts des actionnaires – soit le plus haut dégagement possible de profits. Plus le prix de l’action est élevé, plus la valeur de l’entreprise est élevée (ainsi que les dividendes reversés aux actionnaires). De plus, le dirigeant qui aurait une gestion trop opportuniste de l’entreprise ferait diminuer le profit de l’entreprise, et donc des actionnaires. Ces derniers sont donc susceptibles de le sanctionner en le licenciant, limitant ainsi l’opportunisme des dirigeants. La théorie de l’agence a donc le profit des actionnaires au centre de la notion de performance de l’entreprise. S’il semble normal que les actionnaires recherchent le maximum de profit, cette idée s’est également étendue aux dirigeants des entreprises, soumis à la pression d’actionnaires pouvant licencier à leur convenance. Rédaction : Pierre Tribondeau
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Notamment dans l’ouvrage suivant : Comptes et récits de la performance. Essai sur le pilotage de l'entreprise. Paris, 1995, Les Editions
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2. DEFINITION DES CONCEPTS
a. Les Indicateurs de la performance financière en entreprise
La performance financière sera analysée en tenant compte des travaux de Kaplan et Norton (1998). Ces derniers examinent les résultats financiers de l'entreprise en utilisant les indicateurs suivants: Rentabilité financière (RF), Rentabilité économique (RE) et Croissance du chiffre d’affaires (CCA). En fait, la rentabilité financière exprime la capacité des capitaux investis à dégager un certain niveau de profit. La rentabilité économique, elle, exprime la capacité des capitaux investis à créer un certain niveau de bénéfice avant paiement des éventuels intérêts sur la dette. Elle est donc une mesure de la performance économique de l’entreprise dans l’utilisation de son actif. La comptabilité en tant que système de mesure nous en fournit également plusieurs indicateurs pour mesurer la performance financière dont le plus connu est le résultat net comptable. Compte tenu des enjeux managériaux qu’il implique, ce solde final fait l’objet de toutes les attentions lors des assemblées générales mais aussi des publications financières. Son influence est telle que nombre de décisions majeures dépendent de son montant constaté ou attendu : embauches ou licenciements, investissement ou abandon d’activité, restructuration, acquisition, fusion etc. Il s’agit en fait de produire la représentation chiffrée d’une entité économique, à savoir une entreprise. C’est donc par ces indicateurs principaux que se mesure la performance financière en entreprise. Il convient alors de montrer comment évolue cette mesure afin de mieux comprendre les dérives qui ont accompagnées la performance financière. La performance, un sujet qui divise
Malgré ces définitions très académiques, il n’y a pas de définition « arrêtée » de la performance. Lors de nos interviews nous avons pu constater que les avis divergent. Deux explications : soit chacun a sa propre définition de la performance et des indicateurs propres pour l’évaluer ; soit cela est lié à la complexité du sujet. En effet, la performance est un concept flou et peu évident à cerner. Par exemple si nous mettons en parallèle les définitions qui nous ont été données par Gérard Leseur4 et par Laurent Ledoux5, respectivement : « Cela passe avant tout par les hommes et les femmes de l’entreprise » et « C’est la contribution de l’entreprise pour la société dans son ensemble ». Pour ces deux personnalités, la performance n’est pas comprise à la même échelle, pour la première elle est restreinte au cadre de l’entreprise tandis que pour la seconde, elle doit être mise en regard avec son impact sur la société en général. D’autre part, Karim Medjad6 pense la définition de la performance en fonction du temps et de l’époque : « C'est une question compliquée, dans la culture néo-‐classique, ce serait la capacité à maximiser ses profits. La performance psychosociale aussi, qui serait la capacité de l'entreprise à avoir une fonction écologique, mais les entreprises les plus qualifiées fonctionnent différemment ». Ainsi, cela souligne encore une fois la difficulté liée à la définition de la Performance.
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Cf. Dossier Annexe, Interview N°1 de Monsieur Gérard Leseur Cf. Dossier Annexe, Interview N°2 de Monsieur Laurent Ledoux 6 Cf. Dossier Annexe, Interview N°3 de Monsieur Karim Medjad 5
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b. L’évolution de l’évaluation de la Performance Maintenant que nous savons par quels critères s’évalue la performance en entreprise il convient de s’intéresser à l’évolution de cette mesure. D'un point de vue général et hors de toute conception conjoncturelle, la gestion de la performance financière peut se décliner selon trois axes temporels : une vision passée où le financier établit les comptes, calcule sur la base de données précédentes et donne des références certifiées; un temps présent au cours duquel l'activité financière est constituée, entre autre, de la gestion de trésorerie, de paiement des fournisseurs et de l'émission des factures clients et enfin, une vision projective vers le futur avec une activité financière liée aux prévisions de trésorerie, aux anticipations de risques potentiels, aux projections d'investissements en vue de développement de l'entreprise à court, moyen ou long terme. Anticiper dans un contexte de crise n'est pas chose aisée. De fait, contraints par une visibilité sur l'avenir relativement pauvre, les directeurs financiers choisissent d'utiliser au mieux les ressources existantes en privilégiant paradoxalement un pilotage court-‐termiste, largement dénoncé par les économistes comme étant l'un des facteurs de causalité à la naissance de la crise actuelle. En fait, la performance d’une entreprise est surtout lisible à travers le résultat financier. La performance se comprend avant tout par son aspect financier. En effet, en ce qui concerne la gestion de la croissance et de la rentabilité, les directions financières se tournent vers l'optimisation des actifs existants, concrets et non plus hypothétiques comme auparavant, l'objectif étant d'obtenir un maximum de profit des actifs réels. Cependant, cela n’est pas sans risque : cette accent mis sur le financier engendre certaines dérives (comme nous le verrons dans la suite de notre étude.) La performance est principalement comprise selon deux dimensions : une dimension opérationnelle et une dimension financière. Elle renvoie à des mesures de productivité qui prennent la forme de ratios du type encours de Dimension opérationnelle
Dimension financière
dépôt par employé, encours de crédit par employé, primes d’assurance dommage par employé, etc. Elle renvoie à la notion de rentabilité même elle est souvent estimée à partir du ratio du produit net bancaire (noté PNB par la suite) ou du résultat brut d’exploitation (noté RBE par la suite) qui est divisé par l’effectif ou par le total encours (qui correspond à la somme des encours de dépôt et des encours de crédit).
Les entreprises ne peuvent alors évaluer leur performance sans le financier et l’intérêt exclusif des actionnaires devient une priorité quelque soit le degré de liquidité des marchés boursiers. Comme nous l’explique Michel Aglietta 7 , la recherche de la valeur
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Dans son ouvrage Dérives du capitalisme financier (2004)
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actionnariale a des conséquences non négligeables sur l’entreprise : l’exigence financière forte est de nature fondamentalement déséquilibrante et problématique8. Le cas Enron 9 Le 2 décembre 2001, la société Enron, est mise en faillite. Crée en 1985, elle était seulement un gestionnaire de gazoducs, avec un siège à Huston, au Texas. De plus en plus gourmande, l’entreprise se lance dans des activités intermédiaires de marché (à savoir, favoriser la rencontre d’offre et de demande en produits énergétiques sur des marchés déréglementés, d’abord avec le gaz et ensuite avec l’électricité). Puis, dans les années 1990, dans un but de performance purement financière, Enron, pour devenir plus compétitive dans ce domaine, se spécialise dans le négoce de produits dérivés. Cette activité se développe au fil des ans, et Enron devient un vrai fond d’investissement (de type spéculatif, soit les fonds d’investissements spécialisés dans les produits risqués). Pour ce faire, Enron, montre une organisation très particulière, développée autour de la volonté de création de valeur pour l’actionnaire : peu hiérarchisée, elle est organisée en centres de profit. Elle est, dès lors, très performante financièrement parlant. Et, alors qu’une législation qui règlemente le négoce de ces produits financiers, se met en place en 2000 ; Enron s’en inquiète, et fait jouer ses relations, et obtient, une close spéciale à son nom, dans cette loi « Commodity Futures Modernization ». L’entreprise n’est donc plus soumise à la règlementation, et ne doit plus faire preuve de transparence financière. Enron, change d’orientation, et investit de façon massive dans l’électronique et les nouvelles technologies. C’est son apogée. Seulement, le mois d’octobre 2001 va entériner la fin de la société, devenue multinationale. Effectivement, Enron, enregistre une faillite de 63 milliards de dollars d’actifs. La cause ? Les opérations de manipulation comptable, sous couvert des LJM, des sociétés gérées par le directeur financier d’Enron, actionnaire majoritaire. Les 27 000 salariés, basés dans 40 pays à travers le monde, sont licenciés, et leur retraite s’évapore par la même occasion. Finalement, à travers cet exemple, on peut constater, de façon assez simple, qu’il existe des limites (sur le plan financier) de la performance uniquement financière, illustrée par la course au profit, mais aussi des dérives du capitalisme financier. (Rédaction de l’encadré : Juliette Gallou) Le cas Enron nous a permis d’introduire la thèse des dérives liées à la performance financière et de constater que l’évaluation de la performance met l’accent sur l’aspect purement financier. Ainsi, cette course à la performance financière – sans prendre en compte la dimension humaine de l’entreprise-‐ conduit souvent à de nombreuses dérives que nous allons tenter d’expliciter dans la partie qui suit.
Rédaction : Léa Moreira 8
Voir encadré ci-‐dessous qui illustre à travers l’exemple du cas Enron les dérives financières. Ce qui nous sert également d’exemple de transition avec la partie suivante. 9 Source : Dérives du capitalisme financier ; Michel Aglietta (2004)
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3. LIMITES et DERIVES
Nicole Aubert, dans son ouvrage Le culte de l’urgence (2003), illustre la question de la performance financière à travers les propos d’un dirigeant : « Aujourd’hui, la Bourse est l’obsession numéro un et c’est au milieu des années 1990 que ça va changer, jusque là le groupe devait gagner de l’argent, on devait être riche, on devait être bons, on était des industriels avant tout. A partir du milieu des années 1990, on est rentrés d’un seul coup dans une logique de Bourse, de valeur de l’action, d’OPA, de fusion-‐acquisition et c’est là qu’on a vu apparaître pour la première fois une exigence de rentabilité de 15% par an sur capitaux investis ». Cette intervention, montre la prégnance de la performance financière dans le monde de l’entreprise. Toutefois, cette « course à la réussite financière » rencontre aussi des limites. Une vision plus éthique de la performance a été introduite dans les années 1970 par le concept de RSE. Les aspects sociaux et environnementaux apparaissent ainsi comme de nouveaux enjeux dans la gestion des entreprises, les obligeant à une forme de responsabilité au regard de la société. Cependant, lorsque ces aspects ne sont pas pris en considération, les employés peuvent très vite ressentir une forme de « mal être au travail » et, cela n’est que le reflet de l’obsession financière des actionnaires. On peut donc légitimement s’interroger sur les enjeux et limites de la performance financière.
a. La performance financière ne peut être conçue sans la dimension sociale et environnementale
On ne peut donc, considérer la performance financière sans son pendant social. Effectivement, si dans le modèle capitaliste qui a pris son essor avec l’industrialisation occidentale au cours du XIXème siècle, la performance dite financière, reste l’intérêt principal des entreprises. Au contraire, le XXème siècle est plutôt le reflet d’un élargissement de la performance aux dimensions à la fois sociales et environnementales. Ainsi, cette évolution, selon Zenisek10, peut être divisée en quatre phases. La première, entre 1850 et 1910, montre que la gestion est l’affaire des dirigeants et des actionnaires. Ensuite, entre 1900 et 1950, c’est l’affirmation des syndicats qui permet de prendre en considération, avec plus de vivacité, les salariés. Dans une troisième période, entre 1945 et 1955, c’est l’installation de la société de consommation, qui met en place un système de réponse aux besoins des consommateurs. Pour terminer, à partir des années 1960, on peut constater un ancrage fort de l’entreprise dans la société, qui doit alors rendre des comptes à la fois au niveau social mais également environnemental. C’est la question de la responsabilité de l’entreprise face à la société. Ce rapide historique, permet donc de mettre en exergue les élargissements progressifs dans divers domaines, qui démontrent que la performance financière ne peut désormais, plus être pensée en tant que telle, mais doit être couplée avec la performance sociale et environnementale. Ainsi, si chaque entreprise se doit d’être avant tout performante, économiquement parlant, sur le plan financier, elle ne peut nier l’aspect social et environnemental. C’est la mise en place de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (ou RSE). Rédaction : Juliette Gallou
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Alexander Zenisek est un professeur et docteur Tchèque
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b. Les dérives liées au mal-‐être au travail
•
Le mal-‐être psychologique
Ne pas voir ses efforts récompensés est une source importante de mal-‐être. C'est l'un des enseignements de l'enquête Samotrace11 sur la santé mentale au travail, qui démontre de manière indiscutable la nocivité de certaines contraintes professionnelles. Les tout premiers résultats de l'enquête épidémiologique Samotrace sur la santé mentale au travail confirment le lien entre le mal-‐être et certains facteurs de risques professionnels. Et, pour la première fois, les données sont établies sur un très large ensemble de secteurs d'activité et de catégories professionnelles. L'observatoire épidémiologique Samotrace a mobilisé 120 médecins du travail dans les régions Centre, Poitou-‐Charentes et Pays-‐de-‐la-‐Loire. Et ces derniers ont enquêté auprès de 6 000 salariés entre 2006 et 2008. Ce dernier identifie non seulement des symptômes dépressifs, mais aussi des troubles anxieux, des symptômes somatiques et des difficultés dans le comportement social. Ainsi, 37% des femmes et 24% des hommes interrogés dans l'enquête ont exprimé un "mal-‐être". L'étude croisée des données recueillies sur la détresse psychique et sur les expositions professionnelles a apporté des éléments nouveaux et fondamentaux. Ainsi, les femmes exposées à un déséquilibre entre efforts et récompenses déclarent trois fois plus souvent un mal-‐être que celles qui n'y sont pas confrontées. Pour les hommes, c'est 2,3 fois plus. Outre les effets délétères du déséquilibre entre efforts et récompenses, le surinvestissement dans le travail joue aussi un rôle: les salariés qui y sont exposés sont deux fois plus en mal-‐être que les autres. Pour Dominique Huez, médecin du travail et coresponsable de l'enquête, ces résultats constituent "un fait scientifique", prouvant que "l'anxio-‐dépression qui pèse sur le corps et sur les rapports sociaux a un vrai lien avec des déterminants essentiels de l'organisation du travail et est une des conséquences du management". Ainsi, les salariés soumis à une forte demande psychologique sont une fois et demie plus souvent en état de mal-‐être que les autres. Il en est de même avec le faible soutien social: ce facteur, pris isolément, est significativement associé au mal-‐être. "Cette défection du soutien de la communauté d'appartenance nourrit de véritables psychopathologies de la solitude et de la désolation", signale Dominique Huez. A long terme, si cette détresse psychologique n’est pas décelée et n’est pas prise en compte, cela peut aller jusqu’au suicide. Prenons pour étude de cas France télécom pour souligner ces propos. En s’appuyant sur un article du monde : un salarié de France Télécom-‐Orange âgé de 57 ans s'est suicidé, mardi 26 avril au matin, en s'immolant par le feu sur le parking d'un des sites de l'entreprise situé à Mérignac, près de Bordeaux. L'homme qui s'est suicidé était père de quatre enfants. Il était représentant du personnel pour la CFDT et préventeur, c'est-‐à-‐dire chargé des conditions de travail, de l'hygiène et de la sécurité, depuis plusieurs années. Le salarié "avait été très affectée par la période de redéploiement, de suppression d'emploi" mise en place par l'ancien directeur du groupe Didier Lombard. Cette politique de modernisation à marche forcée s'est notamment traduite par la suppression de seize mille 11
Source : l’enquête Samotrace est parue dans le magazine « Santé & Travail » de Janvier 2009
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emplois entre 2006 et 2008 et des mobilités contraintes. "Fonctionnaire à France Télécom depuis trente ans, il a changé souvent de poste, a indiqué François Deschamps, responsable CFE-‐CGC -‐ UNSA de la région Sud-‐Ouest. Cette mobilité imposée lui avait fait vendre sa maison, il avait écrit à plusieurs reprises à sa direction et il n'avait pas eu de réponse à ma connaissance." François Deschamps, qui avait vu le salarié deux ou trois semaines plus tôt, ne l'avait pourtant pas "senti au pied du suicide". Il décrit une personnalité sociable. "C'était quelqu'un de très reconnu professionnellement, de très crédible." Ce suicide ravive en effet une plaie chez les salariés du groupe : le suicide de treize salariés en 2008 puis de dix-‐neuf en 2009, avait déclenché une importante crise sociale au sein de l'entreprise en 2009. Le système de management avait notamment été mis en cause, et Didier Lombard, PDG depuis 2005, montré du doigt. Il avait eu la maladresse d'évoquer une "mode du suicide", au plus fort de la controverse. Depuis, ce dernier a cédé les rênes opérationnelles du groupe, le 1er mars 2010, à l'actuel directeur général, Stéphane Richard, avant d'annoncer son départ définitif de l'entreprise en février 2011. "Peut-‐on toujours détecter quelqu'un en période de fébrilité dans une entreprise de cent mille salariés. Peut-‐on être infaillible ? La preuve que non", a reconnu mardi la directrice exécutive. Mais gardons-‐nous des raccourcis, il va sans dire que ces suicides sont le résultat de la conjugaison de différents facteurs. Nous ne pouvons pas affirmer que la pression subit et le mal-‐être ressenti sont les seules causes. Cependant ces regrettables actes invitent à s’interroger sur les dérives liées à la performance financière. Le lien est donc fondé avec la performance notamment dans les grands groupes dans lesquels la dimension humaine est loin d’être une priorité. Ainsi la recherche incessante de la performance financière peut conduire à une dénaturation de la personne humaine comme le soutient Laurent Ledoux12 et à plus grandes échelles cela peut avoir de véritable conséquence sur la santé morale de la personne. Mais aussi sur la santé physique. Ce mal être est dû à une non prise en compte de l’individu qui n’est alors qu’un moyen pour la performance. • Le harcèlement moral & les conséquences physiques Le harcèlement moral au travail touche de très nombreux salariés dans toute l'Europe, il s'inscrit dans les préoccupations législatives actuelles. Comment ce phénomène, à l'œuvre dans certaines entreprises comme dans certains services publics, se manifeste-‐t-‐il ? Quels en sont les impacts sur ceux qui le subissent, comment peuvent-‐ils s'en sortir ? Marie Grenier-‐ Pezé, chercheur au Groupe d'études sur la division sociale et sexuelle du travail et psychanalyste assurant une consultation "Souffrance et travail", a participé au dossier consacré à ce sujet par la Revue Travail genre et sociétés. Elle propose une analyse de cette technique de destruction. La réalité du harcèlement moral au travail n'est pas contestée ; l'existence de pratiques délétères délibérées (menace, chantage, harcèlement), érigées en méthode de management pour pousser à l'erreur et permettre le licenciement pour faute ou déstabiliser et inciter à la démission, est désormais reconnue. En France, le projet de loi sur le harcèlement moral au travail le définit comme les agissements répétés d'un employeur, de son représentant ou de toute personne abusant de l'autorité que lui
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Cf : Interview numéro 2 dans le dossier annexe
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confèrent ses fonctions, qui ont pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité et de créer des conditions de travail humiliantes ou dégradantes. Et cela peut avoir de véritable conséquence physique, un reportage13 nous présente différents rendez-‐vous entre le patient, victime de ce mal-‐être et des médecins (médecins du travail et psychologues). Les témoignages sont poignants et très révélateurs des pratiques qui se font au sein des entreprises. Ce qui apparaît comme le plus récurent auprès des patients : le manque d’écoute. La détresse des employés n’est pas prise en compte par l’employeur ce qui a des conséquences dramatiques sur la santé : trouble du sommeil, angoisses, palpitations ce qui conduit à des arrêts maladie successifs. Les patients expliquent dans la vidéo qu’ils se sentent comme humiliés, ils ne s’expriment pas par peur du licenciement. Une femme nous décrit le paradoxe selon lequel dans un travail extrêmement physique, la souffrance morale prend parfois le dessus dans la mesure où l’employé se sent rabaissé au statut de machine sans âme, sans douleur, sans maux. D’autre part, nous sommes dans une société de représentations qui ne prend pas toujours conscience de la réalité de certains emplois. En effet, des métiers peu complexes en apparences sont en fait éprouvants. Aussi le mal être-‐être au travail peut être plus difficile à déceler dans ces emplois qui laissent penser qu’il n’a pas lieu d’apparaître14. Nettoyer, c’est travailler !15 L’expérience relatée dans ce chapitre s’appuie sur de trois jeunes femmes qui ont été formées au nettoyage dans le cadre du baccalauréat professionnel « Hygiène et environnement » et sont devenues, pour l’une, ouvrière, et pour les deux autres, chefs d’équipe. Leur expérience montre que, loin d’être l’activité triviale à laquelle on tend à le réduire, le travail de nettoyage est un exercice de négociation constante qui fonde le sens même de l’activité et révèle les contradictions et difficultés auxquelles les exécutantes sont confrontées. Trois points successifs éclairent la situation. Premièrement, de la femme de ménage à la chef d’équipe, l’engagement pour un travail bien fait nécessite une adaptation permanente à des réalités et des contraintes matérielles, organisationnelles et humaines. Deuxièmement, la position d’encadrement, cruciale dans l’organisation du travail en sous-‐ traitance, impose des arbitrages et des redistributions de tâches qui se heurtent à des résistances masculines dans un cadre de division sexuelle du travail rarement remis en cause. Enfin, dans un contexte très largement ouvert à la main-‐d’œuvre immigrée et marqué par les discriminations, les relations de travail intègrent des dimensions ethnico-‐familiales avec lesquelles salariées et chef d’équipe doivent aussi composer. Rédaction : Léa Moreira
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Diffusé lors de la dernière séance de cours de Madame Claire Cotentin Voir l’encadré ci-‐dessous qui illustre cela. Source : Communication (n°89) : Travailler ; Hélène Bretin 15 « Nettoyer, c’est travailler ! » est le titre d’un des chapitres de l’ouvrage de Hélène Bretin 14
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c. Les indicateurs de la performance étendus au domaine de la RSE, mais qui pour autant, posent problème Si les indicateurs restent un moyen aisé de mettre en lumière la performance de manière chiffrée, nous avons vus que la RSE obligeait l’entreprise à se rendre responsable et donc, à intégrer un aspect à la fois social et environnemental dans sa conception de la performance. Il se pose alors la question de l’objectivité des indicateurs de la RSE, tout comme des indicateurs financiers, permettant de se pencher sur les deux composantes de la performance. En effet, les nombreuses facettes que revêt notre objet d’étude, ont du mal à trouver leur place dans les outils de pilotage. Les entreprises peuvent être soumises au doute de la pratique du « greenwashing », qui use de ces indicateurs pour verdir leur action, ou encore du « window dressing » qui consiste à présenter une image positive de la situation. Alors, quelle crédibilité accorder aux entreprises multipliant les indicateurs relatifs à la RSE ? Cela relève-‐t-‐il d’une réelle volonté de pouvoir être plus performant, ou serait-‐ce pour cacher les défaillances en ce domaine ? Ainsi, dans son article, A quoi servent les indicateurs de la RSE ? Limites et modalités d’usage, Nicolas Berland 16 , explicite l’utilité des indicateurs de la RSE : ils permettent d’objectiver le jugement porté sur une entreprise, tout en démontrant leurs limites. C’est alors un moyen légitime de mesurer et de piloter la création de valeur actionnariale, néanmoins, la multiplication massive d’indicateurs met en difficulté cette analyse. On peut alors noter le caractère trop ambigu des indicateurs, et même, leur trop grand nombre. Et, les indicateurs financiers, ne sont plus suffisants pour mesurer la performance. De la sorte, Kaplan et Norton, ont mis en place de la technique dite du « tableau de bord ». Cette dernière, est une combinaison de mesures financières et opérationnelles qui recoupent quatre piliers : les résultats financiers, les processus internes, la satisfaction des clients et l’apprentissage organisationnel. Cela permet à l’entreprise de lier ses actions et sa stratégie, dans le but d’observer l’évolution des variables de performance, selon une vision plus globale. De cette façon, ils ont observé que seule la performance financière n’était pas suffisante pour piloter une entreprise. Et, avec le « Balanced Scorecard », ils introduisent l’importance des indicateurs non financiers pour mesurer la performance. Cette technique, a donc été adaptée au domaine de la RSE. Néanmoins, comme le soulève Nicolas Berland, si ces indicateurs, étendus au domaine de la RSE permettent l’évaluation de la performance, leur lecture pose problème. Effectivement, on peut prendre l’exemple du dégagement de gaz carbonique produit par une entreprise. Une augmentation de cet indicateur peut résulter d’une meilleure connaissance, tout comme une baisse peut provenir d’un changement de périmètre. De la sorte, la conclusion est simple, plus on cherche à mesurer et plus l’indicateur se dégrade, alors que des progrès ont pu être réalisés. Cet exemple, démontre que la performance, ne peut être calculée réellement uniquement grâce au bon vouloir des acteurs. Le indicateurs, doivent alors être une base pour la discussion des actions décidées, au sein d’une entreprise. Ils ont pour fonction d’en explorer le fonctionnement, dans l’optique d’une meilleure compréhension. 16
Nicolas Berland est professeur en science de gestion à l’Université Paris Dauphine et membre de l’équipe « Dauphine Recherche en Management »
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Ainsi, c’est dans la RSE que la performance financière trouve sa principale critique. Elle rétablit une vision plus éthique au sein de l’entreprise, par l’intermédiaire de l’aspect social mais également environnemental. D’ailleurs, cette idée est relayée par les interviews que nous avons réalisées. De la sorte, la réponse de M. Laurent Ledoux, à la question de la définition de la performance en entreprise : « C’est la contribution de l’entreprise pour la société dans son ensemble », démontre que la conception simple de la performance financière seule est dépassée. Il semble donc important d’étudier l’aspect extra-‐financier de la performance. De même, Geneviève Férone, spécialiste du domaine de l’investissement socialement responsable et du développement durable, aujourd’hui directrice du développement durable chez Veolia, qui nous a reçu en interview, nous a répondu que l’avenir de la performance se trouvait dans la capacité du monde de l’entreprise à « croire en l’humanité ». Sur cette leçon de philosophie humaine, il semble donc important d’étudier l’aspect extra-‐financier de la performance. Rédaction : Juliette Gallou
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II/ LA PERFORMANCE EXTRA-‐FINANCIERE
1. Historique
a. La naissance de la performance extra-‐financière b. Pluralité des indicateurs de performances extra-‐financière c. La performance extra-‐financière s’ancre dans la performance économique
2. Définition des Concepts
a. L'indice de Développement durable b. La mise en place d’une entreprise responsable, autour du concept de la RSE
3. Limites et Dérives
a. Problèmes de mesure d’évaluation de la performance extra-‐financière b. Relation ambiguë entre performance financière et extra-‐financière
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1. HISTORIQUE
a. La naissance de la performance extra-‐financière
La performance financière se heurte à des limites non négligeables, notamment quand l’entreprise favorise le pouvoir financier dans une « course au profit », au détriment de dimensions essentielles pour la société dans laquelle elle existe. En effet, les entreprises ont peu à peu, au cours de ces dernières années, pris conscience de l’importance de nouveaux indicateurs de performance comme l’écologie ou le social pour évaluer une réelle performance de leur activité au sein d’une société, qui est longtemps restée séparée de la vie strictement économique de l’entreprise. De plus, pour les grandes entreprises, la RSE est un indicateur de performance devenu essentiel pour évaluer et organiser leur avenir : la prise en compte de la dimension sociale et du développement durable reflète les préoccupations actuelles de la société dans laquelle s’organisent ces entreprises. L’unique performance financière, selon des indicateurs économiques chiffrés n’est plus suffisante aujourd’hui. Dans une perspective d’innovation, les entreprises se doivent de prendre en compte des engagements RSE17 afin d’harmoniser leur performance avec les enjeux de la société, et leur contexte spatio-‐temporel entre autres. En remontant aux origines, cette performance extra-‐financière apparait avec l’ISR : Investissement Socialement Responsable. Les entreprises publient un reporting ISR, depuis le début des années 1990, qui insiste sur la nécessaire prise en compte de facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Cette nouvelle matière extra-‐ financière devient donc un véritable indicateur pour évaluer la performance d’une entreprise. Depuis 2002, les entreprises cotées en bourse en France doivent rendre compte de leurs impacts sociaux et environnementaux en s’appuyant sur la loi NRE (Nouvelles Régulations Economiques). On ne peut évoquer la performance extra-‐financière en entreprise sans parler de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE), c'est-‐à-‐dire les démarches qu’une entreprise s’imposent afin d’agir dans le bien de la société : « Une entreprise a un comportement socialement responsable lorsqu’elle va au-‐delà de ses obligations contractuelles et légales, en décidant unilatéralement de bien traiter ses employés, en refusant d’investir dans des pays ne respectant pas les droits de l’homme ou faisant travailler des enfants, en respectant l’environnement, ou plus généralement en acceptant le coût d’un comportement jugé plus éthique » 18. Ainsi, différents points de réflexion sont nécessaires pour comprendre cette performance extra-‐financière : 17
D’après l’interview que nous avons réalisé de Monsieur Bertrand (Cf : dossier annexe, interview numéro 5) Source : Revue « Responsabilité et Environnement » (n°50, avril 2008) : « l’ISR à la croisée des chemins pour une performance responsable »
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La performance extra-‐financière : un moteur de création d’entreprise
Il est intéressant de constater que la relation entre performance financière et performance extra-‐financière n’est pas figée. Si les grandes entreprises ont peu à peu pris en compte la seconde dans un contexte d’évolution de la société, certaines entreprises, notamment les entreprises nées du social (dont l’organisation s’est construite dans une politique de non-‐profit), ont au contraire, été contraintes d’entrer dans un profit économique conformément aux directives européennes qui leurs ont été imposées19. Ainsi c’est la performance extra-‐financière qui été leur raison d’être d’origine. Il va sans dire que cela ne s’applique qu’à de rares entreprises : celles qui à l’origine étaient à but non lucratif mais qui, par la suite, ont décidé de prendre en compte le résultat de compte au sens financier. On peut d’ailleurs citer l’exemple concret du mode de fonctionnement des coopératives, comme nous l’a indiqué Karim Medjad, au cours de notre interview.
b. Pluralité des indicateurs de performances extra-‐financière
Les indicateurs de performance extra-‐financière restent encore très aléatoires et propres à chaque entreprise ce qui ne permet pas une harmonisation claire de ces critères ni une définition de la performance extra-‐financière. Il existe une comparaison avec les normes ISO pour la qualité, l’environnement, le contrôle éthique des fournisseurs, la sécurité, la santé et le développement durable qui devrait conduire, pour certains auteurs, à l’établissement d’une norme d’investissement responsable claire, reconnue, universellement acceptée et utilisable. Cependant, ces critères de performance dépendent du choix de chaque entreprise, toutes très diverses dans leur organisation. Ainsi, ce ne sont pas nécessairement les entreprises exemplaires en matière de RSE qui sont favorisées avec ces critères de performance mais toutes celles qui tentent de mettre en œuvre un changement positif en adéquation avec les attentes RSE. Les entreprises sont alors évaluées en fonction de leur performance spécifique relative aux enjeux RSE de leur secteur d’activité ! C’est en ce point que la performance extra-‐financière est devenue incontournable : elle ne restreint plus une entreprise à sa performance financière, matérielle mais au contraire sur sa performance en matière d’action sur la société.
c. La performance extra-‐financière s’ancre dans la performance économique
Historiquement, la relation entre facteurs ESG et performance financière n’était ni revendiquée, ni exigée. Pourtant, nécessairement, ces deux types de performance convergent, ou plus exactement, la performance extra-‐financière retourne à la première. Un raccourci de l’histoire de l’ISR consisterait à dire que nous serions passés de la maximisation de la performance financière (au sens du rendement ajusté du risque), sous contrainte de critères extra-‐financiers, à la maximisation des performances ESG, sous contrainte de performance financière. Il faut comprendre que la conception de l’ISR met d’abord l’accent 19
Cf : Interview numéro 5 dans le dossier annexe
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sur l’influence de ces facteurs ESG pour une future performance financière de l’investissement, avant, dans un deuxième temps, d’admettre que leur meilleure prise en compte contribuera à aligner les intérêts des investisseurs sur ceux de la société en général. La performance financière demeure indispensable pour évaluer une entreprise économiquement et c’est pour cela que l’entreprise, même dans une nouvelle conception de la performance en tant qu’extra-‐financière ne peut négliger le cout de la RSE. Le comportement éthique d’une entreprise a un coût. L’innovation, la réorganisation et l’amélioration du service au client doivent être systématiquement considérées comme des coûts pour l’entreprise. Elles sont envisagées comme des investissements plus que comme de réelles décisions pour le bien de la société. Quand elles ne sont pas elles-‐mêmes des moyens pour rester dans la course de la concurrence au profit… Concrètement, quelles sont ces différentes performances dites extra-‐financières ? Rédaction : Delphine Denis
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2. DEFINTION DES CONCEPTS De nombreuses agences tendent à évaluer la performance extra-‐financière des entreprises, les notant à partir de facteurs beaucoup plus éthiques. C'est notamment à partir des informations publiées dans les rapports de développement durable, d'entretiens et de questionnaires auprès des employés et de leur degré de responsabilité sociale, que le diagnostique des entreprises est effectué.
a. L'indice de Développement durable
La Commission Mondiale sur l'environnement et le développement dans le rapport Brundtland (1987) définit le développement durable comme « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : celui de « besoins », notamment les besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d'accorder la plus grande priorité, et l'idée des limitations que l'état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l'environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. » Tout d'abord, le concept de développement durable est un concept « macroéconomique » où toutes les interactions doivent être pensées en même temps au niveau du politique. L'évaluation des stratégies de développement durable, environnementales et sociales d'une entreprise renvoie à l'un des concepts primordiaux qui est celui de la performance globale : sa dimension globale peut être en effet conçue comme provenant aussi bien de l’organisation stricto sensu que de la stratégie et des agents organisationnels. Le décret d’application de l’article 116 de la loi NRE (Nouvelles Régulations Économiques) donne une liste de thèmes environnementaux, sociaux ou sociétaux dont les performances doivent figurer dans le rapport de gestion des sociétés cotées, mais il s’agit d’une juxtaposition d’informations non structurée. Cependant, prospérité économique, justice sociale et qualité environnementale, au niveau de l’entreprise, engendrent des tensions , ce qui suppose de concilier des intérêts souvent opposés et par conséquent de trouver des arbitrages et des compromis susceptibles de satisfaire les différentes catégories de parties concernées, selon Françoise Quairel et Michel Capron (2004). Le schéma présent dans le dossier annexe20 illustre bien les différents enjeux, faisant apparaître que les trois objectifs qui en découlent ne s’harmonisent pas spontanément et que le développement durable peut être considéré comme un objectif lointain, voire utopique. Mais le développement durable est un concept macroéconomique, donc très étroitement lié avec le monde politique. Il interpelle directement les finalités de l'entreprise dans son organisation et permet cette relation public-‐privée : ainsi, l'entreprise doit être responsable, pour répondre à ces caractères éthiques de grande importance : par exemple, dans l'alimentation pour diabétique, le remplacement du sucre par un édulcorant artificiel 20
Cf : Document annexe numéro 3
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comme l'aspartame rend l'entreprise irresponsable. EMPL'ITUDE, un exemple de cette distinction des entreprises dont l'organisation ne néglige pas le caractère éthique de sa performance est un label qui valorise (dans la région de Marseille)21 cette connivence entre bonnes pratiques et progrès. Cependant, le compte rendu des actions d'une entreprise s'effectue par la Responsabilité Sociale des Entreprises.
b. La mise en place d’une entreprise responsable, autour du concept de la RSE
Le mouvement RSE s'inscrit dans la perspective de contribution au développement durable : celui-‐ci se doit de concilier efficacité économique, bien-‐être social, et préservation de l'environnement. Il a pour objectif principal de subvenir aux besoins des individus tout en préservant les conditions de reproduction de la nature, dans des relations sociales d'équité « permettant d'assurer la paix et la cohésion sociale » (Capron, Quairel). Mais en réalité, ces trois conceptions sont en tension et en confrontation permanente dans la mesure où selon des représentations différentes, celles-‐ci sont vécues soit comme un objectif, soit comme un moyen (instrument destiné à servir l'objectif), soit comme une condition (voire une contrainte). Pour comprendre le concept de la RSE, il est nécessaire de revenir sur ses fondements théoriques. On trouve alors les limites de la performance financière dans le concept de RSE, puisque l’entreprise ne doit plus seulement faire du bénéfice, mais elle doit également être responsable, au sein de la société. Quel impact peut alors avoir la RSE ? Ne serait-‐ce qu’une vitrine pour les entreprises ? Est-‐ce un concept réellement applicable ? Quelle place occupe alors l’Etat dans ce système ? Aujourd’hui cependant, la pratique de la RSE repose sur le volontarisme des entreprises qui prennent la décision de se vouloir plus responsables. Elle s’axe alors autour de lois, de principes et de normes édictés par différentes institutions. Ainsi, en France, par exemple, on peut citer la loi NRE 2001, qui impose aux entreprises cotées en bourse, une transparence sur les conséquences au niveau social et environnemental de ses activités. Nous distinguons deux visions de l'utilisation de la RSE dans ces « grandes entreprises » : bien évidemment, la vision utilitariste, dans le cadre de la performance financière (performance économique) où la RSE est un outil permettant la prise en compte des parties prenantes, favorisant en premier lieu l'intérêt de l'entreprise et de ses actionnaires. La deuxième vision, plus « éthique », qui s'inscrit dans le cadre de la performance extra-‐financière, perçoit la RSE comme un idéal : ainsi, l'intérêt des parties prenantes de l'entreprise détient une valeur intrinsèque et celle-‐ci est redevable envers la société. De même, le dirigeant de l'entreprise doit percevoir les attentes légitimes de ses parties prenantes22 et en tenir compte dans l'organisation et les objectifs de l'entreprise. Enfin, l'entreprise a une obligation morale qui réside dans sa contribution au bien être de la société. 21
Cf : Interview numéro 1 dans le dossier annexe, le Groupe de Monsieur Gérard Leseur s’est vu reconnaître le label Empl’itude 22 Voir encadré ci-‐dessous sur la « théorie des parties prenantes »
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La théorie des parties prenantes23 « Les parties prenantes (ou stakeholder) sont l’ensemble des acteurs, internes ou externes et partenaires économiques et sociaux de l'entreprise. L’activité de l’entreprise a une répercussion directe ou indirecte sur ces acteurs, et ces acteurs ont une influence plus ou moins importante sur l'entreprise. Les parties prenantes sont concernées par l’activité de l’entreprise sur le plan de la responsabilité sociétale. »24 Rédaction : Juliette Gallou
C'est pourquoi trois questions importantes se posent : Par rapport à quoi l'entreprise est-‐elle responsable? Jusqu'où ? À l'égard de qui ? A la question « à l'égard de qui ? » la réponse provient de l'Union Européenne qui s'appuie sur la notion de parties prenantes pour justifier l'intérêt que l’entreprise doit porter aux individus et aux groupes que peuvent affecter ses activités ou, qui, à l'inverse, peuvent affecter ses activités. Le rôle de satisfaction de ses parties prenantes diverge en fonction des différents intérêts portés par celles-‐ci : il y a celles avec lesquelles l’entreprise entretient des relations contractuelles (salariés, fournisseurs, clients...) et celles avec lesquelles il n'existe aucun lien contractuel (groupes d'intérêts divers, comme des riverains par exemple). Une deuxième réponse consiste à considérer que l’entreprise a une responsabilité à l'égard de l'intérêt général et du bien commun25: en effet, l'entreprise est au sein de la société et est soumise aux exigences de la collectivité, représentée par l’État, incarnant l'intérêt général. A la question « par rapport à quoi ? » : les critères d' évaluation d'une entreprise socialement responsable sont très étendus et complexes car l'évaluateur ne peut faire abstraction de ses propres valeurs et de la place qu'il occupe dans les rapports sociaux ou des intérêts de celui pour lequel il travaille. De plus, une firme peut représenter des points forts dans un domaine (le social), et des points faibles dans un autre (l'environnement par exemple). Autoévaluation des entreprises est possible si on considère que celles-‐ci sont sont dotées d'un système, selon Capron, dans La responsabilité sociale d'entreprise, de « conscientisation », plus important que le résultat ou la note obtenue. A la question « jusqu'où ? » : nous pouvons dire que le curseur des limites de la RSE s'étend de rien à l'infini, et peut varier en fonction des époques, des forces de pressions présentes dans les société civiles et la réponse peut aussi être différente selon les catégories d'individus concernés. Ce qui nous amènera donc par la suite à mieux analyser les limites quant à l’évaluation la performance extra-‐financière et de la RSE.
En revanche, si nous considérons qu'il existe un contexte d’institutionnalisation26 de
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Cf : Document annexe numéro 4 Source : Vedura.fr 25 Rousseau, Du contrat social, 1762 26 Voir encadré ci-‐dessous sur « La notion de reporting » 24
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la RSE, ces entreprises seraient soumises à leur environnement (organismes gouvernementaux, tribunaux, opinion publique etc.) mais aussi à la loi ou la réglementation, notamment en ce qui concerne les contraintes coercitives. Une anticipation de la conformité peut doter l'entreprise d'un avantage de légitimité, lui conférant une réputation. Cette réputation signale son statut social, relayé par les médias qui forment le jugement des publics et donc influencent les attentes des parties prenantes. Mais d'un autre côté, la contrainte légale, les valeurs et les normes, dans un environnement institutionnel, engendreraient des risques juridiques et des risques de réputation pour les dirigeants d'entreprise en matière de RSE. La Notion de reporting La notion de reporting enfin, serait un compromis entre les institutionnalisations de la RSE et la « conscientisation » des entreprises, dans la mesure où il s'agirait d'une convention : selon Carpon et Quairel, « le reporting RSE peut être défini comme la publication régulière d'informations sur la matière dont l'entreprise appréhende les impacts économiques, environnementaux, et sociaux de ses activités ». La transparence est ainsi devenue une vertu primordiale. Mais le reporting est différent de la communication car cette dernière est la diffusion d'informations par l'entreprise, visant à créer une image favorable d'elle-‐même tandis que le reporting rendrait une image beaucoup plus objective De nombreuses études (KPMG International Survey 2005, Global reporter...) montrent qu'en 2005 2/3 entreprises publient un rapport « développement durable » intégré à leur rapport annuel. (32% en 1999). Mais ces études montrent que la qualité de l'information diffusée reste médiocre notamment par le manque de données chiffrées rapportées aux objectifs. Mais en définitive, la politique d'information extra-‐financière reste très largement volontaire : dans le cadre des objectifs majeurs du reporting sociétal, il s'agit d'une part d'un processus de légitimation de l'entreprise et d'autre part, contrôler les dirigeants et leur demander de publier une information fiable et utile aux parties prenantes. Ces contraintes institutionnelles s'imposent aux entreprises les plus grandes et les plus visibles. Les besoins d'informations étant très différents selon les utilisateurs, la publication d'un rapport traitant des domaines économiques, sociaux et environnementaux peut assurer à l’entreprise une légitimité « symbolique ».
Rédaction : Guillaume Mahaut
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3. LIMITES et DERIVES
a. Problèmes de mesure et d’évaluation de la performance extra-‐financière La principale limite de la performance extra-‐financière financière : son évaluation. Comment mesure la mesure t-‐on ? Les agences de notations ne prennent pas en considération tous les aspects de la performance extra-‐financière dans la mesure où il n’y a pas de « liste exhaustive » des indicateurs de cette performance. Le développement durable est davantage mesurable en raison des nombreux labels qui récompensent les entreprises responsables. Mais une confusion subsiste dans l’évaluation de la responsabilité sociétale de l’entreprise. Tout d’abord, les recherches portent le plus souvent sur les pratiques de très grandes entreprises ou de celles qui apparaissent en tête des classements internationaux (du type de ceux publiés par Fortune). Or, l’on sait que la taille et la visibilité des entreprises sont des déterminants majeurs de la responsabilité sociale de l’entreprise. En outre, la dimension de la responsabilité sociale est abordée, en général, sous l’angle principal des pratiques environnementales, au sein d’industries particulièrement concernées par ces aspects, comme la chimie, le pétrole, la métallurgie, ce qui est loin d’épuiser l’ensemble des pratiques d’exercice de la responsabilité sociale. Ensuite, les variables de responsabilité sociale correspondent, dans les études universitaires, à une multitude de mesures, souvent non justifiées théoriquement. L’appréhension de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise repose sur une grande diversité d’indicateurs, et de classements (ici encore Fortune), extrêmement variés : comment dès lors assurer une mise en perspective cohérente et une comparabilité de ces études ? Notamment, la description de la RSE se fait tout à la fois au travers d’actions positives ou d’actions socialement irresponsables, voire illicites. Au total, tant le contenu des rapports d’entreprises que les études observées concourent à la formation d’une vision « décalée » de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise. En effet, les entreprises cotées observées dans ces études remplissent très imparfaitement les conditions d’élaboration du rapport annuel sur la Responsabilité Sociale, même si l’effort de présentation est incontestable, il y a donc un manque de transparence évident qui rend complexe l’évaluation fiable de la performance extra-‐financière. Enfin, les systèmes de mesure de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise (KLD, Innovest, Ethibel, BITC, Arese/Vigéo, etc.) se focalisent sur les critères sociétaux et environnementaux et mesurent la qualité des actions de RSE en réduisant le poids des critères de gestion des ressources humaines. Ce qui devrait faire l’objet initial sinon principal des préoccupations en terme de Responsabilité Sociale de l’Entreprise est pour ainsi dire laissé hors du champ de la mesure et l’intérêt des investisseurs socialement responsables est détourné vers le reste : critères moraux d’exclusion, critères environnementaux, critères sociétaux, etc. Les agences s’appuient essentiellement sur les informations extra-‐financières fournies dans les rapports RSE ou DD : informations auto-‐déclaratives. Elles réalisent parfois quelques entretiens supplémentaires, mais peu approfondis. De plus, les méthodologies sont complexes. En fait, des agences de notations choisissent leurs critères de mesure et parfois ce sont les entreprises elles-‐mêmes qui décident des critères qu’elles veulent
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communiquer (donc rendre public) donc comment évaluer de manière efficace la performance extra-‐financière d’une entreprise ? De la même manière, cela rend presque impossible les études comparées des performances extra-‐financière entre entreprises comme le montre le tableau présent dans le dossier annexe27. De manière générale, il apparaît que les classements et les typologies réalisées ne coïncident guère d’une analyse à l’autre, car les critères retenus et leur évaluation procèdent d’une vision strictement subjective des auteurs de ces études. Cependant un invariant les unifie implicitement : l’évaluation de la performance au sein des études répertoriées porte essentiellement sur la présence et la nature des indicateurs retenus par les entreprises et jamais sur le niveau de ces indicateurs. Il s’avère ainsi que la capacité de communication sur la RSE est plus importante aux yeux des cabinets que la performance sociale et sociétale elle-‐ même. En outre, la problématique quant à l’évaluation de cette performance vient du fait que les agences de notations et les chercheurs (qui travaillent sur le sujet) ne retiennent pas les mêmes critères RSE. D’où parfois des confusions et un manque de clarté. En somme, La RSE, pour être efficacement mise en œuvre doit être intégrée au cœur de la stratégie de l’entreprise. Il faut donc que l’état major de l’entreprise s’implique. Mais elle doit se traduire également par de nouvelles formes organisationnelles qui permettent aux différentes parties prenantes de s’exprimer et surtout d’être acteurs de l’entreprise. Cela étant dit, il ne faudrait pas compter sur la seule bonne volonté des entreprises pour avancer sur le chemin de la RSE. Les pouvoirs publics ont un rôle à jouer, notamment parce que le risque est grand de voir des multinationales définir ce qu’est le bien commun28.
b. Relation ambiguë entre performance financière et extra-‐financière
Dans la grande diversité des définitions et conceptions de la performance extra-‐ financière une des problématique majeure: celle des relations entre RSE (soit un des indicateurs de la performance extra-‐financière) et performance financière et économique. Pour justifier ces propos, appuyons-‐nous sur le tableau qui figure en document annexe29. La vision retirée des résultats traduit d’une part l’influence probable de la Responsabilité Sociale de l’entreprise sur sa performance économique et financière, et d’autre part, le sentiment d’un lien fragile et quelque peu contrasté. Le fait même de poser la question de la relation entre la responsabilité sociale des entreprises et leur performance financière laisse entendre que les actions visant à affirmer la RSE sont considérées comme de véritables investissements producteurs de rentabilité, dont il faut alors mesurer les risques et les avantages, à travers des indicateurs du type ROI par exemple. On peut également regretter que peu de travaux cherchent véritablement à comprendre les mécanismes profonds de causalité entre les deux variables, en se satisfaisant d’une analyse simple de comparaison statistique. D’ailleurs, la relation entre la responsabilité sociale de l’entreprise et ses performances financières est testée, dans les 27
Se reporter au dossier annexe, document numéro 2 Source : le cours proposé par Madame Claire Cotentin sur le concept de la RSE 29 Se reporter au dossier annexe, document numéro 1 28
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nombreuses études publiées, de façon souvent exclusive et univoque, sans que la relation inverse ne soit même envisagée. D’où la diffuculté à comprendre cette relation. Cependant, des tentatives de modélisation théorique des liens entre la responsabilité sociale des entreprises et leur performance financière ont été proposées30 : « -‐ la vision libérale pure d’un lien négatif (Friedman, 1970) : la prise en compte de la responsabilité sociale dans la formulation des choix de l’entreprise implique des coûts financiers et provoque en conséquence un désavantage compétitif ; -‐ l’absence de lien causal univoque dans le cadre d’un marché concurrentiel ajusté (McWilliams et Siegel, 2001) ou le retour affiché aux lois de l’équilibre général: l’équilibre de marché annule les coûts et les profits générés successivement par l’offre de « responsabilité sociale » ; -‐ le lien positif par l’influence sociale (Freeman, 1984) : la satisfaction par l’entreprise des objectifs des parties prenantes favorise l’amélioration de la performance économique et financière ; -‐ le lien aléatoire par l’opportunisme des managers (Williamson, 1985) : les managers poursuivent des objectifs propres qui peuvent rentrer en contradiction avec les objectifs des actionnaires et des autres parties prenantes ; -‐ le lien inversé par les ressources (McGuire et al, 1988): la rentabilité différenciée de l’entreprise est une condition d’un comportement social, plus et mieux distributif, au sens de la répartition du organizational slack, -‐ la synergie vertueuse (Waddock et Graves, 1997): l’existence d’un cercle vertueux s’appuie sur la synergie positive entre les deux variables dans le cadre d’un modèle global explicatif, -‐ le caractère contingent de l’interaction (Husted, 2000, Rowley et Berman, 2000) : le très grand nombre de variables qui structurent le modèle des liens entre la responsabilité sociale de l’entreprise et sa performance financière renvoie au caractère contingent du construit conceptuel de la performance sociétale ». Les interviews réalisées31 nous ont montré que l’articulation Performance extra-‐financière / Performance financière fait diverger les esprits. Lorsque nous avons poser la question à Laurent Ledoux voici sa réponse : « Aujourd’hui, les indicateurs de la performance extra-‐financière sont au service de la rentabilité financière. Le problème : la performance extra-‐financière (humaine, environnementale, sociétale,…) est alors davantage perçue comme une contrainte et non pas comme un objectif en soi. Selon moi, il faudrait inverser l’équation : la rentabilité financière devrait devenir une contrainte, qui doit être satisfaite, et qui est au service de la performance extra-‐financière, qui contient les objectifs finaux, la raison d’être de l’organisation. » Monsieur Leseur, lui considère davantage que la performance extra-‐financière doit être un moyen pour atteindre les objectifs économiques. Enfin, Karim Medjad nous explique qu’il ne faut pas opposer les deux mais que leur conjugaison dépend des variables éthiques de chacune des entreprises. Ce qui nous laisse donc penser, encore une fois qu’il n’y a pas de conception « arrêtée ». Rédaction : Léa Moreira 30
Source : RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES : LA MESURE DÉTOURNÉE ? -‐ José Allouche, Isabelle Huault, Géraldine Schmidt 31 Se reporter au dossier annexe Partie I, Interviews
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CONCLUSION
Cette recherche nous a appris que l’évaluation de la performance en entreprise ne peut être définie selon des indicateurs fixes car ils dépendent de l’entreprise et de leurs secteurs d’activités. La relation entre la performance financière économique et la performance extra-‐financière se construit encore aujourd’hui avec la seule certitude qu’elles sont interdépendantes. Utilisée à des fins économiques, élément décisif pour une « course à la concurrence » ou perçue comme une contrainte par certaines entreprises, la performance extra-‐financière ne s’est pas encore imposée comme une fin en soi dans le monde de l’entreprise qui est longtemps resté exclusivement financier. Selon Geneviève Férone, directrice du Développement Durable chez Veolia, lorsqu’on lui demande quel est selon elle, l’avenir de la performance, elle nous répond : « La performance, c’est ne pas voir les choses en noir ou en blanc, c’est voir les choses en gris. Il n’y a pas de performance financière sans performance extra-‐financière et vice-‐versa. Pour moi, l’avenir de la performance, c’est croire en l’humanité. » Rédaction : Delphine Denis
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BIBLIOGRAPHIE et SOURCES § Livres & Revues
-‐ Lorino, P., Comptes et récits de la performance. Essai sur le pilotage de l'entreprise. Paris,
Les Editions (1995) -‐ Quairel, F & Capron, M « Évaluer les stratégies de développement durable des entreprises : l’utopie mobilisatrice de la performance globale » -‐ revue de l’organisation responsable (2006) -‐ Berland, N, 2007, « A quoi servent les indicateurs de la RSE ? Limites et modalités d’usage : « Les enjeux du développement durable », espace Mendes France -‐ « Contrôle de la performance globale et responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) » -‐ Françoise Quairel. Publié dans "COMPTABILITE, CONTROLE, AUDIT ET INSTITUTIONS » (2006) -‐ « La Notion de performance globale » -‐ Dossier de Yvon Pesqueux. -‐ Revue « Responsabilité et environnement » (N°50 avril 2008) : « l’ISR à la croisée des chemins : pour une performance responsable ». -‐ Les dérives du capitalisme financier ; Michel Aglietta (2004) -‐ Communication (N°89) : Travailler ; Hélène Bretin (2011), chapitre « Nettoyer, c’est négocier »
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§ Webographie -‐ http://www.vigeo.com -‐ http://www.label-‐emplitude.fr/ -‐ http://www.novethic.fr/novethic/investissement-‐socialement-‐responsable -‐ http://fr.wikipedia.org -‐ http://www.sante-‐et-‐travail.fr/mal-‐etre-‐au-‐travail -‐ http://www.cnrs.fr/Cnrspresse/n393/html/n393a02.htm : « le harcèlement moral au travail » -‐ www.ofce.fr/pdf/documents/presentation%20aglietta.ppt -‐ www.cfie.net -‐ www.eiris.org -‐ www.forumcitoyenpourlarse.org -‐ www.globalreporting.org -‐ www.agrh2004-‐esg.uqam.ca/pdf/.../Allouche_Huault_Schmidt.pdf
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REMERCIEMENTS Nous souhaitons terminer cette étude en remerciant tout d’abord notre directrice de recherche : Madame Claire Cotentin qui a su nous éclairer et nous conseiller. Un grand merci également à la Directrice des programmes : Madame Laurence LEMOUZY qui est restée à notre écoute durant tout le Séminaire de recherche appliquée. Par ailleurs, nous remercions l’Institut Supérieur du Management Public et Politique sans quoi nous n’aurions pas eu l’opportunité de de mener à bien un tel projet. N’oublions pas les acteurs extérieurs qui nous ont accordé un peu de leur temps pour répondre à nos questions et ainsi enrichir nos travaux. Enfin, un grand merci aux élèves qui ont contribué à la production de ce Séminaire de recherche appliquée : Delphine DENIS, Juliette GALLOU, Guillaume MAHAUT, Pierre TRIBONDEAU et Léa MOREIRA. Mise en page du dossier et du dossier annexe : Léa Moreira
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TABLE DES MATIERES
Sommaire Préambule et Introduction Générale
P.3
P.4
I/ La Performance, Concepts et Limites
P.6
1. Historique P.7 a. Définition P.7 b. Une évolution de la notion de Performance P.7 2. Définition des Concepts P.9 a. Les indicateurs de la performance financière en entreprise P.9 b. L’évolution de l’évaluation de la performance P.10 3. Limites et Dérives P.12 a. La performance financière ne peut être conçue sans la dimension sociale et environnementale P.12 b. Les dérives liées au mal-‐être au travail P.13 c. Les indicateurs de la performance étendus au domaine de la RSE, mais qui pour autant, posent problème P.16
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II/ La Performance Extra-‐Financière
1. Historique a. La naissance de la performance extra-‐financière b. Pluralité des indicateurs de performances extra-‐financière c. La performance extra-‐financière s’ancre dans la performance économique 2. Définition des Concepts a. L'indice de Développement durable b. La mise en place d’une entreprise responsable, autour du concept de la RSE 3. Limites et Dérives a. Problèmes de mesure et d’évaluation de la performance extra-‐financière b. Relation ambiguë entre performance financière et extra-‐financière Conclusion Bibliographie et Sources Remerciements
Table des matières
P.18
P.19
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P.20
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LA PERFORMANCE EN ENTREPRISE Séminaire de Recherche Appliquée 2011 – 2012
DOSSIER ANNEXE
-‐ Réalisé par les élèves Licence 3 de l’ISMaPP – Sous la direction de Madame Claire Cotentin
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SOMMAIRE
I/Interviews
P.4
1. Interview de Monsieur Gérard Leseur réalisée par Léa Moreira P.5 2. Interview de Monsieur Laurent Ledoux réalisée par Léa Moreira P.7 3. Interview de Monsieur Karim Medjad réalisée par Léa Moreira ; Delphine Denis ; Juliette Gallou ; Pierre Tribondeau et Guillaume Mahaut P.11 4. Interview de Madame Geneviève Férone réalisée par Léa Moreira ; Delphine Denis ; Juliette Gallou P.14 5. Interview de Monsieur Bertrand LAOT réalisée par Léa Moreira ; Delphine Denis ; Juliette Gallou
II/ Documents Annexes
P.15 P.17
-‐ Annexe n°1 : Tableau : « Les liens Performances sociales (RSE) / Performances économiques et financières (PF) » P.18 -‐ Annexe n°2: Tableau : « Les mesures de la Responsabilité Sociale des Entreprises » P.19 -‐ Annexe n°3: Schéma : « Appliquer le concept de développement durable » P.20 -‐ Annexe n°4: Schéma : « Les Parties prenantes » P.21
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INTERVIEWS
1. Interview de Monsieur Gérard Leseur réalisée par Léa Moreira 2. Interview de Monsieur Laurent Ledoux réalisée par Léa Moreira 3. Interview de Monsieur Karim Medjad réalisée par Léa Moreira ; Delphine Denis ; Juliette Gallou ; Pierre Tribondeau et Guillaume Mahaut 4. Interview de Madame Geneviève Férone réalisée par Léa Moreira ; Delphine Denis ; Juliette Gallou 5. Interview de Monsieur Bertrand Laot réalisée par Léa Moreira ; Delphine Denis ; Juliette Gallou
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1. INTERVIEW DE MONSIEUR GERARD LESEUR
Président du Groupe ALTERGIS 32
I/ Qu’évoque pour vous « la Performance en Entreprise » ? Cela passe avant tout par les hommes et les femmes de l’entreprise, dans l’état d’esprit, la valeur, le respect ainsi que par la compétence. Les dirigeants doivent être respectueux envers leurs « subalternes ». On ne peut pas concevoir la Performance en entreprise sans une équipe et cela passe avant les chiffres. Lors des réunions l’ordre des sujets abordés = PCTG : -‐ P : Personnel (le bien-‐être) -‐ C : Commerce (Client) -‐ T : Technique -‐ G : Gestion (argent, finance) -‐> Le financier n’est que la conséquence finale. Il faut du sens, les hommes de l’entreprise doivent trouver du sens dans ce qu’ils font. Ainsi la performance se mesure par le compte de résultat qui est en lien direct avec les hommes de l’entreprise. II/ En matière de Performance, quel est votre ordre de priorités ? D’abord la qualité des hommes (le talent), ensuite la durabilité (pérennité de l’entreprise), puis le financier (trésorerie) et enfin la stratégie financière. En fait, le compte de résultat passe d’abord par la qualité des hommes de l’entreprise. III/ Quelle est pour vous la limite à ne pas dépasser ? Elle se résume dans le cadre de la loi. Il ne faut pas aller à l’encontre des règles établies comme par exemple embaucher un travailleur étranger sans le déclarer. Et tout doit être fait en accord avec la volonté de l’employé. 32
Altergis, Le sens de l’énergie : www.altergis.com (Entreprise née en Janvier 2000 de 400 employés avec un chiffre d’affaire de 65 millions d’euros.)
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IV/ Encouragez-‐vous la concurrence entre le personnel de votre entreprise ? Non, mais le résultat final doit suivre. Autrement dit, il faut évaluer le résultat de chacun indépendamment de celui des autres. Mettre en avant « le meilleur employé » risquerait de démotiver ce qui ne sont pas récompensés alors qu’ils jouent un rôle important. Il n’est pas nécessaire de faire jouer la concurrence pour obtenir un compte de résultat positif. Il y a pour moi un lien direct entre le personnel et la performance financière. V/ Consacrez-‐vous un budget pour améliorer la Performance ? Non. VI/ Le développement durable est-‐il une nouvelle facette de la Performance ? Oui, de plus nous pratiquons la RSE. Si l’on y réfléchit bien, à quoi sert une entreprise qui gagne dans une société qui perd ? Plus mes voisins grandissent, plus la société prospère, plus je grandis. Sur les questions environnementales nous pratiquons le tri sélectif, nous avons aussi notre propre collecte de pilles usagées. Certains employés roulent avec des voitures hybrides même si pour moi cela n’est pas ce qui répond le mieux au souci écologique. VII/ Qu’est ce qui pousse une entreprise à prendre en compte les questions environnementales ? Il y a là un véritable enjeu stratégique plus qu’ écologique. C’est à 90% pour se faire « bien voir »et avoir une image de marque. Nous sommes davantage intéressés par la RSE. Nous avons le label « Empl’itude »33 (nous avons été la 3ème entreprise à l’avoir obtenu en France). En somme, je pense qu’il n’y a pas de bonne ou de mauvaise stratégie dans la mesure où l’évaluation de la Performance extra-‐financière reste très complexe. Je dirais que les dirigeants doivent savoir mettre en regard leurs comptes de résultats avec les hommes de l’entreprise.
Rédaction : Léa Moreira
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Empl’itude : 1er label territorial pour l’emploi en France, Empl’itude distingue les bonnes pratiques et les progrès des entreprises en faveur de l’emploi et de l’insertion professionnelle. Il labellise aujourd’hui dans la métropole marseillaise des entreprises de toute taille, dans tous les secteurs. Empl’itude valorise la contribution importante des entrepreneurs et réseaux d’entreprises à l’accompagnement des publics éloignés de l’emploi dans leur parcours d’insertion. Avec Empl’itude, l’entreprise démontre qu’elle est au coeur de la redynamisation de l’emploi.
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2. INTERVIEW DE MONSIEUR LAURENT LEDOUX
Monsieur Laurent Ledoux est titulaire d’un master en économie et en « business administration ». Il a travaillé comme chef de cabinet pour le ministre de la recherche scientifique et de l’enseignement supérieur en Belgique. Depuis 2007 il travaille comme « managing director of fortis public banking » et s’évertue à développer les organisations qui transforme de manière positive notre société.
I / Comment définiriez-‐vous « la performance en entreprise » ? Qu’évoque pour vous cette notion ? C’est la contribution de l’entreprise pour la société dans son ensemble. II/ Quelles sont, selon vous, les différents dispositifs d’évaluation de la performance financière au sein de l’entreprise ? Aujourd’hui, le profit (bottom-‐line) et la rentabilité (ROI), calculés sans prendre en compte les nombreuses externalités que génère l’entreprise, restent les indicateurs premiers. Dans certains cas, la satisfaction des clients peut aussi être considéré comme un leading indicateur mais c’est souvent de l’ordre du discours. III/ Comment concevez-‐vous le rapport entre performance (économique) et performance extra-‐financière dans les entreprises (lien étroit, séparation nette, les deux se conjuguent … ? ) ? Aujourd’hui, les indicateurs de la performance extra-‐financière sont au service de la rentabilité financière. Le problème : la performance extra-‐financière (humaine, environnementale, sociétale,…) est alors davantage perçue comme une contrainte et non pas comme un objectif en soi. Selon moi, il faudrait inverser l’équation : la rentabilité financière devrait devenir une contrainte, qui doit être satisfaite, et qui est au service de la performance extra-‐financière, qui contient les objectifs finaux, la raison d’être de l’organisation.
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IV/ Comment une entreprise peut-‐elle améliorer sa performance (financière et extra-‐ financière) ? Comme je l’ai dis précédemment en inversant l’équation dans la mesure où la performance financière comme objectif unique et premier ne garantit la performance extra-‐ financière. Aujourd’hui, le manager considère que son devoir est de maximiser la performance financière et de ne voir la performance extra-‐financière que comme une contrainte qu’il faut respecter pour minimiser les risques en termes de performance financière à terme. Je pense que les entreprises de demain devront adopter une logique inverse. V/ La RSE : a-‐ Pourquoi les entreprises doivent-‐elles être responsables ? Tout simplement parce qu’elles doivent l’être. Je ne peux pas concevoir une activité humaine sans aucun respect ni responsabilité de la part de l’entreprise. Elle doit contribuer au bien commum, au bien être de toutes les parties prenantes (dans des degrés divers bien sûr). Malheureusement, dans les faits, de nombreuses entreprises sont bien souvent peu conscientes de leurs responsabilités sociétales, convaincues que leur unique ou principale responsabilité est de maximiser le profit ou le cours de bourse et que le reste incombe aux marchés ou à l’Etat. Ce faisant, elles n’adoptent des mesures « RSE » que parce qu’elles pensent que cela permet de réduire leurs risques (attaques d’ONG, législations contraignantes,…) et qu’en termes marketing, cela peut être rentable. Ce faisant, elles restent dans le modèle de maximisation du profit, qui n’a rien à voir avec une prise de responsabilité réelle, consciente et pro-‐active. Par exemple, face à la montée de l’obésité favorisée par l’alimentation industrielle produite par les grandes entreprises, certaines promeuvent hypocritement le 0% calories alors que les études montrent que l’aspartame a des effets pervers et n’aide en rien à combattre l’obésité. Mais d’un point de vue marketing, cela marche. Ces entreprises exploitent l’ignorance des masses et poussent le bouchon jusqu’à se positionner comme responsable. C’est le comble de l’irresponsabilité. b-‐ Comment expliquez-‐vous la dualité actionnaires / parties prenantes au sein de l’entreprise ? Elle est inévitable. La plupart des actionnaires (en particulier les hedge funds ou fonds de pensions qui ont un rôle prépondérant sur les marchés) poursuivent leur intérêt personnel (augmentation du cours de bourse à relatif court terme, sans prise en compte des externalités que génèrent les entreprises). Ainsi le rendement financier voulu par les actionnaires induit inévitablement une pression sur la conduite des entreprises, qui peut se faire au détriment d’autres parties prenantes de celles-‐ci. Dans le système actuel, il y a donc une dissociation entre l’intérêt des actionnaires et celui des autres parties prenantes. c-‐ La performance boursière un critère unique et suffisant pour évaluer l’action managériale ? Non, sur base de ce que j’ai dit plus haut, il est insuffisant. Il est irresponsable de le garder pour unique compas. Il faut d’une part le rendre plus « objectif » (intégrer dans la
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performance financière l’impact des externalités que génère l’entreprise) et d’autre part le compléter par d’autres indicateurs non-‐financiers. d-‐ La rémunération sur la performance de l’entreprise ? Quelles conséquences sur les employés de l’entreprise ? Le problème est double : tout d’abord de quelle performance parlons-‐nous, comme nous l’avons vu plus haut. La performance financière est un indicateur trop étriqué. Ensuite, il y a des conséquences perverses à la rémunération sur la performance. Cela réduit en quelque sorte l’être humain à une simple machine à performance. Selon moi, il faut éviter de mettre trop en avant la rémunération sur la performance. Il en faut un peu mais cela ne doit pas être prépondérant. Contrairement, l’être humain ne travailler pas seulement pour la seule rémunération. En mettant trop l’accent sur la rémunération à la performance, on risque paradoxalement de saper la motivation de travailler pour le plaisir de produire quelque chose de beau, de bon, de bien. e-‐ Pourquoi certaines entreprises se refusent-‐elles à communiquer des informations (rémunération, restructuration…) ? Les entreprises privées estiment ne pas avoir de comptes à rendre à des tiers. D’un côté, cela peut se comprendre, vu qu’elles sont « privées ». Mais, par ailleurs, l’explosion des disparités entre les revenus des salaires les plus bas et des salaires les plus élevés dans les entreprises est tellement scandaleuse ces dernières décennies qu’elles ne sont plus vraiment tolérables, du moins politiquement et socialement. A titre indicatif, en 1980, le PDG américain moyen gagnait 42 fois plus que l’ouvrier moyen, un rapport qui s’est envolé en deux décennies pour passer à 85 fois plus en 1990 et à 531 fois plus en 2000. En 2012, ce rapport sera probablement encore plus élevé. Les tops managers de certaines entreprises refusent donc de communiquer leurs rémunérations pour pouvoir continuer à profiter de la situation. f-‐ Les entreprises implantées dans les paradis fiscaux (et qui se gardent bien d’en parler) : quelles conséquences sur la performance ? A court terme et dans le système actuel (qui est, sur base de ce que j’ai évoqué plus haut profondémentes inégal, cynique et irresponsable) où la performance financière au sens étroit est l’indicateur le plus important, les paradis fiscaux ont un impact positif sur la performance financière des entreprises qui en profitent. A plus long terme cependant, à mesure que ce système devient de plus en plus inacceptable, cela se retournera contre elles. Mais il y a là un long et difficile combat à mener et qui est rendu difficile par le fait que les grandes entreprises opèrent au niveau global tandis que les Etats restent divisés. g-‐ Comment intégrer la RSE à la stratégie de l’entreprise ? En induisant un changement de paradigme, une prise de conscience générale que l’entreprise ne peut être réduite à une machine à maximiser le profit mais que sa première responsabilité est de contribuer au bien commun. La RSE ne doit donc pas être limitée à un instrument de marketing ou de minimalisation des risques. Elle doit inviter à une reconsidération de ce qu’est le core business d’une entreprise. Certaines entreprises ont déjà opéré cette mutation mais elles sont encore peu nombreuses. h-‐ Quel avenir pour « la performance en entreprise » ?
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Comme je l’ai dit plus haut, il faut d’une part enrichir les indicateurs de performance financière (en internalisant autant que possible les externalités générées par les entreprises) et d’autre part élargir le nombre d’indicateurs pour inclure des indicateurs de performance non-‐financière et des indicateurs qualitatifs. Cela est déjà fait dans une certaine mesure avec les Balanced ScoreCards (Tableaux de bord prospectifs) mais dans ce cas, les indicateurs de performance extra-‐financiers sont, in fine, au service des indicateurs financiers. Selon, dans le futur, c’est l’inverse qui sera vrai. En prenant soin bien sûr d’éviter les dérives potentielles (totalitaires dans certains cas) liées à la poursuite d’objectifs qualitatifs (Bonheur,…).
Rédaction : Léa Moreira
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3. INTERVIEW DE MONSIEUR KARIM MEDJAD
Monsieur Karim Medjad, juriste et docteur en économie, est nommé professeur titulaire de la chaire de Développement international des entreprises du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM).
I/ Que signifie pour vous la notion de performance ? C'est une question compliquée, dans la culture néo-‐classique, ce serait la capacité à maximiser ses profits. La performance psychosociale aussi, qui serait la capacité de l'entreprise à avoir une fonction écologique, mais les entreprises les plus qualifiées fonctionnent différemment. II/ La performance est-‐elle un terme à proprement dit « financier » ? Oui, en ce qui concerne les entreprises capitalistes, celles-‐ci doivent veiller à ce que toute la chaîne soit correcte (prenons l'exemple de Carrefour). Mais, du Pakistan en France, qu'est-‐ce qui garantit que ce ne sont pas des enfants qui travaillent ? L'usine est un sous-‐ traitant de Carrefour qui n'hésiterait pas à mentir pour sa publicité. Si les entreprises considérées hier comme les plus importantes, elles peuvent accomplir d'autres fonctions mais sont-‐elles les mieux équipées aujourd'hui pour appliquer toutes ces fonctions (notamment entre le social et le profit) ? III/ Peut-‐on alors légiférer ? La société civile est plus qualifiée que l'Etat. En 10 ans, 100% des firmes du monde satisfont les besoins du peuple. La loi ne peut intervenir, notamment dans une époque de révolution culturelle. Seule la société civile pourrait faire changer les choses, quand elle agit, elle privatise un certain nombre d’intérêts publics. IV/ Comment s’articule le lien entre performance financière et performance extra-‐ financière ? Cela est possible mais peut aussi devenir gênant car la RSE devient un facteur
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d'optimisation économique (et cela que par intérêt?). Faut-‐il le faire si on perd de l'argent ? Bien sûr que oui, la marge commerciale est réduite quand on prend en compte le bien-‐être. Il existe une interaction entre le social et le financier mais cela ne peut être mis en avant. Le problème de la RSE est d'être prêt à faire des sacrifices et assumer le bien-‐être. Le fait de relier la RSE à la performance tend à l’hypocrisie dans la mesure où le facteur RSE n'a pas de rapport avec le profit. V/ L'image des entreprises est-‐il un facteur qui se propage ? Oui, cela a un impact économique. Une des raisons pour que cela se propage est le caractère facultatif : le Pacte Global : il n'y a pas de sanctions si on respecte ou non et le patron n'aura pas de problème pour signer vu que ça ne mange pas de pain. Si tout le monde le fait, cela devient une logique coutumière, donc semi-‐facultatif. C'est un phénomène qui liste tout et contraint tout le monde : le monde bascule vers la contrainte sociale Mais le plus dur, c'est que l'obligatoire précède la loi, les contraintes sociales pèsent autant que les contraintes juridiques. On se retourve par exemple à rendre des comptes à des français parce qu'on pollue en Inde : est-‐ce inconcevable ? VI/ Et le rôle des actionnaires ? Il faut articuler le caractère légitime des actionnaires avec les autres parties prenantes qui sont là pour travailler. L'actionnaire a beaucoup évolué (actionnariat c'est des fonds). Les grand fonds de pensions américains ont introduit une dose de transparence au CAC 40 : investisseurs étrangers comme le Qatar qui investit à long terme. Ces fonds de pension sont de moins en moins capitalistes car ils sont touchés par la « grâce » de la RSE. L'actionnaire « sordide » est touché par la RSE et les autres parties prenantes pèsent moins lourd. En France, le poids des syndicats est dérisoire car il n'y a pas du côté des salariés un interlocuteur qui pèse assez lourd. Et l'une des raisons pour lesquelles c'est moins pris en compte c'est parce qu'il y a des Sociétés anonymes. VII/ L'indicateur PIB joue-‐t-‐il aussi un rôle ? Prenons l'exemple du Bhoutan : c'est un pays fermé et qui limite les flux d'étrangers et dont l'idéologie est fondée sur le bonheur. Cela développe ainsi des utopies séduisantes mais exclu les autres. La question de l'équité va se poser au niveau local et global : exemple de la Démocratie Athénienne, c'est-‐à-‐dire la capacité à développer des valeurs non marchandes, mais uniquement pour leurs « sociétaires ». Si on est pas sociétaires alors cela n'est pas pour nous. En ce qui concerne l'indicateur, on peut le changer mais à quelle échelle du PIB ? Cela pose un autre regard sur la performance. Il existe un indicateur vert : exemple du prix de la paire de chaussettes. Combien coûte de fabriquer une paire de chaussette et de la ramener en France ? Avec le prix légitime du baril de pétrole, il est préférable de fabriquer en Chine et de ramener en France (prix du baril est d'environ 200 dollars). On neutralise ainsi le prix du pétrole qui n'est pas assez cher. On peut ramener l'enquête en France mais c'est plus compliqué à l'étranger.
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VIII/ Quel avenir pour la performance ? La performance va survivre mais elle va être de moins en moins dominante : on va vers des indicateurs composites, concurrents. Les choix politiques seront d'aller vers telle combinaison plutôt que telle autre. Rédaction : Guillaume Mahaut
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4. INTERVIEW DE MADAME GENEVIEVE FERONE
Madame Geneviève Ferone est docteur en droit international économique . Elle a travaillé pour des organisations internationales comme l’ONU ou encore l’OCDE. Depuis 2008, elle travaille comme directrice du développement durable de Veolia Environnement.
Cette interview a été filmée et à cause d’un souci technique nous sommes dans l’impossibilité de la retranscrire dans ce dossier. Toutefois nous utiliserons le support vidéo lors de la soutenance.
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5. INTERVIEW DE MONSIEUR BERTRAND LAOT
Président du groupe Harmonie Mutuelle MNAM
I/ Présentation de la MNAM La mutuelle étant constituée différemment des autres entreprises, il est intéressant de voir comment elle s’est conçue. C’est avant tout une société de personne, qui n’appartient à aucun actionnaire mais qui appartient aux adhérents (la mutualité est constituée grâce à eux). D’où les règles imposées par le code de la mutualité (qui s’oppose au code du commerce). Il s’agit notamment de la garantie par rapport aux adhérents. D’autre part, si ce code diffère de celui des assurances, la mutualité tend pourtant à se rapprocher des assurances dans la mesure où la réglementation européenne a mis en place des autorités de contrôle (ACP : autorités de contrôle prudentielle) qui est la même pour les assurances et pour les mutuelles. II/ Comment considérez-‐vous la performance au sein de votre entreprise ? Pour nous, elle est à deux niveaux : la performance liée à la finance, il faut qu’on est des placements qui rapportent mais contrairement aux sociétés capitalistes, on ne cherche pas le placement qui rapporte le plus, mais celui qui présente le moins de risque ; et la performance liée aux hommes que se soit ceux de l’entreprise ou les adhérents. Nous disposons pour cela d’une direction de la RSE ainsi que d’un groupe de projet qui participe à la mise en place de ce principe de responsabilité sociétal. Les priorités sont alors l’environnement, le personnel, les adhérents, les bonnes pratiques des affaires. III/ Qu’est ce qui vous a poussé à mettre en place le concept de la RSE ? Car nous souhaitons avant tout nous distinguer des autres mutuelles en mettant en avant l’aspect humain, l’aspect environnemental donc il faut mettre un projet d’investissement là-‐dessus. C’est maintenant pour nous un critère de performance. Nous souhaitons être toujours plus proche de l’humain et du social en donnant une information régulière. Nous voulons que cela devienne pour le groupe Harmonie une culture d’entreprise. IV/ Quels sont les indicateurs que vous privilégiez pour évaluer votre performance financière ?
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La performance financière est à double niveau chez nous : d’abord répondre aux normes de l’ACP mais c’est aussi nous permettre de pouvoir investir dans autre chose. Par exemple nous souhaitons monter un autre établissement de centre optique donc pour avoir les moyens de le faire il faut que nous ayons une bonne santé financière et des réserves pour ne pas mettre en péril notre activité. Donc pour moi la performance financière s’évalue par la capacité future à réinvestir l’argent gagné. V/ Vous êtes donc toujours dans la recherche d’innovation ? Nous sommes à la recherche de services nouveaux : que pouvons-‐nous offrir comme meilleures garanties ? Comment pouvons-‐nous mieux accompagner de la petite enfance jusqu’à la vieillesse ? Comment améliorer la prévention sur la santé ? Mais encore une fois, pour pouvoir innover il faut avoir la sécurité financière nécessaire. Donc l’idée c’est d’investir sur les soins, accompagnement, prévention. Notre performance est souvent synonyme de qualité de services car nous ne sommes pas dans un milieu purement capitaliste. Notre performance, c’est innover pour être plus proche de l’adhérent. VI/ En vous différenciant ainsi des entreprises capitalistes dans votre organisation n’êtes-‐ vous pas dans l’utopie ? A la fois on nous demande de nous organiser d’une manière très économique, c’est-‐à-‐ dire de structurer mais en arrière plan nous ne sommes pas organisé de manière capitalistique. Par exemple lors des assemblées générales personne n’a pris de parts de l’entreprise, cela appartient à tout le monde. Pour nous, tout est une question d’information et d’innovation. VII/ Quel est alors le statut de votre entreprise ? En principe nous sommes dans le système d’économie sociale donc nous sommes à l’origine une entreprises à but non lucratif. Pour moi, le patron des mutuelles ce sont les adhérents dans la mesure où c’est grâce à leur souscription que la mutuelle vit. VIII/ Quel avenir pour la performance ? Plus d’innovations dans une normalité financière, il faut vraiment que ce soit un plus pour l’adhérent et que ce ne soit pas un investissement à fond perdu. Cependant la réglementation européenne constitue un frein à cette innovation. C’est aussi pour cela que les petites mutuelles ont des difficultés à exister seules. D’où l’énorme concentration de petites mutuelles pour avoir cette possibilité d’innover. Rédaction : Léa Moreira
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DOCUMENTS ANNEXES
-‐ Annexe n°1 : Tableau : « Les liens Performances sociales (RSE) / Performances économiques et financières (PF) » -‐ Annexe n°2: Tableau : « Les mesures de la Responsabilité Sociale des Entreprises » -‐ Annexe n°3: Schéma : « Appliquer le concept de développement durable » -‐ Annexe n°4: Schéma : « Les Parties prenantes »
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Annexe n°1
Tableau : Les liens Performances sociales (RSE) / Performances économiques et financières (PF)34 SURVEYS / ENQUETES
Résultats : Liens positifs
Résultats : Liens négatifs
Résultats : Absence de liens
12
1
8
Griffin / Mahon, 1997 – 62 études RSE (variable indépendante) vs PF
33
20
9
Roman / Hayibor / Agle, 1999 – 57 études RSE (variable indépendante) vs PF
33
5
14
Margolis / Walsh, 2002 – 122 études RSE (variable indépendante) vs PF
51 15
7 0
27 3
20 3
144
33
61
23
55.2%
12.6%
23.4%
8.8%
Pava / Krausz, 1996 – 21 études RSE (variable indépendante) vs PF
Résultats : Liens mixtes
PF vs RSE (variable dépendante) Synthèse:
Résultats agrégés (%)
34
Source : RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES : LA MESURE DÉTOURNÉE ? -‐ José Allouche, Isabelle Huault, Géraldine Schmidt
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Annexe n°2
Tableau : Les mesures de la Responsabilité Sociale des Entreprises35
SURVEYS / ENQUETES Pava/Krausz, 1996
Frooman, 1997
Griffin/Mahon, 1997
McWilliams/Siegel, 1997
Balabanis/Phillips/Lyall , 1998
Critères RSE
Protection de l’environnement – Indices de réputation – Informations divulguées par l’entreprise au-‐delà de son rapport annuel – Activité en Afrique du Sud – Mode de Gouvernance, etc. Violation des lois anti-‐trust – Retrait de produits dangereux – Conduite délictueuse (évasion fiscale, défaut de présentation de documents financiers, etc.) – Pollution de l’environnement – Violation des standards des Agences gouvernementales de régulation. Indice de réputation ‘Fortune’ – Évaluation du cabinet KLD – Contributions charitables et Philanthropie – Inventaire des rejets toxiques, etc. Retrait d’activité en Afrique du Sud – Comportements illégaux – Retrait du marché de produits dangereux – Fermeture d’usines et licenciements – Prix annuels décernés par le Département du Travail, etc. Informations divulguées par l’entreprise au-‐delà de son rapport annuel – Engagement en faveur de l’Égalité Professionnelle -‐ Contributions charitables et Philanthropie – Protection de l’environnement – Engagement dans la Société civile (refus des discriminations politiques) – Refus de l’expérimentation animale – Critères d’exclusion (le tabac, l’alcool, ...) – Relations d’affaires avec les régimes dictatoriaux – Activité de production d’équipements militaires – Relations d’affaires avec les pays en voie de développement, etc.
35
Source : RESPONSABILITÉ SOCIALE DES ENTREPRISES : LA MESURE DÉTOURNÉE ? -‐ José Allouche, Isabelle Huault, Géraldine Schmidt
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Annexe n°3
Schéma : Appliquer le développement durable36
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Source : Schéma extrait du rapport développement durable 2003 de Hydro-‐Quebec
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Annexe n°4
Schéma : Les parties prenantes
PARTIES PRENANTES EXTERIEURES
Gouvernements
ONG & Associations
PARTIES PRENANTES TRADITIONNELLES
Salariés Associations de consommateurs
Médias
Actionnaires
Dirigeants de l’entreprise
Fournisseurs
Clients Lobbies
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