(Année universitaire 2011-2012)
Grade : Licence 3 Pôle d’enseignement : Économie, entreprise et secteur public Matière : Les réalités de l’entreprise Date de la soutenance : 15 février (13h30-17h30)
SUJET FAUT-IL RÉINVENTER L’ENTREPRISE ? Correspondant du groupe : Estelle Jean Membres du groupe : - Alix DE BOISGELIN - Estelle JEAN - Faustine LE LAY - Leslie LOURI - Norah TUMBA
Institut Supérieur du Management Public et Politique (ISMaPP) Établissement d’enseignement supérieur privé reconnu par l’État 80, rue Taitbout 75009 PARIS ✆ +33 (0) 1 55 50 12 40 ✉ cg@e-ismapp.com
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SOMMAIRE INTRODUCTION _________________________________________ 2 I.L’entreprise des origines à nos jours : une notion qui se perd? ______________________________________________________ 3 A. À l’origine, une structure de création collective ______ 3 B. L’entreprise moderne : individualisme, profit et dégâts sociaux __________________________________________ 4 II.Des mesures incomplètes pour sortir de la crise. _________ 8 A. La responsabilité sociale de l’entreprise, une amorce de réponse? _________________________________________ 8 B. Des transformations organisationnelles et institutionnelles indispensables _____________________ 14 III.Des idées innovantes pour “réinventer” l’entreprise. ___ 26 A. Quelques exemples empiriques___________________ 26 B. Création d’un nouveau modèle __________________ 29 CONCLUSION ___________________________________________ 32 SOMMAIRE DES ANNEXES ____________________________ 33 TABLE DES MATIÈRES ________________________________ 53
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INTRODUCTION Il existe un principe d’évolution qui veut que lorsqu’un comportement devient dominant cela provoque une crise. La crise financière et économique récente a remis en cause une partie des hypothèses et des comportements sur lesquels s’était construite l’économie globalisée des dernières années. Outre une crise économique, c’est une crise de valeurs et une crise de la gouvernance des entreprises. On doit donc s’attendre à ce que les entreprises connaissent des problèmes de marchés et de produits, de recherche et de technologie, de ressources financières et de facteurs de production, de management et d’organisation et enfin, de propriété et de pouvoir. Agent économique créateur et répartiteur de richesses, groupement organisé en vue d’atteindre un objectif de profit, organisation de production de biens ou de services à caractère commercial…les définitions de cette entité sont nombreuses, mais ont toutes en commun de reconnaître qu’il s’agit d’un groupement d’hommes et de techniques, dont l’objectif est de produire des biens et des services destinés à un marché solvable. L’entreprise, soumise au principe de réalité, et donc mortelle, doit, sur la durée, créer plus de richesses qu’elle n’en consomme. La réalisation de marges est donc une condition nécessaire, mais pas suffisante à la survie d’une entreprise. Armand Hatchuel et Blanche Segrestin éloignent l’idée que l’entreprise serait un modèle universel d’échange et de production dédié uniquement à la recherche du profit ; l’idée d’interaction avec la société pour laquelle elle crée des services et de nouvelles technologies est ici absente. Ainsi, les entreprises contribuent à créer leur environnement, mais elles sont aussi très largement conditionnées par lui. Or, notre société actuelle, dont les valeurs structurantes ont été désacralisées les unes après les autres, a trop longtemps véhiculé l’idée que la réussite personnelle passait plus par l’enrichissement financier et matériel qu’humain et intellectuel. L’entreprise est ainsi devenue un vecteur de production de profit à court-terme, destinée à générer une valeur à la rentabilité contractualisée par leurs actionnaires. Suivant cette logique, l’entreprise s’est dématérialisée, virtualisée, outsourcée, privilégiant le profit à la production, oubliant souvent au passage de redonner du sens à son projet. Mais comment l’entreprise réagit-elle à tous ces phénomènes ? Nous montrerons comment l'entreprise, qui a pu s'adapter à son environnement pendant longtemps, trouve aujourd'hui des difficultés à poursuivre son évolution, difficultés qui, du fait de l’interdépendance entre environnement et entreprise, se traduisent notamment par des effets négatifs sur la société et un fonctionnement remis en question. D'où les interrogations suivantes : quelles sont les raisons profondes qui posent la réforme de l'entreprise comme une étape nécessaire au bon développement de la société? Réinventer l'entreprise signifie-t-il sortir du système économique dominant? Quels changements peut-on proposer? Norah TUMBA
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I. L’entreprise des origines à nos jours : une notion qui se perd? A. À l’origine, une structure de création collective Pendant des millénaires, l’économie reposait sur le travail des hommes et très peu sur celui du capital et donc disposait de très peu de techniques, le capital servant à les financier. Il s’agissait d’une économie de subsistance à faible croissance. L’entreprise a longtemps eu pour seule la vocation se procurer des produits rares et les vendre, en intervenant peu sur leur production ou leur transformation. L’entreprise était fondée sur la circulation des matières premières et le marché des produits finis. Pour réussir leur « entreprise » dans un monde et sur des mers mal connus, avec des moyens limités, les entrepreneurs marchands prenaient des risques considérables sanctionnés souvent par des pertes définitives ou la mort, et en cas de réussite, par des bénéfices substantiels. Mais l’homme d’affaires voyage aussi pour s’informer, négocier, prendre des contacts, et mettre en place des hommes. Ainsi, dès le départ de l’histoire, apparaît l’un des traits essentiels de la véritable entreprise : la prise de risque avec l’espoir d’un profit, mais en acceptant l’hypothèse d’une faillite. L’espace économique européen s’est profondément modifié avec les Croisades, qui ont certes été inspirées par la foi, mais cachaient également des motivations économiques. Les échanges entre l’Europe et le Moyen-Orient ont favorisé le développement de villes marchandes comme Venise et Gênes. Certains marchands préfiguraient l’entrepreneur industriel : l’entrepreneur marchand devient industriel en faisant travailler des artisans auxquels il procurait la matière première et qu’il rémunérait aux pièces. Il se chargeait de la vente, avec tous les risques que cela supposait. Il se préoccupait souvent d’échapper aux contraintes de guildes et autres corporations qui s’opposaient à ce qu’un entrepreneur brise les habitudes artisanales en recherchant des zones de travail moins chères et plus libres ; aujourd’hui, on parlerait de dumping social. La logique entrepreneuriale du Moyen-Âge est donc différent de l’actuel, mais conserve certains aspects communs comme la recherche de marchés rentables, les calculs prévisionnels, et l’exigence du profit. Au XVIIIème siècle, avec l’utilisation de nouvelles sources d’énergie, le recours à des matériaux fabriqués par l’homme, l’extension des moyens de transport qui élargit le marché, cette organisation du travail va connaître une poussée considérable. L’adhésion à la notion de progrès est un facteur qui favorise largement ces transformations. D’après Michel Drancourt, l’une des conditions nécessaires à la naissance d’une entreprise est d’être optimiste pour soi, et pour la société dans laquelle on vit ; il faut être « convaincu que demain peut-être meilleur qu’aujourd’hui et que la pauvreté n’est pas un état dont on peut se satisfaire. »(Leçon d'histoire sur l'entreprise de l'Antiquité à nos jours). L’entreprise est d’après ses termes « un effort de rationalisation de l’économie pour dépasser l’état stationnaire des société soumises, faute d’outils et de discipline de productivité, aux caprices des saisons. » Cet effort est produit par un ensemble d’hommes ; c’est une organisation humaine, rendue plus efficace par la mobilisation
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(Année universitaire 2011-2012) d’un ensemble des moyens en argent, en techniques et en savoirs – appelé capital. Ce dernier est un des éléments responsable de la naissance de l’entreprise, car il en définit et structure les composantes. Le capital est l’agent moteur de la production démultipliée de richesses. La mise en œuvre de moyens de production supplémentaires grâce au capital constitue un changement majeur dans l’histoire économique. Aujourd’hui, le terme d’entreprise désigne indistinctement toute forme d’activité économique. Depuis l’artisan jusqu’à la Poste, depuis le commerçant jusqu’à la multinationale, depuis l’entrepreneur individuel jusqu’au fond de pension, toute configuration correspondrait à une entreprise dès lors qu’elle aurait des aspects commerciaux et financiers. Donc, si on reprend le fil de l’histoire, l’entreprise renvoie à une réalité beaucoup plus singulière. Le marchand ou les opérations commerciales, aussi importantes soient-elles, existaient bien avant l’entreprise et ont continué à exister après la naissance de l’entreprise. Mais l’entreprise a introduit une réalité autre. Quelle est la différence entre les deux ? Le libéralisme, la mondialisation, la montée de l’individualisme, les difficultés liées au management. Le visage public de l’entreprise, sa marque a pris le pas sur son corps interne, ses hommes. La marque prend une place croissante dans la valeur de l’entreprise, en tant qu’actif immatériel. Une dichotomie se crée alors entre le management de la marque et celui de l’entreprise. On parle ainsi des innovations du géant ORANGE, et dans le même temps des difficultés sociales de FRANCE TÉLÉCOM. Dualité de perception d’une même entreprise pourtant. En outre, l’une des conséquences les plus évidentes de la mondialisation est que les multinationales n’ont plus de maître, ce qui a aggravé les inégalités de revenus, la plus extrême pauvreté, les violations des droits humains, la dégradation de l’environnement et bien d’autres maux. De plus, l’influence grandissante des théories néolibérales depuis les années 70 dans la conduite de la politique des États-Unis notamment a aboli la capacité du gouvernement à endiguer les abus des firmes ou de répondre au désespoir des pauvres ; les politiques de libre-échange œuvrent à merveille pour les plus riches, et les puissants, tandis que pour tous les autres, la vie est devenue plus dure. Il est indéniable que la prise de risque de l’entrepreneur mérite rétribution, d’autant plus qu’il fournit également un travail manuel et intellectuel à l’instar de ses employés. Mais au vu de la structure sociale actuelle qui semble dégénérescente, l’appel à la solidarité citoyenne n’est-il pas la solution à envisager ? Norah TUMBA
B. L’entreprise moderne : individualisme, profit et dégâts sociaux Le malaise est apparu au sein de l’entreprise lorsque, n’ayant pas le choix, elle s’est laissé happer par le système capitaliste qui n’a pour finalité que le profit qui écrase les dynamiques humaines au sein de l’entreprise. Et ce comme si les grandes finalités sont antinomiques ; pourquoi ne pas concilier finance et dynamiques humaines ? Serait-ce notre système qui restreint le champ d’action des entreprises ? Le système économique se fonde sur une logique de régulation: la production permet d’obtenir des bénéfices financiers qui, réinvestis dans la production, permettent d’augmenter celle-ci, ce qui permet à son tour d’augmenter les bénéfices et ainsi de suite. C’est le principe même de ce
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(Année universitaire 2011-2012) qu’on appelle la croissance ; l’entreprise ne peut donc se comporter comme si elle appartient à un univers différent. Les entreprises doivent donc faire sans cesse plus de profit et leur structure et leur organisation doivent s’adapter à cette prémisse fondamentale qu’on ne doit jamais remettre en question car une telle prise de position risque de déphaser l’entreprise qui ne sera plus en adéquation avec son environnement. Ce contexte global a inévitablement des répercussions sur les personnes qui travaillent au sein de l’entreprise puisqu’on leur demande de jouer leur rôle dans le cadre de cette « règle inamovible » et toutes les régulations internes visent à la préserver : on encourage les conduites susceptibles d’augmenter le profit de l’entreprise, on recherche le mode de fonctionnement optimal pour atteindre cette finalité. La compétition est évidemment un exemple type de la répercussion de cette règle au niveau des relations humaines dans l’entreprise et ainsi on constate que la persécution ne vient pas seulement de la hiérarchie mais les adversaires se trouvent même à son propre niveau. Voyons, avec un exemple concret, comment certains messages d’incitation au respect de la règle fondamentale du profit peuvent générer des effets pervers dont, la plupart du temps, les salariés font les frais. Dans une entreprise bancaire, l’organisation découpe des zones géographiques comportant elles-mêmes un certain nombre d’agences actives sur un territoire particulier. Le mode de rémunération tient compte, en plus d’un salaire fixe relativement faible, de la performance de vente de chacune des entités géographiques et, en leur sein, de chacune des agences. De même, les salariés sont notés en fonction de leurs performances personnelles et leur prime varie aussi selon ce facteur. Le directeur d’une zone géographique est appelé par un directeur d’agence qui ne sait plus quoi faire pour motiver ses salariés. Ceux-ci ont les primes les plus basses de toute la région, l’agence est elle-même la dernière en termes de productivité. Le directeur de zone, après s’être informé sur le terrain et avoir analysé la situation, se rend compte que tous les salariés de l’agence font des efforts pour augmenter leur prime individuelle. Pour cela, chacun n’hésite pas à cacher des informations sur ses propres clients donc lorsqu’un salarié est absent, ses collègues sont dans l’impossibilité de renseigner ou d’aider ses clients ; ce qui donne une très mauvaise image du service rendu et fait perdre des clients. De plus, chacun essaie de gagner des parts de vente sur le territoire des autres, ce qui crée des tensions et des conflits qui minent l’ambiance de l’agence. On a essayé de raisonner les salariés, on a mis en place des moyens d’expression collective et d’échanges officiels d’information, on affiche régulièrement les performances aussi bien des collègues que des autres agences pour motiver les troupes, rien n’y fait. Comment faire changer les choses ? On voit bien ici que la logique de compétition, entre banques d’abord, mobilise les gens dans une motivation qui passe par la compétition interne. Dans cette agence, la manière dont les personnes ont géré petit à petit cette donnée a produit une situation paradoxale, quasiment de double contrainte. Ils se disent : « plus mes résultats sont bons, plus je gagne ; je fais donc tout pour être meilleur que mes collègues, y compris en ne leur donnant pas les informations qui pourraient les rendre meilleurs que moi ». Le patron insiste donc pour améliorer la collaboration, ce qui est perçu comme une incitation à se mettre en danger personnellement vis-à-vis des autres. Cela n’est pas acceptable « étant donné que la prime
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(Année universitaire 2011-2012) collective est déjà telle que je gagne trop peu » disent les salariés. Bien entendu, le climat s’en ressent, l’ambiance se détériore, les personnes ne se sentent pas bien et les résultats continuent à se dégrader. La famille, comme l’entreprise, impose des contraintes au comportement de ses membres : dans une famille, on n’est pas libre de faire ce qu’on veut. Cependant, l’entreprise, parce qu’elle est un lieu dédié à la production en vu d’objectifs prédéterminés et qu’elle a la possibilité d’exclure certains de ses membres, augmente de manière significative l’effet de contrainte interne sur les personnes qui y travaillent. Si on peut, dans une certaine mesure, se démarquer des normes de notre famille tout en y conservant sa place, la marge de manœuvre dont on dispose pour déroger à la norme de l’entreprise est plus strictement limitée. Si, comme tous les systèmes, la famille est aussi un ensemble hiérarchiquement organisé, en entreprise l’organisation en niveaux confère à des postes hiérarchiques la capacité de prendre des décisions qui affectent concrètement le niveau inférieur. Cela constitue ce que LABORIT a appelé des servo contrôles. Le chef est membre du service et à ce titre, participe à son homéostasie ; mais il fait aussi partie de la hiérarchie et, à ce titre, constitue un élément potentiellement perturbateur pour le service c’est-à-dire une contrainte de l’environnement. On peut mettre quelqu’un dehors effectivement ; on peut aussi supprimer le service ou l’installer ailleurs. En fonction des objectifs poursuivis, des mesures seront prises vis-à-vis desquelles il est très difficile de s’opposer. Cela amène à se demander comment la communication est organisée au sein de l’entreprise moderne ? Les comportements ne sont-ils pas rigidifier à cause de l’individualisme qui structure l’entreprise ? La gestion globale est de plus en plus rationalisée et intégrée : chaque étape est définie selon un modèle visant à une efficacité standardisée, depuis l’émission d’un bon de commande jusqu’à la production finale d’une pièce, en passant par toutes les actions productives ou fonctionnelles. Cette intégration n’est plus l’apanage du personnel de management mais elle est formatée à travers ce qu’on appelle des progiciels de gestion intégrée. Il s’agit d’un processus informatisé et en grande partie standardisé de contrôle et de mise en œuvre de procédures de gestion et de production, permettant la mise en corrélation de l’ensemble des comportements de l’entreprise et leur traduction dans une logique financière. C’est-à-dire que chaque opération est prévue par le processus informatique et doit faire l’objet d’une demande d’autorisation préalable au système qui vérifie que l’action se passe dans l’ordre et dans les conditions requises. Lorsque l’action est réalisée, le système informatique répercute ses effets dans le reste de la chaîne de production. Par exemple, si un boulon a été utilisé, le stock de boulons est prélevé d’une unité et une commande de réapprovisionnement est faite automatiquement dès qu’un certain seuil est atteint. Tout cela est interprété en termes financiers de manière à tenir à jour une comptabilité et un prévisionnel permettant de serrer au plus près les objectifs financiers. Du point de vue de la communication, une personne ne peut plus avancer dans ses actes de production sans que la séquence ait été avalisée par le progiciel. En somme, nous sommes dans une logique hyper taylorienne et digitalisée : le progiciel supporte en gros des réponses de type oui/non, mais pas de discussion. Les contremaîtres, dans le monde taylorien, pouvaient se montrer durs ou inhumains mais il y avait toujours la possibilité d’en discuter avec une tierce personne. Dans l’interaction avec le
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(Année universitaire 2011-2012) progiciel, les possibilités de discussion sur la relation sont strictement limitées : on obéit, ou on désobéit et, dans ce dernier cas, le progiciel bloque l’action. Cependant, on constate également que toute initiative visant à mettre en cause tel ou tel segment de l’organisation programmée est immédiatement découragée, voire directement « interdite» ; on l’assimile à une manifestation de défiance, de non adhésion, voire d’opposition à l’entreprise. Le personnel se trouve alors confronté à une contradiction entre le message véhiculé par la structure de production qui consiste à suivre les procédures de travail et d’information et le message de mobilisation des personnes qui est de faire preuve d’initiative. Ce paradoxe ne peut créer qu’un malaise. Un contexte général de compétition peut augmenter les pressions et les contrôles exercés sur les employés par les responsables, les managers, les « chefs ». Le salarié en butte à ces exigences et à ces contrôles accrus se sent mis sur la sellette et voit son stress augmenter ; la peur ou l’anxiété ne sont pas les meilleures conseillères pour la performance et, de plus, elles dissipent l’attention et augmentent les risques d’erreurs. Les chefs ont donc la confirmation qu’il est nécessaire de surveiller et de contrôler davantage ces salariés dissipés, négligents ou incompétents. De plus, comme les résultats sont en baisse, les responsables risquent eux-mêmes d’être l’objet de remarques voire de sanctions de leurs supérieurs si les choses ne s’améliorent pas. Mais bien entendu, ces mesures de contrôle ne sont pas vécues comme facilitatrices ou aidantes pas les salariés qui commencent à se poser des questions sur les intentions cachées de ces mesures non productives; il en va de même pour les chefs qui, eux aussi, commencent à soupçonner la mauvaise foi des employés dont le travail laisse de plus en plus à désirer malgré toute l’énergie déployée pour trouver des solutions. Dès lors le processus de harcèlement est lancé: chacun cherche à confirmer son hypothèse quant à la mauvaise foi de l’autre. Ainsi le responsable, le chef, est de plus en plus pressé par les injonctions de performance, de flexibilité mêlée à une demande d’un haut degré de productivité et de fiabilité (exigence de qualité); il doit donc amener son équipe à réaliser ces objectifs alors même que cela constitue une augmentation de pression difficile à supporter. Dans ce contexte les erreurs ou les échecs répétés d’un des collaborateurs risquent fort d’être vécus par lui comme particulièrement dangereux. Dans un contexte où la culture d’entreprise met l’accent sur l’engagement volontaire de tous pour la survie de l’ensemble, de tels comportements d’échec, d’évitement ou de retrait pourront être perçus comme des actions délibérées d’opposition voire d’hostilité. Bref, le « harceleur » peut décoder son contrôle et son insistance accrus comme une réaction de légitime défense face au sabotage manifeste de l’employé qui serait incompétent et malveillant. Cela explique d’ailleurs que, dans de nombreuses plaintes pour conduites de harcèlement, lorsqu’une enquête est menée pour déterminer les responsabilités, on se retrouve face à deux visions du monde où c’est l’autre qui est perçu comme la cause du problème. Il est urgent de lutter contre ce « harcèlement » infructueux. Leslie LOURI
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II. Des mesures incomplètes pour sortir de la crise. La crise actuelle témoigne de la difficulté des entreprises à se penser et à agir comme des acteurs à part entière de la société : difficulté à s’inscrire dans la durée et à s’intégrer dans la société en tenant compte des conséquences systémiques de leurs choix en matière environnementale, sociale, macroéconomique… Les premiers concernés, les salariés, peuvent et doivent être rendus plus actifs dans son fonctionnement. Mais cette remarque vaut aussi pour la société civile dans son ensemble, car celle-ci a une vision négative de l’entreprise. Norah TUMBA
A. La responsabilité sociale de l’entreprise, une amorce de réponse?
Définition : La responsabilité sociétale est « l'idée selon laquelle les entreprises, au delà des prescriptions légales ou contractuelles, ont une obligation envers les acteurs sociétaux » (Jones 80’s) Face aux problèmes posés par l’évolution de la structure et des modes de gestion de l’entreprise, et notamment vis-à-vis des conséquences sociales ou plutôt sociétales, a été mise en valeur la notion de responsabilité de l’entreprise, aussi bien donc au niveau social qu’environnemental. Ce concept est né des demandes de la société civile, comme les ONG (Organisations Non Gouvernementale) ou associations diverses. Selon la Commission Européenne, on peut définir la RSE comme « l’intégration dans l’entreprise des préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs parties prenantes sur une base volontaire. » De cette définition on peut retenir 2 choses : tout d’abord il s’agit pour les entreprises d’intégrer à leur politique de production une dimension sociale et environnementale, en tenant compte des conséquences qu’elles peuvent entraîner sur ces 2 domaines. le deuxième élément à ne pas omettre est le fait que cette dimension sociétale n’est en aucun cas obligatoire pour l’entreprise : il n’existe pas de norme l’obligeant à prendre en compte l’environnement ou la société civile. Certes, nous pourrions dire qu’une entreprise dont le taux de pollution est élevé et représente un danger pour la société, la population est règlementée, de même qu’il existe en France le Droit du Travail; cependant, ces règlementations ont des limites. La RSE est la déclinaison pour l'entreprise des concepts de développement durable, qui intègre trois piliers : un pilier social qui vise au respect de toutes les parties prenantes humaines de l’entreprise (salariés, clients, fournisseurs…) ce sont les relations avec les personnes dans l’entreprise, mais aussi à l’extérieur. La dimension sociale représente le facteur Humain. un pilier environnemental (respect du milieu naturel) il s’agit d’un concept macro économique qui conçoit un lien avec la sphère du politique : nous devons répondre aux besoins du présent sans compromettre les besoins futurs. Or, l’économie peut avoir des
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L’émergence de la RSE Le thème de la responsabilité sociale n'est pas nouveau. Dans le passé, on a vu des débats et des engagements des entreprises au sujet de l'éthique, l'employabilité des salariés par la formation, le reclassement de salariés licenciés, le soutien aux créateurs d'entreprise, l'emploi de personnes handicapées ou exclues socialement, la lutte contre la discrimination entre les sexes, la protection de l'environnement... La nouveauté réside dans le thème en vogue à l'heure actuelle : le développement durable. D'où le vocable désormais utilisé qui réunit la responsabilité sociale et le développement durable : la RSE. Elle est créee par un pasteur, aux États Unis, car à son origine il y a donc une dimension éthique, morale et religieuse. (En anglais RSE : Corporate Social Responsability). En Europe, la dimension morale et religieuse n’a pas beaucoup d’impact, en effet, la protection sociale est plus élevée qu’aux États Unis. Cependant à partir des années 90, on commence à se poser des questions sur l’environnement. Les entreprises sont alors rendues responsables de la situation : c’est la fin de l’État-providence, et le début de la prise de conscience des périls écologiques, et des vagues de restructurations. La RSE devient un concept incontournable, et tout va relever de cette Responsabilité Sociale de l’Entreprise. Le poids économique est tel, que quoi que l’on fasse, cela a des répercussions.
La RSE aujourd’hui et sa tentative de règlementation La RSE est devenue un véritable espace de communication pour les entreprises. D'ailleurs, la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques (dite loi NRE) fait obligation aux sociétés, dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, de rendre compte dans leur rapport de gestion de la manière dont elles prennent en compte les conséquences environnementales et sociales de leur activité (article 225-102). La France est le premier pays à avoir ainsi imposé aux entreprises cotées un rapport sur leur manière d'assumer leurs responsabilités sociales et environnementales. Mais il n'est pas prévu de véritable sanction en cas de non- application de cet article. La RSE comprend donc aujourd’hui la contribution des entreprises aux enjeux du développement durable. La démarche consiste pour les entreprises à prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux de leur activité pour adopter les meilleures pratiques possibles et contribuer ainsi à l’amélioration de la société et à la protection de l’environnement. La RSE permet d’associer logique économique, responsabilité sociale et éco-responsabilité. Il s’agit cependant d’un engagement volontaire : la responsabilité sociale est distincte de la responsabilité légale. La responsabilité sociale s’exerce en rapport à des référentiels de principes d’actions qui sont par nature de caractère dynamique, et dont la poursuite - qu’il
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(Année universitaire 2011-2012) s’agisse de prévention, d’abstention ou de promotion de tel ou tel objectif – ne peut être que librement déterminée par l’Organisation et continue dans le temps. La RSE se traduit de différentes manières : La définition d'une charte éthique de l’entreprise La mise en place de programmes d’actions Une surveillance accrue des principes de sécurité (gestion des risques) Une mise en place d’outils de gestion Des programmes d'assurance qualité, avec la mise en œuvre de nouvelles normes Une communication interne et externe Une veille sociétale Elle englobe les outils suivants : Le Système de Management Environnemental (SME) et d'audit (EMAS) de l’Union Européenne La norme “Social Accountability Standard 8000” (SA 8000) : elle concerne les conditions de travail, l'interdiction du travail des enfants… La norme ISO 14001 : elle mesure l'impact de l'activité d'une entreprise sur l'environnement. La norme ISO 26000 : présente des lignes directrices pour tout type d'organisation cherchant à assumer la responsabilité des impacts des ses décisions et activités et en rendre compte. Le guide SD 21000 : il est conçu comme un guide pour la prise en compte des enjeux du développement durable dans la stratégie et le management de l'entreprise.
L’encouragement de la RSE De plus en plus d’entreprises reconnaissent leur responsabilité sociale et environnementale. Leurs démarches sont encouragées par : Au niveau international le Global Compact qui a été lancé en 1999 sous l’impulsion de M.Kofi Annan. Cette démarche vise à proposer aux entreprises d’adhérer à dix grands principes dans les domaines des droits de la personne, du travail et de l’environnement ; l’OIT dont la déclaration tripartite invite les entreprises à respecter et faire respecter les droits des travailleurs ; l’OCDE qui promeut des principes directeurs à l’intention des entreprises multinationales. Au niveau communautaire le conseil européen de Lisbonne qui a inscrit la RSE au premier rang des priorités politiques ; le livre vert sur la RSE publié le 18 juillet 2001 et la communication de la Commission du 2 juillet 2002 ; le Forum plurilatéral européen sur la responsabilité sociale des entreprises qui s’est tenu d’octobre 2002 à juin 2004. Il a remis un rapport à la Commission
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(Année universitaire 2011-2012) contenant une analyse des freins et des facteurs favorables affectant le développement de la RSE et des recommandations le lancement, le 22 mars 2006, de l’Alliance européenne pour la responsabilité sociale des entreprises. Au niveau national : la RSE est identifiée comme un moyen privilégié pour inviter les entreprises à participer à la mise en œuvre de la Stratégie nationale de développement durable.
La RSE et le Grenelle Environnement : la RSE en France La situation actuelle et les tendances en matière de RSE en France est très particulière. En effet, la France est sans doute le pays de l’Union européenne qui possède le plus de contraintes en matière de RSE, avec notamment l’obligation de faire paraitre, pour certaines entreprises, un rapport RSE. La combinaison d’instruments volontaires, les obligations légales, ainsi que la nécessité pour les entreprises de répondre aux attentes des investisseurs ont été un moteur important des politiques de RSE en France, mais aussi des outils et indicateurs non-financiers liés à la RSE ces dernières années. En ce qui concerne le contenu des rapports, les entreprises sont généralement tenues d’inclure un paragraphe information sur le « développement durable » dans le rapport annuel du Conseil d’administration, bien que de nombreuses entreprises n’utilisent pas de normes reconnues pour ce type de dépôt information. Selon un rapport sur la responsabilité des entreprises, 27% des rapports publiés en 2008 utilisaient la norme pour l’élaboration GRI et 23% ont fait appel à une vérification externe. Le Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer est responsable de l’impulsion des politiques liées à la RSE, même si il va de paire avec le Ministère de l’Economie, chargé de veiller au respect du Code du commerce, qui comporte des exigences obligatoires sur les rapports d’entreprises. Les rapports sur le développement durable sont importants en France depuis les années 70. La France a mis en avant les aspects des rapports sur la RSE depuis 1977, avec sa loi sur le bilan social, qui exige que les sociétés cotées ait un rapport interne sur les questions sociales (Le bilan social a été introduit en droit français par la loi 77-769 du 12 juillet 1977qui le rend obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés). C’est ensuite 30 ans plus tard, à l’occasion du Grenelle de l’Environnement Pendant ce sommet, un comité opérationnel a travaillé sur le thème « entreprises et RSE » au cours de l’hiver 2008 et ses propositions sont à l’origine du programme d’action est prévu à l’article 53 de la loi du 3 août 2009 de programmation relative au Grenelle de l’environnement. Il s’agit notamment : de développer l’information sociale et environnementale communiquée par les entreprises à l’attention de leurs parties prenantes (actionnaires, salariés, ONG, riverains, etc.) ; d’impliquer les institutions représentatives du personnel dans les discussions sur les enjeux de développement durable liés à l’activité des entreprises ; de développer des référentiels de développement durable par secteurs d’activités ;
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de soutenir le développement de « labels » permettant de donner une reconnaissance aux bonnes pratiques sociales et environnementales des entreprises ; D’assurer la promotion de l’investissement socialement responsable. La RSE est aujourd’hui un concept incontournable mais flou car les entreprises interviennent désormais à une échelle monde, ce qui rend plus difficile la règlementation mise en place par les organisations souhaitant respecter la RSE. Alix DE BOISGELIN
Les limites de la RSE : des mesures à compléter Malgré des mesures qui semblent très complètes et efficaces en théorie, la pratique de la RSE au sein des entreprises révèle certains manques. La RSE nous l’avons dit, est avant tout un outil de contrôle des entreprises afin que celles-ci respectent certains principes éthiques fondamentaux. Cependant, première lacune et non des moindre : aucun dispositif ni aucune procédure de sanction directe ne sont prévus en cas de non respect de ces principes par les entreprises ! En effet, au-delà d’un rappel à l’ordre purement juridique et d’une contrainte boursière dans certains cas, les entreprises les moins vertueuses peuvent sans difficulté échapper aux règles. En ce sens, il est très aisé pour les organisations de contourner les contraintes, somme toute légères, imposées aux entreprises par l’intermédiaire de leur bilan. Nous en avons eu un exemple tout à fait récemment avec le groupe mondial « Apple », qui dans son bilan d’entreprise de 2010 prônait la condamnation du travail des enfants et le respect des normes de sécurité dans ses usines de fabrication en Asie, et qui se voit aujourd’hui en difficulté justement sur ces points précis, sans oublier l’amende de près d’un million d’euros pour violation de brevet qu’il est condamné à verser, après accusation du groupe coréen Samsung. Il apparait donc très clairement que la RSE est loin d’être assez contraignante pour des organisations de cette envergure et qu’elle nécessite d’être revue afin que des sanctions directes influent sur le comportement des organisations. Faustine LE LAY
Les pistes pour une réforme en profondeur Le concept de Responsabilité Sociale de l’Entreprise permet de mettre en exergue la difficulté à admettre que le contrôle n’est pas forcément le meilleur moyen d’obtenir des résultats dans une entreprise. En effet, contrôler est une partie intégrante du processus et demeure nécessaire pour tout bon développement d’une entreprise, mais il n’en est pas le cœur et n’intervient que trop tard pour que les erreurs soient rectifiées. Finalement la RSE contribue à dissimuler des problèmes de fond ; aussi convient-il de démontrer que, plus que le développement de l’exercice du contrôle, c’est la redéfinition d’une politique d’entreprise et la resituation des employés en tant que personnes dynamiques de l’action collective qui permettront de palier aux dérives éthiques et comportementales de certaines organisations. Un changement comportemental dans une entreprise ne peut se mettre en place que si la manière d’envisager l’employé et son statut change elle aussi. Le phénomène d’individualisation que l’on a pu constater dans le monde du travail est arrivé à son apogée et la nécessité de replacer la personne, et non l’individu, au centre de l’entreprise se fait sentir. Dans sa synthèse
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(Année universitaire 2011-2012) du Colloque « L’entreprise : formes de la propriété et responsabilités sociales »1, le Collège des Bernardins développe une thèse cohérente, à savoir que seule l’initiative personnelle a un potentiel créatif et novateur. Il faut donc redonner à la personne toutes ses prérogatives au sein de la société, de telle sorte que puissent se confronter des personnalités et non plus des individualités. De cette manière, l’entreprise pourrait devenir un puissant levier d’accomplissement personnel. En effet, le constat global est établit que, d’une part, le travail en entreprise est aujourd’hui potentiellement plus gratifiant et plus humain ; par ailleurs que, depuis une trentaine d’années, le contenu du travail semble s’adresser au salarié en tant que personne même si sa gestion laisse transparaître un traitement de plus en plus individualisé ; et finalement il apparait que ces personnes sont de plus en plus déchirées entre deux modèles de travail distincts, d’une part sa gestion individuelle, et d’autre part son travail personnalisé, d’où la nécessité d’avoir un travail qui s’inscrit dans une communauté de personnes avec un système de relations durables et une reconnaissance de l’investissement de chacun. Mais que faire pour établir cela de manière effective ? Il faut impérativement institutionnaliser ce mode de fonctionnement, c'est-à-dire promouvoir un nouvel espace de démocratisation dans l’entreprise, lui redonner une dimension politique. Denis Segrestin parle alors de « l’enrôlement cognitif du salarié ». Sa mise en œuvre posera également des difficultés et passera soit par des mécanismes collectifs de représentation et de décision, soit par des outils et procédures de contrôle et de défense des droits individuels. En acceptant cette conception d’une entreprise comme valorisant son personnel, il faut aller plus loin et donc réaffirmer la démocratie d’entreprise et ses « pouvoirs de valorisations croisées » comme les nomme le Collège des Bernardins. La première étape vers cette démocratisation serait la mise en place de « garde-fous » au service de l’entreprise pour la garantie des droits et libertés individuelles. Car, « L’émancipation des salariés passe par le droit du travail et la possibilité d’ester en justice pour chacun, avec l’appui de la représentation collective. »2. Il faut donc tout d’abord s’appuyer sur une législation qui encadrerait l’entreprise dans une optique de prévention et d’anticipation, mais également de sanction en cas de dérive. Il est d’ailleurs proposé, par le Collège des Bernardins, l’idée de la création d’un comité d’évaluation au sein des comités d’entreprise. Cette démarche d’évaluation des salariés par l’entreprise doit être réciproque, les salariés devraient donc détenir une part de ce pouvoir de valorisation pour évaluer leur entreprise. La deuxième étape consisterait à faire bénéficier les dirigeants d’une légitimité incontestable. Pour cela, est avancée la théorie d’I. Ferreras et l’idée d’un bicaméralisme économique qui voudrait que soit créée une seconde assemblée aux cotés de celle des dirigeants qui serait celle des « apporteurs en travail »3. Enfin, pour qu’il y ait démocratisation, il y a nécessité de justice au sein de l’organisation. Mais cette justice est impossible tant que l’entreprise n’est pas représentative, en une certaine mesure, de la société en
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Ce colloque eut lieu les 29 et 30 Avril 2011. Citation extraite de la synthèse du Colloque L’entreprise : Formes de la propriété et responsabilités sociales, page 28 3 Idem 2
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(Année universitaire 2011-2012) incluant donc des « instances de coordination à mi-chemin entre la micro et la macroéconomie »1 afin que la gouvernance de l’entreprise soit à la base de celle-ci. Finalement, c’est une entreprise intelligente qu’il convient de privilégier pour donner une nouvelle dynamique aux entreprises. La responsabilité sociale, à l’ère de globalisation totale des marchés, consisterait en la définition d’une direction, d’une stratégie globale d’entreprise. En effet, selon Dave Caissy, associé chez Sins Beauchesne et associés, une entreprise « innovante » est une entreprise qui passe « plus de temps à regarder dans le pare-brise que dans le rétroviseur. Elles ont une vision "2. C’est également Clark G. Khadige qui a développé une réflexion sur la thématique de l’entreprise intelligente. L’idée est que la logique du Management du XXIe siècle a conduit à mettre en place une nouvelle dynamique managériale et organisationnelle, qui serait l'amorce d'un schéma d'entreprise soucieuse d'apprendre constamment et d'évoluer vers le concept de l'Entreprise en premier lieu Performante et en second, Excellente. Mais ce processus ne pourra se faire que s'il est accompagné de réflexion sur une identité, sur une vision du futur et sur une mise en pratique de valeurs et d'une éthique managériale autres que celles qui prévalaient auparavant dans la plupart des grandes entreprises des XIXème et XXème siècles. La vision et la direction donnée aux objectifs de l’entreprise, en accords avec des principes éthiques doivent impérativement se coupler d’un management flexible pour plus d’adaptabilité. Ainsi, le sujet de l'intelligence en entreprise, c'est-à-dire "l'aptitude d'un groupe d'individus travaillant dans une même société à appréhender et organiser les données de la situation, à mettre en relation les procédés à employer avec le but à atteindre, à choisir les moyens ou à découvrir les solutions originales qui permettent l'adaptation aux exigences de l'action" peut être défini comme la capacité que ces individus ont de collecter, de modéliser et d'exploiter un ensemble de connaissances nécessaires au management d'une entreprise. Faire le choix de l’entreprise intelligente, c’est prendre le risque de considérer l’entreprise comme une entité humaine, douée d’intelligence. Ainsi, management, vision et identité sont donc un moyen de mobiliser les énergies des employés à travers tous les niveaux d’une organisation et de remplir, dans une certaine mesure, la responsabilité sociale de l’entreprise. Faustine LE LAY
B. Des transformations organisationnelles et institutionnelles indispensables L’entreprise doit avant tout être perçue comme un dispositif de création collective car elle représente à la fois la réunion d’une communauté autour d’un projet de production collectif et un espace d’action organisé duquel émerge une « autorité légitime et compétente ». Ainsi, « la grande déformation » de l’entreprise serait due à l’ambiguïté, l’opacité voire l’inexistence d’un
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Idem Citation extraite de l’article « L’ADN de l’entreprise innovante » publié le 15/02/2010 sur le site internet de « Leyton ». 2
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(Année universitaire 2011-2012) droit précis, d’où l’urgente nécessité de transformations structurelles, organisationnelles et institutionnelles. Faustine LE LAY
1) Transformations organisationnelles
Renouveler la contribution des entreprises à la cohésion sociale L’instabilité organisationnelle qui caractérise l’entreprise dans un environnement compétitif n’aura pas disparu à moyen-court terme. La relation de travail doit d’abord être rénovée. À moyen-court terme, il s’agit de dépasser les termes actuels du contrat de travail pour y intégrer l’obligation mutuelle de développement de l’employabilité. Cet objectif implique un recours élargi aux formations diplomantes, dont le double avantage est d’objectiver les progrès faits par l’entreprise, et d’offrir un levier de motivation et de reconnaissance pour le salarié. Il implique aussi le passage d’une logique d’individualisation de la formation – accordant de manière indifférenciée à tous les salariés un droit à consommer de la formation – à une logique de personnalisation, qui permette à chaque salarié de se former selon ses propres besoins. Cette orientation pourrait se traduire par la mise en place d’une dotation initiale de crédits de formation inversement proportionnelle au niveau de qualification initiale, voire par la révision de l’obligation légale de formation (qui pourrait être concentrée sur les salariés peu qualifiés). Au cours de la prochaine décennie, l’entreprise devra faire face à deux défis majeurs. Elle devra s’attacher à redéfinir sa contribution au progrès collectif, dans le contexte d’une économie mondialisée, ce qui implique de définir la voie d’une citoyenneté adaptée à la multiplicité des territoires sur lesquels elle exerce son activité. Elle devra également répondre à des attentes sociétales – promotion de l’égalité des chances, respect de l’environnement – qui la conduiront de plus en plus à prendre le relais des politiques publiques. L’entreprise doit pouvoir s’appuyer sur un dialogue social modernisé pour répondre à ces défis. Il est dans l’intérêt des entreprises de favoriser la présence d’interlocuteurs de qualité dans les fonctions d’Instances de représentations du personnel (IRP) (par exemple en valorisant, dans les promotions managériales, le passage par une IRP), et d’accompagner la montée en compétence de leurs collaborateurs mandatés. Une réflexion doit aussi s’engager sur la clarification du rôle de chacune de ces instances, et sur les contraintes qu’induit leur fréquente superposition ; le regroupement de certaines d’entre elles pourrait être envisagé, tandis que l’émergence de firmes globales implique de créer des structures de concertation à l’échelle mondiale. Enfin, les entreprises seront aussi confrontées à la nécessité d’élargir le dialogue social à un dialogue sociétal, en structurant leur relation avec les associations et les ONG. Ces dernières devront moins se substituer aux organisations syndicales que prolonger et stimuler leur action. L’enjeu, au cours de la prochaine décennie, sera également d’intégrer les associations et les ONG non seulement dans l’accompagnement des politiques sociétales, mais aussi dans leur définition et leur suivi. Initialement centré sur la relation à ses collaborateurs, le rôle social de l’entreprise s’est progressivement étendu au-delà de son périmètre, en direction de la société. « Replacer l’entreprise au cœur de la société » : tel est l’objectif qui sous-tend les démarches de responsabilité sociétale, qui prennent une place croissante au sein des entreprises depuis la fin
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(Année universitaire 2011-2012) des années 1990. Ces démarches devraient se poursuivre et s’amplifier. L’étude des nouvelles approches qui se font jour dans le domaine de la lutte contre la pauvreté illustre cette évolution en cours. L’émergence des « market-based solutions » relève en effet d’un renouvellement profond de l’action des entreprises contre la pauvreté, à travers deux types de mécanismes qui se placent dans le prolongement de leur activité économique : l’action sur l’offre de travail, par exemple à travers le soutien aux réseaux de micro-entreprises ; la création d’offres de biens ou de services mieux adaptés à la situation des populations pauvres. Le succès de ces démarches repose sur 3 conditions majeures : la coopération avec le milieu associatif ; le caractère progressif de leur mise en œuvre ; leur évaluation régulière. Norah TUMBA
Redéfinir le rôle du manager dans l’entreprise Les enseignants de gestion, ceux qui ont formé hier les managers d’aujourd’hui, ceux qui forment aujourd’hui les managers de demain, ne sont pas des spectateurs passifs des évènements qui secouent le monde et les entreprises. Ils s’interrogent sur les raisons du décalage qui est apparu ces quinze dernières années entre le contenu de leurs enseignements et l’évolution de l’économie et ils se demandent quels correctifs ils doivent mettre en œuvre. Au-delà de son travail d’organisation, de planification, de pilotage et de contrôle, le manager est celui qui favorise une élévation générale du niveau de qualification, arbitre la coexistence de générations aux attentes de plus en plus divergentes, développe des équipes multiculturelles au sein d’organisations plus globales. En lien avec la stratégie définie par la direction générale, le manager intermédiaire devra être de plus en plus porteur et générateur de sens pour l’action de ses équipes. De même, il lui faudra se montrer capable d’intégrer, au sens fort du terme, des équipes de plus en plus diverses, tant en termes d’âge que d’origine sociale ou géographique. Enfin, évoluant au sein d’organisations aplaties et transverses, il devra fonder par lui-même sa légitimité à travers sa capacité à imposer son leadership à ses équipes et à les faire progresser. Cette évolution nécessaire se trouve aujourd’hui contrariée par plusieurs facteurs qui contribuent au désengagement du manager intermédiaire : banalisation du statut de cadre ; écart croissant de rémunération entre managers et dirigeants ; affaiblissement du pouvoir du manager par l’écrasement des lignes hiérarchiques ; réduction de ses marges de manœuvre par la généralisation des technologies de l’information. Un nouveau pacte de confiance doit être établi entre la direction de l’entreprise et le management intermédiaire. Ce pacte de confiance implique un discours rénové de la direction générale, tourné davantage vers l’intérieur de l’entreprise, et mettant l’accent sur le projet de l’entreprise autant que sur sa performance financière. La direction générale devra aussi s’attacher à reconstruire un lien privilégié avec ses managers intermédiaires, notamment au travers de la mise en place de modes de communication dédiés Le pouvoir du manager intermédiaire dans l’entreprise doit être réaffirmé. Si l’application, à court terme, d’un principe de subsidiarité dans la prise de décision (« toute l’autorité réside chez les managers intermédiaires, sauf lorsque le contraire est explicitement spécifié ») semble illusoire, l’entreprise doit assurer aux managers les conditions d’une autonomie qui leur permette de s’approcher de cet objectif. Dans le même temps, le rôle du manager dans la gestion des
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(Année universitaire 2011-2012) hommes doit être revivifié : c’est à lui qu’il doit revenir notamment d’alerter la direction générale sur les « signaux faibles » en provenance du terrain, et de mettre en œuvre les politiques de diversité dans l’entreprise. La direction générale devra s’attacher à motiver et à former le management intermédiaire pour l’exercice de ces missions. Le statut du manager intermédiaire doit enfin être revalorisé, pour mieux marquer l’importance de son rôle dans l’entreprise. Cette revalorisation doit se traduire par l’extension des mécanismes de rémunération variable, permettant une meilleure association aux résultats de l’entreprise ; elle doit aussi se manifester par une réinvention des formes de reconnaissance et de valorisation symbolique, adaptées aux attentes des nouvelles générations. Adopter une position de leadership comme le montre le schéma ci-dessous réalisé par M. Xavier Caumon1 : Leslie LOURI et Norah TUMBA
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Cf. Annexe : Entretien avec M. Xavier CAUMON
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2) Transformations institutionnelles « […] Choisir un modèle de développement qui lie le progrès économique et le progrès social au lieu de les opposer. C’est à ses conditions que le travail retrouve sa vraie nature, qu’elle élève l’homme au lieu de le rabaisser, qu’il est l’instrument de sa libération et non de son aliénation. »1 Cette déclaration de Xavier Darcos, alors à l’époque Ministre du Travail, des relations sociales, de la Famille de la solidarité et de la ville, montre l’intention des politiques de conduire actions et réformes pour venir en aide aux entreprises, qui, sans un cadre institutionnel établi, ne peuvent se réinventer. Faustine LE LAY
Les interventions de l’État : des mesures rapides mais aux effets limités Les entreprises ont désespérément besoin de cadres, de normes qui leur font aujourd’hui défaut. C’est tout particulièrement vrai pour les entreprises françaises qui ne parviennent pas à trouver des mesures efficaces et à restructurer de manière profonde leur organisation (du point de vue des ressources humaines, du management…). Une réforme en profondeur plus que nécessaire dans ce contexte de tensions et d’interrogations sur la santé et le bien-être au travail qui nous entoure au quotidien. La situation est telle qu’en terme de santé et de sécurité au travail, on va jusqu’à parler de « l’impasse française ». Les risques psychosociaux, que décrit parfaitement Yves Clot dans son ouvrage, ont très longtemps été sous-estimés malgré une réalité parfois violente voire choquante. Or, le même auteur déclare que l’épanouissement au travail est « l’un des fondements de notre démocratie sociale »2. Il est donc naturel et légitime que les autorités, entre autres étatiques, dessinent les cadres d’une règlementation et d’un contrôle efficient du travail et donc de l’entreprise. A partir de 2008, dans un contexte de tensions dans le monde de l’entreprise avec notamment les suicides chez FRANCE TÉLÉCOM et alors que la santé, le bien-être ou plutôt le mal-être au travail étaient plus que jamais au cœur des interrogations, on constatait la mise en place de mesures à application rapides. En effet, la volonté générale est à la « cicatrisation », on veut confiner les malaises et les dérives dans ces grandes entreprises. Ainsi, l’État marque son implication et amorce un processus de contrôle et de détection au sein des entreprises. Christine Lagarde va même exiger dans un courrier en 2009, que les entreprises se montrent « exemplaires ». Malgré tout, la faille de cette intervention réside dans le fait qu’elle n’incite absolument pas à agir sur le travail lui-même dans ces organisations, mais bien à constater et détecter des situations sans remettre en cause leur cadre. Christine LAGARDE, dans ce même courrier que nous citions ciavant, affirme que « Tout effort d’adaptation qui serait nécessaire pour renforcer la compétitivité de votre entreprise doit impérativement être mené dans le cadre d’une stratégie durable d’accompagnement humain, à même de traiter l’ensemble des situations
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Déclaration faite par X. DARCOS le 9 Octobre 2009 lors d’une réunion exceptionnelle avec le Comité Permanent du nouveau Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT). 2 Citation extraite de l’ouvrage d’Yves CLOT, Le travail à cœur, Pour en finir avec les risques psychosociaux, éd. La Découverte, Paris, 2010
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(Année universitaire 2011-2012) personnelles. »1. En correspondance directe avec les P-DG de grandes organisations, la ministre déclare « Je souhaite connaître la manière dont sont prises en comptes les situations personnelles dans l’organisation du travail, ainsi que l’existence d’éventuels dispositifs de détection et de prévention des situations de détresse ou de fragilité. »2. Ces mesures vont, contrairement aux discussions et aux réflexions produites par l’Assemblée Nationale, avoir des effets sur les organisations, mais pas forcément ceux escomptés de prime abord, à tel point que l’on a pu notamment constater le retour d’une certaine forme d’hygiénisme, assez largement contesté. Mais l’intervention ministérielle met en évidence un paradoxe : il s’agit avant tout d’une démarche gestionnaire qui relaie une « culture du résultat » considérée comme l’une des principales causes de la dégradation de la santé au travail. Cette intervention est donc sollicitée « pour obtenir dans la précipitation, des accords d’entreprises. ». Loin d’être méconnu des parties prenantes, le malaise persistant qui ne cesse de se développer au sein des entreprises est simplement détecter puis confiner et dissimuler derrière des mesures de prévention insuffisantes pour encadrer des entreprises qui ne gèrent plus l’humain. Malgré tout, ces réformes sont présentes et l’Etat a engagé des discussions avec les partenaires sociaux afin de trouver une solution durable qui conviennent à tous et s’inscrive dans une cohérence et une durée suffisante pour la mise en application des mesures. D’ailleurs, les partenaires sociaux, très actifs sur ce thème, avaient d’ores et déjà signé fin 2008, un Accord National Interprofessionnel (ANI) pour enrayer les phénomènes de stress au travail. Faustine LE LAY
Une intervention des institutions européennes Dans le cadre d’une réelle crise de fonctionnement de l’entreprise, l’organisation de celle-ci est également concernée et doit être réformée. Pour cela, des transformations doivent être menées par les institutions qui constituent l’environnement direct des entreprises. Ainsi, la Commission de l’Union Européenne a initié des propositions afin d’apporter des modifications concrètes ; le 7 décembre 2011 à Bruxelles, de nouvelles mesures pour améliorer le financement des entreprises sociales ont été présentées devant la Commission de l’Union3. La proposition de règlement projette de créer un « label de l'UE reconnu pour les fonds d'entreprenariat social » qui permettra aux investisseurs de distinguer clairement que l’entreprise, dans laquelle ils souhaitent investir, est une entreprise sociale. Avant tout, définissons ce qu’est une entreprise sociale, selon la définition donnée par le Mouvement des Entrepreneurs Sociaux : «Les entreprises sociales sont des entreprises à finalité sociale, sociétale ou environnementale et à lucrativité limitée. Elles cherchent à associer leurs parties prenantes à leur gouvernance. » De plus, cette proposition souhaite mieux informer les 1
Citation extraite de l’ouvrage d’Yves CLOT et tirée du courrier rédigé par Christine LAGARDE, page 24. Idem 3 Cf. annexe 1 : Commission Européenne-Communiqué de Presse : Nouvelles mesures pour stimuler le financement des entreprises sociales 2
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(Année universitaire 2011-2012) investisseurs à propos des fonds et de leur finalité ; elle vise également à renforcer les mesures de la performance et à supprimer les obstacles à la levée de fonds en Europe. Pour cela un passeport européen sera créé afin que les fonds d’entrepreneuriat social puissent lever des fonds dans l’ensemble de l’UE. Cependant, les investissements seront accessibles, dans un premier temps, seulement aux investisseurs professionnels, ceci afin d’éviter les risques liés aux entreprises sociales. Enfin cette proposition de règlement a été transmise au Parlement Européen et au Conseil : elle reste toujours en attente d’être négociée et adoptée par les Etats membres de l’UE via le processus de codécision. Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché intérieur, a déclaré: «Les entreprises sociales1 incarnent précisément le type de développement intelligent, inclusif, durable et fondé sur l'innovation dont l'économie européenne a besoin aujourd'hui. Les nouvelles mesures que nous proposons contribueront à la création de telles entreprises dans l'ensemble de l'Europe, en garantissant qu'elles obtiennent le soutien financier dont elles ont besoin pour se développer, en particulier en ces temps de crise.» D’autre part, le 5 avril 2011 à Strasbourg, la Commission Européenne a initié une consultation publique2 dont la question était : « Comment améliorer le cadre de la gouvernance des entreprises en Europe ? ».Nous pouvons définir la gouvernance d’entreprise « comme le système de gestion et de contrôle des entreprises ». Cette consultation a pour but de lancer un débat autour de vingt-cinq questions, dont les plus notables sont : Comment assurer le bon fonctionnement des conseils d’administration ? Comment mieux impliquer les actionnaires dans la gouvernance de l’entreprise ? Comment améliorer le suivi et l'application des codes de gouvernance d'entreprise existant au niveau national ? A ce titre, Michel Barnier, membre de la Commission chargée du marché intérieur et des services, a déclaré: «Dans le contexte économique actuel, nous avons plus que jamais besoin d'entreprises bien gérées, c'est-à-dire responsables et durables. L’excès de court-termisme a eu des conséquences désastreuses. C’est pourquoi nous lançons aujourd’hui le débat sur l’efficacité du cadre actuel de gouvernance des entreprises. Ce dont nous avons surtout besoin, c’est que les conseils d’administration soient plus efficaces et que les actionnaires assument pleinement leurs responsabilités.» Ainsi, après analyse de la synthèse de cette consultation, l’Union Européenne, qui dispose d’ores et déjà de règles quand à la gouvernance d’entreprise, pourra initier des propositions législatives si cela s’avère nécessaire. La synthèse de la consultation du 5 avril 2011 a paru le 15 novembre 2011 et aucune décision n’a été prise depuis. Les réponses à cette consultation ont été apportées par des organismes privés, par les autorités publiques des Etats membres et par les citoyens de l’Union. Un schéma issu de la synthèse permet de bien illustrer la participation de chaque branche : 1 2
Cf. annexe : article de la revue Alternatives Économiques-Entreprise Sociale Cf. annexe : Comment améliorer la gouvernance des entreprises en Europe ?
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(Année universitaire 2011-2012) organisations
346
85%
autorités publiques
33
8%
citoyens
30
7%
contributions totales
409
100%
La synthèse, parue en anglais, met en relief les points suivants : La plupart des personnes ont répondu vouloir plus de transparence au bénéfice des actionnaires ; Certains acteurs, tels que la société civile, les services financiers (autres que les banques), les professions libérales ou encore les cabinets de conseil, souhaitent qu’une évaluation régulière externe à l’entreprise soit mise en place ; les entreprises, le secteur bancaire et les fédérations entrepreneuriales sont contre cette évaluation ; Un petit nombre seulement souhaite renforcer les pouvoirs dont disposent les actionnaires, notamment en matière de vote de régulation des rémunérations et en matière de vote du rapport des rémunérations ; De plus, la plupart des entreprises ne souhaitent pas donner d’avantage d’informations concernant les risques auxquels elles sont exposées ; elles invoquent le fait qu’il y a déjà suffisamment d’informations et que l’entreprise est capable de faire face aux risques quels qu’ils soient ; Des règles émanant de l’UE ont été remise en cause car elles pouvaient favoriser le courttermisme, telles que : Solvency II qui ne permet pas aux investisseurs à long terme de
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(Année universitaire 2011-2012) maintenir des positions sur le long terme ; MiFID qui permet le trading à haute fréquence …etc. De plus, certains ont montré que les investissements à court terme pouvaient avoir un rôle déterminant, ainsi aucune décision ne doit être prise sans la plus grande précaution ; D’autre part, seule une minorité des interrogés pensent qu’il est nécessaire de mieux encadrer l’action des managers gérant des capitaux ; Un certain nombre des questionnés pensent qu’il faut établir une meilleure information et communication avec les actionnaires, à travers des réseaux internet, des forums etc. cependant les entreprises et les fédérations d’entrepreneurs sont opposés à une telle nouveauté ; Enfin, la plupart des personnes interrogées pensent que le conseil d’administration a suffisamment de pouvoirs et d’informations ; ainsi, les entreprises, qui disposent d’ores et déjà du principe de « comply or explain » (« se conformer ou s’expliquer »), ne souhaitent pas mettre en œuvre de nouvelles mesures dont l’objectif serait un plus grand contrôle du conseil d’administration. De fait, nous pouvons penser que les mesures concernant l’amélioration de la gouvernance d’entreprise ne seront pas initiées par les entreprises elles-mêmes qui rejettent un quelconque durcissement des règles de la gouvernance. C’est alors vers les autorités publiques, et surtout vers les organisations non étatiques qui défendent les droits des parties prenantes et des consommateurs qu’il faudra se tourner afin de créer de nouvelles règles. Dès lors, la gouvernance devra se lier à la performance pour amener un meilleur cadre organisationnel dans les entreprises. Estelle JEAN
Les mesures prises par l’Union Européenne1 Dans le cadre d’une réelle crise de fonctionnement de l’entreprise, l’organisation de celleci est également concernée et doit être réformée. Pour cela, des transformations doivent être menées par les institutions qui constituent l’environnement direct des entreprises. Ainsi, la Commission de l’Union Européenne a initié des propositions afin d’apporter des modifications concrètes ; le 7 décembre 2011 à Bruxelles, de nouvelles mesures pour améliorer le financement des entreprises sociales ont été présentées devant la Commission de l’Union. La proposition de règlement projette de créer un « label de l'UE reconnu pour les fonds d'entreprenariat social » qui permettra aux investisseurs de distinguer clairement que l’entreprise, dans laquelle ils souhaitent investir, est une entreprise sociale. Avant tout, définissons ce qu’est une entreprise sociale, selon la définition donnée par le Mouvement des Entrepreneurs Sociaux : «Les entreprises sociales sont des entreprises à finalité sociale, sociétale ou environnementale et à lucrativité limitée. Elles cherchent à associer leurs parties prenantes à leur gouvernance. » De plus, cette proposition souhaite mieux informer les investisseurs à propos des fonds et de leur finalité ; elle vise également à renforcer les mesures
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Cf annexe 1 Commission Européenne-Communiqué de Presse : Nouvelles mesures pour stimuler le financement des entreprises sociales
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(Année universitaire 2011-2012) de la performance et à supprimer les obstacles à la levée de fonds en Europe. Pour cela un passeport européen sera créé afin que les fonds d’entrepreneuriat social puissent lever des fonds dans l’ensemble de l’UE. Cependant, les investissements seront accessibles, dans un premier temps, seulement aux investisseurs professionnels, ceci afin d’éviter les risques liés aux entreprises sociales. Enfin cette proposition de règlement a été transmise au Parlement Européen et au Conseil : elle reste toujours en attente d’être négociée et adoptée par les États membres de l’UE via le processus de codécision. Michel Barnier, commissaire européen chargé du marché intérieur, a déclaré: «Les entreprises sociales incarnent précisément le type de développement intelligent, inclusif, durable et fondé sur l'innovation dont l'économie européenne a besoin aujourd'hui. Les nouvelles mesures que nous proposons contribueront à la création de telles entreprises dans l'ensemble de l'Europe, en garantissant qu'elles obtiennent le soutien financier dont elles ont besoin pour se développer, en particulier en ces temps de crise.» Estelle JEAN
Repenser la relation entre la sphère publique et l’entreprise Dans le long processus de déclin du colbertisme, accéléré par la construction européenne et le décloisonnement des marchés, la crise de 2008 a semblé marquer une rupture. Cet apparent retour de la sphère publique mérite d’être doublement nuancé : l’absence d’une doctrine d’intervention rénovée et le mur de la contrainte budgétaire en marquent les limites. Si la crise doit avoir un effet durable sur les relations sphère publique-entreprises, c’est surtout par la grande fragilisation de l’économie européenne qui en résulte et qui se manifeste à la fois par l’explosion de l’endettement public et des perspectives durables de croissance molle. Dès lors, pour anticiper ce que seront dans 10 ans les relations entre la sphère publique et les entreprises, il faut dépasser l’horizon des plans de relance et réévaluer l’importance de facteurs de long terme plus structurants, tels que le vieillissement démographique, le basculement vers les pays émergents du centre de gravité de l’économie mondiale ou encore la montée en puissance des facteurs immatériels dans les processus de spécialisation productive. Le jeu combiné de ces facteurs de long terme permet d’esquisser ce que pourrait être un nouveau modèle de croissance pour la France et l’Europe de 2020, fondé sur une réorientation de notre spécialisation productive, l’exploitation à grande échelle de l’innovation et l’intégration des contraintes de développement durable. Ce nouveau modèle est porteur de risques et de tensions, et crée au moins 3 défis : l’accompagnement du redéploiement vers des secteurs d’avenir, la fluidification de la transition des secteurs matures et l’insertion de la France dans un environnement concurrentiel bouleversé par la montée en puissance de nouveaux acteurs. La réussite de ce nouveau partenariat reste cependant conditionnée à une évolution conjointe de la sphère publique et des entreprises. En premier lieu, toutes deux devront retrouver une capacité à dégager une vision commune des enjeux de long terme. La sphère publique devra ensuite infléchir significativement son action sur 3 plans. Elle devra d’abord conduire une révision de son discours économique, pour le mettre davantage en phase avec la réalité. Elle devra également revoir certaines modalités de sa prise de décision, afin de rendre celle-ci plus lisible et plus
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(Année universitaire 2011-2012) efficace. Enfin la formidable augmentation de la dette et de la charge d’intérêts qui y est associée va imposer une révision en profondeur de la gestion des finances publiques. De façon symétrique, la mise en place d’un partenariat renouvelé entre les entreprises et la sphère publique implique de la part des entreprises qu’elles adaptent le discours qu’elles tiennent traditionnellement au sujet de la sphère publique. Les entreprises devront également s’attacher à repenser leur implication dans l’exercice des missions de cette dernière, et définir les voies d’une citoyenneté adaptée au monde de 2020. D’ores et déjà, ces perspectives appellent une réforme dans l’élaboration des choix collectifs. 3 besoins se font jour en effet : besoin de réflexion stratégique et d’anticipation ; besoin de concertation dans l’élaboration des diagnostics et des solutions ; besoin de décisions structurantes autour de choix collectifs assumés. Compte tenu de l’ampleur et de la sensibilité des sujets à évoquer, le risque existe que les choix ne soient pas faits, ou mal faits, au détriment de notre compétitivité à long terme. Les entreprises devraient prendre l’initiative de proposer aux acteurs publics d’étendre à leurs relations respectives dans « l’après-crise » les initiatives de type « Grenelle » ou « États généraux » qui permettent d’objectiver les enjeux collectifs et, surtout, d’agir ensemble. Norah TUMBA
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III. Des idées innovantes pour “réinventer” l’entreprise. A. Quelques exemples empiriques « Pas à pas » vers une meilleure entreprise pour un monde meilleur Il n’est pas besoin que le profit soit la base de l’entreprise pour qu’elle fonctionne bien, c’est ce que montre l’entreprise « Tom Shoes » créée par Blake Mycoskie. En 2006, lors d’un voyage en Argentine, Blake Mycoskie, 32 ans, est frappé qu’un grand nombre d’enfants jouent, courent,… sans rien avoir à leurs pieds. Alors que la marche est le principal moyen de déplacement dans les milieux ruraux, ne rien porter aux pieds provoque de nombreuses blessures, infections et maladies. Afin de lutter contre cette problématique et en s’inspirant des Alpagartas, les populaires espadrilles argentines que les ouvriers argentins portent depuis plus de cent ans, Blake Mycoskie crée l’entreprise « Toms Shoes » qui est l’abréviation de « Shoes for Tomorrow » qui fabrique des espadrilles se voulant confortables et à la mode. La réelle innovation de « Toms Shoes » est le modèle « one for one » sur lequel l’entreprise fonctionne: pour chaque client qui achète une paire, ils offrent une paire à un enfant défavorisé dans le monde. L’entreprise connaît un énorme succès ; après trois années d’existence, « Tom Shoes » a déjà donné plus de 140 000 paires de chaussure à des familles, principalement des enfants, en Amérique du Sud et en Afrique. D’ici la fin de l’année, ils ambitionnent d’atteindre le chiffre total de 300 000 paires offertes. Ici on voit bien que leur préoccupation première n’est pas leur chiffre d’affaire ; l’entreprise a-t-elle besoin de réorganiser la société pour évoluer ? C’est au cœur de cette réflexion que conduit l’énorme succès de « Tom Shoes ». En effet, une entreprise devrait toujours introduire une logique humanitaire dans son organisation comme on le retrouve ici avec cette gamme de chaussures en toile dans un souci de développement durable. C’est en ce sens que « Tom Shoes » introduit un modèle économique révolutionnaire. Et à ce jour on peut déduire que depuis Septembre 2010, un million de paires ont été distribuées. Blake Mycoskie, jeune manager américain propose une stratégie innovante. De retour en Californie après son voyage en Argentine, il monte un business d’espadrilles avec 500 $, crée plusieurs lignes de produits, certaines très branchées, d’autres plus classiques ; il les vend, on line, mais aussi via un réseau de distribution national et international de 500 points de vente sociaux; l’espadrille est proposée au prix public de 44 $. L’entreprise cible les jeunes collégiens et les universités américaines. Elle joue sur le buzz et utilise surtout les réseaux sociaux on-line : Facebook, Myspace, Twitter, Digg, Delicious, Flickr, etc. L’entreprise de Blake Mycoskie se construit donc autour d’objectifs éthiques et de valeurs tels que : intégrer l’entreprise et représenter la société. Certains campus organisent bénévolement au moins deux évènements par semestre sur les campus, tels que la journée nu-pieds où chaque étudiant et professeur accepte de venir à l’université sans chaussure durant une journée pour sensibiliser. Ainsi les ventes sont exponentielles. Créée en 2007, l’entreprise a atteint un chiffre d’affaires de 13 millions de dollars en 2008. Le seuil de rentabilité se situerait à un million de paires. Néanmoins la réussite d’une
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(Année universitaire 2011-2012) telle entreprise porteuse de valeurs généreuses et altruistes, suppose d’être et de rester au-dessous de tout soupçon. Leslie LOURI
Les risques de l’organisation sociale et « citoyenne » de l’entreprise. Dans le monde des entreprises, le management par les valeurs signifie que, pour diriger les salariés, on préfère faire appel à des grands thèmes rassembleurs, comme l’humanisme, le dépassement de soi, le luxe comme expression d’une excellence dans le travail, etc. Ces valeurs seront invoquées à chaque fois qu’une décision est prise et qu’on demande aux salariés de s’y conformer. La culture interne valorise ici de façon systématique le dynamisme, la bonne humeur et les relations cordiales entre salariés, y compris dans des relations hiérarchiques qu’on présente et se représente comme non formalistes, fondées sur la confiance et la collaboration. Comment peut-on traduire cette description en termes interactionnels et de modèles de redondances? Dans cette société, on peut des comportements courants : les gens se saluent systématiquement, il y a une certaine forme de décontraction, le tutoiement est quasi généralisé y compris entre niveaux hiérarchiques différents, on tolère, du moins en interne, un mode vestimentaire décontracté et, au cours des réunions, il y a toujours quelqu’un pour mettre l’accent sur des points positifs et pour saluer le comportement dynamique des personnes présentes. Les conversations sont plutôt directes et les appréciations des uns et des autres sur le travail des collègues ou des collaborateurs sont toujours étayées par des arguments si possibles concrets et quantitatifs. D’une façon plus globale, l’accent est mis sur la mobilité interne et la souplesse dans l’entreprise et sur la volonté que chacun, quel que soit son âge, son sexe, sa formation, puisse évoluer en donnant le meilleur de lui-même. Tout cela transparaît dans les conversations directes, dans les entretiens hiérarchiques, autour de la machine à café et jusque dans la fierté de chacun à utiliser, même en privé, des techniques produites par la société. Un salarié réintègre à temps partiel son service, à sa demande, après avoir pris un congé de paternité et s’être arrangé pour que celui-ci, combiné à des congés, soit le plus long possible, puisque c’est une entreprise moderne aux idées larges. Il découvre que le poste qu’il occupait a été confié à quelqu’un d’autre; rien de plus normal pour compenser son absence, mais à son retour, le poste ne lui est plus attribué. Le voilà sans poste, sans travail spécifique à réaliser, amené chaque jour à boucher un trou s’il y en a; il est en quelque sorte marginalisé. Son chef lui fait savoir qu’il ne voit pas comment le réintégrer au sein du service qui tourne bien et que, à sa connaissance, rien n’a été prévu pour sa rentrée, et lui conseille donc de s’adresser au service ressources humaines. Il bénéficie alors d’une procédure de reclassement interne et, après avoir rempli deux missions de moyenne durée à la satisfaction des commanditaires, peut intégrer à temps plein un nouveau service dans lequel il semble donner satisfaction. L’appréciation qui suit son entretien annuel est très bonne et les choses paraissent donc suivre leur cours normal. Cependant, les évolutions salariales auxquelles il peut s’attendre ne suivent pas et il se retrouve nettement désavantagé par rapport à des collègues directs ayant les mêmes caractéristiques de carrière que lui. En particulier, sa dernière évaluation ne lui a pas valu l’augmentation à laquelle il aurait pu prétendre. Face à son étonnement, son chef de service lui explique que l’enveloppe budgétaire étant limitée, il a dû faire des choix mais que la prochaine occasion serait pour lui.
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(Année universitaire 2011-2012) Cependant, la fois suivante se révèle aussi décevante, toujours en fonction d’excellentes raisons. Il cherche donc à se faire entendre du service R.H. qui, d’une manière indirecte, s’étonne de le voir revenir à nouveau pour une revendication: se sentirait-il mal à l’aise dans son nouveau service encore? Persuadé que, dans cette société, la valeur de chacun finit par être reconnue, le salarié poursuit ses tentatives pour faire admettre la situation injuste qu’il vit. En insistant auprès de son chef de service, il remarque que celui-ci se raidit, justifie les décisions prises par les mêmes arguments de contexte et s’étonne de l’insistance de son collaborateur. En même temps, il augmente progressivement sa charge de travail et les objectifs à atteindre pour sa prochaine période d’évaluation. Le salarié se sent mis sur la sellette et commence alors à constituer un dossier de manière à argumenter ses revendications avec le maximum de précision. On ne peut pas dire que des personnes aient décidé de mettre à mal ce salarié ni que le système cherche à l’écarter ; ce qui se passe, c’est que, dans cette entreprise où les comportements d’engagement sont valorisés, un peu moins de présence met en retrait ; et au retour, les autres ont continué dans leur voie commune et voilà ce salarié légèrement et gentiment oublié. Ses efforts pour réintégrer le mènent ailleurs dans l’entreprise car il a légèrement décroché de son dernier poste. Ce salarié devient l’objet d’une discrimination ; et un processus s’engage. Étant donné qu’il partage la même lecture de l’organisation comme franche, dynamique et valorisant vraiment les individus qui s’engagent, cela le pousse d’autant plus à revendiquer un traitement plus équitable, ce qui pousse les autres à s’écarter de sa route en disant : « ça ne se fait pas de revendiquer comme si on était victime d’une injustice ». Ainsi ce pauvre salarié se retrouve dans la peau de celui qui conteste et donc contredit la logique d’ensemble. Soit il accepte l’entreprise comme fidèle à ses valeurs, mais alors pourquoi la traite-t-il comme ça? Soit il pense qu’une erreur a été faite à son encontre, et comment est-il impossible de la réparer? Ou alors tout cela n’est finalement qu’une façade, et comment a-t-il pu y croire pendant tout ce temps? Dès lors toutes ses actions viseront à vérifier la cohérence des discours et comportements internes en faisant reconnaître sa bonne foi. Mais plus il le fait, plus l’environnement interne le perçoit comme décalé, voire opposant. Il se sent forcé à partir mais cela n’arrangera pas sa situation car il n’aura pas réglé le problème pour en avoir le cœur net. Il est important de comprendre que tout le monde se comporte de façon dynamique et trouve cela tout à fait naturel ; par exemple, la plainte ne fait pas partie des choses qui se font puisque tout le monde est valorisé. C’est ce qui fait que ce salarié poursuit des efforts inutiles pendant des mois et qu’il se sent très mal parce que, dans ce contexte, sa perception des messages créés par la situation le met dans une situation de paradoxe répété. Leslie LOURI
L’expérience de l’innovation chez KENAGARD : ce qu’il faut pour être innovant ? Comment faire pour être une entreprise innovante ? Existe-t-il une recette miracle ? Suite à un entretiens/débat avec un jeune entrepreneur, Fräntz Miccoli, chef de l’entreprise d’innovation basée sur les nouvelles technologies KENAGARD, nous avons pu analyser les causes et raisons du cruel manque d’innovation des entreprises françaises d’un point de vue général, et comment Fräntz Miccoli est parvenu et dans quelles mesures à produire de l’innovation. Le jeune
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(Année universitaire 2011-2012) entrepreneur nous explique que la condition de l’innovation, c’est la présence d’une clientèle et d’une demande forte. En effet, on peut se demander si APPLE et ses Mac auraient eu le même impact 20 ans auparavant ou 20 ans après. La conjoncture et le contexte sont donc des éléments déterminants dans la présentation de produits innovants. L’objectif principal d’une entreprise est de se rendre indispensable et de créer un produit hors du commun, indisponible chez les autres concepteurs, jusqu’à gagner le quasi monopole sur le marché mondial jusque très récemment. D’autre part, à travers l’expérience de jeune entrepreneur de notre interlocuteur, nous avons pu mettre en évidence que la taille de l’entreprise constituait également un facteur essentiel de la mise en place de l’innovation. Car l’innovation peut trouver plusieurs formes ou se situer à plusieurs niveaux ; celle-ci peut être novatrice dans le produit qu’elle propose, c’est le cas d’APPLE avec l’idée de transgression de départ qui était de rendre accessible à tous les nouvelles technologies ou novatrice sur un plan plus structurel et organisationnel, c'est-à-dire dans leurs méthodes de production, de management, de structures ou rythmes de travail. Là encore APPLE peut se démarquer car c’est l’un des seuls groupes à avoir su créer de toutes pièces sa chaine de production. Tout fonctionne en circuit fermé, le produit est de bout en bout produit par Apple. Pour KENAGARD, l’entreprise traverse aujourd’hui des difficultés et s’apprête à fermer, en raison des choix et convictions des entrepreneurs qui la constituent. En effet, KENAGARD est une entreprise qui aide les sociétés à créer de l’innovation, et ce par l’intermédiaire des nouvelles technologies, plus particulièrement en créant des logiciels et des applications. Cette affaire n’a pas pu fonctionner, tout d’abord parce que la présence d’une forte concurrence n’a pas permis à l’entreprise de se faire une place suffisamment stable dans ce milieu ; d’autre part parce que l’entreprise s’est catégoriquement refusé de travail en régie, c'est-à-dire de fournir au client la force de travail de son entreprise, de délégué ses employés, au profit d’un travail de forfait, c'està-dire où KENAGARD prend en charge la conception et la réalisation du produit de bout en bout. Faustine LE LAY
B. Création d’un nouveau modèle Depuis le début de nos recherches sur la nécessité à la fois d’une évolution et d’une révolution de l’entreprise, nous avons l’idée de proposer un nouveau modèle. Nous étions tout à fait conscientes que ce modèle relèverait entièrement de l’utopie. Car pour exister, ce nouveau modèle a besoin d’acteurs qui agiraient selon des lois éthiques, dont l’objectif serait d’atteindre leur bien-être personnel sans contrevenir à celui des autres. Des employés honnêtes et un chef tolérant, soucieux de sa structure, comme de ses employés, sans laquelle l’entreprise ne fonctionnerait pas. Dès lors, une restriction apparaît : la taille. Cet idéal ne peut s’incarner dans une structure qui emploierait 50 personnes, et ce du fait du manque de cohésion et des possibles divisions au sein du groupe que cela impliquerait. L’entreprise est un seul et unique groupe ; chacun y tient un rôle bien précis. Le bon avancement du travail de ce groupe ne peut supporter un morcellement en divers services marketing, ressources humaines ou communication qui feraient l’objet d’une hiérarchie parallèle. Norah TUMBA
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(Année universitaire 2011-2012) La petite taille de l’entreprise est un point essentiel au commencement, car cela va permettre au groupe de se solidariser, d’apprendre à travailler ensemble jusqu’à constituer un véritable noyau dur, solide, capable de porter l’entreprise et de définir sa ligne de conduite. Par la suite, rien ne remet en cause une possible extension, raisonnable et en conservant une dimension humaine, des effectifs si cela se trouve en accord avec les objectifs et principes de la société. Après réflexion, il nous est apparu que le bon fonctionnement d’une entreprise passerait, selon notre conception très personnelle, avant tout par la mise en place d’une structure souple, sans hiérarchie fixe et verticale qui conditionnerait les employés à un développement limité et limitant et les enfermerait dans leur statut, avec une possibilité de manœuvre et une liberté d’entreprise moindres. C’est donc la mise en avant des compétences de chacun et non la reconnaissance par le statut qui primerait. Ainsi les motivations et intérêts de chacun seraient moteurs de l’activité d’entreprise. Par ailleurs, l’étude de plusieurs modèles d’entreprises nous a permis de pouvoir repérer des structures originales d’entreprises qui favoriseraient le développement de l’imaginaire et donc, la productivité sur le long terme. La première chose à mettre en avant est le temps. Il faut laisser aux employés le temps de produire des idées, de réfléchir à de nouveaux concepts, et seul le temps peut permettre cela. Parallèlement à un projet qui doit donc s’inscrire dans le long terme, il semble évident que l’entreprise de demain dit se développer en intégration les nouvelles technologies. Pourquoi ne pas fournir à chaque employé du matériel informatique (smartphone, ordinateur portable…) qui lui permette de travailler même chez lui ? Entre le téléphone, l’Internet, le développement des visioconférences et téléconférences, la notion de lieu de travail se trouverait totalement revisitée et pourrait permettre plus de flexibilité dans l’emploi du temps des employés, leur donnant ainsi la possibilité d’aménager leur temps de travail et d’être tout aussi efficaces sinon plus. Pour différencier cette idée d’un télétravail traditionnel, il faut ajouter que le lieu de travail attesté n’est pas le domicile de l’employé, mais bien l’entreprise, à laquelle il devrait un certains nombres d’heures de présence dans ses locaux, notamment à l’occasion de réunion de suivi du travail, de briefings/débriefings etc. Cela règlerait notamment les problèmes d’agenda liés à la vie de famille et à la place des enfants dans l’emploi du temps de la journée. En accord avec cette idée, nous avions émis la suggestion d’emplois du temps aménageables, déterminant un nombre d’heures fixes à effectuer dans la semaine, entre quelques réunions pour lesquelles une présence physique dans les locaux de l’entreprise serait obligatoire et les heures de travail personnelles à effectuer au bureau ou à la maison. Il s’agirait donc d’un véritable compromis, d’un acte de confiance pour le patron qui laisse à ses employés une très grande autonomie, et un gage de responsabilité de la part des employés qui doivent s’engager à suivre et respecter ce modèle sans commettre d’abus. La notion fondamentale que nous souhaiterions voir mise en avant dans la conception de ce modèle d’entreprise est la responsabilité de chacun au service du collectif. En effet, il a été parfaitement prouvé de manière empirique, que donner des responsabilités et traiter ses employés comme des personnes responsables et capables, entraine de manière quasi-systématique une réaction et un travail favorable de la part des employés. Ceux-ci, lorsque qu’ils sentent l’encouragement de leur hiérarchie par le biais de responsabilités données et d’une certaine
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(Année universitaire 2011-2012) liberté d’initiative, ont une motivation d’autant plus vive. La motivation, donner l’envie de s’impliquer parce que l’on sait que l’on a un potentiel et de la valeur à mettre au service de l’entreprise est le moteur de la créativité et vecteur de l’innovation. Un chef qui montre sa confiance en ses employés et des employés reconnaissants envers leur chef qui se dépassent pour le bien commun de la société, engendre une productivité supérieure. Faustine LE LAY
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CONCLUSION Si à l’origine, dans le monde de l’entreprise des relations humaines étaient bien réelles aujourd’hui elles ne sont qu’illusion. En effet, l’entreprise a été séduite par le capitalisme et ils engendrèrent le malaise, lui-même cousin de l’individualisme. C’est cette petite famille qui contribue à gommer les dynamiques humaines au sein de l’entreprise pour valoriser le profit. Ainsi, la solidarité disparaît et quand s’installe un malaise dans l’entreprise, chacun souffre seul face à un système qu’ils abordent individuellement. Car la stratégie de défense collective est une solution mais comme il ya de moins en moins de solidarité les personnes tombent plus souvent malade. Il est vrai que la capacité de défense et de résistance est augmentée quand le collectif est mis en valeur. Dès lors, des solutions diverses sont proposées cependant elles sont limitées car ceux qui les instaurent ne sont malheureusement pas toujours des personnes qui sont concernées au quotidien par le monde de l’entreprise. C’est pourquoi le manager est certainement le mieux placé pour restructurer l’entreprise il doit savoir oser prendre des risques. Ce n’est sûrement pas une tâche facile car il peut se heurter au patron mais surtout au système ; comme dirait PierreEric Tixier « les restructurations de l’entreprise sont en quelque sorte le poil à gratter de la mondialisation ». Il est nécessaire que le manager ait une plus grande marge d’action pour pouvoir mettre en place une structure valable à long terme. De fait la période de crise que traverse l’entreprise doit être saisie comme une opportunité ; ce n’est pas par hasard que Bernard Nadoulek, docteur en philosophie et enseignant en stratégie aux dirigeants des grandes entreprises dit : « une entreprise dans laquelle il n'y a pas d'ordre est incapable de survivre ; mais une entreprise sans désordre est incapable d'évoluer. » On peut en déduire que l’ordre est le moteur de l’action et que le désordre est le moteur de l’agilité. En outre, il ne faut pas oublier que l’entreprise fait partie de la société donc elle doit être aussi pensée de manière à faire avancer la société. L’entreprise vit en interaction avec son milieu et ne doit pas avoir pour finalité le profit, ce dernier doit être un moyen. C’est en ce sens que Charles Garfield dit « paradoxalement, les sociétés qui se focalisent sur les valeurs plutôt que sur les profits, finissent par améliorer leurs résultats. » C’est ce que vont démontrer les modèles innovants d’entreprise qui sortent d’une logique capitaliste originelle. Avoir une grande entreprise n’est pas toujours synonyme d’avoir une bonne entreprise car on peut très bien avoir une petite structure mais une grande entreprise. Autrement dit, ce qui fait la grandeur d’une entreprise ce n’est pas sa taille mais son mode de fonctionnement. L’entreprise doit donc être repensée en tenant compte du capitalisme sans le prendre comme base. Leslie LOURI
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SOMMAIRE DES ANNEXES ANNEXE 1 Comment améliorer le cadre de la gouvernance des entreprises en Europe _______________________________ 34 ANNEXE 2 Jacques Defourny, article Alternatives Économiques ______________________________________ 37 ANNEXE 3 Interview de M. Xavier Caumon ____________ 39 ANNEXE 4 Questions à Willy Braun __________________ 42 ANNEXE 5 Entretien avec M. Yacine Djaziri ____________ 45 ANNEXE 6 Les étapes de la RSE dans l’Union Européenne 48 ANNEXE 7 Bibliographie et sites web _________________ 50
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ANNEXE 1
Strasbourg, le 5 avril 2011 Comment améliorer le cadre de la gouvernance des entreprises en Europe? L'une des leçons de la crise financière est que la gouvernance des entreprises, qui, jusqu'à présent, reposait généralement sur l'autodiscipline, n'a pas été aussi efficace qu'elle aurait pu l'être. Il est essentiel que les entreprises soient mieux gérées. Cela ne permettra pas seulement de réduire les risques de crise, mais aussi d'améliorer la compétitivité des entreprises. La Commission européenne a donc lancé aujourd'hui une consultation publique, sous la forme d’un Livre vert, sur les moyens d'améliorer la gouvernance des entreprises européennes. La gouvernance d’entreprise est classiquement définie comme le système de gestion et de contrôle des entreprises. Cette consultation porte sur différents aspects: comment, par exemple, diversifier la composition des conseils d'administration et en améliorer le fonctionnement; comment améliorer le suivi et l'application des codes de gouvernance d'entreprise qui existent déjà au niveau national; ou comment obtenir une plus grande implication de la part des actionnaires. La date limite de réponse a été fixée au 22 juillet 2011. Michel Barnier, membre de la Commission chargé du marché intérieur et des services, a déclaré à ce propos: «Dans le contexte économique actuel, nous avons plus que jamais besoin d'entreprises bien gérées, c'est-à-dire responsables et durables. L’excès de court-termisme a eu des conséquences désastreuses. C’est pourquoi nous lançons aujourd’hui le débat sur l’efficacité du cadre actuel de gouvernance des entreprises. Ce dont nous avons surtout besoin, c’est que les conseils d’administration soient plus efficaces et que les actionnaires assument pleinement leurs responsabilités.» Sur quoi porte cette consultation publique? Les enseignements tirés de la crise déboucheront, à terme, sur une meilleure surveillance des établissements financiers, sur des banques plus solides et sur des systèmes de résolution efficaces en cas de défaillances bancaires. Cette consultation publique s'inscrit quant à elle dans le cadre d'un examen sur le long terme du cadre de gouvernance de l'ensemble des entreprises et s'intéresse aux modes de fonctionnement, non pas seulement des établissements financiers, mais des entreprises en général. Un certain nombre de constats permet de penser qu'il est possible d'améliorer différents aspects de la gouvernance d'entreprise1, notamment la diversité des membres des conseils d'administration, l'implication des actionnaires et la qualité des déclarations de gouvernance d'entreprise. Le Livre vert vise ainsi à lancer un débat général sur un certain nombre de questions, et notamment sur les questions suivantes: 1. les moyens d'assurer le bon fonctionnement des conseils d'administration et la diversité de leurs membres, en promouvant par exemple la mixité hommes-femmes ou la
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(Année universitaire 2011-2012) coexistence de nationalités, de compétences et de parcours professionnels différents; le Livre vert se penche aussi sur la disponibilité des membres et le temps qu'ils consacrent à l’exercice de leurs fonctions, sur la gestion des risques et sur la rémunération des administrateurs; 2. les moyens d'améliorer l'implication des actionnaires dans la gouvernance de l’entreprise et de les encourager à s'intéresser à la pérennité de ses résultats et de ses performances, tout en renforçant également la protection des actionnaires minoritaires; il s'agit aussi de déterminer s'il y a lieu d'instaurer un mécanisme permettant aux émetteurs d'identifier leurs actionnaires, et s'il est nécessaire d'améliorer le cadre de la coopération entre actionnaires; 3. les solutions qui permettraient d'améliorer le suivi et l'application des codes de gouvernance d'entreprise existant au niveau national2, de manière à ce que les investisseurs et le public disposent d'informations pertinentes; les entreprises qui ne se conforment pas aux recommandations de ces codes nationaux sont censées expliquer pourquoi, mais elles omettent trop souvent de le faire; le Livre vert pose la question de savoir si ces explications devraient être régies par des règles plus détaillées et s'il y a lieu de renforcer les compétences des organismes de contrôle nationaux en ce qui concerne les déclarations de gouvernance des entreprises. Quelles sont les prochaines étapes? La consultation durera jusqu'au 22 juillet 2011. La Commission examinera soigneusement toutes les réponses et en publiera la synthèse à l'automne. Sur cette base, il sera décidé si des propositions législatives sont nécessaires. Celles-ci ne seront toutefois présentées qu'à l'issue d'une analyse d'impact approfondie. Contexte L'UE dispose déjà d'un ensemble de principes et de règles régissant la gouvernance d'entreprise, qui se compose d'un certain nombre de recommandations sur l'indépendance des administrateurs non exécutifs, sur les comités du conseil d’administration et sur les rémunérations et qui exige en outre des sociétés cotées une déclaration de gouvernance d'entreprise. Ces dispositions se trouvent dans les textes suivants: directive sur les OPA (2004/25/CE), directive sur la transparence des sociétés cotées (2004/109/CE), directive sur les droits des actionnaires (2007/36/CE), directive sur les abus de marché (2003/6/CE) et directive sur l'audit (2006/43/CE). http://ec.europa.eu/internal_market/company/modern/corporate-governance-framework_fr.htm 1 : Voir notamment l'étude intitulée Study on Monitoring and Enforcement Practices in Corporate Governance in the Member States (étude sur les systèmes de contrôle et de mise en place des règles de gouvernement d'entreprise au sein des États membres), disponible sur http://ec.europa.eu/internal_market/company/ecgforum/studies_en.htm; Paul Woolley, «Why are financial markets so inefficient and exploitative — and a suggested remedy», dans The Future of Finance: The LSE Report, 2010; la déclaration du forum européen du gouvernement d'entreprise
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(Année universitaire 2011-2012) du 23 mars 2009; et Heidrick & Struggles, «Corporate Governance Report 2009 — Boards in turbulent times». 2 : Les codes nationaux de gouvernance d'entreprise formulent des recommandations essentielles pour la gestion et la surveillance des sociétés cotées et proposent des normes pour une gouvernance efficace et responsable. Une liste très complète de ces codes est disponible à l'adresse suivante:http://www.ecgi.org/codes/all_codes.php
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ANNEXE 2
Entreprise Sociale Jacques Defourny, économiste Alternatives Économiques Poche n° 022 - janvier 2006 La notion d’entreprise sociale semble avoir émergé dans deux contextes très différents, l’un américain et l’autre italien. Ceci à peu près en même temps, au début des années 90. Aux ÉtatsUnis, elle a trouvé un premier écho significatif au début des années 90 à travers des business schools prestigieuses, comme celle de Harvard, et à travers des fondations qui ont décidé de promouvoir la création d’entreprises sociales ou encore l’entrepreneuriat social individuel ou collectif. Mais, outre-Atlantique, l’expression est restée assez vague et désigne surtout des activités économiques marchandes mises au service d’un but social. L’enjeu est surtout de créer une source de recettes financières permettant de mener par ailleurs une action de type culturel, philanthropique, environnemental, etc. En Italie, le Parlement a voté en 1991 une loi reconnaissant le statut de coopérative sociale* qui a favorisé le développement d’une branche nouvelle du mouvement coopératif : actives dans les services sociaux et dans l’insertion par le travail de personnes marginalisées, les coopératives sociales italiennes se sont multipliées très rapidement et ont d’emblée suscité beaucoup d’intérêt à travers l’Europe. Ainsi, pressentant que des dynamiques du même genre apparaissaient dans leur pays respectif, des chercheurs des quinze pays alors membres de l’Union Européenne ont formé en 1996 un réseau de recherche sur l’émergence des entreprises sociales. Comparant et analysant ces réalités dans toute l’Union, le réseau européen Emes a forgé une définition de l’entreprise sociale qui est aujourd’hui la plus répandue. Pour attester la dimension économique et entrepreneuriale des initiatives, il retient quatre critères : une activité continue de production de biens et/ou de services ; un degré élevé d’autonomie ; un niveau significatif de prise de risque économique ; la présence d’au moins un emploi rémunéré. Afin d’appréhender la dimension sociale de ces entreprises, cinq indicateurs sont également privilégiés : un objectif explicite de service à la communauté ; une initiative émanant d’un groupe de citoyens ; un processus de décision non basé sur la propriété du capital ; une dynamique participative impliquant différentes parties concernées par l’activité (travailleurs rémunérés, usagers, bénévoles, pouvoirs publics locaux, etc.) ; une distribution limitée des bénéfices. Ces critères ou indicateurs montrent que l’entreprise sociale s’inscrit au cœur même de l’économie sociale et qu’on peut la regarder, dans bien des cas, comme un pont entre la tradition coopérative et le monde associatif dont elle combine certains traits. Il importe aussi de souligner que ces indicateurs ne forment pas un ensemble de conditions à remplir pour mériter l’appellation d’entreprise sociale. Ils permettent plutôt de situer une sorte de noyau, réel ou
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(Année universitaire 2011-2012) virtuel, dans la galaxie des entreprises sociales : celles-ci se présentent en effet sous des modèles très divers selon les régions et selon les secteurs. Ainsi, pour le seul champ de l’insertion par l’économique*, le réseau Emes a identifié une quarantaine de modèles d’entreprises sociales d’insertion dans douze pays de l’Union européenne. À noter encore qu’au Royaume-Uni, le gouvernement de Tony Blair a lancé, en 2002, un programme de promotion des « social entreprises ». En dépit d’un succès certain du concept, il est sans doute encore trop tôt pour dire s’il s’agit d’un effet de mode ou si l’on assiste à la formation d’un ou plusieurs modèles spécifiquement britanniques d’entreprises sociales. Encadré issu de l'article Entreprise sociale Jacques Defourny, économiste Alternatives Economiques Poche n° 022 - janvier 2006
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ANNEXE 3
Interview de M. Xavier Caumon Propos recueillis le Vendredi 20 janvier 2012 par Leslie LOURI et Norah TUMBA
M. Caumon est directeur associé de FONCTION2 ; il y coache et forme des dirigeants d’entreprise et leurs équipes pour les amener sur le chemin de la performance. 1) Selon vous, quelles doivent être les qualités d’un manager ? La présence, l’éthique et l’exemplarité. Il faut savoir que le bon manager est celui qui a été forgé par ses diverses expériences, c’est pour cela qu’il vaut mieux avoir une carrière qui se construit petit à petit plutôt qu’une carrière rapide. En effet, une carrière rapide donne naissance à de bons stratèges et de bons gestionnaires ; cependant ils en oublient les dynamiques humaines qu’il faut entretenir au sein de l’entreprise. Ceci y crée un malaise. Le bon manager est donc celui qui a la capacité de réunir tous les pôles qui existent dans l’entreprise. 2) Ne pensez-vous pas que toute personne en mesure d’exercer une activité professionnelle est également en mesure de se manager seule ? De manière générale tout système humain livré à lui-même amène au désordre. Mais il faut relativiser la situation dépend du niveau d’autonomie. Par exemple si ce sont des personnes qui exercent un travail pénible ça part dans tous les sens et des leaders s’élèvent. En outre dans tous les cas il faut que chacun soit motivé, compétent et dans la nécessité. 3) Nous avons regardé un documentaire intitulé « Ils n’étaient pas morts, mais tous étaient frappés » ; il s’agit de témoignages de patients suivis psychologiquement dans un service de l’hôpital de Nanterre consacré aux personnes que le travail a rendu faible. Ce film a été réalisé pour dénoncer un problème de société de plus en pus fréquent : les maladies du travail. D’après vous, à quoi peut-on imputer ce nombre croissant de maladies du travail ? Les maladies du travail ne sont pas liées uniquement au travail mais aussi à tous les fléaux qui touchent notre société, notamment la crise. Cette crise amène un sentiment d’angoisse et de crainte dans toutes les couches de la société. De fait tout un chacun cherche le bien-être ; donc arrivé sur son lieu de travail la moindre pression crée des troubles car la déception est vite installée. C’est pour cela qu’il n’y a pas beaucoup de personnes qui se sentent à l’aise dans leur entreprise, à trop espérer ils sont déçus. Toutefois ce discours ne signifie pas que certaines personnes ne subissent pas une réelle persécution.
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(Année universitaire 2011-2012) 4) « On fait beaucoup de choses qui sont légitimées par l’histoire, mais qui n’ont plus de sens aujourd’hui ». C’est une phrase que vous avez dite. Avez-vous des exemples concrets, ainsi que des solutions pour redonner du sens à ces actes devenus obsolètes ? En effet, on craint toujours le changement et la peur de prendre des risques fait que l’on reste cantonné à ce que l’on connaît déjà. C’est pour cela qu’il y a si peu d’inventeur. Il y a aussi la crainte de créer un vide car tout vide doit être rempli puisque qui dit vide dit perte de repère. Par exemple tout chef de service avait une assistante, ce métier était quasiment indispensable. Aujourd’hui, avec les progrès technologiques, il existe des agendas électroniques ; désormais à quoi sert donc ce métier d’assistanat sinon à recopier l’agenda électronique du patron ? Ce métier n’a donc plus de sens. 5) Est-ce que sous prétexte que l’histoire rend une pratique légitime il faut la garder ? Il ya de bonnes choses à garder mais il faut trouver un juste milieu La logique capitaliste par exemple mais sans l’idéaliser. Car il est indispensable de toujours faire le lien entre le passé et le présent, le passé étant souvent un pilier: la vision et le plan d’action doivent s’appuyer sur le passé. 6) Tout comme on distingue en économie des cycles de croissance et de récession, peuton distinguer des cycles en management qui alterneraient primauté de l’humain et primauté de la culture ? On pourrait faire une estimation en disant que : durant trente années on prime la structure, trente années après la finance est l’objectif et pendant trente autres années ce sont les dynamiques humaines qui sont mises en exergue. Si ces trois phases qui devaient être conciliées sont dissociées c’est parce qu’il y a plus de formation de stratège que de formation de manager. 7) Est-ce que le management peut réinventer l’entreprise ? Si oui comment ? Oui. Cependant l’entreprise peut réinventer le management car quand on parle de management on parle aussi de personnes qui ont énormément de pression : un manager n’a donc pas le temps de réinventer son management et son entreprise. En effet, le manager ne peut pas prendre de risques car si ses nouvelles méthodes sont infructueuses il pourrait perdre son emploi. Il faudrait que des personnes consacrent leur temps pour écrire sur le management et que les grands dirigeants s’en inspirent. Ainsi, une théorie écrite s’impose.
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(Année universitaire 2011-2012) 8) On parle beaucoup de mode de gestion de l’économie de l’entreprise de manière sociale et solidaire. Tire-t-on profit de cette économie car bien qu’il faille une bonne ambiance au sein de l’entreprise ; il faut articuler économie et solidarité. Sous quelle nouvelle alliance peut-on unir deux termes opposants ? « Efficacité et performance jaillissent de l’épanouissement des hommes »1, cette petite phrase détient la clef du succès il faut utiliser deux pôles qui sont efficacité et performance. 9) Sachant que la transformation est une évolution et le changement une révolution. Doit-on transformer ou changer l’entreprise ? Si il faut changer, le changement n’est-il pas le catalyseur de la déstabilisation ? Il est nécessaire de créer des déséquilibres pour que ça change ; il faut créer des vides. Autrement dit : quand il y a des vides on s’adapte et donc on crée des réactions qui entraînent le changement du système. La question fondamentale devient donc quel vide faut-il créer ?
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C’est le mot d’ordre de l’entreprise de M. CAUMON nommée « Fonction 2 »
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ANNEXE 4
Questions à Willy Braun, co-fondateur du blog brocooli et organisateur de Start-up Week-ends à Toulouse Propos recueillis le 28/12/2011 par Norah TUMBA
1) Alors tout d'abord, d'après vous, peut-on parler de crise de l'entreprise? Et si oui, sur quel(s) point(s) est-elle en crise? Une crise est un moment paroxystique où une situation est sur le point de changer. Je pense en ce sens que l'entreprise, si on peut appliquer ce concept générique à un ensemble d'entités aux réalités plurielles, est en crise. Cette crise de l'entité, du moins, de la forme que nous lui connaissons, s'explique par de nombreuses causes et s'expriment par de nombreux phénomènes. Je me permets de citer quelques phénomènes sans rentrer forcément dans les causes : - les difficultés d'intégration des jeunes générations, - le mal-être en progression chez les salariés, - la quantification croissante du travail et les objectifs subséquents, - la montée d'alternatives (statuts juridiques alternatifs type SCOP) et du travail indépendant, etc… Ainsi que quelques causes : - les destinées professionnelles ne sont jamais limitées à une seule entreprise, - l'ouverture des frontières et l'éclatement des moyens de communication rendent les choix plus importants, ouvrent les frontières d'exposition entre un individu et différentes entreprises, et diminuent le coût de changement de postes, - les administrations publiques sont désormais managées par des méthodes du privé, avec des conflits de cultures et des difficultés majeures d'adaptation, - la montée du travail féminin, - la montée de l'espérance de vie en bonne condition Ces constats ne sont pas d'ordre moral mais concernent principalement des évolutions dans le type de coordination et dans la perception de l'entité et du rôle joué par les travailleurs. 2) Lorsqu'on regarde les taux de survie des entreprises créées en 2006 (http://www.insee.fr/fr/themes/tableau.asp?reg_id=99&ref_id=t_3002R), on voit que celui-ci décline après un an d'existence. Quelle(s) raison(s) donnerais-tu à cette survie difficile? Je pense que le taux de survie à un an est une forme de voile. Si la plupart des business plans comportent un prévisionnel à 3 ans, c'est justement parce qu'il faut à peu près cet ordre de grandeur pour statuer de la viabilité d'une entreprise. Il est naturellement possible, en regardant de près les chiffres clefs de son activité si son entreprise "prend" ou pas, mais les entrepreneurs disposent généralement d'un "trésor de guerre" qui leur permet de tenir quelques années sans
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(Année universitaire 2011-2012) forcément générer beaucoup de cash et une volonté de réussite en dépit des difficultés et du manque de profitabilité en début de parcours. Après la première année et pendant les suivantes, le manque de profitabilité indique la santé économique de son entreprise et la viabilité de son activité. De nombreuses ne survivent pas, ce qui est normal. Toutes les nouvelles entreprises n'ont pas de sens (manque de compétence, mauvais timing, difficulté à se démarquer de la concurrence ou d'avoir la même structure de coût que les acteurs déjà en place). Après évidemment, tout n'est pas "normal". De nombreuses entreprises mettent la clef sous la porte à cause de problèmes de trésorerie qui pourraient être évités. 3) Aider les entreprises comme les banques ont été aidées, qu'en pensez-vous? La question est difficile, d'abord parce que les banques sont des entreprises. L'intervention était injuste (socialisation des pertes, privatisation des profits, comportement de "freeriders") mais les pouvoirs publics n'avaient pas le choix, pour éviter une crise systémique. Je pense qu'il faut faire très attention dans l'intervention publique. D'une part ce n'est pas forcément le rôle de l'État d'intervenir sur la structure d'un marché. D'autre part, il n'en a pas forcément les moyens. Le premier point est particulièrement important. Cela soulève des difficultés sur les secteurs dans lesquels investir et sur la légitimité du soutien : quelle entreprise, pourquoi ? Le second point concerne surtout des problèmes d'arbitrages et des projections sur les bénéfices économiques escomptés à long terme. Je pense qu'il serait contre-productif de perfuser les entreprises. Néanmoins, il incombe à l'État de développer des infrastructures pour permettre aux entreprises d'être compétitives, d'attirer des talents, de former la jeunesse, de développer des bassins de compétitivité et des pôles d'innovations. Il est néanmoins intéressant de poursuivre l'aide aux jeunes entreprises et à l'écosystème entrepreneurial, notamment sur les questions de trésorerie. La LOLF était censée assurer l'équité entre les entreprises, quelle que soit leur taille, dans les faits elle a fait beaucoup de mal aux petites entreprises en augmentant leur BFR. 4) Les politiques parlent actuellement de produire français (car pour acheter français, il faudrait déjà que la production française puisse concurrencer les produits étrangers). Les entreprises françaises en sont-elles capables? La question n'est pas simple et promettre un consommer tout français est fantasmatique. La division internationale du travail a un sens et il serait irrationnel de vouloir s'en écarter à tout prix et se replier sur nous-mêmes. Néanmoins, la montée du local, du circuit court et de l'économie de la consommation collaborative (sharing economy) promet d'immenses opportunités sur l'économie nationale et le consommer français.
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(Année universitaire 2011-2012) 5) Enfin, avant d'entrer dans cette crise financière généralisée qui place les entreprises au même rang que les citoyens, c’est-à-dire celui de victimes, on disait des entreprises qu'elles étaient en partie à l'origine d'une crise sociale - chômage, baisse du pouvoir d'achat, exclusion sociale. Est-ce de leur faute, ou plutôt celle de la logique dominante du profit maximum? Je crois qu'il faut revenir aux fondamentaux. Comme l'a montré Coase, si l'entreprise existe, c'est avant tout pour des questions de coût de transaction. Les individus se regroupent pour mener à bien un objectif commun (sans forcément suivre des finalités individuelles partagées, au passage). L'entreprise est donc une entité morale détenue par des individus qui travaillent ensemble. Les propriétaires (les actionnaires, salariés ou non salariés) sont ceux qui déterminent la stratégie de l'entreprise (ou qui approuvent celle de leur directeur général dans le cas d'une SA avec un DG). L'entreprise n'est donc victime de rien. Tout au plus, elle souffre d'un cadre législatif moins avantageux qu'un voisin ou de collusions illégales de concurrents. Il n'y a pas de "méchants", ni même de "victimes", il n'y a qu'un ensemble d'intérêts divergents dans un environnement donné. Pour répondre à votre question, je dirais que la désintermédiation (l'émergence des marchés financiers tels que nous les connaissons) a effectivement entrainé une logique financière qui est souvent incompatible avec les intérêts économiques de long terme et en cela les entreprises (si on peut les personnaliser ainsi) et les salariés y perdent. Par contre l’entreprise comme instrument des actionnaires (qui sont ceux qui suivent la logique du profit maximum) ne sont pas perdants à court terme.
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ANNEXE 5
Entretien avec M. Yacine Djaziri Propos recueillis le 23/01/2012 par Leslie LOURI et Norah TUMBA
M. Djaziri est le créateur et gérant de la SARL AZRO. Il est également éditorialiste du blog entreprendre le monde, président du comité d’insertion de la nouvelle PME, un réseau d’entrepreneurs de quartier qui s’efforce de mettre en place un écosystème favorable au développement et à la pérennité des TPE/PME. Enfin, il a annoncé sa candidature aux élections législatives de juin 2012. 1) Insérer les jeunes exclus, en quoi est-ce une innovation ? L’entreprise citoyenne a un impact sociétal réel. Dans notre cas, elle prend en charge des cas lourds de la vie, elle les sort des galères d’emploi, tout cela en ayant peu de subventions. L’une des finalités est d’associer les employés au projet. Il demeure cependant une réalité économique : les employés ne sont rentables qu’au bout de 6 mois ; par ailleurs, nous avons vraiment eu ce qu’on appelle vulgairement des « cas sociaux » (par exemple, nous avons eu un sorti de prison qui a attouché une employée.) En cela, AZRO est une entreprise sociale, d’autant plus que nous cherchons à développer la culture au sein de nos employés, par des sorties au théâtre par exemple. Mais nous somme également une entreprise citoyenne ; les 2 caractéristiques ne s’opposent pas. Nous sommes identifiés par la Maison de l’Emploi et de la Formation de Nanterre comme entreprise citoyenne. Peu d’entreprises fonctionnent de la sorte. C’est original. 2) Comment les jeunes sont-ils encadrés sur les chantiers ? On s’efforce de toujours faire des équipes de 3 : un chef de chantier, un jeune qui a un minimum d’ancienneté et un jeune en formation. Nous avons également beaucoup de stagiaires, notamment les élèves de troisième recherchant leur stage au dernier moment. 3) Pensez-vous que l’entreprise est responsable des maux sociaux que sont le chômage, le faible pouvoir d’achat, l’abaissement du niveau de diplôme… ? Non. Le rôle de l’entreprise est de faire du business, de se développer. Si on peut embaucher et bien payer, alors pas de problème. Mais la conjoncture existe, c’est en ce moment la crise, il faut être prudent. 4) Quel est votre objectif numéro 1 en tant que chef d’entreprise ? Mon objectif a évolué avec le temps. L’un des principaux a toujours été de payer mes employés. C’est ma fierté aujourd’hui. Car c’est une angoisse de ne pas pouvoir le faire. Réussir socialement en fait également partie.
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(Année universitaire 2011-2012) Assurer la sécurité de mes employés, car l’un d’eux a eu un accident sérieux, mais pas dangereux pour sa vie. Et voir les employés évoluer, les voir prendre confiance en eux au fil du temps. 5) Quelle explication donnez-vous aux maladies du travail ? Pour ce qui est de la pénibilité physique propre au monde du bâtiment, des progrès ont été fais, réduisant ainsi cette pénibilité. Concernant la fragilisation psychologique, je dirais que les soucis externes à l’environnement de travail ont un rôle à jouer. Par exemple, l’existence d’un taux de chômage important constitue une pression sur l’employé ; il est difficile d’obtenir un CDI et la succession de CDD est un stress permanent. 6) Dans la mesure où ils permettent aux employés d’avoir un emploi rémunéré, et aux employeurs d’embaucher pour la durée nécessaire, les CDD ne sont-ils pas la solution à adopter ? Un CDD est toujours intéressant pour le patron car il met une pression sur l’employé qui ne considère pas son travail comme un acquis. La fin du couperet que constitue le passage à un CDI est donc déstabilisante ; il y a parfois relâchement. Dans un monde idéal, chacun devrait avoir un CDI. Mais il ne peut pas y avoir de solution idéale, car il y a des gens honnêtes et d’autres moins honnêtes. Lorsque l’employeur peut s’adapter à la volonté de l’employé, pourquoi pas offrir à ce dernier ce qu’il souhaite. C’est loin d’être simple, mais envisageable… 7) Créer un droit général qui réglementerait les entreprises et pas seulement les affaires des sociétés, est-ce une bonne idée ? Non, chaque entreprise est particulière. Trop de règles porteraient préjudice à la liberté d’entreprendre. Ce n’est pas facile de monter sa boîte et de réussir. Tout le monde n’est pas capable d’entreprendre, donc il ne faudrait pas couper les ailes à ceux qui le sont. À trop cadrer les choses, on risque de tuer l’esprit d’entreprendre. 8) Quelles adaptations avez-vous dû mettre en place depuis le début ? Elles étaient surtout au niveau du marché qui emploie. On est là où il y a du boulot : menus travaux domestiques chez des particuliers, montage de meuble, peinture, construction de bâtiments… Il a fallu apprendre tous ces domaines. Dans l’organisation : il y a une taille critique. Il fut une longue période durant laquelle je faisais tout : commercial, secrétaire, chef des travaux… S’agrandir est donc nécessaire, et pour cela, on souffre essentiellement de problèmes de trésorerie.
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(Année universitaire 2011-2012) 9) Doit-on craindre l’automatisation de l’industrie et des autres secteurs ? Non, tous les secteurs ont évolué, cela va se poursuivre. L’important est d’être capable de former les personnes à ces nouveaux métiers. 10) Votre entreprise est-elle une famille ? Oui, elle a un côté paternaliste. Mais c’est un trait caractéristique des PME. Cela s’y développe plus facilement. J’encourage les employés à y défendre leurs droits. Ils doivent trouver leur place. Leurs revendications sont toujours entendues. Cela fait partie de la logique de l’entreprise citoyenne : elle ne doit pas arnaquer ses employés, mais être honnête. 11) Quelle(s) critique(s) faites-vous d’AZRO ? Son côté paternaliste ? J’aurais peut-être dû en faire plus ? Voir plus grand ? Être 30 au lieu de 15 ? J’aurais pu créer un secteur plomberie, électricité, ou viser l’international, …etc. Mais ce n’était pas mon choix. J’essaie d’être cohérent avec moi-même, de répondre à des attentes personnelles, sociétales et collectives.
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ANNEXE 6
Les étapes principales de la RSE dans l’Union Européenne 1995
Le Président de la Commission européenne, Jacques Delors, et un groupe d’entreprises européennes lancent le Manifeste des entreprises contre l’exclusion sociale. Mars Le sommet européen de Lisbonne fixe le nouvel objectif stratégique qui vise à faire de 2000 l’Europe l’économie la plus compétitive du monde basée sur la connaissance dynamique d’ici 2010. Pour la première fois, le Conseil européen adresse un appel spécial à la sensibilité des entreprises à la responsabilité sociale pour ce qui concerne les meilleures pratiques sur la formation continue, l’organisation du travail, l’égalité des chances, l’inclusion sociale et le développement durable. Juin L’UE adopte l’agenda de la politique sociale, soulignant l’importance de la RSE en 2000 adaptant les conditions de travail à la nouvelle économie. Mars Le Conseil européen de Stockholm félicite toute initiative favorisant la RSE et 2001 réclame un échange de vues autour du prochain Livret vert. Juillet La Commission européenne publie son Livret vert sur la promotion d’un cadre 2001 européen pour la RSE (COM/2001/366). Juillet Communication de la Commission européenne sur la promotion des normes de travail 2001 fondamentales Octobre Le comité exécutif de la CES adopte une politique étendue sur la RSE. 2001 Juillet Communication de la Commission européenne sur la Responsabilité Sociale de 2002 l’Entreprise : une contribution au développement durable (COM/2002/347).
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(Année universitaire 2011-2012) Octobre La Commission européenne crée un forum européen de toutes les parties concernées 2002 par la RSE (forum RSE) afin d’échanger les bonnes pratiques et évaluer les directives communes. Juin Le Comité exécutif de la CES adopte une résolution établissant une série de priorités 2004 pour le développement de la RSE en Europe. 29 juin Le Forum RSE a présenté son rapport à la Commission européenne. 2004 14 juin Conférence de la Commission européenne sur la RSE dans les PME 2005 Fin 2005 Le rapport d’évaluation de la Commission européenne sur les progrès obtenus devrait être publié 22 mars Nouvelle communication de la CES : « Mettre en œuvre le partenariat pour la 2006 croissance et l’emploi : faire de l’Europe un pôle d’excellence sur la RSE ». La CES ainsi que certaines ONG critiquent la Commission pour avoir adopté une approche unilatérale, déséquilibrée, qui avantage le monde des affaires Mars La CES a salué le rapport du Parlement européen, en estimant qu’il remet le débat sur 2007 la RSE en Europe sur la bonne voie, en récupérant des éléments tels que le multilatéralisme, la responsabilité et la transparence, qui semblaient être perdus dans les travaux récents du Forum multistakeholder
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ANNEXE 7
Bibliographie et sites web -
Isabelle Francfort, Florence Osty, Renaud Sainsaulieu, Marc Uhalde, Les mondes sociaux de l’entreprise, éditions SOCIOLOGIE ÉCONOMIQUE DESCLÉE DE BROUWER
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Armand Hatchuel, Histoire des révolutions de la gestion des entreprises, LA DOCUMENTATION FRANÇAISE, PROBLÈMES ÉCONOMIQUES, N°2854 (MAI 2004).
-
Vincent Hecquet, Quatre nouvelles catégories d'entreprise. Une meilleure vision du tissu productif, INSEE PREMIÈRE, N°1321 (NOVEMBRE2010).
-
Odile Messonnet, Thèmes d’actualité d’économie de l’entreprise, 2003-2004, VUIBERT.
-
Francis Ginsbourger, Ce qui tue le travail, MICHALON, 2010
-
Yves Clot, Le travail à cœur, LA DÉCOUVERTE, 2010
-
Michel Drancourt, Leçon d’histoire sur l’entreprise de l’Antiquité à nos jours, PUF… Simone Eiken & Olivier Velin, Gestion de crise La réponse de l’entreprise, FORMATION ENTREPRISE.
-
Solow R., Blair M., Jackson G., & Fitoussi J.-P, L'impact des droits de l'actionnaire dans les entreprises cotées sur les performances économiques. In J.-P. Touffut (Ed.), À quoi servent les actionnaires ?, Colloque du Centre Cournot de décembre 2007. PARIS ALBIN MICHEL 2009.
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Armand Hatchuel, Blanche Segrestin, L’entreprise comme dispositif de création collective : vers un nouveau type de contrat collectif, Colloque des 29 et 30 avril 2011, Collège des Bernardins.
-
Baudoin Roger, L’entreprise et la personne, Colloque des 29 et 30 avril 2011, Collège des Bernardins.
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François Eymard-Duvernay, Le travail dans l’entreprise : pour une démocratisation des pouvoirs de valorisation, Colloque du 21 avril, Collège des Bernardins.
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Guillemette de Larquier, L’entreprise, espace de valorisation entre trois marchés, Colloque avril 2011, Collège des Bernardins.
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Jean-Philippe Robé, L’entreprise et la constitutionnalisation du système-monde de pouvoir, Colloque avril 2011, Collège des Bernardins.
http://www.brocooli.com/ http://www.institut-entreprise.fr/ Dossier « comment entreprendre autrement », Alternatives économiques : http://www.alternatives-economiques.fr/entreprendre-autrement_fr_art_350_27914.html http://37signals.com/rework/ http://www.brocooli.com/jason-fried-rework-changer-organisation-travail/ http://lentreprise.lexpress.fr/
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ANNEXE 8
Remerciements Nous tenons à chaleureusement remercier les quatre intervenants qui ont contribué à la rédaction de ce mémoire. Par ordre alphabétique : Monsieur Willy Braun, diplômé de l’École Supérieure de Commerce de Toulouse, organisateur de TEDx (Technology Entertainment Design), co-organisateur du Start-up Week-end en France, responsable de développement chez EBG (ELECTRONIC BUSINESS GROUP). Également créateur du blog sur l’entreprise brocooli. Monsieur Xavier Caumon, fondateur et consultant associé chez FONCTION2, coach professionnel et formateur. Également enseignant de management à l’ISMaPP. Monsieur Yacine Djaziri, créateur et gérant de la SARL AZRO. Il est également éditorialiste du blog entreprendre le monde, président du comité d’insertion de l’association la nouvelle PME et candidat PS aux élections législatives de juin 2012. Monsieur Fräntz Miccoli, diplômé de l’EISTI et de Grenoble École de Management gérant cofondateur de KENAGARD, une structure dédiée à la prestation de services liés à l’innovation par la technologie.
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TABLE DES MATIÈRES SOMMAIRE _________________________________________________ 1 INTRODUCTION ____________________________________________ 2 I.L’entreprise des origines à nos jours : une notion qui se perd? ______ 3 A. À l’origine, une structure de création collective _________________________ 3 B. L’entreprise moderne : individualisme, profit et dégâts sociaux ___________ 4
II.Des mesures incomplètes pour sortir de la crise. __________________ 8 A. La responsabilité sociale de l’entreprise, une amorce de réponse? __________ 8 Définition : ________________________________________________________ 8 L’émergence de la RSE ______________________________________________ 9 La RSE aujourd’hui et sa tentative de règlementation ______________________ 9 L’encouragement de la RSE __________________________________________ 10 La RSE et le Grenelle Environnement : la RSE en France __________________ 11 Les limites de la RSE : des mesures à compléter __________________________ 12 Les pistes pour une réforme en profondeur ______________________________ 12 B. Des transformations organisationnelles et institutionnelles indispensables __ 14 1) Transformations organisationnelles __________________________________ 15 Renouveler la contribution des entreprises à la cohésion sociale _____________ 15 Redéfinir le rôle du manager dans l’entreprise ___________________________ 16 2) Transformations institutionnelles ____________________________________ 19 Les interventions de l’État : des mesures rapides mais aux effets limités _______ 19 Une intervention des institutions européennes____________________________ 20 Les mesures prises par l’Union Européenne _____________________________ 23 Repenser la relation entre la sphère publique et l’entreprise ________________ 24
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III.Des idées innovantes pour “réinventer” l’entreprise. ____________ 26 A. Quelques exemples empiriques ______________________________________ 26 « Pas à pas » vers une meilleure entreprise pour un monde meilleur __________ 26 Les risques de l’organisation sociale et « citoyenne » de l’entreprise. ________ 27 L’expérience de l’innovation chez KENAGARD : ce qu’il faut pour être innovant ? 28 B. Création d’un nouveau modèle ______________________________________ 29 CONCLUSION _______________________________________________ 32 SOMMAIRE DES ANNEXES _____________________________________ 33 ANNEXE 1 Comment améliorer le cadre de la gouvernance des entreprises en Europe______________________________________________________ 34 ANNEXE 2 Jacques Defourny, article Alternatives Économiques ____________ 37 ANNEXE 3 Interview de M. Xavier Caumon __________________________ 39 ANNEXE 4 Questions à Willy Braun ________________________________ 42 ANNEXE 5 Entretien avec M. Yacine Djaziri __________________________ 45 ANNEXE 6 Les étapes de la RSE dans l’Union Européenne ________________ 48 ANNEXE 7 Bibliographie et sites web _______________________________ 50 ANNEXE 8 Remerciements _______________________________________ 52
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