Alberto Bali
Construcciones
Alberto Bali
Construcciones 2005 – 2009
De cet ouvrage il a été tiré 1000 exemplaires dont 50 exemplaires de tête, numérotés et signés par l’artiste, accompagnés d’une gravure de Alberto Bali. Le tout constituant l’édition originale.
Construcciones Les tableaux
Poétique de l’âpreté Voilà peu, Alberto Bali avait entamé un cycle de paysages urbains. Ciudades, articulé dans une langue natale. Des espaces larges et clos. Des immeubles, des maisons qui retombent en cascade, dégringolent, cherchant la bonne pente, des pans entiers de bâtiments, des façades emboîtées, piquées de rebords, de fenêtres, de cheminées, de terrasses. Des déclinaisons comme autant de ruptures accrochant l’œil. Flirtant l’abstraction, des compositions gouvernées par la verticalité, la profondeur des éléments arrosés par une lumière étrange écrasant les reliefs. Des villes debout, raides, de Buenos Aires à Rosario. Dans le pourtour affiné, ça plie, chute, se redresse, et rompt, s’émoustille dans les mesures calculées. Murs et enceintes se cognent, se reflètent, aux aguets des structures, embrassant les jeux de poutres, apprivoisant les ombres, dans un entrelacs de barres d’acier ou de béton, passerelles et madriers. Chantiers saisis à plein pinceau. Les tours, les contours, et l’intérieur même des contours. Avec ses dégradés, ses fulgurances, ses divorces et contrastes, ses mouvements, ses impressions fluides, qui vont, viennent, accostent, repartent vers d’improbables ailleurs. Dans un univers énigmatique, de quoi pousser la stupéfaction au bout d’une poésie picturale exigeant son poids de contemplation. A peine un bruissement dans les airs. Pour Bali, il s’agit de rester collé à l’évidence. Cette évidence qui ne pouvait pas trouver meilleur lieu que dans la monumentalité de cette ancienne fabrique, friche fourmilière artistique. Brutale. Décoffrée. Voilà donc l’œuvre d’Alberto Bali au diapason. Libérée de toute échelle, fondue dans l’espace. C’est encore plus évident avec cette série, Construcciones, brinquebale de masses, de poids et mesures, où le peintre semble avoir plongé, piqué droit dans la chair de ses Ciudades pour en extraire des détails vifs écorchés, au scalpel. Bali insiste, couche l’implacable sur le lin. Il s’est rapproché du motif pour le tenir au collet. Lui serrer la glotte. Affaire de blocs, de charpentes. Une confrontation de force et d’élégance. Deux couleurs, parfois trois. Pas plus. Chaque tableau vocifère la dissection des matériaux, hurle dans les limites du cadre, beugle sous une chape de plomb. Bali jongle avec les équilibres, en chantre des angles qui n’ont qu’à bien se tenir. Les courbes se sont tues. Repoussées vers une rare poignée d’arcades. Construcciones se veut ainsi une culbute des formes aux lignes encastrées, croisées. Des espaces faussement clos où la matière respire encore, gagnée, parfois transpercée par la lumière. Sans glousser pour autant. Ça ne rigole guère dans la chaumière. Au reste, il n’y a pas de chaumière mais un intérieur âpre, tiré au cordeau, comme un
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costaud sorti des Halles, en transes de verticales, d’horizontales, la diagonale en goguette conduite par un féru de perspectives, ravi devant les intervalles. Une obsession ici, constante : le credo d’un poète de la géométrie époustouflante, toujours épurée. Un poète aux pigments qui distribue. Chaque chose à sa place, une place pour chaque chose, en architecte inspiré. Sur l’impôt intransigeant du mikado, la croix est un autre jeu de construction. Un autre lego, fricotant dans la gravité. La croix réclame son dû christique, dans l’encadrement, froidement, au bord de l’empilement, soumise aux dimensions, crachant le chant de cygne. Sur la toile, ce langage formel bascule en véritable féerie aux confins de la construction minimale. Farouche, elle se donne en sujet, verbe, complément. Sans gaudriole d’adjectifs. Idem pour ces sculptures, aux formes partagées, entre les courbes rigoureuses et les arêtes sévères, aux allures de cube, de fier donjon. La messe est dite. Dans la profondeur de la friche, c’est là une invitation sèche et huilée à l’asymétrie qui s’achève dans le monumental, Sur les Falaises de marbre, à la fois épopée, poème en prose exsangue et récit mythique trempée de précision. Une corpulence bourrue et raffinée. Jünger en avait fait le théâtre d’un refuge pour son narrateur, un ermitage propice à méditer, songer, écrire, à négocier avec le temps. Bali en donne son interprétation, parfaitement observée, oscillant entre rêve et réalité, sculptant un dialogue entre l’éphémère et l’intemporel. Avec des impressions de polyphonie, de répétition, de superposition, avec des effets de reprises, de ricochets, proches des structures musicales convoquées par Proust. A la Recherche du temps perdu, c’est peut-être ça la peinture de Bali, mâtinée d’Un voyage au bout de la nuit déployé dans l’uppercut. D’un cycle à l’autre, de Ciudades à Construcciones, une pareille ligne de conduite : la sobriété. Voilà tout un monde minéralisé, dépourvu des hommes, extirpé du chaos, et recomposant luimême un autre décor, façonné dans un vrac ordonné. Débarrassé de l’ornementation, des bas-côtés, des dispersions. Foin de pathos tremblotant. Il faut bien aussi que la peinture passe à tabac. Bali gomme, martyrise les effets de manche, les superflus. Il rase. Claque et assène dru. Sophistique simplement. Au pur de l’épure. Une bonne fois pour toutes. Et sans scrupules. Y aurait pas de raison. Pas de crédit à la fioriture. Ni fripon, ni fripouille. Mais une peinture sans concession. Qui laisse sur le cul. Jean-Claude Renard
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Constructions The most ancient constructions done by men, those that give testimony and clues of life in the past, are funerary monuments. A construction is in principle a house, a protection from natural forces, forces given the name God. Since the beginning, humanity has understood that the laws of nature envisage life and also the destruction of every living thing. Death is the nutriment of life. From this derives the concept of sacrifice, that idea which makes armies grow under the banner of patriotism, of faith, of the struggle between good and evil. Man marches enthusiastically to his own sacrifice. Enthusiasm means inspired by the divinity, because, again, to exist means to have reality outside the mind. It is clear that the divine insists, once again: insisting is repeating something said several times to ensure the result. Here is the basic principle of prayer, the fundamental purpose of all prayer. To convince ourselves that we are not alone against nature, our mother and tormentor, but that there is a superior being who can be appeased by sacrifices or that we can win over with our conduct. In any case, and in some way, to control this choleric, jealous, and vindictive character, who, if we don’t do what suits him, will send us to hell where we will burn, suffer and weep until the end of time. Yet, since this terrifying being loves us, he offers us a promise of eternal life as consolation. In heaven or in hell, but eternal life nevertheless, which is more agreeable than the evidence of corruption and worms. As we are not able to materialize the idea of God, we materialize our hope of reaching him and, since it is thought that he lives in heaven above, we construct higher and higher buildings. The motivation is the same for the spire of Notre Dame, for the Great Pyramid of Giza or the Petronas Towers. There are as many readings of a work as there are readers. These digressions are just one particular reading of Bali’s works. What stands out, in any case, it’s that in painting the absence, the void, the need to fill it up is aroused in the observer because there is no single thing that is more disquieting for us than nothing. And there is no other option than to fill it up with our biographical data, our fears, our beliefs. When is the object that we observe a work of art and when is it not? My answer is that it is a work of art when the observer is no longer the same after he has been exposed to it. There are two exposures: the work is exposed to the observer and he to it. If, as a result, a transformation takes place, then there is no doubt that one
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is dealing with a work of art. Without a doubt, this is the case with these works. The rest is entertainment, which implies more immediate, more ephemeral, different values. Man is not the only animal who constructs, some others also do it, but only human constructions are at the same time protective and symbolic. Because the human has not only to protect himself from nature’s snares, but also from his own fears. The building is like super clothing, cape, house, armour, which contains and imprisons us within the social role allotted to us. From the shanty town shack to the palace of the nobility, from the humble shop up to the imposing corporate tower, constructions speak about the people in them, they tell us things, they represent us. Taking constructions as a whole, with a landscape vision, we see unfolding the tale of social differences, the attributes of power and the aesthetic of dispossession, and the pretence of both. Without setting out to do it, Alberto Bali has been telling us about this for many years. Now he has come close, he has gone into the constructions to expose their details, amplified in paintings necessarily as monstrous as what he is depicting. Art is in the detail. There, in obsessive plays of light and shadow, in planes and vertiginous counter planes, the sacred nature of constructions is made clear, and at the same time, concrete, verifiable. These are the terrible traces made of cement and iron being left by a God made in our image and likeness in his ephemeral passing on the earth. Traces that we inhabit and where we continue dreaming of eternity. Ernesto Mallo
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b u t o n ly h u m a n c o n s t r u c t i o n s a r e at t h e s a m e t i m e p r o t e c t i v e a n d s y m b o l i c
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Les courbes se sont tues. Repoussées vers une rare poignée d’arcades
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A peine un bruissement dans les airs
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R e p e at i n g s o m e t h i n g s a i d s e v e r a l t i m e s t o e n s u r e t h e r e s u lt
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u n e r m i ta g e p r o p i c e à m é d i t e r , s o n g e r , é c r i r e , à n é g o c i e r av e c l e t e m p s
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Construcciones Sur Papier
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Construcciones Les Sculptures
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Table de Reproductions 10
Construcción, huile sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2002
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Construcción I, II, mine de plomb sur papier 50 x 50 cm. Paris, 2008
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Construcción, huile sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2002
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Construcción, huile sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2003
15 Construcción, huile sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2003 17 Construcción, huile sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2002 18 Construcción, huile sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2002 19 Construcción, huile sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2002 21 Grand Hall I, II, huile sur toile, 80 x 220 cm. Paris, 2004 22 Perspective, huile sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2002 23 Perspective, huile sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2002 24 El Patio, huile sur toile, 180 x 270 cm. Paris, 2009 25 Verona, huile sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2004 27
sans titre, technique mixte sur toile, 100 x 100 cm. Paris, 2008
28 sans titre, technique mixte sur toile, 100 x 100 cm. Paris, 2008 29
sans titre, technique mixte sur toile, 100 x 100 cm. Paris, 2008
31 sans titre, technique mixte sur toile, 100 x 100 cm. Paris, 2008 32 Construcción, technique mixte sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2002 36 I,II, III , technique mixte sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2008/09 37
IV, V, VI , technique mixte sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2008/09
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VII , technique mixte sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2005
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Construcción, technique mixte sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2007
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Construcción, technique mixte sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2007
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42 Construcción, technique mixte sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2008 43 Construcción, technique mixte sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2008 44
Construcción, technique mixte sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2009
45 Construcción, technique mixte sur toile, 180 x 180 cm. Paris, 2009 48 All white, technique mixte sur toile, 180 x 270 cm. Paris, 2009 49 Construcción, technique mixte sur toile, 180 x 270 cm. Paris, 2009 53
Sur les falaises de marbre, technique mixte sur toile, 180 x 180 cm. Freland, 2008
56 Construcción III, IV, encre sur papier, 50 x 50 cm. La Paloma, 2008 57 Construcción, encre sur papier, 50 x 50 cm. La Paloma, 2008 58 Construcción, encre et aquarelle sur papier, 50 x 50 cm. Paris, 2009 59
Construcción, encre et aquarelle sur papier, 50 x 50 cm. Paris, 2009
61 Construcción, encre et aquarelle sur papier, 30 x 60 cm. La Paloma, 2008 62 Construcción, lithographie, 50 x 50 cm. Bilbao, 2004 65 Construcción, gravure, 10 x 20 cm. Freland, 2008/09 66 Construcción I, II, gravures, 20 x 30 cm. Freland, 2008/09 67 Construcción III, IV, gravures, 20 x 20 cm. Freland, 2008/09 68 Construcción V, VI, IX, X, gravures, 20 x 20 cm. Freland, 2008/09 69
Construcción VII, VIII, XI, XII, gravures, 20 x 20 cm. Freland, 2008/09
70 Puzzle, terre cuite, 16 x 16 x 16 cm. Paris, 2003 72 Construcción, bronze, 16 x 16 x 16 cm. Paris, 2008 73
Construcción, bronze, 16 x 16 x 16 cm. Paris, 2008
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Construcción I, II, bronze, 16 x 16 x 16 cm. Paris, 2008
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Construcción, bronze, 16 x 16 x 16 cm. Paris, 2008
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Né à Rosario, dans la province de Santa Fé, à deux encablures du rio Parana, Alberto Bali gagne la capitale pour faire ses études au Colegio Nacional, avant d’entrer à l’école d’Architecture de l’Université de Buenos Aires. En 1971, il quitte l’Argentine pour Londres. Il commence à peindre, réalise son premier recueil d’estampes. Après cinq ans au bord de la Tamise, il s’installe à Paris, poursuit la peinture, s’ouvre à la sculpture, aux gravures, multiplie les affiches. Au fil des années, il expose en Europe, en Amérique du Sud, et au Moyen-Orient.
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L‘exposition et ce livre Construcciones on été réalisés par
GRANDE FINALE a.r.t. fabric freland Textes
Jean-Claude Renard Ernesto Mallo Photographie
Fabien Sarazin Smaïl Kaïs Alberto Bali Harald II. Friesewinkel
Conception et Layout
Harald II. Friesewinkel Remerciements
Famille Frey Martine Alma Malvina
Pour leurs conseils et leur appui
Pierre Gradenigo Philippe Marin Lionel Guibout Yann Baco
Traduction du texte de Mr. Mallo
Anita Urquijo
Achevé d’imprimer pour GRANDE FINALE en juin 2009 Impression
STIPA, Montreuil (Seine-Saint-Denis)
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