Mémoire de fin d'études

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Quel avenir pour les citadelles Vauban?

La reconversion d’un patrimoine militaire Grégoire Dubourq Mémoire de master ENSA-Paris Val de Seine - Février 2015 Sous le tutorat de M. Laurent Lehmann.



Quel avenir pour les citadelles Vauban? La reconversion d’un patrimoine militaire Grégoire Dubourq Mémoire de master ENSA-Paris Val de Seine - Février 2015 Sous le tutorat de M. Laurent Lehmann



J’adresse mes sincères remerciements à mon tuteur de mémoire, M. Laurent Lehmann, pour m’avoir suivi et conseillé tout au long de ce travail. Je tiens à remercier M. Stéphane Iralour, chargé des projets urbains au sein de la communauté de l’agglomération « Côte Basque - Adour », pour nos discussions au sujet de la citadelle Vauban de Bayonne, en lien avec le sujet de ce projet de fin d’études; Merci à mes parents et Brigitte L. pour leurs relectures; Merci à Pauline pour son soutien.

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sommaire introduction

p. 7

vauban, ingénieur militaire

# L’évolution de l’art de la guerre # Vauban, le preneur de ville # La forteresse idéale - Lexique de la citadelle

p. 11 p. 12 p. 16

L’importance du patrimoine militaire # Son omniprésence sur le territoire français p. 21 # L’influence du patrimoine militaire sur l’urbanisme et l’architecture local p. 24 # Lieu d’identité collective p. 28

les acteurs de la reconversion # Vers une professionnalisation de l’armée p. 31 # Les réformes militaires du livre blanc p. 32 # Organiser la reconversion p. 34

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les enjeux de la reconversion # Les enjeux architecturaux p. 37 # Les enjeux urbanistiques p. 40 # Les enjeux programmatiques p. 42

étude de cas

# Description de la citadelle Vauban d’Arras # Stratégie et objectifs du lieu # La reconversion du site (2009-2020)

p. 47 p. 49 p. 51

conclusion

p. 54

bibliographie

p. 56

Annexes # Citadelle Vauban de Lille p. 58 # Citadelle Vauban de Bayonne p. 60 # Citadelle Vauban d’Arras p. 61

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Introduction Mon attirance pour les études d’architecture est due à la dimension pluridisciplinaire qu’offre cette formation et à terme ce métier. Ainsi tout au long de ces six dernières années, au travers de mon apprentissage à l’école d’architecture, mais aussi lors de mes différentes expériences professionnelles, j’ai pu aborder certains des différents domaines qui constituent le travail de l’architecte. A la suite d’une année très enrichissante à l’étranger et au cours de la préparation de mon projet de fin d’études, j’ai ressenti le besoin de m’intéresser de plus près à la notion de patrimoine. En effet, il s’agit d’une partie de mon futur métier que je n’ai que rarement eue l’occasion d’étudier. Les douze mois que j’ai passés aux Etats-Unis, aussi bien à l’université qu’en agence, m’ont permis de constater la différence d’appréciation du patrimoine entre nos deux pays. En effet, la France, tout comme l’Europe, possède une riche Histoire répartie sur plusieurs siècles, tandis que le nouveau monde n’a que trois cents ans tout au plus. Ainsi, lorsque qu’ils ne sont pas copiés sur l’architecture antique ou de la renaissance, les plus vieux vestiges du patrimoine américain n’ont que trois siècles. D’autre part, au cours de l’analyse de mon site de projet de fin d’études, j’ai été interpellé par l’influence et la proximité des constructions de Vauban et plus particulièrement la citadelle de Bayonne. C’est au cours d’un entretien, à propos de l’avenir des sites de l’armée dans la ville, avec Stéphane Iralour, chargé des missions d’urbanisme au sein de la communauté d’agglomération « Côte Basque - Adour », que m’est venue l’idée d’en faire le sujet de mon mémoire de master.

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Cette thématique de reconversion du patrimoine militaire correspond avant tout à un choix personnel, répondant à une envie d’en connaître davantage sur le sujet, mais aussi à un fort intérêt pour l’Histoire de manière générale. La problématique de l’avenir des sites Vauban intervient dans la continuité de mon projet de fin d’études. En effet, le réaménagement de la rive droite de l’Adour à Bayonne est directement lié, par sa proximité, au futur de la forteresse appartenant encore à l’armée. Au-delà du cas de la ville basque, ce sont toutes les citadelles édifiées par l’ingénieur militaire qui sont concernées. De leurs fonctions militaires traditionnelles à un nouvel usage civil, de nombreuses opportunités sont offertes à ces lieux dont la richesse historique et patrimoniale est reconnue par tous. Afin de répondre à la question sur l’avenir des citadelles Vauban, je me suis naturellement tourné vers les écrits de l’architecte français Philippe Prost, spécialiste du patrimoine et de l’architecture militaire. Son livre intitulé Vauban, le

style de l’intelligence, Une œuvre source pour l’architecture contemporaine, publié en 2007, à l’occasion du tricentenaire de la mort de Vauban, fut une formidable source d’apprentissage et d’inspiration lors de mes recherches. Cet ouvrage a d’ailleurs reçu le prix du livre d’architecture de l’Académie d’Architecture en 2008. Je me suis aussi intéressé à d’autres écrits relatifs au travail de Vauban comme Vauban, la forteresse idéale de Vincent Steinert paru en 2007, mais aussi au patrimoine militaire et à sa reconversion grâce à des ouvrages tels que Patrimoine militaire de François Dallemagne et Jean Moully ou encore Patrimoine reconverti, du militaire au civil de Olivier Godet publié respectivement en 2002 et 2007.

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Ces ouvrages parmi d’autres, m’ont permis d’obtenir une approche assez large dans un premier temps. Cela m’a donné l’occasion d’aborder le travail de l’ingénieur militaire et le sujet de la reconversion des sites de l’armée de manière globale. Puis, dans un second temps, de façon plus précise, j’ai pu centrer mon propos sur les opportunités et des exemples concrets. Ainsi, sur ce schéma, je commence par présenter Vauban, son œuvre et le contexte de ses constructions. Dans un second temps, je m’intéresse à l’importance et à l’influence du patrimoine militaire dans notre société. La troisième partie est, quant à elle, consacrée aux acteurs de la reconversion, tandis que la quatrième évoque les enjeux de la transformation des ouvrages de Vauban. Enfin je termine par une étude de la citadelle d’Arras, en cours de réaménagement.

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Vauban, ingénieur militaire La problématique des fortifications est un sujet qui traverse les siècles et évolue au rythme des innovations dans le domaine de l’artillerie. Contrairement à une idée très répandue, Vauban n’est pas l’inventeur des fortifications bastionnées.

L’évolution de l’art de la guerre Les premières armes à feu apparaissent en Occident au début du XIVème siècle, mais elles ne sont réellement utilisées qu’à partir de 1420. L’efficacité de ces nouvelles armes, impulsées par le roi de France Charles VII, donne la supériorité et la puissance nécessaires pour mettre un terme à la guerre de cent ans et prendre Constantinople en 1453.

Évolution des fortifications vers un front bastionné Portrait de Vauban (Peint par Louis-Eugène Larivière, d’après Hyacinthe Rigaud)

L’apparition des premiers bastions réduit les angles morts tandis que les progrès de l’artillerie, avec notamment l’arrivée de boulets en fer qui disloquent la maçonnerie, rendent les châteaux forts obsolètes. Les nouvelles fortifications s’enfoncent dans le terrain, ce qui réduit considérablement les cibles pour l’artillerie ennemie. Les maçonneries, de part et d’autre des fossés, ne servent plus désormais qu’à maintenir les talus, qui eux-mêmes encaissent les tirs rasants. Les guerres d’Italie au XVIème siècle apportent, elles aussi, leurs lots d’innovation comme le tracé pentagonal. Ce nouveau plan de fortification optimise au maximum les possibilités de tirs croisés afin de ne laisser aucun angle mort, ni répit à l’assaillant. Dans les années 1530, après un siècle d’innovation et d’expérimentation, le système bastionné arrive à maturité, il s’impose dans toute l’Europe, par le biais de nombreux traités, pour les siècles à venir.

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Vauban, le preneur de villes Vauban est l’un de ces grands noms que compte l’ingénierie et l’architecture française. Reconnu pour ses qualités poliorcétiques, c’est-à-dire en l’art d’organiser l’attaque ou la défense d’un lieu lors du siège de celui-ci, il passa près cinquante trois ans de sa vie au service du Roi de France, Louis XIV. Sébastien Le Prestre de Vauban est né en 1633 à SaintLéger-de-Foucheret dans le Morvan. Il débute sa carrière militaire à l’âge de dix huit ans auprès de l’armée de Condé en 1651, le royaume de France est alors en pleine Fronde. Fait prisonnier et remarqué pour ses qualités, Mazarin lui propose de vouer fidélité et dévouement à Louis XIV. Après avoir fait ses preuves au cours de nombreux sièges, illustré par son courage et de nombreuses blessures, il obtient son brevet d’ingénieur en 1655. Mais ses origines de petites noblesses l’empêchent de gravir les échelons aussi rapidement qu’il l’aurait souhaité. En 1667, Vauban présente son projet pour la citadelle de Lille, celui-ci est privilégié au détriment de celui du chevalier de Clerville, alors en charge des travaux de fortifications du royaume.

La prise de Besançon en 1674 (Peint par Adam-Frans Van der Meulen)

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Malgré le soutien de Colbert, secrétaire d’État à la Marine, de Clerville est peu à peu évincé de ses responsabilités. Vauban, soutenu par Louvois, ministre de la guerre, devra tout de même attendre 1678 et la mort du chevalier pour obtenir le titre de Commissaire général des fortifications. Travailleur assidu, persuadé que la guerre est un phénomène inévitable, Vauban parcours inlassablement la France, jusqu’à huit mille kilomètres et deux cent cinquante jours par an. De toutes les menaces, celles venues de Flandres et de Hollande sont les plus redoutées, en effet Louis XIV commence à être connu pour son amour de la guerre, certains pays d’Europe s’allient pour lui faire face. C’est dans ce contexte que Vauban lui suggère de « tenir son fait des deux mains » et imagine « le pré carré ». Celui-ci a pour but de fixer les frontières, qui sont à cette époque très mouvantes, par une double rangée de places fortes, et d’asseoir ainsi pleinement sa souveraineté.

Flanquement d’un front bastionné

Le génie de Vauban réside avant tout dans sa capacité à faire la synthèse des travaux et des réflexions de ces prédécesseurs, sans jamais se laisser subjuguer par des fondements théoriques. Il estime en effet, que chaque nouveau site à défendre doit être pensé en fonction de son environnement afin d’en tirer le meilleur parti. « L’art de fortifier ne constitue pas dans des règles et des systèmes, mais uniquement dans le bon sens et dans l’expérience » disait-il.

La Basterne de Vauban

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A travers l’ensemble de son œuvre, on peut différencier trois schémas de fortification principaux, bien qu’il se soit toujours refusé à mettre ses principes défensifs par écrit. Le premier système est assez peu innovant et reprend en grande partie les principes de l’un de ces prédécesseurs, le comte de Pagan, importante source d’inspiration de Vauban. On y retrouve entre autres, l’adaptation du tracé au terrain et l’ajout d’ouvrages extérieurs au delà du front bastionné. Ce système est notamment mis en application pour les sites de Lille (1667), Arras (1668), Longwy (1679) ou encore Mont-Dauphin (1693). Dans le deuxième système, Vauban présente une solution aux tirs à ricochet en échelonnant les ouvrages défensifs dans la profondeur, la courtine passe désormais entre les bastions et les petites tours bastionnés, ce qui allonge et complique encore un peu plus les chemins des assaillants. On retrouve ce système à Besançon (1687), Belfort (1687) et Landau en Allemagne (1687). Enfin le troisième système n’est en somme qu’une amélioration du deuxième, visant à multiplier encore d’avantages les ouvrages extérieurs. Des haies vives sont aussi plantées pour retenir les terres. Seul Neuf-Brisach (1699) illustre le chef d’œuvre et la perfection pensés par l’ingénieur militaire. Au cours de sa longue carrière, Vauban a construit ou amélioré près de 150 places fortes en France, mais aussi dans les provinces nouvellement conquises, qui se trouvent parfois, aujourd’hui, hors de nos frontières. Au delà de l’ingénieur militaire que tout le monde connaît, Vauban est aussi un essayiste. Ses voyages à travers la France lui donnent un aperçu des difficultés grandissantes du peuple, accablé par la misère et la pression fiscale liée aux guerres à répétition. Il porte des réflexions tout à fait étranges à ses fonctions. Au cours de ses rares moments de répit dans son

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Vue en plan du premier, deuxième et troisième système de Vauban.


château de Bezoches, il prend le temps d’écrire un ouvrage de douze tomes intitulés Oisivetés. Il y traite de nombreux sujets, tels que la culture des forêts, l’agriculture, la navigation sur les rivières et de la manière de les faire évoluer. Son humanisme ne s’arrête pas là, bien que catholique, il rédige un mémoire prônant la liberté de conscience des protestants face à la révocation de l’Édit de Nantes par le Roi-Soleil, Le rappel des Huguenots. Il publie aussi le Projet de dîme royale, préconisant un impôt plus juste et qui s’adresse à tous, en remplacement de ceux déjà existants. L’ouvrage publié sans autorisation, est saisi au moment de sa parution. A sa mort en 1707, Vauban est maréchal, la plus haute distinction obtenue par un ingénieur. Louis XIV reconnaît en lui « un bon français » et dit perdre « un homme fort affectionné à ma personne et à l’État »

«Plan de Neuf-Brisack» Projet issue du troisième système de Vauban 1698

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La forteresse idéale En 2004, la Commission Européenne lance le programme Fortimédia qui consiste en la création d’un portail internet dédié au patrimoine fortifié européen. Ce projet, qui se trouve à michemin entre l’encyclopédie multimédia et l’atlas touristique, tente d’expliquer au grand public, les principes des fortifications européenne du XVème siècle à aujourd’hui. C’est donc dans le cadre de ce programme et à l’occasion du tricentenaire de la mort de Vauban, que plusieurs spécialistes du sujet, élaborent une forteresse imaginaire répondant aux principes de l’ingénieur. Entièrement modélisée en trois dimensions, cette place forte nommée Louisville, se révèle être un outil pédagogique très utile pour comprendre l’architecture militaire de l’époque. Dans l’imaginaire de ses concepteurs, Louisville est une réalisation ex-nihilo sur un site plat daté de 1680, pouvant accueillir une garnison de deux mille trois cent hommes. L’absence de contrainte topographique permet le tracé d’un polygone parfait. Les illustrations et définitions qui suivent, sont issues du livre de STEINERT Vincent, Vauban la forteresse idéale, Ed. La maison d’à côté, 2007. La citadelle : Château fort ou forteresse commandant une ville ; le plus souvent construite à cheval sur l’enceinte même de la place. Sert de caserne, d’arsenal et de réduit. Le dehors : Désigne tous les ouvrages qui, sans être rattachés au corps de place, sont construits dans le fossé ; s’oppose à l’ouvrage extérieur construit au-delà du chemin couvert. L’escarpe : Nom donné à la paroi intérieure du fossé, qui se situe du coté de la place forte ; elle peut être maçonnée ou en terre. L’escarpe est dite détachée lorsque le talus en terre est séparé et situé en arrière de la paroi.

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Vue en plan de la forteresse virtuelle de Louisville avec localisation des différents éléments défensifs.

1 - Le glacis : Plan faiblement incliné raccordant la crête d’un chemin couvert au niveau naturel du terrain (appelé queue du glacis) qui environne une place. 2 - Le chemin couvert : Chemin à ciel ouvert établi sur la contrescarpe et défilé par le parapet du glacis. Il permet aux fantassins de se déplacer à couvert des vues et des tirs de l’assaillant. Ils peuvent aussi battre le glacis de leurs feux. 3 - Le fossé : Obstacle constitué par une tranchée creusée dans le sol. Ses parois (escarpes et contrescarpes) peuvent être maçonnées ou non ; le fossé peut être sec muni d’une cunette ou totalement inondé. 4 - Les demi-lunes : Dehors retranché placé devant la courtine d’un front bastionné et composé de deux faces formant un angle aigu ; la demi-lune est entourée d’un fossé. Synonyme de ravelin. 5 - Les tenailles : Ouvrage bas formé de deux faces en angle rentrant, placé devant la courtine, généralement dans les mêmes alignements que les faces des bastions. Son rôle est de protéger la courtine.

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6 - Les bastions : Ouvrage saillant d’une enceinte, de plan pentagonal et au profil remparé. Ses faces et ses flancs permettent d’assurer le flanquement des courtines qui l’encadrent. 7 - Les courtines : Dans une enceinte, pan de mur épais compris entre deux tours, deux bastions. 8 - L’ouvrage à cornes : Ouvrage extérieur formé d’un front bastionné, relié par des ailes à l’arrière. 9 - Les portes : En terme de fortification, la porte est essentiellement constituée d’un tunnel traversant les remparts, barrée de plusieurs dispositifs défensifs tels que pont-levis, herse, orgues, etc. 10 - Le corps de garde : Partout où la présence de sentinelles est nécessaire, de petits corps de garde sont édifiés. Ils offrent aux soldats de faction un abri lors de la surveillance en temps de guerre comme en temps de paix.

Vue en plan de la ville virtuelle de Louisville avec localisation des différents éléments constitutifs.

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11 - Le magasin à poudre : Il sert exclusivement au stockage de la poudre et des munitions d’armes à feu ; la dangerosité des ces produits implique des moyens de protection rigoureux. 12 - L’hôtel du gouverneur : Donnant sur la place d’armes centrale, l’hôtel du gouverneur est un bâtiment majestueux qui abrite le logement de l’officier commandant la place : le gouverneur ou le lieutenant du roi. 13 - Les casernes : Bâtiments d’habitations collectives réservés aux troupes. La caserne est composée d’une juxtaposition de chambrées appelées aussi cellules, desservies par des cages d’escaliers. 14 - L’arsenal : Bâtiment ayant vocation de base logistique ; c’est à la fois un ensemble d’entrepôts et d’ateliers de réparation (forge, four, etc.) pour l’armement. 15 - L’hôpital : L’hôpital se trouve dans une zone relativement isolée par crainte des épidémies. La taille du bâtiment est en rapport avec celle de la garnison : on compte en effet un malade pour vingt hommes de troupe. 16 - Le puits de siège : Puits fortifié de façon à pouvoir être utilisé même au plus fort du siège. 17 - L’église : L’église de la place forte est située près de la place d’armes afin d’être proche de tous les habitants. Les soldats de la garnison sont en principe tenus d’assister aux offices. Le clocher de l’église, point culminant de la place, peut servir d’observatoire lors d’un siège. 18 - L’hôtel de ville : Équivalent civil de l’hôtel du gouverneur, l’hôtel de ville est un édifice majestueux situé à proximité de la place d’arme. 19 - Les îlots d’habitation : La population civile de Louisville est logée au sein d’îlots d’habitation. Ceux-ci sont organisés autour de la place d’armes et de l’axe principal reliant les deux portes. Les rues, larges de 6 à 12 mètres de façon à permettre le croisement de chariots, et perpendiculaires les unes aux autres, déterminent des îlots quadrangulaires.

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l’importance Du patrimoine Militaire

1. Dalu Robert, Quelle avenir pour le patrimoine fortifié ?, 1992, p. 47

Tour Vauban de Camaret-sur-mer. Inscrite au patrimoine mondiale de l’UNESCO. Image de fracademic.com

Son omniprésence sur le territoire français La notion de patrimoine architecturale est définie, d’après le ministère de la culture, par l’ensemble des monuments et constructions qui, comme le stipule le code du patrimoine, présente un intérêt public du point de vue de l’histoire. A ce titre, ces édifices bénéficient d’une protection juridique. Deux types de protection sont possibles : le classement au titre de monument historique, sur arrêté du ministre de la culture suite à une proposition de la commission nationale des monuments historiques, et l’inscription au titre de monument historique protégé, sur arrêté préfectoral suite à une proposition de la commission régionale du patrimoine et des sites. Selon la direction du patrimoine et les chiffres communiqués en 1992 dans les actes des colloques sur le patrimoine fortifié, la France compte à cette date deux cent quatre sites d’architectures militaires modernes et contemporaines protégées 1. L’architecture militaire moderne et contemporaine, considérée ici, est comprise entre le XVème siècle, le pré-Vauban et le XXème siècle. Le patrimoine militaire a eu pour but de répondre aux politiques guerrières de son époque, quelle qu’elle soit. Différemment situé sur le territoire en fonction des menaces et de l’évolution des frontières, il doit avant tout protéger les populations et défendre les nouveaux espaces conquis, tout en exposant ostensiblement sa puissance et son pouvoir face à l’ennemi. La richesse de l’Histoire de France, ponctuée de nombreuses périodes de guerre, donne une dimension très importante au patrimoine militaire français, tant par sa diversité que par son ampleur.

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Chaque ville, chaque région, possède en effet une partie de ce patrimoine, à travers un fort, une citadelle, un arsenal, une caserne. Ces édifices militaires, du « pré-carré » de Vauban à la ligne Maginot, retracent le passé belliqueux de la France et de ses voisins. En 1673, Vauban écrit à Louvois, pour lui faire part de son inquiétude à propos du système défensif du royaume, il insiste pour que le Roi prenne conscience de la nécessité de « défendre son pré-carré ». « Sérieusement, Monseigneur, le roi devrait un peu songer à faire son pré-carré. Cette confusion de places amies et ennemies ne me plaît point. Vous êtes obligé d’en entretenir trois pour une. […]. C’est une belle et bonne chose que de pouvoir tenir son fait des deux mains. » 2 Ainsi de grands travaux sont entrepris, les frontières sont redessinées de manière plus linéaire selon le souhait de Vauban, quitte à abandonner quelques villages et territoires à l’ennemi. Le commissaire général des fortifications élabore une succession de place forte aux endroits stratégiques sur deux voire trois lignes successives. Ce principe est mis en application notamment dans le nord de la France pour faire face aux menaces venant des Flandres et de Hollande. Cette ceinture de fer, qui entoure le royaume, se révèle être d’une très bonne efficacité puisque la France n’est plus envahie jusqu’à la Révolution française. Avec « 119 places ou villes fortifiées, 34 citadelles, 58 forts ou châteaux, 57 réduits et 29 redoutes » 3 le patrimoine militaire légué par Vauban est omniprésent dans l’hexagone et à proximité de nos frontières, aussi bien en plaine, en montagne que sur le littoral.

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2. Pujo Bernard, Vauban, 1991, p. 63

3. Barros, Salat, Sarmant, Vauban, l’intelligence du territoire, 2006, p. 81 Carte des sites Vauban, d’après Nicolas Faucherre pour Philippe Prost, Vauban, le style de l’intelligence.


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L’influence du patrimoine militaire sur l’urbanisme et l’architecture local

Les problématiques de défense, tout au long de l’Histoire, ont nécessité l’implantation d’édifices militaires au cœur ou à proximité directe des villes. Ces nouvelles constructions ont eu une influence notable sur l’urbanisme et l’architecture de ces agglomérations. Au delà de l’aspect défensif, les fortifications constituent une véritable frontière physique. De nos jours, il n’en subsiste que quelques vestiges, noyés dans le tissu urbain, dépassés par l’extension des anciens faubourgs et de la banlieue. Par le passé, ces frontières militaires, dédiées à la protection de la cité, ont longtemps dicté les limites urbaines, fiscales et administratives. Le principe de la ville fortifiée est sujet à de nombreux débats, en effet deux idées s’opposent, celle de la nécessité de l’accroissement urbain et des enjeux économiques qui en découle, face à l’importance de protéger la ville face de l’envahisseur. Paris reflète assez bien ce dilemme, dans la mesure où la ville fut entourée de sept enceintes successives de l’époque Gallo-romaine au XXème siècle.

Plan de Paris et de ses faubourgs, Merian, 1615.

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4. Vauban, Les oisivetés, Tome I, 1792, p. 44

5. Lavedan Pierre, L’urbanisme à l’époque moderne: XVIe-XVIIIe siècles, 1982, p. 82

En leurs temps Louis XIV et Vauban s’opposèrent aussi sur le sujet. D’un coté le commissaire général des fortifications du royaume évoque la nécessité de protéger davantage la capitale dans un mémoire intitulé « L’importance dont Paris est à la France et le soin que l’on doit prendre de sa conservation » 4. De l’autre le Roi Soleil est lui soucieux, comme ses prédécesseurs, de favoriser l’extension urbaine de la capitale afin de mieux en contrôler les faubourgs. Par cette volonté et sur l’avis de Colbert, Louis XIV décida de remplacer l’enceinte de Louis XIII par une promenade plantée, que sont aujourd’hui les grands boulevards. La dernière enceinte de Paris, l’enceinte de Thiers, fut quand à elle déconstruite entre 1919 et 1929, dans un contexte d’obsolescence face au progrès de l’artillerie. L’imposante empreinte laissée par cet ouvrage permit la construction du boulevard des maréchaux, d’habitations bon marché, d’équipements sportifs, de parcs et par la suite du boulevard périphérique. En dépit de ses multiples propositions, Vauban n’a pas eu l’occasion de fortifier Paris et vécu à l’une des seules périodes de l’Histoire où la capitale fut dépourvue d’enceinte défensive, entre 1670 et 1785. Il a cependant participé à l’urbanisation de nombreuses villes, que ce soit en les réaménageant ou en les créant de toutes pièces. Il est important, d’un point de vue urbanistique, de bien différencier les travaux de création ou d’amélioration de système défensif d’anciennes villes de la création de villes ex-nihilo. Même si le maréchal n’a laissé aucun écrit théorique permettant de comprendre son principe d’aménagement de la ville, il a toujours privilégié la rationalité de son œuvre en répondant à un principe fort : « la fortification n’a pas été faite pour s’adapter à la ville, mais c’est la ville qui doit s’adapter à la fortification » 5. Le tracé de ces places fortes est toujours fondé sur un faible

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nombre de côtés, formant un polygone régulier, avec par exemple cinq côtés à Strasbourg, six côtés à Longwy ou encore huit à Neuf-Brisach. Le plan de ville s’inscrit quant à lui, dans une écriture radioconcentrique, comme à Lille, ou orthogonale, comme à Arras, autour d’une grande place à vocation militaire. L’organisation des rues et des bâtiments reste conditionné au fonctionnement de la garnison, favorisant de grands espaces pour permettre les mouvements de troupes et d’artilleries.

Concernant l’architecture des bâtiments à proprement parler, Vauban applique une fois de plus son principe de rationalité. La diversité programmatique des édifices à construire, pour permettre la vie des armées en présence, est grande. Cela va des casernes, aux hôpitaux en passant par les arsenaux et les églises. Afin d’optimiser les coûts et les délais on note l’apparition de la notion de plan-type, ce dernier est adapté en fonction des effectifs prévu pour la citadelle concernée. Les façades constituent le reflet du plan par la travée, son dessin est là encore réduit au

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Plan de la citadelle de Lille, 1668.


6. Prost Philippe, Vauban, le style de l’intelligence, 2007, p. 60

strict minimum répondant au standard d’un classicisme épuré, sobre mais imposant. Une alternance de matériaux, en façades comme en toiture, est notable en fonction de la hiérarchie des occupants et de la région. Vauban apporte une grande importance au contexte dans lesquels sont implantés ses places fortes, il veille donc à ce que même ces bâtiments, malgré le plantype, puissent répondre aux aléas de la météorologie. 6 Aux bâtiments militaires peuvent parfois s’ajouter des édifices civils, il existe en effet une configuration, où la place forte abrite les deux types de population. Pour le site de Mont-Dauphin par exemple, la ville, construite ex-nihilo, a été conçue pour accueillir deux mille habitants et autant de soldats. L’emprise urbaine et l’importance architecturale de ces constructions militaires sont considérables, qu’ils s’agissent de bâtiments nécessaires à la vie des soldats ou des fortifications agrémentées d’un glacis.

Plan et élévations des casernes de Neuf-Brisach, 1697.

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Lieu d’identité collective Le patrimoine militaire fait partie de l’identité et de l’Histoire du lieu dans lequel il s’inscrit. Les monuments, en fonction de leurs époques, porte la trace du passé. Ils évoquent des faits, parfois cruels et douloureux, qui ont eu une influence sur le devenir de la ville ou de la région concernée. L’importance croissante accordée à la culture au sein de notre société, ajoutée au devoir de mémoire que nous devons à nos ancêtres, redonne vie à des lieux potentiellement dépassés par la modernité. Ainsi, par le biais de l’appartenance à une communauté ou à un peuple, chacun d’entre nous se trouve attaché et concerné par l’Histoire; de la cité médiévale de Carcassonne du XIème siècle, au mur de l’Atlantique de la seconde guerre mondiale, en passant par le Pré Carré de Vauban. Ces édifices constituent une véritable source documentaire qui permet de comprendre les faits historiques mais aussi le mode de vie et les savoir-faire du passé. Il s’agit aussi d’éléments indispensables pour appréhender l’évolution de l’architecture militaire et des techniques de constructions.

Grâce à son analyse minutieuse du contexte, mais aussi dans un souci de coût et de délai de construction, additionné à celui de la défense de la place forte, Vauban a toujours su exploiter au mieux les atouts naturels de ses lieux de construction. Aujourd’hui, on dirait que l’architecte a su insérer son bâtiment dans le respect de l’environnement et de façon durable, en utilisant des matériaux locaux afin de s’identifier au site.

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Photos de bâtiments des sites Vauban de Lille, Belle-Ile-en-mer et Mont-Dauphin. Image de G. Fessy, J-M. Monthiers et S. Leclercq pour P. Prost, Vauban, le style de l’intelligence, 2007, p. 62-63


7. Prost Philippe, Vauban, le style de l’intelligence, 2007, p. 81

Mais en son temps, l’ingénieur militaire y voyait plutôt un intérêt économique ; économie de transport et économie de moyen ; qui permettrait, de ce fait, à ses ouvrages d’obtenir une certaine pérennité. De cette façon « si la région est pauvre en carrières de pierre et riche en argile, Vauban construit en briques, si c’est le contraire il utilise la pierre. En montagne, il a fréquemment recours aux galets charriés par les torrents et les rivières » 7. Ce procédé peut toutefois être nuancé par les constructions insulaires, qui malgré l’ingéniosité du maréchal, nécessite parfois l’importation de matériaux du continent comme pour la forteresse de Belle-Île par exemple. Ainsi chacun de ses ouvrages se trouve fortement implanté dans le paysage, forgeant concrètement l’identité d’un lieu. Quelle serait l’image de la ville de Bayonne sans la mise à neuf de ses fortifications et la construction de sa citadelle dominant la ville en 1680 ? De la même manière, cette question peut se poser pour Besançon, Saint-Martin-de-Ré ou Montlouis. Ces villes, comme bien d’autres, entretiennent un lien étroit avec leurs patrimoines militaires qui agit, ici ou là, comme un véritable repère territorial.

Vue aérienne de Saint-Martin-de-Ré Photo de « Fortification et Mémoire »

Quel avenir pour les citadelles Vauban?

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les acteurs de la reconversion Vers une professionnalisation de l’armée La découverte en 2010 du Fort Saint Sébastien construit 1669 à Saint-Germain-en-Laye, renforce l’idée selon laquelle Louis XIV envisageait déjà une armée de métier. Il s’agissait, à l’époque, d’un camp d’entraînement pour soldats avant leur départ pour la Guerre de Hollande notamment. On y enseignait la façon de mener un siège selon les techniques de Vauban. Par la suite, à la fin du XXème siècle, les équilibres mondiaux ont évolué, repoussant à plusieurs milliers de kilomètres les anciennes menaces frontalières. L’organisation militaire est désormais européenne et internationale grâce à des alliances et des organismes regroupant plusieurs pays comme l’Eurocorps (Corps d’armée européen), l’OTAN (Organisation du traité de l’Atlantique Nord) ou l’ONU (Organisation des Nations Unis). Les années 1990 sont une période de profonds bouleversements géopolitiques, l’effondrement du bloc soviétique et la chute du rideau de fer mettent un terme à la guerre froide. Ces événements donnent naissance à une multitude de pays à l’est de l’Europe, qui cherchent ensuite, pour la plupart, à rejoindre la communauté européenne. La paix s’installe durablement sur le vieux continent, elle est garantie, en partie, grâce aux accords de coopération économique.

Casques bleus français lors du défilé du 14 Juillet 2012, à Paris. Image AFP pour bfmtv.fr

A l’aube du XXIème siècle, les activités militaires sont davantage liées au maintien de la paix dans le monde et à la lutte contre le terrorisme. Le métier de soldat est plus technique, plus sophistiqué, nécessitant moins de main d’œuvre, l’armée se professionnalise.

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Les réformes militaires du livre Par l’intermédiaire du livre blanc, les hommes politiques français confirment cette évolution. Ils donnent ainsi la marche à suivre en matière de défense nationale pour les années à suivre. En 1972, Michel Debré rédige ce premier rapport pour le président Pompidou, mais dans un contexte de guerre froide, l’accent est mis sur la dissuasion nucléaire et la relance des chantiers navals. Le second livre blanc, publié en 1994 par Edouard Balladur, prend acte des changements géopolitiques et de la professionnalisation du domaine militaire. Ce texte conduit le président Chirac à mettre un terme au service militaire en 1996. Cette réforme provoque de grands changements, avec près de deux cent milles appelés de moins chaque année, soit près d’un quart des effectifs de l’armée 8. Le troisième livre blanc, rédigé en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, traite de la sécurité nationale sur fond de menace terroriste. Cependant ce rapport annonce aussi une réduction du budget de la défense accompagné d’importantes suppressions de postes. Enfin la quatrième édition parue en 2013, met l’accent sur le risque de cyber-attaque et l’importance du renseignement. Ce dernier exemplaire intervient dans un contexte de crise économique avec la nécessité d’entreprendre d’importantes restrictions budgétaires. Dans ce souci d’économie mais aussi d’efficacité, une nouvelle carte militaire est mise en place. Elle prend en compte les réductions d’effectifs successives et la nécessité de regrouper les activités. Elle suggère aussi, parfois, le déplacement de certains sites en dehors des villes. Cette solution permet au ministère de la défense de tirer partie d’un coût du foncier avantageux tout

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8. Godet Olivier, Patrimoine reconverti, du militaire au civil, Ed. Scala – Ministère de la Défense, 2007, p.25


en renouvelant ses infrastructures. Cela permet de répondre aux besoins en espace tout en préservant la tranquillité des citadins.

9. Guillemard Véronique, « Défense : les cinq éléments marquants du livre blanc », 29/04/2013, lefigaro.fr

Cette succession de réforme, sur près de vingt ans, provoque de grands changements dans l’organisation de la défense de la nation. L’industrie militaire en subit les conséquences avec une réduction des commandes et des investissements. De plus, au delà des deux cent milles appelés du service militaire, l’armée française devrait être amputée de quatre vingt huit mille hommes sur la période 2008-2019 9. Une importante partie du patrimoine immobilier du ministère de la défense, dédiée aux logements et à l’instruction, se retrouve ainsi sans usage ni usager. Ceci implique de fortes répercussions, à la fois économique et sociale. Les communes, exclues de la nouvelle carte militaire, sont victimes d’une diminution de leur population, engendrant une baisse de l’activité locale et donc de l’emploi. Il faut ajouter à cela l’emprise urbaine, souvent imposante, laissée par l’ancien camp militaire.

Illustration du figaro.fr, 29/04/2013, d’après le Livre Blanc 2013 du ministère de la Défense

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Organiser la reconversion Dans ce contexte de mutations sans précédent, la coordination de l’ensemble des acteurs, à la fois politique et économique, est primordiale. Ainsi dès 1987, le ministère de la défense met en place la Mission pour la Réalisation des Actifs Immobiliers (MRAI). Cette structure a pour but d’accompagner les acquéreurs de bâtiments dépourvus d’utilité, vers une transition à des fins civiles. Elle est chargée de faire valoir les intérêts de l’armée et de l’Etat que ce soit pour confirmer l’aliénation ou lors de la reconversion. La MRAI engage ensuite une étude de faisabilité sur les différentes possibilités patrimoniales, urbaines et environnementales. Cette étude permet, aux collectivités locales, de mieux appréhender la valeur du site, sa capacité à se transformer et à accueillir de nouvelles activités mais aussi de mettre en avant les enjeux du futur projet. En effet, d’importants facteurs sont à prendre en compte comme la reconnexion aux tissus urbains, la dépollution des sols liés aux munitions et explosifs, ou encore le respect de lieux chargés d’Histoire. D’autre part, la MRAI, agissant comme maitrise d’ouvrage, veille à la viabilité du projet d’un point de vue économique mais aussi quant à sa compatibilité avec le plan local d’urbanisme. Enfin, cette étude permet de déterminer un prix de cession, dont le montant dépend du futur programme. Une fois le projet validé par l’ensemble des acteurs de la reconversion, elle participe à la recherche de financements. Ainsi, pour la caserne Vauban de Besançon par exemple, l’armée a fait part de sa volonté de se séparer de ce site de sept hectares, tandis que le maire a évoqué l’intérêt de sa ville pour ce lieu à proximité immédiate du centre historique. La MRAI a donc lancé une étude urbaine auprès de plusieurs cabinets d’architecture

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10. SGA/DMPA/MRAI, « Bilan des ventes 2009 », 27/08/2010, defense.gouv.fr

afin d’envisager sa reconversion. Ce terrain militaire a ensuite été cédé par le Secrétariat Général pour l’Administration (SGA) à la commune de Besançon pour deux virgule huit millions d’euros 10.

Vue aérienne de la caserne Vauban de Besançon, image de besancon.fr

11. SGA/DMPA/MRAI, « Bilan des ventes 2012 », 27/08/2010, defense.gouv.fr Bilan des ventes de 1989 à 2006, defense.gouv.fr

De la même manière, selon le Secrétariat Général pour l’Administration (SGA) et la Direction de la Mémoire, du Patrimoine et des Archives (DMPA), dépendant tout deux du ministère de la défense, la Mission pour la Réalisation des Actifs Immobiliers (MRAI) a conclu, en 2012, cinquante dossiers de reconversion de biens militaires pour cent quatorze millions d’euros 11. 250

201

200 172

150

145

144 136

122.1 115 109

106

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79

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72 58.8

58.4

50

52

52

51.9 47.5

45.9

47.3

35.1

51.3

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50.5

50.5

44

31.9

30.1 24.3

0

1989

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1992

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1994

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Nombre de dossiers

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Montant en M€

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les enjeux de la reconversion

12. Dallemagne François et Mouly Jean, Patrimoine militaire, Ed. Scala – Ministère de la Défense, 2002. p. 29

Les enjeux de la reconversion du patrimoine militaire sont multiples, cependant ils permettent de lutter contre le désintérêt de la population vis-à-vis de ces édifices, leur évitant ainsi de tomber dans l’oubli, la détérioration et l’abandon. « La France est aujourd’hui le seul pays au monde à pouvoir offrir un ensemble patrimonial représentant plus de trois siècles d’architecture militaire. » 12

Les enjeux architecturaux

D’un point de vue architectural, les enjeux de la reconversion du patrimoine militaire sont avant tout de lutter contre une transformation mercantile et peu qualitative. En effet, le fait de sauver un bâtiment de la ruine ne doit pas permettre d’effacer le talent et l’ingéniosité de ses bâtisseurs en leurs temps.

Photo de la caserne Niel à Bordeaux, construite en 1876, abandonnée en 2005. Image de Olivier Crouzel.

Les ouvrages construits par Vauban possèdent deux grands facteurs qui rendent leur sauvegarde extrêmement compliquée. Il s’agit en premier lieu des techniques de construction utilisées par Vauban, bien que réfléchi de manière pérenne et rationnelle, elle semble s’essouffler avec les siècles. L’association du minéral et du végétal nécessite un minimum d’attention qui n’a pas toujours été considéré. Ainsi dans l’aménagement des fortifications, la part du paysager est très importante, voir majoritaire. Les murs de pierres ou de briques sont intimement liés à la terre des talus qu’ils retiennent. Il faut ajouter à cela la présence de gazons, d’arbres et d’arbustes nécessaires à la stabilisation des terre-pleins. Toute la partie végétale a besoin d’un entretien régulier dans la mesure où il s’agit d’éléments vivants, à la fois, potentiellement

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envahissants et périssables. La partie minérale nécessite pour sa part moins d’entretien, à l’exception des constructions en maçonnerie qui exigent un renouvellement plus régulier, lié à l’éventuelle dégradation des joints. Dans le cas d’une expansion de la végétation de manière non contrôlée, c’est toute la construction minérale qui peut être remis en cause. En effet, les racines, mousses et autres branchages qui s’introduisent entre les briques et les pierres, contiennent de l’humidité et fragilisent la structure. L’un des atouts de ces sites, où la nature a repris ses droits, est qu’il constitue une véritable réserve de la faune et de la flore locale. Photos d’un fossé et d’un revêtement d’escarpe. Image de G. Fessy et J-M. Monthiers pour P. Prost, Vauban, le style de l’intelligence, 2007, p. 58-78

Le deuxième facteur, rendant difficile la conservation des édifices de Vauban, se caractérise par l’ampleur des constructions. Nécessaires à la vie des militaires, elles sont à la fois très imposantes par leurs tailles, mais aussi par leurs nombres. Cet ensemble de bâtiments, présent sur le même site, représente une quantité non-négligeable de façades, de planchers et de toitures, à entretenir ou même à rénover. A titre d’exemple, la caserne Rougé à Givet dans les Ardennes, construite par le maréchal en 1693, était longue de quatre cent soixante mètres, la plus longue de France, avant d’être détruite par les allemands en 1914.

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Carte postale de la caserne Rougé à Givet. Image de J. Winling éditée en 1912.

13. Prost Philippe, Vauban, le style de l’intelligence, 2007, p. 68

Les édifices de Vauban ne sont pas pour autant dépourvus d’intérêts en vue d’une reconversion, chacun d’entre eux est pensé de manière à optimiser l’espace au maximum. Les bâtiments de casernements disposent de larges circulations verticales sans jamais avoir recours inutilement aux couloirs. Au fur et à mesure de son travail l’architecte militaire a pris le soin d’augmenter les apports lumineux en multipliant les fenêtres. Pour ce qui est des autres édifices, leurs contraintes militaires du passé les ont souvent amenés à être surdimensionnés au niveau des charges admissibles de planchers. 13 Le coût de la sauvegarde du patrimoine architectural des sites Vauban est trop important pour être soumis au seul contribuable. Ainsi la reconversion de ces lieux peut être une solution pour palier aux problèmes de financement.

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Les enjeux urbanistiques La requalification urbaine du patrimoine militaire est un exercice complexe dans la mesure où il est à l’opposé de ce qu’est un site militaire : un lieu reclus sur lui-même pour faire face aux menaces. Au même titre que la fermeture d’une industrie, la friche militaire possède un fort potentiel urbain. De nombreux atouts permettent d’envisager une reconversion de ces sites. Tout d’abord la taille de ces friches qui corresponde, en termes d’échelle, à celle d’un quartier. L’armée fonctionnant en quasi-autarcie, il s’agit presque d’une ville dans la ville. Les espaces y sont généralement généreux, souvent composés de plusieurs hectares de terrains, afin de faciliter le mouvement des troupes et du matériel. La proximité directe avec le cœur de l’agglomération, qui augmente l’attractivité du site pour les futurs acquéreurs, est liée à l’étalement urbain qui a englobé les casernes au sein de la ville. Envisager un nouveau projet sur ce site semble être une aubaine à la fois pour le ministère de la défense mais aussi pour les collectivités locales. Il faut cependant prendre garde

Photo aérienne de la citadelle de Lille et de son parc. Image de Damien Hamon pour zoomsurlille.fr

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aux éléments qui font la particularité d’un site militaire. On le voit d’autant plus avec les sites fortifiés à l’image des citadelles Vauban, l’accès y est souvent restreint voire même compliqué. A Lille par exemple, il n’existe que deux voies pour entrer dans la « Reine des citadelles », sans compter sur la succession de fossés et de cours d’eau, aujourd’hui transformés en parc, qui forment une véritable zone tampon. D’autre part, l’environnement militaire, plutôt austère, n’a pas le confort et les intérêts du monde civil. Il est donc essentiel de redonner vie au patrimoine militaire en introduisant des éléments qui lui donneront l’attractivité nécessaire. Ceci permettra en autre de contrer le déclin économique qui a suivi le départ d’une garnison. L’enjeu urbain concerne en grande partie la reconnexion du patrimoine militaire avec les territoires avoisinants. La complexité et la nature du site ne permettent pas toujours cette reconnexion, une analyse approfondie du site est donc primordiale.

Photo de la porte royale de la citadelle de Lille, depuis les fossés aménagés en parc. Image de Damien Hamon pour zoomsurlille.fr

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Les enjeux programmatiques La nature du programme est un élément déterminant pour la réussite de la reconversion du patrimoine militaire. Sa très grande diversité offre de nombreuses possibilités programmatiques. La mutation de ce patrimoine vers une dimension culturelle semble être l’une des options les plus légitimes. La longue et riche Histoire de France encourage la création de lieux la racontant ; ces édifices militaires prennent, de cette manière, le rôle de musée vivant au service de la mémoire. D’autre part la célébrité de Vauban à travers l’hexagone et l’inscription de douze de ses sites au patrimoine mondiale de l’UNESCO (United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization), en 2008, lui permet d’obtenir une influence culturelle mondiale. Ainsi les constructions de l’ingénieur militaire disposent d’un très fort potentielle touristique, ce qui peut représenter un intérêt nouveau pour les régions du nord et de l’est de la France moins bien loti en matière de soleil, de plages ou de station de skis. Parmi les exemples les plus célèbres de reconversion culturelle, on peut énoncer l’Hôtel de Invalides, construit sous Louis XIV pour abriter les blessés de guerre, aujourd’hui transformé, en partie, en musée, ou encore la citadelle Vauban de Belle-Ile, restaurée par les époux Larquetoux, propriétaires du lieu, puis réaménagée en musée-hôtel en 2005.

Photo de la «salle de la Marine» au Musée Vauban de citadelle de BelleIle-en-mer. Il s’agit ici des combles de l’arsenal, anciennement destinés au stockage. Image de Mélanie Layec pour L’Internaute Magazine.

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Les bâtiments de casernement ont une fonction d’origine dédiée à l’hébergement des troupes, ainsi une rénovation, en vue de devenir des logements pour les civils, peut sembler logique. Comme précédemment dit, le plan des casernes édifiées par Vauban s’adapte parfaitement à ce genre de réaffectation. De cette manière, la caserne Schramm, construite en 1690 à Arras, accueillera bientôt cent huit logements, du studio au quatre pièces duplex, dont vingt et un dans le pavillon des officiers. La caserne Vauban de Versailles accueille pour sa part, depuis 2012, soixante dix sept logements étudiants.

Images de la réhabilitation de la caserne Schramm de Arras, prévue pour 2015. Photo de «Histoire & patrimoine», dessin de Frédéric Grand pour Cadence Architectes.

Il existe aussi des possibilités de transformation du patrimoine militaire à des fins éducatives. Depuis 2008, le campus de la Nive a pris place à Bayonne au sein d’un site militaire de neuf hectares. Cet ensemble universitaire, riche de plus de deux mille cinq cents étudiants, mêle à la fois patrimoine et édifices contemporains. Les amphithéâtres et la bibliothèque sont enterrés dans les contreforts et les bastions, tandis les anciennes casernes et les bâtiments neufs accueillent salles de classe, centre de recherche, et locaux administratifs. D’autres cas existent avec par exemple la citadelle d’Amiens. Actuellement en cours de transformation par l’architecte Renzo Piano, elle devrait à terme héberger l’université de Picardie.

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Enfin le domaine du tertiaire peut s’avérer être une ultime orientation de reconversion du patrimoine militaire. En effet l’imposante architecture de ce type de bâtiments peut correspondre au prestige que l’acquéreur souhaiterait donner à son entreprise ou son institution. D’autre part l’envergure de ces édifices, en terme de surface de plancher, permet aussi de regrouper les différents services pour y implanter un siège social ou une instance territoriale. De cette manière la caserne Jeanne d’Arc à Rouen, accueille aujourd’hui le conseil régional de HauteNormandie tandis que caserne Heudelet a été entièrement réaménagée et agrandit d’un étage, pour devenir le siège de la communauté de l’agglomération dijonnaise.

Le programme destiné aux anciens bâtiments militaires permet de faire revivre les édifices de l’armée et de répondre aux besoins de villes sinistrées. Une mixité programmatique peut même être envisagée sur les sites les plus grands. Les casernes Gouraud de Soissons mêlent par exemple du logement, des bureaux et un hôtel, à des infrastructures médicales et culturelles, redonnant ainsi vie à treize hectares de patrimoine militaire.

Photo de la caserne Heudelet, siège de la communauté de l’agglomération dijonnaise. Image de «François» pour wikimedia.org Photo de la citadelle de Besançon, reconvertis en musée. Image de citadelle.com

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étude de cas Description de la citadelle Vauban d’Arras Le site Vauban d’Arras se trouve au nord de la France, dans le Pas-de-Calais, dont la ville de quarante cinq mille habitants en est la préfecture du département. La citadelle, dite de plaine, se situe à un kilomètre et demi au sud-ouest du centre-ville. Elle fut construite entre 1668 et 1672 par Vauban, elle s’inscrit au sein de la deuxième ligne du pré carré. A l’image de sa grande sœur, la citadelle de Lille construite de 1667 à 1670, la place forte arrageoise forme un pentagone, elle répond néanmoins à un plan orthogonal renfermant une place d’arme rectangulaire. Elle ne possède que deux accès, la porte Royale côté ville et la porte Dauphine, côté campagne. La chapelle est quant à elle, l’un des éléments architecturaux les plus remarquables du site.

Plan d’Arras, extrait de «Les forces de l’Europe», réalisée par Nicolas de Fer, géographe du Roi, 1694. Vue aérienne de la citadelle d’Arras. Image de J. Pouille pour echo62. com

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Les fortifications de la ville sont démantelées à la fin du XIX siècle, tandis que durant la seconde guerre mondiale, les fossés de la forteresse deviennent un lieu d’exécution. Aujourd’hui « le mur des fusillés » honore la mémoire des deux cent dix huit résistants qui y ont perdu la vie. Photo du «mur des fusillés» sur l’escarpe de la citadelle Vauban d’Arras. Image de arras-online.com

Celle que l’on surnomme « la belle inutile » car elle n’a jamais été assiégée, a toujours gardé une vocation militaire tout en évoluant avec son temps. A partir des années cinquante, plusieurs bâtiments ont été construits au sein de la citadelle dans le respect de l’architecture vaubanienne. L’œuvre principale de Vauban à Arras est inscrite à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques depuis 1929. La chapelle est pour sa part classée Monument historique suite à l’arrêté du 19 février 1922. Enfin depuis le 7 juillet 2008, la citadelle fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO, tout comme onze autres des constructions de l’ingénieur militaire. Une grande page de l’histoire d’Arras se tourne le 29 juin 2009 lorsque, pour se conformer au livre blanc de 2008 et à la nouvelle carte militaire, le 601e régiment de circulation routière, riche de neuf cents hommes, est dissout. La démilitarisation du site en 2010, permet d’entrevoir les différentes possibilités de reconversion du lieu. Le ministère de la Défense cède ainsi un

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territoire de soixante douze hectares à la Communauté Urbaine d’Arras. Ce territoire comprend un bois de trente cinq hectares ainsi que la Citadelle, le terrain du Gouverneur et la Caserne Schramm en centre-ville. Photo de la place d’armes de la citadelle d’Arras. Image du groupe Alain Crenn.

Stratégie et objectifs du lieu

La libération de cette emprise militaire a rapidement suscité la curiosité et l’intérêt, aussi bien des citadins que des investisseurs. Ainsi dès 2009 les premières études et consultations sont lancés. La citadelle possède en effet de nombreux atouts. Dans le domaine de l’économie tout d’abord, cette reconversion permet le développement de l’agglomération arrageoise déjà fortement réputée pour son dynamisme. En effet le classement du magazine économique l’Entreprise positionne régulièrement Arras dans les agglomérations, de soixante dix à cent mille habitants, les plus attractives de France (1ère place en 2009 et 2010, 2ème place en 2011). D’un point de vue social, le patrimoine militaire possède un fort potentiel culturel. Il est fédérateur, synonyme de fierté et permet de renforcer le sentiment d’appartenance à une culture et une communauté. De plus, le site est sujet à devenir un excellent endroit de promenade, de détente ou de loisirs mais aussi un lieu de mémoire et de rencontre.

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Enfin au niveau environnemental, nous l’avons vu précédemment les douves et fossés agrémentés d’un large parc s’apparentent à un véritable sanctuaire pour la biodiversité en milieu urbain. Au travers de différentes réunions publiques mais aussi par le biais de visites de la citadelle, la population a pu découvrir ce patrimoine qui leur était interdit jusqu’à présent. Les habitants ont donc pu émettre leurs souhaits et leurs avis à propos du réaménagement du site. Les études d’urbanisme réalisées par de nombreux experts, dont l’architecte Philippe Prost, spécialiste de l’œuvre de Vauban, ont pu mettre en avant la stratégie et les objectifs dans l’élaboration de ce nouveau quartier d’ici à 2020. Ainsi le futur projet doit permettre la création d’un nouveau lieu de vie intégrant une mixité des usages et des fonctions. Afin de lancer la reconversion du site mais aussi de limiter les répercussions économiques du départ de l’armée, un contrat de soixante six millions d’euros a été signé dont six millions subventionnés par l’Etat. Cette transformation du lieu devrait permettre de créer sept cent trente emplois 14.

14. « Redynamisation de site de défense à Arras», Bâtiments et villes durables, 2009, developpement-durable.gouv.fr

Photo du bâtiment de l’équerre de la citadelle Vauban d’Arras. Image du Alain Crenn.

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La reconversion du site (2009-2020) La transformation de la citadelle d’Arras est, de par son envergure, réfléchie comme un véritable projet urbain, majoritairement piéton, où la place d’arme en serait logiquement le cœur. A partir de là s’organise quatre grands pôles s’entremêlant à savoir : loisirs de pleine air, logements, activités tertiaires et gastronomie. En 2020, un projet riche et ambitieux devrait donc voir le jour. La partie relative aux loisirs en plein air s’articulera autour de la notion dite de « tourisme durable ». Les visiteurs pourront découvrir la citadelle par le biais de cheminements piétons et cyclistes à travers le bois, véritable poumon vert de la ville, mais aussi depuis les fossés dessinés par Vauban. Un parcours physique de type accro-branche a déjà pour sa part, vocation de rappeler le passé militaire du site. Il pourrait, dans un second temps, être complété par un centre multi-activité. Concernant le logement, trente quatre studios étudiants ont pris place dès 2009, dans l’ancienne caserne des sousofficiers célibataires du 601e régiment de circulation routière.

Photo de la porte royale de la citadelle d’Arras. Image du groupe Alain Crenn.

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D’autre part, quatre vingt quatorze appartements de une à quatre pièces devraient voir le jour dans trois bâtiments à proximité de la place d’armes. Il s’agit de logements haut de gamme, à plus de trois mille huit cents euros du mètre carré, potentiellement en duplex, et disposant de parkings couverts dans d’anciens hangars militaires. Pour ce qui est des activités tertiaires, le siège de la communauté d’agglomération d’Arras s’est implanté avec ces deux cents employés au sein de la citadelle en 2012. Un an plus tard, a ouvert une première pépinière d’entreprises dans les dortoirs des engagés volontaires. Un datacenter et une seconde pépinière d’entreprises dédiée aux technologies numériques, devrait voir le jour prochainement. Enfin le pôle gastronomique proposera à terme, des lieux mêlant tourisme, affaires et éducation avec notamment un centre de formation aux métiers de l’hôtellerie et de la restauration. Un restaurant haut de gamme devrait prendre place au dessus de la porte royale tandis qu’un hôtel de luxe pourrait s’installer en lieu et place du centre médical de garnison. Il faut ajouter à cela le futur aménagement paysager de la place d’armes sur laquelle donneront des commerces de proximité. La chapelle garde quand à elle sa destinée religieuse bien qu’elle appartienne à la communauté d’agglomération arrageoise et non au diocèse local. L’architecte Philippe Prost dit à propos des sites classés au patrimoine mondial de l’UNESCO « Ces lieux ne doivent pas être que des lieux de tourisme » 15. Le projet pour la reconversion de la citadelle d’Arras semble aller dans ce sens, ce qui pourrait être une bonne manière de faire revivre ce patrimoine militaire unique au monde.

Plan de reconversion de la citadelle d’Arras. D’après le plan du groupe Alain Crenn.

15. Interview de FAUCONNIER Benoît « Les visions de Philippe Prost, en relais de Vauban, pour imaginer la citadelle de 2020 », Actualité Arras, 24/06/2011, lavoixdunord.fr Photo aérienne de la place d’armes de la citadelle d’Arras. Image du groupe Alain Crenn.

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Conclusion Le patrimoine architectural de Vauban est revenu sur le devant de la scène médiatique en 2007, à l’occasion du tricentenaire de sa mort mais aussi par l’inscription de douze de ces constructions au patrimoine mondiale de l’UNESCO. L’ingénieur militaire du Roi Soleil a montré tout au long de sa carrière la très grande intelligence de son architecture. Son célèbre coup d’œil et son analyse pertinente de la région dans laquelle il construit, lui permettent en effet, d’appréhender parfaitement le contexte et de l’intégrer au mieux dans chaque étape du processus de conception. Ces éléments sont le fondement de la pérennité de ses édifices, dont l’architecture contemporaine manque parfois de s’inspirer, cela au nom l’internationalisation des standards de la modernité. Le patrimoine légué par Vauban, comme l’ensemble des édifices militaires français, sont fortement ancrés dans notre société. Son omniprésence aux quatre coins du territoire est un gage de mémoire, d’identité et de cohésion au sein des communautés. Ces notions sont d’autant plus présentes, que de réels bouleversements ont changé le fonctionnement de l’armée au cours des vingt dernières années. L’importance de la reconversion des sites victimes de ces changements est donc primordiale, tant d’un point de vue économique que sociale. Ainsi le ministère de la défense et les collectivités locales agissent ensemble pour définir l’avenir de ce patrimoine militaire et notamment des citadelles Vauban.

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La transformation d’un site de l’ingénieur du Roi représente de multiples enjeux, que ce soit à l’échelle architecturale comme à l’échelle urbaine. Néanmoins la définition d’un nouvel usage, non plus militaire mais civil, est indispensable pour donner vie à des lieux au passé souvent austère et sans public. Forte des études et des propositions de l’architecte Philippe Prost, la citadelle d’Arras pourrait être dans les années à venir un exemple de reconversion réussie. En partant du plus large au plus précis, les recherches que j’ai entreprises, m’ont permises d’esquisser une réponse sur l’avenir des citadelles Vauban. Ainsi, afin de donner intérêt et attractivité à ce patrimoine, la définition d’un programme cohérent et de son éventuelle mixité semble être essentielle. L’implantation des nouvelles activités doit se faire dans le respect de l’Histoire du site et permettre la mise en valeur du travail de Vauban.

16. Dallemagne François et Mouly Jean, Patrimoine militaire, Ed. Scala – Ministère de la Défense, 2002. p. 28

« Il faut un programme digne de ce nom pour s’approprier un espace existant »16

Citation des architectes Reichen et Robert en parlant de leur travail de reconversion de la caserne de l’Espérance en Centre chorégraphique national.

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Bibliographie Ouvrages - BORNECQUE Robert, La France de Vauban, Ed. Arthaud, 1984. - DALLEMAGNE François et MOULY Jean, Patrimoine militaire, Ed. Scala – Ministère de la Défense, 2002. - DE ANDIA Béatrice, Les enceintes de Paris, Ed. Action artisitique de la ville de Paris, 2001. - FAUCHERRE Nicolas, Vauban, les sites majeurs / the majors sites, Ed. Glénat, 2009. - GODET Olivier, Patrimoine reconverti, du militaire au civil, Ed. Scala – Ministère de la Défense, 2007. - LAVEDAN Pierre, L’urbanisme à l’époque moderne: XVIe-XVIIIe siècles, Ed. Arts et métiers graphiques,1982 - PROST Philipe, Vauban, le style de l’intelligence, Ed. Archibooks, 2007. - PUJO Bernard, Vauban, Ed. Michel Albin, 1991. - STEINERT Vincent, Vauban la forteresse idéale, Ed. La maison d’à coté, 2007.

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Mémoire de master - Février 2015


Actes de colloques - DE LA FOREST-DIVONNE Marc, DULAU Robert, MONFERRAND Alain, POLONOVSKI Max et PROST Philippe, (1992), Quel avenir pour le patrimoine fortifié? Ed. Ministère de la Culture - Direction du patrimoine. 1995. - PROST Philippe et FOUSSERET Jean-Louis, Sites fortifiés, territoires de projets, Ed. Réseau des sites majeurs Vauban, 2010.

Page internet - http://www.histoire-patrimoine.fr consultée le 21/11/2014 - http://www.histoire-pour-tous.fr consultée le 28/11/2014 - http://www.defense.gouv.fr consultée le 04/12/2014 - http://www.culturecommunication.gouv.fr, consultée le 12/12/2014 - http://www.arras.fr, consultée le 20/12/2014

Vidéos - France 3 Bourgogne Franche Conté et les films du lieu-dit, Vauban, le vagabond du roi Louis XIV, 2006. - Cité de l’architecture et du patrimoine, Enjeux et prospectives du patrimoine par Vauban, 2007. - Cité de l’architecture et du patrimoine, Vauban et Bayonne, 2007.

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Annexes

La citadelle Vauban de Lille

Photos personnelles, prises à l’occasion de mon mémoire de master.

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La citadelle Vauban de Bayonne

Photos personnelles, prises ou obtenues à l’occasion de mon projet de fin d’études.

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La citadelle Vauban d’Arras

Photos personnelles, prises à l’occasion de mon mémoire de master.

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Photos du réaménagement de la citadelle Vauban d’Arras. Image de Pascal Bonnière pour lavoixdunord.fr

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Quel avenir pour les citadelles Vauban? La reconversion d’un patrimoine militaire. Grégoire Dubourq

Mémoire de Master ENSA-Paris Val de Seine - Février 2015 Sous le tutorat de M. Laurent Lehmann.



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