GE N°42 Le développement, un privilège des entreprises ?

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25 ans du GRESEA René De Schutter GRESEA

“L’utopie, c’est ne pas se soumettre aux choses telles qu’elles sont et lutter pour ce qu’elles devraient être.”1 Claudio Magris Certes, il y a un travail de mémoire, intéressant, important, indispensable. Ce travail de mémoire nous a permis ou nous permettra de saisir la nature de la fidélité à nos objectifs initiaux, à comprendre ce qui a changé dans notre travail, dû à nos insuffisances ou aux changements du contexte extérieur, etc. Bref, à faire le point et à nous améliorer. Ce que je voudrais essayer de faire ici, à partir de ce travail de mémoire, c’est nous demander ce sur quoi nous (un “nous” intergénérationnel!) devrons nous poser comme questions lors du 50ème anniversaire du GRESEA. Au fond, c’est essayer de nous poser la question des questions que nous aurions pu nous poser en prévision du 25ème anniversaire, lorsque nous avons fondé le GRESEA.

Et maintenant, ème préparons le 50 anniversaire du GRESEA Le GRESEA est-il indispensable? Dès le départ, nous avons posé comme paradigme fondateur le caractère indispensable du GRESEA; en d’autres mots, comme on dit dans les chansons d’amour (et à la veille de la fête des mères où cet article est écrit, c’est particulièrement pertinent!) si le GRESEA n’existait pas, il faudrait l’inventer. Et, peutêtre, sommes-nous trop modestes! Je ne vais pas faire ici un long panégyrique du GRESEA, mais je voudrais souligner non seulement le miracle qu’a constitué la survie (pendant 25 ans!) d’une institution associant syndicalistes et militants d’ONG, provenant de “piliers” différents, sans dépendance vis-à-vis des universités, des partis, etc. (mais bien évidemment fortement dépendante du soutien des Pouvoirs Publics qu’on ne saurait assez remercier ici de leur soutien peu condi-

tionnalisé); une “institution” capable d’affronter l’analyse scientifique des rapports Nord-Sud, et d’en assurer la socialisation, sans dépendre d’aucune “école de pensée” autre qu’une fidélité obstinée à la défense des plus exploités à travers le monde. Une “institution” regroupant des intellectuels, sans concession aucune (ou le minimum indispensable) aux modes, aux compromis intéressés, etc. En d’autres mots, le GRESEA a été, ou pourrait être, ce lieu d’incubation collective des idées des forces de gauche. La question devient alors: “une telle formulation a-t-elle un sens, lorsqu’on se place dans la perspective des 25 prochaines années?”2 Ma réponse est oui, trois fois oui. Et je voudrais essayer de dire pourquoi. Mais il faut évidemment décomposer, analyser séparément les trois termes: forces de gauche, idées, lieu d’incubation collective. ■

Comment, après coup, on peut tenter de définir ce qu’était notre démarche “sentimentale”, politique et idéologique au moment de la création du GRESEA • Nous étions anti-capitalistes, antipatronal pourrait-on dire, c’est-à-dire que nous considérions que le pouvoir qu’a le patronat dans la société, un pouvoir non démocratiquement obtenu, obtenu simplement par le jeu de l’argent et de la propriété privée était “non tolérable”, inadmissible, et qu’il fallait donc chaque fois que nous en avions l’occasion, le contester, le battre en pièces, le faire reculer. Le symbole ennemi c’était le “profit” ; le symbole ami c’était la solidarité. Nous étions donc anti-capitalistes. • Nous étions convaincus des profondes inégalités, injustices qui régnaient dans nos sociétés et dans le monde d’ailleurs. Et il y avait donc une révolte contre tout ce qui était injuste, inégal. • Le respect qu’il faut avoir pour n’importe quel être humain était profondément ancré dans nos convictions et comportements. On ne pouvait donc supporter le mépris, l’arrogance, les humiliations, etc. Bien évidemment, pas non plus le racisme, la xénophobie, le fascisme, l’antisémitisme, etc. • L’égalité juridique, politique, morale entre les hommes était une évidence pour nous. C’est pourquoi démocratie, droits de l’homme (y compris droits politiques, économiques, sociaux, culturels) et des peuples allaient de soi. Nous n’avons pas ressenti de contradiction entre notre conception démocratique et notre conviction classiste. ■■■

N°42 Avril - Mai -Juin 2004

GRESEA Echos

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