Gaspillage alimentaire, le temps des solutions

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GASPILLAGE ALIMENTAIRE : LE TEMPS DES SOLUTIONS Jean-Louis Caffier


Sommaire Gaspiller, ce n’est pas une fatalité ! François Gin Directeur Général du Groupe AGRICA Aux actes citoyens ! Entretien avec l’écrivain Alexandre Jardin Introduction : Le temps des solutions, mode d’emploi

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Production, transformation : abondance=gaspillage, déchets=ressources

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Les Paniers de la Mer : insertion par les poissons Préserver la ressource avec Planet Océan Biogranulat : mon gravier a la pêche ! « Légumes Moches » et « Quoi Ma Gueule » Trois questions à Geneviève Férone Bioraffinerie tout en un : comment rendre l’inutile indispensable ! GreenWatt : mon électricité chope le melon ! SOLAAL : labourer pour implanter les dons

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À retenir

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Distribution : objectif zéro gâchis !

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Zoo de Saint Martin : les gorilles aiment le yaourt ! La tente des glaneurs de Caen : solidarité au marché Bordeaux : confiture de rebuts pour épiceries fines Trois questions à Guillaume Bapst Rungis : quand les « forts des Halles » aident les plus faibles Zéro Gâchis mais des milliers de promotions Eqosphere : pour une culture de la revalorisation People’s Kitchen : cuisiner pour ne pas jeter !

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À retenir

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Consommation : à la maison, qui veut gagner 430 euros par an ?

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Y’a quoi dans mon frigo ? : Internet contre le gaspillage Croque ton jus : contre le gaspillage, ça presse ! Comment conserver ses fruits et légumes ? Trois questions à Eric Birlouez Paris : le compostage joue collectif ! La cerise finit en bouillotte ! Besançon : ma poubelle est une poule Comment conserver la viande ? CheckFood : pour suivre son frigo à la trace !

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À retenir

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Restauration : les bonnes idées en self-service

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Angers : les écoles placent à la banque Worgamic : mieux connaître les aliments pour mieux les respecter Nancy : valoriser le pain perdu des cantines Le Mans : l’hôpital guéri du gaspillage Trois questions à Didier Girard « Stop au Gaspi » : une appli mini gâchis La boîte antigaspi : un doggy bag à la française Le Chaînon Manquant : une place à prendre entre donateur et redistributeur Nice : des rebuts trois étoiles

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À retenir

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Conclusion Glossaire Crédits photos

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Préface

Gaspiller, ce n’est pas une fatalité ! 20 kg : c’est la quantité moyenne de nourriture récupérable jetée par personne, en France, chaque année. Sur une planète dont les ressources naturelles sont menacées d’épuisement, le gaspillage alimentaire est devenu un fléau qui n’est plus acceptable. Réduire le gaspillage alimentaire est beaucoup plus complexe que certains messages culpabilisants veulent bien nous le faire croire. Néanmoins, de la production à la consommation en passant par la transformation et la distribution, de nombreuses initiatives concrètes prouvent que le gaspillage n’est pas une fatalité et que le temps des solutions est désormais venu. C’est en tout cas dans ce sens que le Groupe AGRICA souhaite faire entendre sa voix en s’engageant à son tour dans la lutte contre le gaspillage alimentaire. Groupe de protection sociale du monde agricole, porté par les valeurs de solidarité, AGRICA place le dialogue au cœur de ses instances de décision et tient particulièrement à renforcer son engagement en matière de responsabilité sociétale en accompagnant un mouvement général dans lequel l’ensemble des acteurs du monde agricole est concerné et impliqué. A partir de différents témoignages, nous vous invitons à prendre connaissance d’initiatives qui fonctionnent en termes de lutte contre le gaspillage alimentaire et à porter un regard optimiste et constructif sur 6


la capacité des acteurs économiques à trouver des solutions efficaces en ce domaine. Cet ouvrage est le point de départ d’une dynamique que le Groupe entend porter sur du long terme, grâce à des initiatives qu’il entreprendra avec la contribution de ses clients, ses partenaires, ses collaborateurs, au niveau des territoires, comme au niveau national. Groupe de protection sociale, AGRICA se doit d’anticiper, d’agir au niveau de la prévention. Or, le gaspillage alimentaire relève aussi d’un déficit d’éducation et d’information sur la gestion de l’alimentation. C’est pourquoi AGRICA a déjà engagé une démarche auprès de ses entreprises clientes, de leurs salariés et des retraités qu’il prolongera par de nouvelles actions de prévention portant sur la nutrition. En accompagnant son public dans une démarche de réduction du gaspillage alimentaire, AGRICA souhaite participer à la préservation du capital santé de ses ressortissants, à la recherche d’un équilibre économique des entreprises et à la protection de l’environnement. Renforcer notre engagement en matière de responsabilité sociétale, c’est pour AGRICA une manière d’être bien plus qu’un assureur pour le monde agricole… François Gin Directeur Général du Groupe AGRICA

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Av a n t - p r o p o s

Alexandre Jardin : Aux actes citoyens ! L’écrivain Alexandre Jardin soutient, avec l’enthousiasme qu’on lui connaît, notre initiative de lutte contre le gaspillage alimentaire. Le fondateur, en 1999, de l’association « Lire et Faire Lire » sait de quoi il parle quand il évoque l’engagement des citoyens au profit du mieux vivre ensemble. Aujourd’hui, 14.000 bénévoles de plus de 50 ans apportent leurs connaissances, leur goût de la lecture et un peu de leur temps aux élèves des collèges dont un sur cinq ne sait pas lire lors de l’entrée au lycée ! En référence à son roman « Le Zèbre », prix Femina en 1988, Alexandre Jardin vient de fonder « Bleu Blanc Zèbre », association qui entend fédérer sans aucun à priori des initiatives très diverses mais qui vont dans le même sens : agir, agir et agir. Agir pour la joie de « faire », agir pour être utile et pertinent, agir pour repousser la tentation (ou le risque) de la déprime dans un monde difficile.

A quoi correspond cette idée de Do Tank ? Alexandre Jardin : Les Think Tanks, c’est très bien pour faire des rapports plus ou moins lus et qui sont rarement traduits en actes. Le Do Tank ne promet rien, il fait. Ce qu’on propose, c’est de fabriquer des solutions concrètes pour le pays même à un niveau tout petit. Nous n’avons aucune ambition de prendre le pouvoir. On invite chacun à l’exercer avec joie. Je pense que cette idée va marcher parce que justement elle est très simple. Ça marchera mieux en tous cas que toutes les 8


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usines à gaz imaginées par nos chers politiques. J’adore le projet d’Agrica, parce que le gaspillage alimentaire se situe en plein dans un champ d’actions possibles liées au secteur d’activité du groupe. Je me dis qu’il y a vraiment des chances pour que cela aboutisse. conditions cela peut marcher ? •AJ :A quelles Le premier point, c’est de ré-enchanter les gens par le passage à

l’acte. Beaucoup de personnes ont parlé de gaspillage alimentaire, et après ? Il ne s’est pas passé grand chose, on trouve trop peu d’actions concrètes. Le passage à l’acte doit arriver vite. Ce que je trouve fort dans votre projet, c’est que vous pouvez démarrer assez rapidement quelque chose qui ensuite prendra forcément de l’ampleur. C’est le passage à l’acte qui va créer la confiance. Regardez sur notre site la liste des zèbres, on passe à l’acte tout de suite. On entend parler de projets ou de politiques qui vont démarrer en 2017 ou 2020, c’est loin ! Nous, ce qu’on veut c’est aller plus vite, au moins démarrer. On y va par étapes, comme on peut, mais on y va, on enclenche. Si tous vos partenaires ne peuvent pas démarrer aujourd’hui, ce n’est pas grave, commencez avec ceux qui peuvent s’engager. De fil en aiguille, ça va grandir.

faut forcément un peu de moyens… C’est un frein ? •AJ :Il Vous savez, Bleu Blanc Zèbre, on l’a monté avec un budget de 9.000

euros. On est en train d’embarquer dans l’aventure 63 programmes aujourd’hui qui regroupent d’énormes potentiels du pays, d’énormes savoirfaire, d’énormes compétences. Partout des outils sont disponibles pour agir. On peut faire émerger tout ça avec 9 .000 euros, c’est une histoire de dingues, non ? Donc, démarrez au plus vite même dans un format modeste. A partir du moment où on accepte tous de sortir de nos terriers et de libérer le zèbre qui est en nous, dès qu’on se met à sortir du cadre, tout est possible. En France, on est convaincu qu’agir c’est forcément dépenser. Mais il existe plein d’autres ressources, d’autres leviers ! Quand on regarde un peu, on découvre une étendue incroyable de possibilités. Par 10


exemple, avec mon association « Lire et Faire Lire », on est en train de recruter des milliers de nouveaux retraités qui vont aller dans les écoles aider les gamins et leur donner envie de lire. Si on veut agir, on peut ! Et on va aller encore plus loin ! Avant la fin de cette année, je veux aussi incorporer à Bleu Blanc Zèbre des villes d’Afrique du Nord et d’Afrique Noire. La francophonie aujourd’hui, c’est un grand vide, il n’y a plus rien qui vient du fond des peuples. encourager les citoyens à passer aux actes ? •AJ :Comment La vraie dépression, c’est de regarder les actus à la télé. Il faut in-

viter chacun à exercer son pouvoir d’agir dans la joie et surtout à profiter de la joie d’assumer d’être sorti du cadre. Ensuite, il faut aussi jouer collectif. Il faut en avoir le reflexe, quand le programme se développe, prend de l’ampleur et s’implante dans plusieurs villes. Il faut fabriquer des passerelles pour qu’il n’y ait pas de savoir-faire qu’on ne féconde pas.. Je voudrais que dans l’année qui vient, non seulement on implique un nombre hallucinant de gens mais aussi que s’impose sur le terrain l’idée qu’il est impossible de gouverner sans l’implication de la population. On nous écoutera parce que l’on fait.

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Introduction « Il n’y a personne dans toute la chaîne alimentaire qui gaspille plus ou moins qu’un autre.» Guillaume BapsU a créé le réseau des Epiceries Solidaires (voir plus loin). Il résume bien notre angle d’approche : « Tout le monde gaspille, de l’agriculteur au consommateur. Ça ne sert à rien de pointer quelqu’un en particulier ! » Au niveau international, José Graziano da Silva, le directeur de la FAO, (Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture) voit les choses de la même manière : « *l faut faire des changements à tous les maillons de la chaîne pour éviter les gaspillages, et, quand ce n’est pas possible, réutiliser ou recycler. » Le temps des solutions, mode d’emploi

Alors, allons-y ! Nulle intention dans nos propos de minimiser le travail fouillé réalisé par des journalistes, des organisations, des ONG sur les causes profondes du gaspillage alimentaire. Au contraire. C’est grâce à ces enquêtes édifiantes que nous pouvons décider d’agir. Le temps des solutions est venu. Observons-les, essayons de bien les comprendre pour les dupliquer en les adaptant aux territoires. Nous ne sommes pas du tout dans le « y’a qu’à, faut qu’on ». Non, toutes les solutions exigent un vrai travail et sont souvent difficiles à mettre en place. Mais rien n’est insurmontable et certaines de ces solutions sont très simples à lancer dès qu’on en a la volonté. L’alimentation est soumise à des règles nombreuses, notamment, et c’est bien normal, dans 13


le domaine sanitaire. Il faut aussi gérer la logistique, le transport, la répartition, la transformation, la distribution, la place des associations spécialisées dans l’aide alimentaire. Il faut encore réfléchir au modèle entre bénévolat et professionnalisation. La lutte contre le gaspillage n’est réservée à personne. Elle peut aussi créer de véritables activités et des emplois. Notre rêve, accessible, c’est, par exemple, que les 3 années passées par le chef du service restauration de l’Iôpital du Mans à concrétiser son idée de récupérer et offrir des repas en surplus à des associations, servent à faciliter l’engagement d’un de ses collègues à l’autre bout de la France. Il n’est pas question ici de tout résoudre et de tout montrer. Ce livre s’appuie sur des gens formidables, citoyens, membres d’associations, d’entreprises ou de collectivités locales. Tous ont des idées et les appliquent pour progresser, d’un pas de souris ou d’un pas de géant en fonction des moyens et des champs d’action. C’est le but de cet ouvrage qui se concentre sur la France métropolitaine : raconter comment, à partir d’un surplus ou d’un déchet, il est possible de nourrir une personne dans le besoin, produire de l’énergie, du compost, des matériaux. Les objectifs sont nombreux et particulièrement motivants : aider nos semblables, d’abord et en priorité, bien sûr ! Mais aussi, préserver les ressources, limiter nos consommations, réduire nos déchets et notamment les déchets carbonés qui, sous forme de gaz à effet de serre, perturbent sérieusement le fragile et subtil équilibre du climat sur Terre. A ce propos, les modélisations les plus sophistiquées montrent à quel point un réchauffement qui s’emballerait aurait des répercussions cataclysmiques sur l’eau, l’agriculture et la pêche. La nourriture produite et non consommée dans le monde, représente sur une année 3,3 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) sur un total de 40 milliards en 2012.

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Les chiffres à retenir

Avant donc de passer à l’action, revenons d’abord sur les quelques chiffres qui nous permettent de mieux mesurer l’ampleur des dégâts et de la tâche à accomplir. Selon la FAO, un tiers de la nourriture produite chaque année dans le monde est gaspillée. Cela représente 1,3 milliard de tonnes ! Plus de la moitié de ce gaspillage se produit en amont, lors des phases de production, de stockage et de transport. C’est surtout vrai dans les pays pauvres. Les pays riches gâchent davantage lors de la vente et de la consommation. En France, selon l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), 9 millions de tonnes sont jetées chaque année. 2,3 le sont 16


dans la distribution, entre l’épicerie du coin et l’hypermarché. La restauration (cantine, fast food, restaurant) gaspille 1,5 million de tonnes. A la maison, on compte 5,3 millions de tonnes de déchets. C’est 79 kilos par personne. Sur ce total, 59 kilos sont constitués d’os et d’épluchures, difficilement évitables, mais les 20 kilos restants entrent dans la catégorie gaspillage car ils pourraient être récupérés : on trouve 7 kilos de nourriture encore emballée et 13 kg de restes de repas encore consommables. A noter qu’avec ses 79 kilos, le Français n’est pas du tout un mauvais élève : dans l’Union Européenne, la moyenne monte à 179 ! Pour tenter de faire baisser ces chiffres, la FAO propose des pistes au niveau mondial. Elle estime que la priorité doit être donnée à la prévention. A l’étape de la production, la FAO préconise d’améliorer les conditions de stockage mais l’Organisation des Nations Unies estime également que de très gros progrès pourraient être faits en améliorant l’information et l’adéquation entre production et demande. En cas de surplus, la FAO conseille de conserver les produits dans la chaîne alimentaire. Il s’agit d’encourager les dons aux plus démunis et de favoriser des débouchés secondaires, alimentation animale notamment. Enfin, les produits inutilisables peuvent être recyclés et réutilisés : le compostage et la production d’énergie sont les deux axes principaux. Antigaspi en France et en Europe

Les chiffres du gaspillage ont évidemment interpellé les pouvoirs publics. En France, Guillaume Garot, le ministre chargé à l’époque de l’agroalimentaire, a présenté le 14 juin 2013 le « pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire » signé par l’ensemble des parties prenantes. Trois objectifs ont été ciblés : s’engager contre les dérives de la société de surconsommation, protéger l’environnement et favoriser le pouvoir d’achat. Ce pacte ne veut « stigmatiser aucun des acteurs » mais insiste sur la lutte nécessaire contre l’égoïsme et l’individualisme : « Il 17


y a quelque chose de scandaleux, de profondément injuste dans le fait de jeter de la nourriture quand tant de Français dépendent de l’aide alimentaire ou ne mangent pas à leur faim. » Le pacte propose 11 mesures. Elles vont de clauses particulières dans les marchés publics de restauration collective, à une formation spécifique dans les lycées agricoles et les écoles hôtelières en passant par une campagne de communication avec une journée nationale de lutte contre le gaspillage, un logo antigaspi et la diffusion d’affiches de sensibilisation. Ces mesures s’accompagnent d’une vingtaine d’engagements pris par les producteurs, les industries agroalimentaires, la grande distribution ou la restauration (voir les détails sur www.gaspillagealimentaire.fr). L’autre mérite de ce pacte, c’est d’avoir réussi à impliquer tous les acteurs sans exception et ce n’était pas gagné d’avance ! Côté européen, le Parlement a adopté en 2012 une résolution qui demande des mesures rapides pour réduire de moitié le gaspillage alimentaire d’ici à 2025, avec comme point de départ 2014, décrétée année européenne de lutte. Les mesures envisagées concernent l’étiquetage et l’emballage, la restauration collective, et là encore, la mutualisation des bonnes pratiques. Ce livre propose de découvrir quelques dizaines de ces bonnes pratiques qui, dans tous les secteurs, production, transformation, distribution, consommation, restauration, montrent que l’action est réellement à portée de main. Nous espérons que cet ouvrage donnera aux lecteurs l’envie de s’inscrire dans ce vaste mouvement qui est en train de grandir, pas seulement dans les discours mais aussi dans les faits !

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Production, transformation

ABONDANCE =GASPILLAGE, DÉCHETS =RESSOURCES La lutte contre le gaspillage à la source passe par un vrai changement de mentalité et de pratiques. C’est valable dans tous les secteurs certes, mais plus encore dans la production et la transformation car c’est bien là que se trouvent les quantités les plus grandes. L’idée d’une meilleure gestion des ressources a beaucoup progressé, mais seulement depuis quelques années. Il est désormais admis que nous ne vivons pas dans un monde inépuisable et que nous ne pouvons plus prélever sans renouveler. A cela s’ajoute la crise : les déchets qu’on éliminait, car jugés sans intérêt, sont aujourd’hui retraités, réutilisés et considérés comme de simili matières premières en particulier pour la production d’énergie et d’engrais. Aujourd’hui, ne pas utiliser et valoriser ces déchets, c’est 21


du gâchis ! Ces rebuts autrefois méprisés sont désormais très courtisés. Il y a derrière le traitement de ces déchets issus de l’agroalimentaire une véritable activité qui permet non seulement de créer des emplois mais d’œuvrer très concrètement à la protection de l’environnement et à la limitation des émissions de gaz à effet de serre. Ce gaspillage à la source est beaucoup moins problématique dans les pays développés que dans les pays pauvres. Ces derniers souffrent d’un double déficit lié d’une part à l’information et d’autre part au stockage des produits. Le déficit d’information provoque une inadéquation entre l’offre et la demande. Si, sur un même territoire, un producteur ne sait pas ce que ses collègues vont planter, le risque est réel de voir tout le monde cultiver la même chose ! Les conséquences sont graves : au mieux, pour les agriculteurs, c’est l’effondrement des cours, au pire, c’est une production jetée car invendable. Ajoutons un déséquilibre préjudiciable pour l’alimentation des populations locales obligées en plus de payer cher des produits qui auraient pu être cultivés à proximité. Sur le stockage, on trouve également un problème d’information. Les « stockeurs » ne sont pas forcément bien informés des quantités à traiter, ni des dates de collecte et de livraison. La gestion n’en est que plus compliquée. Il existe enfin un vrai retard en matière d’équipement. Dans les pays développés et en France notamment, l’information et le stockage fonctionnent. Les pertes sont plus limitées, mais elles existent. Les solutions ne sont pas évidentes car toutes se heurtent à la barrière du prix. En cas de surproduction par exemple ou de chute des cours, un agriculteur préférera laisser des surplus non récoltés dans les champs parce que cela lui coûte moins cher. Cela peut paraître aberrant, mais attention à ne pas s’insurger trop vite : supposons qu’un producteur offre ses surplus, qui va récolter ? Avec quel matériel ? Qui va payer le carburant dans l’exploitation, puis le transport ? Qui va prendre en charge la distribution et éventuellement le conditionnement ? La récupération à grande échelle, voilà un intéressant programme à inventer ! Nos agriculteurs laissent également pourrir des fruits et légumes par22


faitement consommables parce que les consommateurs n’en veulent pas, en raison de leur taille ou de leur aspect. Nous verrons que des solutions intéressantes fonctionnent. En attendant, c’est donc sur les déchets que se concentrent les problèmes et les gisements. Dans un passé pas si lointain, le paysan français pouvait se targuer de ne pas gâcher. Tout était vendu, mangé, transformé ou donné aux poules, aux cochons, aux chiens. Le reste partait au compostage. L’abondance a clairement créé le gaspillage. Tous les déchets organiques, agricoles ou ménagers, sont éligibles à la production d’énergie. Le biogaz issu d’une méthanisation classique ne peut être utilisé qu’en cogénération pour produire de l’électricité ou de la chaleur. Le biométhane peut de son côté être injecté dans le réseau du gaz à condition de passer par une étape supplémentaire, l’épuration. Ces pratiques progressent de plus en plus vite. Fin 2013, il y avait presque autant de projets en développement (360) que d’unités installées (389). Les perspectives liées à la valorisation de la dégradation organique sont gigantesques. GrDF estime que le gaz vert pourrait représenter en France 73% de nos besoins en 2050. Il n’est pas inutile de rappeler que notre pays importe la quasi-totalité du gaz consommé. Le potentiel est en équivalence de 210 térawatt-heures, 100 fois plus que ce qui est produit aujourd’hui. La filière est handicapée dans son développement par des questions de coût et par la complexité des réglementations mais ces obstacles s’amenuisent. Autres avantages : le biogaz peut être produit de manière continue alors que le solaire et l’éolien sont des sources d’énergie intermittentes. Il peut également être utilisé comme carburant pour les véhicules, avec très peu d’émission de CO2. Enfin, il peut favoriser de nombreux emplois non délocalisables : on en comptait 1700 fin 2013. Seul bémol et encore : les mêmes déchets organiques peuvent aussi être utilisés pour le compostage ce qui crée une petite concurrence qu’il est toutefois possible de gérer : on voit de plus en plus de projets qui combinent les deux ! 23


Dans cette 1ere partie, nous verrons que les solutions vont de la valorisation des dĂŠchets Ă la vente de lĂŠgumes non calibrĂŠs, en passant par l’organisation de la filière du don et de la maĂŽtrise de la logistique sans oublier la mer oĂš d’Ênormes progrès sont souhaitables. Les Paniers de la Mer : insertion par les poissons

Les produits de la mer sont assurĂŠment les plus gaspillĂŠs. Des filets de pĂŞche aux assiettes, de 40 Ă 70% des poissons et fruits de mer ne seront pas mangĂŠs. Ils sont rejetĂŠs Ă la mer, invendus en criĂŠe, dĂŠtĂŠriorĂŠs dans les transports ou envoyĂŠs Ă la poubelle par les consommateurs. La situation est sĂŠrieuse car les mers sont de plus en plus exploitĂŠes et les stocks sont trop bas pour de nombreuses espèces. C’est sans doute en raison de ces ĂŠlĂŠments connus depuis quelques annĂŠes que Les Paniers de la Mer sont arrivĂŠs plus tĂ´t que toutes les autres initiatives prĂŠsentĂŠes dans cet ouvrage. Dès 1997, un premier atelier est nĂŠ sur le port de Loctudy, dans le Finistère. Les Paniers de la Mer, c’est une idĂŠe toute simple : rĂŠcupĂŠrer les invendus des criĂŠes (marchĂŠs primaires du poisson et des fruits de mer), pour les travailler dans de vrais ateliers de mareyage. Une fois congelĂŠs ou transformĂŠs, notamment en soupe, les produits sont proposĂŠs Ă des associations d’aide alimentaire. De vrais pionniers ! Comme le souligne HĂŠlène Rochet, directrice de la FĂŠdĂŠration des Paniers de la Mer, ÂŤÂ aujourd’hui on parle beaucoup du gaspillage alimentaire du fait de la crise. L’originalitĂŠ de notre concept c’est que nous, on travaille sur cet axe lĂ depuis 1997 . Aujourd’hui les ports de pĂŞche de Lorient, Saint GuĂŠnolĂŠ-Penmarc’h, Saint-Malo et Boulogne ont montĂŠ leur propre Panier de la Mer. Selon la FĂŠdĂŠration, ÂŤ depuis 2004, 837 621 kilos de poissons surgelĂŠs ont ĂŠtĂŠ redistribuĂŠs aux rĂŠseaux d’aide alimentaire sur le territoire, ce qui reprĂŠsente plus de 4 millions de portions Âť. En 2013, 347 tonnes de produits bruts ont ĂŠtĂŠ rĂŠcupĂŠrĂŠes et 166 tonnes 24


valorisées. 80 associations ont pu bénéficier des portions distribuées. Il est intéressant de noter que les bénéficiaires se répartissaient sur 43 départements. Mais « la mission » des Paniers ne s’arrête pas là. Dès le départ de l’aventure, il ne s’agissait pas que de gaspillage mais aussi d’insertion. Aux ateliers de la mer, ce sont d’anciens chômeurs qui travaillent les poissons et fruits de mer. En contrat renouvelable de 6 mois, ils se forment ainsi aux métiers de mareyage. Pour Hélène Rochet, l’un ne va pas sans l’autre : « On a tout de suite couplé la dimension développement durable avec une dimension sociale. Notre idée, c’est de revaloriser les ressources invendues dans le cadre de chantiers d’insertion. Ce support pédagogique est très utile aux personnes qui avaient besoin d’un levier pour retourner sur le marché de l’emploi. » En 2013, les Paniers de la Mer ont employé 110 salariés dans leurs 4 ateliers. Depuis 2004, ce sont plus de 500 personnes qui ont ainsi été embauchées et formées à un vrai métier. Et l’aventure continue puisqu’un atelier devrait ouvrir très prochainement à Dieppe. Préserver la ressource avec Planet Océan

Pour la ressource marine, la question des stocks de poissons est tout aussi importante que le gaspillage. Beaucoup d’espèces sont en grave danger d’extinction. Mais comment savoir devant l’étalage du poissonnier quel poisson éviter ? 25


La fondation Goodplanet créée par Yann Arthus-Bertrand a justement mis au point une application, pour smartphone, Planet Ocean, qui répertorie 100 espèces de poissons, coquillages et crustacés selon leur stock, leur provenance mais aussi la technique de pêche utilisée. Par exemple, le chalutage en eaux profondes génère beaucoup de rejets de poissons et donc du gaspillage. Ce type de pêche est pratiqué à des profondeurs allant de 200 à 1500 mètres. Les chaluts sont lourdement lestés et raclent le fond des océans. Des espèces non ciblées sont capturées et sont ensuite rejetées à la mer. L’application, Planet Ocean, est disponible gratuitement sur IOS et Android depuis mai 2014. Biogranulat ® : mon gravier a la pêche !

C’est en Afrique du Sud où il menait des missions de développement agricole, que Franck Janier-Dubry a découvert que des noyaux de fruits étaient utilisés pour recouvrir des chemins. Sitôt rentré, il regarde s’il existe en France un gisement et un marché. Les feux étant tous les deux au vert, il crée Phyto-VALOR en 2011 et se lance dans une activité dont il est l’unique représentant en Europe : la fabrication de gravier à partir des noyaux de pêches et d’abricots. Installé aux confins de l’Ardèche et de la Drôme, il en récupère aujourd’hui de 1200 à 1400 tonnes par an, environ la moitié du potentiel français. Une dizaine d’industriels de l’agroalimentaire dans la vallée du Rhône lui offrent cette matière première inattendue. Ils se débarrassent ainsi d’un déchet dont l’élimination par enfouissement était coûteuse. La solution de brûler ces noyaux dans des chaufferies biomasse était une valorisation de faible intérêt et très limitée dans le temps. La valorisation des noyaux suit un programme simple et précis : lavage, séchage, concassage. Les fragments de coque sont polis et revivent sous forme de gravier végétal. Autre intérêt, l’amande extraite est utilisée pour produire de l’huile à destination de l’industrie cosmétique et de la pharmacologie. 26


Le gravier Biogranulats ® (c’est une marque) peut être utilisé pour le paillage ou pour se substituer au gravier minéral dans le cadre d’aménagements paysagers respectueux de l’environnement. Il est résistant et supporte parfaitement le poids d’une voiture par exemple ou les assauts du vent. Sa pose et son entretien sont faciles. Il ne produit aucune poussière durant les 15 ans de sa vie. Ajoutons qu’il a un petit côté coquet : de couleur caramel clair par beau temps, il vire chocolat noir sous la pluie ! Il s’agit bien sûr d’un produit renouvelable et plutôt haut de gamme. Il faut compter de 10 à 12 euros pour un mètre carré de 3 centimètres d’épaisseur. Pour le paillage, c’est 2 à 3 fois plus cher à l’achat que l’écorce de pin, mais la durée de vie du Biogranulat est de 5 à 6 fois plus longue. Il est par ailleurs nettement moins cher que le béton désactivé ou le bitume enrobé. 27


24 distributeurs se partagent le territoire français (voir sur www.biogranulats.com). Franck Janier-Dubry est en discussions avancées avec plusieurs enseignes de jardinerie pour développer le réseau. « Légumes Moches » et « Quoi Ma Gueule » : on ne vous a jamais dit que la beauté était intérieure ?

« On va enfin pouvoir manger 5 fruits et légumes moches par jour ». Intermarché et l’agence Marcel ont frappé un grand coup en lançant la campagne : « fruits et légumes moches ». Pendant deux jours, dans l’Intermarché de Provins en Seine-et-Marne, des fruits et légumes non calibrés ont été vendus 30% moins cher, à grand renfort de slogans bien sentis, d’affiches choc et de clips vidéos réussis. L’opération a été un vrai succès, un buzz comme on dit. Réseaux sociaux, journaux, télés, radios… tout le monde en a parlé. L’agence a même remporté plusieurs récompenses dont le Grand Prix Stratégies de la publicité 2014. « L’opération était très bien, ça a donné une énorme visibilité. Nous, ça nous a énormément aidés. C’est merveilleux ». Nicolas Chabanne sait de quoi il parle. Il a cofondé avec Renan Even la marque « Quoi Ma Gueule ? » qui s’emploie à vendre des légumes non calibrés en grande surface. 15% environ des fruits et légumes sont jetés ou laissés sur les champs parce qu’ils présentent un défaut de forme, de couleur ou de texture. C’est ce qu’on appelle le calibrage. Les producteurs jettent ces vilains petits canards version végétale ou ne les ramassent pas. Les grossistes ne les achètent pas. La grande distribution n’en veut pas. Et les clients ? Finalement, ils ne les voient même pas. Surprise pour tout le monde, les succès de l’opération « Fruits et Légumes Moches » et de la marque « Quoi Ma Gueule ? » prouvent qu’avec un peu de communication, le regard des consommateurs change. « Dès qu’on met une PLV (publicité sur lieu de vente), on peut, en trois jours, battre des records de ventes par segment. Les consommateurs comprennent ! Ils n’ont pas besoin de se poser trop longtemps la question de l’intérêt à, au moins, 28


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essayer » observe Nicolas Chabanne. Chacun comprend que ce sont des produits tout aussi bons et vendus sensiblement moins cher. Alors pourquoi se priver ? Les clients en vont presque jusqu’à s’attendrir devant ces pauvres petits légumes moches. Nicolas Chabanne raconte que les gens les humanisent ! Il a entendu des réactions du type « on ne peut pas continuer à mettre à l’écart les gens qui ont des qualités ». Résultat, tout le monde emboîte le pas. Auchan et Monoprix ont lancé des opérations équivalentes. Intermarché et Leclerc pourraient même généraliser l’opération. « Quoi Ma Gueule » bouge aussi ! Un système de vente par camion itinérant de légumes non calibrés va être lancé. Mais il nous met aussi en garde : « Cela ne doit pas être : c’est moche donc c’est bien ! » Les saveurs et la qualité de l’aliment doivent toujours primer. TROIS QUESTIONS à Geneviève Férone

Pour lutter contre le gaspillage, la proximité, la sobriété et la simplicité seront des atouts maîtres. C’est l’idée que développe Geneviève Férone qui a créé en 1997 la première agence de notation extra-financière des entreprises. Spécialiste de l’investissement socialement responsable, elle a été directrice du développement durable chez Eiffage puis Véolia. Elle dirige aujourd’hui Casabee, agence de conseil en écologie urbaine et innovation territoriale. Comment peut-on définir l’économie circulaire ? •Geneviève Férone : L’économie circulaire, c’est « je prélève ce qu’il

faut, je transforme ce qu’il faut et je recycle ». C’est très différent de la logique actuelle qui est « je prélève, je transforme, je jette ». L’économie circulaire, c’est du bon sens ! C’est faire mieux avec 30


moins. C’est utiliser toutes les ressources disponibles à un endroit donné en limitant le gaspillage. C’est aussi réutiliser certains éléments du cycle de fabrication. On ne peut plus raisonner en termes de ressources infinies et de déchets infinis. qui et à quoi profite l’économie circulaire ? •GF :A Dans une économie linéaire, que j’appelle paresseuse, il y a

énormément de pertes de ressources, d’informations, et de gâchis d’argent sur toute la ligne. Le premier avantage de l’économie circulaire, c’est un gain économique évident à court terme. Si on utilise moins de ressources, qu’on recycle et qu’on réutilise, on dépense beaucoup moins ! On peut même faire de l’économie circulaire à l’intérieur d’une entreprise. Ce qu’on gagne, c’est aussi une meilleure connaissance de soi-même, qu’on soit entreprise ou collectivité. C’est un avantage considérable car l’information, c’est vraiment le nerf de la guerre. L’économie circulaire, c’est plus de légèreté et plus d’efficacité.

L’économie circulaire concerne-t-elle l’agriculture et •l’agroalimentaire ? GF : L’agriculture, c’est la sécurité alimentaire, l’accès aux marchés, l’accès aux ressources. C’est probablement la première entrée de l’économie circulaire. Ce secteur répond à un besoin vital qui entre dans notre quotidien. C’est une proximité extrêmement forte. Les paysans au début du vingtième siècle ne jetaient rien. La ressource agricole, en plus de l’alimentation, permet de fabriquer des matières premières secondaires et des co-produits. Les secteurs directement intéressés sont le textile, l’énergie, la construction. Le produit agricole, c’est un matériau qui se prête à plusieurs vies utiles : on peut faire ou produire du compost, du carton, du gaz, des vêtements, entre beaucoup d’autres choses. C’est une source de production qui peut être vraiment responsable et durable. 31


Bioraffinerie tout en un : comment rendre l’inutile indispensable !

La filière agroalimentaire produit beaucoup de déchets non consommables, du lisier à la paille en passant par le contenu des poubelles des abattoirs. Cette masse assez peu séduisante au premier abord offre, à ceux qui veulent bien se pencher sur la question, des possibilités impressionnantes de valorisation. Régis Nouaille est un pionnier : il a lancé en 2006 un projet scientifique dont le but était de construire une bioraffinerie capable de mener de front trois opérations séparées : la fermentation, l’extraction et la synthèse. La finalité était de produire des molécules et des matériaux utilisables dans de nombreux domaines, cosmétique, pharmacie, agriculture, carburants. Ces molécules peuvent se retrouver dans des flacons de parfum, des pneus, des pots de peinture, des tuyaux en plastique, des vernis à ongle ou des textiles. Régis Nouaille a fondé la société Le démonstrateur de 1000 litres AFYREN pour concrétiser ses projets. Basée en Auvergne, elle ambitionne, sans cacher son jeu, de devenir leader mondial dans ce secteur d’activité centré sur l’utilisation de biomasse non alimentaire au service de la chimie verte. Sans entrer dans les détails scientifiques qui ont fait l’objet de publications et de dépôts de brevets, retenons, en plus de la non-concurrence avec l’alimentation, les autres avantages de cette bioraffinerie new look : les antibiotiques sont proscrits, le procédé n’utilise que des micro-organismes issus d’écosystèmes naturels. En fin 32


de parcours, les résidus ont une valeur fertilisante et peuvent être utilisés dans l’agriculture pour leur richesse en azote, potassium et phosphore. Tous les matériaux issus de cette bioraffinerie « tout en un » étaient auparavant tirés du pétrole. La bioraffinerie a une autre originalité : jouer sur la proximité. Une exploitation moyenne ne pourra jamais rentabiliser une telle installation. L’idée est donc de fédérer des producteurs et d’installer l’unité au centre d’un territoire donné. Le procédé a déjà été validé en laboratoire à une échelle de 10 litres. Le prochain objectif est d’atteindre une validation à une échelle de 1000 litres en 2015-2016 et de lancer ensuite la phase industrielle, en espérant que les concurrents nord-américains ne fassent pas plus vite ! Le marché mondial de la chimie verte est colossal : il est estimé à 300 milliards de dollars à partir de 2020. En France, ce secteur pourrait créer jusqu’à 45.000 emplois. « Notre projet peut devenir majeur » se réjouit Régis Nouaille. Il n’est pas seul à le penser : le procédé a été retenu et financé début juillet dans le cadre du Concours Mondial de l’Innovation. GreenWatt : mon électricité chope le melon !

GreenWatt montre à quel point on peut valoriser tout ce qui passe par nos campagnes. Cette entreprise belge propose des unités de méthanisation adaptées à l’utilisation de fruits et légumes non vendables. L’entreprise Boyer SAS installée à Moissac dans le Lot-et-Garonne a été, en 2011, la première à tenter l’aventure. Elle produit et conditionne des fruits et légumes sous la marque « Philibon ». Elle dépensait plusieurs millions d’euros par an pour se débarrasser des invendables. L’unité de méthanisation a été inaugurée avec les rebuts de melons, non commercialisables car trop mûrs ou investis par les vers. Le procédé permet de produire au choix, avec le méthane, de l’électricité ou de la chaleur. Et quand la saison des melons est passée, l’installation peut fonctionner de la même manière avec des pommes ou des prunes. Une deuxième unité a été installée en 2013 à Lispothey dans les Landes. L’entreprise Larrère et Fils produit des légumes en quantité, choux, sa33


lades, pommes de terre, carottes, maïs ou navets. Les rebuts invendables sont valorisés grâce, là encore, à la biométhanisation. Sur un an, l’électricité produite équivaut à la consommation de 410 foyers. La chaleur correspond de son côté aux besoins de 265 foyers. On comprend bien que l’intérêt de ces unités est multiple. En plus, c’est très rentable : GreenWatt assure que ses installations ont un retour sur investissement situé entre 3 à 5 ans. SOLAAL : labourer pour implanter les dons

Signe que les choses bougent, les poids lourds de la production et de la transformation se mobilisent ! SOLAAL a été lancée le 29 mai 2013. L’association « Solidarité des Producteurs Agricoles et des Filières Alimentaires » réunit pour la première fois l’ensemble des acteurs autour d’un objectif de solidarité extérieure à la profession : il s’agit d’utiliser les surplus ou les invendus pour organiser des dons en direction des plus démunis à travers les associations compétentes et les banques alimentaires. Autre signe encourageant, c’est Jean-Michel Lemétayer qui a initié cette idée généreuse. L’ancien Président de la FNSEA s’investissait ainsi dans un domaine qui ne l’avait pas franchement interpellé auparavant. « Je ne supporte pas de voir des gens qui ne mangent pas à leur faim dans mon pays » avouait-il en marge du Salon de l’Agriculture. Il avait bien compris que le gaspillage n’était plus tenable pour les professionnels de l’agroalimentaire, coincés entre une exigence morale nouvelle et un déficit d’image ancien. Il appelait « tous les partenaires à rejoindre l’association afin de pourvoir une alimentation en quantité et de qualité pour les personnes les plus démunies ». C’était quelques semaines avant sa disparition. SOLAAL est une sorte de facilitateur, d’interface entre les ressources et les utilisateurs. Elle collecte dans un premier temps les propositions de dons. Dans un deuxième temps, elle répertorie les besoins des associations. Elle met enfin les uns et les autres en relation tout en organisant la partie logistique des opérations. Ce dernier point est trop peu connu mais il est essentiel dans la réussite des initiatives de ce type : SOLAAL prend en 34


charge l’organisation et les formalités. Elle gère également le conditionnement et le transport. Sur ce dernier point, l’association en appelle d’ailleurs à la générosité des transporteurs locaux. En un an, 400 tonnes ont été collectées et redistribuées. Dans le détail : 3 tonnes de rôtis, 71 tonnes de pâtes et de semoule, 35 000 œufs, 3 000 litres de jus de pommes, 112 tonnes de légumes, 162 tonnes de fruits. 400 tonnes, c’est l’équivalent d’une douzaine de poids lourds. Cela pourrait paraître bien peu au regard des quantités produites et transformées. C’est au contraire un premier résultat qui prouve la pertinence et la faisabilité du système. Car n’oublions pas que cette initiative n’en est encore qu’à ses débuts. SOLAAL n’a été reconnue d’intérêt général qu’en janvier 2014 par le Ministère de l’Économie et des Finances. Les relais locaux sont par ailleurs en train de se mettre en place. Il faut encore faire passer les bonnes informations au plus grand nombre, bien faire savoir, par exemple que les agriculteurs qui font un don bénéficient d’un avoir fiscal. En tous cas, pour Angélique Delahaye, Présidente de SOLAAL, le virage a été pris : « SOLAAL est l’émanation de la volonté des agriculteurs et des acteurs agroalimentaires d’assumer, au-delà de leur rôle économique, une fonction sociale et sociétale. »

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A RETENIR

L’agroalimentaire est la première entrée de l’économie circulaire Les déchets peuvent aussi être du gaspillage Toute la matière organique peut être valorisée La méthanisation peut produire de la chaleur et de l’électricité La valorisation des déchets peut être très rentable Les fruits et légumes avec un défaut d’aspect sont aussi bons et moins chers Même un noyau est une ressource

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Distribution

OBJECTIF ZÉRO GÂCHIS ! La distribution n’est pas, et de loin, la plus gaspilleuse dans la chaîne agroalimentaire. Dans l’Union Européenne, selon les chiffres de la Commission, elle ne représente que 5% du total contre 42% pour les ménages, 39% pour l’industrie agroalimentaire et 14% pour la restauration. De la plus petite épicerie de village à la grande surface la plus imposante, les commerçants sont confrontés à deux problèmes principaux : les dates limites de consommation et l’apparence visuelle des fruits et des légumes. Les exemples de bonnes pratiques proposés dans ce chapitre se concentrent sur ces deux thèmes. Les idées sont nombreuses et montrent qu’avec un peu d’imagination, de volonté et de patience, il est parfaitement possible d’envisager un jour la disparition pure et simple du gaspillage dans la distribution. Les progrès sont réels. Par exemple dans le secteur de la grande distribution, la croissance des dons alimentaires est à deux chiffres depuis plusieurs années. On atteint P16 presque les 40.000 tonnes par an ! 37


Pour aller plus loin et faire toujours mieux, les leviers existent et parfois là où on ne les attend pas. Ainsi, les nouvelles technologies de l’information vont jouer un rôle déterminant ! Elles permettent de mieux gérer le suivi des marchandises et de mettre rapidement en relation ceux qui ont des produits à donner et ceux qui en cherchent. L’informatique et Internet peuvent également faciliter la délicate question de la logistique : il est techniquement possible de signaler en temps réel les disponibilités des transporteurs. Savoir que tel camion vide peut gratuitement et sans frais transporter une marchandise pour le compte d’une association serait un progrès décisif. Il faut simplement l’organiser. Le journaliste Jérôme Bonaldi, président du conseil d’administration de l’ANDES (épiceries solidaires) avait, en 2010, lancé aux transporteurs un appel à la solidarité qui n’a pas encore totalement abouti. Les progrès pourront aussi venir de… l’espace. Prenons un cas très concret : les responsables des grandes surfaces doivent commander en début de semaine les saucisses et les grillades qui garniront les barbecues des consommateurs en fin de semaine. Pas de chance, le temps tourne le jeudi et le week-end s’annonce pluvieux contrairement à ce que laissait supposer la météo quelques jours auparavant. On fait quoi des saucisses alors que les clients ont annulé leur déjeuner sur l’herbe ? Mais si la prudence avait poussé le directeur de la grande surface à ne pas en commander, il prenait le risque, en cas de beau temps, de voir sa clientèle partir à la concurrence. La solution passe par de meilleures prévisions météo. Les satellites apporteront de plus en plus d’informations précises qui alimenteront les ordinateurs chargés d’affiner les modélisations. Autre marge de manœuvre, les changements de comportements. Les produits proches de la date limite de vente peuvent être consommés en échange d’une belle promotion. C’est une pratique qui se développe et qui gagnerait en efficacité si ces promotions étaient plus clairement iden38


tifiables. Des rayons dédiés commencent à apparaître chez les commerçants. Les consommateurs ont également été sensibilisés récemment à la question de l’aspect des fruits et légumes. Ils ont bien compris tout l’intérêt d’acheter moins cher des produits qui, à l’arrivée dans une soupe ou une compote, ont exactement les mêmes qualités que les autres. Initié par le ministre de l’époque, Guillaume Garrot, le Pacte National de Lutte contre le Gaspillage Alimentaire a joué un rôle décisif en 2013. Pour Xavier Corval, créateur d’Eqosphere et rapporteur d’une des commissions du pacte, « la dynamique volontariste et participative a permis d’avancer à l’intérieur de la chaîne alimentaire, entre secteur privé et secteur associatif avec le soutien des collectivités locales. Tous ont compris qu’ils pouvaient et qu’ils devaient avancer ensemble. Ce qui a mobilisé, c’est aussi l’approche solution et pas culpabilisation. » Le Qacte, ses 11 propositions et ses engagements ont été signés par tous les participants et en particulier par l’ensemble des enseignes de la grande distribution. Dans cette 2e partie, nous verrons que le gaspillage dans la distribution peut baisser dans des proportions importantes. Peu importe l’échelle : chez les grossistes, dans la grande distribution mais aussi dans les petites épiceries ou même au marché, des solutions existent. Tout est affaire de culture et de logistique.

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Euro, gorille de 15 ans


Zoo de Saint-Martin : les gorilles aiment le yaourt !

20 ans que ça dure ! 20 ans que les animaux du zoo de Saint-Martin-laPlaine dans la Loire sont nourris avec les invendus collectés dans les supermarchés. Cette histoire montre à quel point nécessité fait loi : « Nous avions réalisé en 1993 un très mauvais début de saison » raconte Pierre Thivillon, le co-créateur du parc. « Je cherchais à faire des économies et j’ai trouvé un arrangement avec le directeur du Carrefour de Givors car je savais que des invendus étaient jetés. En deux jours, tout était bouclé : je récupérais les aliments pour mes animaux et Carrefour économisait 1000 francs par mois sur les frais de transports jusqu’à la déchetterie ! » L’année suivante, le zoo engageait même deux permanents pour gérer l’affaire ! Aujourd’hui, 4 autres grandes surfaces de la région ont rejoint le mouvement. Chaque jour, une tonne cinq est récoltée ce qui assure 98% de la nourriture des 1000 animaux du zoo visité chaque année par plus de 150.000 personnes. Les primates profitent des fruits, des légumes et des yaourts. Pour les carnivores, la viande s’impose, évidemment. Les kangourous eux, raffolent des viennoiseries ! Il faut savoir que la nourriture récupérée n’est pas utilisable par les associations d’aide aux personnes en difficulté. Ce système fonctionne grâce aux investissements du zoo sur le matériel avec des congélateurs et des réfrigérateurs adaptés aux différents produits. Encore mieux, ce recyclage de la nourriture perdue a donné l’idée à Pierre Thivillon d’étendre le principe dans tous les secteurs du zoo : les 1.800 litres de rebuts quotidiens des repas sont transformés en compost dont profite ensuite un agriculteur de la région. Les chambres froides fonctionnent avec de l’eau qui provient d’une retenue collinaire. A sa sortie du circuit, cette même eau réchauffée à 60 degrés est utilisée pour le lavage, grâce à une pompe à chaleur. Le zoo vient d’acquérir un compacteur qui recycle les cartons revendus 45 euros la tonne. Enfin, les véhicules du zoo sont tous électriques ! « C’est tellement stupide de gaspiller, on peut recycler plein de choses… » conclut Pierre Thivillon. 41


La tente des Glaneurs de Caen : solidarité au marché

Maintenant, tout le monde les connaît au marché Saint-Pierre de Caen. Après avoir installé leur fameuse tente, les Glaneurs, vêtus de leur incontournable gilet beige, slaloment entre les étals pour récupérer ce que les commerçants leur ont réservé. Ils sont devenus le chaînon manquant. Ils récupèrent du pain, des fruits et légumes, parfois des fleurs. Ils trient et donnent à ceux qui en ont besoin à la fin du marché. Tout a démarré par un simple reportage sur Arte. Une des membres d’un conseil de quartier de Caen repère l’opération « la tente des Glaneurs de Lille » sur le marché de Wazemmes. Elle en parle au conseil et l’idée de créer une tente des Glaneurs prend racine. Très vite, les trois fondatrices, Florence Delacampagne Christine Duruisseau et ValÏrie Florchinger se renseignent. Elles rencontrent les maraîchers, échangent avec les bénévoles de la tente lilloise et vont même jusqu’à faire le déplacement dans la capitale du Nord-Pas-de-Calais. Elles démarchent aussi toutes les associations d’aide alimentaire et lancent un grand appel dans la presse pour recruter des bénévoles. Après quelques mois de préparation et grâce à un financement de la mairie, elles achètent le matériel nécessaire : tente, tables et gilets. Elles se lancent dans l’aventure en juin 2012. Deux équipes de 6 personnes se relayent chaque dimanche de 12h à 15h pour monter la tente, glaner les produits auprès des commerçants, les trier et les redistribuer aux personnes dans le besoin. Actuellement, une centaine de bénévoles se partagent les dimanches. « On a dit aux gens qu’on ne leur demandait aucun engagement de régularité et que justement si on était nombreux, ils viendraient moins souvent » souligne Florence Delacampagne co-fondatrice et bénévole. Dès le départ, 20 vendeurs de fruits et légumes on joué le jeu. Aujourd’hui, ils sont 30, sans aucune campagne de recrutement. Tout simplement, les nouveaux venus ont vu que ça marchait, que c’était utile et qu’en même temps, cela leur rendait service : les légumes invendus, il 42


faut en effet les recharger, puis les re-décharger pour enfin les jeter. Sur certains marchés comme à Lille, les maraîchers doivent payer des taxes pour leurs déchets. « Il y a même des commerçants qui nous récupèrent des produits en gros non vendus parce qu’ils sont trop mûrs, ou bien d’autres qui gardent des produits du marché de la veille pour nous les donner ». Bref, l’adhésion est totale. Entre 25 et 50 sacs sont distribués à chaque fois et sur plus de 500 kilos de denrées récupérés en moyenne, entre 50 et 70% sont valorisés. Les bénéficiaires n’ont pas à présenter de justificatif. Il leur est simplement demandé d’annoncer le nombre de personnes par foyer et de préciser s’il est possible de cuire les aliments. Question bête : il n’y a pas de concurrence avec les glaneurs traditionnels ? « Non parce que l’on ne glane pas tout et que les glaneurs viennent même nous voir pour compléter leurs paniers » explique Florence Delacampagne. 43


La tente est aussi un lieu d’échange. « Au fil des semaines, les discussions se sont développées autour des plats. On échange des recettes, qu’elles viennent de la région, d’Afrique du Nord ou d’Asie. On discute par exemple autour du chou chinois ». Le mouvement se répand partout en France. Caen était la deuxième tente après Lille. Aujourd’hui on en compterait une dizaine, installées ou en préparation à Paris, Limoges, Nice et en Bretagne. Ce mouvement devrait prendre encore plus d’ampleur dans les années à venir. Bien préparé, il est facile à dupliquer, ne demande pas beaucoup d’expérience ou de matériel. Il ne repose que sur le volontariat des commerçants et sur un bénévolat très intermittent. Florence Delacampagne est ravie du résultat : « Moi, je ne peux pas intervenir sur la gestion des grandes surfaces. Là, sur les marchés, on peut agir de façon importante, sans compétence au départ mais avec un peu de volonté. » Bordeaux : confiture de rebuts pour épiceries fines

Difficile d’imaginer aller plus loin dans la lutte contre le gaspillage : la petite entreprise « Confiture Artisanale de Bordeaux » récupère les fruits que ne peut pas utiliser la Banque Alimentaire de la ville ! La BA se refuse en effet à proposer des produits dégradés pour ne pas faire des bénéficiaires des sous-consommateurs. Ainsi, des fruits provenant déjà des rebuUs de la grande distribution sont recyclés une deuxième fois avant de finir leur parcours compliqué dans des pots de confiture ! A Bordeaux, 70 tonnes sont récupérables sur un an, soit 14% du total. La création de cette TPE (Très Petite Entreprise) a été minutieusement préparée pendant deux ans par la Banque Alimentaire, les services sociaux bordelais, l’association AGRISUD et la Fondation Entreprise et Solidarité. Une dizaine d’autres partenaires associatifs ou institutionnels se sont joints à l’aventure. Deux ans, cela peut paraître long, mais c’est une assurance de ne rien laisser au hasard. La liste des étapes est longue ! En résumé : études préalables, choix des entrepreneurs et de l’activité, 44


évaluation de la ressource et des débouchés, dispositif d’accompagnement, parcours de professionnalisation, installation du laboratoire et acquisition du matériel, appuis à la commercialisation, à la gestion, mise en place des filières d’approvisionnement et de vente. Le budget total de cette phase se monte à 200.000 euros dont la moitié pour la construction d’un local et l’équipement. Cinq candidats entrepreneurs ont été formés, trois ont quitté en route et une quatrième est partie peu après le début de l’activité. Reste aujourd’hui, seule aux commandes, Dominique Adechi. « Ça va, c’est en progrès » assure-t-elle. « Je suis fière de pouvoir produire en moyenne 120 pots par jour avec des fruits qui auraient dû finir dans la benne. Les réactions des clients sont très positives. Je suis heureuse de la qualité du produit et fière de les voir dans les rayons des épiceries fines de Bordeaux. » Une réflexion est en cours pour étendre l’activité vers des jus de fruits et des compotes. 45


TROIS QUESTIONS à Guillaume Bapst

Guillaume Bapst est une figure de l’entreprenariat social et de l’alimentation. Il a ouvert la première épicerie solidaire à Nevers en 1996 avant de créer l’association nationale (ANDES) en 2000. Le réseau compte aujourd’hui 340 épiceries où les personnes démunies peuvent acheter des produits alimentaires à des prix très inférieurs à ceux du marché. Comme le montre l’exemple de Rungis il sait marier alimentation et insertion et porte un regard lucide sur les difficultés de l’aide alimentaire. L’aide alimentaire pourrait-elle mieux profiter de la lutte •contre le gaspillage ? Guillaume Bapst : Oui, mais d’abord, et c’est très important, il ne faut surtout pas mélanger les deux. Ce sont des sujets très différents. Cela dit, je vois deux freins essentiels. Le premier c’est le coût : beaucoup de produits bruts ne sont pas récupérés dans les champs parce qu’ils sont trop chers à ramasser. D’autres ne peuvent pas être transportés car là encore, c’est trop cher. C’est notamment le prix dit « du dernier kilomètre ». Nous sommes confrontés à des coûts très importants pour de petits volumes sur de petites distances. Le deuxième frein dont on ne parle pas beaucoup, c’est le fonctionnement du monde associatif. Il existe une vraie concurrence. Il faut évidemment la gérer au mieux mais c’est difficile, il y a des jalousies et parfois de vrais blocages. Le monde associatif est bourré d’enjeux de pouvoir et d’enjeux financiers. quoi l’opération lancée à Rungis peut-elle servir d’exemple ? •GPEn: C’est une commande de l’Etat qui nous demandait de trouver un accord entre ceux qui récupèrent les fruits et légumes à la base. Un résultat positif avait pour but d’encourager une entente « en haut » 46


entre tous les acteurs. Aujourd’hui, l’accord existe ! 30% des produits récupérés vont aux épiceries solidaires, 30% aux banques alimentaires, 30% aux Restos du Cœur et les 10% restants à de petites associations. De plus, le ministère nous a accordé une enveloppe afin que l’on puisse acheter des produits divers si un jour, il n’y a de disponibles que des poireaux ou des litchis. On fait une offre de 10 fruits et 10 légumes qui change chaque mois pour respecter la saisonnalité. C’est indispensable pour redonner aux gens l’envie de manger : il faut du choix et de la qualité. avoir créé le « Potager de Marianne » à Rungis ? •GPPourquoi : On voulait aller plus loin car 45% de ce qui est récupérable

partait dans le système de traitement des déchets qui est utilisé pour fournir du chauffage à l’aéroport d’Orly. Ce qui partait était en partie abîmé. On a donc créé cet atelier de transformation pour fabriquer des soupes et des compotes qui sont commercialisées chez Monoprix et Simply Market. La deuxième raison, c’est l’insertion. On forme des gens aux métiers de l’agroalimentaire et de la restauration collective. Pour le moment, le taux de retour à l’emploi est de 65%, à comparer aux 29% de la moyenne nationale.

Rungis : quand les « forts des Halles » aident les plus faibles

L’ ANDES, L’Association Nationale de Développement des Épiceries Solidaires, a lancé en 2008 le premier chantier d’insertion pour l’aide alimentaire : « Le Potager de Marianne »au Marché d’intérêt national (MIN) de Rungis. Depuis, 3 autres chantiers ont ouvert dans les MIN de Perpignan, Lille et Marseille. Ce programme, créé à la demande de l’&tat, répond à un triple objectif : faciliter l’insertion de personnes éloignées de l’emploi, améliorer la qualité de l’aide alimentaire et réduire le gaspillage alimentaire dans les marchés de gros. 47


La Cistella de Marianne à Perpignan

Le Potager de Marianne est d’abord un chantier d’insertion. Les salariés, tous d’anciens chômeurs principalement de longue durée, signent un contrat unique d’insertion qui peut être prolongé au maximum deux ans. Ce sont de véritables emplois couplés à un volet insertion primordial. On apprend un métier dans la logistique ou l’agroalimentaire. Mais surtout, les salariés sont accompagnés de manière individualisée. Les ateliers de l’ANDES ont d’ailleurs de très bons taux de retour à l’emploi. (voir plus haut l’interview de Guillaume Bapts) Le Potager (Rungis), la Cistella (Perpignan), la Banaste (Marseille) et le Gradin (Lille) participent tous à un meilleur approvisionnement des associations d’aide alimentaire en fruits et légumes. C’est un enjeu crucial car il a été démontré que la recommandation de consommer chaque jour 5 fruits et légumes était très peu suivie par les personnes bénéfi48


ciaires de l’aide alimentaire. Seulement 6,5 % suivaient le conseil du « Programme National Santé ». Chaque année, ce sont 2,5 millions de tonnes de produits frais qui transitent par le MIN de Rungis. Le plus gros marché de produits frais du monde, bien que très organisé, génère évidemment son lot d’invendus. C’est à ce moment que le Potager de Marianne entre en scène. Tout comme à Perpignan, Lille ou Marseille, il récupère une partie des invendus du marché, les trie pour les expédier ensuite aux associations d’aide alimentaire. Les grossistes ont d’ailleurs tout intérêt à donner car dans les MIN, la destruction des invendus est taxée. Environ 45% des dons aux ateliers sont ainsi sauvés et réinjectés dans le circuit de la solidarité alimentaire. En 2013, 1 795 tonnes on été acheminées par les quatre ateliers dans plus de 218 points de livraison. Le dernier atout de l’opération, c’est le système de livraison. Dès le départ, le parti pris a été de livrer directement aux associations d’aide alimentaire et ainsi de maximiser le nombre de bénéficiaires. Solidarité, santé, insertion, lutte contre le gaspillage et même soutien logistique, les ateliers sont un modèle. Zéro-Gâchis mais des milliers de promotions

C’est l’histoire de deux frères. Le premier profitait très souvent, dans son supermarché, des produits en promotion car proches d’être périmés. Le deuxième se plaignait, au contraire, de ne trouver que très rarement ce type de ristourne. C’est comme cela qu’est née l’entreprise Zéro-Gâchis. Elle est composée des deux frères, Christophe et Paul-Adrien Menez et d’un ami d’enfance Nicolas Pieuchot. Zéro-Gâchis, c’est une façon rapide et simple de savoir quels supermarchés font des promotions à coté de chez soi. Un site Internet et une application mobile dédiée répertorient les produits en promotion dans les magasins participants. « On s’est dit qu’il y avait des consommateurs comme nous, qui atten49


daient ce type de promotion et qui aimeraient en profiter plus souvent parce que ce sont des produits qui sont moins chers, et qu’on fait en même temps un petit geste pour l’environnement » explique Paul-Adrien. C’est aussi une solution pour les supermarchés qui veulent limiter leurs pertes et attirer de nouveaux clients. La jeune entreprise insplus du service Internet, un système simplifié d’étiquetage des produits en promotion. Elle fournit également un affichage « Zéro-Gâchis » clairement identifiable par les clients. La société assure que les enseignes font ainsi passer leur taux de vente de produits en promotion de 70 à plus de 90% : entre 93 et 99% ! Paul-Adrien Menez souligne que la motivation n’est pas que financière : « Les gérants et les salariés des grandes surfaces avec qui on travaille sont des gens humains qui veulent bien faire leur travail ! Ils s’intéressent par exemple de très près à la météo pour commander des produits adaptés. Surtout, ça les embête vraiment de devoir jeter tous les jours de la nourriture parfaitement consommable. » Marketing donc mais avec des visées plus hautes que de la simple promotion. D’ailleurs, les rayons Zéro-Gâchis sont accompagnés d’un affichage informatif sur la différence entre les Dates Limites de Consommation et Dates Limites d’Utilisation Optimale. La jeune entreprise n’en est qu’à ses débuts. Après une expérimentation sur quelques hypermarchés en Bretagne, elle comptait en juillet 2014, 24 magasins partenaires. L’objectif est bien de s’étendre sur toute la France dans les mois qui viennent. De trois emplois à l’heure actuelle, l’entreprise devrait passer à une dizaine d’ici à fin 2014. Encore une preuve que la lutte contre le gaspillage alimentaire crée de l’emploi. Zéro-Gâchis oui ! Des emplois ? Oui, aussi ! 50


Eqosphere : pour une culture de la revalorisation

ÂŤ Je suis dans une approche solution. Je tente de convaincre les acteurs concernĂŠs que c’est la meilleure approche face au gaspillage alimentaire Âť. Le moins que l’on puisse dire c’est que Xavier Corval, fondateur d’Eqosphere, est bien rentrĂŠ dans le temps des solutions. Eqosphere qu’est ce que c’est ? C’est une plate-forme en ligne qui simplifie les relations entre ceux qui possèdent des surplus ou des invendables et ceux qui pourraient les acheter ou les rĂŠcupĂŠrer. Concrètement, un supermarchĂŠ va scanner une palette de bananes un peu trop mĂťres pour ĂŞtre vendues mais parfaitement consommables. Une ou plusieurs associations seront directement informĂŠes via la plate-forme Internet et pourront aller chercher le produit. Les clients et utilisateurs d’Eqosphere sont environ 250. D’un cĂ´tĂŠ ce sont des grandes surfaces, des grossistes, des restaurateurs, des traiteurs et de l’autre, des associations, des dĂŠ-stockeurs et mĂŞme des parcs zoologiques. ÂŤ L’outil web veut dire simplicitĂŠ et optimisation pour nos utilisateurs Âť. Mais l’outil ne suffit pas. Pour Xavier Corval, ÂŤ peu importe l’efficacitĂŠ de la plate-forme. S’il n’y a pas de contact direct, il ne va pas se passer grand chose Âť. C’est pour cette raison qu’Eqosphere se rend immĂŠdiatement sur les lieux de travail de chaque nouveau parte51


naire. Les méthodes de tri et les sorties de rayon sont observées et disséquées. Par exemple, dans la grande distribution, les sorties des rayons se font le plus souvent dans des caddies clients. Conséquence, des produits sont souvent abîmés, écrasés. Le rôti de bœuf qui écrase les yaourts est une image que tout le monde connaît dans le milieu de la distribution ! « Petit à petit », Eqosphere propose de nouveaux process de tri ou de sortie de rayon. La société conseille d’installer du matériel adapté pour améliorer le rangement des produits destinés à la revalorisation. « Il faut créer la culture de la revalorisation. Tout est encore à inventer » prévient Xavier Corval. Par exemple, des petits livrets de sensibilisation ont été distribués dans les fiches de paye à tous les salariés d’Auchan afin qu’ils comprennent mieux les enjeux du gaspillage alimentaire. « Il faut sortir du gaspillage et on commence à en sortir. Même s’il reste encore beaucoup à faire, l’impact de la sensibilisation à moyen/long terme sera énorme sur le plan économique et sur le plan sociétal ». People’s Kitchen : cuisiner pour ne pas jeter !

Pour clore ce chapitre, un petit tour par l’Angleterre avec un exemple que l’on pourrait naturaliser sans peine ! Dans L’ouest de Londres, un petit supermarché cuisine directement ses surplus au lieu de les jeter. Le People’s Supermarket n’est pas un magasin comme les autres. On y trouve des produits bio et labellisés Commerce Equitable. C’est surtout un supermarché collaboratif. Chaque membre donne au minimum 4 heures de travail par mois à l’association en échange de bons de réduction. Chacun participe aux décisions sur l’organisation du magasin. Enfin la direction collégiale n’embauche que des chômeurs en difficulté qui seront formés aux métiers de la distribution. Dès l’ouverture, en septembre 2010, les membres se demandent comment gérer les invendus. Ils décident, dès le mois de mai suivant, de lancer un nouveau programme au sein du supermarché : The People’s Kitchen. (Traduction littérale : La cuisine des gens, ou du peuple). Le principe est simple : chaque jour, les invendus, notamment les produits 52


frais, seront transformés dans une cuisine aménagée sur place par des membres de l’association. Au menu, soupes, salades, sandwichs mais aussi de véritables plats préparés et distribués en barquette. Tout sera vendu le jour même à petits prix. Le succès est tel que, rapidement, les surplus ne suffisent pas à combler l’appétit des clients. Aujourd’hui, The People’s Kitchen doit aussi utiliser des produits frais pris dans les rayons. Cela n’empêche pas la poursuite de la lutte contre le gaspillage : selon les chiffres diffusés par le supermarché, près de 100 kg de nourriture seraient sauvés par semaine. De plus, la « cuisine du peuple » forme ses membres à la réduction du gaspillage à la maison. Les bénévoles apprennent à utiliser juste ce qu’il faut pour bien cuisiner et à conserver au mieux les aliments. Il n’y a que le gaspillage pour permettre aux Anglais de nous donner des leçons de cuisine…

A RETENIR

Les nouvelles technologies de l’information vont révolutionner la lutte contre le gaspillage. Il faut mieux signaler dans les magasins les promotions sur les produits proches de la date limite de vente. Une bonne partie des fruits et légumes abimés peut être transformée en soupe, confiture ou compote. Prendre le temps nécessaire pour concrétiser un projet. Cuisiner les produits frais en fin de vie pour repousser la limite de consommation. Mieux organiser la récupération sur les marchés. Mieux valoriser la formation et l’insertion dans les actions de lutte contre le gaspillage. Renforcer la solidarité des transporteurs pour l’aide alimentaire. Le statut des Très Petites Entreprises bien adapté à certaines actions.

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Consommation

À LA MAISON, QUI VEUT GAGNER 430 EUROS PAR AN ? Les Français estiment très important de réduire le gaspillage alimentaire. C’est le résultat d’un sondage TNS Sofres d’avril 2012. 54% des personnes interrogées partagent cet avis, juste un petit % de moins que le chiffre comparable concernant l’eau. C’est une bonne nouvelle mais évidemment, ce n’est qu’un sondage. Peu de Français, on l’imagine, déclareraient spontanément que le gaspillage alimentaire ne leur fait ni chaud ni froid. Au contraire, 76% regrettent qu’on ne parle pas ou pas assez du sujet dans les publicités liées au secteur alimentaire. D’autres éléments dans ce même sondage méritent d’être retenus. Les Français ont du mal à accepter d’être des gâcheurs : 66% ont le sentiment de ne pas contribuer du tout au gaspillage et se disent convaincus 55


de jeter moins de 20 kilos par an. Ce sentiment est largement contredit par toutes les analyses. Pour six Français sur dix, le gaspillage, c’est d’abord de l’argent jeté par les fenêtres. Ce chiffre confirme que l’entrée par la finance et le pouvoir d’achat est la plus convaincante pour réduire le gâchis. L’ADEME a calculé qu’en moyenne, les pertes liées au gaspillage atteignaient, en moyenne, la somme très significative de 430 euros par an et par personne ! Ce sondage permet enfin de mieux comprendre pourquoi les Français jettent de la nourriture : ils sont 55% à avouer éliminer d’abord parce que la date de péremption a été dépassée. Il y a là une marge de progression évidente. En revanche, et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les restes ne sont pas négligés. 89% des sondés les congèlent et 87% les cuisinent, ou plutôt déclarent le faire ! L’association de consommateurs UFC Que Choisir a, de son côté, réalisé une enquête édifiante sur le fameux couple DLC-DLUO : Dates Limites de Consommation (pour les produits frais comme les laitages, la viande ou les plats préparés…) et Dates Limites d’Utilisation Optimale (pour les autres produits, sodas, biscuits, café, produits surgelés, conserves…). C’est une réglementation européenne qui rend obligatoire une date limite pour tout produit périssable. Au niveau européen justement, près d’un consommateur sur cinq est incapable de faire la différence entre les deux indications. Cette ignorance précipite à la poubelle des produits DLUO pourtant parfaitement sains. Précisons qu’une DLC dépassée peut avoir des conséquences sanitaires. Pour un dépassement de DLUO, pas de risque sanitaire mais une possible perte de goût ou de texture. L’autre volet de l’enquête d’UFC Que Choisir établit que les dates limites de consommation sont pour le moins farfelues. L’association a testé dix produits soumis à la DLC comme du jambon, des filets de poulet, des yaourts, du saumon fumé. Bonne nouvelle : le jour de la DLC, la qualité bactérienne des produits était excellente. Deux produits, le jambon et le filet de poulet, se sont dégradés rapidement dans les jours qui ont suivi. Mais le plus étonnant, c’est que trois produits sur les dix, une crème 56


dessert et deux yaourts étaient encore parfaitement sains plusieurs semaines après la date limite ! L’UFC Que Choisir propose de recentrer les DLC sur des critères sanitaires plus précis. L’association recommande également de mieux différencier les mentions DLC et DLUO. Avec l’alimentation à la maison, c’est une démarche personnelle ou familiale qui demande à être favorisée. Les associations de consommateurs et de protection de la nature insistent sur l’idée qu’il ne faut surtout pas se dire qu’une action personnelle ne sert à rien, car elle ne représente pas grand chose. Personne ne va régler le problème tout seul et sauver le monde. D’ailleurs, personne ne le demande non plus ! L’action personnelle est majeure car elle enclenche l’action de tous. 100 grammes de nourriture sauvés multipliés par 60 millions de Français, cela donne 6.000 tonnes ! C’est environ un sixième du total offert par les grandes surfaces sur un an aux associations d’aide alimentaire ! Il est vraiment possible de réaliser des progrès dans notre consommation personnelle. C’est souvent très agréable et même parfois franchement amusant. Nous verrons comment une application sur notre smartphone peut résoudre nos problèmes de dates limites de consommation, comment les poules peuvent nous débarrasser de nos déchets tout en nous offrant des œufs, comment valoriser les fruits des vergers privés au lieu de les laisser pourrir, comment trouver sur Internet les bonnes recettes pour les restes, sans oublier quelque chose de très simple : comment conserver au mieux les aliments ! Y’a quoi dans mon frigo ? : Internet contre le gaspillage

Sur Internet, tout le monde connaît les sites Marmiton et 750g mais pour cuisiner les restes ou les denrées dont on ne sait pas quoi faire, rien de mieux que les petites recettes de Sylvie Kitchen sur son blog : « Y’a quoi dans mon Frigo ? » Un jour d’été, en vacances en Corse, Sylvie, qui ne se faisait pas encore appeler Kitchen, se retrouva nez à nez devant un réfrigérateur rempli de victuailles. Son hôte ne savait pas quoi cuisiner et préférait même re57


partir en courses. Mais Sylvie se retroussa les manches, fit tourner ses méninges, et trouva dans ce beau frigo de quoi faire à manger pendant plusieurs jours. C’est grâce à cette expérience que quelque temps plus tard naissait le blog « Y’a Quoi Dans Mon frigo ?». Dans ce blog de cuisine, on retrouve chaque jour une recette originale. Entrée, plat ou dessert, tout y passe. Sylvie Kitchen propose des petits plats en majorité faciles à réaliser. « Mon but, c’est de décomplexer les gens devant la cuisine du quotidien » annonce-t-elle. Elle veut convaincre le plus grand nombre que ce n’est pas si difficile de cuisiner et de se faire plaisir. Sylvie est une vraie passionnée. Elle donne aussi des cours de cuisine et a écrit un livre avec Marie Borrel « Y’a quoi dans mon frigo ?» paru en septembre 2013 (Editions de la Martinière). Le blog, c’est aussi un moteur de recherche qui nous pousse à cuisiner au lieu de jeter. Il permet aux internautes de trouver une recette sympathique avec les ingrédients que contient le frigo. Par exemple, en tapant courgette et œuf, on tombe sur une multitude de recettes, de gratins ou de crêpes, avec, en vedette, un étonnant moelleux aux courgettes. 58


« Y’a quoi dans mon frigo ? » n’est pas tellement là pour proposer des idées toutes faites de recettes. Le but, c’est aussi d’inciter à plonger dans le réfrigérateur et dans les placards « parce qu’avec quelques ingrédients de base, on peut vraiment faire beaucoup de choses ». Sylvie se dit toujours étonnée « par ce que les gens mettent sur le tapis de caisse des supermarchés ». La première action contre le gaspillage, c’est bien de tenter d’acheter ce qu’il faut ! Sylvie se dit optimiste, parce qu’elle voit un réel changement de comportement, notamment chez les jeunes, séduits par les nouveaux programmes télévisés à la mode. « Je pense qu’il y a une redécouverte de la cuisine. La jeune génération y est très sensible. » La recette de Sylvie Kitchen

Le flan de légumes : une recette avec les restes Cette recette légère et saine est à déguster à l’apéro, en entrée ou en plat principal. INGREDIENTS POUR 4 PERSONNES 3 œufs, 25cl de crème liquide ou soja, 4 cuillères à soupe de petits pois cuits, 4 cuillères à soupe de carottes cuites, 2 oignons, 2 cuillères à soupe de pistaches,1 botte de ciboulette + 1/2 botte persil haché, 1 cuillère à soupe d’huile d’olive, sel, poivre. RÉALISATION Eplucher les légumes. Couper les oignons en lamelles. Faire cuire les légumes à la vapeur al dente. Allumer le four à 180°. Battre les oeufs + crème + herbes + sel + poivre. Ajouter les pistaches. Mélanger aux légumes cuits et un peu refroidis. 59


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Huiler un moule et tapisser le fond de papier sulfurisé. Verser la préparation dessus. Enfourner pour 25/30 mn au four 180°. Au sortir du four laisser reposer 5mn et démouler. Servir tiède ou froid CONSEILS A réaliser également avec d’autres légumes sauf courgettes qui rendent de l’eau Servir avec sauce tomate, salade, crème de courgettes, mayonnaise... Couper en cubes pour l’apéritif Servir en plat principal avec une chiffonnade de jambon

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Recette tirée du Blog « Y’a Quoi Dans Mon Frigo ? »

Croque ton jus : contre le gaspillage, ça presse !

Voici un gisement qu’il est impossible d’évaluer avec précision mais qui promet beaucoup : les vergers privés. A Clermont-Ferrand, quelques amis en ont eu assez de voir que personne ne s’occupait de pommiers croulant sous les fruits au début de l’automne. Ce gaspillage pouvait être évité tout en favorisant la prise de conscience du gâchis alimentaire dans une ambiance conviviale. C’est sur ces très belles bases qu’est né le collectif « Croque ton jus ». L’idée est toute simple au départ : cueillir les pommes, avant qu’elles ne s’écrasent et pourrissent, pour en faire du jus. Grâce au site de financement participatif français ULULE, Jean-Manuel les 650 euros nécessaires pour acheter le pressoir, le broyeur et le matériel indispensable à la fabrication du précieux jus. Les premiers ateliers de pressage ont été lancés fin septembre 2014. « Notre volonté, c’est de créer un dynamique autour de l’opération. Que les gens s’interpellent sur le gaspillage » insiste Jean-Manuel. Sur une journée, en famille ou entre amis, on va transformer les vieilles pommes qui pourrissaient au fond du jardin en excellent jus ! Mais attention : il s’agit ici d’être actif, car le pressoir fonctionne entièrement à la force des bras. 61


Pour 20 kilos de pommes, on obtient facilement 10 litres de jus et le pressoir peut produire jusqu’à 200 litres par heure. Le propriétaire du verger fait ensuite ce qu’il veut de ses bouteilles de jus mais l’idée est bien sûr celle du partage avec ses voisins et amis ou du don à des associations. A signaler que les vergers étant très peu traités, dans la plupart des cas c’est du bio ! Le projet va plus loin que le simple ramassage et le pressage des pommes car il s’agit aussi de « réhabiliter des vergers privés, pérenniser des variétés anciennes et locales qui sans cela disparaîtraient dans le plus grand silence ». Ces ateliers sont aussi l’occasion de sensibiliser les participants aux enjeux du gaspillage alimentaire. Jean-Manuel croit dur comme fer en cette petite initiative qui pourrait devenir grande. « On pourrait créer des modèles identiques partout. Qu’on soit une association ou une entreprise d’ailleurs. Il faut insuffler l’idée auY gens, il faut créer un élan un peu partout ».

Conserver ses fruits et légumes

Le réfrigérateur n’est pas forcément la solution. Pour les pommes de terre, les oignons, l’ail et l’échalote : un panier ouvert, dans un meuble, une cave ou un sellier. Pour éviter l’accélération du mûrissement, ne pas laver les légumes avant de les placer au réfrigérateur. Les salades se conservent mieux lavées, égouttées et placées dans un sac en papier au réfrigérateur. Laver régulièrement les bacs à légumes du réfrigérateur pour éviter les bactéries. N’aiment pas le réfrigérateur : tomates, bananes, mangues, agrumes, avocats. Les champignons aiment être emballés dans du papier absorbant avant d’être placés dans le frigo. Les pêches, abricots, melons et prunes se conservent à l’extérieur mais attention, peu de temps. Les pommes, cerises, fraises, framboises et raisins se conservent au réfrigérateur. Les fruits exotiques se conservent très bien à l’extérieur.

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TROIS QUESTIONS à Eric Birlouez

Le gaspillage n’a jamais été aussi important dans l’histoire de l’humanité parce que l’on a oublié les valeurs de l’alimentation. C’est la thèse d’Eric Birlouez, ingénieur agronome, enseignant, sociologue et historien de l’alimentation, dont il explore les dimensions culturelles, sociales, historiques et symboliques. Il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages dont « Histoire de la cuisine et de l’alimentation » (édition Ouest France) et le dernier paru « Faut-il s’arrêter de manger de la viande ? » (éditions Le Muscadier 2014). gaspillage alimentaire est-il un problème récent ? •EricLeBirlouez : Pas du tout, c’est très ancien. Tout comme la

redistribution d’ailleurs. On trouve des traces dans l’Ancien Testament avec les règles du glanage. Dans l’antiquité romaine, des lois vont jusqu’à limiter le gaspillage. En France, au Moyen Âge, on retrouve le glanage qui permettait aux pauvres de ramasser ce qu’ils pouvaient après les récoltes. Il y avait aussi « le droit de glandée », version du glanage côté glands et châtaignes avant que les cochons ne s’en régalent. Sous Louis XIV, les restes des festins étaient revendus aux portes du Château de Versailles.

on gaspille plus qu’avant ? •EBAujourd’hui, : Ah oui, énormément ! On est suréquipé pour conserver les

aliments, mais l’homme n’a jamais autant gaspillé. La question, c’est de se demander quel est notre degré de tolérance face au gaspillage. Depuis 3-4 ans, on en parle beaucoup, mais avant pas du tout. En fait, on gaspille ce à quoi on n’attribue pas de valeur. Or, avec la société d’abondance, on a perdu les valeurs de l’alimentation, la valeur vitale, la valeur culturelle, la valeur économique, la valeur symbolique, la valeur sacrée. 63


peut-on répondre à cette évolution ? •EBEt: Ilcomment nous faut restaurer une culture alimentaire, redonner de la

valeur aux aliments. L’hyper choix alimentaire lié à la mondialisation nous fait perdre nos repères. Il faut retrouver du sens. Il faut éviter de faire voyager un produit alimentaire sur des milliers de kilomètres. Il faut accepter de manger un légume un peu tordu. Il nous faut accepter de manger moins mais avec des aliments de meilleure qualité. Prenez un gamin dans une cantine scolaire. Il mange mais il n’imagine même pas que derrière, il y a quelqu’un qui cuisine parce qu’il ne le voit pas. On ne va pas changer du jour au lendemain mais pour moi, la bonne piste, c’est vraiment la valeur de l’aliment et de ceux qui le font !

Paris : le compostage joue collectif !

Les déchets organiques constituent une cible pour tous ceux qui veulent réduire le volume global des poubelles. Les restes de repas et les épluchures peuvent être valorisés facilement à petite échelle. Nul besoin de camions ni de grosse unité de transformation. Tout peut se faire dans un espace réduit. La Ville de Paris expérimente depuis 2010 le compostage collectif qui permet à la fois de diminuer le volume des bio-déchets et de limiter l’emploi d’engrais chimiques dans les jardins et les espaces verts. La proposition est réservée aux Parisiens vivant en habitat collectif et aux établissements publics et institutionnels. Il suffit de peu de choses pour être éligible : disposer de quelques mètres carrés de terrain, obtenir l’accord du syndic, du bailleur, des propriétaires ou locataires. Il faut également nommer un ou plusieurs référents qui auront la responsabilité de suivre les opérations après une rapide formation. La Ville de Paris estime que de vingt à trente foyers dans un même immeuble permettent en moyenne de récupérer une à deux tonnes de déchets organiques par an. Les déchets concernés sont tous les fruits et légumes sauf les 64


agrumes, dont la peau est trop acide. Les restes de viande, poisson, pain et fromage sont exclus. En revanche, sont bienvenus les coquilles d’œufs pilées, les filtres et le marc de café, les sachets de thé ou de tisane. A signaler que la Ville de Paris fournit le composteur. Tous ceux qui ont tenté de participer vantent la simplicité du système et son utilité pour un minimum d’efforts. Beaucoup insistent sur la convivialité. Les horaires fixes de dépôt des déchets permettent à des voisins qui se croisent peu de se connaître mieux !

La cerise finit en bouillotte ! Voilà un petit truc pour amuser les enfants tout en leur vantant les bénéfices du recyclage ! Il est possible de confectionner une minibouillotte en utilisant des noyaux de cerises : on commence par les laver dans l’eau avec un peu de vinaigre. Il faut ensuite bien les rincer avant de les sécher. Pour conclure, il suffit de remplir un petit sac de toile. Une vieille chaussette peut parfaitement faire affaire. Votre bouillotte sèche est prête ! La placer deux minutes au micro-ondeT avant d’en profiter !

Besançon : ma poubelle est une poule

16 familles de l’agglomération de Besançon en Franche-Comté ont testé avec succès une technique tombée en désuétude pour réduire le volume de leurs déchets alimentaires. Une poule peut consommer jusqu’à 150 kilos de déchets par an ! Partant de ce constat, le SYBERT, syndicat mixte chargé de la gestion des déchets de 8 communes, a lancé une opération un peu spéciale. Le syndicat s’est engagé à faire baisser le poids des poubelles de 7% d’ici à 2015. Question, comment impliquer la population ? «C’est dur 65


de communiquer sur les déchets mais avec la poule, ça rendait les choses un peu plus glamour» atteste Elodie Geneste chargée de communication du SYBERT. Le syndicat a donc lancé l’opération « Des poules pour réduire mes déchets ». L’idée était de mettre à disposition de seize familles deux poules ainsi qu’un dispositif de compostage. Le succès a été tout de suite au rendez-vous : 200 familles se sont portées candidates ! A l’issue d’une sélection impitoyable, les familles sélectionnées ont été accompagnées dans la construction du poulailler et elles ont été formées à l’accueil des gallinacés. Le 23 mars 2013, elles ont enfin reçu leurs poules lors d’une petite cérémonie destinée à faire encore parler de cette opération qui a alimenté de nombreuses conversations à Besançon. Pendant 3 mois, les 16 familles ont suivi un protocole très sérieux destiné à obtenir des résultats les plus précis possibles. Toutes les poubelles ont été pesées au quotidien. Les résultats sont impressionnants, le poids de la poubelle annuelle moyenne des familles participantes n’affichait plus que 110 kilos contre 181 en moyenne pour l’ensemble de la population. « Conclusion : faire du compost c’est bien, mais faire du compost et avoir des poules, c’est encore mieux ! » explique la famille Colin-Dutel. La réduction des déchets signifie également réduction de la facture. La famille Chirra qui réglait 158 euros par an pour sa taxe d’enlèvement des ordures, ne paye aujourd’hui que 105 euros. Le petit plus avec les poules, c’est qu’elles pondent ! En moyenne 150 œufs par an. Ce sont d’ailleurs souvent les enfants qui vont chercher les œufs frais tous les matins. Enfin, la fiente est un excellent engrais, à condition de la récolter ! Le mouvement a fait des émules. Voisins, amis, familles, nombreux sont ceux qui ont été séduits pas l’opération. À tel point que l’éleveur officiel des poules, le Couvoir Comtois, a vu ses ventes augmenter de 5% en 2013.

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Antony et la poule Piplette


Conserver la viande

Pour préserver la chaîne du froid, placer la viande dans un sac congélation dès qu’elle est achetée chez un commerçant. Acheter la viande en dernier au marché ou supermarché. La charcuterie découpée ne se conserve pas plus de 4 à 5 jours au réfrigérateur. Une viande cuite se conserve plus longtemps qu’une viande crue. La viande doit être placée dans la partie la plus froide du réfrigérateur. Ne pas empiler les barquettes préemballées. La meilleure manière de décongeler une viande, c’est au réfrigérateur. Enlever la viande de son emballage d’origine et la mettre dans un sac congélation avant de la placer au congélateur. Les saucisses et les steaks hachés achetés frais ne se conservent qu’un mois au congélateur. Durée de conservation au congélateur pour de la viande fraiche : veau et porc de 3 à 4 mois, agneau et bœuf, 6 mois.

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CheckFood : pour suivre son frigo à la trace !

Qui n’a jamais découvert au fond de son réfrigérateur une tranche de jambon ou un pot de crème fraîche, en se disant « ah, si j’avais su » ? Pour lutter contre cette sensation désagréable, des petits malins ont inventé une application mobile. Le principe : scanner les produits grâce à la caméra du smartphone et entrer la date limite de consommation. CheckFood, c’est le nom de l’application, vous préviendra quelques jours avant le date de péremption selon votre paramétrage. L’appli vous propose alors deux choix, manger ou donner le produit. Elle a été inventée lors d’un Hackthon, contraction de hacking et marathon. C’est un rassemblement de développeurs qui se constituent en équipes et doivent concevoir une application dans un temps donné. L’équipe de l’agence de communication numérique 5emeGauche en partenariat avec Eqosphere, a imaginé cette application pour répondre à l’engagement 11 du pacte de lutte contre le gaspillage alimentaire : expérimentation, sur un an, du 68


don alimentaire par les citoyens via une plate-forme numérique. Concrètement, si un consommateur se rend compte qu’un produit va se périmer mais qu’il n’est pas possible de le manger, il peut en faire don à une association. L’application n’en est qu’à sa première version, sortie le 16 juin 2014. Scanner tous les produits avant de les mettre dans le frigo ou un placard, c’est un peu fastidieux. Mais l’application a sans doute de beaux jours devant elle. Les développeurs travaillent sur une nouvelle version qui permettrait de scanner directement les produits lors du passage en caisse. Pour optimiser les dons, il faudra encore mettre en place un réseau pour collecter les produits et les distribuer aux associations intéressées. Des obstacles sont à prendre en compte comme le transport, le conditionnement ou le respect de la chaîne du froid. Des exemples dans ce livre ont montré que ces obstacles peuvent être franchis !

A RETENIR

Les Français convaincus de l’importance de la lutte antigaspi. Recettes nombreuses pour cuisiner les restes. Cuisiner demande plus de volonté que d’efforts. Beaucoup d’aliments pourraient être mieux conservés. Le compostage, recyclage utile des restes et des épluchures. Des applications sur smartphone pour mieux connaître les dates limites de consommation. Les fruits non récoltés dans les vergers privés, une ressource à exploiter. Une poule peut manger 150 kilos de déchets alimentaires par an et pondre au moins 150 oeufs.

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Restauration

LES BONNES IDÉES EN SELF-SERVICE C’est surtout à la maison que les Français prennent leurs repas ! 15% seulement sont consommés à l’extérieur. Sur ces 15%, la restauration collective est très loin devant avec 85% du total, soit 11 millions de repas servis tous les jours dont un quart dans les cantines scolaires. Les trois quarts restants se répartissent entre restaurants d’entreprises et d’administration ainsi que dans les établissements des secteurs de la santé et du social. Dans la restauration comme ailleurs, le gaspillage existe et des initiatives diverses montrent que des progrès sont possibles. On retrouve, sous d’autres formes, certains freins déjà évoqués dans les autres chapitres. Le premier pourrait se résumer à la « rentabilité » de la lutte anti gaspi. Autrement dit, les quantités sont-elles suffisantes pour lancer un programme ? Par exemple, pour la restauration collective, les produits non consommés dans une cantine scolaire peuvent-ils justifier le passage d’un camion réfrigéré et de deux salariés ou bénévoles ? Répondre 71


à ces questions nécessite un vrai travail d’étude et de réflexion en amont. Il est primordial de mesurer le plus précisément possible la quantité des produits à « sauver », leur nature, les exigences du transport, du conditionnement. Ne pas prendre le temps de travailler ces questions revient à prendre le risque de s’engouffrer dans une impasse. Il est fortement conseillé de s’inspirer et de profiter du travail effectué par d’autres. Nombreux sont les acteurs, et notamment dans le secteur associatif, qui sont tout à fait prêts à partager leur expérience comme au Mans où le restaurant de l’hôpital récupère les repas non consommés pour l’aide alimentaire. La lutte contre le gaspillage offre en plus l’occasion de renforcer l’information sur l’alimentation et la nutrition. Plusieurs initiatives présentées dans ce chapitre additionnent avec réussite aide alimentaire et éducation. Des cantines scolaires d’Angers à l’association Worgamic, on revendique clairement cette orientation. L’éducation est aussi un très bon moyen de lutter contre le gaspillage. Une meilleure connaissance de l’alimentation dans toutes ses dimensions permet de lui redonner une valeur. Dans les restaurants traditionnels, les quantités sont évidemment moins importantes. La lutte s’effectue davantage en amont comme le montre l’application « Stop au Gaspi ». L’éducation peut là aussi jouer un rôle comme le montrent les restaurateurs niçois mobilisés pour une carte haut de gamme avec des ingrédients proches de la poubelle. Enfin, une petite boîte peut-elle nous aider à dépasser le refus bien français de quitter le restaurant avec les restes de son repas ? Le site « Trop bon pour gaspiller.com» propose une solution nouvelle pour populariser le doggy bag. Angers : les écoles placent à la banque

Des écoles d’Angers offrent leurs surplus à la Banque Alimentaire du Maine-et-Loire. L’association avait sensibilisé l’EPARC (Etablissement Public Angevin de Restauration Collective) en 2007 sur les difficultés d’approvisionnement. L’EPARC avait répondu favorablement car en 72


dĂŠpit d’une gestion des quantitĂŠs au plus juste pour les 11.000 repas cuisinĂŠs par jour, il est impossible d’Êviter quelques excĂŠdents. Un an plus tard, le temps de bien caler tous les protocoles et le fonctionnement, 6 restaurants scolaires sur les 42 de l’agglomĂŠration s’Êtaient lancĂŠs dans l’opĂŠration. Ils sont aujourd’hui 14, tous situĂŠs au centre ville. Il serait difficile d’impliquer des ĂŠcoles situĂŠes en pĂŠriphĂŠrie car l’allongement du temps donnĂŠ par les bĂŠnĂŠvoles ne va pas de soi et le carburant coĂťte cher. L’EPARC a fait don de deux camions rĂŠfrigĂŠrĂŠs lors du renouvellement de son parc. La collecte s’effectue deux fois par semaine, le mardi et le vendredi. Ce sont principalement des produits emballĂŠs qui vont Ă la banque comme les yaourts, fromages, biscuits. Des fruits sont ĂŠgalement du voyage et des salades en sachet. A signaler que les produits consommĂŠs ne pourraient pas ĂŞtre resservis le lendemain car les menus changent tous les jours. Le but est ĂŠvidemment d’aider les personnes dĂŠmunies mais ce n’est pas tout. Le personnel encadrant et les employĂŠs de la cantine, ainsi que les animateurs, sont chargĂŠs d’expliquer les principes de la collecte et du don. Ils ont pour mission de sensibiliser les enfants au gaspillage alimentaire. La banque rĂŠcupère entre 120 Ă 240 kilos par semaine ce qui reprĂŠsente en moyenne environ 20.000 euros par an. ÂŤ Worgamic Âť : mieux connaĂŽtre les aliments pour mieux les respecter

L’information et l’Êducation sont, on l’a vu, des facteurs de progrès très importants dans la lutte contre le gaspillage. L’association ÂŤÂ Worgamic  l’a bien compris en dĂŠveloppant une pĂŠdagogie originale, notamment en direction du public des cantines scolaires. FondĂŠe en 2007, Worgamic a d’abord dĂŠveloppĂŠ ses activitĂŠs autour du lombricompostage en milieu urbain, dans des espaces rĂŠduits, petits jardins ou balcons. Aujourd’hui, l’association agit sur trois pĂ´les, l’agriculture locale et durable, le recyclage et la lutte contre le gaspillage. ÂŤÂ Nous avons ĂŠtendu nos activitĂŠs car depuis peu, ces sujets occupent de plus 73


Jardin partagé à Paris, géré par Worgamic.


en plus de place » explique Sébastien Chapel, cofondateur et seul salarié (pour le moment) de Worgamic. « Des initiatives et des engagements ont été pris au niveau européen. En 2013, la France a lancé le pacte. C’est un faisceau d’éléments qui nous a encouragés. » L’association, qui compte une trentaine de membres, a mené des opérations de lutte contre le gaspillage dans 5 écoles du Val d’Oise. Le but était, avec les enfants et l’équipe pédagogique, d’identifier le gaspillage et de le comprendre pour le réduire. La formation « Bien dans ma tête, bien dans ma planète » entend sensibiliser les enfants au développement durable tout en leur montrant qu’il est possible d’agir à leur niveau, auprès de leur famille ou de leurs amis. Dans la région de Sarcelles, des actions se sont passées dans les écoles de Saint-Brice-sous-Forêt, Ecouen et Ezanville. Les enfants ont imaginé des slogans du type « Qui jette les pommes de terre jette la Terre » ou « Stop au gaspillage alimen-Terre ». Toutes les formations reposent sur des jeux, mimes, quizz. D’autres animations du même type devraient voir le jour à Paris dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires. « Nous développons une pédagogie concrète et ludique » souligne Sébastien Chapel. « Nous voulons que les enfants s’impliquent, qu’ils touchent les produits, qu’ils les sentent. Nous tenons à ce que les enfants connaissent mieux les aliments, ce qu’ils apportent, d’où ils viennent. C’est très important pour lutter contre le gaspillage tout en vantant les mérites de l’équilibre alimentaire. » Worgamic a également organisé avec l’ONG GoodPlanet une opération de sensibilisation auprès des employés du Fouquet’s. Worgamic est par ailleurs en contact avancé avec une grande société de restauration collective. Le travail porte cette fois sur la récupération des surplus dans les cuisines centrales pour une redistribution aux associations d’aide alimentaire.

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Pain trié, séché et broyé

Nancy : valoriser le pain perdu des cantines.

Que faire du pain non consommé dans les cantines ? La question mérite d’être posée car les quantités peuvent être importantes. A Nancy, l’association « Pain contre la Faim 54 » (54 comme Meurthe-et-Moselle), a été fondée dès 1986. A l’époque, le projet était humanitaire et ne reposait que sur des bénévoles. Il s’agissait de récupérer du pain pour en faire une base destinée à la nourriture animale, le produit de la vente devant être reversé au profit de pays du Tiers Monde. Peu à peu, et face à la masse de pain potentiellement récupérable, l’idée a germé de faire évoluer l’association : un chantier d’insertion a été créé et l’activité s’est développée. Chaque jour, le pain, une fois trié, coupé, séché et broyé, est transformé en mouture pour la fabrication d’aliments destinés aux animaux. Le chantier d’insertion a été reconnu d’utilité publique en 2001. L’association dispose de 300 points de collecte. On trouve quelques boulangeries et grandes surfaces mais surtout les cantines des collèges et des lycées de la capitale lorraine et de son agglomération. Les restaurants 76


universitaires se sont joints au mouvement tout comme quelques restaurants d’entreprise. L’association « Pain contre la faim 54 » propose un débouché intéressant pour le recyclage du pain qui est très difficilement redistribuable. Le « public » visé étant les animaux, il n’y a pas de restriction pour réutiliser du pain déjà entamé. Récupérer des aliments pour nourrir des animaux, c’est un moyen reconnu de lutte contre le gaspillage alimentaire. C’est également un très bon moyen de limiter l’utilisation de terres cultivables. Le Mans : l’hôpital guéri du gaspillage

L’hôpital du Mans est le premier en France à faire profiter les plus démunis des repas en surplus. Le Centre Hospitalier Manceau est le plus gros centre non universitaire de notre pays. Riche de 1700 lits, il sert chaque jour près de 5.000 repas destinés aux patients mais aussi aux 4468 professionnels exerçant au CHM. Le responsable du service restauration, Didier Girard, était persuadé depuis longtemps qu’il était impossible de calculer les besoins au repas près. Il a donc eu l’idée de faire profiter les autres de la nourriture non servie. Au Mans, 12.000 per-

Bénévoles de l’ordre de Malte 77


sonnes se trouvent en dessous du seuil de pauvretĂŠ, soit 18% de la population. La passerelle ĂŠtait ĂŠvidente mais il a fallu beaucoup de temps pour concrĂŠtiser le projet (voir entretien ci-dessous). Concrètement, le service restauration du centre hospitalier place chaque jour Ă 17 heures dans de petits conteneurs les 40 repas (en moyenne) qui n’ont pas ĂŠtĂŠ consommĂŠs dans l’une des deux cantines de l’Êtablissement. Les bĂŠnĂŠvoles de l’association ÂŤ l’Ordre de Malte Âť se chargent de transporter la cargaison jusqu’au restaurant installĂŠ dans un hĂ´tel du centre ville oĂš sont logĂŠes des personnes en grande difficultĂŠ. Les mĂŞmes bĂŠnĂŠvoles se chargent ĂŠgalement du suivi et du service. Une autre association, ÂŤ Tarmac Âť, ĂŠmanation du ÂŤ pĂ´le veille sociale Âť de la ville du Mans, gère le choix des personnes bĂŠnĂŠficiaires. La formule fonctionne et devrait permettre de fournir sur une annĂŠe plus de 7 000 repas.

TROIS QUESTIONS à Didier Girard (responsable du service restauration de l’hôpital du Mans) :

Pourquoi a-t-il fallu 3 ans pour concrÊtiser ce projet ? •Didier Girard : Il a d’abord fallu dÊmontrer qu’il ne s’agissait pas de

donner pour donner et que nous avions d’abord cherchÊ en amont à rÊduire le gaspillage. Ce qui restait, il Êtait impossible de le rÊduire et je l’ai fait comprendre. Ensuite, il a fallu chercher des partenaires. J’ai espÊrÊ durant six mois que les Restos du Coeur allaient suivre mais ils ont refusÊ car je ne pouvais pas fournir 40 repas identiques. Or, c’est une exigence des Restos pour ne pas provoquer de jalousies voire de disputes chez leurs usagers. L’Ordre de Malte n’avait pas ce 78


souci et nous avons pu travailler ensemble. Enfin, il a fallu gérer les aspects réglementaires et sanitaires avec de nombreux documents officiels à remplir ! quels sont les freins que vous pouvez rencontrer ? •DGAujourd’hui : Le programme étant mis en place, il faut le faire vivre. Pour la

nourriture, pas de problème, mais ensuite, il faut des sacs poubelles, des produits d’entretien. On essaye de se débrouiller. On récupère des échantillons présentés dans le cadre de marchés publics : s’ils ne sont pas conformes pour l’hôpital, ils sont parfaitement utilisables pour nous. L’autre difficulté, c’est la quête permanente de bénévoles. On a besoin de personnes pour le transport et pour le service au restaurant.

souhaitez encourager d’autres hôpitaux à faire comme vous. •Ça Vous avance ? DG : Oui, et le Ninistère nous suit de près tout comme l’ADEME. L’Ordre de Malte est en train de prospecter dans d’autres villes. Marseille serait partante. Nantes et Dijon sont intéressées. Je pense qu’à partir de 1.000 repas distribués par jour, un hôpital peut s’engager. Je peux aider les candidats en leur donnant les documents nécessaires qui ont tous été formalisés.

« Stop au Gaspi » : une appli mini gâchis

L’application Stop au Gaspi permet aux restaurateurs professionnels de réaliser un audit de leurs déchets alimentaires. Une fois téléchargée sur un smartphone, elle permet au restaurateur d’analyser pendant 3 à 5 jours les quantités de déchets et de gaspillage qu’il produit pendant ses services. Pendant la durée de l’opération, Stop au Gaspi propose de diviser les déchets en trois catégories (stockage, préparation et table) qui doivent être pesées séparément. Dans la restauration collective il existe une catégo79


rie de plus, dite ÂŤ de service Âť (c’est Ă dire le gaspillage liĂŠ au plat non consommĂŠ en self-service). A la fin de l’audit, l’application offre une vision globale des dĂŠchets gĂŠnĂŠrĂŠs par le restaurant. Elle signalera ĂŠgalement si le poids constatĂŠ des poubelles est infĂŠrieur ou supĂŠrieur Ă la quantitĂŠ moyenne gĂŠnĂŠrĂŠe dans le secteur. Enfin, elle propose des conseils pratiques pour rĂŠduire efficacement le gaspillage. Cet audit pourra ĂŞtre reproduit dans le temps afin d’observer les progrès et les ĂŠconomies rĂŠalisĂŠs. L’application offre ĂŠgalement aux cuisiniers des recettes anti-gaspi ainsi que des conseils avisĂŠs de plusieurs grands chefs. Ce vĂŠritable outil de gestion pour les restaurateurs est gratuit. C’est le groupe agroalimentaire Unilever qui l’a dĂŠveloppĂŠ Ă l’occasion de l’annĂŠe europĂŠenne de la lutte contre le gaspillage alimentaire. Unilever profite de l’application pour promouvoir son offre Unilever Food Solution destinĂŠe aux restaurateurs. La boĂŽte antigaspi : Un doggy bag Ă la française

ÂŤ Outre-atlantique c’est une pratique courante, c’est un service rendu Ă la personne et pas du tout un acte antigaspi ou de protection de l’environnement Âť. Laurent Calvayrac est un passionnĂŠ d’emballage (oui, ça existe). Il a lancĂŠ un nouveau concept de doggy bag : La boĂŽte antigaspi. Il ne s’agit pas de copier ce qui est fait et depuis longtemps en AmĂŠrique du Nord. ÂŤ Ce serait complètement inconcevable d’amener l’idĂŠe du doggy bag en France avec des boĂŽtes en plastique qui finissent Ă l’incinĂŠrateur Âť. C’est pourquoi la boĂŽte antigaspi est entièrement rĂŠalisĂŠe en carton. Elle n’en est pas moins parfaitement hermĂŠtique grâce Ă un procĂŠdĂŠ inventĂŠ par un producteur du Nord de la France. Entièrement recyclable ou comtionnel. La boĂŽte affiche clairement son engagement dans la lutte contre le gas80


pillage. La fabrication est au point mais reste sans doute le plus délicat : convaincre les restaurants et les clients. « Les restaurateurs ne sont pas opposés mais ne sont pas équipés. Les clients aimeraient faire mais le côté “gêne” existe bel et bien » souligne l’entrepreneur. Pourtant, tous les sondages le montrent : les Français ne sont pas contre le doggy bag. Une étude de la Draaf Rhône-Alpes menée en 2013 montre que trois quart des sondés seraient prêtT à en utiliser un. Pour inciter les clients à se décoincer, la boîte antigaspi est complétée par une signalétique, un sticker, que les restaurateurs peuvent apposer sur leur devanture, ainsi que sur leur carte ou leur site Internet. Le logo porte la mention « Trop bon pour Gaspiller » qui est aussi le nom du site où on peut trouver la boîte antigaspi. Enfin, le doggy bag français peut être personnalisé par les restaurateurs et peux être complété de mentions informatives comme « à mettre au frigo dans les deux heures ». Laurent Calvayrac espère imposer sa boîte partout en France. Un pourcentage des bénéfices sera reversé à une association caritative. « Le Chaînon Manquant » : une place à prendre entre donateur et redistributeur

Après avoir exercé pendant dix ans le métier de directrice de projet dans le privé en France et aux États-Unis, Valérie de Margerie cherchait à redonner du sens à sa vie professionnelle. La lutte contre le gaspillage alimentaire s’est rapidement imposée, comme une évidence. Tout s’est ensuite enchaîné très vite : « L’association a été créée en février 2014 » raconte Valérie de Margerie. « La mairie de Paris nous a invités à présenter notre projet au sein d’un groupe de travail sur le gaspillage 81


alimentaire, co-piloté par le ministère de l’agroalimentaire. Il réunissait des professionnels de l’alimentation et en particulier des traiteurs.» Le projet était né : récupérer auprès des traiteurs et des restaurateurs des produits frais invendus comme des sandwichs ou des salades et les redistribuer à l’aide d’un camion frigorifique. L’idée reçoit très vite les adhésions nécessaires. La ville et les traiteurs s’engagent. Julien Meimon, rencontré au sein du groupe de travail sur le gaspillage alimentaire, s’engage personnellement en devenant le directeur exécutif de l’association. Roland Garros : jeu, set et mange ! Le tournoi de Roland Garros apparaît alors idéal pour une première concrétisation. Avec l’appui des traiteurs Potel et Chabot, Lenôtre et Eurest, de la Fédération Française de Tennis et de la ville de Paris, l’opération de récupération s’est déroulée pendant toute la durée du tournoi 2014. Chaque matin, le camion du Chaînon Manquant est venu chercher les denrées alimentaires non consommées la veille. La nourriture a été redistribuée en flux tendu aux associations d’aide alimentaire. C’est le travail de préparation en amont avec les entreprises qui a favorisé la réussite : « Dès le premier jour, tout était formalisé, préparé, emballé pour le ramassage. » Sur l’ensemble du tournoi, ce sont près de 15 000 repas qui ont été redistribués. Ici, pas de souci de logistique puisque les paquets sont directement acheminés au locaux des associations. C’est surtout d’ailleurs dans la distribution que le travail de préparation a été le plus minutieux. Il a fallu rencontrer toutes les associations, se renseigner sur leur public, leurs capacités de stockage, leurs préférences de livraisons. Selon Valérie de Margerie « il faut poser toutes les bonnes questions au départ pour éviter les refus de diverses natures. Par exemple il y a des contraintes de logistiques toutes bêtes : certaines associations ne voulaient pas qu’on arrive lorsque la population bénéficiaire était là. 82


Ou encore, difficile de donner 30 yaourts à une association qui sert 230 repas par jour. Il faut quelqu’un qui soit capable d’être réactif et qui connaisse bien les associations. » La quinzaine de bénévoles du Chaînon Manquant ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Depuis la rentrée 2014, ils ont un fonctionnement régulier : ils récupèrent les surplus de traiteurs le mercredi et le vendredi à Paris. La volonté est également de continuer à essayer de couvrir des activités évènementielles comme des rencontres sportives ou des salons. « J’ai l’impression que le gaspillage c’est un peu contre la volonté des uns et des autres. Les professionnels aimeraient vraiment faire quelque chose mais ce n’est pas simple, c’est une organisation difficile » reconnaît Valérie de Margerie. « C’est pour cela qu’il faut lancer une multitude d’initiatives. »

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Nice : des rebuts trois étoiles

Les Toques Brûlées ne sont pas un groupe de rock mais une association de restaurateurs niçois qui souhaitent montrer qu’on peut faire de la cuisine autrement, même avec des produits dont personne ne veut ! La jeune chambre économique de Nice Côte d’Azur les a contactés pour organiser un show culinaire anti-gaspillage le 1er juin 2014. Pour David Faure, président des Toques Brûlées, « il s’agissait de montrer que si les légumes ou les fruits sont un peu tapés ça ne veut pas dire qu’ils sont pourris et non comestibles. Il y a toujours une partie qu’on peut extraire pour en faire quelque chose de très bon ». Pendant 3 heures, les chefs ont cuisiné des plats à base de fruits et de légumes récupérés par la JCE auprès de producteurs locaux. Les passants chanceux en ont bien profité, gratuitement et avec en dessert une petite tranche de pédagogie. Les cuisiniers ont saisi l’occasion pour délivrer quelques messages de

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bon sens, comme par exemple acheter les bonnes quantités et préférer la qualité. David Faure, également Chef au restaurant gastronomique l’Aphrodite, décortique le problème : « Les gens voient des tomates à 90 centimes le kilo, ils n’ont pas besoin d’autant mais comme ce n’est pas cher ils achètent et à la fin ils jettent. S’ils avaient acheté moins et de meilleure qualité, ils n’auraient pas gaspillé et auraient mieux mangé. » Les bénévoles de la JCE ont distribué des flyers explicatifs sur le gaspillage agrémentés d’une petite recette des Toques Brûlées. La jeune chambre économique de Nice lance aussi un concours de logos pour identifier les restaurateurs proposant le doggy bag à leurs clients. Les restaurateurs niçois sont évidemment pour mais le président des Toques brûlées refroidit cette recette contre le gaspillage : « Mon restaurant est gastronomique. Pour ma clientèle, ce n’est pas très chic de repartir avec son reste de gamelle. Mais on le fait déjà sur le vin pour les gens qui n’ont pas fini leur bouteille. Sur les plats, il n’y a que 0,05 % des gens qui me demandent une barquette. Tiens, cela m’est arrivé hier pour la première fois depuis 1 mois ! » Et de conclure : « Il faut que des actions comme la nôtre se multiplient ! J’invite les médias à s’emparer du sujet. Une meilleure communication est indispensable. »

A RETENIR

La restauration collective représente 85% des repas hors domicile. Les manifestations sportives et les salons, des gisements à explorer. A partir de 1 000 repas par jour, un hôpital peut s’inscrire dans l’aide alimentaire. Profiter de la lutte contre le gaspillage pour améliorer l’éducation à l’alimentation. Privilégier pour les enfants des programmes ludiques et concrets. Les aliments emballés sont plus faciles à récupérer.

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Conclusion

Le temps des engagements La démonstration est faite : la lutte contre le gaspillage alimentaire est non seulement possible, mais elle est déjà en marche ! Partout en France, des hommes et des femmes rivalisent d’ingéniosité pour trouver des solutions plus malignes et innovantes les unes que les autres. Plus altruistes aussi, car l’aide alimentaire est souvent bénéficiaire de ces initiatives, placées sous le signe de la solidarité, une valeur qu’AGRICA, en tant que Groupe de protection sociale paritaire, porte et partage. Ces exemples nous confortent, si besoin en était, dans notre volonté de nous préoccuper d’un sujet qui, somme toute, nous dépasse largement puisqu’il questionne l’ensemble de la société. En matière de gaspillage alimentaire, nous pouvons tous être acteurs ! Partenaire du monde agricole et de ses entreprises, AGRICA compte aussi s’engager, à son tour pour apporter sa pierre à l’édifice : - en développant auprès de ses entreprises adhérentes des actions ciblées sur la nutrition car la lutte contre le gaspillage commence par un effort d’éducation, d’information et de pédagogie, à tout âge de la vie ; - en repérant sur les territoires des actions qui pourraient être reproduites ailleurs ou à plus grande échelle et en les relayant via nos supports d’information auprès de nos adhérents et de nos partenaires ;

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- en étudiant tout projet de partenariat dont l’objet, en lien avec le gaspillage alimentaire, serait en phase avec nos valeurs et notre vocation agricole. - en soutenant financièrement les projets les plus prometteurs, en particulier ceux qui allient lutte contre le gaspillage et insertion par l’activité économique ; - en créant un prix qui récompenserait les initiatives les plus innovantes et qui leur donnerait non seulement un soutien concret mais aussi une visibilité qui leur fait souvent défaut. Se préoccuper du gaspillage c’est questionner nos modes de vie, nos modes de production, nos modes de solidarité, c’est contribuer à inventer un avenir plus durable, et nous nous réjouissons d’en être partie prenante. François Gin Directeur Général du Groupe AGRICA

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Glossaire AFYREN Site : www.afyren.com Tel : 0 4 73 40 77 51 Mail : contact@afyren.com ANDES : le réseau des épiceries solidaires Site : www.epiceries-solidaires.org Tel : 01 71 19 94 29 Mail : communication@epiceries-solidaires.org Twitter : @AssoANDES Biogranulats® Site : www.biogranulats.com Tel : 04 75 58 95 79 Mail : direction@biogranulats.com Bleu Blanc Zèbre Site : www. bleublanczebre.fr Tel : 06 32 51 69 46 Mail : leszebres2014@gmail.com Twitter : @leszebres Casabee / Geneviève Férone Site : www.casabee.eu Tel : 01 45 23 20 27 Mail : contact@casabee.eu

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Centre Hospitalier du Mans Site : www.ch-lemans.fr Tel : 02 43 43 25 81 Mail : dgirard@ch-lemans.fr Croque ton jus Mail : kiwivert63@orange.fr Site : http://fr.ulule.com/croque-jus/ Facebook : Croque ton jus EPARC Site : www.eparc.fr Tel : 02 41 21 18 80 Mail : contact@eparc.fr Eqosphere Site : www.eqosphere.com Tel : 09 70 75 52 90 Mail : contact@eqosphere.com GreenWatt Site : www.greenwatt.fr Tel : 04 32 44 46 70 Mail : info@greenwatt.fr La boîte antigaspi Site : www.tropbonpourgaspiller.com Tel : 06 73 40 26 09 Mail : contact@tropbonpourgaspiller.com

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Le chaînon manquant Site : http://lechainon-manquant.fr/ Facebook : associationlechainonmanquant Twitter : @le_chainon Les Paniers de la Mer Site : http://www.panierdelamer.fr Tel : 09 53 89 04 12 Mail : contact@panierdelamer.fr La tente des Glaneurs de Caen Site : http://latentedesglaneurscaen.blogspot.fr Mail : latentedesglaneurscaen@hotmail.fr Facebook : La tente des glaneurs de Caen Les Toques Brulées Site : http://lestoquesbrulees.org/ Mail : info@lestoquesbrulees.org Pain contre la Faim 54 Site : www.pclf-epi-54.fr Tel : 03 83 30 51 83 Mail : pclf.54@wanadoo.fr Paris : le compostage collectif Site : http://blogs.paris.fr/compost/ Mail : dpe-compostage@paris.fr Quoi ma Gueule ? Site : www.lesgueulescassees.org Mail : contact@3couleurs.org

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SOLAAL Site : www.solaal.org Tel : 01 53 83 47 89 Mail : dons@solaal.org SYBERT Site : hwww.sybert.fr Tel : 03 81 65 02 38 Mail : elodie.geneste@sybert.fr The People’s Supermarket Site : http://thepeoplessupermarket.org/ Tel : 0044 20 7430 1827 Mail : office@thepeoplessupermarket.org Worgamic Site : http://www.worgamic.org/ Tel : 06 41 66 87 00 Mail : contact@worgamic.org Y’a quoi dans mon Frigo ? Site : www.yaquoidansmonfrigo.fr Facebook : Y’a Quoi Dans Mon Frigo? Twitter : @SylvieKitchen Zéro-Gâchis Site : https://zero-gachis.com/ Tel : 02 40 75 04 95 Mail : contact@zero-gachis.com

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CRÉDITS PHOTOS Afyren SAS (page 32) Lionel Cedran (page 43) Phyto-VALOR (page 27) Marcel/Intermarché (page 29) Jf Paga – Grasset (page 9) Xavier Remongin/Min.agri.fr (page 16) SYBERT (page 67) Aymeric Warme-Janville (page 48)

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Supervision du projet : Patrice Lepage Recherche et coordination : Christopher Kilian Conception et rÊalisation : Claude Petit-Castelli, Ecila Conseil Conception graphique : Nicolas Trautmann "DIFW� EhJNQSJNFS PDUPCSF TVS MFT QSFTTFT EF )# JNQSFTTJPOT -PVWJFST




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